Chapitre 10 par Shinigami

 

Je me réveillais en sentant le lit s’affaisser à côté de moi alors que Juha s’engouffrait entre les couvertures. A demi somnolant, encore à moitié dans les limbes profonds du sommeil, je murmurais d’une voix endormie :

- T’étais où ?

- Dehors, répondit Juha avec une pointe d’amusement dans la voix. Mon cadeau avait besoin de sortir.

Je ne répondis rien et sans ouvrir les yeux, souhaitant encore profiter de la chaleur de la couette, j’attirais Juha à moi, sa présence m’ayant inconsciemment manquée durant son absence. Réprimant un frisson glacé, je murmurais :

- Tu es glacé…

Sans lui laisser le temps de répondre, je déposais mes lèvres à la commissure de ses lèvres avant d’enfouir mon visage dans son cou, tout en soupirant de bien être. Jamais depuis aussi loin que remontait mes souvenirs je ne m’étais sentis aussi bien et en sécurité entre les bras de quelqu’un.

Cependant, cela ne sembla pas satisfaire Juha car visiblement frustré, il murmura à son tour :

- Tu crois vraiment qu’un simple baiser sur le coin des lèvres va me réchauffer.

Ouvrant les yeux, à présent totalement réveillé, je me redressais sur mes coudes et surplombant Juha de toute ma hauteur, un sourire étirant mes lèvres, je demandais innocemment :

- Alors qu’est-ce que monsieur désir ?

- Je ne sais pas, répondit-il sur le même ton innocent et énigmatique.

D’une lenteur exagérée et toute calculée, j’entamais mon ascension vers ses lèvres, le regard pétillant de malice, sachant pertinemment ce que je voulais. Frustrant un peu plus Juha, fier de moi-même, je m’arrêtais à quelques centimètres seulement de lui, de façon à ce que mon souffle caresse son visage et, une pointe d’amusement et de moquerie dans la voix, je déclarais dans un souffle :

- Dommage que tu ne saches pas…

A bout de patience, il passa brusquement ses bras autour de moi et m’attira à lui, capturant mes lèvres pour ce baiser tant attendu. Avec une avidité non feinte, il prit possession de mes lèvres, attendant que je prenne moi-même l’initiative de lui faire entrouvrir les siennes. Dans un soupir de désir enfin satisfait, il accéda à ma requête muette et nous entraina dans un baiser des plus passionnés. Dans la volonté de me fondre en lui,  j’amenuisais la distance qui nous séparait encore, me collant tout contre lui tandis que de son côté, Juha faisait de même.

Après cet échange qui nous laissa tous les deux fébriles et repu, je posais ma tête sur son torse et me laissant aller à apprécier la tendresse du moment, je fermais les yeux, soupirant de bien être alors que Juha caressant doucement mon épaule. Après quelques minutes de ce traitement, je sombrais de nouveau dans les limbes du sommeil.

Lorsque j’ouvris de nouveau les yeux, le jour était maintenant bien entamé. Sous moi, Juha dormait encore profondément, une main possessivement posée sur la chute de mes reins et l’autre sur mon épaule. Je sourire tendrement face à tant de possessivité de sa part, comme s’il craignait de me voir partir, puis après un instant, je m’extirpais délicatement des draps, m’arrachant à son étreinte en faisant de mon mieux pour ne pas le réveiller.

Sans bruit, j’attrapais des affaires propres et allais m’enfermer dans la salle de bain. La chaleur de l’eau me fit un bien fou et  ainsi seul, je pouvais réfléchir à tête reposée à tous les derniers évènements de ma vie. Il était indiscutable que ma relation avec Juha avait prit un nouveau tournant et même si je m’obstinais à ne pas vouloir ouvrir les yeux, les faits étaient là et je ne pouvais les nier et faire comme si rien ne s’était passé. Et surtout, je n’en avais pas envie…

De plus, mon emménagement prochain avec lui n’était pas non plus anodin. L’un comme l’autre,  nous ressentions une évolution dans notre amitié sans pour autant parvenir à en définir les changements.

Pour ma part, je sentais naître en moi des sentiments inconnus, plus qu’une attirance, un réel besoin de sentir Juha près de moi, de l’avoir à mes côtés chaque jour que Dieu fait. Je ne comprenais rien à ce qui m’arrivait. Juste en moi, l’impression d’avoir déjà ressenti une fois cet étrange sentiment oublié et d’en avoir atrocement souffert par la suite… Rien de plus, juste… du flou. Un souvenir vague et indéfini, une sensation éthérée par le temps, immatérielle, une impression de déjà vue désuète et intemporelle… Après un temps à réfléchir sans parvenir  au moindre résultat, j’abandonnais cette idée dans l’espoir qu’elle me reviendrait d’elle-même. Je détestais cette sensation de savoir sans parvenir  à l’exprimer et restituer un nom sur cette sensation de déjà vécu.

Reportant mon attention sur l’instant présent, je finis de me laver les cheveux puis les rinçais longuement, retardant au maximum le moment de quitter ce petit sauna que je m’étais fait dans la cabine de douche envahie de buée. La chaleur bienfaitrice environnante détendait mes muscles et je me sentais me décontracter et atteindre un niveau de bien être à la limite de la béatitude. Jugeant avoir fait suffisamment durer le plaisir, je me décidais finalement à sortir de la douche. Je m’habillais à la hâte, détestant ce moment durant lequel il fallait se sécher et durant lequel le froid s’emparait de moi, puis quittais la salle de bain. J’eu la surprise de voir Juha réveiller en train de jouer avec Shanenja.

A son tour, Juha se leva et alla se doucher pendant que je jouais avec le chiot. Lorsqu’il revint, Juha alla se poser à mes côtés ans le canapé et à peine fut-il assis que je l’attirais contre moi afin de lui voler un baiser. Lorsque je consentis enfin à lui rendre sa liberté, Juha calla sa tête contre mon épaule en soupirant de contentement. Pour ma part, je me laissais aller à fermer les yeux de bien être, appréciant par dessus tout la proximité de Juha et la chaleur apaisante qui émanait de lui.

La journée se déroula aussi simplement qu’elle avait commencé et mis à part pour sortir Shanenja, nous ne quittâmes pas l’appartement. Le lendemain, nous étions allé travailler et pour ma part, j’avais sorti Orphée le temps d’une reprise, histoire qu’il se défoule un peu, lui qui supportait mal l’inactivité. Le jour sui suivit, nous avions recruté l’aide de Philippe pour déménager les quelques meubles qui meublaient ma petite chambre, n’ayant pas de moyen de locomotion. Là, nous étions tous les trois réunis dans le petit studio de Juha qui était à présent le notre et assis en face de Philippe, je n’osais le regarder, tout de même gêné, même s’il avait bien prit la chose. De plus, je pouvais sentir son regard posé sur moi et le petit sourire que je devinais suspendu à ses lèvres me perturbait affreusement. Je ne dû mon salut qu’à l’intervention de Juha qui fit irruption dans le salon avec le plateau de rafraichissement. Lorsqu’il s’assit en face de nous, Philippe prit la parole :

- Alors ? De qui est venue cette idée de cohabitation ?

Sentant le rouge me monter aux joues, j’adressais un regard à Juha pour l’inciter à répondre. Ce qu’il fit à mon plus grand soulagement :

- C’est… C’est moi qui lui aie proposé, répondit-il visiblement aussi gêné que moi.

- Et Gabriel a accepté… Termina Philippe en souriant avec bienveillance. En tout cas, ajouta-t-il après un court silence, je ne peux que vous souhaiter bonne chance. Gabriel, reprit-il en se tournant vers moi, je suis sincèrement heureux de te voir comme ça. Autant dire que je ne t’ai jamais vu aussi épanoui.

Puis, il reporta son attention sur Juha et avec tout le sérieux dont il était capable, il déclara :

- Sincèrement, merci Juha… Je suis content pour vous deux.

Autant Juha que moi étions profondément touché par les paroles de Philippe et sentant le regard de Juha posé sur moi, je levais les yeux pour le voir me sourire. Timidement, je le lui rendis, sous le regard bienveillant de Philippe. Quand je pensais à lui, il me faisait l’effet d’un ange gardien qui veillait sur moi et cela me touchait en plein cœur. Pour la seconde fois de ma vie, j’avais l’impression que ma solitude n’était plus qu’un souvenir. A présent, j’avais deux hommes merveilleux pour veiller sur moi et prendre soin de moi comme une seule personne l’avait fait par le passé.

Cependant, coupant court à notre œillade, Philippe demanda avec le plus grand intérêt et sans la moindre once de gêne ou de pudeur quelconque :

- Et où en est votre relation à tous les deux ?

Prenant mon courage à deux mains, et pour être honnête, appréhendant quelque peu la réponse de Juha, je déclarais :

- Disons que nous sommes des amis… De très bons amis… intimes, mais ça s’arrête là.

- Oh, je vois… Souffla Philippe. De très bons amis intimes, répéta-t-il la voix lourde de sous entendus.

Mentalement, je prestais contre moi-même, lui ayant inconsciemment moi-même tendu la perche, tandis que Philippe nous scrutait tour à tour, le regard lourd de sens et un petit sourire entendu en coin. Il nous observa ainsi durant un temps qui me parut une éternité avant de reprendre avec gravité :

- Tu sais Gabriel, plus le temps passe et plus je pense que d’être sorti avec Marion était la plus grosse erreur de ta vie. C’est ma fille, certes, mais elle n’était pas faite pour toi, tout comme tu n’étais pas fait pour elle. Tu es bien plus heureux avec Juha actuellement, c’est indéniable. Je trouve que… Je trouve que tu te laisses enfin aller à être toi-même.

- Je… Commençais-je sans parvenir à aller plus loin, ma voix se bloquant dans ma gorge.

Honnêtement, je me sentais à deux doigts de pleurer comme rarement il m’arrivait de le faire. Ma gorge se serait et mes yeux me brûlaient. C’est au prix d’un effort demandant toute ma volonté que je parvins à refouler mes larmes. Contre toute attente, je vis Juha se lever et venir s’asseoir près de moi,  posant sa main sur la mienne en un geste qui se voulait réconfortant. Je ne dis rien, me contentant d’adresser à Juha un petit sourire dans lequel s’il regardait correctement, il aurait pu lire tous les “merci” du monde. Puis, après un court instant, je me tournais vers Philippe et déclarais simplement :

- Je… Merci, Philippe.

- Gabriel… Sache que je te considère comme mon propre fils, ce fils que je n’ai jamais eu. Alors il est normal que je me fasse du souci pour toi. Tu es en tout cas entre de bonnes mains. De plus, tu t’ouvres de plus en plus aux autres. Tu te laisses aller à t’ouvrir aux autres et rien ne peut me rendre plus heureux.

Je ne trouvais rien à répondre à cela et un silence s’installa entre nous. Après un temps, Philippe déclara, détendant l’atmosphère :

- En tout cas, je sais pas ce qu’il t’a fait, mais tu as maintenant une sensibilité à fleur de peau.

Je sentis le rouge me monter aux joues alors que Philippe se levait en riant, s’excusant auprès de nous. Plongé dans mes pensés, je songeais à la dernière phrase de Philippe. Cette sensibilité dont il faisait allusion, était-ce Juha qui l’avait fait naitre en moi ? Au fond de moi, je sentais que ce n’était pas le cas… Je la possédais depuis bien avant que je ne fasse la connaissance de Juha… A bien y réfléchir, depuis toujours en fait… Seulement, je l’avais enfouie au plus profond de moi, au même endroit que mes souvenirs pour bâtir autour de mon coeur un rempart de glace que personne n’était parvenu à briser. Personne depuis le départ de Kay et jusqu’à maintenant… Pourtant, je le sentais, depuis quelque temps, celui-ci commençait à se fissurer…

Je n’eu pas le loisir d’approfondir d’avantage mes réflexions, que je sentis Juha m’attirer vivement contre lui. Avec avidité, il s’empara de mes lèvres et m’enlaça plus fortement encore. Déstabilisé, je répondis instinctivement au baiser de Juha, entrouvrant les lèvres suite à sa demande muette. Depuis quelques temps, nos baisers avaient une saveur nouvelle, se faisaient de plus en plus ardents et empressés, comme s’ils cherchaient quelque chose. Dérouté par la passion et la fougue que Juha mettait dans son baiser, je finis par m’agripper à lui comme pour me raccrocher à la réalité, me sentant perdre pieds. Nos langues se mêlaient avec un désir non feint et une passion dévorante et ce fut un toussotement de la part de Philippe qui nous ramena brutalement à la réalité.

Cramoisi, nous nous séparâmes peut être un peu trop vivement, honteux de nous faire surprendre dans cette position des plus intimes par Philippe qui revint prendre place à nos côtés, Shanenja  dans les bras, un sourire énigmatique étirant ses lèvres.

- Au fait, déclara-t-il, changeant complètement de sujet, je voulais vous demander si vous aviez quelque chose de prévu pour le réveillon du jour de l’an. Marion n’est pas là alors j’ai pensé vous inviter tous les deux.

- Avec plaisir, répondit Juha.

- Oui, avec plaisir, confirmais-je en le remerciant d’un sourire.

C’est alors que la sonnette retentie dans l’appartement. Je lançais un regard étonné à Juha alors que Philippe demandait :

- Tu attends quelqu’un ?

Je vis Juha réfuter d’un hochement négatif de la tête avait de se lever et de déclarer :

- Je reviens.

Je le suivais du regard jusqu’à ce qu’il disparaisse de mon champ de vision. Après un instant de silence, j’entendis avec horreur Juha pousser un cri de douleur, comme s’il venait de se blesser  alors une voix que je ne connaissais que trop bien s’élevait depuis le hall d’entrée :

- Je vais te crever pour de bon cette fois-ci.

Mon sang ne fit qu’un tour et je me précipitais sans attendre dans l’entrée. Avec horreur, je vis le frère de Killian lever une arme blanche sur Juha qui, paralysé d’effroi, ne pouvait plus bouger. Avec toute la fureur qui m’habitais, je me jetais sur l’étranger et le plaquais violemment contre le mur, en le désarmant d’un geste vif. Je jetais un rapide coup d’oeil à Juha afin de voir comment il allait et fit un signe de tête à Philippe qui était au téléphone, lui faisant comprendre de garder un oeil sur Juha pendant que je m’occupais du frère de Killian. Je lui adressais un regard meurtrier, lui faisant comprendre la fureur qui m’habitais à l’idée qu’il ait voulut s’en prendre à Juha, mais plus téméraire que je ne l’aurais cru, il déclara à mon attention :

- Il est en train de faire la même chose avec toi. il te manipule. Il déménage avec toi, il te baise, il t’embobine et bientôt, il te tirera une balle dans la tête…

Je tressaillais à l’entente de ses mots, mais mon attention fut vite reportées sur Juha alors que du coin de l’oeil, je le vis mettre ses mais sur ses oreilles avant de, lentement, se laisser glisser contre le mur. L’espace d’une seconde, j’hésitais entre le prendre dans mes bras et maintenir hors d’état de nuire l’agresseur de Juha. Cependant lorsque je vis Philippe venir vers lui et lui poser la main sur l’épaule, je décidais de le laisser faire. Juha était en état de choc et énervé comme je l’étais, j’avais peur d’être un peu trop brusque avec lui, sans pour autant le vouloir.

Délicatement, Philippe souleva Juha, l’aidant à se lever et le guida hors de porter de son agresseur. Je n’y avais pas vraiment prêté attention jusqu’à maintenant, plus préoccupé par sa santé mentale que physique, mais le bras de Juha semblait visiblement bien entaillé, car je pus voir le sang goutter de sa plaie et tâcher le parquet.

Avant qu’il ne disparaisse dans la pièce voisine, Philippe se tourna vers moi et déclara :

- Je reviens ! Et si jamais il y a un souci avec lui, ajouta-t-il en désignant le frère de Killian d’un mouvement de la tête, assomme-le ! La police ne devrait pas tarder à arriver.

Un sourire étira mes lèvres face au comportement étonnant de Philippe et reportant mon attention sur l’agresseur, je déclarais d’une voix menaçante en le poussant devant moi :

- Avance ! Et si jamais tu tentes quoi que ce soit, j’te démoli ta gueule de play-boy !

Semblant prendre ma menace au sérieux, il obéit docilement à mon ordre et alla s’asseoir sur une chaise dans la cuisine tandis que je refermais d’un coup de pied la porte derrière moi. Cependant, reprenant du poil de la bête, il s’exclama :

- T’es en train de faire une connerie ! T’as toujours pas compris qu’il se joue de toi ?

Je restais un instant silencieux, médusé par la vigueur avec laquelle il se persuadait lui-même de la véracité de ses paroles. Profitant de mon silence et de mon absence de réaction, il poursuivit :

- Ne te fis pas aux apparences ! Elles sont plus trompeuses qu’on ne le croit !

- Tais toi ! Sifflais-je.

- Quoi ? Tu as peur d’entendre la vérité ?

- Je connais la vérité ! M’exclamais-je vivement, agacé par son petit air supérieur.

- Laquelle ? Celle dans laquelle il passe pour la victime ? Il t’a raconté quoi ? Qu’il avait tué Killian parce qu’il était condamné ? Mais est-ce une raison suffisante pour ôter la vie à un homme ? Détrompe-toi ! Ce mec ment comme il respire… Tu veux savoir la vérité ? La seule, l’unique…

- Cela suffit ! M’exclamais-je, sentant malgré moi, un début de peur nouer mes entrailles.

Au fond de moi, je sentais que cet homme était dangereux. Cette façon qu’il avait d’exprimer ses convictions, la fougue et la passion qu’il mettait dans ses mots avait quelque chose de véritablement inquiétant. A la façon des fanatiques, il plaidait sa cause, prêchant sa version des faits, sachant très bien comment semer le trouble dans mon esprit.

- Quoi ? Demanda-t-il, un sourire en coin étirant ses lèvres. Tu doutes ? Et tu as raison ! Tu veux savoir la vérité ? Mon frère n’était pas malade ! C’est des conneries tout ça, ce n’est que pure invention de son esprit malade ! Même les médecins légistes n’ont rien pu démontrer… Si tu veux mon avis, tu devrais foutre le camp d’ici avant de finir la cervelle explosée contre les murs de cet appartement ! Cela ferait désordre… Ce gars n’est rien de plus qu’un assassin… Il choisit sa victime, de préférence un jeune homme un peu perdu, il profite des avantages qu’il peut en tirer, il le baise, comme il l’a fait avec Killian et une fois lassé, il le tue avant de recommencer de nouveau… C’est un cercle vicieux… Tu es pris dans l’engrenage du destin et je suis venu pour t’en libérer…

- Silence ! M’exclamais-je avec plus de conviction alors que je prenais entièrement conscience de l’ampleur de la folie qui consumait son âme.

un sourire satisfait naquit sur ses lèvres, comme s’il prenait pour une victoire le fait d’être parvenu à me troubler l’espace d’un instant. Je lui lançais un regard assassin, mais au fond de moi, je devais avouer qu’il me faisait de plus en plus peur. Heureusement, on ne tarda pas à sonner à la porte et c’est avec un certain soulagement que je vis les policiers entrer dans l’appartement.

Sans un mot, je les conduis vers l’homme pour lequel ils avaient fait le déplacement et m’excusant auprès des deux hommes, j’allais chercher Philippe. Sans prendre la peine de frapper, j’entrouvris la porte de la salle de bain et aussitôt, je cherchais Juha du regard, inquiet. Quand je le vis, je fus soulagé de voir qu’il allait bien même si visiblement il était encore sous le choc. En venant directement aux faits, je déclarais, reportant mon attention sur Philippe :

- Les flics sont là, je te laisse t’en…

- Oh oui, me coupa-t-il, je m’en occupe.

Sur ces mots, il se leva et quitta la pièce, nous laissant seuls. A peine ais-je eu le temps de m’approcher de lui et de m’asseoir à ses côtés que ses larmes se mirent à couler le long de ses joues. Sans réfléchir, ne supportant pas de le voir sans un tel état de faiblesse, lui d’habitude si fort, je le pris dans mes bras, l’attirant vivement  contre moi. Assis à même le sol, dans une position qui laissait à désirer, je sentais mon dos en patir mais je n’en avais cure. Pour le moment, tout mon univers se résumait à Juha. Du mieux que je pouvais, je tentais de le réconforter, le serrant fermement contre moi, tout en lui caressant tendrement le dos.

Au bout d’un temps qui me parut interminable, je sentis Juha se faire de plus en plus lourd contre moi tandis que sa respiration se faisait plus lente et plus régulière. Il poussa un profond soupir et je compris qu’il venait de s’endormir, épuisé autant physiquement que mentalement par les larmes qu’il avait versé.

Je restais un instant immobile, attendant qu’il s’endorme suffisamment profondément pour ne pas le réveiller et, ne me voyant pas revenir, Philippe frappa quelques coups discrets à la porte avant d’entrer. Nous voyant ainsi enlacé, Juha endormi tout contre mon épaule, un de ses éternels sourires paternel étira ses lèvres alors qu’il murmurait :

- Tu ne devrais pas rester là, tu vas finir par attraper froid en restant assis par terre. Viens, tu seras bien mieux dans le salon.

Venant m’aider, il soutint Juha le temps que je me lève et m’étire, le corps endolori par la pose que j’avais gardée trop longtemps. Après quoi, Philippe m’aida à le soutenir jusqu’au salon, sachant pertinemment que seul, je n’arriverais pas à le porter, n’étant pas aussi bien bâti que Juha. Une fois devant le canapé, nous allongeâmes délicatement Juha sur celui-ci et alors que je m’apprêtais à aller chercher une couverture dans notre chambre, Philippe me posa une main sur l’épaule et déclara, me souriant tendrement :

- Assied-toi, j’y vais.

Docilement, j’obéis sans protester et soulevant la tête de Juha, je pris place sur le canapé avant de reposer sa tête sur ma cuisse. Quelques secondes plus tard, Philippe revint et son sourire s’élargit face au spectacle qu’il découvrait et devant son air malicieux, je ne pus que détourner le regard, sentant mes joues s’empourprer sous son regard lourd de sous-entendus.

Constatant ma gêne, son sourire s’accentua puis changeant radicalement de comportement, il demanda :

- Tu veux boire quelque chose ?

- Je prendrais bien un coca s’il te plait. Tu les trouveras dans le bas de la porte du frigo, expliquais-je.

- Je t’apporte ça, reprit-il avant d’ajouter gravement, nous devons parler toi et moi…

A ces mots, je sentis mon coeur s’emballer dans ma poitrine, redoutant malgré moi une révélation qui pourrait ne pas me plaire. Je n’aimais pas du tout l’air sérieux qu’avait Philippe en cet instant et pour moi, cela laissait présager le pire. Je l’avais rarement vu aussi sérieux et j’en étais venu à redouter cette expression, ne sachant que trop bien ce qu’elle signifiait. Lorsque Philippe revint, il me tendit mon coca avant d’aller prendre place dans le fauteuil qui me faisait face. Après un lourd silence angoissant, il finit par prendre la parole :

- Au risque de me répéter, je tiens énormément à toi Gabriel. Juha est un garçon très bien, adorable, gentil et pourvut de bien d’autres qualités, mais il traîne derrière lui un lourd passé… Que tu t’engages avec lui ne me pose aucun problème et tu le sais parfaitement. Cependant, tu dois savoir qu’en acceptant cette relation, tu acceptes également les problèmes de Juha comme lui accepte les tiens. Cela ne sera pas facile et tout rose tous les jours… C’est pourquoi je te demande de bien réfléchir… Vous êtes encore jeunes et vous avez du temps devant vous. il est inutile de précipiter les choses si l’un comme l’autre vous ne vous sentez pas prêt… Votre relation est encore fragile et je ne veux pas te voir souffrir…

- Je… Je sais, soufflais-je en reportant un instant mon attention sur Juha qui dormait toujours profondément.

Je laissais mes doigts courir le long de son visage en une caresse aérienne, rassemblant mon courage afin de dévoiler à Philippe ce que je cachais au plus profond de moi depuis quelques temps déjà. Inspirant profondément, je finis par déclarer, la voix un peu rauque, brisée par l’émotion :

- Je… Chaque jour je ressens de plus en plus fortement le besoin d’avoir Juha à mes côtés… Ca en devient presque oppressant… Il m’est devenu indispensable… Soufflais-je non sans gêne, néanmoins un peu honteux et gêné d’exposer ainsi ma vie sentimentale à Philippe qui m’écoutait religieusement et avec attention. J’ai déjà beaucoup réfléchi à la question et je veux vraiment tenter de construire quelque chose avec lui. Je ne sais pas ce que l’avenir nous réserve, mais je me sens prêt à essayer.

Après un court silence, j’ajoutais dans un murmure, craignant que Juha n’entende ce que je m’apprêtais à dévoiler à Philippe :

- Je… Je l’aime…

- Je sais, répondit Philippe, un sourire sincère dépeint sur son visage. Je l’avais deviné, peut être même bien avant toi.

Je ne répondis rien, détournant simplement le regard en sentant le rouge me monter aux joues.

- Je suis à la fois fier et heureux de te voir aussi rayonnant, poursuivit-il après un court silence. Le sait-il ?

Je secouais négativement la tête en guise de réponse et ne semblant pas surpris de ma réponse, il demanda :

- Pourquoi ?

- Par peur sans doute, répondis-je. J’ai peur que cela soit trop tôt, qu’il ne soit pas prêt à l’entendre… Et puis, je ne suis pas convaincu qu’il partage les mêmes sentiments que moi à mon égard…

- Tu sais, seul lui pourra te le dire, mais au vue des regards enflammés qu’il t’adresse, je mettrais ma main à couper que tu ne le laisse pas indifférent…

Je m’empourprais à ces mots, sans pour autant oser trop y croire. Après cela, nous restâmes silencieux un instant, mais le front plissé de Philippe m’incita à lui demander :

- Tu parais soucieux, il y a un problème ?

- Je m’interroge en effet, répondit Philippe sur un ton grave. Ne trouves-tu pas étrange les réactions excessives que peut parfois avoir Juha ?

- Que veux-tu dire ? Demandais-je, ne comprenant pas où il voulait en venir.

- Tout à l’heure, entreprit-il de m’expliquer, quand j’ai voulu soigner sa plaie, tout à fait bénigne soit dit au passage, il à sursauté violemment lorsque j’ai posé ma main sur son bras. Un peu comme… Un peu comme s’il venait de se brûler… As-tu déjà eu cette impression qu’il fuyait ton contact, ou même sans aller jusque là, qu’il l’évitait ou l’appréhendait ?

Je réfléchis un instant à la question de mon vis à vis avant de répondre avec hésitation :

- Maintenant que tu le dis, c’est vrai que parfois j’ai l’impression qu’il est… Pas dégoûté, mais… Plus comme surpris… Enfin, je sais pas trop comment l’expliquer, mais c’est comme s’il ressentait quelque chose quand je le touche… Tu as une idée de ce que cela peut être ?

- Aucune, répondit Philippe. Mais je me renseignerais sur la question…

Nous restâmes encore bien une demi-heure à parler ainsi et pour la première fois de ma vie, je parlais à coeur ouvert à Philippe, lui confiant sans crainte mes doutes et mes peurs, mes espoirs et mes illusions. Avant de partir, Philippe m’aida à changer Juha, puis attrapant la laisse de Shanenja, j’accompagnais Philippe jusqu’à sa voiture. Je restais un instant dehors, attendant que Shanenja finisse ses besoins avant de remonter à l’appartement. Puis, en attendant que Juha daigne enfin se réveiller, j’allumais la télévision histoire de faire passer le temps. Je n’eu pas à attendre indéfiniment car moins d’un quart d’heure après, je fus pris par la très désagréable sensation d’être observé. Je reportais mon attention sur Juha qui me regardait en souriant. Je répondis à son sourire, heureux de le voir ainsi, et avant que je n’aie le temps de réaliser mon acte, agissant sous l’impulsivité, je me penchais vers lui pour l’embrasser délicatement sur le front.

L’instant suivant, Juha s’asseyait et déposait sa tête tout contre mon épaule.  Malgré son silence, je pouvais sentir que quelque chose le tracassait. Mes doutes se confirmèrent lorsque subitement, il prit la parole, se libérant d’un poids qui semblait lui peser sur le coeur :

- Je suis désolé pour tout ça, Gabriel. A peine tu emménages ici que…

Sachant très bien où il voulait en venir, je le fis taire instantanément, avant qu’il ne prononce un mot de plus, d’une légère pression de mon index sur ses lèvres. Puis, pour donner plus de poids à mon injonction muette, je déclarais posément :

- Mieux vaux que tu te taises et que tu continues de te reposer si c’est pour dire de telles âneries. C’est fini Juha, ajoutais-je après quelques secondes. Il ne t’embêtera plus.

La sensibilité à fleur de peau,  c’est au bord des larmes et la voix brisée par des sanglots contenus qu’il déclara :

- Je… Pour tout ce qu’il t’a dit… Ne… Ne t’inquiète pas Gabriel. A la différence du frère de Killian, tu connais les circonstances et pourquoi je l’ai tué… Je… Jamais… Jamais je ne te ferais de mal, Gabriel…

Comprenant que sa crainte était réelle, je me tournais vers lui, plantant mon regard dans le sien et déclarais, toujours avec ce même ton calme et posé :

- Je le sais parfaitement Juha. Même si je ne sais pas tout, je te fais confiance.

Sans lui laisser le temps de répondre, je l’attirais à moi pour une tendre étreinte. Je sentis mon coeur se serrer douloureusement à la vue de la larme qui coulait sur sa joue. Je n’aimais décidemment pas le voir aussi faible. D’une voix brisée par l’émotion, il murmura à mon oreille, me faisant frissonner de tout mon être :

- Merci Gabriel… Merci d’être là… Merci pour tout ce que tu as fait…

La gratitude et la reconnaissance que je pouvais déceler dans sa voix me toucha profondément. S’il savait… S’il sait tout ce que je serais capable de faire juste pour le voir sourire… Maintenant que j’avais ouvert les yeux sur mes sentiments pour lui, ceux-ci me sautaient comme une bombe au visage. Je l’aimais… Je l’aimais comme une seule fois auparavant il m’avait été donné de le faire…

Nous restâmes un long moment ainsi et lorsque nous finîmes par nous séparer, j’insistais auprès de Juha afin qu’il aille prendre un bain qui lui ferait le plus grand bien. Ce soir, c’est moi qui préparerais le repas, même si je dois avouer que je ne suis pas très doué pour cela.

- Je n’ai pas vraiment faim, répondit simplement Juha.

