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Silent scream - chapitre 13

Jeudi 6 décembre 2012

Chapitre 13 par Shinigami

 

Inde, 2 décembre 1800

 

Le trajet pour arriver jusqu’à Calcutta fut le plus long de toute mon existence. Ayant essuyé une violente tempête en mer qui nous avait détourné de notre cap premier, nous perdîmes un temps fou avant d’arriver à bon port, épuisé par le manque de nourriture. Tuer quelques marins aurait été malvenus et nous nous serions vite fait prendre. C’est pratiquement affamé que nous mîmes finalement pieds à terre, à la tombée de la nuit suivante. Cependant, si le voyage avait été plus long que prévu, nous avions tout de même trouvé à nous occuper de façon la plus agréable qui soit. Alakhiel était décidément un amant hors paire lorsqu’il se décidait à abandonner toute sa pudeur typiquement humaine.

J’avais également entrepris de commencer l’entraînement de ma créature. Et malgré tout le mal qu’il se donnait, il ne parvenait pas à satisfaire mes exigences. C’était simple, soit il y arrivait, soit il mourait…

A la nuit tombée, nous nous séparâmes. Chacun de notre côté, nous avions besoin de souffler un peu et prendre l’air. Plusieurs disputes des plus violentes ayant déjà éclatées entre nous au fils des semaines passées en mer, je ressentais le besoin vital de m’éloigner de lui ne serait-ce que le temps d’une nuit de chasse. Cependant, nous convenîmes de nous retrouver quelques heures avant l’aube. Ayant déjà erré dans les rues sombres et insalubres de Calcutta avant mon escale à Bénarès, je me rendis directement dans les bas quartiers de la ville, où les dockers allaient se perdre l’instant d’une nuit dans les bordels de la ville afin de se noyer dans l’alcool et une nuit de luxure bien méritée.

Guidé par les cris d’ivrognes et les rires des prostituées, le tout mélangé aux relans de vin et de bière, j’arrivais j’arrivais rapidement à l’endroit souhaité. Très vite, je me fis aborder par une première catin et rebuté par l’odeur qui émanait d’elle, celle-ci sortant juste d’un instant de débauche, je lui adressais un sourire tout en déclinant son invitation. Plus j’avançais dans la rue et plus le nombre de femmes qui tentèrent leur chance avec moi augmentait. Finalement, quelques centaines de pas plus loins, je trouvais la fille idéale. Dans la fleur de l’âge, des longs cheveux d’un blond cendré remontés en un chignon négligé, deux mèches encadrant son viage au maquillage outrancier, et un visage agréable à regarder, elle était tout à fait le genre de victime qui me plaisait. Le sang d’une vierge aurait été bien plus doux et suave que celui de cette jeune prostituée, mais après de longues semaines de famines, je n’allais pas faire le difficile. Avec un peu de chance, peut être arriverais-je à trouver une pucelle où un jeune jouvenceau égaré à travers les dédalles des rues surpeuplées.

A ma vue, la jeune fille m’adressa un sourire enjoleur et prenant une pause aguicheuse qui m’offrait une vue de premier ordre sur sa poitrine plantureuse, elle demanda d’une voix caline :

- Tu cherches quelque chose, mon joli ?

- Et je crois bien que je viens de le trouver, répondis-je, charmeur, flirtant ouvertement avec elle.

- En voilà un qui sait ce qu’il veut, minauda-t-elle en se collant contre-moi, sa main venant tâter éhonteusement mon entrejambe. Dis-moi mon joli, qu’est-ce qui te ferait plaisir ?

- Que me proposes-tu ? Demandais-je, d’une voix rauque.

- Pour toi mon mignon, je peux faire une exception, souffla-t-elle, ses mains s’infiltrant dans mon pantalon pour malaxer mon sexe qui commençait à gonffler sous la chaleur de ses doigts.

- Ton prix sera le mien ! Déclarais-je en fondant sur ses lèvres, m’en emparant violemment. Mais pas ici… Allons un peu plus loin… Repris-je, une fois le baiser rompu.

- Serais-tu timide mon joli ? Mais soit, ajouta-t-elle en m’attirant à sa suite, me gardant possessivement collé contre elle.

Plongeant mon visage dans son cou, je léchais sa peau à l’odeur alléchante, alors que les battements de son coeur et les pulsions de sa jugulaire sous ma langue me rendaient fou. Finalement nous arrivâmes à l’angle d’une ruelle sombre et puant l’urine et interprétant mal l’impatience qui me gagnait, la catin gloussait en se tortillant contre moi.

- Tu es bien pressé mon joli, gloussa-t-elle. Aurais-tu faim ?

Reportant mon attention sur son visage, les canines sorties et les yeux luisant d’une lueur de désir, je déclarais :

- Je suis affamé…

Et avant qu’elle n’ait le temps de prononcer le moindre son, je me jetais à sa gorge, et plantant violemment mes canines dans la peau gracile de son cou, j’aspirais son sang par longues rasades salutaires, jusqu’à la dernière goutte. Puis, je laissais tomber son cadavre, reboutonnais mon pantalon, mon excitation assouvie par le sang, et enjambant le corps inanimé, je retournais dans la rue principale à la recherche d’une nouvelle proie, ma faim étant loin d’être assouvie. Je venais de goûter à mes premiers litres de sang frais depuis des mois, et je n’étais pas prêt de m’arrêter de si tôt.

Toute la nuit durant, je me nourris ainsi, attirant mes victimes jusqu’à moi avant de les vider de leur sang. Je croisais ainsi la route de deux femmes d’âge mûr, d’un jouvenceau qui attendait son maître venu trouver quelques réconforts entre les bras d’une fille de joie et la chance sembla me sourire, car au petit matin, une jeune vierge eut le malheur de croiser ma route. C’est avec un plaisir extrême que je m’abreuvais de son sang, m’enivrant de son goût suave et terriblement addictif. Une fois que l’on goûtait le sang d’une vierge, on pouvait définitivement ne plus s’en passer…

A l’heure convenue, j’arrivais à notre lieu de rendez-vous, celui-ci se trouvant un peu à l’écart de la ville. Je tiquais en voyant que Juha était visiblement en retard et, prenant sur moi, je patientais et lui donnais encore une heure pour arriver, sans quoi, il le regretterait amèrement. Durant cette heure qui me parut interminable, je ne pus m’empêcher de me ronger les sangs pour mon amant, craignant qu’il lui soit arrivé quelque chose. Puis, voyant qu’il n’arrivait toujours pas, l’inquiétude fit place à une fureur sans nom. Alors que les premiers rayons de soleil pointaient à l’horizon, j’allais trouver refuge dans l’abris qui nous cacherait des rayons mortels de l’astre solaire.

Durant toute la journée, incapable de trouver le sommeil, je fis les cent pas dans la caverne qui me servait d’abris, maudissant le soleil et ruminant ma fureur contre ma stupide créature. Le fait que cet imbécile ait coupé tout lien avec moi ne faisait qu’attiser ma rage. Il avait intérêt à avoir une bonne excuse…

Lorsqu’enfin le dernier rayon de soleil disparut à l’horizon, je bondis hors de ma tanière dans l’espoir de trouver une victime sur qui passer mes nerfs. Courant dans la forêt qui, déjà s’assombrissait, je tentais d’évaculer le trop plein de colère qui menaçait d’exploser à tout moment. Dans les minutes qui suivirent, j’arrivais au niveau des première bidonvilles qui ornaient la périphérie de la ville. Rallentissant ma course, je me faufilais entre les maisons délabrées, jouant avec les ombres pour dissimuler ma présence. Ce n’est que lorsque je fus dans les rues bondées du quartier commerçant que je me laissais aller à me montrer, les gens étant trop préoccupés pour faire attention à moi.

Pendant plusieurs heures qui me parurent interminables, j’arpentais les rues de la ville, laissant quelques cadavres derrière moi au gré de mes rencontres. J’avais bien évidement tenté de me lier avec Alakhiel, mais celui-ci restait totalement introuvable. D’humeur excécrable, je ne cherchais même pas à m’amuser au dépit de mes victimes, les tuants rapidement avec plus d’efficacité que n’importe quelle créature.

J’en étais à ma quatrième victime de la soirée lorsqu’enfin je perçu de nouveau la présence d’Alakhiel dans mon esprit. Relachant brusquement le presque cadavre que j’avais entre les bras, j’abandonnais aussitôt ma victime agonisante, la laissant se vider de son sang. De toute façon, elle n’en avait plus que pour quelques minutes à vivre. En moins de temps qu’il n’en faut pour le dire, j’étais arrivé à l’endroit où Alakhiel m’attendait, ivre de colère. D’un coup d’oeil rapide, j’avisais son état avant de le prendre à la gorge l’instant d’après pour le plaquer violemment contre le mur. Aveuglé par ma rage, je serrais sa gorge à lui en briser le cou. Si j’avais pu, je lui aurais arraché la tête à mains nues afin d’apaiser ma fureur…

- Dans mon infinie clémence, je te laisse deux minutes pour m’expliquer ce que tu as fait ! Déclarais-je d’une voix glaciale.

Sur ces mots, je le libérais de ma poigne de fer et il s’effondra sur le sol.

- Dépèche-toi Alakhiel ! Cinglais-je, usant de toute ma patience pour ne pas l’étriper, sans pour autant chercher à dissimuler ma colère. Et ton excuse a intérêt à être bonne, sinon, tu vas regretter de ne pas être mort la nuit dernière…

- Je… Je me suis… Je me suis perdu… Et… Et il était trop tard pour venir jusqu’ici… Déclara-t-il précipitament en baissant les yeux.

Je n’avais jamais entendu excuses plus pathétiques. En plus d’être un vampire désatreux,  il était un menteur pitoyable.

- Bien essayé, déclarais-je, lui montrant ainsi que je ne croyais pas une seconde à ce qu’il tentait de me faire avaler, mais ça n’explique pas pourquoi tu s coupé le contact ! Je te laisse une dernière chnce !

Relevant la tête, Alakhiel me défia du regard et s’exclama avec insolence :

- Ce ne sont pas tes affaires !

Fou de rage de m’être fait prendre pour un con et ne supportant pas l’air arrogant avec lequel il osait me dévisager, je le gifflais violemment. Le frapper eut un effet bénéfique sur moi car instantanément, je me sentis libéré d’un poids. Cependant, cela n’avait fait qu’atténuer légèrement ma colère :

- Ne refais jamais cela Alakhiel ! Je laisse passer pour cette fois dans mon infinie clémence, mais ce ne sera pas la même chose pour la prochaine fois… Le menaçais-je.

Sans un mot de plus, je tournais les talons, le laissant derrière moi sans lui adressser un seul regard. Cependant, sentant qu’il ne me suivais pas, je grondais sans même me retourner :

- Dépêche-toi ! Nous devons quitter cette ville. Dorénavant, tu ne me quittes plus d’une semelle sans mon accord, que ça te plaise ou non !

Puis, sans attendre de réponse, je me remis en marche. J’attendais un moment avant de me retourner et lorsque je le fis, je fus surpris de voir qu’Alakhiel me suivait docilement. Je m’étais attendu à un peu plus de résistance de sa part, mais le voir aussi docile calma un peu ma colère.

Plusieurs semaines passèrent ainsi, mêlant entraînement et chasse. A aucun moment je ne permettais à Alakhiel de s’éloigner de moi. Je le surveillais constament, n’ayant toujours pas digéré le lapin qu’il m’avait posé. Tous les deux jours, nous changions de ville, fuyant sans cesse les hypothétiques assassins que le conseil avait certainement envoyé à nos trousses. Alakhiel avait reprit sa manie à ne se nourir que du strict minimum. Cependant, exaspéré par ses psychoses, je le laissais faire, n’y prettant même plus attention. Après tout, il était suffisament grand pour se débrouiller et le materner sans cesse commençait à me peser. J’avais vraiment l’impression de m’occuper d’un nouveau-né.

Pour nous protéger des rayons de soleil de cette nouvelle journée, j’avais trouvé une vieille cave aménagée, qui avait du servir de refuges à d’autres vampires.

Ne laissant aucun répit à Alakhiel, je le forçais à reprendre son entrainement. Il faisait des progrès, mais étant encore très loin du but à atteindre. Et si le conseil devait nous tomber dessus, autant qu’il serve à quelque chose et qu’il puisse au moins se défendre seul. Fatigué de devoir sans cesse répéter la même chose, je me faisais plaisir à lui lancer quelques répliques cinglantes qui, je le voyais bien, avaient le don de l’agacer. Nous nous battions depuis trois petites heures et déjà Alakhiel transpirait comme un boeuf. D’un geste si rapide qu’il ne le vit pas venir, j’envoyais Alakhiel au sol pour la énième fois.

- Est-ce qu’on peut faire une pause ? Demanda-t-il, haletant en se redressant difficilement.

- Espèce de femmelette ! M’exclamais-je, énervé par cette simple demande. Tu crois vraiment que tes ennemis vont s’arrêter de vouloir te tuer juste parce que tu veux faire une pause ? Tu es déjà épuisé alors que je retiens mes coups pour ne pas te faire mal ! Tu es d’un pathé…

Avant que je n’ai le temps de finir ma phrase, Alakhiel fondit sur moi et m’envoya rencontrer le mur de l’autre côté de la salle. Le souffle coupé par la violence de l’impact, je m’effondrais sur le sol. Alakhiel était déjà au dessus de moi, ses deux mains enserrant ma gorge. Esquissant un mouvement pour me soustraire à son emprise, j’eu la satisfaction de voir Alakhiel resserrer sa poigne autour de ma gorge, m’empêchant tout mouvement.

Le sentant sur le point de craquer et me rendre ma liberté, un sourire vainqueur vint étirer le coin de ma lèvre. Satisfait de le voir aussi hésitant. Soudain, avant que je n’ai le temps de comprendre ce qui se passait, je vis Alakhiel se pencher vers moi usant de toute la sensualité dont il était capable. Dans ma poitrine, je sentis mon coeur s’emballer à cette vision. L’instant suivant, Alakhiel effleurait mes lèvres, tandis que son souffle saccadé venait caresser ma peau, m’arrachant un violent frisson de désir. Totalement conscient de l’effet qu’il me faisait, il m’ignora cependant et murmura à mon oreille :

- Et si nous passions à quelque chose pour laquelle nous sommes tous les deux doués…

A ces mots, je retins à grand peine un gémissement de désir, alors qu’il s’écartait légèrement de moi, laissant son visage à quelques centimètres du mien. Pour toute réponse, j’agrippais sa nuque et l’attirais brusquement à moi afin de lui voler un baiser. Glissant ma langue entre ses lèvres entrouvertes, j’approfondis le baiser avec ardeur, l’embrassant comme si ma vie en dépendait. Je le désirais d’une telle force que cela m’effrayait…

Tandis que nos langues se mêlaient avec passion, je glissais ma main sous sa chemise, caressant son dos, mes ongles se plantant dans sa chair, sous l’effet de l’impatience et du désir qui me vrillait les reins. Cela ne sembla pas le déranger et rompant notre échange, il mordilla ma lèvre inférieure, me faisant gémir de frustration.

Galvanisé par le plaisir qu’il faisait naître en moi, je me laissais aller à me déhancher sous lui sans la moindre once de pudeur, lui faisant ainsi part de mon désir et cherchant à attiser le sien. Libérant mes lèvres, s’attirant un gémissement de frustration de ma part, Alakhiel entreprit de déboutonner sa chemise alors que mes doigts partouraient fébrilement sa colonne vertébrale, zone que je savais d’expérience, sensible chez lui. Brûlant de sentir sa peau tout contre la mienne, j’arrachais à mon tour ma chemise avec un empressement certain, me retrouvant ainsi torse-nu et complêtement offert à son regard incandescent.

Les yeux rivés sur le torse puissant de mon amant, je laissais alors mes doigts retracer délicatement la cicatrice récente qui zébrait sa peau si parfaite de son torse jusqu’à son ventre. Et c’est avec une satisfaction évidente que je le sentis frissonner violemment sous mes attouchements. Fier de l’effet que je lui faisais, je m’emparais de ses lèvres avec une ardeur non feinte, privé de son goût depuis trop longtemps. Je voulais me noyer sous ses baisers, assouvrir ce désir de lui que je ressentais et m’enivrer de son odeur jusqu’à saturation. Je voulais être le centre de son monde, que plus rien n’existe pour lui apart moi…

Le contact de nos deux corps brûlant de désir nous arracha à tous deux un concert de gémissements. Nos intimités comprimées réclamaient plus. A chaque déhanchement, mon sexe se faisait plus douloureux, réclamant une attention toute particulière et bien plus pressante.

Finalement, ce fut Alakhiel qui rendit les armes le premier. Relachant mes lèvres rougies par nos baisers, il glissa dans mon cou, entament lentement mais sûrement sa descente vers le sud. Du bout de la langue, il lécha mon cou, m’arrachant un violent frisson de plaisir alors que tout mon corps s’arquait pour aller à sa rencontre. Cependant, il ne s’arrêta et continua sa course, ses lèvres explorant chaque parcelle de ma peau, s’attardant l’espace d’un instant sur la trace de cicatrice qui zébrait mon torse.

Bien trop tôt et à la fois bien trop lentement, il arriva enfin à mon pantalon et je ne pus réprimer un gémissement d’anticipation. L’instant suivant, je me retrouvais nu, entièrement exposé à son regard dans lequel brûlait une flamme de désir à l’état pur. Lorsque mon sexe se dressa librement, enfin libéré de sa prison de toile, je soupirais de soulagement. Tout sourire, volontairement provoquant, Alakhiel effleura plusieurs fois mon intimité, me faisant grogner de plaisir et de frustration mêlé. Il prenait un malin plaisir à me faire languir, ayant acquis énormément d’expérience dans le domaine du sexe et du plaisir.

L’instant suivant, mettant momentanément un terme à mon supplice, il s’empara de mon érection avec plus de vigeur et je me cambrais violemment sous l’effet du plaisir intense qui parcourait mon corps, un feu ardent coulant dans mes veines.

Bientôt, pour ma plus grande satisfaction, sa bouche vint rejoindre ses mains et sa langue s’enroula autour de mon érection, m’arrachant un cri de plaisir dans lequel je laissais s’échapper son nom. Cela sembla faire son effet car aussitôt, Alakhiel gagna en vigeur, s’activant avec savoir faire sur mon intimité douloureusement gonflée. Noyé dans le plaisir que me proccurait mon amant, je n’avais plus conscience de rien si ce n’est de sa bouce qui faisait des merveilles, me proccurant mille sensations de pur plaisir.

Je sentis vaguement Alakhiel glisser sa main libre sous mes fesses, les massant tendrement. Les yeux fermés sous l’effet du plaisir, tentant de me retenir au mieux, je ne pris conscience des intentions d’Alakhiel que lorsque je sentis ses doigts effleurer doucement mon orifice. Soudain, j’émis un grognement sourd de mise en garde, l’avertissant de ne pas aller plus loin, ignorant cette petite voix au fond de moi qui m’incitait à le laisser poursuivre son initiative. Si mon corps réclamait davantage, ma conscience elle, ne pouvait l’accepter. Jamais plus je ne me laisserai dominer comme Darius l’avait fait avec moi…

Semblant comprendre l’avertissement, Alakhiel retira ses doigts en même temps qu’il cessait ses mouvements de succion sur mon sexe tendu à l’extrême, me laissant dans un état de frustration la plus totale. Alors que sa bouche reprenait entièrement mon sexe en une caresse atrocement délicieuse, il inséra entièrement et sans préliminaires un doigt en moi.

Ecarquillant les yeux sous l’effet de la surprise et de la douleur combinées, tous les souvenirs que je tentais d’oublier me revenant subitement en mémoire, je me tendis sous l’intrusion. L’instant suivant, je repoussais si vivement mon amant qu’il fut projeter à quelques mètres de là où je me trouvais, encore sous le choc. Avant qu’Alakhiel n’ait le temps de retrouver ses esprits, dans un état second que je n’avais plus connu depuis le temps de Darius, je fondis sur lui et lui arrachait presque son pantalon. D’une poigne de fer, je le maintenais plaqué contre le sol, l’empêchant de bouger. Prit de panique, il gémit lamentablement :

- Ezekiel, qu’est-ce que… Qu’est-ce que tu fais… Non arrête ! S’il te plait !

Sourd à ses protestations, aveuglé par ma peur, je plantais violemment mes cros dans la peau diaphane de son cou et le pénétrais sans la moindre douceur, toute once d’humanité m’ayant désertée. Aveuglé par mes sentiments, je n’avais pas conscience de mes actes, ni de la douleur que semblait visiblement ressentir Alakhiel. Inconscient, je le pénétrais avec ardeur, sans la moindre trace de tendresse et de douceur, gémissant de plaisir que j’étais, sans le savoir, le seul à ressentir.

L’instant suivant, j’atteignais l’orgasme et me libérait dans l’intimité chaude et humide de mon amant en criant son prénom. Puis, je me retirais et m’étendais à ses côtés afin de reprendre mon souffle, l’esprit pas tout à fait clair. Tendant le bras, j’esquissais un mouvement pour attirer Alakhiel contre-moi, et tentais de l’embrasser. Cependant, Alakhiel ne m’en laissa pas le temps et me repoussa avec une violence que je ne lui connaissais pas. D’un bon, il fut à l’autre bout de la pièce, dans un coin, me fixant avec une haine non dissimulée qui me bouleversa. A l’affu, il guettait le moindre de mes gestes, comme s’il avait peur de moi.

Le comportement d’Alakhiel m’intrigua et ce ne fut qu’à cet instant que le voile qui obscurait ma conscience se dissipa. Subitement, tout me revint en mémoire, le geste déplacé d’Alakhiel et le viol que je venais de lui faire subir. Aussitôt, je fus pris de violentes nausées et réprimais tant bien que mal une pressante envie de vomir. Je me dégoûtais… Je venais de faire subir à mon amant la même chose pour laquelle j’avais tué Darius… Comment avais-je pu ne pas me rendre compte de ce que j’étais en train de faire ? Comment ais-je pu seulement reproduire cette scène qui hantait si souvent mes cauchemars sur l’homme que j’aimais ? Je me sentais si sale et terriblement honteux… Alakhiel parviendrait-il à me pardonner un jour ce que je venais, malgré moi, de lui faire subir ? J’en doutais fortement… Moi-même, j’avais tué mon créateur pour cela, et voilà que je commettais le même crime… Je me dégoûtais…

Lentement, je me redressais et avançais prudement vers Alakhiel, m’arrêtant aussitôt lorsque je le vis se coller plus qu’il n’était possible contre le mur :

- Alakhiel, soufflais-je, d’une voix emplie de honte et de remords

- Ne t’approche pas ! Siffla-t-il d’une voix glaciale.

J’aurai pu passer outre cette interdiction, cependant, je n’en fis rien. Je restais immobile sans savoir que dire ni que faire. Après un temps qui me parut interminable, je déclarais alors, la seule chose qui me venait à l’esprit :

- Je… Je suis désolé, Alakhiel.

Alakhiel ne répondit rien, mais son regard parlait pour lui. Je compris alors que rien de ce que je pouvais dire ou faire le ferait me pardonner. Et cela, je ne pouvais m’en prendre qu’à moi-même. J’étais l’unique responsable de ce qui était en train de se passer. Certes, j’avais prévenu Alakhiel de ne pas aller plus loin, sachant pertinament que je ne pourrais contrôler mes réactions, mais cela n’excusait pas tout… Que lui avait-il prit ? Pourquoi était-il passé outre mes mises en garde ? Je ne comprenais pas. Se pouvait-il qu’il me désire de cette manière ?

Je n’aurais su dire combien de temps je restais ainsi à l’observer, guettant une faille dans ses défenses qui me permettrait de l’approcher. Finalement, au bout de quelques temps, je dus me rendre à l’évidence. Il ne me laisserait plus l’approcher. A contrecoeur, je ramassais mes affaires et me détournais de lui, m’installant sur le lit de fortune que nous avions préparé quelques heures plus tôt. Cependant, je ne pris pas toute la place, m’installant sur le bord, l’invitant ainsi à venir me rejoindre s’il le souhaitait, bien qu’au fond de moi, je savais pertinament qu’il ne le ferait pas.

J’entendis Alakhiel esquisser un rire nerveux face à mon comportement. Je me tournais alors vers lui, de façon à l’observer. Nos regards se croisèrent et ne se quittèrent plus. Je tentais alors de lire en lui et c’est non sans surprise que je sentis Alakhiel n’opposer aucune résistance. Sondant ses sentiments, je prenais alors conscience de l’ampleur de son traumatisme. Désormais, je n’avais plus la moindre chance, aussi infime soit-elle, de me faire aimer de lui… Durant les siècles qui me restaient à vivre, je serais condamné à vivre un amour à sens unique et tout cela, c’était entièrement ma faute. Cette constatation me donnait presque envie de pleurer. Depuis quand étais-je devenu aussi pathétique ?

Soudain, je sentis Alakhiel me rejeter de son esprit avec une telle haine que cela me fit sursauter. Son regard ancré sur moi ne me lachait plus et pour la première fois de ma vie, après Darius, ce fut moi qui détourna les yeux. L’amour que je vouais à Alakhiel m’avait-il rendu si faible que je ne pouvait plus, désormais, surpporter ses regards accusateurs ?

Finalement, au bout d’un moment, ne supportant plus toute la haine et le mépris que m’adressais Alakhiel, je finis par le détourner de lui, à contrecoeur. Toute la journée durant, je ne parvins pas à trouver le sommeil, sentant dans mon dos le regard accusateur et assassin de ma créature. Lorsque la nuit arriva enfin, je l’entendis se relever prestement et s’habiller rapidement avant de m’abandonner, sans un regard en arrière.

Durant les jours qui suivirent je perdis toute notion du temps. Je n’avais aucune idée de l’endroit où avait pu se rendre Alakhiel. Etait-il toujours en ville ? Etait-il partit ? Tout ce que je souhaitais c’était qu’il continue de faire attention au conseil et à ses assassins. Il n’était pas de taille à lutter contre eux, mais il pourrait au moins se défendre un minimum. Depuis le départ de ma créature, jamais je ne m’étais sentis aussi seul… Moi qui me targuais d’être un solitaire et de n’avoir besoin de rien ni de personne, je me retrouvais à me languir de la présence de mon amant. Sans lui, la vie me paraissait fade et sans importance. Même le plaisir de chasser n’était plus là, et chaque soir, je devais me faire violence pour sortir me nourir un minimum, alors qu’au fond de moi, et pour la première fois depuis bien longtemps, je ne souhaitais qu’une seule chose, que la mort vienne me délivrer du mal être qui était le mien depuis le départ de ma créature.

Le bruit et les odeurs de la ville qui, quelques jours auparavant éveillaient encore en moi des émotions toutes plus diversifiées les unes que les autres, à présent n’avaient plus aucun atrait. Je ne voyais plus l’utilité de continuer à déambuler sans but comme une âme en peine. La fois précédente, j’avais eu Indra pour m’aider à remonter la pente, pour retrouver cette part d’humanité que j’avais délibérément enfoui au plus profond de moi-même. Mais maintenant que je n’étais plus cette bête sanguinaire que j’avais été, maintenant que des sentiments que je n’avais encore jamais connu étreignaient mon coeur, des sentiments qui me terrifiaient, qu’allais-je devenir ? Qui serait là pour m’aider à apprendre cet inconnu qui s’offrait à moi ? J’avais compté sur l’humanité d’Alakhiel pour m’aider à comprendre, mais à présent qu’il était partit, qui serait là pour moi ?

Alakhiel avait rompu la connexion mentale qui nous liait, le rendant ainsi totalement impossible à localiser. Et même si je savais où il se trouvait, il n’était pas certain que j’eu fais le premier pas pour aller le retrouver. J’étais peu être en tord, mais ramper à ses pieds comme un misérable pouilleux n’était pas dans mes habitudes et ce n’est pas demain la veille que je commençerais. J’étais peu être l’être le plus lamentable et le plus pathétique qu’avait jamais connu cette terre, mais il me restait tout de même quelque chose que beaucoup d’hommes et de femmes oubliaient à un moment ou un autre de leur vie, la dignité. Moi, malgré toutes les épreuves que la vie m’avait fait endurer, je pouvais me vanter d’avoir toujours gardé en moi cette étincelle que même Darius n’avait jamais réussit à éteindre. Certes il l’avait affaibli, mais jamais elle n’avait disparut.

Je ne sais ce qui m’incita ce soir là à parcourir les rues du quartier malfamé de la ville, là où les bordels florissaient et où la racaille se mélangeaient aux gentilshommes pour une nuit de débauche. Les rues grouillaient de prostituées, de toute race et de tout âge, allant de la vieille catin vulgaire imunisée à tout ce qu’elle pouvoir voir et entendre, à la jeune paysanne perdue qui débarquait dans un monde qui bientôt, n’aurait plus aucun secret pour elle, celui du sexe contre de l’argent.

Sans savoir ce qui me poussait à entrer, je pénétrais dans le hall luxurieux d’un bordel visiblement réputé. Inexpliquablement, quelque chose semblait m’attirer en ce lieu. Peut-être était-ce l’odeur du sang que m’emplissait les narines, où bien était-ce autre chose. Quoi qu’il en soit, le résultat fut le même. Au premier étage, je me dirigeais au fond du couloir, jusqu’à une pièce d’où provenait une musique qui aurait fait frémir d’horreur un saint homme et d’où l’odeur du sang semblait provenir.

Lentement, le coeur battant à tout rompre, anxieux à l’idée du spectacle qui allait s’offrir à moi, je poussais lentement la porte. Rien n’aurait pu me préparer à la vision d’horreur qui s’offrit alors à moi. Alors que mon regard parcourait la chambre, mon coeur s’emballa violemment dans ma poitrine lorsque je vis Alakhiel, étendu nu et offert sur un lit de luxe, savourant les caresses buccales d’un jeune éphèbe qui allait et venait avec un enthousiasme certain sur son sexe, tandis qu’un homme et une femme semblaient se battre pour recevoir ses faveurs. Dans un coin, un peu en retrait, une femme dont le visage me parut vaguement familier, se déshabillait lascivement au son de la musique qui m’avait intrigué un peu plus tôt.

L’espace d’un instant, je restais pétrifié d’horreur face à ce spectacle que m’offrait Alakhiel. Puis, rapidement, l’épouvante disparut de mon coeur pour laisser place à une fureur que je n’avais encore jamais ressentis. Mes poings se crispèrent d’une telle force que mes ongles que j’avais longs se plantèrent dans ma paume, perçant ma chair jusqu’au sang. Cependant, je ne ressentais pas la douleur. Embrasé par la rage, le regard fou, je me précipitais en un éclair sur chacune des personnes présentes dans la pièce et les égorgeaient avec violence. Je voulais voir leur sang se répandre sur le sol. Attrapant l’européenne à la gorge, les yeux injectés de sang, je me tournais alors vers ma créature et plongeant mon regard dans le sien empli d’horreur, je lui arrachais la tête avant de laisser son cadavre retomber lourdement sur le sol en un bruit sourd.

A présent, moins d’une minute après mon apparition dans la pièce, il ne restait que lui et moi.

- Rhabille-toi ! Déclarais-je sur un ton qui contenait mal toute la fureur qui m’habitait, en lui lançant ses vêtements.

Heureusement pour lui, Alakhiel ne tenta pas de protester à mon ordre. Dans l’état dans lequel je me trouvais, qui sait ce qui aurait bien pu lui arriver ? Sans doute l’aurais-je achevé comme je venais de le faire avec les quatre personnes dont les cadavres refroidissaient déjà sur le sol. C’est avec satisfaction que le je vis s’exécuter sans prononcer le moindre mot. Comprenait-il ce qu’il risquait à me contredire ?

- Suis-moi ! Claquais-je avec fureur, ne parvenant pas à décolérer, une fois qu’il fut habillé.

Heureusement pour nous, les catins et les ivrognes ne firent pas attention à nous, si bien que nous pûmes nous éclipser discrêtement sans être vus. Cependant, nous n’avions plus le choix, il nous fallait partir, quitter la ville à l’instant même. Un carnage comme celui que je venais de faire allait faire du bruit et les rumeurs arriveraient bien trop tôt aux oreilles du conseil. Peut-être leurs espions étaient-ils déjà embusqués dans les allées. Me fiant à mon odorat et mon instinct, je tentais de capter la présence de vampires dans les environs, et c’est avec un soulagement certain que j’appris que j’étais seul avec Alakhiel.

Je marchais devant, ouvrant la marche d’un pas rapide, tous les sens en alertes. Cependant, ma fureur était toujours là, la scène à laquelle je venais d’assister ne cessait de me hanter. Parviendrais-je un jour à l’oublier ? Cependant, cela amenait indubitablement une autre question. Depuis combien de temps Alakhiel agissait-il ainsi ? En avait-il été ainsi dès les premiers jours ? A cette simple pensée, à l’idées que d’autres personnes que moi aient pu jouir de la perfection de son corps, je sentis une haine incommensurable s’emparer de moi. Je voudrais pouvoir tous les tuer pour avoir ne serait-ce qu’oser poser les yeux sur lui…

Alors que j’empruntais une ruelle sombre, Alakhiel toujour sur mes talons, il s’exclama subitement sur un ton de défi qui m’hérissa les cheveux sur la nuque :

- Qu’est-ce qui t’as pris ! Je ne suis pas un gamin ! Je ne t’ai rien demandé ! J’ai le droit de mener ma vie comme je l’entends. Et toi ? Tu as peur d’être seul ?

