Chapitre 13 par Shinigami
Inde, 2 décembre 1800
Le trajet pour arriver jusqu’à Calcutta fut le plus long de toute mon existence. Ayant essuyé une violente tempête en mer qui nous avait détourné de notre cap premier, nous perdîmes un temps fou avant d’arriver à bon port, épuisé par le manque de nourriture. Tuer quelques marins aurait été malvenus et nous nous serions vite fait prendre. C’est pratiquement affamé que nous mîmes finalement pieds à terre, à la tombée de la nuit suivante. Cependant, si le voyage avait été plus long que prévu, nous avions tout de même trouvé à nous occuper de façon la plus agréable qui soit. Alakhiel était décidément un amant hors paire lorsqu’il se décidait à abandonner toute sa pudeur typiquement humaine.
J’avais également entrepris de commencer l’entraînement de ma créature. Et malgré tout le mal qu’il se donnait, il ne parvenait pas à satisfaire mes exigences. C’était simple, soit il y arrivait, soit il mourait…
A la nuit tombée, nous nous séparâmes. Chacun de notre côté, nous avions besoin de souffler un peu et prendre l’air. Plusieurs disputes des plus violentes ayant déjà éclatées entre nous au fils des semaines passées en mer, je ressentais le besoin vital de m’éloigner de lui ne serait-ce que le temps d’une nuit de chasse. Cependant, nous convenîmes de nous retrouver quelques heures avant l’aube. Ayant déjà erré dans les rues sombres et insalubres de Calcutta avant mon escale à Bénarès, je me rendis directement dans les bas quartiers de la ville, où les dockers allaient se perdre l’instant d’une nuit dans les bordels de la ville afin de se noyer dans l’alcool et une nuit de luxure bien méritée.
Guidé par les cris d’ivrognes et les rires des prostituées, le tout mélangé aux relans de vin et de bière, j’arrivais j’arrivais rapidement à l’endroit souhaité. Très vite, je me fis aborder par une première catin et rebuté par l’odeur qui émanait d’elle, celle-ci sortant juste d’un instant de débauche, je lui adressais un sourire tout en déclinant son invitation. Plus j’avançais dans la rue et plus le nombre de femmes qui tentèrent leur chance avec moi augmentait. Finalement, quelques centaines de pas plus loins, je trouvais la fille idéale. Dans la fleur de l’âge, des longs cheveux d’un blond cendré remontés en un chignon négligé, deux mèches encadrant son viage au maquillage outrancier, et un visage agréable à regarder, elle était tout à fait le genre de victime qui me plaisait. Le sang d’une vierge aurait été bien plus doux et suave que celui de cette jeune prostituée, mais après de longues semaines de famines, je n’allais pas faire le difficile. Avec un peu de chance, peut être arriverais-je à trouver une pucelle où un jeune jouvenceau égaré à travers les dédalles des rues surpeuplées.
A ma vue, la jeune fille m’adressa un sourire enjoleur et prenant une pause aguicheuse qui m’offrait une vue de premier ordre sur sa poitrine plantureuse, elle demanda d’une voix caline :
- Tu cherches quelque chose, mon joli ?
- Et je crois bien que je viens de le trouver, répondis-je, charmeur, flirtant ouvertement avec elle.
- En voilà un qui sait ce qu’il veut, minauda-t-elle en se collant contre-moi, sa main venant tâter éhonteusement mon entrejambe. Dis-moi mon joli, qu’est-ce qui te ferait plaisir ?
- Que me proposes-tu ? Demandais-je, d’une voix rauque.
- Pour toi mon mignon, je peux faire une exception, souffla-t-elle, ses mains s’infiltrant dans mon pantalon pour malaxer mon sexe qui commençait à gonffler sous la chaleur de ses doigts.
- Ton prix sera le mien ! Déclarais-je en fondant sur ses lèvres, m’en emparant violemment. Mais pas ici… Allons un peu plus loin… Repris-je, une fois le baiser rompu.
- Serais-tu timide mon joli ? Mais soit, ajouta-t-elle en m’attirant à sa suite, me gardant possessivement collé contre elle.
Plongeant mon visage dans son cou, je léchais sa peau à l’odeur alléchante, alors que les battements de son coeur et les pulsions de sa jugulaire sous ma langue me rendaient fou. Finalement nous arrivâmes à l’angle d’une ruelle sombre et puant l’urine et interprétant mal l’impatience qui me gagnait, la catin gloussait en se tortillant contre moi.
- Tu es bien pressé mon joli, gloussa-t-elle. Aurais-tu faim ?
Reportant mon attention sur son visage, les canines sorties et les yeux luisant d’une lueur de désir, je déclarais :
- Je suis affamé…
Et avant qu’elle n’ait le temps de prononcer le moindre son, je me jetais à sa gorge, et plantant violemment mes canines dans la peau gracile de son cou, j’aspirais son sang par longues rasades salutaires, jusqu’à la dernière goutte. Puis, je laissais tomber son cadavre, reboutonnais mon pantalon, mon excitation assouvie par le sang, et enjambant le corps inanimé, je retournais dans la rue principale à la recherche d’une nouvelle proie, ma faim étant loin d’être assouvie. Je venais de goûter à mes premiers litres de sang frais depuis des mois, et je n’étais pas prêt de m’arrêter de si tôt.
Toute la nuit durant, je me nourris ainsi, attirant mes victimes jusqu’à moi avant de les vider de leur sang. Je croisais ainsi la route de deux femmes d’âge mûr, d’un jouvenceau qui attendait son maître venu trouver quelques réconforts entre les bras d’une fille de joie et la chance sembla me sourire, car au petit matin, une jeune vierge eut le malheur de croiser ma route. C’est avec un plaisir extrême que je m’abreuvais de son sang, m’enivrant de son goût suave et terriblement addictif. Une fois que l’on goûtait le sang d’une vierge, on pouvait définitivement ne plus s’en passer…
A l’heure convenue, j’arrivais à notre lieu de rendez-vous, celui-ci se trouvant un peu à l’écart de la ville. Je tiquais en voyant que Juha était visiblement en retard et, prenant sur moi, je patientais et lui donnais encore une heure pour arriver, sans quoi, il le regretterait amèrement. Durant cette heure qui me parut interminable, je ne pus m’empêcher de me ronger les sangs pour mon amant, craignant qu’il lui soit arrivé quelque chose. Puis, voyant qu’il n’arrivait toujours pas, l’inquiétude fit place à une fureur sans nom. Alors que les premiers rayons de soleil pointaient à l’horizon, j’allais trouver refuge dans l’abris qui nous cacherait des rayons mortels de l’astre solaire.
Durant toute la journée, incapable de trouver le sommeil, je fis les cent pas dans la caverne qui me servait d’abris, maudissant le soleil et ruminant ma fureur contre ma stupide créature. Le fait que cet imbécile ait coupé tout lien avec moi ne faisait qu’attiser ma rage. Il avait intérêt à avoir une bonne excuse…
Lorsqu’enfin le dernier rayon de soleil disparut à l’horizon, je bondis hors de ma tanière dans l’espoir de trouver une victime sur qui passer mes nerfs. Courant dans la forêt qui, déjà s’assombrissait, je tentais d’évaculer le trop plein de colère qui menaçait d’exploser à tout moment. Dans les minutes qui suivirent, j’arrivais au niveau des première bidonvilles qui ornaient la périphérie de la ville. Rallentissant ma course, je me faufilais entre les maisons délabrées, jouant avec les ombres pour dissimuler ma présence. Ce n’est que lorsque je fus dans les rues bondées du quartier commerçant que je me laissais aller à me montrer, les gens étant trop préoccupés pour faire attention à moi.
Pendant plusieurs heures qui me parurent interminables, j’arpentais les rues de la ville, laissant quelques cadavres derrière moi au gré de mes rencontres. J’avais bien évidement tenté de me lier avec Alakhiel, mais celui-ci restait totalement introuvable. D’humeur excécrable, je ne cherchais même pas à m’amuser au dépit de mes victimes, les tuants rapidement avec plus d’efficacité que n’importe quelle créature.
J’en étais à ma quatrième victime de la soirée lorsqu’enfin je perçu de nouveau la présence d’Alakhiel dans mon esprit. Relachant brusquement le presque cadavre que j’avais entre les bras, j’abandonnais aussitôt ma victime agonisante, la laissant se vider de son sang. De toute façon, elle n’en avait plus que pour quelques minutes à vivre. En moins de temps qu’il n’en faut pour le dire, j’étais arrivé à l’endroit où Alakhiel m’attendait, ivre de colère. D’un coup d’oeil rapide, j’avisais son état avant de le prendre à la gorge l’instant d’après pour le plaquer violemment contre le mur. Aveuglé par ma rage, je serrais sa gorge à lui en briser le cou. Si j’avais pu, je lui aurais arraché la tête à mains nues afin d’apaiser ma fureur…
- Dans mon infinie clémence, je te laisse deux minutes pour m’expliquer ce que tu as fait ! Déclarais-je d’une voix glaciale.
Sur ces mots, je le libérais de ma poigne de fer et il s’effondra sur le sol.
- Dépèche-toi Alakhiel ! Cinglais-je, usant de toute ma patience pour ne pas l’étriper, sans pour autant chercher à dissimuler ma colère. Et ton excuse a intérêt à être bonne, sinon, tu vas regretter de ne pas être mort la nuit dernière…
- Je… Je me suis… Je me suis perdu… Et… Et il était trop tard pour venir jusqu’ici… Déclara-t-il précipitament en baissant les yeux.
Je n’avais jamais entendu excuses plus pathétiques. En plus d’être un vampire désatreux, il était un menteur pitoyable.
- Bien essayé, déclarais-je, lui montrant ainsi que je ne croyais pas une seconde à ce qu’il tentait de me faire avaler, mais ça n’explique pas pourquoi tu s coupé le contact ! Je te laisse une dernière chnce !
Relevant la tête, Alakhiel me défia du regard et s’exclama avec insolence :
- Ce ne sont pas tes affaires !
Fou de rage de m’être fait prendre pour un con et ne supportant pas l’air arrogant avec lequel il osait me dévisager, je le gifflais violemment. Le frapper eut un effet bénéfique sur moi car instantanément, je me sentis libéré d’un poids. Cependant, cela n’avait fait qu’atténuer légèrement ma colère :
- Ne refais jamais cela Alakhiel ! Je laisse passer pour cette fois dans mon infinie clémence, mais ce ne sera pas la même chose pour la prochaine fois… Le menaçais-je.
Sans un mot de plus, je tournais les talons, le laissant derrière moi sans lui adressser un seul regard. Cependant, sentant qu’il ne me suivais pas, je grondais sans même me retourner :
- Dépêche-toi ! Nous devons quitter cette ville. Dorénavant, tu ne me quittes plus d’une semelle sans mon accord, que ça te plaise ou non !
Puis, sans attendre de réponse, je me remis en marche. J’attendais un moment avant de me retourner et lorsque je le fis, je fus surpris de voir qu’Alakhiel me suivait docilement. Je m’étais attendu à un peu plus de résistance de sa part, mais le voir aussi docile calma un peu ma colère.
Plusieurs semaines passèrent ainsi, mêlant entraînement et chasse. A aucun moment je ne permettais à Alakhiel de s’éloigner de moi. Je le surveillais constament, n’ayant toujours pas digéré le lapin qu’il m’avait posé. Tous les deux jours, nous changions de ville, fuyant sans cesse les hypothétiques assassins que le conseil avait certainement envoyé à nos trousses. Alakhiel avait reprit sa manie à ne se nourir que du strict minimum. Cependant, exaspéré par ses psychoses, je le laissais faire, n’y prettant même plus attention. Après tout, il était suffisament grand pour se débrouiller et le materner sans cesse commençait à me peser. J’avais vraiment l’impression de m’occuper d’un nouveau-né.
Pour nous protéger des rayons de soleil de cette nouvelle journée, j’avais trouvé une vieille cave aménagée, qui avait du servir de refuges à d’autres vampires.
Ne laissant aucun répit à Alakhiel, je le forçais à reprendre son entrainement. Il faisait des progrès, mais étant encore très loin du but à atteindre. Et si le conseil devait nous tomber dessus, autant qu’il serve à quelque chose et qu’il puisse au moins se défendre seul. Fatigué de devoir sans cesse répéter la même chose, je me faisais plaisir à lui lancer quelques répliques cinglantes qui, je le voyais bien, avaient le don de l’agacer. Nous nous battions depuis trois petites heures et déjà Alakhiel transpirait comme un boeuf. D’un geste si rapide qu’il ne le vit pas venir, j’envoyais Alakhiel au sol pour la énième fois.
- Est-ce qu’on peut faire une pause ? Demanda-t-il, haletant en se redressant difficilement.
- Espèce de femmelette ! M’exclamais-je, énervé par cette simple demande. Tu crois vraiment que tes ennemis vont s’arrêter de vouloir te tuer juste parce que tu veux faire une pause ? Tu es déjà épuisé alors que je retiens mes coups pour ne pas te faire mal ! Tu es d’un pathé…
Avant que je n’ai le temps de finir ma phrase, Alakhiel fondit sur moi et m’envoya rencontrer le mur de l’autre côté de la salle. Le souffle coupé par la violence de l’impact, je m’effondrais sur le sol. Alakhiel était déjà au dessus de moi, ses deux mains enserrant ma gorge. Esquissant un mouvement pour me soustraire à son emprise, j’eu la satisfaction de voir Alakhiel resserrer sa poigne autour de ma gorge, m’empêchant tout mouvement.
Le sentant sur le point de craquer et me rendre ma liberté, un sourire vainqueur vint étirer le coin de ma lèvre. Satisfait de le voir aussi hésitant. Soudain, avant que je n’ai le temps de comprendre ce qui se passait, je vis Alakhiel se pencher vers moi usant de toute la sensualité dont il était capable. Dans ma poitrine, je sentis mon coeur s’emballer à cette vision. L’instant suivant, Alakhiel effleurait mes lèvres, tandis que son souffle saccadé venait caresser ma peau, m’arrachant un violent frisson de désir. Totalement conscient de l’effet qu’il me faisait, il m’ignora cependant et murmura à mon oreille :
- Et si nous passions à quelque chose pour laquelle nous sommes tous les deux doués…
A ces mots, je retins à grand peine un gémissement de désir, alors qu’il s’écartait légèrement de moi, laissant son visage à quelques centimètres du mien. Pour toute réponse, j’agrippais sa nuque et l’attirais brusquement à moi afin de lui voler un baiser. Glissant ma langue entre ses lèvres entrouvertes, j’approfondis le baiser avec ardeur, l’embrassant comme si ma vie en dépendait. Je le désirais d’une telle force que cela m’effrayait…
Tandis que nos langues se mêlaient avec passion, je glissais ma main sous sa chemise, caressant son dos, mes ongles se plantant dans sa chair, sous l’effet de l’impatience et du désir qui me vrillait les reins. Cela ne sembla pas le déranger et rompant notre échange, il mordilla ma lèvre inférieure, me faisant gémir de frustration.
Galvanisé par le plaisir qu’il faisait naître en moi, je me laissais aller à me déhancher sous lui sans la moindre once de pudeur, lui faisant ainsi part de mon désir et cherchant à attiser le sien. Libérant mes lèvres, s’attirant un gémissement de frustration de ma part, Alakhiel entreprit de déboutonner sa chemise alors que mes doigts partouraient fébrilement sa colonne vertébrale, zone que je savais d’expérience, sensible chez lui. Brûlant de sentir sa peau tout contre la mienne, j’arrachais à mon tour ma chemise avec un empressement certain, me retrouvant ainsi torse-nu et complêtement offert à son regard incandescent.
Les yeux rivés sur le torse puissant de mon amant, je laissais alors mes doigts retracer délicatement la cicatrice récente qui zébrait sa peau si parfaite de son torse jusqu’à son ventre. Et c’est avec une satisfaction évidente que je le sentis frissonner violemment sous mes attouchements. Fier de l’effet que je lui faisais, je m’emparais de ses lèvres avec une ardeur non feinte, privé de son goût depuis trop longtemps. Je voulais me noyer sous ses baisers, assouvrir ce désir de lui que je ressentais et m’enivrer de son odeur jusqu’à saturation. Je voulais être le centre de son monde, que plus rien n’existe pour lui apart moi…
Le contact de nos deux corps brûlant de désir nous arracha à tous deux un concert de gémissements. Nos intimités comprimées réclamaient plus. A chaque déhanchement, mon sexe se faisait plus douloureux, réclamant une attention toute particulière et bien plus pressante.
Finalement, ce fut Alakhiel qui rendit les armes le premier. Relachant mes lèvres rougies par nos baisers, il glissa dans mon cou, entament lentement mais sûrement sa descente vers le sud. Du bout de la langue, il lécha mon cou, m’arrachant un violent frisson de plaisir alors que tout mon corps s’arquait pour aller à sa rencontre. Cependant, il ne s’arrêta et continua sa course, ses lèvres explorant chaque parcelle de ma peau, s’attardant l’espace d’un instant sur la trace de cicatrice qui zébrait mon torse.
Bien trop tôt et à la fois bien trop lentement, il arriva enfin à mon pantalon et je ne pus réprimer un gémissement d’anticipation. L’instant suivant, je me retrouvais nu, entièrement exposé à son regard dans lequel brûlait une flamme de désir à l’état pur. Lorsque mon sexe se dressa librement, enfin libéré de sa prison de toile, je soupirais de soulagement. Tout sourire, volontairement provoquant, Alakhiel effleura plusieurs fois mon intimité, me faisant grogner de plaisir et de frustration mêlé. Il prenait un malin plaisir à me faire languir, ayant acquis énormément d’expérience dans le domaine du sexe et du plaisir.
L’instant suivant, mettant momentanément un terme à mon supplice, il s’empara de mon érection avec plus de vigeur et je me cambrais violemment sous l’effet du plaisir intense qui parcourait mon corps, un feu ardent coulant dans mes veines.