Si je ne le connaissais pas, ces mots m’auraient sûrement vexés, mais je savais pertinemment qu’il n’y avait pas d’arrière pensées dans cette phrase. Juste une grande lassitude.

- Et bien tu te forceras un peu, insistais-je sur un ton qui n’acceptait aucun refus. Tu es tout pâle et fébrile et je pense sérieusement que te nourrir te fera le plus grand bien.

C’est avec soulagement que je vis Juha se détourner de moi pour se rendre à la salle de bain. Une fois seul, je me rendis à la cuisine et posais mes mains sur le plan de travail, fermant les yeux histoire de décompresser un peu de l’angoisse et de la fatigue qui se faisait ressentir. Après quoi, j’entrepris de préparer un repas rapide qui conviendrait très bien pour ce soir. Un moment plus tard, Juha vint me rejoindre à la cuisine.

- Ca va un peu mieux ? M’empressais-je de lui demander, satisfait de voir qu’il avait reprit quelques couleurs. Ne reste pas là, ajoutais-je, je t’amène ton assiette dans le salon.

Docilement, je le vis obéir sans protester. Je le rejoignis quelques secondes plus tard, une assiette dans chaque main. Je lui tendis la sienne avant de m’asseoir. Entamant la conversation, je déclarais :

- J’ai sortis Shanenja tout à l’heure, je l’ai nourris, il ne va pas tarder à nous rejoindre. J’irais le sortir une dernière fois tout à l’heure.

- Merci, se contenta-t-il de répondre.

Nous mangeâmes dans un silence monastique puis après avoir débarrassé le peu de vaisselle, je sortis Shanenja. A vrai dire, j’avais besoin de prendre l’air, de changer d’oxygène et de m’aérer l’esprit. Inconsciemment, Juha avait créé une certaine tension et malgré les efforts que je déployais, je n’aurais pas pu rester impassible ne serais-ce que quelques minutes de plus. Je comprenais parfaitement qu’il soit encore un peu déstabilisé par son expérience de cet après-midi, et j’étais là pour lui de façon la plus naturelle qui soit. J’aimais prendre soin de lui, lui montrer qu’il comptait pour moi, mais l’indifférence dont il faisait preuve depuis son réveil me blessait malgré moi.

J’avais l’impression de ne lui être d’aucune utilité… Mon coeur se serra douloureusement à cette pensée. De plus, j’étais partagé encre le désir de lui avouer enfin mes sentiments à son égard et cette petite voix intérieure qui m’intimait de me taire, de garder tout cela en moi au risque de le perdre. Jamais auparavant je n’avais été aussi indécis et tiraillé de la sorte et cela n’améliorait pas mon état actuel. J’étais sur les nerfs et à bout de patience, j’avais envie d’hurler ma frustration et mon désespoir au monde entier. Je voulais crier mon amour à Juha mais la peur de le perdre était trop forte, alors je me taisais… Etonnement, je sentis les larmes me monter aux yeux et d’un geste rageur, je les essuyais vivement. Je ne devais pas pleurer, pas pour lui… J’avais déjà versé trop de larmes par le passé et je ne voulais pas redevenir cet être faible et minable que j’avais été.

Finalement, je trainais un peu à l’extérieur malgré le froid qui m’engourdissait le corps, le temps de retrouver un air à peu près serein. Après une bonne vingtaine de minutes durant lesquelle Shanenja s’amusa à courir partout, je me décidais enfin à rentrer et puis, je ne voulais pas que Juha s’inquiète inutilement en ne me voyant pas revenir. Lorsque j’entrais dans l’appartement, je fus surpris de le trouver plongé dans le noir. D’une voix douce, j’appelais Juha, mais n’obtenant aucune réponse de sa part, j’en déduis qu’il avait dû aller se de coucher. Cela se confirma lorsque j’allumais la lumière dans notre petit salon et ne vis personne. Après avoir souhaité une bonne nuit à Shanenja en lui offrant un câlin, je fis un saut rapide à la salle de bain. Puis, sans bruit,  le plus discrêtement possible afin de ne pas réveiller Juha, je me glissais entre les couvertures.

Cependant, malgré ma discrétion, je le vis ouvrir les yeux et me sourire tendrement. Sourire auquel je répondis en sentant mon coeur se gonfflé d’amour pour cet homme qui venait illuminer ma vie. Ne résistant pas à la tentation de ses lèvres, je déposais délicatement les miennes sur sa bouche pour un baiser simple mais non démuni de sentiments. Après quoi, je m’allongeais à mon tour, me blottissant tout contre lui, à la recherche de sa chaleur et sa présence rassurante. Soupirant d’aisance et de bien être, je murmurais un simple “bonne nuit” avant de fermer les yeux et calquer ma respiration à celle calme et régulière de Juha.

Les jours qui suivirent passèrent à une vitesse surprenante. Des jours durant lesquels mon amour pour Juha ne cessait de croître, amour que je gardais enfoui au plus profond de moi. Habillé d’une chemise noir et d’un jean de la même couleur, nous nous apprêtions à nous rendre chez Philippe pour le réveillon du jour de l’an. Cependant, le bonheur que je ressentais en cet instant était entaché par la conversation que nous tenions. Nous savions pertinement que nous nous engagions sur un terrain glissant, mais ni l’un ni l’autre n’étions prêt à nous avouer vaincu en mettant un terme à cette conversation. Je voulais essayer de mettre un peu de plomb dans la cervelle de Juha, tenter de lui fair ecomprendre mon point de vue sur un sujet qui nous séprarait complètement.

- Ce que je veux dire, m’exclamais-je à bout de patience, c’est que tu pourrais profiter de cette nouvelle année qui commence pour aller voir ta famille. Si tu as peur d’y aller seul, je t’accompagnerais, ce n’est vraiment pas le souci.

Aussitôt que je prononçais ses mots, j’en vins à les regretter amèrement… Comment allait réagir Juha à cette intrusion de ma part dans sa vie privée ? J’étais lassé de cette conversation qui ne menait à rien, lassé de nos disputes répétitives pour des raisons qui n’en vallaient vraiment pas la peine. Visiblement irritté, Juha répondit sèchement :

- Tu ne comprend rien, Gabiel. Tu te places uniquement de ton point de vue pour analyser la chose. Ca te paraît si simple…

Blessé malgré moi par ces mots durs, je tentais tout de même de ne pas lui montrer à quel point ça m’avait touché et contre attaquais tout aussi vivement :

- C’est vraiment idiot, Juha. Tu as une famille, tu as de la chance et qu’est-ce que tu fais ? Tu gâches cette chance.

Comment pouvait-il être aussi buté ? Pourquoi n’essayait-il pas de comprendre mon point de vue, de s’imaginer à ma place ? Pourquoi devait-il à tout prix me convaincre qu’il avait raison et moi tors ? Tiendrait-il les mêmes propos s’il n’avait, comme moi, pas eut la chance d’avoir une famille et un foyer ?

- Ne juge pas sans savoir, s’exclama-t-il. Ce n’est pas parce que tu n’en as pas eu que j’ai eu, moi, une famille merveilleuse.

Retenant à grand peine des larmes de colère, de  douleur et de frustration, je m’exclamais un peu trop violemment peu être :

- Alors comment veux-tu que je comprennes si tu ne me dit rien ? Je ne connais presque rien de toi, poursuivis-je dans mon élan, emporté par le désespoir de voir que Juha semblait avoir si peu confiance en moi, sauf que tu as passé dix ans de ta vie en prison parce que tu as tué Killian…

Je me tus brusquement en réalisant ce que je venais de dire, sachat pertinement que j’avais été trop loin. Sur un ton calme qui ne laissait rien présager de bon, Juha déclara alors :

-Peu être que je ne te dis rien parce qu’il n’y a rien à savoir. Dix ans de ma putain de vie ont été gâchés en prison mais celle que j’avais avant n’était que très banale. Pourquoi je ne tiens pas à voir mes parents ? Tu veux vraiment le savoir ? ALors que je venais de leur annoncer mon homosexualité en leur présentant Killian, ils l’ont, face à nous deux, très bien prit. Nous avons passé une merveilleuse soirée.

Au fur et à mesure qu’il prononçait ces mots, Je sentais la colère de Juha se faire de plus en plus oppressante. Prenant un temps pour se calmer, il finit par reprendre :

- Quand j’y repense, quels hypocrites ! Toujours est-il que lorsque nous sommes allés nous coucher, j’avais oublié un truc dans le salon. Et c’est là que je les ai vu, ma mère pleurant dans les bras de mon père en se demandant ce qu’elle avait fait pour mériter cela. Il ne vaux mieux pas que je te raconte le reste parce que ça n’en vaux vraiment pas la peine. Ils avaient placé la barre très haute pour moi, alors que se sont-il dit lorsque leur fils qui plus est homosexuel est devenu un meurtrier ? Non, je n’irais pas les voir, c’est vraiment au dessus de mes forces.

Sur ces mots, je finit par me taire et prenant pleinement conscience des paroles de Juha, je restais silencieux. Ce ne fut qu’un moment plus tard que , m’avouant finalement vaincu, je posais ma main sur sa cuisse en un geste qui se voulait à la fois réconfortant et à la fois une demande de pardon. D’une petite voix, je murmurais :

- Je suis désolé, Juha…

Il m’adressa alors un regard que je ne parvins pas à analyser et honteux, je retirais ma main de sa cuisse. Quelques secondes plus tard, je me garais dans la cours, et sans un mot ni un regard pour Juha, je sortis de la voiture. Je devais avouer que j’étais terribelement honteux et gêné de mon comportement des plus égoïstes. Sans attendre Juha, jem’engouffrait sur le petit chemin pavé qui menait à la maison de Philippe. Soudain, je sentis Juha m’attraper par le bras avec douceur et fermeté, me forçant à lui faire face :

- Je suis désolé de m’être emporté ainsi… Murmura-t-il, une lueur de tristesse dans le regard.

Sans plus attendre, il m’attira en douceur contre lui et totalement envoûté, je me laissais faire docilement. La lueur dans ses yeux étant suffisament claire et explicite pour que je comprennne ce qu’il souhaitait et attendait de moi.

Cédant à cet amour qu’il faisait vibrer en moi, je parcourus en même temps que lui la distance qui séparait nos lèvres. Sentant un élan de bien être m’envahir, je me laissais complètement aller entre les bras de Juha, m’abandonnant à lui sans la moindre résistance. nous nous séparâmes un long moment plus tard, le souffle erratique suite à ce baiser des plus ardents que nous venions d’échanger. Ce baiser était pour moi signe de réconciliation, que tout ce qui venait de s’être dit appartenait au passé et ne devrait plus interférer dans le moment que nous nous apprétions à vivre avec Philippe. En aucun cas je voulais que cela ne vienne gâcher notre soirée à tous les trois. C’est côtes à côtes, étroitement proches que nous parcourûmes les derniers mètres qui nous restait à parcourir pour arriver chez Philippe.

A peine ce dernier eut-il sonné que Philippe nous ouvrait avec un grand sourire, comme s’il savait que nous étions sur le point de sonner.

- Bonsoir, déclara-t-il en se décalant de façon à nous laisser entrer. Comment allez-vous depuis tout à l’heure ?

- Très bien, répondis-je en lui tendant une bouteille de champagne achtée la veille, omettant délibérément d’évoquer notre récent différent.

- Merci, déclara Philippe. Débarrassez-vous de vos affaires, faites comme chez vous. Je vais la mettre au frais.

Sur l’invitation de Philippe, nous nous dévêtîmes puis je guidais Juha jusqu’au salon, connaissant parfaitement la maison. Nous prîmes place sur le canapé, à une distance raisonnable l’un de l’autre. Philippe ne tarda pas à nous rejoindre avec un petit appéritif. Très vite, la conversation dévia sur le domaine professionnel et les chevaux qui, étant pour Philippe comme pour moi, une véritable passion, ne nous lassait pas le moins du monde. Juha écoutait avec attention, prenant par de temps en temps à la conversation, semblant véritéblement interressé, même si je devais avouer qu’il n’y connaissait pas grand chose, bien qu’il apprenait de jour en jour. Après une petite heure, nous passâmes à table et c’est avec un véritable plaisir que nous dégustâmes le repas que Philippe, en fin cuisinier, avait préparé.

Durant le repas, nous parlâmes des sujets des plus variés et ce ne fut qu’au moment du dessert que finalement, je me décidais à poser la question qui me travaillait depuis un moment, mù’engageant inconsciement vers une conversation des plus innatendues :

- Et tu n’as jamais envisagé de rencontrer quelqu’un ? Demandais-je non sans hésitation. Je veux dire à nouveau ?

- Oh tu sais, répondit Philippe avec un sourire amusé, le ranch me prend beaucoup de temps. Je ne sors presque pas d’ici, ajouta-t-il en retrouvant son sérieux, sauf pour quelques courses et j’habite sur mon lieu de travail. Mais je pense bientôt trouver un successeur. D’ailleurs, j’ai ma petite idée, ajouta-t-il en me lançant un petit sourire que je ne parvins pas à déterminer.

- Qui ça ? Demandais-je surpris et intéressé.

Philippe me regarda avec plus s’insistance et après un temps durant lequel je réalisais soudain le sous entendu, je déclarais, incrédule :

- Qui ça ? Moi ?

Philippe ne répondit rien, se contentant d’un simple hochement de tête agrémenté d’un sourire victorieux. C’est affreusement gêné et mal à l’aise que je poursuivis avec hésitation, mais avec toute ma reconnaissance :

- Merci… Vraiment… Je… Je suis touché que tu penses à moi, mais tu devrais choisir quelqu’un d’autre.

Baissant la tête, honteux de moi-même, je poursuivis :

- Je n’ai pas assez d’expérience et je suis loin d’abattre ton travail, je…

- Quand est-ce que tu vas te faire un peu plus confiance Gabriel, me coupa vivement Juha. Si Philippe t’a choisit, poursuivit-il avec fougue et conviction, je pense qu’il le fait en connaissance de cause et qu’il sait que tu en es capable.

- Juha a rison, renchérit Philippe sans me laisser le temps de rétorquer. Ne t’inquiète pas, je ne vais pas partir du jour au lendemain. Mais si tu acceptes, je veux bien te former et te céder de plus en plus de tâches importantes. Si je t’ai choisis c’est parce que je te fais entièrement confiance.

Sous le compliment, je sentis mes joues s’empourprer violemment tandis qu’un sourire gêné étirait mes lèvres. Emu, je ne parvins qu’à remercier Philippe. Reconnaissant envers lui, je me fis mentalement la promesse de considérer sérieusement sa proposition qui remettait en doute mes projets d’avenir. Mais peut-être pourrais-je tenter de concillier les deux… Je me promis d’y réfléchir, mais pas maintenant. Je voulais par dessus tout passer une fin de soirée tranquille et sans prise de tête, à me torturer l’esprit à pese le pour et le contre de sa proposition.

Après la fin du repas, Philippe nous invita à passer au salon pour prendre un dernier verre en attendant les douze coups de minuit. Timidement, je jetais un coup d’oeil à Juha avant de m’approcher de lui. Aussitôt, il passa un bras derière ma nuque, sous le regard de Philippe que je sentais et savais posé sur nous avec bienveillance.

La suite de la soirée se déroula dans la même ambiance chaleureuse et détendue comme j’avais rarement eu l’occasion de connaître, même avec Marion. Lorsque les douze coups de minuit sonnèrent enfin, je me tournais vers Juha, m’écartant légèrement de lui afin de pouvoir lui faire face. Avec un souirre néanmoins gêné, je murmurais :

- Bonne année, Juha.

Puis, sans attendre de réponse, je m’approchais lentement de lui et déposais mes lèvre sur les siennes en un baiser passionné, faisant fi du regard de Philippe posé sur nous. Avidement, je laissais partir à la recherche de celle de Juha et lorsqu’enfin elles se rencontrèrent, mon corps entier frissonna de plaisir mal contenu. Avec fougue, nos langues se mêlaient en un ballet sensuel qui fit naître une étrange chaleur au creux de mes reins.

Ce baiser était pour moi synonyme d’un nouveau départ, souhaitant oublier nos disputes et repartir à zéro pour la nouvelle année qui se présentait. Souhaitant lui faire comprendre que je lui appaartenais à présent totalement, je m’abandonnais comme jamais entre ses bras, lui rendant fiévreusement son baiser dont il avait finit par prendre le contrôle. Accroché à lui comme à une bouée de sauvetage, je tentais de ne pas me laisser dériver vers ce sentiment inconnu qui brûlait en moi. C’est à bout de souffle que nous finîmes par nous séparer.Hypnotisé, je plantais mno regard dans le sien alors qu’il murmurait à son tour, un doux sourire dépeint sur le visage :

- Bonne année, Gabriel…

Rougissant, je me tournais ensite vers Philippe, dont j’avais honteusement momentanément oublié la présence, qui nous observait avec toujours dans ces yeux cette immense bonté qui le qualifiait. D’une voix emplie d’émotions, il déclara :

- Bonne année à vous deux.

Nous lui rendîmes en choeur son voeux de bonne année et après avoir passé les premières heures de l’année en compagnie de notre hôte, nous finîmes par nous décider à rentrer, ne serait-ce que pour ne pas laisser Shanenja seul trop longtemps. Après de chaleureuses salutations et le renouvellement de nos voeux de bonheur, ,pus nous apprêtions à sortir quand Philippe demanda à Juha :

- Au fait, comment va ton bras ?

- Beaucoup mieux, merci, répondit Juha.

- Bien ! Répondit Philippe avant d’ajouter un moment après, je vous souhaite une excellente fin de soiréeet merci d’être venus. soyez prudents sur la route.

Sur ses mots, Philippe et Juha se serrèrent la main et alors que Philippe s’apprêtait à faire de même avec moi, je le pris dans mes bras, le serrant contre moi afin de lui exprimer ma reconnaissance et ma gratitude pour tout ce uq’il avait fait et continuait à faire pour moi.Dans un murmure, me sachnt trop ému pour émettre le moindre son, je lui exprimais mes remerciement et l’amour paternel que je lui vouais. Semblant lui aussi plus touché qu’il semblait vouloir le laisser paraître, il me rendit mon étreinte.

Après un dernier “au revoir”, nous retournâmes en silence à la voiture. Ce ne fut que lorsque nous fûmes sur le chemin du retour que Juha prononca les premiers mots, brisant le sielnce qui nous entourait :

- Vraiment, nous avons passé une très bonne soirée.

- Oui, répondis-je simlement.

Contre toute attente, du coin de l’oeil, je vis Juha se pencher vers moi et c’est non sans rougir que le le sentis déposer ses lèvres sur ma joue, à la limite de la commissure de mes lèvres avant de murmurer :

- Je suis content d’avoir passé ces premières heures de l’année avec toi.

Le coeur battant à tout rompre, un sourire niais étirant mes lèvres, je déclarais, maitrisant mal la joie qui m’habitait :

- Moi aussi.

Le reste du trajet s’effectua dans un silence monastique. Bientôt, nous arrivâmes à notre appartement. Malgré les jours passés, cela me faisait toujours un drôle d’effet cette désignation, de dire “notre” comme si nous étions un… couple à part entière. Cete simple idée remplissait mon coeur d”une joie indescriptible.

A peine étions nous entrés dans le hall que Shanenja se précipita vers nous en glapissant joyeusement et sauta dans les bras de Juha lorsque celui-ci s’agenouilla pour être à sa hauteur.

- On l’a sorti tôt ce soir, je vais lui faire faire une toute petite ballade, j’en ai pas pour longtemps, dit-il en se redressant.

- A tout de suite, répondis-je simplement, n’ayant pas le courage de l’accompagner.

Alors que je regardais Juha quitter l’appartement, un pincement au coeur me contracta la poitrine. J’avais la désagréable impression qu’il cherchait à m’éviter. Avais-je inconsciemment fait quelque chose qui l’aurait dérangé ? Ce qui me troublait avec Juha, c’était la façon qu’il avait de se comporter. Il pouvait être tellement tendre et attentif à moi presque soucieux de mon bien être et l’instant d’après, tellement froid et distant… Cela en était déroutant, je ne savais jamais vraiment comment me comporter avec lui.

Mettant fin à mes interrogations, j’allais me changer. Une fois mon jogging et mon vieux t-shirt enfilés, j’allais me poser devant la télévision en attendant le retour de Juha. Plongé dans mes songes, c’est à peine si j’entendais et voyais ce qui se déroulait à l’écran. Intérieurement, j’angoissais à l’idée de la manière dont allait se terminer cette soirée. Sans savoir pourquoi ni comment, je sentais que quelque chose était en train d’évoluer entre Juha et moi. Notre relation était inconsciemment passée au stade supérieur. Peu être que l’acceptation de mes sentiments pour lui y était pour quelque chose… Je n’en savais trop rien. De plus, depuis quelques temps, je sentais une certaine tension chez Juha, tension que je n’aurais su expliquer. De mon côté, je pouvais difficilement nier que quelque chose en moi changeait et évoluait. J’avais l’impression qu’il me manquait quelque chose mais je n’aurais su dire quoi.

Depuis quelques jours, je ressentais cette étrange chaleur au niveau des reins, comme un brasier qui naissait en moi pour se propager lentement mais sûrement dans mes veines, embrasant la totalité de mon corps. Cette chaleur, je m’étais vite aperçu que c’était Juha qui la faisait naître en moi et qui l’attisait, consciemment ou non, à chacun de nos baisers. Ceux-ci aussi avaient gagnés en intensité. A chacun de nos baisers, a langue qui explorait ma bouche et dansait avec ma langue m’enfiévrait prodigieusement et à présent ne me suffisaient plus.

J’avais besoin de plus, j’avais besoin de sentir Juha toujours plus près de moi, de sentir sa chaleur m’irradier entièrement… Etait-ce cela le feu qui brûlait en moi et portait le nom de désir ? Est-ce que je… Désirais Juha de façon charnelle ?

A cette simple pensée, je sentis le rouge me monter aux joues et me giflais mentalement et tant bien que mal, je tentais de penser à autre chose qu’à cette chaleur qui s’immisçait en moi à l’évocation de Juha. Cependant, malgré toue la bonne volonté, mon imagination finit par prendre le dessus et c’est non sans honte que mon esprit s’empli d’images de Juha toutes plus sensuelles les unes que les autres. Les joues en feu, j’étouffais une gémissement de honte et de frustration mêlés et me précipitais à la salle de bain. Là, je me passais le visage sous l’eau froide, évitant soigneusement de poser mes yeux sur le reflet que me renvoyait le miroir, trop honteux parce que je venais de découvrir sur moi-même.

Que dirait Juha s’il se rendait compte que je pensais à lui de manière aussi impudique et éhontée ? Cependant malgré moi, mon esprit se focalisa sur cette fameuse nuit de Noël, cette soirée durant laquelle il m’avait fait découvrir que le plaisir entre homme pouvait être possible. Cette nuit là, si comme lui, j’avais été plus sûr de moi, aurions nous été plus loin ? Juha me désirait-il comme je… Comme je le désirais ?

De nouveau, le rouge me monta aux joues et maudissant cette gêne excessive qui me faisait rougir, je me repassais le visage sous l’eau glacée avant de m’essuyer succinctement et de regagner le salon. A la télé, monsieur Jack se complaignait de son malheur et de son existence dont il se lassait. Reportant toute mon attention sur ce film que j’adorais, je fini par occulter de mon esprit les pensées érotiques de j’avais eu. Peu à peu, mon coeur retrouva un rythme régulier et la température de mon corps baissa de plusieurs degrés.

Finalement, après un temps indéfini, Juha poussa la porte de l’appartement. Je l’entendis s’affairer un moment dans le couloir avant de venir me rejoindre dans le salon, tout en se débarrassant de sa veste et de son pull.

Sans pudeur aucune, je détournais mon regard de l’écran pour reporter mon attention sur Juha torse nu un peu plus loin, se changeant sans la moindre gêne face à moi. A la vue des bras puissants et du torse admirablement bien sculpté de Juha, je sentis de nouveau cette chaleur s’immiscer en moi et m’envahir et embraser lentement mes reins. C’était plus fort que moi, je me sentais irrémédiablement attiré par les courbes gracieuses de son corps. Juha sembla sentir mon regard posé sur lui car il tourna la tête vers moi. Honteux de me faire surprendre en flagrant délit de matage, je détournais aussitôt la tête tandis que le rouge me montait aux joues. J’entendis plus que je ne vis Juha venir vers moi, se plaçant entre moi et la télévision.

- Alors comme ça, tu te rinces l’œil quand j’ai le dos tourné ? Demanda-t-il un sourire victorieux en coin, visiblement satisfait de me voir aussi mal à l’aise. Et en plus tu rougis…  Ajouta-t-il moqueur.

Quelque peut vexé par son attitude, je répliquais, me défendant comme je pouvais :

- Moi au moins je ne m’exhibe pas !

C’était certainement la réplique la plus pitoyable que je trouvais, mais Juha me faisait décidemment perdre tous mes moyens. Etonnement, contrairement à ce que je m’attendais, il ne se moqua pas de moi, mais déclara d’une voix soudainement rauque, une lueur inconnue brillant dans son regard vert profond :

- C’est d’ailleurs vraiment dommage…

Je réprimais un sursaut de surprise face à cette réponse des plus improbables. Devais-je y comprendre là un sous entendu ? Je me levais après le temps de surprise passé et lui fit face. Plongeant mes yeux dans les siens, je tentais de dissimuler le trouble que sa réponse avait provoqué en moi, murmurant d’une voix étrangement basse :

- Je crois qu’il vaut mieux trouver un moyen de te faire taire.

- Ah oui ? Demanda-t-il innocemment.

Entrant de son jeu, plus troublé que jamais par l’étincelle qui brûlait dans ses prunelles émeraude, je l’attrapais par le col de son pyjama et l’attirais à moi pour un baiser des plus intenses. Je sentais la température de mon corps augmenter considérablement, faisant bouillonner mon sang dans mes veines au fur et à mesure que le baiser s’intensifiait.

Afin de ne pas montrer à Juha les sentiments inavouables qu’il me faisait ressentir, je mis toute l’ardeur et la sensualité dont j’étais capable dans ce simple baiser. Nos langues se mêlaient en une fougueuse chorégraphie et mon coeur s’emballa lorsque finalement, grisé par la passion que nous mettions dans notre baiser, Juha laissa ses mains glisser dans le bas de mon dos, au creux de la chute de mes reins, m’attirant presque violemment contre lui. Etonnement, l’exaltation qu’il mit dans ce simple geste ne m’effraya pas comme la première fois. Au contraire, je me sentais étrangement bien et à ma place entre ses bras et sous ses baisers. En moi, je sentais que quelque chose avait changé dans la façon que Juha avait de m’embrasser. Ses gestes étaient avides et empressés mais avaient aussi quelque chose de fébrile, quelque chose que je ne parvenais pas à déterminer.

Cependant, tout s’éclaira dans mon esprit lorsqu’il mit subitement un terme à notre échange et bredouilla, tout penaud :

- Je suis désolé Gabriel, mais si on va plus loin, je ne saurais plus me retenir.

Alors c’était cela ? Juha me… Désirait autant que je le désirais ? Plongeant mon regard dans le sien, l’étincelle de désir que je décelais fit bondir mon cœur dans ma poitrine alors qu’il s’emballait brusquement sous l’effet de la joie que je ressentais. A présent, je savais ce que je voulais. Et je le voulais lui… Un sourire radieux étirant mes lèvres, dans un murmure, je lui soufflais :

- Je ne te demande pas de te retenir…

Je le vis tressaillir sous l’effet de la surprise et rester muet de stupéfaction, ne s’attendant visiblement pas à cette réponse de ma part. Pourtant, j’y avais mûrement réfléchi et mes sentiments à l’égard de Juha étaient bels et bien réels. Cette nuit, je voulais m’offrir à lui, je voulais être à lui et lui appartenir jusqu’à ma mort… Bégayant, il me demanda :

- Je… Enfin… Tu es sûr ?

Je souris, amusé de le voir perdre tous ses moyens sous l’effet d’une simple phrase, mais néanmoins reconnaissance de sa considération à mon égard. Puis retrouvant tout mon sérieux, je répondis :

- Je suis prêt, Juha… Et je t’aime, ajoutais-je mentalement.

Je souris de nouveau face à l’air perdu et déboussolé qu’arborait Juha et souhaitant mettre des gestes sur mes mots, je l’attirais délicatement à moi. Cependant, à ma grande surprise, ce fut lui qui prit possession de mes lèvres, m’entrainant dans un baiser toujours plus passionnel, me faisant clairement ressentir le désir qu’il éprouve pour moi. En moi, je sentais mon désir pour Juha augmenter considérablement au fil de notre baiser torride. Attisé par ses sensations nouvelles qu’il faisait naître en moi, je me collais indécemment contre lui alors que dans ma poitrine, mon rythme cardiaque augmentait à chaque seconde. Je pouvais entendre mon coeur battre à mes oreilles alors que mon sang affluait irrémédiablement vers la partie la plus intime de mon anatomie. Malgré moi je rougis de cette réaction physique des plus naturelles pourtant, n’ayant jamais éprouvé cette sensation de mon propre gré.

Un peu perdu et néanmoins effrayé par la pente inconnue que prenait ma vie, je glissais mes mains sous le t-shirt de Juha alors que nos langues se rencontraient. Répondant à mon étreinte, Juha m’enlaça à son tour, passant sa main sur ma nuque afin d’approfondir d’avantage notre échange tandis que la seconde allait se perdre au creux de mes reins, glissant sensuellement le long de ma colonne vertébrale. A cet effleurement, mon corps entier fut prit d’un violent frisson de plaisir que je ne parvins pas à réprimer.

