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10
fév

Once in a lifetime - chapitre 11

   Ecrit par : admin   in Once in a life time

Chapitre 11 par Lybertys

 

Cela faisait plus d’une semaine que nous restions à la cabane. J’attendais patiemment que Gwendal reprenne un poids de forme et se retape. Au fils des jours, il avait commencé à aménager la pièce, la décorant parfois de bouquets de fleurs qu’il trouvait dans les environs. Mon compagnon de voyage me fit part qu’il avait l’impression de se sentir un peu comme chez lui ici et j’avais rit doucement, amusé. Mais au plus profond de moi, cette idée m’avait effrayé. Je ne voulais pas rester ici, je voulais continuer à avancer, comme un être en fuite perpétuelle. Car rester dans un endroit était pour moi avoir trop de temps pour penser et me rappeler, me souvenir de ce que j’avais fait. J’avais pris goût au voyage et je réalisais que c’était devenu comme une drogue, une drogue depuis trop longtemps consommée pour arriver à s’arrêter. C’était bien simple : la route me manquait…

Ce jour là, j’étais dans la rivière, tandis que Gwendal allongé sur le ventre à l’ombre d’un arbre me regardait. Le pantalon relevé jusqu’aux genoux, je tentais tant bien que mal d’attraper du poisson pour le repas de ce soir à l’aide d’un fils de pêche. Cela faisait plus d’une heure que je bataillais et je devais avouer que la patience nécessaire à la pêche n’était pas mon fort. Mais, obstiné, je refusais d’abandonner. C’est alors que, brisant le silence de ce milieu d’après-midi, Gwen m’appela :

- Hayden…

- Tais-toi ! Chuchotais-je, faussement contrarié. Tu fais fuir les poissons…

Je vis Gwendal esquisser un petit sourire amusé, tandis que je repartais à l’affût.

- Quand est-ce que l’on part ? Demanda-t-il.

Cette question si brusque manqua de me faire tomber, glissant sur une pierre bancale.

- Tu veux repartir ? Demandais-je, sans cacher ma surprise. Je croyais que tu te plaisais bien ici…

- Moi oui, mais je vois bien que ce n’est pas ton cas… Répondit-il doucement.

Comprenant que le sujet était sérieux, je ne répondis pas tout de suite et m’approchais de lui, abandonnant à contre-coeur mon idée de pêche. Une fois face à lui, je me laissais tomber sur le sol, m’asseyant en croisant les jambes.

- Je vais être honnête avec toi, déclarais-je en posant mon regard sur lui, sondant inquiet son état de santé. La route me manque, mais je ne veux pas repartir au risque de mettre ta santé en danger.

- En danger ? Répéta-t-il, incrédule. Je ne suis pas en danger ! Tiqua-t-il.

- Même si tu n’en montres rien, j’ai bien vu que tu avais perdu beaucoup de poids, Gwen… Tu n’étais déjà pas épais à la base, mais là c’est devenu flagrant…

A ces mots, je vis Gwen rougir, comme affreusement gêné. Croyait-il vraiment que je n’avais rien remarqué ? Donnant une réponse à ma question il commença, sans oser croiser mon regard :

- Comment tu…

- Le lacet ! Avouais-je avec un sourire un coin. Celui que tu as piqué sur ma chaussure pour attacher ton pantalon… Tu l’as laissé traîner l’autre jour…

- Oh… Souffla-t-il, gêné.

- Tout ça pour dire, repris-je plus sérieusement, que cela ne me gêne pas de rester ici le temps que tu te remplumes un peu. De plus, C’est à moi de faire un effort pour adapter mon rythme de marche au tien. J’ai bien vu que tu faisais ton possible pour suivre mon rythme sans te plaindre, mais je ne peux pas toujours te demander d’arriver à me suivre. Cela fait des années que je mène cette vie, alors que tu n’es à mes côtés que depuis quelques semaines. Du coup, c’est à moi de faire un effort et de m’adapter à ton rythme et de ralentir un peu.

Il sembla touché par mes mots, car il détourna le regard mal à l’aise. Mon coeur s’emballa malgré moi, je commençais véritablement à le désirer et j’avais de plus en plus de mal à réfréner ces pulsions. Mon corps parlait pour moi. Gwen déclara timidement sans se douter de quoi que ce soit :

- Je… Tu n’as pas à faire tous ces efforts pour moi Hayden… C’est moi qui me suis imposé à toi, alors c’est à moi de m’adapter… Et je… Je voudrais que tu me dises si ma présence t’ennuie…

Retrouvant tout mon sérieux, je pris son menton entre mes doigt et l’obligeai à me regarder, avec des gestes emplis de douceur :

- Tu ne me déranges pas le moins du monde, Gwendal, déclarais-je.

- Tu es sincère ? Demanda-t-il, ancrant son regard au mien.

- Je n’ai jamais été aussi sincère, déclarais-je, gravement.

Plongé dans son regard, je n’arrivais pas à décider lequel de ses yeux était le plus profond. J’aimais ses yeux pers, cela lui donnait quelque chose de si particulier et terriblement envoutant. J’aurais pu les regarder pendant des heures. Cependant, ce n’était pas du goût de Gwen qui tenta de se libérer ma poigne. Je libérais alors son menton, pour poser ma main sur sa joue, alors qu’il baissait les yeux, reportant son attention sur le sol.

- Pourquoi détournes-tu le regard ? Demandais-je, ma main posée sur sa joue, la caressant doucement. Tu as des yeux magnifiques… N’ai pas peur de les montrer…

- Mes yeux ne sont pas beau, Hayden, soupira-t-il sans pour autant relever la tête. Tu n’imagines pas ce que c’est d’avoir à assumer le regard des autres, d’avoir à accepter que les grand-mères se signent en me traitant de sorcière dès qu’elles croisent mon regard…

- En quoi leurs réactions t’importent-elles tant, Gwendal ? Demandais-je, agacé malgré moi. En quoi leur avis te tient-il tant à coeur ? Qui sont-ils ? Qu’as-tu à leur prouver ?

- Je… Commença-t-il, hésitant.

- Ignore les, Gwen… Tu ne leur dois rien ! Tes yeux sont une partie de toi, de ce que tu es… Ils sont juste, fascinant… Soufflais-je alors que mon regard accrochait à nouveau le sien.

Envouté, je fus à nouveau possédé par un vague de désir, plus forte que les précédentes. J’avais envie de gouter à nouveau à ses lèvres,  de le toucher, le caresser, de l’atteindre…

La distance qui séparait nos lèvres s’amenuisait dangereusement. Et alors que ma bouche effleurait enfin la sienne en une caresse éthérée, Gwendal sursauta violemment sans parvenir à retenir un cri de frayeur lorsqu’un coup de tonnerre retentit bruyamment au dessus de nos têtes.

L’instant suivant, une pluie diluvienne s’abattie sur nous, caractéristique de la fin de l’été. Nous relevant d’un bond, nous rassemblâmes précipitamment nos affaires avant de partir en courant vers la cabane. Les quelques dizaines de mètres que nous avions à parcourir suffirent pour que nous arrivions complètement trempés. Alors que nous courrions pour nous mettre à l’abri, j’entendis soudain Gwen se mettre à rire. Surpris, je me tournais vers lui, plus qu’étonné.

Pris d’un fou rire, il semblait incapable de s’arrêter, comme possédé par l’euphorie. Si je ne le connaissais pas, ainsi, à rire sous la pluie, trempé jusqu’aux os, on aurait pu croire à un fou.

- Gwen ? L’appelais-je déconcerté.

Lâchant ses affaires, il se mit à tournoyer sur lui-même, les bras écartés, le visage levé au ciel, offert à la pluie qui tombait, ignorant les grondements du ciel. S’il était fou alors j’étais fou de le trouver plus beau encore par ce qu’il dégageait. Posant les affaires à l’abri de la cabane, je courus le rejoindre.

Les yeux fermés, il ne me vit pas venir et manqua de tomber en vacillant. Sans plus attendre, je passais mes bras autour de ses hanches, laissant mon corps se coller à lui dans son dos. Gwendal se détendit presque aussitôt à mon contact, se laissant aller à mon étreinte. Emporté par notre élan, il se laissa aller à laisser ses mains rejoindre les miennes et avec tendresse, je nouais mes doigts aux siens, posés sur son ventre. Même son odeur reflétait sa pureté et sa fragilité.

Pourtant, là, au creux de mes bras, il semblait plus fort que jamais, atteignant un bonheur qu’il semblait n’avoir jamais connu. Il semblait, je l’espérais, avoir enfin compris l’essence même de la vie que je menais : cette liberté qui s’insinuait au plus profond de notre être prodiguant ce sentiment d’euphorie.

Mon regard posé sur lui, jamais il ne m’était apparut aussi beau. Le véritable Gwendal se dévoilait peu à peu. Je finis par fermer les yeux, laissant aller toutes mes autres sens en éveils. Je sentais l’eau glacée tomber sur nous et pourtant, je n’avais pas froid. Le parfum de Gwendal envahissait tout mon espace olfactif et ses mains étaient d’une douceur incomparable. L’eau tombait dans un bruit assourdissant et pourtant il me semblait entendre les battements d’un coeur aussi frénétique que le mien qui ne semblait pas m’appartenir.

Malgré moi je pris peur. Je commençais à sérieusement m’accrocher à cette vie de voyage à deux. Je savais que cela ne serait pas éternel, que Gwendal se lasserait. Personne ne pouvait voyager aussi longtemps que moi et garder toujours cette même volonté. Gwen était encore dans la découverte et la surprise. Ignorant ces pensées, je me choisis de me concentrer exclusivement sur ce que je ressentais là, maintenant, sous la pluie : un profond bien être.

Ce fut l’idée qu’il n’était pas bon pour la santé fragile de Gwen de rester ainsi sous la pluie qui me ramena à la réalité.

- Ne restons pas sous la pluie… Viens… Murmurais-je au creux de son oreille.

Détachant à contre coeur mon corps du sien, nos doigts s’enlacèrent comme pour ne pas rompre le contact. Regardant nos mains, Gwendal finit par reporter son attention sur moi, comme s’il revenait de lui.

égèrement éloigné de lui, je ne pu m’empêcher de lui sourire, heureux et toujours envouté par sa beauté. J’avais l’impression que nos routes ne se croisaient véritablement que maintenant. Et que Gwendal, d’une manière que je ne parvenais pas à déterminer, venait de m’atteindre là où jamais personne ne l’avait fait. J’étais heureux d’avoir fait sa rencontre et heureux de ce que cette rencontre m’apportait.

Gwendal se laissa docilement guider. Lentement, je l’entraînais vers la cabane. Une fois à l’intérieur, je refermais vivement la porte derrière nous afin d’éviter que la pluie ne nous suive à l’intérieur. Puis, me dirigeant vers le petit poêl qui trônait dans un coin de la pièce, je l’allumais. Lorsque le feu eu prit, je me tournais vers Gwen. Immobile, il était pris de tremblement. Sans perdre un instant, je me mis à frotter ses bras en une vaine tentative de le réchauffer.

- Tu ne devrais pas rester avec tes vêtements mouillés, Gwen… Change-toi avant que tu n’attrapes froid…

Honteux, il détourna le regard et jeta un coup d’oeil à l’unique pièce, cherchant très certainement un endroit discret où il pourait se changer. Je souris constatant en même temps que lui qu’il n’y avait absolument aucun recoin où il aurait pu se dissimuler. Comprenant son désarrois et toujurs amusé par tant de pudeur de sa part, je déclarais en souriant :

- Promis je ne te regarderais pas ! Allez, change-toi !

Pour lui prouver ma bonne volonté, j’allais me poster devant l’unique fenêtre, lui tournant le dos. Il vallait de toute façon mieux que je ne le vois pas se déshabiller. Ces derniers temps ce n’était pas innocemment que je le regardais…

Je fixais l’extérieur, tentant d’imaginer autre chose que son corps certainement à moitié nu derrière moi. J’allais même jusqu’à prendre une grande inspiration tentant de me calmer, mais rien n’y faisait. Mon imagination me jouait des tours… Il fallait sérieusement que j’arrête. Gwen n’était pas le genre à m’aider à soulager ses pulsions. Cela était surement du au fait que je n’avais pas eu de rapport depuis un certain temps. Un frisson de dégout me saisit à la pensée de ma dernière relation que j’avais connue mais je la repoussais rapidement, continuant de l’oublier volontairement. Ce fut à ce moment là que j’entendis une petite voix, affreusement mal à l’aise :

- Hayden…

- Il y un a problème Gwen ? Demandais-je sans me retourner.

- Je… Je suis coincé… J’ai… Besoin de ton aide… Souffla-t-il.

J’imaginais déjà ses joues rouges.

- Tu es conscient qu’en me demandant mon aide, cela me force à me retourner ? Demandais-je avec une pointe d’humour.

- Dépêches-toi ! Marmonna-t-il. J’ai froid.

Il ne m’en fallut pas plus pour me décider. Il me tournait le dos. Je me retins de rire lorsque je le vis ainsi coincé dans son tee-shirt, mais je déglutis lorsque mon regard se posa sur son dos nu à moitié dévoilé. Savait-il combien cela me coûtait ? Posant mes mains sur les siennes, j’entrepris avec douceur à l’aider à retirer son tee-shirt, dévoilant à mon regard ce que je m’étais interdit d’admirer.

Il était trop près de moi, trop facile à atteindre, trop tentant.  Alors qu’il baissait les bras, libéré de sa prison de toile, je ne pus m’empêcher de poser mes mains sur ses hanches nues, juste au dessus de son pantalon, provoquant chez lui un violent sursaut. Cependant, il n’esquissa pas le moindre geste et ne voyant rien qui pouvait me retenir, je déposais avec une douceur extrême mes lèvres sur son omoplate, cédant à la tentation de goûter enfin à sa peau. Elle était si douce, si sensible… Son odeur embaumait mon être entier et réveillait en moi un désir puissant que j’avais essayé de faire taire avec difficultés ces derniers temps.

J’aurais voulu continuer, l’embrasser plus près du cou, lécher sa peau, le goûter tout entier mais ce fut mon intimité brusquement éveillée qui me fit revenir à la réalité. Brusquement, je m’éloignait de lui. D’une voix rauque de désir, je déclarais difficilement :

- Finis de te changer, Gwen… Tu es glacé…

Puis, sans plus de cérémonie, je retournais près de la fenêtre, mes pas résonnant dans le silence seulement brisé par les grondements du tonnerre et la pluie qui tombait toujours. Mon rythme cardiaque était sensiblement accéléré, mon souffle saccadé. Le désir coulait dans mes veines, brûlant une à une toutes les barrières qui m’aider à me contenir. Fixant l’extérieur, je tentais de me calmer, mais je n’y arrivais pas. Gwendal finit par venir vers moi et déclara simplement :

- La place est libre…

M’empêchant de le regarder, je m’empressais de m’éloignait, le fuyant. Je ne pouvais pas rester là. Il fallait véritablement que je calme mes ardeurs, et quoi de mieux qu’une douche froide. Au lieu d’aller me changer, j’ouvris la porte de la cabane et la refermais en claquant la porte derrière moi.

Ignorant la pluie qui continuait de tomber, je me mis à courir aussi vite que je pus jusqu’au grand sapin que j’avais déjà remarqué. Une douche froide ne suffirait pas. Voilà bien longtemps que je n’en étais pas arrivé là. Un problème de partenaire était rarement mon quotidien. Trouvant l’arbre en question, je m’abritais dessous et caché de tous les regards, je m’assis sur le sol m’asseyant sur l’herbe sèche.

Lentement, je laissais ma main glisser jusqu’à l’ouverture de mon jean et laissais plusieurs fois glisser ma main dessus en une caresse éthérée qui ne fit que m’exciter d’avantage. Me déhanchant légèrement malgré moi, j’ouvris un a un chacun de mes boutons, tout en prenant soins de caresser mes cuisses et mon entrejambe. Fermant les yeux, je libérais mon sexe, poussant un gémissement de satisfaction.

S’il faisait froid tout autour de moi, j’avais l’impression de brûler d’un feu insatiable. Incapable d’y mettre fin, les seules images de Gwendal nu qu’il m’avait été offert de voir me revinrent à l’esprit et ce fut honteux que je commençais à me caresser plus intimement. Si Gwen avait eut la moindre idée de ce que j’étais en train de faire, il serait déjà partit en courant. Murmurant son prénom sans savoir me retenir, j’accélérais mes caresses, me perdant dans des pensées plus perverses les unes que les autres.

 J’avais l’impression de le sentir tout contre moi, de goûter sa peau, de me délecter de la saveur de ses lèvres et de respirer son odeur à plein poumon. Ma respiration se fit saccadée, mon rythme cardiaque endiablé. Les yeux toujours désespérément clos, je ne voulais m’arracher à cette idylle de mon imaginaire.

Ce fut en gémissant son prénom que je finis par me libérer dans mes mains. Je restais là encore un moment, soupirant de bien être, enfin calmé. Je restais là encore un moment, avant d’aller rincer mes mains à la rivière, honteux de m’être soulagé à l’insu de Gwen. Trempé jusqu’aux os, je commençais à avoir froid et n’eus d’autre choix que de rentrer. Poussant lentement la porte, j’espérais que Gwen aurait comprit la raison de ma fuite. Mais ce ne fut pas le cas. Allongé sur le ventre, un livre posé devant lui, il ne tarda pas à me demander, d’une voix légèrement tremblante :

- Tu étais où ?

- Je… J’ai cru avoir oublié quelque chose à la rivière, tentais-je en espérant qu’il n’insisterait pas.

- Tu mens ! Déclara-t-il simplement, sans relever les yeux de son livre.

Il n’y avait ni reproches, ni accusation dans sa voix, seulement une constatation. A l’entente de ses mots, je poussais un profond soupir et me dirigeant vers mon sac de voyage, je déclarais :

- Ecoute Gwen, je ne suis pas certain que tu ai réellement envie de connaître la raison pour laquelle je suis sortis.

Alors que je me changeais enfin, appréciant les vêtements secs, il déclara simplement :

- Fais bien ce que tu veux. Après tout, tu n’as pas besoin de moi.

Je ne répondis rien, et une fois que je fus changé, je vins m’asseoir à côté de lui. La pluie n’était pas prête de se calmer et je n’avais aucune envie de me retrouver enfermé ici avec un Gwendal boudeur. Gardant obstinément les yeux fixés sur son livre, il ignora ma présence alors que je tentais de lui parler. Ne supportant pas son attitude de gamin, je refermais brusquement son livre.

- Hey ! S’exclama-t-il, furieux.

- Ecoute-moi quand je te parles ? Déclarais-je, las.

- Parce que tu m’as écouté toi peut-être ? Siffla-t-il en se redressant avant de s’éloigner de moi.

Comprenant ses intentions de fuite, je lui attrapais le poignet. Il resta un instant immobile avant de reprendre brusquement son poignet, s’arrachant furieusement à ma poigne.

- Ne me touche pas !

Sur ces mots, il se redressa. Sentant la colère monter en moi, je fis de même et très vite, Gwendal se retrouva coincé entre le mur et mon corps, les poignets maintenant fermement au dessus de sa tête. Furieux, il m’adressa un regard assassin, en s’exclamant :

- Lâche-moi ! Tu n’as pas le droit !

- Je ne te lâcherais pas avant que tu m’es écouté ! Déclarais-je, ancrant mon regard dans le sien. Et arrête de gesticuler, ça ne sert à rien !

- Je n’ai pas envie de t’écouter ! S’exclama-t-il. Je n’ai que faire de tes excuses, s’entêta-t-il.

C’était incroyable comme il pouvait être têtu. Il mettait vraiment mes nerfs à rude épreuve.

- Ecoute-moi ! M’exclamais-je en haussant le ton, le faisant sursauter. Je suis désolé si je t’ai blessé d’une quelconque façon, repris-je plus doucement. Ca n’était aucunement mon intention…

- Je ne suis pas blessé ! Répliqua-t-il cinglant.

- Ah oui ? Pourquoi est-ce que tu me fuis ainsi alors ? Renchéris-je, un sourire en coin étirant mes lèvres.

Pour toute réponse, Gwen tenta une nouvelle fois de se soustraire à ma poigne.

- Tu me fais mal ! Siffla-t-il, furieux.

- Excuses-moi, soufflais-je, en desserrant ma prise.

- Je t’excuse ! A présent, lâche-moi ! Ordonna-t-il.

- Pas avant que tu ne m’ai écouté ! M’exclamais-je déterminé.

Il finit enfin par céder, cessant de se débattre. Il m’adressa un regard assassin qui me fit sourire. S’il cherchait à m’impressionner ou à me faire peur, c’était raté. Il décida alors de m’ignorer et reporta son attention sur la fenêtre. Soupirant bruyamment, je sus qu’il ne cesserait pas d’agir ainsi sans avoir entendu la vérité, même si celle-ci ne lui plairait pas forcément.

- Si je suis partis comme un sauvage c’est que… Commençais-je hésitant, cherchant mes mots pour ne pas le heurter. Je ne suis qu’un homme, Gwen… Avec mes désirs et mes faiblesses… Et tu es loin de me laisser indifférent…

A ces mots, je vis Gwen sursauter, surpris, ne s’attendant visiblement pas à cela.

- Je te désire Gwen, ajoutais-je gravement. Et si je suis parti, c’était pour éviter de faire une bêtise.

Gwendal s’empourpra violemment, comprenant enfin la raison de mon départ. Loin d’être complètement calmé, je posais à nouveau mon regard sur lui, le déshabillant du regard. Il était tout simplement beau à couper le souffle. Sans pouvoir me retenir, je posais sur lui un regard brûlant et empli de désir…

S’en apercevant, terriblement gêné, Gwendal détourna de nouveau les yeux, sous mon sourire attendrit. Il ne prononça pas le moindre mot, et ses joues se teintèrent d’un joli rouge carmin. Réalisant ce que j’étais réellement en train de faire, je libérais ses poignets et m’éloignais sensiblement de lui afin que nos deux corps ne soient plus en contact. Si je m’étais calmé une première fois, je n’avais aucune envie de recommencer maintenant et de retourner sous la pluie. Gwen resta immobile, encore en train d’assimiler mes révélations. Mais bientôt, je le sentis s’approcher lentement de moi et alors qu’il allait poser une main sur mon épaule, j’esquissais un mouvement de recul, un pauvre sourire dépeint sur les lèvres :

- Ca ne serait pas prudent… Déclarais-je simplement. Je… Je crois qu’il vaudrait mieux que tu dormes dans ton duvet ce soir…

Les joues brûlantes sous mon insinuation, il esquissa à son tour un pas de recul, terriblement gêné.
La soirée se déroula lentement, dans un silence gêné. Nous étions couché depuis plusieurs heures, mais entendant Gwendal tourner et retourner dans tous les sens, je compris qu’il avait autant de mal à s’endormir que moi. Cela faisait plus d’une semaine que nous dormions côte à côte et il était étrange de ne pas passer une nuit contre lui. Plongé dans mes pensées, je l’entendis pousser un énième soupir de lassitude avant de l’entendre de lever et sortir.

Ne trouvant pas non plus le sommeil, je décidais d’aller le rejoindre. Rien de mieux que d’observer le calme de la nuit après un orage. Je ne tardais pas à le retrouver, assis dans l’herbe que la pluie n’avait pas pu atteindre. Je vins m’asseoir à ses côtés. Remarquant ma présence, il m’adressa un simple sourire auquel je répondis, puis nous reportâmes notre attention sur les bois. Nous restâmes ainsi, silencieux, l’un à côté de l’autre, admirant la beauté de la nuit, sans qu’aucun de nous n’ose briser le calme de la nuit. Finalement, Gwendal fut le premier à se jeter à l’eau :

- Comment tu l’as découvert ? Demanda-t-il.

- Découvert quoi ? Répétais-je, surpris.

- Ton homosexualité, répondit-il en se tournant vers moi.

- Oh ça… Soufflai-je amusé. Et bien… Au fond de moi, je crois que je l’ai toujours su… Peut-être est-ce à cause de ma mère… A la voir se faire passer dessus par tous ces mecs… A voir dans l’état dans lequel elle était chaque jour, à la voir en redemander encore, à faire la salope pour quelques euros… Peut-être est-ce cela qui m’a dégoûté des femmes, je ne saurais le dire… Quoi qu’il en soit, dès le collège, je n’ai jamais porté la moindre attention sur les filles… Au contraire, voir ses pré-adolescentes se trémousser avec des vêtements vulgaires pour attirer l’attention des garçons… Tout cela me répugnais ça me rappelais bien trop ma mère, ce qu’elle était devenu… Instinctivement, je sais pas, je me suis surpris à observer les garçons et je ne m’en suis pas retrouvé dégoûté, comme avec les filles… Lui répondis-je avec sincérité, sans la moindre gêne.

- Comment l’a prit ta famille quand ils l’ont appris ? S’enquit-il alors.

- Je ne connais pas mes grands-parents, ceux-ci ayant renié ma mère lorsqu’elle a commencé à se vendre… Quant à ma mère, elle s’est mise à hurler, me criant que j’étais un monstre, que je la dégoûtais…

Je me souvenais amèrement de ce jour. C’est à partir de ce moment précis qu’elle avait augmenté ses doses… Mon coeur se serra. Je ne voulais pas y penser. Gwendal ne fit aucun commentaire, gardant pour lui ses impressions. Après un long silence cependant, il finit par prendre à nouveau la parole :

- Père et mère ont toujours eut une vision plus que négative sur l’homosexualité, ne cessant de se plaindre d’eux et les dénigrant comme des moins que rien. Pour eux, le SIDA est de leur faute… Ils disent qu’ils l’ont bien mérité, qu’à force de forniquer à tout va, il fallait bien que quelque chose les punissent… Ils disent que c’est contre-nature… J’avais un cousin… Lorsqu’il a décidé d’assumer son homosexualité et qu’il a présenté son ami à ses parents, il s’est fait renié comme un malpropre et mettre à la porte, comme on jeterai une paire de chaussette abimée à la poubelle… Je ne l’ai jamais revu… Je ne sais pas ce qu’il est devenu… Et pourtant, il était quelqu’un que j’appréciais énormément… Peut-être l’un des seuls d’ailleurs… Mais parce qu’il était différent de ce qu’ils auraient voulu qu’il soit, ils l’ont tous renié, sans chercher à le comprendre, sans se mettre à sa place et essayer d’imaginer ce qu’il a du ressentir… J’ai haïs ma famille plus qu’il n’était possible après ça… Cette famille qui n’en est pas une, avec leurs valeurs préhistoriennes et leurs préjugés… Cette famille qui ne jurent que par leur statut social et se foutent du bien être de leurs enfants… Pour eux, nous ne sommes qu’un moyen d’assurer la lignée de la famille et, en nous utilisant intelligemment en nous mariant avec des hommes ou des femmes influant, d’assurer leur bien-être et leur place dans la société… Et dès qu’un des enfants sort du droit chemin, dès que l’un d’eux se met à montrer des signes d’anomalies ou des tares, comme l’homosexualité, on le renie… On le chasse de cette famille soit disant unie, afin de ne pas salir son nom… Cracha-t-il, comme envahi d’une fureur que je ne lui connaissais pas.

- Et toi ? Demandais-je en me tournant vers lui. Quel est ton point de vue ?

- Je… Je ne sais pas, souffla-t-il, gêné. Je ne pense pas avoir de point de vue particulier… Les sentiments ne se contrôlent pas, ce n’est pas nous qui choisissons la personne, c’est notre coeur… Et lui se fout que la personne qu’il aime soit un homme ou une femme…

- Tu as l’air de parler en connaissance de cause… Soufflais-je, un sourire amusé étirant mes lèvres, surpris d’une telle réponse de sa part.

- Moi ? Non… S’empressa-t-il de répondre, affreusement gêné.

- Menteur, sourit-je. Tu rougis…

- C’est de ta faute ! M’accusa-t-il en se tournant vers moi. Tu poses des questions gênantes.

- C’est toi qui a abordé le sujet… Répliquais-je.

Il ne répondit rien, se contentant de détourner les yeux, mal à l’aise sous mon regard qui se faisait de plus en plus insistant et que je ne parvenais pas à contrôler. Finalement, après un long silence gêné, il me demanda, changeant délibérément de sujet :

- Hayden ?

- Oui Gwen… Répondis-je avec une pointe d’amusement dans la voix.

- Jusqu’où tu serais prêt à aller pour ta liberté ? Demanda-t-il.

- Comment ça ? Dis-je de plus en plus surpris par ses questions.

- Je veux dire, que sacrifice serais-tu prêt à faire ? Que serais-tu capable d’abandonner derrière toi pour rester tel que tu l’es aujourd’hui ? N’as-tu jamais songé à t’arrêter et t’installer quelque part ? N’y a-t-il jamais eu personne qui t’as donné envie de te poser, d’abandonner la vie que tu menais jusqu’à maintenant pour elle ?

Je ne pus m’empêcher de soupirer. Gwendal avait le don pour me poser des questions que je n’aimais pas. Il abordait toujours des sujets sensibles.

Fixant les bois, je finis par lui répondre :

- Je ne sais pas, avouais-je. Je ne me suis jamais suffisamment attaché à quelqu’un pour avoir envie de tout abandonner pour lui… Je n’ai aucune attache nulle part, Gwen comme une feuille morte qui s’envole au premier coup de vent… Je me pose au gré de mes envies, mais, un jour ou l’autre, le désir de repartir se fait de plus en plus pressant, jusqu’au jour où, finalement, je finis par lui céder… Je suis comme ça, Gwen, c’est dans ma nature…

Après une courte pause, je repris :

- Le seul pour qui cela a été beaucoup plus difficile que je ne le pensais, à été Julien… J’étais prêt à tout plaquer pour lui… A arrêter de voyager et m’installer avec lui… Mais finalement, encore une fois, l’appel de la liberté à été le plus fort…

Je l’avais fait espérer. Et je l’avais blessé. Toute ma vie, je ne pourrais me départir de cette culpabilité.

- Il t’arrive de regretter ? Demanda-t-il, comme touché. Tu ne t’es jamais demandé ce qu’aurait pu être ta vie si tu étais resté près de lui ?

- Tu ne t’arrêtes jamais de poser des questions ? Lui demandais-je en riant.

- Désolé… Souffla-t-il en détournant le regard, honteux.

- C’est bon, je plaisantais, le rassurais-je. Tant qu’on en est aux confidences, autant parler non ? Et pour répondre à ta question, non, je ne regrette pas… Je sais que Julien a une meilleure vie que celle qu’il aurait eut avec moi si j’étais resté…

- Comment peux-tu en être certain ? Demanda-t-il en me regardant.

Tournant la tête vers lui, un sourire amusé, je déclarais :

- Tu as toujours réponse à tout, n’est-ce-pas…

Rougissant à nouveau, il frissonna légèrement sous la fraîcheur de la nuit. J’aurais bien voulu le prendre dans mes bras, mais je me l’interdit. Je repensais à ce qu’il venait de me dire. Regretter n’était pas dans mon mode de vie. Cela ne servait à rien de regretter le passé. Tout ce qui m’importait, c’était que Julien soit heureux. Je n’étais simplement pas fait pour une relation.

- Et toi… Déclarais-je après un instant de silence en lui souriant. Parle-moi un peu de toi ?

- De moi ? Répéta-t-il, confus.

- Oui, souris-je, de toi…

- Il n’y a rien à dire, soupira-t-il en détournant les yeux. Je m’appelle Gwendal, j’ai vingt ans et je me suis enfui avec un inconnu lorsque mon père m’a contraint à un mariage forcé… Tu vois, ma vie n’a rien de bien passionnant…

- Il y a forcément d’autres choses à dire, m’entêtais-je. Ce que tu aimes, ton enfance, la famille on va éviter, ajoutais-je, lui arrachant un petit sourire, tes goûts, tes rêves… Tu vois, il y a pleins de choses à dire sur toi…

- Pourquoi est-ce que tu veux savoir tout ça ? Demanda-t-il, surpris, en croisant mon regard.

- Ce n’est pas ce que font deux personnes qui voyagent ensemble ? Chercher à se connaître… Demandais-je en souriant, reprenant ses propres mots.

Gwendal sourit. A chaque fois qu’il souriait, il était encore plus beau… Reportant son regard devant lui, il commença à parler après un instant de silence :

-  Je n’ai jamais vraiment réfléchis à tout ça, avoua-t-il. Dès mon plus jeune âge j’ai toujours fait ce que l’on me demandait, parce que c’est comme cela que l’on m’a élevé et c’est ce que l’on attendait de moi… Je suis fils unique et mes parents n’ont jamais été très présents pour moi, mais mon rôle de fils unique me contraignait à me plier à leurs exigences… C’est pourquoi, je n’ai jamais discuté leurs ordres, faisant ce que l’on exigeait de moi…

- Et pourtant, tu t’es enfuis de chez toi lorsqu’ils ont voulu te marier… Commentais-je.

- Oui, souffla-t-il. Peut-être ai-je été docile trop longtemps, ajoutais-je avec un petit sourire amer. Je n’avais peut-être rien à moi, mes goûts étaient ceux que l’on m’imposaient, mais j’ai toujours eu ce désir au fond de moi… Quand j’étais petit, je rêvais que j’avais des ailes, et que je m’envolais loin de chez moi… Je rêvais de découvrir le monde, de rencontrer les gens que j’aurai aimé rencontrer et non ceux que l’on m’imposait… Je voulais tant être… Normal…

- Et maintenant ? Demandais-je en me souriant. Est-ce que la vie que tu mènes à présent te plait davantage ?

- Bien plus, répondit-il sincère avant de se rembrunir. Tellement qu’il m’arrive de croire que tout cela n’est qu’un rêve… Que si je ferme les yeux trop longtemps, lorsque je les ouvrirais, je me réveille dans ma chambre et que tout ce que j’ai vécu jusqu’à présent ne soit qu’une douce illusion…

Délicatement, ma main vint se poser sur sa joue, et avec une douceur infinie, je l’incitais à tourner la tête vers moi. Nos regards se croisèrent, chamboulant Gwendal. Avec ce que je m’apprêtais à faire, j’étais certain qu’il ne croirait plus à une illusion. Je voulais le ramener à la réalité et de la manière la plus douce qui soit. Lentement, je me penchais vers lui, cédant à la tentation, mon regard toujours ancré au sien, alors que Gwen ne bougeait pas, semblant parfaitement conscient de mes intentions.

Lentement, comme pour ne jamais le heurter, je posais mes lèvres sur les siennes. Gwen poussa alors un soupir de satisfaction qui me fit esquisser un sourire. Bientôt, mes lèvres s’entrouvrirent sur ma langue qui, tendrement, vint caresser ses lèvres, pour l’inviter à les entrouvrir. Enivré par son odeur et le goût si particulier de ses lèvres, je fermais les yeux, le sentant s’abandonner à moi. Cédant à mon invitation, il entrouvrit timidement les lèvres. Il ne m’en fallut pas plus et l’instant suivant, ma langue se faufilait entre ses lèvres, partant à la recherche de la sienne.

Lorsque nos langue s’effleurèrent en une tendre caresse, je sentis Gwendal frissonner violemment. Délicatement, je posai sa main sur ma joue alors qu’il n’osait esquisser le moindre mouvement. Très vite, notre échange gagna en intensité. Ma langue entraîna la sienne en un ballet vieux comme le monde. Soudain, ce fut trop pour moi et pris d’une frénésie incontrôlable, je le guidais dans un baiser fiévreux qui n’avait plus rien à avoir avec ceux que nous avions échangé jusqu’à maintenant.

Mon rythme cardiaque s’accéléra, possédé par le désir, je pressais mon corps contre le sien. Ce fut son corps tendu qui me montra que j’allais trop loin. Il était en train de prendre peur. Reprenant brusquement mes esprits, je m’écartais vivement de lui, rompant brusquement le baiser. Je m’étais laissé prendre… Il était rare que j’éprouve une telle attirance pour quelqu’un… Peut-être était-ce du à son inaccessibilité…

- Excuse-moi, murmurais-je, ma main caressant doucement sa joue. Je me suis laissé emporter… Ca va ?
- Je… Oui… Murmura-t-il, plus qu’embarrassé.

- Alors, demandais-je après un court instant, reprenant notre conversation où nous l’avions laissée. Tu crois encore que tout ceci n’est qu’une illusion ? As-tu déjà rêvé d’être embrassé par un homme, même dans tes rêves les plus fous ?

- Jamais… Avoua-t-il les joues rouges.

- Alors ceci n’est pas un rêve, Gwen… C’est réel… Déclarais-je en souriant.

Il ne répondit rien, et le silence nous enveloppa à nouveau. Finalement, la fatigue le gagna et alors qu’il étouffait un baîllemnt, je déclarais :

- Allez, va dormir… Tu tombes de sommeil…

Après m’avoir souhaité une bonne nuit, il retourna dans la cabane. Pour ma part, je continuais d’observer la forêt avec envie. Je pouvais entendre au plus profond de mon être, me crier de reprendre la route. Poussant un soupir, j’allais à mon tour me coucher. Je ne tardais pas à trouver le sommeil, emporté dans des rêves sans images…

Finalement, nous ne reprîmes la route que trois jours plus tard, la pluie n’ayant pas cessée avant. Au matin du quatrième jour, profitant d’une éclaircie, nous rangeâmes nos bagages et reprîmes la route. Si Gwendal avait du mal à quitter cet endroit il n’en laissa rien paraître. Pour ma part, la joie de reprendre la route embaumait mon coeur d’étincelles.

Nous marchâmes pendant deux jours avant de finalement prendre le bus jusqu’à Birmingham. Là, après une nuit à l’hôtel, nous prîmes le train jusqu’à Edimbourg. Je lui avais avoué avoir un ami là bas et lui avais demandé s’il était d’accord pour lui rendre visite. A sa mine renfrognée, j’avais éclaté de rire en lui expliquant que cet ami n’était pas le moins du monde attiré par les hommes et que je n’avais jamais eus d’aventure avec lui. Partiellement rassuré, il avait tout de même fini par accepter.

Et après une petite semaine de marche, nous arrivâmes enfin à Fakland, une petite ville au nord d’Edimbourg. Ne m’y étais jamais rendu, ayant rencontré Darren en Angleterre, je demandais mon chemin et nous arrivâmes enfin à la petite villa un peu en retrait de la ville dont il m’avait tant parlé. Là, je passais devant lui et allait frapper à la porte. Ce fut une jeune femme qui vint nous ouvrir et que je ne connaissais pas. D’un ton poli, je demandais :

- Bonjour, est-ce que Darren MacKay est là, s’il vous plait ?

- C’est de la part de qui ? Demanda la jeune femme un peu sceptique.

- Hayden…

- Chéri ! Appela la jeune femme en se tournant vers l’intérieur. Un certain Hayden demande à te voir.

L’instant d’après, Darren, sorte de gros ours, fit irruption dans l’encadrement de la porte. Je souris en voyant Gwendal esquisser un pas en arrière. Darren était tout simplement immense. Mais ses yeux bleu et ses cheveux roux dégageait quelque chose de tendre. Darren était tout sauf un mauvais type, il ne fallait simplement pas le chercher trop longtemps.

- Par la barbe de Merlin ! S’exclama Darren avec un grand sourire. Hayden ! Qu’est ce que tu fais là, mon vieux !?

L’instant d’après, comme il en avait pris l’habitude, il m’attrapa à l’aide de ses deux bras énorme et me soulevant de terre comme si je ne pesais rien, il me serra contre lui. Me serrant plus fort qu’il n’était capable de le supporter, il m’étouffa presque.

- Salut Darren ! Soufflais-je en lui rendant son étreinte. Content de te voir vieux !

Nos embrassades s’éternisèrent avant que je ne me souvienne de la présence de Gwendal. Me tournant vers lui, je fis les présentations et Gwendal lui serra poliment la main retenant tant bien que mal un gémissement de douleur sous sa poigne de fer.

C’est avec entrain que Darren nous invita à entrer chez lui et après nous avoir présenté sa compagne, Blair, il nous offrit à boire.

Très vite, la discussion s’engagea entre Darren et moi et c’est à peine si je vis disparaître Gwendal dans la cuisine. J’avais rencontré Darren lors d’un travail et l’amitié s’était tout de suite créée. A son départ, il m’avait fait promettre de venir lui rendre visite dans la villa qu’il venait d’acquérir, trop heureux de rentrer enfin dans son pays. Il m’interrogea sur ce que j’avais fait durant tout ce temps là et il ne fut pas surpris de voir que je n’avais pas changé. Sa seule surprise fut que j’ai un compagnon de voyage. Brièvement et confiant, je lui racontais comment je l’avais rencontré.

Darren m’apprit qu’il allait se marier avec Blair. Heureux pour eux, je le félicitais en lui souhaitant tous mes voeux de bonheur. Il le méritait. A mes souvenirs, sa dernière copine l’avait quitté sans la moindre considération et il avait eu beaucoup de mal à se relever. Il semblait avoir enfin atteint le bonheur qu’il espérait et me parla même d’enfants qu’il espérait avoir.
Le soir, nous fûmes conviés à rester dormir et lors du dessert, Darren, après avoir probablement reçu l’accord de sa future épouse, nous proposa de rester pour leur union, chose que je m’empressais d’accepter avec une joie non feinte.

La soirée du s’éterniser, car Gwendal s’endormit, la tête callée contre mon épaule. Ce fut à ce moment là que Darren me souffla, comme attendrit :

- Je suis content que tu ais trouvé quelqu’un avec qui partager ta vie et qui suive ton rythme.

- Que veux-tu dire pas là ? Lui demandais-je en fronçant les sourcils.

- Je veux simplement dire que vous faîtes un très beau couple.

Si ce mot m’hérissa je n’en laissais rien paraître et riant légèrement je m’empressais de le corriger :

- Darren, nous sommes simplement des compagnons de voyage, rien de plus.

- Je ne pense pas que Gwen te voit simplement comme un compagnon de voyage, souligna Blair avec une moue dubitative.

- Quoi ? Qu’est que vous allez vous imaginez… Gwen n’éprouve pas ce genre de sentiments pour moi. Dis-je en posant mon regard sur lui. Il est plus souvent choqué et dégoûté par mon style de vie.

- Pourtant, ce n’est vraiment pas ce que ses yeux te disent, argumenta Darren.

- Je pense que votre imagination est trop fertile, répliquais-je. On ne tombe pas amoureux de quelqu’un aussi vite. Surtout de moi. Non, ce n’est pas possible, répliquais-je comme pour me convaincre et faire taire le doute qu’ils venaient de faire naître en moi.

- Si tu le dis… Mais méfie-toi quand même. Gwendal a l’air d’être un garçon sensible, conclu Blair.

- Pas comme toi, ajouta Darren en riant.

Je fus blessé d’être traité de coeur de pierre mais je ne répondis rien. Après tout, il touchait peut être dans le vrai. Je n’étais tout simplement pas capable d’aimer. Mais il était simplement impossible que Gwen éprouve quelque chose pour moi. De l’affection peut-être mais rien de plus. Il en était de même pour moi. J’éprouvais de la tendresse, de l’affection, une volonté de le protéger, mais ça s’arrêtait là.

Le dimanche matin, nous nous préparâmes tous pour la cérémonie qui devait avoir lieu en fin de matinée. Darren venait de me donner des vêtements pour Gwendal et je m’empressais de les lui apporter. Il était en train de s’habiller dans la salle de bain et sursauta à mon arrivée. Lui tendant une chemise blanche et un pantalon noir, je déclarais :

- Tiens, met ça ! Et fait quelque chose pour tes cheveux ! Ajoutais-je en les avisant soigneusement peignés. Comme le matin quand tu te réveilles par exemple ! Ajoutais-je, un sourire en coin étirant mes lèvres.

- Tu veux dire que j’ai l’air de sortir de mon lit ? S’exclama-t-il, surpris.

- Ou du mien, de préférence ! Répondis-je avant de quitter aussitôt la pièce, amusé de voir l’air stupéfait de son visage.
Il était définitivement trop facile de le faire marcher. Pour ma part, déjà près, j’allais rejoindre les autres dans le salon.

Quelques instants plus tard, discutant avec Blair des derniers préparatifs, je ne pus m’empêcher de m’arrêter en plein milieu de ma phrase en voyant Gwendal apparaître. Dans ses vêtements pourtant si simples, il était de toute beauté. Un ange… Face à mon regard intense, Gwendal détourna le regard, mal à l’aise, et une fois de plus rougissant. Blair s’approcha de lui tout sourire :

- Tu es ravissant, Gwendal ! Déclara-t-elle.

Il lui adressa un petit sourire de remerciement puis nous nous mîmes en route.

Ce n’était pas le premier mariage auquel j’assistais mais je fus particulièrement heureux pour mon ami lorsqu’ils échangèrent enfin leurs voeux et leurs anneaux avant de s’embrasser passionnément. Au fond de moi, je savais que cela m’était interdit, que jamais je ne connaitrais ce qui les liait aussi profondément. Je me l’interdisais. Je n’avais pas le droit, pas après ce que j’avais fait à ma mère et ce qu’elle avait fait de moi.

Durant la fête qui suivit, je fus heureux de voir Gwendal passer sa soirée à danser avec Blair ou Darren, ceux-ci l’ayant visiblement très vite adopté. Pour ma part, j’étais engagé dans une profonde discussion sur mon style de vie avec le cousin de Blair qui rêvait de voyager.

Lorsque vint le moment des slows, Gwendal alla rejoindre sa place, regardant simplement danser les autres, le menton calé dans sa main. Repensant au slow que nous avions dansé tous les deux, j’eus envie de retenter l’expérience. Charmé par sa beauté, je m’approchais de lui alors qu’il semblait prêt à aller faire un tour dehors. Charmeur, je m’approchais de lui dans une démarche féline. Il commençait à occuper très sérieusement toute mes pensées. Ainsi vêtu, il semblait être un ange venu tout droit des cieux dont aucune beauté ne pouvait égaler. M’approchant de lui, je lui tendis la main, et le regardant dans yeux, un tendre sourire étirant mes lèvres, je demandais :

- Tu viens danser ?

Comme pour s’assurer que c’était bien à lui que je parlais, il regarda autour de lui et s’aperçut qu’il était le seul à ce coin de la table. Amusé de le voir réagir ainsi, je fus heureux de le voir rougissant, attraper timidement ma main. Fier, je l’entraînais à ma suite sur la piste de danse, au milieu des couples tendrement enlacés. Puis avec une tendresse qui me surprit moi même, ne m’inspirant rien d’autre lorsque j’étais à ses côtés, je passais mon bras autour de sa taille, l’attirant délicatement à moi.

Timidement, Gwendal enlaça ses doigts au mien tandis que je le regardais en souriant. Bientôt, nous commençâmes à danser au rythme lent de la musique. Lentement, je pus sentir Gwendal finir par se détendre, se laissant complètement aller entre mes bras. La tête calée sur mon torse, j’ignorais s’il pouvait percevoir les battements endiablés de mon coeur. Mes doigts passaient et repassaient dans son dos, l’effleurant en une caresse aérienne à travers sa chemise. Je ne pus m’empêcher de sourire de contentement lorsque je l’entendis soupirer longuement de bien-être.

- Ca va ? Lui demandais-je.

- Oui, répondit-il dans un murmure.

Pour toute réponse, je lui embrassais les cheveux, envahi d’un sentiment étrange qui ne m’inspirait que douceur et tendresse à son égard. Je n’aurais su dire combien de temps nous restâmes ainsi enlacés, guidés par le rythme de la musique. Au bout d’un long moment, fatigué, Gwen redressa la tête et d’une petite voix, il déclara :

- Hayden… Je voudrais rentrer… Je suis fatigué…

- D’accord, répondis-je. Va chercher ta veste, je vais prévenir Darren que nous rentrons…

Me séparant de lui à contre-coeur, j’allais glisser un bref mot à Darren, le félicitant encore une fois pour ce jour qui allait changer sa vie. Il me donna un double des clefs de sa maison. Revenant vers Gwendal, celui-ci était en train d’enfiler sa veste. Sans un mot, je lui souris avant de le prendre par la main, l’entraînant à ma suite. Le chemin jusqu’à chez Darren n’était pas long et se déroula dans le silence le plus complet. Gardant ses doigts prisonniers, il m’était impossible de rompre le contact. Il regardait le sol, comme s’il avait peur de relever la tête et de croiser mon regard. Il n’y aurait pourtant vu que le reflet de sa beauté qui illuminait mes yeux.

Arrivés chez Darren, je sortis la clef de ma poche et ouvrit la porte, l’invitant galamment à me précéder. Il me sourit, à la fois amusé et intimidé, et entrant derrière lui, je refermais simplement la porte. Une fois arrivé dans la chambre, Gwendal se débarrassa de ses chaussures et de sa veste et, attrapant un boxer propre et son pyjama, il alla s’enfermer dans la salle de bain. Pour ma part, je pris plus de temps et je dus ronger mon frein pour ne pas aller le rejoindre. Je finis par simplement attendre, vêtu de mon boxer, allongé sur le lit. Gwendal revint après un moment. Je pouvais sentir l’odeur du savon jusqu’ici. Amusé, je vis qu’il s’efforçait de ne pas me regarder.

- Tu as fini avec la salle de bain ? Lui demandais-je.

- Oui, répondit-il simplement, en dénouant ses cheveux, assis en tailleur de son côté du lit.

Puis, sur un simple sourire, je l’abandonnais momentanément.

Lorsque j’eus terminé de me laver, Gwendal était déjà sous les couvertures. Il n’ouvrit les yeux que lorsque je vins me glisser entre les couvertures et m’allonger près de lui. Je ne voulus pas éteindre la lumière tout de suite, voulant une fois de plus admirer son visage. Ancrant mon regard au sien, je vis Gwendal répondre timidement au sourire que je lui adressais.

- Tu as passé une bonne soirée ? Demandais-je dans un chuchotement.

- L’une des meilleures de ma vie, répondit-il avec sincérité. Je suis vraiment heureux pour Blair et Darren, ils sont vraiment très gentils.

- Oui, approuvais-je. Blair est une femme merveilleuse, je suis content pour Darren, elle le rendra heureux.

Gwen ne répondit rien, se contentant de répondre au sourire que je lui adressais. Avait-il seulement la moindre idée de la beauté qu’il dégageait. Mon regard ancré au sien, je ne parvenais pas à le quitter du regard, comme hypnotisé. Angel… C’était le mot qui le qualifiait parfaitement. Je ne pus me contrôler plus avant. D’un geste d’une tendresse qui me troublais, je levais une main vers son visage et du bout des doigts, je replaçais la mèche de cheveux qui lui tombait devant les yeux derrière son oreille.

Puis, au lieu de récupérer ma main, je la posais sur sa joue, la caressant affectueusement. Sous la douceur de mes doigts, je pus voir Gwen se laisser aller à fermer les yeux, soupirant de bien-être. La tentation était trop forte. Lentement, je m’approchais de lui, attiré par ses lèvres qui ne demandaient qu’à être recouvertes. Sans plus attendre, mes lèvres happèrent les siennes avec une tendresse dont je ne faisais preuve qu’avec lui. J’avais constamment peur de le heurter, comme s’il s’agissait d’un être d’une sensibilité et d’une fragilité extrême.

Très vite, ma langue vint caresser ses lèvres et à mon plus grand plaisir, Gwendal accéda docilement à ma requête. Ma langue rencontra alors la sienne et l’entraîna dans un ballet sensuel. Ma main quitta alors sa joue pour aller se poser dans le creux de ses reins, le faisant tressaillir. J’avais besoin de plus qu’un simple baiser, mais je ne savais pas s’il était prêt. Cependant, comme rassuré par ma tendresse, il se laissa aller, me laissant le guider sur ce chemin qui lui était inconnu.

Fébrilement, ma main se glissa sous son haut de pyjama, effleurant enfin sa peau. A ce contact, Gwen poussa un petit gémissement de surprise qui ne fit que m’encourager. Prenant sa réaction pour un consentement, j’entrepris alors de le caresser plus franchement. Lentement mes doigts remontèrent le long de sa colonne vertébrale, lui arrachant un frisson de bien être tandis que je me perdais sous la douceur et la finesse de sa peau.

Je fus amusé de voir Gwen se cambrer légèrement, rapprochant nos deux corps plus encore, éveillant le mien. Bientôt, mon baiser se fit plus entreprenant. La douceur, bien que toujours présente, laissa place à quelque chose de plus pressant que je ne pouvais contrôler alors que ma langue caressait la sienne avec frénésie. Jamais encore nous n’avions échangé un tel baiser et lentement, je continuais de lui faire découvrir un monde qu’il allait adorer.

Partit comme nous l’étions, nous nous acheminions peu à peu vers un chemin de non retour, non prémédité, profitant simplement du présent. Mes mains étaient enfin en contact avec sa peau, son corps en contact avec le mien me grisait. J’étais certain qu’il était un amant extraordinaire et touché qu’il me laisse être sa première fois. Je ne voulais pas le lui faire regretter. Il était le premier vierge avec qui j’allais coucher, aussi j’allais devoir user de toute ma patience et ma douceur pour qu’il n’oublie jamais cette nuit et la magie de ce moment.

Un petit gémissement rauque que je ne pus m’empêcher de retenir mourut dans la bouche de mon vis à vis, alors que mon corps se pressait davantage contre le sien. Ma main abandonna son dos pour aller s’ancrer sur ses fesses. Un nouveau frisson s’empara de lui, alors qu’il semblait se laisser aller en confiance entre mes bras. Timidement, il posa une main sur ma nuque, ce qui me fit violemment frissonner à ce contact, ne m’attendant pas à un tel geste de sa part.

Invité à poursuivre, je le fis brusquement rouler sur le dos, laissant le poids de mon corps sur le sien. Je le vis aussitôt rougir en réalisant notre position. Allongé de tout mon être entre ses jambes et sur son torse, je l’embrassais à en perdre haleine, pressant mon corps contre le sien, gagné par l’ivresse de le sentir enfin si proche. Libérant ses lèvres après un baiser des plus fiévreux, j’enfouis mon visage dans son cou alors qu’il refermait ses bras autour de moi, comme pour m’empêcher de m’éloigner de lui. C’était loin d’être mon intention…

Alors que je posais mes lèvres dans son cou tant désiré, il frissonna violemment à ce contact, avant de pousser un petit gémissement plaintif qui vint ravir mes oreilles. L’instant suivant, ma langue vint rejoindre ses lèvres alors que j’explorais dans retenue les courbes de son cou, mordillant délicatement sa peau au passage avant de la parsemer d’une multitude de baiser papillons, pour me faire pardonner de ma brusquerie.

Jamais je n’aurais pensé faire autant preuve de douceur et ô combien il était agréable d’éveiller Gwendal aux plaisirs de la chair. Là, en dessous de moi, il se laissait aller à fermer les yeus, rejetant la tête en arrière, en proie à des sensations qui lui étaient jusqu’alors inconnues. M’offrant un plus grand champ d’action, je ne pus me retenir de pousser un grognement guttural qui le fit frissonner.

Puis restant contre ses lèvres, mes mains se mirent en mouvement sur son corps, effleurant ses côtes pour longer sa taille et ses hanches, avant de finalement se poser sur l’une de ses cuisses que je lui fis relever, faisant s’accentuer le contact de mon aine sur son bas ventre. A ce rapprochement, Gwendal réagit aussitôt, se cambrant contre moi, poussé par le désir d’intensifier le contact de nos deux corps.

Satisfait, j’abandonnais momentanément son cou pour m’emparer à nouveau de ses lèvres tandis que j’esquissais un mouvement de bassin, faisant se frotter mon intimité contre la sienne. Cette fois-ci, un gémissement de pur plaisir s’échappa de ses lèvres et profitant de cet instant, je glissais ma langue entre ses lèvres pour un baiser passionné comme jamais nous n’avions échangé.

Son corps était une véritable invitation à la luxure. Tous ses sens semblaient en éveil et il était comme perdu au milieu de cet afflux de sensations. Mes mains dansaient sur son corps l’investissant avec délicatesse et savoir faire, désirant pousser plus loin encore son envie pour moi.

Mettant fin à notre échange, je me redressais légèrement et ancrant mon regard au sien, je lui offris un sourire. Voilà ce que m’inspirait Gwendal : beaucoup de tendresse et cette sensation de bien être à côtés. J’avais l’impression en l’espace d’un instant, que sa pureté pouvait m’atteindre et qu’elle éclairait mon être, le rendant moins sombre. Je lui souris parce qu’il était beau, je lui souris pour le rassurer. Je me sentais si bien, là, si proche de lui.

Ma main vint délicatement se poser sur sa joue, une fois de plus teintée d’une couleur carmine. Sans m’en soucier davantage, je caressais tendrement sa joue avant d’y déposer une multitude de baisers aériens. Je fus heureux de le voir sourire. Ancrant mon regard au sien, mes lèvres à quelques centimètres des siennes, je lui demandais d’une voix sensuellement rauque :

- Tu as peur ?

- Oui…

- Tu veux que j’arrête ? Demandais-je, aussitôt en proie à l’inquiétude que je laissais transparaître dans ma voix.

- Non… Souffla-t-il à ma plus grande surprise, s’abandonnant entièrement à moi.

Encouragé par sa réponse, je ne pus retenir un immense sourire qui vint étirer mes lèvres, touché par sa confiance, poussant un soupir de soulagement. Avait-il seulement conscience de l’ampleur du désir que j’éprouvais dès à présent pour lui. Je fus surpris du sentiment qui m’étreint alors le coeur. Plus qu’un désir physique, je voulais le posséder tout entier, je voulais être son premier, le marquer à jamais de cette expérience comme étant une des plus belles de sa vie.

Changeant de position, je me redressais  avant de m’agenouiller entre ses cuisses. A sa vue, les jambes éhonteusement écartées, et les joues rouges, je ne pus que sourire face à ce contraste. Me penchant vers lui, je lui volais un tendre baiser, cherchant à le rassurer. Je ne voulais surtout pas lui faire de mal. Puis, fébrilement, j’entrepris de déboutonner son haut de pyjama. Gwen en sembla terriblement gêné mais il ne m’incita pas à arrêter, me laissant au contraire tout le loisir de dévoiler son corps.

Alors que j’ouvrais sa chemise, exposant son torse nu à mon regard impudique, je fus envahi d’une chaleur insoutenable. Son corps était tout simplement magnifique. Sa peau laiteuse sans la moindre imperfection semblait aussi douce que de la soie. Jamais je n’aurais cru ressentir quelque chose d’aussi fort pour quelqu’un. Réagissant physiquement, je voulais sentir le sexe de Gwendal gonfler et se durcir d’avantage alors que j’esquissais un lent et délicat déhanchement qui lui arracha une plainte de plaisir.
Rassuré par ma douceur, il retira complètement son haut de pyjama, m’offrant une vision complète de son torse dénudé. A cette vision, je ne pus que frissonner violemment et, fébrilement, n’osant pas croire ce que j’avais sous les yeux, hésitant à le toucher, je posais mes deux mains sur son ventre plat.

Mes mains se mirent alors à parcourir son corps en toute liberté, redessinant du bout du doigt les courbes graciles de son corps, apprenant chaque mont et vallée. Lorsque mes lèvres se posèrent quelques centimètres plus loin au dessus de son nombril, mes mains échouées sur ses hanches, Gwendal m’offrit encore le plaisir d’entendre l’un de ses gémissements de plaisir. Son corps se cambra violemment. Satisfait de sa réaction, je réitérais mon geste encore et encore, laissant s’embraser en lui un feu qu’il n’avait encore jamais connu. Sa main de posa sur mon épaule, tandis que l’autre allait se perdre dans mes cheveux, comme pour se raccrocher quelque part.

Puis, je finis par relever la tête, en manque du goût de ses lèvres, je remontais m’en emparer  pour un baiser passionné, ma langue entraînant la sienne pour un baiser des plus ardents. Puis, à bout de souffle, je rompis notre échange  et enfoui de nouveau mon visage dans son cou. Gwendal referma ses bras autour de moi, comme pour m’empêcher de partir, caressant délicatement ma nuque du bout des doigts. A ce contact, je ne pus me retenir de frissonner violemment alors qu’un gémissement de plaisir venait mourir sur sa peau que j’embrassais avidement.

Délicatement, je mordillais la peau sensible de son cou, réitérant le même manège que précédemment, mais de l’autre côté. Remontant sur son menton, j’embrassais alors la ligne de sa mâchoire avant de mordiller délicatement le lobe de son oreille, lui arrachant un nouveau gémissement de plaisir, alors que ses ongles se plantaient dans mon épaule. Puis, après avoir délicieusement torturé son oreille, je redescendis dans son cou, mais je ne m’y attardais pas, descendant davantage au sud.

Je marquais une pause au niveau de sa clavicule, laissant ma langue caresser sa peau qui s’avéra être très sensible à cet endroit. Puis, reprenant ma navigation, trop heureux de découvrir son corps, embrassant chaque parcelle de peau offerte, je stoppais l’exploration de son corps lorsque j’arrivais au niveau de ses tétons déjà durcis. Lorsque je les effleurais du bout de la langue, il émit un long gémissement plaintif qui sonna à mes oreilles comme la plus douce des mélodies jamais entendue.

Je fis durer cette douce torture un moment, titillant ses boutons de chair l’un après l’autre, en léchant un tandis que mes doigts jouaient avec l’autre et inversement, le plongeant dans un monde qu’il n’avait jamais connu. Puis, lassé, j’entrepris de passer à autre chose. Toujours avec tendresse, je repris mon exploration, laissant mes lèvres et ma langue découvrir le reste de son corps, descendant jusqu’à son ventre, jouant avec son nombril, passant et repassant sur ses abdominaux, cherchant à imprimer leur courbe dans ma mémoire.

Subitement, je me redressais, le surplombant de toute ma hauteur, posant sur lui un regard brûlant de désir. Puis, me penchant vers lui, je m’emparais de ses lèvres pour un baiser ardent mais toujours avec cette douceur et cette tendresse dont j’avais si rarement fait preuve avec autrui. A bout de souffle, haletant, ce fut Gwendal qui mit fin à notre échange.

Ancrant son regard au mien, dans un geste qui me surpris énormément, il posa sa main sur ma joue et m’adressa un sourire tendre avant de s’emparer de mes lèvres pour un baiser d’une douceur infinie. Mon corps se tendit tout entier à ce contact, alors que pour la première fois, il était à l’initiative d’un de nos baisers. Et il apprenait très vite… Il finit par libérer mes lèvres, rougissant et détournant les yeux, gêné de son audace.

Aussitôt, je m’empressais de bloquer son geste d’une main sur sa joue, le forçant à me regarder. Je voulais qu’il soit certain de ce qu’il était en train de faire, que ça ne soit pas juste une lubie ou une décision sur un coup de tête. Je ne voulais surtout pas qu’il regrette et mon sourire laissa place à une expression bien plus sérieuse. J’avais tellement peur de le blesser. Lui qui semblait alors à mon regard, si pur…. Mon coeur battait extrêmement vite sous l’excitation, mais le sien battait tous les records.

Délicatement, avec une tendresse extrême, j’effleurais ses lèvres du bout des doigts. D’une voix chargée d’émotions, je demandais dans un souffle :

- Tu es certain que c’est ce que tu souhaites ?

Pour toute réponse, il se leva de façon à ce que son visage ne soit plus qu’à quelques centimètres du mien, et murmura tout contre mes lèvres :

- Je suis sûr…. Hayden… Me supplia-t-il avant de s’emparer une seconde fois de mes lèvres.

Rassuré et reprenant mes esprits, je repris délicatement le contrôle de notre échange et de nouveau, mes mains partirent à l’aventure de son corps. Lorsque je mis fin à notre échange, je lui volais un furtif baiser juste après, avant de me redresser.

Je voulais lui offrir ce que j’avais été forcé de donner à Thomas. Je voulais avec lui effacer définitivement ce souvenir. Me penchant à nouveau au dessus de lui, je déposais mes lèvres sur son ventre, lui arrachant un frisson de bien être. Puis, ancrant mon regard au sien,  pour m’assurer de son approbation, je posais mes mains sur ses hanches, à l’endroit où était posé son pantalon et lentement, pour ne pas l’effrayer, j’entrepris de le lui retirer. Semblant prendre entièrement conscience de ce qui était en train de se passer, je vis Gwen rougir de plus bel, comme honteux de son corps. Il ne fallut pas beaucoup de temps pour que Gwendal se retrouve entièrement nu, exposé à mon regard appréciateur, un désir sans nom s’y reflétant. Angel… C’était véritablement ce qu’il était.

