Archive de février, 2013

28
fév

Beyond the invisible - chapitre 11 part 01

   Ecrit par : admin   in Beyond the invisible

Chapitre 11 par Lybertys

Shanenja aboya bruyamment lorsqu’il rencontra Cobalt, courant joyeusement vers lui. Cependant, je l’occultais de mon monde, toute mon attention étant prise par l’homme qui était en train de regarder Gabriel trahissant une familiarité déconcertante, comme s’il le connaissait parfaitement.

- Bonjour petit prince, ajouta le jeune homme avec un sourire.

C’est à ces derniers mots que Gabriel changea du tout au tout. Comme figé, il le regardait alors que celui-ci se contentait de l’admirer avec cette lueur dans le regard qui me déplaisait. Il connaissait Gabriel, et j’avais peur de comprendre de qui il s’agissait. Amusé par la réaction de Gabriel que je ne pouvais percevoir étant dos à moi, l’homme finit par dire à Gabriel :

- Et bien, tu ne dis plus bonjour ?

Alors que Gabriel portait toute son attention sur lui, un large sourire vint se dépeindre sur le visage de son vis-à-vis alors qu’il le regardait avec tendresse et amusement. Mon cœur s’emballa, créant une douleur plus sensible dans ma poitrine, j’avais compris… Si l’homme que j’avais aimé était mort, ce n’était pas le cas de l’ami d’enfance de Gabriel qui avait fini par le retrouver. Gabriel accourut vers lui pour se jeter dans ses bras tendus vers lui, en sanglotant bruyamment :

- Oh mon Dieu… C’est toi… C’est bien toi, sanglota-t-il sans parvenir à se contrôler. Tu m’as tellement manqué.

Le jeune homme se pencha vers l’oreille de Gabriel et lui murmura des paroles similaires. J’assistais impuissant à leur retrouvailles, coupant de ce que nous étions en train de vivre avec Gabriel. De plus, voir ainsi Gabriel dans les bras d’un autre était plus dur que je ne l’aurais cru. Ce Kay arrivait au mauvais moment, l’éloignant de moi plus qu’il n’était déjà le cas ; le pire étant que j’étais impuissant face à ma propre défaite. Je réalisais trop tard l’ampleur de mon geste et la portée de ce que je n’avais pas fait hier soir. J’aurais du le prendre dans mes bras, réagir…

Au lieu de cela, j’avais laissé Gabriel s’éloigner de moi comme je l’avais fait ces derniers jours, et il semblait que j’allais à mon tour en payer le prix. La main de Kay frottait le dos de Gabriel avec une familiarité déconcertante. Son regard croisa le mien un court instant, je ne pus que le fixer avec un air glacial.

Il lui murmura de nouveau quelque chose à l’oreille et Gabriel s’empressa de lui répondre entre deux sanglots.

Leur échange de murmures non audible dura un moment que je jugeais trop long, mais je n’avais pas mon mot à dire, surtout maintenant, après ce qui venait de se passer. Ce fut certainement le baiser dans les cheveux de Gabriel de la part de Kay qui me parut de trop et qui me fit craquer, déjà honteux de la réaction que je pourrais avoir lors de notre échange.

- Gabriel ? Tu ne nous présentes pas ? Demandais-je, sans parvenir à faire taire la pointe de reproche au milieu de laquelle ma jalousie transparaissait.

C’est à contrecœur que Gabriel sembla s’arracher à l’étreinte de Kay, et n’osant croiser mon regard, il entreprit de nous présenter bien que nous sachions tous deux parfaitement à qui j’avais affaire :

- Juha, je te présente Kay, mon ami d’enfance dont je t’ai déjà parlé… Kay, voici Juha, mon… Mon.. ?

- Son amant, répondis-je froidement à sa place sans parvenir à me contrôler.

La tension monta lourdement lorsque nous échangeâmes une poignée de main courtoise mais extrêmement froide. Mais cela ne m’empêcha pas de ressentir ce que j’avais trop peur de m’imaginer quelques instants auparavant. Kay débordait d’amour pour Gabriel. Un amour si pur qu’il me désarçonnait, m’envoyant en plein visage ce que Gabriel recherchait désespérément de ma part.

Même la jalousie qu’il éprouvait pour moi était masquée par ce sentiment. Les larmes faillirent me monter aux yeux, mais furent chassées par une colère froide envers ma personne, chose dans laquelle j’avais toujours excellé. Je ne pouvais pas rester, ou j’allais déraper pour de vrai, ou me mettre à pleurer bêtement pour montrer une fois de plus mon mauvais côté à Gabriel. J’étais déjà assez faible à ses yeux pour en rajouter.

- J’vous laisse, j’ai du travail. Ravi d’avoir fait ta connaissance, Kay…

- Moi de même, répondis-Kay, en saisissant la main que je lui tendais, alors que j’avais déjà redressé mes barrières mentales, loin de vouloir retenter l’expérience.

Leur tournant rapidement le dos, je pris le chemin de l’écurie, j’avais du travail en retard, et ce ne serait que dans l’activité physique que je ne penserais pas à tout cela. Cela n’empêcha pas à mes larmes de commencer à rouler sur mes joues, ayant l’impression de le perdre pour de bon en le laissant à cet homme qui l’aimait à ce point. Jamais je n’aurais cru qu’un tel sentiment soit possible.

J’avais retrouvé le même que Killian éprouvait pour moi. Je n’avais jamais cherché à sonder Gabriel à ce sujet, m’obligeant à dresser une barrière descente pour ne pas empiéter sur son âme, et c’était peut être pour cela que j’avais été sourd à sa détresse lorsqu’il m’avait déclaré ses sentiments. Trop concentré sur moi, je m’étais éloigné de lui à l’instant le plus important, oubliant que c’était une étape cruciale pour lui, et l’abandonnant au pire moment. Cela ne faisait que prouver une fois de plus ma faiblesse…

Entrant dans l’un des box qui méritait le plus d’être nettoyé après avoir pris le nécessaire pour le faire, j’entamais mon travail, ravalant mes larmes, me refusant à pleurer pour de bon. Royale for You était une jument assez calme, qui s’écarta pour me laisser la place. Refermant consciencieusement la porte derrière moi, je profitais du silence qui régnait dans l’écurie, les autres devant être devant être occupés ailleurs. Les mains tremblantes, je saisis la fourche et entamais mon travail.

Seulement, mon répits fut de courte durée, deux voix dont une que je ne connaissais que trop bien, me prévenait que Kay et Gabriel n’allaient pas tarder à arriver. Curieux malgré moi, continuant tout de même mon travail, je tendis l’oreille.

- Lorsque j’ai quitté l’orphelinat, le jour de mes dix-huit ans… Ou plutôt, devrais-je dire, quand ils m’ont mi à la porte, j’ai tenté désespérément de savoir où tu étais, mais… Tu semblais avoir… Disparu… Comme si tu n’avais jamais existé que dans mon imagination.

Gabriel fit une pause. J’étais en train d’assister aux retrouvailles de deux hommes qui s’étaient aimés par le passé. Assistant en retrait à cette scène, j’avais l’impression de perdre ma place. J’entendais la voix tremblante de Gabriel et la douleur qui émanait de lui. Mais j’y restais sourd. Depuis que j’avais touché la main de Kay, j’avais eu bien trop peur de sonder à mon tour Gabriel pour découvrir le même genre de sentiments. La voix brisée par l’émotion, Gabriel poursuivit :

-  Je t’ai cherché pendant des jours entiers… Où étais-tu ? Pourquoi ne m’as-tu pas attendu ? Après ça, j’en suis arrivé à te haïr pendant un temps. Je pensais que tu m’avais abandonné toi aussi, que ce que nous avions vécu ensemble tout au long de ses années n’était rien pour toi… Et… Du jour au lendemain, tu réapparais dans ma vie sans que je ne sache ni pourquoi ni comment… Poursuivit-il alors que sa voix se brisait en un sanglot incontrôlable.

Je ne les voyais pas, mais j’étais presque sur que Kay était en train de le prendre dans ses bras en ce moment. D’une voix douce, il commença à parler, me donnant cette désagréable impression d’être maintenant l’ombre noire du tableau :

- J’ai pensé t’attendre, Petit Prince… Je ne vivais que pour le jour où l’on se retrouverait enfin… Mais, plus le temps passait plus je me disais que si nous en étions arrivé là, c’était par ma faute, que tu avais suffisamment souffert à cause de moi… Je voulais que tu puisses avoir une vie normale pour un enfant de ton âge, que tu sois heureux…

- Comment peux-tu dire cela ? Demanda alors Gabriel indigné. Je n’ai jamais été aussi heureux que lorsque tu étais près de moi… Tu étais mon seul ami, Kay… Le seul à avoir prit soin de moi et à m’avoir apporté l’amour que tout le monde me refusait…

- Arrêtes de m’idéaliser, Gabriel ! S’exclama-t-il à son tour. Aurais-tu oublié ce qu’ils t’ont fait subir ? Trois jours… Trois putains de jour ils t’ont laissé enfermer dans cette cave…

Mon cœur se serra, sa douleur et sa souffrance passée, je ne la connaissais que trop bien. C’était celle-là même qui m’avait cruellement déstabilisé et bouleversé lors de notre première rencontre.

En les écoutant, j’en apprenais d’avantage sur le passé de Gabriel, passé qu’aucun homme n’aurait du vivre…

- Comment veux-tu que je l’oubli ? S’emporta Gabriel, blessé. J’en fais constamment des cauchemars… Tu ignores tout de cet enfer que j’ai vécu après ton départ, ajouta-t-il bien plus bas.

- Tu n’avais pas à subir les conséquences de mes actes, reprit Kay, lui aussi, plus calmement.

- J’étais tout aussi coupable que toi, répondit Gabriel.

- Pardonne-moi, souffla alors Kay.

J’avais l’impression d’être le spectateur d’un film qui n’acceptait pas ma présence en tant qu’acteur. J’avais même cessé totalement mon travail pour écouter. Après un silence, Kay ajouta sur un ton plus léger :

- A peine nous nous retrouvons que déjà nous nous crions dessus.

- Comme au bon vieux temps, répondit Gabriel.

Comment aurait réagit Gabriel si Kilian était encore vivant et m’avait retrouvé après toute ses années. Aurait-il sentit cette jalousie le ronger à chaque parole échangé ? Mais surtout, comment aurais-je réagis à sa place… Après un instant de silence, Gabriel repris la parole, me coupant dans mes réflexions :

- Mais ça ne répond pas à ma question.

- Je t’ai vu par hasard à la télévision…Finit par répondre Kay. Je ne savais pas que tu aimais les chevaux.

Ils étaient maintenant assez proches de mon box, mais s’arrêtèrent devant celui d’Orphée.

- Alors c’est lui le fameux Orphée ? Demanda Kay.

Rongeant mon mal en patience, je restais parfaitement immobile, comme si je ne voulais pas trahir ma présence. Après un temps qui me parut interminable, j’entendis Kay :

- Tout à l’heure, tu disais que ce n’étais pas à l’orphelinat qu’ils t’avaient nommé ainsi…

Kay ne termina pas sa phrase. Il en savait plus sur Gabriel et celui-ci se dévoilait à lui comme dans un livre ouvert, rien qui n’arrangeait ma jalousie et ma peine.

- Tu sais mieux que quiconque la manière dont ils m’appelaient là-bas, me hélant ou m’appelant d’une façon dont je n’oserais même pas appeler mon chien… Ca a empiré après que tu sois parti et pas seulement de la part des adultes… Lorsque je suis arrivé ici, naturellement, Philippe m’a demandé mon prénom. Evidement, je suis resté muet, n’en ayant jamais reçu ou si c’est le cas, ne l’ayant jamais entendu… Je te laisse imaginer l’humiliation que j’ai pu ressentir à ce moment… Mais Philippe est vraiment quelqu’un d’extraordinaire… Après m’avoir longuement détaillé, il a décrété qu’il m’appellerait Gabriel parce qu’il trouvait, je cite, “que je ressemblais à un ange avec mes longs cheveux blond platine et mes yeux bleus”…

Après une pause il poursuivit :

- Sans même me connaître, il m’a tout donné… Il m’a offert un nom, ainsi qu’un endroit ou vivre et un travail, le tout en moins d’une heure… Je ne le remercierais jamais assez pour tout ce qu’il a fait pour moi… Je lui dois ce que je suis…

- Tu as l’air de beaucoup tenir à lui, fit remarqué Kay. Et vue la façon dont il parle de toi, c’est réciproque…

- C’est vrai que je tiens à lui, c’est l’un des êtres le plus cher à mon cœur… D’une certaine manière, je vois en lui l’image paternelle que je n’ai jamais eu…

- Oui, je comprends, murmura Kay.