Dans la volonté de rendre à Juha le même plaisir qu’il me procurait, je laissais ma main descendre de son torse jusqu’à son bas ventre. J’étais maladroit dans mes gestes et je ne savais pas quoi faire pour rendre à Juha le même plaisir qu’il m’offrait. A ma plus grande honte, Juha m’attrapa le poignet, m’empêchant d’aller plus loin et mettant fin à nos baiser avant d’abandonner mes lèvres rougies et gonflées par nos baisers, il glissa lentement jusque dans mon cou et murmura au creux de mon oreille :

- Ne va pas trop vite, Gabriel. Nous avons tout notre temps…

A la réaction de surprise de Juha, je compris que je venais de faire une erreur. Rougissant de honte et de malaise, je retirais précipitamment mes mains de son corps, honteux de mon propre comportement. Sentant les larmes inonder les yeux, je souhaitais par dessus tout que Juha ne me tienne pas rigueur de cet empressement. Jamais je n’avais pour ainsi dire fait l’amour avec la personne que j’aimais, la relation que j’entretenais avec Marion relevant plus du simple désir charnel qu’elle semblait éprouver pour moi. Jamais tout au long de notre relation je n’avais été à l’initiative, Marion prenant toujours le dessus. Il faut dire, que je n’avais été attiré par elle, même sexuellement parlant… A cet instant, je n’avais qu’une envie, celle de disparaître, de me cacher de Juha, de cacher ma honte et mon manque flagrant d’expérience. Cependant, bien loin de me rejeter, Juha retint mon poignet et m’attira près de lui dans un mélange de tendresse et de fermeté. De sa main libre, il me força délicatement à relever la tête et captant finalement mon regard fuyant, il ajouta d’une voix étrangement rauque :

- Je suis loin de t’avoir dit de tout arrêter…

Prenant ma main, il la posa doucement sur son torse, me faisant m’empourprer d’avantage avant d’ajouter dans un murmure :

- Je disais juste qu’il ne sert à rien de se précipiter…

Sans me laisser le temps de répondre, il prit possession de mes lèvres pour un baiser dans lequel il fit passer toute sa douceur en un rythme désespérément lent et sensuel. Lentement, je finis par me détendre avant de m’abandonner au plaisir que Juha m’offrait. Délicatement, sans rompre pour autant le contact délicieux de nos lèvres soudées entre elles, Juha me fit reculer de quelques pas et entièrement en confiance entre ses bras, je me laissais docilement guider.

Sur un dernier baiser, il me poussa lentement, m’obligeant ainsi à m’asseoir sur le canapé. Je m’exécutais et au lieu de venir me rejoindre, Juha resta debout face à moi, hors de portée. Etrangement, à ne plus sentir sa chaleur m’envahir, je ressentis un frisson glacé parcourir mon corps. Inaccessible, Juha me contemplait, me surplombant de toute sa hauteur alors qu’en moi, un manque de lui se faisait douloureusement ressentir.

Je plongeais alors mon regard dans le sien, souhaitant lui faire comprendre à quel point j’avais besoin de lui et quelle ne fut pas ma surprise lorsque je le vis se caresser éhonteusement, me faisant rougir de son absence totale de pudeur. Cependant, hypnotisé par le spectacle qu’il m’offrait et la grâce féline avec laquelle il se mouvait, je ne parvenais pas à détourner le regard de lui. Avec savoir faire caractérisant son expérience, il attrapa chaque côté de son t-shirt et l’enleva avec une lenteur déconcertante, dénudant sans précipitation son torse admirablement bien sculpté. Captivé par ce spectacle es plus attrayant, le rouge aux joues et le souffle court, je ne pouvais détacher mon regard du corps indécent de Juha.

Lorsqu’il eut retiré son t-shirt, il le laissa tomber sur le sol et plantant son regard enflammé dans le mien, il s’avança jusqu’à moi dans une démarche féline des plus sensuelles. Lentement, il se pencha au dessus de moi, posant un genou entre mes cuisses en une position plus qu’explicite, alors que ses lèvres venaient à la rencontre des mienne. Je fermais les yeux dans l’attente de ce délicieux contact qui, à mon plus grand désespoir n’arriva pas. Son souffle chaud caressait mon visage en un doux effleurement aérien, me faisant vibrer de tout mon être. Sous le plaisir ressenti, je cessais un instant de respirer, galvanisé par ce feu qui embrasait mon corps. Les yeux toujours clos, je retenais à grand peine un gémissement de frustration, sentant ma patience s’effiler de secondes en secondes alors que j’attendais toujours ce baiser qui ne venait pas.

A présent, je pouvais sentir mon désir augmenter irrémédiablement au contact impudique mais terriblement agréable du genou de Juha qui frottait éhonteusement contre mon intimité. Finalement, je sentis que je ne vis Juha s’approcher de moi et alors que j’entrouvrais les lèvres pour enfin savourer ce baiser tant attendu, Juha se contenta d’effleurer sensiblement ma bouche avant de changer de trajectoire et de déposer ses lèvres si tentatrices dans mon cou.

Enivré par les frissons de plaisir qui contractaient violemment les muscles de mon corps, je m’accrochais inconsciemment aux épaules de Juha comme à un rocher alors que des vagues de plaisir à l’état pur déferlaient sur moi. Dans mon cou, la langue de Juha partait à la découverte de ce terrain qui lui était encore inconnu, attisant le brasier qui m’enflammait.

Lorsque ses mains brûlantes se faufilèrent sous mon t-shirt, je raffermis ma prise sur ses épaules, plantant mes ongles dans sa chair alors que je me sentais partir, emporté par les vagues d’un plaisir trop grand. Tout en redessinant mes abdominaux du bout des doigts,  Juha me murmura à l’oreille combien il me trouvait beau. Je tressaillais violemment et malgré l’engourdissement qui s’emparait lentement mais sûrement de mon esprit, ses mots se frayèrent un chemin jusqu’à mon cerveau, m’arrachant un soupir de bien être. Tout compte fait, y avait-il une infime chance pour que mes sentiments soient partagés ?

Je me giflais mentalement… L’entendre dire qu’il me trouvait beau ne signifiait pas qu’il éprouvait quelconque sentiment à mon égard. Pourtant, en cette nuit du jour de l’an, je me surprenais à espérer que cela fus possible un jour…

Enhardi par cette simple idée, je laissais mes doigts courir lentement sur sa peau, descendant le long de sa colonne vertébrale. Tout contre mon cou ultrasensible, je sentis Juha ouvrir la bouche alors que sa respiration se bloquait le temps d’une fraction de seconde. Sa peau sur laquelle une fine pellicule de sueur était en train de se former tressaillie sous ma caresse pourtant des plus innocentes.

Lentement, les doigts de Juha se mirent en œuvre et remontèrent mn t-shirt alors que sa bouche et sa langue dansaient sur mes épaules et dans mon cou, laissant au passage des traînées de lave en fusion. Stimulé de par ses mains et sa bouche, je vibrais de tout mon corps, complètement abandonné au plaisir charnel que me procurait Juha, gardant cependant ce qu’il fallait de lucidité pour laisser mes mains vagabonder librement sur son dos nu en gestes toujours quelque  peu hésitants.

Subitement, ses lèvres quittèrent mon cou pour aller se poser en douceur sur mes abdominaux à présent dénudés et entièrement exposés à son regard. Je rougis à cette constatation, néanmoins honteux d’exposer mon corps imparfait au regard impudique de Juha. Cependant, sous ses attentions, j’avais le sentiment d’être pour lui un objet d’art, fragile et précieux qu’il fallait manipuler avec la plus grande douceur et une délicatesse extrême. Sous son regard de braise, pour la première fois de ma vie, je me sentais beau…

Soudain, ses doigts caressèrent, sans pudeur aucune, mes tétons qui s’érigèrent d’avantage sous le plaisir que m’apporta cet attouchement. Juha semblait savoir exactement où me toucher pour faire naître en moi un plaisir violent qui électrisait mon corps dans son entièreté et déconnectait mon esprit du moment présent et de la réalité, ne me laissant plus que les mains de Juha sur mon corps incandescent comme seuls repères.

Alors que ses doigts habiles et experts jouaient avec mes tétons hypersensibles, sa langue triturait mon nombril, mimant ce que je perçus comme être l’acte ultime. A ce contact, un tout nouveau plaisir me vrilla les reins en entrouvrant les lèvres, je laissais s’échapper mon premier gémissement de plaisir alors que mes ongles se plantaient violemment dans la peau de ses épaules. Comme spectateur de ce que je vivais, je sentais mon corps trembler sans en avoir réellement conscience, comme si ce corps dont je ressentais les moindres réactions ne m’appartenait pas.

De sa main libre, Juha remonta mon t-shirt plus qu’il ne l’était déjà, dévoilant mon torse imberbe à son regard tandis que sa bouche suivait le même chemin, léchant et goûtant chaque nouvelle parcelle de ma peau, comme s’il voulait le goûter. Un nouveau gémissement franchit les barrières de mes lèvres lorsque sa langue remplaça ses doigts et vint titiller mes boutons de chair durcis et gonflés par le plaisir. Galvanisé par ce plaisir toujours plus fort qui embrasait mes sens, je m’agrippais de nouveau aux épaules de Juha qui sursauta sous la douleur que je lui causais sans vraiment en avoir conscience.

Soudain, une de ses mains quitta ma peau, me laissant un sentiment de froid et d’abandon qui fut vite remplacé par une fournaise incandescente qui inonda mon corps lorsqu’elle se posa à l’intérieur de ma cuisse, m’effleurant du bout des doigts, avant d’aller finir sa course sur mon intimité douloureusement tendue. Je me cambrais brusquement sous l’afflux de plaisir que ce simple geste fit naître en moi. Cette fois-ci, je ne pus retenir un son entre cri et gémissement qui s’éleva dans le silence de la pièce, seulement brisé par le bruit de nos respirations erratiques.

Noyé dans les limbes du plaisir, c’est à peine si je pris conscience que Juha m’ôtais définitivement mon t-shirt. Seuls mes abdominaux se contractèrent lorsque de nouveau, ses mains se posèrent dessus en un contact ferme mais infiniment doux. Un éclair de lucidité traversa mon regard vitreux lorsque je sentis le regard pierre précieuse de Juha chercher le mien. Je ne parvins pas à déchiffrer l’intensité qui illuminait ses iris, mais je pressentais que quelque chose d’important se jouait en lui. Cette pensée me ramena sur terre et tentant de retrouver mes esprits, je me focalisais sur Juha, une boule à l’estomac. A nouveau cette envie, ce besoin de lui faire par de mes sentiments s’imposait à moi… Je n’y tenais plus, il fallait que je lui dise…

Plongeant mon regard embrumé dans le sien, je murmurais d’une voix brisée par l’émotion et le plaisir qui me consumait lentement :

- Juha… Juha je t’…

Cependant, alors que j’allais m’ouvrir à lui, lui dévoiler mes sentiments les plus profonds et les plus secrets dans leur intégralité, Juha me fit taire d’un baiser. Un peu déboussolé par cette soudaine interruption, je n’y répondis pas immédiatement. Je ne comprenais pas l’empressement avec lequel il m’avait fait taire. Se doutait-il de ce que je m’apprêtais à dire ? Intérieurement, je suspectais que oui, il savait pertinemment la signification de mes mots. Mais alors pourquoi m’avoir arrêté ? N’était-il pas prêt à les entendre ou bien refusait-il simplement de s’impliquer d’avantage ? Croyait-il que je m’apprêtais à prononcer ces mots sur un coup de tête, l’ambiance et notre soudaine proximité aidant ? Ou alors, mais cette pensée me serra douloureusement le coeur, ne me voyait-il que comme un coup d’un soir ? Je n’en savais que trop rien et je ne parvenais pas à réfléchir convenablement, la langue de Juha dansant avec la mienne me déconnectant de la réalité.

 Finalement, je finis par répondre à son baiser, faisant passer tout l’amour et le désir que j’éprouvais pour lui, ne pouvant le lui faire comprendre et accepter de cette unique façon.

Je me sentais perdre pieds sous ses baisers, alors que nos langues se mêlaient en un ballet des plus érotiques, me grisant entièrement. C’est le souffle court que nous finîmes par nous séparer et je retenais  mal un frisson d’exaltation en sentant les mains de Juha migrer inexorablement vers mon bas ventre, attisant dangereusement ce feu qui brûlait mes reins et m’électrisait.

A présent, je n’étais plus que gémissements et sensations de plaisir extrêmes réunies en un corps qui ne m’appartenait plus. Je me sentais littéralement fondre sous ses attentions particulières, de ses lèvres et sa langue jouant impudemment avec mes boutons de chair pointant sous le plaisir. Un énième gémissement mourut dans ma gorge avant d’avoir pu éclore alors que Juha me donnait un aperçu des étoiles. Noyé entre la réalité et les limbes du plaisir, je tentais de me raccrocher au moment présent, les épaules de Juha étant le point le plus sûr. J’étais partagé entre un double plaisir procuré à la fois par la langue de Juha sur ma peau incandescente et sa main qui s’activait vivement au niveau de mon entrejambe, à défaire les boutons de mon jean avec un empressement non feint.

Souhaitant me libérer au plus vite de ce vêtement devenu inutile qui me compressait désagréablement, je soulevais légèrement mon bassin, aidant ainsi Juha à me dévêtir. Chose qu’il exécuta à la hâte, prenant bien soin d’effleurer au passage mon intimité sensible et douloureusement gonflée de désir. Sous la vague de plaisir qui me vrilla les reins à cet attouchement, j’ouvris subitement les yeux que je n’avais pas eu conscience de fermer et mon regard se posa directement sur Juha qui, agenouillé entre mes cuisses en une position des plus suggestives effleurait lentement de la main mon érection conséquente, me fixant avec un regard qui en disait long sur ses intentions, un sourire gourmand étirant ses lèvres. Ce simple geste eut pour effet de m’arracher un sanglot de frustration. Mon corps se consumait à petit feu d’un désir qui ne demandait qu’à être assouvi et en ce moment même, j’avais besoin de plus qu’un simple effleurement terriblement frustrant. Je voulais sentir Juha contre moi, sentir ses doigts caresser ma peau en un effleurement sensuel. Je voulais sentir sa chaleur m’irradier et me repaître du goût salé de sa peau et de son odeur tellement sensuelle et excitante.

Un rapide coup d’oeil à Juha me confirma ce que je pensais. Les yeux flamboyant, il semblait fier du pouvoir qu’il exerçait sur moi, satisfait de m’avoir à sa merci et profiter de mon abandon pour me torturer de la plus douce des façons qui soient. Mettant fin à ma douce torture, il fit suivre à mon boxer le même chemin avant de se redresser fièrement et de m’observer comme un artiste contemple son œuvre après l’avoir terminée. Mal à l’aise et honteux de sentir son regard empli de désir observer avec envie et gourmandise mon corps entièrement nu offert à sa vue, je détournais la tête, atrocement gêné. Jamais encore je n’avais été admiré de la sorte et cela me perturbait grandement. Je sentais le regard lubrique de Juha posé sur moi, me brûler la peau à force de me dévorer des yeux.

Un nouveau gémissement franchit la barrière de mes lèvres lorsqu’une de ses mains se posa sur mon intimité et m’offrit une caresse bien plus poussée que toutes les précédentes. Semblant satisfait de l’effet qu’il me faisait, il réitéra son geste plusieurs fois d’affilé, m’arrachant des gémissements de plaisir, alors que je n’avais plus conscience du bruit que je faisais. Seul comptait désormais, les mains de Juha sur mon intimité en feu.

Submergé par le plaisir que me donnait Juha, je me cambrais brusquement, crispant mes doigts sur ses épaules alors qu’il me procurait une toute nouvelle caresse des plus intimes alors que sa main redoublait d’efforts. Un cri de plaisir à l’état pur franchit mes lèvres entrouvertes au contact chaud et humide de la langue de Juha sur mon intimité. Dans une demande inconsciente de renouveler cette sensation des plus exquises, je laissais une de mes mains se perdre dans sa chevelure, l’autre toujours fermement maintenue sur son épaule.

Accédant sans se faire prier à ma requête muette, Juha me prit entièrement en bouche, provoquant chez moi de violents frissons de plaisir alors qu’un nouveau cri accueillait cette initiative. La caresse ardente de la langue de Juha allant et venant à un rythme irrégulier sur mon intimité me fit oublier tout ce qui n’était pas lui. Je découvrais un tout autre univers. Jamais je n’aurais cru que ressentir un tel plaisir fut un jour possible.

Galvanisé par les milliers de sensations que faisait naître en moi la langue experte de Juha, je ne cherchais même plus à retenir mes cris de plaisir, faisant fi de la décence, toute honte m’ayant définitivement quittée. Plusieurs fois durant lesquelles je crus mourir de frustration, Juha cessa tout mouvement et retira sa bouche m’arrachant des sanglots de protestation. Je ne contrôlais décidément plus rien, abandonné à Juha comme jamais je ne l’avais été avec qui que ce soit auparavant.

En dépit du malin plaisir qu’il semblait prendre à me torturer de la sorte, il répondait favorablement à chacune de mes demandes muettes, comme pour se faire pardonner. A chacun de mes gémissements de frustration, il revenait avec empressement enrouler avidement sa langue expérimentée autour de mon intimité douloureusement tendue. Lentement mais sûrement, j’atteignais le chemin de non retour, alors que mes doigts glissaient dans sa chevelure et s’enroulait autour de ses mèches noires. Murmurant inlassablement son prénom en une litanie incessante, je me sentais partir, emporté par les vagues d’un plaisir trop intense.

Soudain, mes doigts se crispèrent sur ses cheveux alors que Juha accélérait la cadence de ses va et vient et brusquement, tout mon corps se cambra violemment sous la puissance de la jouissance qui déferla sur moi et dans un long gémissement plaintif, je me libérais dans sa bouche. Haletant, l’esprit encore embrumé par le violent plaisir qui venait de me consumer, je reportais mon attention sur Juha et murmurais :

- Juha… Je… C’est… Ce que tu…

Ma voix mourut dans ma gorge et incapable de prononcer un mot de plus, je me taisais. De toute manière, j’avais oublié ce que je voulais lui dire, mes pensées étant encore trop incohérentes. Je voulais le remercier pour ce qu’il venait de m’offrir, pour tout ce qu’il représentait pour moi, pour être la personne que j’aimais… Je voulais lui dire combien je l’aimais, mais tout s’embrouillait dans mon esprit.

- J’espère que ça t’a plus, me demanda Juha d’une voix rauque, un sourire ravi et satisfait étirant ses lèvres.

Je m’empourprais d’avantage à cette question et avant que je n’ai le temps de prononcer un mot, il me ravi mes lèvres avec une avidité déconcertante. Nos langues se mêlaient avec ardeur mais aussi langoureusement et sensuellement et nos mains caressaient librement le corps de l’autre. Honnêtement, je n’aurais su dire combien de temps nous restâmes ainsi, appréciant simplement la proximité de l’autre. Ce ne fut qu’au bout d’un instant qui me parut à la fois bien trop court et à la fois interminable que je sentis Juha bouger tout contre moi. Ouvrant les yeux que j’avais dû fermer inconsciemment, je m’empourprais violemment en sentant la virilité de Juha pulser contre la peau nue de ma cuisse à travers son jean plus que tendu.

Finalement, il finit par se lever et s’écarter de moi. Ne comprenant pas ce soudain recul, je lui adressais un regard empli d’incompréhension et semblant lire mon trouble, il déclara d’une voix inhabituellement basse :

- Pour ta première fois, nous serons bien mieux sur le lit…

Je ne répondis rien à cela, me contentant de lui adresser un petit sourire gêné non sans rougir.  A vrai dire, j’avais complètement oublié que nous étions encore sur le canapé… Sans aucune hésitation, j’attrapais la main que me tendais Juha. Satisfait, il m’attira vivement à lui et me vola un baiser enfiévré tout en me guidant jusqu’à la chambre, les mains éhonteusement posées sur mes fesses. Puis, lorsque nous atteignîmes le lit, il nous fit basculer tout les deux. Allongé sur le dos, complètement nu et offert à lui, j’observais non sans une certaine gêne, Juha prendre place légèrement au dessus de moi, accoudé sur le côté de son corps. Très vite, ses lèvres vinrent à la rencontre de mon cou et remontèrent jusqu’à mon oreille, en un effleurement sensuel qui raviva mon désir. Là, il murmura d’une voix rauque :

- Je suis vraiment heureux d’être ton premier homme, Gabriel…

Un sourire naquit sur mes lèvres à l’entente de ces mots. Ainsi Juha était touché par le fait que je lui fasse don de ma virginité ? Me serais-je trompé ? Eprouverait-il une quelconque forme de sentiments pour moi ? Galvanisé par son aveu, je l’entourais de mes bras et le serais fort contre mon coeur. En cet instant, le désir n’existait plus, juste cet amour pour lui qui faisait battre mon coeur. A Mon plus grand bonheur, Juha finit par me rendre mon étreinte, comme s’il craignait de me voir lui échapper. Mais s’il y avait bien une chose dont j’étais à présent sûr et certain, c’était qu’il était absolument hors de question que je mette un frein à la passion qui se déchainait dans ses yeux. Ce soir, je serais sien… Ma décision était prise et rien ni personne ne me ferait changer d’avis. Je voulais aller jusqu’au bout de mon amour pour lui, combler ses attentes et son désir ainsi que le mien.

Finalement, succombant au désir et la passion qui le consumait, Juha ouvrit les hostilités. Lentement, sa main se mouvait sur mon corps, descendant bien plus bas au niveau de mon intimité avant de se glisser entre mes fesses, vers mon intimité encore inviolée. Ce simple geste m’électrisa comme jamais, ravivant la flamme intérieure et mon désir pour Juha. Sans brutalité aucune, d’une douceur insoupçonnée chez lui, sa main caressait mes fesses tandis qu’il s’emparait de mes lèvres, semblant avoir sentit la crainte qui grandissait en moi. C’était plus fort que moi, je ne pouvais m’empêcher d’appréhender ce qui allait suivre, et ce, malgré la confiance que je vouais à Juha. C’était… Irrationnel.

Pourtant, je ne pouvais nier la tendresse et la patience dont Juha avait fait preuve depuis le début et jusqu’à maintenant, stimulant mon plaisir, refoulant le sien pour privilégier le mien.

Après un baiser sulfureux, il rompit le contact de nos lèvres et c’est non sans rougir violemment que je le vis porter deux doigts à sa bouche et les humidifier à l’aide de sa salive. Mimant le geste de succion, Juha ne me quittait pas du regard, prenant visiblement un malin plaisir à me voir m’empourprer. Dans ses yeux, la flamme vivace de désir qui dansait me prouvait une fois de plus son désir pour moi. Cette vision attisa d’avantage mon désir et je du me faire violence pour ne pas laisser s’échapper un gémissement de plaisir face à l’excitation conséquente de Juha.

Après un temps passé à lubrifier ses doigts, Juha revint s’emparer de mes lèvres alors que sa main glissait entre mes cuisses, jusqu’à mes fesses avec une immense délicatesse, signe irréfutable de son expérience passée. Lorsque ses doigts atteignirent mon intimité, je ne pu réprimer un sursaut de surprise et me tendis imperceptiblement. Loin

de s’en formaliser, Juha redoubla de tendresse et quittant mes lèvres, il se redressa légèrement au dessus de moi. Les yeux plantés dans les miens, il me murmura, le plus sérieusement possible :

- Ne t’inquiète pas, je vais y aller tout en douceur…

Emu par tant de considération de sa part, je murmurais :

- Je… Je te fais confiance Juha. Et je veux aller jusqu’au bout… Ajoutais-je avec conviction, preuve de plus de l’amour que je portais à Juha.

Pour confirmer mes dires, je l’attirais à moi et pris possession de ses lèvres. Soudain, je sursautais légèrement en sentant le doigt de Juha s’insinuer en moi avec une délicatesse extrême. Bien préparé au préalable, je ne ressenti presque aucune douleur, la gêne et la sensation étrange que je ressentais sous cette intrusion diminuant la douleur. Mon front se déplissa totalement lorsque Juha cessa tout mouvement. Je n’aurais su décrire avec exactitude ce que je ressentais à le voir ainsi me préparer, mais une chose était certaine, cela m’excitait au plus haut point.

Ravissant une nouvelle fois mes lèvres, Juha m’embrassa langoureusement attisant la passion qui nous dévorait tout deux alors que délicatement, il commençait à mouvoir son doigt en moi, en un lent va et vient. Peu à peu, la faible douleur que je ressentais jusqu’à maintenant finit par disparaître entièrement grâce aux attentions de Juha qui me faisait ressentir de nouvelles sensations encore inconnues et une toute nouvelle forme de plaisir. Une fois habitué à sa présent en moi, j’entamais de moi-même quelques mouvement de bassin, ondulant sur son doigt désireux approfondir le plaisir qui grandissait en moi.

Très vite, un deuxième doigt vint rejoindre le premier et bien que son arrivée fût plus douloureuse que celle du précédent, la douleur ne dura pas.

Les yeux mi-clos, j’observais sans vraiment le voir, Juha qui, de son côté avait son regard rivé sur moi. Cela je le savais car il me contemplait avec une telle intensité que la flamme qui luisait dans ses yeux me brûlait la peau. Après un instant, gagné par un plaisir de plus en plus important, je me laissais aller à onduler de moi-même sur les doigts de Juha, alors que des gémissements félins s’échappaient de mes lèvres entrouvertes. Après un temps qui me paru interminable, Juha consentit enfin à passer à l’étape suivante et inséra un troisième et dernier doigt en moi. Si le deuxième n’avait été que peu douloureux, celui-ci me paralysa. Une douleur insoupçonnée s’empara de moi alors que j’avais l’impression d’être déchiré en deux tellement la douleur était vive. Sans que je puisse les refouler, des larmes jaillirent au coin de mes yeux alors que mes lèvres s’ouvraient sur un cri muet.

A mon plus grand soulagement, Juha cessa instantanément tout mouvement, me laissant le temps de m’habituer à cette intrusion alors que la douleur diminuait peu à peu. Obnubilé par le déchirement qui me vrillait les entrailles, c’est à peine si je remarquais la multitude de baiser dont Juha inondait mon visage crispé sous la douleur. C’est au bout d’un temps indéterminable que je finis enfin par me détendre entièrement, allant même jusqu’à reprendre doucement une légère ondulation du bassin, attisant de nouveau mon désir.

Un gémissement plus prononcé que les précédents franchi la barrière de mes lèvres lorsque Juha frotta éhonteusement son intimité tendue à l’extrême contre mon bas ventre tandis qu’il happait mes lèvres avec une avidité déconcertante. Très vite, je fini par m’empaler de ma propre initiative sur les doigts de Juha, voulant le sentir d’avantage près de moi. Un brasier ardent me consumait à présent et j’avais besoin de bien plus. Je voulais assouvir ce désir violent qui incendiait mon corps tout entier.

Abandonné au plaisir, je plaçais toute ma confiance en Juha, déposant mon corps, mon coeur et mon âme entre ses mains… Semblant sentir que cela ne me suffisait plus, Juha cessa tout mouvement, me frustrant d’avantage alors que l’absence de ses doigts en moi me laissait une désagréable impression de vide. Bientôt, même la chaleur de son corps disparut et retenant une plainte de mécontentement, j’ouvris les yeux pour voir Juha se dévêtir à la hate. Cependant, alors que j’attendais avec impatience sa venue en moi, Juha s’écarta subitement de moi et s’allongea sur le dos à mes côtés, murmurant d’une voix à peine audible :

- Je… Désolé, Gabriel… Je…

La surprise passée mais ne comprenant toujours pas ce soudain revirement de situation, je m’allongeais sur le côté, faisant face à Juha et mi intrigué mi inquiet, je lui demandais :

- Qu’est-ce qui ne va pas, Juha ?

C’est avec un étonnement non feint que je le vis détourner le regard, visiblement mal à l’aise :

- Je… Commença-t-il hésitant. J’ai peur de mal faire… J’ai… J’ai peur de te faire mal…

Touché par ses mots et aussi frustré par un arrêt aussi brutal dû au manque de confiance que Juha avait en lui-même, je déposais avec douceur mais fermeté ma main sur sa joue et le forçais à me regarder. Mon regard fixement planté dans le sien, je déclarais alors :

- Je t’ai dit que je voulais aller jusqu’au bout. J’ai confiance en toi, Juha, et je veux plus que tout m’unir à toi.

De part ses mots, je lui déclarais mon amour avec subtilité, noyé dans les sous entendu. De cette façon, il ne pourrait me faire taire et ainsi je pouvais lui faire part de ces sentiments qui faisaient battre mon coeur. Puis, sans lui laisser le temps de répondre, ne voulant surtout pas le voir partir dans ses réflexions sans queue ni tête à un tel moment, je passais ma jambe par dessus son bassin, le chevauchant lestement. Attisé par le contact érotique de nos virilités entre elles, d’une main quelque peu hésitante, je saisis celle de Juha et la guidais jusqu’à mon intimité. D’un mouvement ample et rapide, je m’empalais alors sur Juha jusqu’à ce qu’il fût entièrement en moi, faisant fi de la douleur qui me déchirait les entrailles et du cri de douleur qui m’arracha la gorge.

Cependant, les yeux plantés dans ceux de Juha malgré les perles d’eau salées qui inondaient mes joues, je restais immobile, ne pouvant esquisser le moindre geste tant la douleur me paralysait. J’avais été témoin de la flamme de plaisir qui avait illuminé le regard de Juha et le cri muet de plaisir qui lui avait fait ouvrir la bouche lorsque je l’avais pris en moi et bien qu’à nouveau je voulais lui offrir ce plaisir, j’en étais pour l’instant, tout simplement incapable, ressentant l’envie de me retirer immédiatement. Envie que je réprimais à force de volonté. C’était à présent trop tard pour faire marche arrière.

Et cette patience eut raison de moi. Lentement la douleur commençait à diminuer mais néanmoins gêné de mon audace et de la position dans laquelle je me trouvais, je restais toujours immobile. Semblant se rendre compte de ma gêne, d’un habile coup de rein, Juha inversa nos positions, sans jamais se retirer de moi. A présent allongé sur le dos, Juha me dominant de toute sa hauteur, il s’empara de mes lèvres, alors qu’ému d’être ainsi à lui, je murmurais son prénom.

D’une main, il caressa longuement mon intimité alors que la lueur sauvage que je pouvais déceler dans son regard de braise et son corps tendu, m’indiquaient qu’il se faisait violence pour ne pas succomber à son propre plaisir. Lentement, je me décontractais, la présence de Juha en moi, n’occasionnant plus qu’une simple gêne et prenant cela comme un signale, il entama une lente série de va et vient alors que sa main imprimait le même mouvement sur mon intimité.

Contrairement à Juha qui se faisait violence pour ne pas accélérer le rythme de ses déhanchements, le front plissé sous la concentration, je ne ressentais qu’une sensation étrange et indescriptible à le sentir ainsi se mouvoir en moi. Cependant, après quelques minutes de ce traitement, à présent totalement détendu et habitué à la présence imposante de Juha en moi, le feu du désir se raviva dans mes reins alors que laissant libre court à son propre plaisir, à bout de patience, Juha laissa s’échapper un gémissement rauque tandis qu’il me pénétrait plus profondément.

Galvanisé par le plaisir que je ressentis à cette pénétration, je laissais s’échapper à mon tour un gémissement de plaisir, ondulant du bassin  pour approfondir cette sensation, m’agrippant de toutes mes forces à Juha. Interprétant mon geste comme un signe pour renouveler son geste, Juha entama alors un lent et régulier déhanchement, entrainant nos deux corps enlacés en une danse vieille comme le monde. Tous les sens en éveil, submergé par un plaisir insoupçonné en indicible, je me mordais violemment la lèvre inférieure pour ne pas laisser mes gémissements de plaisir envahir la pièce, après que Juha ait mi fin à notre baiser enflammé.