C’est alors que mon vis à vis se mit à trembler, esquissant un geste pour se soustraire à mon retard. Comprenant aussitôt son intention, je le retins pas les hanches :

- N’ai pas honte, Gwen, murmurais-je d’une voix rauque. Tu es magnifique…

Troublé, Gwen m’adressa un petit gêné auquel je répondis en l’embrassant tendrement tout en esquissant un lent déhanchement. A ce contact, Gwen poussa un gémissement de plaisir. Satisfait de sa réaction, je réitérais mon geste, faisant frotter contre lui mon sexe durement gonflé à travers la toile de mon boxer. Alors que je me frottais impudiquement contre son intimité, le faisant haleter de plaisir, je laissais ma langue parcourir de nouveau son corps, attisant au maximum le plaisir de mon amant.

Puis, petit à petit, mes lèvres arrivèrent au niveau de son bas ventre, après avoir redessiné chaque courbe de son torse et de son ventre. Progressivement, je laissais ma langue caresser l’intérieur de ses cuisses, évitant délibérément de toucher son intimité. Un gémissement étouffé s’échappa de ses lèvres entrouvertes tandis que je prenais plaisir à le faire languir, plus que satisfait de le voir se tortiller sous moi.

Lorsque je sentis que la frustration était trop forte et que Gwen était plus que prêt, je passais ma langue sur son intimité, la léchant sur toute sa longueur. Le sanglot de frustration que Gwen poussait se transforma subitement en un cri de surprise. Fort de mon effet, je réitérais mon geste plusieurs fois, lui arrachant à chaque fois un gémissement de plaisir. Puis, sans le prévenir, je pris son intimité entre ses lèvres, effaçant à jamais le souvenir de Thomas. Ce fut à ce moment précis que je lui arrachais son premier vrai cri de pur plaisir. Un violent spasme parcouru son corps comme s’il était en train de perdre pied.

Délicatement, je commençais alors un lent mouvement de va et vient, prenant son intimité toujours plus profondément entre mes lèvres. Je sentis les doigts de Gwen se perdre dans mes cheveux, ne faisant que m’encourager à lui offrir encore plus.

Jamais je ne m’étais autant donné. Les mains ancrées sur ses hanches, je le gardais plaqué contre le matelas, lui interdisant tout mouvement. Un gémissement de mécontentement s’échappa de ses lèvres entrouvertes, alors que je gardais toujours ce même rythme volontairement lent.

Bientôt, ses gémissements se muèrent en sanglots. Accédant alors à sa requête, j’accélérais subitement les mouvements de va et bien, ma langue experte s’enroulant sensuellement autour de son intimité. Ne pouvant davantage faire taire mon propre plaisir, je glissais une main dans mon boxer, m’offrant quelques caresses intimes pour calmer le feu qui brûlait en moi. Peu à peu, le sentant sur le point de non retour, j’accélérais davantage la cadence de mes vas et vient, lui arrachant un sanglot de pur plaisir alors qu’il s’exclamait :

- Non… Arrête… Arrête… Supplia-t-il.

Sourd à ses implorations, j’accentuais au contraire mes vas et vient, l’accompagnant jusqu’au bout. Il finit par se libérer entre mes lèvres, l’orgasme le fauchant de plein fouet. Dans un cri de pur plaisir, les mains crispées dans mes cheveux, il se cambra violemment avant de se laisser lourdement tomber sur le matelas.

es joues rouges, le corps luisant de sueur et la respiration erratique, les yeux fermés, il m’offrit la plus belle des images. Ne pouvant rester davantage loin de lui, je m’allongeais sur son corps. Alors qu’il ouvrit enfin les yeux, je lui souris tendrement. Rougissant, il répondit timidement à mon sourire. je caressais alors ses cheveux dans un geste d’une douceur extrême, décollant les cheveux collés à son front par la sueur. Dans un murmure, je lui demandais :

- Ca va ?

Comme incapable de parler, mon amant se contenta de hocher positivement la tête alors que ses joues prenait une belle teinte carmine qui me firent sourire. Lentement, comme en manque de lui, je mis bas à la distance qui séparait nos lèvres et m’emparais des siennes pour un baiser des plus tendre qui gagna bien vite en intensité. Galvanisé, j’esquissais un lent déhanchement qui lui arracha un feulement de plaisir alors que mon intimité dure et palpitante de vie se frotta contre la sienne qui à mon plus grand plaisir commençait à s’éveiller de nouveau.

Mettant fin au baiser, j’ancrais de nouveau mon regard au sien. Le plus sérieux du monde, ne voulant en aucun cas le forcer, je lui demandais :

- Si tu souhaite arrêter, c’est le moment de le dire, Gwen, déclarais-je d’une voix rauque de désir. Car si nous poursuivons, je serais incapable de me contrôler… C’est pourquoi tu dois être sûr…

Je voulais qu’il soit entièrement consentant. Je ne voulais pas porter sur mes épaules par la suite le poids de la culpabilité où le voir regretter un instant qui se devait d’être magique. Jamais je n’avais été aussi précautionneux avec mes amants. Jamais je n’avais été aussi attentif à leurs besoins. Jamais ne m’était sentis aussi protecteur envers qui que ce soit.

Gwendal posa une main sur ma joue, laissant son pouce redessiner la courbe de mes lèvres avant de s’en emparer timidement. Il ne m’en fallut pas plus pour comprendre le message. Trop heureux de son cadeau, touché d’être celui qui l’initiait, je lui adressais un sourire éblouissant lorsque nous mîmes fin à notre échange.

Pour le remercier, je m’emparais de nouveau de ses lèvres et lui offrit un baiser empli de tendresse et de douceur, sans jamais chercher à l’approfondir. Je voulais qu’il se sente confiant avec moi. Lorsque j’en fus assuré, je libérais ses lèvres, mordillant délicatement la zone sensible que j’avais découvert dans son cou, lui arrachant un frisson de plaisir avant de poursuivre ma descente plus au sud.

Là, je déposais un tendre baiser sur le bout de son intimité à nouveau éveillée et je ne pus retenir un sourire amusé lorsque Gwendal poussa un petit cri de surprise et de plaisir mêlé. Sans m’arrêter là, je poursuivis ma course un peu plus au sud, laissant un doigt effleurer la partie la plus intime de son anatomie. Gwendal tressailli violemment.

Satisfait de sa réaction, je laissais mes doigts jouer un moment avec l’entrée de son intimité, lui arrachant de petits gémissements de plaisir. Puis, je finis par le faire se retourner pour avoir plus de liberté pour le préparer le mieux possible. A la position qui fut alors la sienne en cet instant : les jambes écartée, les fesses tendues vers moi, je dus me faire durement violence pour ne pas le posséder à l’instant. Ne faisant aucun commentaire, je déposais un tendre baiser sur le gable de sa fesse droite, provoquant chez lui quelques frissons.

Je réitirais alors mon geste, déposant une multitude de baisers papillon sur ses fesses, alternant entre caresses et baisers. Le sentant peu à peu être rassuré et se détendre, je laissais enfin ma langue effleurer l’entrée de son intimité. A ce contact, Gwendal se cambra violemment, un gémissement de plaisir lui échappant. Il ne me rendait vraiment pas la tâche facile. Avec un autre amant, je n’aurais pas fait autant de manières. J’étais moi-même surpris de mon self-control et de ma patience.

Sa sensibilité était sans pareille, comme si elle n’attendait qu’à être réveillée. Bientôt, la mélodie de ses gémissements plaintifs et cris de plaisir virent ravirent mes oreilles alors que je m’activais à le préparer. Ma langue jouant avec son intimité, je finis par laisser un doigt rejoindre ma langue. A ce contact, Gwendal se tendis imperceptiblement et je pris mon temps pour le rassurer, laissant mon doigt jouer avec son entrée, comme ma langue un peu avant.

Durant de longues minutes, je continuais à le caresser, me laissant guider par ses gémissements et réactions. Puis, à nouveau, je réitérais mon geste, et l’instant d’après, je laissais ma langue forcer doucement l’entrée de son intimité. Il se cambra violemment, en proie à des sensations qu’il ne connaissait pas. Satisfait, je poursuivis par des caresses plus poussées et lorsque je le sentis entièrement détendu, je repris mon idée première et au lieu de ma langue, ce fut mon doigt délicat qui s’insinuait en lui.

Il ne sembla pas sentir la moindre douleur. Profitant du fait qu’il soit parfaitement détendu, j’insinuais alors un second doigt en lui, mais contrairement au premier, celui-ci lui fit pousser un cri de douleur. Son corps se tendit aussitôt. Je cessais aussitôt tout mouvement, lui laissant le temps de s’habituer à la présence de mes doigts en lui. Lorsqu’il fut enfin détendu, j’entamais un lent mouvement de va et vient qui lui arracha un gémissement de surprise. Puis, lorsque la douleur eut complètement disparut, j’esquissais un mouvement de ciseaux, continuant délicatement ma préparation.

Pendant un temps qui me parut infini, je continuais de le préparer, attendant qu’il soit parfaitement prêt et parfaitement détendu pour passer à la suite. Je devais me faire de plus en plus sérieusement violence pour me retenir, surtout quand Gwendal se mit à esquisser de lui même un déhanchement, s’empalant de son plein gré sur mes doigts. Je ne pus retenir un gémissement rauque. L’instant suivant, j’insérais un troisième et dernier doigt en lui et Gwen ne pu retenir un gémissement de douleur. Instantanément, je cessais tout mouvement, lui laissant le temps de s’habituer à l’intrusion.

Au bout d’un temps, la douleur commença à refluer et Gwendal se détendit. Cependant, prenant sur moi, je restais complètement immobile, me contentant de déposer mille baisers sur ses épaules et sa nuque. Gwendal finit par lâcher un gémissement impatient. N’en pouvant plus, je me tendis contre lui et l’instant d’après, mes doigts se mouvaient en lui avec savoir faire. Tout son corps semblait victime d’un brasier qui lui était jusqu’alors inconnu. Ne tenant plus, je retirais subitement mes doigts de son intimité, lui arrachant à mon plus grand plaisir un gémissement de frustration.

Me débarrassant de mon boxer, je présentais sans perdre de temps mon sexe à l’entrée de son intimité, prêt à le posséder. Mais c’est alors que Gwendal se tendit brusquement, et il chercha à se soustraire à ma poigne avant de s’effondrer sur le matelas. Se tortillant, il tentait de se retourner, et je fus effrayé de le voir pleurer.

- Non… Gémit-il, comme en proie à une peur panique.

Immobilisé sous l’effet de la surprise, je l’aidais aussitôt à se retourner. Lorsque je vis son visage ravagé par les larmes, mon coeur se serra douloureusement. Je ne supportais pas de le voir pleurer et encore moins d’être la cause de ses larmes. Délicatement, avec des gestes tendres, je pris son visage entre mes mains et ancrant mon regard au sien, je déclarais d’une voix peinée, sans me rendre compte du surnom que j’employais :

- Calme-toi, Angel… Je m’arrête, regarde… Allez, c’est fini… Je t’en prie, calme-toi, murmurais-je.

- Hayden… Gémit-il lamentablement entre deux sanglots qui me transperçaient le coeur.

- Oui, Gwen ? Murmurais-je.

- Pardon… Pardon…

- Il n’y a rien à pardonner, Gwen, le rassurais-je. C’est normal d’avoir peur lors d’une première fois…

Gwendal garda le silence un instant avant de déclarer d’une toute petite voix :

- Je… Je veux continuer…

- Non, Gwen… Ce n’est pas prudent…

- C’est… C’est parce que tu étais derrière… Avoua-t-il alors, comme terriblement honteux.

A ces mots, je ne pus m’empêcher de me détendre complètement, alors qu’un soupir de soulagement s’échappait de mes lèvres. Lui caressant doucement la joue, je murmurais :

- Je m’excuse, Gwen… J’aurais du me douter que ce n’était pas la position rêvée pour une première fois… Je crois que je me suis un peu trop laissé emporté par la tentation que tu représentes… Avouais-je, sincère.

Semblant touché, Gwen pris appuis sur ses bras et se soulevant jusqu’à mon visage, il s’empara de mes lèvres pour un tendre baiser dans lequel je me perdis. Rares étaient les fois où j’avais connue pareil échange, et si mon coeur s’emballait étrangement, je le fis taire. S’écartant de moi, il déclara d’une voix tremblante :

- Je… Je veux que nous reprenions où… Où on en était…

- Tu es certain ? Demandais-je gravement. Je ne veux pas que tu te forces, Gwen… Sous aucun prétexte…

- Je suis certain, approuva-t-il confiant. S’il te plait…

Hésitant un instant, la tentation finit par se faire trop forte et j’y cédais. Avec douceur, je m’emparais de ses lèvres pour un baiser des plus tendres qui, bien vite, gagna en intensité. Puis, m’activant à faire renaître son plaisir, je fus soulagé de le voir se réveiller à nouveau. Durant un long moment, j’entrepris d’attiser à son paroxysme son désir, de mes doigts habiles, autour de son inimité à présent tout à fait réveillée.

Mes yeux ne pouvaient quitter son corps, l’observant avec une convoitise telle que je ne pouvais la cacher.

- Tu es si beau, Angel… Magnifique… Gwen, je… Oh Seigneur, je te veux tellement… Gémis-je en enfouissant mon visage dans son cou.

Gwendal s’abandonna entièrement à moi, écartant les jambes avant de les refermer autour de ma taille, m’interdisant toute tentative de fuite. Surpris, je me relevais, inquiet. Etait-il vraiment sur ? Je cherchais à déceler toute crainte dans son regard, et pourtant, il semblait si confiant. Comment pouvait-on m’offrir une telle confiance aveugle ? Savait-il que ces mains qui le caressaient étaient teintées de sang ? Savait-il que je n’étais pas à la hauteur…

Repoussant ces interrogations, je m’emparais vivement de ses lèvres pour un baiser passionné auquel il répondit avec entrain, me faisant oublier. Puis, abandonnant ses lèvres, je posais mes mains sur ses cuisses et lui fit relever une jambe afin que nos entrejambes se frottent l’une contre l’autre. A ce contact, Gwendal gémit de plaisir. Puis, au comble de l’impatience, je me redresser légèrement et lui sourit avant de prendre mon érection en main qui était plus que douloureuse. Lisant un peu de peur dans on regard, j’esquissais un petit sourire rassurant :

- Je serais doux, ne t’inquiète pas, Angel… Et puis, à toi de me dire si ça ne va pas, d’accord ?

- D’accord, souffla-t-il confiant.

Prenant mon sexe entre mes doigts, je me présentais enfin à son entrée, arrachant à Gwendal un violemment frisson d’anticipation. Puis, avec une délicatesse infinie, je m’insinuais lentement en lui, écartant ses chairs si fermes pour me fondre en lui. Ce fut son gémissement de douleur alors que je le pénétrais lentement qui me permit de ne pas perdre le pied et de maintenir les rênes de mon plaisir. Je m’immobilisais aussitôt faisant preuve d’un self-control qui m’étonna. La respiration saccadée, je devais puiser dans les moindres recoins de mon être la  force de tenir pour ne pas simplement forcer l’entrée et le pénétrer entièrement.

Lentement, la douleur commença à refluer pour Gwendal et d’un léger déhanchement, il m’indiqua que je pouvais reprendre. Plongeant cependant mon regard dans le sien, je lui demandais, inquiet :

- Ca va ? Je ne te fais pas mal ?

Pour toute réponse, il hocha négativement la tête. Rassuré, je patientais encore quelques seconde avant de reprendre doucement, le pénétrant avec une lenteur presque exagérée qui lui arrachant un gémissement de frustration. Soulagé, j’esquissais un petit sourire avant de le pénétrer plus franchement, m’enfonçant entièrement en lui. Je perdis pied, tandis que Gwendal se cambrait violemment laissant un petit cri de plaisir s’échapper de ses lèvres.

- Gwen… Gémis-je en m’allongeant tout contre lui. Oh Gwen… Tu es merveilleux, Angel… Murmurais-je en esquissant un premier coup de rein.

Je sentis Gwendal s’agripper de toutes ses forces à mes épaules. Mes mains posées sous ses cuisses, j’entamais alors un lent mouvement de va et vient, le pénétrant avec précaution, craignant de lui faire mal. Puis, mes lèvres vinrent chercher les siennes et ma langue entraînant la sienne dans un ballet érotique terriblement excitant.

Très vite, mes coups de reins se firent plus ciblés et lorsque j’atteins enfin un point anatomique sensible, j’entendis Gwendal pousser un cri de plaisir. Je me sentais si bien, là en lui, si serrein comme je ne l’avais jamais été. J’avais l’impression de me noyer dans sa pureté et d’oublier qui j’étais, ce que j’avais fait. Plongé dans l’ivresse de l’instant, je l’entendis à peine murmurer mon prénom.

Lors d’un mouvement de bassin plus profond que les précédents, je touchais quelque chose en lui. Son corps se cambra violemment à la recherche du mien. Plus que satisfait, je réitérais mon geste encore et encore, inlassablement jusqu’à ce que ses gémissements se muent en cris de plaisir. Gwendal semblait noyé dans le même plaisir que moi, son corps se soulevant en rythme avec le mien, se cambrant toujours plus afin d’aller à ma rencontre.

Grisé, je finis par passer mes bras dans son dos pour le ramener véritablement contre moi. Assis sur mes cuisses, il passa alors ses bras autour de mon cou, comme pour nous rapprocher plus qu’il n’était possible. Mes mains posées sur ses hanches, je l’aidais à garder le rythme, le pénétrant toujours avec plus de fougue. Ivre de plaisir, Gwendal m’emportait plus loin encore que je ne l’avais espéré.

Brusquement, il posa une main sur mon torse et me repoussa, me forçant à m’allonger. Amusé par son audace, un petit sourire amusé vint étirer mes lèvres. L’instant d’après, comme s’il avait oublié toute pudeur, ses mains posées sur mon ventre contracté afin de garder l’équilibre, il se mit à me chevaucher, se déhanchant lascivement au dessus de moi.

- Oui… Gwen… Gémis-je, emportait par un plaisir intense  incontrôlable.

Ivre de plaisir, il s’empalait toujours plus profondément sur mon sexe. Les mains sur ses fesses, je l’aidais à garder un rythme soutenu et cadencé alors qu’un sanglot s’échappait de ses lèvres. Jamais je n’aurais pensé que le sexe soit aussi bon avec lui, aussi intense. Sous sa timidité se cachait un amant hors pair et j’étais orgueilleusement le premier à le découvrir.

Bientôt, ses forces semblèrent l’abandonner et ses bras ne le soutinrent plus. Vacillant, il s’écroula sur mon torse, haletant d’un plaisir intense. Une main dans son dos et l’autre sur sa hanche, j’échangeais à nouveau nos positions et le fit rouler sous moi. Alors que je le surplombais de toute ma hauteur, je me penchais vers lui et m’emparais de ses lèvres pour un baiser impétueux.
Il y répondit avec fièvre avant de le rompre lorsqu’un cri de plaisir s’échappa de ses lèvres. Nous y étions…

- Oh, Angel, gémis-je, en mordant un peu trop violemment la peau de cou, emporté par le vif plaisir, le faisant tressaillir. Gwen… Je vais…

- Hayden… Hayden, sanglota-t-il, répétant mon prénom en une litanie incessante.

L’orgasme déferla sur nous avec la violence d’un tsunami. Dans un cri de jouissance, Gwendal se libéra entre nos deux corps étroitement enlacés, criant mon prénom tandis que je me libérais en lui dans un cri qui fit échos au sien, le marquant à jamais. Alors que Gwendal poussait un gémissement de bien être, à bout de force, je m’écroulais sur lui.

Nos corps luisant de sueur, tremblant sous l’effet des dernières vagues de la jouissance, la respiration erratique, je sentis Gwendal refermer ses bras autour de mon cou.

L’embrassant délicatement dans le cou à l’endroit où je l’avais mordu un peu plus tôt, je tentais de me faire pardonner de ma sauvagerie. Puis, mes lèvres vinrent se poser sur les siennes pour un baiser d’une incroyable tendresse.

Gwendal me rendit mon baiser, toujours avec cette étrange sensation qui me donnait le vertige. Je finis par me retirer de lui, m’allongeant à ses côtés. Lui faisant face, je lui caressais tendrement la joue, le faisant soupirer de bien-être :

- Comment tu te sens ? Demandais-je doucement.

- Je me sens bizarre, avoua-t-il le rouge aux joues sous le sourire que je lui adressais. Bizarre, mais merveilleusement bien…

Un sourire amusé étira mes lèvres. Repensant à nos conversations passées je lui demandais alors :

- Alors ? Toujours convaincu que c’est mieux de coucher avec une personne qu’on aime ?

A ces mots, l’expression de Gwendal changea du tout au tout. Son sourire s’effaça subitement pour laisser place à une mine dévastée. La gorge brusquement nouée, il déclara dans un murmure étranglé :

- Oui…

Ce ne fut qu’à cet instant précis que je pris entièrement conscience de l’ampleur de ma bêtise. Jamais je n’aurais pensé que… Qu’il… Comment pouvait-il penser m’aimer… Perdant mes couleurs, je me redressais sur mon coude pour le surplomber, perdant subitement mes mots, je dis lamentablement :

- Merde… Gwen, je…

Sans me laisser le temps de finir ma phrase, il se releva et sans un regard pour moi, il quitta le lit et alla s’enfermer dans la salle de bain, ignorant mes appels désespérés.

Si j’avais su… Si j’avais su qu’il ressentait cela pour moi alors jamais je n’aurais couché avec lui. J’aurais du le savoir, j’aurais du m’en rendre compte et pourtant, cela me semblait impossible. Il ne pouvait pas m’aimer. Il ne faisait que le croire. L’entendre pleurer fut une torture sans nom et je n’osais pas pousser la porte, je n’osais pas voir ce que je venais de lui faire. S’il était vraiment tombé amoureux de moi alors il était tombé amoureux de la seule personne dont il ne fallait pas.

Dès lors que l’on s’approchait trop de moi, je ne faisais que semer de la souffrance. Alors que je pouvais l’entendre vomir, je me dégoutais. Je ne valais pas ses sentiments. Je n’étais pas à la hauteur. Si j’avais voulu de tout mon coeur protéger Gwendal, je n’avais pas pu le protéger de moi…

Ce fut en prenant sur moi que j’osais pousser la porte de la salle de bain. Le spectacle qui s’offrit à moi me serra si douloureusement le coeur que je crus qu’il allait s’arrêter. Là, adossé contre le mur, recroquevillé sur lui même, son visage enfouis dans ses bras, il pleurait toutes les larmes de son corps, transpirant la souffrance. M’approchant de lui, je posais ma main sur son bras. Vivement, il retira son bras et s’éloigna légèrement de moi, refusant tout contact :

- Ne me touche pas ! Cracha-t-il avec tout le mépris qu’il ressentais pour moi.

Je détestais ses paroles, je détestais les entendre, me rabaissant plus bas que terre, comme ma mère l’avait si souvent fait. Non, ce n’était pas possible qu’il m’aime. Guidé par la peur, je tentais :

- Gwen… S’il te plait, commençais-je. Tu sais, je… Je ne crois pas que tu éprouves vraiment de l’amour moi pour moi… Tu as juste été attiré par la nouveauté… Tu ne connaissais pas, tu voulais découvrir… C’est tout à fait normal…

Avant que je n’ai pu terminer ma phrase, sa main s’abattit durement sur ma joue avec une force telle que la douleur fut aussitôt cuisante.

- Qui es-tu pour me dire que ce que je ressens n’est pas réel ? S’exclama-t-il avec fureur. Toi qui n’as jamais aimé personne de ta vie !

Mon coeur se brisa alors que je tentais :

- Ecoute, Gwen…

- Laisse-moi ! Souffla-t-il, subitement las.

- Gwen… S’il te plait… Insistais-je, me sentant dangereusement tomber là où je ne voulais pas.

- Tu es sourd ? S’exclama-t-il alors. Laisse-moi je te dis ! Dégage ! Je ne veux plus te voir… Acheva-t-il dans un sanglot avant de se détourner de moi, mettant un terme à la discussion.

Si j’avais un coeur de pierre alors pourquoi celui-ci était-il si douloureux en cet instant. Sans un mot, je quittais la salle de bain refermant la porte derrière moi. M’allongeant dans le lit imprégné de nos ébats, je me recroquevillais sur moi-même. Non, je n’étais pas capable d’aimer. J’étais fait pour être seul. Dès lors que je laissais quelqu’un s’approcher trop près de moi, je le faisais souffrir.

Julien avait pourtant été une bonne leçon, mais je n’avais pas du la comprendre. J’étais misérable, dangereux pour autrui. Comment pourrais-je réparer cette erreur ? Pourrais-je seulement y faire quelque chose ? Alors que je sentais mon coeur se craqueler et les larmes monter, je murais aussitôt toutes ses sensations. Je ne voulais pas chuter, je ne voulais pas être faible.

Je devais être fort, oublier, ignorer les pleurs de Gwendal qui me refusait à ses côtés. Je n’étais qu’un bourreau, un monstre de la pire espèce et j’avais heurté l’être le plus pur et le plus fragile que je connaissais. Dieu comme je regrettais.

 Je ne méritais pas ses sentiments. Je ne méritais pas de l’amour, mais du mépris. Ma main se posa inconsciemment sur la cicatrice à ma hanche. Si seulement je ne m’étais pas fait attaquer, alors je ne l’aurais jamais rencontré, je ne lui aurais pas fait autant de mal. Je n’aurais jamais du entrer dans sa vie, et jamais je n’aurais du lui proposer mon aide. Ma mère aurait du m’emporter avec elle, mieux encore, ne jamais me mettre au monde.

Je me détestais, me dégoutais… Me donnait envie de vomir et je n’avais pas la moindre idée de comment rattraper mes erreurs…

Lorsque j’ouvris les yeux, je dus faire immédiatement face à ce qui s’était passé la veille. A la place vide qu’occupait normalement Gwen se trouvait un mot. Me redressant aussitôt, je l’attrapais fébrilement et pu y lire :

 « Je pars, ne cherche pas à me retrouver… Adieu, Gwen. Ps : Je t’aime. ».

Mon coeur s’emballa aussitôt. Attrapant des vêtements, je m’habillais en moins de temps qu’il ne fallait pour le dire et sortit de la chambre. A peine avais-je fais deux pas à l’extérieur qu’une main s’abattit violemment sur ma joue.

- Qu’est-ce que tu lui as fait ? Cria Blair hors d’elle.

Alors que sa main s’élevait à nouveau dans les airs, elle fut stoppée par Darren qui lui retint solidement le poignet.

- Si tu lui laissais le temps de s’expliquer au lieu de t’acharner tout de suite sur lui.

- Parce que tu crois qu’il y a besoin d’explications, dit-elle en dégageant vivement sa main. Je pense que tout est parfaitement clair. Ce salaud a fait du mal à Gwendal malgré mes mises en garde.

Sa main libre tomba à nouveau sur ma joue, rougie par le coup précédent.

- Elle a raison, soufflais-je, froid.

Je ne ressentais plus rien. Pas même ma joue qui me cuisait. Même mes paroles sonnaient comme si elles m’étaient étrangères.

- Qu’est ce qui s’est passé ? Demanda Darren.

- J’ai merdé… Répondis-je dans un souffle.

- Tu as merdé ! S’exclama Blair. C’est tout ce que tu trouves à dire, simplement merdé !

- J’ai couché avec lui sans faire attention à ses sentiments, rétorquais-je. J’ai été odieux. Je n’ai pas cru à ses sentiments, soufflais-je alors que la douleur refaisait surface.

- Je t’avais pourtant mis en garde, idiot ! S’exclama Blair.

- Bon dieu Hayden, quand est-ce que tu arrêteras de penser avec tes couilles et que réfléchiras avec ton cerveau. Soupira Darren.

Blessé d’entendre cela de la part de mon ami, je ne répondis rien. Qu’aurais-je pu répondre, après tout il avait raison.

- Tu n’es qu’un putain d’égoïste insensible, surenchéri Blair.

- C’est bon ! Je crois que j’ai compris. Je suis méprisable, un connard d’égoïste, un salopard qui ne pense qu’à sa petite personne et à sa queue. D’ailleurs je me demande ce que je fais ici. Claquais-je brusquement avant de leur tourner le dos et de foncer vers la porte de sortie.

J’entendis à peine Darren me criais d’attendre. En un rien de temps, j’étais dehors. Où était Gwendal ? Où était-il partit ? Inconsciemment, je fis notre chemin inverse, sachant pertinemment que je ne le trouverais pas. Méritais-je seulement de le retrouver.

N’avait-il pas pris la bonne décision en me quittant ? Il fallait qu’il s’éloigne de moi, le plus possible, là où je ne pourrais plus l’atteindre, là où je ne pourrais plus le heurter. Je errais sur la route toute la journée, marchant sans jamais m’arrêter comme si revenir sur mes pas pouvait effacer le mal que je lui avais causé. M’enfonçant dans la forêt, loin de toute civilisation, mes jambes ne me portèrent plus et je m’écroulais.

Ce ne fut qu’à cet instant où je ne pu plus rien retenir. Les larmes tombèrent toutes seules alors que mon coeur si oppressé à me faire crier de douleur. Je pleurais, recroquevillé sur moi même, seul dans la forêt. Je pleurais pour le mal que j’avais causé et l’être que j’avais perdu.

J’avais effleuré un ange et je l’avais fait tombé. Je voulais me faire mal mais je n’en avais pas la force. Je repensais au soir où j’avais pleuré dans ses bras et au bien être qu’il m’avait apporté. Gwendal… La seule personne à qui j’avais dévoilé mes faiblesses. Je repensais à tout ce que nous avions vécu, à tout ce que je venais de perdre….

La nuit était déjà tombée lorsque je repris le chemin du retour pitoyable. Seulement, je n’avais aucune envie de rentrer chez Darren et Blair. Je n’avais pas la force de supporter leur regard accusateur. Ce fut dans le bar le plus glauque de la ville que je me perdis. Je n’ai plus de souvenirs très précis de cette nuit là, faite d’alcool trop fort et de sexe animal, ne pouvant jamais m’ôter de l’esprit Gwendal et le mal que je lui avais fait.

Je me perdis, oubliant la notion du temps, ne vivant plus que des sensations, sans jamais atteindre la puissance de ce que j’avais vécu avec Gwendal. Je restais là le lendemain, oubliant toute notion de jour ou de nuit, m’enfonçant dans une débauche que je n’avais pas connu depuis l’âge de mes 16 ans. Ce fut tard le soir suivant que perdu au fond du bar, alors qu’un homme dont j’ignorais le nom me léchait délicieusement le cou, sa main dans mon pantalon, qu’un autre me cacha brusquement la lumière tamisée de l’endroit. Lorsque je relevais les yeux, je tombais nez à nez avec Darren. Il posa un regard peiné sur moi avant de dire :

- Je pensais que tu avais changé, que tu étais devenu plus responsable. Et pourtant, j’étais certain de te trouver dans ce genre d’endroit. Allez, lève-toi, on rentre.

- Je ne veux pas, soufflais-je, froid et las. Je veux rester là.

- Si tu as un tant soit peu d’estime pour les sentiments de Gwendal, alors lève-toi et suis moi. Ne donne pas raison à Blair. Tu vaux mieux que ça, dit-il en me montrant d’un bref geste de la tête, l’homme qui continuait ses attentions dans mon cou. Allez, insista-t-il, dépêche toi et ne me fais pas regretter ce que je m’apprête à te dire.

Sans un mot, je repoussais l’homme et refermant mon pantalon, je suivis piteusement Darren. Arrivé dehors, je le suivis silencieusement. Nous montâmes dans sa voiture et pas un mot ne fut décroché jusqu’à chez lui, mon regard perdu face au paysage nocturne qui défilait devant mes yeux.

Une fois chez lui, je fus invité dans plus de cérémonie à aller prendre une douche, Blair me lançant un regard noir que je ne pouvais pas supporter. Puis, je retournais les voir dans le salon comme demandé.

M’asseyant en face d’eux, je ne pus faire face à leur regard empli de reproche.

- Est-ce que tu es sûr qu’il mérite de savoir, déclara Blair en s’adressant à Darren.

Darren soupira et sans répondre à sa femme, il me souffla :

- Gwen vient d’arriver chez Julien. Julien m’a téléphoné avant que je vienne te chercher.

Aussitôt, je redressais la tête et demandais :

- Comment va-t-il ?

- A ton avis idiot, déclara Blair.

- Blair arrête, s’il te plait, tu ne nous aides pas vraiment. Déclara Darren, agacé.

- Est-ce que je peux appeler Julien ? Demandais-je alors gravement.

- Bien sur, déclara Darren en attrapant le téléphone avant de me le tendre.

Ne souhaitant pas rendre publique cette communication, après avoir demandé le numéro, je disparus dans la cuisine. Blair, épuisée, alla se coucher. Fébrilement, je laissais sonner, conscient de l’heure tardive. A vrai dire, il était presque le matin.

- Allo, dit une voix que je ne connaissais que trop bien.

- Hayden ! Déclara-t-il.

- Avant que tu ne m’insultes et me dise ô combien ce que j’ai fait ai mal, dis-moi comment va Gwendal… Soufflais-je, le coeur serré.

- Je ne peux pas vraiment te parler maintenant, murmura Julien. Je vais être sincère, il ne va pas bien. Mince, Marie arrive, je te rappelle plus tard.

Sans que j’ai le temps de dire un mot de plus, Julien raccrocha. Je posais le téléphone devant moi, plus que mal à l’aise et c’est ce moment précis que Darren fit irruption dans la cuisine.

- Je pense que tu as besoin d’avaler un petit quelque chose Hayden. Je doute que tu te sois nourris depuis l’autre jour.

- Je n’ai vraiment pas faim, soupirais-je.

- Laisse-moi au moins te préparer une boisson chaude, déclara-t-il avec un petit sourire.

Alors qu’il s’affairait dans la cuisine, je ne pus m’empêcher de lui dire :

- Je suis désolé Darren. Vous venez juste de vous marier et… Et je vous apporte tous ces soucis. Ne t’inquiète pas, demain je m’en irais.

- Si tu me dérangeais Hayden, il y a longtemps que je t’aurais mis dehors. Hayden… Souffla-t-il en venant prendre place en face de moi après avoir mit l’eau à chauffer. Je peux te parler franchement.

- Je… Oui… Dis-je.

- Je m’inquiète pour toi. Ton style de vie n’est pas sain… Regarde où je t’ai retrouvé tout à l’heure, et… Gwendal était quelque chose de bien qui t’arrivait dans ta vie et tu as…

- J’ai tout gâché, je sais mais c’était sûrement mieux pour lui.

- Qu’est ce que tu veux dire ? Me demanda-t-il.

- Je ne suis pas fait pour les relations humaines…

Darren partit à rire, avant d’ajouter :

- Tu dois être le seul homme que je connaissais à avoir autant de relations humaines Hayden ! Tu as des amis aux quatre coins de l’Angleterre.

- Oui, mais ça ne reste que superficiel…

- Alors à toi de changer les choses.

- Je ne sais pas comment, répondis-je, soucieux.

Ce fut à ce moment là que le téléphone sonna. Aussitôt, je décrochais, certain qu’il s’agisait de Julien, et cela ne manqua pas. J’entendis Julien soupirer avant de dire.

- Je vais être honnête avec toi Hayden. Il n’a fait que pleurer jusque là. Tu n’y es vraiment pas allé de main morte avec lui. Tu fais tout pour que Marie te déteste encore plus… Mais ne t’inquiète pas, il est entre de bonnes mains. Quelle idée tu as eu de t’en prendre à lui…

- Je…

C’est alors que le téléphone sembla lui être arraché des mains et j’entendis Marie et Julien parler.

- Laisse moi le téléphone, je sais bien qui tu as appelé, je vais lui faire entendre ce qu’il a causé.

- Marie ! Je pense qu’il le sait déjà, ça ne sert à rien.

- Qu’il écoute, cracha-t-elle. J’espère au moins que son coeur de pierre en souffrira !

C’est alors que je reconnu une voix que j’aurais reconnu entre mille. Julien ne m’avait pas mentis. Je pouvais l’entendre. Gwendal pleurait sans s’arrêter. Mon coeur se serra alors que je tenais fébrilement le combiné. Je ne pouvais pas le laisser comme ça et lorsque j’entendis à nouveau Julien me dire :

- Je suis désolé, c’est Marie…

- Je vais venir le chercher Julien, au moins lui parler, mais ne lui dit rien. Je ne veux pas qu’il parte de chez toi. Il n’a nulle part d’autre où aller.

- Est-ce que tu crois que c’est vraiment une bonne idée ? Je veux bien que tu viennes, mais pas pour lui faire mal davantage… Souffla Julien. Je connais sa douleur.

- Je suis désolé Julien… Désolé pour ce que je t’ai fait, gémis-je alors.

- C’est du passé, souffla-t-il.

- Je pars demain, déclarais-je. Ne dis rien à Gwen et encore moins à Marie.

- Je… D’accord… Souffla-t-il. Je dois te laisser Marie m’appelle. 

- Merci Julien… Merci pour ce que tu fais. Déclarais-je sincèrement.

- C’est normal Hayden. Prend soin de toi !

La communication fut brusquement coupée. Posant le téléphone devant moi, je soupirais. Ce soir j’empaquetterais toutes mes affaires. Demain matin, je partirais à l’aube pour  tenter d’au moins m’excuser… Je ne voulais pas que ça se finisse ainsi… Je ne voulais pas que ça se finisse tout court. Darren, toujours présent, me tendis une tasse de thé fumante, avant de dire tout simplement :

- Je n’aurais jamais cru dire ça un jour de toi Hayden, mais je pense que nous nous sommes trompés sur ton compte Blair et moi. Tu as définitivement un coeur.

Fronçant les sourcils, je ne compris pas où il venait en venir. Et Darren explicita alors sa déclaration.

- Tu l’aimes.

- Ne dis pas de bêtises, soufflais-je. Je n’aime personne, pas même ma petite personne. Dis-je en riant.

- Hayden, est-ce que tu paniquerais comme ça pour n’importe qui ?

- Je tiens à lui, répliquais-je. C’était la dernière personne à qui je voulais faire du mal. Et oui, je m’en veux terriblement.

- Ce n’est pas à moi que tu devrais dire tout cela.

- Je sais… Dis-je en me levant brusquement. Je partirais tôt demain matin. Déclarais-je, soudain épuisé. Si je ne te revois, pas, transmet toute mes amitiés à Blair et Darren je te dis encore mille fois merci. Je m’excuse encore…

- Je te mènerais à la gare demain matin, déclara Darren en souriant. Je pense que c’est la meilleure décision que tu viens de prendre. Allez… Va te coucher, tu as une mine affreuse.

Ce fut la mort dans l’âme que je retournais dans ce lit où tout avais basculé. Je ne pus fermer l’oeil de la nuit. J’entendais encore et encore les pleurs de Gwendal et je le voyais là, recroquevillé dans la salle de bain, seul.

Le lendemain matin, à l’aube, je fus près, mes bagages pliés. Comme promis Darren m’emmena à la gare et après l’avoir chaleureusement remercié, il me fit promettre de revenir le voir. Je pris le premier train en partance pour l’Angleterre. Sans vraiment savoir pourquoi, j’avais l’intime conviction que je devais faire vite.

Je n’avais pas la moindre idée de ce que j’allais faire ou tout simplement lui dire. Comment allait-il prendre ma venue ? Accepterait-il simplement de m’adresser la parole ? Je tenais juste à m’excuser et je savais que je lui devais plus au plus profond de moi. Je ne pourrais effacer le mal que je lui avais fait mais je ne voulais pas que notre histoire se termine ainsi et je ne voulais plus l’entendre pleurer ainsi par ma faute. Je soupirais alors que je réalisais au plus profond de mon coeur, qu’il me manquait.

J’avais pris goût à ma vie avec lui, j’avais apprécié sa présence à mes côtés et même son caractère et ses questions déplacées. Il était la seule personne à qui j’aurais voulu tout avouer. Avec le temps, j’aurais accepter de lui parler plus profondément de moi, lui avouer qui j’étais véritablement.

Oui… Gwendal faisait ressortir en moi le petit Hayden apeuré qui craignait les coups de sa mère avant d’apprendre à éprouver de la haine pour elle, le petit Hayden qui ne cherchait qu’à être aimé avant d’avoir été désillusionné. Mais je n’étais plus cet être là, ma mère avait fait de moi un monstre et je m’étais complais dans ce rôle. La liberté avait donc un prix et je ne me rendais compte que maintenant de combien elle m’en coûtait.

Je ne sus combien de temps dura mon trajet. Je n’étais pas spécialement habitué à voyager en train ou en bus, mais je n’avais pas le temps de faire autrement. Lorsque je marchais je tentais d’ignorer les chemins que nous avions parcourut avec Gwendal, allant même jusqu’à choisir la route plutôt que la forêt. J’arrivais tôt le lendemain matin, et anxieux, je pris une grande respiration. Qu’allais-je lui dire ? Comment allais-je faire ? Je finis pas frapper quelques coups à la porte, le coeur battant.
La porte ne tarda pas à s’ouvrir me dévoilant Marie qui fronça aussitôt les sourcils et me claqua la porte au nez sans que je n’ai eu le temps de faire quoi que ce soit.

Sans me laissait démonter, j’insistais et ce fut Julien qui finit par m’ouvrir après avoir entendu une dispute. Sans laisser le temps à Julien de me dire quoi que ce soir, Marie poussa Julien et se planta devant moi, et me colla une gifle bien plus forte encore que celle de Blair.

- Tu as vraiment du culot de te pointer ici, cria-t-elle.

Puis, sans plus de cérémonie, elle me tourna le dos et repartie à l’intérieur. Je me retrouvais face à Julien qui, les sourcils froncés, semblait tout aussi en colère. Déglutissant, je vis son poing se serrer.
Tournant légèrement la tête, je lui dis :

- Vas-y à ton tour, je le mérite de toute façon… Soufflais-je, prêt à tout endurer pour arriver à voir Gwendal.

Je fermais les yeux, ne voulant pas voir le coup venir. Cependant, rien de tel ne se produisit, et brusquement, je me sentis attiré dans des bras puissants. Ouvrant les yeux, je remarquais être dans les bras de Julien.

- Pourquoi… Lui demandais-je dans un murmure.

- Tu n’as pas changé Hayden et je pense que ce n’est pas à coup de baffe que ça y fera quelque chose… Laisse-moi juste prendre dans mes bras, mon salopard d’ami.

Je finis par lui rendre son étreinte, plus touché que je ne l’aurais cru par son geste. C’était comme s’il me donnait un peu plus de force pour aller voir Gwendal. Je ne tins pas plus de quelques minutes pour lui dire :

- Où est Gwen ? Est-ce que je peux aller le voir.

Julien s’écarta aussitôt de moi et à la mine peinée qu’il employa mon inquiétude grimpa aussitôt.

- Qu’est ce qui se passe ? Il ne lui est rien arrivé au moins ? Déclarais-je, sentant mon coeur heurter douloureusement contre ma poitrine.

- Son père est venu le chercher hier matin… Souffla-t-il.

- Et il est partit avec lui ! Vous n’avez pas cherché à le retenir et à empêcher son père de…

- Il y est retourné volontairement Hayden, il a dit que c’était la meilleur décision qu’il aurait du prendre depuis longtemps.

Me retournant aussitôt, je m’apprêtait à partir lorsque Julien me demanda :

- Où vas-tu Hayden ?

- Le chercher ! M’exclamais-je en me tournant vers Julien.

- Arrête ! Lança Julien en m’attrapant pas le bras. Ca ne sert à rien d’y aller comme ça, sur un coup de tête. Tu crois que son père n’a pas prévu que tu reviendrais.

- Mais, je ne peux pas le laisser là-bas. Il ne peut pas Julien. Pas par ma faute ! Jamais je ne me le pardonnerais.

- Je sais Hayden… Crois-moi, j’aurais empêché son père de le prendre si Gwen n’avait pas parut aussi décidé. C’est son choix Hayden. Tu ne peux pas forcer Gwendal à faire ce qui te parait être juste pour toi.

- Mais… Il… Il détestait sa vie là bas… Soufflais-je sentant les larmes venir, que je ravalais aussitôt avec amertume.

Julien m’attrapa par le bras et me guida vers la rivière. Le même endroit où Gwen et moi avions conclu notre pacte de voyager ensemble. C’était à cet endroit que je lui avais fait cette promesse que je n’avais su tenir…

Une fois que je fus assis à côté de Julien, il posa sa main sur ma cuisse.

- Il se marie demain Hayden… Nous sommes invités au mariage. Marie est partagée entre l’envie de s’y rendre pour soutenir Gwendal et le désir de ne surtout pas le voir gâcher sa vie ainsi.

- Il faut l’en empêcher ! M’exclamais-je.

- Je pense que si une seule personne le peut, c’est toi Hayden. Mais si tu désires vraiment te lancer dans cette voix, promet-moi une chose.

- Laquelle ? Lui demandais-je.

- Ne le fais que si tu es sur de pouvoir lui apporter quelque chose. Promet-moi de ne plus jamais le faire souffrir… Promet-moi de ne pas lui faire la même chose que moi. Promet-moi que tu ne fais pas ça par égoïsme pour simplement racheter tes erreurs à titre purement personnel.

- Je lui ai promis de le protéger Julien. Je n’ai jamais failli à une promesse.

- Alors protège-le de toi… Mon invitation est cachée dans mon bureau. Si tu peux me promettre tout ce que je viens de te demander alors, vole la moi à la première heure demain matin et fonce avant que Marie ne t’attrape, dit-il avec un petit sourire.

- Merci Julien, soufflais-je, sans parvenir à lui rendre son sourire.

- Bon et si tu allais poser tes affaires. Après j’ai du travail pour toi ! Déclara-t-il. Ca me permettra de passer un peu de temps avec Marie et Lyah.

Sans un mot de plus, nous nous levâmes. Lorsque nous entrâmes, je vis Lyah dans le couloir, je m’approchais d’elle. Voulant la prendre dans ses bras, celle-ci s’en fut aussitôt dans la cuisine en me jetant un regard noir.

- Elle est amoureuse de Gwen, déclara Julien en riant. Et c’est réciproque ! Malgré son âge elle semble avoir parfaitement compris que tu avais fait du mal à Gwen.

- Marie doit y être pour quelque chose, dis-je en souriant à mon tour.

Nous ne perdîmes pas beaucoup de temps. Déposant mes affaires dans la chambre qui sentait encore amèrement la présence de Gwen, même si plus aucune de ses affaires n’était présente, je suivis Julien jusqu’à l’établit. Me fournissant tout ce dont j’avais besoin, il me demanda de faire un nouveau pré pour ses vaches, d’aller dégourdir les jambes de sa jument et de nettoyer son box. S’en suivit d’une folle liste de travail que j’exécutais sans broncher. Je compris rapidement qu’il cherchait à m’éloigner de Marie et surtout à me laisser seul pour réfléchir à ma décision.

A aucun moment Marie ne m’adressa la parole et je dînais seulement en compagnie de Julien silencieusement. C’est alors qu’il me demanda :

- Pourquoi tu agis comme ça Hayden ? Il n’y a pas plus gentil et honnête que toi mais dès qu’une relation devient sérieuse, on dirait un gamin égoïste qui ne sait que blesser les autres. Pourquoi  dès que quelqu’un s’approche trop de toi, tu te débrouilles pour qu’il te haïsse ou souffre trop pour chercher à te suivre… Pourquoi tu t’en es pris à Gwen… Est-ce que c’est vraiment l’envie de voyager qui t’as poussé à partir ou ta peur de t’engager sérieusement avec moi… Quand tu es parti Hayden… Quand tu m’as quitté… C’était juste après que je t’ai dis “je t’aime”. Je savais… Je savais pourtant que tu continuais d’aller à droite et à gauche. Je savais que tu saurais toujours frivole et libertin. Et pourtant, quand je me retrouvais au creux de tes bras, tu avais cette tendresse. Tu me donnais l’impression d’être aimé. Est-ce que tu as simplement une seule fois ressentis quelque chose pour moi, ou tu as trop peur et tu as fuis ?

- Je suis désolé, soufflais-je simplement, incapable de répondre à toute ses questions.

-  C’est du passé Hayden… Et tu resteras toujours mon ami. J’espère que tu le sais.

Nous fûmes à nouveau plongé dans le silence, jusqu’à la fin du repas. Lorsque j’eus terminé, j’aidais Julien à nettoyer avant de le remercier et de prendre la direction de ma chambre. Ce fut au moment où je passais le pas de la porte,  que Julien me demanda :

- Depuis quand tu donnes des surnoms à tes amants ?

- Comment ça ? Dis-je en fronçant légèrement les sourcils, me tournant vers lui.

- Tu as appelé Gwen “Angel”… Tu n’as jamais usé d’un tel surnom avec moi. Se pourrait-il que tu ressentes vraiment quelque chose pour lui ?

Sans lui offrir de réponse, n’en n’ayant pas, je quittais la cuisine pour aller dans ma chambre. Après une bonne douche et un rasage de près, je fouillais dans mon sac et réalisais que je n’avais pas grand chose à me mettre le lendemain. Il faudrait que je parte tôt et que je dégote quelque chose en ville. Allais-je vraiment m’y rendre ? Allais-je retrouver Gwendal ? Ce fut cette question qui me hantant toute la nuit et ce fut à l’aube que je me dirigeais sur la pointe des pieds jusqu’au bureau de Julien.

Qu’elle ne fut pas ma surprise de découvrir un magnifique costume noir et une chemise blanche, accompagné d’une petite note agrafée « Soit certain de ce que tu fais» et de l’invitation au mariage.

Attrapant le tout, fébrile, je fonçais dans la salle de bain et me préparais du mieux que je pus. On aurait dit que ce costume avait été taillé pour moi et je remerciais le fait que nous ayons à peu près la même corpulence avec Julien. Disciplinant mes cheveux avec du gel je m’observais ensuite dans le miroir ayant du mal à me reconnaître.

Après une petite touche de parfum, je m’enfus dehors, ne voulant surtout pas être intercepté par les habitants de cette maison. Une fois dehors, je marchais jusqu’au village et de là, pris une voiture. Je m’arrêtais à distance de la grande propriété, décidant de faire le reste du chemin à pied.

Perdu dans mes pensées, sans vraiment m’en rendre compte, je finis devant la rivière, à l’endroit même où j’avais rencontré Gwendal. Mon coeur se serra alors que je m’asseyais sur le muret en pierre. Étais-je vraiment en train de prendre la bonne décision ? Qu’allais-je lui dire ? Qu’avais-je à lui proposer… Comment allait-il ?

Ce fut le soleil haut dans le ciel qui me tira de mes pensées. Réalisant aussitôt que le mariage avait sûrement commencé, je me traitais de tous les noms. Je n’avais pas à hésiter. Je devais faire quelque chose, mettre mon orgueil de côté même si je me faisais rejeter. Je courus, plus vite encore que je ne l’avais jamais fait, ignorant les habits que je portais qui étaient loin d’être fait pour une course folle.

J’arrivais près de la chapelle et fut soulagé de ne voir personne m’empêchait de rentrer.  Devant la porte, je pris une grande inspiration. Mes mains se posèrent sur celle-ci, et je restais figé, incapable d’aller plus loin. Ce fut à cet instant, que j’entendis le prête demander si quelqu’un s’opposait  cette union. Sans savoir ce qui allait réellement se passer, passant outre ma peur, je poussais les grandes portes qui s’ouvrir dans un grand grincement.

Tous les regards se tournèrent aussitôt vers moi, mais je les ignorer, ne me focalisant que sur Gwendal. Il semblait brusquement apeuré de me voir ici. Rassemblant tout mon courage, je finis par m’arrêter, et déclarais :

- Moi ! Moi je m’y oppose !

M’approchant un peu plus de Gwendal, je le regardais droit dans les yeux avant d’ajouter :

- Ne fais pas ça Gwen ! Ne gache pas ta vie…

- Ne t’approche pas ! Je ne veux plus te voir ! Rétorqua aussitôt Gwendal me faisant m’arrêter net.
Sans lâcher son regard et sans sourciller, le coeur battant, j’ajoutais :

- Pourquoi gâches-tu cette liberté à laquelle tu semblais tant tenir ?

- Parce que ma liberté n’avait de valeur à mes yeux uniquement parce que je la partageais avec toi, rétorqua-t-il amer alors que je pouvais voir ses yeux s’humidifier.

- Tu ne m’as même pas laissé le temps de m’excuser, soufflais-je, touché par ce qu’il venait de me dire plus que je ne l’aurais cru. Je suis désolé Gwendal… Ne fait pas ça ! Je t’en supplie, tu n’as même pas découvert la moitié de ce que je voulais te faire découvrir…

- C’est trop tard, répliqua-t-il. Pourquoi tu reviens me torturer ?! Je ne veux plus te voir ! Arrête ! Arrête de me faire souffrir, cracha-t-il, les larmes aux yeux.

- Tu n’es pas le seul à avoir mal Gwendal ! Tu n’imagines pas combien ton départ m’a fait mal… Je suis désolé Gwendal, dis-je en tombant pitoyablement à genoux. Si je pouvais revenir en arrière, je le ferais. Mais te savoir loin de moi, je ne peux pas, ça fait trop mal… Avec toi, c’était différent et magique…

- Tais-toi ! S’exclama-t-il. Arrête ! Je t’en supplie, laisse moi !

Ignorant son ordre, je poursuivis :

- Je m’en veux Gwendal ! Si tu savais comme je m’en veux… Je t’ai promis de te protéger et je n’ai même pas su te protéger de moi-même. Pardonne-moi Gwendal. Ne gâche pas ta vie à cause de moi !

- Je t’ai tout donné Hayden, déclara Gwendal en séchant ses larmes d’un revers de manche. Et tu m’as trahis… Hayden, comment veux-tu que je te fasse confiance…

Un silence suivit cette déclaration. Et alors que j’allais répondre quelque chose, Gwendal me devança :

- Si tu as un minimum de respect pour moi, alors tu dois t’en aller, déclara-t-il en détournant son regard.
Je me sentis alors hisser vers le haut et je ne compris que trop tard qu’il s’agissait de deux vigiles bien trop costauds pour tenter de m’en dégager. Le coeur battant, alors que j’étais tiré vers la sortie la vue de Gwendal et de sa futur femme me serra si durement le coeur que je criais alors :

- Apprend moi Gwendal ! Déclarais-je alors qu’il tournait brusquement la tête vers moi. Apprend moi à aimer…

Gwendal ne répondit rien, me fixant d’un regard que je ne parvenais pas à décrire. Alors que j’ajoutais plus bas, les larmes me montant aux yeux à l’idée que c’était surement la dernière fois que je le verrais :

- Je t’en supplie, apprend-moi à t’aimer…

Sans avoir le temps d’ajouter quoi que ce soit, je fus dehors et les portes se fermèrent derrière nous.
Je fus brusquement jeter sur les dalles d’entrée de l’église et un coup de pied dans le ventre me heurta de plein fouet. Brusquement, l’un des vigile me saisit par le col et me plaqua violemment contre le mur :

- Ecoute-moi bien, cracha l’un d’eux, ne remet plus jamais les pieds ici ! Ne tente plus jamais de t’approcher de lui où tu ne repartiras pas vivant.

Son poing s’abattit durement son mon visage avant qu’ils ne me jettent en bas des marches comme une vulgaire poupée de chiffon. Me redressant difficilement, je toussais avant de cracher du sang. Me massant la mâchoire, j’eus à peine la force de me redresser. Je venais de tout perdre, définitivement. Rester près de cette église m’écœura mais je ne parvins pas à aller plus loin que le banc que je remarquais.

M’y asseyant je souris amèrement en voyant en face de moi l’église. J’avais mal, affreusement mal et la douleur que je ressentais n’avait rien à voir avec les coups que j’avais reçu. J’avais l’impression que quelqu’un prenait mon coeur à pleine main et tentait de l’arracher de mon corps avec une violence inouïe.

Ce fut alors que la porte s’ouvrit brusquement sur Gwen en pleurs suivit de toute sa famille qui lui criait après de revenir. J’eus à peine le temps de me redresser que Gwendal me sauta dans les bras. Grimaçant sous la douleur, je l’ignorais alors que mes bras se refermaient sur lui comme pour l’empêcher de partir. Là, tout contre mon oreille, au milieu de ses larmes, il murmura comme une plainte :

- J’ai tout abandonné pour toi, ne me fait pas regreter mon choix… 

Le père de Gwendal se rua sur nous et s’arrêta à quelques mètres.

- Gwendal ! Revient ici tout de suite ! Déclara-t-il. Tu n’imagines pas la honte que tu viens de nous faire vivre. Reviens maintenant !

- Gwendal, gémis sa mère, oh mon dieu, Gwendal.

- Tu fais erreur Gwendal, tu ne peux pas être un sale pédéraste. C’est cet homme, cet animal qui t’a embobiné. Gwendal ! Mon fils, reprend la raison et revient. On tentera d’oublier cet incident.

J’entendis Gwen gémir de douleur et n’en supportant pas d’avantage, je fis ce que je lui avais toujours promis. Le gardant tout contre moi, protecteur, je toisais son père avec tout le mépris dont j’étais capable avant de répliquer, assez fort pour que tout le monde l’entende :

- Il était parfaitement homosexuel lorsque nous avons couché ensemble ! Vous ne méritez pas votre fils. Vous ne l’avez jamais connu, jamais regardé ! Vous ne savez même pas qui il est ! Vous ne l’avez jamais aimé…

Je sentis Gwendal frémir au creux de mes bras et je le serrais encore plus fort tout contre moi, comme si cela pouvait l’empêcher d’être atteint par la méchanceté et la brutalité de ses géniteurs.

Ce fut à cet instant que Gwendal tourna la tête, et sans pour autant quitter mon étreinte, il fit face à son père, comme mue par une force que je ne lui connaissais pas :

- Je ne veux pas de cette vie que vous avez décidé pour moi. Mon choix est d’être avec Hayden. Je l’aime ! Déclara-t-il. Qu’importe si je suis renié ! Ma vie c’est auprès d’Hayden, et j’assume mes sentiments.

Ne résistant pas, je m’emparais aussitôt de ses lèvres. Elles m’avaient tant manquées. Comment avais-je pu vivre ne serait-ce qu’une seconde sans elles ! Comment avais-je pu me priver de ce bonheur. Sous la surprise, Gwendal entrouvris ses lèvres et j’en profitais aussitôt pour investir sa bouche. Avec vigueur et une douceur non feinte, je l’entraînais dans un baiser emplie de sentiments comme pour panser la souffrance causée, comme pour lui apporter la force qui lui était nécessaire.

Notre baiser avait le goût amer du sang à cause du coup que j’avais reçu et j’ignorais la douleur que cela me causait encore. Je voulais me fondre en lui, je voulais qu’il me possède comme jamais encore je ne l’avais désiré de personne. Je voulais être à lui et fut effrayé par ce sentiment. J’étais près à ignorer ma liberté, si importante à mes yeux et à la lui offrir. Mon coeur battait douloureusement dans ma poitrine à m’en couper le souffle. Ce fut les deux mains de Gwendal me repoussant fermement qui me firent revenir à la raison.

- Gwendal ! Ceci est la dernière chance que je te laisse, claqua son père écoeuré. Si tu pars avec cet animal, je te renie ! Je ne veux plus jamais te voir ici ! Je ne veux plus entendre parler de toi ! Jamais tu m’entends.

La mère de Gwendal s’effondra brusquement alors qu’un homme la retins de justesse avant qu’elle ne touche le sol.

Echangeant un bref regard avec moi, Gwendal se tourna à nouveau vers son père et déclara avec une force qui le rendait encore plus beau :

- La ferme ! Cracha-t-il Je préfère être renié que de me soumettre encore à vos ordres.

Son père parut brusquement horrifié. Sans un mot, il lui tourna le dos, et suivit de toute la famille et des personnes présentes, ils retournèrent dans l’église, claquant violemment la porte. Seul un jeune homme un peu plus âgé que nous resta présent.

Il s’approcha alors de nous, tandis qu’agrippé à moi, Gwendal tremblait. Je ne pouvais avoir idée de ce qu’il devait ressentir. Il avait tourné le dos à sa famille entière pour moi et je devais en endosser toute la responsabilité. Indéniablement je m’étais lié à lui alors qu’il venait de mettre ma vie entre ses mains. Le jeune homme s’arrêta devant et posant sa main sur l’épaule de Gwendal, celui-ci sursauta avant de se tourner vers lui :

- Je suis fier de toi Gwendal, tu as su faire ce que je n’ai jamais osé….

Gwendal esquissa aussitôt un sourire et se dégageant de mon étreinte, restant tout de même contre moi, il lui demanda aussitôt :

- Nathaniel ! S’exclama-t-il. Je ne pensais pas te revoir un jour ! Est-ce que ça va ? Demanda-t-il en séchant ses larmes comme honteux.

- Je vais bien… J’admire vraiment le courage que tu as eu, insista-t-il. Et je tenais à te dire que si tu avais besoin de quoi que ce soit, tu peux compter sur moi. Je peux t’accueillir chez moi si tu veux. Ce n’est pas immense, mais on pourra te faire une place, dit-il avec un petit sourire.

- C’est très gentil de ta part, mais je vais rester avec Hayden, répondit Gwen en m’adressant un petit sourire.

- En tout cas, si jamais tu as besoin de quoi que ce soit, je tenais à ce que tu saches que je suis là. Entre cousins reniés, déclara-t-il amusé, on doit s’entraider.

- Je… Merci, souffla Gwendal, certainement plus touché qu’il ne le laissais paraître.

- Ce que tu traverses est difficile Gwendal, ajouta-t-il. Je peux te le dire, je l’ai vécu… Mais,  ça vaut le coup ! Déclara-t-il.

Puis s’adressant à moi, il me dit avec sérieux :

- Prenez soin de mon cousin et soutenez-le…

- Je vous le promet, dis-je, passant tendrement mes bras autour de son corps frêle.

Gwen semblait avoir encore perdu du poids. Nathaniel attrapa alors son portefeuille et en sortit un papier sur lequel il griffonna un numéro avant de le tendre à Gwendal.

- Appelle-moi si tu as besoin. Je dois y aller… J’espère avoir de tes nouvelles.

- Merci, souffla Gwendal, profondément touché.

Nathaniel s’éloigna après un sourire et un dernier signe de la main. Nous nous retrouvâmes brusquement seul. Reportant toute mon attention sur Gwendal, je lui soufflais alors, comme pour définitivement sceller ma promesse, passant une main délicate dans ses cheveux, comme pour m’assurer qu’il était bien présent, là, dans mes bras :

- Je te promets Gwen, je te promets que je ne te le ferais pas regretter…

Gwen me pris aussitôt dans ses bras et alors que je cherchais à approcher mes lèvres des siennes, il tourna la tête, me faisant clairement comprendre qu’il n’en avait pas envie. Blessé, je ne n’insistais pas, le serrant plus fermement dans mes bras. Je murmurais alors à son oreille :

- Ca y est… Tu es enfin libre maintenant…

Pour toute réponse, Gwen enfouit sa tête dans mon cou. Nous restâmes ainsi entrelacé un temps que je n’aurais su définir, profitant simplement du fait de se retrouver. Mon coeur qui avait été si douloureux se calmait enfin, retrouvant une forme de chaleur que je n’avais connue qu’à ses côtés. Ce fut Gwendal qui finit par s’écarter légèrement de moi.

- Comment tu te sens ? Soufflais-je.

- Je suis épuisé… J’ai faim… Dit-il avec un petit sourire.

Soudain son visage se décomposa et il ajouta :

- Je n’ai plus rien ! Pas d’argent, pas de vêtement, pas de…

Je posais aussitôt un doigt sur ses lèvres, l’incitant au silence.

- Ce n’est que du matériel Gwendal. Je te prêterais des affaires et on achètera le reste. C’est aussi ça la liberté Gwen ! Tu as perdu toutes tes attaches. Quand je suis partit de chez moi, je n’avais plus rien… Plus personne… Mais tu m’as moi…

Gwendal me sourit timidement, et je lui dis alors :

- Et si nous rentrions, déclarais-je avec un sourire. Mais avant laisse-moi-t’acheter quelque chose à manger en ville.

- Je… Merci, dit-il avec un petit sourire.

- Gwen, tu n’as pas à être timide ou gêné avec moi d’accord ? Je crois qu’on a dépassé ce stade.

Gwendal rougit de plus belle. Paradoxalement, ce fut moi qui attrapait timidement sa main et l’entraînais à ma suite, l’éloignant à jamais de sa famille.

Comme promis, nous nous arrêtâmes en ville et n’ayant plus à nous cacher, je lui proposais d’aller dans un restaurant. S’il refusa prétextant que nous n’avions pas assez d’argent pour ça, je ne lui laissais pas le choix. Installé à une table, nous passâmes commande, et Gwendal, me regardant avec un sourire amusé, déclara :

- Tu devrais faire un tour aux toilettes et laver ton visage… Tu as encore du sang sur le coin de la lèvre… Ils ne t’ont pas fait mal au moins ! Ajouta-t-il soudain inquiet.