Un nouveau silence s’installa et un profond malaise me prit. Si je connaissais la douleur de Gabriel, si je la ressentais comme si elle était mienne, la partageant à son insu, je n’avais aucune idée précise de tout ce qui l’avait causée.

Pire encore, je m’étais coupé de lui ces derniers jours, me concentrant sur moi, et ignorant ce qu’il avait finit par me dévoiler hier soir en pleine détresse. J’avais eus tellement peur d’aimer quelqu’un à nouveau, et de le clamer haut et fort que j’étais resté sourd et aveugle, me cachant la vérité, et laissant Gabriel à ses tourments.

- Tu veux boire ou manger quelque chose ?

- Je veux bien un verre d’eau, s’il te plait, Gabriel, répondit-il en insistant sur son prénom.

C’est en sortant de l’écurie qu’il m’aperçut, réalisant alors que j’avais été témoin d’une scène qu’il n’aurait souhaité me faire voir. Nos regards se croisèrent un bref instant, avant que Gabriel baisse les yeux honteux. Je venais d’en apprendre sur lui plus qu’il n’avait jamais voulu me réveiller. Le regrettait-il ? Les yeux rivés sur le sol, il finit par poursuivre sa route, suivit de près par Kay qui me toisa d’un regard qui me déplaisait. Ils quittèrent l’écurie sans un bruit, me laissant seul. Déjà maintenant, je me sentais mis à l’écart, alors que je savais en être pour une grande partie responsable…

Mes jambes devinrent soudain très faibles. Sentant que je ne tiendrais plus très longtemps debout affaibli par ses derniers jours, je sortis du box avec les outils, et les laissaient devant, après avoir refermé la porte. Sans faire un pas de plus, je m’adossais contre le mur et m’assis sur la botte de paille. J’étais en train de le perdre… J’étais en train de perdre le seul homme qui comptait pour moi… Fermant les yeux et callant la tête contre le mur, je pris une profonde inspiration pour tenter de me calmer et surtout de ne pas me mettre à pleurer.

- Juha? Qu’est ce qui t’arrive ?

Je sursautais violemment, n’ayant pas du tout entendu Dorian m’approcher et encore moins s’arrêter à quelques mètres de moi. Ouvrant les yeux, je tombais nez à nez sur son visage emplie d’inquiétude réelle à mon égard, le même visage qu’il avait eut lors de notre première rencontre.

- Rien… répondis-je simplement las et fatigué.

S’agenouillant pour être à ma hauteur, il posa ses deux mains sur ses genoux pour se maintenir avant de me dire :

- Je ne t’ai pas vu ces derniers jours, tu étais malade ?

Troublé par ce soudain regain d’intérêt à mon égard, je lui demandais suspicieux :

- Depuis quand tu t’inquiètes pour moi Dorian ?

Baissant les yeux, Dorian répondit après un temps :

- Je tiens à m’excuser pour ce qui j’ai fait ces derniers mois Juha. Je n’ai jamais porté Gabriel dans mon cœur, et quand je t’ai vu aller vers lui, j’ai été… J’ai bêtement été…

- Jaloux ? Poursuivis-je à sa place, comprenant son sentiment plus que tout maintenant.

- Oui… Me confessa Dorian. Aujourd’hui je le regrette sincèrement. Nous aurions pu devenir de bons amis.

Ayant plus que toute peur de la solitude qui allait me peser un peu plus que d’habitude et surtout en ces circonstances, je répliquais :

- Il n’est peut être pas trop tard…

Dorian redressa le visage, m’offrant un sourire qui m’apaisa. J’y répondis faiblement, mais le cœur n’y était pas. Nous nous fixâmes un moment, je pouvais ressentir les sentiments de Dorian et ils attestaient la vérité de ses propos. Puis, semblant se rappeler que nous avions du travail, je me redressais alors que Dorian me demandait :

- Tu as beaucoup de box à faire, et je n’ai rien à faire pour le moment, que dis-tu d’un coup de main ?

- Ce n’est pas de refus, répondis-je en le remerciant.

C’est ainsi que nous abattîmes tous deux une quantité monstre de travail. Ayant retrouvé un peu de force à son contact, je concentrais mon énergie dans le travail, ne voulant penser à ce que m’avait dit Gabriel ce matin, à ce que j’avais appris et surtout à Kay qui était avec lui.

Nous trouvâmes largement de quoi nous occuper ensuite dans le manège couvert, devant remettre en état une partie du bois abimé et qui laissait passer le vent glacé. Le manque de nourriture de ces derniers jours se fit sentir, et je luttais contre la fatigue. Lorsque vers midi et demi passé Dorian me vit vaciller en descendant de l’échelle, Dorian déclara :

- Que dis-tu d’aller manger un bout avec moi, tu sembles en avoir vraiment besoin.

- Oui… Ca ne serait pas refus soufflais-je. Je vais voir si Shanenja va bien et je te rejoins.

- D’accord Juha ! Répondit Dorian. Je suis content de travailler de nouveau avec toi, avoua-t-il avant de me tourner le dos et d’aller au réfectoire.

Une fois dans la cour, Shanenja se jeta sur moi, me poussant déjà avec la force de sa vitalité. Lui offrant de nombreuses caresses et jouant un moment avec lui, je finis par le laisser et pris la direction du réfectoire. Après un détour pour aller me laver les mains, je me rendis dans le réfectoire déjà plein de monde. Je vis aussitôt Gabriel, qui m’invita à aller les rejoindre. Ayant peur de ma réaction face à Kay, mais ne voulant surtout pas le montrer, je me contentais de ne pas y répondre, et j’allais m’asseoir seul à une table. Dorian n’était pas encore là, mais il n’allait pas tarder à me rejoindre. S’il n’avait pas été là, j’aurais de toute façon préféré manger seul. Je préférais éviter de rendre leur repas désagréable, et les laisser à leurs retrouvailles où je n’avais plus ma place.

Dorian ne tarda pas à venir s’asseoir en face de moi avec un sourire. S’il vit ma jalousie, il ne fit aucun commentaire, n’observant que d’un bref regard Kay et Gabriel, comprenant peut être un peu mieux mon malaise. Ce fut certainement pour cela qu’il tenta de me faire rire par tous les moyens, et il y parvint je ne savais trop comment. J’étais à dix-mille lieux de penser pouvoir rire aujourd’hui. Rien de mauvais n’émanait de lui, et loin de mes problèmes, je prenais un bol d’air frais afin d’acquérir une certaine distance face à ces évènements.

Je ne pus pas manquer Gabriel qui sortait précipitamment du réfectoire et je savais que j’étais responsable.

- Il y a de l’eau dans le gaz ? Me demanda soudain Dorian.

Face à la mine fermée laissant transparaître uniquement un voile de tristesse sur mon regard, il n’attendit pas de réponse de ma part. Qu’étions-nous en train de faire ? Croyait-il vraiment que j’aurais pu être capable de m’asseoir à leur côté et de manger comme si de rien était. Après la dispute que nous avions eue ce matin, il était nécessaire que nous nous retrouvions uniquement tous les deux pour parler, mais cela était impossible pour le moment et je me demandais quand ce Kay partirait enfin. Dans d’autres circonstances, j’aurais adoré le rencontrer, mais maintenant j’avais trop honte de ma réaction. J’avais peur que Gabriel ne m’échappe, peur qu’il réalise que l’amour de Kay  était là et qu’il le compare au mien, me trouvant des épaules trop peu fortes pour l’accompagner tout au long de notre vie.

Kay partit le rejoindre après avoir rangé leur deux plateaux, j’en était pour ma part totalement incapable. Plongé dans mon mutisme, Dorian tenta de me faire réagir :

- Hé, Juha, qu’est ce qui se passe ?

Les larmes commençaient à me brûler les yeux et pourtant je le contenais. Je ne méritais pas de pleurer, j’étais loin d’en avoir le droit… Tout était en train de filer entre mes doigts comme un liquide insaisissable.

- Juha ! Déclara un peu plus fort Dorian.

Je sursautais presque, revenant à moi. Mal à l’aise face à mon état, Dorian déclara :

- Dépêche-toi de finir de manger.

Je jetais un coup d’œil sur son assiette, si la sienne était vide, la mienne ne l’était qu’à moitié.

- Nous avons encore pas mal de chose à faire. La carrière à gelée, tu m’aideras à casser un peu la glace et à enlever le plus gros de la neige afin que son état ne s’empire pas. Heureusement que nous avons un manège. Ensuite tu donneras du foin aux chevaux et tu iras graisser les selles pendant que j’irais acheter ce que Philippe m’a demandé.
J’acquiesçais simplement, n’ayant pas la tête à refuser des ordres qu’il n’avait pas à me donner. Je n’étais de toute façon pas en état de prendre des initiatives et ce long programme qui allait me prendre jusqu’à tard était finalement loin de me déranger. Cela m’occuperait l’esprit et m’éviterait de ressasser ce qui c’était passé ces derniers jours. Je sentis la main de Dorian poser sur mon épaule. Il était inquiet pour moi, même s’il ne le montrait pas. Sa jalousie vis-à-vis de Gabriel restait tel un vestige, mais était masqué par le remord de ses derniers agissements.

- A tout de suite dans la carrière, finit par dire Dorian.

Je répondis par un faible hochement de la tête et un sourire. Ayant perdu tout appétit, je mis tout de même du temps à venir à bout de la fin de mon assiette. Une fois celle-ci terminée, je me levais et après avoir enfilé mon manteau, je partis en direction de la carrière.

Mon cœur se serra vivement à la vue de Gabriel et de Kay marchant côte à côte en direction de la forêt. La force qui habitait normalement Gabriel et qui l’illuminait semblait s’être brutalement flétrie. Il était dans un état pire que le premier jour où je l’avais vu. Jamais je n’aurais dû me laisser aller à tenter de l’aider. Je n’avais finalement fait que l’enfoncer d’avantage, le rendant encore plus vulnérable et abimé qu’il ne l’était avant ma rencontre.

Etait-ce cela mon destin, blesser ceux qui devenait trop proche de moi. Mon don d’empathie prenait ce goût amer de malédiction, de barrage vers les autres. Finalement, trop en savoir sur leurs pensées les plus profondes m’éloignait d’eux. La mort de Killian avaient était la seule relation exclusive ou je m’étais laissé aller, et qui l’avait mené irrémédiablement vers la plus terrible des fins. Ne fallait-il pas que je m’éloigne de Gabriel et que je le laisse avec ce Kay qui saurait lui offrir bien plus que moi et surtout bien plus rapidement que j’en étais capable…

J’avais sondé son amour et j’avais était effrayé par cette pureté. Sans ma venue ici, un couple heureux aurait pu naître. Je n’étais plus qu’une ombre au tableau, un empêcheur de tourner en rond… Il fallait un homme plus sain d’esprit pour Gabriel, une épaule plus forte, quelqu’un capable d’aller de l’avant, et c’est en Kay qu’il pourrait trouver cela…Cependant, l’unique idée de renoncer à Gabriel, de retrouver ma vie solitaire et de me refuser notre amour m’était insurmontable. J’avais goûté à quelque chose de nouveau avec Gabriel, une chose si précieuse que c’était elle qui me poussait à poursuivre mon chemin chaque jour. J’étais très loin d’être prêt à l’abandonner.