Bientôt, pour ma plus grande satisfaction, sa bouche vint rejoindre ses mains et sa langue s’enroula autour de mon érection, m’arrachant un cri de plaisir dans lequel je laissais s’échapper son nom. Cela sembla faire son effet car aussitôt, Alakhiel gagna en vigeur, s’activant avec savoir faire sur mon intimité douloureusement gonflée. Noyé dans le plaisir que me proccurait mon amant, je n’avais plus conscience de rien si ce n’est de sa bouce qui faisait des merveilles, me proccurant mille sensations de pur plaisir.
Je sentis vaguement Alakhiel glisser sa main libre sous mes fesses, les massant tendrement. Les yeux fermés sous l’effet du plaisir, tentant de me retenir au mieux, je ne pris conscience des intentions d’Alakhiel que lorsque je sentis ses doigts effleurer doucement mon orifice. Soudain, j’émis un grognement sourd de mise en garde, l’avertissant de ne pas aller plus loin, ignorant cette petite voix au fond de moi qui m’incitait à le laisser poursuivre son initiative. Si mon corps réclamait davantage, ma conscience elle, ne pouvait l’accepter. Jamais plus je ne me laisserai dominer comme Darius l’avait fait avec moi…
Semblant comprendre l’avertissement, Alakhiel retira ses doigts en même temps qu’il cessait ses mouvements de succion sur mon sexe tendu à l’extrême, me laissant dans un état de frustration la plus totale. Alors que sa bouche reprenait entièrement mon sexe en une caresse atrocement délicieuse, il inséra entièrement et sans préliminaires un doigt en moi.
Ecarquillant les yeux sous l’effet de la surprise et de la douleur combinées, tous les souvenirs que je tentais d’oublier me revenant subitement en mémoire, je me tendis sous l’intrusion. L’instant suivant, je repoussais si vivement mon amant qu’il fut projeter à quelques mètres de là où je me trouvais, encore sous le choc. Avant qu’Alakhiel n’ait le temps de retrouver ses esprits, dans un état second que je n’avais plus connu depuis le temps de Darius, je fondis sur lui et lui arrachait presque son pantalon. D’une poigne de fer, je le maintenais plaqué contre le sol, l’empêchant de bouger. Prit de panique, il gémit lamentablement :
- Ezekiel, qu’est-ce que… Qu’est-ce que tu fais… Non arrête ! S’il te plait !
Sourd à ses protestations, aveuglé par ma peur, je plantais violemment mes cros dans la peau diaphane de son cou et le pénétrais sans la moindre douceur, toute once d’humanité m’ayant désertée. Aveuglé par mes sentiments, je n’avais pas conscience de mes actes, ni de la douleur que semblait visiblement ressentir Alakhiel. Inconscient, je le pénétrais avec ardeur, sans la moindre trace de tendresse et de douceur, gémissant de plaisir que j’étais, sans le savoir, le seul à ressentir.
L’instant suivant, j’atteignais l’orgasme et me libérait dans l’intimité chaude et humide de mon amant en criant son prénom. Puis, je me retirais et m’étendais à ses côtés afin de reprendre mon souffle, l’esprit pas tout à fait clair. Tendant le bras, j’esquissais un mouvement pour attirer Alakhiel contre-moi, et tentais de l’embrasser. Cependant, Alakhiel ne m’en laissa pas le temps et me repoussa avec une violence que je ne lui connaissais pas. D’un bon, il fut à l’autre bout de la pièce, dans un coin, me fixant avec une haine non dissimulée qui me bouleversa. A l’affu, il guettait le moindre de mes gestes, comme s’il avait peur de moi.
Le comportement d’Alakhiel m’intrigua et ce ne fut qu’à cet instant que le voile qui obscurait ma conscience se dissipa. Subitement, tout me revint en mémoire, le geste déplacé d’Alakhiel et le viol que je venais de lui faire subir. Aussitôt, je fus pris de violentes nausées et réprimais tant bien que mal une pressante envie de vomir. Je me dégoûtais… Je venais de faire subir à mon amant la même chose pour laquelle j’avais tué Darius… Comment avais-je pu ne pas me rendre compte de ce que j’étais en train de faire ? Comment ais-je pu seulement reproduire cette scène qui hantait si souvent mes cauchemars sur l’homme que j’aimais ? Je me sentais si sale et terriblement honteux… Alakhiel parviendrait-il à me pardonner un jour ce que je venais, malgré moi, de lui faire subir ? J’en doutais fortement… Moi-même, j’avais tué mon créateur pour cela, et voilà que je commettais le même crime… Je me dégoûtais…
Lentement, je me redressais et avançais prudement vers Alakhiel, m’arrêtant aussitôt lorsque je le vis se coller plus qu’il n’était possible contre le mur :
- Alakhiel, soufflais-je, d’une voix emplie de honte et de remords
- Ne t’approche pas ! Siffla-t-il d’une voix glaciale.
J’aurai pu passer outre cette interdiction, cependant, je n’en fis rien. Je restais immobile sans savoir que dire ni que faire. Après un temps qui me parut interminable, je déclarais alors, la seule chose qui me venait à l’esprit :
- Je… Je suis désolé, Alakhiel.
Alakhiel ne répondit rien, mais son regard parlait pour lui. Je compris alors que rien de ce que je pouvais dire ou faire le ferait me pardonner. Et cela, je ne pouvais m’en prendre qu’à moi-même. J’étais l’unique responsable de ce qui était en train de se passer. Certes, j’avais prévenu Alakhiel de ne pas aller plus loin, sachant pertinament que je ne pourrais contrôler mes réactions, mais cela n’excusait pas tout… Que lui avait-il prit ? Pourquoi était-il passé outre mes mises en garde ? Je ne comprenais pas. Se pouvait-il qu’il me désire de cette manière ?
Je n’aurais su dire combien de temps je restais ainsi à l’observer, guettant une faille dans ses défenses qui me permettrait de l’approcher. Finalement, au bout de quelques temps, je dus me rendre à l’évidence. Il ne me laisserait plus l’approcher. A contrecoeur, je ramassais mes affaires et me détournais de lui, m’installant sur le lit de fortune que nous avions préparé quelques heures plus tôt. Cependant, je ne pris pas toute la place, m’installant sur le bord, l’invitant ainsi à venir me rejoindre s’il le souhaitait, bien qu’au fond de moi, je savais pertinament qu’il ne le ferait pas.
J’entendis Alakhiel esquisser un rire nerveux face à mon comportement. Je me tournais alors vers lui, de façon à l’observer. Nos regards se croisèrent et ne se quittèrent plus. Je tentais alors de lire en lui et c’est non sans surprise que je sentis Alakhiel n’opposer aucune résistance. Sondant ses sentiments, je prenais alors conscience de l’ampleur de son traumatisme. Désormais, je n’avais plus la moindre chance, aussi infime soit-elle, de me faire aimer de lui… Durant les siècles qui me restaient à vivre, je serais condamné à vivre un amour à sens unique et tout cela, c’était entièrement ma faute. Cette constatation me donnait presque envie de pleurer. Depuis quand étais-je devenu aussi pathétique ?
Soudain, je sentis Alakhiel me rejeter de son esprit avec une telle haine que cela me fit sursauter. Son regard ancré sur moi ne me lachait plus et pour la première fois de ma vie, après Darius, ce fut moi qui détourna les yeux. L’amour que je vouais à Alakhiel m’avait-il rendu si faible que je ne pouvait plus, désormais, surpporter ses regards accusateurs ?
Finalement, au bout d’un moment, ne supportant plus toute la haine et le mépris que m’adressais Alakhiel, je finis par le détourner de lui, à contrecoeur. Toute la journée durant, je ne parvins pas à trouver le sommeil, sentant dans mon dos le regard accusateur et assassin de ma créature. Lorsque la nuit arriva enfin, je l’entendis se relever prestement et s’habiller rapidement avant de m’abandonner, sans un regard en arrière.
Durant les jours qui suivirent je perdis toute notion du temps. Je n’avais aucune idée de l’endroit où avait pu se rendre Alakhiel. Etait-il toujours en ville ? Etait-il partit ? Tout ce que je souhaitais c’était qu’il continue de faire attention au conseil et à ses assassins. Il n’était pas de taille à lutter contre eux, mais il pourrait au moins se défendre un minimum. Depuis le départ de ma créature, jamais je ne m’étais sentis aussi seul… Moi qui me targuais d’être un solitaire et de n’avoir besoin de rien ni de personne, je me retrouvais à me languir de la présence de mon amant. Sans lui, la vie me paraissait fade et sans importance. Même le plaisir de chasser n’était plus là, et chaque soir, je devais me faire violence pour sortir me nourir un minimum, alors qu’au fond de moi, et pour la première fois depuis bien longtemps, je ne souhaitais qu’une seule chose, que la mort vienne me délivrer du mal être qui était le mien depuis le départ de ma créature.
Le bruit et les odeurs de la ville qui, quelques jours auparavant éveillaient encore en moi des émotions toutes plus diversifiées les unes que les autres, à présent n’avaient plus aucun atrait. Je ne voyais plus l’utilité de continuer à déambuler sans but comme une âme en peine. La fois précédente, j’avais eu Indra pour m’aider à remonter la pente, pour retrouver cette part d’humanité que j’avais délibérément enfoui au plus profond de moi-même. Mais maintenant que je n’étais plus cette bête sanguinaire que j’avais été, maintenant que des sentiments que je n’avais encore jamais connu étreignaient mon coeur, des sentiments qui me terrifiaient, qu’allais-je devenir ? Qui serait là pour m’aider à apprendre cet inconnu qui s’offrait à moi ? J’avais compté sur l’humanité d’Alakhiel pour m’aider à comprendre, mais à présent qu’il était partit, qui serait là pour moi ?
Alakhiel avait rompu la connexion mentale qui nous liait, le rendant ainsi totalement impossible à localiser. Et même si je savais où il se trouvait, il n’était pas certain que j’eu fais le premier pas pour aller le retrouver. J’étais peu être en tord, mais ramper à ses pieds comme un misérable pouilleux n’était pas dans mes habitudes et ce n’est pas demain la veille que je commençerais. J’étais peu être l’être le plus lamentable et le plus pathétique qu’avait jamais connu cette terre, mais il me restait tout de même quelque chose que beaucoup d’hommes et de femmes oubliaient à un moment ou un autre de leur vie, la dignité. Moi, malgré toutes les épreuves que la vie m’avait fait endurer, je pouvais me vanter d’avoir toujours gardé en moi cette étincelle que même Darius n’avait jamais réussit à éteindre. Certes il l’avait affaibli, mais jamais elle n’avait disparut.
Je ne sais ce qui m’incita ce soir là à parcourir les rues du quartier malfamé de la ville, là où les bordels florissaient et où la racaille se mélangeaient aux gentilshommes pour une nuit de débauche. Les rues grouillaient de prostituées, de toute race et de tout âge, allant de la vieille catin vulgaire imunisée à tout ce qu’elle pouvoir voir et entendre, à la jeune paysanne perdue qui débarquait dans un monde qui bientôt, n’aurait plus aucun secret pour elle, celui du sexe contre de l’argent.
Sans savoir ce qui me poussait à entrer, je pénétrais dans le hall luxurieux d’un bordel visiblement réputé. Inexpliquablement, quelque chose semblait m’attirer en ce lieu. Peut-être était-ce l’odeur du sang que m’emplissait les narines, où bien était-ce autre chose. Quoi qu’il en soit, le résultat fut le même. Au premier étage, je me dirigeais au fond du couloir, jusqu’à une pièce d’où provenait une musique qui aurait fait frémir d’horreur un saint homme et d’où l’odeur du sang semblait provenir.
Lentement, le coeur battant à tout rompre, anxieux à l’idée du spectacle qui allait s’offrir à moi, je poussais lentement la porte. Rien n’aurait pu me préparer à la vision d’horreur qui s’offrit alors à moi. Alors que mon regard parcourait la chambre, mon coeur s’emballa violemment dans ma poitrine lorsque je vis Alakhiel, étendu nu et offert sur un lit de luxe, savourant les caresses buccales d’un jeune éphèbe qui allait et venait avec un enthousiasme certain sur son sexe, tandis qu’un homme et une femme semblaient se battre pour recevoir ses faveurs. Dans un coin, un peu en retrait, une femme dont le visage me parut vaguement familier, se déshabillait lascivement au son de la musique qui m’avait intrigué un peu plus tôt.
L’espace d’un instant, je restais pétrifié d’horreur face à ce spectacle que m’offrait Alakhiel. Puis, rapidement, l’épouvante disparut de mon coeur pour laisser place à une fureur que je n’avais encore jamais ressentis. Mes poings se crispèrent d’une telle force que mes ongles que j’avais longs se plantèrent dans ma paume, perçant ma chair jusqu’au sang. Cependant, je ne ressentais pas la douleur. Embrasé par la rage, le regard fou, je me précipitais en un éclair sur chacune des personnes présentes dans la pièce et les égorgeaient avec violence. Je voulais voir leur sang se répandre sur le sol. Attrapant l’européenne à la gorge, les yeux injectés de sang, je me tournais alors vers ma créature et plongeant mon regard dans le sien empli d’horreur, je lui arrachais la tête avant de laisser son cadavre retomber lourdement sur le sol en un bruit sourd.
A présent, moins d’une minute après mon apparition dans la pièce, il ne restait que lui et moi.
- Rhabille-toi ! Déclarais-je sur un ton qui contenait mal toute la fureur qui m’habitait, en lui lançant ses vêtements.
Heureusement pour lui, Alakhiel ne tenta pas de protester à mon ordre. Dans l’état dans lequel je me trouvais, qui sait ce qui aurait bien pu lui arriver ? Sans doute l’aurais-je achevé comme je venais de le faire avec les quatre personnes dont les cadavres refroidissaient déjà sur le sol. C’est avec satisfaction que le je vis s’exécuter sans prononcer le moindre mot. Comprenait-il ce qu’il risquait à me contredire ?
- Suis-moi ! Claquais-je avec fureur, ne parvenant pas à décolérer, une fois qu’il fut habillé.
Heureusement pour nous, les catins et les ivrognes ne firent pas attention à nous, si bien que nous pûmes nous éclipser discrêtement sans être vus. Cependant, nous n’avions plus le choix, il nous fallait partir, quitter la ville à l’instant même. Un carnage comme celui que je venais de faire allait faire du bruit et les rumeurs arriveraient bien trop tôt aux oreilles du conseil. Peut-être leurs espions étaient-ils déjà embusqués dans les allées. Me fiant à mon odorat et mon instinct, je tentais de capter la présence de vampires dans les environs, et c’est avec un soulagement certain que j’appris que j’étais seul avec Alakhiel.
Je marchais devant, ouvrant la marche d’un pas rapide, tous les sens en alertes. Cependant, ma fureur était toujours là, la scène à laquelle je venais d’assister ne cessait de me hanter. Parviendrais-je un jour à l’oublier ? Cependant, cela amenait indubitablement une autre question. Depuis combien de temps Alakhiel agissait-il ainsi ? En avait-il été ainsi dès les premiers jours ? A cette simple pensée, à l’idées que d’autres personnes que moi aient pu jouir de la perfection de son corps, je sentis une haine incommensurable s’emparer de moi. Je voudrais pouvoir tous les tuer pour avoir ne serait-ce qu’oser poser les yeux sur lui…
Alors que j’empruntais une ruelle sombre, Alakhiel toujour sur mes talons, il s’exclama subitement sur un ton de défi qui m’hérissa les cheveux sur la nuque :
- Qu’est-ce qui t’as pris ! Je ne suis pas un gamin ! Je ne t’ai rien demandé ! J’ai le droit de mener ma vie comme je l’entends. Et toi ? Tu as peur d’être seul ?
Puis, sans attendre de réponse de ma part, il tourna les talons et prit la direction opposée. Qu’avait-il cru cet imbécile ? Qu’il pouvait me tenir tête et me tourner le dos sans en subir les conséquences ? Pauvre fou ! J’allais lui faire payer le prix fort pour cette leçon qu’il n’oublierait pas d’aussitôt. On ne se moquait pas de moi impudément ! Qu’il se le mette en tête ! Dans un geste si rapide qu’Alakhiel n’eut pas le temps de le voir arriver, je le projettais avec une violence qui aurait tué un humain sur le coup, contre le mur le plus proche. Sous la violence de l’impacte, Alakhiel s’effondra sur le sol. Je l’attrapais alors par les cheveux et le forçait à se redresser alors que mon poing qui me démangeait depuis tout à l’heure, rencontrait enfin sa joue.
Encaissant le coup, Alakhiel me tint tête. Se redressant aussitôt il m’attaqua sans réfléchir. Aveuglé par sa colère, il bondit sur moi. Si je n’étais pas autant énervé, j’aurais ris de sa pathétique tentative d’attaque. Vraiment, c’était pitoresque ! Il eut à peine le temps de me griffer la joue, m’effleurant du bout des ongles que je l’envoyais de nouveau rencontrer le mur, sa tête le heurtant brutalement. A moitié inconscient, il s’effondra sur le sol. En un bond empli d’une grace féline, je me tenais au dessus de lui. Là, laissant libre court à ma fureur, aveuglé par ma rage, je le griffais, criant ma colère, le rouant de coups. J’étais devenu une véritable furie. Les images de la scène dont j’avais été témoin un peu plus tôt ne faisaient qu’attiser ce sentiment de démence.