Puis, sans attendre de réponse de ma part, il tourna les talons et prit la direction opposée. Qu’avait-il cru cet imbécile ? Qu’il pouvait me tenir tête et me tourner le dos sans en subir les conséquences ? Pauvre fou ! J’allais lui faire payer le prix fort pour cette leçon qu’il n’oublierait pas d’aussitôt. On ne se moquait pas de moi impudément ! Qu’il se le mette en tête ! Dans un geste si rapide qu’Alakhiel n’eut pas le temps de le voir arriver, je le projettais avec une violence qui aurait tué un humain sur le coup, contre le mur le plus proche. Sous la violence de l’impacte, Alakhiel s’effondra sur le sol. Je l’attrapais alors par les cheveux et le forçait à se redresser alors que mon poing qui me démangeait depuis tout à l’heure, rencontrait enfin sa joue.

Encaissant le coup, Alakhiel me tint tête. Se redressant aussitôt il m’attaqua sans réfléchir. Aveuglé par sa colère, il bondit sur moi. Si je n’étais pas autant énervé, j’aurais ris de sa pathétique tentative d’attaque. Vraiment, c’était pitoresque ! Il eut à peine le temps de me griffer la joue, m’effleurant du bout des ongles que je l’envoyais de nouveau rencontrer le mur, sa tête le heurtant brutalement. A moitié inconscient, il s’effondra sur le sol. En un bond empli d’une grace féline, je me tenais au dessus de lui. Là, laissant libre court à ma fureur, aveuglé par ma rage, je le griffais, criant ma colère, le rouant de coups. J’étais devenu une véritable furie. Les images de la scène dont j’avais été témoin un peu plus tôt ne faisaient qu’attiser ce sentiment de démence.

Puis, mon instinct prenant le dessus, il me fallait le marquer. Il me fallait le faire mien. Il était à moi et à personne d’autre. Les cros étincellant sous la lumière de la lune, je fondis sur son cou offert. Sans la moindre douceur, je plantais mes cros dans la chair tendre et délicate de son cou, lui déchirant la gorge. Aussitôt, son sang vint inonder ma bouche, attisant ma soif. A grande gorgées, j’aspirais son sang sans le moindre égard pour lui. Le liquide carmin s’échappait de mes lèvres, coulant dans mon cou et sur nos vêtements, mais je n’en avais cure. Tout ce qui m’importais, c’était la douceur suave de son sang. Enivré par son onctuosité, j’aspirais toujours plus fort, vidant ma créature de son fluide vital. Je ne repris conscience que lorsque je sentis son coeur ralentir de façon dangeureuse. Si je n’arrêtais pas tout de suite, j’allais le tuer… Ma soif de sang était loin d’être assouvie et mon instinct de prédateur me hurlait d’achever ma proie, de la vider de son sang jusqu’à la dernière goutte, mais de l’autre côté, mon coeur souffrait déjà à l’idée de perdre Alakhiel pour toujours. Sans que je ne m’en rende compte, il m’avait enchaîné à lui…

Luttant de toutes mes forces contre mon désir de sang, je me redressje sais vivement et d’un geste reflétant mon habitude, je m’entaillais la veine du poignet avant de le plaquer contre les lèvres de mon amant. Il fallait à tout prit stopper l’hérmoragie et seul mon sang pourrait le sauver. A la vitesse ou le sang s’échappait de sa blessure, il n’en avait plus que pour quelques minutes à vivre.

Lentement, il commença à aspirer mon sang, revenant doucement à la vie et c’est avec un soulagement que je n’osais m’avouer que je vis la blessure se refermer et le sang s’arrêter de couler. Lorsque je le jugeais suffisament remi pour que la blessure ne se rouvre pas, je repris mon poignet et d’un coup de langue, je cicatrisais la plaie. Puis, avisant Alakhiel toujours évanoui, ma colère étant momentanément retombée, je soupirais, maudissant ma propre lacheté et le prit dans mes bras afin de le porter à l’abris, les premières lueurs de l’aube n’allant pas tarder à faire leur apparition.

Je revenais d’une chasse fructueuse et comme chaque heure, j’allais voir si Alakhiel était réveillé. J’avais trouvé refuge dans un ancien abattoire et enfermé Alakhiel dans ce qui ressemblait fortement à une chambre froide où la viande était entassée après dépeçage. L’odeur qui y régnait était des plus nauséabondes, mais après une journée passée dans ce trou à rats, je n’y pretais plus attention. Lorsque j’ouvris la porte dont la seule poignée était à l’extérieur, ce qui empêchait toute fuite à ma créature, je sus instanément qu’Alakhiel était réveillé.

Pénétrant dans la salle, je déclarais alors, d’un ton glacial et suppérieur, afin qu’il apprenne enfin où était sa place :
- J’espère que tu as compris la leçon, misérable raclure. Si tu te voyais, tu es comme à ton habitude : pitoyable et pathétique.

Tentant de se redresser, Alakhiel demanda alors :

- Qu’est-ce que tu m’as fait ? Où est-ce que je suis ?

- Dans un lieu dont tu ne pourra pas t’échapper ! Répondis-je. Et ce n’est pas à toi de poser des questions, Alakhiel, crachais-je, toute ma fureur, contenue depuis la veille, revenant au galop.

Je m’approchais alors de lui afin de mettre les choses au clair et subitement, contre toute attente, il se redressa brusquement et se plaqua contre le mur derrière lui tout en me menaçant de ses cros en un geste agressif :

- Ne t’approche pas de moi ! Cria-t-il avec hargne.

Subitement, surpris par cet excès de fureur, je m’arrêtais et l’observais, tentant de comprendre ce qui lui arrivait. L’observant attentivement, je pus voir qu’il tremblait de tout son être, comme s’il luttait contre un démon intérieur. Surpris et déstabilisé, je demandais, retrouvant instantanément mon calme :

- Qu’est-ce qui t’arrives Alakhiel ? Pourquoi es-tu devenu comme ça ?…

Comme je m’y attendais, il ne répondit rien, se contentant de se plier en deux sous l’effet d’une douleur que je ne comprenais pas. Tremblant, il releva la tête vers moi et m’adressa un regard insolent que j’ignorais royalement. Soupirant, j’esquissais un geste dans sa direction avant de m’arrêter. Tournant les talons, je déclarais alors :

- Je te laisse le temps de réfléchir à ce que tu es devenu Alakhiel. N’essaye pas de fuir, c’est impossible.