Alanguis entre les bras de Juha, je me sentais mourir à petit feu sous l’effet du plaisir tandis que Juha gardait un rythme cadencé, me pénétrant toujours plus profondément. Un brasier ardent me vrillait presque douloureusement les reins, sa chaleur se propageant dans mes veines, faisant bouillonner mon sang d’un plaisir jusqu’alors jamais imaginé. C’est à ce moment que Juha cessa subitement tout mouvement. Au comble de la frustration, je laissais s’échapper un sanglot de frustration à l’état pur.

Alors que Juha se penchait vers moi pour prendre possession de mes lèvres, je tournais la tête sur le côté, histoire de lui faire comprendre qu’il ne devait pas jouer ainsi avec moi et que j’étais tout aussi capable que lui de le faire languir. Ne pouvant voir Juha, je frissonnais violemment de tout mon être lorsqu’il déposa délicatement ses lèvres dans mon cou en même temps que sa main s’activait à nouveau sur ma virilité.

Exalté par ce double plaisir, je tournais la tête vers Juha qui en profita pour happer mes lèvres tout en reprenant un langoureux déhanchement qui gagna très vite en intensité. Le souffle erratique, je sentais lentement mais sûrement un plaisir des plus indécents consumer mon corps. Nos déhanchements de plus en plus profonds nous unissant à jamais me déconnectèrent de la réalité. Cramponné à Juha, je criais sans retenue le plaisir qui me vrillait les reins, sentant la jouissance se rapprocher inexorablement. A ce stade, cela dépassait le simple plaisir, c’était de la débauche, de la luxure à l’état pur. J’étais tellement dépendant de cette sensation…

Du bout des doigts, je reconstituais ses traits à l’aveuglette en les caressant doucement. Son nez, ses yeux, sa bouche… Nos lèvres qui s’effleuraient en un baiser indicible. Après un ultime et habile coup de rein qui me fit crier à m’en briser la voix, je me libérais dans sa main en sentant Juha se répandre en moi en un gémissement rauque, me marquant de son sceau invisible et indélébile.

Lentement, il retomba sur moi, haletant et le corps luisant de sueur. Dans le même état que lui, je passais mes bras autour de lui et le serrais fortement contre mon coeur, la respiration encore trop erratique pour espérer prononcer le moindre mot. Immobile, je tentais de retrouver un rythme de respiration à peu près normal alors que les brumes du plaisir s’effaçaient peu à peu pour me ramener bien trop tôt à la réalité. Dans mes veines, l’incendie qu’avait déclaré le plaisir dans mon corps s’éteignait lentement après l’orgasme foudroyant que m’avait offert Juha. J’avais du mal à réaliser pleinement ce que nous venions de vivre et de partager, nous donnant à fond l’un à l’autre. Passant outre les interdits qui avaient régit mon adolescence et ma vie avant l’arrivée opportune de Juha, je venais de sombrer dans le péché en faisant l’amour avec un homme. Mais si les Enfers étaient aussi doux que les bras de Juha, je me damnerais ma vie durant pour avoir le plaisir d’y rester et d’y goûter à nouveau.

Juha toujours en moi, son coeur et le mien battant à l’unisson, je me sentais enfin complet, ressentant une sérénité et un bien être encore jamais atteint. Pour la première fois de ma vie, j’avais enfin l’impression d’être à ma place… Souhaitant graver à jamais cet instant dans ma mémoire, j’enregistrais tout jusqu’au plus insignifiant détail. Je respirais à plein nez l’odeur suave de Juha pour m’imprégner de son odeur.

Parfaisant cet instant de tendresse après l’acte, Juha déposa délicatement ses lèvres dans mon cou, me faisant frissonner de bien être. De mon côté, je caressais lentement son dos du bout des doigts, effleurant sa colonne vertébrale et la chute de ses reins tout en douceur.

Après un temps qui me parut bien trop court, Juha finit par se retirer de moi tout en m’offrant un baiser enfiévré en guise de compensation. Le baiser achevé, il s’allongea à mes côtés, et sitôt fut-il installé que je me collais tout contre lui, en manque de sa chaleur et de sa présence apaisante. La tête reposant sur son torse dénudé, je lui murmurais, rompant le silence de la nuit :

- Juha… Je…

- Tu quoi ? Demanda-t-il visiblement amusé de me voir chercher mes mots, ne voulant surtout pas le braquer en lui déclarant une nouvelle fois mon amour.

Aussi, comme précédemment, je choisis un moyen détourné pour tenter de lui faire comprendre :

- Je suis heureux d’avoir vécu cet instant avec toi… Soufflais-je en enfouissant d’avantage mon visage dans son cou.

Je sentis Juha frissonner à ces mots et dans un murmure à peine audible, il répondit la même chose, me remerciant par la même occasion. Dans un demi-sommeil, je le sentis nous recouvrir de la couette avant de finalement m’endormir comme une masse, épuisé par notre étreinte passionnée.

Les jours qui suivirent se déroulèrent à une vitesse affolante. Nous avions beaucoup de travail et rentrions donc tard le soir à l’appartement. Malgré cela, tout ce passait pour le mieux entre Juha et moi bien que je n’osais pas retenter de lui faire part de mes sentiments. En le faisant, je craignais d’être à l’origine d’un changement d’ambiance entre nous.

Cependant, depuis quelques jours, je voyais Juha aller de moins en moins bien et je le soupçonnais d’être malade mais de ne pas vouloir aller voir le médecin. C’était typiquement lui, à toujours vouloir se débrouiller par lui-même, même si cela ne faisait pas partie de ses compétences.

Depuis quelques jours, j’avais pris en main la désensibilisation et le débourrage de Niladhevan que j’avais quelque peu négligée ces derniers temps. Je restais bien une bonne heure et demie avec elle, puis jugeant en avoir fait assez, je la ramenais à l’écurie. Alors que je la dessellais dans son box, je souris en voyant Juha me rejoindre. Une fois la jument bichonnée et nourrit, nous rentrâmes à l’appartement. Sur ordre de Juha, j’allais prendre ma douche alors qu’il se chargeait de préparer le repas. Quelle ne fut pas ma surprise lorsque j’entrais dans la cuisine et ne vis qu’un couvert sur la table. Je lui exprimais alors mon étonnement auquel il répondit simplement :

- Je viens de grignoter, je n’ai pas très faim. Je vais me laver, ajouta-t-il avant de disparaître sous mon regard suspicieux.

N’ayant aucune envie de me retrouver seul à table comme un imbécile, j’attrapais mon assiette et allais manger devant la télévision. Après sa douche, Juha ne tarder pas à aller se coucher, m’adressant tout juste un simple “bonne nuit” lancé sur une porte qui se fermait.

Pour être honnête, je ne comprenais absolument pas le comportement de Juha. Il n’avait même pas sorti Shanenja, chose que je m’empressais alors de faire. Qu’avait donc Juha ? Depuis ce matin, c’est à peine s’il m’avait adressé plus de trois phrases… Avais-je inconsciemment fait ou dit quelque chose de mal ? Je connaissais tout de même Juha, il me l’aurait sûrement reproché si c’était le cas… Finalement, ce ne fus que bien plus tard que j’allais me coucher, m’endormant rapidement, collé tout contre lui.

Le lendemain, je me réveillais en sursaut au son du réveil qui atterrit contre le mur. Encore à moitié endormis, je m’étirais longuement avant de me tourner vers Juha. Le voyant toujours endormis, j’entrepris de le réveiller délicatement, mais rien n’y fit. Il dormait à poings fermés. Je décidais alors de le laisser se reposer encore un peu et allais me préparer. Puis, jugeant l’avoir suffisamment récupérer son sommeil, je le secouais par les épaules, un peu trop vivement peu être. Quand enfin il ouvrit les yeux, je déclarais :

- Debout fainéant, tu te réveilles enfin. Dépêches-toi, on part dans dix minutes.

Juha se passa une main sur le visage avec lassitude et d’une voix vaseuse, il déclara :

- J’ai vu avec Philippe, j’ai oublié de te dire. Je suis un peu malade, je ne travaille pas aujourd’hui.

Je sursautais à ces mots et m’écartais de Juha, ayant du mal à digérer cette excuse qu’il venait de pondre. J’étais peu être naïf mais loin d’être complètement con. Et puis, pourquoi ne m’en avait-il pas parlé hier soir ? Cela avait-il un rapport avec la distance qu’il mettant entre nous depuis quelques jours ? L’effet de la surprise passé, je m’exclamais sèchement, en colère contre Juha qui, visiblement, me prenait pour un idiot finit :

- T’aurais pu me le dire avant ! Je vais arriver en retard maintenant. Merci de m’avoir prévenu.

Sans un mot de plus, je me détournais de lui et quittais la pièce. Plus vite je m’éloignerais de lui, mieux ce serait. J’attrapais Shanenja au passage, tout en espérant intérieurement que Juha vienne me présenter ses excuses avant que je ne parte. Mais il n’en fit rien et c’est déçu et énervé que je quittais l’appartement en claquant violemment la porte, lui faisant ainsi clairement comprendre qu’il m’exaspérait.

Rancunier, je ne pardonnais pas à Juha de ne pas m’avoir fait part de ce détail, après tout, c’était quand même la moindre des choses : Je posais Shanenja au pied du siège passager avant de démarrer la voiture et la faire tourner le temps de dégivrer le pare-brise.

J’arrivais au ranch avec un quart d’heure de retard et allais directement poser les clés dans le bureau de Philippe qui, me voyant débarquer comme une furie dans son bureau se douta que quelque chose n’allait pas. Aussi avec la patience légendaire dont il était doté, il se leva et s’approcha de moi, en me demandant :

- Tu me parais bien énervé, mon garçon. Il y a un problème ?

- Hn… Non, c’est rien, t’en fait pas, répondis-je, n’aimant pas étaler ma vie privée et mes sentiments.

Cependant, ma réponse ne sembla pas satisfaire Philippe car il insista :

- Ne dit pas “rien” alors que je vois très bien que ce n’est pas le cas, Gabriel. Alors, reprit-il d’une voix redevenue douce. Raconte-moi ce qui te rend aussi agressif. Il y a bien longtemps que je ne t’avais pas vu ainsi, et il a forcément une raison à un tel changement de comportement de ta part.

A ces mots et ne souhaitant pas faire subir à Philippe mes sautes d’humeur ni le blesser par mon comportement, je me laissais lourdement tomber sur la chaise qui faisait face à son bureau et cédant sous le poids de la tristesse qui contractait mon coeur, je déclarais, des larmes de frustration et de colère contenue perlant au coin de mes yeux :

- A ton avis, qui à le don inné de m’exaspérer autant ? Est-ce moi qui suis trop exigeant ou alors est-ce trop compliqué pour lui de me dire trois mots ? Je ne lui demande tout de même pas la lune, bordel ! M’exclamais-je. Etait-ce vraiment au dessus de ses forces de me dire qu’il ne venait pas travailler aujourd’hui ?

Philippe m’adressa un sourire compatissant et déclara, avec toujours cette patience emprunte de tendresse :

- Ce n’est pas la raison principale de ta colère, n’est-ce pas ? Je te connais Gabriel, pour que tu craques ainsi, c’est qu’il y a forcément quelque chose de caché que tu gardes en toi depuis trop longtemps.

Malgré moi, je souriais à ces paroles. Philippe me connaissais vraiment comme personne… Cependant, ne souhaitant pas l’importuner avec mes histoires de coeur, je déclarais :

- Je ne veux pas t’embêter avec ça… C’est… Me repris-je en avisant le regard assassin que me lançait Philippe. C’est Juha… Depuis quelques jours, je le trouve distant vis à vis de moi sans raison apparente… C’est… C’est à peine s’il m’adresse la parole, avouais-je.

- Il traverse peut être une phase de remise en question, supposa Philippe que je soupçonnais d’en savoir plus qu’il ne le prétendait.

- Je ne sais pas avouais-je, honteux. Il ne me dit rien. Je peux pas continuer à le voir s’éloigner de moi comme il le fait, c’est trop dur à supporter. Pourquoi ne m’explique-t-il pas tout simplement ce qui ne va pas ?

- Ce n’est pas toujours aussi simple qu’on le pense, Gabriel. Attention, je ne prends pas sa défense pour autant, je dis juste qu’il n’ose peut être tout simplement pas t’en parler.

Après un court silence, il ajouta :

- Tu ne le sais peu être pas, mais demain c’est le jour de la mort de Killian, cela peut se comprendre qu’il ne soit pas bien…

Je sursautais à cette révélation, me sentant trahis par Juha qui avait préféré garder le secret et taire son mal être plutôt que de m’en faire part. Pourquoi avoir agit ainsi ? Avait-il quelque chose à se reprocher, consciemment ou inconsciemment ? Avait-il seulement réalisé à quel point il me faisait souffrir en agissant de la sorte ?

Je ne répondis rien à Philippe, bien trop préoccupé à ruminer ma contrariété.

- Ne te prend pas la tête pour cela, Gabriel, déclara alors Philippe. Pense à autre chose et ce soir, tu lui demanderas les explications que tu es en droit de recevoir.

- Hn… Me contentais-je de répondre distraitement, doutant intérieurement que Philippe puisse deviner à quel point j’avais mal et combien le Juha doux et attentionné me manquait. Depuis ces derniers temps, j’avais l’impression de partager le toit et le quotidien d’un parfait étranger.

- Vous avez besoin de vous retrouver tous les deux, reprit Philippe. Demain, tu prendras ta journée, je te l’offre et tu resteras avec lui. Cela vous fera le plus grand bien à tous les deux.

- Merci d’être là, Philippe, murmurais-je profondément ému, en le prenant dans mes bras, posant ma tête sur son épaule puissante et rassurante.

Philippe me rendit mon étreinte, semblant comprendre le besoin que je ressentais de me sentir aimé et rassuré. Lorsque je songeais à ce que j’étais entrain de vivre avec Juha, je ne pouvais empêcher les larmes de me monter aux yeux et je devais me faire violence pour les refouler. Pourquoi mon bonheur n’était-il qu’éphémère ? Etais-je né pour ne jamais connaître un bonheur durable ? Je fus tiré de mes pensées par Philippe qui, comme s’il m’avait sentit dérivé, déclara d’une voix amusée, en dépit de la situation :

- Heureusement que je sers à quelque chose…

A mon tour, j’esquissais un sourire, Philippe réussissant presque toujours à me déridé et après un moment, je lui rendis sa liberté :

- Excuse-moi…

- Il n’y a rien à pardonner, Gabriel, répondit-il en souriant. Cela fait bien longtemps que personne ne m’avait réclamé de câlin…

De nouveau, je remerciais Philippe, non sans rougir légèrement à sa réflexion avant d’aller travailler, le coeur allégé d’un poids. Etonnement, la journée se déroula plus rapidement que ce que j’avais imaginé. Cependant, si j’étais content d’avoir terminé ma journée, je ne pouvais empêcher une boule d’angoisse se former dans ma gorge. J’appréhendais cruellement ma confrontation future avec Juha. Mais ne souhaitant pas me défiler, cette confrontation s’avérant inévitable, je décidais de ne pas reculer d’avantage l’échéance et après avoir récupéré les clés, je prenais la direction de l’appartement.

Alors que j’ouvrais la porte d’entrée, j’entendis une porte claquer et un bruit de course brusquement stoppée, ponctuée par le bruit caractéristique d’un haut le coeur. Inquiet, je demandais, ne comprenant pas ce qui se passait, tout en allant à sa rencontre :

- Juha ?

Ne recevant aucune réponse de sa part, je posais une main fébrile sur son épaule, le coeur douloureux de le voir dans cet état. A genoux devant la cuvette des toilettes, une main contre le mur pour acquérir un minimum d’équilibre, il rendait le contenu de son estomac.

Cependant, la réaction de Juha à mon geste me blessa grandement. Se redressant d’un coup et me faisant face, Juha repoussa brutalement ma main, comme si mon simple contact le dégoûtait. Face à ce geste des plus inattendu et surprenant, je restais un instant pétrifié de stupeur et Juha profita de mon immobilité pour se glisser hors de ma portée et aller dans la salle de bain.

Cependant, ce geste me ramena à  moi et sentant la colère naître en moi, ne supportant pas d’être ainsi rejeté puis ignoré, je me rendis à mon tour dans la salle de bain. Lui faisant face, ne parvenant pas à maitriser la colère et la frustration qu’engendrait en moi le comportement incompréhensible de Juha, je déclarais d’une voix froide qui ne m’était pas revenue depuis un long moment déjà :

- Je pense qu’à ce stade on est quand même assez intime et proche pour ne pas se cacher ce genre de chose.

Je peux tout entendre et tout comprendre, j’ai le droit de savoir, tout autant que tu en a parlé à Philippe, déclarais-je sous l’effet d’une jalousie injustifiée. Pourquoi tu ne m’en a pas parlé ? Tu ne crois qu’en même pas qu’en vivant avec toi je n’allais pas me poser de questions ? Ca veut dire quoi de me cacher cela ? Comment est ce que je peux être là pour toi, si tu ne m’en parles pas ?

Juha se tourna alors vers moi et répondit, sur ses gardes :

- Tu me reproches de vouloir être seul le jour de la mort de Killian ?

Je restais quelques secondes interdit face à cette réplique aberrante avant de déclarer, lassé de faire face à un mur :

- Tu comprends rien, t’es vraiment trop con !

Sur ces mots, je lui tournais le dos et refermais la porte derrière moi. La colère avait fait place à une grande lassitude. J’étais blessé du manque de confiance et de l’absence de respect que Juha avait pour moi et fatigué de toujours devoir lui arracher les mots de la bouche pour arriver à recevoir trois mots de sa part. Pourquoi ne faisait-il pas l’effort de se mettre à ma place et d’imaginer ne serait-ce qu’une minute, ce que je pouvais ressentir à être ainsi constamment rejeté à chacune de mes tentatives pour lui venir en aide. Ou peut être que le problème venait de moi en fait ? Après tout, je n’avais jamais été très doué pour les relations humaines…

Dans l’espoir de me calmer, j’allais m’allonger sur le canapé, un live à la main dans l’optique de me changer les idées. Je ne le posais que lorsque la voix de Juha m’invitant à passer à table me sortis de ma lecture. J’allais alors m’asseoir à table, Juha prenant place en face de moi.

- Tu ne manges pas ? Demandais-je blasé, connaissant déjà la réponse.

- Je n’ai pas vraiment faim, répondit simplement Juha.

- Je ne vais pas te forcer, répondis-je avec sarcasmes, tu es libre de mener ta vie comme tu l’entends. Tu n’as vraiment pas besoin de moi.

Juha ne releva pas le sous entendu flagrant que je lui lançais et du coin de l’oeil, je le vis se lever et se servir un verre d’eau. Je terminais mon repas en silence, sans la moindre attention pour Juha. Puis, n’y tenant plus, ne supportant plus la tension de se silence oppressant entre nous, je finis par demander :

- Killian est enterré loin d’ici ?

Finalement, je craquais. Si Juha ne voulait rien faire de son côté pour tenter d’arranger la situation, moi je me battrais…

- Pourquoi cette question ? Demanda-t-il avec méfiance et curiosité mêlés.

- J’ai pris deux jours de congés, demain je peux te déposer si tu souhaites te recueillir…

- Tu… Tu n’es vraiment pas obligé, répondit-il.

Je ne répondis rien et déposais mon assiette dans l’évier avant de déclarer simplement :

- Je vais me laver…

Et je sortis de la cuisine sans un regard pour Juha, déçu et dégoûté. Pourquoi réagissait-il ainsi ? Pourquoi faisait-il preuve d’autant de méfiance et de réserve envers moi ? De quoi avait-il peur ? Je lui proposais simplement de l’emmener se recueillir, pourquoi m’avait-il répondit cela au lieu d’accepter tout bêtement ? Ce n’est pas parce que je lui proposais quelque chose que cela impliquait forcément que je m’incruste. Je ne voulais en aucun cas m’immiscer dans sa vie privée, ce n’était pas mon objectif, loin de là, je voulais simplement l’aider, lui faire comprendre qu’il n’était pas seul, que j’étais là pour lui, pour l’aider à supporter sa douleur. Etait-ce trop compliqué à comprendre ?

Je restais sous l’eau brûlante jusqu’à ce que tous les muscles de mon corps soient complètement détendus. Je ne sais combien de temps s’était écoulé depuis que j’étais sous la chaleur bienfaitrice de l’eau, mais lorsque je sortis de la salle de bain, je sus au silence qui régnait et l’obscurité dans laquelle était plongé l’appartement que Juha dormait.

J’allais me poser un moment devant la télévision n’ayant pas envie de rejoindre Juha dans l’immédiat. Bien que calmé, je n’avais pas encore digéré notre conversation. De plus, mes soupçons étaient confirmés… Juha me fuyait…

Lorsque la fatigue commença à se faire ressentir, j’éteignis la télévision et allais me coucher. Cependant, lorsque j’entrais dans la chambre, je sus que Juha ne dormait pas et ce, malgré ce qu’il tentait de me faire croire en gardant les yeux obstinément clos. Je me couchais alors en silence, après avoir éteins la lumière. De mon côté du  lit, je restais à une distance exagérée de lui, n’ayant pas envie de passer pour la sangsue de service, bien qu’au fond de moi, sa douceur et sa chaleur me manquaient affreusement. Mais faible par nature, je finis par rompre le silence, le désir de comprendre étant plus fort :

- Pourquoi crois-tu être capable de supporter ta douleur tout seul… Ne puis-je pas t’aider ? Tu me crois trop faible pour le faire ? Demandais-je la voix brisée par des sanglots que je m’efforçais de retenir. Ou alors, tu culpabilises sur le fait que ce soit Killian qui te mette dans cet état ? Au fond de lui, Juha semblait savoir ces paroles criantes de vérité car à peine me suis-je tu qu’il répliquait sèchement :

- De toute façon, tu ne sais pas ce que cela fait !

- Non je ne sais pas, et alors ! M’exclamais-je blessé avant de lui tourner le dos afin qu’il ne voie pas les larmes silencieuses qui, à présent, coulaient librement sur mes joues.

Dans l’instant qui suivit, je sentis Juha se coller tout contre moi et m’enlacer de ses bras. Savourant ce contact devenu trop rare ces derniers temps, je ne le repoussais pas, n’en ayant ni la force ni le courage. Dans l’obscurité, je sentis sa bouche se frayer un chemin jusqu’à mon oreille au creux de laquelle il murmura :

- Pardon…

C’était tellement facile… Croyait-il réellement que je pouvais lui pardonner son comportement des plus odieux avec un simple “pardon” ? Un mot prononcé parmi tant d’autres et qui contrairement à ce que l’on pouvait penser, n’effaçait pas la douleur causée… Face à mon absence de réaction, Juha raffermit sa prise autour de moi, collant un peu plus son corps chaud contre le mien, m’enivrant de son odeur alors que ses larmes silencieuses coulaient dans mon cou. Rompant finalement le silence, je finis par demander avec lassitude, n’osant même plus espérer une réponse de sa part :

- Pourquoi tu ne me fais pas confiance, Juha ? Après tout, je suis adulte et apte à comprendre…

Contre toute attente, après quelques secondes, Juha consentit à prendre la parole :

- Je… Commença-t-il la voix enrouée. Je suis désolé… A cette période de l’année depuis plus de dix ans maintenant, je réagis toujours comme cela. Je m’isole, je m’éloigne… Et je tombe dans un état lamentable. A chaque fois, en prison, je finis à l’infirmerie. Je sais que ça peut paraître idiot… Après plus de dix ans, ne pas avoir fait son deuil, c’est… Mais comment oublier le fait qu’il n’est plus là par ma faute… C’est aussi dur pour moi de t’infliger cela. Je… Je ne sais pas comment réagir, ni quelle doit être la bonne manière de se conduire face à ça. Je m’excuse Gabriel, mais je t’en supplie, retourne toi et prends moi dans tes bras…

La voix de Juha se noua dans sa gorge alors que j’étais en proie à un conflit intérieur. D’un côté, me retourner serait m’avouer vaincu, mais de toute façon, ce n’était pas comme si c’était la première fois… Et j’en voulais à Juha de me faire me sentir aussi faible… Je finis par céder, le coeur en vrille et avec douceur, je l’entourais de mes bras et l’attirais contre moi, respirant son odeur à plein nez. Les sanglots de Juha me déchiraient le coeur. En un geste qui se voulait apaisant, je caressais lentement le dos de Juha, tentant de lui faire comprendre une fois pour toute que j’étais et serais toujours là pour lui. Après un long moment durant lequel nous restâmes ainsi étroitement enlacés, je finis par murmurer :

- Tu sais Juha, tu n’as pas à craindre de me parler de tes problèmes ou quoi que ce soit d’autre. Je suis là pour cela non ?

Après un court silence, je finis par ajouter, cachant mal mon hésitation, appréhendant la réaction de Juha à ce que j’allais dire :

- Dans un… Enfin dans… Un couple, il faut savoir parler de ce genre de chose…

Je me sentis envahi d’une crainte sourde lorsque je le sentis s’écarter de moi, regrettant déjà les mots que je venais de prononcer. Cependant, le voyant me sourire, ma crainte s’envola, laissant place à l’interrogation alors qu’avec un amusement non feint, il répéta :

- Un couple ?

Face à l’audace de mes propres paroles et ne sachant comment interpréter sa remarque, je m’empourprais violemment de honte tout en tentant de rattraper ma connerie. Mais à mon plus grand étonnement, Juha s’approcha de moi et avant que je n’aie le temps de réaliser ce qui se passait, il me vola un baiser. Retrouvant vite mes esprits au contact de ses lèvres sur les miennes, je m’empressais de répondre avec avidité à son baiser ayant été privé trop longtemps de ses lèvres. Nous échangeâmes un très long baiser qui nous laissa tout les deux pantelant tandis que mes mains migraient sur le bas de son dos dans l’unique but de le rapprocher toujours plus de moi. Après un instant durant lequel nous nous contentâmes de rester tendrement enlacer, Juha s’écarta légèrement de moi et déclara d’une voix visiblement émue :

- C’est la première fois que tu qualifies ainsi notre relation…C’est comme cela que tu nous vois ? Comme un couple ? Tu ne peux pas imaginer à quel point ça me touche et me fait plaisir…

Pendant un instant, j’avais eu peur que Juha ne refuse une telle qualification de notre relation, mais sa dernière phrase acheva de me rassurer. Nous considérait-il lui aussi, comme tel ? Souhaitant néanmoins justifier ce qualificatif, je repris :

- A ce stade de notre relation nous sommes peu être plus que de simples amis intimes…

- J’espère bien… Répondit-il. Dans ce cas, apparaissons comme tel devant les autres, afin d’aller encore plus loin…

Je restais muet face à cette réponse, ne m’attendant pas un seul instant que Juha ait pour souhait d’officialiser notre relation… Nous voyait-il réellement comme un couple ? Envisageait-il un futur pour nous deux, en tant qu’amis mais aussi et surtout, en tant qu’amants ? J’entendis vaguement Juha inspirer profondément, et le senti à peine poser sa tête contre mon torse, plongé dans mes pensées. Je finis par m’endormir, d’un sommeil profond et sans rêves.

Un frisson glacé me tira de mon sommeil et dans un geste demi-conscient, je me tournais pour me blottir d’avantage contre Juha. Cependant, j’ouvris subitement les yeux, à présent totalement réveillé, lorsque je ne sentis que les draps froids là où, normalement, Juha aurait dû se trouver. Intrigué, je tendis l’oreille à la recherche de sa présence dans l’appartement, mais au silence angoissant qui régnait dans celui-ci, je ne pu m’empêcher de craindre le pire…

Aussitôt, je sautais hors du lit et quittais précipitamment la chambre. Cependant, je stoppais net en le voyant allongé sur le sol, Shanenja littéralement vautré sur lui. Oubliant instantanément la crainte qui avait été mienne quelques secondes plus tôt; j’éclatais de rire face à cette vision des plus attendrissantes. Juha ouvrit alors les yeux et je demandais amusé :

- On dort mieux sur le sol ?

Juha m’adressa une mine boudeuse tandis que Shanenja courait joyeusement vers moi pour réclamer ses caresses du matin. C’st avec bon coeur que je les lui offris, le coeur léger, heureux d’avoir retrouvé cette bonne ambiance entre nous et priant intérieurement que celle-ci perdure le plus longtemps possible, espérant la crise enfin passée… Par la suite, je tendis la main à Juha pour l’aider à se relever avant de lui voler un furtif baiser pour finalement m’emparer avidement de ses lèvres qui m’avaient cruellement fait défaut. Lorsque nous nous séparâmes, j’allais à la cuisine préparer le petit déjeuner pendant que Juha sortait Shanenja, ne l’ayant pas fait ces derniers jours.

Aujourd’hui, j’avais proposé à Juha de l’emmener au cimetière et même s’il ne m’avait pas encore donné sa réponse, j’étais intimement convaincu qu’il accepterait ma proposition. Et égoïstement, j’espérais qu’après cela, il redeviendrait le Juha que j’aimais, le Juha rieur et tendre, qu’il daignerait enfin passer à autre chose et laisser son passé derrière lui. Juha revint un court instant plus tard et vint prendre place en face de moi. Nous déjeunâmes dans un silence monastique et devinant aisément que je n’obtiendrais aucune réponse spontanée de sa part, je demandais :

- Tu souhaites toujours y aller ? C’est ce que tu veux vraiment ?

- Je… Je n’ai jamais eu l’occasion de m’y rendre. Je n’ai jamais pu aller sur sa tombe… Si tu veux bien m’y emmener… Répondit-il avec hésitation.

- J’espère que ce n’est pas une question ! J’irais juste nourrir et voir mon oiseau et nous irons cet après-midi. J’ai deux trois choses à voir au ranch avant…

- Je t’attendrais là, si ça ne te dérange pas. Je suis désolé, mais je…

- Tu préfères ne pas voir trop de monde, oui je sais. Je commence à te connaître, le coupais-je en souriant avec une pointe de tristesse à ces derniers mots, sachant pertinemment à quel point le “commence” était on ne peut plus vrai.

- Encore une fois, merci Gabriel, répondit-il après un instant de silence.