- Quelques bleus sûrement. Mais rien de grave. M’empressais-je de le rassurer. Crois-moi, dis-je en me levant, j’aurais été prêt à bien plus pour te récupérer.

Me redressant, sous les conseils de Gwendal, je m’absentais et allais aux toilettes. Le reflet qu’il me renvoya me fit sourire malgré moi. En effet, il ne m’avait pas loupé. Attrapant un morceau de papier, je le passais sous l’eau et tentais d’enlever le sang séché. N’ayant pas de glace sous la main, le coin de ma lèvre droite était déjà en train d’enfler. Après avoir passé un peu d’eau sur mes cheveux en bataille, je partis rejoindre Gwendal.

Celui-ci semblait comme apeuré, assis seul sur la banquette. Sans perdre de temps, je vins aussitôt m’asseoir près de lui. Il jeta alors un regard effrayé autour de lui, et je le rassurais aussitôt, comprenant sa crainte :

- Ne t’occupe pas du regard des autres Gwen. Allez viens-là…

Je l’attirais aussitôt dans mes bras alors qu’il souffla :

- Je n’ai plus rien… J’ai peur….

Passant une main dans ses cheveux, je répondis alors :

- Tu es surtout affamé et épuisé Gwen… Demain après une bonne nuit de sommeil, tu auras les idées plus claires.

Gwendal acquiesça et ce fut à ce moment là que l’on nous apporta nos assiettes. M’éloignant à contre coeur de Gwendal après avoir déposé un baiser sur son front, je le laissais face à son assiette. N’ayant rien avalé non plus, ce fut avec un appétit que nous dévorâmes nos assiettes sans laisser une miette. Nous prîmes ensuite le bus pour nous approcher de chez Julien. Assis tout contre lui, Gwendal était venu se réfugier dans mes bras, comme s’il avait peur que je m’éloigne ou que tout cela ne soit qu’un rêve. Avant qu’il ne s’assoupisse, je lui soufflais amusé :

- Je peux te dire que quelqu’un se languit de toi. Ta fiancée t’attend désespérément…

Sentant Gwendal se tendre, je rajoutais aussitôt :

- Je parle de Lyah. Elle t’a vraiment adopté, dis-je avec un petit sourire.

Gwendal se détendit aussitôt et ce fut un petit sourire accroché aux lèvres qu’il s’endormit contre moi.
Une fois arrivé, n’ayant pas le coeur à le réveiller, je décidais de le porter dans mes bras. Ce ne fut que lorsque nous fûmes sur le pas de la porte, que je le tirais de son sommeil à contre-coeur.

- Nous sommes arrivé Gwen… Je pensais que tu voulais les voir avant d’aller te coucher.

- Mmmh, merci, souffla-t-il alors que je le posais par terre.

Alors qu’il se frottait les yeux, je frappais quelques coups à la porte. Ce fut Marie qui vint nous ouvrir, Lyah accroché à ses jambes.

- Endal ! Cria aussitôt Lyah.

Lâchant les jambes de sa mère, elle se rua aussitôt sur Gwendal qui déjà abaissé, la prenait dans ses bras, la serrant fortement contre lui. Il ne fallut pas plus longtemps avant que Julien n’arrive.
Ce fut de grands sourires et une joie non feinte qui accueillirent Gwendal. Chacun le serra dans ses bras, et le bonheur que je pus voir sur son visage me rempli de joie. Marie déboucha une bouteille que nous savourâmes dehors. Gwendal se contenta d’un jus de fruit, et fut aussitôt accaparé par Lyah. Ce fut à cet instant que Julien m’attira à lui et me serra dans ses bras.

- Tu as fait le bon choix ! Déclara-t-il. Je suis fier de mon ami.

Alors qu’il me serrait un peu trop fort, je me tendis en grimaçant.

- Qu’est ce qui s’est passé ?

- Disons que les molosses de son père ne sont pas très tendre.

- Fait moi voir ! Déclara-t-il.

- C’est bon… Soufflais-je.

- Hayden ! S’il te plait ! Insista-t-il.

Loin d’être pudique, ce fut la première fois que j’enlevais à contre coeur mon tee-shirt. Le visage de mon ami s’horrifia tout à coup. 

- Hayden, souffla-t-il…

Gwendal, Marie et Lyah arrêtèrent leur discussion et me fixèrent aussitôt comme si ils voyaient la chose la plus horrible de leur vie.

- Quoi ? Dis-je mal à l’aise rabaissant aussitôt mon tee-shirt.

- Suis-moi, déclara Marie. Il faut te mettre quelque chose là dessus… Où demain tu en paieras les conséquences.
Docile je la suivis, laissant Julien, Lyah et Gwendal. Arrivé dans la salle de bain, elle me demanda de retirer mon tee-shirt et de m’asseoir sur le rebord de la baignoire. M’exécutant docilement, je vis alors ce qui avait horrifié tout le monde dans le reflet du miroir. Un hématome presque noir ressortait sur ma peau, juste en dessous des côtes. C’était certainement quand j’avais reçut leur coup de pied.
Attrapant une crème, Marie commença à me l’appliquer avant de lever les yeux vers moi.

- Même si c’est en partie de ta faute, merci de l’avoir tirer de là… Mais attention, dit-elle en appuyant sur mon hématome avec sadisme, me faisant pousser un petit gémissement de douleur. Ne le fais surtout pas souffrir une seconde fois où je te promets que tu auras à faire à moi !

- Ca fait beaucoup de promesse en une journée, dis-je amusé, avant qu’elle ne réitère son geste plus franchement.

- Aie ! Criais-je. Je n’ai aucune promesse à te faire Marie, déclarais-je alors en attrapant sa main. Cette promesse, je l’ai faite à Gwendal, dis-je avec sérieux.

Aussitôt, les traits de Marie s’adoucirent.

- Je commence enfin à voir le bon côté que Julien clame connaître chez toi, dit-elle avec un petit sourire. Maintenant il te reste pas mal de travail !

- Pour quoi ? Lui demandais-je en fronçant les sourcils alors qu’elle finissait d’appliquer la crème.

- Pour regagner sa confiance, souffla-telle avec un petit sourire.

- Je serais patient, soufflais-je.

- Je n’en doute pas.

Ayant terminé, elle se releva, me laissant remettre mon tee-shirt. Tendant la main vers elle, je lui dis alors :

- Et si nous faisions la paix après toutes ces années.

- Je t’en veux toujours, déclara-t-elle.

Mais à ma plus grande surprise, elle attrapa ma main et avec un sourire elle ajouta :

- Mais c’est d’accord.

Serrant sa main, je lui offrit un sourire. Après ces entrefaits, nous rejoingnîmes les autres et aussitôt, je m’approchais de Gwendal, assis à la table, somnolent. M’asseyant juste à côté de lui, étonné par ma propre attitude, je posais une main sur sa cuisse. Tournant la tête vers moi, il me dit :

- Est-ce que ça va ? Je suis désolée Hayden… C’est de ma faute… Ajouta-t-il.

- Non Gwen… C’est à cause de moi… J’aurais mérité bien pire…

Alors que Gwendal allait répliquer quelque chose, j’ajoutais sans réfléchir avec un faux sourire :

- Ne t’inquiète pas, j’ai reçu pire avant…

Voyant son expression se décomposer aussitôt, je l’attirais contre moi et soufflais :

- Je suis si heureux de te savoir à nouveau à mes côtés…

Déposant un baiser sur sa tempe, je lui proposais ensuite en lui rendant sa liberté :

- Et si nous allions nous coucher… Tu as l’air aussi épuisé que moi.

Gwendal acquiesça. Après avoir remercier nos hôtes, Gwendal offrit un bisous à Lyah lui promettant de s’occuper d’elle.

Nous allâmes dans notre chambre. Gwendal alla se mettre en pyjama dans la salle de bain, m’empruntant un tee-shirt trop petit pour moi et un pantalon trop grand pour lui.  Je fis de même dans la chambre, grimaçant. Je commençais seulement maintenant à véritablement avoir mal. Lorsqu’il eut finit avec la salle de bain, j’allais rapidement me débarbouiller avant de le rejoindre.

Il était allongé dans le lit. Sans trop savoir comment me comporter, je m’allongeais à ses côtés, gardant une distance minime entre nous. Ce fut Gwendal qui vint de lui même contre moi. Soupirant de bien être alors que je posais mes bras autour de lui, il murmura alors :

- Hayden…

- Oui ?

- Qu’est-ce que je vais devenir maintenant ? Qu’est-ce je vais faire ?

- Nous allons rester un moment ici, le temps que tu reprennes du poids et que tu te sentes mieux, murmurais-je. Nous n’avons plus à fuir maintenant. Et puis… Nous avons obligation de retourner voir Blair et Darren. Et, après, nous envisagerons peut-être un voyage en France…

Gwendal s’écarta de moi :

- En France ? Mais… Tu…

- Il faudra bien que tu pratiques ce que tu as appris, dis-je avec un sourire.

- Je ne veux pas t’obliger à y aller, déclara-t-il.

Je soupirais avant d’ajouter en le regardant droit dans les yeux :

- Il est temps que je me décide à faire face à mes vieux démons et à aller de l’avant, murmurais-je, perdant mon assurance. Mais… Je vais avoir besoin de toi…

Enfouissant à nouveau sa tête contre moi, il ajouta :

- Ca fait beaucoup de choses à faire tous les deux, déclara-t-il.

- Ce ne te convient pas ? Demandais-je soudain inquiet.

- Tant que je suis avec toi, ça me convient, dit-il en s’écartant et en me regardant dans les yeux.

Si l’envie de l’embrasser se lisait dans mon regard, je n’en fis rien, ne sachant pas ce que j’avais vraiment le droit de faire avec lui. J’avais connaissance de ses sentiments pour moi, et malgré moi, j’en été effrayé… J’avais peur de ne pas être à la hauteur, de le heurter ou de ne pas savoir comment m’y prendre avec lui.

- Tu étais sérieux, me demanda alors Gwendal, quand… Quand tu m’as demandé de t’apprendre à…

- Oui, j’étais sérieux, murmurais-je sincère. Mais ça prendra du temps… Avouais-je, gêné.

- Je serais patient… Répondit-il avec un petit sourire.

- Je ne mérite pas ta patience, répondis-je en détournant le regard comme rarement il m’arrivait de le faire.

- Ca, c’est à moi de le décider, répondit Gwendal.

Se callant à nouveau contre moi, ce fut le silence qui nous enveloppe. Serrés l’un contre l’autre, c’est à peine si nous arrivions à réalisé que nous étions ensemble. Rien n’était encore résolu et il me faudrait du temps pour regagner sa confiance. Mais en l’instant présent, je laissais ces pensées s’envoler. Ce fut bercé par sa respiration détendue que je finis par trouver le sommeil… Là, tout contre lui… Serrein.

A suivre…

14
jan

Once in a lifetime - chapitre 10

   Ecrit par : admin   in Once in a life time

Chapitre 10 par Shinigami

 

Durant la semaine qui suivit, nous nous éloignâmes, comme si nous fuyons la peste. Si j’avais toujours du mal à suivre le rythme imposé par Hayden, j’avais à présent une nouvelle motivation, habité par la crainte d’être un jour retrouvé et reconduit dans ma prison dorée. Cette peur me tenaillait au ventre et sans que je ne m’en rende compte, je finis par m’enfermer dans un mutisme qui ne me ressemblait pas. Assis contre un arbre, je tentais de me concentrer pour lire un des livres que j’avais emprunté à Hayden. Lorsque je m’étais rendu compte qu’il en avait dans son sac, je lui avais aussitôt demandé la permission de lui en emprunter un, permission qu’Hayden m’avait donnée en souriant.

Lorsque je vis Hayden s’asseoir à côté de moi, je lui adressais un petit sourire avant de reporter mon attention sur la page que je tentais de lire depuis cinq minutes déjà. Mais comme précédemment, je ne parvins pas à me concentrer. J’entendis vaguement Hayden soupirer bruyamment, mais je ne lui prêtais pas plus attention. Les yeux rivés sur le livre, les mots dansaient devant mes yeux et semblaient ne rien vouloir dire, alors que, perdu dans mes pensées, je songeais encore et toujours à ce qui se passerait si jamais mon père arrivait à me retrouver. Si la dernière fois j’y avais échappé, cette fois-ci, il me punirait bien plus sévèrement qu’en me forçant à épouser une femme dont je ne voulais pas.

Je voulais demander à Hayden de partir, je voulais lui demander qu’il m’emmène ailleurs, loin d’ici, en France par exemple, mais au fond de moi, je savais pertinemment qu’il n’accepterait jamais. C’est pourquoi je ne lui demandais rien, me contentant de le suivre sur ses sentiers qu’il connaissait.

 

 

Finalement, ce fut la voix d’Hayden qui me sortit de mes pensées :
- .. va pas, Gwen ?

- Hein ? Sursautais-je en l’entendant prononcer mon prénom, mais n’ayant rien entendu du début de la phrase.

- Qu’est-ce qui ne va pas ? Déclara-t-il, posant sur moi un regard grave et sérieux.
- Rien, m’empressais-je de répondre, détournant cependant le regard, je vais très bien.

- Arrête, on ne me la fait pas… Insista-t-il. Pas à moi. Qu’est-ce qui te tracasse ? Tu peux peut-être m’en parler…
A ces mots, je reportais mon attention sur lui et ancrais mon regard au sien, cherchant à déterminer s’il se moquait de moi ou pas. Mes yeux dans les siens, je tentais de le sonder, sans grand succès cependant, Hayden étant passé maître dans l’art et la manière de dissimuler ses sentiments.

N’ayant pas su déterminer à quoi pensait Hayden, je refermais mon livre en soupirant de lassitude, laissant ma tête partir en arrière, la posant contre le tronc d’arbre avant de me décider à lui répondre :

- Je suis en train de prendre goût à cette vie… Murmurais-je, surpris de m’être laissé aller à dire ces quelques mots que je n’avais jamais oser prononcer à voix haute.

Je m’étais retenu à temps… Emporté dans mon élan, j’avais failli lui avouer que cette vie n’était pas la seule chose à laquelle je m’étais attaché… Malgré moi, je m’étais aussi attaché à Hayden. En dépit de nos débuts difficiles, il avait toujours été là pour moi, m’acceptant dans sa vie et faisant tout un tas de concessions pour mon propre bien-être. Hayden était le genre de personne qui avait le coeur sur la main et j’avais appris à l’apprécier pour sa gentillesse et pour la personne qu’il était au fond de lui.

- Alors pourquoi ça ne va pas ? Demanda Hayden, une pointe de ce que je cru être de l’inquiétude dans la voix.

- Parce que j’ai peur que ça ne dure pas… Avouais-je en baissant les yeux, reportant mon attention sur l’herbe qui dansait au gré du vent.

- Pourquoi cela s’arrêterait ?

- Mon père ne baissera pas les bras, Hayden… Soupirais-je. Nous serons toujours en fuite jusqu’à ce qu’il réussisse à me rattraper.

Délicatement, avec une douceur que je ne lui connaissais pas, Hayden prit mon menton entre ses doigts et me fit relever la tête, m’obligeant à le regarder. Lorsqu’il fut certain d’avoir toute son attention, il déclara gravement :

- Ton père ne te possède pas, Gwen. Tu es libre de choisir ta vie. Quoi qu’il arrive, quelque soit le choix que tu fais, je serais là pour t’aider et te protéger. Je te le promets !

Son regard ne quittait pas le mien, et gêné de l’intensité avec laquelle il me regardait, je me mis à rougir. Fuyant son regard, je murmurais un faible “merci”, sentant toujours le regard d’Hayden ancré sur moi, refusant visiblement de me quitter. Sans que je ne sache pourquoi, mon coeur se mit à battre plus rapidement, cognant bruyamment dans ma poitrine et l’espace d’un instant, je craignais qu’Hayden ne l’entende. Jamais encore je ne m’étais sentis aussi vulnérable et mal à l’aise sous le regard de quelqu’un, et que cette personne soit Hayden me troublait plus que je ne l’aurais souhaité. Hayden était la première personne avec qui j’étais aussi lié, dans le sens où nous partagions nos vies, et en cet instant précis, mon manque d’expérience me parut d’autant plus cruel.

Hypnotisé par le regard envoûtant qu’Hayden posait sur moi, je ne pouvais détourner mon attention de lui, et ce, même lorsque je le vis s’approcher lentement de moi. Son regard posé sur mes lèvres ne laissait aucun doute sur ce qu’il avait en tête. Ce ne fut que lorsque son souffle chaud caressa mon visage, ses lèvres à seulement quelques millimètres des miennes que je retrouvais mes esprits et ma volonté. Affreusement gêné, je tournais la tête au moment où ses lèvres allaient se poser sur les miennes. Honteux comme jamais, je n’osais pas le regarder, tentant d’ignorer les battements frénétiques de mon coeur.

- Pardon, soupira Hayden en s’éloignant légèrement de moi. Je n’aurai pas du…

Si je ne compris pas la seconde phrase, je n’en laissais cependant rien paraître. Me tournant vers lui, je lui adressais un petit sourire timide avant de me lever, tentant tant bien que mal de dissimuler le trouble grandissant qui m’habitait. Pourquoi avait-il prononcé ces derniers mots ? Laissait-il sous-entendre que s’il s’apprêtait à m’embrasser c’était parce qu’il le voulait ? Mettant fin à mes pensées, mal à l’aise par ces sentiments indescriptibles qu’ils faisaient naître en moi, je tentais de détendre l’atmosphère et changeant délibérément de sujet, je demandais :
- Où va-t-on ce soir ? A l’hôtel ? Demandais-je plein d’espoir à l’idée d’un bon lit et d’une douche digne de ce nom.

- Non, répondit mon vis à vis avec un petit sourire. J’ai une connaissance à quelques heures de marche d’ici. On devrait y être ce soir. Il nous hébergera contre quelques jours de travail pour lui.

Ma mauvaise humeur revint au galop à cette réponse qui figurait en première place dans la liste des phrases que je ne souhaitais pas entendre.

- Ah… Répondis-je simplement, toute lueur espoir envolée, pas enchanté le moins du monde à cette idée.

A la limite, je préférerais même dormir dehors pendant le reste du mois. Cela me conviendrait bien mieux que d’aller encore une fois loger chez un homme que je ne connaissais pas et avec qui Hayden aurait envie de passer un bon moment.

- Et si ça devait arriver, ajouta mon aîné en m’adressant un sourire malicieux, comme s’il avait lu dans mes pensées, je serais discret, promis… Rit-il.

Pour ma part, cela ne me fit pas rire. Au contraire, cela renforça mon sentiment de malaise et taciturne, je m’éloignais de lui sans un regard afin d’aller rassembler mes affaires. Sans que je ne sache réellement pourquoi, je fut pris d’une subite envie de pleurer. Cependant, gardant mes état d’âmes pour moi, je refoulais ce sentiments, ignorant les noeuds de mon estomac et l’arrière goût amer dans ma gorge. Ce fut dans un silence gêné et morose que nous reprîmes la route.

Comme Hayden l’avait prédit, nous arrivâmes en fin de journée dans l’immense ferme de son ami répondant au prénom de Thomas. Prénom dont je gardais un souvenir loin d’être élogieux. D’un pas traînant, montrant ainsi à Hayden la motivation qui était la mienne à aller passer quelques jours chez son ami, je lui suivis à contrecoeur à travers la cour, regardant où je mettais les pieds. Ignorant royalement ma réticence, Hayden poursuivit son chemin et une fois arrivé sur le pas de la porte, il m’attendit patiemment. Si j’avais pu y aller à reculons, je l’aurais fait avec la plus grande joie. Cependant, ne pouvant faire attendre Hayden trop longtemps, j’accélérais sensiblement mon allure. Une fois à ses côtés, je poussais un soupir à fendre l’âme qu’Hayden ignora avec superbe, frappant à la porte.

Celle-ci ne mit pas longtemps à s’ouvrir et un énorme chien noir en bondit, me prenant comme cible. Effrayé, c’est de justesse que je retins un hurlement de terreur à la vue de l’énorme boule de poils qui fonçait sur moi. Inconsciemment, je me collais aussitôt à Hayden, cherchant sa protection.

- Hayden ! S’exclama alors une grosse voix grave que je devinais être celle de ce fameux Thomas. Quelle bonne surprise ! S’exclama-t-il. Tu tombes à pic. Mes moutons se sont échappés et si tu pouvais me donner un coup de main, ça me simplifierait les choses.

Brusquement, il s’arrêta lorsqu’il s’aperçut de ma présence derrière Hayden. Cependant, je ne prêtais aucune attention à lui, toute ma vigilance étant portée sur le chien.

- Tiens, déclara-t-il. C’est bien la première fois que tu viens accompagné. A qui ais-je l’honneur ? Demanda-t-il en attrapant son chien par le collier.

- Je m’appelle Gwendal, répondis-je simplement en m’éloignant légèrement d’Hayden, pas vraiment rassuré.

- Moi c’est Thomas, dit-il avec un sourire qui me déplut. Bon, on ne serra pas trop de trois, allons-y ! Ajouta-t-il en passant devant nous.

Après une longue course pour ramener tous les moutons dans leur enclos, Thomas nous proposa d’aller boire une limonade pendant qu’il préparait quelque chose à manger. Transpirant et épuisés, Hayden accepta pour nous deux. Assis à la terrasse, c’est avec plaisir que je savourais la fraîcheur de la boisson. Thomas ne tarda pas à nous rejoindre et s’installa à côté d’Hayden.

- Combien de temps comptez-vous rester ? Demanda-t-il à Hayden, alors qu’il posait sur moi un regard que je ne parvins pas à déchiffrer.

Sous l’insistance de son regard, je détournais les yeux, mal à l’aise. Encore un homme qui ne m’inspirait pas confiance. Cependant, je me gardais bien de faire part de mes craintes à Hayden, de peur de passer pour un paranoïaque.
- Quelques jours, si ça ne te dérange pas, répondit Hayden sans me concerter du regard.

- Bien sûr que non ! Vous tombez à pic, j’ai une montagne de choses à faire et un employé m’a fait faux bond.

- Marché conclu ! Répondit Hayden en souriant.

Le reste de la soirée se déroula tranquillement, mais toujours dans la mauvaise humeur pour moi. Après une douche qui me fit le plus grand bien, nous eûmes droit à un copieux repas avant de prendre le dessert dans le salon. Durant tout le temps que dura le repas, je ne décrochais pas le moindre mot, n’ayant aucunement envie de me mêler à leur conversation. De plus je n’aimais pas ce Thomas et j’espérais ainsi le faire comprendre à Hayden. Avec un peu de chance, il écourterait notre séjour. Mais ça, je ne comptais pas trop dessus…
Lorsque j’eu terminé de manger, n’ayant plus aucun prétexte pour rester auprès d’eux, je m’excusais du bout des lèvres et montais me coucher, sans un regard derrière moi. Je savais qu’Hayden passerait la nuit avec Thomas, mais intérieurement, je me surpris à vouloir qu’il reste avec moi. Retenant une nouvelle envie de pleurer, je fermais la porte derrière moi avant de m’effondrer au milieu du lit deux place qui, de toute façon, ne servirait qu’à moi ce soir, et sans doute les autres soirs aussi.

Déprimé, le moral à zéro, je me déshabillais et enfilais mon pyjama, l’esprit ailleurs. Sans trop savoir ce que je voulais, j’attrapais alors mon livre dans le sac d’Hayden et m’installais dans le lit, m’offrant le luxe de m’allonger au milieu en maigre compensation du vide que je ressentais en moi. Ouvrant le livre, je parcourais les lignes des yeux sans parvenir à comprendre la signification des mots qui s’enchaînaient. Tout cela n’avait aucun sens. Comprenant que je n’arriverais à rien ce soir, je refermais le livre et le coeur lourd, j’éteignis la lumière.

Les yeux rivés sur la fenêtre dont les volets étaient restés ouverts, je contemplais la lune et le ciel. Un faible sourire étira mes lèvres, accompagné d’un douloureux pincement au coeur au souvenir des nuits durant lesquelles Hayden avait passé des heures à m’apprendre le nom des constellations qui parsemaient le ciel. Abandonnant mon oreiller, je m’allongeais sur le ventre de l’autre côté du lit afin d’avoir une meilleure vue sur le ciel nocturne. Là sans que je ne puisse les retenir des larmes vinrent me brouiller la vue. Le coeur douloureux, songeant à Hayden, je fondis en larmes. Je devais me rendre à l’évidence… J’étais entrain de tomber amoureux de lui…

Mon coeur se compressa plus qu’il n’était possible à cette constatation et enfouissant mon visage dans les couvertures, je me laissais aller à pleurer toutes les larmes de mon corps.

Je ne saurais dire combien de temps je restais là, à pleurer, jusqu’à ce que finalement, vaincu par mes larmes et mon épuisement, je sombrais dans un sommeil profond et sans rêve. Je fus réveillé avec l’horrible sensation d’être secoué dans tous les sens, la voix paniquée d’Hayden me parvenant un moment après :

- Gwen ! S’exclama-t-il. Réveille-toi, nous devons partir !

A ces mots, je sursautais, avant de me redresser difficilement, encore à moitié endormis :

- Qu’est-ce qui se passe ? Demandais-je, d’une voix éraillée par mes larmes récentes et le sommeil.

- Il faut qu’on parte ! Maintenant ! Répéta-t-il sans prendre le temps de m’expliquer ce qui se passait.

- Pourquoi ? Quelle heure est-il ? Demandais-je, en voyant que la nuit était toujours noire.

- Ne pose pas de questions ! Habille-toi et dépêche-toi ! M’interrompit-il avec empressement. Nous ne sommes plus en sécurité ici.

Face à son aire grave et empressé, je compris qu’il avait du se passer quelque chose de sérieux. Cédant à la panique contagieuse d’Hayden, j’enfilais mes vêtements en un temps record tandis qu’il surveillait la porte. Puis attrapant nos deux sacs, il m’entraîna dans un course folle jusqu’à l’extérieur de la ferme. Et même lorsque nous fûmes dehors il continua de courir sans me lâcher la main, m’obligeant à suivre le même rythme effréné que lui. A bout de souffle, alors que j’allais demander à Hayden de ralentir, il le fit de lui-même, sans pour autant nous accorder de pause. Les poumons en feu, je tentais laborieusement de retrouver une respiration régulière, mon coeur tambourinant violemment dans ma poitrine.

Brusquement, il nous fit quitter la route, m’entraînant à sa suite dans les bois, ses doigts toujours fermement enroulés autour de mon poignet qu’il serrait douloureusement. Ce ne fut qu’après un temps qui me parût affreusement long qu’il consentit enfin à s’arrêter afin de nous laisser reprendre notre souffle. Lâchant alors nos sacs qui tombèrent sur le sol en un bruit étouffé, Hayden se tourna vers moi et avant que je ne réalise ce qui se passait, il me prit dans ses bras, m’enlaçant en une étreinte possessive qui m’effraya malgré moi. Que c’était-il passé pour qu’il soit dans un tel état ?

Aussi soudainement qu’il m’avait attiré à lui, il me repoussa vivement, comme si mon simple contact le brûlait. Ce geste me noua douloureusement la gorge, mais décidé à ne rien laisser transparaître de mes sentiments, me concentrant sur la colère qui grandissait en moi, je m’exclamais alors, furieux :

- Non mais je peux savoir ce qui te prend ? Pourquoi est-ce que l’on s’enfuit comme des voleurs au milieu de la nuit ? Qu’est-ce qui s’est passé ? M’exclamais-je, au bord de l’hystérie. Tu m’as fait une peur bleue !!

Pour toute réponse, Hayden s’adossa à un arbre et se laissa tomber au sol, gardant obstinément le silence. Face à son absence de réponse, comprenant que quelque chose n’allait vraiment pas, je me calmais et, inquiet comme jamais, je m’agenouillais près d’Hayden :

- Qu’est-ce qui s’est passé, Hayden ? Demandais-je, pour la énième fois, effrayé de ne pas savoir.

Je vis Hayden s’enfermer dans un mutisme qui m’inquiéta. M’efforçant de ne pas céder à la panique qui commençait à s’emparer de moi, je réitérais ma question, posant une main rassurante sur son épaule :

- Hayden… Qu’est-ce qui s’est passé chez Thomas ? Tu es pâle, est-ce que ça va ?

- Je l’ai tellement haïs, Gwen, lâcha-t-il finalement.
- Qui ? Demandais-je perdu, ne comprenant pas de qui il parlait ni où il voulait en venir.

- Je lui en ai voulu de m’avoir mis au monde… Continua-t-il, répondant indirectement à ma question, en prenant sa tête entre ses mains.
Le voir ainsi me compressa douloureusement le coeur.

- J’ai l’impression de ne pas avoir ma place ici… Je ne suis qu’un accident indésiré avec l’un de ses clients… Et finalement, je lui ressemble… Je suis même pire… Déclara-t-il, me laissant complètement perdu face à ses paroles décousues sans le moindre sens pour moi.

- De quoi est-ce que tu parles ? Demandais-je, déboussolé. Pourquoi est-ce que tu me dis tout ça ? Quel est le rapport avec le fait que l’on parte de chez Thomas au milieu de la nuit ?

Hayden s’obstinait à ne pas répondre à mes questions et pour un peu, j’en aurai hurlé de frustration. Alors que je m’apprêtais à lui poser une nouvelle fois la question, il déclara en une plainte à peine audible :

- J’ai fait pire que ma mère, j’ai fait pire que de la prostitution…

Cette réponse n’eut d’autre effet que de me serrer davantage le coeur. Que c’était-il donc passé pour qu’Hayden soit dans un tel état, pour qu’il se dénigre ainsi lui qui était si fier habituellement. Redressant la tête, je croisais son regard troublé. Echappant à ma main toujours posée sur son épaule, il déclara d’une voix monotone :

- Je vais marcher un peu, je te laisse t’installer ici… Je… Je reviens… J’ai besoin d’être seul.

Me laissant en plan, il se détourna de moi et commença à s’éloigner, m’abandonnant à mes peurs et mes interrogations restées sans réponses. De nouveau, la colère s’empara de moi. Pour une fois, cela ne se passerait pas comme Hayden l’avait décidé ! J’avais le droit de savoir et, sur mon honneur, je saurais ce qui avait  bien pu troubler autant Hayden.

Le rattrapant, je l’incitais à se retourner d’une main sur son épaule. Ce n’est qu’une fois qu’il fut face à moi que je déclarais :

- Je te le demande une dernière fois Hayden, qu’est-ce qui s’est passé chez Thomas ? C’est quelque chose qu’il t’a dit sur ta mère ?

- N’insiste pas, Gwen, souffla-t-il.

Ces mots me blessèrent plus que je ne l’aurai souhaité. Pourquoi refusait-il de se confier à moi ? Avait-il si peut d’estime et de confiance en moi pour me parler ? Ignorant la boule qui se formait dans ma gorge, je m’exclamais, farouchement déterminé à avoir le fin mot de cette histoire :

- J’ai le droit de savoir ! Je veux t’aider… Ajoutais-je, d’une petite voix tremblante d’émotion.

- Je… Commença-t-il, hésitant, comme s’il cherchait ses mots. Thomas savait qui tu es Gwendal, déclara-t-il. Il a voulu te dénoncer…

- Ce n’est pas ça qui te met dans cet état, fis-je remarquer, commençant à connaître suffisamment bien Hayden pour savoir qu’il ne se serait pas laisser intimider par une menace.

- Il a menacé de s’en prendre à toi et…

A ces mots, mon coeur faillit louper un battement tandis qu’Hayden marquait une pause. Après un court silence, il ajouta :

- Je l’ai assommé et nous nous sommes enfuis…

Si Hayden refusa de me dire ce qui s’était passé, son silence parla pour lui. Je ne pouvais qu’émettre des suppositions, et toutes celles qui me venaient à l’esprit me touchèrent. Ainsi, tout cela était arrivé à cause de moi… Je me sentais tellement coupable… Par égard pour Hayden, je n’insistais pas plus et avant que je ne réalise entièrement la porté de mon geste, je l’attirais doucement à moi. Docilement, Hayden posa sa tête contre mon épaule. Brusquement, Hayden s’effondra en larmes. Lui, d’habitude si fort semblait aussi fragile qu’un enfant.

Jamais encore je n’avais vu Hayden dans un tel état de détresse et cela m’effraya. Il avait toujours été le plus fort d’entre nous. Il était celui qui me protégeait des autres, celui qui veillait sur moi et, ce brusque inversement des rôles me terrifiais. Jamais je n’avais été confronté à une telle situation. J’avais toujours été celui que l’on consolait, et me retrouver dans le rôle inverse était quelque chose de nouveau et effrayant. J’avais peur de ne pas savoir m’y prendre avec lui, de ne pas trouver les mots justes. C’est pourquoi je restais silencieux, me contentant de le garder près de moi, tandis que je caressais son dos en une timide tentative d’apaisement.

Pour la première fois depuis que nous voyagions, ce fut moi qui préparais notre lit. Aucun mot ne fut échangé et lorsqu’il se fut couché, il se colla tout contre moi, enfouissant son visage dans mon cou. Malgré le trouble qui m’habitais à le sentir si proche de moi, je ne le repoussais pas, savourant la chaleur de son corps tout contre le mien. Alors que je le sentis s’endormir, son corps se faisant plus lourd contre le mien, je me laissais aller à pleurer, libérant les sanglots que j’étais parvenu à contenir jusqu’à maintenant. Je me sentais tellement coupable… Je savais qu’il n’y avait plus qu’une seule solution face à ce problème que je représentais, mais rien que d’y songer, mon coeur se compressait douloureusement dans ma poitrine. Je ne pouvais pas… Je ne voulais pas abandonner cette liberté, pas plus que je ne voulais quitter Hayden…

Finalement, épuisé par mes larmes et les événements de cette nuit, je finis par m’endormir, bercé par la respiration calme et régulière d’Hayden.

Lorsque je me réveillais le lendemain matin, le jour était à peine levé. Contre moi, je pouvais sentir le corps chaud d’Hayden et les événements de cette nuit me revinrent en mémoire en même temps que ma tristesse. Jamais encore je ne m’étais sentis aussi perdu et bouleversé.

Il ne fallut pas longtemps à Hayden pour se réveiller à son tour. Terrifié à l’idée qu’il puisse s’éloigner de moi, ne voulant pas le laisser partir, je raffermis ma prise autour de lui, m’accrochant à sa chemise comme si ma vie en dépendait. Ce fut avec un soulagement non feint que je sentis Hayden répondre à mon étreinte, m’attirant davantage tout contre lui, me serrant entre ses bras puissants et protecteurs.

Dans un sanglot étouffé, je murmurais alors :

- Je suis désolé… Tout est de ma faute…
A ces mots, Hayden s’écarta de moi et ancrant son regard dans le mien, il déclara gravement :

- Jamais, tu m’entends ! Ne pense jamais que ce qui est arrivé hier était de ta faute.

- Bien sûr que si ! Rétorquais-je vivement, ne pouvant retenir mes larmes. Si je n’avais pas choisis de venir avec toi, jamais rien ce tout cela ne serait arrivé. C’est moi qui t’ai mis dans cette situation. Je te mets en danger… Je pense qu’il vaut mieux que je rentre chez moi, Hayden… Ajoutais-je en détournant les yeux, ignorant les protestations de mon coeur qui se brisait à l’idée de devoir renoncer à Hayden et à ma liberté.

Comme pour m’empêcher de mettre mon plan à exécution, Hayden raffermis la prise de ses bras autour de mon corps, m’empêchant toute tentative de fuite.

- Tu restes avec moi, Gwendal, tu ne repartiras pas là-bas ! Décréta-t-il, intraitable. Je t’en ai fait la promesse.

- Ta promesse te coûte trop cher, répliquais-je, sans chercher à me soustraire de son étreinte, profitant au contraire de sentir sa présence rassurante. Tu en as déjà fait assez pour moi. Je ne peux pas t’en demander plus…

Hayden s’écarta alors de moi. Se redressant, il ancra son regard au mien, son visage à quelques centimètres du mien.

- Ce qui est arrivé n’est pas de ta faute, mais uniquement de la mienne, déclara-t-il d’un ton sans appel. Je ne me méfie pas assez des gens Gwen. Et puis c’est trop tard. Nous avons fait notre choix en connaissance de cause. On savait que nous serions en fuite et que ton père ne te laisserait pas en paix. Ce qui vient de se passer est un accident. Ne rend pas cet accident comme étant la cause de ton départ où alors, tout ce que nous avons fait jusqu’à maintenant n’aura servi à rien. Je veux que tu restes à mes côtés, que tu t’épanouisses. Que tu découvres tous les bons côtés de la vie que je mène. Je veux que tu découvres la liberté Gwen… Tu as encore tellement à découvrir… Et lorsque ce sera fait… A ce moment seulement, alors, tu pourras envisager à nouveau la question de rentrer chez toi.

- Mais je ne veux pas rentrer chez moi, soufflais-je dans un gémissement douloureux. Hayden, je me sens tellement coupable de…

Je fus coupé en plein milieu de ma phrase par quelque chose de chaud et humide qui se posait sans brusquerie aucune sur mes lèvres. Sous le coup de la surprise, je cessais presque de respirer alors que la langue d’Hayden glissait lentement sur mes lèves. Une de ses mains passa sur ma nuque pour me rapprocher de lui tandis que l’autre se posait dans mon dos, m’arrachant un frisson. Timidement, mettant de côté ma gêne et ma pudeur, j’entrouvris légèrement les lèvres. Répondant au quart de tour mais toujours avec cette tendresse particulière, sans la moindre précipitation, il laissa sa langue se glisser entre mes lèvres entrouvertes et partir à la recherche de la mienne. Lorsqu’il la trouva, il la caressa avec une douceur qui me fit tressaillir. Timidement, je finis par me laisser guider par l’expérience d’Hayden, et avec hésitation, je laissais ma langue répondre aux caresses de sa jumelle.

Le fait qu’Hayden ne fit aucun mouvement brutal, ne cherchant jamais à me forcer à aller plus loin ou à approfondir davantage notre échange m’aida à me détendre et à apprécier ce baiser. Perdu dans un océan de sensations nouvelles que je n’avais encore jamais éprouvé auparavant, je m’accrochais à la chemise d’Hayden afin de ne pas me laisser emporter et trouvant là une prise pour garder pied dans la réalité.

C’est à contrecoeur que je me séparais d’Hayden lorsque l’air vint à nous manquer. Le souffle court, je m’empourprais alors face à mon audace et atrocement gêné, je détournais le regard, tandis qu’Hayden m’observait avec un certain amusement, un sourire que je qualifierais presque de tendre étirant ses lèvres rougies. Délicatement, il passa une main sur mon visage, replaçant une mèche de cheveux derrière mon oreille en laissant ses doigts caresser ma joue au passage.

Allongés l’un en face de l’autre, nous restâmes silencieux un moment, alors que je me laissais aller à fermer les yeux, repassant dans ma tête l’instant de tendresse que nous venions de partager. Dans ma poitrine, mon coeur battait à toute allure sous l’effet du bien-être que je ressentais en cet instant alors que je m’interrogeais sur le pourquoi de ce baiser et sa signification.

D’un commun d’accord, nous décidâmes qu’il était temps de se lever. Après un petit déjeuner frugal, j’allais m’habiller à l’abri des regards indiscrets. Comme chaque matin depuis une semaine, je constatais que mon pantalon se faisait de plus en plus grand… Il devenait urgent que je trouve un moyen de l’attacher sous peine de me retrouver un jour avec le pantalon sur les chevilles. Honteux, je m’empressais de dissimuler mon corps laid et trop maigre sous ma chemise qui, elle aussi, commençait à se faire trop grande.

Alors que, part respect pour moi, Hayden allait s’habiller un peu plus loin, je cherchais dans son sac quelque chose qui aurait pu maintenir mon pantalon en place. Avisant un lacet, je m’en emparais avant de tout remettre en place, en entendant Hayden revenir. Je mis précipitamment l’objet de mon délit dans ma poche et retournais vaquer à mes occupations. Nous fîmes nos sacs et reprîmes la route. Nous allions définitivement quitter la région. Selon Hayden, plus nous serions loin, plus facilement nous trouverions la paix. Il envisageait même de prendre un bus ou un train pour nous éloigner au plus vite et cette idée m’enchanta.

Alors que nous marchions depuis une petite heure, marchant aux côtés d’Hayden et non pas derrière lui comme à mon habitude, je l’appelais d’une petite voix hésitante :

- Hayden…

- Hn ? Souffla-t-il en se tournant vers moi.

- Même si je t’ai promis de ne plus te questionner sur ton passé… Je… Je voulais que tu saches que je suis toujours là pour t’écouter. Et… Si tu veux un jour me raconter, je ne te jugerais jamais, déclarais-je timidement.

Pour toute réponse, Hayden m’offrit un sourire sincère qui me toucha plus qu’il n’aurait du. D’un geste si rapide que je ne le vis pas venir, il passa son bras autour de mon cou, m’attirant brusquement à lui, il déclara :

- Je suis content de t’avoir comme compagnon de voyage, Gwen !

Puis, dans un rire, il ajouta :

- Si tu me connaissais vraiment, Gwen, tu serais déjà en train de courir chez ton père !

- Je suis sûr que tu n’es pas aussi horrible que tu penses l’être, déclarais-je sérieusement en reportant mon attention sur lui. Tu es quelqu’un de bien !

Hayden m’adressa un sourire avant de me libérer de son étreinte. Une fois libre, nous reprîmes la route sur un ton plus léger. Après la courte nuit que nous avions eut, la fatigue ne tarda pas à se faire ressentir. Cependant, comprenant le désir d’Hayden se s’éloigner au maximum de cet endroit, je ne me plaignis pas, me forçant à suivre le rythme imposé. Mais malgré toute ma bonne volonté, je ne tardais pas à faire des pauses qui n’échappèrent pas à l’attention d’Hayden qui me proposa alors de s’arrêter dans un refuge abandonné qu’il semblait bien connaître, afin de nous reposer quelques jours. L’idée m’enchanta au plus haut point et oubliant momentanément ma fatigue, je repris la route, accélérant le pas, ignorant les protestations de mon corps.

Il faisait nuit lorsque nous arrivâmes enfin au refuge. Comme l’avait dit Hayden il était abandonné et mal entretenu, mais cela serait bien suffisant. Tant que je pouvais me reposer, le reste n’avait pas la moindre importance. Au vue de la fraîcheur de la nuit, Hayden me proposa de faire un feu et dormir dehors pour profiter du ciel étoilé. Plus que ravi, j’acceptais avec enthousiasme, mettant mon épuisement de côté. Pendant qu’Hayden s’occupait de faire démarrer le feu, je mis en place notre couchette, cherchant le coin le plus confortable pour étaler les couvertures. Puis, Hayden alla ramasser un peu de bois avant de préparer notre repas du soir. Après s’être rempli le ventre d’un bon repas chaud, nous nous installâmes tous deux près du feu.

Me couchant dans notre lit improvisé, je fis tout de même attention à ne pas être trop prêt d’Hayden, ne sachant pas comment me comporter vis à vis de lui après le baiser que nous avions échangé ce matin même. Finalement, ce fut Hayden qui esquissa le premier geste pour nous rapprocher. Il passa son bras autour de ma taille et m’attira tout contre lui. A l’instant ou son bras s’était posé sur mes hanches, j’avais retenu ma respiration, me tendant malgré moi. Cependant, je ne le repoussais pas et fini par me détendre lorsque je fus certain qu’il n’irait pas plus loin. Ignorant les noeuds de mon estomac, je m’installais plus confortablement contre lui, calant ma tête sur son bras avant de reporter mon attention sur le ciel étoilé. Après avoir repéré celles que je connaissais déjà, je lui demandais de m’en apprendre une nouvelle, chose qu’il fit avec un plaisir évident. Peu à peu, le silence vint s’installer entre nous. Alors que je m’apprêtais à m’endormir, Hayden se redressa pour alimenter le feu. Réveillé, je ne pu retenir un gémissement de mécontentement à être ainsi dérangé. Finalement, Hayden vint se rallongea, mais à présent, le sommeil me fuyait.

- Gwen, appela alors Hayden, brisant le silence apaisant de la nuit.

- Hn ? Soufflais-je, renonçant à trouver le sommeil.

- Qu’est-ce que tu aimerais faire ? Demanda-t-il.

- Comment ça ? Demandais-je sans cacher mon incompréhension, ne comprenant pas le sens de sa question.

- C’est toujours moi qui choisi où l’on va et ce qu’on fait, mais j’aimerais savoir ce que toi tu veux faire ou bien où tu veux aller, m’expliqua-t-il.

- Je… J’aurais bien aimé aller en France, avouais-je, hésitant, sachant parfaitement que cette réponse ne plairait pas à Hayden.
A ces mots, je sentis Hayden se tendre et ne souhaitant aucun mal entendu entre nous, je m’empressais d’ajouter :

- Mais je sais que c’est loin d’être une destination rêvée pour toi alors, pourquoi pas l’Ecosse ? Proposais-je, me rabattant sur la seconde destination de mes rêves.

- Va pour l’Ecosse, répondit-il visiblement soulagé que je n’insiste pas.

Le silence revint à nouveau nous envelopper jusqu’à ce que, ma curiosité éveillée, je finisse par demander :

- Est-ce que j’ai le droit de te poser une question ? Une seule…

- Vas-y, soupira-t-il. Mais je ne te promets pas de te répondre.

- Tu n’as jamais cherché à savoir  qui était ton père ?

A ces mots, Hayden partit à rire, avant de répondre :

- Gwen, ma mère était une prostituée. Elle couchait avec des tas de mecs chaque soir alors partir à la recherche de mon père, c’est une mission impossible. Et puis, même si j’en avais la possibilité, je ne voudrais pas savoir.

- Pourquoi ? Demandais-je, intéressé. Tu n’es pas curieux ? Ca ne te manque pas de ne pas avoir de père ?
- Je ne sais pas ce que c’est, déclara-t-il simplement. Alors comment ça pourrait me manquer. Gwen, je crois qu’il vaut mieux que tu considères que je n’ai pas eu de parents. Ma mère ne s’est jamais occupé de moi et la plupart du temps les rôles étaient inversés…

- Comment ça ? Demandais-je, un peu perdu.

- J’étais d’accord pour répondre à une question, Gwen, pas dix. Pourquoi tu es aussi intéressé par le fait de connaître mon passé ? Demanda-t-il patiemment.

- Chercher à se connaître, c’est ce que font les gens normaux, répondis-je, simplement.

- Nous ne sommes pas normaux, s’exclama Hayden en riant.

- Qu’est-ce que tu sous-entends par là ? Demandais-je, ne comprenant pas vraiment le sens de sa phrase.

- Un fils de prostituée et un garçon de noble famille qui parcourent les routes ensembles Gwen, c’est pas vraiment commun ! Renchérit-il.

Je ne répondis pas tout de suite, songeant à ce qu’il venait de me faire prendre conscience. Puis, après un court silence, je repris, hésitant :

- Je suis sûr que ta mère était plus qu’une prostituée, tu as l’air de tout le temps la dénigrer. Elle n’a juste jamais su te montrer qu’elle t’aimait.

- Elle ne m’aimait pas Gwendal ! Soupira Hayden. Une droguée n’aime personne… Juste sa drogue.

Sa voix se noua sur ces derniers mots et avant que je n’ai le temps de répliquer quelque chose, il déclara :

- Maintenant, j’aimerais vraiment qu’on change de sujet, d’accord ?

- Désolé, murmurais-je à la fois gêné et peiné, réalisant alors seulement combien ce sujet devait être difficile pour Hayden.

Avant de réalise entièrement mon geste, je me tournais alors vers lui et posais ma main sur son torse avant de caler ma tête au creux de son épaule, respirant son odeur masculine. S’il parut surpris, Hayden ne dit rien et bientôt, son bras à présent libre, il posa sa main dans mon dos.

- Bonne nuit, murmura-t-il.

- Bonne nuit, Hayden, soufflais-je en fermant les yeux, me laissant aller au bien-être qui s’emparait de moi.

Il ne me fallut pas longtemps pour trouver le sommeil et bercé par la respiration calme et régulière d’Hayden, je sombrais dans un sommeil profond et sans rêve.

Lorsque j’ouvris les yeux le lendemain, le soleil était déjà haut dans le ciel. Ebloui, je papillonnais des yeux pour m’habituer à la clarté environnante et me réveillant lentement, je manquais de sursauter en sentant mon matelas bouger sous moi. Surpris, je pris alors conscience que j’étais allongé tout contre Hayden, mon visage reposant au creux de son épaule, mes doigts fermement crispés sur le t-shirt qui lui servait de pyjama. Délicatement, je me redressais sur un coude afin de le surplomber juste assez pour observer son visage. Ainsi endormi, les traits détendus, il était beau…

Rougissant de mes propres pensées, je me libérais délicatement de son étreinte afin de ne pas le réveiller. Sans bruit, j’attrapais des affaires propres et mon nécessaire de toilette. Puis, profitant du sommeil d’Hayden, je courrais jusqu’à la rivière afin de me laver tranquillement, sans craindre de le voir débarquer à l’improviste. Une fois au bord de l’eau, j’entrepris de me dévêtir, évitant cependant de m’attarder trop longtemps sur mes côtes un peu trop saillantes à mon goût. Puis, mon savon et mon shampoing en main, j’entrais dans l’eau. Au contact entre l’eau glaciale et ma peau encore toute chaude de sommeil, je réprimais tant bien que mal un cri de surprise alors que tout mon être se mettait à frissonner. Prenant mon courage à deux mains, je retins mon souffle et fermant les yeux, je plongeais dans l’eau pour en ressortir l’instant suivant, complètement mouillé. Là, j’attrapais mon shampoing et me savonnais vigoureusement les cheveux avant de les rincer et de m’attaquer à ma toilette.

Ce fut la désagréable impression d’être observé qui me fit me retourner. Et lorsque mon regard se posa sur Hayden qui me contemplait de la berge, je restais, l’espace d’un instant, pétrifié et incapable du moindre mouvement. Puis, retrouvant mes esprits, je fis la première chose qui me venait à l’esprit et, honteux comme jamais, je plongeais dans l’eau, me recroquevillant sur moi-même, tentant de me dissimuler de son regard insistant.

- Tu aurais pu me dire que tu étais là ! M’exclamais-je, furieux qu’il m’ait ainsi observé à mes dépends. Pervers ! Dégage ! Hurlais-je.

Quelle ne fut pas ma surprise lorsque, au lieu de s’éloigner, Hayden commença à retirer ses vêtements. Une fois dévêtu, m’adressant un regard amusé, il entra à son tour dans la rivière. Puis, sans plus se préoccuper de moi, il entreprit de se laver. Honteux, je détournais la tête, m’efforçant à garder Hayden hors de mon champ de vision et malgré les frissons glacés qui commençaient à s’emparer de moi, je ne bougeais pas, restant obstinément dans l’eau.

Hayden se tourna alors vers moi et, amusé, il s’exclama :

- Tu sais Gwen, tu n’as vraiment rien à cacher… Tu ne devrais pas avoir honte de son corps. Tu es beau…

A ces mots, je ne pu m’empêcher de m’empourprer violemment, gêné par le compliment qui, bien qu’il ait été dit dans un but gentil, était totalement erroné. Comment pouvait-il trouver beau ce corps devenu beaucoup trop maigre que je ne reconnaissais plus ? Avait-il dit cela pour se moquer de moi ?

Terriblement gêné, je me recroquevillais davantage dans l’eau, me mordant les lèvres pour ne pas claquer des dents.

- En plus, ajouta Hayden, nous sommes fait pareil, alors…

Sans plus de cérémonies, il reprit ce qu’il était en train de faire, se détournant de moi. Comment pouvait-il être aussi à l’aise alors qu’il était complètement nu ? Lorsqu’il fut propre, il sortit de l’eau et attrapant sa serviette, il se sécha vigoureusement. Sans que je ne puisse m’en empêcher, mon regard se posa alors sur le corps nu d’Hayden. Malgré ma gêne, j’étais incapable de détourner les yeux. Il avait un corps magnifique… Bien plus beau que le mien… Sa peau dorée par le soleil contrastait avec la mienne trop pâle, ses muscles roulaient sous sa peau et son corps était parfaitement bien proportionné, ni trop maigre ni trop gros. Juste parfait… Me comparant à lui, je ne pus m’empêcher de me sentir un peu jaloux. Comment faisait-il pour rester ainsi, alors que quelques jours de marche suffisaient à me faire perdre suffisamment de poids pour ressembler à un enfant du tiers-monde ?

Je réalisais que mon regard était toujours posé sur Hayden lorsque je le vis m’observer avec un amusement certain, visiblement satisfait. Plus honteux que jamais, craignant qu’il interprète mal mon comportement, je m’empressais de détourner les yeux, sentant mes joues s’empourprer violemment.

- Et après tu dis que c’est moi le pervers, déclara-t-il en riant. Tu devrais sortir de l’eau, Gwendal, ajouta-t-il. Tu vas attraper la mort à rester sans bouger, l’eau est glacée.

Mortifié, je n’esquissais pas le moindre mouvement. Si j’avais pu me noyer en cet instant précis, j’aurais sauter sur l’occasion de le faire. Hayden acheva de s’habiller et à mon plus grand soulagement, il déclara :

- Je vais préparer le petit déjeuner, je t’attends pour manger.

Je ne répondis rien mais ne bougeais pas d’un pouce avant qu’il ne soit parti. Lorsqu’il eut disparut de mon champ de vision, je me précipitais hors de l’eau. Frigorifié, claquant des dents à me les fendre, je m’enveloppais dans ma serviette et entreprit de me sécher vigoureusement, tentant de réchauffer mon corps glacé. Il me fallut bien cinq minutes pour que le sang recommence à couler dans mes veines et que je puisse m’habiller. Durant tout le temps que je passais à me préparer, je ne pus m’empêcher de me sentir en colère contre Hayden. Pourquoi devait-il toujours surgir au mauvais moment et surtout, pourquoi s’amusait-il toujours à me mettre dans l’embarras ? Cela l’amusait-il tant que ça de me voir perdre mes moyens ? Pourquoi devait-il toujours trouver un moyen pour m’humilier ?

C’est en colère contre lui que je retournais au chalet. Là, j’étendais ma serviette au soleil pour la faire sécher et avisant Hayden, je lui adressais un regard noir. Durant tout le repas, je ne décrochais pas un mot, lui faisant clairement comprendre que je n’étais pas disposé à lui adresser la parole et encore moins à lui pardonner. Après le repas, j’allais chercher le livre qu’il m’avait prêté et allais m’installer dans un coin un peu plus loin tandis qu’Hayden entreprit de nettoyer la cabane.

Plongé dans ma lecture, je ne vis pas le temps passer. J’allais me lever lorsque je vis Hayden se diriger vers moi. Aussitôt, je reportais mon attention sur mon livre encore ouvert, l’ignorant totalement, feignant de lire afin de ne pas avoir à lui parler. Agacé, Hayden demanda :

- Qu’est-ce qui se passe ? Pourquoi est-ce que tu boudes Gwen ?

Comme s’il ne savait pas… Pas disposé le moins du monde à lui parler, je ne répondis rien, m’enfermant dans un mutisme délibéré.

- Je vais préparer à manger… Soupira-t-il avant de s’éloigner.

Discrètement, je relevais la tête je le vis s’affairer à ranger nos affaires dans la cabane. Ma colère contre Hayden avait finalement fait place à une grande lassitude. Le moral à zéro, je le rejoignis lorsqu’il m’appela pour passer à table. Il avait préparé une soupe accompagnée de viande et de fromage et c’est seulement à la vue du repas que je me rendis compte à quel point j’étais affamé. Murmurant un “merci” à peine audible, j’entamais mon repas avec appétit. Je mangeais sans prononcer le moindre mot quand, brisant le silence, Hayden demanda :

- Que dirais-tu de rester ici quelques temps ?

- Pourquoi pas, répondis-je simplement après un temps de réflexion.

- J’irais faire quelques courses demain pour que l’on soit tranquille pour quelques temps, ajouta-t-il. Nos provisions sont à sec. Tu restera ici pour garder nos sacs et surtout te reposer. Ca te conviens ?

- Oui, répondis-je simplement.

A vrai dire, c’est à peine si j’écoutais ce qu’il me disait, trop aveuglé par la rancoeur que je ressentais vis à vis de lui. Subitement, Hayden se redressa brusquement en s’exclamant :

- Qu’est-ce que tu peux être pénible quand tu t’y mets Gwen.

Et sans plus de cérémonies, il se dirigea vers le feu, me laissant seul à notre table improvisée, tandis que je restais immobile. Je n’avais plus faim… Me levant à mon tour, je jetais le reste de mon assiette et celle d’Hayden et rassemblant la vaisselle sale, je la posais dans le seau d’eau avant de ranger les restes de notre repas. Une fois fait, j’allais rejoindre Hayden, toujours en silence. Là, je m’installais de mon côté du lit, bien décider à mettre un terme rapidement à cette horrible journée. Bientôt, Hayden vint me rejoindre et alors qu’il esquissait un mouvement pour me prendre dans ses bras, je me détournais de lui, lui tournant le dos, l’ignorant totalement. J’entendis Hayden soupirer bruyamment mais il ne fit aucun commentaire.

Le sommeil tarda à venir, se refusant à moi et je dormis très mal cette nuit là, me réveillant toutes les heures. A l’aube, j’entendis Hayden se réveiller et quitter le lit le plus silencieusement possible. Fermant les yeux, je feignais le sommeil afin de ne pas avoir à supporter ses moqueries et ses reproches dès le matin. Je l’entendis s’affairer un instant autour de moi, allant et venant avant de finalement attraper son sac et partir.

Finalement, je dus finir par m’endormir, car lorsque j’ouvris les yeux de nouveau, le soleil était déjà haut dans le ciel. Repoussant les couvertures, je m’étirais longuement avant de consentir à me lever. Je réalisais alors à quel point tout était silencieux autour de moi et le départ d’Hayden pour la ville me revint en mémoire. Je poussais alors un profond soupir, soulagé de ne pas avoir à revivre une journée comme hier à ses côtés. Entrant dans la cabane, je me préparais un petit déjeuner succinct et avisais le mot qu’Hayden avait laissé. Il ne rentrerait pas de la journée.

Un nouveau soupir s’échappa de mes lèvres et une fois rassasié, j’allais ranger les duvets à leur place puis, attrapant mes affaires de toilette et des vêtements propres, j’allais à la rivière et comme hier, je pris une douche rapide. Une fois propre et habillé, je cherchais quelque chose à faire, mais je dus bien vite me rendre à l’évidence, je m’ennuyais…

L’après-midi qui passa fut la plus longue de toute mon existence. Jamais encore je ne m’étais ennuyé à ce point et, je devais bien l’admettre, Hayden me manquait… En début de soirée, me doutant bien qu’Hayden ne devrait plus tarder à rentrer, je voulu lui faire plaisir et décidais de préparer le repas. M’approchant du foyer, j’entrepris d’allumer un feu. Cependant, j’eus beau reproduire les gestes de Hayden, rien n’y fit.

Je ne su combien de temps je restais là à essayer d’allumer un feu qui refusait catégoriquement de s’allumer. De plus, le temps passait et je n’avais toujours aucune nouvelle d’Hayden. Bientôt, mon inquiétude fit place à une réelle angoisse. Et s’il lui était arrivé quelque chose ? Alors que, de rage, j’allais jeter mon bout de bois, j’entendis la voix d’Hayden dans mon dos, me faisant sursauter :

- Est-ce que tu aurais besoin d’aide ? Demanda-t-il en s’approchant de moi.

Me tournant vers lui, la rage au coeur, je jetais violemment mon bâton dans le foyer du feu et m’exclamais furieux, une subite envie de pleurer s’emparant de moi :

- Je n’y arriverais jamais ! M’exclamais-je. Ca fait deux heures que je m’acharne sur ce maudit feu et je n’y arrive pas ! Et toi ! Ajoutais-je en reportant mon attention sur lui, laissant libre court à toute l’angoisse que j’avais ressentis. Qu’est-ce que tu faisais ?! J’étais mort d’inquiétude de ne pas te voir revenir !

- Calme-toi Gwen… Répondit-il simplement. Ca a juste pris plus de temps que prévu, ajouta-t-il calmement alors que je manquais de céder à la crise de nerf. Tu sais bien que je ne t’aurai jamais abandonné, ajouta-t-il.

- Mais il aurait pu t’arriver quelque chose, gémis-je, subitement calmé. Peut-être que Thomas aurait pu te retrouver ou, je ne sais pas…

- Je vis seul depuis des années, Gwendal, tenta-t-il de me rassurer. Et même s’il y a des risques, il ne m’est jamais rien arrivé…

- Menteur, soufflais-je en le regardant d’un air accusateur. Quand on s’est rencontré, on venait de te poignarder…

- Et je suis toujours vivant, Gwen… Je suis là… Déclara-t-il d’une voix douce, comme pour m’apaiser.

Il ne m’en fallut pas plus pour m’effondrer en sanglots, libérant ces larmes que j’avais trop longtemps retenues. Enfouissant mon visage entre mes mains, je pleurais sans pouvoir m’arrêter. Noyé dans mes sanglots, je ne vis pas Hayden s’approcher de moi, ne me rendant compte de sa présence que lorsqu’il me prit entre ses bras et m’attira doucement à lui. Rassuré par la douce chaleur de son étreinte, je me laissais aller contre lui, oubliant momentanément ma colère et ma rancoeur. Entourant ses bras autour de ma taille, une de ses mains me caressant le dos en signe d’apaisement, il murmura :

- Il ne m’arrivera rien, Gwendal…

C’est mots firent redoubler mes sanglots. Comment pouvait-il dire ça ? Comment pouvait-il ainsi ignorer la peur et l’angoisse que je ressentais à l’idée de le perdre… Surtout depuis que je m’étais rendu compte que mes sentiments pour lui semblaient évoluer au fils du temps.

- Tu ne peux pas dire ça… Déclarais-je entre deux sanglots. Tu ne sais pas…

Malgré mes pleurs, je sentis Hayden me serrer davantage contre lui, sa main passant dans mon dos en une caresse réconfortante. Le visage enfoui dans son cou, mes mains fermement agrippées à sa chemise, je mis un temps fou à me calmer, me libérant de toute l’angoisse qui avait été la mienne durant ces dernières heures. Lorsque mes sanglots se tarirent, je ne fis aucun mouvement pour m’arracher à l’étreinte d’Hayden, savourant sa chaleur contre moi et la présence rassurante de ses bras puissant autour de mes hanches. Bientôt, mon ventre se mit à gargouiller, brisant la magie de l’instant. Le rouge me monta aux joues et me repoussant gentiment, Hayden déclara avec un sourire :

- Et si je t’apprenais à allumer un feu et que l’on préparait à manger ?

J’acquiesçais silencieusement. Patiemment, Hayden m’apprit à allumer un feu et, une fois la technique enregistrée, j’y parvins sans la moindre difficulté. Cependant, ma rancoeur n’étant pas tout à fait éteinte, je gardais une certaine distance entre nous. Alors qu’il sortait les provisions de son sac et me laissais le choix de ce que je voulais manger, il demanda, sa voix s’élevant claire et nette dans le silence de la nuit :

- Et si tu me disais maintenant ce qui ne va pas ?
- Je voulais te punir, répondis-je gêné, après un court silence.

- Me punir ? Répéta Hayden, surpris. Mais de quoi ?

- Parce que je t’en veux de t’être moqué de moi… Avouais-je en détournant le regard.

A ces mots, Hayden partit à rire.

- A cause de la rivière ? Demanda-t-il entre deux éclats de rire.

Vexé de le voir se moquer de moi encore, je me contentais d’hocher la tête. Et Hayden partit à rire plus fort.

- Tu vois ! M’exclamais-je, irrité. Tu le fais encore ! Tu te moques de moi, ajoutais-je, avec une moue boudeuse.
Cessant aussitôt de rire, Hayden posa sur moi un regard particulièrement tendre qui me troubla, avant de reprendre sérieusement :

- Tu sais Gwen, il faut que tu apprennes à avoir de l’humour sur toi-même et ne pas être susceptible comme ça. Je ne l’ai vraiment pas fait méchamment. Mais je m’excuse si ça t’a blessé… S’il te plaît, ajouta-t-il, à l’avenir, dis-moi quand tu trouves que je vais trop loin. D’accord ?