Puis, mon instinct prenant le dessus, il me fallait le marquer. Il me fallait le faire mien. Il était à moi et à personne d’autre. Les cros étincellant sous la lumière de la lune, je fondis sur son cou offert. Sans la moindre douceur, je plantais mes cros dans la chair tendre et délicate de son cou, lui déchirant la gorge. Aussitôt, son sang vint inonder ma bouche, attisant ma soif. A grande gorgées, j’aspirais son sang sans le moindre égard pour lui. Le liquide carmin s’échappait de mes lèvres, coulant dans mon cou et sur nos vêtements, mais je n’en avais cure. Tout ce qui m’importais, c’était la douceur suave de son sang. Enivré par son onctuosité, j’aspirais toujours plus fort, vidant ma créature de son fluide vital. Je ne repris conscience que lorsque je sentis son coeur ralentir de façon dangeureuse. Si je n’arrêtais pas tout de suite, j’allais le tuer… Ma soif de sang était loin d’être assouvie et mon instinct de prédateur me hurlait d’achever ma proie, de la vider de son sang jusqu’à la dernière goutte, mais de l’autre côté, mon coeur souffrait déjà à l’idée de perdre Alakhiel pour toujours. Sans que je ne m’en rende compte, il m’avait enchaîné à lui…
Luttant de toutes mes forces contre mon désir de sang, je me redressje sais vivement et d’un geste reflétant mon habitude, je m’entaillais la veine du poignet avant de le plaquer contre les lèvres de mon amant. Il fallait à tout prit stopper l’hérmoragie et seul mon sang pourrait le sauver. A la vitesse ou le sang s’échappait de sa blessure, il n’en avait plus que pour quelques minutes à vivre.
Lentement, il commença à aspirer mon sang, revenant doucement à la vie et c’est avec un soulagement que je n’osais m’avouer que je vis la blessure se refermer et le sang s’arrêter de couler. Lorsque je le jugeais suffisament remi pour que la blessure ne se rouvre pas, je repris mon poignet et d’un coup de langue, je cicatrisais la plaie. Puis, avisant Alakhiel toujours évanoui, ma colère étant momentanément retombée, je soupirais, maudissant ma propre lacheté et le prit dans mes bras afin de le porter à l’abris, les premières lueurs de l’aube n’allant pas tarder à faire leur apparition.
Je revenais d’une chasse fructueuse et comme chaque heure, j’allais voir si Alakhiel était réveillé. J’avais trouvé refuge dans un ancien abattoire et enfermé Alakhiel dans ce qui ressemblait fortement à une chambre froide où la viande était entassée après dépeçage. L’odeur qui y régnait était des plus nauséabondes, mais après une journée passée dans ce trou à rats, je n’y pretais plus attention. Lorsque j’ouvris la porte dont la seule poignée était à l’extérieur, ce qui empêchait toute fuite à ma créature, je sus instanément qu’Alakhiel était réveillé.
Pénétrant dans la salle, je déclarais alors, d’un ton glacial et suppérieur, afin qu’il apprenne enfin où était sa place :
- J’espère que tu as compris la leçon, misérable raclure. Si tu te voyais, tu es comme à ton habitude : pitoyable et pathétique.
Tentant de se redresser, Alakhiel demanda alors :
- Qu’est-ce que tu m’as fait ? Où est-ce que je suis ?
- Dans un lieu dont tu ne pourra pas t’échapper ! Répondis-je. Et ce n’est pas à toi de poser des questions, Alakhiel, crachais-je, toute ma fureur, contenue depuis la veille, revenant au galop.
Je m’approchais alors de lui afin de mettre les choses au clair et subitement, contre toute attente, il se redressa brusquement et se plaqua contre le mur derrière lui tout en me menaçant de ses cros en un geste agressif :
- Ne t’approche pas de moi ! Cria-t-il avec hargne.
Subitement, surpris par cet excès de fureur, je m’arrêtais et l’observais, tentant de comprendre ce qui lui arrivait. L’observant attentivement, je pus voir qu’il tremblait de tout son être, comme s’il luttait contre un démon intérieur. Surpris et déstabilisé, je demandais, retrouvant instantanément mon calme :
- Qu’est-ce qui t’arrives Alakhiel ? Pourquoi es-tu devenu comme ça ?…
Comme je m’y attendais, il ne répondit rien, se contentant de se plier en deux sous l’effet d’une douleur que je ne comprenais pas. Tremblant, il releva la tête vers moi et m’adressa un regard insolent que j’ignorais royalement. Soupirant, j’esquissais un geste dans sa direction avant de m’arrêter. Tournant les talons, je déclarais alors :
- Je te laisse le temps de réfléchir à ce que tu es devenu Alakhiel. N’essaye pas de fuir, c’est impossible.
Sur ces mots, je sortais en claquant violemment la porte derrière moi. Durant les nuits qui suivirent, le réitérais la même question, le laissant patauger pour trouver la réponse. Je n’avais ni l’envie ni le coeur à l’aider et le voir ainsi ne faisait qu’attiser la colère sourde qui grondait en moi. Tout cela était de sa faute ! Parfois dans la journée, j’entendais l’écho sinistre de ses hurlements retenir dans les souterrains et j’en éprouvais une certaine jouissance. J’étais quasiment certain qu’il craquerait bientôt.
Une nuit, une semaine exactement après l’avoir ramené, j’allais le retrouver. En silence, j’ouvris la porte et entrais dans la pièce. Je restais un instant immobile et silencieux, me contentant de l’observer. J’éprouvais un mélange de malaise et de dégoût à la vue de cette loque qu’était devenu ma créature. Je tentais alors de lui parler, mais plongé dans une sorte de transe, il sembla ne pas m’entendre. Soudain, avec une force dont je ne me serait pas douté au vue de son état, il se précipita sur moi, les cros à découverts, les yeux injectés de sang dans lesquels brillait un éclair de folie. Qu’était-il donc devenu ?
Cependant, il n’était pas assez rapide et j’eu le temps de le voir venir. Repensant à l’idée qui venait de m’effleurer l’esprit, j’arrachais ma chemise avant qu’Alakhiel ne soit sur moi et la jetais sur ma droite. Aussitôt, Alakhiel changea de direction et saisit ma chemise en plein vol. Et comme une personne ayant développé une dépendance à l’opium, cette drogue qui faisait fureur depuis quelques temps, il se mit à lécher la tache de sang qui maculait ma chemise. A cette vision, je ne pus réprimer une grimace de dégoût.
Me reprenant aussitôt, je m’approchais de lui et doucement, je posais ma main dans ses cheveux, otant une mèche collée à son front par la sueur. A bout de forces, Alakhiel vascilla et je le rattrapais avant qu’il ne s’écrase sur le sol.
Avec une douceur qui me surpris, je lui enlevais les lambeaux de ma chemise des mains. L’air grave, je le contemplais, ne pouvant réprimer un élan de tristesse qui me compressait le coeur. Qu’avais-je donc fait ? Qu’était-il donc devenu ? Avais-je donc finalement fait de lui une bête sanguinaire ? J’avais déjà eu écho de vampires devenus fous, était-ce ce qui était arrivé à Alakhiel ?
L’espace d’un instant, je détournais le regard afin qu’il ne puisse pas voir la douleur qui déformait mes traits. Puis, me reprenant, je reportais mon attention sur lui et lui caressait tendrement la joue. Dans l’état d’épuisement dans lequel il se trouvait, je ne craignais rien de lui. Il aurait été incapable de me faire le moindre mal. Plongeant mon regard dans le sien, je dévoilais alors mes cros. Sous l’effet de la colère, j’avais déjà souhaité la mort de ma créature. Mais en cet instant, alors que je m’apprêtais à lui ôter la vie, je n’aurai jamais cru que cela serait tellement difficile. Cependant, je ne pouvais le laisser vivre ainsi… Il était bien trop dangeureux et incontrôlable.
Usant de toute la force de ma volonté, je raffermis mon étreinte autour de son corps épuisé et lui adressais un dernier regard empli de toute la tendresse que j’éprouvais pour lui. Je ne pouvais croire que l’Alakhiel que je connaissais avait disparut pour laisser place à ce monstre… C’était impensable… Pas lui… Cependant, je devais me rendre à l’évidence. L’Alakhiel que je connaissais, était mort en même temps qu’une partie de moi.
Prenant mon courage à deux mains, j’esquissais alors une lente descente vers son cou. Je préférais encore le tuer de moi-même plutôt que de le voir tomber entre les mains du conseil, ou pire… Alors que je n’étais plus qu’à quelques milimètres de sa jugulaire qui palpitait sous mon nez, je sentis une humidité étrange couler le long de ma joue. Alors que mes cros effleuraient sa peau laiteuse, je me stoppais immédiatement mon geste et me redressais. Incrédule, j’observais le sillon que la larme de ma créature avait creusé sur sa joue maculée de crasse. Du bout des doigts, d’un geste hésitant reflétant toute mon incompréhension, je retraçais le sillon qu’avait laissé l’unique larme qu’il avait versée, partant de son menton où elle allait se perdre, jusqu’à son oeil qui me fixait avec une lueur d’espoir.
- Alakhiel ?… Murmurais-je, ne sachant plus quoi penser, d’une voix tremblante d’émotion.
D’autres larmes suivirent alors le chemin emprunté par la première. La gorge sèche et la voix rauque, Alakhiel déclara douloureusement :
- Sauve moi, Ezekiel…
A ces mots, mon coeur s’emballa brusquement. Que signifiait cette supplication ? Souhaitait-il vraiment que je l’achève ? Le coeur lourd, luttant contre les larmes qui menaçaient de s’échapper de mes yeux, je me penchais alors vers lui, reprenant mon geste où je l’avais arrêté. Seulement, je me refusais à l’achever avant d’essayer de lui faire comprendre. Comprendre les sentiments que je nourrissais pour lui. Déviant de ma trajectoire première, je déposais alors mes lèvres sur les siennes en un chaste baiser à travers lequel je fis passer toute la tendresse que je ressentais pour lui.
Retenant de plus en plus difficilement mes larmes, je me redressais et ancrant mon regard au sien, je déclarais alors, d’une voix suppliante que je ne me connaissais pas, le coeur compressé par la douleur :
- Ne m’abandonne pas, Alakhiel…
Prenant une respiration profonde, je l’attirais contre moi, alors qu’il posait sa tête sur mon épaule. Troublé, je murmurais, tout en le bercant inconsciement :
- Je suis désolé, Alakhiel… Désolé pour ce que je t’ai fait…
Je n’aurais su dire combien de temps nous restâmes ainsi enlacés, jusqu’à ce que finalement, Alakhiel sombre dans l’inconscience. Je n’avais pas le coeur à le tuer… Mon amour pour lui était bien trop fort. Qui l’aurait cru ? Certainement pas moi… Délicatement, je le pris dans mes bras, et quittais cet endroit.
Je ne sais pas combien de temps je marchais dans la nuit, portant Alakhiel, le gardant serré tout contre moi. Quelques heures avant le lever du soleil, je trouvais une vieille batisse anglaise abandonnée au milieu de la jungle. Estimant qu’elle ferait un abris potable pour les prochaines heures à venir, j’y entrais et partis à la recherche d’une chambre. Là, je déposais délicatement Alakhiel sur le lit et après avoir découvert une malle pleine, je pris le temps de le laver et le changer, avant de m’occuper de moi. Puis approchant un fauteuil qui meublait le coin de la pièce, je m’installais à son chevet. Le temps passa, interminable, durant lequel je songeais aux évênements qui venaient de se produire. Jamais je n’aurais du me laisser guider par les sentiments que je vouais à Alakhiel… J’aurais du écouter ma conscience qui me dictait de l’achever sans tarder, et au lieu de cela, j’avais tout simplement signé notre arrêt de mort… Si nous venions à nous faire attraper par le conseil, il ne ferait aucun doute que je ne serais plus en mesure de lutter, surtout si, comme aujourd’hui, mes sentiments venaient prendre le dessus sur ma raison. Etais-je moi aussi, en train de devenir fou ?
En fin de compte, je dus sombrer dans le sommeil sans m’en rendre compte, car je me réveillais en sentant un regard insitant posé sur moi. Ouvrant prudement les yeux, je vis qu’Alakhiel était enfin réveillé.
- Tu te réveilles enfin ! Déclarais-je, alors, faisant involontairement sursauter mon amant.
Sans attendre de réponse, je m’entaillais le poignet, déclarant posément :
- Il faut que tu manges, Alakhiel et j’ai trouvé une solution, déclarais-je.
Tout compte fait, mes quelques heures de repos avaient été bénéfiques.
- Je… Je ne veux plus de sang, bafouilla Alakhiel, la voix rendue rauque par sa gorge sèche.
- Ne dis pas de bétise ! Tranchais-je, conscient que son corps criait l’inverse de ce qu’il osait éhonteusement affirmer.
Sans lui laisser le choix, je collais mon poignet contre ses lèvres, le forçant à aspirer le sang qui s’en échappait. C’est avec une satisfaction évidente que je vis Alakhiel rendre les armes et attraper mon poignet pour en aspirer le sang avec conviction, allant même jusqu’à gémir de plaisir. Après quelques gorgées de sang, suffisament pour appaiser sa faim, je retirais mon poignet et léchais la morsure afin d’accélérer la cicatrisation. Rageusement, Alakhiel grogna en claquant des dents, signe de son mécontentement.
- Cela suffit pour le moment, Alakhiel, déclarais-je patiemment. Dans ton état, il ne t’en faut pas plus.
Puis, me moquant de ses protestations, je pris place sur le lit à côté de lui et déclarais :
- Voici les nouvelles règles ! Premièrement, tu ne sors pas d’ici sans moi et crois-moi, même si je ne suis pas là, je le saurais. Deuxièmement, tu ne te nourris plus seul. Comme tu ne sais plus te maitriser, je te donnerais tes repas jusqu’à ce que je te juge capable de te débrouiller sans moi. Des protestations ? Ajoutais-je, un sourire gentillement moqueur étirant mes lèvres, amusé de voir son air effrayé.
L’instant suivant, Alakhiel baissait la tête, détournant le regard et demanda :
- Pourquoi ne m’as-tu pas tué ?
A cette question, je réprimais un sursaut de surprise. Cependant, je ne répondis rien, me contentant de lui sourire. Puis, sans un mot, je me levais et quittais la pièce. Moins d’une heure après, j’étais de retour dans la chambre. Malgré moi, j’étais inquiet pour ma créature et je n’osais le laisser seul trop longtemps. Qui sait ce qui pouvait se passer…
Lorsqu’Alakhiel ouvrit les yeux, la nuit était tombée depuis quelques heures déjà, et je venais de rentrer d’une chasse fructueuse. J’en avais profité pour écouter les rumeurs de la ville quant au carnage dont j’étais responsable, tentant de repérer l’hypothétique présence d’un ou plusieurs assassins du conseil. Fort heureusement, le propriétaire du bordel était resté discret sur le massacre, ne souhaitant pas alerter les clients et ainsi ternir sa réputation. Et d’après mes sources, aucun membre du conseil n’avait été repéré. Je pouvais faire confiance aux rumeurs nocturnes, les vampires étant les premiers informés de tout ce qui se passait.
Sans un mot, je portais mon poignet à mes lèvres et l’entaillais d’un coup de dents avant de le présenter à ma créature qui, cette fois-ci, ne rechigna pas à se nourrir. Comme la fois précédente, je lui repris mon poignet avant que sa soif ne soit entièrement comblée. Tout son être me criait de lui accorder quelques gorgées supplémentaires, mais je le lui refusais. A contrecoeur, je me levais du lit pour aller prendre place dans le secondque j’avais ammené un peu plus tôt.
Au fond de moi, je ressentais un besoin physique de le sentir tout contre moi, mais après ce qui s’était passé, je ne m’en sentais pas le droit et je ne pouvais m’en prendre qu’à moi-même… Cependant, mon attention fut attirée par de bruit discrêt de pas sur le sol suivit d’un bruit de chute. Pourtant, je ne bougeais pas. L’instant d’après, je sentis le matelas s’affaisser tandis qu’Alakhiel se glissait sous les couvertures et, sans un mot, vint se coller contre moi.
Surpris, je ne fis cependant aucun geste pour le rejeter. Au contraire. Je me tournais alors vers lui, m’installant plus confortablement, afin d’avoir mon visage au niveau du sien. Sans que je ne m’en rende compte, un sourire vint alors étirer mes lèvres tandis que je l’observais. Le silence nous entourait, mais en cet instant, nous n’avions pas besoin de mots. Délicatement, je passais mon bras autour de sa taille et l’attirais vers moi, comme pour me rassurer de sa présence. Puis, avec une tendresse qui ne cessait de m’étonner, je déposais délicatement mes lèvres sur les siennes en un baiser des plus chastes.
Du bout des doigts, je caressais la nuque de ma créature et bientôt, je me laissais griser par la saveur de ses lèvres et entrepris d’approfondir le baiser tout en me collant davantage à lui, en proie au désir. Aussitôt, Alakhiel me repoussa vivement, tombant à moitié du lit. Subitement, il se releva et retourna se recroqueviller dans le sien. De mon côté, je n’en menais pas bien large, déstabilisé par son comportement. Voyant Alakhiel se recroqueviller sur lui-même, j’eu subitement honte de moi. Je quittais alors mon lit et, priant pour ne pas me faire rejeter, j’allais rejoindre ma créature. Avec toute la douceur dont j’étais capable, je le pris dans mes bras et l’attirais tout contre moi. C’est avec soulagement que je constatais qu’Alakhiel se laissait faire, malgré une certaine méfiance à mon égard.
Cependant, voyant que je n’esquissais aucun geste déplacé, me contentant de le garder tout contre moi, il finit par se détendre, sa tête posée sur ma poitrine. Dans un murmure à peine audible, je déclarais alors avec sincérité :
- Je suis désolé Alakhiel… Je suis désolé que tu sois devenu ainsi à cause de moi…
Alakhiel ne répondit pas tout de suite, si bien que l’espace d’un instant, je me demandais s’il ne s’était pas déjà endormis. Je fus vite détrompé lorsque qu’il déclara à son tour, d’une voix emprunte de franchise :
- Ce… C’est à cause de moi Ezekiel. Je… J’ai peur…
A ces mots, je posais mes mains sur les épaules de ma créature, afin de l’inciter à me regarder. Ce qu’il fit avec hésitation.
- Tu as peur de moi ? Demandais-je, me sentant subitement blessé par une telle idée.