Ce fut Shanenja me mordillant les doigts qui me sorti de mes sombres pensées. Je me rendis compte que j’étais là, immobile, planté au milieu de la cours à fixer la forêt où Kay et Gabriel avaient disparut depuis longtemps. Je m’abaissais vers cet animal plein de vie qui déjà attendait sur le dos des caresses sur son ventre. Je lui en fit sans hésiter, avant de me mettre en marche, suivant Shanenja qui s’était déjà élancé devant moi en courant. Ses gestes étaient beaucoup moins pataud, il grandissait à vue d’œil.

Shanenja resta avec Dorian et moi, s’amusant avec tout ce qui pouvait faire office de jouet, puis finissant par se coucher sous le petit abri en bois qui servait à regarder les reprises. Nous finîmes assez tard, la nuit commençait à tomber. La glace était profonde, et il nous fallut un temps interminable. Je ne sentais presque plus mes bras, et Dorian ne semblait pas dans un meilleur état que moi. Il me laissa ranger les outils pendant qu’il allait faire ses courses avant que tout ne ferme. Une fois cela fait, accompagné de Shanenja qui alla se coucher dans un tas de paille dans la sellerie, je distribuais le foin aux pensionnaires, profitant de mes muscles encore chauds, avant que les courbatures ne les saisissent, le froid n’aidant pas. Ce fut évidement à ce moment là que Kay et Gabriel entrèrent dans l’écurie. Gabriel passa devant moi sans un regard, comme je m’y attendais. Malgré moi, je fus obligé de suivre leur conversation.

- Tu as quelques par où dormir, demanda soudain Gabriel.

- Je prendrais une chambre d’hôtel près d’ici.

Je me tendis, à peu près sûr de la proposition de Gabriel qui suivrait cette réponse. Si une chose était sur, c’était que je n’avais aucune envie que nous nous retrouvions tous les trois dans ce petit appartement. Evidement, Gabriel ne perdit pas de temps pour s’exclamer :

- Ca va pas non ! Viens à la maison. Ce n’est pas grand mais ce sera sûrement mieux que l’hôtel. Et puis c’est hors de question que tu payes la peau du cul une chambre d’hôtel miteuse.

Kay croisa mon regard qui en disait long sur ce que je pensais de cette invitation et que je ne parvenais pas à cacher.

- Je ne voudrais pas causer de problème entre vous…

- Il n’y a aucun problème, répondit Gabriel, un peu trop hâtivement pour être crédible.

Le fait même qu’il ne me demande pas mon avis me mis hors de moi. Certes je n’aurais pas refusé et cet appartement était aussi bien à Gabriel qu’à moi. Mais justement, j’avais le droit d’être concerté. Surtout après ce qu’il se passait entre nous, le fait que Kay vienne chez nous ne ferait qu’envenimer la situation. Evitant mon regard, Gabriel reprit calmement après un temps :

- Je vais voir Philippe, j’ai deux trois choses à régler avec lui, je reviens vite…

- D’accord je t’attends.

Gabriel adressa un sourire de remerciement à Kay qui me hérissa les poils et nous quitta. Il ne m’en fallut pas plus pour me débarrasser des deux fourches qui restaient à donner et sans un mot pour Kay qui resta planté dans l’écurie, je me rendis dans la sellerie pour finir ce qui me restait à faire. Je pris rageusement tous les filets en cuir et les posais sur la table avant d’attraper une selle. Il fallait que je me calme, c’était de la jalousie qui était en train de ronger.

Après avoir pris le gros pot de graisse, je m’assis sur le banc et entamais mon travail. Shanenja ne tarda pas à venir se coucher à mes pieds, s’allongeant sans aucun gène sur ceux-ci. Même nerveux, je m’appliquais à réaliser ma tache. J’avais encore à faire toute les selles et à ce rythme là j’en avais pour toute la nuit. C’est à ce moment là que Gabriel entra dans l’écurie, s’approchant de moi, je l’avais sentit avant qu’il n’arrive. Je me contins, attendant qu’il parle de lui-même, peu près à coopérer.

- Je… Nous n’allons pas tarder à rentrer… Tu viens ?

Je ne pus me retenir de répondre sèchement, sans le moindre regard pour lui, contenant tout de même ma colère :

- Je suis occupé, tu ne vois pas ? J’ai du travail, alors rentre avec ton Kay, je rentrerais à pied avec Shanenja lorsque j’aurais terminé.

Je vis tout de même Gabriel serrer les poings avant de murmurer un « va te faire foutre » rageur. Me laissant seul, je jetais mon pinceau dans le pot, mes mains tremblaient de ce mélange de sentiments que je ne parvenais à dissocier. Je n’étais plus très loin des larmes, mais j’entendis une voix me souffler :

- Et si tu me racontais Juha ce qui est en train de se passer, même si je commence à comprendre.
Je redressais la tête pour croiser le regard de Dorian, certainement entré par l’autre porte. Il ne faisait aucun doute sur le fait qu’il ait assisté à notre court échange. Il tenait deux tasses de café brulants.

- Laisse-ça pour le moment. Tu mérites une pause. A deux on finira plus vite. Bois déjà ça.

Il me tendit une des deux tasses, puis poussant tout le matériel à graisser, il s’assit en face de moi.

- Je ne sais pas ce qui est en train de se passer entre vous deux, mais ça m’a tout l’air d’un beau paquet de nœuds. J’ai aussi l’impression que Kay n’y est finalement pas pour grand-chose, mais qu’il n’est qu’une couche de plus à vos problèmes…

Je bus une gorgée de café, profitant de sa chaleur se répandant en moi.

- Peut être que je ne suis pas fait pour les relations durables, soupirais-je amèrement.

- Tu es donné pour bien d’autres choses me fit Dorian avec un petit sourire pervers en coin.

Je ne pus m’empêcher de sourire légèrement face à son sous entendu douteux, sachant qu’il ne cherchait qu’à dédramatiser la situation. Inspirant légèrement, je décidais de me confier un peu à lui, ayant besoin de me soulager.

- Je ne peux pas lui donner ce qu’il attend de moi, et je ne sais même pas recevoir ce qu’il me donne …

Perplexe, Dorian me demanda :

- Tu peux m’expliquer un peu plus en détail ?

- Je… Tentais-je, lamentablement.

Mais une boule à la gorge monta en moi, et je fus incapable de lui expliquer.

- Juha ? S’inquiéta Dorian.

- Je suis complètement  perdu, lâchais-je, commençant à trembler.

J’étais dans un tel état, que même les larmes ne semblaient pas appropriées à la situation. Se rendant compte de ma détresse, Dorian se leva presque aussitôt, et venant à côté de moi, il me hissa pour me prendre simplement dans ses bras. Dans cette simple étreinte, un flot de réconfort sincère m’envahie. J’en avais réellement besoin, le serrant simplement en répondant à son étreinte. Pas de larmes, juste un moment dans ses bras pour profiter un instant de l’épaule qu’il m’offrait. J’avais l’impression de puiser mes forces en lui, de me sentir un peu mieux, alors que je n’y croyais plus.

Dorian ne s’éloigna de moi que lorsqu’il m’en sentait capable. Un bref regard fut échangé et il me sourit tendrement. M’asseyant de nouveau, je reposais mes mains sur le cuir pour poursuivre mon travail, honteux de m’être montrer ainsi face à lui. Une main ferme se posa sur mon épaule et Dorian déclara :

- On fera tout ça demain Juha, ça pourra bien attendre un jour de plus.

Sans me laissait le temps de répondre, il entreprit de tout ranger. Une fois cela fait, Dorian se tourna vers moi et me demanda :

- Si j’ai bien compris Gabriel habite chez toi maintenant ?

- Il habite avec moi, rectifiais-je en me levant. Jusqu’à ce matin nous étions ce qui se rapproche le plus d’un couple.

Dorian ne dit rien, semblant réaliser combien notre relation avait évoluée, bien plus qu’il ne le soupçonnait.

- Et il vient d’inviter Kay chez t… Chez vous se reprit-il.

Un silence pesant suivit ses quelques mots. Dorian soupira avant de demander plus clairement :

- Juha, qu’est-ce qui se passe réellement entre toi et Gabriel ?

Une colère monta subitement en moi. Elle n’était pas tournée contre Dorian, mais contre moi-même et vers le chemin que nous étions en train de prendre avec Gabriel.

- Il m’a simplement dit qu’il m’aimait hier et je n’ai rien su lui répondre. Il a très mal pris la chose et je ne lui reproche pas. Seulement il a du mal à comprendre que ce n’est pas si facile que cela pour moi. Déclarais-je sèchement. Je passe pour un monstre et c’est comme cela que je me vois. Je lui demande tant et je suis incapable de lui en donner ne serais-ce que la moitié. Et maintenant il y a ce Kay si parfait… Si tu savais comme il l’aime Dorian…

Baissant les yeux, un voile de tristesse me masqua la vue, et j’ajoutais plus bas :

- Ce n’est pas moi dont Gabriel a besoin, c’est de Kay… Mais bon Dieu que ça fait mal…

- Alors tu vas baisser les bras si j’ai bien compris ? S’exclama Dorian. Si tu abandonnes, alors tu donneras une valeur de vérité à ce que tu viens de dire. Tu es mieux que tu ne le penses Juha, ne te laisse pas souffler à la moindre difficulté. Prouve lui autrement que par des mots, prouve-lui que tu mérites son amour ! Crois-moi, je sais ce que cela fait d’aimer quelqu’un à sens unique. Mais Gabriel n’est pas dans ce cas n’est-ce pas !? Car si ce n’est pas le cas, va lui dire dès ce soir !

- Si je ne ressentais rien pour lui, crois-tu vraiment que nous en serions là ! Il me faut juste du temps, et pouvoir parler seul avec lui. J’ai voulu le faire toute la journée, comptant sur ce soir, mais Kay est chez nous…

- Alors rentre, et comporte toi en adulte. Ravale ta jalousie et patiente encore. Vous trouverez bien un moment pour vous expliquer, même si ce n’est pas ce soir.

J’acquiesçais simplement, la gorge serrée.

- Aller je te ramène chez toi, comme avant ! S’exclama-t-il avec un petit sourire plein de sous entendu.

Shanenja se redressa subitement, comprenant que nous allions rentrer. Alors que je partais à la suite de Dorian, celui-ci se tourna brusquement vers moi :

- Juha, si jamais ça se passait mal, si jamais tu as besoin de parler ou quoi que ce soit, sache que ma porte t’est toujours ouverte, et je parle sérieusement. J’ai merdé par le passé, mais c’était parce que…

Son regard se fit fuyant puis en reprenant la route à mes côtés pendant qu’une petite boule de  poil partait en éclaireuse, il ajouta plus bas :

- J’ai changé maintenant.

Une meurtrissure liée à ma propre personne m’apparut alors que sa main effleura la mienne. Un sentiment qu’il s’était efforcé d’enfouir à mon égard, un sentiment que j’ignorais ce soir là, ayant déjà mon lot de problèmes…

Nous montâmes en voiture et Dorian me ramena chez moi. Shanenja était assis à mes pieds, de mieux en mieux habitué à la voiture. Lorsque Dorian me déposa devant chez moi, je ne pus que le remercier et lui souhaiter une meilleure soirée que la mienne. Constatant que la pâtisserie à l’autre bout de la rue était encore ouverte, je décidais d’aller acheter un gâteau pour faire un pas en avant et tenter d’excuser mon attitude.

Lorsque je rentrais, Shanenja alla directement s’allonger, fatigué par sa journée mouvementée de chiot. J’allais dans la cuisine et en y découvrant Kay je compris que Gabriel devait être dans la salle de bain entendant l’eau couler.

- Tu as pu finir ton travail ? Me demanda poliment Kay.

- Oui… Me contentais-je de répondre.

Je posais le gâteau sur le plan de travail, avant d’aller me servir un verre d’eau et de m’asseoir à la table de la cuisine, pendant que Kay continuait assez mal à l’aise sa préparation du repas.

- Vos casseroles sont rangées où ? Me demanda-t-il alors que je me perdais dans l’observation de la nuit par la fenêtre.

Pour toute réponse, je me levais et lui tendis la casserole qui me semblait appropriée après l’avoir prise dans le placard. Restant à côté de lui, las de ce silence gêné, je me décidais à entamer la conversation.