Touché par ses mots, je lui adressais un petit sourire, oubliant ma rancune. Nous finîmes de préparer à manger et il m’abandonna momentanément le temps d’aller se laver à la rivière. Il fut de retour en un temps record, revenant près du feu en courant. Là, il s’installa près de moi. Je lui tendis alors son assiette et nous mangeâmes en parlant de tout et de rien.

Alors que nous mangions le dessert, Hayden me demanda de lui passer son sac. Je m’exécutais sans discuter et le laissant à ses affaires, je terminais mon dessert. Soudain, je le vis me tendre un sac en plastique. Surpris, je m’en emparais et timidement, j’entrepris de le vider. Quelle ne fus pas ma surprise lorsque je sortis un pull en laine doux au toucher, deux jeans et quelques t-shirts.

Affreusement gêné de ce cadeau inattendu, mais tout de même très touché par l’intention d’Hayden, je déclarais timidement, le rouge aux joues, ne sachant pas vraiment quoi dire, :

- Je… Merci Hayden… Mais il ne fallait pas, j’ai pleins de vêtements…

- Ceux-ci seront plus adaptés pour la vie que nous menons, répondit-il simplement en me souriant.

- Merci, murmurais-je, à nouveau, la gorge nouée par l’émotion et le coeur battant à tout rompre.

- Tu n’as pas à me dire merci, souffla Hayden.

Je ne répondis rien, ne sachant que dire, puis le silence s’installa de nouveau entre nous. Par la suite, nous entreprîmes ensuite de tout ranger et c’est avec un plaisir non feint que nous nous mîmes au lit. Alors qu’ Hayden se glissait entre les couvertures, que je me collais à lui. Loin de me repousser, il passa ses bras autour de ma taille, comme pour m’attirer davantage tout contre lui, poussant un soupir de satisfaction. Fermant les yeux sous le bien-être que je ressentais, je me laissais aller tout contre Hayden et bientôt, bercé par le rythme régulier des battements de son coeur, je finis par m’endormir.

Finalement, nous restâmes plus que quelques jours dans la cabane, profitant du minimum de confort qu’elle nous offrait. Au fil des jours, j’avais commencé à aménager la pièce, la décorant parfois de bouquets de fleurs que je trouvais dans les environs. Et malgré que le tout restait très impersonnel, je commençais à m’y sentir un peu comme chez moi… Chez nous… Et lorsque j’avais fais part de mes impressions à Hayden, il avait rit doucement, amusé. Cependant, l’étincelle qui avait traversé son regard à cet instant ne m’avait pas échappée… La route lui manquait…

C’est pourquoi, ce jour là, alors que nous étions installés depuis près de huit jours, je me décidais à aborder le sujet. Allongé sur le ventre à l’ombre d’un arbre au bord du ruisseau, le menton posé sur mes mains, j’observais Hayden qui, le pantalon relevé jusqu’aux genoux, tentait tant bien que mal d’attraper un poisson pour le repas de ce soir, à l’aide d’un fils de pêche. Il bataillait depuis près d’une heure avec son fils de pêche et son morceau de pain sec et malgré moi, je ne pouvais m’empêcher de le trouver attendrissant avec son petit air d’enfant obstiné.

- Hayden… Appelais-je, brisant ainsi le silence de ce milieu d’après-midi.

- Tais-toi ! Chuchota-t-il, faussement contrarié. Tu fais fuir les poissons…

Amusé plus qu’autre chose, j’esquissais un petit sourire alors qu’il repartait à l’affût.

- Quand est-ce qu’on repart ? Demandais-je.

Les yeux rivés sur Hayden, j’esquissais un petit sourire en le voyant manquant de glisser à l’eau après avoir posé le pied sur une pierre bancale.

- Tu veux repartir ? Demanda-t-il, visiblement plus que surpris. Je croyais que tu te plaisais bien ici…

- Moi oui, mais je vois bien que ce n’est pas ton cas… Répondis-je doucement.

Pour toute réponse, Hayden s’approcha de moi, abandonnant son idée de pêche. Une fois face à moi, il se laissa tomber au sol, s’asseyant en croisant les jambes.

- Je vais être honnête avec toi, déclara-t-il en posant sur moi un regard que je ne parvins pas à déchiffrer. La route me manque, mais je ne veux pas repartir au risque de mettre ta santé en danger.

- En danger ? Répétais-je, incrédule. Je ne suis pas en danger ! Tiquais-je.

- Même si tu n’en montre rien, j’ai bien vu que tu avais perdu beaucoup de poids, Gwen… Tu n’étais déjà pas épais à la base, mais là c’est devenu flagrant…

A ces mots, je ne pus m’empêcher de rougir, affreusement gêné. Ainsi il s’en était rendu compte… J’avais pourtant bien fait attention à ce qu’il ne remarque rien…

- Comment tu… Commençais-je, n’osant pas croiser son regard.

- Le lacet ! Répondit-il avec un sourire en coin. Celui que tu as piqué sur ma chaussure pour attacher ton pantalon… Tu l’as laissé traîner l’autre jour…

- Oh… Soufflais-je, gêné.

- Tout ça pour dire, reprit Hayden plus sérieusement, que cela ne me gêne pas de rester ici le temps que tu te remplumes un peu. De plus, c’est à moi de faire un effort pour adapter mon rythme de marche au tien. J’ai bien vu que tu faisais ton possible pour suivre mon rythme sans te plaindre, mais je ne peux pas toujours te demander d’arriver à me suivre. Cela fait des années que je mène cette vie, alors que tu n’es à mes côtés que depuis quelques semaines. Du coup, c’est à moi de faire un effort et de m’adapter à ton rythme et de ralentir un peu.

Touché par ces mots, je ne pus m’empêcher cependant de me sentir coupable. Détournant le regard, mal à l’aise sous l’intensité du regard qu’il posait sur moi, je déclarais timidement :

- Je… Tu n’as pas à faire tous ces efforts pour moi Hayden… C’est moi qui me suis imposé à toi, alors c’est à moi de m’adapter… Et je… Je voudrais que tu me dises si ma présence t’ennuie…

A ces mots, Hayden prit mon menton entre ses doigts et m’obligea à le regarder, avec des gestes emplis de douceur.

- Tu ne me dérange pas le moins du monde, Gwendal, déclara-t-il.

- Tu es sincère ? Demandais-je, ancrant mon regard au sien.

- Je n’ai jamais été aussi sincère, déclara-t-il gravement.

Dans son regard, je pus constater tout le trouble qu’il ressentait à la vue de l’anomalie de mes yeux, comme s’il ne savait pas lequel regarder. Atrocement gêné, ayant toujours détesté mon regard pour ce genre de réaction qu’il entraînait, je tentais de me libérer de la poigne d’Hayden. Lorsqu’il s’en rendit compte, il libéra mon menton pour poser sa main sur ma joue, alors que je baissais les yeux, reportant mon attention sur l’herbe qui dansait au gré du vent.

- Pourquoi détournes-tu le regard ? Demanda-t-il, sa main posée sur ma joue la caressant doucement. Tu as des yeux magnifiques… N’ai pas peur de les montrer…

- Mes yeux ne sont pas beau, Hayden, soupirais-je sans pour autant relever la tête. Tu n’imagines pas ce que c’est d’avoir à assumer le regard des autres, d’avoir à accepter que les grand-mères se signent en me traitant de sorcière dès qu’elles croisent mon regard…

- En quoi leurs réactions t’importent-elles tant, Gwendal ? Demanda-t-il. En quoi leur avis te tient-il tant à coeur ? Qui sont-ils ? Qu’as-tu à leur prouver ?

- Je… Commençais-je, hésitant.

- Ignore les, Gwen… Tu ne leur dois rien ! Tes yeux sont une partie de toi, de ce que tu es… Ils sont juste, fascinant… Souffla-t-il alors que son regard accrochait le mien.

Le regard ancré à celui d’Hayden, je me laissais hypnotisé par l’intensité de la flamme qui illuminait ses yeux, les faisant briller d’une force que je n’avais encore jamais remarquée. Ensorcelé, je ne me rendis pas compte que la distance qui séparait nos lèvres s’amenuisait dangereusement. Et alors que sa bouche chaude et humide effleurait la mienne en une caresse éthérée, je sursautais violemment sans parvenir à retenir un cri de frayeur lorsqu’un coup de tonnerre retentit bruyamment au dessus de nos têtes.

L’instant suivant, une pluie diluvienne s’abattit sur nous. Nous relevant d’un bon, nous rassemblâmes précipitamment nos affaires avant de partir en courant vers la cabane. Les quelques dizaines de mètres que nous avions à parcourir suffirent pour que nous arrivions complètement trempés. Alors que nous courions pour nous mettre à l’abri, je m’arrêtais subitement et me mis à rire. Surpris, Hayden se tourna vers moi, m’adressant un regard étonné. Et moi, je ne pouvais m’empêcher de rire. En cet instant, trempé jusqu’aux os sous cette pluie torrentielle, j’étais tout simplement heureux…

- Gwen ? M’appela Hayden, déconcerté.

Lâchant alors mes affaires, je me mis à tournoyer sur moi-même, les bras écartés, le visage levé au ciel, offert à la pluie qui tombait, ignorant les grondements du ciel. Les yeux fermés, vacillant face à mon manque d’équilibre, je sursautais en sentant deux bras puissant se refermer autour de mes hanches alors qu’un torse chaud et athlétique se collait à moi dans mon dos. Reconnaissant Hayden à son odeur et à la façon si particulière qu’il avait de coller son corps au mien, je me détendis, me laissant aller à son étreinte. Emporté par notre élan, je me laissais aller à laisser mes mains rejoindre les siennes et d’un geste d’une tendresse qui me fit tressaillir, il noua mes doigts aux siens posés sur mon ventre.

Là, entre les bras rassurant d’Hayden, je n’avais plus peur… Je me sentais protégé et en sécurité, avec l’agréable impression que rien ne pourrait m’atteindre ni me blesser tant qu’il resterait près de moi. Et si tout mon être cherchait à dissimuler ses sentiments qui m’habitaient, mon coeur lui, le criait haut et fort : j’étais amoureux d’Hayden…

Mon coeur était prit d’une frénésie inquiétante lorsque je sentais son regard posé sur moi et la façon dont il me fixait parfois avait le don de me mettre mal à l’aise. Comme s’il cherchait à lire à travers moi… Je craignais qu’à force de m’observer, il finisse pas se rendre compte des sentiments trop tendres que je nourrissais à son égard. Comment réagirait-il alors ? Se rirait-il de moi ? C’était fort probable, Hayden ayant le don de tout tourner en dérision… Et je ne pouvais l’en blâmer… Quoi de plus comique que et improbable qu’un fils de noble famille qui s’entiche d’un vagabond ? Aussi gentil soit-il qu’Hayden…

Ce fut la voix d’Hayden au creux de mon oreille qui me ramena à la réalité :

- Ne restons pas sous la pluie… Viens….

Ce ne fut que lorsque son corps se détacha du mien que je réalisais qu’il n’avait cessé de m’enlacer depuis tout à l’heure. Délicatement, ses doigts enlacèrent les miens et malgré moi, je ne pouvais détacher mon regard de ce spectacle. Puis, quittant nos doigts enlacés du regard, je reportais mon attention sur Hayden. Légèrement éloigné de moi, il me souriait avec cette expression si particulière que je ne parvenais pas à déchiffrer. Et là, mon regard ancré à celui d’Hayden, j’eus l’intime conviction que ma vit avait prit un tout autre chemin, passant de statut de “infernale” à “véritable conte de fées”.

Rougissant, honteux des pensées qui étaient les miennes en cet instant, je me laissais docilement guider par Hayden qui, lentement, m’entraîna vers la cabane. Une fois à l’intérieur, il referma vivement la porte derrière lui afin d’éviter que la pluie nous suive à l’intérieur. Puis, se dirigeant vers le petit poêle qui trônait dans un coin de la pièce, il l’alluma. Lorsque le feu eu prit, il se tourna vers moi. Plongé dans mon observation, je n’avais même pas réalisé que je tremblais de froid. Ce fut Hayden qui me ramena à la réalité, lorsque ses mains se mirent à frotter mes bras en une vaine tentative pour me réchauffer :

- Tu ne devrais pas rester avec tes vêtements mouillés, Gwen… Change-toi avant que tu n’attrapes froid…

Honteux, je détournais le regard et jetais un coup d’oeil à l’unique pièce, cherchant un endroit discret où je pourrais me changer. Cependant, à mon plus grand malheur, il n’y avait absolument aucun recoin où j’aurai pu me dissimuler. Semblant comprendre mon désarrois, Hayden déclara en souriant :

- Promis je ne te regarderais pas ! Allez change-toi !

Et comme pour me prouver sa bonne volonté, il alla se poster devant l’unique fenêtre, me tournant le dos. Sortant de ma torpeur, je me dirigeais vers mon sac de voyage et en sortis des affaires propres et tournant moi aussi le dos à Hayden, j’entrepris de me dévêtir. Attrapant mon t-shirt par le bas, j’entrepris de le passer au dessus de ma tête. Cependant, ce que je n’avais pas prévu, c’était qu’il reste coincé. Affreusement gêné, ne pouvant plus bouger, j’appelais Hayden d’une petite voix, affreusement mal à l’aise :

- Hayden…

- Il y a un problème Gwen ? Demanda-t-il sans se retourner.

- Je… Je suis coincé… J’ai… Besoin de ton aide… Soufflais-je, tentant de ne pas rougir.

- Tu es conscient qu’en me demandant mon aide, cela me force à me retourner ? Demanda-t-il avec ce que je décelais être une pointe d’humour dans la voix.

- Dépêches-toi ! Marmonnais-je. J’ai froid…

Il n’en fallut pas plus pour décider Hayden. L’instant d’après, je le sentis s’arrêter juste derrière moi et je me félicitais alors de lui tourner le dos afin qu’il ne soit pas témoin de la brusque rougeur de mes joues. Et lorsque ses mains vinrent se poser sur les miennes, je dus me faire violence pour réprimer un frisson. Avec douceur, il entrepris de m’aider à retirer mon t-shirt, et terriblement gêné, je ne pus m’empêcher de me sentir mal à l’aise. J’étais sans doute en train de vivre l’un des instants les plus intimes de ma vie et malgré moi, mon coeur tambourinait dans ma poitrine qui semblait être sur le point d’exploser.

Alors que je baissais les bras, enfin libéré de ma prison de toile, je sursautais violemment en sentant les mains d’Hayden se poser sur mes hanches nues, juste au dessus de mon pantalon. Le coeur battant, je n’osais plus esquisser le moindre geste tandis que ma respiration se bloquait et que mon coeur loupait un battement. Puis, avec une douceur extrême, il déposa ses lèvres sur mon omoplate. Au contact de ses lèvres brûlantes sur ma peau glacée et de ses cheveux qui effleurèrent timidement ma nuque, je ne pus retenir un violent frisson, fermant les yeux sous l’effet du soudain bien-être qui s’emparait de moi. A présent, je n’avais plus froid, c’était comme si la brûlure des lèvres d’Hayden se répandait dans mes veines, réchauffant tout mon corps.

Puis, bien trop brusquement, Hayden s’éloigna de moi et le froid m’envahit de nouveau. D’une voix étrangement rauque, il déclara :

- Finis de te changer, Gwen… Tu es glacé…

Puis, sans plus de cérémonie, il retourna près de la fenêtre, ses pas résonnant lugubrement dans le silence seulement briser par les grondements du tonnerre et la pluie qui tombait toujours. Le coeur battant et la tête emplie de questions, j’achevais de me changer retirant mon boxer et mon pantalon trempés pour les remplacer par ses secs. Puis, attrapant ma serviette, je défis ma queue de cheval et me séchais les cheveux. Une fois fait, j’attrapais ma brosse et me dirigeant vers Hayden, je déclarais simplement :

- La place est libre…

Sans un regard pour moi, il s’empressa de s’éloigner, et j’eus l’horrible impression qu’il me fuyait. Cette sensation fut renforcée lorsque, au lieu d’aller se changer, Hayden ouvrit la porte de la cabane et la referma en claquant la porte derrière lui. Sans que je ne puisse les retenir, des larmes s’échappèrent subitement de mes yeux, cascadant en silence le long de mes joues. Blessé, je ne pouvais détourner mon regard de la porte, espérant qu’Hayden revienne et s’excuse d’être partit ainsi.
Pourquoi un tel comportement de sa part ? Avais-je malgré moi, sans m’en rendre compte, fait quelque chose qui lui a déplut ? Pourquoi m’avait-il embrassé ainsi si c’est pour me fuir par la suite ? Des questions pleins la tête, je me détournais alors de la fenêtre et allais m’asseoir en tailleur devant le poêle, tournant délibérément le dos à la pièce. Là, j’entrepris de dénouer mes cheveux, ignorant les larmes qui coulaient sur mes joues, ne pouvant m’empêcher de me sentir coupable.

Je ne saurais dire combien de temps s’était écoulé lorsqu’Hayden poussa à nouveau la porte de la cabane. Sentant les larmes revenir au galop, je m’efforçais de les retenir. Allongé sur le ventre, mon livre posé devant moi, je demandais d’une voix que j’espérais pas trop tremblante :

- Tu étais où ?

- Je… J’ai cru avoir oublié quelque chose à la rivière…

- Tu mens ! Déclarais-je simplement, sans relever les yeux de mon livre.

Il n’y avait ni reproches, ni accusation dans ma voix, seulement une constatation. A ces mots, Hayden poussa un profond soupir et se dirigeant vers son sac de voyage, il déclara :

- Ecoute Gwen, je ne suis pas certain que tu ais réellement envie de connaître la raison pour laquelle je suis sortis…

Alors qu’il se changeait, je déclarais simplement :

- Fais bien ce que tu veux. Après tout, tu n’as pas besoin de moi.

Hayden ne répondit rien et lorsqu’il fut changé, il vint s’asseoir en face de moi. Gardant obstinément les yeux fixés sur mon livre, je tentais d’ignorer sa présence. Ce n’était pas sans compter sur la coopération d’Hayden qui referma brusquement mon livre :

- Hey ! M’exclamais-je, furieux.

- Ecoute-moi quand je te parles ! Déclara Hayden.

- Parce que tu m’as écouté toi peut-être ? Sifflais-je en me redressant pour m’éloigner de lui.

Comme s’il avait compris mes intentions, Hayden m’attrapa le poignet. Je restais un instant immobile avant de reprendre brusquement mon poignet, m’arrachant furieusement à sa poigne.

- Me touche pas !

Sur ses mots, je me redressais. Et avant que je ne comprenne ce qui se passe, je me retrouvais coincé entre le mur et le corps d’Hayden, les poignets maintenus fermement au dessus de ma tête. Furieux, j’adressais un regard assassin à Hayden en m’exclamant :

- Lâche-moi ! Tu n’as pas le droit !

- Je ne te lâcherais pas avant que tu m’ais écouté ! Déclara-t-il en ancrant son regard dans le mien. Et arrête de gesticuler, ça ne sert à rien !

- Je n’ai pas envie de t’écouter ! M’exclamais-je. Je n’ai que faire de tes excuses, m’entêtais-je.

Il m’avait blessé et je tentais de me protéger comme je le pouvais.

- Ecoute-moi ! S’exclama Hayden en haussant le ton, me faisant sursauter. Je suis désolé si je t’ai blessé d’une quelconque façon, reprit-il plus doucement. Ca n’était aucunement mon intention…

- Je ne suis pas blessé ! Répliquais-je cinglant.

- Ah oui ? Pourquoi est-ce que tu me fuis ainsi alors ? Renchérit-il, un sourire en coin étirant ses lèvres.

Pour toute réponse, je tentais une nouvelle fois que me soustraire à sa poigne de fer.

- Tu me fais mal ! Sifflais-je furieux, alors que ses doigts me broyaient les poignets.

- Excuses-moi, souffla-t-il en desserrant sa prise.

- Je t’excuses ! A présent, lâche-moi ! Ordonnais-je.

- Pas avant que tu ne m’ai écouté ! Répéta-t-il.

A contrecoeur, je finis par céder, cessant de me débattre. J’adressais à Hayden un regard assassin qui le fit sourire. Je décidais alors de l’ignorer et reportais mon attention sur la fenêtre, ne cillant pas lorsque je l’entendis soupirer bruyamment avant de déclarer :

- Si je suis partis comme un sauvage c’est que… Commença-t-il, hésitant, comme s’il cherchait ses mots. Je ne suis qu’un homme, Gwen… Avec mes désirs et mes faiblesses… Et tu es loin de me laisser indifférent…

A ces mots, je ne pus m’empêcher de sursauter, surpris, alors que mon coeur battait dans ma poitrine.

- Je te désire Gwen, ajouta-il gravement. Et si je suis partis, c’est pour éviter de faire une bêtise…
Je ne pus m’empêcher de m’empourprer violemment en réalisant ce qu’il venait d’avouer. Il me désirait ? Etait-il sérieux où bien cherchait-il simplement à se moquer de moi ? Presque malgré moi, je détournais mon attention de la fenêtre pour la reporter sur Hayden et l’intensité du regard qu’il posait sur moi me coupa le souffle. Jamais personne ne m’avait regardé ainsi, posant sur moi un regard si brûlant et empli de désir…

Terriblement gêné, je détournais de nouveau les yeux, sous le sourire attendrit d’Hayden. Je n’osais pas prononcer le moindre mot et subitement, l’ambiguïté de notre position acheva de colorer mes joues d’un joli rouge carmin. Semblant se rendre compte de mon malaise, Hayden me libéra les poignets et s’éloigna sensiblement de moi afin que nos deux corps ne soient plus en contact.

Pour ma part, je restais immobile, encore entrain d’assimiler les révélations d’Hayden. Jamais je n’aurai pu croire une chose pareille… Lorsque je repris mes esprits, je m’approchais lentement de lui. Et alors que j’allais poser une main sur son épaule, il esquissa un pas de recul, un pauvre sourire dépeint sur les lèvres :

- Ca ne serait pas prudent… Déclara-t-il simplement. Je… Je crois qu’il vaudrait mieux que tu dormes dans ton duvet ce soir…

Les joues brûlantes sous l’insinuation d’Hayden, j’esquissais à mon tour un pas de recul, terriblement gêné.

La soirée se déroula lentement et dans un silence gêné. Alors que j’étais couché depuis plusieurs heures, le sommeil me fuyait toujours. J’avais pris l’habitude de m’endormir entre les bras d’Hayden et à présent, sa présence et sa chaleur me manquait… Il me manquait ce sentiment de sécurité et de bien-être qui s’emparait de moi lorsque je me retrouvais entre les bras d’Hayden.

Après un énième soupir de lassitude, lassé de me tourner et me retourner sans arrêt dans mon lit de fortune, je quittais mon lit sans bruit et sortis. Je profitais que la pluie avait cessée pour m’installer dehors, m’asseyant sur un coin d’herbe sec. Bientôt, les bruits de la nuit m’apaisèrent et bien que le ciel était encore couvert, me voilant les étoiles, je me sentais bien, apaisé. Plongé dans mes pensées, je n’entendis pas Hayden me rejoindre et ne me rendis compte de sa présence que lorsqu’il vint s’asseoir à mes côtés.

Je lui adressais un simple sourire auquel il répondit, puis nous reportâmes notre attention sur les bois. Je ne saurais dire combien de temps nous restâmes ainsi, silencieux, aucun de nous n’osant briser le calme de la nuit. Finalement, je fus le premier à me jeter à l’eau :

- Comment tu l’as découvert ? Demandais-je.

- Découvert quoi ? Répéta Hayden, surpris.

- Ton homosexualité, répondis-je en me tournant vers lui.

- Oh ça… Souffla-t-il amusé. Et bien… Au fond de moi, je crois que je l’ai toujours su… Peut-être est-ce à cause de ma mère… A la voir se faire passer dessus par tous ces mecs… A voir dans l’état dans lequel elle était chaque jour, à la voir en redemander encore, à faire la salope pour quelques euros… Peut-être est-ce cela qui m’a dégoûter des femmes, je ne saurais le dire… Quoi qu’il en soit, dès le collège, je n’ai jamais porté la moindre attention sur les filles… Au contraire, voir ses pré-adolescentes se trémousser avec des vêtements vulgaires pour attirer l’attention des garçons… Tout cela me répugnais ça me rappelais bien trop ma mère, ce qu’elle était devenu… Instinctivement, je sais pas, je me suis surpris à observer les garçons et je ne m’en suis pas retrouvé dégoûté, comme avec les filles…

- Comment l’a prit ta famille quand ils l’ont appris ?

- Je ne connais pas mes grands-parents, ceux-ci ayant renié ma mère lorsqu’elle a commencé à se vendre… Quant à ma mère, elle s’est mise à hurler, me criant que j’étais un monstre, que je la dégoûtais…

Je ne fis aucun commentaire, gardant pour moi mes impressions. Après un long silence, je finis par prendre la parole :

- Père et mère ont toujours eut une vision plus que négative sur l’homosexualité, ne cessant de se plaindre d’eux et les dénigrant comme des moins que rien, commençais-je. Pour eux, le SIDA est de leur faute… Ils disent qu’ils l’ont bien mérité, qu’à force de forniquer à tout va, il fallait bien que quelque chose les punissent… Ils disent que c’est contre-nature… J’avais un cousin… Lorsqu’il a décidé d’assumer son homosexualité et qu’il a présenté son ami à ses parents, il s’est fait renié comme un malpropre et mettre à la porte, comme on jetterai une paire de chaussette abîmée à la poubelle… Je ne l’ai jamais revu… Je ne sais pas ce qu’il est devenu… Et pourtant, il était quelqu’un que j’appréciais énormément… Peut-être l’un des seuls d’ailleurs… Mais parce qu’il était différent de ce qu’ils auraient voulu qu’il soit, ils l’ont tous renié, sans chercher à le comprendre, sans se mettre à sa place et essayer d’imaginer ce qu’il a du ressentir… J’ai haïs ma famille plus qu’il n’était possible après ça… Cette famille qui n’en est pas une, avec leurs valeurs préhistoriennes et leurs préjugés… Cette famille qui ne jure que par leur statut social et se fout du bien être de leurs enfants… Pour eux, nous ne sommes qu’un moyen d’assurer la lignée de la famille et, en nous utilisant intelligemment en nous mariant avec des hommes ou des femmes influant, d’assurer leur bien-être et leur place dans la société… Et dès lors qu’un des enfants sort du droit chemin, dès que l’un d’eux se met à montrer des signes d’anomalies ou des tares, comme l’homosexualité, on le renie… On le chasse de cette famille soit disant unie, afin de ne pas salir son nom… Crachais-je, en sentant une fureur sans nom s’emparer de moi.

- Et toi ? Demanda Hayden en se tournant vers moi. Quel est ton point de vue ?

- Je… Je ne sais pas, soufflais-je, gêné. Je ne pense pas avoir de point de vue particulier… Les sentiments ne se contrôlent pas, ce n’est pas nous qui choisissons la personne, c’est notre coeur… Et lui se fout que la personne qu’il aime soit un homme ou une femme…

- Tu as l’air de parler en connaissance de cause… Souffla Hayden, un sourire amusé étirant ses lèvres.

- Moi ? Non… M’empressais-je de répondre, affreusement gêné de m’être ainsi laissé aller à exprimer ce que je ressentais.

- Menteur, sourit Hayden. Tu rougis…

- C’est de ta faute ! L’accusais-je en me tournant vers lui. Tu poses des questions gênantes.

- C’est toi qui a abordé le sujet…

Je ne répondis rien, me contentant de détourner les yeux, mal à l’aise sous le regard insistant qu’il posait sur moi. Finalement, après un long silence gêné, je demandais, changeant délibérément de sujet :

- Hayden ?

- Oui, Gwen… Répondit-il avec une pointe d’amusement dans la voix.

- Jusqu’où tu serais prêt à aller pour ta liberté ? Demandais-je.

- Comment ça ?

- Je veux dire, que sacrifice serais-tu prêt à faire ? Que serais-tu capable d’abandonner derrière toi pour rester tel que tu l’es aujourd’hui ? N’as-tu jamais songé à t’arrêter et t’installer quelque part ? N’y a-t-il jamais eu personne qui t’a donné envie de te poser, d’abandonner la vie que tu menais jusqu’à maintenant, pour elle ?

J’entendis Hayden soupirer et alors que je m’attendais à ne recevoir aucune réponse, il commença, le regard fixé droit devant lui :

- Je ne sais pas, avoua-t-il. Je ne me suis jamais suffisamment attaché à quelqu’un pour avoir envie de tout abandonner pour lui… Je n’ai aucune attache nulle part, Gwen, comme une feuille morte qui s’envole au premier coup de vent… Je me pose au gré de mes envies, mais, un jour ou l’autre, le désir de repartir se fait de plus en plus pressant, jusqu’au jour où, finalement, je finis par lui céder… Je suis comme ça, Gwen, c’est dans ma nature…

Après une courte pause, il reprit :

- Le seul pour qui cela a été beaucoup plus difficile que je ne le pensais, à été Julien… J’étais prêt à tout plaquer pour lui… A arrêter de voyager et m’installer avec lui… Mais finalement, encore une fois, l’appel de la liberté à été le plus fort…

- Il t’arrive de regretter ? Demandais-je, touché malgré moi. Tu ne t’es jamais demandé ce qu’aurait pu être ta vie si tu étais resté près de lui ?

- Tu ne t’arrêtes jamais de poser des questions ? Demanda Hayden en riant.

- Désolé… Soufflais-je en détournant les yeux, honteux.

- C’est bon, je plaisantais, me rassura-t-il. Tant qu’on en est aux confidences, autant parler non ? Et pour répondre à ta question, non, je ne regrettes pas… Je sais que Julien a une meilleure vie que celle qu’il aurait eut avec moi si j’étais resté…

- Comment peux-tu en être certain ? Demandais-je en le regardant.

Tournant la tête vers moi, un sourire amusé faisant pétiller son regard, il déclara :

- Tu as toujours réponse à tout, n’est-ce pas…

De nouveau je sentis le rouge me monter aux joues avant de me mettre à frissonner sous la fraîcheur de la nuit.

- Et toi… Déclara-t-il après un instant de silence en me souriant. Parle-moi un peu de toi ?

- De moi ? Répétais-je, confus.

- Oui, sourit-il, de toi…

- Il n’y a rien à dire, soupirais-je en détournant les yeux. Je m’appelle Gwendal, j’ai vingt et un ans et je me suis enfui avec un inconnu lorsque mon père m’a contraint à un mariage forcé… Tu vois, ma vie n’a rien de bien passionnant…

- Il y a forcément d’autres choses à dire, s’entêta Hayden. Ce que tu aimes, ton enfance, la famille on va éviter, ajouta-t-il, m’arrachant un petit sourire, tes goûts, tes rêves… Tu vois, il y a pleins de choses à dire sur toi…

- Pourquoi est-ce que tu veux savoir tout ça ? Demandais-je, surpris en croisant son regard.

- Ce n’est pas ce que font deux personnes qui voyagent ensembles ? Chercher à se connaître… Demanda-t-il en souriant, reprenant mes propres mots.

A ces mots, je ne pus m’empêcher de sourire, amusé malgré moi.

Reportant alors mon regard devant moi, je commençais à parler après un instant de silence :

- Je n’ai jamais vraiment réfléchis à tout ça, avouais-je. Dès mon plus jeune âge j’ai toujours fait ce que l’on me demandait, parce que c’est comme cela que l’on m’a élevé et c’est ce que l’on attendait de moi… Je suis fils unique et mes parents n’ont jamais été très présents pour moi, mais mon rôle de fils unique me contraignait à me plier à leurs exigences… C’est pourquoi, je n’ai jamais discuté leurs ordres, faisant ce que l’on exigeait de moi…

- Et pourtant, tu t’es enfuis de chez toi lorsqu’ils ont voulu te marier…

- Oui, soufflais-je. Peut-être ais-je été docile trop longtemps, ajoutais-je avec un petit sourire amer. Je n’avais peut-être rien à moi, mes goûts étaient ceux que l’on m’imposaient, mais j’ai toujours eu ce désir au fond de moi… Quand j’étais petit, je rêvais que j’avais des ailes, et que je m’envolais loin de chez moi… Je rêvais de découvrir le monde, de rencontrer les gens que j’aurai aimé rencontrer et non ceux que l’on m’imposait… Je voulais tant être… Normal…

- Et maintenant ? Demanda Hayden en me souriant. Est-ce que la vie que tu mènes à présent te plait davantage ?

- Bien plus, répondis-je sincère avant de me rembrunir. Tellement qu’il m’arrive, parfois, de croire que tout cela n’est qu’un rêve… Que si je ferme les yeux trop longtemps, lorsque je les ouvrirais, je me réveille dans ma chambre et que tout ce que j’ai vécu jusqu’à présent ne soit qu’une douce illusion…

Délicatement, la main d’Hayden vint se poser sur ma joue, et avec une douceur infinie, il m’incita à tourner la tête vers lui. Lorsque nos regards se croisèrent, je sentis mon coeur s’emballer dans ma poitrine et je dus me faire violence pour soutenir le regard brûlant qu’Hayden posait sur moi. Puis, lentement Hayden se pencha vers moi, son regard toujours ancré au mien, alors que, le coeur battant, je ne bougeais pas, parfaitement conscient de ses intentions. Bien trop lentement à mon goût ses lèvres se posèrent enfin sur les miennes et je ne pus retenir un soupir de bien-être et de satisfaction. Tout contre mes lèvres, je pus sentir Hayden esquisser un sourire et bientôt, ses lèvres s’entrouvrirent sur sa langue qui, tendrement, vint caresser mes lèvres, comme pour m’inviter à les entrouvrir. Grisé par la douceur dont il faisait preuve, je me laissais aller à fermer les yeux et m’abandonnant à lui, je cédais à son invitation et entrouvris timidement les lèvres. Il n’en fallut pas plus à Hayden et l’instant suivant, sa langue se faufilait entre les lèvres, partant à la recherche de la mienne.

Lorsque nos langue s’effleurèrent en une tendre caresse, je frissonnais violemment. Délicatement, Hayden posa sa main sur ma joue alors que je n’osais esquisser le moindre mouvement. Très vite, notre échange gagna en intensité. Sa langue entraînait la mienne en un ballet vieux comme le monde et j’eu toutes les peines du monde à retenir le gémissement de plaisir qui menaçait à tout moment de franchir mes lèvres. Soudain, Hayden fut comme prit de frénésie, me guidant dans un baiser fiévreux qui n’avait plus rien à voir avec ceux que nous avions échangé jusqu’à maintenant.

Je sentis mon coeur s’emballer dans ma poitrine et l’espace d’un instant, je pris peur en sentant Hayden presser mon corps contre le sien. Alors que je commençais à prendre peur, il sembla soudainement reprendre ses esprits et s’écarta vivement de moi, rompant brusquement le baiser.

- Excuses-moi, murmura-t-il, sa main caressant doucement ma joue. Je me lui laisser emporter… Ca va ?

- Je… Oui.. Murmurais-je, affreusement embarrassé.

- Alors, demanda-t-il après un court instant, reprenant notre conversation où nous l’avions laissée. Tu crois encore que tout ceci n’est qu’une illusion ? As-tu déjà rêvé d’être embrassé par un homme, même dans tes rêves les plus fou ?

- Jamais… Avouais-je, les joues rouges.

- Alors ceci n’est pas un rêve, Gwen… C’est réel… Déclara-t-il en souriant.

Je ne répondis rien et le silence nous enveloppa de nouveau. Finalement, la fatigue me gagna et alors que j’étouffais un bâillement, Hayden déclara :

- Allez, va dormir… Tu tombes de sommeil…

Après lui avoir souhaité une bonne nuit, je retournais dans mon sac de couchage. Dans les cinq minutes qui suivirent, j’étais endormi.

Finalement, nous ne reprîmes la route que trois jours plus tard, la pluie n’ayant pas cessé avant. Au matin du quatrième jour, profitant d’une éclaircie, nous rangeâmes nos bagages et reprîmes la route. J’avais un pincement au coeur en quittant cet endroit mais bientôt, la joie et l’excitation de découvrir d’autres endroits vint effacer mon amertume.

Nous marchâmes pendant deux jours avant de finalement prendre le bus jusqu’à Birmingham. Là, après une nuit à l’hôtel, nous prîmes le train jusqu’à Edimbourg. Hayden m’avait avoué avoir un ami là bas, et m’avait demandé si j’étais d’accord pour aller lui rendre visite. A ma mine renfrognée, il avait éclaté de rire en m’expliquant que cet ami n’était pas le moins du monde attiré par les hommes et qu’il n’avait jamais eu d’aventures avec lui. Partiellement rassuré, j’avais tout de même accepté.

Et après une petite semaine de marche, nous arrivâmes enfin à Fakland, une petite ville au nord d’Edimbourg. Après avoir demandé son chemin, Hayden nous conduisit jusqu’à une petite villa un peu en retrait de la ville. Là, il passa devant moi et alla frapper à la porte. Ce fut une jeune femme qui vint nous ouvrir et si Hayden parût surpris, il n’en laissa rien paraître. D’un ton poli, il demanda :

- Bonjour, est-ce que Darren MacKay est là, s’il vous plaît ?

- C’est de la part de qui ? Demanda la jeune femme, un peu sceptique.

- Hayden…

- Chéri ! Appela la jeune femme en se tournant vers l’intérieur. Un certain Hayden demande à te voir.

L’instant d’après, un colosse fit irruption dans l’encadrement de la porte et malgré moi, je ne pus m’empêcher d’esquisser un pas en arrière, effrayé par l’immense homme roux qui venait de faire son apparition.

- Par la barbe de Merlin ! S’exclama le dénommé Darren. Hayden ! Qu’est-ce que tu fais là, mon vieux !?

L’instant d’après, Hayden était happé par les deux bras les plus énormes que je n’avais jamais vu et fut soulevé de terre comme s’il ne pesait rien. A tout instant, je m’attendais à entendre ses côtes se briser, mais il était plus solide qu’il ne le laissait croire.

- Salut Darren ! Souffla Hayden en lui rendant son étreinte. Content de te voir vieux !

Leur embrassades s’éternisa avant qu’Hayden ne se souvienne de ma présence. Se tournant vers moi, il fit les présentations et si j’échappais à l’étreinte à laquelle avait eu droit Hayden, je ne pus refuser de lui serrer la main sans paraître impoli et lorsque ses doigts se refermèrent autour de ma main, je retins tant bien que mal un gémissement de douleur alors que mes os se broyaient sous sa poigne de fer.

C’est avec entrain que Darren nous invita à entrer chez lui et après nous avoir présenter sa compagne, Blair, il nous offrit à boire. Très vite, la discussion s’engagea entre Hayden et Darren tandis que j’allais rejoindre Blair à la cuisine, profitant d’une échappatoire pour m’échapper d’une conversation qui ne me concernait pas. Timidement je proposais à Blair de l’aider et très vite, la nous engageâmes la conversation sur tout et rien. Bientôt, j’appris qu’elle et Darren étaient sur le point de se marier. Plus qu’heureux pour eux, je la félicitais, lui souhaitant tous mes voeux de bonheur.

Le soir, nous fûmes conviés à rester dormir et lors du dessert, Darren, après avoir probablement reçu l’accord de sa future épouse, nous proposa de rester pour leur union, chose qu’Hayden s’empressa d’accepter avec une joie non feinte.

La soirée se traîna en longueur et épuisé, je ne tardais pas à m’endormir la tête calée contre l’épaule d’Hayden.

Le dimanche matin, nous nous préparâmes tous pour la cérémonies qui devait avoir lieu en fin de matinée. Alors que je m’habillais dans la salle de bain, Hayden fit subitement irruption, me faisant sursauter. Me tendant une chemise blanche et un pantalon noir, il déclara :

- Tien, met ça ! Et fait quelque chose pour tes cheveux ! Ajouta-t-il en avisant mes cheveux soigneusement peignés. Comme le matin quand tu te réveilles par exemple ! Ajouta-t-il, un sourire en coin étirant ses lèvres.

- Tu veux que j’ai l’air de sortir de mon lit ? M’exclamais-je, surpris.

- Ou du mien, de préférence ! Répondit-il avant de quitter la pièce comme il était venu, me laissant complètement stupéfait.

Alors que je réalisais la portée de ses paroles, je ne pus m’empêcher de rougir. Puis, reportant mon attention sur mon reflet je tentais de suivre son conseil avant d’enfiler les vêtements qu’il m’avait apporté. Et bien qu’ils soient des plus simples, je ne pus m’empêcher de contempler mon reflet.

Puis, après m’être assuré que tout était en ordre, je quittais la salle de bain et allais rejoindre tout le monde au salon. Lorsque j’arrivais, Hayden s’arrêta en plein milieu de sa phrase, m’observant avec une intensité qui me mit mal à l’aise. Je détournais alors les yeux en rougissant alors que Blair s’approchait de moi tout sourire.

- Tu es ravissant, Gwendal ! Déclara-t-elle.

Je lui adressais un petit sourire de remerciement puis nous nous mîmes en route.

C’était le premier mariage auquel j’assistais et malgré moi, je ne pus m’empêcher de me sentir ému lorsque les mariés se passèrent la bague au doigt avant de s’embrasser passionnément. Durant la fête qui suivit, je passais ma soirée à danser avec Blair ou Darren, ceux-ci m’ayant visiblement très vite adopté. Puis, lorsque vint le moment des slow, je regagnais ma place, laissant les jeunes mariés se retrouvaient. Le menton calé dans ma main, je les regardais danser avec une certaine envie, les images de mon premier et unique slow avec Hayden me revenant sournoisement à l’esprit.

Alors que je m’apprêtais à aller faire un tour dehors, je vis Hayden s’approcher de moi et je ne pus détourner mon regard de sa silhouette féline. Habillé d’un costume noir qui lui allait à merveilles, il était magnifique et son regard pétillait d’une lueur que je n’arrivais pas à définir. S’approchant de moi, il me tendit la main et, me regardant dans les yeux, un tendre sourire étirant ses lèvres, il demanda :

- Tu viens danser ?

Comme pour m’assurer que c’était bien à moi qu’il parlait, je regardais autour de moi et m’aperçus que j’étais seul à ce coin de la table. Rougissant, j’attrapais timidement sa main et il m’entraîna à sa suite sur la piste de danse, au milieu des couples tendrement enlacés. Puis, avec une tendresse qui ne cessait de m’étonner, il passa son bras autour de ma taille, m’attirant délicatement à lui. Timidement, j’enlaçais mes doigts aux sien tentant de ne pas rougir alors qu’il m’observait en souriant. Bientôt, guidé par Hayden, nous commençâmes à danser au rythme lent de la musique. Lentement, je finis par me détendre, me laissant complètement aller entre ses bras. La tête calée contre son torse puissant, les yeux fermés, je savourais les caresses aériennes des doigts d’Hayden qui passaient et repassaient dans mon dos, m’effleurant à travers ma chemise.

Je dus me faire violence pour ne pas frissonner sous ses caresses et, de bien être, je soupirais longuement.

- Ca va ? Me demanda Hayden.

- Oui, répondis-je dans un murmure.

Pour toute réponse, Hayden m’embrassa sur les cheveux.

Je ne saurais dire combien de temps nous restâmes ainsi enlacés. Au bout d’un temps qui me parut interminable, épuisé, je levais la tête vers Hayden et d’une petite voix, je déclarais :

- Hayden… Je voudrais rentrer… Je suis fatigué…

- D’accord, répondit-il. Va chercher ta veste, je vais prévenir Darren que nous rentrons…

Docile, j’allais chercher ma veste posée sur le dossier de ma chaise et l’enfilais alors qu’Hayden revenait vers moi. Sans un mot, il me sourit avant de me prendre par la main, m’entraînant à sa suite. Le chemin jusqu’à chez Darren n’était pas long et se déroula dans le silence le plus complet. Mes doigts toujours prisonniers de ceux d’Hayden, je marchais en regardant le sol, n’osant pas relever la tête de peur de croiser son regard. Je venais de vivre la plus belle journée de ma vie, et c’était en partie grâce à lui.

Arrivés chez Darren, Hayden sortit la clé de sa poche et ouvrit la porte, m’invitant galamment à le précéder. Je lui souris, à la fois amusé et intimidé et entrant derrière moi, il referma simplement la porte. Une fois arrivé dans la chambre, je me débarrassais de mes chaussures et de ma veste et, attrapant un boxer propre et mon pyjama, j’allais m’enfermer dans la salle de bain. Durant de longues minutes, j’appréciais la chaleur de l’eau et après m’être savonné et lavé les cheveux afin d’enlever l’odeur de cigarette qu’ils dégageaient, je me séchais et enfilais mon pyjama. Puis, je me lavais les dents et attrapant ma brosse, je rejoignis la chambre. Hayden était allongé sur le lit, vêtu d’un simple boxer. Gêné, je m’efforçais à ne pas le regarder et il demanda :

- Tu as fini avec la salle de bain ?

- Oui, répondis-je simplement en dénouant mes cheveux, assis en tailleur de mon côté du lit.

Puis, sur un simple sourire, il m’abandonna momentanément.

Lorsqu’il revint, j’étais déjà couché sous les couvertures, somnolant. J’ouvris les yeux en sentant Hayden se glisser entre les couvertures et s’allonger près de moi. Ancrant mon regard au sien, je répondis timidement au sourire qu’il m’adressait.

- Tu as passé une bonne soirée ? Demanda-t-il dans un chuchotement.

- L’une des meilleures de ma vie, répondis-je sincèrement. Je suis vraiment heureux pour Blair et Darren, ils sont vraiment très gentils.

- Oui, approuva-t-il. Blair est une femme merveilleuse, je suis content pour Darren, elle le rendra heureux.

Je ne répondis rien, me contentant de répondre au sourire qu’il m’adressait. Il n’avait pas éteint sa lampe de chevet et la lumière derrière lui m’offrait une vision à contre jour de son visage, accentuant ses traits, mais ne l’en rendant que plus beau, faisant ressortir son côté viril. Et plus que jamais, je le trouvais beau. Mon regard ancré au sien, je ne parvenais pas à détourner les yeux, comme hypnotisé. D’un geste d’une tendresse qui ne cessait de me troubler, il leva une main vers mon visage et du bout des doigts, il replaça la mèche de cheveux qui me tombait devant les yeux.

Puis, au lieu de récupérer sa main, il la posa sur ma joue, la caressant affectueusement. Sous la douceur de ses doigts, je me laissais aller à fermer les yeux, soupirant de bien-être. Ce fut le souffle chaud d’Hayden sur mes lèvres qui me ramena à la réalité. Et j’ouvris les yeux à temps pour le voir fondre sur moi, ses lèvres happant les miennes avec cette tendresse qui le qualifiait. Très vite, sa langue vint caresser mes lèvres et fermant les yeux sous la douceur de cette caresse, j’accédais docilement à sa requête.

Sa langue rencontra alors la mienne et l’entraîna dans un ballet sensuel. Sa main quitta alors ma joue pour aller se poser dans le creux de mes reins, me faisant tressaillir. Cependant, rassuré par la tendresse dont il faisait preuve, je me laissais aller, le laissant me guider sur ce chemin qui m’était inconnu. Fébrilement, sa main se glissa sous mon haut de pyjama, effleurant ma peau. A ce contact, je ne pus réprimer un petit gémissement de surprise, électrisé par la douceur et la chaleur de ses doigts. Semblant prendre ma réaction pour un consentement, Hayden entrepris alors de me caresser plus franchement. Lentement, ses doigts remontèrent le long de ma colonne vertébrale, m’arrachant un frisson de bien être sous cette caresse sensuelle.

Inconsciemment, je me cambrais légèrement, rapprochant sans m’en rendre compte mon corps de celui d’Hayden. Ce geste n’échappa pas à son attention et, bientôt son baiser se fit plus entreprenant. La douceur, bien que toujours présente, laissa place à quelque chose de bien plus pressant alors que sa langue caressait la mienne avec frénésie. Jamais encore nous n’avions échangé pareil baiser et lentement, je me sentis fondre entre ses bras. Soudain, je réalisais alors que, partis comme il l’était, si je le repoussais pas maintenant, les choses risquaient fortement d’aller plus loin, bien plus loin… Etais-je vraiment prêt pour cela ? Je n’en avais pas la moindre idée, tout ce qui m’importait en cet instant présent, c’était les mains d’Hayden sur ma peau, ses lèvres sur les miennes et son corps tendu et brûlant tout contre le mien…

Comme s’il avait entendu mes pensées, Hayden émit un petit gémissement rauque qui mourut dans ma bouche alors que son corps se pressait davantage contre le mien, sa main abandonna mon dos pour aller s’ancrer sur mes fesses. Un nouveau frisson s’empara de moi et électrisé par ce contact, je me laissais aller en confiance entre les bras puissants d’Hayden. Timidement, je posais une main sur sa nuque et je pus sentir Hayden frissonner violemment à ce contact.

Brusquement, sans que je n’ai le temps de réaliser ce qui se passait, il me fit rouler sur le dos. A sentir le poids de son corps sur le mien, je ne pus m’empêcher de rougir en réalisant la position qui était la notre. Allongé de tout son être entre mes jambes et sur mon torse, Hayden m’embrassait à en perdre haleine et je ne pus m’empêcher de m’empourprer lorsque je me rendis compte que j’aimais sentir son corps musclé couché sur le mien. Puis, libérant mes lèvres après un baiser des plus fiévreux, il enfouis son visage dans mon cou alors qu’inconsciemment, je refermais mes bras autour de lui, comme pour l’empêcher de s’éloigner de moi.

Lorsque les lèvres d’Hayden se posèrent dans mon cou, je frissonnais violemment sous la vague de chaleur que ce simple contact fit naître au creux de mes reins alors qu’un petit gémissement plaintif s’échappait de mes lèvres entrouvertes.

L’instant suivant, sa langue vint rejoindre ses lèvres alors qu’il explorait sans retenue les courbes de mon cou, mordillant délicatement ma peau au passage avant de la parsemer d’une multitude de baisers papillons, comme pour se faire pardonner de sa brusquerie. Galvanisé par les sensations inconnues mais terriblement agréables qu’il faisait naître en moi, je me laissais aller à fermer les yeux et, sous le plaisir qui s’emparait lentement de moi, je rejetais la tête en arrière, lui laissant ainsi un plus grand champ d’action.

J’entendis vaguement Hayden pousser un grognement guttural qui me fit frissonner puis, comme ses lèvres, ses mains se mirent en mouvement sur mon corps, effleurant mes côtes pour longer ma taille et mes hanches avant de finalement aller se poser sur l’une de mes cuisses qu’il me fit relever, faisant s’accentuer le contact de son aine contre mon bas ventre. A ce rapprochement, mon souffle se coupa et je me cambrais contre lui, cherchant à intensifier le contact de son corps contre le mien. Visiblement satisfait, Hayden abandonna momentanément mon cou pour s’emparer de nouveau de mes lèvres tandis qu’il esquissait un mouvement du bassin, faisant se frotter son intimité contre la mienne. Cette fois-ci, je ne pus retenir un gémissement de pur plaisir et profitant de cette réaction, Hayden glissa sa langue entre mes lèvres pour un baiser passionné comme jamais nous n’avions échangé.

Je n’aurai su décrire avec exactitude ce que je ressentais en cet instant. Tout mon corps n’était qu’amalgame de sensations toutes plus inconnues les unes que les autres, envahit d’un plaisir que je n’avais encore jamais ressenti et je n’avais jamais cru pouvoir ressentir un jour. Les mains d’Hayden dansaient sur mon corps, l’investissant avec délicatesse et savoir faire.

Mettant fin à notre échange, Hayden se redressa légèrement et ancrant son regard au mien, il m’offrit un sourire comme jamais encore je ne l’avais vu esquisser. Souriait-il ainsi à tous ses amants ? Où bien était-ce rien que pour moi ? Etait-il aussi doux et attentionné avec chacun d’entre eux ? Sentant un début de malaise me compresser le coeur, je m’empressais de songer à autre chose, me concentrant sur le regard d’Hayden et les papillons qu’il faisait naître dans mon ventre.

Sa main vint délicatement se poser sur ma joue qui, en cet instant, devait être plus rouge que jamais. Cependant, il ne sembla pas s’en soucier et tendrement, il me caressa la joue avant de déposer une multitude de baisers aériens sur mon visage. Je ne pus m’empêcher de sourire, amusé et touché par la douceur et la patience dont il faisait preuve à mon égard. Puis, ancrant son regard au mien, ses lèvres à quelques centimètres des miennes, son souffle chaud venant balayer mon visage, il demanda d’une voix sensuellement rauque :

- Tu as peur ?

- Oui…

- Tu veux que j’arrête ? Demanda-t-il, une pointe d’inquiétude dans la voix.

- Non… Soufflais-je, m’abandonnant entièrement à lui.

Je n’avais pas la moindre idée de ce que j’étais en train de faire, ni où tout cela allait nous emmener. Tout ce que je savais, c’était que je ne voulais surtout pas qu’il s’arrête, jamais… Je voulais qu’il me fasse découvrir ce que j’ignorais encore, je voulais qu’il embrase mon corps et mon coeur… Ce soir, je voulais qu’il me fasse l’amour…

A ma réponse, je vis un immense sourire venir étirer les lèvres d’Hayden alors qui poussait un profond soupir de ce qui semblait être de soulagement. Avait-il craint que je me refuse à lui ? Me désirait-il à ce point ? Comme s’il avait entendu mon interrogation muette, Hayden changea de position, et se redressant de sur moi, il s’agenouilla entre mes cuisses. A la vue de la position qui était la notre, de mes jambes éhonteusement écartées et lui placé entre, je m’empourprais violemment, terriblement gêné. Cela fit sourire Hayden qui, se penchant vers moi, me vola un tendre baiser, comme s’il cherchait à me rassurer. Puis, fébrilement, il entreprit de déboutonner mon haut de pyjama. Prenant entièrement conscience de ce que cela signifiait, je sentis le rouge me monter au joues, me demandant s’il était possible de mourir de honte.

Alors qu’Hayden ouvrait ma chemise, exposant ainsi mon torse nu à son regard impudique, je me sentis incroyablement mal à l’aise. La vue de ce corps trop maigre le répugnait-elle comme elle me répugnait chaque fois que je me voyais dans une glace ? Allait-il se rire de moi ? Contre toute attente, je vis les yeux d’Hayden s’illuminer d’une lueur que je n’avais encore jamais vue auparavant et à, à ma plus grande gêne et malgré mon pyjama et son boxer qui nous séparait encore, je sentis son intimité se gonfler et durcir davantage alors qu’il esquissait un lent et délicat déhanchement qui m’arracha une plainte de plaisir.

Rassuré par son attitude, je retirais complètement mon haut de pyjama, offrant ainsi à Hayden une vision complète de mon torse dénudé. A cette vision, je le vis frissonner violemment et, fébrilement, comme s’il n’osait pas croire ce qu’il avait sous les yeux, hésitant à me toucher, il posa ses deux mains sur mon ventre plat.

C’est presque révérencieusement que ses mains se mirent à parcourir mon corps, alors qu’il redessinait du bout des doigts les courbes de mon corps, apprenant chaque mont et vallée. Et lorsque ses lèvres se posèrent quelques centimètres au dessus de mon nombril, ses mains échouées sur mes hanches, je ne pus retenir un gémissement de plaisir, alors qu’échappant à mon contrôle, mon corps se cambrait violemment. Visiblement satisfait de ma réaction, Hayden réitéra son geste encore et encore, faisant s’embraser mes reins alors qu’un incendie se déclenchait dans mon bas ventre. Inconsciemment, je posais une main sur l’épaule d’Hayden alors que l’autre allait se perdre dans ses cheveux.

Bien trop tôt à mon goût, Hayden releva la tête et remonta s’emparer de mes lèvres pour un baiser passionné, sa langue entraînant la mienne pour un baiser des plus passionné. Puis, à bout de souffle, il rompit notre échange et enfouis de nouveau son visage dans mon cou et ne souhaitant pas le voir s’éloigner de moi, je refermais mes bras autour de lui, caressant délicatement sa nuque du bout des doigts. A ce contact, je sentis Hayden frissonner violemment alors qu’un gémissement de plaisir venait mourir sur ma peau qu’il embrassait avidement.

Délicatement, il mordilla la peau sensible de mon cou, réitérant le même manège que précédemment mais de l’autre côté. Remontant sur mon menton, il embrassa alors la ligne de ma mâchoire avant de mordiller délicatement le lobe de mon oreille, m’arrachant un nouveau gémissement de plaisir alors que mes ongles se plantaient inconsciemment dans son épaule. Puis, après avoir délicieusement torturé mon oreille, il redescendit dans mon cou mais ne s’y attarda pas, descendant davantage au sud. Il marqua une pause au niveau de ma clavicule, laissant sa langue caresser ma peau qui s’avérait être très sensible à cet endroit. Puis, reprenant sa navigation, embrassant chaque parcelle de peau offerte, il stoppa son exploration de mon corps lorsqu’il arriva au niveau de mes tétons. Sous l’effet du plaisir que je ressentais, ils s’étaient durcis et lorsqu’Hayden en effleura un du bout de la langue, j’émis un long gémissement plaintif, électrisé par le plaisir qui s’empara de moi.

Durant un temps qui me parut interminable, il fit durer cette douce torture, titillant mes boutons de chair l’un après l’autre, en léchant un tandis que ses doigts jouaient avec l’autre et inversement, me plongeant dans un monde de plaisir pur.

Lassé, Hayden entrepris de passer à autre chose. Toujours avec cette tendresse qui le qualifiait, il reprit son exploration, laissant ses lèvres et sa langue découvrir le reste de mon corps, descendant jusqu’à mon ventre, jouant avec mon nombril, passant et repassant sur mes abdominaux, comme s’il cherchait à imprimer leur courbe dans sa mémoire.

Subitement, il se redressa, me surplombant de toute sa hauteur, posant sur moi un regard brûlant de désir. Puis, se penchant vers moi, il s’empara de mes lèvres pour un baiser ardent mais possédant toujours cette douceur et cette tendresse qui le caractérisait si bien. A bout de souffle, haletant, ce fut moi qui mit fin à notre échange. Ancrant mon regard à celui d’Hayden, dans un geste qui me surpris moi-même, je posais une main sur sa joue, et lui adressais un tendre sourire avant de m’emparer de ses lèvres pour un tendre baiser. Je pus sentir tout le corps d’Hayden se tendre à ce contact, alors que pour la première fois, j’étais à l’initiative d’un de nos baisers. Rougissant face à mon audace, je libérais ses lèvres et détournais les yeux, terriblement gêné. Aussitôt, Hayden s’empressa de bloquer mon geste d’une main sur ma joue, me forçant à le regarder. Son sourire avait disparut, laissant place à une expression bien trop sérieuse que je ne lui connaissais pas. Son regard s’était fait plus tendre tandis que je pouvais entendre son coeur tambouriner dans sa poitrine… A moins que ce ne soit le mien…

Délicatement, avec une tendresse telle qu’elle m’amena les larmes aux yeux, il effleura mes lèvres du bout des doigts. D’une voix chargée d’émotions, il demanda dans un souffle :

- Tu es certain que c’est ce que tu souhaites ?

Pour toute réponse, je me levais de façon à ce que mon visage ne soit plus qu’à quelques centimètres du sien et, murmurais tout contre ses lèvres :

- Je suis sûr… Hayden… Le suppliais-je avant de m’emparer une seconde fois de ses lèvres.

Semblant reprendre ses esprits, Hayden reprit délicatement le contrôle de notre échange et de nouveau, ses mains partirent à l’aventure sur mon corps. Lorsqu’il mit fin à notre échange, il me vola un furtif baiser juste après, avant se redresser.

Se penchant à nouveau au dessus de moi, il déposa ses lèvres sur mon ventre, m’arrachant un frisson de bien-être. Puis, ancrant son regard au mien, comme pour s’assurer de mon approbation, il posa ses mains sur mes hanches, à l’endroit ou était posé mon pantalon et lentement, comme pour ne pas m’effrayer, il entreprit de me le retirer. Prenant entièrement conscience de ce qui était entrain de se passer, je me fis violence pour ne pas détourner mon regard de celui d’Hayden, tentant de maîtriser la honte qui s’emparait de moi. A la fois bien trop lentement et bien trop vite, je me retrouvais libre de tout vêtement, mon corps nu et entièrement exposé au regard inquisiteur d’Hayden qui m’observait avec un désir non feint.

Honteux de l’image que je lui renvoyais, je me mis à trembler. Je tremblais parce que c’était la première fois que quelqu’un me voyait nu. Je tremblais parce qu’Hayden avait vu des personnes bien plus belles et attirantes que moi. Je tremblais parce que je le désirais tellement que cela me faisait presque mal… Atrocement embarrassé, j’esquissais un geste pour me soustraire à son regard. Cependant, semblant avoir compris mon intention, Hayden me retint par les hanches, et ses mains sur ma peau me brûlèrent, envoyant une décharge de plaisir dans tout mon être.

- N’ai pas honte, Gwen, murmura-t-il d’une voix rauque. Tu es magnifique…

Troublé mais touché par ses mots, je lui adressais un petit sourire gêné auquel il répondit en m’embrassant tendrement tout en esquissant un lent déhanchement. A ce contact, je ne pus réprimer un gémissement de plaisir et satisfait de ma réaction, Hayden réitéra son geste. Je pouvais sentir son sexe dur et gonflé à travers la toile de son boxer et cette constatation me fit rougir de gêne. Alors qu’il se frottait impudiquement contre mon intimité, me faisant haleter de plaisir, Hayden laissa sa langue parcourir de nouveau mon corps, attisant au maximum le plaisir qui était déjà mien.

Bien trop tôt et à la fois bien trop lentement, ses lèvres arrivèrent au niveau de mon bas ventre après avoir redessiné chaque courbe de mon torse et de mon ventre. Alors que mon coeur s’emballait à le sentir si proche du point culminant de mon plaisir, ne souhaitant plus qu’une chose, il laissa sa langue caresser l’intérieur de mes cuisses, évitant délibérément de toucher mon intimité. Pour un peu, j’en aurais pleuré de frustration. Un gémissement étouffé s’échappa de mes lèvres entrouvertes tandis qu’il prenait plaisir à me faire languir, visiblement satisfait de me voir me tortiller sous lui.

Lorsque la frustration fut trop forte et le désir de le sentir contre moi trop intense je ne pus retenir un sanglot de frustration qui se mua en un cri de surprise et de plaisir mêlé lorsque subitement, je sentis sa langue chaude et humide lécher mon intimité douloureuse sur toute sa longueur. Hayden réitéra son geste plusieurs fois, m’arrachant à chaque fois un gémissement de plaisir. Puis, sans prévenir, il prit mon intimité entre ses lèvres. La douceur de la caresse et de ses lèvres et de sa langue chaude et humide sur mon intimité douloureuse m’arracha mon premier vrai cri de pur plaisir. Un violent spasme de plaisir vint parcourir mon corps alors que je perdais momentanément tout contrôle sur lui. Délicatement, Hayden commença alors un lent mouvement de va et vient, prenant mon intimité toujours plus profondément entre ses lèvres. Galvanisé par l’incendie qui embrasait mes reins, je glissais mes doigts dans les cheveux d’Hayden, trouvant la une prise pour me retenir à la réalité, alors que je me sentais partir, emporté par les limbes du plaisir.

Les mains ancrées sur mes hanches, Hayden me gardait plaqué contre le matelas, m’interdisant le moindre mouvement. Un gémissement de mécontentement s’échappa de mes lèvres entrouvertes alors qu’Hayden gardait toujours ce même rythme affreusement lent, manquant de me faire mourir de frustration. Bientôt, mes gémissements se muèrent en sanglots. Accédant alors à ma requête muette, Hayden accéléra subitement les mouvement de va et vient, sa langue experte s’enroulant sensuellement autour de mon intimité. C’était bon… Tellement bon… J’avais l’impression que mon être tout entier était sur le point de se consumer sous le brasier qui embrasait mes reins.

Aveuglé par le plaisir que m’offrait Hayden, je ne le vit pas glisser une main dans son boxer. A vrai dire, je n’avais plus conscience de rien. Mon monde se résumant à Hayden et au plaisir violent qu’il me procurait. Brusquement, Hayden accéléra davantage la cadence de ses va et vient, m’arrachant un sanglot de pur plaisir et sentant la jouissance s’emparer de moi, dans un éclair de lucidité, je m’exclamais :

- Non… Arrête… Arrête… Suppliais-je.

Cependant, sourd à mes implorations, Hayden accentua davantage ses va et vient et, incapable de me retenir plus longtemps, je finis par me libérer entre ses lèvres. L’orgasme me faucha de plein fouet et dans un cri de pur plaisir, les mains crispées dans les cheveux je me cambrais violemment, avant de me laisser lourdement retomber sur le matelas. Les joues rouges, le corps luisant de sueur et la respiration erratique, cherchant à retrouver un rythme cardiaque normal, je fermais les yeux alors que les dernières vagues de plaisir parcouraient encore mon corps.