Comme pour me détromper, Alakhiel répliqua rapidement :
- Non… J’ai peur de moi… De ce que je suis devenu…
Je pouvais sentir toute la peur qu’il ressentait dans sa voix, et même si je n’osais pas le lui avouer, moi aussi j’avais peur. Pas de lui, mais pour lui… J’avais peur de ce qui pourrait arriver si j’échouais, si je ne parvenais pas à le sauver… Peur de devoir mettre fin à sa vie… Inconsciement, je raffermis ma prise autour de son corps et déclarais dans un souffle :
- Alakhiel… Je suis là… Tu peux compter sur moi…
Puis, après un temps de silence, rongé par la curiosité et la jalousie, je finis par demander, un peu gêné tout de même :
- Qu’est-ce qui t’a prit de coucher avec tes victimes ?
Comme je m’y attendais, Alakhiel ne répondit rien et s’écarta de moi. Alors que je m’attendais à le voir me tourner le dos, il plongea son regard dans le mien. Encouragé, j’ajoutais :
- Et cette folie meurtrière… Qu’est-ce qui t’a pris, Alakhiel ?
- Je… Je ne sais pas, répondit-il, visiblement mal à l’aise en baissant les yeux. Je… J’ai du me laisser séduire par le sang… J’avais déjà eu ce genre de… crises… Avant que nous partions en Inde… Et une fois que nous sommes arrivés… Je… Je t’ai caché mon état, Ezekiel…
- Pourquoi ? Pourquoi ne pas m’en avoir parlé au lieu d’en arriver à cet état ? Demandais-je, alors, profondément déçu et blessé, tentant de ne rien laisser transparaître de mes sentiments, mais aussi agacé par son manque de confiance en moi.
- Je… J’avais honte… Alors que j’ai toujours exécré à tuer comme cela… J’ai fini par le faire le plus bassement possible.
- Imbécile ! Claquais, définitivement agacé. Tu aurais pu m’en parler plus tôt, je t’aurai aidé ! Tu n’en sderais pas arrivé là !
- Les chose ne sont pas si faciles ! Contra Alakhiel en haussant le ton. Je pensais pouvoir gérer mes propres problèmes. Je suis déjà assez un fardeau pour toi…
- Tu n’es pas un fardeau ! M’exclamais-je sans vraiment m’en rendre compte.
Alakhiel se redressa alors et s’exclaffa d’un rire sans joie :
- Rien que maintenant je suis pire que cela ! Je suis devenu incontrôlable ! J’en suis à un tel point que j’ai besoin d’être surveillé et enfermé ! Comme si nous n’avions pas assez de problèmes ! Ezekiel, reprit-il plus calmement, si un humain était dans cette pièce, je serais fou…
Dans le but de lui faire comprendre mon irritation, je soupirais bryuament avant de répondre, las de cette discussion stérile :
- Ce n’est que temportaire, Alakhiel. Crois-moi, tu vas guérir… Si tu ne le peux pas, personne n’en est capable…
- J’espère, souffla-t-il à l’évidence peu convaincu.
L’attirant de nouveau contre moi, je l’embrassais sur le front, en un geste qui me surpris autant que lui.
- Dors Alakhiel, souffais-je, alors. Tu en as grand besoin…
L’instant d’après, j’eu la satisfaction de le voir s’endormir, blotti tout contre moi. Bientôt, je finis par l’imiter, sombrant moi aussi dans un sommeil profond et sans rêves. Depuis que j’avais commencé à veiller Alakhiel, je n’avais pas énormément dormi, mais le savoir là, paisiblement endormi entre mes bras me rassura et je me laissais gagner par un sommeil bienfaiteur.
Lorsque je me réveillais de nouveau, je reportais mon attention sur Alakhiel. Il semblait dormir profondément et j’en fus apaisé. Du bout des doigts, je replaçais une mèche rebelle derrière son oreille. L’espace d’un instant, je le regardais dormir avant de finalement consentir à me lever. Aujourd’hui, j’allais tenter quelque chose…
Sans un bruit, je quittais la chambre et après m’être rapidement rafraîchi, je sortais de la maison. La nuit était tombée depuis quelques heures à peine. Lorsque j’arrivais en ville, comme tous les soirs, je tentais d’en apprendre plus sur les rumeurs qui couraient et comme tous les soirs, aucune nouvelle inquiétante ne se profilait à l’horizon. Au fond de moi, je ne savais pas si je devais m’en réjouir ou m’en inquiéter… Dans tous les cas, je me fiais à mon instinct et restais sur mes gardes… J’étais persuadé que cette histoire était loin d’être terminée…
Après m’être convenablement nourris, je partis en quête d’une proie pour Alakhiel. La chance me sourit car sur le chemin du retour, je tombais sur une jeune femme vêtue pauvrement. Sans doute une pauvre fille rejetée par sa famille. Elle était couverte de boue et de l’herbe se mêlait à ses cheveux, mais elle ferait l’affaire. Sans même prendre le temps d’user de mon pouvoir hypnotique, je sautais à la gorge de la jeune femme qui hurla de terreur en me voyant. Posant une main puissante sur sa bouche, je la contraignais au silence avant de planter mes canines dans la peau fragile de son cou. Je lui prenais juste assez de sang pour l’affaiblir et lorsqu’elle fut inconsciente, je la pris dans mes bras et la portais jusqu’à notre refuge.
Lorsque j’arrivais, ma victime se réveillait. L’air complêtement hargard et déboussolé, c’est à peine si elle avait conscience de quoi que ce soit. Parfait, c’était mieux ainsi. L’instant suivant, je pénétrais dans la chambre avec la satisfaction de voir qu’Alakhiel était réveillé. Réveillé, mais l’air complêtement paniqué, terré de l’autre côté de la pièce. L’ignorant, je déposais la jeune femme sur son lit et m’éloignais de quelques mètres. Soudain, comme s’il ne se contrôlait plus, Alakhiel se précipita vers la jeune femme, tous cros dehors. Alors qu’il n’était plus qu’à quelques centimètres d’elle, je fermais les yeux et tentais de m’imiser dans son esprit. Cela sembla fonctionner car rouvrant les yeux, je vis Alakhiel se débattre comme un dément avec ce qui semblait être un mur invisible qui l’empêchait de se ruer sur sa victime.
Fou de rage, il réitéra son geste encore et encore, avec le même résultat. Ce ne fut qu’après de nombreuses tentatives toutes ponctuées d’échecs, épuisé, qu’il finit par abdiquer. J’esquissais alors un sourire de satisfaction. La seconde suivante, j’avais mes cros plantés dans son cou et aspirant son sang, je l’achevais en un rien de temps. Laissant retomber son cadavre, je reportais mon attention sur Alakhiel, l’observant avec attention. Je lui parlais, mais il semblait ne pas entendre ce que je lui disais. Avant même qu’il ne s’effondre, je le rattrapais et m’asseyais à même le sol tout en le gardant dans mes bras.
Là, comme chaque soir, je m’entaillais le poignet et le lui présentais. Cependant, trop faible, c’est à peine si Alakhiel en prit conscience. Patiemment, je portais mon poignet à ses lèvres afin de l’inciter à y boire le sang qui s’échappait de la plaie. Cette fois-ci, je lui permis de satisfaire davantage sa faim et lorsque je retirais mon poignet des lèvres de ma créature, il ne chercha pas à le retenir. Semblant retrouver tous ses esprits, Alakhiel s’écarta alors vivement de moi, m’arrachant un petit sourire amusé.
- Encore quelques exercices de ce genre et tu sera prêt à sortir, Alakhiel. Comme je te l’ai dit hier, tant que tu restes à côté de moi, il ne se passera rien.
- Justement, rétorqua-t-il, c’est uniquement parce que tu es là. Sans toi, je ne suis qu’un monstre…
- Laisse-toi du temps, Alakhiel, soupirais-je, fatigué de l’entendre sans cesse ressasser les mêmes arguments. La guérison peut être un long processus…
Alakhiel ne répondit rien à cela et j’en profitais pour me relever :
- Je pense que tu t’es assez nourri, si nous passions à ton entraînement.
S’il parut surpris, il n’en montra rien. Se levant, il me fit face et l’instant d’après, je reprenais l’entraînement de ma créature.
Les jours défilèrent ainsi. Alakhiel ne sortait pas et pour ma part, je m’absentais uniquement pour aller chasser et reccueillir discrêtement d’hypothétiques renseignements.
Chaque soir, nous répétions encore et encore le même exercice. Et chaque soir, Alakhiel faisait des progrès considérables, même si je me gardais bien de le lui dire. Je me contentais de lui demander toujours plus d’efforts, persuadé qu’il pouvait faire mieux que ce qu’il faisait déjà. Après son entraînement, notre rituel consistait à nous laver avant de nous coucher, dans le même lit. Alakhiel semblait accepter de plus en plus ma présence à ses côtés, et avait mis de côté sa réserve pour se laisser aller à mes chastes étreintes.
Je laissais tomber le corps sans vie de ma victime sur le plancher au pas de la porte. Pour la première fois, Alakhiel avait résisté. Satisfait et fier, je lui adressais un large sourire qu’il me rendit en vascillant légèrement. En guise de récompense, je lui laissais boire davantage de sang que je ne lui accordais habituellement. Ce soir-là, ce fut lui qui referma la plaie de mon poignet, d’un coup de langue délicat. Si ce geste anodin me fit frissonner, je n’en ressentis pas moi un élan de fierté à le voir ainsi se gérer lui-même.
- Sortons ! Tu es prêt Alakhiel et la nuit n’est que brièvement entamée, déclarais-je, alors.
Aussitôt, Alakhiel se mit à paniquer, perdant toute son assurance nouvellement retrouvée :
- Je… Non… Je ne suis pas prêt… Pas si tôt…
- Cesse de geindre ! Répliquais-je, agacé. C’est à moi de décider si tu es prêt ou pas. Si ce choix t’incombait, tu serais encore en train de pourrir dans ce trou dans cent ans.
Visiblement vexé, Alakhiel ne répondit rien. Alors qu’il restait immobile, je le poussais légèrement :
- Passe devant moi, ne t’inquiète pas, je suis là pour te surveiller.
Soudain, j’eu la surprise de voir Alakhiel se retourner pour me faire face. Intrigué, je fronçais les sourcils, ne comprenant pas ce qu’il voulait. Alors que j’allais répliquer quelque chose, il se pencha vers moi et recouvrit aussitôt mes lèvres d’un baiser. Passé l’effet de surprise, j’entrepris de répondre à son baiser, laissant ma langue aller rejoindre la sienne en un baiser passionné. Finalement, ce fut Alakhiel qui, comme il l’avait débuté, mis fin à ce baiser, s’éloignant de moi, murmurant un simple “merci” avant de me tourner le dos sans plus d’explications.
Nous marchâmes un moment sans croiser personne. Ce n’est que lorsque nous arrivâmes en ville que je sentis Alakhiel devenir de plus en plus instable. Aussitôt, j’entrepris de le raisonner, le bloquant comme j’avais fait jusqu’à maintenant durant ses entraînements. L’effort qu’Alakhiel fournissait semblait vraiment important, car déjà, des gouttes de sueurs perlaient sur son front. Sentant qu’Alakhiel était sur le point de craquer, ayant visiblement surestimé ses capacités, je posais ma main sur son épaule en signe d’apaisement et déclarais :
- Rentrons Alakhiel, ça suffit pour aujourd’hui.
Sans attendre de réponse de sa part, je l’entrainais vivement à ma suite. Durant tout le temps que dura le trajet, il resta obstinément muet. Ce n’est que lorsque nous fûmes arrivés, alors que je refermais la porte derrière nous, qu’il murmura :
- Je n’y arriverai jamais…
- Ne dis pas de bétises ! Claquais-je, las et énervé.
A ces mots, Alakhiel se retourna pour me faire face :
- Non ! Ca ne marchera jamais ! Tu aurais mieux fait de m’abattre !
La colère qui s’insinuait lentement en moi se mit à bouillonner dans mes veines à l’entente de cette affirmation. Alors que j’allais répliquer, je m’arrêtais subitement avant d’avoir prononcé le moindre mot et quittais la maison en claquant la porte derrière moi, le laissant seul. J’aurai pu lui sortir mille répliques et insultes bien senties, mais à quoi bon. Furieux contre moi-même, mais aussi et surtout contre ma créature, je m’éloignais rapidement. J’avais besoin de prendre un peu d’air avant de craquer et de m’en prendre à Alakhiel. Certes, il l’aurait sans doute mérité, mais sans trop savoir pourquoi, je préférais l’éviter. Sans que je m’en rende compte, ruminant ma colère contre la créature, je m’enfonçais dans la forêt. J’avais juste besoin de m’évader. J’avais momentanément abandonné Alakhiel à sa solitude, mais je n’y prêtais aucune importance. Après tout, il était suffisament âgé pour prendre soin de lui. Ou pas…
Subitement, je fus envahi d’un mauvais présentiment… Peut être n’aurais-je pas dû laisser Alakhiel seul ce soir… Inquiet, je marquais un temps d’arrêt avant de finalement reprendre ma course. Après tout, qu’il aille au Diable ! Ce n’était plus mon problème. Je m’étais donné suffisament de mal pour lui, à prendre soin de lui comme on prend soin d’un nouveau-né. Et pour les remerciements que j’en avais…
Soudain, dans l’air, je perçus une odeur trop familière, ainsi qu’une autre que je ne connaissais pas, mais qui ne m’inspirait pas la moindre confiance. Subitement, je stoppais ma course. Mon instinct me hurlais de me méfier de cette odeur. Un vampire inconnu traînait dans les parages. Là, le nez dans le vent, j’humais l’air à la recherche de cette odeur qui m’avait interpelée. Elle était vraiment toute proche… Bientôt, le sentiment de colère qui m’étreignait se mua en une fureur incomparable mêlé à une peur vivace qui me compressa douloureusement la poitrine. Qu’est-ce qu’Alakhiel faisait-il donc dehors ? N’avait-il donc pas senti l’odeur de ce vampire ? De plus l’aube était presque là… Dans un cri de rage, je pris la direction d’où venait l’odeur de ma stupide créature. Que faisait-il aussi loin du manoir ?
Quelques minutes plus tard, je l’apperçu au loin, errant entre les arbres comme une âme en peine. Cet vision décupla ma fureur et l’instant d’après, j’étais à ses côtés, me retenant vivement de lui sauter à la gorge :
- Alakhiel ! Hurlais-je, enragé et essoufflé par ma course folle. Combien de fois je devrais te tirer de la mort ! Je me demande pourquoi je m’acharne ainsi. Je devrais te laisser griller ici !
Semblant se rendre compte de ma présence et ignorant mon éclat de voix, Alakhiel se tourna vers moi, affichant un sourire complêtement idiot. Comment pouvait-il seulement sourire ainsi après la frayeur que je venais d’avoir ? Etait-il à ce point inconscient et abruti ? Sans attendre, je lui assenais un coup puissant sur la tête et l’instant d’après, il sombrait dans l’inconsicence, alors que je rattrapais son corps inanimé.
Là, usant des dernières forces qui me restaient, l’aube étant sur le point de se lever, je me hâtais vers la grotte que j’avais repéré sur le chemin en venant. Lorsque je pénétrais dans la grotte, les premiers rayons de soleil faisaient leur apparition…
Délicatement, je déposais Alakhiel sur le sol de terre humide. L’instant d’après, je perdais connaissance à mon tour et m’effondrais sur le sol, inconscient, cette course ayant épuisé toutes mes resources.
Lorsque j’ouvris les yeux, Alakhiel n’avait pas bougé d’un iota, toujours inconscient. Je me relevais alors et, le soleil n’étant pas encore couché, j’allais m’adosser contre le mur, à quelques mètres de là. Je ne sus dire combien de temps je restais ainsi, immobile à fixer Alakhiel, passant par toutes sortes de sentiments tous plus contradictoires les uns que les autres.
Lorsqu’il se redressa, j’en fis de même et avant que je ne réalise entièrement mon geste, je me laissais tomber à genoux à ses côtés et l’attirais tout contre moi. J’entendis Alakhiel soupirer dans mon cou et, la fatigue aidant, dans un murmure qui trahissait la peur qui m’avait envahit un peu plus tôt :
- Je t’en supplie Alakhiel, quoi qu’il se passe, quoi que je fasse, quoi qu’il nous arrive, reste toujours à mes côtés… Ne t’éloigne plus.
Sans m’en rendre compte, je raffermis ma prise sur lui, enfouissant mon visage dans son cou, m’envirant de son odeur, savourant la chaleur de son corps tout contre le mien en une présence rassurante. Timidement, et pour toute réponse, Alakhiel finit par abdiquer et me rendit mon étreinte. Sans que je ne puisse les retenir, des larmes se mirent à rouler le long de mes joues. Des larmes de soulagement, vestige de la peur viscérale qui m’avait habité quelques heures plus tôt. Visiblement, le conseil avait retrouvé notre trace. Nous n’étions désormais plus à l’abris ici.
Je n’aurais su dire combien de temps je restais ainsi à pleurer entre les bras de ma créature. Sans que je ne m’en rende compte, les rôles avaient été échangés et à présent, j’étais l’être à consoller et à rassurer. J’aurai du m’en sentir honteux, mais là, entre les bras de mon amant, je me sentais tout simplement bien, à ma place… Comme si les choses étaient ce qu’elles devaient être. Pour la première fois depuis bien trop longtemps, je ne ressentis aucune honte à afficher pleinement mes faiblesses et mes émotions.
Loin de me juger, Alakhiel se contentait de me garder tout contre lui en une étreinte rassurante et apaisante. Son odeur et sa chaleur agissait sur moi comme la présence d’une mère rassurait son nouveau-né. De sa main libre, l’autre étant fermement ancrée à mes reins, il caressait délicatement ma nuque, en un geste réconfortant. Le visage enfoui dans son cou, je me laissais aller à me libérer du poids de mes émotions. Puis, subitement, à bout de forces, épuisé par cette course au petit jour additionnée aux effets que l’aube avaient sur moi et la perte soudaine d’adrénaline, je sombrais sans m’en rendre compte dans une bienveillante inconscience.