Sur ces mots, je sortais en claquant violemment la porte derrière moi. Durant les nuits qui suivirent, le réitérais la même question, le laissant patauger pour trouver la réponse. Je n’avais ni l’envie ni le coeur à l’aider et le voir ainsi ne faisait qu’attiser la colère sourde qui grondait en moi. Tout cela était de sa faute ! Parfois dans la journée, j’entendais l’écho sinistre de ses hurlements retenir dans les souterrains et j’en éprouvais une certaine jouissance. J’étais quasiment certain qu’il craquerait bientôt.
Une nuit, une semaine exactement après l’avoir ramené, j’allais le retrouver. En silence, j’ouvris la porte et entrais dans la pièce. Je restais un instant immobile et silencieux, me contentant de l’observer. J’éprouvais un mélange de malaise et de dégoût à la vue de cette loque qu’était devenu ma créature. Je tentais alors de lui parler, mais plongé dans une sorte de transe, il sembla ne pas m’entendre. Soudain, avec une force dont je ne me serait pas douté au vue de son état, il se précipita sur moi, les cros à découverts, les yeux injectés de sang dans lesquels brillait un éclair de folie. Qu’était-il donc devenu ?
Cependant, il n’était pas assez rapide et j’eu le temps de le voir venir. Repensant à l’idée qui venait de m’effleurer l’esprit, j’arrachais ma chemise avant qu’Alakhiel ne soit sur moi et la jetais sur ma droite. Aussitôt, Alakhiel changea de direction et saisit ma chemise en plein vol. Et comme une personne ayant développé une dépendance à l’opium, cette drogue qui faisait fureur depuis quelques temps, il se mit à lécher la tache de sang qui maculait ma chemise. A cette vision, je ne pus réprimer une grimace de dégoût.
Me reprenant aussitôt, je m’approchais de lui et doucement, je posais ma main dans ses cheveux, otant une mèche collée à son front par la sueur. A bout de forces, Alakhiel vascilla et je le rattrapais avant qu’il ne s’écrase sur le sol.
Avec une douceur qui me surpris, je lui enlevais les lambeaux de ma chemise des mains. L’air grave, je le contemplais, ne pouvant réprimer un élan de tristesse qui me compressait le coeur. Qu’avais-je donc fait ? Qu’était-il donc devenu ? Avais-je donc finalement fait de lui une bête sanguinaire ? J’avais déjà eu écho de vampires devenus fous, était-ce ce qui était arrivé à Alakhiel ?
L’espace d’un instant, je détournais le regard afin qu’il ne puisse pas voir la douleur qui déformait mes traits. Puis, me reprenant, je reportais mon attention sur lui et lui caressait tendrement la joue. Dans l’état d’épuisement dans lequel il se trouvait, je ne craignais rien de lui. Il aurait été incapable de me faire le moindre mal. Plongeant mon regard dans le sien, je dévoilais alors mes cros. Sous l’effet de la colère, j’avais déjà souhaité la mort de ma créature. Mais en cet instant, alors que je m’apprêtais à lui ôter la vie, je n’aurai jamais cru que cela serait tellement difficile. Cependant, je ne pouvais le laisser vivre ainsi… Il était bien trop dangeureux et incontrôlable.
Usant de toute la force de ma volonté, je raffermis mon étreinte autour de son corps épuisé et lui adressais un dernier regard empli de toute la tendresse que j’éprouvais pour lui. Je ne pouvais croire que l’Alakhiel que je connaissais avait disparut pour laisser place à ce monstre… C’était impensable… Pas lui… Cependant, je devais me rendre à l’évidence. L’Alakhiel que je connaissais, était mort en même temps qu’une partie de moi.
Prenant mon courage à deux mains, j’esquissais alors une lente descente vers son cou. Je préférais encore le tuer de moi-même plutôt que de le voir tomber entre les mains du conseil, ou pire… Alors que je n’étais plus qu’à quelques milimètres de sa jugulaire qui palpitait sous mon nez, je sentis une humidité étrange couler le long de ma joue. Alors que mes cros effleuraient sa peau laiteuse, je me stoppais immédiatement mon geste et me redressais. Incrédule, j’observais le sillon que la larme de ma créature avait creusé sur sa joue maculée de crasse. Du bout des doigts, d’un geste hésitant reflétant toute mon incompréhension, je retraçais le sillon qu’avait laissé l’unique larme qu’il avait versée, partant de son menton où elle allait se perdre, jusqu’à son oeil qui me fixait avec une lueur d’espoir.
- Alakhiel ?… Murmurais-je, ne sachant plus quoi penser, d’une voix tremblante d’émotion.
D’autres larmes suivirent alors le chemin emprunté par la première. La gorge sèche et la voix rauque, Alakhiel déclara douloureusement :
- Sauve moi, Ezekiel…
A ces mots, mon coeur s’emballa brusquement. Que signifiait cette supplication ? Souhaitait-il vraiment que je l’achève ? Le coeur lourd, luttant contre les larmes qui menaçaient de s’échapper de mes yeux, je me penchais alors vers lui, reprenant mon geste où je l’avais arrêté. Seulement, je me refusais à l’achever avant d’essayer de lui faire comprendre. Comprendre les sentiments que je nourrissais pour lui. Déviant de ma trajectoire première, je déposais alors mes lèvres sur les siennes en un chaste baiser à travers lequel je fis passer toute la tendresse que je ressentais pour lui.
Retenant de plus en plus difficilement mes larmes, je me redressais et ancrant mon regard au sien, je déclarais alors, d’une voix suppliante que je ne me connaissais pas, le coeur compressé par la douleur :
- Ne m’abandonne pas, Alakhiel…
Prenant une respiration profonde, je l’attirais contre moi, alors qu’il posait sa tête sur mon épaule. Troublé, je murmurais, tout en le bercant inconsciement :
- Je suis désolé, Alakhiel… Désolé pour ce que je t’ai fait…
Je n’aurais su dire combien de temps nous restâmes ainsi enlacés, jusqu’à ce que finalement, Alakhiel sombre dans l’inconscience. Je n’avais pas le coeur à le tuer… Mon amour pour lui était bien trop fort. Qui l’aurait cru ? Certainement pas moi… Délicatement, je le pris dans mes bras, et quittais cet endroit.
Je ne sais pas combien de temps je marchais dans la nuit, portant Alakhiel, le gardant serré tout contre moi. Quelques heures avant le lever du soleil, je trouvais une vieille batisse anglaise abandonnée au milieu de la jungle. Estimant qu’elle ferait un abris potable pour les prochaines heures à venir, j’y entrais et partis à la recherche d’une chambre. Là, je déposais délicatement Alakhiel sur le lit et après avoir découvert une malle pleine, je pris le temps de le laver et le changer, avant de m’occuper de moi. Puis approchant un fauteuil qui meublait le coin de la pièce, je m’installais à son chevet. Le temps passa, interminable, durant lequel je songeais aux évênements qui venaient de se produire. Jamais je n’aurais du me laisser guider par les sentiments que je vouais à Alakhiel… J’aurais du écouter ma conscience qui me dictait de l’achever sans tarder, et au lieu de cela, j’avais tout simplement signé notre arrêt de mort… Si nous venions à nous faire attraper par le conseil, il ne ferait aucun doute que je ne serais plus en mesure de lutter, surtout si, comme aujourd’hui, mes sentiments venaient prendre le dessus sur ma raison. Etais-je moi aussi, en train de devenir fou ?
En fin de compte, je dus sombrer dans le sommeil sans m’en rendre compte, car je me réveillais en sentant un regard insitant posé sur moi. Ouvrant prudement les yeux, je vis qu’Alakhiel était enfin réveillé.
- Tu te réveilles enfin ! Déclarais-je, alors, faisant involontairement sursauter mon amant.
Sans attendre de réponse, je m’entaillais le poignet, déclarant posément :
- Il faut que tu manges, Alakhiel et j’ai trouvé une solution, déclarais-je.
Tout compte fait, mes quelques heures de repos avaient été bénéfiques.
- Je… Je ne veux plus de sang, bafouilla Alakhiel, la voix rendue rauque par sa gorge sèche.
- Ne dis pas de bétise ! Tranchais-je, conscient que son corps criait l’inverse de ce qu’il osait éhonteusement affirmer.
Sans lui laisser le choix, je collais mon poignet contre ses lèvres, le forçant à aspirer le sang qui s’en échappait. C’est avec une satisfaction évidente que je vis Alakhiel rendre les armes et attraper mon poignet pour en aspirer le sang avec conviction, allant même jusqu’à gémir de plaisir. Après quelques gorgées de sang, suffisament pour appaiser sa faim, je retirais mon poignet et léchais la morsure afin d’accélérer la cicatrisation. Rageusement, Alakhiel grogna en claquant des dents, signe de son mécontentement.
- Cela suffit pour le moment, Alakhiel, déclarais-je patiemment. Dans ton état, il ne t’en faut pas plus.
Puis, me moquant de ses protestations, je pris place sur le lit à côté de lui et déclarais :
- Voici les nouvelles règles ! Premièrement, tu ne sors pas d’ici sans moi et crois-moi, même si je ne suis pas là, je le saurais. Deuxièmement, tu ne te nourris plus seul. Comme tu ne sais plus te maitriser, je te donnerais tes repas jusqu’à ce que je te juge capable de te débrouiller sans moi. Des protestations ? Ajoutais-je, un sourire gentillement moqueur étirant mes lèvres, amusé de voir son air effrayé.
L’instant suivant, Alakhiel baissait la tête, détournant le regard et demanda :
- Pourquoi ne m’as-tu pas tué ?
A cette question, je réprimais un sursaut de surprise. Cependant, je ne répondis rien, me contentant de lui sourire. Puis, sans un mot, je me levais et quittais la pièce. Moins d’une heure après, j’étais de retour dans la chambre. Malgré moi, j’étais inquiet pour ma créature et je n’osais le laisser seul trop longtemps. Qui sait ce qui pouvait se passer…
Lorsqu’Alakhiel ouvrit les yeux, la nuit était tombée depuis quelques heures déjà, et je venais de rentrer d’une chasse fructueuse. J’en avais profité pour écouter les rumeurs de la ville quant au carnage dont j’étais responsable, tentant de repérer l’hypothétique présence d’un ou plusieurs assassins du conseil. Fort heureusement, le propriétaire du bordel était resté discret sur le massacre, ne souhaitant pas alerter les clients et ainsi ternir sa réputation. Et d’après mes sources, aucun membre du conseil n’avait été repéré. Je pouvais faire confiance aux rumeurs nocturnes, les vampires étant les premiers informés de tout ce qui se passait.
Sans un mot, je portais mon poignet à mes lèvres et l’entaillais d’un coup de dents avant de le présenter à ma créature qui, cette fois-ci, ne rechigna pas à se nourrir. Comme la fois précédente, je lui repris mon poignet avant que sa soif ne soit entièrement comblée. Tout son être me criait de lui accorder quelques gorgées supplémentaires, mais je le lui refusais. A contrecoeur, je me levais du lit pour aller prendre place dans le secondque j’avais ammené un peu plus tôt.
Au fond de moi, je ressentais un besoin physique de le sentir tout contre moi, mais après ce qui s’était passé, je ne m’en sentais pas le droit et je ne pouvais m’en prendre qu’à moi-même… Cependant, mon attention fut attirée par de bruit discrêt de pas sur le sol suivit d’un bruit de chute. Pourtant, je ne bougeais pas. L’instant d’après, je sentis le matelas s’affaisser tandis qu’Alakhiel se glissait sous les couvertures et, sans un mot, vint se coller contre moi.
Surpris, je ne fis cependant aucun geste pour le rejeter. Au contraire. Je me tournais alors vers lui, m’installant plus confortablement, afin d’avoir mon visage au niveau du sien. Sans que je ne m’en rende compte, un sourire vint alors étirer mes lèvres tandis que je l’observais. Le silence nous entourait, mais en cet instant, nous n’avions pas besoin de mots. Délicatement, je passais mon bras autour de sa taille et l’attirais vers moi, comme pour me rassurer de sa présence. Puis, avec une tendresse qui ne cessait de m’étonner, je déposais délicatement mes lèvres sur les siennes en un baiser des plus chastes.
Du bout des doigts, je caressais la nuque de ma créature et bientôt, je me laissais griser par la saveur de ses lèvres et entrepris d’approfondir le baiser tout en me collant davantage à lui, en proie au désir. Aussitôt, Alakhiel me repoussa vivement, tombant à moitié du lit. Subitement, il se releva et retourna se recroqueviller dans le sien. De mon côté, je n’en menais pas bien large, déstabilisé par son comportement. Voyant Alakhiel se recroqueviller sur lui-même, j’eu subitement honte de moi. Je quittais alors mon lit et, priant pour ne pas me faire rejeter, j’allais rejoindre ma créature. Avec toute la douceur dont j’étais capable, je le pris dans mes bras et l’attirais tout contre moi. C’est avec soulagement que je constatais qu’Alakhiel se laissait faire, malgré une certaine méfiance à mon égard.
Cependant, voyant que je n’esquissais aucun geste déplacé, me contentant de le garder tout contre moi, il finit par se détendre, sa tête posée sur ma poitrine. Dans un murmure à peine audible, je déclarais alors avec sincérité :
- Je suis désolé Alakhiel… Je suis désolé que tu sois devenu ainsi à cause de moi…
Alakhiel ne répondit pas tout de suite, si bien que l’espace d’un instant, je me demandais s’il ne s’était pas déjà endormis. Je fus vite détrompé lorsque qu’il déclara à son tour, d’une voix emprunte de franchise :
- Ce… C’est à cause de moi Ezekiel. Je… J’ai peur…
A ces mots, je posais mes mains sur les épaules de ma créature, afin de l’inciter à me regarder. Ce qu’il fit avec hésitation.
- Tu as peur de moi ? Demandais-je, me sentant subitement blessé par une telle idée.
Comme pour me détromper, Alakhiel répliqua rapidement :
- Non… J’ai peur de moi… De ce que je suis devenu…
Je pouvais sentir toute la peur qu’il ressentait dans sa voix, et même si je n’osais pas le lui avouer, moi aussi j’avais peur. Pas de lui, mais pour lui… J’avais peur de ce qui pourrait arriver si j’échouais, si je ne parvenais pas à le sauver… Peur de devoir mettre fin à sa vie… Inconsciement, je raffermis ma prise autour de son corps et déclarais dans un souffle :
- Alakhiel… Je suis là… Tu peux compter sur moi…
Puis, après un temps de silence, rongé par la curiosité et la jalousie, je finis par demander, un peu gêné tout de même :
- Qu’est-ce qui t’a prit de coucher avec tes victimes ?
Comme je m’y attendais, Alakhiel ne répondit rien et s’écarta de moi. Alors que je m’attendais à le voir me tourner le dos, il plongea son regard dans le mien. Encouragé, j’ajoutais :
- Et cette folie meurtrière… Qu’est-ce qui t’a pris, Alakhiel ?
- Je… Je ne sais pas, répondit-il, visiblement mal à l’aise en baissant les yeux. Je… J’ai du me laisser séduire par le sang… J’avais déjà eu ce genre de… crises… Avant que nous partions en Inde… Et une fois que nous sommes arrivés… Je… Je t’ai caché mon état, Ezekiel…
- Pourquoi ? Pourquoi ne pas m’en avoir parlé au lieu d’en arriver à cet état ? Demandais-je, alors, profondément déçu et blessé, tentant de ne rien laisser transparaître de mes sentiments, mais aussi agacé par son manque de confiance en moi.
- Je… J’avais honte… Alors que j’ai toujours exécré à tuer comme cela… J’ai fini par le faire le plus bassement possible.
- Imbécile ! Claquais, définitivement agacé. Tu aurais pu m’en parler plus tôt, je t’aurai aidé ! Tu n’en sderais pas arrivé là !
- Les chose ne sont pas si faciles ! Contra Alakhiel en haussant le ton. Je pensais pouvoir gérer mes propres problèmes. Je suis déjà assez un fardeau pour toi…
- Tu n’es pas un fardeau ! M’exclamais-je sans vraiment m’en rendre compte.
Alakhiel se redressa alors et s’exclaffa d’un rire sans joie :
- Rien que maintenant je suis pire que cela ! Je suis devenu incontrôlable ! J’en suis à un tel point que j’ai besoin d’être surveillé et enfermé ! Comme si nous n’avions pas assez de problèmes ! Ezekiel, reprit-il plus calmement, si un humain était dans cette pièce, je serais fou…
Dans le but de lui faire comprendre mon irritation, je soupirais bryuament avant de répondre, las de cette discussion stérile :
- Ce n’est que temportaire, Alakhiel. Crois-moi, tu vas guérir… Si tu ne le peux pas, personne n’en est capable…
- J’espère, souffla-t-il à l’évidence peu convaincu.
L’attirant de nouveau contre moi, je l’embrassais sur le front, en un geste qui me surpris autant que lui.
- Dors Alakhiel, souffais-je, alors. Tu en as grand besoin…
L’instant d’après, j’eu la satisfaction de le voir s’endormir, blotti tout contre moi. Bientôt, je finis par l’imiter, sombrant moi aussi dans un sommeil profond et sans rêves. Depuis que j’avais commencé à veiller Alakhiel, je n’avais pas énormément dormi, mais le savoir là, paisiblement endormi entre mes bras me rassura et je me laissais gagner par un sommeil bienfaiteur.
Lorsque je me réveillais de nouveau, je reportais mon attention sur Alakhiel. Il semblait dormir profondément et j’en fus apaisé. Du bout des doigts, je replaçais une mèche rebelle derrière son oreille. L’espace d’un instant, je le regardais dormir avant de finalement consentir à me lever. Aujourd’hui, j’allais tenter quelque chose…
Sans un bruit, je quittais la chambre et après m’être rapidement rafraîchi, je sortais de la maison. La nuit était tombée depuis quelques heures à peine. Lorsque j’arrivais en ville, comme tous les soirs, je tentais d’en apprendre plus sur les rumeurs qui couraient et comme tous les soirs, aucune nouvelle inquiétante ne se profilait à l’horizon. Au fond de moi, je ne savais pas si je devais m’en réjouir ou m’en inquiéter… Dans tous les cas, je me fiais à mon instinct et restais sur mes gardes… J’étais persuadé que cette histoire était loin d’être terminée…
Après m’être convenablement nourris, je partis en quête d’une proie pour Alakhiel. La chance me sourit car sur le chemin du retour, je tombais sur une jeune femme vêtue pauvrement. Sans doute une pauvre fille rejetée par sa famille. Elle était couverte de boue et de l’herbe se mêlait à ses cheveux, mais elle ferait l’affaire. Sans même prendre le temps d’user de mon pouvoir hypnotique, je sautais à la gorge de la jeune femme qui hurla de terreur en me voyant. Posant une main puissante sur sa bouche, je la contraignais au silence avant de planter mes canines dans la peau fragile de son cou. Je lui prenais juste assez de sang pour l’affaiblir et lorsqu’elle fut inconsciente, je la pris dans mes bras et la portais jusqu’à notre refuge.
Lorsque j’arrivais, ma victime se réveillait. L’air complêtement hargard et déboussolé, c’est à peine si elle avait conscience de quoi que ce soit. Parfait, c’était mieux ainsi. L’instant suivant, je pénétrais dans la chambre avec la satisfaction de voir qu’Alakhiel était réveillé. Réveillé, mais l’air complêtement paniqué, terré de l’autre côté de la pièce. L’ignorant, je déposais la jeune femme sur son lit et m’éloignais de quelques mètres. Soudain, comme s’il ne se contrôlait plus, Alakhiel se précipita vers la jeune femme, tous cros dehors. Alors qu’il n’était plus qu’à quelques centimètres d’elle, je fermais les yeux et tentais de m’imiser dans son esprit. Cela sembla fonctionner car rouvrant les yeux, je vis Alakhiel se débattre comme un dément avec ce qui semblait être un mur invisible qui l’empêchait de se ruer sur sa victime.
Fou de rage, il réitéra son geste encore et encore, avec le même résultat. Ce ne fut qu’après de nombreuses tentatives toutes ponctuées d’échecs, épuisé, qu’il finit par abdiquer. J’esquissais alors un sourire de satisfaction. La seconde suivante, j’avais mes cros plantés dans son cou et aspirant son sang, je l’achevais en un rien de temps. Laissant retomber son cadavre, je reportais mon attention sur Alakhiel, l’observant avec attention. Je lui parlais, mais il semblait ne pas entendre ce que je lui disais. Avant même qu’il ne s’effondre, je le rattrapais et m’asseyais à même le sol tout en le gardant dans mes bras.
Là, comme chaque soir, je m’entaillais le poignet et le lui présentais. Cependant, trop faible, c’est à peine si Alakhiel en prit conscience. Patiemment, je portais mon poignet à ses lèvres afin de l’inciter à y boire le sang qui s’échappait de la plaie. Cette fois-ci, je lui permis de satisfaire davantage sa faim et lorsque je retirais mon poignet des lèvres de ma créature, il ne chercha pas à le retenir. Semblant retrouver tous ses esprits, Alakhiel s’écarta alors vivement de moi, m’arrachant un petit sourire amusé.
- Encore quelques exercices de ce genre et tu sera prêt à sortir, Alakhiel. Comme je te l’ai dit hier, tant que tu restes à côté de moi, il ne se passera rien.
- Justement, rétorqua-t-il, c’est uniquement parce que tu es là. Sans toi, je ne suis qu’un monstre…
- Laisse-toi du temps, Alakhiel, soupirais-je, fatigué de l’entendre sans cesse ressasser les mêmes arguments. La guérison peut être un long processus…
Alakhiel ne répondit rien à cela et j’en profitais pour me relever :
- Je pense que tu t’es assez nourri, si nous passions à ton entraînement.
S’il parut surpris, il n’en montra rien. Se levant, il me fit face et l’instant d’après, je reprenais l’entraînement de ma créature.
Les jours défilèrent ainsi. Alakhiel ne sortait pas et pour ma part, je m’absentais uniquement pour aller chasser et reccueillir discrêtement d’hypothétiques renseignements.
Chaque soir, nous répétions encore et encore le même exercice. Et chaque soir, Alakhiel faisait des progrès considérables, même si je me gardais bien de le lui dire. Je me contentais de lui demander toujours plus d’efforts, persuadé qu’il pouvait faire mieux que ce qu’il faisait déjà. Après son entraînement, notre rituel consistait à nous laver avant de nous coucher, dans le même lit. Alakhiel semblait accepter de plus en plus ma présence à ses côtés, et avait mis de côté sa réserve pour se laisser aller à mes chastes étreintes.
Je laissais tomber le corps sans vie de ma victime sur le plancher au pas de la porte. Pour la première fois, Alakhiel avait résisté. Satisfait et fier, je lui adressais un large sourire qu’il me rendit en vascillant légèrement. En guise de récompense, je lui laissais boire davantage de sang que je ne lui accordais habituellement. Ce soir-là, ce fut lui qui referma la plaie de mon poignet, d’un coup de langue délicat. Si ce geste anodin me fit frissonner, je n’en ressentis pas moi un élan de fierté à le voir ainsi se gérer lui-même.
- Sortons ! Tu es prêt Alakhiel et la nuit n’est que brièvement entamée, déclarais-je, alors.
Aussitôt, Alakhiel se mit à paniquer, perdant toute son assurance nouvellement retrouvée :
- Je… Non… Je ne suis pas prêt… Pas si tôt…
- Cesse de geindre ! Répliquais-je, agacé. C’est à moi de décider si tu es prêt ou pas. Si ce choix t’incombait, tu serais encore en train de pourrir dans ce trou dans cent ans.
Visiblement vexé, Alakhiel ne répondit rien. Alors qu’il restait immobile, je le poussais légèrement :
- Passe devant moi, ne t’inquiète pas, je suis là pour te surveiller.
Soudain, j’eu la surprise de voir Alakhiel se retourner pour me faire face. Intrigué, je fronçais les sourcils, ne comprenant pas ce qu’il voulait. Alors que j’allais répliquer quelque chose,  il se pencha vers moi et recouvrit aussitôt mes lèvres d’un baiser. Passé l’effet de surprise, j’entrepris de répondre à son baiser, laissant ma langue aller rejoindre la sienne en un baiser passionné. Finalement, ce fut Alakhiel qui, comme il l’avait débuté, mis fin à ce baiser, s’éloignant de moi, murmurant un simple “merci” avant de me tourner le dos sans plus d’explications.
Nous marchâmes un moment sans croiser personne. Ce n’est que lorsque nous arrivâmes en ville que je sentis Alakhiel devenir de plus en plus instable. Aussitôt, j’entrepris de le raisonner, le bloquant comme j’avais fait jusqu’à maintenant durant ses entraînements. L’effort qu’Alakhiel fournissait semblait vraiment important, car déjà, des gouttes de sueurs perlaient sur son front. Sentant qu’Alakhiel était sur le point de craquer, ayant visiblement surestimé ses capacités, je posais ma main sur son épaule en signe d’apaisement et déclarais :
- Rentrons Alakhiel, ça suffit pour aujourd’hui.
Sans attendre de réponse de sa part, je l’entrainais vivement à ma suite. Durant tout le temps que dura le trajet, il resta obstinément muet. Ce n’est que lorsque nous fûmes arrivés, alors que je refermais la porte derrière nous, qu’il murmura :
- Je n’y arriverai jamais…
- Ne dis pas de bétises ! Claquais-je, las et énervé.
A ces mots, Alakhiel se retourna pour me faire face :
- Non ! Ca ne marchera jamais ! Tu aurais mieux fait de m’abattre !
La colère qui s’insinuait lentement en moi se mit à bouillonner dans mes veines à l’entente de cette affirmation. Alors que j’allais répliquer, je m’arrêtais subitement avant d’avoir prononcé le moindre mot et quittais la maison en claquant la porte derrière moi, le laissant seul. J’aurai pu lui sortir mille répliques et insultes bien senties, mais à quoi bon. Furieux contre moi-même, mais aussi et surtout contre ma créature, je m’éloignais rapidement. J’avais besoin de prendre un peu d’air avant de craquer et de m’en prendre à Alakhiel. Certes, il l’aurait sans doute mérité, mais sans trop savoir pourquoi, je préférais l’éviter. Sans que je m’en rende compte, ruminant ma colère contre la créature, je m’enfonçais dans la forêt. J’avais juste besoin de m’évader. J’avais momentanément abandonné Alakhiel à sa solitude, mais je n’y prêtais aucune importance. Après tout, il était suffisament âgé pour prendre soin de lui. Ou pas…
Subitement, je fus envahi d’un mauvais présentiment… Peut être n’aurais-je pas dû laisser Alakhiel seul ce soir… Inquiet, je marquais un temps d’arrêt avant de finalement reprendre ma course. Après tout, qu’il aille au Diable ! Ce n’était plus mon problème. Je m’étais donné suffisament de mal pour lui, à prendre soin de lui comme on prend soin d’un nouveau-né. Et pour les remerciements que j’en avais…
Soudain, dans l’air, je perçus une odeur trop familière, ainsi qu’une autre que je ne connaissais pas, mais qui ne m’inspirait pas la moindre confiance. Subitement, je stoppais ma course. Mon instinct me hurlais de me méfier de cette odeur. Un vampire inconnu traînait dans les parages. Là, le nez dans le vent, j’humais l’air à la recherche de cette odeur qui m’avait interpelée. Elle était vraiment toute proche… Bientôt, le sentiment de colère qui m’étreignait se mua en une fureur incomparable mêlé à une peur vivace qui me compressa douloureusement la poitrine. Qu’est-ce qu’Alakhiel faisait-il donc dehors ? N’avait-il donc pas senti l’odeur de ce vampire ? De plus l’aube était presque là… Dans un cri de rage, je pris la direction d’où venait l’odeur de ma stupide créature. Que faisait-il aussi loin du manoir ?
Quelques minutes plus tard, je l’apperçu au loin, errant entre les arbres comme une âme en peine. Cet vision décupla ma fureur et l’instant d’après, j’étais à ses côtés, me retenant vivement de lui sauter à la gorge :
- Alakhiel ! Hurlais-je, enragé et essoufflé par ma course folle. Combien de fois je devrais te tirer de la mort ! Je me demande pourquoi je m’acharne ainsi. Je devrais te laisser griller ici !
Semblant se rendre compte de ma présence et ignorant mon éclat de voix, Alakhiel se tourna vers moi, affichant un sourire complêtement idiot. Comment pouvait-il seulement sourire ainsi après la frayeur que je venais d’avoir ? Etait-il à ce point inconscient et abruti ? Sans attendre, je lui assenais un coup puissant sur la tête et l’instant d’après, il sombrait dans l’inconsicence, alors que je rattrapais son corps inanimé.
Là, usant des dernières forces qui me restaient, l’aube étant sur le point de se lever, je me hâtais vers la grotte que j’avais repéré sur le chemin en venant. Lorsque je pénétrais dans la grotte, les premiers rayons de soleil faisaient leur apparition…
Délicatement, je déposais Alakhiel sur le sol de terre humide. L’instant d’après, je perdais connaissance à mon tour et m’effondrais sur le sol, inconscient, cette course ayant épuisé toutes mes resources.
Lorsque j’ouvris les yeux, Alakhiel n’avait pas bougé d’un iota, toujours inconscient. Je me relevais alors et, le soleil n’étant pas encore couché, j’allais m’adosser contre le mur, à quelques mètres de là. Je ne sus dire combien de temps je restais ainsi, immobile à fixer Alakhiel, passant par toutes sortes de sentiments tous plus contradictoires les uns que les autres.
Lorsqu’il se redressa, j’en fis de même et avant que je ne réalise entièrement mon geste, je me laissais tomber à genoux à ses côtés et l’attirais tout contre moi. J’entendis Alakhiel soupirer dans mon cou et, la fatigue aidant, dans un murmure qui trahissait la peur qui m’avait envahit un peu plus tôt :
- Je t’en supplie Alakhiel, quoi qu’il se passe, quoi que je fasse, quoi qu’il nous arrive, reste toujours à mes côtés… Ne t’éloigne plus.
Sans m’en rendre compte, je raffermis ma prise sur lui, enfouissant mon visage dans son cou, m’envirant de son odeur, savourant la chaleur de son corps tout contre le mien en une présence rassurante. Timidement, et pour toute réponse, Alakhiel finit par abdiquer et me rendit mon étreinte. Sans que je ne puisse les retenir, des larmes se mirent à rouler le long de mes joues.  Des larmes de soulagement, vestige de la peur viscérale qui m’avait habité quelques heures plus tôt. Visiblement, le conseil avait retrouvé notre trace. Nous n’étions désormais plus à l’abris ici.
Je n’aurais su dire combien de temps je restais ainsi à pleurer entre les bras de ma créature. Sans que je ne m’en rende compte, les rôles avaient été échangés et à présent, j’étais l’être à consoller et à rassurer. J’aurai du m’en sentir honteux, mais là, entre les bras de mon amant, je me sentais tout simplement bien, à ma place… Comme si les choses étaient ce qu’elles devaient être. Pour la première fois depuis bien trop longtemps, je ne ressentis aucune honte à afficher pleinement mes faiblesses et mes émotions.
Loin de me juger, Alakhiel se contentait de me garder tout contre lui en une étreinte rassurante et apaisante. Son odeur et sa chaleur agissait sur moi comme la présence d’une mère rassurait son nouveau-né. De sa main libre, l’autre étant fermement ancrée à mes reins, il caressait délicatement ma nuque, en un geste réconfortant. Le visage enfoui dans son cou, je me laissais aller à me libérer du poids de mes émotions. Puis, subitement, à bout de forces, épuisé par cette course au petit jour additionnée aux effets que l’aube avaient sur moi et la perte soudaine d’adrénaline, je sombrais sans m’en rendre compte dans une bienveillante inconscience.
Lorsque je repris conscience ce fut avec l’impression que tout n’était pas comme d’habitude. Jamais je ne m’étais sentis aussi faible. Ma tête me faisait souffrir et j’étais assailli d’une faim dévorante. Mais ce qui me troubla le plus, fut le fait que, contrairement à mon souvenir, je ne me trouvais pas sur le sol de pierre et de terre battue, mais sur quelque chose de chaud et vivant et je pouvais sentir comme un poids au creux de mes reins. A cette constatation, j’ouvrais brusquement les yeux. La première chose que je vis alors, fut la chemise d’Alakhiel.
Sentant un regard posé sur moi, je me redressais sur un coude et relevant la tête, je tombais aussitôt nez à nez avec Alakhiel qui me souriait. Aussitôt je compris. Le poids que je sentais au creux de mes reins n’était autre que ses bras croisés autour de ma taille. Visiblement, Alakhiel m’avait servit d’oreiller pendant mon sommeil improvisé.
Lorsque je croisais de nouveau son regard, il me souriait. D’une voix emplie d’une tendresse que je ne lui connaissais pas, il déclara alors, sans pour autant me libérer de son étreinte :
- Ne me refais jamais une peur pareille…
- Tu ne crois pas que tu es mal placé pour dire une telle chose ? Répliquais-je, cinglant en tentant de me redresser.
Cependant, à peine me redressais-je sur mes avant-bras que je fus assailli par un violent vertige qui manqua de me faire perdre mon équilibre déjà précaire.
- Ne bouge pas, murmura Alakhiel en raffermissant sa prise autour de ma taille.
Docilement, j’obtempérais sans la moindre résistance, encore trop faible. J’avais puisé dans mes réserves et il me faudrait un peu de temps pour récupérer mes forces. Alors que j’esquissais un mouvement pour me recoucher, je sentis la main d’Alakhiel se poser sur ma nuque dans un geste qui m’incitait à m’allonger. Sans la moindre protestation, je reposais ma tête sur la poitrine de ma créature et me laissais aller à soupirer de bien être. J’avais honte à le dire, mais là entre ses bras, je me sentais comme apaisé.
Cependant, le geste qui suivit me surprit au plus haut point. Alors que je reposais tout contre lui je sentis Alakhiel raffermir sa prise autour de ma taille en un geste d’une possessivité que je ne l’aurai jamais cru posséder. Et étrangement, ce simple geste me fit chaud au coeur… Et malgré toutes les questions qui m’assaillaient, je restais silencieux, soucieux de voir cet instant de plénitude perdurer le plus longtemps possible. Bientôt, sa main quitta ma nuque pour aller se perdre dans mes cheveux, en une tendre caresse qu’il réitéra encore et encore, m’arrachant un frisson de satisfaction.