A la fin du petit déjeuné, j’allais m’habiller et après avoir volé un baiser à Juha, je me rendis au ranch. Avant toute chose, j’allais rapidement saluer Philippe et lui expliquais succinctement la situation puis passais voir mon aigle qui grandissait de jour en jour. Je passais un moment avec lui, n’ayant pas prit le temps de le faire ces derniers jours puis je finis par aller voir Orphée et Niladhëvan afin de vérifier leur état de santé et m’assurer qu’ils ne manquaient de rien. Une fois fait, je retournais à l’appartement et trouvais Juha assis dans le canapé, Shanenja à ses pieds. Se tournant vers moi, il me demanda :

- Tu as faim ? Il y a de quoi manger dans la cuisine, je t’ai préparé un repas.

- Tu ne manges pas ? Demandais-j surpris avant d’ajouter d’un air réprobateur, ça fait pas mal de repas que tu sautes…

Cependant, je n’insistais pas. Il était suffisamment adulte pour savoir ce qu’il faisait. C’est donc sans un mot de plus que je pris la direction de la cuisine. Là, j’attrapais mon assiette et allais me poser à côté de Juha dans le canapé. Je mangeais en vitesse et lorsque jeu terminé, nous nous préparâmes à partir. Cependant, ayant, d’après les dires de Juha, quand même pas mal de route à parcourir, nous laissâmes Shanenja à l’appartement.

Le trajet se déroula dans un silence monastique. Au fur et à mesure que les kilomètres défilaient, je sentais la détresse et la tristesse de Juha devenir de plus en plus oppressantes et je ne savais que faire ni que dire pour l’apaiser. Je me sentais étranger à sa douleur et me retrouver confronter à un mort et au passé de Juha me mettait mal à l’aise.  Semblant se rendre compte de la tension qu’il créait lui-même, Juha finit par entrouvrir sa fenêtre et malgré le froid de ce début de janvier, cela nous fit à tout deux le plus grand bien. Tentant de ne pas me laisser aller au stress qui grandissait en moi, je me concentrais sur la route afin de m’occuper l’esprit et ne pas le laisser envahir par des pensées désagréables.

Malgré cela, voir Juha tendu me stressait et dans l’espoir de le calmer un peu, je posais ma main sur sa cuisse en signe d’apaisement. C’est avec soulagement que je le vis n’esquisser aucun mouvement pour la retirer. A vrai dire, je ne savais plus comment me comporter avec Juha et j’avais toujours un instant d’hésitation avant de le toucher, ayant toujours peur de me voir repoussé, sachant plus que quiconque à quel point il pouvait être blessant. Mais par dessus tout, j’avais peur de le voir s’éloigner de moi, car indéniablement, c’est ce qui était en train de se passer… A ma plus grande surprise, Juha posa sa main sur la mienne, semblant accepter celle-ci. Heureux de ce petit signe d’intérêt de sa part, je lui offris un sourire. Sourire qui s’effaça bien vite lorsque je vis une larme rouler sr sa joue alors qu’un panneau indiquait sa ville natale à une dizaine de kilomètres.

Lorsque nous franchîmes le panneau indiquant l’entrée de l’agglomération, je le vis baisser les yeux et se renfermer sur lui-même et cela me fit mal au coeur… Je me haïssais de ne pouvoir rien faire pour lui apporter mon soutien, mais parallèlement, je savais pertinemment que ce n’était pas de moi dont il avait besoin… Contrairement à moi, Juha avait la force et le courage de revenir dans la ville qui l’avait vue grandir et bien qu’il ne me dise rien, je savais très bien que ses souvenirs, heureux ou non, lui revenaient en mémoire….

Machinalement, il m’indiqua la route à suivre et je le rassurais en lui disant que le chemin était indiqué. Alors que j’empruntais une rue dans laquelle les maisons ressemblaient plus à des villas, je vis Juha se redresser vivement. Visiblement, il semblait connaître ce quartier… Son regard se posa sur l’un d’entre elle avec insistance et automatiquement, je suivis son regard, non sans interrogation. Etait-ce la maison où avait grandit Juha ? Ou Killian ? Le voyant fixer la maison avec toujours plus d’insistance, je finis par m’arrêter et lui demandais doucement :

- Juha ? Tu veux aller voir ? Tu regardes cet endroit avec tellement d’insistance. C’était là où il habitait ? Ajoutais-je alors qu’une boule d’angoisse se formait dans ma gorge à l’idée qu’un disparut puisse le rendre si mélancolique au point de m’ignorer totalement…

Mais je lui avais fait cette promesse de le conduire jusqu’au cimetière et je la tiendrais quoi qu’il advienne, cela dut-il me faire souffrir.

- Non, répondit Juha. Je ne veux pas aller voir. C’était là que… C’était là que nous habitions avec mes parents avant que je… Ils sont partis apparemment…

Je ne répondis rien et de nouveau, le silence nous engloba jusqu’à ce que, détachant finalement son regard de la bâtisse, Juha se tourne vers moi et déclare d’une petite voix :

- On continue ?

Souhaitant par dessus tout que Juha sache que j’étais là pour lui, je me penchais vers lui et effleurais tendrement ses lèvres en un baiser aérien. Je me sentais impuissant face à tout cela, mais si par ma présence Juha arrivait à mieux supporter sa peine alors cela me satisfaisait amplement, bien que j’aurais aimé faire tellement plus pour lui, pour lui prouver à quel point de tenais à lui…

Nous reprîmes la route en silence. Je ne savais pas quoi dire pour tenter de remonter le moral à Juha et je détestais parler pour ne rien dire. Alors je me taisais. Et puis je me doutais aussi que Juha préférait rester seul avec ses souvenirs que plutôt m’entendre parler  histoire de briser le silence. Quand je garais la voiture sur le parking devant le cimetière, je m’autorisais un regard vers Juha et ce que je vis me toucha profondément. Je me doutais bien que Juha était en train de vivre une épreuve difficile de sa vie, mais je m’inquiétais réellement de son état de santé. Il semblait vraiment épuisé moralement et ne parvenait plus à maitriser le tremblement de ses mains. Après un temps où j’attendais de le voir se ressaisir, je finis par lui demander, m’attendant à tout instant à un rejet plus ou moins brutal de sa part :

- Tu veux que je vienne avec toi ? Ou tu préfères que je t’attende ici ?

- Je… Je vais y aller seul, répondit-il sans grande conviction.

Il m’adressa un dernier regard que je ne parvins pas à déchiffrer puis sortit lentement de la voiture. Préoccupé, je ne le quittais pas des yeux et c’est avec un point au coeur que je le regardais s’éloigner en chancelant. Arrivé aux grilles à quelques mètres de la voiture, je vis Juha s’arrêter subitement, comme incapable d’aller plus loin. Cependant, pour lui comme pour moi, je voulais le voir confronter à la tombe de Killian, dut-il en souffrir, qu’il fasse enfin son deuil en acceptant ce qui, pour lui, était inacceptable, la mort de Killian… Notre relation en dépendait… Tant que Juha vivrait dans le passé, nous ne pourrions jamais rien faire de notre avenir commun et n’arriverions rien à construire ensemble. Mais Juha avait-il seulement conscience de cela ? J’étais prêt à tout pour l’aider, il le savait, mais je n’y parviendrais pas seul, il devait aussi y mettre du sien et de la bonne volonté. Et aussi douloureux que c’était, je pouvais impartialement clamer que ce n’était pas le cas. Il se laissait porter par sa douleur et d’une certaine manière, se complaisait dans son malheur sans jamais penser ne serait-ce qu’une seconde à moi. Egoïstement, j’avais envie et besoin qu’il fasse plus que me voir, qu’il me regarde enfin comme ce que j’étais vraiment, un homme amoureux de lui et qui tentait désespérément d’exister à ses yeux.

Au risque de me voir repoussé, j’allais à la rencontre de Juha. Devant la grille du cimetière, il semblait plongé dans ses pensées et ne s’était visiblement pas rendu compte de ma présence. Non sans hésitation, je posais ma main sur son épaule et comprenant sa peur, je déclarais d’une voix douce qui se voulait calme et rassurante :

- Tu n’es plus seul Juha… Je suis là et je ne te laisserais plus affronter cela tout seul.

Immédiatement, je le saisis par la main et l’entraîna à ma suite, franchissant les grilles du cimetière sans qu’il ne dise quoi que ce soit. Je le guidais jusqu’au local du gardien avant de l’abandonner momentanément pour aller demander l’emplacement de la tombe de Killian, ayant retenu son nom de famille lorsque Philippe avait fait la déposition contre son frère. Après quelques minutes, je retournais auprès de Juha et le saisi de nouveau par la main, ignorant totalement le regard du gardien que je sentais dans mon dos.

Nous parcourrions les allées silencieuses et apaisantes un peu trop rapidement, mais je craignais que Juha ne se désiste au dernier moment. Intérieurement, moi aussi j’avais mal… Certes, pas la même douleur que Juha, mais je souffrais de voir l’homme que j’aimais dans un tel état d’abattement.

Je m’arrêtais subitement, ayant enfin trouvé ce que je cherchais. Mon regard s’attarda longuement sur la tombe qui faisait partie des plus fleuries et des mieux entretenues pour finalement se poser sur la photo de Killian jaunie par le temps.  Je finis par lui lâcher la main… J’avais fait ce que je pouvais pour lui et maintenant, c’était à lui de continuer seul.

Pendant un temps qui me parut interminable, je regardais Juha rester parfaitement immobile, les yeux rivés sur la photo de Killian.  Gardant une distance respectueuse, quelques pas en arrière, je ne me sentais pas à ma place ici… J’avais cette impression de n’être qu’un étranger qui s’adonnait au voyeurisme. Soudain, Juha tomba à genoux sur les graviers, comme s’il n’arrivait plus à supporter le poids de son chagrin et de sa culpabilité. A cette vision, mon coeur se contracta plus violemment encore tandis que des larmes me montaient aux yeux alors que la réalité me sautait brutalement au visage. Je n’aurais jamais que la seconde place dans le coeur de Juha… J’aurais certainement pu me contenter de cela mais ce n’était pas le cas… Je ne comprenais pas qu’il puisse ainsi continuer à aimer un mort comme on aimait une personne belle et bien vivante… Pourquoi n’acceptait-il pas le fait qu’il soit mort ? Pourquoi refusait-il de faire son deuil ? La vie était ce qu’elle était et rien ni personne ne pourrait changer le fait que Killian était mort et qu’à présent il ne vivait plus que dans le coeur et la mémoire de Juha…

Lorsque je retournais enfin auprès de Juha, la nuit était tombée depuis un long moment. D’une voix qui se voulait sûre d’elle, je déclarais doucement afin de ne pas briser le silence respectueux qui nous entourait :

- Juha ? Il est assez tard, le cimetière va bientôt fermer… Nous partons dans peu de temps.

A côté de Juha, je n’osais le toucher, ne m’en sentant pas le droit. Cet instant “lui” appartenait et je n’avais pas à interférer, ma seule présence étant déjà de trop… Il mit encore quelques minutes avant de finalement daigner se lever. Le voyant se redresser avec difficultés, je lui apportais mon soutien avant de l’enlacer, n’ayant rien trouvé d’autre pour lui apporter un peu de réconfort. Il n’en fallut pas plus à Juha qui éclata en sanglot, se libérant ainsi du trop plein de la douleur qui étreignait son coeur.

Lentement, je passais ma main dans son dos, cherchant à l’apaiser avant de le guider jusqu’à la voiture. Quand il fut installé, je refermais la portière et allais prendre place côté conducteur. Juha me souffla alors un “merci” qui me réchauffa le coeur et je lui offris un faible sourire accompagné d’un simple effleurement de mes lèvres sur les siennes.

Le trajet du retour s’effectua dans le silence le plus complet, tous deux perdu dans nos pensées respectives. Nous arrivâmes assez tard à l’appartement et bien que connaissant déjà la réponse, je demandais à Juha s’il désirait manger quelque chose. Compte tenu des circonstances, je n’insistais pas à sa réponse négative. Tel un automate, Juha alla prendre une douche rapide pendant que je m’occupais de Shanenja. Je ne tardais pas à le rejoindre, après un passage à la salle de bain, me blottissant tout contre lui, en manque cruel de son contact et de sa chaleur.

Je savais que derrière ses yeux clos, Juha était réveillé et cette attitude, bien que compréhensible, me blessa. Je laissais ma main aller se perdre sur son torse, le rapprochant un peu plus de moi tandis que de mon côté je faisais de même, ma peur de le perdre se faisant de plus en plus oppressante. Une détresse sans nom s’empara alors de moi et mû par une volonté de jouer franc jeux, ma bouche dévia lentement jusqu’à son oreille au creux de laquelle je lui dévoilais enfin mon amour en un murmure à peine perceptible :

- Je t’aime, Juha…

Quatre mots qui mettaient entièrement mon âme et mon coeur à nu, me dévoilant à lui comme jamais à quiconque auparavant… Juha se tourna alors brusquement vers moi, comme choqué par ces mots qui avaient été les miens. Les yeux plongés dans les siens, de façon à ce qu’il puisse y lire par lui-même l’ampleur de mes sentiments pour lui, j’attendais une réaction de sa part à défaut d’une réponse.

Cependant, il resta obstinément muet et finit même par détourner le regard. A cet instant, je compris que mon amour n’était pas réciproque et une douleur aigüe me vrilla leur coeur, comme un couteau chauffé à blanc, alors qu’un torrent de larme affluait à mes yeux. Honteux et ne voulant pas qu’il voit à quel point son absence de réaction m’avait blessé et humilié, je m’éloignais de lui et lui tourna le dos pour laisser libre court à mes sanglots silencieux. Pourquoi cette absence de réaction de sa part ? Etait-ce si aberrant que cela que je puisse être amoureux de lui ? Cette absence de réaction que je voyais comme un rejet pur et simplement confirma dans mes doutes… J’étais quelqu’un que l’on pouvait désirer mais pas aimer…

Mes larmes redoublèrent d’intensité à cette constatation et j’en voulais à Juha de rester aussi impassible face à ma détresse et ma douleur. N’avait-il donc aucun coeur ? Comment avait-il pu me répudier ainsi ? Malgré mon passé dont il connaissait le secret, je m’étais ouvert à lui, non sans difficultés et en dépit de cela, il agissait avec moi sans la moindre considération.

J’avais honte à le dire, mais au plus profond de moi, j’en arrivais à haïr ce Killian qui, même mort, me volait le coeur de mon amour et je désespérais de voir Juha se raccrocher autant à un mort et ne vivre que par le passé. Juha, mon sauveur qui avait tant fait pour moi, mais aussi le bourreau qui me faisait sombrer encore plus profondément que jamais.

Je passais la pire nuit de ma misérable existence alors que les heures défilaient, aussi interminables que si elles duraient des siècles, sans que je parvienne à maitriser mes sanglots. Finalement, ne supportant plus la présence de Juha près de moi qui ne faisait à chaque fois que raviver ma douleur, je quittais la pièce et allais me poser dans le canapé. Intrigué, Shanenja ne tarda pas à venir vers moi et semblant sentir ma peine, il se mit à couiner. Je le pris aussitôt dans mes bras et le serais contre mon coeur tout en le caressant délicatement.

Je du finir par m’endormir car lorsque j’ouvris de nouveau les yeux, je fus surpris de ne pas sentir la chaleur de Juha contre moi. A cette pensée, les événements de la veille me revinrent en mémoire et mon coeur se compressa douloureusement dans ma poitrine, alors que de nouveau, des larmes que je pensais enfin taries, franchirent la barrière de mes paupières pour rouler silencieusement sur mes joues.

Je me précipitais alors sous la douche, ne souhaitant pas que Juha me surprenne dans cet état pitoyable, ne pouvant endurer sa pitié en plus de son rejet. Entrant dans la cabine de douche, je réglais la température de l’eau au maximum de sa chaleur, ne réagissant même pas à la violente brûlure de l’eau sur ma peau.  Je n’en sortis que lorsque mes larmes furent enfin asséchées. A l’odeur de café qui flottait dans l’air, je sus que Juha était réveillé et mon coeur s’emballa à cette constatation. Je n’avais aucune envie de le voir, mais d’un autre côté, je ne pouvais le fuir indéfiniment…

A contrecœur, je me séchais rapidement et nouais la serviette sur mes hanches avant de me rendre dans la chambre pour me changer. Là, je pris le temps de me recomposer un masque froid et impassible avant de rejoindre Juha à la cuisine. Sans un mot ni même un regard pour lui, je pris place à table. Je n’avais pas faim, l’estomac douloureusement contracté, mais je me forçais à manger un minimum, ne pouvant rester le ventre vide avec le travail physique que je faisais. Je restais silencieux durant les premières minutes et lorsque Juha me passa le pot de confiture, prenant mon courage à deux mains, je demandais alors :

- Tu n’as toujours rien à dire à propos de ce que je t’ai dis hier soir ?

Je savais que je me faisais volontairement du mal, mais je ne pouvais rester dans l’incertitude et intérieurement, je ne pouvais m’empêcher d’espérer. Mais lorsque je le vis détourner le regard, gêné, je sentis mon coeur se briser et voler en éclat. Dissimulant ma douleur et mon envie de pleurer derrière ma froideur, je déclarais simplement :

- Je crois que la moindre des choses c’est de répondre quelque chose. Je ne demande pas grand chose, juste une réponse positive ou négative. Ou alors, ajoutais-je, tentant de garder mon calme, tu aurais pu me demander du temps… Mais rester comme cela, sans aucune réaction, comment peux-tu me faire cela Juha ? Finis-je pas m’emporter sur ces derniers mots, les yeux brillants de larmes mal contenues.

- Tu dis m’aimer uniquement par peur de me perdre…

Je restais un moment interdit face à cette réponse des plus inattendues avant de répondre, sarcastique :

- Parce qu’avoir peur de te perdre n’est pas, justement, une preuve d’amour ?

- Pourquoi juste après le cimetière ? Pourquoi ce jour là ? Demanda-t-il la voix tremblante.

- Cela fait longtemps que je veux te le dire, repris-je plus calmement, et tu as même empêché plus d’une tentative, consciemment ou inconsciemment, ajoutais-je en me remémorant  la fois où j’avais tenté de lui ouvrir mon coeur la nuit ou je m’étais offert à lui. Oui, j’ai peur de te perdre, parce que tu es en train de t’éloigner de moi.

- Juste pour ces deux jours, Gabriel… Excuse-moi de ne pouvoir répondre à tes attentes le jour de la mort de Killian ! Répliqua-t-il avec énervement.

Intérieurement, je riais jaune face à ces pitoyables excuses. En réalité, Juha refusait de regarder la vérité en face car celle-ci lui faisait peur. J’étais mieux placé que quiconque pour le savoir, m’étant moi aussi voilé la face pendant bon nombre d’années.

- Ah parce qu’il y a des jours opportuns pour te dire que je t’aime ? M’exclamais-je, sarcastique. Je ne suis pas un putain de jouet, craquais-je et libérant le poids qui étreignait mon coeur. Tu ne peux pas m’utiliser à ta guise. Moi je suis là, je reste comme un con à te regarder t’éloigner de moi… Parce que tu l’aimes toujours n’est ce pas ? Ajoutais-je après une seconde d’hésitation. Choisis Juha… Je ne peux pas rester comme cela, à attendre que tu daignes enfin faire ton deuil… Je suis humain bordel, et là tout ce que je vois, c’est l’amour que je te porte et que tu bafoues. Tu joues avec mes sentiments pour toi… Si tu ne réagis pas Juha, tu me perdras, car je n’ai pas l’intention de t’attendre indéfiniment….

Sur ces mots, sans attendre une réponse de Juha, j’attrapais ma veste et quittais l’appartement, souhaitant qu’il réfléchisse sérieusement à ce que je venais de lui dire. C’était loin d’être des paroles en l’air prononcées sur le coup de la colère et la rancoeur. Je le pensais sincèrement. Malgré l’amour que je lui portais, je ne pouvais ni n’avais l’envie de l’attendre indéfiniment. Il devait faire un choix… Soit il décidait de vivre dans ses souvenirs et de rester auprès de son Killian, soit il décidait de repartir à zéro et ensemble nous pourrions tenter de construire quelque chose de notre avenir commun.

Arrivé à la voiture, je démarrais rapidement et pris la direction du centre. Durant les quelques minutes que dura le trajet, mes larmes remportèrent la victoire et se mirent à rouler lentement sur mes joues, me brouillant la vue. Je me garais négligemment dans la cour, remarquant à peine la voiture inconnue qui était là. A peine eussais-je coupé le contact que j’éclatais en sanglots.  Je ne faisais que cela depuis hier, pourtant mon chagrin et ma douleur étaient toujours aussi vivaces…

Je n’aurais su dire combien de temps je restais ainsi à pleurer toutes les larmes de mon corps et lorsqu’enfin celles-ci se tarirent, je reniflais bruyamment tout en séchant mes larmes du revers de la main. Après un instant durant lequel je tentais de redevenir maître de mes émotions, je me décidais enfin à sortir du véhicule.

Alors que je fermais la portière, je vis Juha arriver à quelques mètres de moi et lui adressais un bref coup d’oeil, sans plus d’attention, sa simple vue m’étant atrocement douloureuse.

Soudain, une voix retentie dans mon dos :

- Bonjour, Gabriel…

Le coeur battant à tout rompre, je me retournais vivement pour tomber nez à nez avec une personne que je n’aurais jamais cru revoir un jour…

- Bonjour, Petit Prince, répéta-t-il.

Si la voix m’était parfaitement inconnue, ce n’était pas le cas de l’appellation… Je restais figé de stupeur face à cette apparition divine, dans l’incapacité totale d’esquisser le moindre geste. Je n’arrivais pas à croire ce que je voyais, me croyant victime d’une illusion… Comment était-ce possible ? Ce fut de nouveau la voix amusée de l’homme en face de moi qui me tira de mes pensées :

- Et bien, tu ne dis plus bonjour ?

Reportant mon attention sur lui, je vis un large sourire illuminer son visage alors qu’il me regardait avec tendresse et amusement. Il ne m’en fallut pas plus pour accourir vers lui et me jeter dans ses bras tendus vers moi, en sanglotant bruyamment.

- Oh mon Dieu… C’est toi… C’est bien toi, sanglotais-je sans parvenir à me contrôler. Tu m’as tellement manqué…

- Tu m’as manqué aussi Petit Prince, souffla Kay à son tour au creux de mon oreille.

Autour de moi, plus rien n’existait hormis Kay et le doux frottement de sa main dans mon dos. Noyé dans les larmes, je ne vis pas Philippe nous regarder en souriant tendrement depuis la fenêtre de son bureau, ni Juha adresser à Kay un regard glacial.

- Gabriel… Murmura Kay en raffermissant son étreinte autour de moi. Alors c’est ainsi qu’ils t’ont nommé ?

- Par vraiment, parvins-je à articuler entre deux sanglots. Mais je t’expliquerais ça…

Je restais un moment silencieux, la voix trop brisée par l’émotion pour espérer prononcer le moindre mot. C’est dans un murmure trahissant ma tristesse que je finis par reprendre :

- Tu m’as tellement manqué… J’ai pas arrêté de penser à toi… J’ai cru devenir fou après ton départ…

- Moi aussi Petit Prince… Moi aussi, souffla Kay en m’embrassant tendrement sur les cheveux. Nous avons tant à nous dire… Tellement d’années de séparation à rattraper…

- Gabriel ? M’appela alors Juha que j’avais honteusement occulté de mon esprit depuis mes retrouvailles avec mon ami de toujours. Tu nous présentes pas ? Demanda-t-il avec une pointe de reproche au milieu de laquelle je pus déceler une once de jalousie.

A contrecœur, je m’arrachais à l’étreinte de Kay et n’osant croiser le regard de Juha, honteux, j’entrepris de les présenter, bien que je me doutais parfaitement que Juha savait déjà à qui il avait affaire :

- Juha, je te présente Kay, mon ami d’enfance dont je t’ai déjà parlé… Kay, voici Juha, mon… Mon…

- Son amant, répondit froidement Juha à ma place, alors que je réfléchissais sur le qualificatif à employer pour désigner Juha, ami, amant, je ne savais plus trop…

C’est non sans une gêne certaine que je sentis la tension monter lourdement alors que les deux hommes de ma vie échangeaient une poignée de main courtoise mais extrêmement froide, Kay répondant sans aucune hésitation à la provocation de Juha. Après un temps qui me parut interminable et durant lequel j’aurais voulu m’enfuir six pieds sous terre pour ne pas avoir à supporter la froideur impersonnelle de Juha et la honte que je ressentais à le voir aussi dédaigneux envers Kay, Juha finit par déclarer sans se départir de sa froideur :

- J’vous laisse, j’ai du travail. Ravi d’avoir fait ta connaissance, Kay…

- Moi de même, répondit Kay en saisissant la main que Juha lui tendait.

Ne sachant que faire, je gardais obstinément les yeux rivés sur le sol, n’osant pas croiser le regard tumultueux de Kay et encore moins celui froid et perçant de Juha, me sentant comme un enfant prit en faute. Juha partit et un étrange silence s’installa entre nous. Je pouvais finis par relever la tête, sentant le regard pénétrant et inquisiteur de Kay sur ma nuque. Je croisais son regard d’un bleu tirant sur le gris non sans rougir et demandais, ne comprenant pas cette fixation sur ma personne et souhaitant surtout masquer mon trouble :

- Quoi ?

- Rien, répondit simplement mon vis à vis en me souriant avec cette tendresse particulière qui le qualifiait. Tu es heureux au moins ?

- Je… Oui, répondis-je après une seconde d’hésitation. C’est… C’est juste une mauvaise passe… Ca va s’arranger, me justifiais-je face au silence sceptique de Kay.

 Reportant mon attention sur Kay, je ne pus m’empêcher de le dévisager et cela le fit sourire. En dix ans, il n’avait pas changé. Il avait gardé cette arrogance qui le caractérisait et son visage avait perdu ses rondeurs d’adolescence pour laisser place à un visage d’homme dans la pleine puissance de l’âge. A vingt-sept ans, Kay était devenu un homme magnifique. Ses cheveux étaient un peu plus longs que dans mes souvenirs, mais c’était loin d’être choquant et cela lui seyait plutôt bien.

Semblant sentir le mal aise qui s’était emparé de moi à l’évocation implicite de ma relation avec Juha et le terrain glissant sur lequel il s’aventurait dangereusement, il changea de sujet et retrouvant son sourire qui m’avait tant manqué, il demanda :

- Alors c’est ici que tu travailles ? Tu me fais visiter ?

Retrouvant le sourire, j’invitais Kay à me suivre. Au passage, je saluais convenablement Shanenja qui tentait patiemment d’entraîner un Cobalt comateux dans son jeu. Nous entrâmes dans la sellerie où les employés buvaient leur café avant de commencer leur journée de travail, et sans un regard pour eux, j’entraînais Kay dans les écuries. Une fois seuls, ne me doutant pas un seul instant de la présence de Juha dans un des box, je demandais, laissant libre court à ma curiosité et souhaitant éclaircir ce qui, pour moi, était encore un mystère :

- Lorsque j’ai quitté l’orphelinat, le jour de mes dix-huit ans… Ou plutôt, devrais-je dire, quand ils m’ont mi à la porte, j’ai tenté désespérément de savoir où tu étais, mais… Tu semblais avoir… Disparu… Comme si tu n’avais jamais existé que dans mon imagination…

Je fis une pause, mon coeur douloureusement contracté à devoir ressasser ses souvenirs que je croyais avoir oublié, enfouis au plus profond de ma mémoire. Prenant une grande inspiration, je poursuivis, la voix brisée par l’émotion :

- Je t’ai cherché pendant des jours entiers… Où étais-tu ? Pourquoi ne m’as-tu pas attendu ? Après ça, j’en suis arrivé à te haïr pendant un temps, avouais-je honteux. Je pensais que tu m’avais abandonné toi aussi, que ce que nous avions vécu ensemble tout au long de ses années n’était rien pour toi… Et… Du jour au lendemain, tu réapparais dans ma vie sans que je ne sache ni pourquoi ni comment… Poursuivis-je alors que ma voix se brisait en un nouveau sanglot incontrôlable.

Instantanément, les bras puissant de Kay m’enlacèrent en une étreinte protectrice et rassurante. D’une voix douce, il commença à parler :

- J’ai pensé t’attendre, Petit Prince… Je ne vivais que pour le jour où l’on se retrouverait enfin… Mais, plus le temps passait plus je me disais que si nous en étions arrivé là, c’était par ma faute, que tu avais suffisamment souffert à cause de moi… Je voulais que tu puisses avoir une vie normale pour un enfant de ton âge, que tu sois heureux…

- Comment peux-tu dire cela ? Demandais-je indigné en m’arrachant à l’étreinte de Kay. Je n’ai jamais été aussi heureux que lorsque tu étais près de moi… Tu étais mon seul ami, Kay… Le seul à avoir prit soin de moi et à m’avoir apporté l’amour que tout le monde me refusait…

- Arrêtes de m’idéaliser, Gabriel ! S’exclama-t-il à son tour en me faisant sursauter. Aurais-tu oublié ce qu’ils t’ont fait subir ? Trois jours… Trois putain de jours ils t’ont laissé enfermer dans cette cave…

- Comment veux-tu que je l’oubli ? M’emportais-je, blessé. J’en fais constamment des cauchemars… Tu ignores tout de l’enfer que j’ai vécu après ton départ, ajoutais-je dans un murmure.

- Tu n’avais pas à subir les conséquences de mes actes, reprit-il, lui aussi, plus calmement.

- J’étais tout aussi coupable que toi, répondis-je en m’empourprant violemment en faisant allusion au fait que je ne l’avais pas repoussé lorsqu’il m’avait embrassé et au baiser que le lui avait même délibérément rendu.

- Pardonne-moi, souffla alors Kay.

Etonné, je relevais la tête vers lui et pus voir qu’il souriait, non sans une certaine mélancolie, pourtant.

- A peine nous nous retrouvons que déjà nous nous crions dessus, ajouta-t-il sans se départir de son sourire.

- Comme au bon vieux temps, répondis-je, en souriant également, toute ma rancœur et ma colère s’étant subitement volatilisées, alors que des souvenirs de nos disputes me revenaient en mémoire.

Le pire dans tout cela, c’était qu’à chaque fois, cela partait de raisons plus puériles les unes que les autres, comme savoir qui était arrivé le premier à la course alors que la plupart du temps nous étions ex aequo, qui avait finit le dernier bout de pain à la cantine ou encore l’équitabilité lorsqu’il était question de partage. Mais comme maintenant, nous finissions toujours par nous réconcilier en sourires timides alors que nous réalisions l’absurdité de notre emportement.

Sans se départir de mon sourire, j’observais attentivement Kay. Les yeux dans le vague, perdu dans ses pensées, il semblait lui aussi se souvenir de tous nos bons moment passés ensemble au vue du petit sourire qui étirait ses lèvres.