Lorsque je repris conscience ce fut avec l’impression que tout n’était pas comme d’habitude. Jamais je ne m’étais sentis aussi faible. Ma tête me faisait souffrir et j’étais assailli d’une faim dévorante. Mais ce qui me troubla le plus, fut le fait que, contrairement à mon souvenir, je ne me trouvais pas sur le sol de pierre et de terre battue, mais sur quelque chose de chaud et vivant et je pouvais sentir comme un poids au creux de mes reins. A cette constatation, j’ouvrais brusquement les yeux. La première chose que je vis alors, fut la chemise d’Alakhiel.
Sentant un regard posé sur moi, je me redressais sur un coude et relevant la tête, je tombais aussitôt nez à nez avec Alakhiel qui me souriait. Aussitôt je compris. Le poids que je sentais au creux de mes reins n’était autre que ses bras croisés autour de ma taille. Visiblement, Alakhiel m’avait servit d’oreiller pendant mon sommeil improvisé.
Lorsque je croisais de nouveau son regard, il me souriait. D’une voix emplie d’une tendresse que je ne lui connaissais pas, il déclara alors, sans pour autant me libérer de son étreinte :
- Ne me refais jamais une peur pareille…
- Tu ne crois pas que tu es mal placé pour dire une telle chose ? Répliquais-je, cinglant en tentant de me redresser.
Cependant, à peine me redressais-je sur mes avant-bras que je fus assailli par un violent vertige qui manqua de me faire perdre mon équilibre déjà précaire.
- Ne bouge pas, murmura Alakhiel en raffermissant sa prise autour de ma taille.
Docilement, j’obtempérais sans la moindre résistance, encore trop faible. J’avais puisé dans mes réserves et il me faudrait un peu de temps pour récupérer mes forces. Alors que j’esquissais un mouvement pour me recoucher, je sentis la main d’Alakhiel se poser sur ma nuque dans un geste qui m’incitait à m’allonger. Sans la moindre protestation, je reposais ma tête sur la poitrine de ma créature et me laissais aller à soupirer de bien être. J’avais honte à le dire, mais là entre ses bras, je me sentais comme apaisé.
Cependant, le geste qui suivit me surprit au plus haut point. Alors que je reposais tout contre lui je sentis Alakhiel raffermir sa prise autour de ma taille en un geste d’une possessivité que je ne l’aurai jamais cru posséder. Et étrangement, ce simple geste me fit chaud au coeur… Et malgré toutes les questions qui m’assaillaient, je restais silencieux, soucieux de voir cet instant de plénitude perdurer le plus longtemps possible. Bientôt, sa main quitta ma nuque pour aller se perdre dans mes cheveux, en une tendre caresse qu’il réitéra encore et encore, m’arrachant un frisson de satisfaction.
Je n’aurai su dire combien de temps nous restâmes ainsi enlacés, les doigts d’Alakhiel jouant avec les petits cheveux sur ma nuque. Finalement, ce fut Alakhiel qui brisa le silence apaisant qui nous enveloppait, murmurant si doucement que sans mon ouïe surdéveloppée, je ne l’aurai pas entendu :
- Quoi qu’il se passe… Quoi qu’il arrive… Je resterai à tes côtés… Jusqu’à ce que tu te sois lassé de moi et même après… Je ne te quitterai plus, Ezekiel… Jamais…
De nouveau, je restais silencieux à cette déclaration. Touché plus que je ne l’aurai voulu, je ne savais tout simplement pas quoi dire… Jamais Alakhiel n’avait eut de paroles si tendres à mon égard et savoir que c’était avec moi qu’il voulait passer les prochaines décénnies de son existance me comblait de joie. Cependant, j’étais tout simplement incapable de le lui faire savoir. Ma main délicatement posée sur son torse se crispa et mes doigts se refermèrent sur sa chemise que je serrais avec une poigne de fer, craignant stupidement de le voir me repousse et s’éloigner de moi en riant de la farce qu’il venait de me faire.
Jamais encore quelqu’un avait émit le souhait de rester à mes côtés et moi-même, j’avais toujours vécu seul. La seule et unique personne qui avait partagé ma vie d’immortel en avait fait un cauchemar et avait finalement trouvé la mort en prenant ma vie. Alakhiel était la seule personne dont la présence m’était presque immédiatement devenue indispensable, en dépit des sentiments que je nourrissais à son égard.
Je dus garder le silence plus longtemps que je ne l’avais cru, car bientôt, Alakhiel reprit, d’une voix devenue subitement hésitante, comme s’il appréhendais ma réaction :
- Je… J’ai besoin de savoir quelque chose, Ezekiel… Me considères-tu vraiment comme… Comme ta chose ? Comme un jouet immature et insignifiant ?
Sans que je n’en prenne consicence, mon coeur s’accéléra dans ma poitrine. Cependant, réfrénant mes sentiments, je me contentais d’une réponse des plus brèves, ne voulant pas m’engager dans une conversation stérile :
- Non, déclarais-je simplement.
- Mais alors, commença Alakhiel, cachant mal sa surprise, pourquoi tu me traites comme si tu le pensais ?
Alors que j’ouvrais la bouche pour répondre, me redressant sur mes coudes, il posa son index sur mes lèvres, me forçant au silence. D’un regard empli d’une émotion que je ne parvins pas à identifier, il déclara gravement :
- Si tu me répond… Je veux que tu le fasse sincèrement…
Je restais un moment muet, le regard ancré dans celui de ma créature qui semblait me supplier silencieusement, ses yeux me hurlant un message que je ne parvins pas à déchiffrer.
- Tu devrais t’être habitué à force, déclarais-je après un court silence qui me parût interminable. Après tout tu es bien placé pour savoir que je ne pense pas toujours ce que je dis… Soufflais-je, tentant d’éluder subtilement la question piège qu’il venait de me poser.
Pourrais-je seulement lui avouer que si je le traîtais ainsi, c’est pour ne pas qu’il voit l’amour que j’éprouvais pour lui ? Quand étais-je devenu si dépendant de lui ? Face ma réponse, Alakhiel garda le silence, et pour la première fois, je ne su comment l’interprêter. Etait-ce si difficile pour lui de croire en ma sincérité ?
Je ne su jamais ce qui me poussa à prononcer ces quelques mots, si au fond de moi je me savais responsable de l’état de ma créature, mais après un silence qui me parût incroyablement lourd, je murmurais :
- Je suis désolé…
Le silence s’installa de nouveau entre nous, jusqu’à ce que finalement, Alakhiel prenne la parole :
- Je voudrais tourner la page avec toi, Ezekiel, déclara-t-il avec une douceur que je ne lui connaissais pas. Je voudrais aller de l’avant, oublier ce qui s’est passé entre nous pour repartir à zéro… Qu’en dis-tu ?
- Nous pouvons essayer, répondis-je, tentant de dissimuler la surprise que j’avais ressentis à l’entente de ses paroles. Cela ne sera certainement pas facile tous les jours, mais nous pouvons essayer, soupirais-je en me laissant aller tout contre lui.
Pour toute réponse, Alakhiel raffermi son étreinte autour de ma taille. Je ne savais pas dans quoi je venais de m’engager, mais je venais de le faire. Et tant qu’Alakhiel serait à mes côtés, le reste n’avait plus la moindre importance.
Nous restâmes ainsi jusqu’à la tombée de la nuit. Le repos m’avait fait énormément de bien et mes forces étaient à nouveau intactes, seul la faim me rongeait. Aussitôt que le soleil fut couché, je quittais la grotte, intimant à Alakhiel de rester là, l’assurant que je le tuerais s’il osait ne serait-ce que songer à me désobéir.
Une fois rassuré sur ce point, j’entrepris alors d’aller explorer les alentours comptant sur mon ouïe et mon odorat pour m’indiquer une quelconque présence malveillante. Je parvins à repérer l’assassin du conseil, celui-ci n’étant pas très discret pour quelqu’un de sa formation. Le vent portait son odeur venue de l’est mais celui-ci semblait s’être éloigné, ne nous cherchant pas dans la bonne direction. Si j’en jugeais par mon instinct, nous disposions de suffisament de temps pour quitter cette grotte et mettre le plus de distance possible entre lui et nous, mais pas assez pour nous cacher convenablement.
Sans attendre, je retournais alors chercher Alakhiel qui m’attendait à l’intérieur de la grotte. Là, je l’empoignais fermement par le bras et l’obligeais à me suivre, ignorant son cri d’indignation. Sans lacher le bras de ma créature, je courrais jusqu’à la ville. Malgré le temps qui pressait, je nous accordais cependant une pause le temps de nous nourrir. Si nous avions à affronter un ou des spadassins du conseil, autant mettre toutes les chances de notre côtés, et c’est pas en restant le ventre vide que nous pourrions nous en sortir.
Après avoir prit chacun la vie d’une victime, nous nous empressâmes de quitter la ville. Cependant, la chance nous avait visiblement abandonnée car à peine avions nous fait quelques kilomètres, qu’une silhouette sombre se dressa devant nous. Je n’eu aucune peine à reconnaître celui qui était sencé ramener nos tête à Shaolan.
- Tu croyais pouvoir m’échapper, Ezekiel ? S’exclama-t-il d’une voix puissante.
- Il me semble que nous n’ayons pas encore été présentés… Je te demanderais donc de ne point user d’une telle familiarité envers moi ! Rétorquais-je, avec un agacement prononcé.
- Ne cherche pas à faire le malin ! Poursuivit notre vis à vis. Rend-toi ! Et dit à ton avorton de faire pareil ! S’il tente quoi que ce soit, je t’arrache la tête avant d’en faire de même avec lui !
- Tu m’arraches la tête ? Répétais-je, amusé de la trop grande confiance en soi qu’il semblait éprouver. Ne serais-tu pas en train de prendre tes désirs pour la réalité ? Le provoquais-je en éclatant de rire, pas effrayé le moins du monde par ses menaces.
- Ta trop grande confiance en toi te perdra, Ezekiel ! Déclara gravement mon vis à vis.
- Il paraît ! Répliquais-je. Mais vois-tu, pour le moment, je suis toujours là !
- J’ai beaucoup entendu parler de toi, Ezekiel, reprit mon vis à vis. Tu es fort, très fort… Mais sâche que contre moi, cela ne suffira pas…
- Tu m’as l’air doué pour parlementer, répliquais-je, cinglant. Mais serais-tu aussi habile avec une épée qu’avec ta langue ? Le provoquais-je, ravi de le voir s’enrager.
Sans plus attendre, l’assassin se précipita sur nous. A l’instant où il se jetais sur moi, je repoussais Alakhiel d’un violent coup d’épaule qui le fit reculer de plusieurs mètres avant d’esquiver le coup de mon adversaire d’une habile roulade au sol. La seconde durant laquel l’assassin resta immobile, désorienté, me suffit. Sentant une colère sourde poindre en moi, je me jetais violemment sur mon adversaire qui esquiva au dernier moment. S’engagea alors un combat à mort. Très vite, je m’apperçu que mon ennemi ne m’avait pas mentit… Il était vraiment fort et je devais déployer toute ma puissance et ma ruse pour ne pas me faire massacrer.
Toute mon attention étant tournée vers mon ennemi, je ne vis pas Alakhiel s’approcher et cela fut ma première erreur. Mon adversaire lui, s’était parfaitement rendu compte de la présence de ma créature et au dernier moment, il se détourna de moi pour s’en prendre à lui. Il l’attrapa par le poignet, lui tordant le bras dans le dos et portant un poignard sa gorge. Le visage déformé par un rictus de haine, il cracha littéralement :
- Rend-toi, Ezekiel ! Tu ne peux pas gagner…
De là où j’étais, je pouvais voir Alakhiel tenter de se dégager de la poigne de fer de son adversaire, mais c’était sans compter sur son manque d’expérience. Son regard étincellait d’une lueur de haine à l’état pur et pourtant, je crus cependant déceler une étincelle de peur, une supplication qu’il semblait m’adresser. Cette vision suffit à m’enrager d’avantage. Comment cet enfoiré osait-il s’en prendre à Alakhiel ?
- Rend-toi ! Reprit mon adversaire. Où je tue ton avorton !
Alakhiel avait cessé de se débattre.
- Libère le ! Grondais-je d’une voix menaçante.
- Qu’espères-tu, Ezekiel ? Demanda l’assassin en esquissant un sourire victorieux. Tu ne peux rien contre moi ! Alors rend-toi sans faire d’histoires !
Avant même qu’il ai terminé sa phrase, je me précipitais sur lui avec toute la haine et la rancoeur qui m’habitait. Alors que j’étais à quelques mètres de lui, je vis Alakhiel se libérer de sa poigne de son bourreau et celui-ci lancer son poignard dans ma direction. Tout ce déroula alors incroyablement vite. Je pris à peine conscience du hurlement que poussa Alakhiel alors qu’une douleur lascinante me déchirait la hanche. Coupé dans mon élan sous la puissance de la douleur qui se répercuta dans son mon corps, portant mes deux mains là ou le poignard avait percé mes chairs, je m’écroulais lamentablement sur le sol, le corps parcourut de spasmes de douleur.
J’avais l’impression que mon corps se consumait de l’intérieur. Jamais encore je n’avais ressentis de douleur aussi fulgurante. Noyé dans les limbes de la douleur, je n’avais plus conscience de ce qui se déroulait autour de moi, ni combien de temps je restais ainsi, incapable du moindre mouvement. J’entendais vaguement les échos d’un combat entre deux créatures enragées. Conscient du danger que courrait Alakhiel, j’essayais de me relever, sans succès. Tout ce que je parvins à faire, c’est me trainer lamentablement sur quelques mètres, avant de m’écrouler face contre terre, vidé de toutes forces. Ma vision s’était obscurcie et tout ce que j’entendais se résumait à une sorte de brouhaha indistinct.
Luttant contre l’engourdissement qui me gagnait, au bord de l’évanouissement, je tentais d’ouvrir les yeux, cherchant Alakhiel du regard. Mon regard se posa alors sur une silhouette qui me semblait être la sienne. Bien qu’il se défendait bravement, il était en mauvaise posture. Usant de toute la force de ma volonté, je réussi à me redresser. Le spectacle qui s’offrit alors à moi acheva d’incendier les dernières forces qui me restaient. La rage au coeur, je vis l’assassin du conseil prendre le dessus sur ma créature. Ce n’était plus qu’une question de seconde avant qu’il ne le tue. Ignorant la douleur qui se répandait dans mes veines comme le poison d’un serpent, je fonçais alors sur l’assassin. Arrachant le couteau toujours planté dans ma hanche, ignorant le sang qui coulait à flots, je me précipitais au secours d’Alakhiel. Avant qu’ils n’aient le temps de comprendre ce qui se passait, Alakhiel se retrouva libre, alors que la tête de notre adversaire, roulait sur le sol, les yeux écarquillés grotesquement sous l’effet de la surprise.
Puis, à bout de forces, la douleur se faisant si forte que j’avais l’impression que mon corps allait partir en fumée, comme ravagé par un incendit, je m’écroulais sur le sol. Jamais encore je ne m’étais sentis ainsi. Allais-je mourir ? Tout autour de moi n’était qu’un immense flou aux couleurs effrayantes.
Dans le brouillard épais qui m’enveloppait, j’entendais très faiblement la voix d’Alakhiel me parvenir sans arriver à en comprendre le moindre mot. Je sentais ma température corporelle chuter dangeureusement, mais à présent, cela n’avait plus d’importance. Sans que je n’en prenne réellement conscience, un sourire vint étirer le coin de mes lèvres. L’instant d’après, je sombrais dans le noir total.
Lorsque j’ouvris les yeux, une douleur lascinante me foudroya sur place, m’arrachant un gémissement de douleur. L’instant d’après, Alakhiel accourait à mes côtés.
- Ne bouge pas, murmura-t-il d’une voix douce en passant sa main fraîche sur mon front. Reste tranquille…
- Que… Qu’est-ce que…
- Chuut, souffla-t-il en laissant son doigt glisser jusqu’à mes lèvres pour m’inciter au silence. Ne parle pas… Tu es encore faible…
S’entaillant le poignet, il le porta à mes lèvres. La vision troublée par la fièvre et la douleur, c’est à peine si je pus avaler quelques gorgées de sang, tandis qu’Alakhiel m’encourageait d’une voix tendre, comme il le ferait avec un enfant récalcitrant.
- Comment tu te sens ? Demanda-t-il une fois que j’eu achevé de me nourir.
- J’ai… Mal… Articulais-je, difficilement, haletant sous l’effort que je devais fournir.
- Tu te souviens de quelque chose ?
Pour toute réponse, j’hochais négativement la tête et rien que ce mouvement me donna le vertige. Alakhiel sembla s’en rendre compte car sa main se posa sur ma joue en une douce caresse qui m’arracha un soupir de contentement, malgré la douleur qui persistait.
- Tu as été grièvement blessé en voulant me protéger, m’expliqua Alakhiel d’une voix inhabituellement enrouée. La lame était enduite d’eau bénite. C’est pour ça que la plaie est si longue à cicatriser et la douleur toujours présente… Pourquoi… Pourquoi tu as fait ça Ezekiel ? Ajouta-t-il après une courte pause. Pourquoi avoir risqué ta vie pour moi ?
A cette question, j’esquissais un pauvre sourire avant que la douleur ne se face ressentir avec une intensité toute nouvelle.
- N’as-tu donc pas compris ? Soufflais-je, une onde de douleur me faisant serrer les dents sur un gémissement que je parvins à étouffer.
- Quoi ? S’empressa de me demander Alakhiel, alors que je me sentais de nouveau sombrer dans les limbes du sommeil. Qu’aurais-je du comprendre, Ezekiel ?