Je n’aurai su dire combien de temps nous restâmes ainsi enlacés, les doigts d’Alakhiel jouant avec les petits cheveux sur ma nuque. Finalement, ce fut Alakhiel qui brisa le silence apaisant qui nous enveloppait, murmurant si doucement que sans mon ouïe surdéveloppée, je ne l’aurai pas entendu :
- Quoi qu’il se passe… Quoi qu’il arrive… Je resterai à tes côtés… Jusqu’à ce que tu te sois lassé de moi et même après… Je ne te quitterai plus, Ezekiel… Jamais…
De nouveau, je restais silencieux à cette déclaration. Touché plus que je ne l’aurai voulu, je ne savais tout simplement pas quoi dire… Jamais Alakhiel n’avait eut de paroles si tendres à mon égard et savoir que c’était avec moi qu’il voulait passer les prochaines décénnies de son existance me comblait de joie. Cependant, j’étais tout simplement incapable de le lui faire savoir. Ma main délicatement posée sur son torse se crispa et mes doigts se refermèrent sur sa chemise que je serrais avec une poigne de fer, craignant stupidement de le voir me repousse et s’éloigner de moi en riant de la farce qu’il venait de me faire.
Jamais encore quelqu’un avait émit le souhait de rester à mes côtés et moi-même, j’avais toujours vécu seul. La seule et unique personne qui avait partagé ma vie d’immortel en avait fait un cauchemar et avait finalement trouvé la mort en prenant ma vie. Alakhiel était la seule personne dont la présence m’était presque immédiatement devenue indispensable, en dépit des sentiments que je nourrissais à son égard.
Je dus garder le silence plus longtemps que je ne l’avais cru, car bientôt, Alakhiel reprit, d’une voix devenue subitement hésitante, comme s’il appréhendais ma réaction :
- Je… J’ai besoin de savoir quelque chose, Ezekiel… Me considères-tu vraiment comme… Comme ta chose ? Comme un jouet immature et insignifiant ?
Sans que je n’en prenne consicence, mon coeur s’accéléra dans ma poitrine. Cependant, réfrénant mes sentiments, je me contentais d’une réponse des plus brèves, ne voulant pas m’engager dans une conversation stérile :
- Non, déclarais-je simplement.
- Mais alors, commença Alakhiel, cachant mal sa surprise, pourquoi tu me traites comme si tu le pensais ?
Alors que j’ouvrais la bouche pour répondre, me redressant sur mes coudes, il posa son index sur mes lèvres, me forçant au silence. D’un regard empli d’une émotion que je ne parvins pas à identifier, il déclara gravement :
- Si tu me répond… Je veux que tu le fasse sincèrement…
Je restais un moment muet, le regard ancré dans celui de ma créature qui semblait me supplier silencieusement, ses yeux me hurlant un message que je ne parvins pas à déchiffrer.
- Tu devrais t’être habitué à force, déclarais-je après un court silence qui me parût interminable. Après tout tu es bien placé pour savoir que je ne pense pas toujours ce que je dis… Soufflais-je, tentant d’éluder subtilement la question piège qu’il venait de me poser.
Pourrais-je seulement lui avouer que si je le traîtais ainsi, c’est pour ne pas qu’il voit l’amour que j’éprouvais pour lui ? Quand étais-je devenu si dépendant de lui ? Face  ma réponse, Alakhiel garda le silence, et pour la première fois, je ne su comment l’interprêter. Etait-ce si difficile pour lui de croire en ma sincérité ?
Je ne su jamais ce qui me poussa à prononcer ces quelques mots, si au fond de moi je me savais responsable de l’état de ma créature, mais après un silence qui me parût incroyablement lourd, je murmurais :
- Je suis désolé…
Le silence s’installa de nouveau entre nous, jusqu’à ce que finalement, Alakhiel prenne la parole :
- Je voudrais tourner la page avec toi, Ezekiel, déclara-t-il avec une douceur que je ne lui connaissais pas. Je voudrais aller de l’avant, oublier ce qui s’est passé entre nous pour repartir à zéro… Qu’en dis-tu ?
- Nous pouvons essayer, répondis-je, tentant de dissimuler la surprise que j’avais ressentis à l’entente de ses paroles. Cela ne sera certainement pas facile tous les jours, mais nous pouvons essayer, soupirais-je en me laissant aller tout contre lui.
Pour toute réponse, Alakhiel raffermi son étreinte autour de ma taille. Je ne savais pas dans quoi je venais de m’engager, mais je venais de le faire. Et tant qu’Alakhiel serait à mes côtés, le reste n’avait plus la moindre importance.
Nous restâmes ainsi jusqu’à la tombée de la nuit. Le repos m’avait fait énormément de bien et mes forces étaient à nouveau intactes, seul la faim me rongeait. Aussitôt que le soleil fut couché, je quittais la grotte, intimant à Alakhiel de rester là, l’assurant que je le tuerais s’il osait ne serait-ce que songer à me désobéir.
Une fois rassuré sur ce point, j’entrepris alors d’aller explorer les alentours comptant sur  mon ouïe et mon odorat pour m’indiquer une quelconque présence malveillante. Je parvins à repérer l’assassin du conseil, celui-ci n’étant pas très discret pour quelqu’un de sa formation. Le vent portait son odeur venue de l’est mais celui-ci semblait s’être éloigné, ne nous cherchant pas dans la bonne direction. Si j’en jugeais par mon instinct, nous disposions de suffisament de temps pour quitter cette grotte et mettre le plus de distance possible entre lui et nous, mais pas assez pour nous cacher convenablement.
Sans attendre, je retournais alors chercher Alakhiel qui m’attendait à l’intérieur de la grotte. Là, je l’empoignais fermement par le bras et l’obligeais à me suivre, ignorant son cri d’indignation. Sans lacher le bras de ma créature, je courrais jusqu’à la ville. Malgré le temps qui pressait, je nous accordais cependant une pause le temps de nous nourrir. Si nous avions à affronter un ou des spadassins du conseil, autant mettre toutes les chances de notre côtés, et c’est pas en restant le ventre vide que nous pourrions nous en sortir.
Après avoir prit chacun la vie d’une victime, nous nous empressâmes de quitter la ville. Cependant, la chance nous avait visiblement abandonnée car à peine avions nous fait quelques kilomètres, qu’une silhouette sombre se dressa devant nous. Je n’eu aucune peine à reconnaître celui qui était sencé ramener nos tête à Shaolan.
- Tu croyais pouvoir m’échapper, Ezekiel ? S’exclama-t-il d’une voix puissante.
- Il me semble que nous n’ayons pas encore été présentés… Je te demanderais donc de ne point user d’une telle familiarité envers moi ! Rétorquais-je, avec un agacement prononcé.
- Ne cherche pas à faire le malin ! Poursuivit notre vis à vis. Rend-toi ! Et dit à ton avorton de faire pareil ! S’il tente quoi que ce soit, je t’arrache la tête avant d’en faire de même avec lui !
- Tu m’arraches la tête ? Répétais-je, amusé de la trop grande confiance en soi qu’il semblait éprouver. Ne serais-tu pas en train de prendre tes désirs pour la réalité ? Le provoquais-je en éclatant de rire, pas effrayé le moins du monde par ses menaces.
- Ta trop grande confiance en toi te perdra, Ezekiel ! Déclara gravement mon vis à vis.
- Il paraît ! Répliquais-je. Mais vois-tu, pour le moment, je suis toujours là !
- J’ai beaucoup entendu parler de toi, Ezekiel, reprit mon vis à vis. Tu es fort, très fort… Mais sâche que contre moi, cela ne suffira pas…
- Tu m’as l’air doué pour parlementer, répliquais-je, cinglant. Mais serais-tu aussi habile avec une épée qu’avec ta langue ? Le provoquais-je, ravi de le voir s’enrager.
Sans plus attendre, l’assassin se précipita sur nous. A l’instant où il se jetais sur moi, je repoussais Alakhiel d’un violent coup d’épaule qui le fit reculer de plusieurs mètres avant d’esquiver le coup de mon adversaire d’une habile roulade au sol. La seconde durant laquel l’assassin resta immobile, désorienté, me suffit. Sentant une colère sourde poindre en moi, je me jetais violemment sur mon adversaire qui esquiva au dernier moment. S’engagea alors un combat à mort. Très vite, je m’apperçu que mon ennemi ne m’avait pas mentit… Il était vraiment fort et je devais déployer toute ma puissance et ma ruse pour ne pas me faire massacrer.
Toute mon attention étant tournée vers mon ennemi, je ne vis pas Alakhiel s’approcher et cela fut ma première erreur. Mon adversaire lui, s’était parfaitement rendu compte de la présence de ma créature et au dernier moment, il se détourna de moi pour s’en prendre à lui. Il l’attrapa par le poignet, lui tordant le bras dans le dos et portant un poignard  sa gorge. Le visage déformé par un rictus de haine, il cracha littéralement :
- Rend-toi, Ezekiel ! Tu ne peux pas gagner…
De là où j’étais, je pouvais voir Alakhiel tenter de se dégager de la poigne de fer de son adversaire, mais c’était sans compter sur son manque d’expérience. Son regard étincellait d’une lueur de haine à l’état pur et pourtant, je crus cependant déceler une étincelle de peur, une supplication qu’il semblait m’adresser.  Cette vision suffit à m’enrager d’avantage. Comment cet enfoiré osait-il s’en prendre à Alakhiel ?
- Rend-toi ! Reprit mon adversaire.  Où je tue ton avorton !
Alakhiel avait cessé de se débattre.
- Libère le ! Grondais-je d’une voix menaçante.
- Qu’espères-tu, Ezekiel ? Demanda l’assassin en esquissant un sourire victorieux. Tu ne peux rien contre moi ! Alors rend-toi sans faire d’histoires !
Avant même qu’il ai terminé sa phrase, je me précipitais sur lui avec toute la haine et la rancoeur qui m’habitait. Alors que j’étais à quelques mètres de lui, je vis Alakhiel se libérer de sa poigne de son bourreau et celui-ci lancer son poignard dans ma direction. Tout ce déroula alors incroyablement vite. Je pris à peine conscience du hurlement que poussa Alakhiel alors qu’une douleur lascinante me déchirait la hanche. Coupé dans mon élan sous la puissance de la douleur qui se répercuta dans son mon corps, portant mes deux mains là ou le poignard avait percé mes chairs, je m’écroulais lamentablement sur le sol, le corps parcourut de spasmes de douleur.
J’avais l’impression que mon corps se consumait de l’intérieur. Jamais encore je n’avais ressentis de douleur aussi fulgurante. Noyé dans les limbes de la douleur, je n’avais plus conscience de ce qui se déroulait autour de moi, ni combien de temps je restais ainsi, incapable du moindre mouvement. J’entendais vaguement les échos d’un combat entre deux créatures enragées. Conscient du danger que courrait Alakhiel, j’essayais de me relever, sans succès. Tout ce que je parvins à faire, c’est me trainer lamentablement sur quelques mètres, avant de m’écrouler face contre terre, vidé de toutes forces. Ma vision s’était obscurcie et tout ce que j’entendais se résumait à une sorte de brouhaha indistinct.
Luttant contre l’engourdissement qui me gagnait, au bord de l’évanouissement, je tentais d’ouvrir les yeux, cherchant Alakhiel du regard. Mon regard se posa alors sur une silhouette qui me semblait être la sienne. Bien qu’il se défendait bravement, il était en mauvaise posture. Usant de toute la force de ma volonté, je réussi à me redresser. Le spectacle qui s’offrit alors à moi acheva d’incendier les dernières forces qui me restaient. La rage au coeur, je vis l’assassin du conseil prendre le dessus sur ma créature. Ce n’était plus qu’une question de seconde avant qu’il ne le tue. Ignorant la douleur qui se répandait dans mes veines comme le poison d’un serpent, je fonçais alors sur l’assassin. Arrachant le couteau toujours planté dans ma hanche, ignorant le sang qui coulait à flots, je me précipitais au secours d’Alakhiel. Avant qu’ils n’aient le temps de comprendre ce qui se passait, Alakhiel se retrouva libre, alors que la tête de notre adversaire, roulait sur le sol, les yeux écarquillés grotesquement sous l’effet de la surprise.
Puis, à bout de forces, la douleur se faisant si forte que j’avais l’impression que mon corps allait partir en fumée, comme ravagé par un incendit, je m’écroulais sur le sol. Jamais encore je ne m’étais sentis ainsi. Allais-je mourir ? Tout autour de moi n’était qu’un immense flou aux couleurs effrayantes.
Dans le brouillard épais qui m’enveloppait, j’entendais très faiblement la voix d’Alakhiel me parvenir sans arriver à en comprendre le moindre mot. Je sentais ma température corporelle chuter dangeureusement, mais à présent, cela n’avait plus d’importance. Sans que je n’en prenne réellement conscience, un sourire vint étirer le coin de mes lèvres. L’instant d’après, je sombrais dans le noir total.
Lorsque j’ouvris les yeux, une douleur lascinante me foudroya sur place, m’arrachant un gémissement de douleur. L’instant d’après, Alakhiel accourait à mes côtés.
- Ne bouge pas, murmura-t-il d’une voix douce en passant sa main fraîche sur mon front. Reste tranquille…
- Que… Qu’est-ce que…
- Chuut, souffla-t-il en laissant son doigt glisser jusqu’à mes lèvres pour m’inciter au silence. Ne parle pas… Tu es encore faible…
S’entaillant le poignet, il le porta à mes lèvres. La vision troublée par la fièvre et la douleur, c’est à peine si je pus avaler quelques gorgées de sang, tandis qu’Alakhiel m’encourageait d’une voix tendre, comme il le ferait avec un enfant récalcitrant.
- Comment tu te sens ? Demanda-t-il une fois que j’eu achevé de me nourir.
- J’ai… Mal… Articulais-je, difficilement, haletant sous l’effort que je devais fournir.
- Tu te souviens de quelque chose ?
Pour toute réponse, j’hochais négativement la tête et rien que ce mouvement me donna le vertige. Alakhiel sembla s’en rendre compte car sa main se posa sur ma joue en une douce caresse qui m’arracha un soupir de contentement, malgré la douleur qui persistait.
- Tu as été grièvement blessé en voulant me protéger, m’expliqua Alakhiel d’une voix inhabituellement enrouée. La lame était enduite d’eau bénite. C’est pour ça que la plaie est si longue à cicatriser et la douleur toujours présente… Pourquoi… Pourquoi tu as fait ça Ezekiel ? Ajouta-t-il après une courte pause. Pourquoi avoir risqué ta vie pour moi ?
A cette question, j’esquissais un pauvre sourire avant que la douleur ne se face ressentir avec une intensité toute nouvelle.
- N’as-tu donc pas compris ? Soufflais-je, une onde de douleur me faisant serrer les dents sur un gémissement que je parvins à étouffer.
- Quoi ? S’empressa de me demander Alakhiel, alors que je me sentais de nouveau sombrer dans les limbes du sommeil. Qu’aurais-je du comprendre, Ezekiel ?
A peine eut-il achevé sa phrase, que je sombrais dans les bras de Morphée.
Lorsque j’ouvris de nouveau les yeux, la douleur lascinante avait quelque peut refluée pour faire place à une douleur toujours présente mais beaucoup plus supportable, comme si mon corps s’habituait lentement à cette torture. Alors que je reprenais lentement conscience, je me rendis compte que je n’étais pas allongé sur le matelas trop dur de la veille, mais sur quelque chose de chaud et bien plus confortable. Doucement, afin de ne pas réveiller la douleur qui s’était momentanément calmée, je tentais de me redresser avant d’être interrompu dans mon élan par la voix ensommeillée d’Alakhiel :
- Reste allongé… Souffla-t-il en raffermissant la prise de ses bras autour de ma taille.
Docile, j’obéis sans faire d’histoires et me recouchais, un profond soupir s’échappant de mes lèvres alors que je reposais ma tête sur le torse chaud et accueillant de ma créature. Je n’aurai su dire combien de temps nous restâmes ainsi, silencieux, et à vrai dire c’était le cadet de mes soucis. Tout ce qui m’importait était d’être là, entre les bras de mon amant, alors que plus tôt, je pensais mourir avant d’avoir eu le droit de le toucher à nouveau.
- Tu as faim ? Demanda Alakhiel au bout d’un temps indéterminé.
Ce ne fut qu’à cet instant que je me rendis compte à quel point j’étais affamé. Un grondement sourd roula dans ma gorge, arrachant un sourire amusé à ma créature qui me présenta alors son cou. Hésitant, je demandais, tentant de maitriser ma faim qui se faisait de plus en plus oppressante :
- Mais… Et toi ?
- Je me suis nouris ce soir, répondit-il après un instant d’hésitation.
Scpetique, je me redressais et lui adressais un regard interrogateur. Semblant comprendre ma question muette, il déclara, visiblement mal à l’aise :
- Je… J’ai pas réussi à me contenir… Quand j’ai pu me maitriser, il… Il était déjà trop tard…
Je ne répondis rien à ceci, ayant entièrement conscience que sans son initiative, je serais propablement mort à l’heure qu’il était. Sans un mot, Alakhiel posa sa main sur ma nuque et d’une douce pression, il dirigea mes lèvres vers son cou. Cédant à la faim qui me tiraillait les entrailles, je léchais la peau d’albâtre de son cou, le faisant frissonner avant de finalement y planter mes crocs. Grondant de satisfaction, j’aspirais alors de longues gorgées de sang, sentant peu à peu mes forces revenirs.
Enivré par l’odeur d’Alakhiel et son sang qui coulait dans ma gorge, je me sentis réagir. Instinctivement, sans m’en rendre compte, mes hanches se mirent à onduler tandis que je me frottais éhonteusement contre le bas ventre de ma créature. Le sentant réagir sous moi, j’écartais les jambes, de façon à le chevaucher, prenant appuis de mes mains posées sur son torse. Lascivement, je me déhanchais de plus en plus vigoureusement en sentant mon désir s’éveiller en moi à chaque gorgée de sang que j’aspirais.
Sans que je n’en prenne conscience, des gémissements s’échappèrent alors de ma gorge alors que mon entre-jambe rencontrait celle d’Alakhiel qui, tendu comme un arc, n’esquissait pas le moindre mouvement. Une fois rassasié, je léchais du bout de la langue la plaie causée par mes crocs afin de la refermée. Puis, galvanisé par le plaisir qui grandissait en moi, je laissais ma langue parcourir le cou de mon amant, ne cherchant pas à retenir les gémissements et grongements qui s’échappaient de mes lèvres, privé trop longtemps de son corps.
Malgré l’étourdissement que j’éprouvais, j’abandonnais finalement son cou et me redressais non sans quelques difficultés, n’ayant pas recouvré toutes mes forces. Là, prenant appui sur le torse d’Alakhiel, j’entrepris alors de me déhancher avec plus de vigeur. Je sentais Alakhiel se contracter sous moi, mais bientôt, il finit par se détendre et, à son tour, il se laissa aller, ses mains allant se poser sur mes fesses tout en évitant soigneusement ma hanche blessée. Bientôt, je le sentis durcir sous moi et cette simple constatation me fit redoubler d’ardeur. Aidé par Alakhiel, j’accélérais le rythme de mes déhanchements, alors que de son côté, ses hanches se soulevaient pour venir à la rencontre des miennes. Haletant, je me laissais aller à lui faire part du plaisir qui était le mien, gémissant sans la moindre retenue.
Au bord de l’extase, je devais faire appel à tout mon self-control pour ne pas jouir à l’instant, souhaitant faire durer le plaisir le plus longtemps possible. Soudain, je sentis quelque chose de chaud contre mes fesses tandis qu’Alakhiel se cambrait violemment contre moi. Comprenant qu’il venait de jouir, se libérant dans son pantalon, je me mordis violemment la lèvre inférieure pour ne pas le rejoindre. Cependant, trop loin sur le chemin de non retour, je finis par jouir à mon tour. Le dos douloureusement cambré, je me frottais énergiquement contre le sexe encore gonflé de plaisir d’Alakhiel et sous l’effet du plaisir fulgurant qui me traversa tout entier, rejetant la tête en arrière sur un cri muet, je me libérais à mon tour dans mon pantalon.
Haletant et le corps douloureux, je me laissais retomber Alakhiel qui, referma ses bras autour de moi. Avant que ma respiration eut retrouvé un rythme régulier, je sombrais dans un profond sommeil.
Lorque je me réveillais pour la seconde fois, ce fut avec une impression qu’un froid glacial s’était emparé de moi. Tout mon corps criait de douleur au moindre mouvement. Cependant, faisant taire ses protestations, je me redressais difficilement afin d’observer autour de moi. J’étais allongé dans un lit et mes vêtements avaient été changés. Pourtant, je ne percevais pas le moindre indice qui m’indiquait la présence d’Alakhiel. Soupirant de lassitude, je me laissais retomber sur le matelas de qualité moyenne.
Ayant du temps à tuer devant moi, j’entrepris d’observer mon environnement et fus surpris de découvrir une chambre décorée avec un certain luxe. Les meubles étaient tout en bois finement ciselé et les cadres qui entouraient les tableaux accrochés aux murs, recouverts d’une fine feuille d’or. Nous étions visiblement dans une maison dont le propriétaire avec un goût prononcé pour l’architecture et la mode française.
Je n’aurai su dire combien de temps s’écoula avant que j’entende Alakhiel revenir. Lorsqu’il entra dans la chambre, il parut surpris de me voir réveillé. Puis, une fois la surprise passée, il m’adressa un sourire radieux.
- Pourquoi tu souris comme ça ?
- Je n’ai pas le droit de sourire ? Demanda Alakhiel sans répondre à ma question. Tu vas mieux, je suis soulagé… J’ai eu vraiment peur tu sais… Tu as déliré toute la nuit à cause de la fièvre…
- Ah bon ? Demandais-je, surpris, n’ayant aucun souvenir. Raconte-moi…
Alakhiel émit un soupir et alla s’installer dans le fauteuil qui se trouvait à mon chevet. Après un court silence, il déclara :
- Il n’y a rien de particulier à dire… Hier un peu après le levé du soleil, tu t’es réveillé, tu étais vraiment mal… Ta blessure ne cicatrisait pas à cause de l’eau bénite enduite sur la lame et tu avais déjà perdu énormément de sang… Tu semblais vraiment au plus mal, alors je t’ai donné un peu de sang pour te soulager, ajouta-t-il en s’empourprant.
- Pourquoi tu rougis comme ça ? Tu vas te consumer sur place à cet allure ! Fis-je remarquer.
- Et bien, je… Tu… Quand tu as bu mon sang, tu n’étais pas vraiment toi-même et… Tu… Tu as commencé à te frotter contre moi… D’où les vêtements propres… Après, tu t’es endormi, puis tu t’es réveillé à nouveau, tu étais tremblant de froid et brûlant de température. Tu n’as pas arrêté de délirer…
- Qu’est-ce que j’ai dis ? Demandais-je, paniquant l’espace d’un instant.
- Tu as surtout appelé mon prénom… Tu n’arrêtais pas de le dire, quand tu n’étais pas en train de crier… Je… Je crois que tu revoyais ta vie avec… Enfin, lorsque tu es devenu vampire… Je t’ai plusieurs fois entendu prononcer son nom… Tu as aussi appelé Indra… Qui est Indra ?
- Indra… Répétais-je pour moi-même, me laissant assaillir par mes souvenirs.
- Ezekiel ? M’appela alors ma créature. Qui est Indra ?
Retrouvant mes esprits, je reportais mon attention sur Alakhiel et l’observais longuement avant de finalement lui répondre :
- Indra, c’était un vieux fou que j’ai rencontré à Bénarès, il y a quinze ans… C’était un humain borgne et à moitié fou… C’est aussi lui qui m’a fait prendre conscience de ma part d’humanité… Il est le seul homme que j’ai réellement aimé, qui m’ait donné l’impression d’avoir un jour eu un père…  Il est le seul homme pour lequel j’ai pleuré…
Après cet aveux, je restais un moment silencieux et respectant ma douleur, Alakhiel en fit de même. Je n’aurai su dire combien de temps je restais ainsi silencieux, plongé dans mes souvenirs. Ce fut la main de ma créature sur ma joue qui me tira de ma torpeur. Sa main sur ma joue, son pouce caressait ma peau sous mon oeil, alors qu’il me regardait avec un mélange d’infinie tristesse et d’incrédulité. Ne comprenant pas ce qui lui arrivait, je lui adressais un regard interrogateur. Pour toute réponse, Alakhiel baissa les yeux, m’invitant à en faire de même. Ce n’est qu’en voyant sa main humide que je compris que je pleurais.
Subitement honteux de m’être laissé aller devant Alakhiel, je détournais vivement la tête et séchais mes larmes d’un brusque mouvement du poignet. Alors qu’Alakhiel esquissait un mouvement dans ma direction, je le repoussais violemment, un grondement menaçant s’échappant de ma gorge. Cependant, Alakhiel passa outre ma mise en garde et réitéra son geste. Détestant me faire prendre en pitié, je l’attrapais un peu trop vivement par le poignet et l’attirait à moi. Là, je plaquais sans douceur mes lèvres sur les siennes et lui mordillait la lèvre inférieure pour l’obliger à ouvrir la bouche. Ne pouvant s’échapper à mon étreinte, Alakhiel s’exécuta et aussitôt, je glissais ma langue entre ses lèvres.
Cependant, je n’eu pas le loisir d’approfondir ce baiser, car retrouvant ses esprits, il me repoussa vivement.
- Mais qu’est-ce que… Qu’est-ce qui te prend ?! S’exclama-t-il en s’éloignant rapidement.
- Ce qui me prend ? Répétais-je, une once de colère se faisant ressentir. Il me prend que je te veux Alakhiel. Ne crois-tu pas que j’ai été suffisament patient ? Ne crois-tu pas que j’ai droit à un peu plus de considération de ta part ?
- De considération ? Répéta Alakhiel, incrédule. Tu te fou de moi ? S’écria-t-il, furieux. Calme tes ardeurs Ezekiel ! Je ne suis pas à ta disposition, prêt à écarter les cuisses lorsque tu le désires ! S’exclama-t-il en quittant la pièce, claquant violemment la porte derrière lui.
- Sombre crétin ! M’exclamais-je alors, furieux contre ma créature et contre moi-même.
Aussitôt, mes souvenirs en rapport à Indra me revinrent subitement en mémoire, comme si, de là où il se trouvait, il s’amusait à me voir me torturer l’esprit. Cela lui ressemblait bien d’ailleurs… Je l’imaginais, un sourire mi moqueur mi amusé étirant ses lèvres alors que les souvenirs de notre dernière conversation m’assaillaient, s’insinuant sournoisement dans mon esprit. Je l’entendais me redire pour la énième fois d’avouer à Alakhiel la nature trop profonde des sentiments que je nourrissais pour lui. Je l’entendais se moquer de moi, de ma naïveté, selon lui pour certains aspects de la vie.
Penser ainsi à Indra raviva la douleur que j’avais ressentis lorsque je l’avais perdu. Et malgré le temps qui s’était écoulé depuis, la cicatrice que sa disparition m’avait causée était toujours présente, menaçant de se réouvrir à n’importe quel moment. Pourquoi fallait-il que ce soit maintenant ? Cependant, étrangement, malgré la douleur qui m’étraignait sauvagement le coeur, penser ainsi à mon ami disparut apaisa ma colère, ne me laissant plus qu’un sentiment de lassitude et d’un arrière-goût amer. Pourquoi la mort d’Indra m’avait-elle plus bouleversé que le meurtre de mes propres parents ?
Mon esprit n’était plus qu’un enchevêtrement de pensées confuses et incohérentes. Etais-je en train de devenir fou ? A mes souvenirs d’Indra se mêlaient à présent ceux de ma vie humaine auprès de mes parents. Pourquoi étais-je subitement en train de penser à eux ? Alors que je revoyais le visage de ma mère me sourire, ses traits commençèrent alors à se faire plus flou pour laisser place l’instant suivant au visage trop parfait d’Elizabeth… Lorsqu’elle ouvrit la bouche, le seul son qui en sortit fut un rire démoniaque qui n’avait rien d’humain et dont la voix m’était cruellement familière…
Une chose était certaine à présent, j’étais bel et bien devenu fou à lier… Hanté par tous ces visages de mon passé, je laissais libre court à ma colère et dans un hurlement de rage, je soulevais le lit et le lançais de l’autre côté de la pièce où, sous la violence de l’impact, il alla se briser contre le mur. Aveuglé par la rage qui me consumais, hurlant toute la souffrance, la colère et la rancoeur qui me rongeait le coeur depuis tant d’années, je n’avais plus conscience de mes actes. Les meubles volaient à travers la pièce, allant rejoindre le lit en lambeau.
Aveuglé par mes émotions, je n’entendis ni ne vis Alakhiel faire irruption dans la chambre et ne pris conscience de sa présence que lorsqu’il m’attrapa le bras d’une main tremblante mais ferme.
- Arrête ! Ezekiel, je t’en prie… Calme-toi… Tu me fais peur… Qu’est-ce qui t’arrives, Ezekiel ?
Dans un ultime accès de fureur, je donnais un violent coup de pied dans la chaise qui avait survécue et l’envoyais rejoindre l’ammoncellement de morceau de bois informe qui jonchait le sol de la chambre, avant de finalement me laisser tomber à genoux, épuisé. Cette crise venait de me vider de mes dernières forces et, à présent calmé, je sentais la douleur revenir au galop dans mes muscles.
Alakhiel s’agenouilla face à moi et avec la même tendresse qu’une mère aurait envers son enfant, il m’attira à lui tout en me murmurant des paroles réconfortantes que je ne fis pas l’effort de comprendre. Fermant les yeux, je me laissais aller à l’étreinte de ma créature, appuyant mon front contre son épaule. Ses mains vinrent se perdre dans mes cheveux qu’il caressa longuement.
- Qu’est-ce qui t’a prit, Ezekiel ? Demanda-t-il après un long moment de silence, une fois que je fus entièrement calmé.
- Il y a ces visages, soufflais-je sans pour autant me redresser. Tous ces visages et ces voix, dans ma tête… Je vais devenir fou, Alakhiel… Je vais devenir fou si elles ne se taisent pas…
- Quelles voix ? Demanda ma créature, visiblement surpris. Qu’est-ce qu’elles te disent ?
- Elles me font prendre conscience… De ce que je suis… De ce que je ressens… Comme si elles me jugeaient…
Alors que j’achevais ma phrase, Alakhiel me força à reculer et, prenant mon visage dans ses mains, il me força à redresser la tête, plongeant son regard dans le mien :
- J’ai toujours pensé que tu étais ton seul juge, Ezekiel… J’ai toujours pensé que le regard des autres ne t’atteignaient pas… Que tu passais outre ce que les gens pensaient… Me serais-je trompé ? Dis-moi, Ezekiel ?
Je ne répondis rien, me contentant de baisser les yeux. Cependant, loin d’être de mon avis, Alakhiel m’obligea à relever la tête pour la seconde fois et face à mon silence, il ajouta :
- Pourquoi cela te rend-t-il aussi fou ? Explique-moi ? Qui sont ces voix et ces visages dont tu parles ?
- Il y en a tellement… Toujours ils reviennent… Sans arrêt… Mes parents, Indra… Même elle ! Crachais-je avec dégoût. Ils me font culpabiliser… Ils me font prendre conscience de la noirceur de mon âme… De la bête que je suis…
- Nous ne sommes que tous les deux Ezekiel… Il n’y a rien que toi et moi ici… Tu peux parler tranquille… Je ne te jugerais pas, Ezekiel… S’il te plait… Raconte moi…
- Je suis désolé, Alakhiel… Craquais-je, à bout de nerf. Je suis tellement désolé… Pour ce que j’ai fais de toi… Pour ce que je t’ai fait endurer…
- Chut, souffla Alakhiel en posant son index sur mes lèvres, m’incitant au silence.
- Non ! M’écriais-je en le repoussant faiblement. Tu dois savoir… Tu as le droit de savoir…
- D’accord… Mais calme-toi… Souffla-t-il, toujours tendre, malgré mon tempérament instable. Ta blessure est encore trop fragile, tu risques de la réouvrir…
- Je suis désolé, répétais-je incapable de prononcer autre chose, comme si dans ses mots, je cherchais mon propre salut plutôt que son pardon. Pour toi… Pour ce que je t’ai forcé à lui faire… A elle…
- De qui tu parles, Ezekiel ? Qui est ce “elle” dont tu parles ? Murmura-t-il toujours de cette voix si douce, me caressant tendrement les cheveux.
- De cette femme… Celle qui me hante encore après toutes ces années… Celle qui t’arrache à moi… Elizabeth… Crachais-je, répugné à l’idée même de prononcer son nom. Je la hais pour ce qu’elle est… Je hais cet amour que tu lui portes… Je hais l’idée même que tu puisses encore penser à elle…
- Tu te tortures inutilement, Ezekiel, murmura Alakhiel après un instant de silence. Tu te tortures pour rien, parce que cela fait longtemps que je t’ai pardonné… Je suis passé à autre chose… Tu sais, de mon vivant, jamais elle n’a ne serait-ce qu’un instant posé les yeux sur moi… J’aurai pu lui courir après toute ma vie durant que je n’aurai jamais en retour d’un regard méprisant… Il y a bien longtemps que je n’ai plus de sentiments pour elle, Ezekiel…
A ces mots, je relevais brusquement la tête, plongeant un regard à la fois surpris et empli d’incompréhension dans le sien. Que devais-je penser ? Qu’étais-je autorisé à croire ? Avant de réellement prendre conscience de mon acte, je me penchais vers ma créature et happais ses lèvres l’entrainant dans un baiser sensuel et enflammé. Comprendrait-il le message que j’essayais de lui faire passer, incapable de le lui avouer de vive voix ?
Alors que j’entrouvrais les lèvres, je sentis les deux mains d’Alakhiel se poser sur mon torse et l’instant suivant, il me repoussait. Malgré la douceur de son geste, je sentis une vive douleur me compresser la poitrine au niveau du coeur. Avait-il comprit la nature des sentiments que je lui vouais ? Etait-ce sa façon à lui de me dire qu’il ne les acceptait pas et qu’il n’éprouvait rien pour moi ?