Bientôt, je sentis le corps d’Hayden s’allonger sur le mien et ouvrant les yeux, je tombais nez à nez avec ses yeux qui me souriaient tendrement. Rougissant, je répondis timidement à son sourire. Sa main vint alors me caresser les cheveux dans un geste d’une douceur extrême, décollant les cheveux collés à mon front par la sueur et dans un murmure, il demanda :

- Ca va ?

Incapable de parler, je me contentais d’hocher positivement la tête, alors que mes joues prenaient une belle teinte carmine qui fit sourire Hayden. Lentement, il mit bas à la distance qui séparait nos lèvres et s’empara des miennes pour un baiser des plus tendres qui gagna bien vite en intensité. Galvanisé, Hayden esquissa un lent déhanchement qui m’arracha un feulement de plaisir lorsque son intimité encore dure et palpitante de vie se frotta contre la mienne qui, à ma plus grande honte commença à s’éveiller de nouveau.

Mettant fin au baiser, Hayden ancra de nouveau son regard au mien, tout sourire ayant cependant disparut, laissant place à une expression sérieuse qui me fit frissonner malgré moi.

- Si tu souhaites arrêter, c’est le moment de le dire, Gwen, déclara-t-il d’une voix rauque de désir. Car si nous poursuivons, je serais incapable de me contrôler… C’est pourquoi tu dois être sûr…

Etais-je prêt à aller plus loin ? Je n’en avais aucune idée, mais la seule pensée qu’Hayden puisse s’éloigner de moi me compressait douloureusement le coeur. Touché par la considération dont il faisait preuve à mon égard, je posais une main sur sa joue, laissant mon pouce redessiner les courbes de ses lèvres avant de m’en emparer timidement. J’étais dans l’impossibilité de prononcer le moindre mot, mes cordes vocales refusant obstinément de fonctionner, mais j’espérais de tout mon être qu’il comprendrait le message que j’essayais de lui faire passer, incapable de m’exprimer autrement.

Et au vue du sourire éblouissant qu’il m’adressa lorsque nous mîmes fin à notre échange, je su qu’il avait compris. Comme pour me remercier, il s’empara de nouveau de mes lèvres et m’offrit un baiser empli de tendresse et de douceur, sans jamais chercher à l’approfondir.

Puis, libérant mes lèvres, il mordilla délicatement la zone sensible qu’il avait découvert dans mon cou, m’arrachant un frisson de plaisir avant de poursuivre sa descente plus au sud. Là, il déposa un tendre baiser sur le bout de mon intimité à nouveau éveillée, et un sourire amusé vint étirer ses lèvres lorsqu’un petit cri de plaisir et de surprise mêlé s’échappa de mes lèvres entrouvertes. Cependant, Hayden ne s’arrêta pas là et poursuivit sa course un peu plus au sud. Et lorsque son doigt vint effleurer la partie la plus intime de mon anatomie, je tressailli violemment sous le plaisir inattendu que me procura cette simple caresse.

Visiblement satisfait de ma réaction Hayden laissa ses doigts jouer un moment avec l’entrée de mon intimité, m’arrachant de petits gémissements de plaisir. Puis, contre toute attente, il me fit me retourner. A la position qui était la mienne en cet instant, les jambes écartées et les fesses tendues vers Hayden, je crus que j’allais mourir de honte à être ainsi exposé au regard d’Hayden. Cependant, il ne fit aucun commentaire et lorsqu’il déposa un tendre baiser sur le galbe de ma fesse droite, je ne pus m’empêcher de frissonner, alors que mon coeur loupait un battement dans ma poitrine sous la douceur de cette attention.

Puis, à ma plus grande surprise, il réitéra son geste, déposant une multitude de baisers papillon sur mes fesses, alternant entre caresses et baisers. Bientôt, rassuré par la douceur et la tendresse qui était la sienne, je finis par me détendre. Cela sembla être la réaction qu’Hayden attendait de moi car, l’instant suivant, sa langue vint effleurer l’entrée de mon intimité. A ce contact, je me cambrais violemment, un gémissement de plaisir s’échappant de mes lèvres entrouvertes. Oubliant momentanément la honte qui était la mienne à être ainsi exposé au regard d’Hayden, je me concentrais sur le plaisir qu’il s’affairait à me faire ressentir.

Bientôt, je ne fus plus que gémissements plaintifs et cris de plaisir, alors qu’Hayden s’activait à me préparer. Sa langue jouant avec mon intimité me procurait un plaisir que je n’avais jamais cru possible. Puis, après un moment qui me parût bien trop court, il laissa un doigt venir rejoindre sa langue. A ce contact, je me tendis imperceptiblement et de nouveau, Hayden prit son temps pour me rassurer, laissant son doigt jouer avec mon entrée, comme sa langue un peu avant.

Durant de longues minutes, il continua de me caresser, se laissant guider par mes gémissements. Puis, à nouveau, il réitéra son geste, et l’instant d’après, je pus sentir sa langue forcer doucement l’entrée de mon intimité. Et malgré ma surprise, je me cambrais vivement sous le violent plaisir que je ressentis à ce contact. Satisfait de ma réaction, Hayden poursuivit par des caresses plus poussées et lorsque je fus entièrement détendu, il reprit son idée première et au lieu de sa langue, ce fut un doigt délicat qui s’insinua en moi.

A ma plus grande surprise, je ne ressentis pas la moindre douleur et je dois l’avouer, cela m’aida grandement à me détendre.

Dans ma poitrine, mon coeur tambourinait si violemment, que j’eus l’impression qu’il allait exploser. Profitant du fait que j’étais parfaitement détendu, Hayden insinua un second doigt en moi et si le premier n’avait pas été douloureux, celui-ci m’arracha un gémissement de douleur. Inconsciemment, comme pour me protéger de cette intrusion, me corps se tendit. S’en rendant compte, Hayden cessa aussitôt tout mouvement, me laissant le temps de m’habituer à la présence de ses doigts en moi. Lorsque je me détendis enfin, il entama un lent mouvement de va et vient qui m’arracha un gémissement de surprise. Puis, lorsque la douleur eut complètement disparue, il esquissa un mouvement de ciseaux, continuant délicatement ma préparation.

Je ne saurais dire pendant combien de temps il continua ainsi de me préparer, attendant que je sois parfaitement détendu pour passer à la suite. Bientôt, la douleur et la gêne ayant fait place à un plaisir inouï, je me surpris à esquisser de moi-même un déhanchement, m’empalant de mon plein gré sur les doigts d’Hayden qui émit un son rauque et guttural qui me fit frémir.

L’instant suivant, il inséra un troisième et dernier doigt en moi et cette fois-ci, des larmes de douleur s’échappèrent de mes yeux et je ne pus retenir un gémissement de douleur. Instantanément, Hayden cessa tout mouvement, me laissant le temps de m’habituer à l’intrusion. Au bout d’un temps, la douleur commença à refluer et je finis par me détendre. Cependant, prenant sur lui, Hayden resta complètement immobile, se contentant de déposer mille baisers sur mes épaules et ma nuque. Au comble de la frustration, je lâchais un gémissement impatient. Je sentis aussitôt Hayden se tendre tout contre moi et l’instant d’après, ses doigts se mouvaient en moi avec savoir faire. Tout mon corps n’était plus que plaisir sous les attentions d’Hayden et mes reins se consumaient en un brasier ardent.

Subitement, Hayden retira ses doigts de mon intimité, m’arrachant un gémissement de frustration. L’instant suivant, je sentis quelque chose de beaucoup plus imposant se présenter à l’entrée de mon intimité et malgré moi, je sentis la panique commencer à s’insinuer en moi part tous les pores de ma peau. Je ne voulais pas… Mon corps se tendit brusquement et inconsciemment, je cherchais à me soustraire de la poigne d’Hayden que je devinais agenouillé derrière moi. Mes jambes flageolantes ne supportèrent plus le poids de mon corps et brusquement, je m’effondrais sur le matelas. Me tortillant, je tentais de me retourner, ne voulant pas que cela se passe de cette manière.

Sans que je ne m’en rende compte, des larmes se mirent à cascader le long de mes joues et je ne pus réprimer un sanglot.

- Non… Gémis-je, sous l’effet de la peur panique qui s’était emparée de moi.

Hayden qui s’était immobilisé sous l’effet de la surprise m’aida alors à me retourner et lorsque son regard se posa sur mon visage ravagé par les larmes, je pus voir une étincelle de douleur traverser son regard. Délicatement, avec des gestes d’une tendresse qui m’apaisa partiellement, il prit mon visage entre ses mains et ancrant son regard au mien, il déclara d’une voix peinée :

- Calme-toi angel… Je m’arrête, regarde… Allez, c’est fini… je t’en prie, calme-toi, murmura-t-il.

- Hayden… Gémis-je lamentablement entre deux sanglots.

- Oui, Gwen ? Murmura-t-il.

- Pardon… Pardon…

- Il n’y a rien à pardonner, Gwen, me rassura-t-il. C’est normal d’avoir peur lors d’une première fois…

Je gardais le silence l’espace d’un instant puis, prenant mon courage à deux mains, je déclarais d’une toute petite voix :

- Je… Je veux continuer…

- Non, Gwen… Ce n’est pas prudent…

- C’est… C’est parce que tu étais derrière… Avouais-je alors, terriblement honteux.

A ces mots, je pus sentir Hayden se détendre complètement alors qu’un soupir de soulagement s’échappait de ses lèvres. Me caressant doucement la joue, il murmura :

- Je m’excuse, Gwen… J’aurai du me douter que ce n’était pas la position rêvée pour une première fois… Je crois que je me suis un peu trop laissé emporter par la tentation que tu représentes…

Touché par la considération dont il faisait preuve à mon égard, je pris appuis sur mes bras et, me soulevant jusqu’à son visage, je m’emparais de ses lèvres pour un tendre baiser dans lequel je fis passer tout l’amour que j’éprouvais pour lui, le remerciant de sa gentillesse et de sa douceur. Le coeur battant, toute peur m’ayant définitivement quittée, je déclarais d’une voix tremblante :

- Je… Je veux que nous reprenions où… Où on en était…

- Tu es certain ? Demanda gravement Hayden. Je ne veux pas que tu te forces, Gwen… Sous aucun prétexte…

- Je suis certain, approuvais-je confiant. S’il te plaît…

Je vis Hayden hésiter un instant, puis la tentation se faisant trop forte, il finit par y céder. Avec douceur, il s’empara de mes lèvres pour un baiser des plus tendres qui, bien vite, gagna en intensité. Puis, s’activant à faire renaître le plaisir dans le creux de mes reins, il laissa ses mains se balader partout sur mon corps avant de s’arrêter sur mon intimité, qui, lentement se réveillait de nouveau. Durant un long moment, il entreprit d’attiser à son paroxysme le désir qui me vrillait les reins, de ses doigts habiles autour de mon intimité à présent tout à fait réveillée.

Ses yeux ne quittaient pas mon corps, m’observant avec une convoitise telle qu’il finit par me mettre mal à l’aise.

- Tu es si beau, angel… Magnifique… Gwen, je… Oh Seigneur, je te veux tellement… Gémit-il en enfouissant son visage dans mon cou.

Emu par la sincérité que je pouvais percevoir dans sa voix, je m’abandonnais entièrement à lui. Répondant à son exclamation, j’écartais les jambes et les refermais autour de la taille d’Hayden, lui interdisant ainsi toute tentative de fuite. Surpris, Hayden se releva et dans le regard qu’il m’adressa, je pus voir toute son inquiétude et ses interrogations muettes. Pour toute réponse, je me contentais de lui adresser un sourire serein et confiant. Je n’avais plus peur… J’étais prêt et je voulais le sentir en moi…

Comprenant mon injonction muette, Hayden s’empara vivement de mes lèvres pour un baiser passionné auquel je répondis avec entrain. Puis, abandonnant mes lèvres, Hayden posa ses mains sur mes cuisses et me fit relever une jambe afin que nos entrejambes se frottent l’une contre l’autre. A ce contact, je ne pus retenir un gémissement de plaisir. Puis, au comble de l’impatience, Hayden se redressa légèrement et me sourit avant de prendre son érection en main. A la vision de son sexe dur et gonflé, je ne pus m’empêcher d’être effrayé par sa taille. Semblant s’en rendre compte, Hayden esquissa un petit sourire rassurant :

- Je serais doux, ne t’inquiète pas, angel… Et puis, à toi de me dire si ça ne va pas, d’accord ?

- D’accord, soufflais-je, confiant.

Prenant son sexe entre ses doigts, Hayden se présenta à mon entrée, m’arrachant un violent frisson d’anticipation. Puis, avec une délicatesse infinie, il s’insinua lentement en moi, écartant mes chairs pour se fondre en moi. Et malgré toute ma bonne volonté, je ne pus retenir un gémissement de douleur alors qu’il me pénétrait lentement. Aussitôt, Hayden s’immobilisa faisant preuve d’un self-control étonnant. La respiration saccadée d’Hayden m’indiquait qu’il devait prendre sur lui pour ne pas tout simplement forcer l’entrée et me pénétrer entièrement.

Lentement, la douleur commença à refluer et d’un léger déhanchement, j’indiquais à Hayden qu’il pouvait reprendre. Plongeant son regard dans le mien, il demanda, visiblement inquiet :

- Ca va ? Je ne te fais pas mal ?

Pour toute réponse, j’hochais négativement la tête, incapable de prononcer le moindre son. Rassuré, Hayden patienta encore quelque seconde avant de reprendre doucement, me pénétrant avec une lenteur presque exagérée qui m’arracha un gémissement de frustration. A travers le voile de plaisir qui m’obscurcissait la vue, le pus voir Hayden esquisser un petit sourire avant de me pénétrer plus franchement, s’enfonçant entièrement en moi. Sous l’afflux de plaisir qui traversa mon corps lorsqu’il fut entièrement en moi, je me cambrais violemment alors qu’un petit cri de plaisir s’échappait de mes lèvres entrouvertes.

- Gwen… Gémit Hayden en s’allongeant tout contre moi. Oh Gwen… Tu es merveilleux, angel… Murmura-t-il en esquissant un premier coup de rein.

Sous la surprise et le plaisir qui déferla sur moi à ce simple mouvement, je m’agrippais de toutes mes forces à ses épaules. Ses mains posées sous mes cuisses, Hayden entama alors un lent mouvement de va et vient, me pénétrant avec précaution, comme s’il craignait de me faire mal.

Puis, ses lèvres vinrent chercher les miennes et sa langue entraîna la mienne dans un ballet érotique terriblement excitant. Très vite, les coups de rein d’Hayden se firent plus ciblés et lorsqu’il atteignit un point anatomique sensible, je ne pu retenir un cri de plaisir. Face à la douceur et la tendresse dont Hayden faisait preuve, je finis par m’abandonne totalement entre ses bras, plaçant en toute confiance mon corps et mon coeur entre ses mains. Je voulais lui dire… Je voulais tant lui dire à quel point je l’aimais… Mais lorsque j’ouvris la bouche, le seul mot qui s’échappa d’entre mes lèvres fut son prénom… Pourquoi n’arrivais-je donc pas à lui dire ces quelques mots ? Qu’est-ce qui me retenait ? Je me sentais pourtant tellement bien entre ses bras… Jamais je ne m’étais autant sentis en sécurité que lorsqu’il était près de moi… Et là, alors qu’il investissait mon corps, me faisant sien, je n’arrivais tout simplement pas à lui exprimer mes sentiments… Il était tellement doux, faisant preuve d’une tendresse telle que j’en avais presque envie de pleurer…

Lorsque dans un mouvement de bassin plus profond que les précédents, Hayden toucha quelque chose en moi, je crus perdre pieds. Mon corps se cambra violemment à la recherche de celui d’Hayden qui, visiblement satisfait, réitéra son geste encore et encore, inlassablement, jusqu’à ce que mes gémissements se muent en cris de plaisir. Enivré par l’afflux de plaisir qui déferlait sur moi, je n’avais plus conscience de rien, totalement abandonné en toute confiance entre les bras de l’homme que j’aimais. Mon corps se soulevait en rythme avec celui d’Hayden, se cambrant toujours plus afin d’aller à sa rencontre.

Noyé dans le plaisir que je ressentais, c’est à peine si je pris conscience des bras d’Hayden qui passèrent dans mon dos pour me ramener tout contre lui. Assis sur ses cuisses, je passais mes bras autour de son cou, souhaitant le sentir toujours plus près de moi. Ses mains posées sur mes hanches, Hayden m’aidait à garder le rythme, me pénétrant avec toujours plus de fougue. Ivre de plaisir, je n’avais plus conscience des sons qui étaient les miens.

Brusquement, posant mes mains sur le torse puissant d’Hayden, je le repoussais, le forçant à s’allonger. Les yeux brumeux, je discernais tant bien que mal un sourire amusé venir étirer les lèvres d’Hayden. L’instant d’après, oubliant toute pudeur, mes mains posées sur son ventre contracté afin de garder un semblant d’équilibre, je me mis à le chevaucher, me déhanchant lascivement au dessus de lui.

- Oui… Gwen…Gémit Hayden, visiblement en proie à un plaisir aussi intense que le mien.

Ivre de plaisir, m’empalant toujours plus profondément sur le sexe d’Hayden, qui, les mains sur mes fesses m’aidait à garder un rythme soutenu et cadencé, je ne pus réprimer le sanglot qui s’échappa alors de mes lèvres. C’était tout simplement trop bon… Trop intense… Jamais je n’avais éprouvé de telles sensations et savoir qu’Hayden était à l’origine d’un tel plaisir manqua de me faire jouir. Seigneur, je l’aimais tellement…

Bientôt, toutes mes forces m’abandonnèrent et mes bras ne me soutinrent plus. Vacillant, je m’écroulais lamentablement sur le torse d’Hayden, haletant d’un plaisir bien trop intense. Une main dans mon dos et l’autre sur ma hanche, Hayden échangea de nouveau nos positions et me fit rouler sous lui. Alors qu’il me surplombait de toute sa hauteur, il se pencha vers moi et s’empara de mes lèvres pour un baiser impétueux.

Tous les sens en ébullition, je répondis avec fièvre à son baiser avant de le rompre lorsqu’un cri de pur plaisir s’échappa de mes lèvres. C’était trop… J’allais mourir…

- Oh angel, gémit Hayden en mordant un peu trop violemment la peau de mon cou, me faisant tressaillir. Gwen… Je vais…

- Hayden… Hayden, sanglotais-je, répétant son prénom en une litanie incessante.

L’orgasme déferla sur moi avec la violence d’un tsunami, soumettant mon corps à de violents spasmes de plaisirs. Dans un cri de jouissance, je me libérais entre nos deux corps étroitement enlacés, criant le prénom d’Hayden tandis qu’il se libérait en moi dans un cri qui fit écho au mien. En sentant la semence brûlante d’Hayden se répandre en moi, je ne pus retenir un gémissement de bien-être tandis qu’Hayden s’écroulait sur moi.

Le corps luisant de sueur et tremblant sous l’effet des dernières vagues de jouissance, la respiration erratique, je refermais mes bras autour du cou d’Hayden alors que je tentais tant bien que mal de retrouver un rythme cardiaque régulier.

Je sentis Hayden m’embrasser délicatement dans le cou, à l’endroit où il m’avait mordu un peu plus tôt, comme s’il tentait de se faire pardonner sa sauvagerie. Puis, ses lèvres vinrent se poser sur les miennes pour un baiser d’une incroyable tendresse. Emu comme jamais face à la douceur qu’il déployait à mon égard, je lui rendis son baiser, tentant de lui transmettre tout l’amour que j’éprouvais pour lui. Bien trop tôt à mon goût, Hayden se retira de moi, me laissant une cuisante impression d’abandon. Puis, s’allongeant à mes côtés, me faisant face, il me caressa tendrement la joue, me faisant soupirer de bien-être :

- Comment tu te sens ? Demanda-t-il doucement.

- Je me sens bizarre, avouais-je, le rouge me montant aux joues sous le sourire qu’il m’adressa. Bizarre, mais merveilleusement bien…

Un sourire amusé venant étirer ses lèvres, Hayden demanda alors :

- Alors ? Toujours convaincu que c’est mieux de coucher avec une personne qu’on aime ?

A ces mots, je sentis mon coeur se briser. Mon sourire s’effaça subitement, me laissant un arrière goût amer au fond de la gorge. La gorge nouée, je déclarais dans un murmure étranglé :

- Oui…

Je vis Hayden perdre ses couleurs et se redresser sur son coude pour me surplomber :

- Merde… Gwen, je…

Sans lui laisser le temps de finir sa phrase, je me relevais et sans un regard pour lui, je quittais le lit et allais m’enfermer dans la salle de bain, ignorant les appels désespérés d’Hayden. Là, je tombais nez à nez avec mon reflet qui, comme s’il cherchait à me narguer et à se moquer de moi alors qu’il me renvoyait l’image de mon corps portant encore les marques qu’Hayden avait laissées sur ma peau. Etouffant un gémissement de douleur, je me laissais tomber à genoux, ignorant la douleur que provoqua le dur contact entre le carrelage et mes os. Là, sans que je ne puisse les retenir, des torrents de larmes s’échappèrent de mes yeux.

Comment ais-je pu être aussi naïf ? Comment ais-je pus croire qu’il m’aimait ? Jamais trahison n’avait été aussi cruelle… J’avais commis l’erreur de confondre l’amour et le désir et à présent, j’en subissais les rudes conséquences… Je pensais que parce qu’il me désirait, il m’aimait forcément… Je m’étais lourdement trompé et le retour à la réalité n’en était que plus brutal… Comment ais-je pus être aussi stupide ? Comment ais-je pu me laisser embobiner par ses sourires et ses gestes si tendres ? J’aurais du me douter que pour lui, je n’étais rien de plus qu’une aventure d’un soir, comme tous ses hommes qui avaient du défiler dans son lit au cours de sa vie… Et pourtant, il paraissait si sincère…  Je me sentais tellement mal… Il venait de bafouer l’amour que j’éprouvais pour lui… Je me sentais tellement honteux… Il m’avait sali…

Je fus soudainement prit d’une violente envie de vomir en sentant la semence d’Hayden couler le long de mes cuisses. Lamentablement, je me traînais jusqu’à la cuvette des toilettes et sans pouvoir me contrôler, je rendis le contenu de mon estomac et bien plus encore… Mon estomac calmé, je fis disparaître les traces de mon malaise et me relevant, je me rinçais la bouche avant de m’écrouler de nouveau sur le sol. Je me sentais tellement minable…

Adossé au mur, je ramenais mes jambes contre moi, et enfouissant mon visage entre mes bras, je laissais libre court à mes sanglots, pleurant toutes les larmes de mon corps. Noyé dans mes sanglots, je n’entendis pas Hayden me rejoindre et ne pris conscience de sa présence que lorsque sa main se posa sur mon bras. Vivement, je retirais mon bras et m’éloignais légèrement de lui, refusant à le savoir si près de moi :

- Ne me touche pas ! Crachais-je avec tout le mépris que je ressentais pour lui en cet instant.

- Gwen… S’il te plaît, commença-t-il. Tu sais, je… Je ne crois pas que tu éprouves vraiment de l’amour pour moi… Tu as juste été attiré par la nouveauté.. Tu ne connaissais pas, tu voulais découvrir… C’est tout à fait normal…

Avant qu’il n’ait pu terminer sa phrase, ma main s’abattit sur sa joue avec une force que je ne me serais jamais cru capable de posséder.

- Qui es-tu pour me dire que ce que je ressens n’est pas réel ? M’exclamais-je avec fureur. Toi qui n’as jamais aimé personne de ta vie !

- Ecoute, Gwen…

- Laisse moi ! Soufflais-je, subitement las.

- Gwen… S’il te plaît… Insista-t-il.

- Tu es sourd ? M’exclamais-je alors. Laisse-moi je te dis ! Dégage ! Je ne veux plus te voir… Achevais-je dans un sanglot avant de me détourner de lui, mettant ainsi un terme à la discussion.

Hayden ne répondit rien et l’instant d’après, j’entendis la porte se refermer derrière lui. Je ne saurais dire combien de temps je restais ainsi recroquevillé sur le carrelage froid de la salle de bain à pleurer toutes les larmes de mon corps, sans parvenir à étouffer mes sanglots. Mon coeur était brisé et rien ne pourrait jamais le recoller… Hayden… Songer à lui me faisait tellement mal… Arriverais-je un jour à oublier cette douleur ? Arriverais-je à continuer de vivre près de lui en sachant qu’il ne m’aimait pas et qu’il ne m’aimera sans doute jamais ? Pourrais-je supporter l’humiliation de cette nuit au grand jour ? En mon fort intérieur, je connaissais déjà la réponse…

Lentement, ignorant les protestations de mon corps douloureux, j’entrais dans la douche et me savonnais longuement, comme pour effacer les traces d’Hayden sur moi… Et malgré toute ma bonne volonté, j’avais encore l’impression de sentir la douceur de ses caresses sur ma peau, la chaleur de son souffle contre mon visage… Alors que je sentais les larmes inonder à nouveau mes yeux, j’attrapais la serviette et entrepris de me sécher.

Lorsque je sortis de la salle de bain, le léger ronflement d’Hayden m’indiquait qu’il dormait. Evitant de le regarder pour ne pas me mettre à pleurer de nouveau, je m’habillais rapidement et rassemblait succinctement mes affaires. Je pris suffisamment d’argent pour moi et laissait le reste à Hayden. Une fois près, je pris un papier qui traînait sur lequel j’écrivis :

“Je pars, ne cherche pas à me retrouver…Adieu, Gwen.”

Après un instant d’hésitation, je rajoutais un simple “je t’aime” en post-scriptum. Je posais alors le mot sur mon oreiller et attrapant mon sac, je quittais la chambre sans un bruit. Mal à l’aise de partir comme un voleur, je pris tout de même temps de laisser un mot à l’intention de Blair et Darren, les remerciant pour leur gentillesse et leur hospitalité. Je leur souhaitait également tout le bonheur du monde et m’excusais de partir comme un voleur. Je signais de mon prénom et accompagnais la lettre d’une somme d’argent que je les invitais à utiliser pour se payer la lune de miel dont ils rêvaient.

Puis, sans un regard en arrière, je quittais la maison. Je me rendis à pieds jusqu’à la ville avant de prendre un taxi jusqu’à Glasgow. Là, j’arrivais à temps pour prendre le train en partance pour Winchester. Une fois dans le train, je laissais de nouveau libre court à mes larmes que j’avais retenues jusqu’à maintenant, alors que je songeais à tout ce que je laissais derrière moi et au bonheur qui aurait pu être le mien…

 A suivre…

25
déc

Once in a lifetime - chapitre 09

   Ecrit par : admin   in Once in a life time

Chapitre 09 par Lybertys

 

Nous quittâmes le village sans un regard en arrière, reprenant notre route, le coeur lourd. Je ne parviendrais pas à oublier Linda et je me fis la promesse de revenir sur sa tombe, lui apporter un cadeau d’anniversaire chaque année…
Nous marchâmes pendant plusieurs heures en silence et ce ne fut que lorsque le soleil fut à son zénith et que la température se fit trop chaude que je déclarais qu’il était temps de faire une pause. Nous nous installâmes au bord d’une rivière, appréciant la fraîcheur qu’elle nous accordait. C’était étrange d’avoir continuellement quelqu’un à côté de soit. Et finalement, je commençais à m’y habituer. La présence de Gwendal était loin de me déranger. Brisant finalement le silence, il me demanda doucement :

- Hayden ? Où allons-nous aller maintenant ?

- Où le vent nous mène, répondis-je en souriant. Qu’en dis-tu ?
Je n’aimais pas vraiment planifier mon chemin. J’étais toujours allé là où me portaient mes pas. Gwen opina de la tête, me rendant mon sourire. Après une seconde de silence, je poursuivis :

- Même si, je me doute que tu as déjà du visiter tous ces endroits…

- Moi ? Demanda-t-il surpris.

- Qui d’autre ? Répondis-je en riant.

- Et bien… Commença-t-il, hésitant. Pas vraiment…

- Comment ça ? Lui demandais-je plus que surpris. Tu n’as jamais voyagé ?

Avaler cette information était pour moi inconcevable. Pourtant, pour toute réponse, Gwen secoua négativement la tête avant de m’expliquer :

- Mon père n’a jamais jugé utile de voyager… Pour lui, ce n’était qu’une perte de temps et d’argent…

- Mais, qu’as-tu fait durant toutes tes vacances scolaires ? M’exclamais-je, effaré, incapable de réaliser ce qu’il me disait.

Ce n’était que maintenant que je saisissais combien ce voyage et la vie que je menais pouvait être déroutante.

- Je n’avais pas de vacance, répondit-il, esquissant un petit sourire sans joie. Je n’allais pas à l’école. Père n’a jamais voulu…

- Mais tu as bien appris à lire et à écrire… Commençais-je, perdu.

- J’avais un précepteur…

- Oh… Alors tu n’as jamais rien fait dans ta vie ? Lui demandais-je, choqué.

- Si, souffla-t-il en m’adressant un petit sourire. J’ai étudié…

- Quelle joie ! Grimaçais-je face à sa réponse.

Si j’avais été surpris jusqu’à maintenant, ce fut au tour de Gwen qui me demanda :

- Tu n’aimes pas étudier ?

- Disons que… Je n’ai jamais été un grand fan de l’enseignement public… Je suis allé à l’école, mais dès qu’il m’a été possible de ne plus y aller, je n’y suis pas retourné…

L’école avait toujours était pour moi me confronter à la normalité des autres face à ma vie que personne ne pouvait envier…

- J’aime étudier, répondit-il. C’est ma manière à moi de voyager…

Je mis un temps avant de répondre, plongé dans mes souvenirs et dans l’incapacité d’envisager une vie sans avoir mis le nez dehors, une vie normale…

- Je n’arrive pas à y croire, soufflais-je après un temps. S’il y a bien une chose pour laquelle j’appréciais ma mère, c’est qu’elle se souciait tellement peu de moi que même si je partais pendant quinze jours, c’est à peine si elle s’en rendait compte… La drogue avait toujours occupé son esprit. Si elle en avait suffisamment en réserve et était en état de se préparer sa propre dose, je n’existais plus à ses yeux.

- C’est de là que tu tiens ta liberté ? Demanda-t-il.

- Oui, répondis-je, laissant mon regard se poser sur la rivière. Elle m’a au moins offert ça…

Mais combien cela m’avait-il couté. Avait-il seulement conscience de ce que cette liberté avait provoqué dans ma vie. J’aurais aimé, qu’au moins une fois, ma mère pose ses yeux sur moi comme l’aurait fait Linda et m’offre un semblant d’existence et d’importance à ses côtés. Chassant ces pensées trop sombres pour être envahies par celle-ci, je me levais et déclarais avec enthousiasme, investi d’une nouvelle mission :

- Et bien, je te propose qu’à partir d’aujourd’hui nous fassions tout ce qu’une personne normalement constituée se doit de vivre au moins une fois dans sa vie et que tu n’as jamais eu l’occasion de découvrir !

- Hein ? S’exclama-t-il, surpris.

- A commencer par se baigner  tout nu dans une rivière ! M’exclamais-je, enchanté par cette idée d’un peu plus de fraîcheur sous cette fournaise.

Sur ces mots, sans lui laisser le temps de réaliser vraiment ce que je venais de dire, je me dévêtis et une fois entièrement nu, je plongeais dans la rivière. L’eau était glacée et vivifiante. Je me sentais vivre alors que je remontais à la surface :

- Allez viens ! M’exclamais-je. Qu’est ce que tu attends ?

- Je ne suis pas sûr que…

M’attendant à une telle réaction, je ne lui laissais pas le temps de finir. Il se tut subitement en me voyant sortir de l’eau. Terriblement gêné par ma nudité, il détourna le regard. Sans prêter attention à sa gêne, je lui attrapais le poignet et en souriant je déclarais :

- Il est grand temps que tu apprennes à t’amuser ! Allez viens !

Sans attendre de réponse, je le mis debout en entrepris de l’entraîner à ma suite, malgré ses protestations.

- Quoi ? M’exclamais-je. Tu ne sais pas nager.

- Bien sur que si ! S’offusqua-t-il.

- Bon alors, où est le problème ?

Et sans lui laisser le temps de répliquer quoi que ce soit, je le poussais vivement. Il ne put retenir un cri de surprise avant d’atterrir dans l’eau tout habillé. Après s’être débattu un moment, Gwendal retrouva son équilibre et se redressa. Repoussant les cheveux de son visage, il me lança un regard stupéfié alors que je ne pouvais m’empêcher d’éclater de rire face à sa mine déconfite.

- Mais tu es fou ! Elle est… Elle est glacée ! S’exclama-t-il comme frigorifié.

- Petite nature ! Souris-je en le rejoignant. Alors, que penses-tu d’être enfin un garçon presque comme les autres ?

- Je ne me sens pas différent, répondit-il, ne comprenant apparemment pas ma question.

- Ah ! Et maintenant ? Lui demandais-je en commençant à l’éclabousser.

- Tu veux jouer ? Demanda-t-il en se protégeant au mieux. Alors jouons !

Sur ces mots, il me sauta dessus. Pris au dépourvu, je coulais comme une pierre. A son tour, il éclata de rire ravissant mes oreilles. Il n’en fallut pas plus pour que s’engage une bataille d’eau des plus animées. Lancé dans la bataille, Gwendal sembla presque oublier ma nudité et la gêne occasionnée. Après une longue bataille qui ne fit aucun vainqueur, je m’approchais de lui, remarquant seulement maintenant son état. Soucieux, je déclarais :

- Tu as les lèvres violettes Gwen. Tu ferais mieux de sortir de l’eau avant d’attraper froid…

Sans lui laisser le temps de répondre, je l’attrapais par le poignet et le guidais hors de l’eau. Là, je fouillais mon sac à la recherche d’une serviette que je posais sur sa tête avant de lui frotter vigoureusement les cheveux, ignorant ses protestations. Il finit cependant par attraper mes poignets, m’obligeant à arrêter ce que j’étais en train de faire.

Surpris, j’ancrais alors mon regard au sien. Ce ne fut qu’à cet instant précis que je le regardais véritablement. Pour la première fois, je réalisais combien Gwendal était un bel homme. Dans son regard, je ne voyais plus quelqu’un d’enfantin, mais bien un jeune homme en train de s’ouvrir au monde. Cet instant dans l’eau… Jamais je n’aurais cru qu’il se lâche ainsi et prenne plaisir à s’amuser. Son rire franc raisonnait encore dans mes oreilles… Je n’aurais sur dire combien de temps nous restâmes ainsi à nous fixer. J’avais l’impression d’entrapercevoir qui il était vraiment pour la première fois.
Au bout d’un moment, Gwen finit par détourner les yeux, me ramenant brusquement à la réalité. Me libérant de sa prise, je repris ma serviette avant de déclarer simplement :

- Tu ferais bien de ne pas garder tes vêtements trempés, tu claques des dents ! Change-toi avant de tomber à nouveau malade !

Puis, sans un mot de plus, réalisant que je venais de ressentir du désir pour lui, je me détournais brusquement de lui et m’éloignais rapidement. Il fallait que je me calme et il ne fallait surtout pas qu’il se rende compte de mon état physique. Lorsque je reportais mon attention sur lui, je vis qu’il s’éloignait, certainement à la recherche d’un coin à l’abri des regards pour se changer.

- Ne t’éloigne pas trop ! Déclarais-je simplement.

Gwendal finit par aller se cacher dernière un arbre. Me séchant à mon tour en réprimant un frisson, je fus bientôt vêtu à nouveau. Je m’assis simplement dans l’herbe, attendant son retour et profitant de la chaleur du soleil. Je ne pus m’empêcher de repenser à ce que je venais juste de ressentir. Jamais je n’aurais pensé ressentir ce genre de chose pour Gwendal.

Mais il était pourtant un homme… Et loin d’être désagréable à regarder. Chassant ces idées de ma tête, je vis Gwen me dépasser avant d’aller s’asseoir au bord de la rivière. Je laissais mon regard naviguer sur sa silhouette. Il semblait si fragile… Je ne voyais en lui qu’un être brimé à qui l’on avait tout interdit. Son passé était-il plus enviable que le mien. Je saisissais mieux sa profondeur…

Je ne tardais pas à aller le rejoindre, m’asseyant à ses côtés. Apaisé par le calme de l’endroit, il ne semblait pas remarquer ma présence et il ne sursauta même pas lorsque je pris la parole. Il n’était pas habituel qu’il reste ainsi silencieux et renfermé.

- Ca va ?

- Mmhmm, répondit-il distraitement.

- A quoi tu pense ? Demandais-je d’une voix qui ne pouvait cacher mon amusement de le voir aussi détendu.

- Oh… Pardon, je rêvais… Je ne pensais à rien de particulier, répondit-il en se tournant vers moi, m’adressant un petit sourire.

Pour toute réponse, je lui rendis simplement son sourire. De nouveau, le silence apaisant nous enveloppe durant de longue minute avant qu’il ne reprenne la parole.

- Hayden ? Souffla-t-il.

- Oui ?

- Merci, murmura-t-il en se tournant vers moi, plongeant son regard dans le mien.

Comme précédemment, je me retrouvais envouté, incapable de répondre quoi que ce soit, lui rendant simplement son sourire, mon regard ancré au sien.

Les même sensations et émotions que j’avais ressentis précédemment revinrent aussitôt. Comme la première fois, Gwendal finit par détourner les yeux, mal à l’aise, les joues rougissantes. J’esquissais un petit rire amusé avant que le silence ne revienne nous envelopper. Nous restâmes encore de longues minutes, immobiles, contemplant l’eau qui scintillait sous les rayons de soleil.

- Et si nous repartions ? Déclarais-je après un temps.

- D’accord, répondit-il en se levant.

Après avoir rangé nos affaires nous nous remîmes en marche.

Durant les 15 jours qui suivirent, nous marchâmes sans nous arrêter, dormant à l’extérieur. Et chaque soir, lorsque nous nous arrêtions, Gwendal semblait plus qu’épuisé. Nous avancions à bon pas et si Gwen faisait de gros progrès il avait toujours du mal à tenir le rythme. Je lui avais acheté une paire de basket, mais cela ne semblait pas encore être tout à fait ça. Alors qu’il traînait la patte, je me tournais vers lui, et m’arrêtait pour l’attendre. 

- Est-ce que tu te sens de marcher encore une petite demi-heure ? Il y a une petite ville pas loin où nous pourrons trouver un hôtel. Tu l’as bien mérité ! Ajoutais-je, en lui adressant un petit sourire.

Sourire auquel il répondit avant de dire :

- Au point où j’en suis, je ne suis plus à ça près…

- Demain tu pourras dormir si tu veux, déclarais-je en reprenant la route alors qu’il arrivait à mon niveau. Je pensais que nous pourrions nous poser un moment pour trouver un travail, qu’en dis-tu ? Cela permettrait que tu te reposes un peu…

- C’est vrai ? Demanda-t-il, plein d’espoir.

- Oui, c’est vrai, souris-je. Tu as été très courageux ces deux dernières semaines… Je ne t’ai presque pas entendu te plaindre…

- Hey ! Pourquoi on dirait que ça t’étonne ? S’offusqua-t-il.

- Disons que tu es quelqu’un d’assez caractériel et que tu m’avais habitué à une autre facette de ta personnalité, répondis-je simplement de plus en plus amusé.

- Mais je peux être tout à fait charmant quand je veux, marmonna-t-il.

- Je vois ça, répondis-je en lui adressant un sourire énigmatique.

Le reste du trajet se déroula dans la bonne humeur. Comme à chaque fois, j’allais réserver une chambre d’hôtel mais je n’avais pas une très bonne nouvelle à lui annoncer alors que je revenais vers lui, affichant une mine contrite.

- Qu’est ce qui se passe ? Me demanda Gwendal, anxieux.

- Ils n’ont plus de chambre double disponible, j’ai du prendre une chambre avec un lit simple…

- Oh, tu sais, soupira-t-il, je suis tellement épuisé que rien de ce que tu diras ne pourra affecter mon enthousiasme de dormir dans un vrai lit… Dit-il en me surprenant. Et c’est pas comme si c’était la première fois que nous partagions le même lit, ajouta-t-il en attrapant son sac.

Je ne pus m’empêcher de lui adresser un regard soulagé et je partis à sa suite, lui indiquant l’étage et le numéro de la chambre. La chambre était modeste mais l’atmosphère qui s’en dégageait était très agréable. Réservant son côté du lit sans me demander mon avis, il retira ses chaussures et s’assis sur le lit. Il soupira de bien être sous mon regard amusé. Alors que je m’occupais de mon propre sac, je vis Gwendal en faire de même. Puis, ayant trouvé ce qu’il cherchait, il partit s’enfermer sous la douche.

Profitant du confort et du calme, je laissais mes vêtements propres sur le lit et m’allongeais. Gwendal faisait nettement changer mes habitudes. Il était rare que j’utilise une chambre d’hôtel aussi souvent. Fermant les yeux, je soupirais de bien être. Gwendal sortit qu’une demi-heure plus tard. Tournant la tête vers lui, je déclarais en souriant :

- Tu n’as pas utilisé toute l’eau chaude j’espère !

- J’aurais du ? Demanda-t-il innocemment en se séchant les cheveux avec sa serviette.

- Essaye, et la prochaine fois, je me douche avec toi !

- Je te garderais de l’eau chaude ! S’empressa-t-il de répondre, les joues rouges.

Il me savait donc capable de le faire… Cela ne me dérangerait surement pas.

Durant la semaine qui suivit, je nous trouvais un petit boulot dans le village voisin, qui consistait à vendre des légumes dans un petit marché. Il n’avait pas été évident de trouver quelque chose qui permette à Gwendal d’avoir la force physique pour le faire. Cependant, je me retenais de lui en faire part, ne voulant pas le vexer.

A ma plus grande surprise, après seulement quelques erreurs, Gwend s’adapta à son travail et s’en sortit plutôt bien. Je le sortis plus d’une fois de quelques ennuis avec de vieilles dames caractérielles mais il se débrouilla la plupart du temps sans moi.

Cela faisait maintenant quinze jours que l’on travaillait sur ce petit marché. Nous avions abandonné l’hôtel au bout de deux jours, car je craignais qu’au bout d’un temps son visage ne soit finalement reconnu. Nous l’avions échappé belle une fois, lorsqu’un matin, une femme d’une trentaine d’années avait failli reconnaître mon compagnon, prétextant avoir vu son visage dans un avis de recherche télévisé.

Après cet incident, j’avais insisté pour qu’il se coupe et teigne les cheveux, chose qu’il avait à mon plus grand désespoir catégoriquement refusée. Par contre, il n’avait pas pu échapper aux lentilles de contact marron pour dissimuler ses yeux vairons trop particuliers. Je ne le lui disais pas mais j’aimais ce regard qu’il avait si particulier lorsqu’il me fixait. Ce petit quelque chose lui donnait toute sa profondeur…

Nous nous étions installés dans une vieille grande. Grace à ma chance, l’homme qui nous employait, un sexagénaire aussi sec que grand, nous avait permis de nous installer là le temps que l’on travaillerait pour lui. Cela nous permis ainsi d’avoir un minimum de confort qui plu à Gwendal. Le soir, nous dormions en général à l’extérieur lorsque le temps nous le permettait. Gwen découvrit le plaisir de contempler les étoiles, ne se lassant jamais de les observer. Le voyant aussi intéressé par la voute céleste, j’en profitais pour lui donner le nom de certains constellations. Ravi, chaque soir, allongés côtes à côtes, Gwendal me demandait de lui apprendre une nouvelle constellation, lui apprenant par la même occasion comment se repérer et trouver son chemin grâce aux étoiles.

J’attendais patiemment Gwen à l’extérieur de la grange, tandis qu’il achevait de se préparer. Ce soir, il y avait une fête au village et nous y avions été conviés. Du coup, après le travail, nous étions revenus à la grange histoire de faire un brin de toilette et nous changer avant de nous y rendre.

Quelle ne fut pas ma surprise de le voir arriver, les cheveux attaché en demi-queue et de beaux vêtements simples mais que je ne l’avais jamais vu porter. Ils semblaient taillés spécialement pour lui, le mettant en valeur. Je ne pus m’empêcher de le dévisager, chaque jour Gwendal m’apparaissait encore plus beau. Il semblait être inaténiable, beauté fragile qui ne faisait pas partit du même monde que moi.

- Quoi ? Me demanda-t-il, mal à l’aise sous mon regard inquisiteur.

- Tu es beau ! Répondis-je simplement en lui souriant tendrement.

Gwendal rougit presque aussitôt, face à la sincérité de ces simples mots.

- Nous y allons ? Demandais-je, lui tendant le bras, ignorant volontairement sa gêne.

Se prenant au jeu, il attrapa mon bras, marchant tout contre moi. S’il ne le faisait pas exprès, Gwendal était sérieusement en train de me charmer. Le trajet se fit en silence, les échos de la fête et les cris des enfants nous parvenant de loin dans la nuit qui tombait. Il nous fallut moins de cinq minutes pour arriver sur la petite place centrale du village. Un immense feu brûlait déjà, les enfants dansant autour en riant, au son d’une musique bruyante.

Le début de la soirée se passa tranquillement, cependant, Gwendal resta un peu dans son coin. Alors que je riais et discutais avec des personnes dont j’avais fait la connaissance un peu après notre arrivée, je pouvais voir Gwendal avoir du mal à lier des relations avec les autres. Me laissant emporter par l’ambiance, je gardais tout de même un regard sur lui. C’est pourquoi je ne tardais pas à remarquer un homme saoul s’asseyant à côté de Gwendal. Sentant mon compagnon mal à l’aise, je finis par écouter la conversation et allais à sa rescousse.

- Moi c’est Thomas ! Mais tu peux m’appeler Tom… Et tu es ? Demanda l’homme à Gwendal sans vouloir le lâcher.

- Pas intéressé ! Répliqua Gwendal, cinglant alors que j’arrivais dans son dos.

- Allez mon mignon ! Minauda le pervers. Sois pas si farouche… Je suis certain que tu es beaucoup plus docile avec ton ami… Susurra-t-il, sa main se posant sur sa cuisse.

Il ne m’en fallut pas plus. Apparaissant brusquement entre Gwendal et son prétendant indésiré, j’attrapais celui-ci par le col et l’éloignais prestement de Gwen, déclarant d’une voix sourde et menaçante :

- Il t’a dit “non”, il me semble ! Alors tu n’insistes pas et tu dégages !

Voyant qu’il allait répliquer quelque chose, je le devançais, perdant patience :

- Dégage je t’ai dis ! A moins que tu ne tiennes vraiment à m’énerver…

Avisant mon regard hostile, il me toisa une dernière fois comme pour me jauger avant de finalement partir sans demander son reste. En venir aux mains ne m’aurait pas dérangé. J’avais l’habitude des gars comme lui et ils ne me faisaient pas peur. Me tournant aussitôt vers Gwendal, je lui demandais, inquiet malgré moi :

- Est ce que ça va ? Il ne t’a pas touché ?

- Ca va ! Merci ! Me rassura-t-il. Dis, Hayden… Reprit-t-il, un instant plus tard, hésitant.

- Tu veux danser avec moi ? Le coupais-je vivement, comme pour ne pas changer d’avis entre temps.

Ne semblant pas s’attendre à une telle demande, il resta muet de surprise l’espace d’un instant. Puis, se reprenant, il m’adressa un sourire radieux, et me tendit la main. Trop heureux de sa réponse positive, je ne pus m’empêcher de l’exprimer par un sourire. Attrapant sa main, je l’aidais à descendre de la table sur laquelle il était assis et avec une courbette élégante, je déposais mes lèvres sur la paume de sa main.

Fier de l’effet produit, je lui souris avant de le guider sur la piste de danse. Mais alors que nous arrivions, la musique changea subitement, et un slow s’éleva dans les airs. Un meilleur timing n’aurait pas pu être plus parfait. Avec une certaine timidité qui me faisait craquer malgré moi, il plaça sa main dans la mienne, tandis que je passais mon autre main au creux de ses hanches. Gêné, Gwendal détourna les yeux, avant de se laisser entraîner par la danse. Jamais nous n’avions partager un moment aussi intime…

- Tu es bien ? Murmurais-je, après un temps indéterminé.

- Oui, souffla-t-il en me regardant dans les yeux. Je suis bien…

Il reporta aussitôt son attention autour de lui. Pour ma part, je ne pouvais détacher mon regard de son visage. Là, éclairé par les flammes, innocent, il était un simple appel à la luxure. Sans trop m’en rendre compte, guidé par l’instant, j’approchais mon visage du sien, comme envouté. Ce fut à ce moment là que Gwendal tourna la tête dans ma direction.

Mes lèvres se posèrent sur les siennes. Surpris, il esquissa un geste pour se reculer. Ouvrant légèrement la bouche, il me donna l’occasion d’aller plus loin. Laissant ma langue se faufiler entre ses lèvres entrouvertes, j’allais à la rechercher de sa jumelle. Ses lèvres étaient si fraîches, si douces, si pures…

Avec toute la tendresse dont j’étais capable, je laissais ma langue rencontrer la sienne, sentant Gwendal se détendre dans mes bras peu à peu. Je laissais ma main se poser au creux de ses reins, et fus pris d’un violent frisson alors que sa langue se mit à répondre à mes caresses délicates et sensuelles.

Grisé par l’instant, j’oubliais qui était entre mes bras, me laissant simplement porter par l’émotion et par ce qu’il provoquait chez moi. La timidité de Gwendal faisait tout son charme. C’était comme emporter un être perdu dans une danse vieille comme le monde. Jamais je n’aurais pensé qu’un baiser échangé avec lui serait si intense et particulier… Ce n’était normalement pas le type d’homme qui finissait dans mon lit…

Ce ne fut que lorsque l’air vint à nous manquer que je consentis à rompre notre échange. M’éloignant de lui, je vis Gwendal ouvrir les yeux. Plongeant son regard dans le mien, je lui souris tendrement, heureux de ce qu’il m’avait offert. Mon vis à vis s’empourpra violemment. A cette vision, mon sourire s’élargit tandis qu’il détournait le regard.

Amusé par son comportement, je ne fis cependant aucun commentaire. Encore envouté par l’instant, j’effleurais doucement, du bout des doigts sa joue avant de remettre une mèche de cheveux derrière son oreille. Gwendal me fit alors de nouveau face et demanda dans un souffle :

- Je… Je voudrais rentrer…

Pour toute réponse, je le pris par la main et en silence, nous quittâmes la place où se déroulait la fête. Alors que le bruit de la musique s’éloignait, aucun de nous ne prononça le moindre mot. Je ne pouvais m’enlever de la tête ce baiser qui venait indéniablement d’éveiller un désir que j’avais jusque là renfloué. Je ne savais même pas vraiment pourquoi je l’avais embrassé, ou ce qui nous avait véritablement amené jusque là. Semblant plonger dans les mêmes questionnements que moi, Gwendal me demanda, brisant le silence apaisant de la nuit :

- Pourquoi est-ce que tu m’as embrassé.

- Je… Commençais-je, pris au dépourvu par cette question. J’en avais envie… Pourquoi ? Repris-je après un court instant. Tu n’as pas aimé ?

A ces mots, Gwendal s’empourpra une fois de plus, ne s’attendant certainement pas à cette question :

- Je… Si, je… Euh…

- Tu veux réessayer ? Proposais-je, amusé et enchanté à l’idée d’une réponse positive, laissant couler regard désireux sur lui. 

- Non ! Répondit-il précipitamment.

Je ne pus m’empêcher de rire.

- Ne t’inquiète pas ! M’exclamais-je entre deux éclats de rire. Je ne le referais pas si tu n’en a pas envie. Je suis désolée de t’avoir volé ce baiser, repris-je en retrouvant enfin mon sérieux. Je sais que je n’aurais peut être pas du, mais…

- Mais ? Répéta-t-il, m’encourageant à poursuivre.

- Je me suis laissé emporter, je crois… Je ne te cacherais pas que je te trouve beau, Gwendal ! Je n’ai pas résisté à l’envie de goûter tes lèvres… Ajoutais-je sincère.

Troublé, Gwendal s’empourpra violement. Sans oser me regarder, les yeux rivés au sol, il finit par déclarer dans un souffle :

- C’était… C’était agréable…

- C’est le but rechercher lorsque tu embrasse quelqu’un, souris-je.

Posant mon regard sur lui, j’ajoutais alors :

- C’était ton premier baiser, n’est-ce pas ? Déclarais-je en une phrase qui sonnait plus comme une affirmation que comme une interrogation.

- Oui, murmura-t-il écarlate. C’était le premier…

Touché d’avoir été son premier baiser, je déclarais tout simplement :

- Alors tu m’en vois ravis ! Et si tu as aimé, alors c’est encore mieux…

Au clin d’oeil entendu que je lui lançais, Gwendal rougit d’avantage. Puis, devinant son malaise, je mis un terme à la conversation et ce fut silence que nous arrivâmes à la grange. Une fois à l’intérieur, j’allumais la petite lampe à huile que notre employeur nous avait prêtée, illuminant la couchette de fortune que nous nous étions fait dans la paille d’une faible lueur.

Alors que je mettais rapidement de l’ordre dans mes affaires et installait mieux le lit, Gwendal alla se changer derrière le paravent improviser. Notre lit de fortune consistait en un duvet qui faisait office de matelas sur la paille, et un autre servait de couverture. Alors que Gwendal allait se coucher, je ne pris pas la peine d’aller me cacher.

Loin d’être pudique, je me changeais devant lui. Je ne tardais pas à aller le rejoindre. Alors qu’il me tournait le dos, je ne résistais pas et tentais le diable. Je vins me coller tout contre lui, le prenant dans mes bras, mon corps épousant parfaitement ses formes. A ma plus grande surprise, Gwendal ne chercha pas à se défaire allant même jusqu’à pousser un soupir de contentement. Ne pouvant me contrôler, je raffermis mon étreinte autour de lui, collant d’avantage nos deux corps. Peut-être n’aurais-je pas du…

Le souvenir du baiser me revint en mémoire, et mon corps ne tarda pas à donner une réponse physique face à cette proximité. Restant ainsi enlacés, je priais pour qu’il ne le remarque pas. Mais ce ne fut malheureusement pas le cas. Bientôt, se tortillant, Gwendal souffla :

- Hayden, tu as quelque chose dans la poche qui me gêne…

- Arrête de bouger ! Grondais-je d’une voix rauque et incontrôlable, alors qu’il m’excitait encore plus.

- Mais… Protesta-t-il.

- Ce n’est pas ma poche ! M’exclamais-je d’une voix sourde. Maintenant, arrête de bouger.

Heureusement, il ne tarda pas à comprendre et cessa de se déhancher. Pourquoi cette réaction arrivait maintenant ? J’avais pourtant dormi plus d’une fois collé contre lui. Etait-ce à cause du baiser ? Etais-ce car depuis peu, je commençais à le voir différemment ? Il m’était maintenant impossible de nier que je le désirais. Mon corps parlait pour moi.

- Hayden… Appela-t-il doucement.

- Dors, Gwen, soupirais-je en me collant plus fermement contre lui. Ca va passer…

Heureusement, il n’insista pas, et alors que je le sentais s’endormir, je parvins peu à peu à me calmer et à penser à autre chose. Fermant les yeux, je ne tardais pas à m’endormir à mon tour, soucieux de la nouvelle direction que prenait notre relation.

Comme à notre habitude, je me réveillais toujours à l’aube, bien avant Gwendal. Mais quelle ne fut pas ma surprise de voir William, notre employeur devant la porte de la grange.

- Hayden, s’exclama-t-il. Il faut que vous partiez. Magaret vient d’appeler la police, elle a reconnu Gwendal.

- Je… Merci William. Dis-je abasourdi. Tu savais qui il était ? Ajoutais-je, encore plus surpris.

- Il suffit de regarder un tant soit peu la télévision Hayden.

- Alors pourquoi n’as tu pas…

- Pourquoi je n’ai pas prévenu la police, me coupa-t-il. Parce que tout cela ne me regarde pas. Je dois y aller, Hayden.

Il me tendis une enveloppe avant d’ajouter :

- J’ai été heureux de faire ta connaissance. N’hésite pas à revenir quand tu veux, il y aura toujours du travail pour vous.

- Je… Merci William, dis-je sincèrement.

Sans un mot de plus, William me tourna le dos et partit. Sans perdre un instant, je rangeais et rassemblais toute nos affaires. Heureusement, j’avais toujours tenu le tout bien ordonné. Une fois fait, je courus jusqu’à Gwendal et le secouais violemment pour le réveiller.

- Gwen ! Réveille-toi ! Dépêche-toi, nous devons partir !

Ouvrant les yeux avec difficulté alors que j’étais penché au dessus de lui, il marmonna en étouffant un bâillement :

- Hmm…

- Allez, lève-toi, Gwen, nous devons partir…

- Partir ? Répéta-t-il, surpris, la voix enrouée par le sommeil.

- William vient de repartir… Selon lui, Margaret t’aurai reconnu… Elle a appelé la police…

- Oh non, souffla-t-il, soudain effrayé. Je… Je ne veux pas y retourner Hayden…

- Je sais, déclarais-je en lui souriant. Allez, habille-toi, on s’en va ! J’ai déjà rassemblé toutes nos affaires.

D’un bond, il se redressa et attrapant, les affaires que je lui tendais, il courut se changer. Pour ma part, j’allais plierais les duvets. Cinq minutes plus tard, il était prêt. Vérifiant que nous n’avions rien oublié et que nous avions effacé toutes traces de notre passage, nous finîmes par partir. L’instant d’après, nous étions en route, coupant à travers la forêt. Au bout de cinq minutes de silence, Gwendal se tourna vers moi et comme gêné, il me dit :

- Je… Je suis désolé, Hayden…

- Désolé ? Répétais-je, surpris. Mais de quoi ?

- Je… C’est à cause de moi que nous sommes obligés de partir précipitamment… Et je… Je n’ai même pas eu le temps de dire au revoir à William.

- Ne t’en fais pas pour ça, Gwen, tentais-je de le rassurer en posant une main sur son épaule. Si ça peut te rassurer, je commençais à me languir de reprendre la route… Quant à William, ne t’inquiète pas, tu le reverras…

- Je l’espère… Murmura-t-il, avant de s’enfermer à nouveau dans le silence.

C’est ainsi que nous reprîmes la route, le coeur étrangement lourd, et pourtant j’étais plus qu’heureux d’enfin reprendre mon chemin. Je n’étais pas fait pour une vie de sédentaire. Un sourire qui rendait Gwendal étonnamment beau à mes yeux étira ses lèvres avant qu’il ne m’emboite le pas. Nous prenions des risques à rester dans cette région. Je craignais même que nous soyons en danger dans tout le pays… Nous serions certains plus tranquille en France, mais l’idée de retourner dans ce pays me glaça à l’intérieur. Je préférais mille fois une vie de fuite que de retourner là bas. Non, jamais je ne remettrais les pieds en France.

Durant la semaine qui suivit, nous nous éloignâmes comme si nous fuyons la peste. Si Gwendal avait jusqu’à maintenant des difficultés à suivre mon rythme, il semblait dès à présent habité par la crainte et l’envie d’aller toujours plus loin. Voilà plusieurs jours qu’il restait souvent songeur, et étonnamment silencieux. Ne tenant plus face à la pesanteur qu’il faisait régnait, j’allais le rejoindre alors qu’il était assis contre un arbre avec l’un de mes livres. Quand il avait réalisé que j’en transportais dans mon sac, il m’avait aussitôt demandé l’autorisation de m’en emprunter un. Il m’adressa un petit sourire lorsque j’allais le rejoindre avant de se replonger dans sa lecture. Je m’assis à côté de lui, l’arbre étant assez large pour nous servir de dossier à tous les deux. Poussant un soupir de bien être, je réfléchissais à comment aborder le sujet avec lui.

Posant mon regard sur lui, je vis qu’il ne lisait pas vraiment. Ses yeux étaient posés sur les mots mais il semblait perdu dans le vide. Finalement, je décidais d’être franc avec lui et je lui demandais alors :

- Qu’est ce qui ne va pas Gwen ?

- Hein ? Sursauta-t-il presque comme si je le sortais de ses pensées.

- Qu’est ce qui ne va pas ? Insistais-je, en répétant la même question.

- Rien, je vais très bien, répondit-il en détournant le regard.

- Arrête, on ne me la fait pas… Pas à moi. Qu’est ce qui te tracasse ? Tu peux peut-être m’en parler…

Se tournant vers moi, il me regarda droit dans les yeux un bref instant, comme s’il cherchait à discerner si je me moquais de lui ou non. Il me regarda d’une manière si étrange que j’en fus mal à l’aise. Fermant son livre, il soupira et posa sa tête sur le tronc avant d’enfin se décider à répondre.

- Je suis en train de prendre goût à cette vie… Murmura-t-il.

- Alors pourquoi ça ne va pas ? M’inquiétais-je.

- Parce que j’ai peur que ça ne dure pas…

- Pourquoi cela s’arrêterais ? Demandais-je en tentant de lui sourire.

- Mon père ne baissera pas les bras Hayden… Nous serons toujours en fuite jusqu’à ce qu’il réussisse à me rattraper.

Ne supportant de le voir vivre dans la peur, je l’attrapais délicatement par le menton pour l’obliger à me regarder. Ce ne fut qu’une fois que j’eus toute son attention que je déclarais le plus sérieux et le plus sincère du monde :

- Ton père ne te possède pas Gwen. Tu es libre de choisir ta vie. Quoi qu’il arrive, quelque soit le choix que tu fais je serais là pour t’aider et te protéger. Ajoutais-je alors que ce dernier mot sonnait étrangement à mes oreilles. Je te le promets !

Aussitôt Gwendal se mit à rougir. Le regard fuyant, il murmura un “merci”. Mais je ne lâchais pas pour autant la prise que j’avais sur lui. Comme envouté par son visage, je ne pouvais le quitter des yeux. Jamais je ne m’étais senti aussi protecteur envers quelqu’un. Jamais je n’aurais pensé m’investir autant dans une relation humaine. Sans trop savoir ce qui me prenait, je m’approchais lentement de lui, jusqu’à être à quelques millimètre de ses lèvres. J’avais encore en mémoire leur goût sucré et la timidité de notre échange. Ce fut à cet instant que Gwendal sembla reprendre ses esprits et se dégagea de mon emprise en détournant la tête, gêné.

- Pardon, soupirais-je. Je n’aurais pas du.

Gwen se tourna vers moi et me sourit timidement comme pour m’excuser. La seconde d’après, il se leva, comme pour cacher un trouble qu’il ne désirait pas me montrer.

- Où va-t-on ce soir ? A l’hôtel ? Me demanda-t-il plein d’espoir, changeant volontairement de sujet de discussion.

- Non, dis-je avec un sourire. J’ai une connaissance à quelques heures de marches d’ici. On devrait y être ce soir. Il nous hébergera contre quelques jours de travail pour lui.

- Ah… Répondit Gwendal, peu enchanté à cette idée.

- Et si ça devait arriver, ajoutais-je malicieux, je serais discret promis… Finis-je en riant.

Cela ne fit pas rire Gwendal. Il s’éloigna de moi sans un regard, et retourna prendre son sac. Après avoir rassemblé ses affaires, ce fut en silence que nous reprîmes la route.

Comme je l’avais prédit, nous arrivâmes en fin de journée dans une immense ferme. Thomas y vivait depuis tout petit. Il avait repris l’affaire familiale et vivait comme un vieux loup solitaire. Nous n’avions pas beaucoup en commun mais il était une personne agréable à vivre. Je n’y restais jamais plus de quelques jours. Traversant sa grande propriété, je pouvais voir que Gwendal était à la traîne, ne semblant pas avoir la moindre envie d’y aller. Ignorant sa démotivation, je poursuivis mon chemin et l’attendis à la porte de Thomas. Une fois qu’il fut à côté de moi, il poussa un soupir alors que je frappais à la porte. Celle-ci ne mit pas beaucoup de temps à s’ouvrir et un gros chien en bondit et pris comme cible Gwen qui se colla aussitôt à moi.

- Hayden ! S’exclama Thomas. Quelle bonne surprise ! Tu tombes à pic. Mes moutons se sont échappés et si tu pouvais me donner un coup de main, ça me simplifierait les choses.

Brusquement, il s’arrêta et remarqua la présence de Gwendal, toujours accroché à moi craignant le chien. Il le regarda un instant en se taisant les sourcils froncés.