- Nous… Nous avons mal commencé les présentations.

Kay s’arrêta et me lança un petit sourire. La jalousie de le voir ainsi aussi charmeur me vrillait les tempes pourtant je me forçais à lui rendre son sourire. Je lui tendis la main, et il fit de même. Ce fut après un bref échange que je lui proposais mon aide, qu’il accepta avec joie.

Alors que je mettais la table pour trois, il m’interrogea :

- Tu travailles ici depuis quelques mois, qu’est ce que tu faisais avant ?

- Rien de bien intéressant. J’ai voulu changer d’air et j’ai trouvé une place ici. Répondis-je évasif.

Je détestais ce regard posé sur moi. J’avais l’impression qu’il me jugeait. De plus il était indéniable qu’il ne m’appréciait de son côté pas plus que cela, je n’avais pas besoin de le toucher pour le savoir, je le sentais de là où j’étais.

Pourtant il poursuivit la conversation, me posant plusieurs questions de manière détournée sur moi et ma relation avec Gabriel, sans jamais me le demander franchement. Je dus faire appel à tout mon sang froid pour rester courtois et polis. A vrai dire, je n’avais qu’une seule envie, me retrouver seul à seul avec Gabriel pour parler sérieusement. Ce ne serait certainement pas possible ce soir.

Ce fut à ce moment là que Gabriel entra dans la cuisine. Je n’avais pas besoin de faire appel à mon don pour savoir qu’il était au plus mal. Ses yeux rouges et ses traits tirés parlaient pour lui. Non sans un certain effort, il finit par me demander :

- Tu… Tu es arrivé il y a longtemps ?

- Près d’une demi-heure, répondis-je ne pouvant m’empêcher de le dévisager longuement.

Honteux, Gabriel détourna le regard et pris place en bout de table entre Kay et moi. Tout comme moi, il n’avait pas particulièrement faim. Si je me forçais, il ne faisait que grignoter. Un silence monastique et désagréable régnait dans la pièce. Kay ne cessait de lancer des regards à Gabriel et croiser le mien avec froideur. Il était jaloux, tout comme je l’étais de lui, mais l’amour qu’il ressentait pour Gabriel m’oppressait et me donnait encore plus de raison de l’être. Lui aurait eut la réponse que je n’avais pu lui donner hier soir… Une petite voix ne cessait de dire dans ma tête : c’est avec Kay que Gabriel serait réellement heureux.

Plusieurs minutes s’écoulèrent ainsi dans un silence qui pesait sur chacun de nous. N’en pouvant plus, et voulant abréger l’angoisse qui pointait vivement chez Gabriel, je me forçais à prendre la parole :

- Sinon, tu fais quoi dans la vie ?

Kay me répondis d’un ton détaché, après un regard dans la direction de Gabriel :

- Je suis ostéopathe, et peintre amateur à mes heures perdues.

- Peintre ? Répéta Gabriel surpris. Aurais-tu une quelconque notion de ce que le mot « art » signifie ? Demanda-t-il en se moquant gentiment de lui. Car si mes souvenirs sont bons, on ne peut pas vraiment dire que tu étais un fervent admirateur des tableaux accrochés aux murs de l’église… Ajouta-t-il.

Un sourire narquois étira ses lèvres, qui disparut bien vite lorsque Kay rétorqua :

- Et qu’est devenu ton don pour le théâtre ?

Gabriel ouvris de grands yeux à cette question.

- Je… Je ne vois pas du tout de quoi tu parles… Tenta-t-il de nier.

En un rien de temps, je me sentais exclu de la conversation. Je n’avais plus ma place dans leur passé commun. Je n’écoutais plus. Je n’avais de toute façon  pas la tête à cela ce soir. Je regardais simplement Gabriel, heureux de retrouver des souvenirs avec un homme qu’il croyait avoir perdu. Mon cœur battait douloureusement en comprenant qu’il l’aimait encore plus que je ne l’aurais cru. Je me refusais à sonder ses sentiments à mon égard. Kay éclata soudain de rire, et n’en connaissant pas le sujet, je me contentais de sourire pour masquer mes tourment. Gabriel avait cette chance que je n’aurais jamais avec Killian. Une question de plus en plus vive commençait à naître en moi : devrais-je finir par m’effacer de sa vie et laisser ma place pour son bonheur ?

La conversation animée qui se déroulait sous mes yeux entre ces deux hommes faisait pourtant bouillir la jalousie en moi, mais derrière se cachait une certaine forme de résignation.

Jamais je n’aurais pensé que l’éclat de rire de Gabriel me serait un jour à ce point insupportable. Combien de fois avions nous partagé un simple fou rire tous les deux ? Las, je finis par me lever et apportais le gâteau sur la table. Je servis Kay, puis Gabriel qui commença par refuser et céda au regard empli de reproche de Kay qui ne me passa pas inaperçu. J’en pris une part à mon tour, n’y touchant même pas, ce qui ne fut remarqué ni par l’un ni par l’autre.

Après quoi, Gabriel servit un café à Kay avant de passer au salon. Kay prit place à côté de moi dans le canapé alors que Gabriel déplaça le fauteuil pour se mettre en face de nous.

Leur conversation reprit de plus belle, Gabriel ne posant à aucun instant les yeux sur moi, enfermé dans sa bulle avec Kay. Il faut dire aussi que je ne faisais rien pour m’intégrer. Jugeant avoir suffisamment fait office de présence, ne supportant plus leurs éclats de rire et leur complicité, et encore moins leurs sentiments réciproques qui débordaient, je décidais d’aller me coucher.

Après une douche plus que succincte, j’allais dans la chambre, tentant de rester sourd à la suite de leur discussion. Je m’installais d’abord sur le milieu du lit, ne pouvant m’empêcher de respirer à plein poumons l’odeur si particulière de Gabriel, seule chose que j’aurais aujourd’hui. Puis épuisé de cette journée qui avait plus l’apparence d’un cauchemar, voulant fuir un court instant la réalité, j’allais me coller contre le mur inconsciemment, fuyant le vide laissé par Gabriel qui n’était cette nuit pas à côté de moi. Ce ne fut qu’après un temps qui me parut interminable que je finis par m’endormir, replié sur moi-même et indéniablement seul.

Je me réveillais assez tôt le matin et à la fatigue qui se lisait sur les traits de Gabriel encore endormis, je sus qu’il s’était couché peut de temps avant le lever du soleil. Ne désirant plus être dans ce lit, je choisis de me lever. Attrapant mes vêtements, j’allais dans la salle de bain. Après m’être rasé et débarbouillé, je m’habillais assez rapidement. Entrant dans la cuisine, Shanenja déboula dans mes jambes attendant son repas avec une envie non dissimulée. Après quelques caresses, j’accédais à sa demande. N’ayant pas faim, je me fis un simple café, et me décidais à ranger et à nettoyer notre repas de la veille.

Lorsque j’eus finis, Kay et Gabriel dormaient encore profondément. Avant de partir, je tentais de réveiller Gabriel, mais ce fut sans succès, me heurtant à quelques grognements avant qu’il ne me tourne carrément le dos. Peu enclin à insister, je choisis de partir seul. Il était encore tôt, mais une bonne promenade avec Shanenja avant d’aller travailler me ferait le plus grand bien. J’avais besoin de solitude.

Et je l’obtins toute la journée. Gabriel ne vint pas travailler, et Dorian était trop occupé pour avoir le temps de discuter avec moi. J’abattis de mon côté une quantité monstre de travail, m’octroyant quelques pauses pour jouer avec mon jeune chiot. En fin de journée, n’ayant plus grand chose à faire, je choisis de rentrer. Je fis cependant un détour par la forêt, profitant de cette fin de journée ensoleillée. Shanenja alla directement se coucher lorsque nous rentrâmes, épuisé de sa journée remplie. Kay et Gabriel n’étaient pas là. Évitant soigneusement de me poser trop de questions sur leur journée, j’allais me prendre un bain bien mérité.

Une fois finis, j’allais m’installer dans le canapé devant la télévision, réfléchissant à un moment ou je pourrais être seul à seul avec Gabriel pour parler sérieusement. J’ignorais mon mal-être, comme je l’avais fait toute la journée, et me concentrais sur ce téléfilm inintéressant. Ce ne fut qu’une fois l’heure du repas bien dépassée que je commençais à m’inquiéter et à me poser des questions. A quelle heure comptait-il rentrer ?

La moindre des choses aurait été de me laisser un mot ou de me passer un coup de téléphone. Mais peut être était-il trop occupé avec Kay pour y penser. La colère monta d’un cran. M’exclure pour une soirée de retrouvailles soit, mais il ne fallait pas que cela dure indéfiniment. Les minutes continuèrent à défiler, puis une heure et une deuxième. Je n’avais pas bougé de ma place, il faisait maintenant nuit et je n’avais allumé aucune lumière. J’avais même éteint la télévision n’en supportant plus les images et le son. Plus le temps passait, plus la colère mêlée d’inquiétude grandissait en moi. Lui était-il arrivé quelque chose ? Le doute ne me permettait pas de m’abandonner à la fureur. Un simple coup de téléphone aurait pourtant réduit mon état au calme.

L’angoisse était de plus en plus oppressante, m’imaginant mille et une possibilités d’ennui ou d’accident pour Gabriel. Une pression monstre que je ne parvenais pas à calmer.

C’est alors que j’entendis leur voix dans le couloir. Ils semblaient aller bien. Entrant dans l’appartement, j’allumais la lumière alors qu’ils pénétraient dans le salon. Me redressant et constatant qu’ils allaient parfaitement bien tout les deux, je ne pus m’empêcher de lui demander furieux :

- Tu étais où ?

Malheureusement, ce ton ne plut pas du tout à Gabriel, qui répondit avec colère et sarcasmes :

- Je suis allé m’envoyer en l’air ! Je n’existe pas à tes yeux alors je suis allé chercher un peu de réconfort ailleurs…

A peine eut-il terminé sa phrase que ma main s’abattit sur sa joue avec une telle violence qu’il chancelait sur le coup. Je n’avais pas pu me retenir. J’avais flanché sous la colère nourrie depuis des heures d’attente et d’angoisse. Je regrettais ce geste à l’instant même ou j’avais élevé ma main, mais je ne pouvais revenir en arrière. Le voir la main sur sa joue meurtrie et surtout son regard blessé et emplie de larmes par ma faute fut une des pires choses qui m’est été donné de vivre, surtout en repensant au passé de Gabriel. Sans me laisser le temps de réagir, de m’excuser lamentablement ou de faire quoi que ce soir, Kay s’interposa entre nous et d’une voix froide, il déclara :

- Ne relève plus jamais la main sur lui…

Gabriel posa sa main sur le bras de Kay, alors que je contemplais dès lors le fossé qui nous séparait et que j’avais moi-même creusé.

- Laisse, c’est rien ! T’es vraiment trop con, ajouta-t-il en se tournant vers moi, avec un regard qui me fit froid dans le dos. Et puis même si c’était le cas, je ne te dois rien ! Nous ne sommes pas mariés, ça ne te regarde pas ce que je fais de mon cul !

J’accusais le coup sans broncher, je l’avais bien mérité après tout. La jalousie me rongeait de l’intérieur plus que je ne me l’étais imaginé. Je n’étais pas uniquement jaloux de leurs sentiments partagés, j’étais jaloux qu’il me donne cette impression de souffrir moins que moi, et qu’il est retrouvé l’homme qu’il avait aimé par le passé. Et moi qui restais toujours accroché à mon amant décédé, laissant fuir Gabriel.

Je restais planté dans le salon alors que Kay me lançait un regard dédaigneux. Alors qu’il allait m’adresser la parole, je lui tournais le dos et allais m’enfermer dans la chambre, suivit de près par Shanenja qui se coucha au pied du lit. Broyant du noir, je restais debout, ne parvenant pas à me calmer. Qu’avais-je fait ? Qu’étions-nous en train de devenir ? Les réponses me prenaient à la gorge de manière douloureuse. Ce fut un couinement du jeune chiot qui me fit revenir sur terre. M’asseyant sur le sol à ses côtés, Shanenja vint s’allonger sur mes jambes, tandis que les premières larmes se mettaient à couler.