- Mais ça ne répond pas à ma question, repris-je après un instant de silence.

Si le regard de mon vis à vis se teinta d’incompréhension, celle-ci se dissipa bien vite lorsqu’il comprit le sens de ma phrase. Son sourire s’élargit d’avantage lorsqu’il répondit :

- Je t’ai vu par hasard à la télévision… Je ne savais pas que tu aimais les chevaux, ajouta-t-il face à mon étonnement.

Comprenant qu’il faisait allusion au concours auquel j’avais participé, je baissais les yeux en rougissant alors que nous arrivions au box d’Orphée. Inconsciemment, par pur réflex, je m’arrêtais et Kay fit de même.

- Alors c’est lui le fameux Orphée ? Demanda-t-il en tendant la main pour le caresser.

Je ne répondis rien, me contentant d’hocher simplement la tête en guise d’acquiescement tandis que Kay faisait connaissance avec ma monture, lui flattant doucement l’encolure alors qu’Orphée le reniflait bruyamment. Après un temps qui parut durer une éternité, Kay me fit de nouveau face, et retrouvant son sérieux, il déclara :

- Tout à l’heure, tu disais que ce n’était pas à l’orphelinat qu’ils t’avaient nommé ainsi…

Il ne termina pas sa phrase, mais je savais pertinemment le sens de sa demande implicite. D’une petite voix, j’entrepris de lui expliquer :

- Tu sais mieux que quiconque la manière dont ils m’appelaient là bas, me hélant ou m’appelant d’une façon dont je n’oserais même pas appeler mon chien… Ca à empiré après que tu sois parti et pas seulement de la part des adultes… Lorsque je suis arrivé ici, naturellement, Philippe m’a demandé mon prénom. Evidement, je suis resté muet, n’en ayant jamais reçu ou si c’est le cas, ne l’ayant jamais entendu… Je te laisse imaginer l’humiliation que j’ai pu ressentir à ce moment… Mais Philippe est vraiment quelqu’un d’extraordinaire… Après m’avoir longuement détaillé, il a décrété qu’il m’appellerait Gabriel parce qu’il trouvait, je cite, “que je ressemblais à un ange avec mes longs cheveux blond platine et mes yeux bleus”…

Je fis une pause, un sourire tendre étirant mes lèvres à ce souvenir avant de reprendre :

- Sans même me connaître, il m’a tout donné… Il m’a offert un nom, ainsi qu’un endroit ou vivre et un travail, le tout en moins d’une heure… Je ne le remercierais jamais assez pour tout ce qu’il à fait pour moi… Je lui dois ce que je suis…

- Tu as l’air de beaucoup tenir à lui, fit remarquer Kay. Et vue la façon dont il parle de toi, c’est réciproque…

- C’est vrai que je tien à lui, c’est l’un des êtres le plus cher à mon coeur… D’une certaine manière, lui expliquais-je, je vois en lui l’image paternelle que je n’ai jamais eu…

- Oui, je comprends, murmura Kay.

Un nouveau silence s’installa entre nous et après un temps, je demandais :

- Tu veux boire ou manger quelque chose ?

- Je veux bien un verre d’eau, s’il te plait, Gabriel, répondit-il en insistant sur mon prénom, comme si cela lui faisait bizarre de m’appeler ainsi et qu’il se familiarisait avec mon prénom.

Je lui adressais un sourire et alors que je me détournais pour quitter l’écurie après une dernière caresse à Orphée, je sursautais violemment à la vue de Juha. Dans le box de Royale for You, il me regardait d’un air indéchiffrable et au regard qu’il me lança, je sus qu’il avait été témoin de ma conversation avec Kay. Honteux de ce qu’il venait d’apprendre sur moi à mon insu, n’ayant jamais trouvé le courage de lui révéler cette façade de mon passé, je détournais le regard, ne supportant pas celui qu’il m’adressait et passais devant lui les yeux rivés sur le sol, suivit de près par Kay. Alors que nous quittions l’écurie et prenions la direction de l’appendice de la maison où était située ma chambre avant que je n’emménage avec Juha, Kay prit la parole :

- Tu le connais depuis longtemps ?

- Seulement depuis quelques mois, répondis-je mal à l’aise face au sujet abordé, n’aimant pas étaler ma vie privée et encore moins en ce moment. Mais nous sommes en… Couple depuis peu, avouais-je.

- Oh, se contenta-t-il de répondre. Et la raison de votre différent ?

- Disons simplement que nous n’avons pas la même conception des mots “couple” et “confiance”, répondis-je, réticent à dévoiler ma vie privée même à Kay, ne voulant pas qu’il s’aperçoive à quel point j’étais misérable et pathétique.

Nous arrivâmes dans la chambre et j’invitais Kay à s’asseoir sur le lit tandis que j’allais lui chercher un verre d’eau. Je lui tendis avant de prendre place à ses côtés, les poings serrés sur les genoux.

- Je comprend que tu sois tombé sous son charme, c’est un bel homme bien qu’il ait l’air d’avoir un sacré caractère…

J’esquissais un faible sourire à cette remarque. Il ne pouvait pas savoir à quel point il était proche de la vérité… Juha avait vraiment un caractère lunatique, pouvant être adorable un instant et exécrable la seconde suivante. Et pour parler crument, un caractère de merde était le mot le plus approprié qui me venait à l’esprit.

Après une courte pause, il reprit, sur un ton beaucoup plus grave :

- Je suis tellement fier de toi, Petit Prince…Tu es devenu un homme extraordinaire… J’ai laissé derrière moi un enfant à l’aube de sa vie et je retrouve un magnifique jeune homme, ajouta-t-il en passant une main dans mes cheveux détachés. Tu es resté tel que dans mes souvenirs. Et je dois t’avouer que je suis un peu jaloux…

Je tiquais à ces mots et relevais subitement les yeux vers Kay, attendant une explication qui ne tarda pas à arriver :

- Je ne m’attendais pas à te voir en couple, mais d’un autre côté, beau comme tu es devenu, le contraire m’aurait étonné… En tout cas, je suis heureux pour toi, vraiment, et j’espère sincèrement que cela s’arrangera entre vous…

Profondément touché par les paroles de Kay, je m’effondrais en sanglot dans ses bras. S’il parut surpris de ce brusque changement de comportement, il n’en laissa rien paraître et m’accueilli à bras ouvert, me consolant tendrement comme lorsque nous étions enfants. J’étais tellement bien au creux de ses bras, réconforté par sa chaleur et sa présence, alors qu’il m’offrait l’amour et la tendresse qui me faisait tant défaut depuis quelques jours. Respectant ma tristesse, Kay ne me demanda aucune explication sur cette soudaine crise de larme, se contentant de me serrer dans ses bras.

- Pleure… Pleure autant que tu veux, murmura-t-il. Je suis là… Je ne te laisserais plus Gabriel, plus jamais… Je t’aime…

Noyé dans mes sanglots, j’entendis vaguement Kay murmurer à mon oreille, mais trop prit par la douleur que je ressentais au plus profond de moi, je ne compris pas le sens de ses mots, me laissant bercer par sa voix grave et apaisante. Je restais bien une vingtaine de minutes à pleurer toutes les larmes de mon corps appréciant le sentiment de réconfort à sentir Kay si près de moi. J’avais vraiment l’impression d’être revenu dix ans en arrière alors que nous étions encore enfants et qu’il me consolait après que je me sois fait réprimander par le père Colman ou les sœurs qui s’occupaient de nous. Quand mes larmes s’asséchèrent, je restais encore quelques minutes dans les bras de Kay avant de me reculer et murmurer un faible “pardon”, honteux. Il me rassura d’un sourire mais je pus déceler dans ses yeux un éclair fugace de tristesse. Un sentiment de honte s’empara de moi, j’avais honte de ne parvenir à maitriser mes émotions en présence de mon ami d’enfance et n’osais imaginer ce qu’il devait penser de moi.

Séchant mes larmes du revers de la main, j’allais me passer  rapidement le visage sous l’eau froide et lorsque je revins, j’adressais un large sourire à Kay qui me demanda :

- Alors, tu me montres comment tu montes à cheval ?

Mon sourire s’élargit et enfilant ma polaire sans manche, je suivis Kay qui quitta la pièce. Prenant la direction de la sellerie, j’engageais la conversation sur Kay, n’ayant parlé que de mon depuis son arrivée :

- Parle-moi un peu de toi…

- Que veux-tu savoir ? Demanda-t-il, amusé.

- Tout… Répondis-je en attrapant ma selle et mon filet. Je veux tout savoir… Ce que tu as fait ces dix dernières années, ton métier, où tu vis…

- Une question à la fois, répondit-il en riant. Commençons par le début… Lorsqu’ils t’ont emmené le jour de mon départ, une voiture est passée me chercher. Comme j’étais mineur, ils n’avaient pas l’autorisation de me laisser dans la nature, bien qu’à mon avis ce n’était pas l’envie qui leur manquait. Alors le vieux Colman m’a fait transférer dans un autre établissement loin de celui où tu étais. J’y suis resté pendant deux ans puis j’ai finis par fuguer un mois avant ma majorité. Là, j’ai traîné dans les environs et amassé des petits boulots payés au black. Je me faisais loger chez les paysans qui m’employaient. J’ai vécu comme ça pendant près de six mois. Je voulais t’attendre, j’étais prêt à vivre ainsi le temps qu’il fallait pour pouvoir enfin être de nouveau avec toi. Puis, un jour, j’ai rencontré un vieil homme un peu fou qui m’a enseigné son don. Il était ostéopathe. J’ai vu là une opportunité alors je l’ai suivis. J’avais dans l’idée de gagner assez d’argent pour pouvoir  vivre avec toi quand tu quitterais l’orphelinat. Cela a prit plus de temps que je ne croyais et lorsque je suis allé voir Colman pour lui demander où tu étais, il n’en avait aucune idée. Personne ne savait ce que tu étais devenu… Je t’ai cherché partout mais sans parvenir à te trouver… Alors j’ai prit un appartement et j’ai ouvert mon cabinet. Mais je ne t’avais toujours pas oublié. J’étais même prêt à faire appel à un détective privé. Et puis je t’ai vu à la télévision, tout à fait par hasard…. Je t’ai immédiatement reconnu. Après cet épisode, je suis allé me renseigner auprès des organisateurs du concours pour avoir des informations sur toi. C’est ainsi que je t’ai retrouvé…

Après ces révélations, il se tu avant de reprendre légèrement hésitant :

- J’ai longtemps hésité avant de me présenter à toi… J’avais peur que tu m’ai oublié et de la réaction que tu aurais en me voyant réapparaître dans ta vie après dix ans…

- Imbécile, soufflais-je en lâchant ma brosse pour le prendre dans mes bras. Comment veux-tu que je t’oublie ?

Dans ma poitrine, mon coeur battait à tout rompre. Alors comme ça, Kay ne m’avait pas oublié et avait même caressé le rêve que l’on vive ensemble à ma majorité ? Cela signifiait-il qu’il éprouvait des sentiments pour moi ? Pourquoi la vie était-elle aussi cruelle ? Pourquoi nous avait-elle séparé alors que l’on aurait pu vivre heureux ensemble depuis le début pour nous faire nous retrouver dix ans plus tard alors que j’aimais Juha… Car au fond de moi, j’aimais toujours Kay, c’était indéniable et rien ne changera cela, mais maintenant, il y avait Juha que j’aimais sincèrement aussi…

Des larmes de colère et de frustration contenue roulèrent silencieusement sur mes joues alors que je serrais Kay toujours plus fort contre moi. Nous restâmes un long moment ainsi enlacés, tentant par cela d’apaiser les blessures de nos coeurs, car même s’il ne le montrait pas, je savais que Kay souffrait. Je le voyais dans ses yeux… Nous nous séparâmes lorsque la cloche annonça l’heure du déjeuner et séchant mes larmes, je refermais le box d’Orphée avant de guider Kay jusqu’au réfectoire. Là, je l’invitais à prendre place à la table que j’avais l’habitude de prendre et nous commençâmes à manger en silence. Inconsciemment, je guettais l’arrivée de Juha et lorsque je le vis, d’un regard, je l’invitais à venir nous rejoindre. Il me toisa de toute sa supériorité et après quelques secondes durant lesquelles je cessais de respirer, le coeur douloureux, je le vis se détourner pour aller s’installer seul à une table, bientôt rejoint par Dorian.

Perdant l’appétit face à ce spectacle, je repoussais mon assiette, dégoûté, ne comprenant pas le comportement de Juha. Ne souhaitant pas qu’il voit à quel point j’avais mal et me sentais blessé, je reportais mon attention sur la fenêtre, le menton callé dans ma main gauche, sous le regard intrigué de Kay. Les yeux humides de larmes, je me faisais violence pour ne pas me mettre à hurler d’indignation et de colère. Comment osait-il seulement s’afficher avec lui en face de moi sans la moindre honte ? N’étais-je qu’un jouet pour lui ? Allait-il me jeter comme il l’avait fait avec Dorian, maintenant qu’il m’avait eu dans son lit ?

Ne supportant plus de l’entendre rire avec Dorian comme s’ils étaient les meilleurs amis du monde, je quittais précipitamment le réfectoire, restant sourd aux appels désespérés de Kay. Instinctivement, mes pas me conduirent auprès du seul ami qui me trahirait jamais et je m’enfermais dans le box d’Orphée avant de me laisser glisser contre la paroi en bois.

Mes yeux inondés de larmes me piquaient affreusement, mais ce n’était rien à comparer de la douleur qui me poignardait le coeur. Ruminant mes sombres pensées, je n’entendis pas Kay entrer à son tour dans le box et ne me rendis compte de sa présence que lorsque ses bras puissants m’enlacèrent jalousement en une étreinte possessive.

Pendant un temps qui me parut interminable, je me libérais momentanément du poids de la douleur qui étreignait mon coeur. Quand mes pleurs cessèrent, Kay inspira longuement avant de me demander sur un ton qui n’acceptait aucun refus :

- Et si tu me racontais ce qui ne va pas ? Tu ne crois pas que cela te soulagerais un peu ? Je ne te crois pas quand tu dis que ce n’est rien, Gabriel, ne me prend pas pour plus stupide que j’en ai l’air. Ce n’est pas possible que tu te mettes dans un tel état pour une simple querelle de couple. Je pense que c’est beaucoup plus grave et profond que cela…

- Je… D’accord, cédais-je, soupirant de lassitude. Mais pas ici…

Sans un mot supplémentaire, je me levais et passais le licol à Orphée avant de quitter l’écurie. Je ne me sentais pas en état de monter à cheval, trop bouleversé moralement par les récents incidents, mais j’avais besoin de souffler et changer d’air. Malgré le froid de ce mois de janvier, je pris la direction des bois.

Lorsque nous fûmes suffisamment éloignés du ranch, seuls au milieu de la nature sauvage, je ralentis l’allure pour aller m’asseoir au pied d’un arbre à la lisière d’une petite prairie, laissant ma monture brouter les quelques brins d’herbe qu’il trouvait. Kay prit place à mes côtés dans un silence le plus total et attendit patiemment que je daigne prendre la parole. J’hésitais longuement, ne sachant par ou commencer avant de finalement me lancer :

- Que veux-tu savoir ? Demandais-je d’une voix monotone trahissant toute ma lassitude. Le fait que j’aime un homme qui jamais ne me le rendra, trop obnubilé par la mémoire d’un mort ? Qu’il soit resté sans la moindre réaction lorsque je lui ai avoué mon amour pour lui ? Ou encore que je me sens minable et pathétique ?

- Qu’est-ce que… Commença Kay. Il est resté sans réaction ? S’indigna-t-il face à mon aveu.

- Je… Ne le blâme pas, répondis-je, prenant malgré moi, la défense de Juha. C’est… C’est de ma faute, je n’aurais pas dû le lui dire… Il avait eu une journée éprouvante moralement et je… Je n’ai rien trouvé de mieux à faire que de lui avouer mes sentiments pour lui. Je pensais bien faire, me justifiais-je, me sentant le besoin de le faire. Je voulais qu’il sorte de l’état léthargique dans lequel il était plongé depuis quelques jours. Je… Je pensais que lui avouer mon amour lui ferait comprendre à quel point j’aimerais le voir regarder vers l’avenir, pour lui faire comprendre qu’il n’est plus seul…

- Je comprends mieux, souffla Kay pour lui-même. Peut être ne l’a-t-il pas comprit de cette manière, mais quoi qu’il en soit, je trouve son comportement inadmissible. Comment a-t-il osé te faire subir cela à toi ? Mon petit Prince… Murmura-t-il en me prenant dans ses bras.

Callant ma tête contre son torse, une main agrippant fermement son bras, je me laissais aller à cette douce étreinte, me sentant protégé et en sécurité entre ses bras. Pendant un instant, j’eu l’impression que Kay pleurait, mais je chassais immédiatement cette idée de mon esprit. Kay n’était pas le genre d’homme à se laisser aller à ses émotions. Nous finîmes par prendre le chemin du retour lorsqu’il commença à faire nuit et que le froid nous engourdissait les membres. Je rentrais Orphée au box, sans même un regard pour Juha qui distribuait le foin aux pensionnaires et lui offrit un bon pansage sans m’attarder pourtant. Puis, réalisant subitement un détail qui ne m’avait pas effleuré l’esprit jusqu’à maintenant, je me tournais vers Kay et lui demandais :

- Tu as quelque par où dormir ?

- Je prendrais une chambre d’hôtel près d’ici, répondit-il en me rassurant d’un sourire.

- Ca va pas non ! M’exclamais-je. Viens à la maison. C’est pas grand mais ce sera sûrement mieux que l’hôtel. Et puis c’est hors de question que tu payes la peau du cul une chambre d’hôtel miteuse.

Visiblement gêné, il regarda furtivement derrière moi avant de répondre :

- Je ne voudrais pas causer de problème entre vous…

- Il n’y a aucune problème, répondis-je peu être un peu trop hâtivement pour être crédible.

Evitant le regard de Juha, je repris plus calmement après un temps :

- Je vais voir Philippe, j’ai deux trois choses à régler avec lui, je reviens vite…

- D’accord, je t’attends…

J’adressais à Kay un sourire de remerciement et allais retrouver Philippe dans son bureau. Alors que je m’apprêtais à entrer, j’entendis la voix de Marion s’élever derrière la porte. Mon réflexe premier fut de faire demi-tour, mais je me ravisais. Après tout, je ne lui devais rien…

Je frappais quelques coups à la porte et attendis qu’il m’invita à enter. Ce faisant, je n’adressais qu’un furtif coup d’oeil à Marion et après avoir salué Philippe, je lui demandais :

- Puis-je te parler… En privé ?

- Bien sûr mon garçon, s’empressa-t-il de répondre avec un sourire chaleureux. Nous reprendrons cette conversation plus tard, ajouta-t-il à l’intention de sa fille. Mais sache que sur le principe je suis contre, c’est un centre équestre, pas le club Med !

- Bien, se contenta-t-elle de répondre avant de sortir en claquant la porte.

- Quelle enfant pourrie gâtée, soupira Philippe en se massant les tempes. Cela ne fait aucun doute qu’elle ait été élevée par sa mère… Alors, qu’est-ce qui t’amènes ? Cela se passe-t-il bien avec ton ami ?

- Oui, répondis-je en souriant. Cela se passe à merveilles, je te remercie.

Malgré tout, Philippe sembla sentir que si la forme y était, ce n’était certainement pas le cas du reste, car subitement soucieux, il demanda :

- Il y a un problème ?

- Pas vraiment, répondis-je en éludant la question. Ce soir Kay dormira à l’appartement, mais je… Enfin j’aurais aimé savoir si c’était possible qu’il puisse dormir dans ma chambre les jours suivants…

- Je n’y vois pas d’inconvénients, assura-t-il avec un large sourire.

- Merci, soufflais-je en lui adressant dans lequel il pouvait lire toute la gratitude et la reconnaissance que j’éprouvais pour lui.

Après un court silence durant lequel je pus voir Philippe hésiter, il prit la parole :

- Qu’est-ce qui ne va pas avec Juha ? C’est à peine si vous vous adressez la parole depuis quelques jours…

- Ce n’est rien, le rassurais-je, juste un petit différent. Ca va bien finir par s’arranger, ajoutais-je alors que je tentais de me convaincre moi-même.

- Tu es certain ? Insista-t-il visiblement inquiet. Tu n’hésites pas à venir me voir si vraiment ça va pas d’accord ?

- Je te promets,… Merci Philippe, soufflais-je ému.

- Viens là, sourit-il en me tendant les bras entre lesquels j’allais me réfugier sans me faire prier.

J’aimais la sensation de réconfort que je ressentais à me savoir ainsi entouré de son aura protectrice et paternelle qu’il avait envers moi. A l’instant où il m’avait vu, il m’avait pris sous son aile et continuait de m’apporter son  aide et son amour encore aujourd’hui. Il était toujours là lorsque j’avais besoin de lui. il était en quelques sorte mon ange gardien…

- Merci Philippe…

Nous nous séparâmes et je souhaitais une bonne soirée à Philippe. Alors que je m’apprêtais à fermer la porte derrière moi, je me stoppais, réalisant que j’oubliais quelque chose :

- Oh et tu me diras combien je te dois pour la chambre !

- Non mais ça va pas non ?! S’exclama-t-il, choqué. Je ne t’ai jamais fait payer quoi que ce soit, ce n’est pas aujourd’hui que ça va commencer !

- Merci Philippe, répétais-je. Merci pour tout… du fond du coeur, soufflais-je avant de partir pour de bon sur un ultime sourire de sa part.

Entrant dans l’écurie, je trouvais Kay en train de caresser Orphée d’une main et Niladhevan de l’autre. Je souris amusé à cette vision et balayant le bâtiment du regard, je ne trouvais aucune trace de Juha. Je m’approchais alors de Kay qui me sourit en me voyant arriver :

- Tu as pu voir ce que tu voulais ?

- Oui, tout est réglé, répondis-je. Désolé de t’avoir fait attendre…

- Ce n’est rien, ne t’inquiète pas. Je conçois tout à fait que tu ais des choses à faire…

- Où… Où est Juha ? Demandais-je après un court silence.

- Il est partit par là il y a une dizaine de minutes, répondit-il en pointant le bout de l’écurie du doigt.

- Merci… Je reviens, déclarais-je avec un petit sourire contrit avant de partir à la recherche de Juha.

Suivant les indications de Kay, je trouvais Juha seul dans la sellerie en train de graisser une selle. Stressant à l’idée de m’entretenir avec lui, je m’approchais hésitant puis prenant mon courage à deux mains, je commençais à parler :

- Je… Nous n’allons pas tarder à rentrer… Tu viens ?

- Je suis occupé tu ne vois pas ? Répondit-il sèchement sans le moindre regard pour moi. J’ai du travail, alors rentre avec ton Kay, je rentrerais à pieds avec Shanenja lorsque j’aurais terminé.

Je serais les poings dans le but de contenir ma colère et murmurais un “vas te faire foutre” rageux. Avant de rejoindre Kay. Revenant vers lui, je lançais :

- On s’en va !

- Tu n’attends pas ton ami ? Demanda-t-il visiblement surpris.

- Qu’il se démerde ! Répondis-je simplement, contenant mal la fureur qui m’habitait.

D’un accord commun, je laissais la voiture de Philippe au centre et nous prîmes celle de Kay. Je restais silencieux tout le temps que dura le trajet, ne parlant que pour lui indiquer la route à suivre. Si Kay s’interrogeait sur mon mutisme soudain, il eut le tact de ne me demander aucune explication et je lui en étais grandement reconnaissant, ayant honte de lui avouer que je venais de me faire jeter une nouvelle fois. Kay gara la voiture sur le petit parking en face de l’appartement et me suivi alors que je le précédais jusqu’à chez nous. Lorsqu’il entra, il observa attentivement autour de lui, intrigué, alors que j’ôtais ma veste et récupérais la sienne. Je lui fis rapidement visiter les quatre pièces de notre petit logement et lui proposais à boire ou à manger. Il refusa poliment et je poursuivis :

- Si tu veux prendre ta douche, je peux te prêter ce dont tu as besoin…

- Je te remercie, répondit-il avec un sourire.

Je me rendis alors à la salle de bain et lui sortais ce dont il avait besoin et avant de le laisser, je lui indiquais que je déposais sur le lit, un tas de vêtement propres pour lui. D’une carrure un peu plus imposante que la mienne, je lui prêtais une chemise à Juha en espérant qu’il ne m’en tiendrait pas rigueur.

Après quoi, je retournais à la cuisine et entrepris de préparer le repas du soir. Seul, je me laissais enfin à repenser au comportement odieux que Juha avait eut avec moi un peu plus tôt. Pourquoi devait-il être si froid avec moi ? Ne voyait-il pas les efforts que je faisais pour tenter d’arranger les choses ? Pourquoi n’en faisait-il pas de son côté ? Etait-ce sa façon de me dire qu’il ne voulait plus de moi ? Toutes ces belles paroles n’étaient-elles destinées qu’à m’attirer à lui et me mettre dans son lit ? Malgré la douleur que je  ressentis à cette supposition, je ne pus m’empêcher d’y penser. Si c’était le cas, maintenant qu’il m’avait eu, qu’attendait-il pour me jeter au lieu de me laisser là, à attendre quelque chose de lui ?

Pas du tout concentré à ce que je faisais, je sursautais violemment avant de laisser tomber le couteau que je tenais après m’être profondément entaillé la main. Perdu dans mes sombres pensées, je n’avais pas entendu Kay arrivé et sursautais en entendant sa voix s’élever dans mon dos :

- Laisse, je vais le faire… Va te doucher, ça te détendra…

Je restais un instant sans réaction, contemplant ma main ensanglantée alors que je me sentais de moins en moins bien, ne supportant pas la vue du sang. Face à mon absence de réaction, Kay me força à me retourner et posant délicatement sa main sur ma joue dans le but de me faire lever les yeux vers lui, il demanda d’une voix qui ne cachait rien de son inquiétude :

- Tu es sûr que ça va ? Je te trouve bien pâle…

A ses mots, je baissais automatiquement les yeux sur ma main blessée et Kay suivit le mouvement.

- Il faut soigner ça… Viens !

M’attrapant pas le bras, il me traîna jusqu’à la salle de bain alors que dans un état second, je me laissais faire sans protester. Me faisant m’asseoir sur le rebord de la baignoire, il chercha la boite à pharmacie. Je n’eu pas la moindre réaction lorsqu’il désinfecta méticuleusement la plaie et la banda avec soin.

- Maintenant, déclara-t-il lorsqu’il eut fini, je veux que tu te détendes. Tu es tout contracté, pas étonnant que tu te sois blessé. Alors tu vas me faire plaisir et prendre une bonne douche de façon à te relaxer, d’accord ?

J’hochais simplement la tête pour lui faire savoir que j’avais compris et après avoir déposé un baiser sur ma tempe, il me laissa seul. Obéissant instinctivement à l’ordre de l’homme que je considérais comme mon deuxième ange gardien, je fermais la porte à clé et me déshabillais lentement. J’entrais dans la cabine de douche et réglais la température au maximum de sa chaleur avant de me glisser sous l’eau, tentant de maîtriser la tempête tumultueuse que mes sentiments déclenchaient en moi. Mais lorsque pour la énième fois, je me remémorais mon entretien avec Juha, je finis par craquer et ma douleur explosa en de bruyant sanglots, les ayant retenu toute la journée.

Abattu, je me laissais glisser contre la paroi glacée de la cabine qui contrastait avec la chaleur environnante. Je m’en voulais de faire subir cela à Kay et je n’osais imaginer ce qu’il devait ressentir à être ainsi spectateur de ma détresse. Et dire que tout cela avait commencé à cause d’une simple phrase prononcée… Si j’avais su où cela nous mènerait, jamais je n’aurais prononcé ces trois mots maudits. Pourquoi devais-je en souffrir alors que je les prononçais pour la première fois de ma vie ? L’hypothèse que j’avais émise toute à l’heure me reviens en mémoire, faisant redoubler la violence de mes sanglots. Malgré ma douleur, je tentais de les refouler mais en vain. Tout ce que j’espérais c’était que le bruit de l’eau couvrirait celui de mes pleurs.

Durant un temps qui me parut interminable, je restais ainsi recroquevillé sur moi-même en une position d’autoprotection. Lorsque toutes les larmes de mon corps se furent asséchées, je consentis à me relever et à me laver. Une fois sortis de la cabine de douche, je me séchais et fis face au miroir qui me renvoyait une image des plus horribles. Les yeux rougis pas les larmes et mes traits tirés ne passaient pas inaperçu et n’aidaient pas à améliorer les choses.

Une serviette nouée sur les hanches, je sortis de la salle de bain après m’avoir négligemment séché les cheveux. Aux voix qui résonnaient dans l’appartement, je sus que Juha était rentré. Mon coeur se serra à cette pensée… Depuis combien de temps était-il arrivé ? Quel genre de soirée allions nous passer ? Une fois changé, je pris sur moi pour afficher un air détendu et allais rejoindre Kay et Juha dans la cuisine. La table avait été mise et sur le plan de travail était posé un gâteau pâtissier. Alors que j’entrais dans la cuisine, Juha et Kay reportèrent leur attention sur moi. Faisant un effort, je me tournais alors vers Juha et demandais :

- Tu… Tu es arrivé il y à longtemps ?

- Près d’une demi-heure, répondit-il en me dévisageant longuement.

Honteux qu’il me voit ainsi je détournais le regard et pris place en bout de table entre Kay et Juha. L’estomac noué, je grignotais plus que je ne mangeais. Un silence monastique régnait dans la pièce. Je ne savais pas ce qu’il s’était passé ou dit entre eux, mais je n’étais pas insensible à la tension qui émanait de chacun. Et intérieurement, cela me fit mal de voir les deux hommes que j’aimais d’un amour différent mais tout aussi intense et sincère s’ignorer et se jalouser ainsi. Je me retrouvais au milieu d’eux, incapable d’en préférer un à l’autre, avec la désagréable impression d’être un prix qui reviendrait au vainqueur du duel…

Plusieurs minutes s’écoulèrent ainsi dans un silence limite angoissant avant que Juha finisse par prendre la parole, à mon plus grand étonnement :

- Sinon, tu fais quoi dans la vie ?

S’il parut surprit par le soudain intérêt que lui portait Juha, Kay n’en laissa rien paraître et répondit d’un ton détaché après un regard dans ma direction :

- Je suis ostéopathe, et peintre amateur à mes heures perdues.