Terriblement meurtri, je baissais la tête mettant ma fierté de côté, incapable de surmonter son regard et le jugement que je pourrais lire dans ses yeux. Blessé au plus profond de moi-même, je m’apprêtais à me lever pour m’éloigner de lui lorsque je sentis sa main attraper mon poignet. Je restais un instant immobile, et voyant qu’il n’avait pas l’intention de me lacher, je me risquais à lui adresser un regard. Dans ses yeux, je pus lire toute l’incompréhension du monde. Je ne sais combien de temps nous restâmes ainsi, à nous fixer sans prononcer le moindre mot, comme si cela risquait d’avoir un impact sur la suite des évênements.
Finalement, après un temps qui me parut infiniment long et à la fois bien trop court, Alakhiel posa sa main libre sur ma joue, sans pour autant lacher mon poignet et, son regard ancré au mien, il demanda d’une voix tremblante :
- Pourquoi ?… Pourquoi ce baiser, Ezekiel ?
A cette question, je pris peur. Pouvais-je vraiment lui avouer mes sentiments ? Aurais-je le courage de continuer à le cotoyer en sachant qu’il ne ressentait rien pour moi ? Prit d’un terrible doute, je tentais de retirer ma main de la sienne. Mais Alakhiel semblait avoir deviner mes intentions car il rafermi sa prise autour de mon poignet, refusant de me laisser partir. Furieux, je lui adressais un regard assassin, lui promettant silencieusement mille morts s’il ne me lachait pas, mais soutenant mon regard, il résista.
- Dis-moi pourquoi, Ezekiel… Demanda-t-il à nouveau de cette voix emprunte de douceur qui me troublait profondément.
- Parce que je t’aime, Alakhiel ! M’exclamais-je alors, à la fois troublé et écoeuré par la douceur dont il faisait preuve à mon égard, sachant pertinement que lorsqu’il saurait, il ne réagirait plus qu’avec mépris envers moi.
Un silence de mort accueili mes paroles, alors qu’Alakhiel posait sur moi un regard empli de surprise et d’incrédulité. Ne supportant plus davantage de le voir ainsi, m’attendant à tout instant de le voir éclater de rire face à mon aveu, je retirais si vivement ma main de la sienne qu’il n’eut pas le temps de la rattraper et dans un geste si vif qu’il ne réagit que trop tard, je quittais la pièce, fuyant loin du regard de ma créature. Pour la première fois de ma vie, je fuyais la présence d’Alakhiel. Pour la première fois de ma vie, j’étais incapable de lui faire face et de soutenir son regard, d’assumer ce que j’étais et mon amour pour lui.
Courant sans même regarder où j’allais, c’est à peine si j’entendis les cris désespérés d’Alakhiel m’appelant par mon prénom. La seule chose qui m’importait à cet instant, c’était de fuir. Ignorant le sentiment de lâcheté qui m’envahissait un peu plus à chaque pas, je continuais de courir, souhaitant mettre le plus de distance possible entre lui et moi. Je ne m’arrêtais que lorsque je m’effondrais sur le sol, mes jambes encore trop faibles refusèrent d’aller plus loin. Allongé sur le sol humide, le visage maculé de terre et des feuilles mortes pleins les cheveux, je me sentais plus lamentable que jamais. Laissant alors libre court aux sentiments tous plus contradictoires qui m’étreignaient le coeur, je me mis à hurler, des sanglots incontrôlables venant se mêler à mes hurlements.
J’avais besoin d’évacuer toutes ces émotions, ses sentiments qui me tourmentaient. Misérablement, je me mis à maudire cette nuit durant laquelle mon destin m’avait fait croiser la route d’Alakhiel. Cette nuit où, durant un instant de faiblesse, je décidais d’épargner celui qui est aujourd’hui ma créature, au lieu de simplement le tuer comme j’avais tué des milliers de personnes avant lui.
Finalement, je dus m’endormir car lorsque je repris conscience, l’aube n’était plus très loin. Je n’avais aucune envie de retourner auprès de ma créature, sentant la honte me gagner en repensant à ce qui s’était passé un peu plus tôt. Cependant, je n’avais pas le choix. Le jour allait se lever d’un instant à l’autre et ne connaissant pas les environs, je n’avais d’autre choix que de retourner sur mes pas.
Lorsque je franchis le seuil de la porte, au bord de l’évanouissement, les effets de l’aube s’accumulant à mon manque de sang et mon état de santé encore instable, je fus accueillis par une gifle monumentale qui résona longuement à mes oreilles.
- Non mais ça va pas ! Rugit Alakhiel apparament furieux pour une raison quelconque. Non mais, tu imagines la trouille que j’ai eu en ne te voyant pas revenir ?! Refais-moi ce coup là encore une fois, Ezekiel, et je te tue !
Les mots de ma créature résonnaient à mes oreilles comme des sons inintelligible alors que je me sentais pris d’un violent vertige. Avant que je ne réalise ce qui se passait, je sombrais dans l’inconscience.
Je n’aurai su dire combien de temps s’écoula avant que je ne reprenne conscience, tiraillé par une faim dévorante. Alors que j’ouvrais les yeux, je tombais nez à nez avec Alakhiel qui, visiblement, avait l’air plus que furieux.
- Tu as de la chance d’être aussi mal en point ! Siffla-t-il, menaçant. Sans quoi, je t’aurai déjà étripé de mes propres mains ! Tu as intérêt à avoir une bonne… Une très bonne excuse pour cela !
- Arrête de me persifler dans les oreilles ! Grognais-je en me retournant sur le côté opposé, n’ayant aucune envie de lui faire face. Je suis pas d’humeur à écouter tes jérémiades.
- Mes jérémiades ? Répéta Alakhiel, outré. Tu étais à demi mort sur le pas de la porte Ezekiel ! Explosa-t-il, ivre de colère.
- Et alors ? M’exclamais-je en me retournant, ignorant le vertige qui m’assaillait. Ma vie ne te regarde pas ! Ne te crois pas posséder tous les droits sur moi, Alakhiel parce que je ne le tolèrerais pas ! Je suis le seul et unique maître de mon destin ! Et je vis ma vie comme il me plait !
- Et quel glorieux destin ! Ironisa Alakhiel en croisant les bras sur sa poitrine, signe de son mécontentement.
- Si tu es là uniquement pour me faire la morale, je te prierai de partir, soupirais-je, las, en me retournant de nouveau pour lui tourner de dos.
- Ecoute Ezekiel, je suis désolé… Soupira Alakhiel en se radoucissant. Je n’aurai pas du te parler comme ça… C’est la peur qui m’a fait dire des choses que je ne pense pas forcément…
Je ne répondis rien à celà, n’ayant pas envie d’entamer encore une fois une conversation stérile qui se terminerait immanquablement par une dispute de plus. J’étais fatigué de toujours faire en sorte que tout aille bien, qu’il ne remarque rien de ce que je ressentais vraiment au fond de moi. Certains jours, la vie, si je pouvais appeler ça comme ça, que je menais semblait ne plus avoir aucun goût. Plus rien n’avait autant d’attrait qu’auparavant.
- Tu peux te retourner s’il te plait ? Demanda-t-il alors. J’aime bien voir la personne à qui je parle… Ezekiel…
Je restais sourd à ses supplications dans l’espoir de le voir abandonner et partir. C’était, cependant, sans compter sur la détermination de ma créature qui, n’y parvenant pas ainsi, se leva et m’emjamba pour s’asseoir face à moi. Je fermais alors les yeux, dans l’espoir vain de le voir se dissuader. Mais la seule réaction qu’il eut fut de soupirer bruyament.
- T’es pire qu’un gamin quand tu fais ça, tu le sais ?
Pour toute réponse, je me recroquevillais sur moi-même et me tournais une fois de plus, tandis qu’Alakhiel émit un profond soupir de lassitude. A mon grand soulagement, il n’insista pas, préférant garder le silence. Alors que je fermais les yeux, je sentis le matelas s’affaisser derrière moi à l’instant où il s’allongeait tout contre moi, son corps épousant parfaitement les formes du mien.
- Cesse de m’ignorer, Ezekiel, souffla-t-il d’une voix emprunte d’une pointe de tristesse. Regarde-moi… S’il te plait…
Cependant, estimant m’être assez humilié devant lui ces derniers temps, je restais immobile et impassible, hermétique à ses suplications. Et c’est avec un soulagement non feint que je sentis Alakhiel rendre les armes. Pendant ce qui me sembla un temps incroyablement long et court à la fois, il resta parfaitement silencieux. Seul le bruit de nos deux respirations venaient troubler le silence de la nuit. Puis, comme si rester silencieux plus longtemps lui était impossible, Alakhiel reprit, dans un murmure si faible que je dus tendre l’oreille pour l’entendre :
- Est-ce que tu pensais réellement ce que tu m’as dit ?
Je restais un long moment silencieux avant de finalement répondre, sans pour autant lui faire face :
- Pourquoi l’aurais-je dit si je ne le pensais pas ? Déclarais-je simplement, d’une voix atone. Je ne suis pas du genre à parler pour dire des choses inutiles, et encore moins à étaler mes sentiments… Tu devrais t’en être rendu compte depuis le temps ! Ajoutais-je, avec une pointe de sarcasme.
- Je ne sais jamais à quoi m’attendre avec toi ! Répliqua-t-il aussitôt, comme vexé par ma remarque.
Je ne répondis rien, n’ayant ni la force, ni l’envie nécéssaire pour me plonger dans une vaine discussion qui ne servirait à rien d’autre qu’à élargir le gouffre qui nous séparait déjà. Soupirant de lassitude, je fermais les yeux, esapérant ainsi le voir renoncer à ses questions. Je crus y être parvenu lorsque je le sentis se coller à moi, son intimité frottant contre mes fesses d’une façon qui n’avait rien d’innocente. Aussitôt, je me tendis, attendant la suite non sans appréhension. Que croyait-il être en train de faire ? Lorsque mes craintes s’avérèrent justifiées, sa main venant se glisser sous ma chemise pour se faufiller dans mon pantalon tandis que sa langue léchait sensuellement mon cou, je me dégageait rapidement de l’étreinte de ma créature. Lui adressant un regard empli de haine, je crachais avec mépris, tentant de dissimuler au mieux la honte et la déception qui venait de s’emparer de moi :
- Je ne veux pas de ta pitié Alakhiel !
- De la pitié ? Répéta Alakhiel avec dégoût. Tu crois que je fais tout cela par pitié ?
- Pour quelle autre raison le ferais-tu ? Répliquais-je. N’est-ce pas toi qui m’a repoussé l’autre fois en prétendant que je t’utilisais ?
A ma grande satisfaction Alakhiel ne trouva rien à redire à cela. Profitant de son instant d’interdiction, je quittais la pièce l’abandonnant à ses réflexions. Cependant, encore trop affaibli, je ne pus aller bien loin. Titubant, je ne dus mon salut qu’à la présence d’un meuble taillé dans un bois massif contre lequel je pris appuis le temps de calmer la douleur qui m’étreignait. La respiration haletante sous l’effort que je déployais, je me dirigeais lentement vers la pièce la plus éloignée de celle où se trouvait Alakhiel. Là, je me laissais lamentablement tomber sur le lit avant de me recroqueviller en position foetale.
Durant un temps qui me parut à la fois bien trop court et à la fois interminable, je restais ainsi immobile, songeant à la façon dont ma vie avait si brusquement prit un chemin auquel je ne m’attendais pas. Revoyant ma propre déchéance, je me maudissais d’être tombé si bas. Plongé dans mes pensées, je n’entendis pas la porte s’ouvrir, pas plus que les pas d’Alakhiel qui s’approchait lentement du lit où je me trouvais. Si bien que je ne me rendis compte de sa présence dans mon dos que lorsqu’il prit la parole :
- Tu me fais un peu de place ?
A contrecoeur, j’accédais à sa requête et me déplaçais sur un côté du lit. Sans un mot, Alakhiel prit place derrière moi, enfouissant son visage dans mon cou. Réprimant un frisson de bien-être à ce contact, je restais complêtement immobile, pas disposé à faire le premier pas, ni même à lui rendre la tâche plus aisée. Alakhiel dut le comprendre, car s’éloignant légèrement de moi, il émit un soupir de lassitude. Puis, après un court instant d’hésitation, il déclara :
- Je suis désolé… Souffa-t-il.
- Pourquoi tu as fait ça ? Demandais-je, après plusieurs secondes de silence, finalement vaincu par la curiosité en l’envie de comprendre qui me rongeait.
- Je ne sais pas, avoua piteusement ma créature. Mais ce n’était pas par pitié ! S’empressa-t-il d’ajouter. Je ne saurais pas t’expliquer pourquoi mais je… C’est comme un besoin inpétueux, là, dans mes veines… Je ne sais pas… Je ne comprend pas… Je… Je t’ai mentis, Ezekiel… Quand je t’ai repoussé…
A ces mots, je me tendis imperceptiblement. Que voulait-il dire ? Qu’étais-je censé comprendre à cet aveu ? Et s’il le voulait autant que moi, pourquoi diable m’avait-il repoussé ? Parfaitement immobile, je ne fis aucun commentaire, faisant comprendre à Alakhiel que j’attendais la suite.
- Je… Je te veux autant que toi, Ezekiel, souffla-t-il. Mais je… Je ne veux pas de sexe afin d’assouvir une pulsion animale… Je veux que… Je veux que tu me fasse l’amour, Ezekiel… Je veux me sentir aimé…
Sous le coup de la surprise, ne m’attendant pas le moins du monde à une telle confession, j’oubliais ma rancoeur envers ma créature et me retournais pour lui faire face.
- Quoi ? Murmurais-je, craignant que mon esprit ne me joue des tours.
- Tu as très bien entendu, Ezekiel, souffla Alakhiel en esquissant un sourire tandis que de sa main, il caressa tendrement ma joue. Prouve-moi que tu m’aimes vraiment…
- Je… Je n’ai jamais fait ça, avouais-je à mon tour, réalisant alors que jamais j’avais toujours cédé aux plaisirs de la chair sous l’effet du désirs et de pulsions charnelles, mais jamais en ayant ressentit pour mon partenaire quelconque sentiments. Je n’ai jamais aimé personne, Alakhiel… Je ne sait rien de tout ça… Tu me demandes l’impossible…
- J’ai confiance en toi, Ezekiel, souffla ma créature en m’adressant un tendre sourire.
Sans me laisser le temps de répondre, il se pencha vers moi, lentement, sans rompre le lien visuel qui nous liait. Puis, avec une douceur telle qu’il n’avait encore jamais fait preuve jusqu’à maintenant, ses lèvres se posèrent sur les miennes en une caresse éthérée, aussi douce qu’un souffle de vent. A cet effleurement, un frisson de bien être traversa mon corps tout entier et lâchant un soupir de satisfaction, j’entrouvris les lèvres en une invitation explicite. Toujours avec cette retenue qui le qualifiait, Alakhiel glissa sa langue entre mes lèvres. Lorsque nos langue se rencontrèrent, je sentis un violent frisson me traverser l’échine. Prenant alors le contrôle du baiser, je l’entraînais dans un ballet affreusement sensuel qui lui arracha un soupir de contentement.
Electrisé par ce son si déléctable, je glissais alors mes mains dans son dos et l’attirait davantage tout contre moi, mettant à bas la faible distance qui nous séparait encore. Un faible gémissement s’échappa alors des lèvres de mon amant et je me sentis pris d’un violent frisson de désir à l’entente de ce son si érotique. Mettant fin au baiser, j’enfoui mon visage dans son cou et respirant à plein nez, je m’enivrai de son odeur si particulière que j’aimais tant. Du bout des crocs sans chercher à percer sa peau, je le mordillais délicatement avant de lécher sa peau malmenée le faisant se cambrer sous moi tandis que ses mains se faufillaient sous ma chemise.
Lorsque ses doigts effleurèrent ma peau je ne pus réprimer un énième frisson de plaisir. Tout mon être tremblait de désir alors qu’une chaleur ô combien agréable venait prendre naissance dans mes reins éveillant tout mon corps au plaisir grandissant.
Abandonnant le cou de ma créature, je me redressais alors et nous faisant rouler, je l’allongeais délicatement sur le matelas, prenant place au dessus de lui. Confiant, il me souriait. Incapable de lui rendre son sourire, je me contentais de l’observer un instant, avant de partir à la redécouverte de ce corps qui m’avait tant manqué. Fébrilement, j’entrepris d’ouvrir la chemise d’Alakhiel afin d’élargir mon champ d’action. Lorsque finalement je parvins à défaire le dernier bouton, j’ouvris grand sa chemise afin d’exposer la beauté de son torse puissant à mon regard. Face à tant de perfection, je restais un instant immobile, le souffle coupé. Il était magnifique, ainsi offert, me renvoyant une image des plus sensuelles.
Le coeur battant, je lui écartais les jambes afin de m’agenouiller entre ses cuisses. Puis, incapable de résister à l’appel de son corps, je me penchais vers lui, prenant soin d’effleurer son bas ventre avec le mien, alors que mes mains allaient s’ancrer sur ses hanches et que mes lèvres redessinaient les courbes et les vallées de son torse. Avec une passion que je ne me connaissais pas, j’entrepris de réapprendre les courbes de son corps. Tandis que je me déhanchais lentement tout contre son aine, lui arrachant des soupirs de bien être, je mordillais le bouton de chair de son sein gauche, alternant entre morsures délicates et coups de langue éffrontés.
Allanguis sous moi, les yeux fermés, Alakhiel semblait totalement abandonné, ses mains crispées dans les longues mèches de ma chevelure ébène. Intérieurement, je ne pus m’empêcher de le trouver incroyablement beau. Je voulais qu’il m’appartienne, qu’il soit mien pour l’éternité…
Je passais un temps incroyablement long à attiser son désir et son plaisir, léchant, mordillant, caressant la moindre parcelle de peau nue qui s’offrait à moi. La lenteur de mes déhanchements s’était muée en un rythme un peu plus soutenu lorsque j’avais sentis le sexe d’Alakhiel gonfler et durcir sous mes soins en même temps que mon intimité. Le souffle erratique, usant de toute la force de ma volontée pour ne pas retourner Alakhiel et le prendre immédiatement, je m’allongeais sur lui, tressaillant lorsque sa langue vint effleurer la peau de mon cou, le léchant avec délicatesse.
Soudain, sans que je ne puisse réaliser ce qui se passait, Alakhiel inversa nos positions d’un habile coup de rein et je me retrouvais à sa place, alors qu’agenouillé entre mes jambes honteusement écartées, il me souriait avec malice. Au souvenir de notre dernière union, je ne pus retenir l’accélération de mon rythme cardiaque alors qu’une peur sans nom s’insinuait dans mes veines. Semblant s’en rendre compte, Alakhiel se pencha vers moi et de son index, il effleura mes lèvres entrouvertes sur une protestation muette :
- Chuut… Souffla-t-il. Ne craint rien… Fais-moi confiance…
Rassuré par ce que je pouvais lire dans ses yeux, je finis par me détendre. Voyant cela, Alakhiel m’adressa un sourire empli de tendresse et se penchant davantage sur moi, il s’empara de mes lèvres pour un baiser des plus tendre, achevant de m’apaiser.
Puis, comme je l’avais fait pour lui un peu plus tôt, il laissa sa langue parcourir mon visage pour s’aventurer dans mon cou, alors que de ses doigts agiles, il bataillait pour déboutonner ma chemise avant d’exposer mon corps à son regard appréciateur. Sans que je ne sache pourquoi, le voir m’observer avec cette convoitise qui faisait briller son regard gonfla mon coeur d’un sentiment d’allégresse. Je ne saurais dire combien de temps il passa à me faire subir la plus exquise des tortures, alors que sa langue passait et repassait sur mon torse, s’arrêtant parfois sur mes boutons de chair durcis par le plaisir qui m’incendiait de l’intérieur.
Après un baiser des plus passionnés mais toujours emplis d’une tendresse encore inégalée, il m’adressa un regard malicieux qui m’enflamma plus que je ne l’était déjà. Sans détourner son regard du mien, il descendit au niveau de mon entrejambe. Là, il entrepris de me retirer mon pantalon, prenant un soin tout particulier à effleurer mon intimité douloureusement tendue à chaque mouvement, m’arrachant moult soupirs et gémissement plaintifs. Très vite, je me retrouvais entièrement nu et exposé à son regard inquisiteur. Fermant les yeux sous l’effet du plaisir qui me consumait de l’intérieur, j’entamais inconsciement un déhanchement lascif. Sentant les mains d’Alakhiel quitter mon corps, je poussais un feulement de protestation et ouvrit les yeux. A travers le voile de plaisir qui me brouillait la vue, je crus voir Alakhiel qui m’adressait un sourire malicieux.
L’instant d’après, je criais de plaisir lorsqu’il prit en main mon sexe brûlant. Crispant mes doigts dans ses cheveux, je tentais de lui faire comprendre d’aller plus loin. Cependant, il restait obstinément immobile, n’esquissant aucun geste, se contentant de garder mon érection dans sa main.
- Qu’est-ce que tu veux Ezekiel ? Murmura-t-il d’une voix terriblement excitante. Est-ce que c’est ça que tu veux ? Ajouta-t-il en léchant le bout de mon intimité, me faisant me cambrer violemment sous l’effet du plaisir. Tu veux ma langue et ma bouche là ? Reprit-il en réitérant son geste.
- Oh mon Dieu ! Oui ! M’exclamais-je vivement, assailli par une violente vague de plaisir que je n’avais pas sentie arriver.
Visiblement satisfait de ma réaction, Alakhiel accéda finalement à ma requête muette et sans la moindre trace de pudeur, il me prit en bouche, entourant mon érection douloureuse entre ses lèvres chaudes. Sous l’afflux de plaisir qui s’empara de moi à cet instant, je ne pus retenir un cri de plaisir à l’état pur. L’instant suivant, Alakhiel entamait un va et vient cadencé sur mon érection tout en m’empêchant le moindre mouvement, ses mains fermement ancrées sur mes hanches. Alternant entre des va et vient affreusement lents qui me mettaient au supplice et un rythme beaucoup plus cadencé, il me conduisit bientôt aux portes de la jouissance. Et alors que j’atteignais le stade ultime de la jouissance, il cessa subitement tout mouvement et libéra mon sexe tendu à l’extrême et affreusement douloureux, de sa prison humide, m’arrachant un sanglot de frustration.
L’instant d’après, je sentis son souffle sur mes lèvres entrouvertes. Cependant, encore assez lucide pour lui faire par de mon mécontentement, je détournais la tête au dernier moment, esquivant ainsi le baiser qu’il voulait me donner. Alakhiel n’ayant visiblement pas prévu cela, je sentis ses lèvres se poser sur ma joue avec une tendresse infinie et sans que je ne sache pourquoi, ce baiser loupé me fit bien plus d’effets qu’un baiser sur les lèvres. Sans m’en rendre compte, affreusement gêné, je sentis mes joues déjà rougies par le plaisir virer à l’écarlate alors qu’une bouffée de chaleur s’emparait de moi. Je priais intérieurement qu’Alakhiel n’ait rien remarqué à mon trouble, mais à entendre le rire discret qui s’échappa de sa gorge, je sus qu’il n’avait rien manqué du spectacle que je venais de lui offrir. Honteux de ma réaction infantine, je fermais les yeux.
- C’est mon baiser loupé qui te trouble à ce point ? Demanda-t-il.
Au son de sa voix, je su qu’il souriait encore en me posant la question. Terriblement dérouté par cette marque d’affection aussi innocente qu’inattendue, je ne répondis rien. Face à mon manque de réaction, il se redressa afin de pouvoir prendre mon visage entre ses mains. Là, m’obligeant à le regarder, il déclara sans se départir de la tendresse dont il faisait preuve depuis le début :
- Je n’aurais jamais cru te voir aussi intimidé par un simple baiser…
Puis, semblant comprendre que le sujet me mettait mal à l’aise, il m’embrassa du bout des lèvres, me volant un baiser furtif avant d’ajouter, son sourire malicieux faisant place à un air grave et sérieux :
- Maintenant, je veux que tu me prennes, souffla-t-il d’une voix rauque de désir. Je veux que tu me fasse tien… Mais, je veux que tu le fasse avec douceur… S’il te plait… Tout en douceur… Comme tu as fait jusqu’à maintenant…
Sans attendre de réponse de ma part, il inversa de nouveau nos positions et je me retrouvais sur lui. A mon tour, je lui volais un tendre baiser qui le fit sourire et au comble de l’excitation, j’entrepris de ré-éveiller son plaisir. Arrivant au niveau de son ventre, je laissais ma langue aller visiter son nombril dans une parfaite reproduction de l’acte sexuel qui le fit crier de plaisir, tandis que mes mains s’affairaient à lui oter son pantalon. L’instant d’après, il était nu et entièrement exposé à mon regard appréciateur.
Galvanisé par la vue de toute beauté qui s’offrait à moi, je ne pus retenir un gémissement d’anticipation à l’idée que ce corps si parfait soit bientôt mien. Brûlant de désir et au comble de la frustration, je portais alors trois doigts à mes lèvres, tandis que de ma main libre, j’imprimais un lent va et vient sur l’intimité de mon amant qui gémissait et se tortillait sous l’effet du plaisir.
Les yeux rivés sur Alakhiel, c’est avec surprise que je le vis se redresser, écartant les jambes pour les enrouler autour de ma taille alors qu’il passait un bras autour de mon cou pour se rapprocher de moi. Là, de sa main libre, il attrapa mon poignet et me força à retirer mes doigts de ma bouche, tout en m’adressant un sourire mutin. Puis, sans se départir de son sourire, il entrepris de lécher mes doigts un par un, avant de les prendre entre ses lèvres avec une sensualité qui m’arracha un gémissement de frustration face à cette vision des plus érotiques.
Après un temps qui me parut incroyablement long, il libéra mes doigts et le souffle erratique sous l’effet du plaisir qu’il ressentait, il gémit :
- Maitenant Ezekiel… S’il te plait…
Comme pour appuyer ses paroles, il esquissa un mouvement de va et vient dans ma main toujours enroulée autour de son érection. S’agenouillant sur mes cuisses, il prit ma main et la guida jusqu’à l’entrée de son intimité, m’intimant explicitement à le préparer. Accédant à sa requête informulée, tiraillé par un désir douloureux, je ne me fis pas prier, et avec une délicatesse que je ne me connaissais pas, j’entrepris de le préparer à ma venue iminante. Fébrilement, j’insinuais délicatement un premier doigt en lui, guettant le moindre signe de douleur. Cependant, ne détectant rien que du plaisir sur  son visage, j’accélérais la cadence et insérais toujours aussi précautioneusement un second doigt en lui. Si le premier entra sans douleur, il n’en fut pas de même pour le second et bientôt, les traits d’Alakhiel se crispèrent sous la douleur occasionnée.
Instantanément, je cessais tout mouvement, lui laissant un temps d’adaptation. Et au bout de quelques secondes, ce fut lui qui reprit le mouvement, s’empalant sur mes doigts. Délicatement, j’esquissais alors un mouvement de ciseaux dans le but de détendre ses chairs au maximum. Bientôt, il ne fut plus que cris et gémissements de plaisir, me suppliant de me dépêcher.
Troublé par tant d’abandon de sa part, je cédais cependant à ses supplications et insérais le troisième et dernier doigt en lui. Sous l’intrusion, Alakhiel ne put retenir un cri de douleur et comme précédement, je stoppais immédiatement tout mouvement. Le remerciant, je l’embrassais délicatement sur les lèvres et ce fut à son tour de m’adresser un regard surpris.
Je ne le relevais pas, sachant pertinament que je ne saurais expliquer mon geste. A la place, j’enfoui mon visage dans son cou et afin de l’aider à surmonter et oublier sa douleur, j’entrepris de l’embrasser un peu partout, mordillant doucement la peau délicate de son cou. Cela sembla faire son effet car bientôt, Alakhiel esquissa de lui-même un mouvement de va et vient, s’empalant sur mes doigts. L’instant d’après, ses cris de plaisir vinrent innonder la pièce. En sueur, le souffle court, il haletait mon prénom.
Le jugeant suffisament préparé, au comble de la frustration, je retirais mes doigts de son intimité, lui arrachant ainsi un sanglot de protestation. De mon côté, je devais user de toute ma volontée pour ne pas le prendre immédiatement lorsqu’Alakhiel prit mon érection entre ses doigts et me guida à l’entrée de son intimité. Etouffant un gémissement de plaisir, je le saisis par les hanches, l’aidant à se soulever et l’instant d’après, je me sentis happer entre les chairs brûlante et nous criâmes à l’unisson. Sous l’effet du plaisir qui m’incendiait les reins, je ne pus me retenir plus longtemps et le pénétrais entièrement.
Je sentis Alakhiel se cambrer et je n’aurais su dire si le cri qu’il poussa était du à la douleur ou au plaisir qu’il ressentit sous mon intrusion. Haletant, le front recouvert de sueur, il ancra son regard au mien et, un sourire à la fois tendre et amusé, il déclara :
- Tu me sembles bien pressé…
Pour toute réponse, j’émis un grognement sourd et esqissais un lent et langoureux déhanchement qui arracha un gémissement à mon amant. Durant un temps qui me parut interminable, je tentais de garder un rythme lent, mais bientôt, je finis par céder, à bout de patience. Entourant mes bras autour de la taille de mon amant, je l’allongeais délicatement sur le matelas et sous son sourire satisfait, je lachais les rênes de mon plaisir, accélérant la cadence de mes coups de rein.
Très vite, les gémissements d’Alakhiel se transformèrent en cris qui emplirent la chambre, résonnant comme la plus belle des mélodies à mes oreilles. Au bord de la jouissance, consumé par un plaisir que je n’avais encore jamais ressentis auparavant, c’est à peine si j’avais encore entièrement conscience de mes actes. La seule chose qui importait, était le plaisir fulgurant qui menaçait de nous faucher à tout instant. Avant que je ne réalise entièrement ce qui se passait, je plantais mes crocs dans le cou de ma créature, sentant à peine Alakhiel faire de même de son côté.
Electrisé par le plaisir intense qui me consumait de l’intérieur additionné au goût suave du sang d’Alakhiel qui coulait dans ma gorge, j’accélérais encore le rythme de mes pénétrations. Puis, dans un ultime coup de rein, je sentis Alakhiel se contracter sous moi et, dans un cri de pur plaisir, il se libéra entre nos deux corps étroitement enlacés. Je le suivis quelques secondes plus tard. Le sentant se contracter autour de moi, je finis par jouir à mon tour et dans un ultime coup de rein, je criais le prénom de mon amant en me libérant en lui.
Haletant, le corps recouvert d’une fine péliculle de sueur et parcourut de spasmes de plaisirs, je me laissais lourdement retomber sur Alakhiel qui, un sourire tendre étirant ses lèvres, m’accueillit entre ses bras.
Je ne saurais dire combien de temps nous restâmes ainsi enlacés, retrouvant lentement un rythme cardiaque normal. Aucun de nous deux ne brisa le silence qui nous enveloppait, encore sous le coup des violentes émotions qui s’étaient emparées de nous. La tête posée sur la poitrine d’Alakhiel, ma main caressant distraitement son sein droit, je finis par me laisser aller à fermer les yeux, gagné par une douce torpeur, bercé par la respiration de ma créature et la douceur de ses doigts qui caressaient ma chute de rein.
Alors que je me laissais aller à fermer les yeux, ivre de l’odeur de mon amant qui m’emplissait les narines, je sentis les mains d’Alakhiel se faire un peu plus entreprenantes. Lentement, ses caresses gagnèrent du terrain, s’excursant un peu plus longuement sur mes fesses. Réprimant mon instinct qui me criait de m’éloigner, je ne bougeais pas. Cependant, lorsque ses caresses se firent un peu trop insistantes et plus prononcer que je ne saurais l’accepter, semblant sentir mon mal aise, il déclara tendrement :
- Détend-toi ! Je ne vais rien te faire… Mais… L’amour c’est aussi ça, Ezekiel… L’amour c’est la confiance mutuelle qui lie deux personnes… Tant que tu sursautera de peur à chaque fois que je te toucherai là, comme ça, reprit-il en joignant le geste à la parole, me faisant sursauter, c’est que tu n’aura encore pas suffisament confiance en moi… Que quelque part au fond de toi, tu refuses de te donner entièrement et de te laisser dominer…
- Personne ne me dominera jamais ! Grondais-je alors en lui adressant un regard lourd de menaces.
- Parce que tu associes le mot “dominer” avec ce que t’as fait subir Da… Ton créateur, se reprit-il au dernier moment. Tu associes ce mot aux tortures et à la douleur qui l’accompagnaient quand il te prenait contre ta volonté… Tu dois ta réticence aux viols que tu as subis… Mais je t’assure que lorsque c’est fait avec amour… Avec tendresse, c’est complêtement différent… Tu a beau être un amant hors pair, crois-tu sincèrement que je crirais comme ça si je ne ressentais pas de plaisir ? Demanda-t-il en s’empourprant.
- Et puis, ajouta-t-il, malicieux. C’est pas parce que tu me prends que tu es forcément dominant…
- Qu’est-ce que tu sous entends par là ? Demandais-je d’un ton bourru.
- Que je te tien par le bout du nez ! Répondis Alakhiel en un éclat de rire.
Un sourire narquois étirant mes lèvres, je plantais mon regard dans le sien et répondis :
- Tu veux parier ?
Et sans lui laisser le temps de répondre quoi que ce soit, je m’emparais voracement de ses lèvres pour un baiser enflammé. Très vite, le feu du désir renaquit en nous, et comme Alakhiel l’avait fait pour moi un peu plus tôt, je lui offris une fellation qui, si j’en croyais les gémissements et cris de plaisir de ma créature, le mena plus haut que le septième ciel. Après quoi, satisfait de l’entendre me supplier, je le pris de nouveau, encore et encore. Nous fîmes l’amour toute la nuit et jamais je ne m’étais sentis aussi bien entre ses bras. C’était comme si quelque chose avait changé entre nous, comme si un lien invisible et cependant indestructible nous avait unis l’un à l’autre pour l’éternité. Jamais je n’aurai pu être plus proche de la vérité…