A peine eut-il achevé sa phrase, que je sombrais dans les bras de Morphée.
Lorsque j’ouvris de nouveau les yeux, la douleur lascinante avait quelque peut refluée pour faire place à une douleur toujours présente mais beaucoup plus supportable, comme si mon corps s’habituait lentement à cette torture. Alors que je reprenais lentement conscience, je me rendis compte que je n’étais pas allongé sur le matelas trop dur de la veille, mais sur quelque chose de chaud et bien plus confortable. Doucement, afin de ne pas réveiller la douleur qui s’était momentanément calmée, je tentais de me redresser avant d’être interrompu dans mon élan par la voix ensommeillée d’Alakhiel :
- Reste allongé… Souffla-t-il en raffermissant la prise de ses bras autour de ma taille.
Docile, j’obéis sans faire d’histoires et me recouchais, un profond soupir s’échappant de mes lèvres alors que je reposais ma tête sur le torse chaud et accueillant de ma créature. Je n’aurai su dire combien de temps nous restâmes ainsi, silencieux, et à vrai dire c’était le cadet de mes soucis. Tout ce qui m’importait était d’être là, entre les bras de mon amant, alors que plus tôt, je pensais mourir avant d’avoir eu le droit de le toucher à nouveau.
- Tu as faim ? Demanda Alakhiel au bout d’un temps indéterminé.
Ce ne fut qu’à cet instant que je me rendis compte à quel point j’étais affamé. Un grondement sourd roula dans ma gorge, arrachant un sourire amusé à ma créature qui me présenta alors son cou. Hésitant, je demandais, tentant de maitriser ma faim qui se faisait de plus en plus oppressante :
- Mais… Et toi ?
- Je me suis nouris ce soir, répondit-il après un instant d’hésitation.
Scpetique, je me redressais et lui adressais un regard interrogateur. Semblant comprendre ma question muette, il déclara, visiblement mal à l’aise :
- Je… J’ai pas réussi à me contenir… Quand j’ai pu me maitriser, il… Il était déjà trop tard…
Je ne répondis rien à ceci, ayant entièrement conscience que sans son initiative, je serais propablement mort à l’heure qu’il était. Sans un mot, Alakhiel posa sa main sur ma nuque et d’une douce pression, il dirigea mes lèvres vers son cou. Cédant à la faim qui me tiraillait les entrailles, je léchais la peau d’albâtre de son cou, le faisant frissonner avant de finalement y planter mes crocs. Grondant de satisfaction, j’aspirais alors de longues gorgées de sang, sentant peu à peu mes forces revenirs.
Enivré par l’odeur d’Alakhiel et son sang qui coulait dans ma gorge, je me sentis réagir. Instinctivement, sans m’en rendre compte, mes hanches se mirent à onduler tandis que je me frottais éhonteusement contre le bas ventre de ma créature. Le sentant réagir sous moi, j’écartais les jambes, de façon à le chevaucher, prenant appuis de mes mains posées sur son torse. Lascivement, je me déhanchais de plus en plus vigoureusement en sentant mon désir s’éveiller en moi à chaque gorgée de sang que j’aspirais.
Sans que je n’en prenne conscience, des gémissements s’échappèrent alors de ma gorge alors que mon entre-jambe rencontrait celle d’Alakhiel qui, tendu comme un arc, n’esquissait pas le moindre mouvement. Une fois rassasié, je léchais du bout de la langue la plaie causée par mes crocs afin de la refermée. Puis, galvanisé par le plaisir qui grandissait en moi, je laissais ma langue parcourir le cou de mon amant, ne cherchant pas à retenir les gémissements et grongements qui s’échappaient de mes lèvres, privé trop longtemps de son corps.
Malgré l’étourdissement que j’éprouvais, j’abandonnais finalement son cou et me redressais non sans quelques difficultés, n’ayant pas recouvré toutes mes forces. Là, prenant appui sur le torse d’Alakhiel, j’entrepris alors de me déhancher avec plus de vigeur. Je sentais Alakhiel se contracter sous moi, mais bientôt, il finit par se détendre et, à son tour, il se laissa aller, ses mains allant se poser sur mes fesses tout en évitant soigneusement ma hanche blessée. Bientôt, je le sentis durcir sous moi et cette simple constatation me fit redoubler d’ardeur. Aidé par Alakhiel, j’accélérais le rythme de mes déhanchements, alors que de son côté, ses hanches se soulevaient pour venir à la rencontre des miennes. Haletant, je me laissais aller à lui faire part du plaisir qui était le mien, gémissant sans la moindre retenue.
Au bord de l’extase, je devais faire appel à tout mon self-control pour ne pas jouir à l’instant, souhaitant faire durer le plaisir le plus longtemps possible. Soudain, je sentis quelque chose de chaud contre mes fesses tandis qu’Alakhiel se cambrait violemment contre moi. Comprenant qu’il venait de jouir, se libérant dans son pantalon, je me mordis violemment la lèvre inférieure pour ne pas le rejoindre. Cependant, trop loin sur le chemin de non retour, je finis par jouir à mon tour. Le dos douloureusement cambré, je me frottais énergiquement contre le sexe encore gonflé de plaisir d’Alakhiel et sous l’effet du plaisir fulgurant qui me traversa tout entier, rejetant la tête en arrière sur un cri muet, je me libérais à mon tour dans mon pantalon.
Haletant et le corps douloureux, je me laissais retomber Alakhiel qui, referma ses bras autour de moi. Avant que ma respiration eut retrouvé un rythme régulier, je sombrais dans un profond sommeil.
Lorque je me réveillais pour la seconde fois, ce fut avec une impression qu’un froid glacial s’était emparé de moi. Tout mon corps criait de douleur au moindre mouvement. Cependant, faisant taire ses protestations, je me redressais difficilement afin d’observer autour de moi. J’étais allongé dans un lit et mes vêtements avaient été changés. Pourtant, je ne percevais pas le moindre indice qui m’indiquait la présence d’Alakhiel. Soupirant de lassitude, je me laissais retomber sur le matelas de qualité moyenne.
Ayant du temps à tuer devant moi, j’entrepris d’observer mon environnement et fus surpris de découvrir une chambre décorée avec un certain luxe. Les meubles étaient tout en bois finement ciselé et les cadres qui entouraient les tableaux accrochés aux murs, recouverts d’une fine feuille d’or. Nous étions visiblement dans une maison dont le propriétaire avec un goût prononcé pour l’architecture et la mode française.
Je n’aurai su dire combien de temps s’écoula avant que j’entende Alakhiel revenir. Lorsqu’il entra dans la chambre, il parut surpris de me voir réveillé. Puis, une fois la surprise passée, il m’adressa un sourire radieux.
- Pourquoi tu souris comme ça ?
- Je n’ai pas le droit de sourire ? Demanda Alakhiel sans répondre à ma question. Tu vas mieux, je suis soulagé… J’ai eu vraiment peur tu sais… Tu as déliré toute la nuit à cause de la fièvre…
- Ah bon ? Demandais-je, surpris, n’ayant aucun souvenir. Raconte-moi…
Alakhiel émit un soupir et alla s’installer dans le fauteuil qui se trouvait à mon chevet. Après un court silence, il déclara :
- Il n’y a rien de particulier à dire… Hier un peu après le levé du soleil, tu t’es réveillé, tu étais vraiment mal… Ta blessure ne cicatrisait pas à cause de l’eau bénite enduite sur la lame et tu avais déjà perdu énormément de sang… Tu semblais vraiment au plus mal, alors je t’ai donné un peu de sang pour te soulager, ajouta-t-il en s’empourprant.
- Pourquoi tu rougis comme ça ? Tu vas te consumer sur place à cet allure ! Fis-je remarquer.
- Et bien, je… Tu… Quand tu as bu mon sang, tu n’étais pas vraiment toi-même et… Tu… Tu as commencé à te frotter contre moi… D’où les vêtements propres… Après, tu t’es endormi, puis tu t’es réveillé à nouveau, tu étais tremblant de froid et brûlant de température. Tu n’as pas arrêté de délirer…
- Qu’est-ce que j’ai dis ? Demandais-je, paniquant l’espace d’un instant.
- Tu as surtout appelé mon prénom… Tu n’arrêtais pas de le dire, quand tu n’étais pas en train de crier… Je… Je crois que tu revoyais ta vie avec… Enfin, lorsque tu es devenu vampire… Je t’ai plusieurs fois entendu prononcer son nom… Tu as aussi appelé Indra… Qui est Indra ?
- Indra… Répétais-je pour moi-même, me laissant assaillir par mes souvenirs.
- Ezekiel ? M’appela alors ma créature. Qui est Indra ?
Retrouvant mes esprits, je reportais mon attention sur Alakhiel et l’observais longuement avant de finalement lui répondre :
- Indra, c’était un vieux fou que j’ai rencontré à Bénarès, il y a quinze ans… C’était un humain borgne et à moitié fou… C’est aussi lui qui m’a fait prendre conscience de ma part d’humanité… Il est le seul homme que j’ai réellement aimé, qui m’ait donné l’impression d’avoir un jour eu un père… Il est le seul homme pour lequel j’ai pleuré…
Après cet aveux, je restais un moment silencieux et respectant ma douleur, Alakhiel en fit de même. Je n’aurai su dire combien de temps je restais ainsi silencieux, plongé dans mes souvenirs. Ce fut la main de ma créature sur ma joue qui me tira de ma torpeur. Sa main sur ma joue, son pouce caressait ma peau sous mon oeil, alors qu’il me regardait avec un mélange d’infinie tristesse et d’incrédulité. Ne comprenant pas ce qui lui arrivait, je lui adressais un regard interrogateur. Pour toute réponse, Alakhiel baissa les yeux, m’invitant à en faire de même. Ce n’est qu’en voyant sa main humide que je compris que je pleurais.
Subitement honteux de m’être laissé aller devant Alakhiel, je détournais vivement la tête et séchais mes larmes d’un brusque mouvement du poignet. Alors qu’Alakhiel esquissait un mouvement dans ma direction, je le repoussais violemment, un grondement menaçant s’échappant de ma gorge. Cependant, Alakhiel passa outre ma mise en garde et réitéra son geste. Détestant me faire prendre en pitié, je l’attrapais un peu trop vivement par le poignet et l’attirait à moi. Là, je plaquais sans douceur mes lèvres sur les siennes et lui mordillait la lèvre inférieure pour l’obliger à ouvrir la bouche. Ne pouvant s’échapper à mon étreinte, Alakhiel s’exécuta et aussitôt, je glissais ma langue entre ses lèvres.
Cependant, je n’eu pas le loisir d’approfondir ce baiser, car retrouvant ses esprits, il me repoussa vivement.
- Mais qu’est-ce que… Qu’est-ce qui te prend ?! S’exclama-t-il en s’éloignant rapidement.
- Ce qui me prend ? Répétais-je, une once de colère se faisant ressentir. Il me prend que je te veux Alakhiel. Ne crois-tu pas que j’ai été suffisament patient ? Ne crois-tu pas que j’ai droit à un peu plus de considération de ta part ?
- De considération ? Répéta Alakhiel, incrédule. Tu te fou de moi ? S’écria-t-il, furieux. Calme tes ardeurs Ezekiel ! Je ne suis pas à ta disposition, prêt à écarter les cuisses lorsque tu le désires ! S’exclama-t-il en quittant la pièce, claquant violemment la porte derrière lui.
- Sombre crétin ! M’exclamais-je alors, furieux contre ma créature et contre moi-même.
Aussitôt, mes souvenirs en rapport à Indra me revinrent subitement en mémoire, comme si, de là où il se trouvait, il s’amusait à me voir me torturer l’esprit. Cela lui ressemblait bien d’ailleurs… Je l’imaginais, un sourire mi moqueur mi amusé étirant ses lèvres alors que les souvenirs de notre dernière conversation m’assaillaient, s’insinuant sournoisement dans mon esprit. Je l’entendais me redire pour la énième fois d’avouer à Alakhiel la nature trop profonde des sentiments que je nourrissais pour lui. Je l’entendais se moquer de moi, de ma naïveté, selon lui pour certains aspects de la vie.
Penser ainsi à Indra raviva la douleur que j’avais ressentis lorsque je l’avais perdu. Et malgré le temps qui s’était écoulé depuis, la cicatrice que sa disparition m’avait causée était toujours présente, menaçant de se réouvrir à n’importe quel moment. Pourquoi fallait-il que ce soit maintenant ? Cependant, étrangement, malgré la douleur qui m’étraignait sauvagement le coeur, penser ainsi à mon ami disparut apaisa ma colère, ne me laissant plus qu’un sentiment de lassitude et d’un arrière-goût amer. Pourquoi la mort d’Indra m’avait-elle plus bouleversé que le meurtre de mes propres parents ?
Mon esprit n’était plus qu’un enchevêtrement de pensées confuses et incohérentes. Etais-je en train de devenir fou ? A mes souvenirs d’Indra se mêlaient à présent ceux de ma vie humaine auprès de mes parents. Pourquoi étais-je subitement en train de penser à eux ? Alors que je revoyais le visage de ma mère me sourire, ses traits commençèrent alors à se faire plus flou pour laisser place l’instant suivant au visage trop parfait d’Elizabeth… Lorsqu’elle ouvrit la bouche, le seul son qui en sortit fut un rire démoniaque qui n’avait rien d’humain et dont la voix m’était cruellement familière…
Une chose était certaine à présent, j’étais bel et bien devenu fou à lier… Hanté par tous ces visages de mon passé, je laissais libre court à ma colère et dans un hurlement de rage, je soulevais le lit et le lançais de l’autre côté de la pièce où, sous la violence de l’impact, il alla se briser contre le mur. Aveuglé par la rage qui me consumais, hurlant toute la souffrance, la colère et la rancoeur qui me rongeait le coeur depuis tant d’années, je n’avais plus conscience de mes actes. Les meubles volaient à travers la pièce, allant rejoindre le lit en lambeau.
Aveuglé par mes émotions, je n’entendis ni ne vis Alakhiel faire irruption dans la chambre et ne pris conscience de sa présence que lorsqu’il m’attrapa le bras d’une main tremblante mais ferme.
- Arrête ! Ezekiel, je t’en prie… Calme-toi… Tu me fais peur… Qu’est-ce qui t’arrives, Ezekiel ?
Dans un ultime accès de fureur, je donnais un violent coup de pied dans la chaise qui avait survécue et l’envoyais rejoindre l’ammoncellement de morceau de bois informe qui jonchait le sol de la chambre, avant de finalement me laisser tomber à genoux, épuisé. Cette crise venait de me vider de mes dernières forces et, à présent calmé, je sentais la douleur revenir au galop dans mes muscles.
Alakhiel s’agenouilla face à moi et avec la même tendresse qu’une mère aurait envers son enfant, il m’attira à lui tout en me murmurant des paroles réconfortantes que je ne fis pas l’effort de comprendre. Fermant les yeux, je me laissais aller à l’étreinte de ma créature, appuyant mon front contre son épaule. Ses mains vinrent se perdre dans mes cheveux qu’il caressa longuement.
- Qu’est-ce qui t’a prit, Ezekiel ? Demanda-t-il après un long moment de silence, une fois que je fus entièrement calmé.
- Il y a ces visages, soufflais-je sans pour autant me redresser. Tous ces visages et ces voix, dans ma tête… Je vais devenir fou, Alakhiel… Je vais devenir fou si elles ne se taisent pas…
- Quelles voix ? Demanda ma créature, visiblement surpris. Qu’est-ce qu’elles te disent ?
- Elles me font prendre conscience… De ce que je suis… De ce que je ressens… Comme si elles me jugeaient…
Alors que j’achevais ma phrase, Alakhiel me força à reculer et, prenant mon visage dans ses mains, il me força à redresser la tête, plongeant son regard dans le mien :
- J’ai toujours pensé que tu étais ton seul juge, Ezekiel… J’ai toujours pensé que le regard des autres ne t’atteignaient pas… Que tu passais outre ce que les gens pensaient… Me serais-je trompé ? Dis-moi, Ezekiel ?
Je ne répondis rien, me contentant de baisser les yeux. Cependant, loin d’être de mon avis, Alakhiel m’obligea à relever la tête pour la seconde fois et face à mon silence, il ajouta :
- Pourquoi cela te rend-t-il aussi fou ? Explique-moi ? Qui sont ces voix et ces visages dont tu parles ?
- Il y en a tellement… Toujours ils reviennent… Sans arrêt… Mes parents, Indra… Même elle ! Crachais-je avec dégoût. Ils me font culpabiliser… Ils me font prendre conscience de la noirceur de mon âme… De la bête que je suis…
- Nous ne sommes que tous les deux Ezekiel… Il n’y a rien que toi et moi ici… Tu peux parler tranquille… Je ne te jugerais pas, Ezekiel… S’il te plait… Raconte moi…
- Je suis désolé, Alakhiel… Craquais-je, à bout de nerf. Je suis tellement désolé… Pour ce que j’ai fais de toi… Pour ce que je t’ai fait endurer…
- Chut, souffla Alakhiel en posant son index sur mes lèvres, m’incitant au silence.
- Non ! M’écriais-je en le repoussant faiblement. Tu dois savoir… Tu as le droit de savoir…
- D’accord… Mais calme-toi… Souffla-t-il, toujours tendre, malgré mon tempérament instable. Ta blessure est encore trop fragile, tu risques de la réouvrir…
- Je suis désolé, répétais-je incapable de prononcer autre chose, comme si dans ses mots, je cherchais mon propre salut plutôt que son pardon. Pour toi… Pour ce que je t’ai forcé à lui faire… A elle…
- De qui tu parles, Ezekiel ? Qui est ce “elle” dont tu parles ? Murmura-t-il toujours de cette voix si douce, me caressant tendrement les cheveux.