- Peintre ? Répétais-je surpris, ne lui connaissant pas cette passion. Aurais-tu une quelconque notion de ce que le mot “art” signifie ? Demandais-je en me moquant gentiment de lui. Car si mes souvenirs sont bons, on ne peut pas vraiment dire que tu étais un fervent admirateur des tableaux accrochés aux murs de l’église… Ajoutais-je, me rappelant l’horreur de Kay pour les scènes bibliques représentées sur les toiles.

Un sourire narquois étirait mes lèvres, sourire qui disparut bien vite alors que Kay rétorquait :

- Et qu’est devenu ton don pour le théâtre ?

J’ouvris de grands yeux à cette question et voyant très bien où il voulait en venir, je tentais pourtant de nier :

- Je… Je ne vois pas du tout de quoi tu parles…

- Vraiment ? Dans ce cas, laisse-moi te rafraichir la mémoire, répondit-il avec un sourire victorieux, visiblement fier de lui.

- C’est gentil, mais ça n’en vaut vraiment pas la peine, insistais-je, honteux.

- Attend, que je me souvienne… C’était quel tableau déjà ?

- C’est celui du banquet, répondis-je à contrecoeur sans oser relever les yeux de mon assiette encore pleine.

- Ah oui ! « Eh, Judas, z’y va pass’moi l’sel ? » Commença Kay en imitant l’accent des jeunes de banlieue.

- Kay… Gémis-je, le suppliant de se taire.

Compatissant, il se contenta d’ajouter entre deux éclats de rire :

- Je me souviendrais toujours de la tête du père Colman quand il t’a entendu… C’était à mourir de rire…

- Et moi, rétorquais-je boudeur, mon poignet se souvient encore du passage de la Bible que j’ai du recopier cent fois en guise de punition…

Les éclats de rire de Kay redoublèrent d’intensité et levant les yeux, amusé malgré moi, je fus surpris de voir Juha sourire, visiblement amusé lui aussi.

- Et si au lieu de vanter mes prouesses on parlait des tiennes ! Déclarais-je en râlant. Parce qu’il n’y a pas à dire, mais tu restes quand même le moins bien placé pour te permettre de la ramener…

- Moi ? S’exclama-t-il faussement indigné.

- Oui toi, confirmais-je avec un regard accusateur.

Kay émit un petit rire satisfait avant de déclarer, une lueur de malice et de provocation brillant dans les yeux :

- Mais je ne faisais que répondre à tes provocations…

- Ah ouais ? Répondis-je plus que sceptique. Et si on reparlait du jour où t’as explosé le vitrail de l’église…

- Peut-être, rétorqua-t-il instantanément, mais en attendant, celui qui a pousser Colman dans le ruisseau c’est pas moi !

Je restais muet de stupeur face à cette accusation déloyale, Kay m’ayant forcé de le faire après que j’eu perdu un pari que nous avions fait. Retrouvant mon sens de la répartie, je répliquais :

- Non, toi tu es celui qui à éventrer les balles de foin du paysan en faisant du toboggan dedans…

Un sourire victorieux étirant ses lèvres, Kay déclara :

- Si je me souviens bien, tu ne t’es pas privé pour sauter dedans la tête la première…

Je ne répondis rien à cela, sachant pertinemment que, comme lorsque nous étions plus jeunes, je n’aurais jamais le dernier mot avec lui. Dans un geste purement puéril, je lui tirais la langue avant d’esquisser un sourire qu’il me rendit. Notre joute verbale n’était que pure taquinerie, les mêmes que dix ans auparavant, le naturel revenant au galop. Nous finîmes par éclater de rire aux souvenirs évoqués et à tous les autres qui nous revenaient en mémoire.

Je me doutais bien que Juha devait se sentir un peu délaissé, mais égoïstement j’avais besoin de rire avec Kay. J’avais besoin de décompresser après la journée éprouvante émotionnellement que je venais de vivre et rire avec mon ami d’enfance était pour moi, la meilleure des choses. Juha finit par se lever et déposa le gâteau sur la table. Il servit Kay et alors que venais mon tour, je commençais par refuser, l’estomac toujours noué, mais face au regard empli de reproches de Kay, je finis par accepter.

Après quoi, je servis un café à Kay avant de passer au salon. Il prit place à côté de Juha dans le canapé alors que déplaçant le fauteuil, je m’installais face à eux. Pendant un long moment, nous nous racontâmes nos souvenirs communs, riant aux éclats en se remémorant les moments inoubliables de notre enfance, évitant pourtant soigneusement d’aborder un sujet qui nous mettait tout deux mal à l’aise, surtout en présence de Juha. De son côté, Juha avait l’air de s’ennuyer ferme, tant et si bien qu’il ne tarda pas à aller se coucher. Malgré moi je me sentais un peu coupable de se départ précipité.

Quand Juha fut parti, j’allais m’installer auprès de Kay, n’arrivant toujours pas à me faire à l’idée qu’il était bel et bien là, craignant de le voir disparaître à tout moment. Durant de longues heures encore, nous discutâmes de tout et de rien, échangeant nos passions et nos centres d’intérêt, partageant nos espoirs et nos rêves. Nous nous dévoilions l’un à l’autre sans aucun secret, réapprenant à nous connaître après cette trop longue séparation…

Plongés dans notre conversation, Kay ayant passé son bras autour de mon épaule en un geste amical, ce ne fut que sur les coups de quatre heures du matin, les yeux brillants de larmes de fatigue que je daignais enfin aller me coucher. Alors que Kay dépliait le canapé, j’allais chercher des draps propres et une couverture dans la chambre. Sans bruit, afin de ne pas réveiller Juha, je me dirigeais à tâtons vers ma table de chevet et allumais la lumière. Par habitude, je lançais un bref coup d’oeil à Juha et la vision qu’il m’offrit me serra le coeur.

Replié sur lui-même, il était terré contre le bord du lit à l’endroit le plus reculé de là où je dormais. Blessé, je reportais mon attention sur ce que j’étais venu faire et rejoignis Kay. Il dut s’apercevoir de ma petite mine car inquiet, il me demanda si j’allais bien. Je le rassurais d’un sourire et l’aida à préparer son lit de fortune. Lorsque celui-ci fut prêt, nous nous souhaitâmes une bonne nuit. C’est non sans rougir que je vis Kay s’avancer lentement vers moi et poser délicatement sa main sur ma joue gauche avant de m’embrasser tendrement sur l’autre, me murmurant un “bonne nuit, Petit Prince” au creux de l’oreille. L’instant de surprise passé, je me penchais à mon tour vers lui et déposais mes lèvres sur sa joue mal rasée avant de lui souhaiter une bonne fin de nuit et de regagner ma chambre. Alors que je parcourais les quelques mètres qui me séparaient de la porte, je pus sentir le regard intense de Kay me piquer la nuque.

Dans la chambre, je me changeais rapidement et me couchais également le plus prêt possible du bord du lit, tournant le dos à Juha pour ne pas souffrir d’avantage de son éloignement et du dégoût que je semblais lui inspirer pour qu’il s’éloigne ainsi de moi. Epuisé, je ne tardais pas à m’endormir d’un sommeil agité et peuplé de souvenirs qui se mêlaient à l’instant présent, me faisant douter de la réalité.

Je me réveillais en sursaut le lendemain matin après un cauchemar plus vrai que nature. Ouvrant les yeux, je tombais nez à nez avec un lit vide. Je soupirais de lassitude en me passant la main sur le visage avant de tourner la tête vers le réveil. Celui-ci affichait  sept heures quarante cinq, l’heure à laquelle je partais habituellement travailler. Je n’avais dormi que quelques heures mais j’avais l’impression que cela faisait bien plus longtemps, malgré mon état de fatigue avancé.

Tendant l’oreille, je tentais de déceler la présence de Juha dans l’appartement, mais face au silence qui me répondit, j’en déduis qu’il devait être sorti. Etait-il allé travailler ? Pourquoi ne m’avait-il pas réveillé ?

Attrapant mon portable posé sur la table de chevet, je composais le numéro personnel de Philippe et l’informais que j’arriverais sûrement en fin de matinée, lui résumant brièvement la situation. Je l’entendis rire à l’autre bout du fil lorsque je lui expliquais que j’étais encore dans mon lit, n’ayant pas entendu le réveil sonner. Visiblement pas contrarié le moins du monde, il m’offrit ma journée, me proposant d’en profiter pour faire découvrir le coin à Kay. Je le remerciais et lui souhaitais une bonne journée avant de raccrocher et de balancer le téléphone à l’autre bout de la pièce. Bâillant à m’en décrocher la mâchoire, je remontais la couverture sur moi en  me couchant sur le côté et entrepris de me rendormir.

Lorsque je me réveillais de nouveau, le soleil était déjà haut dans le ciel. Après m’être longuement étiré, je reportais mon attention sur le réveil qui affichait déjà midi vingt. Je m’étirais une nouvelle fois et me motivant, je sortais du lit. J’enfilais à la hâte un bas de jogging et sans bruit afin de ne pas réveiller Kay, je quittais la chambre. Je réprimais un sursaut à le voir me fixer en souriant, ne m’attendant pas à le voir déjà levé. S’approchant de moi, il m’embrassa tendrement sur la joue avant de déclarer :

- Bonjour toi… Tu as bien dormis ?

- Bonjour, répondis-je affreusement gêné. Oui mais je… Ca fait longtemps que tu es levé ?

- Depuis dix heures, me répondit-il.

- Je… Tu… Tu aurais dû me réveiller, soufflais-je, honteux.

- Pourquoi ? Demanda-t-il visiblement surpris. Tu avais besoin de dormir et puis comme ça, j’ai eu le temps de te préparer un petit déjeuner digne de ce nom. Tu as faim j’espère?

- T’imagine même pas ! Répondis-je en lui offrant un immense sourire.

- Et bien dans ce cas, à table ! S’exclama-t-il en me prenant par la main et en m’entrainant à sa suite.

Nous prîmes place l’un en face de l’autre devant une table plus que garnie et commençâmes à manger en silence. Après un temps, je lui demandais :

- Tu veux faire quelque chose de spéciale aujourd’hui ?

- Ce que tu voudras, répondit-il. Etre avec toi me suffit amplement…

Je lui adressais un petit sourire reconnaissant mais néanmoins gêné avant de répondre :

- Je voudrais aller voir quelque chose en ville, après on fait ce que tu veux !

- Ca me convient, répondit-il en souriant.

Nous terminâmes notre petit déjeuner et après nous être préparés, nous nous rendîmes en ville. Un sourire amusé étira mes lèvres lorsque je vis la surprise se dépeindre sur le visage de Kay alors que j’allais me renseigner pour le futur tatouage qui me faisait envie depuis longtemps déjà.

Alors que nous entrions dans le salon et que j’expliquais succinctement ce que je voulais à Kay, nous fûmes accueilli par une femme d’une quarantaine d’années à peine qui nous reçu poliment.  Je lui montrais le motif que je voulais et l’endroit où je le voulais et nous fixâmes le rendez-vous en fin d’après-midi, celle-ci ayant eu un désistement. C’est fou de joie que je quittais la boutique, entrainant Kay à ma suite et l’emmenant visiter les environs. Pendant plusieurs heures d’affilées, nous nous promenâmes en ville et dans les environs et à ma plus grande honte, je ne pensais pas une seule fois à Juha, oubliant momentanément ma peine et mon angoisse pesante.

C’est vers dix-huit heures trente, comme convenu, que nous franchîmes de nouveau la porte du salon de tatouage. Me faisant l’effet d’une adolescente qui rêve de sa première robe de soirée, c’est le coeur battant et trépignant intérieurement d’impatience que je m’installais sur la table de chirurgien aseptisée alors que Kay s’installait sur une chaise à mes côtés et que Coralie, préparait son matériel.

Pendant près de deux heures, elle réalisa mon tatouage dans une ambiance conviviale. Une fois celui-ci achevé,  j’allais l’admirer dans le miroir qui meublait la pièce. Je restais plusieurs minutes à contempler le dessin qui à présent, ornais mon aine gauche dans la continuité de celui que j’avais déjà. Après m’avoir réexpliqué les soins à apporter que je connaissais déjà, nous retournâmes dans la pièce principale. Alors que je reboutonnais ma chemise, je vis Kay sortir son portefeuille. Ayant peur de comprendre, je lui demandais, un peu trop sèchement peut être :

- Tu me fais quoi là ?

- Je t’offre ton tatouage, répondit Kay, me laissant bouche bée. Prend le comme un cadeau d’anniversaire en retard…

- Mais… Tentais-je de protester.

- Il n’y a pas de “mais”… S’il te plait, Gabriel… Cela me fait plaisir…

D’abord réticent, horriblement gêné, je finis par céder en lui faisant promettre de ne plus jamais faire de telles folies pour moi. Un sourire énigmatique étira ses lèvres et après avoir réglé, nous prîmes congé de Coralie.

- Je ne te savais pas adepte aux tatouages, déclara Kay après un moment alors que nous marchions côte à côte.

- Et pourtant ! Répondis-je en souriant. Cela faisait longtemps que je rêvais de continuer celui que j’avais déjà. Je… Merci Kay… Merci pour tout, soufflais-je en l’embrassant sur la joue.

- Je t’en prie. Je suis heureux de pouvoir te faire plaisir…

Je lui rendis son sourire et après un instant, je repris :

- Et toi ? Cela ne t’a jamais tenté ?

- A vrai dire, je n’y ai jamais vraiment réfléchi… Mais pourquoi pas un jour peu être.

Je ne répondis rien, me contentant de sourire et Kay poursuivit :

- C’est ton seul tatouage ? Ou tu en as d’autres ? Demanda-t-il, intrigué.

- C’est le seul pour le moment, répondis-je.

- Pour le moment ? Répéta Kay en levant un sourcil d’étonnement.

- Oui, je compte m’en faire faire un autre d’ici l’année prochaine…

- C’est à dire ?

- Un bracelet indien  avec deux plumes qui s’entrelacent autour du bras gauche, répondis-je en souriant.

Après cet échange, nous restâmes silencieux un moment et alors que nous passions devant la devanture d’un restaurant indien, Kay me demanda :

- Ca te tente ?

Je lui adressais un regard sceptique et démasqué, il ajouta en riant :

- Oui, bon d’accord. Laisse-moi juste t’offrir cela… S’il te plait…

- Mais, je… Ca me gène, répondis-je en baissant les yeux.

- Et moi ça me fait plaisir, insista-t-il sans me quitter des yeux.

Sans me laisser le temps de répondre quoi que ce soit, il m’attrapa par le poignet et m’entraîna à sa suite dans le petit restaurant. Nous passâmes une soirée tranquille et ce ne fut que sur les coups de minuit que nous rentrâmes à l’appartement. Il était tard et j’avais catégoriquement refusé que Kay rentre au centre, même si celui-ci n’était qu’a à peine quelques minutes en voiture. C’est non sans honte que je me rendis alors compte que j’aurais au moins pu téléphoner à Juha pour lui dire que je ne rentrais pas immédiatement. Enfin… A présent c’était trop tard, le mal était fait…

J’entrais alors sans bruit dans l’appartement plongé dans l’obscurité, suivit par Kay. A peine mettions-nous un pied dans le salon que la lumière s’allumait, me dévoilant un Juha plus que furieux.

- Tu étais où ? Demanda-t-il sur un ton qui ne me plus pas du tout.

Certes j’étais en faute, mais ce n’était certainement pas une raison pour me parler sur ce ton. Je n’étais pas son chien. Sentant la colère grandir en moi, je répondis, sarcastique :

- Je suis allé m’envoyer en l’air ! Je n’existe pas à tes yeux alors je suis allé chercher un peut de réconfort ailleurs…

A peine eussais-je terminé ma phrase que la main de Juha s’abattis sur ma joue avec une telle violence que je chancelais sous le coup. La main sur ma joue meurtrie, j’adressais un regard blessé à Juha alors que des larmes d’humiliation perlaient aux coins de mes yeux. Sans me laisser le temps de réagir, Kay s’interposa entre nous et d’une voix froide que je ne lui connaissais pas, il déclara :

- Ne relève plus jamais la main sur lui…

Reprenant mes esprits, je posais une main apaisante sur le bras de Kay :

- Laisse, c’est rien ! T’es vraiment trop con, ajoutais-je en me tournant vers Juha. Et puis même si c’était le cas, je ne te dois rien ! Nous ne sommes pas mariés, ça ne te regarde pas ce que je fais de mon cul !

Sur ces mots, j’allais m’enfermer dans la salle de bain et laissais libre cour à mes larmes d’humiliation et de colère. Pourquoi devait-il venir gâcher ma journée avec sa pseudo crise de jalousie ? Quelle estime avait-il de moi pour ne serait-ce que supposer un seul instant que je puisse l’avoir trompé ? Après un temps, mes larmes finir par se tarir et ce n’est qu’à ce moment que je me décidais à faire mes soins. Délicatement, j’enlevais la compresse imbibée de pommade et nettoyais mon tatouage avec le savon antiseptique avant de l’enduire à nouveau de pommade. Quittant mon jean, je le mettais au sale et fit tourner la machine avant de daigner sortir de la salle de bain. Je trouvais Kay assis en tailleur sur le lit fait, il semblait m’attendre. Face à mes yeux rougis, il tendit les bras vers moi, en une invitation à venir le rejoindre, chose que je fis sans me faire prier. A genou à côté de lui, la tête enfouie dans son cou, je gémis plus que je ne murmurais alors que les larmes affluaient de nouveau à mes yeux :

- J’ai tellement honte, Kay… Je… Même les coups de ceinture étaient moins humiliants que cette gifle qu’il m’a donnée…

- Chuut, souffla Kay en me massant tendrement le dos en un geste qui se voulait apaisant. Je sais Petit Prince, je sais… Je suis absolument contre le fait qu’il t’ait frappé, il n’avait pas à lever la main sur toi et si je n’ai pas riposté c’est bien pour toi…

Il se tut un instant avant de reprendre :

- Mais s’il l’a fait, cela prouve bien une chose, il tien à toi… Crois-tu qu’il aurait réagit aussi violemment s’il ne te portait pas un minimum d’intérêt ?

Je ne répondis rien, méditant sur les paroles de Kay. C’est dans cette position, bercé par la respiration calme et régulière de Kay que je finis par m’endormir. Je fus réveillé le lendemain par une forte odeur de café. Je m’étirais longuement avant d’ouvrir lentement les yeux afin de m’habituer progressivement à la clarté environnante. Tournant la tête vers l’endroit où aurait normalement dû se trouver mon réveil, je tombais nez à nez avec le poste de télévision. Je me redressais en sursaut avant que les évènements de la veille ne me reviennent en mémoire. J’avais dû dormir avec Kay après m’être endormis entre ses bras. Tout ce que j’espérais, c’est que Juha ne me ferais pas une crise de nerf…

M’armant de mon courage, j’allais les rejoindre dans la cuisine. Face au silence oppressant qui y régnait, je pris place à table en silence et commençais à manger. Après quoi, nous nous préparâmes pour nous rendre au ranch. La journée et la semaine se déroulèrent ainsi, dans un silence monastique alors que notre relation se dégradait de jour en jour. N’osant affronter Juha seul à seul, je repoussais sans cesse la discussion avec Kay au sujet de ma petite chambre chez Philippe. C’est donc à trois que nous arrivions et repartions chaque matin et soir.

 En ce mercredi soir, alors que je cherchais Juha pour le prévenir que nous rentrions, je tombais nez à nez avec Philippe. Celui-ci m’adressa un sourire chaleureux comme lui seul en avait le secret et me demanda :

- Tu as perdu quelque chose, mon garçon ?

- Je… Je cherche Juha, hésitais-je.

- Je l’ai convoqué dans mon bureau, j’ai quelques points à voir avec lui. Je le ramènerais plus tard.

Philippe sembla croiser mon regard anxieux car il ajouta d’un ton rassurant :

- Ne t’inquiète pas, ce n’est pas méchant… Gabriel, ajouta-t-il après une seconde d’hésitation. Qu’est-ce qui ne va pas avec Juha ? Tu dépéris de jour en jour, comment veux-tu que je t’aide si tu ne me dis rien ?

- Je… Je te dirais tout ce que tu veux savoir demain, répondis-je avec lassitude. Là, je suis fatigué, je voudrais juste rentrer…

- Bien. C’est vrai que tu as une petite mine depuis quelques jours. Tu sembles épuisé. Rentre et repose-toi bien. On se voit demain, ajouta-t-il en me posant une main réconfortante sur l’épaule.

Je lui adressais un sourire de remerciement avant de déclarer :

- Merci Philippe. Passe une bonne soirée.

- Merci mon garçon. A demain.

Sur ces mots, je pris congé de lui et allais rejoindre Kay qui m’attendait dans la voiture. Face à son regard interrogateur en me voyant arriver seul, je lui expliquais que Philippe désirait s’entretenir avec Juha et donc qu’il rentrerait plus tard. Sans demander plus d’explications que cela, il démarra. Moins de dix minutes plus tard, nous étions à l’appartement. Alors que Kay allait prendre sa douche, j’attrapais mon album de musique d’ambiance et le mit dans la chaîne en augmentant raisonnablement le volume, avant de me vautrer dans le canapé, les yeux fermés. Concentré sur la musique, je tentais occulter de mon esprit mon tatouage qui me démangeait depuis trois jours. Je n’avais pas le droit d’y toucher et j’en arrivais à la limite du supportable.

Lorsque Kay sortis de la douche, je me rendis dans ma chambre pour aller chercher des vêtements propres puis allais m’enfermer à mon tour dans la salle de bain. Là, je quittais précipitamment mon pantalon, ne le supportant plus  et enlevais la compresse imbibée de pommade qui protégeait le tatouage. Une fois entièrement nu, je me glissais avec volupté sous l’eau brûlante qui me fit le plus grand bien, décontractant mes muscles endoloris.

Je me lavais les cheveux et le corps et une fois propre, je sortis de la cabine de douche dont les parois étaient recouvertes de buée. Attrapant une première serviette, je la nouais sur mes hanches, avant de m’emparer de la deuxième dans laquelle j’emprisonnais mes cheveux afin de les essorer au maximum. Reprenant la première serviette, j’entrepris de me sécher avant d’enfiler mon boxer et mon jogging. Une fois habillé, j’attrapais ma brosse et entrepris de me coiffer, ne l’ayant pas fait ce matin. Délicatement, je démêlais les cheveux qui avaient drôlement poussés en l’espace de quelques mois, m’arrivant à présent entre les omoplates, un peu avant le milieu du dos.

Un sourire satisfait étira mes lèvres à cette constatation et c’est non sans fierté que je les nouais en une natte maladroite, n’ayant pas encore le coup de main. Les mèches plus courtes de devant encadraient mon visage dont les traits tirés me donnaient un air limite maladif. Je sursautais de frayeur en entendant frapper à la porte alors que de l’autre côté, Kay m’appelait :

- Gabriel, tout va bien ?

Me retournant, j’allais lui ouvrir, intrigué. Il sembla sentir mon interrogation car il déclara :

- Cela fait un moment que l’eau ne coule plus et comme je ne te voyais pas sortir, je craignais qu’il ne te soit arrivé quelque chose.

Je lui adressais un petit sourire contrit et me détournant de lui, j’entrepris de faire mes soins, évitant soigneusement de lever les yeux vers le miroir au dessus du lavabo, dans lequel je voyais du coin de l’oeil, Kay me contempler depuis la porte.

Lentement, il s’approcha alors que je désinfectais le tatouage et me regardant faire, il demanda :

- Ca fait mal ?

- Non, ça démange horriblement, c’est tout, répondis-je amusé.

S’agenouillant face à moi, il demanda :

- Je peux ?

Comprenant le sens implicite de sa question, j’acquiesçais d’un hochement de tête et retenais à grand peine un frisson lorsque ses doigts entrèrent en contact avec la peau sensible de mon aine. Lentement, ses doigts caressèrent mon tatouage, m’offrant une exquise sensation de bien être alors que la démangeaison s’atténuait peu à peu sous les effleurements de Kay.

- C’est normal ? Demanda-t-il en désignant une zone pas encore cicatrisée, recouverte d’une fine croute noire.

- Oui, répondis-je, c’est signe de cicatrisation.

Les doigts de Kay reprirent leur course et je lâchais un soupire de bien être.

- On s’amuse bien à s’que j’vois ! Déclara alors une voix que j’aurais pu reconnaître entre mille.

J’ouvris brusquement les yeux que je n’avais pas eut conscience de fermer et reportais mon attention sur Juha. Dans l’encadrement de la porte, il nous fixait d’un regard furieux qui me fit frissonner malgré moi. De là où il se trouvait, il ne pouvait voir l’objet de l’attention de Kay et il était vrai que la position dans laquelle nous nous trouvions était plus que suggestive. Cependant, je n’osais croire que Juha puisse supposer de telle chose, c’était totalement absurde. Sans attendre son reste, il fit demi-tour et réagissant au quart de tour, je me précipitais à sa suite, l’attrapant par le bras alors qu’il traversait le salon. Le forçant à se retourner, je lui adressais un regard meurtrier, et en colère et profondément blessé par ses sous entendu qui me montraient le peu de confiance qu’il avait en moi, je m’exclamais rageusement :

- Non mais tu m’fais quoi là ? Ta pseudo crise de jalousie tu peux te la foutre au cul, Juha !

Je vis Juha scruter attentivement mon torse dénudé, comme s’il recherchait une quelconque trace de suçon ou une trahison de ma part. Lorsque ses yeux se posèrent sur mon bas ventre, je le vis sursauter violemment et je compris qu’il devait avoir vu mon tatouage et réaliser l’absurdité de ses accusations infondées. Enfonçant le couteau dans la plaie, toujours en colère mais néanmoins satisfait, je repris :

- Je ne suis pas une pute, Juha. Je ne déclare pas mon amour à un homme pour ensuite aller voir ailleurs à la première dispute entre nous ! Si tu n’as pas confiance en moi, c’est qu’on à rien à faire ensemble !

Sur ses mots, je lui tournais le dos et retournais à la salle de bain, le laissant en plan. En entendant la porte d’entrée claquer, je compris qu’il était sorti. Je poussais un soupire de soulagement, n’ayant pas la moindre envie de le voir et dans un ultime accès de colère, j’envoyais mon poing dans le miroir qui vola en éclat.

Alerté par le bruit, Kay se précipita vers moi. De mon côté, les mains crispées sur le lavabo, la tête baissée, je serais les dents pour ne pas laisser éclater ma rage, dégoûté plus que jamais par le comportement de Juha.

Sentant la main de Kay se poser en douceur sur mon épaule, je me dégageais vivement, souhaitant par dessus tout être seul. J’avais besoin de réfléchir à tout cela et pour une fois, Kay ne pouvait rien pour moi, malgré toute sa bonne volonté. Relevant la tête, je le fixais dans le morceau de miroir resté accroché au mur, lui adressant un regard empli d’excuses. Semblant comprendre mon désir de solitude, il hocha simplement la tête en signe de compréhension avant de me laisser à ma solitude.

A mon tour, je quittais la salle de bain pour aller m’enfermer dans la chambre. Attrapant un vieux t-shirt de pyjama, je l’enfilais avant de me glisser entre les couvertures. Recroquevillé sur moi-même, je me faisais violence pour refouler les larmes de frustrations qui menaçaient de franchir la barrière de mes yeux. Cela ne pouvait plus continuer ainsi… Je ne pouvais continuer d’attendre Juha indéfiniment alors qu’il ne semblait pas enclin à faire le premier pas. Quitte à en souffrir d’avantage, il me fallait faire un choix… Mon Dieu que c’était dur…

Finalement, ne parvenant pas à maîtriser mes larmes, celles-ci se mirent à couler sur mes joues, inondant mon oreiller, alors que j’étais confronté à un cruel dilemme.

Noyé dans mes sanglots, je sursautais en entendant la porte de la chambre s’ouvrir avant de se refermer. Retenant ma respiration, les doigts crispés sur les draps, je reconnus aisément la démarche lente et hésitante de Juha. Inspirant profondément, je tentais de refouler mes sanglots, ne souhaitant pas m’attirer par dessus tout, la pitié de Juha. De plus, j’avais la désagréable sensation de me sentir observé, le regard de Juha posé sur moi avec insistance, me brûlant la peau de la nuque.

Au bout d’un temps qui me parut interminable, je sentis le lit s’affaisser dans mon dos, signe que Juha venait d’y prendre place. N’arrivant pas à trouver le sommeil malgré la fatigue qui me piquait les yeux, je restais immobile, les yeux rivés dans le vide, l’esprit encombré. Je venais de prendre ma décision et j’avais l’impression que mon coeur se brisait en milliers d’éclats.

Je dormis très mal cette nuit là, ne trouvant le sommeil que par intermittence et les quelques heures durant lesquelles je pus me reposer un minimum étant parsemées de cauchemars. Sur les coups de quatre heures, ne parvenant pas à me rendormir, je me levais et m’habillais le plus discrètement possible. Quittant l’appartement, j’allais marcher dans l’air glacé de cette fin de nuit. M’enfonçant dans les bois, je pris la direction du lac, ayant besoin de prendre l’air, me sentant étouffé par la tension et l’ambiance pesante qui régnait à l’appartement. Cependant, je n’arrivais pas à me débarrasser de ce sentiment de malaise qui m’habitait. Au fond de moi, je me sentais coupable, mais coupable de quoi ? Etait-ce un crime d’aimer Juha ?

Mon coeur se compressa à cette simple pensée et sentant ma douleur se raviver, je m’empressais de penser à autre chose. Dans la nuit, un hululement se fit entendre et fermant les yeux je me laissais envahir par la sérénité de la forêt, me repaissant de son calme. Bientôt j’arrivais au lac après un bon quart d’heure de marche et m’asseyant sur la rive, je contemplais non sans une certaine mélancolie, le reflet de la lune dans les eaux sombres. Silencieux et immobile, j’eu même le privilège d’apercevoir un cerf venu se désaltérer à quelques mètres à peine de moi. Hypnotisé par tant de beauté et de noblesse, j’observais avec respect et admiration les gestes gracieux de ce grand animal. Envoûté par la beauté de la nuit, je finis par en oublier momentanément mes soucis et ma tristesse.

Je n’aurais su dire combien de temps je restais ainsi avant de finalement retrouver mes esprits, sentant alors mon coeur s’alourdir tandis que j’étais de nouveau assailli par mes doutes et mes peurs. Ce ne fus que lorsque je ne sentis plus mes doigts que je consentis à prendre le chemin du retour. Le ciel commençait à se teinter d’une douce couleur rosée, signe que l’aube était là et qu’il était temps pour moi de rentrer. Lorsque j’arrivais à l’appartement, j’eu la surprise de voir que Kay était réveillé, le lit étant vide. Je me dirigeais vers la cuisine et saluant Kay, je me préparais une tasse de chocolat chaud.