 

A suivre…

Silent scream - chapitre 12

Lundi 3 décembre 2012

Chapitre 12 par Lybertys

 

Ce fut la première fois que je me nourrissais presque avec envie. Peut-être étais-ce du au fait que je ne devais plus simplement le faire pour moi-même mais pour quelqu’un d’autre, quelqu’un qui en avait vraiment besoin. 
Je me sentais étrange. C’était pourtant l’homme que je détestais. Je venais de lui sauver la vie, alors que j’avais si souvent voulu le tuer. Je n’oubliais pourtant pas la douleur qu’il m’avait causée : traumatisme qui resterait à jamais gravé en moi. Et pourtant, il avait tout risqué pour venir me chercher. Il était allé là où tout le monde voulait sa vie. La douleur de la torture fraîchement vécue irradiait encore mon corps entier et pourtant, j’avais cette cruelle impression de me sentir plus fort. C’était comme si je commençais à peine une nouvelle vie.

Pour la première fois depuis le début de ma vie de vampire, je laissais aller tous mes sens, comme pour la première fois en éveil. Je me laissais enfin à être pleinement. Je courais de plus en plus vite, appréciant la douceur de l’air glissant sur mes joues. J’avais toujours faim, avec l’impression que la satiété ne m’était pas accessible. Je devais manger pour deux cette nuit là, et la culpabilité d’ôter des vies me semblait lointaine.
Elle me m’étreignait plus comme elle l’avait si souvent fait. Ils n’étaient à mes yeux que des sources de nourriture, un moyen de rester en vie au prix de la leur. C’était bien cela, pour la première fois, je ne me sentais plus attaché au genre humain et n’avait donc pas l’impression de trahir les miens. Mais je n’allais cependant pas jusqu’à dire que je prenais du plaisir à ôter une vie. Mais c’était minime par rapport au fait de sentir ce sang délicieusement chaud couler dans ma propre gorge. 
Ce ne fut qu’une fois nourrit bien plus que nécessaire, que je me décidais à rentrer, ayant cet heureux sentiment de savoir que quelqu’un m’y attendait. Certes, je le craignais toujours, et une once de haine habitait toujours mon cœur. Mais pour la première fois, j’avais presque une mince forme d’affection pour lui. 
Lorsque je rentrais, Ezekiel était dans un sommeil profond mais agité. Ses sourcils froncés, trahissaient la douleur qu’il ressentait. Me sentant légèrement coupable, j’allais m’asseoire près de lui, et posait délicatement ma main sur sa joue, l’effleurant à peine, comme pour tenter de l’apaiser. Mais Ezekiel réagit violemment. Il m’attrapa d’un geste brusque, se redressant plus vivement que je n’en l’aurais cru capable, les canines à découvert comme prêt à me sauter à la gorge. Je tentais de ne pas céder à la torpeur dans laquelle il me mettait, et pourtant, j’avais terriblement peur. Me ressaisissant plus vite que je ne l’aurais cru, je pris la parole afin qu’il réalise qui il était en train d’agresser : 
- C’est moi, soufflais-je d’une voix qui se voulait douce et apaisante. Tien, cela t’aidera à reprendre des forces, ajoutais-je en lui tentant mon poignet entaillé d’où perlait déjà quelques gouttes de liquide carmin si précieux.
C’était la première fois que j’occupais cette place. Je prenais soin de lui. Qu’étais-je en train de réellement faire. Avais-je simplement conscience de mon geste ? Pourquoi prendre soin de lui avec autant de précaution ? Jamais je ne m’étais occupé d’une autre personne que moi-même. Jusqu’à maintenant, je n’avais qu’à compter sur moi, et personne d’autre n’était réellement entré dans ma vie. Aujourd’hui, je prenais quelqu’un à charge. Sans moi, il n’aurait sûrement pas tenu longtemps… Mais sans moi, il n’aurait jamais été dans un tel état.
D’une manière fébrile que je n’avais jamais connu chez lui, il s’empara de mon poignet offert avec des tremblements du à sa souffrance et à son manque. Il le porta à ses lèvres d’un geste hésitant. Le contact de ses lèvres sur ma peau me fit frissonner d’une sensation que je ne savais nommer. Trop occupé à se délecter des premières gouttes, il ne perçut pas mon trouble. Mais ce fut bientôt une faim féroce qui s’empara de lui. Comme hypnotisé par l’appétit qu’il découvrait, il entailla plus profondément ma chair et je réprimais une grimace de douleur. Mes sens étaient beaucoup plus en alerte et j’avais l’impression de sentir chaque fibre de ma peau se déchirer sous sa puissante mâchoire. Lorsque mon poignet s’engourdit, je me laissais aller à ce que je ressentais.
Cette sensation était étrange. Sentir comme une vie qui s’échappait de moi sous le fait de ma volonté. Il l’aspirait avec une vigueur qui me faisait presque trembler, me donnant des vertiges.
Il semblait ne jamais vouloir s’arrêter. Ce trop plein bénéfique que j’avais ressentit jusqu’à présent, se transformait trop rapidement à mon goût en vide à combler. Je n’étais pas au meilleur de ma forme, pas après ce que j’avais subit et il me faudrait plusieurs jours pour m’en remettre. Je ne pouvais pas me permettre de ne pas avoir suffisamment de sang ou alors nous ne serions que deux bons à rien, cible pitoyablement facile. Et pourtant, au fond de moi, la tentation était grande de le laisser me vider entièrement. Peu à peu, je me sentais comme engourdi. J’avais l’impression de me fondre en lui. Je tentais de reprendre la raison, alors qu’un gémissement m’échappa, tinté de douleur et d’un plaisir que je n’aurais pas cru y prendre. Je retirais mon poignet subitement, comme pour revenir pleinement à moi. Il en avait eu assez, plus qu’il ne le fallait pour le moment. Je m’attirais alors un grondement de mécontentement de sa part. Il n’était pas rassasié, mais je ne pouvais lui donner plus.
- Cela suffit, Ezekiel, soufflais-je d’une vois tremblotante qui trahissait ma faiblesse et mon trouble.
Docile, mais à contrecoeur, il relâcha mon poignet, soupirant de soulagement. Alors qu’il se rallongeait, je remarquais qu’il avait repris quelques couleurs. Cependant, la douleur semblait l’épuiser et il fermait déjà les yeux, rejoignant les limbes sur sommeil et me laissant seul.
Je posais alors mon regard sur son visage. La douleur contractait ses traits, mais il était plus détendu. Profitant de son état de relâchement, je me mis à détailler son visage, admirant la beauté froide qu’il dégageait. La fatigue commença à m’atteindre plus durement que je ne l’aurais cru et sans vraiment contrôler mon geste, comme pour tenter de le détendre, je posais ma paume sur son visage, épousant parfaitement la forme de son visage.
Ezekiel ouvrit alors difficilement les yeux, et sursauta légèrement en remarquant ma présence au dessus de lui. Mon visage était seulement à quelques centimètres du sien, et j’avais du mal à me souvenir du moment où je m’étais approché de lui, comme envoûté. Sans m’arrêter, je déposer mes lèvres sur les siennes, avec une douceur et une délicatesse dont je ne me connaissais pas capable. Prenant son visage en coupe, j’accentuai la pression de ma bouche sur la sienne, ayant envie de son contact plus que tout. C’était un baiser assez prude, mais il n’en était pas pour autant désempli de tendresse.
Comme déboussolé, Ezekiel ne répondit pas tout de suite, tout autant surpris que moi d’un tel comportement. Rares étaient les fois ou j’avais esquissé un tel geste vers lui. Progressivement, Ezekiel finit par répondre à mon baiser, entrouvrant ses lèvres en un accord silencieux à ce que j’approfondisse notre échange. Fermant les yeux, je me laissais investir par toutes les sensations nouvelles qu’il éveillait en moi. J’avais failli ne plus jamais connaître cela. J’avais failli mourir, j’avais voulu me donner la mort et maintenant… Et maintenant qu’allais-je devenir ? Qu’allions-nous devenir ? Car je n’étais plus seul maintenant, nous étions deux.
Ce baiser nous laissa tous deux pantelants. Ezekiel relâcha mes lèvres, semblant avoir du mal à rester conscient. Contre toute attente, il murmura alors dans un souffle :
- Merci…
Puis, sans me laisser le temps de réagir ou de répondre quoi que ce soit, il s’endormi profondément, me laissant seul à nouveau. Investi par la fatigue, je m’étendis près de lui, n’osant tout de même pas me coller trop près, je laissais simplement ma main effleurer son corps. C’était comme au début, lorsque j’allais le rejoindre dans son cercueil. Etrangement serein, épuisé, je le rejoins dans le sommeil…
Je me réveillais après plusieurs heures de sommeil, le corps en sueur et la peau de mon torse et de mon ventre cuisante. J’avais mal et j’avais surtout faim. Ma guérison demandait plus de sang que je ne l’aurai cru. Laissant Ezekiel dormir d’un sommeil juste, je me levais discrètement et m’évanouissais dans la nuit sombre qui avait déjà envahi la forêt. J’entamais un pas de course soutenu, car nous étions loin de toute civilisation. Je n’allais cependant pas trop vite, souhaitant économiser mes forces pour une guérison plus rapide. Presque essoufflé, je m’arrêtais à la lisière de la forêt, un rayon de lune berçant la plaine. J’avais l’impression que ma peau était en train de se consumer. Profitant de ce peu de lumière, j’ouvris ma chemise, frémissant face au vent qui lécha instantanément ma peau. Ce n’était pas beau à voir. Loin d’être cicatrisés, les plaies dues à l’eau bénite parsemaient ma peau comme mutilée à jamais. Frissonnant de dégoût, je refermais brutalement ma chemise, ne voulais plus me soumettre à cette vue emplie de souvenir trop frais. J’humais l’air, me concentrant sur ce que j’avais à faire : chasser. Deux hommes enivrés n’étaient qu’à quelques centaines de mètres, comme égarés, loin de leur villes. Deux proies parfaites pour un début de chasse…
Je rentrais plus que rassasié, espérant cette fois en avoir pris assez pour nous nourrir tous les deux. Ezekiel était toujours endormi lorsque je rentrais. La douleur de mon torse me cuisait moins, entamant à nouveau une forme de guérison lente et périlleuse. J’osais à peine imaginer la souffrance que Ezekiel devait ressentir dans son épaule. 
Je m’assis près de lui alors qu’un questionnement revint m’assaillir. Quelle vie allions nous avoir ? Shaolan nous avez clairement menacé… J’avais peur, peur d’être à l’aube de ma naissance de vampire, de découvrir mes capacités et finalement me retrouver l’herbe coupée sous les pieds, la vie ôtée.
C’est à ce moment-là qu’Ezekiel choisit pour ouvrir les yeux. Reprenant mes esprits, je mordis mon poignet et le lui présentais : 
- Tiens, soufflais-je, heureux de me délester un peu de ce trop plein. 
Sans se faire prier, il attrapa délicatement mon poignet qu’il mordit, aspirant mon sang avec moins de précipitation que la première fois. De lui même, il s’arrêta, semblant rassasié. Il cicatrisa la plaie d’un coup de lange et me rendis ma liberté. N’ayant aucune envie de m’écarter de lui, je m’allongeais à ses côtés, et délicatement, ne voulant pas rompre le contact, en un geste tendre, je posais ma main sur son torse dénudé, qui avait repris une certaine chaleur rassurante.
Puis, les questions devenant trop nombreuses, les ayant trop ressassées dans ma solitude, je profitais de son instant d’éveil pour les partager avec lui.
- Qu’allons nous devenir ? Demandai-je dans un murmure.
Ezekiel ne répondit rien, ne semblant pas comprendre mon comportement ou simplement ma question. Sans attendre, maintenant lancé, j’allais jusqu’au bout de mon raisonnement, m’étonnant moi-même de la détermination que j’y mettais :
- Je veux que tu m’apprennes à me battre. Je ne t’abandonnerais plus…
Je ne voulais plus être un poids mort. Je ne voulais pas qu’il lui arrive la même chose par ma faute. Je voulais être capable de me défendre seul et ne plus jamais me retrouver dans une telle situation. Je venais à peine de découvrir mes réelles capacités et je voulais en découvrir beaucoup plus sur elles.
Ezekiel resta interdit l’espace d’un instant et après un long silence, il me demanda avec hésitation, comme choqué par ce que je venais de lui dire :
- Pourquoi ?
- Pourquoi quoi ? Répétais-je, perdu par sa réaction.
- Pourquoi ce brusque changement d’avis ? Reprit-il, comme s’il venait de retrouver son sens de la répartie.
Je ne répondis pas à sa question, soudain très mal à l’aise. Comment pouvait-il me prendre au sérieux après le tel passé qu’il me connaissait. Eludant volontaire et maladroitement sa question, je me redressais et m’assis à sa hauteur : 
- Co… Comment va ton épaule ?
A son tour, il ne répondit pas à ma question, n’aimant pas ma façon de faire. Agacé, il se releva brusquement, ne grimaçant que très légèrement face à la douleur qu’il devait s’imposer. Il se tourna vers moi et me demanda avec hargne : 
- Quand cesseras-tu de te voiler la face, Alakhiel.
J’esquissais un sursaut de surprise. J’avais presque oublié ses sautes d’humeur et la véritable peur presque animale qu’il m’avait toujours inspirée. Rassemblant mon courage, ne voulant pas me plier vulgairement face à lui, j’ancrais mon regard embrasé d’une lueur de défis dans le sien, et éludant une nouvelle fois sa question, je murmurai : 
- Pourquoi m’as-tu sauvé, Ezekiel ? S’il te plait, ajoutais-je en le voyant ouvrir la bouche pour me répondre. Ne me sert pas encore une de tes répliques sarcastiques… Je… J’ai besoin de savoir…
Je le suppliais presque, j’avais besoin de savoir, besoin de savoir pourquoi il me gardait ainsi en vie à ses côtés, jusqu’à risquer la sienne… Semblant être touché, sans que je comprenne vraiment pourquoi, Ezekiel soupira longtemps avant de murmurer dans un souflle : 
- Je croyais que tu l’avais compris…
Ne comprenant pas sa réponse, ayant beaucoup de mal à imaginer ce qu’il voulait dire par là, je lui demandais déboussolé :
- Quoi ? Qu’aurais-je du comprendre ? 
Soudain, cela me parut évident. Qu’étais-je aller m’imaginer. Qu’il tenait à moi indépendamment du fait que je lui appartenais. J’ajoutais alors d’une petite voix tremblante, sachant que la réponse serait durement douloureuse : 
- C’est parce que je suis ta chose, n’est ce pas…
A l’entente de mes derniers mots, Ezekiel poussa un soupire d’exaspération. 
- Quand cesseras-tu de prendre au pied de la lettre chaque mot que je prononce, soupira-t-il. Tu crois vraiment tout ce qu’on te dis, c’est pas croyable !
Ezekiel esquissa un léger sourire alors que j’étais encore plus perdu qu’auparavant. Il n’ajouta rien, peu enclin à me donner plus d’explication. Il déposa cependant un délicat et chaste baiser sur mes lèvres, qui me troubla encore plus. Sans attendre de réaction de ma part, il se détourna de moi et s’allongea sur le sol de terre battue, mettant fin à cette discussion. Me sentant soudain violemment seul, je m’allongeais à mon tour, laissant une distance entre nous. Cette distance me donnait l’impression d’être un mur impénétrable.
Ce fut sans la moindre réponse face à notre avenir, que je tentais de fermer les yeux et de trouver le sommeil. Il me fallut un certain temps et finalement, l’épuisement physique eut raison de moi. J’avais mal, terriblement mal. Je ressentais une douleur tellement puissante que la mort me semblait elle même trop douce pour m’en soustraire. J’ai seul, entouré d’ennemis. Leurs regards posés sur ma nudité étaient eux aussi une véritable torture. Je voulais crier, les supplier de mettre fin à tout cela, promettant de faire n’importe quoi, mais aucun son ne sortait de ma bouche. J’en venais presque à souhaiter ne jamais avoir été mis au monde. 