Malheureusement, les murs n’étaient pas assez épais pour me cacher la conversation de Gabriel et de Kay lorsque celui-ci sortit de la salle de bain.

- J’ai tellement honte Kay… Je… Même les coups de ceinture étaient moins humiliants que cette gifle qu’il m’a donnée…

J’étais au pied du mur, j’avais l’impression d’avoir fait quelque chose d’irréparable, les rapprochant encore un peu plus et m’excluant d’une possible vie à deux avec Gabriel. Me bouchant les oreilles, je fuis le reste de la conversation, priant pour qu’ils se taisent le plus vite possible. Mais je ne pouvais me couper à la détresse de Gabriel qui était si vive qu’une migraine ne tarda pas à s’y ajouter.

Ce ne fut qu’après un long moment que je compris que Gabriel s’était endormi et qu’il ne me rejoindrait pas. Ne pouvant me résoudre à sortir, j’allais m’étendre dans le lit, emprunt d’une douloureuse tristesse.

Je ne fermais l’œil que quelques heures cette nuit-là, la culpabilité et la douleur me tiraillant sans me laisser de répit.

Le lendemain matin, je me levais avec l’impression qu’un tank était passé sur mon corps. L’esprit dans le même état, il me fallut faire preuve d’énormément de courage pour oser sortir de la chambre, habillé de propre. Gabriel dormait sur le canapé avec Kay, et je détournais les yeux de cette vision qui se révélait surement être leur avenir. Surmontant la boule qui se formait dans ma gorge, j’allais dans la cuisine pour préparer à chacun un petit déjeuner. Kay ne tarda pas à me rejoindre, me renvoyant toujours ce regard maintenant presque haineux que je ne pus soutenir. Pas un mot ne fut échangé tandis que je nourrissais Shanenja. Lorsque le café fut prêt, ce fut au tour de Gabriel de nous rejoindre. Le silence était de plus en plus oppressants, sans compter les regards évités et ceux qu’ils ressentaient tous deux à mon égard : du mépris et de la rancœur.

Une fois le petit déjeuner terminé, nous nous préparâmes pour nous rendre au ranch. La journée et la semaine se déroulèrent ainsi, dans un silence monastique alors que notre relation se dégradait de jour en jour. Pas un instant je ne pus me retrouver seul avec Gabriel qui fuyait une confrontation. Pas un seul moment, je ne pus m’expliquer ou tout simplement m’excuser, me refermant chaque jour un peu plus.

Nous étions maintenant mercredi soir et Dorian était venu me prévenir que le directeur voulait s’entretenir avec moi. Intrigué, je choisis de finir ma tache avant d’aller à son bureau. Lorsque j’arrivais la porte était ouverte, et en tournant le dos, je pus voir la voiture de Kay partir en direction de notre studio.

- Te voilà Juha, dit Philippe dans mon dos, d’une voix qui me fit sursauter.

- Je… Oui…Répondis-je en lui faisant face. Vous vouliez me voir ?

- Viens dans mon bureau. J’ai quelques papiers à te faire signer et deux trois choses plus personnelles dont j’aimerais que nous parlions.

Docile, je le suivis, prenant place en face lui. Il commença par me faire signer quelques papiers concernant la prison et ma réinsertion dans la vie professionnelle. Mon contrat fut lui aussi remis à jour, me prenant définitivement comme palefrenier, satisfait de mon travail. Une fois que tout le côté administratif fut terminé, Philippe s’enfonça dans son fauteuil voulant maintenant abordé les choses « personnelles ». 

- Qu’est ce qu’il se passe entre vous deux en ce moment Juha ? Me demanda-t-il de façon très directe.

- Il n’y a pas besoin d’être devin pour voir que nous sommes en froid en ce moment, répliquais-je.

- C’est à cause de la présence de Kay ? Ajouta-t-il.

- Pas vraiment, tentais-je d’élucider, disons que sa présence n’améliore pas la situation, dis-je en détournant le regard.

- Juha, tu sais très bien que c’est son ami d’enfance, c’est normal que tu sois jaloux. Mais mets-toi sa place, il le croyait mort.

Alors que j’allais répondre, Philippe ajouta :

- Attention, ce n’est pas pour autant que je donne raison à Gabriel, je ne suis du côté ni de l’un, ni de l’autre. Mais je ne supporte pas de vous voir ainsi. Tu es quelqu’un de bien Juha, et c’est tout à fait normal que tu sois jaloux. Laisse-lui un peu de temps… Mais bon Dieu, réagissez avant qu’il ne soit trop tard, vous êtes en train de vous détruire.

Philippe soupira avant de se lever et de déclarer, marquant la fin de la conversation :

- Bon, rentrons Juha, je te ramène.

- Vous n’êtes pas obliger…

- J’y tiens, je t’ai fait rester plus tard.

C’est ainsi que nous montâmes dans la voiture et qu’il me ramena, me donnant encore quelques conseils, et me priant d’arranger la situation au plus vite lorsqu’il me déposa devant chez moi. N’ayant pas la moindre envie de retourner chez moi pour retrouver cette ambiance lourde qui régnait depuis une bonne semaine, ayant un seul but en tête, me retrouver seul à seul avec Gabriel ne serais-ce qu’une petite heure pour enfin pouvoir parler.

Shanenja venu avec nous alla comme à son habitude se lover avec un jouet sur sa petite couverture, tandis que j’allais dans le salon. La lumière était allumée, mais il n’y avait personne. C’est alors que j’entendis une discussion étouffée dans la salle de bain. Curieux, j’allais y jeter un œil et la vision qui s’offrit à moi me glaça d’effroi. Kay était agenouillé aux pieds de Gabriel, qui, le pantalon légèrement baissé, le laissait toucher sans rien faire. Le soupire de bien-être que Gabriel lâcha fut de trop, et d’une voix froide, je laissais échapper :

- On s’amuse bien à s’que j’vois !

Gabriel ouvrit les yeux, s’apercevant de ma présence dans l’encadrement de la porte. Je ne savais plus que penser, incapable de cacher ma fureur d’avoir vu de mes propres yeux ce que j’avais toujours craint. Etant incapable de soutenir cette vision, Gabriel le torse nu, le pantalon à moitié déboutonné comme offert à Kay, je fis demi-tour, me retenant pour ne pas casser la première chose qui me tombait sous la main. Gabriel se précipita à ma suite, m’attrapant par le bras alors que je traversais le salon. Me forçant à me retourner, il m’adressa un regard meurtrier. Sans comprendre sa colère, je restais figé, sans pouvoir faire un seul geste.

Rageusement, il s’exclama :

- Non mais tu m’fais quoi là ? Ta pseudo crise de jalousie tu peux te la foutre au cul, Juha !

Priant pour que je me sois trompé, mais ne voyant pas ce qui pourrait expliquer une telle pose, je scrutais attentivement son torse à la recherche d’une quelconque trace de suçon ou de trahison de sa part. Était-ce seulement la première fois ? Je ne trouvais rien, descendant mon regard plus bas. Lorsque mes yeux se posèrent sur son bas ventre, je sursautais violemment alors que je vis un tatouage assez récent en train de cicatriser.

Rassuré, ma colère ne me quitta pas pour autant. Ma réaction avait été absurde, mais j’avais cru voir se dérouler devant mes yeux ce que je craignais le plus. Est-ce que tout cela n’était finalement pas qu’une question de temps ? Comment cela aurait-il progressé si je n’étais pas arrivé ? La distance imposée entre nous me semblait éternelle. Depuis combien de temps ne nous étions pas pris dans les bras. Je n’étais même pas au courant de ce nouveau tatouage à la différence de Kay. Je n’en pouvais plus de ressentir son mépris à mon égard et sa jalousie faisant échos à la mienne. J’étouffais, et n’osais même plus toucher Gabriel par peur d’y découvrir un amour plus fort pour son ami d’enfance. Celui-ci enfonça le couteau dans la plaie, en colère mais satisfait :

- Je ne suis pas une pute, Juha. Je ne déclare pas mon amour à un homme pour aller voir ailleurs à la première dispute entre nous ! Si tu n’as pas confiance en moi, c’est qu’on n’a rien à faire ensemble.

Sur ces mots, il me tourna le dos et retourna dans la salle de bain. Ne pouvant en supporter d’avantage, je pris la direction de la sortie, claquant violemment la porte, en colère contre notre relation qui semblait ne plus pouvoir se raccrocher à quoi que ce soit. Alors que j’arrivais dehors, je fus saisi par le froid, étant sortit sans manteau. Je décidais de marcher, allant droit devant moi sans choisir ma direction. Les larmes ruisselaient de nouveau, sans pouvoir les retenir, je trébuchais et manquaient de tomber, mais cela n’arrêta pas ma course. Une voiture s’arrêta soudain à ma hauteur. La vitre se baissa et je vis Dorian les traits tirés pas l’inquiétude.

- Juha ? Mais qu’est ce que tu fais dehors à cette heure là ? Sans une veste en plus ?

- J’avais besoin de prendre l’air, répondis-je en essuyant mes larmes d’un geste bref.

Les traits tirés, je sentis soudain une grande fatigue et une grande lassitude concernant le chemin que prenait ma vie. Étais-je uniquement fait pour vivre seul ?

- Attends-moi ici, je vais me garer. Tu vas boire truc chaud chez moi, tu ne peux pas rester dehors avec si peu sur le dos.

Je restais là, sans bouger tandis qu’il avançait pour trouver une place pas très loin d’ici. Je savais très bien de quel mauvais œil Gabriel verrait ce que j’étais en train de faire, mais j’avais besoin de quelqu’un sur qui me reposer un peu ce soir. Gabriel avait toujours eu Kay avec lui, contrairement à moi qui n’avait personne. Je n’enviais cependant pas sa place non plus.

Dorian me rejoignis au pas de course. Une fois arrivé à ma hauteur, il me jeta son manteau sur le dos avant de m’attirer jusque chez lui. Posant ses affaires une fois chez lui, il m’invita à prendre place dans le salon, tandis qu’il allait faire chauffer l’eau pour un thé. De légères rougeurs vinrent tinter mes joues en repensant à ce que nous avions fait tous les deux ici, mais ce souvenir fut bien vite inondé par mon accablement et mon désespoir.

Il rangea quelques affaires dans la cuisine et revint avec une tasse de thé fumante. S’asseyant près de moi, il me dévisagea quelques secondes lorsqu’il croisa mon regard : mon mal-être se voyait-il à ce point sur mon visage ?

- Ca ne s’est toujours pas arrangé ? Me demanda-t-il le regard peiné.

Portant la tasse à mes lèvres, j’avalais avec difficulté une maigre gorgée de thé brûlante.

- Je suis fatigué Dorian… Fatigué de cette jalousie qui me rend un peu plus fou chaque jour. J’ai… J’ai l’impression de ne plus avoir ma place près de lui. On ne se parle plus, on ne s’approche plus à part pour nous disputer. On étouffe depuis plus d’une semaine et je ne peux plus voir en peinture ce Kay. Gabriel m’évite, et je ne peux jamais avoir un moment seul à seul avec lui. Kay est toujours à ses côtés.

Je fis une pause, avalant une deuxième gorgée semblable à la première avant de poursuivre :

- Le pire Dorian, c’est que si j’avais maintenant l’occasion de lui parler, je ne saurais même pas quoi lui dire… Au fur et à mesure du temps, les raisons qui le pousseraient à aller vers Kay au lieu d’aller vers moi se multiplient. Seulement, je ne peux pas me résigner à baisser les bras. Je… je tiens trop à lui…

Je finis par craquer littéralement, m’effondrant en larmes après avoir dit :

- Je sais pourtant que ce serait la meilleure des choses à faire pour lui, je n’ai fait que l’enfoncer avec moi.

Dorian ne résista pas et me pris dans ses bras, tandis que je posais ma tête sur son épaule pleurant silencieusement, le corps secoué de léger spasmes. D’une petite voix, il me demanda alors :

-Tu l’aimes… ?