- Tiens, c’est bien la première fois que tu viens accompagné. A qui ai-je l’honneur demanda-t-il en attrapant son chien par le collier.

- Je m’appelle Gwendal, dit-il en s’écartant de moi.

- Moi c’est Thomas, dit-il avec un sourire. Bon, on ne serra pas trop de trois, allons-y.

Puis, sans plus de manières, il sortit et nous partîmes à sa suite.

Après une longue course pour ramener tous les moutons dans leur enclos, Thomas nous proposa d’aller boire une limonade pendant qu’il nous préparerait quelque chose à manger. Transpirant et fatigués, nous acceptâmes avec plaisir. Assis sur sa terrasse, nous sirotâmes avec plaisir cette boisson. Thomas ne tarda pas à nous rejoindre. Il s’assit à côté de moi en tirant sa chaise.

- Combien de temps comptez-vous rester ? Me demanda Thomas en posant un regard étrange sur Gwen.

- Quelques jours, si ça ne te dérange pas.

- Bien sur que non ! Vous tombez à pique, j’ai une montage de chose à faire et un employé qui m’a fait faux bond.

- Marché conclut ! Répondis-je alors avec un sourire.

Le reste de la soirée se déroula tranquillement. Après une bonne douche, nous mangeâmes un repas copieux avant de finir avec le dessert dans le salon. Gwendal ne décrocha presque pas un mot, et lorsqu’il eut terminé de manger, il s’excuse et partit se coucher. Ce ne fut que lorsqu’il fut partit que Thomas vint s’asseoir sur le canapé, particulièrement près de moi.

- Tu m’as manqué, souffla-t-il, d’une voix rauque, laissant glisser sa main sur ma cuisse.

Malheureusement, je n’étais pas d’humeur ce soir et surtout bien trop fatigué. Et surtout, Gwendal m’inquiétait. J’aurais finalement préféré le suivre et discuter un peu avec lui. Même si je savais maintenant ce qui le rongeait depuis plusieurs jours, je savais que ses craintes n’avaient toujours pas disparues.

Repoussant gentiment sa main, je lui dis avec un sourire qui se voulait détendu :

- Pas ce soir Thomas, je suis fatigué.

- Et moi, j’ai envie de toi, insista-t-il en reposant sa main sur ma cuisse de manière plus franche et plus osée.

Le repoussant plus fermement, je répondis froidement :

- Pas ce soir !

Souriant, Thomas se redressa et me dit d’un air malsain :

- Voyons Hayden, tu ne souhaiterais pas que j’appelle les flics pour qu’il passe chercher ton petit copain.

Je restais interdit d’effroi. Que venait-il de dire ?

- Qu’est ce qui t’arrive ? Lui demandais-je, choqué.

- Tu m’as très bien compris, répliqua-t-il.

- Je ne te reconnais plus Thomas ! M’exclamais-je en le levant.

Nous ne pouvions rester une seconde de plus ici. Il fallait que nous partions. Alors que je réfléchissais à comment aller chercher Gwen, rassembler nos affaires et s’enfuir, Thomas se leva, me  faisant face et répliqua, son petit sourire pervers toujours accroché au visage :

- Je peux aller voir Gwendal si tu veux, il sera sans doute plus docile que toi…

Il ne m’en fallut pas plus. Mon poing partit tout seul. Mais Thomas fut plus rapide que moi et saisit mon poignet au vol. Face à sa poigne, je réalisais que je n’avais aucune chance contre lui. Il était bien plus musclé que moi et me dépassais d’une tête. Comment diable avais-je pu me mettre dans un tel guêpier.

- Laisse Gwendal en dehors de ça ! Criais-je en tentant de libérer ma main.

- Ce n’est pas moi qui ait changé, répliqua-t-il en me serrant d’avantage et en se collant à moi. C’est toi qui a changé Hayden… Depuis quand ouvrir tes cuisses est un problème, je ne te demande pas grand chose pourtant…

Profitant d’un court instant d’inattention de sa part, je parvins à me défaire de sa prise. Tentant de fuir, je fus brusquement arrêté par Thomas, se dressant devant moi avec un couteau. Ce fameux couteau offert par son père qu’il ne quittait jamais. Ce n’était qu’à cet instant que je réalisais combien Thomas était dangereux. Le regard qu’il posait sur moi me rendait malade.

- Tu pourrais rendre tout beaucoup plus simple, me dit-il. Je n’appelle pas les flics et on prend du bon temps… Ajouta-t-il menaçant.

Comprenant qu’il était capable de tout, je choisis la docilité, loin de moi l’envie de vivre une telle expérience sous la violence. Résigné, je m’agenouillais devant lui. Je n’avais pas le choix.

Si cet acte ne m’avait jamais répugné, ce fut la première fois de ma vie qu’offrir une fellation me noua les entrailles. Je ne pleurais pas, je n’arrivais pas à définir ce que je ressentais en particulier. J’aurais voulu être sourd pour ne pas entendre ses gémissements graves, j’aurais voulu l’espace d’un instant être privé de chacun de mes sens. Je faisais ce que je m’étais toujours refusé, je me vendais.

Je ne pris aucun plaisir à sentir ses mains me rapprocher plus près de son sexe lorsque la jouissance vint bien trop lentement. Un haut le coeur me saisit alors qu’il se libérait dans ma bouche en poussant un râle. Pourtant, lorsqu’il me demanda de me déshabiller et de m’installer sur le canapé, je sentis mon coeur se mettre à battre dangereusement vite, comme un sursaut de vitalité. C’était ma liberté qu’il était en train de bafouer, c’était la seule chose que je possédais qu’il était en train de me voler. Je me mis à penser très vite. Sans trop réalisé ce que j’étais en train de faire, je déboutonnais mon jean alors que j’avançais vers le canapé.

Là, posée sur la table, une statuette en pierre. Me ruant brusquement dessus, je me retournais vers Thomas. N’ayant rien vu venir, le pantalon toujours baissé à mi-cheville, il n’eut pas le temps de réagir alors que la statuette frappait lourdement son crâne. Il tomba aussitôt, inconscient à mes pieds. Je ne voulais pas perdre de temps, je n’en avais pas le luxe et pourtant, à peine eus-je fais trois pas, que je me retrouvais plié en deux par terre rendant le contenu de mon estomac.

Tentant de calmer les crampes qui me saisissait, ne me fis violence pour me relever. D’un pas hagard, je marchais jusqu’à la salle de bain, tentant d’effacer toute trace et tout souvenir de cet instant. Ayant retrouvé assez de forces, je me ruais dans la chambre où devait être Gwendal. Je le trouvais endormis, recroquevillé dans le lit. Sans perdre un instant, je le secouais peut être un peu trop brusquement.

- Gwen, réveille-toi, nous devons partir !

Gwen sursauta avant de se redresser.

- Qu’est ce qui se passe, demanda-t-il d’une voix ensommeillée.

- Il faut qu’on parte, maintenant.

- Pourquoi ? Quelle heure est-il ? Demanda-t-il.

- Ne pose pas de question, habille-toi, et dépêche-toi. Nous ne sommes plus en sécurité ici.

Face à mon air grave et empressé, Gwendal fronça les sourcils et finit par me prendre au sérieux. En un temps record, alors que je surveillais à la porte, il fut prêt. Attrapant nos deux sac, je l’entraînais dans une course folle jusqu’à l’extérieur de la ferme. Là encore, je continuais à courir, le tenant toujours fermement par la main.

Ce fut à peine si j’entendis Gwendal protester, le forçant toujours à continuer notre course. A bout de souffle, je finis par nous autoriser une marche rapide, sans pour autant lâcher Gwen. Brusquement, je quittais la route et m’enfonçais dans la forêt. Ce ne fut qu’après un temps indéterminé, que je consentis enfin à ce que nous nous arrêtions. Lâchant nos sacs qui tombèrent sur le sol, je me précipitais vers Gwendal et le serrait dans mes bras, comme pour m’assurer qu’il allait bien.

Il en avait fallut de peu pour que tout vire à la catastrophe. Et pourtant, j’avais commis l’irréparable. La phrase que Gwendal m’avait lancé des semaines plus tôt me revint en mémoire. Non, je ne valais pas mieux que ma mère. Je repoussais Gwendal, comme si son contact me brûlait. J’étais perdu. Ce fut à cet instant que Gwendal éclata :

- Non mais je peux savoir ce qui te prend ? Pourquoi est-ce que l’on s’enfuit comme des voleurs au milieu de la nuit ? Qu’est ce qui s’est passé ? S’exclama-t-il, criant presque. Tu m’as fait une peur bleue !!
M’adossant contre un arbre, je me laissais tomber, me retrouvant assis sur le sol. Mon coeur ne parvenait pas à se calmer. Je ne réalisais pas encore tout ce qui venait de se passer. Face à mon silence, je sentis poindre de l’inquiétude dans la voix de Gwendal qui s’agenouilla près de moi et me demanda :

- Qu’est ce qui s’est passé Hayden ?

Une boule vint nouer ma gorge, aucun son ne sortait, aucune larme ne venait.

-  Hayden… M’appela Gwendal en posant sa main sur mon bras. Qu’est ce qui s’est passé chez Thomas. Tu es pâle, est-ce que ça va ?

- Je l’ai tellement haïs Gwen… Lâchais-je alors que je sentais les larmes proches, mais je les ravalais presque aussitôt.

- Qui ? Me demanda-t-il de plus en plus perdu.

- Je lui en ai toujours voulu de m’avoir mis au monde… Continuais-je sans répondre directement à question.

Me prenant la tête entre les mains, j’ajoutais :

- J’ai l’impression de ne pas avoir ma place ici… Je ne suis qu’un accident indésiré avec l’un de ses clients… Et finalement, je lui ressemble… Je suis même pire…  Dis-je perdu dans un mélange de pensées diverses et décousues.

- De quoi est- ce que tu parles, finit par me demander Gwendal. Pourquoi est-ce que tu me dis tout ça ? Quel est le rapport avec le fait que l’on parte de chez Thomas au milieu de la nuit ?

Me refusant à lui avouer ce qui c’était passé, n’arrivant pas encore à mettre un mot dessus, je gémis, comme une plainte à peine audible :

- J’ai fait pire que ma mère, j’ai fait prire que de la prostitution…

Redressant la tête, je croisais le regard plus qu’inquiet de Gwendal. J’avais besoin d’être seul. Je devais me ressaisir. Echappant à sa main posée sur mon bras, je lui dis, la voix dénuée de toute émotion :

- Je vais marcher un peu, je te laisse t’installer ici… Je… Je reviens… J’ai besoin d’être seul.

Alors que je me détournais de lui, j’entamais ma marche, les jambes tremblantes. Avais-je seulement la force de faire un pas de plus… Je sentis alors une main se poser sur mon épaule, me forçant à me retourner. Ce ne fut qu’une fois que je lui fis face que Gwendal me demanda :

- Je te le demande une dernière fois Hayden, qu’est ce qui s’est passé chez Thomas, c’est quelque chose qu’il t’a dit sur ta mère ?

-  N’insiste pas Gwen, soufflais-je.

- J’ai le droit de savoir ! Déclara-t-il déterminé. Je veux t’aider…

- Je…  Commençais-je.

Je ne su jamais ce qui me fit céder, ce qui me fit me confier alors à lui. Peut-être était-ce face à la sincérité de son regard, à quelque chose qui s’en dégageait. Ou alors, était-ce du à la chaleur bienfaisante de sa main posée sur mon épaule que je ne vivais pas comme une agression.

- Thomas savait qui tu es Gwendal. Il a voulu te dénoncer. Dis-je avant de me taire à nouveau.

- Ce n’est pas ça qui te met dans cet état. Qu’est ce qui s’est passé ?

- Il a menacé de s’en prendre à toi et…

Ma voix s’arrêta un instant. Je ne pouvais pas le lui dire. Même si mon silence me trahissait, je finis par dire simplement :

- Je l’ai assommé, et nous nous sommes enfuis.

Gwen me fixa avec un regard peiné, comme s’il avait compris ce que je n’avais pu dire par des mots. Par égard pour moi, cependant, il n’insista plus. Sans que je ne comprenne son geste, il m’attira à lui avec douceur. La tête posée sur son épaule, je pouvais sentir sa main passer lentement dans mon dos. Face à tant de tendresse de sa part, ce fut trop pour moi. Je m’effondrais en larmes comme je m’étais refusé de le faire depuis mes 16 ans.

Thomas ne fut pas l’unique raison. Je repensais à Linda, à ce que j’étais devenu et ce que j’avais été. A aucun moment, Gwendal ne me repoussa. Au contraire, il raffermit son étreinte autour de moi et me consola sans un seul mot, comme s’il n’était pas possible d’en prononcer un seul. Je ne sus combien de temps je restais à pleurer silencieusement dans ses bras, là, au milieu de nulle part, dans une forêt, éclairé par les rayons de la pleine lune.

Pour la première fois depuis que nous voyagions ensemble, ce fut Gwendal qui prépara notre lit. Aucun mot ne fut échangé et ce fut réfugié au creux de ses bras que le sommeil finit par me délivrer.

Lorsque je me réveillais le lendemain matin, j’espérais que tout avait été un simple cauchemar. Pourtant l’étreinte de Gwendal me prouvait le contraire. Comme s’il avait sentit mon éveil, il me serra encore plus prêt de lui. Répondant à son étreinte, je le serais à mon tour dans mes bras. Sans lui, sans sa présence à mes côtés, j’aurais certainement perdu l’esprit cette nuit là.

- Je suis désolé, l’entendis-je alors, murmurer. Tout est de ma faute.

Ne pouvant le laisser penser cela, je m’écartais à contre-coeur de sa chaleur et le regardais droit dans les yeux :

- Jamais, tu m’entends ! Ne pense jamais que ce qui est arrivé hier était de ta faute.

- Bien sur que si rétorqua-t-il, les larmes aux yeux. Si je n’avais pas choisis de venir avec toi, jamais rien de tout cela ne serait arrivé. C’est moi qui t’ai mis dans cette situation. Je te mets en danger… Je pense qu’il vaut mieux que je rentre chez moi Hayden… Ajouta-t-il en détournant le regard.

Ne supportant pas ses larmes, je le serrais aussitôt contre moi, comme par peur qu’il ne m’échappe.

- Tu restes avec moi Gwendal, tu ne repartiras pas là-bas. Je t’en es fait la promesse.

- Ta promesse te coûte trop cher, répliqua Gwendal, sans pour autant tenter de s’échapper de mon étreinte. Tu en a déjà assez fait pour moi. Je ne peux pas t’en demander plus.

M’écartant de lui, je me redressais et le regardais droit dans les yeux, mon visage à quelques centimètres du sien.

- Ce qui est arrivé n’est pas de ta faute, mais uniquement de la mienne. Je ne me méfie pas assez des gens Gwen. Et puis c’est trop tard. Nous avons fait notre choix en connaissance de cause. On savait que nous serions en fuite et que ton père ne te laisserait pas en paix. Ce qui vient de se passé est un accident. Ne rend pas cet accident comme étant la cause de ton départ où alors, tout ce que nous avons fait jusqu’à maintenant n’aura servi à rien. Je veux que tu restes à mes côtés, que tu t’épanouisses. Que tu découvres tous les bons côtés de la vie que je mène. Je veux que tu découvres la liberté Gwen… Tu as encore tellement à découvrir… Et lorsque ce sera fait… A ce moment seulement, alors, tu pourras envisager à nouveau la question de rentrer chez toi.

- Mais je ne veux pas rentrer chez moi, gémit-il. Hayden, je me sens tellement coupable de…

Il n’eut pas le temps d’en dire davantage. Pour lui faire cesser de dire une imbécilité de plus, je recouvris ses lèvres d’un baiser.

Ses lèvres étaient d’une fraicheur que j’avais rarement connue. Délicatement, pour ne surtout pas le brusquer, je laissais glisser ma langue sur celles-ci, y goûtant avec délectation.  Une de mes mains passa derrière sa nuque pour l’approcher d’avantage, tandis que l’autre passait lentement dans son dos, sans jamais se faire insistante.

Timidement, Gwendal finit par entrouvrir les lèvres, m’autorisant à approfondir notre échange. Sans me précipiter, j’allais avec un désir non fin, rejoindre sa jumelle. Le contact de nos langues fut électrique. Un violent frisson irradia ma colonne vertébrale alors qu’il répondait timidement à l’échange dont j’étais au commande.

Jamais je n’avais connu un baiser aussi pur et innocent. Sa langue finit par caresser la mienne avec douceur. Je fis preuve d’une patience d’or, sans jamais chercher à le forcer. Son odeur m’enivrait, je ne désirais jamais plus, juste un baiser de sa part… Je sentis ses mains se serrer dans mon dos, comme s’il y prenait lui aussi du plaisir.

Nous nous séparâmes à contre coeur, lorsque l’air vint à manquer. Pantelant, le souffle court, l’image que me renvoya Gwen, les lèvres rougies par le baiser et les joues rouges avait tout d’une invitation à la luxure. Mais je n’allais pas plus loin. Passant lentement une main sur son visage, je remis une de ses mèches en place. Allongé côte à côtes, nous restâmes silencieux un moment… J’effaçais volontairement de ma mémoire, les souvenirs de la veille, les remplaçant par cet échange et la nuit passée dans ses bras.

D’un commun accord, nous décidâmes qu’il était temps de se lever. Après un petit déjeuner frugal partagé dans le silence, nous fîmes nos sacs et reprîmes la route. Nous allions définitivement quitter la région. Plus nous serrions loin et plus facilement nous trouverions la paix. J’envisageais même de prendre un bus ou un train pour nous éloigner plus vite.

Alors que nous marchions depuis une petite heure, Gwendal restant à ma hauteur, je l’entendis me dire d’une petite voix hésitante :

- Hayden…

- Hn ? Dis-je en tournant la tête vers lui.

- Même si je t’ai promis de ne plus te questionner sur ton passé… Je… Je voulais que tu saches que je suis toujours là pour t’écouter. Et… Si tu veux un jour me raconter, je ne te jugerais jamais.

Je ne pus m’empêcher de sourire, touché plus que je ne l’aurais cru. L’attirant brusquement à moi en passant mon bras autour de son cou, je répondis :

- Je suis content de t’avoir comme compagnon de voyage Gwen !

Puis dans un rire qui contrastait avec mes paroles, j’ajoutais :

- Si tu me connaissais vraiment Gwen, tu serais déjà en train de courir chez ton père.

- Je suis sur que tu n’es pas aussi horrible que tu penses l’être. Tu es quelqu’un de bien !

Je ne pus m’empêcher de lui sourire, plus touché que je ne l’aurais pensé par ses paroles. Le libérant de mon étreinte, je le laissais libre et nous reprîmes la route sur un ton plus léger. Je me rendis rapidement compte de l’état de fatigue dans lequel était Gwen. Il avait beau tenté de tenir mon rythme, ses pauses incessantes et ses cernes parlaient pour lui. Ne pouvant lui imposer ce rythme plus longtemps je lui proposais de s’arrêter dans un refuge abandonné pour passer les prochaines nuits et se reposer. L’idée de me couper un peu du monde après ce que nous avions vécu m’enchantait plus que je ne voulais le laisser paraître. Gwendal fut enchanté par l’idée et accéléra le pas.

Il faisait nuit lorsque nous arrivâmes au refuge. Comment je l’avais pensé, il était tellement isolé que tout le monde avait oublié jusqu’à son existence. Installé près d’une rivière en sous bois, nous serions tranquille ici.

Je proposais à Gwendal de faire un feu au vu de la fraîcheur de la nuit et de dormir dehors pour regarder les étoiles. Il accepta avec plaisir. Il installa le lit et je ne fis aucun commentaire en le voyant en préparer un seul pour nous accueillir tous les deux et non deux séparés. Pour ma part, j’allais ramasser assez de bois pour nous tenir chaud une partie de la nuit et préparais à manger après avoir allumé le feu. Après s’être rempli le ventre d’un bon repas chaud, nous nous installâmes tout près du feu le plus confortablement possible.

Si Gwendal avait préparé un lit unique, il ne vint cependant pas de lui même contre moi, gardant une distance respectable. Ce fut moi-même qui me surpris. A la recherche d’un contact, je passais mon bras autour de son corps frêle et l’attirais tout contre moi. Gwendal resta tendu mais ne me repoussa pas. Et lorsqu’il fut enfin détendu, il s’installa confortablement, la tête posée sur mon bras pour admirer la voûte céleste.

Après avoir repéré celles qu’ils connaissaient déjà, il me demanda de lui en apprendre une nouvelle, chose que je fis avec plaisir. Peu à peu, le silence vient s’installer entre nous. Me redressant, m’attirant un gémissement de mécontentement, j’alimentais le feu qui commençait à mourir avant de reprendre ma place près de lui.

- Gwen, finis-je par demander en brisant le silence.

- Hn ? Répondit-il faiblement.

- Qu’est ce que tu aimerais faire ?

- Comment ça ? Me demanda-t-il, sans cacher son incompréhension.

- C’est toujours moi qui choisi ou l’on va et ce qu’on fait, mais j’aimerais savoir ce que toi tu veux faire ou bien où tu veux aller.

- Je… J’aurais bien aimé aller en France, se risqua-t-il, hésitant.

Me tendant presque aussitôt, ma réaction ne passa pas inaperçue. Gwendal ajouta alors :

- Mais je sais que c’est loin d’être une destination rêvée pour toi alors, pourquoi pas l’Ecosse ?

- Va pour l’Ecosse, répondis-je soulagé, éludant le sujet que nous avions failli aborder.

Le silence revint à nouveau jusqu’à ce que Gwendal, à nouveau titillé par les questions à mon sujet, me demanda :

- Est ce que j’ai le droit de te poser une question ?  Une seule…

- Vas-y soupirais-je. Mais je ne te promets pas de te répondre.

- Tu n’as jamais cherché à savoir qui était ton père ?

Je ne pus m’empêcher de rire face à sa question, avant de répondre :

- Gwen, ma mère était une prostituée. Elle couchait avec des tas de mecs chaque soir alors partir à la recherche de mon père, c’est une mission impossible. Et puis, même si j’en avais la possibilité, je ne voudrais pas savoir.

- Pourquoi ? Répliqua-t-il aussitôt. Tu n’es pas curieux ? Ca ne te manque pas de ne pas avoir de père ?

- Je ne sais pas ce que c’est, alors comment ça pourrait me manquer. Gwen, je crois qu’il vaut mieux que tu considères que je n’ai pas eu de parents. Ma mère ne s’est jamais occupée de moi et la plupart du temps les rôles étaient inversés…

- Comment ça ? Demanda-t-il aussitôt.

- J’étais d’accord pour répondre à une question Gwen, pas dix. Pourquoi tu es aussi intéressé par le fait de connaître mon passé ? Dis-je en m’étonnant de la patience dont je faisais preuve avec lui.

Plus d’une personne s’était attiré mes foudres pour m’avoir demandé moins que ça. D’ailleurs, Gwendal semblait être la seule personne qui en savait autant sur moi.

- Chercher à se connaître, c’est ce que font les gens normaux, répliqua-t-il.

- Nous ne sommes pas normaux, dis-je en riant.

- Qu’est ce que tu sous-entends par là ? Demanda-t-il perdu.

- Un fils de prostituée et un garçon de noble famille qui parcourent les routes ensemble, Gwen, c’est pas vraiment commun. Lui expliquais-je.

Gwendal ne répondit pas tout de suite et alors que je pensais que c’était la fin de la discussion. Mais j’eus tort. La petite voix de mon compagnon résonna à nouveau :

- Je suis sur que ta mère était plus qu’une prostituée, tu as l’air de tout le temps la dénigrée. Elle n’a juste jamais su te montrer qu’elle t’aimait.

- Elle ne m’aimait pas Gwendal ! Une droguée n’aime personne… Juste la drogue.

Sentant ma gorge se nouer et de sombres souvenirs me revenir en tête, je me tendis sans pouvoir me contrôler alors que je rajoutais :

- Maintenant j’aimerais vraiment qu’on change de sujet, d’accord ?

- Désolé, murmura-t-il, gêné et il me sembla, presque peiné.

Sans que je ne comprenne pourquoi, étonné de sa réaction; Gwendal se tourna vers moi, et passa son bras fin sur mon torse avant de poser sa tête sur mon épaule. Touché par son geste, je l’entourais de mon bras, passant lentement ma main sur son dos.

- Bonne nuit, murmurais-je.

- Bonne nuit, Hayden, souffla-t-il.

S’il trouva le sommeil peu de temps après, ce ne fut pas mon cas. Je fus saisi de l’angoisse des rêves que je pouvais faire. Mal à l’aise, j’aurais voulu me lever et aller marcher seul dans la forêt, pour me changer les idées, mais la silhouette de Gwen accroché à la mienne m’en empêchait. Je restais une bonne partie de la nuit plongé dans mes souvenirs, le regard fixé sur le feu qui s’éteignait peu à peu. Puis, sans prévenir, le sommeil vint me faucher, m’emportant dans un monde étrange, sans le moindre songe.

Lorsque je me réveillais le lendemain, j’eus la surprise de ne pas retrouver Gwendal près de moi. C’était étrange, il était normalement celui qu’il fallait tirer du sommeil chaque matin. Cependant, m’avisant de la position du soleil je compris qu’il n’était pas loin de midi. Intrigué de ne pas le voir dans les parages, je rangeais les duvets et décidais d’allait me laver à la rivière. Attrapant des vêtements propres et mon nécessaire de toilette, je me dirigeais vers la rivière.

Quelle ne fut pas ma surprise de voir Gwendal de dos, complètement nu en train de se nettoyer. Ses vêtements ne le dissimulant plus, je pouvais voir à quel point il était fin, mais je n’aurais pas pensé que cela soit à ce point. Laissant mes yeux glisser sur sa peau blanche qui semblait si douce au toucher, je ne réalisais pas que je m’étais arrêté.

Hypnotisé je n’arrivais pas à décrocher mon regard. Si j’avais déjà éprouvé du désir pour lui, ce sentiment fut décuplé. J’avais envie de m’approcher de lui, d’embrasser délicatement sa nuque après avoir effleuré sa peau frêle encore et encore… Je ne sus ce qui l’avertit de ma présence. Surement mon regard insistant. Il était vrai que je le dévorais du regard. Se tournant, remarquant ma présence, il s’abaissa aussitôt, plongeant dans le peu d’eau glacé de la rivière qui ne cacha presque rien.

- Tu aurais pu me dire que tu étais là ! Pervers ! Cria-t-il. Dégage !

Amusé par sa réaction, je me déshabillais lentement, alors que Gwendal restait immobile et interdit. Une fois dévêtu, non sans un dernier regard vers lui, j’allais à mon tour dans la rivière. Puis, sans me préoccuper plus de lui, j’entrepris de me laver. L’eau était gelée, mais il n’y avait rien de mieux et de plus vivifiant.

Voyant qu’il n’avait pas bouger d’un poil, je me tournais vers lui et déclarais amusé :

- Tu sais Gwen, tu n’as vraiment rien à cacher… Tu ne devrais pas avoir honte de ton corps. Tu es beau.

Rougissant d’avantage, il se recroquevilla plus qu’il n’était possible dans l’eau, sans décrocher un mot.

- Et en plus, nous sommes fait pareil alors…

Puis sans plus de cérémonie, je continuais de me laver tandis que Gwen ne bougeait pas d’un pouce. Une fois les cheveux propres, je retournais à mes affaires et me séchais vigoureusement. Tournant brusquement la tête, je vis Gwen détourner aussitôt le regard comme pris en faute, devenant plus écarlate qu’il n’était possible.

- Et après tu dis que c’est moi le pervers, dis-je en riant. Tu devrais sortir de l’eau Gwendal. Tu vas attraper la mort à rester sans bouger, l’eau est glacée.

Niant mes paroles, Gwendal se recroquevilla encore plus sur lui même. Comment pouvait-on être aussi têtu. Une fois habillé, je lui dis :

- Je vais préparer le déjeuner, je t’attends pour manger.

Gwendal ne répondit rien et ne bougea pas jusqu’à ce que je sois parti. Arrivant près de nos sacs, j’étendais ma serviette et allais voir le refuge. Attrapant un vieux balai, j’entrepris de faire un brun de ménage. L’endroit était clairement abandonné et quelque peu délabré, mais je savais que ce n’était qu’une façade. Son constructeur était doué et avait rendu les murs résistants.

Après avoir tout débarrassé, je repoussais le nettoyage aux grandes eaux à plus tard et préparais le déjeuner, Gwendal ne tarderait pas.

Il arriva, la mine renfrognée, me lançant un regard noir. Il ne décrocha pas un mot durant tout le repas et partit avec le livre que je lui avais prêté pour aller lire dans un coin. Ignorant son mauvais caractère, j’allais prendre un vieux saut en bois que j’avais vu dans la cabane, et allais le remplir à la rivière. Une fois fait, j’entrepris de récurer la cabane.

La mettre en ordre me pris plus de temps que je ne l’aurais voulu et lorsque j’eus enfin terminé, l’heure du dîner était déjà entamée. J’allais vers Gwendal qui n’avait pas bougé d’un pouce. Plongé dans sa lecture, c’est à peine s’il leva la tête vers moi. Cependant, ne voyant pas les pages tourner, je compris qu’il m’ignorait simplement. Agacé, je lui demandais alors :

- Qu’est ce qui passe ? Pourquoi est ce que tu boudes Gwen…

Face à l’absence de réponse de sa part, je soupirais.

- Je vais préparer à manger…

Me dirigeant vers nos sacs, j’entrepris de ranger ce qui était possible dans la cabane. Autant s’installer confortablement. Je fus surpris de la différence de la cabane. J’avais fait du bon boulot, elle était tout simplement méconnaissable. Utilisant le bois ramassé la veille, je réussis à allumer le vieux poêle et bientôt de la fumée s’échappait de la cheminée en métal noir. Attrapant des assiettes propres, j’allais dehors à la recherche d’herbes comestibles. Avec les quelques légumes que nous possédions, je fis une petite soupe.

Avec le pain sec, je tentais de faire des croutons. J’agrémentais le tout de viande séchée et du peu de fromage qu’il nous restait, vidant le restant de pâte à cuire dans la soupe. Jamais je ne m’étais préparé un plat aussi consistant et élaboré lorsque j’étais tout seul, mais le physique de Gwendal me rappelait qu’il avait besoin de se nourrir. Je ne m’inquiétais pas plus que cela. Il avait juste besoin d’habituer son corps à un tel rythme de vie.

Une fois le repas près j’appelais Gwendal qui vint en traînant les pieds. Son regard changeant lorsqu’il vit la table mise et maugréât un rapide merci avant d’attaquer son repas avec appétit, sans décrocher un mot de plus.

- Que dirais-tu de rester ici quelques temps ?

- Pourquoi pas. Dit-il comme si décrochait ces deux mots lui demandait un effort considérable.

- J’irais faire quelques cours demain pour que l’on soit tranquille pour quelques temps. Nos provisions sont à sec. Tu resteras ici pour garder nos sacs et surtout te reposer. Ca te convient.

- Oui. Souffla-t-il.

Me redressant brusquement je craquais. Il avait réussit à me couper l’appétit.

- Qu’est ce que tu peux être pénible quand tu t’y mets Gwen.

Et sans plus de cérémonie, j’allais vers le foyer du feu et entrepris de l’allumer. La nuit était en train de tomber et la fraîcheur aussi. Sans m’adresser un seul mot, Gwendal ne tarda pas à me rejoindre, s’installant dans le lit que je venais de préparer. Il avait rangé le repas et mis la vaisselle à tremper dans le saut en bois. Fatigué par la journée, je décidais d’aller le rejoindre. Espérant qu’il abandonne enfin, je tentais de m’approcher de lui, et de le prendre dans mes bras. Gwen se tourna aussitôt de l’autre côté et m’ignora. Soupirant, je ne fis aucun commentaire, me promettant de crever l’abcès le lendemain, lorsque je reviendrais de la ville. Elle était à une bonne demi-journée de marche.

Le lendemain, je me réveillais à l’aube. Sortant silencieusement du lit, j’allais prendre une douche matinale. Avalant un rapide petit déjeuner, j’enfournais dans mon sac vide de quoi manger à midi. Attrapant un papier je laissais une petite note à Gwendal lui expliquant que je rentrerais tard ce soir. Je pris soin de la poser à côté de son petit déjeuner et pris le chemin de la ville.

Pour la première fois durant toute mon existence, je me sentis étrangement solitaire durant mon trajet. Je réalisais que j’étais en train de prendre gout à l’idée d’avoir un compagnon de voyage et l’idée me déplaisait malgré moi. Je ne voulais surtout pas être dépendant de quelqu’un où éprouver une attache pour qui que ce soit.

Et pourtant, Gwen ne quitta pas mes pensées de toute la journée. Est-ce qu’il allait bien ? Il m’était impossible de cacher mon inquiétude pour lui. Arrivé en ville plus tard que je ne l’aurais cru, j’achetais le nécessaire pour manger et pris le luxe d’acheter quelques vêtements de voyage plus confortables pour Gwen et de nouveaux pour moi. Ayant une mémoire visuelle, je ne pensais pas m’être trompé dans les tailles de vêtements. Je passais aussi chez un bouquiniste revendant mes livres pour en avoir de nouveaux. Une fois toutes mes courses finies je m’offris même le luxe de boire une bière au soleil dans un bar avant de prendre le chemin du retour.

Je n’arrivais que tard le soir, le soleil s’était déjà couché. Gwen était en train d’essayer pitoyablement d’allumer le feu et au vu de sa posture et de son énervement, je devinais qu’il était en train d’essayer depuis un moment. Posant mon sac, j’allais vers lui, décidé à lui apprendre quelque chose qui pourrait lui être utile.

- Est-ce que tu aurais besoin d’aide ? Lui demandais-je en m’approchant de lui.

Se tournant vers moi, il jeta rageusement son bâton dans le foyer du feu.

- Je n’y arriverais jamais ! Ca fait deux heures que je m’acharne sur ce maudit feu et je n’y arrive pas ! Et toi ! Cria-t-il. Qu’est-ce que tu faisais ! J’étais mort d’inquiétude de ne pas te voir revenir.

- Calme-toi Gwen… Ca a juste pris plus de temps que prévu… Tu sais bien que je ne t’aurais jamais abandonné, dis-je d’une voix posée.

- Mais il aurait pu t’arriver quelque chose. Peut-être que Thomas aurait pu te retrouver ou, je ne sais pas…

- Je vis seul depuis des années Gwendal et même si il y a des risques, il ne m’est jamais rien arrivé. Tentais-je de le rassurer.

- Menteur ! Quand on s’est rencontré, on venait de te poignarder…

- Et je suis toujours vivant Gwen… Je suis là…

Il n’en fallut pas plus à Gwendal pour s’effondrer brusquement en sanglots. Son petit corps fut secoué de spasmes et mon coeur se serra. Espérant qu’il ne me repousserait pas, je m’approchais lentement de lui et l’attirais dans mes bras.

 - Il ne m’arrivera rien Gwendal… Soufflais-je en passant mes bras autour de son corps.

Gwendal ne me repoussa pas et pleura encore plus fort avant d’ajouter entre deux sanglots.

- Tu ne peux pas dire ça… Tu ne sais pas…

Le serrant plus fort, je le consolais du mieux que je pouvais passant ma main dans son dos en une caresse réconfortante. Gwendal mit un temps fou avant de se calmer enfin. Cependant, il ne s’écarta pas lorsqu’il eut terminé de pleurer. Il resta là blotti tout contre moi. Ce fut son ventre qui gargouilla qui me fit le repousser gentiment avec un sourire :

- Et si je t’apprenais à allumer un feu et que l’on préparait à manger ?

Gwen acquiesça silencieusement. Patiemment, je lui appris à faire un feu et il s’avéra une fois de plus très bon élève. Cependant, il semblait toujours distant et rancunier. Alors que je sortais les provisions de mon sac et lui laissais choisir ce qu’il voulait manger, je finis par lui demander une fois de plus :

- Et si tu me disais maintenant, ce qui ne va pas ?

- Je voulais te punir, marmonna-t-il.

- Me punir ? Demandais-je, sans cacher ma surprise. Mais de quoi ?

- Parce que je t’en veux de t’être moqué de moi.

Je ne pus m’empêcher de dire en répondant :

- A cause de la rivière ?

Gwendal acquiesça et je ne pus m’empêcher de continuer à rire en repensant à ce moment là et à la tête qu’il faisait.

- Tu vois ! S’exclama-t-il. Tu le fais encore ! Tu te moques de moi. Ajouta-t-il boudeur.

Parvenant à arrêter mon fou rire, je le regardais alors avec tendresse avant de tenter de reprendre mon sérieux.

- Tu sais, Gwen, il faut que tu apprennes à avoir de l’humour sur toi-même et ne pas être susceptible comme ça. Je ne l’ai vraiment pas fait méchamment. Mais je m’excuse si ça t’a blessé… S’il te plait à l’avenir, dis-moi quand tu trouves que je vais trop loin. D’accord ?

Gwendal me sourit, enfin détendu, oubliant sa rancune. Nous finîmes de préparer à manger et je le laissais un instant pour aller me laver rapidement dans la rivière. Après cette journée de marche et la chaleur qu’il avait fait, je voulais me débarrasser de la crasse et de la sueur. Je fis pourtant très vite au vue de la fraicheur du soir et de l’eau glacée. Je reviens en courant jusqu’au feu, pour tenter de me réchauffer, m’asseyant tout près de celui-ci. Gwen me tendis mon assiette et nous mangeâmes en parlant de tout et de rien.

Lorsque nous en étions au dessert, je demandais à Gwen de me passer mon sac. Il s’exécuta et je me mis à fouiller dedans. Trouvant ce que je voulais, je tendis un sachet plastique à Gwendal. Il contenait un pull en laine qui lui tiendrait chaud lorsque l’été prendrait fin et que les nuits deviendrait de plus en plus fraiche, deux jeans, et quelques tee-shirts. Gwendal déballa le tout sous mon oeil attendri.

- Je… Merci Hayden… Mais il ne fallait pas, j’ai pleins de vêtements…

- Ceux-ci seront plus adaptés pour la vie que nous menons, dis-je avec un petit sourire.

- Merci, souffla-t-il à nouveau.

- Tu n’as pas à me dire merci, soufflais-je.

Nous entreprîmes ensuite de tout ranger et je ne rechignais pas à aller me coucher une fois que tout fut terminé. A ma plus grande surprise, j’eus à peine le temps de me mettre dans le duvet que Gwendal vint se coller à moi. Loin de le repousser, je le pris tout contre moi, soupirant de bien-être. Nous n’admirâmes pas les étoiles cette nuit là, fermant les yeux aussitôt, fatigués de notre journée. Ce fut blotti l’un contre l’autre que nous partîmes rejoindre le royaume des cieux.

A suivre… 

 

 

 

 

 

6
déc

Once in a lifetime - chapitre 08

   Ecrit par : admin   in Once in a life time

Chapire 08 par Shinigami

 

 

Lorsque je repris connaissance, j’étais adossé contre un arbre et ma tête était sur le point d’exploser. Jamais de ma vie je ne m’étais senti aussi mal. J’avais incroyablement chaud, comme si mon sang bouillonait dans mes veines et ma gorge semblait en feu. Le simple fait de déglutir était pour moi une véritable torture. Ouvrant les yeux, je fus prit d’un violent vertige et je dus me prendre la tête entre mes mains afin de ne pas perdre le peu d’équilibre qui me restait.
Plongé dans mes pensées, je n’entendis pas Hayden me rejoindre et s’agenouiller en face de moi, si bien que je sursautais lorsqu’il demanda :

- Gwendal, est-ce que ça va ?
Effrayé de le voir aussi près de moi aussi soudainement, j’esquissais un mouvement de recul.
- Ne t’approche pas ! Soufflais-je, ma gorge douloureuse ne me permettant pas de parler normalement.

- Arrête de faire l’enfant, Gwen… Soupira Hayden.
Puis, sans me laisser le choix, il posa la serviette qu’il tenait dans la main sur mon front. Sous la fraîcheur qui s’en dégageait, je soupirais de bien être.
- Pourquoi tu ne m’as pas dit que tu te sentais aussi mal ? Demanda mon vis à vis.
- Parce que… Parce que tu n’en as rien à faire de moi, murmurais-je sans réellement prendre conscience de ce que je disais.
J’entendis nettememnt Hayden soupirer, cependant, il ne répondit rien.
- Ne bouge pas d’ici, déclara-t-il en se redressant. Je reviens…
Il est malin lui ! Comme si je pouvais aller quelque part dans l’état dans lequel j’étais. Tout ce dont j’avais envie en cette instant, c’était de mourir. Et accéssoirement, d’un bon bain glacé avec un énorme iceberg flottant dans l’eau… Je ne saurais dire combien de temps je restais là, assis sous mon arbre, luttant contre l’évanouissement à attendre Hayden. Mon esprit vagabonda et je brusquement, je me rappelais la discussion houleuse que nous avions avant que je ne m’évanouisse, manquant de vomir en me souvenant de la nuit que je venais de passer. Losqu’il revint enfin, j’avais l’impression qu’une éternité s’était écoulée.
- Je me suis permis de prendre de l’argent dans ton sac pour payer le médecin, m’expliqua-t-il. Tu te sens de te lever, je vais t’aider.
Alors qu’il tendais une main vers moi, je la repoussais mollement, toute énergie m’ayant désertée :

- Ne me touche pas, tu es répugnant, tu me dégoûtes… Souffais-je, la tête lourde.
Ignorant mes vaines protestations, Hayden m’attrapa par le poignet et me hissa sur mes jambes sans la moindre difficulté. Sans me laisser le choix, il passa mon bras autour de son cou et me soutenant fermement, il commença à marcher. Dans un geste qui relevait plus de l’automatisme que de ma propre volonté, je lui emboitais péniblement le pas, à moitié dans les vappes. Je ne saurais dire combien de temps nous marchâmes, mais cela me parût une éternité. Mon corps tout entier n’était plus que courbatures et douleurs et la seule chose à laquelle j’aspirais, c’était dormir. C’est à peine si j’arrivais à garder les yeux ouverts… Alors que je trébuchais une fois de plus, manquant de tomber, Hayden s’arrêta subitement et m’ordonna de grimper sur son dos. C’est avec énormément de difficultés que j’obéis, passant mollement mes bras autour de son cou. Bientôt, écoeuré par les ballançements de ses pas, je posais ma tête contre sa nuque à la recherche d’un peu de fraîcheur.
Je dus m’endormir car lorsque j’ouvris de nouveau les yeux, j’étais avachi sur une chaise, un air frais terriblement agréable me soufflant au visage. L’instant d’après, un homme vêtu d’une chemise blanche vint me chercher. Docilement, je lui suivit tant bien que mal jusqu’à son cabinet. Après m’avoir demandé mes symptômes, il me demanda mon nom et prénom. J’eu tout de même assez conscience de ce qui se passait pour ne pas lui donner mes véritables noms, donnant le premiers qui me venaient à l’esprit. S’il parut sceptique, l’homme n’en laissa rien paraître et m’invita à me dévêtir. Un peu réticent, je finis par céder à sa demande et à moitié nu, j’allais m’installer sur le banc d’oscultation. Durant les cinq minutes qui suivirent, il me fit passer tout un tas de test et d’examen qui, si je n’avais pas été aussi mal, m’auraient sûrement fait rire.
Puis, il me donna un verre d’eau et plusieurs cachets à avaler avant de déclarer :
- Vous pouvez vous rhabiller… Bien, je vais aller chercher votre ami, asseyez-vous !
Sur ce, il sorti de la pièce pour en revenir l’instant d’après, suivit par Hayden.
- Votre ami a une angine, déclara le médecin lorsqu’Hayden eut prit place en face de lui. Ce n’est rien de grave si cela est traité à temps. Je lui ai donné une ordonnance précise et lui ait déjà donné un anti-fièvre et quelques médicaments.
- Merci beaucoup, répondit Hayden.
- Il dit s’appeler Julien. Je veux bien garder cette version et ne rien ébruiter. Mais cela nécessite une petite contrepartie, en plus de prix de la consultation…
L’esprit encore un peu embrumé par la fièvre, je ne compris pas toute la conversation, observant distraitement Hayden payer le médecin.
- Très bien, déclara le docteur en rangeant l’argent dans son tiroir. Je ne vous ai jamais vu, vous pouvez sortir. Un repas chaud ce soir, les médicaments suivant les prescriptions et Julien sera sur pied dans deux jours comme si rien ne lui était arrivé !
Sur ce, nous quittâmes le cabinet et Hayden m’aida à marcher. La fièvre semblait être tombée, mais cela n’empêchait pas le sol de trembler à chaque pas que je faisais et mes jambes semblaient être devenues du côton. Arrivé à l’entrée de la ville, il m’aida à m’asseoir à l’ombre d’un arbre et, m’ordonnant de l’attendre là, l’ordonnance en main, il partit chercher mes médicaments. Il n’était pas parti depuis quelques minutes que je sombrais dans un demi-sommeil, assomé par la chaleur, la maladie et les médicaments. Après ce qui sembla être un petit quart d’heure, Hayden refit son apparition et se plantant devant moi, il m’ordonna :
- Lève-toi.
Refusant de saisir la main qu’il me tendait, je me redressais non sans difficultés.
- On ne retourne pas chez Max, m’empressais-je de demander, en m’appuyant contre l’arbre le temps de retrouver mon équilibre.
- Non, répondit-il. Je n’abuserais pas de son hospitalité. Il y a une grange abandonnée pas loin. J’y ai laissé nos affaires. Nous passerons quelques jours là bas, tu pourra te rétablir.
Soulagé, j’entrepris alors de le suivre d’un mal mal assuré, le sol tanguant violemment. Me voyant faire, Hayden déclara :
- Laisse-moi te porter, il vaut mieux que tu économises tes forces pour guérir.
Je lui fus profondément reconnaissant de cette proposition, ne me sentant pas la force de marcher encore et en un rien de temps, je fus de nouveau sur son dos.
- C’est horrible, murmurais-je alors. Je n’ai jamais été malade…
- Il faut une première fois à tout, déclara Hayden en se mettant en marche.
Hayden marchant d’un pas énergique, nous fûmes rapidement à la grande. Me déposant délicatement au sol, il entreprit de sortir mon duvet de mon sac et me prépara un lit avant de m’inviter à m’allonger. Je ne me le fis pas dire deux fois et à peine fus-je couché que je sombrais dans un profond sommeil. Je ne saurais dire combien de temps je dormis, mais lorsque je me réveillais, tout engourdi, le soleil avait disparut derrière les arbres. J’étirais longuement mon corps douloureusement courbaturé, constatant avec satisfaction que ma fièvre avait baissée. Puis, je me levais et allais rejoindre Hayden que j’entendais brasser à l’extérieur. Cependant, même si je me sentais beaucoup mieux, le simple fait de marcher jusqu’à Hayden me fatigua énormément. Les jambes tremblantes, je m’assis près de lui.
- Qu’est-ce que tu prépares ? Demandais-je, curieux.
- Une soupe, pour que tu prennes tes médicaments sans avoir l’estomac vide, répondit-il.
- Je n’aime pas la soupe, répondis-je boudeur, en esquissant un grimace dépit.
- Et bien tu te forcera ! Répliqua Hayden avec fermeté. Je n’ai pas fait deux heures de marche et une bonne heure de cuisine pour que monsieur le malade fasse la fine bouche.
Je ne répondis rien à ceci et Hayden poursuivit en riant :
- Tu es presque agréable quand tu es malade.
- Ah ah ! Marmonnais-je, vexé de sa précédente remarque.
Attrapant une gamelle propre, Hayden la rempli de soupe fumante avant de me la tendre :
- Voilà, c’est prêt, déclara-t-il.
A contrecoeur, je m’emparais de l’assiette et Hayden me tendis une cuillère avant de s’éclipser. Il revint avec mes médicaments qu’il me donna. Je mangeais silencieusement, et aucun mot ne fut échangé durant le repas. Lorsque j’eu terminé mon assiette et pris mes cachets, je me relevais. La fièvre semblait avoir monté de nouveau, et tout mon corps était brûlant. Une fois debout, de déclarais d’une petite voix :
- Je… Je retourne me coucher. Bonne nuit.
- Bonne nuit Gwen, répondit-il. Si tu as besoin de quelque chose n’hésite pas.
- Merci… Murmurais-je faiblement avant de regagner mon lit.
A peine avais-je fermé les yeux que de nouveau, je sombrais dans un profond sommeil sans rêves.
Le lendemain fut semblable à la veille, si ce n’est que je me sentais déjà mieux. La nuit avait été plus que bénéfique et la fièvre était tombée. Et même si j’avais toujours énormément mal à la gorge, je me sentais bien plus en forme que je ne l’avais été ces deux derniers jours. Alors que le soleil déclinait à l’horizon, annonçant une fin de journée des plus douces, j’allais m’asseoir près d’Hayden qui lisait tranquillement. Depuis un moment déjà j’avais réfléchit au comportement d’Hayden et malgré moi, je ne pouvais m’empêcher de trouver sa façon d’agir obscène. Comment pouvait-il ainsi coucher avec autant de personnes différentes ? N’avait-il aucune estime de lui-même ?
Ferment son livre, Hayden s’approcha de moi.
- Comment te sens-tu ? Demanda-t-il.
Je ne répondis rien et face à mon absence de réponse, il posa sa main sur mon front. Sursautant à ce contact, je le repoussais vivement :
- Combien de fois est-ce que je t’ai dis de ne pas me toucher, déclarais-je.
- J’ai la réponse à ma question, répliqua-t-il, agacé. Oh et puis merde à la fin. Je me demande pourquoi je m’entête avec toi. Tu as une attitude d’enfant gâté. Tu es vraiment insupportable quand tu es comme ça, s’emporta-t-il.
- Si je suis insupportable, tu n’as qu’à partir ! M’exclamais-je. Je me débrouillerais tout seul.
- J’aimerais bien voir ça ! Railla-t-il en se moquant ouvertement de moi.
Vexé, je répondis brusquement :
- Je me débrouillerais mieux que toi en tout cas !
Hayden cessa subitement de rire et demanda, froidement !
- Qu’est-ce que tu sous-entends par là ?
- Jamais je ne m’abaisserais à coucher avec quelqu’un pour avoir un toi ! Criais-je, furieux.
- Ca n’a strictement rien à voir ! S’exclama Hayden avec verve. Je n’ai pas couché avec lui pour avoir un toi mais parce que je voulais me faire plaisir, chose que tu sembles toujours t’interdir ! Répliqua-t-il avec colère.
- Le fait est là ! M’exclamais-je, ignorant sa dernière remarque. Tu as couché avec celui qui t’héberge, ce n’est pas mieux que ce que faisait ta mère pour de l’argent…
A peine eussais-je terminé ma phrase que déjà je regrettais de l’avoir prononcée. Les mots étaient sortis de ma bouche avant que je ne prenne conscience de ce que je disais et je me sentis subitement envahi de honte. Le regard que me lança Hayden acheva de me faire regretter mes paroles. Je l’avais blessé… Ca n’avait pas été mon intention, mais je l’avais fait quand même. Brusquement, il se leva et frappa violemment contre les vieilles planches en bois de la grange qui cédèrent sous le choc, me faisant sursauter. Puis, il reporta son attention sur moi. Craignant qu’il ne me fasse subir le même sort qu’aux planches de bois, j’eu un mouvement de recul, apeuré. Cependant, il se contenta de me demander, d’une voix glaciale :
- Tu as enquêté à ce point sur moi ? Je ne sais pas comment tu as su ! Et toutes ces questions que tu me posais innocement ! Je ne te croyais pas comme ça Gwendal !
Sans un mot de plus, il me tourna le dos et s’éloigna d’un pas vif, me laissant complêtement abassourdi derrière lui. Qu’est-ce qu’il allait s’imaginer ? Jamais je n’avais mené la moindre enquête contre lui ! Quant aux questions que je lui posais, n’était-il pas normal que deux personnes se posent des questions pour apprendre à ce connaître ? Si nous devions faire un bout de chemin ensemble, n’était-il pas normal que nous apprenions à nous connaître ? N’avais-je pas le droit de me renseigner ? Jamais je n’avais chercher à en apprendre plus sur lui contre son gré… J’avais bêtement répétés les mots de mon père…
Je ne sais combien de temps je restais là, immobile à l’entrée de la grange. Plus le temps passait et plus je craignais qu’Hayden ne me prenne au mot et ne revienne pas. Car malgré ce que lui avait affirmé, je n’étais pas sûr de savoir me débrouiller seul aussi bien que lui le faisait… Lorsque le temps tourna à la pluie et qu’une averse s’abattie sur la forêt, je m’attendais à voir Hayden débouller en courant. Cependant, lorsque l’averse se fut calmée, il n’y avait toujours aucune trace de lui aux alentours. Et subitement, je fus prit d’un doute horrible. Et s’il lui était arrivé quelque chose ? S’il avait été attaqué par des brigands ? Un ours ? S’il était mort ?
Alors que je m’imaginais mille et un scénario catastrophe je le vis sortir des bois et venir dans ma direction en un seul morceau et trempé. Je lui adressais alors un regard empli de soulagement et de remords qu’il ignora complêtement. Sans un mot pour moi, il alla s’installer à l’extérieur de la grange, la où l’herbe avait été protégée de la pluie. Après un instant d’hésitation, je finis par m’approcher de lui, mais il n’y fit pas attention.
- J’ai cru que tu ne reviendrais pas, déclarais-je d’une voix basse, hésitant, ne sachant comment me comporter avec lui.
Comme je m’y attendais un peu, Hayden n’eut pas la moindre réaction. C’est alors que mon regard se posa sur sa main. Elle était en sang…
- Ta main… Soufflais-je. Il faudrait que tu la soignes…
Hayden sembla se rendre compte seulement maintenant que sa main était blessée. Doucement, il entreprit de faire bouger ses doigts. Puis, visiblement satisfait, il la reposa sur son ventre. Sans un mot, je m’éclipsais à l’intérieur. Là, je fouillais dans le sac d’Hayden à la recherche de quelque chose pour le soigner. Avisant la trousse à pharmacie, je m’en emparais, satisfait, avant de retourner auprès d’Hayden.
- Laisse-moi voir ta main, s’il te plait, déclarais-je en m’agenouillant près de lui.
Semblant se rendre compte seulement maintenant de ma présence, Hayden sursauta avant de reporter son attention sur moi.
- Je croyais que mes mains te dégoûtaient ! Déclara-t-il, acerbe.
- Je peux le supporter le temps de soigner ta main, répondis-je simplement, ne souhaitant pas le voir attraper une infection par ma faute.
Face à l’absence de réaction de mon aîné, je décidais de m’y prendre autrement. Mal à l’aise, je pris mon courage à deux mains et me lançais à l’eau :
- Je m’excuse pour ce que je t’ai dit, murmurais-je. Je n’aurai pas dû… Je suis désolé.
Hayden ne répondit rien. Je réprimais un soupir avant d’insister :
- Hayden, laisse-moi voir ta mail, s’il te plait.
Soupirant, il finit cependant par céder et me la tendit. A la vue du sang coagulé, je du prendre sur moi pour ne pas rendre le contenu de mon estomac. Respirant profondément, j’ouvris la trousse à pharmacie et entrepris soigneusement de panser ses plaies plus ou moins superficielles avec les moyens dont je disposais.
- Comment tu as su pour ma mère ? Demanda Hayden dans un souffle après un temps.
Stoppant mes soins, je reportais mon attention sur lui avant de répondre, mal à l’aise :
- Mon père… Il a enquêter sur toi. Il… Il me l’a dit quand je suis revenu chez moi de force… Je n’aurai pas du te dire ça ! Ajoutais-je. Je ne le pensais pas !
- C’est bon, soupira-t-il. Je m’excuse pour ce que je t’ai dis dans la grotte l’autre soir. On est quitte comme ça, ajouta-t-il en esquissant une ébauche de sourire.
A mon tour, je tentais de lui rendre son sourire, mais je me sentais vraiment trop mal vis à vis de lui pour être entièrement sincère. Le silence s’imposa à nouveau, me laissant le temps de terminer ses soins. Je bandais entièrement la main d’Hayden, laissant seulement ses doigts libres. Alors que je rangeais la trousse à pharmacie, Hayden me remercia. Sans un mot, je retournais la ranger dans son sac. Puis, trouvant une pomme et mon estomac commençant à crier famine, je la saisie et croquais un morceau avant d’aller rejoindre Hayden. En silence, je m’installais à ses côtés, lui tendant la pomme que j’avais prise pour lui. Aussitôt, il déclara :
- Pourquoi est-ce que tu as été aussi désagréable avec Max ? Me demanda-t-il.
- Je ne sais pas, répondis-je honnêtement. Je ne l’aime pas, il ne m’inspire pas confiance.
- Pourquoi ça ? Demanda Hayden, étonné. Il n’y a pas plus gentil et honnête que Max.
- Non mais tu n’as pas vu le regard qu’il posait sur toi ! M’exclamais-je, choqué à ce souvenir, me rappelant parfaitement le regard purement lubrique qu’il avait eu pour Hayden. C’était… Abject ! Pervers ! Répugnant !
A mon plus grand étonnement, je vis Hayden sourire face à mon animosité.
- C’est bon, je crois que j’ai compris, Gwen ! C’était tout simplement du désir, rien de plus…
Je lui adressais un regard sceptique, écoeuré par toute cette histoire. Après une courte pause, Hayden entrepris de m’expliquer :
- Max est parti de rien. Son bar était un bâtiment délabré qu’il a acheté pour une bouchée de pain. En réalité, il y a mis toutes ses économies. Il l’a retapé seul, et il venait tout juste d’ouvrir lorsque je suis arrivé. Il adore raconter son histoire maintenant. Il m’a embauché et j’ai travaillé deux mois pour lui le temps qu’il trouve un remplaçant. Pour ce qui est de ce qui semble t’écoeurer au plus haut point, nous éprouvions une attirance mutuelle et nous avons simplement pris du bon temps ensemble…
- Et bien tu aurais pu le faire discrêtement ! M’exclamais-je à ce souvenir horrible. J’ai passé une nuit atroce !
- Je tenterais d’être plus discrêt la prochaine fois ! Répondit Hayden avec amusement.
- La prochaine fois ? Répétais-je, horrifié. Tu t’envois vraiment en l’air avec n’importe qui ? M’exclamais-je, choqué pour de bon.
- Ca ne te regarde pas ! Décréta-t-il d’un ton un peu sec qui me fit sursauter. Quoi ? Tu es jaloux ? Ajouta-t-il en riant.
- Je ne suis certainement pas jaloux de ça ! M’offusquais-je.
D’ailleurs, je n’arrivais pas à comprendre quel plaisir il pouvait trouver à ce genre de… de batifolage ! Tout cela me dépassait complêtement ! L’acte physique n’était il pas censé être partagé avec la personne que notre coeur avait choisi ? 
J’avais énormément de mal à comprendre qu’il puisse être libertin à ce point. Je savais qu’il avait aimé Julien, donc qu’il le fasse avec lui me choquait moins, mais qu’il le fasse avec Max pour qui il ne semblait éprouver aucun sentiment affectif… Non, décidément, je ne comprenais pas ! Et je lui fis par de mes réflexions, un peu gêné tout de même d’aborder un sujet aussi intime avec lui :
- Je pensais que… Je pensais que tu le faisais avec ceux que tu aimais… Comme avec Julien.
- Tu sais Gwen, commença gravement Hayden, je n’ai jamais aimé quelqu’un au point de tout abandonner pour lui. Je ne sais même pas vraiment ce qu’on ressent. Je te l’ai pourtant dis. Je vis libre et je profite de tous les plaisirs qu’offre cette liberté.
- Mais… Insistais-je, malgré le rouge qui commençait à me monter aux joues. C’est pourtant un acte extrêmement intime. Comment peux-tu le faire avec quelqu’un que tu connais à peine. Ca doit être affreux !
- Si c’était affreux, crois-moi, j’aurais cessé depuis longtemps ! S’exclama-t-il en riant.
Je n’arrivais pas à croire que je parlais de… “ça” ! Et avec personne d’autre qu’Hayden qui plus est ! La personne la plus désinihibée qu’il m’était donné de rencontrer. Pour ma part, je rêvais de rencontrer un jour la personne qui ferait battre mon coeur, la personne que j’aimerai plus que tout au monde. Cette personne avec qui je partagerais tout, mes peines, mes joies, mes rêves et mes espoirs…
- Tu sais, Gwendal, reprit Hayden, m’interrompant dans mes pensées, ce que tu sembles idéaliser, je ne l’ai jamais connu. Cela est peut-être du à mma mère, mais… J’ai vraiment du mal à croire à l’existence d’une telle chose.
- Tu ne l’a peut-être jamais chercher, déclarais-je avec un petit sourire.
- Peut-être, murmura-t-il.
Le silence nous enveloppa de nouveau, chacun méditant sur les paroles de l’autre. Hayden attaqua la pomme que je lui avais apportée et j’en fis de même, terminant la mienne. Une question me venant à l’esprit, je demandais alors :
- Tu es resté en contact avec ta mère ? Tu sais ce qu’elle devient ?
A cette question, Hayden manqua de s’étouffer et je réalisais seulement que peut-être, je venais de dire une bétise. Ancrant son regard au mien d’un air grave qui me confirma dans mes doutes, Hayden déclara alors :
- Je n’ai pas la moindre envie de parler de ça, Gwendal ! S’il te plait, arrête de me questionner sur mon passé.
Alors que je m’apprêtais à m’excuser au vue de sa réaction, il ajouta aussitôt :
- Je te propose la chose suivante : tu arrêtes de m’interroger et en échange, je veux bien tenter de t’apprendre le français. Mais je ne te promets rien. Cela fait très longtemps que je ne l’ai pas parlé.
- Je… Tu n’es pas obligé, soufflais-je, embarrassé.
Pour toute réponse, Hayden me tendit sa main :
- Je ne te le proposerais pas deux fois, Gwen. Alors ?
Après un instant d’hésitation, je finis par saisir la main qu’il me tendait.
- C’est d’accord ! Déclarais-je, saisissant sa main.
Sans que je ne comprenne pourquoi, Hayden posa subitement sa main sur mon front.
- Gwendal, tu devrais te reposer et dormir un peu, déclara-t-il. Nous sommes là pour ça. Tu es brûlant de fièvre.
Plongé dans notre discussion, je n’avais pas senti ma température augmenter, mais ramené à la réalité par Hayden, je devais me rendre à l’évidence, je n’allais pas très bien. Sans attendre de réponse de ma part, il se leva et me tendis la main pour m’aider à faire de même. Alors que je me levais, je fus brusquement pris d’un vertige et Hayden dut me retenir. Avec précaution et une douceur que je n’aurai jamais cru chez lui, il m’accompagna jusqu’à mon lit de fortune sur lequel je m’étendis sans la moindre protestation. L’instant d’après, il s’éclipsait pour revenir avec mes cachets et une serviette humide.
- Dors, souffla-t-il après avoir passé une main dans mes cheveux en un geste tendre qui m’étonna.
Cette nuit là, je dormis très mal, rongé par la fièvre. Claquant des dents, je tentais d’appeler Hayden, mais rien d’autre qu’un murmure ne s’échappa de ma gorge en feu.
- Gwendal ? Ca va ? Demanda Hayden en se précipitant à mon chevet.
- Non, murmurais-je. J’ai soif et je suis gelé.
- Tu es pourtant brûlant, déclara Hayden en posant sa main sur mon front. Bouge pas, je t’apporte à boire.
Je le remerciais mentalement. Au vue des courbatures qui contractaient mes muscles, j’aurai été incapable de sortir de mon duvet. En un rien de temps, il fut de nouveau à mes côtés, remplissant un gobelet d’eau fraîche. Avec l’eau, il me donna à nouveau un cachet contre la fièvre.
- J’ai mal à la gorge, gémis-je tentant de boire malgré ma gorge enflammée.
- Là… Souffla Hayden en me caressant tendrement la joue. Ca va passer…
Soudain, je serrais ma main sur sa chemise et l’attirais brusquement à moi, tentant de lui faire comprendre ce que je voulais, incapable de le dire. Manquant de tomber sur moi, Hayden s’allongea alors près de moi. En un rien de temps, je fus tout contre lui, tentant de lui voler un peu de sa chaleur corporelle. Doucement, sa main passa dans mes cheveux collés par la sueur et d’une voix apaisante, il me murmura de me calmer.
- Tu restes là, soufflais-je, sans réellement prendre conscience de mes actes, la fièvre me faisant délirer. Ne m’abandonne pas… Ne pars pas. Reste ici… S’il te plait…
- Je ne bouge pas Gwendal, me rassura-t-il, je suis là…
Cependant, je ne desserais pas les poings, toujours fermement agrippé à sa chemise, craignant de le voir partir comme il avait failli le faire un peu plus tôt. Lorsque je sombrais de nouveau dans un sommeil profond, abattu par la fièvre, Hayden était toujours à mes côtés, tenant sa promesse…
Nous restâmes une journée et une nuit de plus avant de reprendre la route, attendant que je sois parfaitement rétabli. Nos rapports s’étaient grandement améliorés lorsque nous reprîmes la route. Comme je l’avais promis à Hayden, je ne lui posais plus aucune question sur son passé. En revanche, je compenssais la frustration en lui posant des questions sur son mode de vie, ayant toujours beaucoup de mal avec son côté libertin. Et comme convenu, il commença à m’apprendre le français, non sans un certain dégoût. J’avais toujours voulu apprendre à parler français et ma motivation était telle que je retenais avec une facilité déconcertante tout ce qu’il m’apprenait.
Après plusieurs jours de marche, nous finîmes par arriver dans un lieu qu’Hayden semblait bien connaître. Alors qu’il accélérait subitement le pas, je demandais :
- Où est-ce qu’on va ? Tu sembles bien pressé tout d’un coup.