Je ne voyais aucune échappatoire et bouger, ne serait-ce que d’un millimètre, rendait le supplice encore plus insurmontable. Le rire de Shaolan brûlait mes oreilles et cette fiole qui se vidait sur mon corps semblait ne jamais se désemplir. Chaque seconde me semblait durer une vie de mortel entière. Rien ne pouvait me soustraire à cette torture et sombrer dans l’inconscience me semblait interdit. 
Mais soudain, alors que ne serait-ce que le souhaiter m’avait sembler inimaginable, je me sentit envahi par une chaleur réconfortante qui repoussa peu à peu toute sensation de douleur possible. Des larmes de soulagement mélées de terreur m’envahir, alors que je m’enfonçais dans un espace noir et dénuée de toute vie. Je me sentais soudain, comme dans un cocon protecteur, là ou jamais personne ne pourrait m’atteindre, comme protégé par une puissance dont j’ignorais la source. Je me laissais aller, comme bercé par des bras puissant, irradié par une chaleur qui n’était pas la mienne. Je ne pouvais cesser de pleurer, tentant d’évacuer tout ce que je venais de ressentir, ce trop plein qui avait pris possession de mon être et de mon esprit. Suffocant, je repris peu à peu une respiration normale. 
Il me sembla alors entendre quelque chose qui me tira de mon sommeil. Dans un entre deux, je réalisais à peine que j’étais dans les bras d’Ezekiel. Rassuré, je me laissais à nouveau aller, me sentant protégé et prêt à affronter à nouveau le sommeil et ses dangers.
Lorsque je me réveillais, la nuit allait presque tomber. Ezekiel avait sa main posée négligemment sur mon torse, et sa tête était enfouie dans mon cou. La peau de mon torse était toujours aussi douloureuse, bien que la cicatrisation ait enfin été entamée. Avec délicatesse, lui laissant encore quelques minutes de sommeil, je me dégageai de son étreinte et me redressais, étirant mes muscles endoloris. Me rappelant 
de ce qui s’était passé durant mon sommeil, j’étais certain que je ne devais mon salut qu’à cet homme, tout comme je le lui devais dans la réalité. C’était avec douceur et bienveillance que je le fixais, le sentant proche du réveil. Cela ne manqua pas. Quelques minutes plus tard, il ouvrit les yeux, et une fois qu’il fut réellement là, je déclarais posément : 
- La nuit va bientôt tomber. Nous ferions mieux de ne pas traîner ici… Tu te sens de te lever ? 
Ezekiel ne répondit rien, mais lentememt, il se redressa sur ses coudes afin de me faire face.
- Allons-y, déclara-t-il d’une voix rauque, comme s’il avait la gorge asséchée.
Rassemblant le peu de force qu’il avait, il se leva avec difficultés, ses jambes tremblantes le maintenant à grand peine. Jamais je ne l’avais vu dans un tel état de faiblesse, si bien que je ne savais pas comment réagir. Je ne savais même pas si je devais l’aider ou non.
Pour toute réponse, Ezekiel s’appuya sur moi plus lourdement que je ne l’aurais cru. D’un geste maladroit, ne sachant jamais vraiment comment me comporter avec lui, je posais ma main sur sa hanche afin de le soutenir et l’aida à marcher.
Lentement, sans un regard en arrière, nous reprîmes notre route, nous éloignant progressivement du lieu où siégait le conseil. Il était d’ailleurs étrange que celui-ci ne se soit pas mis à nos trousses. Shaolan y était-il pour quelque chose ? Je ne le voyais maintenant plus que comme un abject manipulateur. Ce n’était plus un allié mais une menace pour notre vie. Il me faisait peur, peut être même plus qu’Ezekiel qui au moins était un être entier. Mais je savais ce qu’il voulait : le vampire que je tenais précisément. Sentant malgré moi le trouble d’Ezekiel, étant trop proche de lui, je déclarais d’une voix grave :
- Si je n’avais déjà pas confiance en ce Shaolan, à présent mes doutes se sont confirmés. C’est toi qu’il veut, Ezekiel.
- Je sais. Répondit-il. Du moins, ajouta-t-il face à mon regard interrogateur, c’est ce que j’ai cru comprendre. Ce qui m’échappe cependant, c’est la raison pour laquelle il s’acharne ainsi…
- Tu sais, osais-je timidement, je… Je crois que Shaolan n’est plus celui qu’il était où qu’il a pu être… J’ai l’impression qu’il joue un double jeu…
Ezekiel ne répondit rien. Il semblait m’inciter à continuer, ce que je fis.
- Je me trompe peut être, mais j’ai l’impression que Shaolan à des projets bien plus ambitieux qu’il n’y paraît… Et s’il n’était pas celui qu’il semble être…
- Tu sais quelque chose ? Me demanda-t-il soudain, presque trop brusquement.
Après une seconde d’hésitation, je lui fis véritablement part de ce que je pensais.
- Je… C’est toi qu’il veut. Je veux dire… Il te veut pour lui seul
- Je n’appartiens à personne, grommela-t-il.
Sa réaction me fit sourire légèrement. Ezekiel était toujours fidèle à lui même, et j’avais de nombreux doutes quant à la possibilité que Shaolan exécute véritablement ce qu’il voulait ou du moins y parvienne. S’il arrivait à son but, cela voudrait dire que je ne serais plus là. Je n’étais plus qu’un vulgaire obstacle. Un frisson me parcourut l’échine. Mais parviendrait-il réellement à posséder Ezekiel comme il le désirait ? Je n’avais pas de réponse tranchée à cette question.
- Qu’allons-nous devenir ? Lui demandais-je au bout d’un moment, reposant la question laquelle il n’avait finalement pas répondu la première fois.
- Ce que j’ai toujours été, répondit-il dans une voix sans timbre qui me glaça d’effroi. Des fugitifs…
Je m’arrêtais subitement. Ce n’était pas une telle réponse que j’attendais. Lui adressant un regard furieux, je m’exclamai :
- Alors c’est tout ? C’est tout ce que tu sais faire ? Quand vas-tu cesser de fuir, Ezekiel ? M’exclamais-je la voix tremblante qui reflétait toute la rage qui m’habitait.
- Que veux-tu que je fasse de plus ? S’exclama-t-il à son tour, la colère montant en lui. Quoi que je fasse, qu’importe le nombre de soldat du conseil que je tuerais, il nous poursuivront sans relâche… Ne parle pas de ce que tu ne connais pas, Alakhiel, ajouta-t-il avec un sourire sans joie aucune.
Je ne répondis pas tout de suite. Mais soudain, une lueur de folie vint m’éclairer, le même genre de folie qui aurait pu habiter Ezekiel. Un étrange sourire étira mes lèvres. Guidé par la vengeance de ce qu’ils m’avaient fait, je déclarai avec une voix cruelle que je ne me connaissais pas :
- Alors tu n’as qu’à tuer celui qui est à leur tête…
- T’es complètement cinglé, cracha-t-il d’un ton méprisant, reprenant seul sa marche sans un regard pour moi.
Blessé par une telle réaction, je répondis à mon tour, méprisant :
- Je ne te savais pas si lâche !
Mais à peine eussè-je fini ma phrase et sans avoir le temps de réaliser ce qui se passait, Ezekiel me saisit par la gorge et me plaqua violemment contre l’arbre derrière moi. La douleur irradia ma colonne vertébrale sous le choc et même si je le savais faible, il n’y avais aucun moyen pour moi de me libérer de son étreinte. Le seul fait d’être ainsi piégé me rendait fou de terreur. J’avais l’impression de me retrouver dans ce cachot, totalement impuissant. Alors que la rage bouillonnait dans mes veines par pur réflexe de défense, Ezekiel me souffla d’une voix dangereusement basse tout contre mon visage :
- Dis-moi, qui de nous deux est le plus lâche ? Qui de nous deux suppliait Shaolan de l’achever, il y a encore quelques heures de cela à peine ? Qui de nous deux ressent toujours cette culpabilité à prendre une vie ? Entre toi et moi, ajouta-t-il après un court silence, le lâche, ce n’est certainement pas celui qu’on pense !
Sur ces mots, il me relâcha aussi vivement qu’il m’avais saisi. Désiquilibré, je m’effondrais lamentablement sur le sol alors qu’Ezekiel se détournais de moi, sans un regard de plus. Alors que les larmes me montaient aux yeux sans raison, humilié, je les ravalais et m’exclamais :
- Je me demande vraiment pourquoi je m’obstine à te suivre et à vouloir rester avec toi…
- Ta lâcheté et ta peur du conseil, répondit-il.
Vexé par si peu de considération, je répliquais en m’engageant à sa suite :
- Je crois au contraire qu’il me faut du courage et beaucoup de patience pour rester avec quelqu’un d’aussi lunatique que toi… Et la mort ne me fait pas peur… Je ne l’ai que trop souvent frôlée…
J’avais même passé tant d’année à la désirer… Ezekiel se retourna vivement, manquant de me faire sursauter. Il me demanda d’une voix traînante, comme en colère :
- La mort t’effraie si peu que ça ? Dans ce cas, qu’attends-tu pour mettre fin au plus vite à ta misérable existence ? Cracha-t-il avec dédain.
Blessé par une telle réaction de sa part, mais au combien habituel, je ne rétorquais rien alors qu’il continuait :
- Si tu veux, dans mon infinie clémence, je peux même t’y aider… Je t’assures que tu ne sentiras rien… Ajouta-t-il avec un sourire malsain qui me fit frissonner.
Malgré toutes mes bonnes résolutions de prendre ma vie en main, Ezekiel m’ouvrait une nouvelle fois la porte de ce que j’avais fini par croire être une libération. Ne serait-ce finalement pas plus facile ?
Mais n’aimant pas la façon dont il se jouait de moi, je m’écartais de son chemin en sifflant :
- Je ne veux pas de ta pitié.
- Il ne s’agit pas de pitié Alakhiel, rétorqua-t-il en me bloquant la route, ne confond pas tout. Contrairement à toi, je ne ressens pas l’envie de mourir et si je te propose cela c’est uniquement pour sauver ma peau. J’en ai plus qu’assez d’avoir à supporter et à traîner un suicidaire. Alors dis moi une fois pour toute que tu veux mourir et on en finit à l’instant même !
Il n’y avait plus de trace de colère dans sa voix, seulement une profonde lassitude.
Je ressentis une douleur à l’intérieur de moi. J’avais peur d’en connaître la raison. Je semblais être blessé du fait qu’il porte finalement si peu de considération quant à mon cas. Mais après tout il avait raison. S’il me tuait maintenant, s’il mettait fin à mes jours, il se débarrasserait de tous ses problèmes et aurait sûrement une chance de survivre au conseil. Tout serait tellement plus facile pour nous deux. Il retrouverait sa paix et je tenterais de trouver la mienne dans la mort. Un seul mot, et tout serait finit. Plus de faux semblant, j’aurais enfin ce à quoi il m’avait arraché deux fois déjà. Mais pourtant, je ne m’en sentais plus le droit. Finalement, après tout ce temps à désirer la mort, et à être passif, je goûtais à peine à la force qui dormait en moi. Depuis ma naissance en tant qu’humain et jusqu’à maintenant, j’avais été uniquement acteur de ma vie, sans jamais faire de véritable choix, ayant un destin tout tracé devant moi. Elisabeth ne m’aurait même pas regardé. J’aurais fini ma vie monotone, tout comme elle l’avait commencé. Mais j’avais aujourd’hui une autre possibilité. Celle de prouver de quoi je pouvais être capable. Peut importe si je n’étais qu’une chose pour Ezekiel, je voulais être moi-même. Et tant que je ne serais pas allé au bout de tout cela, je ne pouvais et ne voulais pas mourir. Plus maintenant… Ou alors, tout cela aurait finalement été vain.
Dans un souffle, baissant la tête, ne supportant pas le regard inquisiteur qu’Ezekiel posait sur moi, je murmurais :
- Je… Je ne veux pas mourir…
- Il serait grand temps que tu saches réellement ce que tu veux, Alakhiel, rétorqua-til d’un ton cinglant.
Allant jusqu’au bout de ma décision, ne me laissant pas faire, je repris, plein d’assurance et de défit dans les yeux, lui faisant face :
- Je… Je veux que tu m’apprennes à me défendre.
- Tiens donc, ironisa-t-il. En quel honneur ?
Je décidais d’être franc avec lui.
- Je veux être capable de me défendre par moi-même… Je ne veux plus être un poids pour toi… Je ne veux plus que tu risques ta vie une fois de plus pour me sauver… Avouais-je dans un souffle, n’osant plus lever les yeux vers lui.
Après un long silence qui me parut interminable, il finit par reporter son attention sur moi et déclara à son tour :
- Soit ! Mais ne me déçoit pas…
Je ne pus m’empêcher de sourire, heureux malgré moi. Notre nouvelle vie était scellée et c’était tous les deux que nous allions la partager. Je n’avais aucune idée du futur qui nous attendait et si nos chemins continueraient de suivre le même parcours. Tout ce que je savais c’est que pour le moment, nous continuerions tous les deux, liéspar la même malédiction : celle d’être poursuivi à jamais par des êtres puissants voulant notre mort. Peu de chance de survie dans un futur lointain et pourtant pour la première fois, je pouvais ne serais-ce que songer au futur et me sentir le droit de prononcer ce mot. 
Nous marchâmes toute la nuit, Ezekiel légèrement en avant. J’étais derrière lui, le surveillant au cas où il aurait un coup de faiblesse. S’il voulait donner l’impression que tout allait bien, je savais pertinemment que son équilibre ne tenait qu’à un fil. Nous étions à travers les bois, rendant notre progression plus difficile. 
Si les soldats du conseil avaient voulu nous suivre et nous éliminer, nous étions au moment actuel à leur merci la plus totale, affaibli comme jamais. Soudain, en moins de temps qu’il ne fallut pour le dire, je vis Ezekiel commencer à vaciller. J’eus à peine de le temps de le rattraper alors qu’il s’effondrait sur le sol. Il avait perdu connaissance. 
Si j’avais assez de force pour me déplacer et chasser, la chose était complètement différente lorsqu’il s’agissait de porter Ezekiel. En temps normal, il n’aurait presque rien pesé, mais dans mon état, il me semblait terriblement lourd. Pourtant quelque chose me poussait à continuer notre route. L’aube n’était pas encore là, et je connaissais un lieu sur pour nous deux. Avec un peu de chance, si je me hâtais, j’aurais le temps d’aller chasser, car la faim commençait à me tirailler de manière déraisonnable. 
Je revenais de la chasse. J’avais juste eu le temps d’attraper quelques proies avant que le soleil ne commence à poindre à l’horizon. Je connaissais cet endroit mieux que personne, cette maison maintenant abandonnée avait été celle dans laquelle j’avais grandis. Je ne me sentais pourtant plus attaché comme avant à ce lieu. Je m’y sentais juste en sécurité. Finissant de masquer les fenêtres afin que la lumière ne nous atteigne pas. Il n’y avait plus personne dans l’entourage, et je savais que personne ne viendrait jusqu’à ce coin reculé.  
Attendant que Ezekiel se réveille en proie à la fièvre, j’allais dans la chambre de ma mère. Peut-être s’y trouvait-il toujours, son petit trésor, un luxe pour notre famille. Je savais précisément où elle le cachait à l’époque. Soulevant précautionneusement une latte de bois, c’est avec un sourire triomphant que je le trouvais. C’était un petit morceau de miroir qui n’était pas bien grand, mais qui suffisait pour s’y voir. À la lueur d’une bougie, je le posais sur le petit meuble en bois en face de moi. Cela faisait longtemps que je n’avais pas vu à quoi je ressemblais. Étonnamment, j’avais plutôt bonne mine, les joues légèrement rosie par l’afflux de sang qui coulait en moi suite à mon récent repas. Avec hésitation, j’ouvris un à un les boutons de ma chemise, les mains tremblantes. 
Une vision d’horreur s’offrit à moi. Je n’avais pas pu clairement le voir jusqu’à maintenant, mais une vilaine cicatrice barrait mon torse et mon ventre déjà couvert d’autres, plus minimes. La cicatrisation avait déjà bien été entamée, mais cela restait vilain. D’un mouvement violent de la main, j’envoyais valser le miroir dans la pièce, ne supportant plus de voir mon corps comme à jamais bafoué et sacrifié. Ces cicatrices seraient toujours là pour me rappelait ce que j’avais subi et cela uniquement par ma faute. Qui oserait ne serait ce que poser le regard sur moi maintenant. Je me sentis oppressé rien qu’à l’idée de la réaction d’Ezekiel. Une fois son jouet abîmé, voudrait-il encore de moi à ses côtés ? Refermant nerveusement ma chemise, je quittais cette pièce, laissant éparpillé en mille morceaux derrière moi, le trésor de ma mère à jamais détruit. 
Mes sombres pensées furent interrompues lorsque je vis Ezekiel et la souffrance qui se dégageait de lui. Il était temps de le réveiller pour qu’il se nourrisse. Il avait perdu beaucoup trop de sang. Alors qu’il émergeait peu à peu, semblant complètement déboussolé, je tentais de l’appeler calmement pas son prénom. Inquiet de son temps de réaction, je passais délicatement une main sur son visage et ce ne fut qu’à ce moment-là qu’il ouvrit les yeux. Il était brûlant. Se redressant légèrement, il regarda autour de lui. Avec douceur, je posais délicatement ma main sur son torse pour l’inciter à rester allongée tout en murmurant d’une voix douce aspirant au calme : 
- Reste couché… Tu as perdu beaucoup de sang… Tu dois reprendre des forces…
- Ou… Sommes… Nous… Articula-t-il avec difficulté. 
- En lieu sûr, le rassurais-je, en passant ma main sur son front. 
A ce contact, Ezekiel poussa un soupire de bien être et semblant rassurer, il se laissa complètement aller. Il se rendormit plus vite qu’il ne fallut pour le dire. Inquiet, j’allais m’étendre un peu plus loin, ayant moi aussi besoin d’un peu de sommeil. 
Je me réveillais alors que la nuit était déjà bien avancée. Ne perdant pas de temps, jetant un bref regard à Ezekiel toujours profondément endormis, je partis chasser. Lorsque je revins, je me trouvais nez à nez avec Ezekiel à moitié dévêtu devant la porte. Rassuré de le voir debout, je ne pus m’empêcher de sourire légèrement.
- Tu es réveillé… Je suppose que tu dois avoir faim… Va te recoucher, je t’apporte de quoi te nourrir.
Trop faible pour protester, il obéit docilement et retourna s’asseoir sur le lit. Il se mit alors à observer la petite pièce qui avait autrefois été ma chambre. Un portrait attira son attention et il se leva pour aller voir le dessin qui représentait la femme que je ne verrais plus jamais. Pendant ce temps, j’attrapais un grand verre, et avec rapidité, j’entaillais la veine de mon poignet et remplissais le verre de ce liquide carmin si précieux. Une fois fait, je léchais rapidement les gouttes qui continuaient de perler et j’allais vers Ezekiel, debout face au dessin.
Alors qu’il semblait l’admirer, il demanda d’une voix rauque :
- Qui est-ce ?
- Ma mère, répondis-je simplement, avant d’ajouter, nous sommes dans la maison dans laquelle j’ai grandis… Tu ne devrais pas rester debout Ezekiel, ajoutais-je changeant délibérément de sujet.
Je n’avais aucune envie de parler de ma famille, celle à qui j’avait été arraché contre mon gré et par le vampire qui se tenait à mes côtés.
- Tiens, je t’ai apporté de quoi te nourrir un peu, ajoutai-je en lui tendant le verre.
Ezekiel l’attrapa et le but d’une traite avant de m’en demander un second que je lui offrais sans rechigner. Je sourris face à l’attitude presque enfantine qui avait en ce moment précis. Puis brisant le silence gênant entre nous, je déclarais :
- Nous pourrons rester ici le temps que tu retrouves tes forces. J’ai condamné les fenêtres, donc il n’y a pas de risque de ce côté là…
Ezekiel acquiesça en silence. Épuisé, il retourna s’allonger dans le lit et ne tarda pas à s’endormir. M’installant à mon tour une petite heure après, après m’être assuré que tout allait bien je fis de même.
Ce fut l’impression que quelque chose n’allait pas qui me tira du sommeil. Ezekiel ne semblait pas aller bien, me réveillant, je me tournais vers lui :
- Ezekiel.. Qu’est ce qui se passe ?
Lentement, il tourna la tête vers moi, une lueur étrange dans les yeux qui me fit presque peur. Son regard glissa vers ma gorge alors que je déglutissais. Soudain, sans que j’ai le temps de réagir, il fondit sur moi, et avec une vélocité étonnante. Allongé sur moi de tout son poids, les jambes passées de chaque côté de moi pour m’empêcher de fuir, il planta voracement ses canines dans la peau de mon cou. Il mordit sans ménagement dans ma gorge. La violence que ce geste dégagait fut tellement vive que je me retint de crier. Le sang me quittait à une vitesse inquiétante, aspirant la vie qui m’habitait si vivement qu’on aurait dit qu’elle n’avait aucune valeur à ses yeux. Un gémissement de plaisir s’échappa de ses lèvres, tandis que la peur m’oppressait. Mon séjour dans la salle de torture du conseil m’avait laissé des séquelles. Même s’il s’agissait d’Ezekiel au-dessus de moi qui me retenait prisonnier, je haïssais cette sensation d’impuissance. Mais celle-ci fut tout de même remplacée par une autre dont je n’aurais pas soupçonné la possibilité. Retrouvant ses forces, Ezekiel se mit à onduler lentement et sensuellement contre mon corps, frottant son bas-ventre comme le mien, m’arrachant à ma plus grande surprise un gémissement de bien être.
A chaque gorgée de sang aspiré, je me sentais plus faible et plus fébrile, à chaque fois un peu plus à sa merci. Allait-il seulement s’arrêter ou me laisser mourir si simplement. Mon corps semblait bel et bien s’en moquer car sans pouvoir me contrôler, j’ondulais déjà légèrement à mon tour sous lui. Ezekiel passa une main entre nos deux corps, sous ma chemise de soie blanche. Le reflet que j’avais vu dans le miroir la nuit précédente me frappa violemment. Je ne voulais pas qu’il me voie. Je ne voulais pas qu’il me rejette maintenant. La peur d’une telle chose fut à ma plus grande surprise encore plus forte que celle de mourir. Les deux craintes mélangées, je récupérais de justesse assez de force et le repoussais violemment, m’exclamant d’une voix effrayée :
- Arrête ! Ezekiel ! Mais enfin… Qu’est ce qui te prend ?
Je portais une main à mon cou et essuyai le sang qui perlait de ma plaie encore fraîche avant de regarder ma main sanguinolente, horrifié de l’acte qu’il venait de commettre. Ezekiel ne répondit rien, alors qu’un sourire satisfait étirait ses lèvres. Il semblait avoir retrouvé sa forme, mais ce n’était pas mon cas. Vidé à la limite du supportable, ma tête tournait et devenait presque douloureuse. Constatant l’état de ma chemise tachée de sang, je décidais de me changer avant de sortir. Il était plus facile de chasser sans être couvert de sang. Me retournant pour éviter à tout prix de lui montrer l’état de mon torse et de mon ventre, je changeais soignement et rapidement de chemise.
- Tu n’as guère besoin de te précipiter ainsi, déclara-t-il avec arrogance. La vue plongeante sur ton corps est de toute beauté…
Sentant son regard posé sur moi, je finis de boutonner ma chemise.
- Je sors, dis-je d’une voix hésitante, craignant que cette situation ne dérape. J’ai faim…
Je ne me retournais pas pour le regarder, même si son regard était lourdement posé sur moi. Quittant la chambre, je le sentis tenter de sonder mon âme, mais je lui avais bloqué le passage. Mais cet imbécile tenta de se lever pour aller à ma rencontre. Étourdit par la trop grande quantité de sang qu’il avait consommé, je l’entendit vaciller. Il esquissa un nouveau mouvement pour aller à ma rencontre alors que j’ouvrais la porte, me tenant à l’embrasure.
- Tu ne devrais pas te lever maintenant, tu es encore faible, cédais-je finalement en lui attrapant le bras.
Non sans une certaine force malgré mon état de faiblesse du au manque de sang, je le forçais à se rallongé.
Docile, encore faible, il m’obéit. Son regard se posa alors sur mon cou et je crus voir brièvement dans ses yeux de la culpabilité. Détourant le regard, il murmura alors à ma plus grande surprise :
- Désolé…
D’une voix étonnée et emprunte d’une touche de douceur quant à ce qu’il venait de me dire, je lui demandais :
- Désolé ? Désolé de quoi ?
- De t’avoir sauté dessus, répondit-il en me tournant obstinément le dos comme honteux de son comportement, sans oser affronter mon regard.
- Ce n’est rien, répondis-je touché par ses excuses.
Il ne répondit rien. Ne pouvant pas le laisser ainsi après le pas vers moi qu’il venait de faire, je m’allongeais derrière lui, cédant à la tentation. Ezekiel se retourna et nos regard se croisèrent. Sa simple excuse avait suffit à faire taire cette légère colère et crainte en moi. Mais cela n’enlevait rien au fait qu’il ne devait pas voir ce qu’il y avait en dessous de ma chemise. Cependant, la tentation était trop forte. Malgré moi, j’avais envie d’être contre lui et de sa douceur dans une moindre mesure. Je me sentais si différent et j’aurais aimé qu’il le remarque.
J’avais l’impression d’avoir mûrit, d’être plus fort. Je ne sentais certes pas comme son égal et encore moins supérieur, mais j’arrivais à le regarder droit dans les yeux. Sans esquisser aucun mouvement, j’étais comme hypnotisé par ses deux pupilles. En le regardant ainsi, j’essayais de le comprendre, mais cela me semblait impossible, aussi impossible que de vaincre Shaolan en combat singulier. Progressivement, il s’approcha davantage de moi, collant son corps contre le mien. Une chaleur étrange m’envahie, m’engourdissant de bien être. Sans en avoir conscience, nos lèvres se joignirent l’une l’autre. Ses lèvres étaient tièdes, sûrement du au fait du repas vorace qu’il venait de prendre et de la vie qu’il m’avait volé sans mon consentement. Me laissant bercer, je me déconnectais de la réalité et me laissais tout comme lui aller entre ses bras.
Sans me maîtriser vraiment, ma langue vint demander l’accès de la sienne et il me l’accorda sans la moindre hésitation. Lorsque qu’elles se rencontrèrent, ce fut avec une tendresse jusqu’alors jamais espérée entre nous. Toute force semblait l’avoir déserté et ce fut avec une passion teintée de désespoir qu’il me rendit mon baiser, engourdissant tout autre sensation possible que le bien être qui m’envahissait. 
Je me laissais entrainer peu à peu par son ballet tendre et langoureux, le sentant se presser d’avantage contre moi, rassuré de sentir son corps tout contre le mien. Son ardeur était sans pareille, et sans pouvoir véritablement me contrôler ou réaliser mes gestes, je passais sensuellement mes mains sur ses fesses. L’excitation que je n’avais jamais ressentit jusqu’alors me brûla les reins. La douceur et la tendresse firent place à quelque chose de plus empressé au fur et à mesure que le désir montait entre nous. Fébrilement, il lâcha mes cheveux, relachant un peu la pression, et ses mains allèrent se poser sur ma chemise. Ce fut ce qui me fit brusquement redescendre sur terre. Qu’espérais-je ? Une fois qu’il aurait vu mon corps, il me repousserait comme un mal propre, indigne d’être dans sa couche. Alors qu’il esquissait un mouvement pour me la retirer, je mis brusquement fin à notre baiser et m’éloignais de lui. Je me relevais et m’éloignais de quelques pas, cachant le peu d’envie que j’avais à faire cela. Ezekiel me regarda interloqué face à mon brusque changement de comportement. Sous l’effet de la surprise, il m’appela d’une vois hésitante, ne comprenant naturellement pas ma réaction.
- Al… Alakhiel ?
Le voyant dans la plus totale incompréhension, et partant dans des pensées trop sombres, je finis par prendre la parole et prétextais lamentablement :
- Tu es encore faible… Il faut que tu te reposes…
- Que je me repose ? Répéta-t-il, abasourdi parce qu’il venait d’entendre. Je ne suis pas faible ! Rétorqua-t-il vivement.
- Tu as perdu beaucoup de sang Ezekiel, insistais-je, cachant mon petit jeu au mieux. C’est pas prudent de… Enfin, tu vois… Eludais-je en m’empourprant violemment.
A ces mots, Ezekiel ricana de manière cinglante.
- Pourquoi n’appelles-tu pas un chat un chat, Alakhiel ? Et à ce que j’ai pu sentir contre ma jambe, tu semblais plutôt en forme aussi.
Après une courte pause, il reprit :
- Maintenant, regarde moi dans les yeux et dis-moi que tu n’as pas envie de moi !
- Repose-toi ! Répétais-je avant lui tourner le dos, n’ayant aucune envie d’éterniser cette conversation. 
Je quittais la pièce, bien décidé à l’éviter le plus possible. Je craignais mon envie et la sienne, mais ce que je craignais surtout c’était sa réaction lorsqu’il verrait mon corps à jamais mutilé. Repoussant rageusement cette envie de pleurer, j’allais plus près de la ville. Je n’étais plus ce Alakiel faible. Cette nuit, je fis un massacre en ville qui n’avait rien à envier aux manières d’Ezekiel. Je tuais avec une cruauté qui en aurait fait frémir plus d’un. J’étais complètement froid et désintéressé face à leurs expressions d’horreur. Seul comptait le sang et la manière la plus abjecte de l’avoir. Je me surpris à prendre plaisir de la terreur qui s’affichait sur leur visage. Je ne finissais même pas mes proies, leur laissant juste assez de sang pour qu’il succombe à une mort lente et douloureuse. 
Je me demandais un bref instant comment Ezekiel aurait réagi en me voyant agir ainsi. Comme dans un état second, je n’arrivais pas à m’arrêter. Je n’avais comme seule limite que le matin qui allait se lever. Tuer et encore tuer. Voler la vie que je n’avais jamais véritablement eue à toutes ces proies si pathétiques. Fermant les yeux, la chemise couverte de sang qui coulait de mon menton, je localisais le prochain humain qui passerait sous mes crocs. Je ne revins véritablement à moi, que lorsque l’aube n’allait pas tarder à se lever. Ce fut avec horreur que je remarquais l’état dans lequel je me trouvais. Un envie de vomir me saisi si rapidement, que je rendais plus de la moitié de ce que j’avais avalé dans une ruelle sordide. Essuyant le sang et les larmes qui maculait mon visage, je me débrouillais pour trouver d’autres vêtements avant de rentrer et me laver. Je ne voulais jamais qu’Ezekiel découvre ce qui venait de se passer. Jamais il ne devait savoir, et jamais je ne devais recommencer. Je ne savais pas ce qui m’avait pris et je comprenais encore moins pourquoi j’en été arrivé là.
Durant les jours qui suivirent, pareille crise ne se reproduit pas. Ezekiel prenait un malin plaisir à me titiller sur la tension sexuelle plus que palpable qui régnait entre nous. Si au début il s’en amusait, je savais qu’il commençait à saturer. Cependant, en rien je ne voulais lui céder, même si cela devait me coûter. Chaque nuit, nous nous éloignons de l’endroit où était caché Shaolan, et pendant ce temps, nous chassions chacun de notre côté, nous donnant rendez-vous à un endroit convenu deux heures avant l’aube. Je sentais la folie meurtrière toujours présente, mais elle ne prit plus le dessus et je redevins le vampire raisonnable. 
Cette nuit, nous embarquions à bord d’un navire qui nous conduirait en Inde. Ezekiel tenait à mettre le plus en plus de distance entre nous et le conseil. Nous étions en attendant, coincé dans la calle miteuse d’un navire. Je n’avais de cesse que de l’éviter, ne désirant en aucun cas un quelconque affrontement, bien que je sente Ezekiel près à craquer. Le navire était encore désert, l’équipage profitant de leur dernière nuit au port pour aller écumer les bordels de la ville à la recherche d’une compagnie galante pour la nuit. 
Poussant un énième soupire de lassitude, Ezekiel finit par rompre le silence qui s’était installé entre nous depuis plusieurs jours :
- Bon alors, si tu me disais ce qui ne va pas !
Ne m’attendant pas à une telle demande de sa part, je le regardais un instant hébété avant de répondre en bégéyant, peu enclin à une telle conversation :
- Je… Mais rien du tout… Qu’est ce qui te fait croire ça…
- Ne me prend pas pour un imbécile, Alakhiel ! Répliqua-t-il cinglant, perdant définitivement patience. Je te trouve bizarre depuis quelques jours, et ne me dit pas le contraire ! Tu m’embrasses, puis tu me repousse et finalement, tu m’ignores complètement depuis ce jour. Alors je te le demande, qu’as-tu à me dire ?
- Rien… Rien du tout, soufflais-je, plus que mal à l’aise.
- Menteur ! Répondit-il sur le même ton. Tu me caches quelque chose… Et je veux savoir ce que c’est ! Ajouta-t-il sur un ton qui n’acceptait aucun refus.
Terrifié, je me précipitais vers la porte, tentant de fuir. Mais Ezekiel semblait avoir prévu cette éventualité et il m’en empêcha. M’attrapant par le bras, il me repoussa violemment de l’autre côté de la pièce. Il n’était plus du tout faible. En l’espace d’un clignement de paupière, il se retrouva face à moi, m’emprisonnant entre son corps et le bois du mur humide, ses deux mains posées chacune d’un côté de mon visage. La douleur et la terreur déformaient mes traits, mais il l’ignora. Il attrapa mon menton entre ses doigts et me força à le regarder dans les yeux, me demandant une nouvelle fois, d’une voix menaçante :
- Pour la dernière fois, dis-moi ce que tu me caches !
Mes yeux se mirent à briller alors que je m’empêchais de pleurer. Je détestais plus que tout être piégé ainsi et j’avais plus que peur qu’il découvre mon véritable état physique. J’avais beau tenter de me soustraire à sa poigne de fer qui m’enserrait le menton, rien n’y faisait.
- Je n’ai rien à te dire ! Crachais-je en tentant de le repousser. Lâche-moi ! Tu me fais mal !
Cependant, au lieu d’accéder à ma demande, il se rapprocha de moi, glissant une jambe entre les mienne de façon à rapprocher davantage nos deux corps. C’était pour moi une véritable torture alors qu’un frisson d’excitation me parcourut l’échine lorsque mon bassin entra en contact avec son haine. Ezekiel semblait dans le même état que moi, car il s’empara de mes lèvres avec une avidité non feinte. S’il savait… Il me rejetterait tel un malpropre le plus loin possible de lui. Non sans douceur, il mordit ma lèvre inférieure, m’obligeant à ouvrir la bouche. Lorsqu’il sentit mes lèvres s’entrouvrir, il ne perdit pas de temps et laissa sa langue partir à la conquête de sa jumelle. Lorsque nos deux langues se rencontrèrent, je ne pus m’empêcher de frissonner violemment contre lui, possédé par l’excitation que lui seul savait faire naître en moi. Ezekiel gémit de plaisir alors que je pouvais sentir son désir violent plus que palpable. Mettant fin au baiser, il murmura tout contre mes lèvres :
- Ne me dis pas que tu ne me désires pas, Alakhiel… Je peux le sentir… Tu suintes la concupiscence par tous les pores de ta peau…
Sans me laisser le temps de répondre quoi que ce soit, il s’empara une nouvelle fois de mes lèvres pour un baiser des plus passionnés. Peu à peu, je me laissais aller, incapable de le repousser, me laissant envoûter. J’allais même jusqu’à répondre à son baiser avec ardeur, ayant du mal à discerner ce que je faisais vraiment. Il pressa davantage nos bassins, enhardis par le désir. Puis il entrepris de déboutonner ma chemise. Alors qu’il enlevait le premier bouton, je retombais brusquement sur terre. Il ne devait pas voir… Je le repoussais avec une force insoupçonnée, le faisant reculer de plusieurs pas. Ezekiel resta un instant immobile, surpris par ce soudain retournement de situation. Je ne perdis pas de temps et commençais à reboutonner ma chemise avec soin. Ezekiel poussa alors un cri de rage et se précipita à nouveau vers moi. D’un geste rageur, il arracha ma chemise et la déchira en lambeaux, sans me laisser une seule chance de l’en empêcher. De manière pitoyable, j’essayais de cacher tant mien que mal mon torse et mon ventre de sa vue, mais c’était trop tard. Ezekiel attrapa mes poignets et me força à écarter mes bras, de façon à ce que j’expose mon corps à son regard. Ayant l’impression que le monde tombait sous mes pieds, aveuglé par ma détresse, j’osais à peine regarder sa réaction. Il avait tout loisir de voir ce que le conseil m’avait fait, me ternissant à jamais. Avec hargne, je lui crachais, les larmes aux yeux :
- Regarde bien, Ezekiel, car c’est la dernière fois que tu verras ce spectacle ! Alors profite bien de ta victoire !
Mais alors que je m’attendais à un rire de dégoût, contre toute attente, il me répondit doucement, toute colère s’étant comme évanouie :
- Il n’y a aucune victoire. Pas plus qu’il n’y a de honte à avoir, ajouta-t-il.
Ne le comprenant pas, j’osais poser mon regard sur lui et vit qu’il esquissait un geste pour enlever sa propre chemise. L’instant plus tard, il était torse nu, exposant son corps à mon regard. Je n’avais jamais fait attention, ou du moins cela ne m’avait jamais dérangé : des traces de cicatrices zébraient sa peau. Jamais cela ne m’avait semblé repoussant. Pour moi, cela avait toujours fait partit de lui…
- Nous sommes pareils, reprit-il après un court silence. Et tes cicatrices ne m’empêcheront pas de te désirer, Alakhiel, déclara-t-il. Tu es beau, Alakhiel, poursuivit-il en embrassant délicatement mon visage.
Il évita soigneusement mes lèvres.
- J’ai envie de toi, et ce ne sont pas ces cicatrices qui vont me repousser, murmura-t-il au creux de mon oreille, avant de me mordiller délicatement le lobe, m’arrachant un gémissement de plaisir malgré moi.
Jamais je n’aurais pensé pareille réaction de sa part. Plus rien ne m’entravais dès maintenant. Ezekiel m’acceptait tel que j’étais, je n’avais plus aucune raison de me soustraire à son étreinte. A ma plus grande satisfaction, il s’empara à nouveau de mes lèvres pour un baiser langoureux. La passion se déchaînait entre nos deux langues d’une manière tellement naturelle que cela en était déconcertant. Les gémissements de désir impatient fusaient, alors que nos bassins se frottaient avec plus d’énergie. La frustration sexuelle nous électrisait entièrement, étant à son comble. N’ayant plus aucun frein, aucun obstacle, seul comptait à présent le besoin d’assouvir ce désir qui nous vrillait les reins. Le désir était l’unique chose qui régissait nos gestes, les rendant précipités et maladroits. Déjà, Ezekiel déboutonnait mon pantalon et le faisait tomber au sol, entraînant en même temps mon sous-vêtement et dévoilant mon érection grandissante. Un gémissement de plaisir s’échappa de mes lèvres entrouvertes, tandis qu’Ezekiel se frottait davantage contre moi, ses lèvres quittant ma bouche pour partir à l’aventure dans mon cou, mordillant délicatement ma peau. L’excitation qu’il provoquait en moi était sans pareille.
Mes gémissements ne tardèrent pas à se muer en petits cris de plaisir, ne faisant rien pour les retenir, me moquant de l’endroit où nous nous trouvions. L’érotisme et le savoir-faire d’Ezekiel étaient au-delà du supportable. Abandonnant mon cou pour descendre toujours plus bas, je sentis passer sa langue sur tout mon corps. Au niveau de mes cicatrices, ma peau était mille fois plus sensible. Délicatement, il pinça un de mes boutons de chair durcis par le plaisir entre ses dents, le mordillant délicatement avant de le lécher avec avidité. Je gémissais sous le flot de ce que je ressentais, et me jambes étaient de plus en plus fébriles, ayant de plus en plus de mal à me soutenir.
Ne désirant pas être uniquement passif, je posais mes mains sur ses fesses et l’attirais contre lui, réduisant au maximum la distance qui séparait nos deux corps, celle-ci étant devenu insupportable. Lorsque nos érections se frôlèrent, Ezekiel gémit de désir à son tour avant de se laisser finalement tomber à genoux devant moi. 
Comprenant précisément ce qu’il voulait faire, et n’en ressentant aucune honte, je glissais mes mains dans ses cheveux et le guidais vers mon sexe qui n’attendait que cela. Un éclair de malice illumina son regard. Impatient, je ne fis rien pour freiner son action. Prenant mon intimité entre ses doigts, lentement, il entama un doux va et vient, me masturbant avec délectation. Je ne pus retenir un cri et d’un mouvement incontrôlable de bassin, je lui montrais que je voulais bien plus que cela. Cependant, loin d’accéder à ma requête, il garda le même rythme langoureux un temps encore et je me promis de me venger. Il finit par céder, et pris soudainement mon sexe entre ses lèvres. Le soudain afflux de plaisir m’arracha un cri de plaisir alors que je me cambrais violemment, m’enfonçant plus profondément dans sa bouche. 
A ma plus grande satisfaction, il entama un mouvement de succion cadencé, me faisant voir les étoiles. Pendant un temps dont je ne parvenais pas à déterminer la durée, il me proccura un plaisir poussé au summum, sa langue caressant mon sexe avec un savoir faire inégalable.
Lorsque que je fus proche de la libération, il abandonna mon érection avant de se relever. Je n’eu pas le temps d’exprimer ma frustration. Déjà, Ezekiel fondait sur mes lèvres, s’emparant avec avidité de ma langue, l’entraînant dans un ballet farouche et endiablé.
Sans mettre fin à notre échange, il inversa nos positions, se retrouvant dos au mur. Surpris, je mis fin au baiser et plantais mon regard empli de l’incompréhension qui m’habitait dans le sien. Pour me faire comprendre ce qu’il voulait, il posa ses mains sur mes épaules et me fit m’agenouiller devant lui. Saisissant enfin ou il voulait en venir, je souris. Évidemment, il voulait la même chose. Et je comptais bien me venger pour tout à l’heure, surtout sur le fait qu’il m’avait arrêté quelques secondes juste avant le moment ultime tant attendu, me refusant la libération. Délicatement, je pris son sexe entre mes doigts, imprimant un va et vient atrocement lent, oubliant tant bien que mal ma propre érection douloureuse.
Au comble de la frustration, il poussa un gémissement plaintif et peu viril, me suppliant de mettre fin à cette torture. Mais je ne comptais pas le satisfaire aussi facilement. Prenant un malin plaisir à le regarder se languir et se tordre de désir sous mes caresses, je n’esquissais pas le moindre mouvement, caressant son érection avec ce même mouvement nonchalant. Puis, jugeant l’avoir assez fait patienter, du bout de la langue, je léchais son sexe sur toute la longueur avant de l’engloutir avidement entre mes lèvres. Le feulement qu’il avait déjà poussé se transforma en cri alors que son corps tout entier semblait parcouru de violents frissons.
Ma langue s’enroulait autour de son intimité, tentant de lui procurer un maximum de plaisir, espérant être à la hauteur. Après un certain temps de ce traitement, je libérais son intimité pour la lécher sur toute sa longueur avant de m’attarder longuement sur son extrémité. Ezekiel se cambra violemment. Le sentant proche de la jouissance et moins cruel que lui, je le repris entièrement en bouche. J’imprimais alors un rapide mouvement de succion qui eut raison de ses dernières résistances. Ses doigts crispés sur mes cheveux, il se libéra en criant mon prénom, me faisant vibrer de désir.
Satisfait d’avoir été l’espace d’un instant maître de son plaisir et voulant plus, je me relevais et lui fit face, une lueur de défi dans le regard. Profitant de son état, encore comateux après l’orgasme qu’il venait de ressentir et dont il m’avait privé égoïstement, je pris son menton avec douceur entre mes doigts et l’embrassait avec violence, lui transmettant ma propre impatience. Mes crocs mordillant sa lèvre inférieure suffirent cependant à réveiller à nouveau son désir et répondant au baiser, il inversa de nouveau nos positions, me planquant sans douceur contre la paroi du navire.
À la hâte, il porta deux doigts à ses lèvres et les lécha succinctement avant de les glisser entre nos deux corps jusqu’à mon intimité. Là, délicatement, il insinua un doigt en moi. Le plaisir fut tel que je ne pus me retenir de pousser un gémissement, me cambrant d’avantage contre lui. Les frissons n’avaient de cesse de parcourir mon corps, tandis que mes lèvres mordillaient son cou avec sensualité, élimant définitivement toute once de patience. Semblant plus qu’hâtif, il inséra alors sans prévenir, un deuxième doigt en moi. Si le premier ne fut pas douloureux, ce ne fut pas le cas du second. La douleur irradia brusquement ma colonne, une douleur amère, une douleur que j’avais du mal à supporter. Me tenant contre lui, je ne pus m’empêcher de planter mes crocs dans son cou.
Prenant son mal en patience, Ezekiel me prépara avec soin. Il ne fallut pas beaucoup de temps pour que je finisse par me détendre, et dans un murmure des plus indécents qui m’étonna moi-même et qui me donna le rouge aux joues, je murmurais au creux de son oreille :
- Allez vient… Ne te fait pas prier davantage, Ezekiel.
Mon amant perdit tout contrôle. Habillement, comme si je ne pesais rien, il me souleva par les hanches. Comprenant le message, j’enroulais mes jambes autour de ses hanches, rapprochant nos deux corps plus qu’ils ne l’étaient déjà. Le plaisir fut poussé à son comble alors qu’il pénétrais entre mes chairs et de violents frissons me parcoururent lorsqu’un qu’un grognement gutural s’échappait de sa gorge alors qu’il me prenait entièrement.
Sans attendre, j’entamais un lent déhanchement qui acheva ses dernières résistances. A son tour, il entama un va et vient plus cadencé, me pénétrant au rythme de mes cris de plaisir. Son visage enfoui dans mon cou, son souffle haletant me caressait la peau avec délice. Je me surpris à réaliser que j’avais tellement eut peur de ne plus pouvoir vivre cela… La manière possessive qui l’avait de me prendre me grisait, laissant mon être tout entier se fondre en lui, être sien…
Soudain, Ezekiel tomba à genou, m’emportant dans sa chute. À bout de souffle, il resta immobile, semblant tenter de retrouver sa respiration régulière. Comprenant qu’il n’était pas raisonnable de le laisser fournir un tel effort, n’étant pas tout à fait remit de ses blessures, je retins ma frustration. D’un geste d’une infinie douceur, je glissais ma main sur sa joue et l’embrassais avec une réelle tendresse.
Puis, plongeant mon regard dans le sien, j’esquissais un sourire mi-amusé mi attendrit. Il était ainsi. Par orgueil, il se mettait dans un état lamentable. Je déclarais alors dans un souffle, la respiration haletante :
- Ne gaspille pas tes forces… Laisse-moi faire…
Avant qu’il ne réalise ce que je venais de lui dire, d’un habile coup de rein, je le fis s’allonger sur le sol, le chevauchant. Le toisant de toute ma hauteur, faisant taire la gène, je lui addressais un regard triomphant et partit dans un déhanchement vigoureux qui lui arracha un gémissement de plaisir. Etonnamment, Ezekiel me laissa les commandes de notre plaisir, les mains posées sur mes hanches, se contentant de m’aider à garder le rythme cadencé de mes vas et vient.
Puis, l’orgasme déferla sur nous avec une violence jamais vue. Dans un ultime déhanchement, Ezekiel se libéra en moi, les ongles plantaient dans la chair de mes hanches, me marquant à jamais, alors que que je me libérais sur son ventre.
A bout de souffle, épuisé, je me laissais retomber sur lui, le visage enfoui dans son cou, inspirant à plein poumon son odeur si particulière. Avec surprise, les bras de mon amant se refermèrent autour de ma taille, m’enserrant dans une étreinte possessive, comme s’il ne voulait pas que je m’éloigne. J’eus du mal à comprendre le pourquoi d’un tel geste, mais je ne cherchais pas à m’y soustraire. Ma tête reposait maintenant sur son torse, encore envahi de ce sentiment de plénitude. Je caressais sa poitrine d’un geste distrait. Qu’allions-nous devenir ? Cette question n’avait pas sa place dans un pareil instant…