- Où tu étais ? Demanda Kay visiblement surpris de me voir frigorifié.

- Je suis allé prendre l’air, répondis-je. Je… J’avais besoin de réfléchir… J’en peu plus, j’ai l’impression d’étouffer ici…

Me retournant après avoir mis ma tasse au micro-onde, je sursautais en m’apercevant de la présence de Juha dans mon dos. Assis à table, il prenait son petit déjeuner. Ne lui adressant qu’un rapide coup d’oeil, j’allais chercher dans le frigo le beurre et la confiture avant de récupérer ma tasse et de prendre place à table.

Les doigts bleus et raidis par le froid, c’est à peine si je pouvais tenir le couteau. Parvenant tant bien que mal à faire mes tartines, je déjeunais en silence, n’ayant de toute façon, rien à dire.

Après m’être forcé à manger un minimum, j’allais me préparer pour ma journée de travail. J’avais un cours prévu à dix heures et si je voulais voir Philippe avant, je n’avais pas intérêt à trainer. Une fois prêt, j’allais attendre Kay et Juha dans le salon. Agenouillé sur le sol, je jouais avec Shanenja, l’ayant un peu ignoré ces derniers temps. Semblant ravi de cette initiative de ma part, Shanenja se mit à couiner et s’allongea sur le dos en une demande explicite pour que je lui caresse le ventre. Lorsque nous fûmes prêt, j’attrapais la laisse de Shanenja, au cas où nous en aurions besoin, mais ne l’attachais pas. A l’appel de son nom, il se précipita vers moi et c’est ainsi que nous allâmes jusqu’à la voiture.

Je pris place côté passager, Shanenja à mes pieds alors que Juha montait à l’arrière. Comme d’habitude, personne ne prononça un mot durant tout le trajet. Une fois arrivé, j’abandonnais Kay momentanément à après m’être excusé avant d’aller voir Philippe chez lui. Respirant un bon coup, je frappais à la porte et attendit dehors qu’il m’invite à entrer, chose qui ne tarda pas à faire.

- Tien, bonjour mon garçon, S’exclama-t-il en me voyant entrer dans la cuisine.

- Bonjour Philippe, répondis-je simplement.

- Oh, toi ça ne va pas du tout ! Fit-il remarquer sur un ton grave. Allez, viens t’asseoir et raconte moi tout…

Docile, j’obéis et alla m’asseoir en face de lui.

- Alors, qu’est-ce qui ne va pas avec Juha ? Demanda-t-il après un temps, face à mon silence obstiné.

- Je… Je crois que tu avais raison Philippe… Je crois que… Que nous ne sommes pas prêt à vivre ensemble, soufflais-je avec hésitation. Je… Depuis que je suis parti d’ici il n’y a rien qui va entre nous… Et maintenant qu’il y a Kay, c’est encore pire… Ca fait une semaine que l’on ne s’est pas adressé la parole autrement que pour se crier dessus, avouais-je honteux.

- Il est tout simplement jaloux de devoir te partager avec un autre, répondit Philippe en souriant tendrement.

- Si tout était aussi simple, murmurais-je pour moi-même. Il n’a aucune raison d’être jaloux, Philippe, répondis-je. Et il le sait parfaitement.

- Alors tu lui as enfin dit ? Demanda-t-il alors que son sourire s’élargissait. Que t’a-t-il dit ?

Horriblement gêné, je détournais le regard alors que perdant son sourire, Philippe insistait :

- Qu’a-t-il répondu, Gabriel ?

- Il… Il n’a rien répondu, avouais-je sans oser croiser son regard. Il n’a même pas réagit…

 Philippe resta silencieux un moment, comme s’il enregistrait ce que je venais de lui dévoiler avant de déclarer :

- Alors voilà pourquoi il n’a pas voulu me dire la raison de votre différent. Ecoute Gabriel, reprit-il gravement. Je crois sincèrement qu’il faut que vous parliez. Tu dépéris de jour en jour, sans parler de Juha. Vous êtes entrain de vous détruire. J’ai dit la même chose à Juha hier, réagissez avant qu’il ne soit trop tard…

- Mais j’ai déjà essayé ! Que veux-tu que je fasse de plus ? M’exclamais-je. Après tout, soufflais-je, calmé, puisse-t-il vivre heureux avec son Killian.

- Alors là je te trouve injuste, répondit Philippe. Imagine ce qu’il a du ressentir… Il y a des choses qui ne trompent pas, Gabriel. Juha tien à toi…

- Non ! M’écriais-je en éclatant en sanglots. Pourquoi me dites-vous tous ça alors que je sais parfaitement que c’est faut !

- Parce que c’est la vérité ! S’exclama à son tour Philippe en haussant la voix. Pourquoi t’obstines-tu à ne pas le voir ?

- Quel genre d’amant resterait impassible face à un “je t’aime” ? M’exclamais-je, les larmes inondant mes joues.

Philippe ne répondit rien, se contentant de se lever et de me prendre dans ses bras. Je restais  un long moment à pleurer sur son épaule. Une fois calmé, je m’essuyais les yeux du revers de la main avant de m’arracher à son étreinte :

- Pardonne-moi… Je n’avais pas à te crier dessus… Je… Je suis un peu à cran en se moment…

- C’est tout pardonné, ne t’en fait pas. Tu rentreras plus tôt ce soir, tu as besoin de te reposer.

- Je… Je sais pas si c’est une bonne idée… J’ai tendance à déprimer quand je suis seul, avouais-je. J’ai besoin de m’occuper l’esprit…

- Juha rentrera avec toi. Et ne m’obligez pas à vous enfermer dans une pièce pour que vous daigniez enfin vous parler.

- Je tâcherais de faire au mieux, répondis-je avant de prendre congé de Philippe sous peine d’arriver en retard à mon cours.

Finalement, j’arrivais à l’heure et rejoignant mes élèves à la sellerie, je leur attribuais à chacun un cheval. Une petite demi-heure plus tard,  je me retrouvais au milieu de la carrière à corriger les erreurs des jeunes cavaliers.

- Julia, combien de fois devrais-je te répéter de trotter sur le bon diagonal ? M’exclamais-je fatigué de devoir répéter sans arrêt la même chose aux mêmes élèves. Bon Damien, tu le sautes cet obstacle ou tu veux que j’le fasse à ta place ?

- Mais j’y arrive pas, s’exclama-t-il. Rain ne veut pas sauter…

Je poussais un soupire d’exaspération et après avoir fait descendre Damien, j’enfourchais Rain of Melody et le lançais au petit galop. Arrivé face à l’obstacle, ma monture se déroba et parti en coups de cul dans la carrière. Réagissant au quart de tour, je l’arrêtais et le fit reculer avant de lui faire ré aborder l’obstacle. Après un second refus qui m’agaça profondément, il finit par sauter.

Je le lui fis franchir une seconde fois avant de mettre pied à terre et de rendre les rênes à Damien. Reportant mon attention sur Ophélie à qui j’avais donné Cantarella des Galas, une petite jument calme et posée, j’aperçus Kay qui m’observait depuis l’entrée de la carrière. A son air grave, je compris que quelque chose n’allait pas, mais ne pouvant quitter mes élèves du regard, je pris mon mal en patience.

Après un temps qui me parut interminable, c’est avec soulagement que j’annonçais la fin de la reprise. Lentement, je me dirigeais alors vers Kay, appréhendant malgré moi ce qu’il avait à me dire. Tentant de ne pas lui faire part de mon inquiétude, je lui demandais d’une voix plus tremblante que je ne l’aurais voulu :

- Il y a quelque chose qui ne va pas ?

Ne répondant pas immédiatement à ma question, Kay glissa sa main sur ma joue et du pouce, il caressa ma paupière, me montrant par ce geste qu’il avait vu à mes yeux rougis que j’avais pleuré récemment. Honteux, je me contentais de le fixer sans rien dire.

- Je voudrais que tu fasses attention à toi… Ta relation avec Juha n’est pas saine….

Attendant que le dernier élève fût remonté aux écuries, il déclara alors :

- Juha n’est pas celui que tu crois… Il… Il sort de prison…

Je blêmis à ces mots, et alors que je tentais de parler, les mots se coincèrent dans ma gorge. Trop abasourdi, je n’arrivais pas à prononcer le moindre son. Comment… Comment avait-il su ? L’instant d’horreur passé, je lui demandais dans un souffle :

- Co… Comment tu as su ?

- Mais enfin, tout le monde le sait… Ils n’arrêtent pas d’en parler là haut… Alors quand je l’ai su j’ai voulu te mettre en garde… Je ne veux pas qu’il t’arrive quelque chose Gabriel…

Mes yeux s’agrandirent d’effroi alors que dans mon esprit des milliers de questions se bousculaient. Comment avaient-ils su ? Qui le leur avait dit ? Alors que je m’apprêtais à détromper Kay, je fus interrompu par Juha qui s’exclama rageusement :

- Tu étais le seul à savoir… Comment as-tu pu me trahir ainsi, Gabriel ?

Blessé par l’accusation injuste et infondée de Juha, je restais sans réaction, le regard perdu dans le vide, alors que dans mon esprit, résonnait encore la preuve de l’absence de confiance qu’il avait en moi… Comment pouvait-il seulement oser m’accuser de la sorte ? Les larmes aux yeux, j’entendis à peine Kay me demander :

- Tu savais ?

Effondré, je me contentais d’hocher positivement la tête. Sans plus attendre, Kay se précipita à la poursuite de Juha, tandis que je restais immobile, n’arrivant pas à me remettre du coup de l’accusation. Soudain, mes jambes ne me soutinrent plus et je tombais à genoux sur le sol, alors que des larmes silencieuses venaient prendre mes joues d’assaut. Ces larmes qui provenaient de la fonte de la glace qui emprisonnait mon coeur…

Si jusqu’à maintenant j’hésitais encore, à présent, il n’avait plus aucun doute… Pourquoi s’évertuer à continuer alors qu’il n’y avait plus aucun espoir ? Etais-je le seul à devoir faire tous les efforts ?

Perdu dans mes pensées, je ne me rendis compte de la présence de Kay que lorsqu’il m’aida à me relever avant de me prendre dans ses bras et de me serrer fortement contre lui :

- Ne reste pas là, tu vas attraper la mort… Viens avec moi…

Patiemment, il me guida jusqu’à mon ancienne chambre et dans un état second, je me laissais faire.

- Vient, dit-il alors qu’il entrait dans la pièce. Assied-toi, je reviens.

Docilement, je m’assis sur le bord du lit alors qu’il disparaissait dans la salle de bain, pour en revenir quelques secondes plus tard, un gant de toilette humide dans les mains. Comme à un enfant, il m’essuya le visage et la fraîcheur du gant me fit un bien fou. Après un moment durant lequel je tentais de me ressaisir alors que Kay tentait tant bien que mal de me remonter le moral, il m’incita à aller manger un bout, midi étant passé depuis une bonne demi-heure. Bien que, n’ayant presque rien avalé ce matin, je n’avais pas faim du tout, l’estomac encore trop noué, je suivais docilement Kay jusqu’au réfectoire.

Alors que j’entrais précédé par Kay, je ne vis pas immédiatement Juha installé au fond de la salle, ni les regards inquisiteurs posés sur moi. Autour de moi, les murmures fusaient, mais je n’y prêtais pas attention. C’est alors que le silence se fit et sortant de ma torpeur, je relevais la tête pour tomber nez à nez avec Marion qui, un sourire malsain dépeint sur le visage, me demanda :

- Alors Gabriel, ça t’excite les taulards ?

Je sursautais violemment, plus surpris par ses propos que par la question en elle-même. Déjà blême, je devins livide et visiblement satisfaite d’elle et de ma réaction, elle se tourna vers l’assemblée et s’exclama :

- Faites une ovation au nouveau couple de l’année !

Un brouhaha inintelligible se fit entendre et lorsque le silence revint, Marion reporta son attention sur moi et reprit :

- Quelle tragique histoire que celle du misérable petit orphelin entiché d’un assassin qui ne veut pas de lui… Et oui, je sais tout de toi… Quel effet ça fait de se faire baiser et jeter par la suite ? Regarde dans quel état lamentable tu es… Mon pauvre garçon, tu es pitoyable, tu ne vaux vraiment rien… Tu ne t’es jamais demandé pourquoi ton père et ta mère n’ont jamais voulu de toi ?

Les larmes inondant mes joues, plus rien n’existait autour de moi hormis les paroles blessantes de Marion qui résonnaient dans mon esprit en une litanie incessante. Soudain, le brouhaha se fit de plus en plus oppressant et une vive lumière blanche s’imposa à moi et je me sentis défaillir alors qu’à mes oreilles retentissait la voix rageuse de Juha. Ce fut de trop pour moi et alors que mes jambes me lâchaient, je perdis connaissance, le manque de nourriture n’aidant pas.

Lorsque je repris conscience, j’étais allongé sur un lit dans un endroit qui me paraissait étrangement familier. Regardant autour de moi, je reconnu alors mon ancienne chambre. Dans un geste maladroit, j’essayais de me redresser et aussitôt, deux paires d’yeux se posèrent sur moi, me fixant avec inquiétude :

- Comment te sens-tu ? Demanda alors Philippe. C’est que tu nous as fait une sacrée peur…

- Que… Que s’est-il passé ? Demandais-je, l’esprit encore un peu vaporeux.

- Tu ne te souviens pas ? Demanda Kay, étonné.

J’hochais simplement la tête en signe de négation de retenant un soupire, Philippe prit place sur le bord du lit tandis que Kay allais me chercher un verre d’eau à la salle de bain.

- Quand vous êtes entrés dans le réfectoire, tu as été assailli par Marion. Ne sachant que faire, Kay est venue me chercher. Quand nous sommes revenus, tu étais inconscient dans les bras de Juha qui se disputait violemment avec Marion à ton sujet… Je n’arrive pas à comprendre d’où lui vient cette haine qu’elle vous porte à tout les deux. Quoi qu’il en soit, je lui ai clairement fait comprendre qu’elle n’était plus la bienvenue ici tant qu’elle resterait dans cet état d’esprit belliqueux… Je suis désolé pour tout cela Gabriel… Elle n’avait pas à dévoiler votre vie privée à tout le monde…

- Et si tout ce qu’elle a dit était vrai ? Soufflais-je alors que les paroles haineuses de Marion me revenaient en mémoire.

- Je t’interdis de dire cela, Gabriel, tu m’entends ? S’exclama Philippe furieux. Il y a plein de raison qui pousse une femme à abandonner son enfant, bien que je ne le conçoive pas toujours. Mais tu n’as en aucun cas le droit de cautionner ce qu’à dit Marion. Elle l’a fait par pure méchanceté, dans l’unique but de te blesser…

- Mais si cela me blesse, soufflais-je, c’est bien qu’il y a une part de vérité…

- Ne joue pas avec les mots, veux-tu ! Rétorqua Philippe, intransigeant. Tu as très bien compris ce que je voulais dire.

Je restais encore allongé un moment puis, me sentant mieux, je me relevais et abandonnais Kay et Philippe, après les avoir remerciés, ayant besoin d’être seul un moment, histoire de faire le point. Il fallait absolument que je trouve Juha, cette situation ne pouvait plus durer. Cela commençait à me peser affreusement et je devais y mettre un terme. Je partis à la recherche de Juha, le coeur cognant dangereusement dans ma poitrine, et après avoir exploré chaque recoin de l’écurie, je le trouvais quinze minutes plus tard, assis sur un banc près de l’ancienne carrière. S’il s’aperçut de ma présence, il n’en laissa rien paraître et lentement, j’allais m’asseoir à côté de lui, gardant tout de même une distance respectueuse, étant bien loin du temps où l’on aurait pu se qualifier d’intimes. Après un court silence gêné, je me lançais à prendre la parole :

- Il est beau notre couple, tien… Soufflais-je avec amertume et une pointe de faux amusement dans la voix.

- Comment en est-on arrivés là ? Demanda Juha dans un murmure que je perçus pourtant.

Choqué et scandalisé par une telle question, je me tournais face à lui en m’exclamant :

- C’est à moi que tu demande ça ?!

Comment osait-il poser cette question ? Tout ceci ne lui avait donc rien apprit ? N’avait-il donc pas ouvert les yeux ? Se sentait-il aussi innocent que sa question voulait le faire paraître ? Avait-il oublié son comportement des plus odieux et la froideur dont il faisait preuve envers moi depuis près de deux semaines ? Semblant se rendre compte de l’absurdité de sa question, Juha ne répondit rien et un silence pesant et angoissant nous enveloppa jusqu’à ce que d’une petite voix, il finisse par demander, comme s’il n’osait pas y croire :

- Pensais-tu réellement ce que tu as dit ?

Sachant pertinemment ce à quoi il faisait allusion, je répondis avec cynisme, sans même le regarder :

- Non, j’adore me taper la honte !!

De nouveau le silence se fit alors que je réfléchissais à une façon de lui annoncer que Philippe avait raison, que je n’étais pas assez fort et pas prêt à supporter les problèmes de Juha et les répercutions que cela avait sur notre vie de couple… Après un temps interminable, je finis par déclarer après avoir pris une profonde inspiration :

- Ecoute Juha, je n’ai plus envie de me battre avec toi pour que tu daignes m’adresser la parole et que tu acceptes de me faire confiance. Je suis fatigué de tout cela… On a essayé, ça n’a pas marché, mais je ne regrette rien… Je t’aime Juha, c’est indéniable, cependant, tu n’es pas prêt à oublier Killian et à passer à autre chose, et moi je ne peux attendre toute ma vie un amour que je ne recevrais jamais…

Je me tus un instant, et après un court silence, je poursuivis :

- Moi qui croyais que… Que tu t’intéressais à moi pour ce que j’étais et pas comme substitut de ton défunt amant… J’aurais du m’en douter que je n’étais qu’un passe-temps pour toi, que tu n’envisagerais jamais rien avec moi parce que tu l’aimes toujours “lui”… Et tu sais ce que c’est le pire dans tout ça ? Demandais-je avec une pointe d’ironie désespérée et d’amertume dans la voix. C’est que j’ai repoussé Kay pour toi… J’ai renoncé à l’amour qu’il m’offrait pour tenter de construire quelque chose avec toi… Mais encore une fois j’ai été trop con… Tout ça pour dire que je pense qu’il est préférable qu’on arrête là avant que ça n’aille plus loin… On s’est déjà suffisamment fait souffrir… Je… Je pense qu’il serrait préférable que je retourne vivre chez Philippe et qu’on reste simplement des amis, rien de plus… Enfin… Si tu veux toujours de mon amitié…

Impassible face à ce que je lui disais, Juha resta immobile et silencieux. M’attendant un peu à ce genre de réaction mais néanmoins déçu qu’il l’accepte avec tant de résignation, je me levais et commençais à partir. Je m’arrêtais au bout de quelques pas et sans pour autant me retourner, je déclarais :

- Je passerais ce soir chercher quelques affaires pour la semaine…

Sans attendre de réponse, sachant très bien que je n’en recevrai aucune, je partis, laissant Juha à la solitude qu’il semblait tant apprécier. Seulement, cela était plus éprouvant que je ne l’avais imaginé et si j’avais su retenir mes larmes jusqu’à maintenant, celles-ci finirent par couler à flot de mes yeux, cascadant sur mes joues sans que je ne puisse les arrêter.

Machinalement, mes pas me conduirent jusqu’aux écuries. Là, je passais devant Kay sans le voir. J’avais besoin d’être seul… Sachant que l’on me retrouverait facilement si je me réfugiais dans le box d’Orphée, je pris la direction du parc et après avoir franchi la barrière, j’allais rejoindre le troupeau afin de m’isoler.

Assis sous un arbre, j’observais distraitement la horde brouter non loin de là, alors que Ramage de l’Abbaye venait réclamer quelques caresses. Les yeux humides de larmes, je ne cessais de repenser à mon entretien avec Juha. Plus j’y songeais et plus je me persuadais d’avoir fait le bon choix, malgré la douleur qui me poignardait le coeur. Son absence de réaction confirmant cette décision. S’il m’avait apprécié rien qu’un peu à défaut de m’aimer, serait-il resté aussi froid et impassible ? Son comportement était bien la preuve du peu d’intérêt qu’il me portait réellement…

Plongé dans mes tristes pensées, je ne me rendis compte de la présence de Philippe à mes côtés que lorsqu’il prit la parole :

- Alors c’est là que tu te caches ?

Je ne répondis pas à sa question, mais déclarais d’une voix plate et tremblante :

- Tu avais raison, Philippe… Tu avais raison depuis le début… Je n’étais pas prêt à vivre avec Juha… Je ne m’attendais pas à ce que cela se passe ainsi…

- Vous ne vous attendiez pas à ce que bien des choses arrivent, Gabriel…

- Je… Je l’ai quitté, murmurais-je. J’ai tellement mal, Philippe, repris-je en éclatant en sanglots alors que Philippe m’attirait à lui. C’est horrible la souffrance que je ressens… Je voudrais que tout ceci ne soit jamais arrivé, que rien de tout cela ne ce soit passé…

- Tu as fait ce qui te semblait juste… Ce n’est pas à moi de te dire si tu as bien fait ou non… Si en ton coeur tu juges que c’était la meilleure solution alors soit. Je ne te jugerais pas pour cela, Gabriel… Comment a-t-il réagit ?

- Apparemment très bien puisqu’il n’a rien dit, m’exclamais-je avec colère malgré mes pleurs. A croire que c’est une habitude chez lui…

- Je ne comprends pas ce garçon, souffla Philippe désemparé. Il a pourtant violemment réagit en prenant ta défense auprès de Marion…

- J’ai franchement du mal à y croire, soufflais-je à mon tour avec une pointe de cynisme.

- C’est pourtant ce qu’il y a de plus vrai… Dis, reprit-il après un moment, j’ai donné son après-midi à Juha pour qu’il se repose, tu devrais faire de même, tu as une mine affreuse…

- Merci, c’est gentil mais je… Je vais rester là…

- Très bien, tu es libre, mais sache que tu en as le droit si jamais tu décides de partir.

- Merci, répétai-je.

- Allez, je te laisse, j’ai encore une course à faire. Repose-toi et prend soin de toi.

- Toi aussi. A demain, Philippe.

- A demain mon grand, répondit Philippe en s’éloignant.

Je restais encore seul un instant avant de finalement me lever et aller voir Sharakandy, mon aigle. Celui-ci avait bien grandit et n’avait, à présent, plus peur de moi, me laissant le caresser. J’avais mis longtemps avant de me décider, mais cet été, lorsqu’il fera plus chaud, j’irais le relâcher dans les bois afin qu’il puisse avoir une vie décente. Malgré tout, je tentais tout de même de lui apprendre à revenir à mon appel, de façon à ce que je puisse l’attraper facilement lorsque je le rentrerais pour l’hiver. Je passais un long moment avec l’aigle et alors que je sortais de la volière, je sursautais en voyant Kay me regarder en souriant.

Nous passâmes une fin d’après-midi tranquille et en fin de soirée, je me décidais à faire un saut à l’appartement.

- Tu veux que je t’emmène ? Demanda Kay. Je ne suis pas rassuré à l’idée de te laisser partir seul…

- Ne t’en fait pas, répondis-je avec un sourire qui se voulais rassurant. Ca ira, marcher un peu me fera du bien. Tien, je te passe les clés de la chambre. Je risque d’en avoir pour un moment alors ne m’attend pas. Bonne nuit, à demain.

- A demain, répondit Kay en m’embrassant sur la joue. Sois prudent et si jamais il y a un problème, tu m’appelles d’accord ?

- Promis, répondis-je avant de prendre la direction de l’appartement.

Longeant la route, je marchais lentement jusqu’à l’appartement, stressant malgré moi. Dans mon esprit, je m’imaginais mille et un scénarios qui pourraient se dérouler à mon arrivée. Je ne pouvais m’empêcher d’appréhender mon entrevue avec Juha… Comment celui-ci allait-il réagir ?

Bien trop tôt à mon goût j’arrivais à l’appartement et alors que j’entrais, Shanenja se précipita vers moi en aboyant joyeusement. Allumant la lumière dans l’entrée, je m’agenouillais auprès de l’animal avant de le caresser longuement. Après quoi, je me redressais et c’est seulement que je me rendis compte que l’appartement était plongé dans le noir. Un peu surpris, j’entrais dans le salon pour trouver Juha assis sur le canapé, en train de me fixer bizarrement. Frissonnant sous son regard perçant, je détournais les yeux en murmurant :

- Je… Je reste pas longtemps…

Sans un mot de plus, je me dirigeais dans la chambre et ouvrant l’armoire, j’attrapais rapidement quelques affaires que je jetais négligemment dans un sac avant de me rendre à la salle de bain. Là, faisant de même, j’attrapais ma brosse à dent ainsi qu’un tube de dentifrice et ma brosse à cheveux et une fois le tout dans le sac, je sortais de la pièce après un dernier tour dans la chambre pour vérifier que je n’avais rien oublié. Puis, avec un pincement au coeur, mais sans pour autant me retourner, ayant trop de souvenirs dans cet endroit, je quittais la pièce, refermant la porte derrière moi comme on tournait la page d’un livre. Arrivant dans le salon, je remarquais que Juha avait à peine bougé depuis mon arrivée. Alors que j’arrivais à sa hauteur, je commençais, hésitant :

- Bon ben… Je… On se voit demain…

Je restais un instant immobile, attendant vainement une quelconque réponse de sa part, puis lassé d’être toujours aussi transparent à ses yeux, je me détournais de lui, prenant la direction de la sortie. Au moment où je disparaissais du salon, je sursautais presque en entendant la voix de Juha :

- Gabriel !

Mon coeur fit un bon dans ma poitrine à l’entente de mon nom dans sa bouche et tentant de réprimer le tremblement de mes mains, je me retournais pour faire face à Juha qui, à présent, était debout devant moi.

Ne faisant pas confiance à ma voix, je me contentais de lui adresser un regard interrogateur, mon coeur battant à tout rompre, alors qu’intérieurement, j’espérais qu’il réalisait enfin qu’il était sur le point de me perdre définitivement… S’il voulait avoir une chance de rattraper ses erreurs passées, c’était maintenant qu’il fallait en profiter, après il serait trop tard..

Je restais un instant immobile, attendant patiemment qu’il daigne m’adresser la parole, mais après quelques minutes, je commençais à perdre patience. Finalement, le coeur douloureux à force d’espoirs vains, je soufflais, horriblement déçu  et retenant à grand peine une envie de pleurer, ne voulant pas faire se plaisir à Juha :

- Ouais… Allez… Salut…

Mon sac sur une épaule, j’esquissais un pas vers la porte lorsque je sentis un main se refermer violemment autour de mon poignet. Pendant un lapse de temps durant lequel je cessais de respirer, je restais sans réaction et c’est à l’entente de la voix tremblante de Juha que je me tournais vers lui :

- Gabriel… Je t’en prie…

Il se tut, semblant chercher ses mots alors que, ma curiosité et l’espoir l’emportant sur ma peur, je restais là à attendre la suite. Après une longue inspiration, il reprit d’une petite voix :

- Jusqu’à maintenant, j’ai toujours fait passer Killian avant toi… Je… Je me suis enfermé dans ma douleur et la prison ne m’a certainement pas aidé à oublier et à dépasser ce cap…

- C’est l’impression que j’ai eu aussi, répliquais-je, sarcastique.

- Je sais que je suis bourré de défauts, reprit-il sans relever sa pique, que je t’ai ignoré au moment ou tu avais le plus besoin de moi… J’ai agis comme un égoïste et que toute la douleur que je ressens ne me pardonne pas de mes actes… A présent, je sais ce que ça fait de vivre loin de toi et je peux désormais affirmer qu’il est certain que je ne peux plus vivre sans toi parce que je ne conçois pas la vie sans toi à mes côtés…

A ces mots, mon cœur cessa de battre un instant avant de repartir à vive allure… Je n’arrivais pas à croire que je venais d’entendre… Mon esprit me jouait-il un mauvais tour ? Puis, lentement, je commençais à prendre conscience des paroles de Juha et des larmes de joie et de soulagement se mirent à couler lentement le long de mes joues.

Semblant ne pas tenir compte de ma réaction, il poursuivit :

- Plongé dans ma propre douleur, j’en ai ignoré la tienne, je n’ai pas su écouter ta détresse quand tu as avoué m’aimer… J’ai été trop orgueilleux pour avouer mes fautes tout de suite… Mais je compte bien faire un effort et aller de l’avant, mais pour cela, j’aurais besoin de ton aide car je n’y arriverais pas tout seul, Gabriel…

Après une seconde durant laquelle je restais silencieux, trop ému pour dire quoi que ce soit, il ajouta :

- J’espère sincèrement qu’un jour je n’aurais plus besoin de m’appuyer sur toi, et ce jour là seulement, je pourrais être honnête avec moi, mais surtout envers toi…

S’approchant dangereusement de moi, il s’empara alors de mes lèvres pour un baiser violent. Ne m’attendant pas à cela, je restais immobile de stupeur et forçant le barrage de mes lèvres, Juha insinua sa langue dans ma bouche. Au contact doux et chaud de sa langue avec la mienne, je repris mes esprits et répondis ardemment au baiser de Juha. J’étais resté trop longtemps sans sentir sa chaleur et sa tendresse et l’empressement que je mettais dans ce baiser m’étonnait moi-même.

Lorsqu’il mit fin au baiser, Juha déclara d’une voix étrangement rauque :

- En attendant, je peux déjà te prouver d’une autre façon ce que je ne peux exprimer par des mots…

Avec empressement, il commença à déboutonner ma chemise et la laissa tomber au sol alors que sa bouche explorait mon cou, mordant ma peau avant de la lécher longuement comme pour effacer la douleur causée par ses dents.

- Non… Juha… A… Arrête… Tentais-je de la repousser, sachant très bien que je ne résisterais pas longtemps à ses avances.

Cependant, Juha ne prêta pas attention à mes faibles protestations et délicatement, ses mains se posèrent sur mon torse dénudé, titillant mes tétons qui durcissaient au contact habile de ses doigts. Je lâchais un soupir de contentement et prenant cela comme une invitation à aller plus loin, Juha descendit ses mains. Je sentais sa virilité pulser contre ma cuisse et lorsqu’il déboutonna mon jean et passa une main à l’intérieur, je repris aussitôt mes esprits et sursautais violemment en repoussant Juha.

Suite dans la partie 02

Cet article a été publié le Lundi 18 février 2013 à 14:58 et est classé dans Beyond the invisible. Vous pouvez suivre les commentaires sur cet article en vous abonnant au flux RSS 2.0 des commentaires. Les commentaires et les pings sont actuellement fermés.

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