- Ce soir, nous dormons dans un lit bien confortable, déclara Hayden avec un sourire.
A ces mots, je sentis ma bonne humeur s’envoller et l’idée d’un bon lit ne me faisait plus autant envie que ça. Face à mon silence, compenant les sombres pensées qui étaient les miennes, Hayden éclata de rire :
- Ne t’inquiète pas ! C’est une femme et âgée qui plus est !
Honteux d’avoir été aussi transparent dans mes pensées, je m’empourprais violemment.
- Comment elle s’appelle ? Demandais-je alors. Comment tu l’as connue ?
- Elle s’appelle Linda, répondit-il. C’est une femme femme très gentille, tu verras, tu l’aimeras beaucoup et je pense qu’elle t’apprécieras. Elle a fait beaucoup pour moi. Chaque année, à cet époque, je viens la voir et on célèbre son anniversaire. Son mari est mort et elle n’a pas eu d’enfants. Elle a rarement du monde qui vient la voir… Alors ça te convient ?
- Je… Oui ! Déclarais-je en liu rendant son sourire. On y est bientôt ?
- Encore une petite demi-heure, m’apprit-il avant de se remettre en route, tandis que je lui emboîtais le pas.
- Tu as rencontré beaucoup de monde, repris-je après un court instant. Il est rare que l’on passe plus de quelques jours sans que tu ne connaisses quelqu’un, fis-je remarquer.
- C’est vrai, approuva-t-il. Cela dépend des régions. Je suis resté pas mal de temps dans celle-ci. L’hivers est rude, mais l’été est une saison très agréable ici.
- Tu as de la chance, soufflais-je envieux malgré moi. Je n’ai jamais rencontré personne hormis les amis de mon père.
C’était ce qu’il y avait de plus vrai. Hayden avait été le premier étranger à qui j’ai parlé. Avant cela, je n’avais jamais eu de véritable ami, personne à qui parler. A vrai dire, c’était la première fois en presque vingt-deux ans, que je pouvais parler aussi librement avec quelqu’un. Nous avions abordés en quelques jours plus de sujet de conversation que je n’en avais eu de toute ma vie avec mes parents. Malgré son côté libertin auquel je ne parvenais pas à m’habituer, Hayden était une personne vraiment intéressante qui avait vécu et avait des choses à raconter et à apprendre.
- Mais maintenant, reprit Hayden, m’interrompant dans mes réflexions, tu t’offres aussi cette chance ! Qui sait, peut être que tu rencontrera une jolie fille et que tu me laissera continuer seul, ajouta-t-il en riant.
- Je… Je… Je veux pas rencontrer de filles ! Bafouillais-je, embarrassé, n’ayant encore jamais songé à cette idée.
- Ou un beau mec comme moi ! Ajouta-t-il, se moquant ouvertement de moi.
Instantanément, je m’empourprais, vexé par ses remarques un peu blessantes.
- Je ne veux pas rencontrer quelqu’un comme ça ! Répliquais-je, vexé.
- C’est ce que tu crois, dit-il, amusé.
Je ne répondis rien, de façon à lui faire comprendre que la conversation ne m’intéressait plus du tout. Semblant le comprendre, il n’insista pas davantage. Le silence s’abatti alors entre nous, jusqu’à ce que finalement, je déclare, changeant de sujet :
- Vivement qu’on arrive, je ne sens plus mes pieds.
- Il faudra qu’on t’achète de nouvelles chaussures, déclara-t-il en avisant les miennes.
Il nous fallut même moins d’une demi-heure pour arriver devant ce qui semblait être la maison de cette fameuse Linda, un peu à l’écart de la ville. Nous passâmes un petit portail en fer forgé avant d’arriver jusqu’à la porte d’entrée. Là, Hayden frappa plusieurs coups à la porte qui s’ouvrit presque aussitôt. Une jeune femme, les lèvres pincées, demanda aussitôt :
- Je peux savoir ce que vous voulez ? Demanda-t-elle très désagréablement.
Il ne m’en fallut pas plus pour la détester !
- Heu… Hésita Hayden face au ton employée par la mégère. Bonjour, est-ce que Linda est ici ?
- Cette vieille bique ? S’exclama la jeune femme. Elle nous a quitté depuis 6 mois.
- Pardon ? Demanda Hayden d’une voix tremblante. Où est-elle ?
La femme le regarda comme s’il était le dernier des imbéciles et, face à la mine perdue d’Hayden, je ne pus m’empêcher d’avoir mal pour lui face à cette terrible nouvelle.
- Au cimetière, comme toutes les personnes qui décèdent ! Répliqua la mégère sans la moindre considération pour lui. Autre chose ? Vous êtes sur une propriété privée ici, alors si vous ne voulez rien de plus, je vous prie de partir.
Et avant qu’Hayden ait le temps de répondre quoi que ce soit, la femme claqua la porte, mais Hayden ne bougea pas. Face à la mine complêtement perdue qu’il affichait, ne voulant pas rester ici, je pris sa main dans ma mienne, et l’attirant à ma suite, je déclarais doucement :
- Viens Hayden, suis moi.
Docilement, il me laissa le mener à l’extérieur de la propriété et avisant un banc, je le conduisis jusque là afin qu’il s’assied.
- Je suis désolé que tu l’ai appris de cette manière, commençais-je en m’asseyant près de lui, sachant mieux que n’importe qui combien une telle nouvelle pouvait être douloureuse.
Hayden ne répondit rien, laissant tomber son sac à ses pieds. Ne sachant comment me comporter vis à vis de lui, mais ne pouvant ignorer la douleur qu’il ressentais, je tentais de le rassurer, ma main passant timidement dans son dos. C’était peu, contrairement à ce qu’il ressentait, mais je ne pouvais rien faire d’autre qu’être là pour lui, le reste, il devrait le faire seul… Après un long silence, respectant son mutisme, je finis par proposer :
- Et si nous prenions une chambre d’hôtel ce soir. Je pense que nous en avons besoin… Surtout après ce que tu…
- Je n’en ai pas besoin ! Répliqua-t-il, me coupant la parole.
- Moi si ! Déclarais-je alors. Une vraie douche, un vrai lit, cela nous fera le plus grand bien.
- Si c’est pour toi, alors d’accord, céda-t-il, soudainement las.
- Bon et bien allons-y, décrétais-je en me redressant. Il commence à se faire tard.
Hayden me suivit sans un mot. Pour la première fois, je passais devant, ouvrant le chemin. Nous fîmes le chemin inverse pour revenir dans la petite ville. Arrivés devant un hôtel modeste, le seul dans cet endroit, dont le rez-de chaussée était un bar, je donnais de l’argent à Hayden afin de le laisser aller payer la chambre et allait l’attendre dans un coin. Nous avions convenu qu’il était plus prudent que l’on voit mon visage le moins possible. Hayden avait prit une chambre avec deux lits. Nous allâmes y déposer nos affaires et nous offrir une douche amplement méritée. Puis, la faim commençant à se faire ressentir, je proposais à Hayden d’aller manger un petit quelque chose au bar qui servait aussi des plats simples. L’ambiance était plutôt animée et nous choisîmes une table un peu à l’écart de la foule. Je commandais une salade et lorsque le serveur demanda à Hayden ce qu’il voulait, il répondit :
- Un verre de votre alcool le plus fort, et soyez généreux.
- Ce sera tout ? Demanda le serveur.
- Oui, merci, répondit simplement Hayden.
- Bien, déclara le serveur en reprenant les cartes avant de s’éclipser.
Ce ne fut que lorsqu’il se fut éloigné que je demandais, un peu inquiet pour lui :
- Tu es sûr que c’est une bonne idée ?
- T’occupes pas, Gwen ! Marmonna-t-il, renfrogné.
- C’est juste que ce n’est pas vraiment la meilleure méthode pour faire son deuil… Insistais-je.
- Parce qu’il existe une bonne méthode ? Répondit-il, acerbe.
- Oh et puis, fait bien comme tu veux ! M’exclamais-je, fatigué d’être le seul à faire des efforts. Saoule-toi ! Mais ne me demande pas de te tenir la main quand tu ne te sentira pas bien.
- Je ne t’ai jamais demandé de t’occuper de moi, répliqua-t-il vivement. Personne ne l’a jamais fait jusque là ! Pas même ma mère.
Avant que je n’ai le temps de répondre quoi que ce soit, il ajouta brusquement :
- Désolé Gwendal, je crois que j’ai besoin d’être seul.
Sans me laisser le temps de répondre quoi que ce soit, il se leva et alla s’installer au comptoire. Blessé, d’être ainsi ignoré alors que mon seul souhait était de l’aider, je mangeais ma salade, ignorant les protestations de mon estomac noué. Puis, reportant mon attention sur Hayden, je le vis se faire aborder par un homme. Je me levais alors et sans même prévenir Hayden de mon départ, je remontais dans la chambre. De toute façon, il avait bien mieux à faire que de rester avec moi… Triste et horriblement déçu, me rendant compte qu’il préférait la présence d’étrangers à la mienne, je me mis en pyjama et allais me laver les dents. Puis une fois mes cheveux déméllés, je me laissais tomber sur mon lit. J’allumais la télévision mais n’y voyant rien d’intéressant, je l’éteignis sans plus attendre. Finalement, j’essayais de dormir, mais c’était sans compter sur le sommeil qui me fuyait désespérément.
Je me demandais ce que faisait Hayden… Allait-il bientôt rentrer ou passerait-il la nuit avec cet homme que je l’avais vu draguer ?
Je ne saurais dire combien de temps je restais ainsi, allongé, immobile dans le noir le plus complet. Même lorsque j’entendis la porte de la chambre s’ouvrir et Hayden rentrer le plus discrêtement possible, je ne fis aucun mouvement. Je n’avais toujours pas digérer la façon dont il m’avait lachement abandonné un peu plus tôt… Soudain, j’entendis un violent bruit de chute alors qu’Hayden s’exclamais, furieux :
- Merde ! Fait chier !
Me redressant brusquement, j’appelais :
- Hayden… C’est… C’est toi ?
- Oui, répondit-il simplement.
Il se redressa et marcha jusqu’à son lit, situé à l’autre bout de la pièce. J’allumais alors la lumière et reportant mon attention sur lui, je demandais :
- Qu’est-ce qui se passe ?
- Rien, je me suis juste tordu la cheville, désolé de t’avoir réveillé.
- Je ne dormais pas, répondis-je alors. Je n’y arrive pas.
Hayden massa sa cheville et je me levais pour aller m’asseoir à côté de lui. Soupirant, Hayden déclara :
- Je suis désolé de t’avoir laché comme ça tout à l’heure. C’était pas cool… Mais j’avais besoin de… Enfin…
- Tu sais, déclarais-je, ignorant sa dernière phrase. Je comprend ce que tu ressens. J’ai perdu ma grand-mère…
- Linda n’était pas ma grand-mère ! Répliqua-t-il peut-être un peu trop vivement.
- Elle ne l’était peut-être pas, cédais-je, mais il me semble que dans ton coeur, c’était tout comme… Autrement, tu ne serais pas aussi affecté.
Hayden ne répondit rien, semblant réfléchir à ce que je venais de lui dire. Le voyant se renfermer sur lui-même, mais souhaitant l’aider tout de même, je posais distraitement ma main sur sa cuisse, dans un geste qui se voulait apaisant.
- Elle était âgée, souffla-t-il, se confiant enfin à moi. Cela devait arriver à un moment ou à un autre.
Je ne répondis rien, le laissant poursuivre à sa guise :
- C’était ta grand-mère paternelle ? Me demanda-t-il alors.
- Maternelle, répondis-je en esquissant un petit sourire douloureux à son souvenir. Elle est partie il y a 6 ans…
- Tu étais proche d’elle ?
- Plus qu’avec mes parents, soufflais-je au souvenir de cette femme qui avait était plus un mère pour moi que ma propre génitrice, m’ayant donné autant d’amour qu’elle le pouvait, me faisant me sentir aimé pour la première fois. Elle était différente, ajoutais-je, plongé dans mes souvenirs. D’ailleurs, ma famille ne l’appréciait pas beaucoup pour son franc parlé.
- J’aurai bien aimé la rencontrer, déclara Hayden, et ces quelques mots me firent chaud au coeur. Je suis sûr que tu as hérité de certains traits de son caractère, ajouta-t-il, se moquant gentiment de moi.
Je ne répondis rien, me contentant de lui rendre son sourire. Hayden s’étira alors en soupirant profondément.
- Il faudra qu’on trouve un travail, reprit-il en changeant de sujet. On ne peut continuer de vivre sur nos économies. Qu’est-ce que tu sais faire ?
- Je… C’est-à-dire… Commençais-je, mal à l’aise.
- Oh, j’ai une idée ! S’exclama-t-il. Tu compteras les billets que je gagnerais, ajouta-t-il en ce moquant de moi. Ca tu es capable de le faire.
Si sa remarque me blessa, je n’en montrais rien, me contentant de protester vivement :
- Il est hors de question que je ne participe pas !
- Nous vivons sur ton argent, Gwen, tu participes largement.
- Ce n’est pas mon argent, protestais-je, c’est le nôtre. Il est pour nous deux.
- Alors laisse-moi travailler pour nous deux, répliqua-t-il avec un sourire. Tu n’as pas la condition physique pour les genres de travaux que l’on trouve dans notre condition de vagabonds…
- Mais je veux aider, protestais-je faiblement. Même si je ne sais pas faire grand chose…

- Nous en reparlerons demain, déclara Hayden en bâillant. Pour l’instant, que dis-tu d’une bonne nuit de sommeil. Ce serait bête de ne pas profiter de cet hôtel.
- Ca va aller ? Demandais-je, alors, inquiet.
- De quoi ? Ma cheville ? M’interrogea-t-il, surpris.
- Non… Hésitais-je. Linda…
- Nous irons voir sa tombe demain avant de reprendre la route, dit-il, la voix plus grave.
J’acquiescais avant de regagner mon lit. Finalement, parler un peu avec Hayden m’avait fait du bien car quelques minutes après m’être allongé, je sombrais dans un profond sommeil.
Le lendemain, il avait été facile de trouver le cimetière après avoir demandé notre route. Hayden avait rêvé d’elle cette nuit. Je l’avais entendu l’appeler, mais je n’avais pas oser le réveiller… Lorsque nous arrivâmes à sa tombe, je m’arrêtais un peu en retrait, laissant toute son intimité à Hayden, ne me sentant pas le droit de l’accompagner. De loin, je le vis ouvrir son sac et sortir le cadeau qu’il avait fait pour elle. Il me l’avait montrer et j’avais été impressionné par son habileté. Il avec sculpté une petite maison en bois très réaliste. Lentement, il déposa le cadeau sur la tombe, comme je l’avais tant fait auparavant pour ma grand-mère bien aimée.
Je ne savais pas grand chose de cette femme, Linda, hormis qu’Hayden avait beaucoup tenu à elle.
Après un temps, Hayden revint vers moi. Esquissant un sourire qui sonnait faux, il déclara à voix basse :
- Reprenons la route.
J’acquiesçais silencieusement, lui emboitant le pas. Nous quittâmes le village sans un regard en arrière, reprenant notre route, le coeur lourd. Nous marchâmes pendant plusieurs heures en silence et ce ne fut que lorsque le soleil fut à son zénith et que la température se fit trop chaude, qu’Hayden sonna l’heure de la pause. Nous nous installâmes au bord d’une rivière appréciant la fraîcheur qu’elle nous accordait. Brisant finalement le silence, je demandais doucement :
- Hayden ? Où allons-nous aller maintenant ?
- Où le vent nous mène, répondit-il en souriant. Qu’en dis-tu ?
J’opinais de la tête, lui rendant son sourire. Après une seconde de silence, il poursuivit :
- Même si, je me doute que tu as déjà du visiter tout ses endroits…
- Moi ? Demandais-je surpris.
- Qui d’autre ? Répondit Hayden en riant.
- Et bien… Commençais-je, hésitant à lui dire que je n’étais jamais sortis de che-moi. Pas vraiment…
- Comment ça ? Demanda Hayden, plus que surpris. Tu n’as jamais voyagé ?
Pour toute réponse, je secouais négativement la tête, avant de lui expliquer :
- Mon père n’a jamais jugé utile de voyager… Pour lui, ce n’était qu’une perte de temps et d’argent…
- Mais, qu’as-tu fais durant toutes tes vacances scolaires ? S’exclama-t-il, éffaré.
- Je n’avais pas de vacances, répondis-je, esquissant un petit sourire sans joie. Je n’allais pas à l’école. Père n’a jamais voulu…
- Mais tu as bien appris à lire et à écrire… Commença-t-il, visiblement perdu.
- J’avais un précepteur…
- Oh… Alors tu n’as jamais rien fait dans ta vie ?
- Si, soufflais-je en lui adressant un petit sourire. J’ai étudié…
- Quelle joie ! Grimaça Hayden face à ma réponse.
- Tu n’aimes pas étudier ? Demandais-je, surpris.
- Disons que… Je n’ai jamais été un grand fan de l’enseignement public… Je suis allé à l’école, mais dès qu’il m’a été possible de ne plus y aller, je n’y suis pas retourné…
- J’aime étudier, répondis-je. C’est ma manière à moi de voyager…
- Je n’arrive pas à y croire, souffla Hayden après un temps, comme s’il essayait de ce faire à cette idée. S’il y a bien une chose pour laquelle j’appréciais ma mère, c’est qu’elle se souciait tellement peu de moi que même si je partais pendant 15 jours, c’est à peine si elle s’en rendait compte…
- C’est de là que tu tiens ta liberté ? Demandais-je.
- Oui, répondit Hayden en laissant son regard se poser sur la rivière. Elle m’a au moins offert ça…
Je ne répondis rien et le silence s’installa de nouveau entre nous. Soudain, je sursautais en entendant Hayden se lever et déclarer avec enthousiasme :
- Et bien, je te propose qu’à partir d’aujourd’hui nous fassions tout ce qu’une personne normalement constitué se doit vivre au moins une fois dans sa vie et que tu n’as jamais eu l’occasion de découvrir !
- Hein ? M’exclamais-je, surpris, ne comprenant pas où il voulait en venir !
- A commencer, par se baigner tout nu dans une rivière !
Sur ses mots, avant que je n’ai le temps de réaliser entièrement ce qu’il faisait, Hayden se dévêtit et une fois entièrement nu, plongea dans la rivière. 
- Allez vient ! S’exclama-t-il en refaisant surface. Qu’est-ce que tu attends ?
- Je ne suis pas sûr que…
Je me tu subitement en voyant Hayden sortir de l’eau. Terriblement gêné, je détournais le regard. Sans prêter attention à ma gêne, il m’attrapa par le poignet en souriant et déclara :
- Il est grand temps que tu apprennes à t’amuser ! Allez vient !
Sans attendre de réponse, il me mit debout et entreprit de m’entraîner à sa suite, malgré mes protestations.
- Quoi ? S’exclama-t-il ? Tu ne sais pas nager ?
- Bien sûr que si ! M’offiusquais-je.
- Bon alors, où est le problème ?
Et sans me laisser le temps de répliquer quoi que ce soit, il me poussa vivement. Je ne pu retenir un cri de surprise avant d’attérir dans l’eau tout habillé. Je manquais de boire la tasse et après m’être débattu un moment, je retrouvais mon équilibre et me redressais frigorifé. Repoussant mes cheveux de mon visage, je lançais à Hayden un regard stupéfait alors qu’il éclatait de rire face à ma mine déconfite :
- Mais tu es fou ! Elle est…  Elle est glacée !
- Petite nature ! Sourit Hayden en me rejoignant. Alors, que penses-tu d’être enfin un garçon presque comme les autres ?
- Je ne me sens pas différent, répondis-je, ne comprenant pas le sens de sa question.
- Ah ! Et maintenant ? Demanda-t-il en commençant à m’éclabousser.
- Tu veux jouer ? Demandais-je en me protégeant au mieux. Alors jouons !
Sur ces mots, je sautais sur Hayden qui, prit au dépourvu, coula comme une pierre. A mon tour, j’éclatais de rire et il n’en fallut pas plus pour que s’engage une bataille d’eau des plus animées. Lancé dans la bataille, j’en oubliais la nudité d’Hayden et la fraicheur de l’eau. Après une longue bataille qui ne fit aucun vainqueur, Hayden s’approcha de moi l’air soucieux et déclara :
- Tu as les lèvres violettes Gwen, déclara-t-il. Tu ferais mieux de sortir de l’eau avant d’attraper froid…
Sans me laisser le temps de répondre il m’attrapa par le poignet et me guida hors de l’eau. Là, il fouilla son sac à la recherche d’une serviette qu’il me posa sur la tête avant de me frotter vigoureusement les cheveux, ignorant mes protestations. Lassé d’être secoué, j’attrapais alors ses poignets, l’obligeant à arrêter ce qu’il était en train de faire. Surpris, il ancra son regard au mien. Je ne saurais dire combien de temps nous restâmes ainsi à nous fixer. Dans le regard d’Hayden je pus discerner plusieurs émotions que je n’arrivais cependant pas à interprêter. C’était comme s’il me voyait pour la première fois.
Au bout d’un moment, gêné par l’intensité du regard qu’il posait sur moi, je détournais les yeux. Cela sembla ramener Hayden à la réalité car, se libérant de mes mains qui le tenaient toujours, il reprit sa serviette avant de déclarer simplement :
- Tu ferais bien de ne pas garder tes vêtements trempés, tu claques des dents ! Change-toi avant de tomber à nouveau malade !
Puis sans un mot de plus, il se détourna brusquement de moi et s’éloigna rapidement, comme si ma simple présence le répugnait. Blessé d’être traîté de la sorte, je marchais jusqu’à mon sac et choisis des affaires propres. Puis, j’entrepris de partir à la recherche d’un endroit tranquille pour me changer.
- Ne t’éloignes pas trop ! Déclara simplement Hayden.
Soupirant, j’allais me cacher derrière un arbre qui, je l’espérais, me cacherait suffisament. Non sans difficultés, j’entrepris de retirer mes vêtements qui me collaient à la peau. Lorsque je fus entièrement nu, j’attrapais ma serviette et me séchais rapidement avant d’enfiler mes vêtements secs. Une fois décent, j’allais rejoindre Hayden qui s’était lui aussi rhabillé. Lorsqu’il me vit, il m’adressa un sourire auquel je répondis. Le dépassant j’allais alors m’asseoir au bord de la rivière. Jamais encore je ne m’étais senti aussi libre et moi-même que lorsque Hayden m’avait forcé à le suivre dans la rivière. Jamais je ne m’étais laissé aller de la sorte et bien que cela me troublait, j’avais eu, l’espace d’un instant, l’impression d’être quelqu’un d’autre. Quelqu’un sur qui le poids des responsabilités et de la culpabilité n’avait aucun emprise… Pour la première fois, j’avais eu l’impression de vivre, tout simplement.
Plongé dans mes pensées, regardant distraitement l’eau s’écouler paisiblement, je n’entendis ni ne vis Hayden venir s’asseoir à mes côtés. Cependant, apaisé par le calme de l’endroit, je ne sursautais pas lorsqu’il prit la parole :
- Ca va ?
- Mmhmm, répondis-je distraitement.
- A quoi tu penses ? Demanda-t-il d’une voix dans laquelle je perçu une pointe d’amusement.
- Oh… Pardon, je rêvais… Je ne pensais à rien de particulier, répondis-je en me tournant vers lui, lui adressant un petit sourire.
Pour toute réponse, Hayden me rendit mon sourire. De nouveau un silence apaisant nous enveloppa durant de longues minutes avant que je ne reprenne la parole.
- Hayden ? Soufflais-je.
- Oui ?
- Merci, murmurais-je en me tournant vers lui, plongeant mon regard dans le sien.
Comme précédement, Hayden ne répondit rien, me rendant seulement mon sourire, son regard ancré au mien. Et comme précédement, il me contempla avec une intensité telle, qu’elle me mit mal à l’aise. Comme la première fois, je fus le premier à détourner les yeux, sentant le rouge me monter aux joues. J’entendis Hayden esquisser un petit rire amusé avant que le silence ne revienne nous envelopper. Nous restâmes encore de longues minutes, immobiles, contemplant l’eau qui scintillait sous les rayons du soleil.
- Et si nous repartions ? Déclara Hayden après un temps.
- D’accord, répondis-je en me levant, bientôt imité par Hayden.
Après avoir rangé nos affaires nous nous remîmes en marche.
Durant les 15 jours qui suivirent, nous marchâmes sans nous arrêter, dormant à l’extérieur. Et chaque soir, lorsque nous nous arrêtions, j’étais plus qu’épuisé. Nous avancions à bon pas et je n’avais pas encore tout à fait prit le rythme. Hayden m’avait acheté une paire de basket et même si elles me faisaient moins mal que mes anciennes chaussures, ce n’était pas encore tout à fait ça. Alors que je traînais la patte, lessivé, Hayden se tourna vers moi et s’arrêtant pour m’attendre, il demanda :
- Est-ce que tu te sens de marcher encore une petite demi-heure ? Il y a une petite ville pas loin où nous pourrons trouver un hôtel. Tu l’as bien mérité ! Ajouta-t-il en m’adressant un petit sourire.
Sourire auquel je répondis avant de répondre :
- Au point où j’en suis, je ne suis plus à ça près…
- Demain tu pourra dormir si tu veux, déclara-t-il en reprenant la route alors que j’arrivais à son niveau. Je pensais que nous pourrions nous poser un moment pour trouver un travail, qu’en dis-tu ? Cela permettrais que tu te reposes un peu…
- C’est vrai ? Demandais-je, plein d’espoir.
- Oui, c’est vrai, sourit Hayden. Tu as été très courageux ces deux dernières semaines… Je ne t’ai presque pas entendu te plaindre…
- Hey ! Pourquoi on dirait que ça t’étonne ? M’offusquais-je.
- Disons que tu es quelqu’un d’assez caractériel et que tu m’avais habitué à une autre facette de ta personnalité, répondit-il simplement.
- Mais je peux être tout à fait charmant quand je veux, marmonnais-je.
- Je vois ça, répondit-il en m’adressant un sourire énigmatique.
Le reste du trajet se déroula dans la bonne humeur, si bien que nous arrivâmes avant que je ne m’en rende compte. Comme à chaque fois, Hayden alla réserver une chambre d’hôtel et lorsqu’il revint, il affichait une mine contrite.
- Qu’est-ce qui se passe ? Demandais-je, craignant le pire.
- Ils n’ont plus de chambre double disponible, j’ai du prendre une chambre avec un lit simple…
- Oh, tu sais, soupirais-je, je suis tellement épuisé que rien de ce que tu dira ne pourra affecter mon enthousiasme de dormir dans un vrai lit… Et c’est pas comme si c’était la première fois que nous partagions le même lit, ajoutais-je en attrapant mon sac.
Hayden m’adressa un regard soulagé et parti à ma suite, m’indiquant l’étage et le numéro de la chambre. Lorsque j’entrais, je découvrais une chambre modeste mais agréable. Aussitôt, je réservais mon côté du lit, sans demander son avis à Hayden et retirais mes chaussures. m’asseyant sur le lit, je soupirais de bien être au contact moelleux du matelas sous mes fesses endolories avant de commencer à vider mon sac à la recherche d’affaires propres. Ayant trouvé ce que je cherchais, je partais m’enfermer sous la douche.
Lorsque j’en ressorti, près d’une demi-heure plus tard, Hayden était allongé de son côté du lit. Tournant la tête vers moi, il déclara en souriant :
- Tu n’as pas utilisé toute l’eau chaude j’espère !
- J’aurais du ? Demandais-je innocement en me séchant les cheveux avec ma serviette.
- Essaye, et la prochaine fois, je me douche avec toi !
- Je te garderais de l’eau chaude ! M’empressais-je de répondre, sentant le rouge me monter aux joues à cette réflexions.
Connaissant Hayden, je savais qu’il en était parfaitement capable. Cet homme n’avait honte de rien et je le savais capable de relever n’importe quel défis. Autant de pas tenter le diable…
La semaine qui suivit, Hayden nous trouva un petit boulot dans le village voisin, qui consistait à vendre des légumes dans un petit marché. Après quelques erreurs, je m’étais finalement adapté et je m’en sortais plutôt bien. En réalité, heureusement qu’Hayden était avec moi, il m’avait plusieurs fois sorti des ennuis. Il faut dire, les vieilles dames ont du caractère !
Cela faisait maintenant quinze jours que l’on travaillait sur ce petit marché. Nous avions abandonné l’hôtel au bout de deux jours, sous les conseils d’Hayden qui craignait qu’au bout d’un temps, mon visage ne soit finalement reconnu. Nous l’avions échappé belle une fois, lorsqu’un matin, une femme d’une trentaine d’années avait faillit me reconnaître, prétextant avoir vu mon visage dans un avis de recherche télévisé. Après cet incident, Hayden avait insisté pour que je coupe et teigne mes cheveux, chose que j’avais catégoriquement refusée ! C’était tout bonnement hors de question. Par contre, je n’avais pas pu échappé aux lentilles de contact marrons pour dissimuler mes yeux vairons trop particuliers. Je détestais ces yeux qui faisaient que les gens me dévisageaient avec un peu trop d’insistance, me faisant me sentir mal à l’aise. Quand personne ne me traitait de sorcière, comme la vieille bique de l’autre jour…
Du coup, nous étions installés dans une vieille grange. C’est l’homme qui nous employait, un sexagénaire aussi sec que grand, qui nous avait permis de nous installer là le temps que l’on travaillerait pour lui. Du coup, cela nous permettait tout de même d’avoir un minimum de confort. Le soir, nous dormions en général à l’extérieur lorsque le temps nous le permettait. Je contemplais alors les étoiles, ne me lassant pas de les observer. Hayden m’avait surpris une fois et m’avait indiqué le nom de certaines d’entre elles. J’avais été impressionné par son savoir et depuis, chaque soir, allongés côtes à côtes, il m’apprenait le nom d’une nouvelle constellation, m’apprenant également à me repérer et retrouver mon chemin grâce aux étoiles.
A l’abris des regards indiscrêts, Hayden m’attendant patiemment à l’extérieur, j’achevais de me préparer. Ce soir, il y avait une fête au village et nous y avions été conviés. Du coup, après le travail, nous étions revenus à la grange histoire de faire un brin de toilette et de nous changer avant de nous y rendre.
Après avoir tant bien que mal attaché mes cheveux en demi-queue, n’ayant pas de mirroir pour vérifier l’état de ma coiffure, j’allais rejoindre Hayden. Lorsque je sortis, il eut un temps d’arrêt, me dévisageant avec surprise, comme s’il me voyait pour la première fois.
- Quoi ? Demandais-je, mal à l’aise sous son regard inquisiteur.
- Tu es beau ! Répondit-il simplement en me souriant tendrement.
Ne m’attendant pas le moins du monde à un tel compliment et encore moins venant de sa part, je ne pus m’empêcher de rougir, touché malgré moi par la sincérité exprimée par son regard et le son de sa voix.
- Je.. Euh… Merci, soufflais-je, gêné.
- Nous y allons ? Demanda-t-il alors, me tendant son bras, ignorant ma gêne.
Me prenant au jeu, j’attrapais son bras, marchant tout contre lui. Le trajet se fit en silence, les échos de la fête et les cris des enfants nous parvenant de loin dans la nuit qui tombait. Il nous fallut moins de cinq minutes pour arriver sur la petite place centrale du village. Un immense feu brûlait déjà, les enfants dansant autour en riant, au son d’une musique bien trop bruyante à mon goût.
Le début de la soirée se passa lentement et je commençais à m’ennuyer ferme. Un peu plus loin, Hayden discutait et riait avec des personnes dont il avait fait la connaissance un peu après notre arrivée et ne semblait que très peu se soucier de moi. Alors que je m’apprêtais à aller le retrouver pour l’informer de mon départ, un homme à la démarche houleuse et au rire gras, s’approcha de moi en titubant. S’asseyant à mes côtés, il demanda, me soufflant son haleine fortement imprégnée au visage, manquant de me faire vomir. Je risquais le coma éthylique rien qu’avec les vapeurs de son haleine…
- Salut ! Déclara-t-il en s’approchant un peu trop intimement de moi.
Ne souhaitant en aucun cas l’encourager, je me détournais de lui sans lui prêter la moindre attention. Seulement, au lieu de partir, il insita :
- Moi c’est Thomas ! Mais tu peux m’appeler Tom… Et tu es ?
- Pas intéressé ! Répliquais-je, cinglant, sans m’appercevoir qu’Hayden se trouvait dans mon dos.
- Allez mon mignon ! Minauda le pervers. Sois pas si farouche… Je suis certain que tu es beaucoup plus docile avec ton ami… Susurra-t-il, sa main se posant sur ma cuisse.
Le dégoût que je ressentis alors l’emporta sur mon indignation face à l’insulte qu’il venait de me faire. Alors que j’allais répliquer et repousser sa main, Hayden apparut brusquement devant moi, et attrapant mon prétendant indésiré par le col, il l’éloigna prestement de moi, déclarant d’une voix sourde et menaçante :
- Il t’a dit “non”, il me semble ! Alors tu n’insistes pas et tu dégages !
Tandis que le gros lourd allait répliquer quelque chose, Hayden le devança :
- Dégage je t’ai dis ! A moins que tu ne tiennes vraiment à m’énerver…
Avisant le regard hostile de mon garde du corps, le dénomé Thomas me toisa une dernière fois, comme pour me jauger, avant de finalement partir sans demander son reste. Se tournant alors vers moi, Hayden demanda, une trace d’inquiétude dépeinte sur le visage :
- Est-ce que ça va ? Il ne t’a pas touché ?
- Ca va ! Merci ! Le rassurais-je, touché par sa sollicitude. Dis, Hayden… Repris-je, un instant plus tard, hésitant.
- Tu veux danser avec moi ? Me coupa-t-il vivement, comme pour ne pas changer d’avis entre temps.
Ne m’attendant pas à une telle demande, je restais muet de surprise l’espace d’un instant. Puis, me reprenant, je lui adressais un sourire radieux, et lui tendis la main. Un sourire vint illuminer le regard de mon aîné et, à cet instant, le visage à moitié éclairé par les flammes, je ne pus m’empêcher de le trouver beau. Attrapant ma main, il m’aida à descendre de la table sur laquelle j’étais assis, et avec une courbette éléguante, il déposa ses lèvres sur la paume de ma main, me faisant rougir. Fier de son effet, il me sourit avant de me guider sur ce qui faisait office de piste de danse. Comme pour accueillir notre arrivée, la musique changea subitement, et un slow s’éleva dans les airs.
 Avec une certaine timidité, je plaçais ma main dans celle puissante d’Hayden, prenant sur moi pour ne pas rougir lorsqu’il passa son autre main au creux de mes hanches. Ancrant son regard au mien, il me sourit avec tendresse avant d’esquisser une premier pas. Gêné, je détournais les yeux, avant de me laisser entraîner par la danse.
- Tu es bien ? Murmura-t-il, après un temps indéterminé.
- Oui, soufflais-je en le regardant dans les yeux. Je suis bien…
Je reportais alors mon attention autour de moi, gêné de ma propre audace, observant les couples d’amoureux qui dansaient, tendrement enlacés. A mon plus grand embarras, je me surpris à les envier… Absorbé par mon observation, je ne vis pas Hayden approcher son visage du mien. Alors que je tournais la tête dans sa direction, je sentis subitement une douce chaleur humide se poser sur mes lèvres.
Surpris, j’esquissais un geste pour me reculer, ouvrant la bouche pour protester lorsque je sentis quelque chose se faufiler entre mes lèvres entrouvertes. Je réalisais alors entièrement ce qui se passait… Hayden me donnais mon premier baiser…
Jamais je n’aurai pu imaginer que cela puisse ressembler à ça. C’était doux, tiède et incroyablement tendre. Lorsque sa langue vint rencontrer la mienne et l’instant de surprise passé, je me laissais aller à fermer les yeux, galvanisé par la douceur dont il faisait preuve.
Bientôt, encouragé par sa tendresse et son autre main qui vint doucement se poser au creux de mes reins, j’abandonnais un peu de ma retenue. Timidement, ma langue se mit à répondre aux caresses délicates et sensuelles de mon aîné. Je me sentis alors envahi de sensations que je n’avais encore jamais éprouvées auparavant, ignorant même que de telles émotions puissent exister.
Ce ne fut que lorsque l’air vint à nous manquer qu’Hayden concentit à rompre notre échange. Le sentant s’éloigner de moi, je rouvris les yeux que je n’avais pas eu conscience de fermer et plongeais mon regard dans le sien, surpris de voir qu’il me souriait tendrement. Réalisant alors pleinement ce qui venait de se passer, je ne pus m’empêcher de rougir violemment. A cette vision, le sourire d’Hayden s’élargit et terriblement gêné, je détournais le regard. S’il fut amusé de mon comportement, il ne fit cependant aucun commentaire. Doucement, du bout des doigts, il m’effleura la joue avant de remettre une mèche de cheveux derrière mon oreille.
Prenant mon courage à deux mains, je lui fis de nouveau face avant de demander dans un souffle :
- Je… Je voudrais rentrer…
Pour toute réponse, Hayden me prit par la main et en silence, nous quittâmes la place où se déroulait la fête. Alors que le bruit de la musique s’éloignait, aucun de nous ne prononça le moindre mot et je finis par m’interrroger sur la raison qui avait poussée Hayden à m’embrasser. Pourquoi était-il aussi doux envers moi, me protégeant comme il l’avait fait, alors que quelques temps auparavant, il m’aurait tout simplement ignoré ? Pourquoi agissait-il ainsi avec moi ? Avant que je ne réalise entièrement ce que je m’apprêtais à faire, je demandais, brisant le silence apaisant de la nuit :
- Pourquoi est-ce que tu m’as embrassé ?
- Je… Commença-t-il, visiblement prit au dépourvu par ma question. J’en avais envie… Pourquoi ? Reprit-il après un court instant. Tu n’as pas aimé ?
A ces mots, je m’empourprais violemment, ne m’attendant pas à cette question :
- Je… Si, je… Euh…
- Tu veux réessayer ? Proposa-t-il, coulant sur moi un regard amusé dans lequel brillait une lueur que je ne parvint pas à identifier.
- Non ! Répondis-je, peut être un peu trop précipitamment, faisant rire mon vis à vis.
- Ne t’inquiète pas ! S’exclama Hayden entre deux éclats de rire. Je ne le referais pas si tu n’en a pas envie. Je suis désolé de t’avoir volé ce baiser, reprit-il en retrouvant son sérieux. Je sais que je n’aurai peut être pas du, mais…
- Mais ? Répétais-je, l’encourageant à poursuivre.
- Je me suis laissé emporté, je crois… Je ne te cacherais pas que je te trouve très beau, Gwendal ! Je n’ai pas résisté à l’envie de goûter tes lèvres…
Troublé par ces révélations, je m’empourprais violemment, le coeur battant à tout rompre dans ma poitrine. Pourquoi s’emballait-il ainsi ? N’osant pas le regarder, gardant délibérément les yeux rivés au sol, je déclarais dans un souffle :
- C’était…. C’était agréable…
- C’est le but recherché lorsque tu embrasses quelqu’un, sourit Hayden.
Je sentis son regard se poser sur moi, mais je ne relevais pas la tête, bien trop gêné.
- C’était ton premier baiser, n’est-ce pas ? Déclara Hayden en une phrase qui sonnait plus comme une affirmation que comme une interrogation.
- Oui, murmurais-je écarlate. C’était le premier…
- Alors tu m’en vois ravi ! Déclara-t-il, tout simplement. Et si tu as aimé, alors c’est encore mieux…
Au clin d’oeil entendu qu’il me lança, je ne pus m’empêcher de rougir davantage. Semblant deviner mon malaise, il mit un terme à la conversation et c’est en silence que nous arrivâmes à la grange. Une fois à l’intérieur, Hayden alluma la petite lampe à huile que notre employeur nous avait prêtée, illuminant la couchette de fortune que nous nous étions fait dans la paille, d’une faible lueur. Me débarassant de ma veste, j’attrapais mes affaires de toilette et mon pyjama avant d’aller me cacher derrière le parvent improvisé installé là pour notre intimité.
Une fois prêt, j’allais me coucher, m’allongeant sur le lit de fortune que nous utilisions de temps en temps. Avec le duvet d’Hayden, nous avions fait un matelas sur la paille et le mien nous servait de couverture.
Comme je m’y attendais un peu, Hayden ne prit pas la peine d’aller jusqu’au parvent, se changeant devant moi sans la moindre once de pudeur. A peine eut-il commencé à retirer son t-shirt que je me tournais de l’autre côté, lui tournant le dos. Il ne fallut pas longtemps à Hayden pour venir me rejoindre.
Là, contre toute attente, il vint se coller tout contre moi, me prenant dans ses bras, son corps puissant épousant les formes du mien. Etrangement, je ne cherchais pas à me défaire de son étreinte, profitant de la chaleur de son corps contre le mien, un étrange sentiment de sécurité s’emparant de moi. De bien être, je poussais un soupir de contentement et Hayden raffermit son étreinte autour de moi, collant davantage nos deux corps.
Je ne saurais dire combien de temps nous restâmes ainsi enlacés sans rien dire. Bientôt, je sentis le sommeil m’envahir et fermais les yeux lorsque je sentis quelque chose de dur dans mon dos.
- Hayden, soufflais-je en me tortillant, tu as quelque chose dans la poche qui me gêne…
- Arrête de bouger ! Gronda Hayden d’une voix étrangement rauque que je ne lui connaissais pas et qui me surpris.
- Mais… Protestais-je.
- Ca n’est pas dans ma poche ! S’exclama-t-il d’une voix sourde. Maintenant arrête de bouger !
Lorsque je compris ce qui se passait, je cessais aussitôt de me déhancher, mortifié, les joues brûlantes de gêne. Jamais encore je n’avais vécu pareille situation et je ne savais pas comment me comporter vis à vis de lui. D’où lui venait cette réaction ? Etait-ce moi qui l’avait provoquée ? Je ne savais que penser, ni que croire. Cette réaction… Etait-ce parce qu’il me désirait, comme il avait désiré Max et Julien ?
- Hayden… Appelais-je doucement.
- Dors, Gwen, soupira-t-il en se collant plus fermement contre moi. Ca va passer…
Le coeur battant, je me laissais cependant aller à fermer les yeux, tentant d’ignorer ma gêne. Finalement, je finis par m’endormir, bercé par la respiration calme et régulière d’Hayden, son souffle caressant délicatement ma nuque.
Le lendemain matin, je me réveillais en sursaut au son de la voix d’Hayden qui me secouait vivement :
- Gwen ! Réveille-toi ! Dépêche-toi, nous devons partir !
C’est le ton empressé de sa voix qui acheva de me réveiller. Lorsque j’ouvris les yeux, je pus voir Hayden penché au dessus de moi.
- Hmm… Marmonnais-je en étouffant un bâillement.
- Allez lève-toi, Gwen, nous devons partir…
- Partir ? Répétais-je, surpris, la voix enrouée par le sommeil.
- William vient de repartir… Selon lui, Margaret t’aurai reconnu… Elle a appeler la police…
- Oh non, soufflais-je, effrayé à l’idée de devoir retourner chez mon père. Je… Je ne veux pas y retourner Hayden…
- Je sais, déclara-t-il en me souriant. Allez, habille-toi, on s’en va ! J’ai déjà rassemblé toutes nos affaires…
D’un bon, je me redressais et attrapant les affaires qu’Hayden me tendait, je courais me changer. Cinq minutes plus tard, j’étais prêt. Hayden avait plié les duvets pendant que je me changeais et il ne restait plus aucune trace de notre passage. L’instant suivant, nous étions en route, coupant à travers la forêt. Au bout de cinq minutes de silence, je me tournais vers Hayden et gêné, je lui dis :
- Je… Je suis désolé, Hayden…
- Désolé ? Répéta-t-il, surprit. Mais de quoi ?
- Je… C’est à cause de moi que nous sommes obligés de partir précipitament… Et je… Je n’ai même pas eu le temps de dire au revoir à William.
William était notre employeur et accéssoirement, la seule et unique personne que j’appréciais vraiment dans cette ville.
- Ne t’en fait pas pour ça, Gwen, tenta de me rassurer Hayden en posa une main sur mon épaule. Si ça peut te rassurer, je commençais à me languir de reprendre la route… Quant à William, ne t’inquiète pas, tu le reverra…
- Je l’espère… Murmurrais-je, avant de m’enfermer à nouveau dans le silence.
C’est ainsi que nous reprîmes la route, le coeur lourd, mais intérieurement heureux de retourner sur les routes. Au fond de moi, je ne savais si j’aurai l’occasion de revoir William un jour et de le remercier pour sa gentillesse à mon égard, mais dans mon coeur, je sentais poindre une lueur que je n’avais encore jamais connue : l’espoir. Rassuré, un sourire venant étirer légèrement mes lèvres, j’emboitais le pas à Hayden, souhaitant mettre le plus de distance possible entre moi et cette ville qui avait faillit me voler ma nouvelle liberté.

 

A suivre…

3
déc

Once in a lifetime - chapitre 07

   Ecrit par : admin   in Once in a life time

Chapitre 07 par Lybertys

 