Inde, 2 décembre 1800

Le trajet fut terriblement long et avait pris du retard. L’ennui avait été entrecoupé de scènes qui me donnaient encore le rouge aux joues, et qui avaient manqué plus d’une fois de nous faire prendre. Ezekiel avait comme promis commencé mon entraînement. C’était un professeur plus qu’exigent et rarement satisfait, malgré tous les efforts que je fournissais, mais cela n’avait rien à voir avec ce qui c’était produit dans le passé, moment où je n’avais eu aucune envie d’apprendre. La nourriture avait été succincte et Ezekiel et moi étions presque en état de famine. Nous étions resté dans la calle du bateau, attendant que la nuit tombe. Nous décidâmes de partir chacun de notre côté chassé et de nous retrouver quelques heures avant l’aube avant. 
Guidée par la fin, cette nuit-là, une deuxième crise se déchaîna. À peine nourrit de ma première proie que le désir incontrôlable d’en vouloir plus l’emporta. Il fallait que je boive encore et encore. Pire ! J’étais possédé par cette cruelle envie de tuer, de sentir leur vie quitter leur corps petit à petit ou plus violemment. Je voulais sentir ce pouvoir que j’avais sur ces humains. Je les haïssais et au plus profond, les enviais de pouvoir être ce que je n’étais pas. Un à un, tous ceux que je rencontrais tombaient sous mes crocs pour une mort affreuse. Mais je ne gaspillais cette fois pas une goutte de sang, les laissant vidé de ce liquide précieux, vidés de toute vie. J’eus du mal à me souvenir du nombre de personne que j’assassinais sauvagement. J’étais réduit à l’état de bête, tel un chien abandonné et sauvage sacrifiant tout un troupeau de moutons. La haine qui m’habitait m’aveuglait et je n’avais aucun contrôle sur celle-ci. Ce fut uniquement lorsque je sentis le soleil prêt à poindre que je revins à moi. Je fus possédé par cette même envie de vomir, mais je me retins. Avec horreur, je réalisais que je n’avais pas le temps de rejoindre Ezekiel au lieu de rendez-vous. J’étais allé bien trop loin, et déjà les premiers rayons commençaient à poindre à l’horizon. J’avais honte, terriblement honte. Mon corps entier était douloureux, trop plein de ce liquide qui m’écoeurait dès à présent. Ce fut inextremis que
je trouvais un lieu où me cacher, me coupant volontairement de tout lien possible avec Ezekiel. Pour le moment, je n’aspirais qu’à dormir et oublier. Demain, j’affronterais la colère de mon créateur…
Replié sur moi-même dans le coin d’une cave miteuse, je tremblais nerveusement, incapable de me calmer. Éveillé, je m’écoeurais au sujet de ce que je venais de faire ; endormi je me retrouvais dans les horribles salles de tortures du conseil. Ce ne fut que peux d’heures avant la tombée de la nuit, vaincu par l’épuisement que je parvins à fermer l’œil. Je me réveillais en sursaut. Il devait faire nuit depuis quelques heures déjà. Ezekiel devait être à ma recherche. Sortant de mon trou, je tentais de défroisser un peu mes vêtements. Je devais avoir l’air minable. M’étirant, les muscles comme courbaturés, je sortais de mon trou à rat. Il fallait que je me rapproche du lieu de rendez vous, et je préférais attendre avant de renouer le contact avec lui. Le connaissant, il devait être hors de lui, et je préférais retarder la confrontation. Courant d’un pas léger, dénouant progressivement mes muscles, je fus surpris de la puissance qui m’habitait. La faim s’était tue, et rien que l’idée de tuer quelqu’un de plus me semblait impensable.
Une fois arrivé au lieu de rendez-vous fixé la veille, ne pouvant plus retarder cet instant, j’ouvrais à nouveau le contact avec Ezekiel. A peine l’eussè-je effleuré mentalement, qu’il était en face de moi. En un rien de temps, après m’avoir rapidement toisé et constatant que j’étais en un seul morceau, il me saisit par la gorge et me plaqua contre le vieux mur de pierre sans la moindre douceur. Ses mains me serraient trop fort, j’avais l’impression d’étouffer, mais je ne pouvais rien faire pour me dégager.
- Dans mon infinie clémence, je te laisse deux minutes pour m’expliquer ce que tu as fais !
Desserant brutalement son étreinte, je tombais pathétiquement sur le sol, ayant beaucoup de mal à me réceptionner sur mes pieds et à tenir droit. Massant ma gorge, je mis surement trop de temps à son goût pour réagir, car sa voix autoritaire claqua, ne cachant pas sa colère :
- Dépèche-toi Alakhiel ! Et ton excuse a intérêt d’être bonne, sinon tu vas regretter de ne pas être mort la nuit dernière.
Je sortis alors, l’excuse la plus minable qui me vint à l’esprit dans la précipitation, baissant le regard :
- Je… Je me suis… Je me suis perdu… Et… Et il était trop tard pour venir jusqu’ici.
Mon excuse n’eut aucun effet direct sur Ezekiel qui ajouta aussitôt :
- Bien essayé, mais ça n’explique pas pourquoi tu as coupé le contact ! Je te laisse une dernière chance !
Ce fut à mon tour de m’emporter. En quoi cela le regardait ! Pris d’un excès de zèle, sans vraiment réfléchir, je le défiais du regard et je déclarais avec insolence :
- Ce ne sont pas tes affaires !
Je sentis plus que je ne la vis venir une gifle si sèche qu’il m’écorcha violemment le visage, m’envoyant par terre sous la violence du choc.
- Ne refait plus jamais cela Alakhiel. Je laisse passer pour cette fois dans mon infinie clémence, mais ce ne sera pas la même chose pour la prochaine fois.
Il me tourna le dos et commença à s’éloigner. Massant ma joue douloureuse et bougeant tant bien que mal la mâchoire, je ne partais pas à sa suite et j’entendis alors sa voix gronder :
- Dépêche toi ! Nous devons quitter cette ville. Dorénavant, tu ne me quittes plus d’une semelle sans mon accord, que ça te plaise ou non !
Je le suivis sans broncher.  Au vu de la crise que je venais d’avoir sans être avec lui, il vallait peut être mieux que je ne sois plus seul pendant un moment. Loin de lui expliquer ma docilité, je partis à sa suite. Ezekiel se retourna brièvement et je cru lire de l’étonnement dans son regard. Et c’est ainsi que nous entamèrent notre voyage en Inde.
Plusieurs semaines se passèrent ainsi, mêlant entraînements et chasse. À aucun moment Ezekiel ne me laissait le quitter. Et dès que je m’écartais un peu trop, je le retrouvais sur mes talons. Nous étions sans cesse en fuite, allant toujours plus loin, et je commençais à en être terriblement lassé.  Mais je prenais mon mal en patience. Je mangeais peu, le strict minimum, ce qui avait parfois le don d’exaspérer mon créateur. Je me cachais bien de lui dire que je voulais plus, et que je le craignais. Je m’aidais de son regard tel un garde-fou. Jamais je ne voulais vivre à nouveau une de ces crises si tentantes qui me mettaient dans un état de semi conscience. Pourtant, je pouvais sentir gronder au fond de moi ce désir animal de prédateur. Je ne faisais que l’étouffer, mais j’avais peur d’être bien incapable de le faire disparaître. 
L’aube n’allait pas tarder et nous étions dans une cave aménagée suffisamment grande et confortable. Ezekiel avait choisi ce moment pour un entraînement. Il ne semblait pas particulièrement satisfait de la manière dont je me battais, et ses petits commentaires cinglants avaient le donc de m’agacer. Pourtant, je donnais tout ce que j’avais, ne lésinant pas sur les efforts. Voilà plus de trois heures que nous nous battions, et si Ezekiel commençait tout juste à transpirer légèrement, j’étais en nage. Mes muscles étaient douloureux et je savais qu’une simple gorgée de sang me redonnerait des forces. Mais pour cela il faudrait que j’attende le lendemain. 
Je venais encore une fois de rencontrer le sol et je me levais avec difficultés.
- Est-ce qu’on peut faire une pause ? Demandais-je haletant.
- Espèce de femmelette ! Tu crois vraiment que tes ennemies vont s’arrêter de vouloir te tuer juste parce que tu veux faire une pause ? Tu es déjà épuisé alors que je retiens mes coups pour ne pas te faire mal ! Tu es d’un pathé…
Il n’eut pas le temps de finir sa phrase. La colère l’avait emporté. Jamais un compliment, toujours à me rabaisser. Rassemblant toutes mes forces, même celles dont j’ignorais l’existence, je fondis sur lui le faisant voler jusqu’à l’autre bout de la pièce où il atterrit misérablement sur le sol après avoir rebondit sur le mur. Voyant rouge, j’étais déjà au-dessus de lui, mes mains enserrant sa gorge, l’empêchant tout mouvement. Ezekiel esquissa un mouvement pour se soustraire à ma prise, mais je ne fis que serrer plus fort. Sentant cependant que je ne tiendrais pas indéfiniment ainsi et que cette victoire serait trop courte, je décidais d’utiliser une arme qu’il ne m’avait pas encore apprise : la manipulation.
Un éclair traversa mon regard. Il était ainsi sous moi, à ma merci, depuis notre trajet en bateau, nous n’avions rien fait. J’y avais pris goût bien plus que je ne l’aurais cru. Un petit sourire se dessinait sur son visage, ayant passé le stade de la surprise, comme s’il était satisfait.
Avec toute la sensualité dont je pouvais faire preuve, je m’abaissais au dessus de lui, effleurait à peine ses lèvres, laissant mon souffle encore saccadé effleuré sa peau, et glissais vers son oreille pour susurrer :
- Et si nous passions à quelque chose pour laquelle nous sommes tous les deux doués…
Mes joues s’empourprèrent légèrement, surpris par ma propre audace. Puis, je m’écartais légèrement de lui, laissant mon visage à quelques centimètres à peine du sien. Pour toute réponse, la main d’Ezekiel passa derrière ma nuque et m’attira vers lui. Nous ne perdîmes pas de temps, nos lèvres déjà entrouvertes, nos langues se mêlaient déjà avec passion. Ses mains glissaient déjà sous ma chemise, caressant mon dos, non sans douceur, mais le griffant presque. Enhardi, je cessais plusieurs fois notre échange pour quelques secondes, lui mordillant la lèvre inférieure. Son corps se déhanchait sous le mien, frottant nos deux bassins déjà gorgés de désir. La fatigue qui m’avait paru insurmontable quelques minutes auparavant me semblait déjà lointaine, investie d’une nouvelle force. Quittant ses lèvres un court instant, m’attirant un gémissement de frustration, alors que ses mains se promenant sur ma colonne m’incitaient à revenir, je déboutonnais sa chemise. Comprenant où je voulais en venir, voulant sentir sa peau brûlante contre la mienne, il déboutonna sa propre chemise avec un tel empressement qu’il l’arracha presque. Sa main passa alors sur la cicatrice qui passait du haut de mon torse sur mon ventre et je ne pus réprimer un frisson alors qu’une décharge électrique foudroyait ma colonne. Sans plus attendre, nous bouches se retrouvèrent et le contact de nos deux torses bouillants de désir nous fis tous deux pousser un gémissement de satisfaction. Nos intimités comprimées réclamaient plus. A chaque frottement, celle-ci devenait bien plus douloureuse. Trop empressé pour perdre du temps, je quittais ses lèvres pour glisser dans son cou, entamant ma descente vers le sud.
Léchant son cou tout en résistant à la pulsion d’y planter mes crocs, je le quittais à contrecœur et me retrouvais sur son torse et plus précisément sur sa cicatrice qui n’était maintenant plus qu’un souvenir. Passant sur chacune d’elle avec pour unique volonté : réveiller plus qu’il ne l’était déjà son désir, j’arrivais bientôt à son pantalon. Celui-ci n’offrit que peu de résistance. Avec le savoir faire que j’avais finit par acquérir, je le lui enlevais le jetant loin de nous dans la pièce. Ezekiel était maintenant complètement nu, son sexe fièrement dressé, prouvant son désir pour moi. Flatté, je l’effleurais plusieurs fois avec mes mains, souriant avec provocation à Ezekiel qui grognait de plaisir et de frustration mêlé, attendant bien plus de ma part. Saisissant avec plus de vigueur son érection, je vis son corps entier s’arquer sous moi.
N’arrivant pas à me maîtriser plus longtemps, comme trop pressé, ma bouche vint porter aide à mes caresses manuelle.
Ezekiel cria presque mon nom. Grisé d’être ainsi maître de son désir, je ne lésinais pas sur les efforts, cherchant à chaque fois ce qui lui apporterait encore plus. J’ignorais ma propre intimité douloureusement coincé dans mon pantalon, j’étais uniquement là pour apporter du plaisir à mon amant. Mais quelque chose de plus me vint à l’esprit. Une chose à laquelle je n’avais jamais songé réellement. Et cette petite chose à laquelle je venais de penser se mit à prendre rapidement de l’ampleur. Ma conscience me disait que c’était une mauvaise idée, et pourtant, je ne voyais pas en quoi cela pouvait l’être. J’avais gagné après tout. Je méritais bien cela. Je méritais bien de goûter à ce genre de plaisir moi aussi. Laissant Ezekiel envoûté par mes attentions, il ne protesta pas alors que je commençais à lui masser les fesses de ma main libre. Il n’eut pas non plus conscience du moment où j’humidifiais deux doigts. Il semblait trop perdu dans son plaisir pour s’en rendre compte. Il m’avait au moins initié à une chose à laquelle j’étais doué. Tentant ma chance, j’effleurais doucement son orifice, et presque aussitôt, je m’attirais un grognement sourd, presque animal de protestation. Me retirant vite, je ne cédais pas pour autant. Gardant mon idée en tête, je ralentis mon rythme jusqu’à arrêter presque. Le laissant dans un état de frustration pure, je tentais alors une chose que je n’aurais jamais dû. Je ne réalisais que trop tard que cela serait peut-être vécu pour lui comme une forme de trahison. Alors que ma bouche reprenait entièrement son sexe pour une caresse intense, j’insérais entièrement un doigt en lui. J’aurais sûrement du le prévenir, mais aurait-il seulement accepté la moindre discussion avec moi à ce sujet… J’eus alors la plus terrible leçon de ma vie. Ezekiel était un dominant et je resterais à jamais le dominé. Qu’avais-je cru ? Qu’avais-je espéré ?…
Sans vraiment comprendre ce qui m’arrivait, je me retrouvais projeté à quelques mettre de son corps. Mon torse heurta la pierre froide, et j’eus à peine le temps de retrouver ma respiration que je pouvais déjà le sentir fondre sur mon dos. Mon pantalon fut baissé jusqu’à mes chevilles, à moitié arraché. Je ne le vis pas venir. J’étais juste prisonnier et impuissant, plaqué sur le ventre par une créature qui voulait se venger de ce que j’avais seulement osé faire. Toute excitation était partie, ainsi que ma fierté alors que je tentais de gémir pitoyablement :
- Ezekiel, qu’est ce que…Qu’est ce que tu fais… Non arrête ! S’il te plait !
Mais c’était trop tard ? Au même moment où il mordit dans mon cou avec une violence inouïe, il me prit sans la moindre douceur, comme une bête, comme jamais il n’avait osé le faire. Je voulu hurler, mais aucun son ne sortie de ma bouche ouverte. Jamais je n’avais connu pareille douleur, même dans une salle de torture. C’était parce que ce n’était pas une douleur uniquement physique. Je lui avais donné ma confiance, j’avais fini par accepter de partager sa vie et de continuer la mienne à ses côtés. Je lui avais pardonné silencieusement pour Elisabeth. Rien ne justifiait le fait qu’il me fasse subir une telle chose. Aucune excuse valable pour passer l’éponge.
Ses coups de butoirs n’avaient pas de fin, et rien ne semblait pouvoir m’aider à me débarrasser de cette douleur. Les larmes voulaient monter, mais pour rien au monde, je ne voulais lui faire ce cadeau. Les ravalant, j’endurais en silence. Je me sentais bafoué, rabaissé plus bas que terre. Je n’étais plus rien.
Ses gémissements de plaisir faisaient monter en moi une haine sourde, une colère sans nom et bien trop profonde. Tel un tsunami, cette haine détruisit tous les barrages que je m’étais efforcé de construire après cette fameuse première nuit en Inde. Aller me perdre dans cette violence ferait sûrement taire cette souffrance.
Mais ce qui était le plus difficile à encaisser était la violence du sentiment de trahison que je ressentais en moi. Je réalisais uniquement maintenant, que si j’avais choisis de vivre à ses côtés ainsi, même dans la fuite, c’était qu’au fond de mon cœur, bien caché, vivait quelque chose qui battait pour lui et qui sans avoir le temps d’éclore, venait de se briser en milliers de petits morceaux. Cette force qu’Ezekiel avait réussie à faire naître moi, il venait juste de me la voler, la soufflant en quelques minutes seulement. 
Il se répandit en moi, me déversant son venin. Mais ce qui fut le plus dur à supporter fut de l’entendre crier mon nom. Il finit par se retirer, et s’étendis à côté de moi, essoufflé, les yeux dans le vague, emporté par l’orgasme qu’il venait d’avoir à mes dépends. Je me sentais sale comme jamais je ne l’avais été. Je n’osais pas bouger, et pourtant tout mon corps me criait de fuir. Mais nous étions en plein milieu de la journée et j’étais coincé ici avec lui. Je fus pris d’un tremblement de dégoût lorsqu’il approcha son bras pour m’attirer contre lui. Ce fut uniquement lorsqu’il voulut m’embrasser, comme si rien ne s’était passé que je le repoussais avec la même violence qu’il venait de dégager sur moi. D’un bon, je fus à l’autre bout de la pièce, dans un coin, le fixant avec une haine non dissimulée, surveillant et craignant le moindre de ses gestes. Je respirais rapidement, pris de violent tremblement que je ne parvenais pas à calmer. Nu comme un ver, je me sentais misérable. 
Ce ne fut qu’à ce moment-là qu’Ezekiel sembla quelque peu revenir à lui. Il semblait déboussolé, mais je n’en avais cure. Quelque que soit l’état second dans lequel il s’était trouvé, rien n’y changerait.
Il se redressa et avança lentement vers moi. Mais il s’arrêta aussitôt lorsqu’il me vit me coller plus qu’il n’était possible contre le mur.
- Alakhiel… Murmura-t-il la voix basse dans laquelle je pouvais discerner du remord.
- Ne t’approche pas ! Sifflais-je, d’une voix froide.
Ezekiel resta figé et après un temps, il me répondit alors :
- Je… je suis désolé, Alakhiel.
Je ne répondis pas. Mon regard parlait pour moi. Il pouvait même se jeter à mes pieds, me supplier de son regard, trouver une excuse pitoyable, rien n’enlèverait ce que je ressentais à l’instant même. J’étais piégé dans le coin de cette pièce avec lui jusqu’à la tombée de la nuit. Mais dès que celle-ci arriverait, il n’entendrait plus jamais parler de moi. Il pourrait me poursuivre, m’obliger à le suivre, je préférais trouver la mort que de partager le même espace que lui quelques secondes de plus. La haine illuminait mon regard si violemment, qu’elle contrastait avec le remord très net que je pouvais voir dans le sien.
Mais je me moquais de son regard. Une faim guidée par la folie commençait à m’envahir et je ne faisais rien pour l’arrêter. Je préférais avoir désespérément faim que simplement repenser à ce qu’il venait de me faire.
Comprenant qu’il n’y avait rien à faire, Ezekiel rassembla ses vêtements et s’installa dans le lit de fortune que nous avions préparé quelques heures auparavant. L’aurions-nous partagé si rien de cela ne serait produit ? Aurais-je passé la nuit dans ses bras possessifs et protecteurs ? Un frisson violent de dégout me parcourut. Cette vie là était terminé. Mon créateur s’installa dans le lit de manière à me laisser assez de place. Je ne pu retenir un rire nerveux. Croyait-il vraiment que j’allais le rejoindre ?
Il se tourna vers moi. Nos regards se croisèrent et ne se quittèrent plus. Je le sentis tenter de lire en moi et je le laissais volontairement entrer. Qu’il voit l’étendu de ce que je ressentais pour lui et surtout qu’il voit ce qu’il venait de me faire subir. Puis lorsque je jugeais qu’il allait trop loin, je le rejetais avec une violence guidée par la haine qui le fit sursauter. Je ne le quittais pas du regard, et pour la première fois, ce fut Ezekiel qui détourna le sien. J’avais gagné une bataille contre lui avant ce drame, et cette bataille venait de prendre fin.
Je restais toute la nuit à le fixer. Il avait fini par me tourner le dos. J’étais à l’affût de la tombée de la nuit. Je pourrais enfin me laisser aller à oublier tout cela. Adieu Ezekiel, adieu le conseil : ce n’était plus mon problème. Lorsque je sentis la nuit arriver, je me redressais vivement. Attrapant mes vêtements, sans un dernier regard vers Ezekiel, je partais à la recherche du premier malheureux qui serait en face de moi. 
Durant les jours qui suivirent, je perdis toute notion du temps, oubliant progressivement qui j’avais été. La seule chose qui comptait maintenant à mes yeux était de prendre mon pied et surtout de tuer. Comme si
tuer était la seule manière d’évacuer ma haine. Je me laissais embarquer par cette danse funèbre si envoûtante.
D’Ezekiel, je n’avais aucune nouvelle et ne cherchais pas à en avoir. Je m’étais coupé de lui mentalement et je doutais qu’il veuille ne serait-ce que me retrouver. Je m’en moquais. Son nom n’était plus qu’un mauvais souvenir. J’avais rayé tout cela de ma vie. Je continuais à m’en éloigner le plus possible. Je fréquentais les endroits les plus glauques et les plus sombres. Je gardais même des proies pour m’amuser pendant mes longues journées. Chaque jour, j’attendais la nuit. Je vivais uniquement pour cela. 
Je perdais peu à peu toute conscience du monde extérieur. Je vivais simplement pour ce que je ressentais physiquement. Je devenais comme piégé par ses ressentis oubliant ce que j’avais appelé une émotion. Je ne voulais plus de ceux-ci. Dès que je m’en approchais à nouveau d’un peu trop prêt, je n’avais que de mauvais souvenirs. La douleur physique n’était finalement rien face à la douleur mentale. Plus je buvais de sang, plus j’avais l’impression d’oublier. Je ne valais pas mieux qu’un alcoolique.
Je m’enfermais dans une vie de violence, de sexe, et d’oubli…
Il était une heure avancée de la nuit et je n’avais pas trouvé meilleur lieu qu’une maison de prostitution. Plusieurs cadavres jonchaient le sol, mais les autres ne semblaient même pas les voir, totalement hypnotisés par mon pouvoir. J’étais étendus sur un lit de soie, le corps offert. Un jeune homme m’offrait une fellation qui en aurait fait rougir d’envie plus d’un, tandis qu’une femme caressait lascivement mon corps. Un autre jeune homme, ayant déjà une trace de morsure dans le cou, ne devait ses quelques heures de vie supplémentaire que parce qu’il embrassait divinement bien.
Une autre jeune femme, en face de moi, européenne, qui ressemblait cruellement à Elisabeth, dansait et se déshabillait avec savoir faire sur la musique qu’une autre femme plus vielle jouait dans un coin de la pièce. Ce fut à ce moment précis, en face de ce tableau de luxure, que l’unique vampire que je ne voulais plus jamais voir entra dans la pièce.
Ezekiel resta figé un court instant. Ses poings se serrèrent, et une colère que je ne lui avais jamais vu envahi son regard. Sans que j’ai le temps de réagir, il saisit une à une chacune de mes victimes et les égorgea avec violence, faisant gicler une mer de sang partout. 
Il termina cependant par trancher la gorge de l’Européenne en face de moi en me fixant d’un regard glacial. Elle tomba lourdement sur le sol.
Il ne restait plus que lui et moi dans la pièce, dans une pièce baignée de sang…
- Rhabille-toi, dit-il en me balançant mes vêtements étrangement propres.
Le ton sur lequel il me donna son ordre ne laissait aucune place pour le contrer. Ce fut en écoutant mon instinct de survis que je m’exécutais. 
- Suis-moi ! Claqua-t-il avec une fureur que je ne lui connaissais pas. 
Je l’écoutais sans broncher et ce ne fut qu’au moment où nous fûmes dehors que je réalisais ce que j’étais en train de faire. Croyait-il vraiment que tout allait revenir comme avant ? Que j’allais rester éternellement son jouet avec lequel il s’amusait. Croyait-il que j’allais lui pardonner ce qu’il m’avait fait une fois de plus. Non, ce moi docile n’était plus, il l’avait définitivement brisé. Ezekiel marchait devant, d’un pas désespérément rapide qu’il était difficile à suivre. Il était toujours aussi furieux, même pire que cela ! Certes, il m’inspirait la peur, aujourd’hui plus encore que jamais. Mais, avec défis, je déclarais alors que nous marchions dans une ruelle sombre :
- Qu’est ce qui t’as pris ! Je ne suis pas un gamin ! Je ne t’ai rien demandé ! J’ai le droit de mener ma vie comme je l’entends. Et quoi ! Tu as peur d’être seul ?
Puis, sans attendre sa réaction, je lui tournais le dos et prenait une nouvelle direction.  Qu’avais-je cru ? Qu’il était aussi facile que cela de tourner le dos à Ezekiel et de lui tenir tête. J’allais payer le prix fort pour cette leçon. Je ne le sentis pas arriver et j’étais déjà projeté avec une vitesse incroyable sur le mur à ma gauche. Je m’effondrais sur le sol. Mon créateur me redressa en me tirant par les cheveux contre le mur, et son poing rencontra ma joue. J’encaissais ce deuxième coup plus que douloureux, mais rassemblant mes forces, je me redressais aussitôt, ne lui laissant pas le temps de revenir sur moi, et bondis sans réfléchir sur lui. Je pus à peine griffer sa joue, qu’il m’envoya voler à nouveau contre le mur. Ce fut ma tête qui heurta trop fort le mur. Je m’étalais sur le sol à moitié inconscient. Je vis sa silhouette bondir au-dessus de moi, mais ma vision se troublait. Il me griffa, criant sa rage, me martelant de coups. Puis il fondit sur moi, mordant mon cou en le déchiquetant presque. Il but à une vitesse qui me donnait le vertige, m’ôtant littéralement la vie qui coulait en moi. J’eus beau tenter de me débattre, rien n’y faisait. Plus je tentais de bouger, plus les forces me quittaient. Ma respiration s’arrêta peu à peu.
J’entendais de moins en moins, jusqu’à totalement perdre l’ouie. Ma vision commença à s’obscurcir, jusqu’à ne plus rien voir. La seule sensation qui me restait était de sentir ma vie partir. Je partais peu à peu, et sans pouvoir rien y faire. Ezekiel m’avait pris ma vie d’humain, et il faisait de même avec ma vie de vampire. L’inconscience m’emporta avec la terrible idée que cela serait sûrement définitif…
Lorsque j’ouvris les yeux, il faisais désespérément noir et j’étais incapable de définir le lieu ou je me trouvais. Je repoussais l’hypothèse de la mort, car une faim inhumaine me déchirait les entrailles. Je n’avais que très peu de sang dans mon organisme et les coups que j’avais reçu n’avaient pas guéris. Une migraine me vrillait les tempes et lorsque je voulu lever ma main pour la passer sur mon visage, j’en fus bien incapable. Toute force m’avait quittée. Je ne valais plus rien. J’étais étendu à même le sol humide dont une odeur nauséabonde se dégageait et me donnait envie de vomir. Je sondais la pièce et il me semblait que j’étais seul. Alors que je voulus tourner la tête, j’en fus une douleur aiguë me fit presque crier. Elle provenait de l’endroit où ma tête avait dû heurter le mur. Une chose était sure, je n’étais plus dans cette sinistre ruelle. J’étais dans cette pièce sans lumière, et je n’avais pas la moindre idée de comment j’avais fini ici. Je fermais les yeux, tentant de maîtriser comme je le pouvais cette faim dévorante et ce fut une odeur de sang qui précéda l’arrivée d’un vampire qui n’était autre qu’Ezekiel.
J’ouvris les yeux alors qu’il rentrait dans la pièce et la simple lumière du chandelier qu’il tenait m’aveugla. Je ne sentais que le sang dont il était rempli. J’avais faim et je rêvais de planter mes crocs dans sa gorge. Mais cela, je savais que c’était impossible… j’étais complètement à sa merci et plié à son bon vouloir, rien que cela me donna un frisson de répulsion.
- J’espère que tu as compris la leçon, misérable raclure. Si tu te voyais, tu es comme à ton habitude : pitoyable et pathétique, claqua-t-il avec froideur et supériorité.
Ne voulant pas gaspiller mes forces à me battre verbalement avec lui, je tentais de me redresser lentement tout en lui demandant :
- Qu’est ce que tu m’as fait ? Ou est ce que je suis ?
- Dans un lieu dont tu ne pourras pas t’échapper ! Et ce n’est pas à toi de poser des questions Alakhiel ! Cracha-t-il avec colère.
Je n’arrivais même pas à me mettre en position assise. J’étais trop faible, j’avais besoin de sang, mais jamais je ne m’abaisserais à le lui demander. Je ne contrôlais cependant pas cette petite voix en moi qui criait famine. Pour la première fois, alors que je l’avais si souvent battue et maîtrisée, j’étais à la merci de cette faim infinie.
Ezekiel s’approcha de moi, et contre toute attente, je me redressais vivement, comme les dernières forces d’une survie, me plaquais contre le mur, les jambes tremblantes, et montrais mes crocs dans un geste agressif et visant à me protéger après un grognement sourd :
- Ne t’approche pas de moi ! Criais-je, sentant à défaut du sang, la haine couler dans mes veines.
Ezekiel s’arrêta interdit et me regarda de la tête au pied avant de me demander dans un ton neutre que je n’aurais su définir, beaucoup plus doux que quelques minutes auparavant :
- Qu’est ce qui t’arrive Ezekiel ? Pourquoi est-tu devenu comme ça ?…
Je ne pus pas répondre. Une crampe me saisit brusquement me forçant à m’accroupir et me tenir le ventre. J’avais faim. Tremblant, je redressais la tête vers lui et lui lançait un regard insolent.
Ezekiel soupira, esquissa un geste vers moi, puis s’arrêta au milieu avant de me tourner le dos et de dire :
- Je te laisse le temps de réfléchir à ce que tu es devenu Alakhiel. N’essaye pas de fuir, c’est impossible.
La porte claqua. Les tremblements que j’avais tenté de contrôler revinrent plus fort, plus violent, m’arrachant un sanglot du à la souffrance qu’ils m’infligeaient. J’avais faim, terriblement faim. J’étais arrivé à un état de faiblesse et de famine tel, que je ne l’avais jamais connu. Un rat puant eut la malencontreuse idée de passer à portée de ma main.
Ce fut le peu de sang qu’il m’apporta qui m’aida à trouver un peu de sommeil…
 Les nuits qui suivirent se passèrent ainsi. Ezekiel venait me demander si j’avais une réponse à sa question, me rabaissant un peu par la même occasion et jamais je n’ouvrais la bouche. Il partait comme il était venu, respirant la bonne santé. Je ne savais pas si le plus dur n’était finalement pas de sentir tout ce sang émanant de lui. La faim était de plus en plus terrible à supporter. Je me réveillais en hurlant dans les crampes qui saisissaient tout mon corps étaient insoutenable. Je passais par des moments de folie, ne revenant à moi que plus épuisé encore. Je voulais manger, je voulais tuer, je voulais libérer cette haine qui me consumait. 
Ezekiel revint une nuit. Je n’avais aucune conscience du temps qui passait, ni du nombre de fois où il était revenu me poser cette question à laquelle je ne voyais pas de réponse. Cette fois cependant, une odeur m’attira terriblement. Là, sur sa chemise, il y avait une goutte de sang encore fraîche. L’odeur était insoutenable. Je ne pouvais me focaliser que sur cela, aussi, je n’entendis même pas ce qu’il me disait. Avec le peu de force qui me restait, comme un dernier mouvement, un dernier espoir de satisfaire ma faim, je me jetais sur lui, crocs découverts, guidé par la haine et la folie. 
Ezekiel sembla s’apercevoir ce qui guida ma folie et comme pour le vérifier, il arracha d’un geste sa chemise et la jeta à sa droite. Déviant ma trajectoire, je la saisis en plein vol et cherchais comme un drogué en manque la tache de sang. Pitoyablement, je me mis à lécher la chemise. Mais ne faire que sentir le goût du sang sur ma langue ne fit que faire redoubler mes tremblements d’état de manque. 
Je n’avais presque pas conscience qu’Ezekiel approchait vers moi et je ne le réalisais que lorsqu’il passa sa main dans mes cheveux, ôtant une mèche collée sur mon front. Ayant définitivement gaspillé mes dernières forces je vacillais. Mais au lieu de tomber sur le sol froid et humide, ce fut la chaleur des bras d’Ezekiel qui me réceptionnèrent.
Avec douceur, il m’enleva la chemise des mains. Un air grave s’affichait sur son visage, un air gravement triste que je n’arrivais pas à interpréter. Sa main caressa mon visage, et ce ne fut que lorsqu’il sortit ses crocs, que je compris son attention. Il allait mettre fin à ma souffrance. C’était terminé, il n’y avait plus aucun espoir à ses yeux. Je redressais les yeux et croisais son regard pour ne plus le quitter.
Je me surpris à penser que j’étais au fond de moi, heureux de finir dans ses bras. Cet endroit m’avait ramolli, rongeant ma solitude, ma faim, mon désespoir. Pourquoi étais-je devenu ainsi ? Par faiblesse ? N’y avait-il aucune échappatoire ? Au regard décidé d’Ezekhiel, je compris que non. Son étreinte se raffermit autour de mon corps, comme s’il voulait me serrer dans ses bras une dernière fois. Ma gorge se serra douloureusement. Je me mis alors à me demander : qu’allait-il devenir sans moi ? Poursuivrait-il son chemin d’errance ? Ne serait-ce finalement pas une vie plus facile pour lui avec un poids mort comme moi ? Peut-être aurait-il dut mettre fin à ma vie humaine et ne jamais m’offrir cette vie de vampire. Des milliers de personnes aurait pu mourir de vieillesse au lieu de finir sous mes crocs. 
Plus jamais je ne connaîtrais son étreinte. Plus jamais je n’aurais droit à ces quelques instants de douceur et de tendresse qu’il m’offrait parfois et qui était devenu si cher à mes yeux. Un frisson de crainte me saisit en repensant au moment où il m’avait pris de force. J’espérais qu’il serait doux lorsqu’il planterait une dernière fois ses crocs dans ma gorge. 
Il entama avec une lenteur interminable son ascension vers mon cou. Ca y est ! C’était le moment, c’était fini. Alors qu’il n’était qu’à quelques centimètres, je pouvais sentir son souffle effleurait ma peau. Et c’est à ce moment-là qu’une émotion me saisit plus durement que tout le reste. C’était la dernière fois que j’allais le sentir ainsi contre moi. Ce n’était pas uniquement lui qui allait me perdre. J’allais aussi le perdre. Cette dernière pensée eut raison de mon dernier barrage. Une seule et unique larme coula le long de ma joue alors qu’Ezekiel était à deux millimètres de ma gorge, et cette goutte d’eau salé finit sa chute sur la joue de mon créateur. Je sentis ses crocs sur ma peau, mais rien de plus ne se produisit. Au lieu de les planter dans ma peau, il se redressa comme surpris. Son doigt passa sur ma joue, sur le sillon qu’avait laissé ma larme.
- Alakhiel ?… Murmura-t-il.
D’autres larmes suivirent alors la première à l’entente de mon prénom. Je ne pus alors m’empêcher de repondre, la gorge sèche et la voix rauque :
- Sauve moi Ezekiel…
Le regard d’Ezekiel se tinta de douleur. Doucement, avec précaution comme par peur de me faire mal, il se baissa à nouveau vers moi. La seule façon de m’aider était donc de me tuer…
Contre toute attente, Ezekiel ne dévia pas dans mon cou, mais ce fut mes lèvres qu’il recouvrit d’un baiser d’une tendresse dont il n’avait jamais fait preuve. C’était un simple et chaste baiser, qui ne dura pas longtemps mais qui me fit plus de bien que je ne l’aurais cru. Etait-ce un baiser d’adieu ? La douceur et la chaleur de ses lèvres me quitta trop vite. Et lorsqu’il se redressa, il me dit alors :
- Ne m’abandonne pas Alakhiel…
Puis prenant une respiration profonde, il m’attira contre lui, me redressant, laissant ma tête se poser sur son épaule.
- Je suis désolé Alakhiel… Désolé pour ce que je t’ai fait…
Bercé par son étreinte, attendrit et enrobé d’un sentiment que je n’avais jamais connu, je sombrais dans l’inconscience malgré moi…
Lorsque j’ouvris à nouveau les yeux, nous étions dans un endroit différent. J’étais dans un lit, seul. Je me redressais plus que difficilement, et vit avec surprise Ezekiel assis sur un fauteuil en face de moi en train de dormir. 
Fronçant les sourcils, mon attention se porta ensuite sur mon corps. Mes vêtements étaient différents et j’étais propre. Ezekiel avait du me laver et procéder au reste. Mais s’il avait pu enlever la crasse sur mon corps, il n’avait cependant pas réussi à ôter cette faim sourdre qui prenait à nouveau possession de mon esprit.
- Tu te réveilles enfin ! Déclara soudain Ezekiel en me faisant sursauter.
Reportant mon attention sur lui, je le vis s’entailler le poignet.
- Il faut que tu manges Ezekiel et j’ai trouvé une solution, dit-il avec malice et satisfaction.
- Je… Je ne veux plus de sang… Bafouillais-je la voix rauqua, alors que tout mon être criait le contraire.
- Ne dis pas de bêtise. Trancha-t-il.
Sans me laisser le choix, il fut en un éclair à côté de moi et me colla son poignet sur la bouche. Le goût du sang m’électrisa. Balançant au loin ma protestation, j’avalais presque immédiatement une première gorgée dont l’effet fut tellement bénéfique que je lâchais un gémissement de plaisir. Mes mains s’agrippèrent sur son avant bras, comme par peur qu’il ne s’écarte lorsque j’eu avaler cette deuxième gorgée de sang qui me brûlait presque. La troisième gorgée fut un délice pur, qui me redonna enfin quelques forces. Mais je n’eus pas le droit à plus. Ezekiel m’arracha son poignet et le lécha, cicatrisant ma morsure. Rageusement, je grognais en claquant des dents.
- Cela suffit pour le moment Alakhiel. Dans ton état, il ne t’en faut pas plus.
Puis, se moquant de mes protestations, il s’assit sur le lit à côté de moi, et déclara :
- Voici les nouvelles règles ! Premièrement, tu ne sors pas d’ici sans moi et crois-moi, même si je ne suis pas là, je le saurais. Deuxièmement, tu ne te nourris plus seul. Comme tu ne sais plus te maîtriser, je te donnerais tes repas jusqu’à ce que je te juge capable de te débrouiller sans moi. Des protestations ? Finit-il avec un sourire moqueur et supérieur.
Je baissais le regard, humilié d’être ainsi infantilisé. Je sentais déjà la chaleur du sang s’infiltrer en moi, bénéfique. Certes ce n’était pas assez, mais je n’allais pas me plaindre. Je posais alors une question qui me brûlais les lèvres : 
- Pourquoi tu ne m’as pas tué ? 
Ezekiel me toisa, sourit, mais ne répondit rien. J’aurais sûrement préféré une réplique cinglante de sa part. Ezekiel se leva et quitta alors la pièce, sans un mot, me laissant seul. Je n’aimais plus être seul. Pas maintenant, pas dans mon état. Quand il était là, présent à mes cotés, je me sentais apaisé, parce que je savais qu’il pouvait m’arrêter. Mais seul, je me retrouvais face à mes angoisses. 
Cependant, épuisé comme je l’étais, engourdi par la petite dose de sang qu’Ezekiel m’avait accordée, je m’endormis profondément, dans un sommeil sans rêve…
Lorsque j’ouvris à nouveau les yeux, Ezekiel était assis à côté de moi sur le lit. Me frottant les yeux, je le vis porter son poignet à ses lèvres, m’offrant une nouvelle fois quelques gorgées. Comme la première fois, il me fit cesser bien trop tôt et il du lire dans mon regard le gouffre infini de ma faim insatiable.  Il ne fit aucun commentaire, se leva, et alla s’installer dans un autre lit. Surpris de cet éloignement qui était pourtant naturel au vu de ce qui c’était passé entre nous. 
Et pourtant, ayant plus que besoin d’une présence physique à mes côtés, je me levais dicrètement pour aller le rejoindre. Loin d’avoir récupérer toutes mes forces, je vacillais avant d’atteindre le lit. J’avais l’impression d’être malade, et cette impression était assez proche de la réalité. Sans un mot, sans même lui demander, je me glissais sous les couvertures et allais me coller contre lui. 
Ezekiel parut surpris, mais il fut loin de me rejeter. Au contraire, il se tourna et se mit plus confortablement afin d’avoir son visage en face du mien. Un sourire que je n’aurais su décrire étira ses lèvres alors qu’il m’observait. Puis, sans dire quoi que ce soit, son bras passa autour de mon corps, et il m’attira plus près de lui, déposant ses lèvres sur les miennes. Leur goût était toujours aussi particulier, me grisant au plus profond de moi. Me laissant envahir par sa tendresse, qui avait ce goût unique de rareté.
Mais trop vite, alors que sa main caressait ma nuque, son baiser gagna en passion. Cette passion m’effraya malgré moi, sentant une bosse contre ma hanche alors qu’il collait encore plus à moi. Je ne voulais pas de cela. C’était encore trop frais. Si l’envie de lui était toujours présente, elle était passée en second plan, remplacée par la peur et la crainte qu’il m’inspirait. Il était allé trop loin avec moi. Il avait brisé la confiance mutuelle que ce genre de relation impliquait.
Effrayé en repensant à ce qu’il m’avait fait, je le repoussais et tombais à moitié du lit. Quittant celui-ci, j’allais me réfugier dans le mien, recroquevillé, ne sachant plus quoi faire. Je ne pouvais pas lui demander simplement un peu de chaleur, c’était égoïste de ma part et la tendresse ne faisait pas partit d’une des qualités d’Ezekiel. Je ne pouvais pas non plus trop lui en demander…
Je n’osais pas me tourner vers lui pour simplement voir ce qu’il faisait. Certainement m’avait-il trouvé pitoyable, et s’était endormi aussitôt, oubliant mes états d’âmes. Mais il me donna soudain tort. Je sentis le lit s’affaisser dans mon dos, et soudain hissé dans l’étreinte d’Ezekiel. Il m’attrapa dans ses bras comme si j’étais une chose précieuse et fragile, si bien que je ne savais pas comment l’interpréter. Je me laissais faire, tout en restant tout de même sur mes gardes. Que me voulait-il ? Revenait-il à la charge maintenant que j’avais réveillé malgré moi son appétit ?
Mais rien ne se produisit et peu à peu, je me laissais aller dans cette étreinte. Ce ne fut que lorsque je fus complètement détendu, qu’il m’étendit à nouveau dans mon lit et vint se coller tout contre moi. Ma tête était posée sur sa poitrine, et je me callais ma respiration sur la sienne, me laissant bercer. C’est alors que je l’entendis me dire dans un murmure à peine audible, mais empli d’une sincérité que je lui avais rarement connue :
- Je suis désolé Alakhiel… Je suis désolé que tu sois devenu ainsi à cause de moi…
Je mis beaucoup de temps avant de répondre avec sincérité à mon tour.
- Ce… C’est à cause de moi Ezekiel. Je… j’ai peur… Dis-je la voix tremblante.
Je sentis les deux mains de mon créateur se poser sur mes épaules afin de m’inciter à me reculer et de le regarder en face.
- Tu as peur de moi ? Me demanda-t-il comme s’il était inquiet.
Il devait pourtant le savoir : bien sur qu’il inspirait la crainte. Mais cela n’avait rien à voir avec ce que je voulais dire à l’instant présent. C’est pourquoi déglutissant, je répliquais :
- Non… J’ai peur de moi… De ce que je suis devenu… Dis-je alors que les larmes me montaient aux yeux, comme dans un instant de réelle lucidité.
C’est alors qu’Ezekiel me repris à nouveau tout contre lui, me serrant encore plus fort.
- Alakiel… Murmura-t-il… Je suis là… Tu peux compter sur moi…
Je ne répondis rien. Je n’avais rien à répondre. Quelque part, Ezekiel avait toujours été là pour moi. Il était même allé me chercher dans le repère de ses ennemis au péril de sa vie. Je me laissais aller, en me sentant étrangement en sécurité et c’est alors que j’entendis mon créateur me demander non sans une certaine gêne :
- Qu’est ce qui t’a pris de coucher avec tes victimes ?
J’aurais pu rétorqué qu’il ne valait pas mieux. Mais je me reculais simplement et le regardais dans les yeux. Il ajouta alors :
- Et cette folie meurtrière… Qu’est ce qui t’a pris Alakhiel ?
J’inspirait profondément. Que pouvais-je lui répondre si ce n’est la vérité.
- Je… Je ne sais pas, répondis-je hésitant et mal à l’aise.
Baissant le regard, je finis par ajouter après un long silence :
- Je… J’ai du me laisser séduire par le sang… J’avais déjà eu ce genre de.. Crises… Avant que nous partions en Inde… Et une fois que nous sommes arrivés… Je… Je t’ai caché mon état Ezekiel…
- Pourquoi ? Pourquoi ne pas m’en avoir parlé au lieu d’en arriver à cet état ! S’empressa-t-il de me demander en se redressant, légèrement agacé.
Je déglutis. J’étais épuisé. Le peu de sang qui coulait dans mon organisme ne me suffisait pas et j’avais beaucoup de mal à rester avec les yeux ouverts et avoir une réelle concentration. Rassemblant mes forces et jouant toujours la carte de la sincérité avec lui, je dis dans un souffle :
- Je… j’avais honte… Alors que j’ai toujours excécré à tuer comme cela… J’ai fini par le faire le plus bassement possible.
- Imbécile, claqua Ezekiel. Tu aurais pu m’en parler plus tôt, je t’aurais aidé ! Tu n’en serais pas arrivé là !
Vexé, je me renfrognais. Croyait-il qu’il était aussi évident d’aller se confier à lui.
- Les choses ne sont pas si facile ! Je pensais pouvoir gérer mes propres problèmes, rétorquais en haussant un peu le ton tout comme lui. Je suis déjà assez un fardeau pour toi…
- Tu n’es pas un fardeau !
Ce fut à mon tour de me redresser et je répondis alors en m’esclaffant :
- Rien que maintenant je suis pire cela ! Je suis devenu incontrôlable ! J’en suis à un tel point que j’ai besoin d’être surveillé et enfermé ! Comme si nous n’avions pas assez de problème ! Ezekiel, dis-je en reprenant mon souffle. Si un humain était dans cette pièce, je serais fou…
Ezekiel soupira avant de répondre, las :
- Ce n’est que temporaire Alakhiel. Crois-moi, tu vas guérir… Si tu ne le peux pas, personne n’en est capable…
- J’espère… Dis-je peu convaincu.
Ezekiel m’attira alors contre lui et je me laissais à nouveau aller dans cette étreinte. Il déposa un baiser sur mon front. Depuis quand était-il devenu aussi doux ? Qu’est ce qui motivait une telle attitude ?
- Dors Alakhiel, tu en as grand besoin… Murmura-t-il.
Il ne m’en fallut pas plus. Perdant le fil de mes pensées, je m’endormis en quelques secondes, au creux de ses bras.
Lorsque j’ouvris à nouveau les yeux, Ezekiel n’était plus à mes côtés, et je pouvais sentir en moi cette faim déchirante. Je pris mon mal en patience, sachant que lorsqu’il reviendrait, j’aurais sûrement droit à une gorgée supplémentaire de sang. Je me recroquevillais dans le lit, trouvant mon état de plus en plus misérable. Je n’arrivais toujours pas à comprendre pourquoi Ezekiel s’embêtait tellement avec moi. Je ne voyais aucune raison rationnelle et l’hypothèse du jouet, de la chose qui lui appartenait, commençait à perdre de sa force. Personne ne perdait autant de temps avec un jouet aussi abîmé. Et sa tendresse de la veille me laissait perplexe. Etait-il uniquement ainsi avec moi pour m’aider à aller mieux. Si jamais je devenais normal, qu’en serait-il ? Que deviendraient alors nos rapports ?
Je fus brusquement interrompus dans mes pensées, lorsque je sentis une odeur de sang. Mon premier réflexe fut de m’éjecter loin du lit et aller me coller dans un coin de la pièce le plus éloigné de cette odeur. Malheureusement, je savais que lorsque cette proie se rapprocherait, il me serait impossible de résister, malgré toute ma force de volonté. L’odeur du sang devenait de plus en plus insoutenable, faisant trembler mes muscles que je tentais de contraindre. Mais lorsque que cette proie fut à l’entrée de la porte, tout semblant de raison disparut de mon esprit et je me jetais vers elle à crocs découvert.
Cependant, Ezekiel en avait décidé autrement. Il se tenait là, à quelques mètres de la proie qui s’était immobilisée d’horreur et alors que j’étais à moins de quelques centimètres d’elle, j’eus l’impression d’heurter mentalement quelque chose. Le choc fut si violent, que je m’effondrais sur le sol. Mais l’odeur du sang de cette pauvre malheureuse réussit à me faire me relever, et sans réfléchir, je me jetais une nouvelle fois sur elle, me heurtant à la barrière qu’Ezekiel m’avait imposée. Ce ne fut qu’après de très nombreux essais, épuisé, que je finis pas rendre les armes, me redressant tant bien que mal, les jambes tremblantes, me tentant à peine debout.
Ezekiel sourit, satisfait de lui. Puis, d’un mouvement à peine perceptible, il fut à côté de sa proie et la vida de son sang en un clin d’œil, révélant une odeur vive qui déchaîna en moi une fin sans pareille. Ezekiel reporta son attention vers moi, laissant tomber cette proie vidée de son sang et perdant tout mon intérêt. Il commença à me parler, mais je n’entendais pas ce qu’il me disait. Mes oreilles bourdonnaient. J’étais toujours en sous-alimentation et le combat physique et mental que je venais de mener avec Ezekiel m’avait repris le peu de force que j’avais acquis avec le sang qu’Ezekiel avait consentit à me donner. Alors que mes jambes lâchaient, Ezekiel me rattrapa et s’assit à même le sol en me gardant dans ses bras.
Je ne sentis plutôt que je ne vis son poignet entaillé. Il fut obligé de le porter à mes lèvres, n’ayant même pas la force de le tirer vers moi. Lorsque le sang encore frais effleura ma langue, je n’aurais su dire l’explosion de saveur qui se déchaîna en moi. Je bus cependant doucement, savourant par petite gorgée, ne voulant pas gâcher le peu qu’il m’accorderait. Même s’il ne me permit pas d’étancher ma soif, j’eus l’impression qu’il m’autorisa à beaucoup plus que les fois précédentes. Je ne cherchais pas à retenir son poignet, résigné à me soumettre à sa méthode.
Mes idées revinrent à peu près claires et gênées de ma position, je m’écartais un peu brusquement de lui, lui arrachant un petit rire amusé. C’est à ce moment-là qu’il repris la parole :
- Encore quelques exercices de ce genre et tu seras prêt à sortir Alakhiel. Comme je te l’ai dit hier, tant que tu restes à côté de moi, il ne se passera rien.
- Justement, rétorquais-je, c’est uniquement parce que tu es là. Sans toi, je ne suis qu’un monstre…
- Laisse-toi du temps Alakhiel. La guérison peut être un long processus… Soupira Ezekiel.
Je restais sceptique, mais n’en fit pas part à mon créateur. Celui-ci se redressa puis déclara :
- Je pense que tu t’es assez nourri, si nous passion à ton entraînement.
Cachant ma surprise, je me levais, lui faisant face. Ezekiel avait raison, cela m’aiderait sûrement à penser à autre chose.
Les jours défilèrent ainsi. Je ne sortais pas. Ezekiel ne s’absentait que pour aller chercher des proies. Il en ramenait toujours une et nous répétions encore et encore cet exercice. J’arrivais de mieux en mieux à résister, mais je ne devais cela qu’au fait qu’Ezekiel était présent pour me contraindre. Après cet exercice, il m’offrait un peu de sang et nous commencions l’entraînement. J’avais l’impression de m’en sortir de mieux en mieux, mais je n’avais toujours pas eu un seul compliment de la part d’Ezekiel qui se contentait de m’en demander encore et toujours plus. Nous allions ensuite prendre un bain mérité, avant de nous coucher dans le même lit. Là, je retrouvais l’étreinte de mon créateur qui sagement, et à ma plus grande surprise, ne tentais jamais rien. 
Ezekiel laissa tomber sa proie morte sur le palier de la porte. Pour la première fois, j’avais résisté. Certes, cela ne s’était pas fait sans douleur. Ezekiel affichait un sourire satisfait de son élève, et je lui rendis, à moitié vacillant de part l’effort que je venais de fournir. Se battre contre ses bas instincts était épuisant. Je commençais enfin à reprendre un peu confiance en moi. 
Je savourais ensuite, le sang qu’il m’offrait. Jamais je n’avais pris autant de temps pour boire, jamais je n’avais apprécié le sang à ce point, dégustant méticuleusement chaque goutte. 
Lorsque j’eus fini, je passais de moi-même un coup de langue sur le poignet d’Ezekiel. Les bonnes choses avaient une fin et c’était la première fois que je m’arrêtais de moi-même. Ce fut à ce moment qu’Ezekiel déclara : 
- Sortons ! Tu es prêt Alakhiel et la nuit n’est que brièvement entamée. 
Aussitôt, je paniquais, perdant toute cette belle assurance : 
- Je… Non… Je ne suis pas prêt… Pas si tôt. 
- Cesse de geindre. C’est à moi de décider si tu es prêt ou pas. Si ce choix t’incombait, tu serais encore un train de pourrir dans ce trou dans cent ans. 
Peu convaincu, je ne répliquais rien, vexé. Alors que je restais immobile, Ezekiel me poussa légèrement en disant :
- Passe devant moi, ne t’inquiète pas, je suis là pour te surveiller. 
Ne réalisant pas vraiment ce que je faisais, je me retournais face à lui. Intrigué, Ezekiel fronça les sourcils et alors qu’il voulut me sortir une réplique acerbe, je recouvris aussitôt ses lèvres d’un baiser. Je ne savais pas vraiment ce qui me prenait. Mais j’avais l’impression qu’en l’embrassant, je prendrais un peu de sa force. Passé l’effet de surprise, Ezekiel ne tarda pas à laisser sa langue rejoindre la mienne et nous échangeâmes un baiser passionné qui nous laissa tout les deux pantelants. Forcés de nous séparer lorsque l’air vint à manquer, j’admirais mon créateur, les yeux légèrement dans le vague et murmurais un simple « merci » avant de lui tourner le dos. Déglutissant, je me décidais à faire ce qu’il attendait de moi : sortir pour faire face à mes démons.
La première chose qui me frappa une fois que je fus dehors été la forte odeur de sang. L’endroit ne grouillait pas d’humains, mais je pouvais précisément localiser chacun d’eux. Tentant de me raisonner, remerciant le repas que m’avait offert Ezekiel, je ralentissais de façon à ce qu’il soit tout proche de moi. 
C’est alors qu’un humain arriva au détour d’une ruelle et marcha vers nous. Tout mon être me criait de lui sauter dessus. Je sentis la force mentale d’Ezekiel m’envahir, protégeant cet humain en m’enfermant dans une sorte de prison. L’odeur de son sang paraissait si esquisse. J’avais presque l’impression de voir la totalité de son sang circuler dans ses veines. Des gouttes de sueurs perlaient déjà sur mon front alors que je combattais ma propre folie. C’était trop dur. Plus il se rapprochait et plus c’était un véritable supplice. Mais alors qu’il arrivait à ma hauteur, je sentis une femme arrivée derrière moi.  S’en était trop. Je ne pouvais pas tenir ainsi. 
Il y avait trop de monde, trop de gens qui grouillaient dans tous les sens même très éloignés, même endormis paisiblement. Impossible de tenir plus longtemps, je rassemblais déjà mes forces, cherchant la faille dans la protection d’Ezekiel. J’avais suffisamment mangé pour arriver à le contrer. Je ne pourrais pas le vaincre, mais m’échapper était une possibilité. C’est alors que je sentis la main d’Ezekiel sur mon épaule ce qui me fit un court instant revenir à moi. 
- Rentrons Alakiel, ça suffit pour aujourd’hui. 
Il me traîna presque et je réalisais que nous n’avions à peine fait que quelques mètres dehors. Il n’était donc pas capable de me retenir. Le test d’aujourd’hui était un échec. Ce ne fut qu’une fois à l’intérieur, qu’un élan de défaitisme s’abattit sur moi. Alors qu’il fermait la porte derrière nous, je déclarais tandis qu’il était dos à moi : 
- Je n’y arriverais jamais.
- Ne dis pas de bêtises ! Claqua-t-il soudain, las et énervé. 
Je me retournais vers lui, lui faisant face. 
- Non ! Ca ne marchera jamais ! Tu aurais mieux fait de m’abattre ! 
Je vis la colère monter en Ezekiel, une colère sourde et je me mis à craindre ce qui allait m’arriver. Mais c’était pourtant vrai. Je n’étais plus capable d’aller dehors sans avoir l’envie incontrôlable de sauter à la gorge du premier venu. Ce test en était la preuve et si Ezekiel m’avait fait rentrer c’est que même son pouvoir de contrôle sur moi n’y pouvait rien. 
Ezekiel allait parler, mais il s’arrêta en plein milieu de son élan. Il me tourna brusquement le dos et claqua la porte en sortant, me laissant seul. C’était encore pire qu’une de ses insultes. Cela voulait dire que lui aussi baissait les bras. 
J’en avais assez. Assez d’être confiné dans cette pièce. J’avais besoin de sortir. Ce n’était pas la faim qui me guidait mais la colère face à mon état. Si j’avais été capable de me retenir de tuer avec un sang-froid aussi incroyable pendant mes premières années, comment cela se faisait-il que je ne le pouvais plus aujourd’hui. Qu’est ce qui faisait de moi un tel moins que rien. Je commençais à tourner en rond dans la pièce, me sentant de plus en plus claustrophobe. J’avais besoin de voir la lune, de sentir ses rayons sur ma peau. J’avais besoin des caresses du vent et de l’air libre. Je ne pouvais plus rester ici. Cela faisait trop longtemps. Cet enfermement me donnait l’impression d’être de plus en plus faible.
Sans vraiment réaliser ce que je faisais, comme hypnotisé, je poussais la porte que je n’avais jamais osé toucher depuis l’interdiction de mon créateur et sortais. Ce que je faisais était complètement fou. Mais peu m’importait. Si je restais une seconde de plus dans ce lieu, c’était la fin.
Une fois dehors, je retins ma respiration. Par chance, aucun humain n’était proche. Mais je ne voulais pas jouer plus longtemps avec ma bonne fortune. Je savais qu’il y avait une forêt pas très loin d’ici. Il était rare que les humains s’y promènent la nuit. Sans perdre plus de temps, je courus. Je courus si vite, que les humains que je croisais sur ma route ne sentirent qu’un souffle faire voler leurs cheveux et leurs vêtements. J’ignorais tout ce qui n’était pas ma course et mon but. Je voulais seulement, m’éloigner de cette ville et de toutes les tentations qu’elle représentait. Je voulais me sentir libre, loin de cette cage devenue si étroite. Je courrais sans jamais m’arrêter. La forêt était plus loin que je ne l’aurais crue et ce fut ne fut que lorsque j’arrivais essoufflé par ma course que je réalisais avec horreur que je n’aurais jamais le temps de rentrer. L’aube était presque là. Je n’avais qu’une petite heure pour trouver un abris. Mais cette nécessité vitale fut vite balayée, réalisant ce que je venais de faire. Je n’avais tué personne. J’étais sorti, j’avais croisé beaucoup d’humain, mais jamais je n’avais été possédé par l’envie de sang. Je ne comprenais plus rien. J’étais capable de ne plus tuer. Alors d’où venaient ses crises ? Comment être sur de les maîtriser. Je m’enfonçais dans la forêt épaisse, mais je pouvais déjà sentir l’aube proche. Ma découverte ne servirait sûrement à rien. J’allais pitoyablement mourir dès les premiers rayons du soleil. Mais je n’avais tué personne ! Un sourire se dessina sur mon visage, ayant l’impression d’avoir battu quelque chose en moi. Cette soif de liberté avait été bien plus forte que cette soif de sang bestiale.
- Alakhiel ! Combien de fois je devrais te tirer de la mort ! Je me demande pourquoi je m’acharne ainsi. Je devrais te laisser griller ici. Hurla Ezekiel, semblant être essoufflé.
Je me retournais, ne pouvant détacher ce sourire vainqueur. Je voulais lui dire. Lui expliquer que j’étais capable de ne tuer personne, qu’il fallait encore du temps, mais que maintenant j’y croyais. Mais je n’en eus pas le temps. D’abord tremblante, sa main se leva dans les airs. Ses yeux… Etait-il en train de pleurer ? Je n’eus pas le temps d’en avoir le cœur net. En un instant, le coup arriva et je fus plongé dans l’inconscience.
Lorsque je reviens à moi, la première chose que je ressentis fut une vive douleur au crâne. J’étais donc encore en vie. La seconde chose qui m’inquiéta était de savoir où j’étais. L’air sentait la terre et l’humidité. Il faisait sombre, mais il y avait une lumière aveuglante non loin de là. Je réalisais peu à peu que j’étais dans une sorte de grotte, dont l’ouverture était petite, mais l’intérieur assez haut de plafond. Je me redressais, me massant le dos endolori par les pierres sur lesquelles j’avais été couché. C’est alors que je sursautais violement. Ezekiel était assis là, à quelques mètres de moi. Il me fixait, l’air fatigué, mais la colère que je pouvais lire dans ses yeux ne me disais rien de bon.
Et pourtant, contre toute attente, il s’approcha doucement de moi. Il me tira contre lui, un peu brusquement, mais ce geste n’avait rien de violent. Une fois dans ses bras, il resserra doucement son étreinte. Passé la crainte, je me finis après un long moment par me laisser aller. Je poussais un soupire de soulagement. Et c’est alors qu’il murmura quelque chose, au milieu de cette étreinte de douceur que je ne sus interpréter : 
- Je t’en supplie Alakiel, quoi qu’il se passe, quoi que je fasse, quoi qu’il nous arrive, reste toujours à mes côtés… Ne t’éloigne plus. 
Dans son élan de possessivité, il me serra si fort, qu’un simple humain aurait été mort étouffé. Je ne pu m’empêcher de verser quelques larmes. Jamais quelqu’un n’avait tenu à ce point à moi. Timidement, et pour toute réponse, je laissais mes bras, jusque là restés le long de mon corps, passer autour de lui, l’étreignant à mon tour.  C’était ici qu’était ma place, peut importe la raison qui le poussait à me garder indéfiniment avec lui.

A suivre…