Restant contre lui, manquant cruellement d’un peu de chaleur, je mis beaucoup de temps avant de répondre entre deux sanglots minable :

- Je ne sais pas…

Dorian soupira avant de répondre, d’une voix sérieuse :

- J’ai franchement du mal à croire que ce n’est pas le cas Juha. Tu as décidément beaucoup de mal à faire confiance aux autres et à te faire confiance. Mais une chose et sûre, si vous ne faites rien, vous allez droit dans le mur. Vous vous détruisez l’un l’autre.

Me repoussant afin de me regarder droit dans les yeux, il ajouta le plus sérieusement du monde :

- Promets-moi que tu va faire quelque chose dans les jours qui viennent !

Me tenant par les deux épaules, il me serra de nouveau contre lui une fois que j’eus acquiescé faiblement. Je restais ainsi, contre lui un long moment, et il respecta mon besoin de silence et de soutient. Ce ne fut que lorsque que je sentis capable de me retenir de pleurer que je m’écartais de lui. Il était temps que je rentre et Dorian le comprit. Les deux tasses de thé étaient trop froides pour être bues et ce fut après une dernière étreinte et des remerciements que je le laissais dans le but de rentrer chez moi.

Tout était éteint, les deux hommes semblant dormir. N’ayant plus qu’à faire de même, remettant au lendemain ma résolution de parler, je me rendis silencieusement dans la chambre. Refermant délicatement la porte derrière moi, je me mis en pyjama sans faire de bruit. Gabriel semblait dormir. Mon regard se posa sur lui. Combien de temps pourrais-je encore tenir avec cette distance ? Combien de temps devrais-je encore tenir avant de pouvoir le prendre dans mes bras tout contre moi, et inspirer son odeur tout en profitant de sa présence qui m’était devenue nécessaire ? Question bien plus cruelle qui me saisit alors : combien de temps aurais-je encore pour avoir le privilège de le regarder dormir ?

Emprunt d’une grande lassitude et d’une douleur profonde, je finis par aller m’allonger à côté de lui, résistant à l’envie plus forte que jamais de le prendre dans mes bras, tout contre moi : une simple étreinte qui me faisais cruellement défaut à chaque seconde de plus passée loin de lui.

Je mis un temps infini à seulement réussir à fermer les yeux, mais le sommeil se refusa à moi cette nuit là. Je sentais Gabriel remuer dans tout les sens, et lorsqu’il se leva alors que la nuit était loin d’être fini, je ne sus ce qui me retint de prononcer son nom. Depuis combien de temps n’osais-je même plus lui adresser la parole, à simplement lui effleurer la main ? J’avais cette cruelle impression de m’être coupé de lui, ne parvenant même plus à saisir de ce qu’il ressentait vraiment. Peut-être étais-ce pour me protéger, par peur et crainte de ce que je pourrais y découvrir. N’étais-ce finalement pas moi qui m’étais coupé de Killian ?

Une boule dans la gorge me saisit, la culpabilité de son assassinat me prenait en traitre à un moment de faiblesse. Si je perdais Gabriel, j’aurais définitivement tout perdu. Il m’avait beaucoup plus aidé que ce dont j’avais désiré faire pour lui. En fixant le lit vide à côté de moi, la simple idée que Gabriel n’occuperait plus cette place m’était insoutenable. Me redressant, je tirais légèrement le rideau pour regarder la nuit étoilée. Perdu dans ma contemplation, je ne cessais de réfléchir à la situation, tentant d’y trouver une issue. Il fallait à tout prix que je trouve l’occasion de lui parler dans la journée. Comme le disait Dorian et Philippe, nous ne pouvions continuer très longtemps comme cela. 

Gabriel n’était toujours pas rentré lorsque je sortais de la chambre, me décidant à me lever bien déterminé à entamer cette discussion. Allant me préparer un petit déjeuner sans oublier Shanenja, Kay ne tarda pas à me rejoindre, sans un mot, toujours avec ce regard méprisant et dédaigneux. Je ne savais même plus comment je pouvais supporter sa présence, et ce matin là je ne pus que l’ignorer, m’abstenant tout comme lui des salutations matinales de politesses.

Ce fut non sans un certain soulagement que j’entendis Gabriel rentrer, et celui ne tarda pas à arriver dans la cuisine. Il ne s’aperçut pas de ma présence, saluant simplement Kay avant de se préparer une tasse de chocolat chaud. Il semblait si faible moralement, que je me demandais comment il trouvait encore la volonté de tenir sur ces deux jambes. Frigorifié, je savais que cela était loin d’être uniquement du au temps extérieur. Mon envie de faire un premier geste me prit à la gorge, mais alors que j’allais me lever, Kay demanda :

- Où tu étais ?

- Je suis allé prendre l’air, répondit-il. Je… J’avais besoin de réfléchir… J’en peux plus, j’ai l’impression d’étouffer ici…

Se retournant après avoir mis sa tasse au micro-onde, il sursauta en s’apercevant enfin de ma présence. Fuyant automatiquement mon regard, je fis de même, définitivement coupé dans mon élan.

Lorsqu’il revint à table avec de quoi déjeuner, ses mains bleues ne l’aidèrent pas à faire ses tartines. Nous déjeunâmes en silence, mangeant plus par automatisme que par appétit. Finissant ensuite de nous préparer, nous sortîmes, Gabriel suivit de près par Shanenja, trop heureux qu’il lui prête un peu d’attention. Gabriel s’assit devant avec Shanenja à ses pieds, Kay conduisant, tandis que je montais à l’arrière.

Une fois arrivé, je sortis de la voiture, laissant Kay et Gabriel passer leur journée ensemble, et partant de mon côté. J’avais toute la journée pour trouver un moment à discuter seul à seul avec lui, mais je ne comptais pas le faire ce matin.

Je n’eus même pas besoin de rentrer dans l’écurie pour comprendre que quelque chose n’allait pas, et ce pressentiment s’accentua lorsque je vis tous les regards posés sur moi alors que j’allais chercher mon matériel dans la sellerie. Peur, moquerie, écœurement, dégout, dédain : c’était ce que tous ressentais pour moi. C’était tellement puissant que je dus sortir m’adosser quelques minutes contre le mur de la sellerie, pièce heureusement déserte.

Prenant sur moi, j’inspirais un bon coup, tentant de me dire que cela était plus du à la fatigue qu’autre chose, me rendant malgré moi plus sensible, comme je l’avais vécu dans ma jeunesse. Renforçant comme je le pouvais mes barrières mentales, je m’éloignais du mur et allait prendre ce dont j’avais besoin pour travailler.

Hésitant, je sortis de la sellerie pour me diriger dans le box le plus proche qui était heureusement un de ceux que j’avais à faire ce matin. Cela n’empêcha cependant pas de me faire envahir de nouveau par tous leur ressentis et il était indéniable qu’ils le vivaient par rapport à moi. J’avais beau réfléchir, je ne trouvais pas de raison à tous leurs regards et à leur haine mêlée de peur à mon égard. Fébrile, je saisis la fourche en tentant de les ignorer, me fermant comme une huitre, sans cesse tiraillé.

Jamais je ne mis autant de temps à remplir une simple brouette, et je remerciais l’habitant de ce box pour son calme. Posé, l’animal ne bronchait pas, les yeux à demi-clos, trop vieux pour se soucier des humains et de leurs problèmes. Je devais maintenant aller vider la brouette à l’extérieur, ce qui impliquait de repasser devant eux. Ce fut donc ce que je dus faire, à contrecœur et angoissé. Sortant du box, en prenant soin de bien refermer la porte derrière moi bien que le cheval ne semblait avoir aucune envie de sortir, je redressais la tête vers le couloir qui m’apparaissait interminable. Je sursautais presque en m’apercevant que tous ceux présents ici me fixaient avec un air malsain. Déglutissant, je fis un premier pas et à cet instant seulement que j’entendis un mot chuchoté brièvement : « prison ». Perdant pied, mes murailles s’effondrèrent, et leurs émotions me parurent soudain plus violentes et brutales.

Dévasté, je laissais la brouette avant de marcher d’un pas rapide vers la sortie la plus proche. La tête basse, je devais me faire violence pour ne pas me mettre à courir, et c’est pourtant ce que je fis une fois sorti de leur champ de vision. Me précipitant vers la vielle carrière, j’allais encore plus loin et du m’arrêter chancelant les premiers arbres de la forêt passée.

M’appuyant à un arbre, je ne pus retenir le haut le coeur qui me saisit et me penchant brusquement en avant je rendis le peu que j’avais avalé à mon petit déjeuner, le corps parcourut de violents spasmes de rejet : rejet éprouvé par les autres qui connaissaient maintenant mon passé. C’était une chose que deux personnes le sache ici, s’en était une autre qu’une découverte brutale par tout ceux qui venaient ici, les seules personnes qui faisait partit de mon monde, de ma nouvelle vie…

Alors que je me forçais à oublier mon passé et aller de l’avant, celui-ci revenait me heurter de plein fouet, ravivant ma culpabilité et ma plus grande honte. Qui aurait pu me faire cela, à part le seul qui m’en voulait de ne pas oublier Killian. Une colère irraisonnée coula brusquement dans mes veines, m’aveuglant et m’offrant de nouvelles forces.

Me redressant vivement, j’allais vers l’homme qui m’avait trahi. N’était-ce pas finalement une forme de punition méritée selon lui. Furieux, je pris le chemin de la carrière où je savais qu’il donnait un cours à l’heure actuelle. Les tremblements qui jusqu’alors me parcouraient violemment furent non plus guidés par ma peur, mais par ma colère contre Gabriel. Sans réfléchir une seule seconde et méditer sur la possible vérité de cette idée, j’arrivais bientôt près de lui. Il était en train de parler avec Kay, ce qui redoubla ma colère, m’empêchant de maîtriser cette jalousie. Tel un animal blessé livrant son dernier combat, je puisais dans mes dernières forces et m’exclamais une fois arrivé à sa hauteur :

- Tu étais le seul à savoir… Comment as tu pu me trahir ainsi, Gabriel ?

Gabriel resta sans réaction, et je n’eus pas besoin de m’approcher plus de lui pour comprendre mon erreur. Ce n’était pas lui, il venait d’apprendre la nouvelle en même temps que moi. Incapable de m’excuser, encore sous l’effet de la haine, je préférais m’éloigner d’eux sans un regard. Comment avais-je pu croire un seul instant que c’était lui. Maintenant c’était certain, je ne le méritais pas, je venais de briser la dernière chose qui nous liait encore, je venais de perdre Gabriel…

Cette révélation manqua de me faire chuter, mais je sentis une main se poser sur mon épaule. Me retournant violemment, je m’exclamais la défensive en rompant ce contact qui me vidait de mes dernière forces :

- Ne me touche pas !

Kay me regardait droit dans les yeux, l’air mauvais. Ce qui était le plus douloureux, c’est que j’abandonnais Gabriel à cet homme que je n’avais jamais appris à ne serait-ce qu’apprécier.

- Je savais que quelque chose n’était pas normal chez toi. Tu es différent des autres, et la prison l’explique ! Et ce que tu viens de faire subir à Gabriel, je ne peux pas le laisser passer !

Mon silence et mon absence de réponse, le rendis fou de colère et il ajouta :

- Tu crois que tu ne l’as pas assez fait souffrir pour en plus l’accuser d’une chose qu’il n’a pas faite ? Si tu connaissais un peu plus Gabriel tu n’ignorerais pas que trahir un secret c’est quelque chose qu’il est incapable de faire.

J’attendais qu’il finisse sans broncher, n’ayant tout de façon pas la force ni le courage de répliquer quoi ce soit, le laissant enfoncer le couteau dans la plaie comme je le méritais.

- Si tu n’as pas confiance en lui, comment peux-tu espérer garder son amour ? Tu ne le mérites pas !!