Nous marchâmes pendant près d’une heure dans un silence monastique. Je n’étais finalement pas habitué à discuter pendant que je marchais, faisant normalement ce genre de trajet seul. J’appréciais le silence, plongé dans mes pensées. Je me demandais où nous allions pouvoir nous rendre tout en restant caché. Tant que nous ne nous serions pas éloignés de cette région, nous avions malheureusement toutes les chances de nous faire rattraper par son père. J’étais sûr qu’il avait les bras longs et qu’il avait engagé des détectives à sa botte. Nous évitions les routes et je préférais de toute façon la nature au béton. Ce fut à cet instant que Gwendal choisit de briser le silence, me demandant alors que nous traversions une forêt :
- Est-ce qu’il va te manquer ?
- Hein ? M’exclamais-je, ne voyant pas de qui il parlait. Qui donc ? Ajoutais-je perdu.
- Ben Julien ! A ton avis, qui d’autre ? Soupira-t-il.
- Excuse-moi, je pensais à autre chose. S’il va me manquer ? Un peu oui, avouais-je. C’est un très bon ami, je tiens beaucoup à lui…
- Oh… souffla-t-il.
Chaque personne que je quittais me manquait, mais jamais ce manque n’avait vaincu mon envie de voyager et de mettre fin à mon mode de vie. Même si Julien était un peu plus spécial que les autres, il n’avait jamais réussi à me retenir… Je doutais que Gwendal parvienne à comprendre un jour mon mode de penser et de vivre, même s’il voulait me suivre.
- C’est vrai qu’il est gentil, souffla-t-il avant de se murer à nouveau dans le silence.
Celui-ci ne me dérangea pas, et je me laissais emporter par mes pensées, profitant de ce sentiment si particulier de perte de toute attache et d’inconnu perpétuel vers lequel je me dirigeais. Pour rien au monde je ne voulais perdre cette liberté…
Nous continuâmes à marcher silencieusement, Gwendal derrière moi tandis que j’ouvrais la marche. Je finis par reconnaître l’endroit, j’étais déjà passé par là. Ma blessure commençait à me tirer légèrement, mais cela restait supportable. Tentant de localiser ma route au mieux pour éviter à Gwendal des détours inutiles, je m’arrêtais brusquement. Gwendal le remarqua trop tard et il me fonça dedans. Alors que je me retournais, je ne pus m’empêcher de sourire intérieurement en le voyant par terre.
- Ca va Gwen ? Demandais-je en lui tendant la main pour l’aider à se relever.
- Oui ça va ! Tu peux pas prévenir quand tu t’arrêtes ? S’exclama-t-il en attrapant la main que je lui tendais.
- C’est toi qui était dans la lune ! M’exclamais-je avant de me taire.
Jamais je n’aurais pensé qu’il soit aussi léger. Gwendal me semblait soudain si frêle et si fragile. J’avais du mal à croire qu’il ait pu marcher jusqu’ici sans être épuisé. Je marchais cependant plus doucement depuis qu’il partageait ma route. Il y avait une chose que je ne pouvais cependant pas nier, Gwendal était un bel homme. Les trais fins et de haute naissance, il ne faisait pas parti de ceux que je côtoyais habituellement.
- Quoi ? Grogna-t-il lorsqu’il remarqua que je l’observais avec attention. Est-ce que tu as été un vautour dans une autre vie ?
- Non, excuse-moi ! Répondis-je, un sourire malicieux étirant mes lèvres. Mais vu ton poids plume, c’est pas étonnant que tu t’envoles au premier coup de vent !
- Mon poids plume ? Répété-t-il, incrédule. Dis, si tu n’as rien trouvé de mieux à faire que de m’insulter, la prochaine fois abstiens-toi ! Je n’ai que faire de tes remarques sarcastiques !
J’avais presque oublié son mauvais caractère et le peu d’humour qu’il pouvait avoir sur lui.
- Ca va, excuse-moi ! Je n’ai pas dit ça pour te blesser, déclarais-je en perdant mon sourire.
Puis, retrouvant mon sourire, ne voulant pas m’appesantir là dessus, je lui demandais :
- Tu n’as pas faim ?
- Si, répondis-je, en me rendant mon sourire. Un peu.
- Dans ce cas, trouvons un coin sympas pour manger !
L’instant suivant, comme je l’avais pensé, nous arrivâmes dans une clairière très agréable. Je jetais mon sac, imité par Gwendal. Alors que je commençais à chercher le repas, j’entendis Gwendal pousser un cri inhumain. Sursautant, je me retournais vers et le vis en train de se tenir le genou.
- Gwen ? Qu’est-ce qui t’arrive ? Ca va pas de crier comme ça ?
- Je… Commença-t-il en s’asseyant afin d’observer son genou. C’est cette pierre ! Je me suis fait mal !
Rassuré, je ne pus m’empêcher de dire :
- Et tu cries comme ça pour ça ? M’exclamais-je, incrédule.
Pour toute réponse, il me lança un regard assassin, ne prenant pas la peine de me répondre. Soupirant de lassitude face à son attitude enfantine, m’efforçant au calme, je tentais :
- Allez, montre-moi…
- Je n’ai pas besoin de ton aide ! Déclara-t-il, catégorique, en se détournant de moi.
- Très bien, comme tu veux ! Soufflais-je en allant m’asseoir en face de lui, n’ayant pas envie d’insister.
Là, je commençais à sortir la nourriture de mon sac et lui tendis un bout de viande séchée avec du pain fraîchement préparé par Julien. Il les prit et commença à manger en silence. Constatant son état de fatigue et voulant le ménager, je me rappelais qu’un ancien amant ne vivait pas très loin d’ici.
- Avec un peu de chance, demain soir nous pourrons dormir dans un lit ! Dis-je alors, comme pour lui donner un peu de courage.
- Ah bon ? Demanda-t-il.
- Oui, j’ai un ami qui n’habite pas très loin d’ici, dis-je sans rentrer dans les détails. A une journée de marche, peut-être moins, je sais plus trop.
- Oh…
- Ca ne te fait pas plaisir ? Demandais-je surpris.
- Si, répondit-il en esquissant un sourire. Mais faudrait-il que j’arrive jusqu’à là-bas… Si je ne sens plus mes pieds, je te parle pas de l’état de mon dos… Soupira-t-il en fermant les yeux, collant son front contre ses mains. Comment tu fais pour ne pas être dans le même état que moi ?
- L’habitude, répondis-je, amusé par sa question. Je suis sur la route depuis quelques années de plus que toi, ne l’oublie pas.
Les yeux toujours fermés, il ne répondit rien. Prenant conscience de sa réelle souffrance, je me levais et allais vers lui. Alors que je posais les mains sur ses épaules, Gwendal sursauta et se redressa violemment.
- Calme-toi, soufflais-je amusé de le voir ainsi sur le qui-vive. Ce n’est que moi !
Lentement, je commençais à dénouer lentement chacun des nœuds douloureux qui contractait ses muscles. J’avais appris à le faire grâce à un amant masseur. J’étais resté pendant quelques temps chez lui et il avait commencé à me former. Mais l’appelle de la route avait encore une fois était le plus fort. Gwendal finit par se laisser aller, et ce ne fut que lorsque je sentis chacun de ses muscles détendus que je mis fin au massage improvisé, surpris de la finesse de ses épaules, même à travers les vêtements.
Gwendal ne réagit pas immédiatement, comme plongé dans un état d’euphorie. Je n’avais pas trop perdu la main.
- Ca va mieux ? Lui demandais-je après quelques instants.
- Merci, oui ! C’est très agréable, et je n’ai presque plus mal ! Comment tu fais ? Demanda-t-il.
- Si je te le disais ça ne marcherai plus ! Répondis-je en lui adressant un clin d’œil qui le fit sourire. Une pomme ? Lui proposais-je en retournant à ma place.
- Avec plaisir ! Merci ! Répondit-il en attrapant celle que je lui lançais.
Nous mangeâmes notre pomme en silence et ce ne fut qu’après une petite sieste que nous reprîmes la route. Cependant, alors que nous marchions depuis une vingtaine de minutes, la pluie se mit à tomber en une violente averse.
Sentant que cela allait tourner à l’orage très rapidement et étant en quelques minutes trempés jusqu’aux os, je l’attrapais par le bras et m’écriais afin de me faire entendre malgré le vacarme :
- Viens ! Il y a une grotte où nous pourrons nous abriter pas très loin d’ici !
Sans un mot, il m’emboîta le pas. Me fiant à ma mémoire et à mon sens de l’orientation, nous ne tardâmes pas à trouver la grotte. Sans la moindre hésitation, je m’y engouffrais, trop heureux d’avoir retrouvé cet abris. Alors je pouvais entendre Gwendal me suivre à tâtons il me rentra dedans pour la seconde fois de la journée.
Là, j’allumais une lampe de poche que je venais enfin de trouver dans mon sac et commençais à observer la grotte. Elle était comme dans mes souvenirs, profonde et suffisamment grande pour que nous ayons la place de bouger. Gwendal, appeuré, n’osait pas s’éloigner de moi. Il ne me fallut pas longtemps pour m’apercevoir qu’il grelottait de froid, les bras crispés autour de lui pour tenter de se réchauffer.
- Change-toi, Gwen ! Ne reste pas comme ça, tu vas attraper la mort !
Docilement, il alla chercher son sac et enleva ses affaire de dessus qui avait pris l’eau. Il chercha des affaires sèches, pendant que je faisais de même. C’est alors que je l’entendis me dire dans un claquement de dents :
- Tu peux partir, s’il te plait ?
- Partir ? Pour quoi faire ? Lui demandais-je, une fois de plus surpris.
- Pour que je puisse me changer, évidemment ! A ton avis, pour quoi d’autre ?
- Parce ce que tu crois vraiment que je vais sortir, juste pour te permettre de te changer ? M’exclamais-je, incrédule.
- Et bien… Oui ! Affirma-t-il.
- Tu sais, commençais-je, je t’apprécie beaucoup, Gwen, mais pas au point d’aller faire un tour dehors par ce temps. Allez, change-toi ! Lui ordonnais-je, agacé qu’il fasse passer sa santé après sa pudeur.
Ignorant mon ordre, il resta là, immobile, serrant ses vêtement contre lui. Réalisant qu’il ne bougerait pas, je soupirais, las :
- Promis, je ne regarde pas ! J’ai passé l’âge de ce genre d’enfantillages tu sais ! Ajoutais-je en lui adressant un sourire sardonique. Et puis tu n’est certainement pas le premier homme nu que je vois !
A ces mots, je devinais que Gwendal s’empourprait violemment. Il finit par céder alors que j’attrapais mes propres affaires. En un rien de temps, j’étais vêtu de vêtements secs, appréciant la chaleur qui revenait peu à peu dans mon corps. Étendant au mieux mes affaires, j’allais rejoindre Gwendal, assis près de la paroie de la grotte, les jambes contre lui.
- Je crois que nous allons attendre là jusqu’à ce que l’averse se calme, déclarais-je, en venant m’asseoir à ses côtés. Ca va toi ? Ajoutais-je en reportant mon attention sur lui.
- Je… J’ai froid…
- Attends, soufflais-je, en me relevant. Ne bouge pas.
M’éloinant de quelques pas, je cherchais mon duvet, soigneusement rangé au fond de mon sac. Le remplisant à nouveau de toutes mes affaires, craignant d’oublier ou de perdre quelque chose dans cette obscurité, j’allais rejoindre Gwendal. Sans perdre de temps, je nous recouvris du duvet en prenant place à ses côtés. Mon compagnon de route était pris de tremblements et le claquement de ses dents me serra le cœur. Peu à peu, ceux-ci s’espacèrent.
- Ca va mieux ? Lui demandais-je en caressant doucement ses cheveux.
- Un peu… Oui… Je… Euh… Merci…
Gwendal eut à peine le temps de terminer sa phrase je passais un bras autour de ses épaules, attirant son corps peu épais contre le mien.
- Viens contre moi, soufflais-je. Il n’y a rien de mieux que la chaleur humaine pour réchauffer. Et si vraiment ça marche pas, repris-je, un court instant plus tard, je connais une autre méthode, autrement plus agréable.
- Hein ? S’exclama-t-il en se redressant légèrement, ayant exactement la réaction que j’avais prévue.
- Ca va ! Pouffais-je. Je plaisantais ! Allez, viens-là !
Docilement, il se laissa aller contre moi, allant même à ma plus grande surprise, jusqu’à poser sa tête contre mon épaule. Le silence s’installa entre nous, écoutant simplement la pluie tomber en un grondement assourdissant. Distraitement, ma main passait encore et encore dans ses cheveux si doux, en une tendre caresse. Il semblait si fragile contre moi, que je me sentais investi de la mission de tout mettre en œuvre pour le protéger. Ce fut après un temps indéterminé que je l’entendis me demander doucement :
- Hayden ?
- Mmh… Oui ? Répondis-je dans un état second, bercé plus que je ne l’aurais cru par la pluie.
- Tu es né où ?
- A Lyon, répondis-je distraitement.
- A Lyon ? Répéta-t-il, hésitant. Je ne connais pas cette ville… C’est où ?
- En France.
- En France ? Tu es né en France ? J’aurais jamais deviné… Tu n’as aucun accent !
S’il savait à quel point j’avais tout fait pour perdre ce qui me rattachait à ma langue maternelle… Pour toute réponse, j’esquissais un sourire amusé, avant de répondre, après un instant de silence :
- Quand on passe beaucoup de temps dans un pays, on finit par apprendre la langue….
- Beaucoup de temps ? Répondit-il surpris. Tu es en Angleterre depuis longtemps ?
- Quelques années oui, répondis-je, commençant à être embêté qu’il me questionne ainsi sur un passé que je voulais oublier.
- Et tu as beaucoup voyager avant ça ? Tu as vu quels pays ?
- Non ? Je suis venu directement en Angleterre après avoir quitté la France. J’avais besoin de m’éloigner pour oublier… Enfin, voilà, je suis venu ici…
- C’est quand ta mère est morte… C’est ça ? Demanda-t-il, hésitant.
Mon cœur loupa un battement. Pourquoi me parlait-il de cela ? En quoi ma vie l’intérressait-il ?
- Oui… Mais s’il te plait… Je ne veux pas en parler… Répondis-je, poliment.
- Oh… Je comprends… Pardonne-moi, souffla-t-il en se réinstallant plus confortablement.
Je ne répondis rien. Il suffisait d’un simple évocation pour faire remonter en moi cette rancœur et cette honte par rapport à mes origines. Ce que j’avais commis, les seringues de ma mère, la solitude de mon enfance et l’entrave du à la dépendance : plus jamais je ne voulais connaître cela. Je voulais l’effacer de ma mémoire définitivement. Alors pourquoi chaque personne que je rencontrais finissait indéniablement par me questionner sur mon passé. Cela m’avait valu plusieurs disputes et il était vrai que je n’étais pas vraiment agréable lorsque l’on touchait à ce sujet. Je pouvais même devenir agressif, mais cela était le seul moyen que j’avais trouvé pour leur faire comprendre de ne pas chercher à aller plus loin.
Gwendal finit par s’endormir dans mes bras, tandis que perdu dans mes pensées, je continuais à le caresser distraitement. Son corps avait enfin retrouvé une chaleur normale. Malgré moi, je ne pouvais m’empêcher de m’inquiéter pour lui. Avait-il la forme physique pour la vie que je menais ? N’allait-il pas se lasser ? Et que se passerait-il lorsque nos chemins se sépareraient. J’étais habitué à rencontrer des gens sur ma route mais jamais à la partager avec eux. Comment vivrais-je cette séparation ? La pluie ne cessait pas, et je finis par m’assoupir à mon tour, perdu dans mes pensées, pas complètement remis de ma blessure.
Ce fut un coup de tonnerre résonnant violemment dans la grotte qui me réveilla. Je sentis instantanément Gwendal se coller plus contre moi. Raffermissant ma prise autour de ses épaules dans un geste qui se voulait réconfortant, je soufflais :
- Hey ! Calme-toi… Ce n’est que le tonnerre.
- Je… Je déteste les orages… Et là, dehors, c’est… C’est encore pire… Gémit-t-il, en enfouissant son visage dans ma chemise.
- Ca va aller, murmurais-je doucement, peu surpris de sa phobie. T’inquiètes pas, c’est rien… Tu ne crains absolument rien… Je suis là…
- J’ai dormi longtemps ? Demanda-t-il en étouffant un bâillement. Il est tard ?
- La nuit est déjà tombée… Constatais-je. Nous dormirons ici cette nuit. Déclarais-je. Tu as faim ?
- Oui, un peu, répondit-il en m’adressant un petit sourire que je devinais.
- Bien, par contre, je suis désolé, mais pas de repas chaud pour ce soir ! A moins que tu ne souhaites sortir dehors et que tu pries très fort pour trouver du bois sec ! Pour ma part je n’y crois pas trop, mais après tout, qui ne tente rien n’a rien, comme on dit ! Ajoutais-je en lui adressant un clin d’œil.
- Sans façon, répondit-il en me rendant mon sourire. Froid, ça ira très bien ! Je suis pas difficile tu sais !
- Ah bon ? J’aurai pourtant parié le contraire !
- Oui bon ! Tout est relatif ! Déclara-t-il en esquissant un mouvement pour se lever.
- C’est bon, reste assis ! J’y vais ! L’assurais-je en me levant.
Attrapant ma lampe de poche, je relachais mon étreinte autour de lui et allais jusqu’au sac duquel je sortis un bout de jambon avec une tranche de pain et une pomme. Les mains pleines de nourriture, je revins m’asseoir tout contre lui et lui tendis sa part. Nous mangeâmes dans un silence presque monastique. Une fois son repas terminé, il repoussa le duvet et se leva, sous mon regard intrigué :
- Où vas-tu ? Lui demandais-je surpris.
- Il faut que je marche un peu, répondit-il, en m’adressant un petit sourire. J’ai mal aux jambes et aux fesses !
- C’est d’être resté trop longtemps assis ! Moi aussi ça me le fait ! Ajoutais-je en l’imitant, ne rechignant jamais pour une petite marche même si cela impliquer tourner en rond dans la grotte.
Pour toute réponse, Gwendal commença à tourner en rond. C’est alors qu’après un moment, il me demanda en se tournant vers moi :
- Dis ! Tu pourrais m’apprendre à parler français ?
- T’apprendre à… Répétais-je surpris. Tu sais, repris-je après un instant d’hésitation. J’essaye d’oublier tout ce qui a attrait avec mon pays d’origine, dis-je le plus calmement et le plus honnêtement possible.
- Je comprends, souffla-t-il, déçu.
Je n’avais pas utilisé une seule fois cette langue depuis que j’avais quitté la France. Celle-ci me rappelait trop les cris de ma mère et la façon brusque qu’elle avait de s’adresser à moi. Je fus heureux de ne pas le voir insister, reprenant ses allers-retours dans le noir.
- Hayden ? M’appela-t-il à nouveau après un moment.
- Quoi ? Demandais-je, commençant à être agacé par ce genre de question.
N’avait-il pas compris ! Allait-il encore insister ?!
- Tu ne t’es jamais attaché à quelqu’un au point de vouloir rester avec ?
- Tu as fini avec tes questions débiles ? M’exclamais-je agressivement, ne pouvant plus me contenir.
Sursautant, Gwendal me tourna le dos et alla vers son sac. Je devinais plus que je ne le vis s’installer contre le mur opposé de la grotte avec son duvet. Il s’allongea, recouvrant sa tête à l’aide de son duvet. Soupirant intérieurement, je me décidais à aller le rejoindre. Je n’aimais pas être agressif avec lui, mais je voulais qu’il comprenne que je ne voulais pas de ce genre de questions trop personnelles. Alors que je m’asseyais à côté de lui, Gwendal me tourna obstinément le dos, restant sous son duvet.
- Ecoute, Gwen… Commençais-je. Je suis désolé, je n’aurais pas du te parler sur ce ton… Mais, je n’aime pas parler de moi…
- Parce que cela justifie peut-être la façon dont tu m’as parlé ? Demanda-t-il vexé.
Je me redressais, ne sachant que faire. Je n’avais jamais été doué pour la vie à deux. Faisant quelques pas, je finis par me résigner à lui dire, comme un aveu trop personnel :
- Tu sais, la raison pour laquelle j’essaye d’oublier mon passé, c’est parce que je n’en suis pas fier…
- Ton passé à fait de toi ce que tu es… Pourquoi le fuir ? Demanda-t-il, un peu calmé.
- Ah oui ? Parce que tu ne fuis pas toi, peut être ? Demandais-je avec hargne, toute patience m’ayant quitté.
- Mais ça n’a rien à voir avec moi ! S’exclama-t-il brusquement, en se redressant.
- Tiens donc ! C’est pourtant pas l’impression que j’ai !
Je l’avais pourtant mis en garde indirectement. Il s’était approché de trop près du seul sujet sensible qu’il ne fallait jamais aborder avec moi. Mon passé était derrière moi, et cela ne servait à rien de revenir dessus.
- Je ne fuis pas mon passé ! S’écria-t-il. Je ne fuis pas la personne que je suis ! Je suis comme je suis, c’est tout ! Je fais avec ! Je fuis un avenir dont je ne veux pas ! Je fuis une vie insignifiante pour moi !
- Une vie à ton image ! Crachais-je, sans réfléchir.
J’étais tel un animal blessé que l’on avait attaqué, et la seule réponse que je connaissais était l’attaque.
- Comment peux-tu être aussi méchant ? Me demanda-t-il d’une voix étranglée.
Je n’aurais pas du aller jusque là. Je ne voulais pas le faire pleurer, et il n’y avait pas la moindre once de vérité dans ce que je venais de lui dire. Se détournant de moi, il attrapa son duvet et alla s’installer à l’entrée de la grotte. S’installant sans son duvet, callant sa tête contre la paroi humide, il regarda la pluie tomber. Voulant rattraper mon erreur, je m’approchais de lui.
- Gwendal… Commençais-je, en posant une main sur son épaule.
- Laisse-moi ! Cracha-t-il avec hargne en se dégageant. Dégage !
N’insistant pas, ne sachant pas vraiment comment me comporter avec lui et énervé qu’il s’adresse à moi de cette façon, je retournais vers mon sac et en sorti la trousse à pharmacie. Avec un soin qui contrastait avec l’agacement qui bouillait dans mes veines, je refis mon pansement. La plaie était plutôt belle à voir, j’étais rassuré par sa cicatrisation. Je ne ressentais plus qu’une légère douleur et un tiraillement. Le début de démangeaison n’était qu’un bon signe supplémentaire.
Puis, trouvant un endroit le plus confortable possible, je m’installais dans mon duvet, tentant d’ignorer au mieux les reniflements de mon vis-à-vis qui continuait de pleurer. Ce ne fut que lorsqu’il s’endormit que je me laissais aller à mon tour en pensant que la route avec lui ne serait vraiment pas de tout repos…
Un grondement fracassant me tira de mon sommeil, résonnant contre les parois de la grotte. Me redressant légèrement, je tentais de m’assurer que Gwendal allait bien après le cri qu’il m’avait semblé percevoir de sa part. Au deuxième éclair, j’entraperçus sa silhouette se terrer un peu plus contre le mur. Il ne lui en fallut pas plus. Attrapant son duvet, je l’entendis plus que je ne le vis se ruer vers moi en trébuchant. Un éclair illumina la grotte à nouveau, me permettant de le voir. J’écartais mes bras, l’invitant à venir s’y réfugier. Oubliant sa rancœur, il céda et il se précipita entre mes bras, tremblant de peur et de froid. Son corps entier était tendu et congelé. Comment avait-il pu tenir si longtemps à l’entrée de cette grotte ! Je ne pouvais décemment pas le laisser ainsi.
- Tu es glacé, soufflais-je, après un nouveau coup de tonnerre. Tiens moi ça ! Demandais-je en lui tendant la lampe de poche. En zippant les deux duvets ensembles, on pourra se tenir plus chaud, qu’en dis-tu ?
- Je… D’accord ! S’empressa-t-il de répondre alors qu’un éclair illuminait la grotte.
Sans attendre, je m’affairais à attacher ensemble nos deux duvets. Lorsque cela fut fait, je me rallongeais et l’invitais à prendre place à mes côtés, chose qu’il accepta sans tarder. Il prit cependant soin de me tourner le dos, se tentant plus qu’il n’était possible éloigné de moi.
Mais il continuait de tremblait comme une feuille, son corps parcourut de spasmes.
- Arrête de trembler, soufflais-je, agacé par son comportement.
- Je tremble si je veux ! Me donne pas d’ordre, j’en ai pas à recevoir de toi ! Répondit-il sur le même ton avant de se réfugier sous le duvet alors que le tonnerre grondait inlassablement.
Poussant un profond soupir intérieur, je laissais mes mains s’activer dans son dos, le frottant pour tenter de le réchauffer au mieux. Il allait attraper la mort… Gwendal finit par se laisser alors, poussant même un soupir de bien être. Mais ce n’était pas assez.
- Cela ne suffira pas à te réchauffer. Tu est complètement glacé… Allez, viens pas là ! Ajoutais-je en l’attirant vers moi, passant outre ses résistances.
Je le sentis se tendre à mon contact, mais il ne mit finalement pas beaucoup de temps avant de se relâcher, et ne tarda pas, enfin réchauffé à s’endormir.
Le sommeil ne vint pas pour moi. Cela commençait à faire longtemps que je n’avais pas tenu quelqu’un aussi intimement entre mes bras et je n’étais pas quelqu’un qui avait été élevé dans la tendresse. J’avais du mal à l’être et encore plus à en recevoir. Mon accès de colère et l’impossibilité d’avoir fait autrement était ce qui avait était une des causes de mon impossibilité d’avoir une véritable relation. Julien en était la preuve. Même si nous nous étions aimé, je n’avais jamais pu lui apporter ce qu’il voulait, trop indépendant, loup solitaire et avare en gestes de tendresse. J’avais du mal à faire confiance à l’autre au point de baisser toute mes gardes et de rester près de lui aussi simplement. Il y avait toujours ce petit quelque chose qui m’en empêchait. J’avais toujours dû me débrouiller seul ou m’occuper des autres. Je ne pouvais compter que sur moi-même. J’aimais le contact physique avec les autres et leur compagnie, mais taisant ma véritable nature, ce que j’étais réellement et ce passé qui me constituait, je construisais un mur impénétrable entre moi les autres. Personne ne savait qui j’étais vraiment : ce petit enfant tremblant devant sa mère, tapi dans un coin de cuisine, effrayé par la main qu’elle levait sur moi…
Ce fut sur cette dernière pensée que je fermais les yeux, frissonnant un froid que personne n’était jamais parvenu à calmer.
Je me réveillais tôt le lendemain matin. Le soleil était de retour, baignant l’entrée de la grotte de ses premiers rayons. Une buée se dégageait de la pierre chaude, offrant une agréable vue. Sortant du duvet, j’allais m’étirer un peu, engourdis par la nuit et m’offrit une toilette matinale avec les moyens du bord. Rassemblant toutes les affaires, je laissais le petit-déjeuner sorti. Puis je reportais mon attention sur Gwendal qui était toujours en train de dormir profondément. J’entrepris alors de le réveiller et je n’aurais jamais cru qu’il faille en faire autant. Ce ne fut que lorsque j’en vins à le secouer qu’il ouvrit enfin légèrement les yeux :
- Et ben, pour te faire ouvrir les yeux c’es quelque chose ! Fis-je remarquer. Allez, lève-toi !
Il ne répondit rien, m’annonçant le ton de la journée. Il m’adressa un regard assassin avant de se tourner de l’autre côté. Soupirant, je n’insistais pas et m’éloignais. J’allais m’installais et commencais le partage du petit déjeuner. Gwendal mit un certain temps avant de me rejoindre et il ne m’adressa même pas un seul mot, se contentant de m’ignorer. Rentrant dans son petit jeu, je ne cherchais pas à échanger avec lui. Il ne nous fallut pas plus d’un vingtaine de minutes pour finir de nous préparer et plier le reste de nos affaires. Ce fut toujours dans un silence monastique que nous reprîmes la route. Le soleil haut dans le ciel offrait une humidité ambiante du à l’orage de la veille, rendant l’air lourd et désagréable.
Comme je l’avais prédis, il nous fallut presque la journée pour arriver chez mon Max, un amant de passage. J’avais travaillé quelques mois dans son bar et étais revenu le voir plusieurs fois et notre attirance mutuelle avait engendré une relation étrange. Il n’y avait rien de plus qu’une relation physique entre nous et une certaine forme d’amitié peu approfondie. Nos corps s’entendaient bien, il me rappelait le patron du bar que ma mère fréquentait beaucoup quand j’étais petit et qui avait toujours un chocolat chaud pour moi qui m’attendait. Max était un homme bien qui faisait tourner son bar du mieux qu’il pouvait. Il était partit de rien et j’admirais le travail qu’il avait accompli.
Gwendal me suivit silencieusement dans le fameux bar qui donnait sur la place publique. Nous n’avions pas échangé plus de trois phrases, Gwendal était rancunier et moi n’ayant pas la moindre envie de faire le premier par pour qu’il m’assomme de questions et ne me juge sur mon passé et mes choix. M’approchant du comptoir, je demandais à un barman :
- Salut ! Dis-moi, est ce que Max travaille toujours ici ?
- Ca s’pourrait bien ! Ca dépend qui le demande ! Répondit le barman en posant sur moi un regard sceptique.
- Dis-lui simplement qu’Hayden demande à le voir ! Répliquais-je peu impressionné.
Le barman me jaugea un instant du regard avant de disparaître par une porte située derrière le comptoir. L’instant suivant, il réapparaissait accompagné de Max, homme âgé d’une trentaine d’année, les cheveux bruns habituellement long coupés très courts. Un sourire se détacha aussitôt de son air renfrogné lorsqu’il me vit. Il s’approcha aussitôt de moi et nous nous étreignîmes avec force :
- Hayden ! S’exclama Max. Ma parole, ça fait une paye que je ne t’avais pas vu ! Je n’y croyais plus !
- Que veux-tu ! La vie nous réserve des surprises ! Répondis-je en me libérant de sa puissante étreinte. Alors qu’est ce que tu deviens ? Toujours à pourrir dans ton trou à rats ?
- Comme tu vois ! On ne se refait pas ! S’exclama-t-il en riant.
Même si je n’étais pas émotionnellement attaché à Max, cela me faisait plaisir de le revoir. Nous avions passé de bons moments ensemble et s’il n’en avait pas l’apparence extérieure, c’était un homme profondément gentil et prêt à beaucoup pour aider son prochain. Malgré les deux années où je ne l’avais pas vu, il n’avait pas changé. Il faisait beaucoup de sport pour entretenir son corps lorsqu’il ne travaillait pas à faire marcher son bar et contrastait avec l’image bedonnante de l’homme derrière le comptoir, patron de son bar.
Max remarqua la présence de Gwendal qui se tenait à côté de moi, les bras croisé sur sa poitrine :
- Et qui est cette charmante personne ? Demanda-t-il avec un sourire qui en disait long sur ce qu’il était en train de s’imaginer.
- Laisse tomber, Max ! M’exclamais-je. Il est trop bien pour toi ! Max, je te présente Gwen ! Un ami de voyage ! Gwen, voici Max !
- Enchanté Gwen ! Souffla Max. C’est un plaisir de faire ta connaissance !
- Et bien, sachez que je ne vous retourne pas la politesse ! Déclara-t-il en évitant soigneusement de serrer la main qu’il lui tendait.
N’appréciant pas du tout son attitude, je me promis de lui en toucher un mot plus tard.
- Fait pas attention ! Déclarais-je en me tournant vers Max. Il est assez spécial !
Se tournant vers moi, Gwen m’adressa un regard furibond. N’étant pas le genre d’homme à s’attarder sur ce manque de politesse de la part de Gwendal, Max se tourna vers moi et déclara :
- Je t’offre un verre ?
- Avec plaisir ! Répondis-je en m’asseyant au comptoir, laissant mon sac à mes pieds.
Gwendal m’imita et lorsque Max lui proposa la même chose, il refusa simplement.
- Alors, s’exclama Max en reportant son attention sur moi. Quel bon vent t’amène ?
- Nous passions par là, alors je me suis dis que je ne pouvais pas ne pas passer te voir.
- Rassure-moi, dit-il avec un regard lourd de sous entendu qui me fit frémir en imaginant la suite, tu restes ici cette nuit.
- Si nous sommes invités, avec plaisir…
- Il prendra la chambre d’ami, dit-il en me montrant brièvement du regard Gwen qui semblait absent, plongé dans ses pensées, ne prenant part à notre discussion. Quant à toi… À moins que vous ne soyez ensem…
- Comme je te l’ai dit, nous ne sommes que de simples compagnons de voyage. Je suis donc tout à toi. Dis-je en riant.
- Où est ce que tu l’as trouvé celui-là, ce n’est pas ton genre de voyager avec quelqu’un ? 
- Nos routes se sont croisées, rien de bien intéressant, dis-je, voulant rester le plus évasif possible. Et toi après ces deux ans, il a du s’en passer des choses ! Si tu me racontais !
Il n’en fallut pas plus à Max pour me parler de son bar, un petit bijou à ses yeux, battis avec la sueur de son front. Mais Max ne tarda pas à interrompre son histoire pour me montrer Gwendal.
- Tu devrais le monter dans la chambre, ton ami à l’air épuisé au point de s’endormir au comptoir. Je n’avais jamais vu ça ! A part pour ceux qui boivent trop, mais ça n’a pas l’air d’être son cas !
- Oui, bonne idée. Encore merci pour ton hospitalité Max.
- Tu seras toujours le bienvenu ici Hayden, tu le sais.
Je lui adressais un sourire avant de reporter mon attention sur Gwendal. Il semblait dormir profondément. Aussi je le secouais légèrement, tentant de le faire revenir à lui.
- Gwen ! Réveille-toi ! Soufflais-je.
Pour toute réponse, il m’adressa un grognement qui se voulait dissuasif, ne semblant avoir aucune envie de se réveiller. J’avais du mal à imaginer qu’on puisse être aussi épuisé après une journée de marche où le rythme avait été moindre qu’à ce dont j’avais l’habitude.
- Ne reste pas là ! Insistais-je. Viens, je vais te montrer ta chambre ! Allez, lève toi !
Cédant, Gwendal entrepris de se lever, mais il manqua de s’écrouler et ne du son salut qu’à mes reflexes. Je le retins comme je peux par le bras.
- Ca va ? Lui demandais-je, légèrement inquiet.
Il ne me répondit rien et partit à ma suite. Nous montâmes au premier étage, je connaissais bien les lieux. Arrivé devant la chambre dont Max m’avait parlé, j’ouvris la porte et lui dit :
- Voilà, c’est ta chambre pour cette nuit. Repose-toi, tu as l’air d’en avoir besoin.
- Hn… Merci souffla-t-il simplement.
Il se dirigea hagard vers son lit alors que je refermais la porte derrière lui. Retournant voir Max, je lui demandais si je pouvais emprunter sa douche, en rêvant depuis hier soir. Après avoir eu son accord, j’attrapais nos deux sacs et remontait à l’étage. Je déposais silencieusement le sac de Gwen dans sa chambre qui était déjà en train de dormir à moitié affalé sur son lit. Souriant face à cette image, j’allais prendre une douche bien méritée.
Une fois lavé, mon pansement refait et vêtu de propre, j’allais rejoindre Max dans le bar. Un autre verre m’attendait déjà, et je passais une soirée agréable, apprenant à connaître un des nouveau barman engagé. Il m’offrit un plat consistant, et les verres s’enchaînèrent. Alors que je me sentais légèrement engourdi et que l’heure de la soirée était déjà bien avancée, Max me fit sous entendre qu’il était l’heure d’aller se coucher. Je le suivis avec plaisir. J’avais l’impression que je n’avais pas touché intimement un corps depuis des lustres.
Nous n’attendîmes même pas d’arriver jusqu’à la porte de sa chambre pour qu’il se jette sur moi, m’embrassant avec ardeur, me laissant présager la suite.
Cette nuit, j’allais m’offrir à lui comme je l’avais déjà si souvent fait, sans la moindre honte, sans la moindre pudeur ni retenue. Je voulais qu’il me possède pour me sentir vivre, comme pour m’éloigner un peu plus du gouffre de mon passé qui m’attirait inlassablement…
Le lendemain, je me réveillais le corps courbaturé par les ébats de la veille, mais serein comme je l’étais rarement. M’étirant, je vis que Max dormait encore profondément. Amusé, je récupérais mes affaires éparpillées dans la chambre et filais sous la douche. Une fois propre, j’allais voir Gwendal. Celui dormait, enfoui sous sa couette. Je l’appelais doucement, tentais de le secouer légèrement, mais ce fut sans le moindre succès. Ces yeux restaient désespérément clos et seule sa respiration pouvait qu’il était encore en vie. Il me fallut près d’une demi heure avant qu’il se réveille enfin. Je l’appelais d’une voix tremblante d’inquiétude, craignant le pire :
- Gwen ! Gwen, réveille-toi ! Allez ouvre les yeux !
Obéissant, Gwendal finit enfin par ouvrir les yeux avant de les refermer aussitôt. Ne désirant pas le voir sombrer à nouveau, j’insistais appelant son nom et ce ne fut que lorsque je vis sa main se redresser légèrement avant de retomber mollement sur le lit que je m’exclamais :
- Non de Dieu, Gwen ! M’exclamais-je. Ne me refais jamais une peur pareille ! Ca fait une demi-heure que j’essaye de te réveiller et que tu restes aussi immobile qu’un cadavre ! Est-ce que tout va bien ?
- Ca va ! Déclara-t-il, d’une voix rauque.
- Tu es sûr ? Demandais-je en le voyant aussi pâle que la mort. Tu as vraiment mauvaise mine !
- Ca va ! Répéta-t-il avec conviction.
Ne voulant pas insister d’avantage, puisqu’il ne semblait pas vouloir de mon aide, je répondis :
- Très bien ! Je te laisse te préparer ! Rejoins moi en bas, lorsque tu seras prêt, nous partons d’ici une heure !
Sans attendre de réponse, je quittais la pièce, lui laissant le temps de se préparer. Je croisais Max qui sortait de la douche en serviette.
- Sers-toi dans la cuisine de ce dont tu as besoin, je te rejoins.
Je m’installais dans la cuisine et préparait un café brûlant pour m’aider à me réveiller.
Comme je l’avais prévu, après une heure, nous étions de nouveau en route. J’avais remerciais chaleureusement Max, lui promettant de revenir le voir. Gwendal quant à lui, lui décrocha à peine un seul mot. Ce fut après une bonne heure de silence à marcher en sa présence que je finis par craquer. Me retournant brusquement, je croisais les bras sur ma poitrine et déclarais, clairement agacé par son comportement :
- Bon ! Tu m’expliques ce que tu as depuis hier soi ? Tu as été excécrable envers Max qui a eut la gentillesse de t’héberger !
- Et bien, la prochaine fois, qu’il s’abstienne ! Répliqua-t-il avec une colère que je ne lui connaissais pas. Je préfère encore mille fois dormir dehors sous un orage que de revivre la nuit comme celle que je viens de passer !
- Ah oui ! M’exclamais-je. Et son altesse pourrait-elle m’expliquer ce qui lui arrive cette fois-ci ? Tu as tes règles ou quoi ?
- Ce qui m’arrive ? Cria-t-il comme à bout de nerf. Il m’arrive que tu es quelqu’un d’exécrable ! Tu n’est qu’un égoïste ! Tu agis toujours sans la moindre considération pour moi !
- Pardon ? M’étranglais-je, m’attendant à tout sauf à cela.
- Tu m’as très bien compris ! Poursuivit-il. Tu crois que je ne vous ai pas entendu cette nuit ? C’est… C’est simplement répugnant !
- Oh ! Et je peux savoir ce qui te dérange ? Répliquais-je avec sarcasme. Tu es jaloux ?
- Moi jaloux !? Cracha-t-il avec mépris. Plutôt mourir ! C’est malsain et… Immonde ! Pourquoi tu as fait ça ? Je t’ai dit que j’avais de l’argent pour payer des chambres d’hôtel ! Mais non, toi tu préfères te vendre.
Je pris sa remarque comme un coup de poing en pleine figure. Comment pouvait-il me dire une telle chose ? Comment pouvait-il me comparer à ma mère ! Comment pouvait-il concevoir la chose de cette manière ? Et pourquoi fallait-il toujours qu’il se débrouille à me rappeler du lieu où je venais… Emporté par la colère, je lui attrapais le bras et le forçais à se retourner alors qu’il tentait de fuir. D’un geste brutal et avec une force que je ne lui soupçonnais pas capable d’avoir, il se dégagea de ma poigne :
- Ne me touche pas ! S’exclama-t-il. Je ne sais pas où tes mains ont traînées !
Alors que j’allais répondre par une réplique acerbe, je vis Gwendal pâlir à vue d’œil. Reculant de quelques pas, il posa sur moi un regard emplie de tristesse que je ne parvins pas à interpréter. Puis il se retourna et esquissa un mouvement pour s’éloigner. Cependant, il fit à peine quelques pas avant de tomber lourdement sur le sol, inconscient.
Accourant vers lui, je le pris dans mes bras en m’agenouillant. Son front perlant de sueur était brûlant. Quel imbécile ! Pourquoi ne m’avait-il pas avoué qu’il se sentait si mal ! Laissant son sac et le sien, je le pris dans mes bras, le soulevant comme s’il ne pesait rien. Là, je le posais à l’ombre d’un arbre avant d’aller récupérer les sacs. Je pris une serviette dans mon sac et courus jusqu’à une rivière que je savais proche d’ici. En un rien de temps je fus de retour et retrouvais Gwendal se tenant la tête comme si celle-ci était affreusement douloureuse.
M’agenouillant près de lui, ce ne fut que lorsque je parlais qu’il sursauta, remarquant ma présence.
- Gwendal, est ce que ça ?
Il tenta de s’écarter aussitôt, posant sur moi un regard de dégout.
- Ne t’approche pas ! Souffla-t-il comme si cette simple phrase lui coûtait beaucoup.
- Arrête de faire l’enfant Gwen…
Puis sans lui laisser le choix, je posais la serviette humide sur son front qu’il accepta avec un soupir.
- Pourquoi tu ne m’as pas dit que tu te sentais aussi mal.
- Parce que… Parce que tu n’en as rien à faire de moi.  Murmura-t-il.
Soupirant, je ne répliquais rien, comprenant que ce n’était pas le moment pour une telle discussion.
- Ne bouge pas d’ici, je reviens, dis-je en me redressant.
Gwendal devait voir un médecin. Son corps n’étant pas habitué à un telle vie, ce n’était pas étonnant qu’il tombe malade. Attrapant les deux sacs, je décidais d’aller les cacher. C’est à cet instant que je me souvins de la grange abandonnée pas loin. Ignorant la chaleur étouffante, je partis au pas de course pour y cacher les sacs. Nous resterions sûrement ici ce soir. Il suffisait que je l’aide à marcher jusqu’à chez le médecin, puis nous achèterions ses médicaments et reviendrons ici. Après avoir cacher les sacs, je partis rejoindre Gwendal qui était heureusement toujours conscient.
- Je me suis permis de prendre l’argent dans ton sac pour payer le médecin, expliquais-je. Tu te sens de te lever, je vais t’aider.
Alors que je tentais une main vers lui, il la repoussa mollement en déclarant :
- Ne me touche pas, tu es répugnant, tu me dégoûtes… Tenta-t-il.
Il eut beaucoup de chance d’être malade. Sans cela je lui aurais tourné le dos sans même réfléchir. Ignorant ses paroles blessantes, je l’attrapais et le hissais sans la moindre difficulté sur ses deux jambes. Sans lui laisser le choix, je passais son bras sur mon cou et le soutenant fermement, je commençais à marcher. Dans un état de semi-conscience, Gwendal mit péniblement un pied devant l’autre sans un mot. Le village n’était qu’à une petite heure à pied, mais nous n’avions même pas parcouru le quart au bout d’une demi-heure. Gwendal semblait être incapable de mettre un pied devant l’autre. Il trébuchait et manqua de`s’effondrer plus d’une fois.
Ne supportant plus, je le pris sur mon dos. Il passa mollement ses bras autour de mon cou, appuyant sa tête brûlante contre ma nuque. Son poids plume n’ayant rien d’encombrant, j’entamais la marche d’un pas rapide, désirant y arriver au plus vite. Ce fut avec un soulagement non fein que nous arrivâmes au village. Après avoir demandé mon chemin à un passant qui me regarda avec deux gros yeux ronds, je me rendis au lieu indiqué. Heureusement, il ne fallait pas prendre de rendez-vous et la chance tournant de notre côté, il n’y avait personne dans la salle d’attente. Le médecin nous pris rapidement et il me laissa attendre dans la salle d’à côté pendant qu’il l’auscultait.
Après une vingtaine de minutes qui me parurent durer une éternité, le médecin m’invita à les rejoindre. Gwendal était assis sur la chaise devant le bureau et semblait légèrement plus lucide. Je pris place en face du médecin qui déclara :
- Votre ami a une angine. Ce n’est rien de grave si cela est traité à temps. Je lui ai donné une ordonnance précise et lui ait déjà donné un anti-fièvre et quelques médicaments.
- Merci beaucoup, répondis-je.
- Il dit s’appeler Julien. Je veux bien garder cette version et ne rien ébruiter. Mais cela nécessite une petite contrepartie, en plus du prix de la consultation.
Comprenant très bien ou il voulait en venir, je fouillais dans l’enveloppe garnie qui Gwendal avait emporté. Tirant plusieurs billets, je lui tendis, achetant son silence. Gwen me jetta un bref regard, les yeux embrumés.
- Très bien, dit-il en rangeant l’argent dans son tiroir. Je ne vous ai jamais vu, vous pouvez sortir. Un repas chaud ce soir, les médicaments suivant les prescriptions et Julien sera sur pied dans deux jours comme si rien ne lui été arrivé !
Nous quittâmes son cabinet aussi rapidement que nous y étions entré. Gwendal s’appuyait sur moi. Ne voulant pas attirer davantage l’attention sur nous, je laissais Gwendal à l’entrée du village, près de la forêt et repartie chercher ses médicaments.
Lorsque je reviens, je le trouvais à moitié endormis, assis sur le sol à moitié appuyé contre un arbre. Le médecin lui ayant déjà donné des médicaments, il prendrait les prochains dans quelques heures. J’aurais préféré le laisser se reposer, mais je n’aimais pas l’idée de traîner ici. Même si nous avions graissé la patte du médecin, rien ne nous prouvait qu’il n’appellerait pas la police pour prévenir de la présence de Gwendal ici.
- Lève-toi, lui dis-je en lui tendant une main qu’il refusa de saisir.
- On ne retourne pas chez Max, s’empressa-t-il de me demander alors qu’il me voyait reprendre le même chemin, s’appuyant contre l’arbre n’ayant que très peu d’équilibre.
- Non, je n’abuserais pas de son hospitalité. Il y a une grange abandonnée pas loin. J’y ai laissé nos affaires. Nous passerons quelques jours là bas, tu pourras te rétablir.
Le voyant faire un pas peu assuré, j’ajoutais :
- Laisse-moi te porter, il vaut mieux que tu économises tes forces pour guérir.
Contre toute attente, Gwendal acquiesça, me cédant très facilement. En un rien de temps, il fut sur mon dos en murmurant :
- C’est horrible… Je n’ai jamais été malade…
- Il faut une première à tout, déclarais-je, peu surpris d’apprendre une telle nouvelle.
Il devait être surprotégé dans sa tour d’ivoire…
Nous fûmes rapidement arrivés à la grange. Récupérant nos sacs, je préparais un nid douillet à Gwen avec son duvet. Pliant un de mes pulls, je lui fit un oreiller avant de l’inviter à s’installer. Celui-ci ne rechigna pas. A peine fut-il allongé qu’il sombra dans un sommeil profond. Soupirant de soulagement face à la tournure des évènements, je décidais de ne pas rester inactif. Attrapant mon linge sale dans mon sac et le sien, je pris du savon et retournais près de la rivière. Là, j’entrepris de laver nos vêtements avec énergie. Après les avoirs étendus au soleil près de la grange, j’allais chercher du bois que je rassemblais pour le soir. N’ayant rien dans mon sac qui puisse constituer de la nourriture pour un malade, je me permis de prendre un nouveau billet dans l’enveloppe de Gwen et repris la direction du village pour acheter quelques légumes.
Gwendal ne revint à lui qu’en début de soirée alors que j’étais en train de cuisiner une soupe avec les moyens du bord. Je l’entendis s’approcher de moi avant de s’asseoir comme si ce simple parcours l’avait épuisé.
- Qu’est ce que tu prépares ? Me demanda-t-il.
- Une soupe, pour que tu prennes tes médicaments sans avoir l’estomac vide.
- Je n’aime pas la soupe, dit-il boudeur.
- Et bien, tu te forceras ! Déclarais-je. Je n’ai pas fait deux heures de marche et une bonne heure de cuisine pour que monsieur le malade fasse la fine bouche.
Gwendal ne répondit rien, ayant perdu de son répondant.
- Tu es presque agréable quand tu es malade, dis-je en riant.
- Ah ah ! Dit-il vexé.
Attrapant une gamelle propre, je la remplie de soupe fumante avant de le lui tendre.
- Voilà, c’est prêt.
Gwendal l’attrapa en faisant la moue. Lui tentant une cuillère, j’allais ensuite chercher ses médicaments, lui donnant la dose prescrite sur l’ordonnance. Gwendal mangea silencieusement, ne faisant aucun commentaire, tandis que je prenais ma part. Aucun mot ne fut échangé et ce ne fut que lorsqu’il posa son assiette ayant consommé l’entièreté de sa soupe chaude et prit ses cachet qu’il se leva difficilement. Une fois debout il déclara :
- Je… Je retourne me coucher. Bonne nuit.
- Bonne nuit Gwen. Dit-je sur le même ton. Si tu as besoin de quelque chose n’hésite pas.
- Merci… Murmura-t-il faiblement.
Je pris mon temps pour tout ranger, rassemblait le linge et le pliait. Une fois que tout fut fini, je profitais de la dernière heure de soleil pour poursuivre la lecture de mon livre que j’avais délaissé depuis quelques temps. Lorsque la lumière vint à manquer, j’admirais le coucher de soleil. Puis, n’ayant rien d’autre à faire, j’allais chercher mon duvet et vins me mettre près de Gwendal. Il ne faisait pas particulièrement froid, mais je voulais être là au cas où il ait besoin de moi. Ce fut en espérant qu’il aille mieux le lendemain que je partis le rejoindre dans les bras de Morphée.
Le lendemain fut semblable à la veille, si ce n’est que Gwendal commençait à aller déjà beaucoup mieux. Nous étions en fin d’après-midi lorsqu’il vint me rejoindre s’asseyant à quelques mètres de moi tandis que je continuais ma lecture. Fermant mon livre, je m’approchais de lui.
- Comment te sens-tu ? Lui demandais-je.
Face à son absence de réponse, je tentais de poser ma main sur son front pour m’assurer moi-même que la fièvre était tombée. Mais Gwendal repoussa vivement ma main, et déclara :
- Combien de fois est-ce que je t’ai dis de ne pas me toucher.
- J’ai la réponse à ma question, déclarais-je agaçé. Oh et puis merde à la fin. Je me demande pourquoi je m’entête avec toi. Tu as une attitude d’enfant gâté. Tu es vraiment insuportable quand tu es comme ça.
- Si je suis si insupportable, tu n’as qu’à partir, je me débrouillerais tout seul.
- J’aimerais bien voir ça ! Dis-je en lui éclatant de rire au nez.
Je ne l’imaginais pas une seconde vivre la vie que je menais seul.
- Je me débrouillerais mieux que toi en tout cas ! Claqua-t-il faisant stopper net mon rire.
- Qu’est ce que tu sous-entends par là ? Lui demandais-je.
- Jamais je ne m’abaisserais à coucher avec quelqu’un pour avoir un toit ! Cria-t-il, rageur.
- Ca n’a strictement rien à voir ! Je n’ai pas couché avec lui pour avoir un toit mais parce que je voulais me faire plaisir, chose que tu sembles toujours t’interdir ! Répliquais-je, sentant monter une colère sourde en moi.
- Le fait reste le fait ! Clama-t-il hors de lui. Tu as couché avec celui qui t’héberge, ce n’est pas mieux que ce que faisait ta mère pour de l’argent.
Une colère sans nom me prit. Comment le savait-il ? Comment osait-il me comparer à elle. Alors que je me levais, je vis dans le regard de Gwendal qu’il regrettait ce qu’il venait de dire. Mais le mal était fait. Ne voulant pas retourner ma haine contre lui, je tapais de toute mes forces contre les vieilles planches en bois de la grange qui cédèrent sous le choc. Ignorant la douleur vive sur mon poing encore serré, je retournais mon attention sur Gwendal qui eut un mouvement de recul, me craignant véritablement.
- Tu as enquêté à ce point sur moi ! Je ne sais pas comment tu as su ! Et toutes ces questions que tu me posais innocemment ! Je ne te croyais pas comme ça Gwendal.
Sans un mot de plus, furieux, je lui tournais le dos et partit en marchant d’un pas vif. Il fallait que j’évacue ma colère et je ne pourais le faire que loin de celui qui l’avait déclenché. Je marchais d’un pas vif, haineux comme rarement cela m’arrivait d’être, les poings serrés. Le simple fait qu’il sache ce qu’était ma mère me révulsait, et me comparer à celle que j’avais toujours haie secrètement était la pire des choses. Comment pouvait-il me juger ainsi ? Pourquoi me sortait-il les mêmes termes que ma mère employait à mon égard ? Combien de fois ma mère m’avait-elle traité avec dégoût…
Je ne sus combien de temps je marchais ainsi, faisant un cercle immense autour de la grange, tentant de calmer en moi les tremblements de hargne. Avais-je bien fait de l’accepter avec moi ? Accepter Gwendal à mes côtés c’était lui ouvrir la porte à une intimité que je n’avais jamais offerte à personne. Personne ne connaissait le véritable Hayden… Hayden… Ce n’était même pas mon véritable nom… Ma mère m’avait appelé Mathis… Mais j’avais renié ce nom à l’instant même où elle avait quitté ma vie. Cependant c’était une chose de le renier, mais il était impossible de le faire totalement disparaître. Mathis était toujours là, près à refaire surface si je ne me protégeais pas assez. Soupirant, après plusieurs heures de marches, une légère averse commença à tomber. Ignorant la pluie, je me décidais tout de même à rentrer. L’averse fut finit au moment même où j’arrivais.
Gwendal était toujours là, à l’entrée de la grange. Lorsqu’il me vit arriver, il me lança un regard que je ne sus interpréter. N’ayant aucune envie de partager le même espace que lui pour le moment, je m’installais à l’extérieur, m’appuyant contre le mur de la grange, là où l’herbe avait été protégée de la pluie.

Gwendal hésita, puis finit par s’approcher de moi. Je ne lui adressais pas même un regard.
- J’ai cru que tu ne reviendrais pas, dit-il d’une voix basse.
Je n’eus pas la moindre réaction, encore trop en colère contre lui.
- Ta main… Souffla-t-il. Il faudrait que tu la soignes…
Je posais les yeux sur la main avec laquelle j’avais violemment frappé les planches en bois de la grange et vis qu’elle était ensanglantée. Je n’en avais même pas eu conscience. L’approchant devant moi, je fis bouger les doigts. C’était douloureux, pensais-je en grimaçant, mais rien n’était cassé. C’était simplement de nombreuses coupures. Sans lui porter le moindre intérêt supplémentaire, je la posais sur mon ventre. Je m’en occuperais plus tard. La douleur me permettait de penser à autre chose.
Gwendal disparut dans la grange et je me laissais aller à fermer les yeux appréciant les rayons de soleil qui venait sécher mes vêtements trempés. Il faisait suffisamment chaud pour ne pas avoir à me changer tout de suite. Je sursautais lorsque j’entendis Gwendal me parler. Je n’avais même pas eu conscience qu’il était à côté de moi.
- Laisse-moi voir ta main s’il te plait.
Je tournais la tête vers lui, posant véritablement mon regard pour la première fois sur lui depuis notre altercation. Il tenait la trousse à pharmacie qu’il avait sûrement pris dans mon sac.
- Je croyais que mes mains te dégoûtaient, dis-je, acerbe.
- Je peux le supporter le temps de soigner ta main, répliqua-t-il.
Le silence s’imposa un instant avant qu’il ne murmure :
- Je m’excuse pour ce que je t’ai dit. Je n’aurais pas dû. Je suis désolé.
Je ne répondis rien. Qu’aurais-je pu répondre. Mais Gwendal insista :
- Hayden, laisse-moi voir ta main s’il te plait.
Soupirant, je finis par la lui tendre, posant mon regard sur lui. Il grimaça en voyant le sang qui commençait à sécher. Ouvrant la trousse à pharmacie, il entreprit soigneusement de panser mes plaies plus ou moins superficielles avec les moyens du bord.
- Comment as-tu su pour ma mère ? Soufflais-je après un moment.
Gwendal me leva les yeux vers moi, arrêtant un instant ses soins.
- Mon père… Il a enquêté sur toi. Il… Il me l’a dit quand je suis revenu chez moi de force… Je n’aurais pas du te dire ça ! Je ne le pensais pas !
- C’est bon, soupirais-je. Je m’excuse pour ce que je t’ai dis dans la grotte l’autre soir. On est quitte comme ça. Dis-je en tentant de lui sourire.
Gwendal tenta de me rendre mon sourire, mais je sentais que le cœur n’y était pas. Le silence s’imposa à nouveau, laissant le temps à Gwendal de terminer ses soins. Ma main fut entièrement bandée, laissant chacun de mes doigts libres. Je le remerciais alors qu’il rangeait la trousse à pharmacie. Ce ne fut que lorsqu’il revint avec une pomme en s’asseillant à côté de moi, que j’entamais une véritable discussion avec lui, nous devions parler :
- Pourquoi est-ce que tu as été aussi désagréable avec Max ? Lui demandais-je.
- Je ne sais pas, déclara-il. Je ne l’aime pas, il ne m’inspire pas confiance.
- Pourquoi ça ? Lui demandais-je étonné. Il n’y a pas plus gentil et honnête que Max.
- Non mais tu n’as pas vu le regard qu’il posait sur toi ! C’était… Abject ! Pervers ! Répugnant !
Je ne pus m’empêcher de dire avant de répondre :
- C’est bon, je crois que j’ai compris Gwen. C’était simplement du désir, rien de plus…
Je pris une pause avant d’ajouter, face à sa moue dubitative et légèrement écoeurée :
- Max est parti de rien. Son bar était un bâtiment délabré qu’il a acheté pour une bouchée de pain. En réalité, il y a mis toutes ses économies. Il l’a retapé seul, et il venait tout juste d’ouvrir lorsque je suis arrivé. Il adore raconter son histoire maintenant. Il m’a embauché et j’ai travaillé deux mois pour lui le temps qu’il trouve un remplaçant. Pour ce qui est de ce qui semble t’écoeurer au plus haut point, nous éprouvions une attirance mutuelle et nous avons simplement pris du bon temps ensemble…
- Et bien, tu aurais pu le faire plus discrètement. J’ai passé une nuit atroce ! S’exclama-t-il.
- Je tenterais d’être plus discret la prochaine fois, dis-je amusé.
- La prochaine fois ? Tu t’envoies vraiment en l’air avec n’importe qui ? Me demandant-il avec des yeux écarquillés.
- Ca ne te regarde pas ! Déclarais-je d’un ton un peu sec. Quoi ? Tu es jaloux, ajoutais-je en riant.
- Je ne suis certainement pas jaloux de ça ! S’exclama-il offusqué.
Puis il repris après un temps :
- Je pensais que… Je pensais que tu le faisais avec ceux que tu aimais… Comme avec Julien.
Sentant la discussion dévier vers un sujet sérieux, je lui répondis avec franchise :
- Tu sais Gwen, je n’ai jamais aimé quelqu’un au point de tout abandonner pour lui. Je ne sais même pas vraiment ce qu’on ressent. Je te l’ai pourtant dis. Je vis libre et je profite de tous les plaisirs qu’offre cette liberté.
- Mais… Dit-il alors que je sentais que cette conversation le gênait au vue de la couleur rosie de ses joues. C’est pourtant un acte extrêmement intime. Comment peux-tu le faire avec quelqu’un que tu connais à peine. Ce doit être affreux !
- Si c’était affreux, crois-moi, j’aurais cessé depuis longtemps !
Je comprenais ce qu’il sous entendait. Cela n’était d’ailleurs pas difficile à comprendre. Il devait être toujours puceau, attendant de trouver celui ou celle qui serait le bon, la personne qu’il aimerait et serait aimé en retour… Je ne croyais pas à cet idylle et je lui fis savoir.
- Tu sais Gwendal, ce que tu sembles idéaliser, je ne l’ai jamais connu. Cela est peut-être du à ma mère, mais… J’ai vraiment du mal à croire à l’existence d’une telle chose.
- Tu ne l’as peut-être jamais cherché, commenta Gwendal avec un petit sourire.
- Peut-être, murmurais-je.
Le silence s’installa à nouveau, chacun méditant sur les paroles de l’autre. J’attaquais alors la pomme qu’il m’avait apporté et ce fut à cet instant que Gwen me demanda :
- Tu es resté en contact avec ta mère ? Tu sais ce qu’elle devient.
Je faillis m’étouffer avec le morceau de pomme que je venais d’avaler. Je revis instantanément son corps sans vie, baignant dans son vomi et sa sueur. Mon cœur se serra durement. Ancrant mon regard dans le sien, je restais un instant sans voix, comme totalement perdu. Je finis par me ressaisir. Il fallait définitivement mettre un terme à ce genre de question.
- Je n’ai pas la moindre envie de parler de ça Gwendal ! S’il te plait, arrête de me questionner sur mon passé.
Alors que je voyais Gwendal près à s’excuser au vue de ma réaction, je lui proposais alors aussitôt, sans trop réfléchir à ce que cela allait impliquer :
- Je te propose la chose suivante : tu arrêtes de m’interroger et en échange, je veux bien tenter de t’apprendre le français. Mais je ne te promets rien. Cela fait très longtemps que je ne l’ai pas parlé.
- Je… Tu n’es pas obligé. Souffla-il, embarassé.
Je lui tendis ma main, comme pour conclure le marché.
- Je ne te le proposerais pas deux fois Gwen. Alors ?
Hésitant, Gwendal finit par saisir ma main valide.
- C’est d’accord ! Conclu-t-il.
Ce fut la faible pression de sa main qui m’alerta. Posant une main sur son front, je remarquais que celui-ci était brûlant.
- Gwendal, tu devrais te reposer et dormir un peu. Nous sommes là pour ça. Tu es brûlant de fièvre.
Me redressant, je lui tendis la main pour l’aider à se lever et je le retins alors qu’il semblait prit d’un vertige. Avec précaution et douceur je l’accompagnais jusqu’à son lit. Il s’y étendit sans le moindre refus. Je reviens lui apporter une serviette humide et de nouveaux cachets.
- Dors, soufflais-je après avoir passé ma main dans ses cheveux dans un geste tendre qui m’étonna moi-même.
Cette nuit là, Gwen fit une rechute. Il eut une impressionnante poussée de fièvre et ce fut son claquement de dents qui me réveilla, suivit de mon prénom murmuré.
- Gwendal ? Ca va ? Lui demandais-je.
- Non, j’ai soif et je suis gelé.
- Tu es pourtant brûlant dis-je en posant ma main sur son front. Bouge pas je t’apporte à boire.
En un rien de temps, je fus de nouveau à ces côtés, remplissant un gobelet d’eau fraîche provenant d’une de nos gourdes. Je lui donnais à nouveau un médicament contre la fièvre.
- J’ai mal à la gorge, gémit-il en tentant comme il pouvait de boire.
- La… Souffla-je en lui caressant la joue, ça va passer… Sa main se serra sur ma chemise et il m’attira brusquement contre lui.
Surpris par une telle force, je manquais de tomber sur lui. Comprenant ce qu’il voulait, je m’allongeais près de lui, et en un rien de temps, il fut tout contre moi, tremblant de froid et brûlant de fièvre. Passant lentement ma main dans ses cheveux collés par la sueur, je lui murmurais de se calmer.
- Tu restes là, murmura-t-il, comme sous le délire de la fièvre. Ne m’abandonne pas. Ne pars pas. Reste ici… S’il te plait.
- Je ne bouge pas Gwendal, je suis là…
Fébrile, ses poings restaient serrés sur ma chemise comme s’il avait réellement peur que je ne m’échappe. Attendris, je tins ma promesse. Même lorsqu’il s’endormit à nouveau, je restais près de lui jusqu’au petit matin…

Nous restâmes une journée et une nuit de plus avant de reprendre la route, attendant que Gwendal soit parfaitement rétabli. Nos rapports s’était grandement améliorés lorsque nous reprîmes la route. Gwendal s’en tint à notre marché et ne me posa plus aucune question sur mon passé. Il m’interrogea en revanche sur mon mode de vie, ayant toujours beaucoup de mal avec mon côté libertin. Pour ma part, je commençais à lui apprendre le français, mais j’éprouvais toujours un certain dégoût pour cette langue à laquelle je tentais de passer outre. Gwendal était cependant un très bon élève et apprenait vite. Nous progressâmes rapidement, sans se presser bien que nous devions nous éloigner le plus possible de son père.
Après plusieurs jours de marches, nous finîmes par arriver dans un lieu que je connaissais bien. J’y étais arrivé assez rapidement après ma fuite de la France. Linda, une femme âgée vivait dans une maison trop grande pour elle et m’avait accueilli à bras ouverts. Je l’avais beaucoup aidé à remettre en état son jardin et sa maison qui était arrivée à un état de délabrement dangereux. Elle n’avait pas les moyens pour embaucher quelqu’un. Si elle s’était au départ méfiée de moi, elle avait fini par baisser ses gardes. Elle était veuve et n’avait jamais eu d’enfant. Sa solitude aurait pu la rendre aigrie, mais c’était tout le contraire. Lorsqu’elle a eu confiance en moi, elle s’est avérée être une femme drôle, sensible et presque maternelle.

- Où est ce qu’on va ? Me demanda Gwendal, tu sembles bien pressé tout d’un coup.
- Ce soir, nous dormons dans un lit bien confortable, déclarais-je avec un sourire.
Mais Gwendal ne répondit pas à mon sourire, bien au contraire.
- Ne t’inquiète pas, dis-je en éclatant de rire. C’est une femme et âgée qui plus est !
Gwendal s’empourpra, gêné d’être découvert aussi facilement.
 - Comment s’appelle-t-elle ? Comment tu l’as connu ? Finit-il par demander.
- Elle s’appelle Linda. C’est une femme très gentille, tu verras, tu l’aimeras beaucoup et je pense qu’elle t’apprécieras. Elle a fait beaucoup pour moi. Chaque année, à cet époque, je viens la voir et on célèbre son anniversaire. Son mari est mort et elle n’a pas eu d’enfants. Elle a rarement du monde qui vient la voir… Alors ça te convient ?
- Je… Oui ! Déclara-t-il en me rendant enfin mon sourire. On y est bientôt ?
- Encore une petite demi-heure, ajoutais-je avant de me remettre en route, Gwendal m’emboîtant le pas.
- Tu as rencontré beaucoup de monde, continua-t-il. Il est rare que l’on passe plus de quelques jours sans que tu ne connaisses quelqu’un.
- C’est vrai, répondis-je. Cela dépend des régions. Je suis resté pas mal de temps dans celle-ci. L’hiver est rude, mais l’été est une saison très agréable ici.

- Tu as de la chance… Je n’ai jamais rencontré personne hormis les amis de mon père.
- Mais maintenant, tu t’offres aussi cette chance ! Qui sait, peut être que tu rencontreras une jolie fille et que me laissera continuer seul. Ajoutais-je en riant.
- Je… je… Je veux pas rencontrer de fille, bafouilla-t-il, embarassé.
- Ou un beau mec comme moi ! Déclarais-je, me moquant de lui.
Gwendal vira aussitôt au cramoisi. Jamais je n’aurais pensé que l’on puisse devenir aussi rouge en si peu de temps.
- Je ne veux pas renconter quelqu’un comme ça ! Déclara-t-il, vexé que je me moque ainsi de lui.
- C’est ce que tu crois, dis-je amusé.
Gwendal ne répondit rien et je décidais d’arrêter d’insister. Le silence guida nos pas, jusqu’à ce que mon compagnon change de sujet.
 - Vivement qu’on arrive, je ne sens plus mes pieds.
- Il faudra qu’on t’achète de nouvelles chaussures, dis-je, en posant mes yeux sur les siennes qui étaient loin d’être appropriées.
Il fallut même moins d’une demi-heure pour arriver devant sa maison. Elle était à l’écart de la ville. Nous passâmes le petit portail en fer forgé que j’avais repeint l’an dernier. Mon cœur battait, trop heureux d’enfin la revoir. Je frappais plusieurs coups à la porte, sachant qu’elle mettait toujours du temps avant de m’entendre et de marcher jusqu’à celle-ci. Elle commençait à sentir les années passer. A ma grande surprise, la porte s’ouvrit presque ausstôt, manque de me faire sursauter. Une jeune femme, les lèvres pincées, nous demanda aussitôt :
- Je peux savoir ce que vous voulez ? Demanda-t-elle très désagréablement.
- Heu… Bonjour, est ce que Linda est ici.
- Cette vielle bique ? Elle nous a quitté depuis 6 mois.
- Pardon ? Demandais-je, le cœur battant, ayant peur de mal interprété. Où est-elle ?
La femme me regarda comme si j’était le plus grand de tout les imbéciles.
- Au cimetière, comme toutes les personnes qui décèdent ! Autre chose ? Vous êtes sur une propriété privée ici, alors si vous ne voulez rien de plus, je vous prie de partir.
Sans que je n’ai le temps de répondre quoi que ce soit, la femme claqua la porte. Je restais là, face à cette porte qui resterait maintenant à jamais fermée. Nous ne nous étions même pas dit au revoir, je n’avais pas été là pour elle. Je restais immobile, sans vraiment savoir ce que je ressentais. J’étais perdu, je n’arrivais pas à digérer l’information. C’est alors que je sentis une main attraper les miennes alors que Gwendal me disait :
- Viens Hayden, suis-moi.
Hagard, je le laissais mener le chemin. Une fois à l’extérieur de sa propriété, il me fit asseoir sur le vieux banc en bois.
- Je suis désolé que tu l’ai appris de cette manière, souffla-t-il, en s’asseyant à côté de moi, pour la première fois étonnamment près.
Sans un mot, je laissais mon sac tomber à mes pieds. Je n’avais pas envie de parler. À vrai dire, j’avais envie d’être seul, mais je ne repoussais pas sa main qui passait timidement dans mon dos. C’était si soudain. Et pourtant, elle avait tenté de me le faire comprendre à son dernier anniversaire. Je n’avais pas été là et elle avait sûrement du s’éteindre seul. J’aurais du être présent et lui tenir la main. J’aurais dû accepter de rester plus longtemps alors qu’elle me l’avait si expressément demandé. Je n’aurais pas dû ignorer ses larmes alors que je m’éloignais de chez elle…
Après un long silence durant lequel je restais silencieux, enfermé dans mon mutisme, Gwendal finit par proposer :
- Et si nous prenions une chambre d’hôtel ce soir. Je pense que nous en avons besoin… Surtout après ce que tu…
- Je n’en ai pas besoin, répondis-je en le coupant.
- Moi si ! Une vraie douche, un vrai lit, cela nous fera le plus grand bien.
- Si c’est pour toi alors d’accord… Dis-je, las.
- Bon et bien, dit-il en se redressant, allons-y, il commence à se faire tard.
Je le suivis sans un mot. Je ne savais pas quoi dire. Pour la première fois, ce fut Gwendal qui passa devant. Nous fîmes le chemin inverse pour revenir dans une petite ville. Arrivé devant un hôtel modeste, le seul dans cet endroit, dont le rez-de-chaussée était un bar, Gwendal me donna l’argent et m’attendit dans un coin. Il valait mieux qu’on voit son visage le moins possible. Je payais pour une chambre à partager, ayant même le luxe d’avoir deux lits séparés. Cela plairait sûrement à Gwendal. Nous allâmes y déposer nos affaires et nous nous offrîmes à chacun une douche amplement méritée. Gwendal me proposa d’aller manger un petit quelque chose au bar d’en dessous qui servait des plats simples. L’ambiance y était animée, et il nous choisit une table quelque peu excentrée. Gwendal commanda son plat et lorsque le serveur me demanda ce que je voulais pour ma part, je lui dis :
- Un verre de votre alcool le plus fort, et soyez généreux.
S’il parut surpris par ma demande, il n’en fit rien et ajouta :
- Ce sera tout ?
- Oui, merci. Répondis-je.
- Bien, déclara le serveur en récupérant les cartes.
Ce ne fut que lorsque celui-ci fut parti que Gwendal me dit :
- Tu es sûr que c’est une bonne idée ?
- T’occupe pas Gwen. Dis-je simplement, l’air renfrogné.
- C’est juste que ce n’est vraiment pas la meilleure méthode pour faire son deuil…
- Parce qu’il existe une bonne méthode, répondis-je, acerbe.
- Oh et puis, fait bien comme tu veux. Saoule-toi ! Mais ne me demande pas de te tenir la main quand tu ne te sentiras pas bien.
- Je ne t’ai jamais demandé de t’occuper de moi. Personne ne l’a jamais fait jusque-là ! Pas même ma mère.
Brusquement, ne voulant plus sentir son regard mi peiné, mi juge sur moi, j’ajoutais :
- Désolé Gwendal, je crois que j’ai besoin d’être seul.
Sans un mot de plus, sans lui laisser le temps d’avoir une quelconque réaction, je lui tournais le dos et allais m’installer au comptoir. Je bus mon verre cul sec, et un deuxième ne tarda pas à venir se présenter devant moi. Levant les yeux intrigué vers le barman, celui-ci répondit :
- C’est offert par le client assis à l’autre bout. Il me demande s’il peut vous rejoindre.
Je tournais la tête vers lui, il me fit un petit sourire et un petit signe de la main. Brun ténébreux, un peu plus grand que moi, mais plus fin, il était plutôt pas mal. Pourquoi pas… Cela me changerait les idées et me permettrait d’évacuer ce je ne sais quoi qui m’oppressait.
- Alors ? Insista le serveur.
- Je me ferais un plaisir de partager ce verre avec lui.
Celui-ci ne se fit pas prier. Dès lors que le serveur lui souffla ma réponse, il ne tarda pas à arriver près de moi. Je lui souris, il me répondit… Ainsi commença le jeu de la séduction. Plus rien existait à part lui et moi. J’oubliais tout, mon voyage, la mort de Linda et même Gwendal que je ne vis pas retourner dans la chambre sans m’adresser un mot.
Lorsque j’ouvris les yeux, la nuit était déjà avancée. J’avais simplement dû m’assoupir une petite heure pour me remettre de nos ébats. L’homme allongé à côté de moi dont je ne connaissais pas le nom ronflait. C’était sûrement cela qui m’avait réveillé. N’ayant aucune envie de le voir le lendemain matin, je me levais en ignorant mon mal de crâne. Je rassemblais mes affaires et filais sous la douche pour effacer toutes traces de nos activités de chambre.
Une fois propre, ce fut sans le moindre bruit que je sortis de sa chambre et tentais de me souvenir de la localisation de celle que je partageais avec Gwendal.  Celui-ci devait sûrement dormir. A chaque pas que j’effectuais dans le couloir, je sentais à nouveau un peu plus cette sensations oppressante me revenir à la gorge. Tentant de l’ignorer, n’aspirant qu’à une bonne nuit de sommeil dans un lit confortable, je poussais lentement la porte de notre chambre.
Le plus silencieusement possible, je marchais à pas feutré, mais brusquement, je m’accrochais les pieds sur le sac, mais je m’approchais les pieds sur le sac qui traînait et m’étendais bruyamment de tout mon long. Je venais de me tordre la cheville.
- Merde ! Râlais-je malgré moi. Fait chié.
Gwendal se redressa brusquement et appela, la voix tremblante :
- Hayden… C’est… C’est toi ?
- Oui, répondis-je. 
En me redressant, je boitais lamentablement jusqu’à mon lit. Gwendal alluma la lumière.
- Qu’est ce qui se passe ?
- Rien, je me suis juste tordu la cheville, désolé de t’avoir réveillé.
- Je ne dormais pas, répondit-il. Je n’y arrive pas.
Je me massais la cheville, soulagé de voir que ce n’était vraiment rien de grave. Une petite douleur pendant plusieurs jours et ça serait terminé. Gwendal se leva et vint s’asseoir à côté de moi. Me sentant un peu coupable de la manière dont je l’avais abandonné plus tôt dans la soirée, je soupirais avant de lui dire :
- Je suis désolé de t’avoir lâché comme ça tout à l’heure. C’était pas cool… Mais j’avais besoin de… Enfin…
- Tu sais, je comprends ce que tu ressens répondit-il. J’ai perdu ma grand-mère.
- Linda n’était pas ma grand-mère, répliquais-je alors que me gorge se serrait malgré moi, sans que je puisse le retenir.
- Elle ne l’était peut-être pas, mais il me semble que dans ton cœur, c’était tout comme. Autrement tu ne serais pas aussi affecté.
Je ne répondis rien, cessant de masser ma cheville. Une petite voix dans ma tête sembla me chuchoter sournoisement que plus jamais je n’aurais la chance de revoir Linda. Elle était partie, de manière définitive… Ma gorge ne noua, mon rythme cardiaque s’embala, j’avais envie de pleurer mais étonnamment, ce fut la main de Gwendal se posant sur ma cuisse qui m’en empêcha. Je n’étais pas du genre à pleurer ainsi devant les autres. Mathis l’aurait fait, pas Hayden.
- Elle était âgée, finis-je par souffler. Cela devait arriver à un moment ou à un autre.
Le silence qui suivit cette réplique ne dura pas longtemps, car je finis par lui demander :
- C’était ta grand mère paternelle ? Me risquais-je, n’en connaissant finalement pas beaucoup sur lui.
-  Maternelle, répondit-il. Elle est partie il y a 6 ans…
- Tu étais proche d’elle ?
- Plus qu’avec mes parents. Elle était différente. D’ailleurs ma famille ne l’appréciait pas beaucoup pour son franc parlé.
- J’aurais bien aimé la rencontrer. Je suis sûr que tu as hérité de certains traits de son caractère, dis-je en me moquant légèrement de lui.
Je soupirais en m’étirant.
- Il faudra qu’on trouve un travail, ajoutais-je, en changeant de sujet. On ne peut continuer de vivre sur nos économies. Qu’est ce que tu sais faire ?
- Je… C’est-à-dire que…
- Oh j’ai une idée, tu compteras les billets que je gagnerais, dis-je en me moquant de lui, ça tu es capable de le faire.
- Il est hors de question que je ne participe pas ! Déclara-t-il, n’appréciant pas ma moquerie.
- Nous vivons sur ton argent Gwen, tu participes largement.
- Ce n’est pas mon argent, c’est le nôtre ! Rétorqua-t-il. Il est pour nous deux.
- Alors laisse-moi travailler pour nous deux, répliquais-je avec un sourire. Tu n’as pas la condition physique pour les genres de travaux que l’on trouve dans notre condition de vagabonds…
- Mais je veux aider… Même si je ne sais pas faire grand chose…
- Nous en reparlerons demain, dis-je en baillant. Pour l’instant, que dis-tu d’une bonne nuit de sommeil ? Ce serait bête de ne pas profiter de cet hôtel.
- Ca va aller ? Me demanda-t-il soudain inquiet.
- De quoi ? Ma cheville ? Demandais-je étonné.
- Non… Linda…
Pourquoi mettait-il toujours le doigt où il ne fallait pas.
- Nous irons voir sa tombe demain avant de reprendre la route, dis-je, la voix plus grave et basse.

Gwen acquiesça, avant de retourner dans son lit. Au vu de la chaleur qui régnait dans la pièce, je ne gardais que mon boxer et m’installais sous les draps. Ce n’était certes pas un hôtel de luxe, mais le lit me semblait aussi confortable qu’un cocon. Ce fut épuisé, l’image de Linda gravée dans ma mémoire, que je finis par m’endormir…
Le lendemain, il avait été facile de trouver le cimetière après avoir demandé notre route. Je m’étais levé le cœur serré, ayant encore du mal à réalisé que Linda nous avez quittée. J’avais rêvé d’elle cette nuit et de la douceur maternelle dont elle avait fait preuve avec moi lorsque j’avais un peu plus de 16 ans. Je lui devais tellement… Arrivé devant sa tombe, Gwendal se mit un peu en retrait, sûrement par respect et pour me laisser seul faire mon deuil. La tombe était modeste, mais cela me réchauffa le cœur de voir qu’une personne avait laissé un bouquet de fleur. Ouvrant mon sac, je sortis le cadeau que j’avais prévu pour elle. C’était son anniversaire après tout. J’avais mis du temps à le réaliser. C’était une petite sculpture en bois de sa maison dont elle était si fière. Je l’avais réalisée de mémoire. Lentement, je le déposais sur sa tombe. Comment j’aurais aimé voir son visage lorsqu’elle aurait ouvert ce cadeau… J’aurais aimé qu’elle me raconte encore une de ces histoires. Elle avait été comme moi. Elle avait voyagé et parcourut tellement de pays. Puis elle avait rencontré son mari mais n’avait jamais cessé de voyager dans ses rêves. Elle était un modèle pour moi et plus jamais je n’écouterais ses conseils.  Aimait-elle vraiment cette maison dans laquelle je l’avais rencontrée. Chaque année, le soir de son anniversaire, je lui racontais ce que j’avais découvert durant le temps qui nous séparait. Son rire emplissait la pièce. Mais tout cela était terminé et son nom gravé dans la pierre me le rappelait amèrement.
Sans que je puisse les retenir, quelques larmes silencieuses coulèrent sur mes joues. Je ne cherchais pas à les essuyer. Elle me manquait déjà. Peut-être que Gwendal avait raison après tout. C’était en quelque sorte la grand-mère que je n’avais jamais eu. Je ne sus combien de temps je restais devant sa tombe.
Je finis par me redresser, essuyant les dernières traces de larmes qui maculait mes joues.  Me tournant vers Gwendal, j’esquissais un sourire qui sonnait faux avant de déclarer la voix basse :
- Reprenons la route.
Gwendal acquiesça silencieusement. Alors que j’emboîtais le pas, il me suivit. Pour la première fois de ma vie, je ne pris aucun plaisir à reprendre mon chemin. C’était comme si quelque chose m’accrochait à cet endroit. Quel cruel paradoxe… Il m’avait été plus facile de la quitter vivante et c’était sa mort qui me retenait. Sans un regard en arrière, nous quittâmes le cimetière, en silence, murmurant intérieurement « adieu Linda».

 

A suivre…