- De cette femme… Celle qui me hante encore après toutes ces années… Celle qui t’arrache à moi… Elizabeth… Crachais-je, répugné à l’idée même de prononcer son nom. Je la hais pour ce qu’elle est… Je hais cet amour que tu lui portes… Je hais l’idée même que tu puisses encore penser à elle…
- Tu te tortures inutilement, Ezekiel, murmura Alakhiel après un instant de silence. Tu te tortures pour rien, parce que cela fait longtemps que je t’ai pardonné… Je suis passé à autre chose… Tu sais, de mon vivant, jamais elle n’a ne serait-ce qu’un instant posé les yeux sur moi… J’aurai pu lui courir après toute ma vie durant que je n’aurai jamais en retour d’un regard méprisant… Il y a bien longtemps que je n’ai plus de sentiments pour elle, Ezekiel…
A ces mots, je relevais brusquement la tête, plongeant un regard à la fois surpris et empli d’incompréhension dans le sien. Que devais-je penser ? Qu’étais-je autorisé à croire ? Avant de réellement prendre conscience de mon acte, je me penchais vers ma créature et happais ses lèvres l’entrainant dans un baiser sensuel et enflammé. Comprendrait-il le message que j’essayais de lui faire passer, incapable de le lui avouer de vive voix ?
Alors que j’entrouvrais les lèvres, je sentis les deux mains d’Alakhiel se poser sur mon torse et l’instant suivant, il me repoussait. Malgré la douceur de son geste, je sentis une vive douleur me compresser la poitrine au niveau du coeur. Avait-il comprit la nature des sentiments que je lui vouais ? Etait-ce sa façon à lui de me dire qu’il ne les acceptait pas et qu’il n’éprouvait rien pour moi ?
Terriblement meurtri, je baissais la tête mettant ma fierté de côté, incapable de surmonter son regard et le jugement que je pourrais lire dans ses yeux. Blessé au plus profond de moi-même, je m’apprêtais à me lever pour m’éloigner de lui lorsque je sentis sa main attraper mon poignet. Je restais un instant immobile, et voyant qu’il n’avait pas l’intention de me lacher, je me risquais à lui adresser un regard. Dans ses yeux, je pus lire toute l’incompréhension du monde. Je ne sais combien de temps nous restâmes ainsi, à nous fixer sans prononcer le moindre mot, comme si cela risquait d’avoir un impact sur la suite des évênements.
Finalement, après un temps qui me parut infiniment long et à la fois bien trop court, Alakhiel posa sa main libre sur ma joue, sans pour autant lacher mon poignet et, son regard ancré au mien, il demanda d’une voix tremblante :
- Pourquoi ?… Pourquoi ce baiser, Ezekiel ?
A cette question, je pris peur. Pouvais-je vraiment lui avouer mes sentiments ? Aurais-je le courage de continuer à le cotoyer en sachant qu’il ne ressentait rien pour moi ? Prit d’un terrible doute, je tentais de retirer ma main de la sienne. Mais Alakhiel semblait avoir deviner mes intentions car il rafermi sa prise autour de mon poignet, refusant de me laisser partir. Furieux, je lui adressais un regard assassin, lui promettant silencieusement mille morts s’il ne me lachait pas, mais soutenant mon regard, il résista.
- Dis-moi pourquoi, Ezekiel… Demanda-t-il à nouveau de cette voix emprunte de douceur qui me troublait profondément.
- Parce que je t’aime, Alakhiel ! M’exclamais-je alors, à la fois troublé et écoeuré par la douceur dont il faisait preuve à mon égard, sachant pertinement que lorsqu’il saurait, il ne réagirait plus qu’avec mépris envers moi.
Un silence de mort accueili mes paroles, alors qu’Alakhiel posait sur moi un regard empli de surprise et d’incrédulité. Ne supportant plus davantage de le voir ainsi, m’attendant à tout instant de le voir éclater de rire face à mon aveu, je retirais si vivement ma main de la sienne qu’il n’eut pas le temps de la rattraper et dans un geste si vif qu’il ne réagit que trop tard, je quittais la pièce, fuyant loin du regard de ma créature. Pour la première fois de ma vie, je fuyais la présence d’Alakhiel. Pour la première fois de ma vie, j’étais incapable de lui faire face et de soutenir son regard, d’assumer ce que j’étais et mon amour pour lui.
Courant sans même regarder où j’allais, c’est à peine si j’entendis les cris désespérés d’Alakhiel m’appelant par mon prénom. La seule chose qui m’importait à cet instant, c’était de fuir. Ignorant le sentiment de lâcheté qui m’envahissait un peu plus à chaque pas, je continuais de courir, souhaitant mettre le plus de distance possible entre lui et moi. Je ne m’arrêtais que lorsque je m’effondrais sur le sol, mes jambes encore trop faibles refusèrent d’aller plus loin. Allongé sur le sol humide, le visage maculé de terre et des feuilles mortes pleins les cheveux, je me sentais plus lamentable que jamais. Laissant alors libre court aux sentiments tous plus contradictoires qui m’étreignaient le coeur, je me mis à hurler, des sanglots incontrôlables venant se mêler à mes hurlements.
J’avais besoin d’évacuer toutes ces émotions, ses sentiments qui me tourmentaient. Misérablement, je me mis à maudire cette nuit durant laquelle mon destin m’avait fait croiser la route d’Alakhiel. Cette nuit où, durant un instant de faiblesse, je décidais d’épargner celui qui est aujourd’hui ma créature, au lieu de simplement le tuer comme j’avais tué des milliers de personnes avant lui.
Finalement, je dus m’endormir car lorsque je repris conscience, l’aube n’était plus très loin. Je n’avais aucune envie de retourner auprès de ma créature, sentant la honte me gagner en repensant à ce qui s’était passé un peu plus tôt. Cependant, je n’avais pas le choix. Le jour allait se lever d’un instant à l’autre et ne connaissant pas les environs, je n’avais d’autre choix que de retourner sur mes pas.
Lorsque je franchis le seuil de la porte, au bord de l’évanouissement, les effets de l’aube s’accumulant à mon manque de sang et mon état de santé encore instable, je fus accueillis par une gifle monumentale qui résona longuement à mes oreilles.
- Non mais ça va pas ! Rugit Alakhiel apparament furieux pour une raison quelconque. Non mais, tu imagines la trouille que j’ai eu en ne te voyant pas revenir ?! Refais-moi ce coup là encore une fois, Ezekiel, et je te tue !
Les mots de ma créature résonnaient à mes oreilles comme des sons inintelligible alors que je me sentais pris d’un violent vertige. Avant que je ne réalise ce qui se passait, je sombrais dans l’inconscience.
Je n’aurai su dire combien de temps s’écoula avant que je ne reprenne conscience, tiraillé par une faim dévorante. Alors que j’ouvrais les yeux, je tombais nez à nez avec Alakhiel qui, visiblement, avait l’air plus que furieux.
- Tu as de la chance d’être aussi mal en point ! Siffla-t-il, menaçant. Sans quoi, je t’aurai déjà étripé de mes propres mains ! Tu as intérêt à avoir une bonne… Une très bonne excuse pour cela !
- Arrête de me persifler dans les oreilles ! Grognais-je en me retournant sur le côté opposé, n’ayant aucune envie de lui faire face. Je suis pas d’humeur à écouter tes jérémiades.
- Mes jérémiades ? Répéta Alakhiel, outré. Tu étais à demi mort sur le pas de la porte Ezekiel ! Explosa-t-il, ivre de colère.
- Et alors ? M’exclamais-je en me retournant, ignorant le vertige qui m’assaillait. Ma vie ne te regarde pas ! Ne te crois pas posséder tous les droits sur moi, Alakhiel parce que je ne le tolèrerais pas ! Je suis le seul et unique maître de mon destin ! Et je vis ma vie comme il me plait !
- Et quel glorieux destin ! Ironisa Alakhiel en croisant les bras sur sa poitrine, signe de son mécontentement.
- Si tu es là uniquement pour me faire la morale, je te prierai de partir, soupirais-je, las, en me retournant de nouveau pour lui tourner de dos.
- Ecoute Ezekiel, je suis désolé… Soupira Alakhiel en se radoucissant. Je n’aurai pas du te parler comme ça… C’est la peur qui m’a fait dire des choses que je ne pense pas forcément…
Je ne répondis rien à celà, n’ayant pas envie d’entamer encore une fois une conversation stérile qui se terminerait immanquablement par une dispute de plus. J’étais fatigué de toujours faire en sorte que tout aille bien, qu’il ne remarque rien de ce que je ressentais vraiment au fond de moi. Certains jours, la vie, si je pouvais appeler ça comme ça, que je menais semblait ne plus avoir aucun goût. Plus rien n’avait autant d’attrait qu’auparavant.
- Tu peux te retourner s’il te plait ? Demanda-t-il alors. J’aime bien voir la personne à qui je parle… Ezekiel…
Je restais sourd à ses supplications dans l’espoir de le voir abandonner et partir. C’était, cependant, sans compter sur la détermination de ma créature qui, n’y parvenant pas ainsi, se leva et m’emjamba pour s’asseoir face à moi. Je fermais alors les yeux, dans l’espoir vain de le voir se dissuader. Mais la seule réaction qu’il eut fut de soupirer bruyament.
- T’es pire qu’un gamin quand tu fais ça, tu le sais ?
Pour toute réponse, je me recroquevillais sur moi-même et me tournais une fois de plus, tandis qu’Alakhiel émit un profond soupir de lassitude. A mon grand soulagement, il n’insista pas, préférant garder le silence. Alors que je fermais les yeux, je sentis le matelas s’affaisser derrière moi à l’instant où il s’allongeait tout contre moi, son corps épousant parfaitement les formes du mien.
- Cesse de m’ignorer, Ezekiel, souffla-t-il d’une voix emprunte d’une pointe de tristesse. Regarde-moi… S’il te plait…
Cependant, estimant m’être assez humilié devant lui ces derniers temps, je restais immobile et impassible, hermétique à ses suplications. Et c’est avec un soulagement non feint que je sentis Alakhiel rendre les armes. Pendant ce qui me sembla un temps incroyablement long et court à la fois, il resta parfaitement silencieux. Seul le bruit de nos deux respirations venaient troubler le silence de la nuit. Puis, comme si rester silencieux plus longtemps lui était impossible, Alakhiel reprit, dans un murmure si faible que je dus tendre l’oreille pour l’entendre :
- Est-ce que tu pensais réellement ce que tu m’as dit ?
Je restais un long moment silencieux avant de finalement répondre, sans pour autant lui faire face :
- Pourquoi l’aurais-je dit si je ne le pensais pas ? Déclarais-je simplement, d’une voix atone. Je ne suis pas du genre à parler pour dire des choses inutiles, et encore moins à étaler mes sentiments… Tu devrais t’en être rendu compte depuis le temps ! Ajoutais-je, avec une pointe de sarcasme.
- Je ne sais jamais à quoi m’attendre avec toi ! Répliqua-t-il aussitôt, comme vexé par ma remarque.
Je ne répondis rien, n’ayant ni la force, ni l’envie nécéssaire pour me plonger dans une vaine discussion qui ne servirait à rien d’autre qu’à élargir le gouffre qui nous séparait déjà. Soupirant de lassitude, je fermais les yeux, esapérant ainsi le voir renoncer à ses questions. Je crus y être parvenu lorsque je le sentis se coller à moi, son intimité frottant contre mes fesses d’une façon qui n’avait rien d’innocente. Aussitôt, je me tendis, attendant la suite non sans appréhension. Que croyait-il être en train de faire ? Lorsque mes craintes s’avérèrent justifiées, sa main venant se glisser sous ma chemise pour se faufiller dans mon pantalon tandis que sa langue léchait sensuellement mon cou, je me dégageait rapidement de l’étreinte de ma créature. Lui adressant un regard empli de haine, je crachais avec mépris, tentant de dissimuler au mieux la honte et la déception qui venait de s’emparer de moi :
- Je ne veux pas de ta pitié Alakhiel !
- De la pitié ? Répéta Alakhiel avec dégoût. Tu crois que je fais tout cela par pitié ?
- Pour quelle autre raison le ferais-tu ? Répliquais-je. N’est-ce pas toi qui m’a repoussé l’autre fois en prétendant que je t’utilisais ?
A ma grande satisfaction Alakhiel ne trouva rien à redire à cela. Profitant de son instant d’interdiction, je quittais la pièce l’abandonnant à ses réflexions. Cependant, encore trop affaibli, je ne pus aller bien loin. Titubant, je ne dus mon salut qu’à la présence d’un meuble taillé dans un bois massif contre lequel je pris appuis le temps de calmer la douleur qui m’étreignait. La respiration haletante sous l’effort que je déployais, je me dirigeais lentement vers la pièce la plus éloignée de celle où se trouvait Alakhiel. Là, je me laissais lamentablement tomber sur le lit avant de me recroqueviller en position foetale.
Durant un temps qui me parut à la fois bien trop court et à la fois interminable, je restais ainsi immobile, songeant à la façon dont ma vie avait si brusquement prit un chemin auquel je ne m’attendais pas. Revoyant ma propre déchéance, je me maudissais d’être tombé si bas. Plongé dans mes pensées, je n’entendis pas la porte s’ouvrir, pas plus que les pas d’Alakhiel qui s’approchait lentement du lit où je me trouvais. Si bien que je ne me rendis compte de sa présence dans mon dos que lorsqu’il prit la parole :
- Tu me fais un peu de place ?
A contrecoeur, j’accédais à sa requête et me déplaçais sur un côté du lit. Sans un mot, Alakhiel prit place derrière moi, enfouissant son visage dans mon cou. Réprimant un frisson de bien-être à ce contact, je restais complêtement immobile, pas disposé à faire le premier pas, ni même à lui rendre la tâche plus aisée. Alakhiel dut le comprendre, car s’éloignant légèrement de moi, il émit un soupir de lassitude. Puis, après un court instant d’hésitation, il déclara :
- Je suis désolé… Souffa-t-il.
- Pourquoi tu as fait ça ? Demandais-je, après plusieurs secondes de silence, finalement vaincu par la curiosité en l’envie de comprendre qui me rongeait.
- Je ne sais pas, avoua piteusement ma créature. Mais ce n’était pas par pitié ! S’empressa-t-il d’ajouter. Je ne saurais pas t’expliquer pourquoi mais je… C’est comme un besoin inpétueux, là, dans mes veines… Je ne sais pas… Je ne comprend pas… Je… Je t’ai mentis, Ezekiel… Quand je t’ai repoussé…
A ces mots, je me tendis imperceptiblement. Que voulait-il dire ? Qu’étais-je censé comprendre à cet aveu ? Et s’il le voulait autant que moi, pourquoi diable m’avait-il repoussé ? Parfaitement immobile, je ne fis aucun commentaire, faisant comprendre à Alakhiel que j’attendais la suite.
- Je… Je te veux autant que toi, Ezekiel, souffla-t-il. Mais je… Je ne veux pas de sexe afin d’assouvir une pulsion animale… Je veux que… Je veux que tu me fasse l’amour, Ezekiel… Je veux me sentir aimé…
Sous le coup de la surprise, ne m’attendant pas le moins du monde à une telle confession, j’oubliais ma rancoeur envers ma créature et me retournais pour lui faire face.
- Quoi ? Murmurais-je, craignant que mon esprit ne me joue des tours.
- Tu as très bien entendu, Ezekiel, souffla Alakhiel en esquissant un sourire tandis que de sa main, il caressa tendrement ma joue. Prouve-moi que tu m’aimes vraiment…
- Je… Je n’ai jamais fait ça, avouais-je à mon tour, réalisant alors que jamais j’avais toujours cédé aux plaisirs de la chair sous l’effet du désirs et de pulsions charnelles, mais jamais en ayant ressentit pour mon partenaire quelconque sentiments. Je n’ai jamais aimé personne, Alakhiel… Je ne sait rien de tout ça… Tu me demandes l’impossible…
- J’ai confiance en toi, Ezekiel, souffla ma créature en m’adressant un tendre sourire.
Sans me laisser le temps de répondre, il se pencha vers moi, lentement, sans rompre le lien visuel qui nous liait. Puis, avec une douceur telle qu’il n’avait encore jamais fait preuve jusqu’à maintenant, ses lèvres se posèrent sur les miennes en une caresse éthérée, aussi douce qu’un souffle de vent. A cet effleurement, un frisson de bien être traversa mon corps tout entier et lâchant un soupir de satisfaction, j’entrouvris les lèvres en une invitation explicite. Toujours avec cette retenue qui le qualifiait, Alakhiel glissa sa langue entre mes lèvres. Lorsque nos langue se rencontrèrent, je sentis un violent frisson me traverser l’échine. Prenant alors le contrôle du baiser, je l’entraînais dans un ballet affreusement sensuel qui lui arracha un soupir de contentement.
Electrisé par ce son si déléctable, je glissais alors mes mains dans son dos et l’attirait davantage tout contre moi, mettant à bas la faible distance qui nous séparait encore. Un faible gémissement s’échappa alors des lèvres de mon amant et je me sentis pris d’un violent frisson de désir à l’entente de ce son si érotique. Mettant fin au baiser, j’enfoui mon visage dans son cou et respirant à plein nez, je m’enivrai de son odeur si particulière que j’aimais tant. Du bout des crocs sans chercher à percer sa peau, je le mordillais délicatement avant de lécher sa peau malmenée le faisant se cambrer sous moi tandis que ses mains se faufillaient sous ma chemise.
Lorsque ses doigts effleurèrent ma peau je ne pus réprimer un énième frisson de plaisir. Tout mon être tremblait de désir alors qu’une chaleur ô combien agréable venait prendre naissance dans mes reins éveillant tout mon corps au plaisir grandissant.
Abandonnant le cou de ma créature, je me redressais alors et nous faisant rouler, je l’allongeais délicatement sur le matelas, prenant place au dessus de lui. Confiant, il me souriait. Incapable de lui rendre son sourire, je me contentais de l’observer un instant, avant de partir à la redécouverte de ce corps qui m’avait tant manqué. Fébrilement, j’entrepris d’ouvrir la chemise d’Alakhiel afin d’élargir mon champ d’action. Lorsque finalement je parvins à défaire le dernier bouton, j’ouvris grand sa chemise afin d’exposer la beauté de son torse puissant à mon regard. Face à tant de perfection, je restais un instant immobile, le souffle coupé. Il était magnifique, ainsi offert, me renvoyant une image des plus sensuelles.