Nous allions y arriver, il allait enfin me dire ce qu’il avait sur le cœur depuis la première fois que nous avions échangé un regard :

- Ne joue pas au con Juha, parce que quand Gabriel décidera de te quitter, moi je serais là pour lui et n’oublie pas qu’on a beaucoup de choses en commun ! Déclama-t-il en insistant sur le « beaucoup » de manière volontaire. Je sais qu’il éprouve des sentiments à mon égard…

C’était maintenant clair, il sous-entendait qu’il pouvait avoir Gabriel quand il le voulait, et qu’il ne me laissait que par soi-disant clémence. Je n’aimais pas la manière dont il parlait de Gabriel, comme un simple objet qu’il consentait à me laisser en attendant que je le casse pour venir le réparer et me le reprendre. Je n’hésitais pas à lui en faire par, ce qui le fit craquer. Il éleva sa main sur moi : grossière erreur. L’attrapant au vol, changeant du tout au tout, je retrouvais le masque d’autorité et de puissance que j’avais acquis pendant ces dix dernières années et déclarais d’une voix glaciale :

- J’ai fait dix ans de prison Kay, ne crois pas que je ne sais pas me défendre. Il vaudrait mieux pour toi ne pas entamer de bagarre.

Kay me lança un dernier regard avant de me tourner le dos et de rejoindre son cher Gabriel. Savait-il seulement que j’étais en train de baisser les bras, et qu’il était maintenant bien plus proche de lui que je ne l’étais ? Je l’avais perdu, et Kay était bien plus proche de la vérité que ce qu’il ne pensait. Pourrais-je seulement supporter de voir Gabriel dans ses bras ? La réponse négative me serre douloureusement le cœur. Si Gabriel n’était plus avec moi, je n’avais plus rien qui me retenait ici. Je le savais depuis mon arrivée ici, je ne sortirais pas indemne de cette relation avec Gabriel. J’espérais l’avoir aider un peu à surmonter la souffrance passée, et ce serait avec Kay qu’il pourrait réellement se reconstruire. J’étais trop instable et nocif pour celui qui s’approchait trop près de moi. Cela avait coûté la vie de Killian et jamais je ne permettrais que cela arrive à Gabriel.

Redressant la tête, je n’avais pas remarqué que j’avais avancé. Près de la vielle carrière, je m’assis sur le tronc d’arbre posé sur le bord, sans me rendre compte de la présence de Dorian qui approchait de moi à grand pas.

Je ne m’aperçus de sa présence que lorsqu’il s’assit à côté de moi. Il gardait une certaine distance qu’il n’avait jamais instaurée entre nous. Ses sentiments étaient confus, et tout comme lui, je ne parvenais pas bien à les discerner. A vrai dire, je ne cherchais pas à le faire.

Ce fut seulement après un soupire qu’il se mit à parler :

- Je pense que tu es au courant de la nouvelle de ce matin à ton sujet…

Il fit une pause, cherchant apparemment ses mots avant de reprendre :

- J’aurais préféré l’apprendre de ta bouche que de celle des autres…

Je lui lançais un simple regard. J’étais fatigué, en deuil de cette vie qui n’avait finalement été que le mirage d’un possible bonheur. Mon visage cerné trahissait ma douleur, et Dorian semblait plus peiné que je ne l’aurais imaginé à mon égard.

- Est-ce que Gabriel était au courant ? Se risqua-t-il à me demander.

- Oui, il savait…

- Je… J’ai croisé Gabriel, il était avec Kay… Il pleurait. Est ce que je peux connaître la rai…

- C’est de ma faute, le coupais-je. Je l’ai accusé à tord.

Un silence s’instaura entre nous, mais ce n’était heureusement pas un silence lourd et pesant. Dorian respectait à sa façon mon besoin de solitude, bien qu’il reste à mes côtés. Il ne me jugeait pas comme tous les autres. Cela cachait bien évidemment une raison plus profonde, mais je m’en moquais pour le moment. A vrai dire, j’étais finalement légèrement soulagé qu’il soit une fois de plus à mes côtés lorsque j’en avais besoin. Dorian aussi me manquerait lorsque je partirais d’ici, mais pas autant que Gabriel. A cette pensée, ma poitrine se comprima si fort que j’eus du mal à respirer.

Dorian s’en apercevant m’appela par mon prénom avant de poser sa main sur moi, hésitant, ne sachant plus trop comment se comporter. Ce contact, je ne le supportais pas, m’écartant de lui le moins brusquement possible, je m’excusais et mon regard suffit à lui faire comprendre. Je n’avais pas besoin qu’il me touche pour savoir qu’il me craignait et ne savait plus trop comment faire avec moi. Je sortais de prison après tout… Évitant son regard peiné, je décidais de me confier un peu, voulant à tout pris alléger en surface le poids qui m’opprimait. Et Dorian m’y aida en me demandant :

- Ca va aller… Laisse-leur le temps de se faire à l’idée que tu sors de prison. Rassure-moi, tu ne vas pas partir d’ici parce qu’ils savent tous ? 

- Qui vous a mis au courant ? Demandais-je en évitant sa question.

- Je ne sais pas… Quand je suis arrivé ce matin, la nouvelle circulait déjà entre eux… Qu’est ce que tu vas faire Juha ? Insista Dorian.

- Je n’en peux plus…Je suis en train de le détruire. Je fais tous de travers… Je… Je crois que je l’ai définitivement perdu. Kay est mieux pour lui. Mais je ne pourrais supporter de les voir ensemble.

- Alors tu baisses tout simplement les bras ?

- Oui, répondis-je catégorique. Pour le bien de Gabriel, c’est ce que j’aurais du faire depuis le début. C’est fini de toute façon, ce n’est plus qu’une question de temps…

- Je ne te savais pas si lâche Juha ! Qui te dis qu’il sera plus heureux avec Kay ?!!

- Kay l’aime et ne traine pas un meurtre derrière lui, dis-je en me redressant. Leur relation sera plus saine !

- Le coup du sacrifice ne marchera pas avec moi Juha. Enfin tu l’aimes ça crève les yeux !

Perdu, je ne répondis pas tout de suite, je ne savais plus que penser. Qu’en savait-il ? Je tenais énormément à Gabriel, mais j’avais peur. Peur de tout perdre et surtout de le perdre. Peur d’accorder une confiance irraisonnée en quelqu’un, comme je l’avais fait avec Killian qui avait fini par me trahir en m’imposant de le tuer. Car finalement c’était sur cela que reposait pour moi une relation amoureuse : la confiance en l’autre. Je n’avais déjà pas confiance en moi…

- Je ne sais pas, dis-je dans un souffle.

Dorian n’en supporta pas plu. Se levant, il se planta devant moi et me dit, le ton légèrement plus haut qu’à son habitude :

- C’est sur que c’est tellement plus simple que de chercher la réponse au fond de toi ! Tu l’aimes, et il n’y a pas que moi qui le pense. Quand vas-tu te l’avouer ! Ça ne se commande pas Juha, crois-moi…

Un silence s’instaura une fois de plus entre nous, jusqu’à ce que Dorian me dise :

- Tu devrais aller manger un peu Juha, tu es pâle à faire peur. Allez viens…

Docile, je le suivis, bien que l’idée de retrouver tout le monde réunis dans cet espace clos ne m’enchantait guère.

Je marchais quelques pas derrière lui, remarquant qu’effectivement, il valait mieux que j’avale quelque chose si je ne voulais pas tomber dans les pommes. Le fait que Dorian m’accompagne me rassurait un peu, mais ce ne fut malheureusement pas le cas. Un collège l’appela à l’aide et il me dit de partir devant et qu’il me rejoindrait après. N’ayant pas d’autre choix que d’y aller, je me rendis donc au réfectoire. Celui-ci était plein, et autant dire que tous les regards furent rivés sur moi lorsque j’attrapais un plateau. Déglutissant, et me coupant d’eux, je commençais à me servir raisonnablement en nourriture, seulement ce que je me sentais capable d’avaler.

C’est alors que je me sentis poussé de manière brusque. Ce n’était autre que Marion qui trouvait que je n’allais pas assez vite.

Ce simple contact la trahis. C’était elle qui était à la source de cette révélation. D’où elle tirait ses informations ? Je n’en avais pas la moindre idée. Elle me lança un regard narquois alors que je lui tournais le dos et finissais de me servir. Je réglerais mes comptes avec elle plus tard.

Choisissant la table la plus éloignée et la plus calme possible, j’allais m’installer seul, soupirant face à la lourdeur de la tension qui régnait dans cette pièce. Les regards furtifs et les messes basses commentant chacun de mes faits et gestes étaient déjà difficiles à supporter, mais ce n’était rien à côté de ce qu’ils ressentaient à mon égard.

Gabriel et Kay n’étaient pas encore là. Baissant les yeux et m’enfermant dans ma bulle pour être capable d’avaler ne serait-ce qu’une bouchée, je ne les vis pas arriver. Ce fut seulement au moment où tout le monde se tut que je redressais la tête, voyant Marion s’approcher de Gabriel, un sourire malsain dépeint sur le visage, Kay étant un peu plus loin.

- Alors Gabriel, ça t’excite les taulards ?

Gabriel sursauta violemment, tout autant surpris que moi par ses propos et sa question. Déjà blême, il devint livide. Satisfaite d’elle et de la réaction de Gabriel, elle se tourna vers l’assemblée et s’exclama :

- Faits une ovation au nouveau couple de l’année.

Un brouhaha inintelligible se fit entendre, tandis que je serrais les poings sous la colère. C’était une chose qu’elle s’en prenne à moi et à ma vie privée, s’en était une autre qu’elle s’en prenne à Gabriel. Lorsque le silence revint, Marion reporta son attention sur Gabriel et reprit :

- Quelle tragique histoire que celle du misérable petit orphelin entiché d’un assassin qui ne veut pas de lui… Et oui je sais tout de toi… Quel effet ça fait de se faire baiser et jeter par la suite ? Regarde dans quel état lamentable tu es… Mon pauvre garçon, tu es pitoyable, tu ne vaux vraiment rien… Tu ne t’es jamais demandé pourquoi ton père et ta mère n’ont jamais voulu de toi…

Ce fut plus que je ne pouvais en supporter. Les larmes de Gabriel inondaient ses joues, et Kay le regardait trop ahurie pour faire quoi que ce soit. Me levant, je me précipitais sur Gabriel qui vacillait. Je l’attrapais au dernier moment, juste avant qu’il ne tombe dans l’inconscience. M’assurant qu’il était bien tout contre moi protégé, ignorant pour l’instant le bien que cela faisait de l’avoir de nouveau dans mes bras, je fis face à Marion, la toisant de toute ma hauteur.

Malheureusement pour elle, elle était allé trop loin. J’aurais pu supporter bien plus à mon égard, mais la colère qu’elle avait déclenché chez moi en s’en prenant à Gabriel en faisait frémir plus d’un dans la salle.

 D’une voix glaciale, rentrant parfaitement dans la peau du personnage que tout le monde semblait s’imaginer : le dangereux criminel, je déclarais en la regardant droit dans les yeux :

- Que tu t’en prennes à moi c’est une chose Marion, mais Gabriel n’a rien à voir là dedans.

- Oh comme c’est touchant ! S’exclama-t-elle en se moquant ouvertement de moi. C’est pour ça qu’il t’a choisit ? Pour que tu le protège comme il savait que tu ne reculais même pas devant le meurtre ? Non mais regarde le, endormi dans tes bras, si beau… On pourrait croire à un ange. Mais toi ! Tu t’es regardé, tu ne fais que le salir rien qu’en l’ayant trainé dans ton lit.

- Dis-moi Marion, répliquais-je, tu aurais un problème avec l’homosexualité ?

- Non ! S’emporta-t-elle. Mais avec les meurtriers oui ! Qu’est-ce que tu croyais ? Nous le cacher éternellement ! Il est important que tout le monde sache, dit-elle en se tournant vers les autres. J’estime que nous devons être au courant du risque que nous courrons à te côtoyer.

- Tu t’imagines les risques que tu prends à me provoquer ainsi ?

- Je n’ai fait que dévoiler la vérité ! Se défendit-elle en faisant un pas en arrière.

- Et t’en prendre à Gabriel ! Il n’a rien à voir là dedans. Pourquoi est-ce que tu t’acharnes ainsi sur lui ? Par jalousie ? Tu n’as pas su le garder… C’est plausible !