Le coeur battant, je lui écartais les jambes afin de m’agenouiller entre ses cuisses. Puis, incapable de résister à l’appel de son corps, je me penchais vers lui, prenant soin d’effleurer son bas ventre avec le mien, alors que mes mains allaient s’ancrer sur ses hanches et que mes lèvres redessinaient les courbes et les vallées de son torse. Avec une passion que je ne me connaissais pas, j’entrepris de réapprendre les courbes de son corps. Tandis que je me déhanchais lentement tout contre son aine, lui arrachant des soupirs de bien être, je mordillais le bouton de chair de son sein gauche, alternant entre morsures délicates et coups de langue éffrontés.
Allanguis sous moi, les yeux fermés, Alakhiel semblait totalement abandonné, ses mains crispées dans les longues mèches de ma chevelure ébène. Intérieurement, je ne pus m’empêcher de le trouver incroyablement beau. Je voulais qu’il m’appartienne, qu’il soit mien pour l’éternité…
Je passais un temps incroyablement long à attiser son désir et son plaisir, léchant, mordillant, caressant la moindre parcelle de peau nue qui s’offrait à moi. La lenteur de mes déhanchements s’était muée en un rythme un peu plus soutenu lorsque j’avais sentis le sexe d’Alakhiel gonfler et durcir sous mes soins en même temps que mon intimité. Le souffle erratique, usant de toute la force de ma volontée pour ne pas retourner Alakhiel et le prendre immédiatement, je m’allongeais sur lui, tressaillant lorsque sa langue vint effleurer la peau de mon cou, le léchant avec délicatesse.
Soudain, sans que je ne puisse réaliser ce qui se passait, Alakhiel inversa nos positions d’un habile coup de rein et je me retrouvais à sa place, alors qu’agenouillé entre mes jambes honteusement écartées, il me souriait avec malice. Au souvenir de notre dernière union, je ne pus retenir l’accélération de mon rythme cardiaque alors qu’une peur sans nom s’insinuait dans mes veines. Semblant s’en rendre compte, Alakhiel se pencha vers moi et de son index, il effleura mes lèvres entrouvertes sur une protestation muette :
- Chuut… Souffla-t-il. Ne craint rien… Fais-moi confiance…
Rassuré par ce que je pouvais lire dans ses yeux, je finis par me détendre. Voyant cela, Alakhiel m’adressa un sourire empli de tendresse et se penchant davantage sur moi, il s’empara de mes lèvres pour un baiser des plus tendre, achevant de m’apaiser.
Puis, comme je l’avais fait pour lui un peu plus tôt, il laissa sa langue parcourir mon visage pour s’aventurer dans mon cou, alors que de ses doigts agiles, il bataillait pour déboutonner ma chemise avant d’exposer mon corps à son regard appréciateur. Sans que je ne sache pourquoi, le voir m’observer avec cette convoitise qui faisait briller son regard gonfla mon coeur d’un sentiment d’allégresse. Je ne saurais dire combien de temps il passa à me faire subir la plus exquise des tortures, alors que sa langue passait et repassait sur mon torse, s’arrêtant parfois sur mes boutons de chair durcis par le plaisir qui m’incendiait de l’intérieur.
Après un baiser des plus passionnés mais toujours emplis d’une tendresse encore inégalée, il m’adressa un regard malicieux qui m’enflamma plus que je ne l’était déjà. Sans détourner son regard du mien, il descendit au niveau de mon entrejambe. Là, il entrepris de me retirer mon pantalon, prenant un soin tout particulier à effleurer mon intimité douloureusement tendue à chaque mouvement, m’arrachant moult soupirs et gémissement plaintifs. Très vite, je me retrouvais entièrement nu et exposé à son regard inquisiteur. Fermant les yeux sous l’effet du plaisir qui me consumait de l’intérieur, j’entamais inconsciement un déhanchement lascif. Sentant les mains d’Alakhiel quitter mon corps, je poussais un feulement de protestation et ouvrit les yeux. A travers le voile de plaisir qui me brouillait la vue, je crus voir Alakhiel qui m’adressait un sourire malicieux.
L’instant d’après, je criais de plaisir lorsqu’il prit en main mon sexe brûlant. Crispant mes doigts dans ses cheveux, je tentais de lui faire comprendre d’aller plus loin. Cependant, il restait obstinément immobile, n’esquissant aucun geste, se contentant de garder mon érection dans sa main.
- Qu’est-ce que tu veux Ezekiel ? Murmura-t-il d’une voix terriblement excitante. Est-ce que c’est ça que tu veux ? Ajouta-t-il en léchant le bout de mon intimité, me faisant me cambrer violemment sous l’effet du plaisir. Tu veux ma langue et ma bouche là ? Reprit-il en réitérant son geste.
- Oh mon Dieu ! Oui ! M’exclamais-je vivement, assailli par une violente vague de plaisir que je n’avais pas sentie arriver.
Visiblement satisfait de ma réaction, Alakhiel accéda finalement à ma requête muette et sans la moindre trace de pudeur, il me prit en bouche, entourant mon érection douloureuse entre ses lèvres chaudes. Sous l’afflux de plaisir qui s’empara de moi à cet instant, je ne pus retenir un cri de plaisir à l’état pur. L’instant suivant, Alakhiel entamait un va et vient cadencé sur mon érection tout en m’empêchant le moindre mouvement, ses mains fermement ancrées sur mes hanches. Alternant entre des va et vient affreusement lents qui me mettaient au supplice et un rythme beaucoup plus cadencé, il me conduisit bientôt aux portes de la jouissance. Et alors que j’atteignais le stade ultime de la jouissance, il cessa subitement tout mouvement et libéra mon sexe tendu à l’extrême et affreusement douloureux, de sa prison humide, m’arrachant un sanglot de frustration.
L’instant d’après, je sentis son souffle sur mes lèvres entrouvertes. Cependant, encore assez lucide pour lui faire par de mon mécontentement, je détournais la tête au dernier moment, esquivant ainsi le baiser qu’il voulait me donner. Alakhiel n’ayant visiblement pas prévu cela, je sentis ses lèvres se poser sur ma joue avec une tendresse infinie et sans que je ne sache pourquoi, ce baiser loupé me fit bien plus d’effets qu’un baiser sur les lèvres. Sans m’en rendre compte, affreusement gêné, je sentis mes joues déjà rougies par le plaisir virer à l’écarlate alors qu’une bouffée de chaleur s’emparait de moi. Je priais intérieurement qu’Alakhiel n’ait rien remarqué à mon trouble, mais à entendre le rire discret qui s’échappa de sa gorge, je sus qu’il n’avait rien manqué du spectacle que je venais de lui offrir. Honteux de ma réaction infantine, je fermais les yeux.
- C’est mon baiser loupé qui te trouble à ce point ? Demanda-t-il.
Au son de sa voix, je su qu’il souriait encore en me posant la question. Terriblement dérouté par cette marque d’affection aussi innocente qu’inattendue, je ne répondis rien. Face à mon manque de réaction, il se redressa afin de pouvoir prendre mon visage entre ses mains. Là, m’obligeant à le regarder, il déclara sans se départir de la tendresse dont il faisait preuve depuis le début :
- Je n’aurais jamais cru te voir aussi intimidé par un simple baiser…
Puis, semblant comprendre que le sujet me mettait mal à l’aise, il m’embrassa du bout des lèvres, me volant un baiser furtif avant d’ajouter, son sourire malicieux faisant place à un air grave et sérieux :
- Maintenant, je veux que tu me prennes, souffla-t-il d’une voix rauque de désir. Je veux que tu me fasse tien… Mais, je veux que tu le fasse avec douceur… S’il te plait… Tout en douceur… Comme tu as fait jusqu’à maintenant…
Sans attendre de réponse de ma part, il inversa de nouveau nos positions et je me retrouvais sur lui. A mon tour, je lui volais un tendre baiser qui le fit sourire et au comble de l’excitation, j’entrepris de ré-éveiller son plaisir. Arrivant au niveau de son ventre, je laissais ma langue aller visiter son nombril dans une parfaite reproduction de l’acte sexuel qui le fit crier de plaisir, tandis que mes mains s’affairaient à lui oter son pantalon. L’instant d’après, il était nu et entièrement exposé à mon regard appréciateur.
Galvanisé par la vue de toute beauté qui s’offrait à moi, je ne pus retenir un gémissement d’anticipation à l’idée que ce corps si parfait soit bientôt mien. Brûlant de désir et au comble de la frustration, je portais alors trois doigts à mes lèvres, tandis que de ma main libre, j’imprimais un lent va et vient sur l’intimité de mon amant qui gémissait et se tortillait sous l’effet du plaisir.
Les yeux rivés sur Alakhiel, c’est avec surprise que je le vis se redresser, écartant les jambes pour les enrouler autour de ma taille alors qu’il passait un bras autour de mon cou pour se rapprocher de moi. Là, de sa main libre, il attrapa mon poignet et me força à retirer mes doigts de ma bouche, tout en m’adressant un sourire mutin. Puis, sans se départir de son sourire, il entrepris de lécher mes doigts un par un, avant de les prendre entre ses lèvres avec une sensualité qui m’arracha un gémissement de frustration face à cette vision des plus érotiques.
Après un temps qui me parut incroyablement long, il libéra mes doigts et le souffle erratique sous l’effet du plaisir qu’il ressentait, il gémit :
- Maitenant Ezekiel… S’il te plait…
Comme pour appuyer ses paroles, il esquissa un mouvement de va et vient dans ma main toujours enroulée autour de son érection. S’agenouillant sur mes cuisses, il prit ma main et la guida jusqu’à l’entrée de son intimité, m’intimant explicitement à le préparer. Accédant à sa requête informulée, tiraillé par un désir douloureux, je ne me fis pas prier, et avec une délicatesse que je ne me connaissais pas, j’entrepris de le préparer à ma venue iminante. Fébrilement, j’insinuais délicatement un premier doigt en lui, guettant le moindre signe de douleur. Cependant, ne détectant rien que du plaisir sur son visage, j’accélérais la cadence et insérais toujours aussi précautioneusement un second doigt en lui. Si le premier entra sans douleur, il n’en fut pas de même pour le second et bientôt, les traits d’Alakhiel se crispèrent sous la douleur occasionnée.
Instantanément, je cessais tout mouvement, lui laissant un temps d’adaptation. Et au bout de quelques secondes, ce fut lui qui reprit le mouvement, s’empalant sur mes doigts. Délicatement, j’esquissais alors un mouvement de ciseaux dans le but de détendre ses chairs au maximum. Bientôt, il ne fut plus que cris et gémissements de plaisir, me suppliant de me dépêcher.
Troublé par tant d’abandon de sa part, je cédais cependant à ses supplications et insérais le troisième et dernier doigt en lui. Sous l’intrusion, Alakhiel ne put retenir un cri de douleur et comme précédement, je stoppais immédiatement tout mouvement. Le remerciant, je l’embrassais délicatement sur les lèvres et ce fut à son tour de m’adresser un regard surpris.
Je ne le relevais pas, sachant pertinament que je ne saurais expliquer mon geste. A la place, j’enfoui mon visage dans son cou et afin de l’aider à surmonter et oublier sa douleur, j’entrepris de l’embrasser un peu partout, mordillant doucement la peau délicate de son cou. Cela sembla faire son effet car bientôt, Alakhiel esquissa de lui-même un mouvement de va et vient, s’empalant sur mes doigts. L’instant d’après, ses cris de plaisir vinrent innonder la pièce. En sueur, le souffle court, il haletait mon prénom.
Le jugeant suffisament préparé, au comble de la frustration, je retirais mes doigts de son intimité, lui arrachant ainsi un sanglot de protestation. De mon côté, je devais user de toute ma volontée pour ne pas le prendre immédiatement lorsqu’Alakhiel prit mon érection entre ses doigts et me guida à l’entrée de son intimité. Etouffant un gémissement de plaisir, je le saisis par les hanches, l’aidant à se soulever et l’instant d’après, je me sentis happer entre les chairs brûlante et nous criâmes à l’unisson. Sous l’effet du plaisir qui m’incendiait les reins, je ne pus me retenir plus longtemps et le pénétrais entièrement.
Je sentis Alakhiel se cambrer et je n’aurais su dire si le cri qu’il poussa était du à la douleur ou au plaisir qu’il ressentit sous mon intrusion. Haletant, le front recouvert de sueur, il ancra son regard au mien et, un sourire à la fois tendre et amusé, il déclara :
- Tu me sembles bien pressé…
Pour toute réponse, j’émis un grognement sourd et esqissais un lent et langoureux déhanchement qui arracha un gémissement à mon amant. Durant un temps qui me parut interminable, je tentais de garder un rythme lent, mais bientôt, je finis par céder, à bout de patience. Entourant mes bras autour de la taille de mon amant, je l’allongeais délicatement sur le matelas et sous son sourire satisfait, je lachais les rênes de mon plaisir, accélérant la cadence de mes coups de rein.
Très vite, les gémissements d’Alakhiel se transformèrent en cris qui emplirent la chambre, résonnant comme la plus belle des mélodies à mes oreilles. Au bord de la jouissance, consumé par un plaisir que je n’avais encore jamais ressentis auparavant, c’est à peine si j’avais encore entièrement conscience de mes actes. La seule chose qui importait, était le plaisir fulgurant qui menaçait de nous faucher à tout instant. Avant que je ne réalise entièrement ce qui se passait, je plantais mes crocs dans le cou de ma créature, sentant à peine Alakhiel faire de même de son côté.
Electrisé par le plaisir intense qui me consumait de l’intérieur additionné au goût suave du sang d’Alakhiel qui coulait dans ma gorge, j’accélérais encore le rythme de mes pénétrations. Puis, dans un ultime coup de rein, je sentis Alakhiel se contracter sous moi et, dans un cri de pur plaisir, il se libéra entre nos deux corps étroitement enlacés. Je le suivis quelques secondes plus tard. Le sentant se contracter autour de moi, je finis par jouir à mon tour et dans un ultime coup de rein, je criais le prénom de mon amant en me libérant en lui.
Haletant, le corps recouvert d’une fine péliculle de sueur et parcourut de spasmes de plaisirs, je me laissais lourdement retomber sur Alakhiel qui, un sourire tendre étirant ses lèvres, m’accueillit entre ses bras.
Je ne saurais dire combien de temps nous restâmes ainsi enlacés, retrouvant lentement un rythme cardiaque normal. Aucun de nous deux ne brisa le silence qui nous enveloppait, encore sous le coup des violentes émotions qui s’étaient emparées de nous. La tête posée sur la poitrine d’Alakhiel, ma main caressant distraitement son sein droit, je finis par me laisser aller à fermer les yeux, gagné par une douce torpeur, bercé par la respiration de ma créature et la douceur de ses doigts qui caressaient ma chute de rein.
Alors que je me laissais aller à fermer les yeux, ivre de l’odeur de mon amant qui m’emplissait les narines, je sentis les mains d’Alakhiel se faire un peu plus entreprenantes. Lentement, ses caresses gagnèrent du terrain, s’excursant un peu plus longuement sur mes fesses. Réprimant mon instinct qui me criait de m’éloigner, je ne bougeais pas. Cependant, lorsque ses caresses se firent un peu trop insistantes et plus prononcer que je ne saurais l’accepter, semblant sentir mon mal aise, il déclara tendrement :
- Détend-toi ! Je ne vais rien te faire… Mais… L’amour c’est aussi ça, Ezekiel… L’amour c’est la confiance mutuelle qui lie deux personnes… Tant que tu sursautera de peur à chaque fois que je te toucherai là, comme ça, reprit-il en joignant le geste à la parole, me faisant sursauter, c’est que tu n’aura encore pas suffisament confiance en moi… Que quelque part au fond de toi, tu refuses de te donner entièrement et de te laisser dominer…
- Personne ne me dominera jamais ! Grondais-je alors en lui adressant un regard lourd de menaces.
- Parce que tu associes le mot “dominer” avec ce que t’as fait subir Da… Ton créateur, se reprit-il au dernier moment. Tu associes ce mot aux tortures et à la douleur qui l’accompagnaient quand il te prenait contre ta volonté… Tu dois ta réticence aux viols que tu as subis… Mais je t’assure que lorsque c’est fait avec amour… Avec tendresse, c’est complêtement différent… Tu a beau être un amant hors pair, crois-tu sincèrement que je crirais comme ça si je ne ressentais pas de plaisir ? Demanda-t-il en s’empourprant.
- Et puis, ajouta-t-il, malicieux. C’est pas parce que tu me prends que tu es forcément dominant…
- Qu’est-ce que tu sous entends par là ? Demandais-je d’un ton bourru.
- Que je te tien par le bout du nez ! Répondis Alakhiel en un éclat de rire.
Un sourire narquois étirant mes lèvres, je plantais mon regard dans le sien et répondis :
- Tu veux parier ?
Et sans lui laisser le temps de répondre quoi que ce soit, je m’emparais voracement de ses lèvres pour un baiser enflammé. Très vite, le feu du désir renaquit en nous, et comme Alakhiel l’avait fait pour moi un peu plus tôt, je lui offris une fellation qui, si j’en croyais les gémissements et cris de plaisir de ma créature, le mena plus haut que le septième ciel. Après quoi, satisfait de l’entendre me supplier, je le pris de nouveau, encore et encore. Nous fîmes l’amour toute la nuit et jamais je ne m’étais sentis aussi bien entre ses bras. C’était comme si quelque chose avait changé entre nous, comme si un lien invisible et cependant indestructible nous avait unis l’un à l’autre pour l’éternité. Jamais je n’aurai pu être plus proche de la vérité…
A suivre…