- Mais je n’en ai rien à foutre de lui, au contraire, au moins je n’ai plus à le supporter. Un gamin pleurnicheur arrogant et bourré de défaut.

Marion avait vraiment beaucoup de chance que Gabriel soit dans mes bras. Il m’empêchait de déverser réellement ma colère sur elle physiquement.

- Dis-moi Juha, dit-elle en reprenant de l’assurance, est-ce qu’au moins tu as pris ton pied avec lui ? J’espère pour toi qu’il est plus doué avec les hommes… Remarque, se faire baiser, ça doit être plus facile pour lui. Honnêtement, de toi à moi, qu’est-ce que tu lui trouve pour avoir ne serait-ce que l’envie de te le faire ?

- Tu te rends compte à quel point tu es pathétique ! Attaquer aussi bassement, devant tout le monde. Gabriel vaut mille fois mieux que vous tous réunis dans cette salle. Dis-je en les toisant sévèrement. S’il n’était pas là, rien ne m’aurait poussé à rester parmi vous. Vous êtes tous à le jalouser alors que vous n’avez pas vécu ni fait la moitié de ce qu’il a enduré pour parvenir jusqu’ici. Vous devriez le respecter au lieu de le dénigrer. Et n’allez pas en plus lui rajouter mes problèmes sur le dos.

Prenant une courte pause, je toisais Marion de toute ma hauteur et mon mépris, sans cacher la rage qui faisait vibrer mon âme :

- Ta vie ne doit pas vraiment être passionnante si tu prends autant de temps à pourrir celle des autres. Notre vie privée n’est pas une pièce de théâtre ! Ne t’avise plus jamais de t’en prendre à Gabriel… La menaçais-je. Ou je te promets que tu le regretteras.

- Tu crois vraiment que tu me fais peur ! Je…

Marion fut soudain arrêtée, la main de son père atterrissant violemment sur sa joue. Depuis combien de temps était-il ici ? Je n’en avais pas la moindre idée. Kay vint se placer à côté de moi, fixant Gabriel anxieux.

- Disparais de ma vue ! Je ne veux plus te voir jusqu’à nouvel ordre. Tu me fais honte Marion. Tu n’es qu’une salle petite garce égoïste et cruelle.             

L’attrapant d’une poigne ferme par le bras, il l’entraîna hors d’ici loin de nous. C’est à ce moment là seulement que je réalisais mon état. Fébrile, je tremblais encore sous la colère, presque trop faible pour maintenir Gabriel. Kay sembla s’en apercevoir car il le prit de mes bras, pour le porter tout contre lui, m’arrachant à ce que je savais être notre dernière étreinte.

- Je vais l’emmener dans sa chambre, m’expliqua-t-il, sans me laisser vraiment le temps de réagir.

Je ne dis rien, je ne fis rien, simple spectateur de la fin de notre couple. Gabriel, emporté par celui qu’il lui fallait. Je m’étais déjà mille fois imaginé cette scène, mais la vivre réellement était autre chose. Marion avait malheureusement dit vrai : j’étais dangereux, dangereux pour quiconque s’approchait trop de moi.

Cette fois-ci, je me serais au moins arrêté à temps. Tournant les yeux vers la salle qui me fixait encore, muette, je jetais un dernier regard avant de sortir. J’avais pris ma décision, dès que tout serait fini avec Gabriel, je partirais d’ici. Je ne survivrais pas à le voir dans les bras d’un autre, incertain de savoir comment ma vie serait sans lui. A cette question, je préférais ne même pas penser à la réponse. Comprendrait-il seulement un jour mon choix ? N’en avait-il tout simplement pas assez ? Tiraillé entre deux hommes, je l’aidais à faire le meilleur choix possible…

- Juha ? M’interpella Philippe alors que je sortais du bâtiment. Je suis vraiment désolé pour ce qui vient de se passer. Je… Je te donne ton après-midi, repose-toi et nous parlerons de tout cela demain.

Je ne répondis même pas, lui offrant simplement un léger acquiescement de la tête. Me détournant de lui, j’allais droit devant moi. J’avais tellement mal au cœur que pleurer me semblait impossible. Me répéter sans cesse que c’était la bonne décision me faisait pourtant tenir encore debout.

Sans trop m’en rendre compte, je me retrouvais assis sur le banc de la vielle carrière, regardant un poulain et sa mère se dégourdir les pattes dans la neige.

Inspirant profondément, je me sentais vide. La colère me quittait peu à peu. Je repensais à la chaleur de Gabriel collé tout contre moi, inconscient et au bien que cela m’avait fait. C’était en lui que j’avais puisé mes forces et pour lui que j’avais tenu tête à Marion. Fermant les yeux un court instant, je me perdis dans les souvenirs heureux que nous avions pu partager, me remémorant nos étreintes, notre première fois… Le souvenir de notre première rencontre m’aurait presque fait sourire si mon cœur n’était pas aussi meurtri.

Perdu dans toutes ses pensées pendant je ne sais combien de temps, je ne m’aperçus de la présence de Gabriel que lorsqu’il s’assit près de moi. Il gardait une distance respectueuse, étant bien loin du temps où l’on aurait pu se qualifier d’intimes. Il n’avait même pas besoin de commencer à parler, je savais et sentais pourquoi il était ici. Mon cœur tonnait dans ma poitrine, et je tentais laborieusement de me dire qu’il faisait le bon choix.

- Il est beau notre couple, tiens… Souffla-t-il avec amertume et une pointe de faux amusement dans la voix après un cours silence gêné.

Ne pouvant me retenir, je lâchais dans un murmure qui m’était plutôt adressé mais que Gabriel pris pour lui :

- Comment en est-on arrivés là ?

Choqué par ma question, il se tourna face à moi en s’exclamant :

- C’est à moi que tu demande ça ?!

Je ne répondis rien, un silence pesant et angoissant nous enveloppa. Une question finit par me brûler les lèvres, au souvenir de ce qui avait tout déclenché. Jamais je ne l’avais sondé à ce sujet, désirant au moins le savoir avant de définitivement le quitter pour le laisser se reconstruire avec un homme plus sain que moi.

- Pensais-tu réellement ce que tu as dit ?

Gabriel savait pertinemment ce à quoi je faisais allusion. S’il avait connu mon secret, il aurait trouvé ma question ridicule. Je n’avais qu’à le sonder, ouvrir les barrières que je m’imposais depuis qu’il m’avait prononcé ces deux mots… Mais je me refusais de savoir ce qu’il ressentait véritablement pour moi. Lui demander était finalement plus simple.

Gabriel me répondit avec cynisme sans même me regarder :

- Non, j’adore me taper la honte !!

Le silence se fit alors que Gabriel cherchait ses mots pour me dire que notre relation était terminée. Je savais que nous devions passer par là, et c’était tout aussi périlleux pour l’un et l’autre. Je n’étais pas fait pour lui…Ce fus après une attente interminable qu’il consentit enfin à se lancer.

- Ecoute Juha, je n’ai plus envie de me battre avec toi pour que tu daigne m’adresser la parole et que tu acceptes de me faire confiance. Je suis fatigué de tout cela… On a essayé, ça n’a pas marché, mais je ne regrette rien… Je t’aime Juha, c’est indéniable, cependant, tu n’es pas prêt à oublier Kilian et à passer à autre chose, et moi je ne peux pas attendre toute ma vie un amour que je ne recevrais jamais…

Gabriel se tut un instant. Si seulement il savait qu’il était le seul à occuper mes pensées…

Avait-il seulement conscience de la douleur que je partageais avec lui pour cette séparation. Je me retins de lui dire. Je n’en avais pas le droit, et je devais me tenir à mes résolutions.

- Moi qui croyais que… Continua-t-il après un court silence. Que tu t’intéressais à moi pour ce que j’étais et pas comme substitut de ton défunt amant… J’aurais du m’en douter que je n’étais qu’un passe temps pour toi, que tu n’envisagerais jamais rien avec moi parce que tu l’aimes toujours lui…

Je ne le contredis pas. Mieux valait qu’il croit cela, ce serait certainement plus facile pour lui de tourner la page sans regretter un possible avenir avec moi.

- Et tu sais ce qu’est le pire dans tout ça ? Demanda-t-il avec une pointe d’ironie désespérée et d’amertume dans la voix. C’est que j’ai repoussé Kay pour toi… J’ai renoncé à l’amour qu’il m’offrait pour tenter de construire quelque chose avec toi… Mais encore une fois, j’ai été trop con… Tout ça pour dire que je pense qu’il est préférable que je retourne vivre chez Philippe et qu’on reste simplement des amis, rien de plus… Enfin… si tu veux toujours de mon amitié…

J’aurais pu lui hurler comme me l’intimait mon cœur que tout cela était faux. Que sa simple amitié ne me suffirait jamais, qu’il comptait pour moi plus que tout. J’aurais pu le prendre dans mes bras, démentir ses propos, lui demander de me laisser du temps. Mais n’aurais-je pas été égoïste ? Serais-je seulement un jour capable de dire à nouveau « Je t’aime » ? Je devais lui rendre sa liberté, et rester dans la prison que je m’étais forgée et dont je ne parvenais pas à sortir. J’aurais pu me battre, ne pas accepter avec autant de résignation cette séparation. Je ne sus grâce à quelle force je restais immobile et silencieux.

Gabriel finit par se lever, et commença à partir, tandis que je redoublais d’effort pour lutter contre mon envie de l’attraper par le bras et de le retenir… Mais le retenir pour quoi ? Pour le détruire d’avantage ?

Gabriel s’arrêta au bout de quelques pas, et sans pour autant se retourner, il déclara :

- Je passerais ce soir chercher quelques affaires pour la semaine…

Sans attendre de réponse, il reprit sa route, s’éloignant définitivement de moi. S’il avait tourné la tête à ce moment là, il aurait vu alors mon visage inondé de larmes…

 Je ne fis rien pour les retenir, j’en aurais été de toute façon incapable. Je restais là, le regard dans le vide, pleurant silencieusement, passif quant à ma douleur, aveugle du monde extérieur.

- Je me doutais que tu serais là… Me dit Dorian, en s’asseyant près de moi. J’ai vu Gabriel…

Je ne lui lançais même pas un regard, ni la moindre attention, murmurant plus pour moi que pour lui, formalisant à voix haute ce qui venait de nous arriver :

- C’est fini…

Les larmes redoublèrent, tandis que la main de Dorian se posa sur mon épaule. Un regard vers lui, sa compassion, ce silence, la douleur poignante me firent craquer pour de bon. La main de Dorian serra plus fort mon épaule, alors qu’il prononçait mon nom avec une voix emprunte de tristesse, avant de me demander :

- Tu lui as parlé ? Dis ce que tu avais sur le coeur ?

Je fis « non » de la tête, et Dorian répliqua aussitôt :

- Mais enfin ? Pourquoi ? Tu m’as dit hier que tu tenterais de lui parler ! Qu’est-ce qui te prend Juha ?

- Si j’avais parlé, cela aurait été trop dur pour Gabriel. Je préfère qu’il m’en veuille… C’est la meilleure solution. Je ne suis pas fait pour lui, ce qui s’est passé avec Marion en est la preuve.

Dorian ne répondit rien, me fixant en attendant que je poursuive :

- Je savais que ça devait arriver Dorian, mais je ne m’attendais pas à ce que ça fasse aussi mal…

Dorian ne résista plus. En un rien de temps, je me retrouvais dans ses bras. Ma tête se posa naturellement sur son épaule, tandis que je pleurais une fois de plus dans ses bras, sans savoir si je parviendrais un jour à m’arrêter.

Dorian me murmura quelques mots de réconfort, mais j’y restais sourd, ne tentant même pas de les entendre. Jamais je ne saurais le remercier assez pour tout ce qu’il faisait pour moi, et pour le soutient qu’il m’avait apporté pendant ces deux semaines. Lui rendant son étreinte, je le serrais contre moi, redressant légèrement la tête. Je croisais le regard du directeur qui passa de la colère à de la peine à mon égard. Il ne vint pas vers nous, poursuivant son chemin vers le parking avant de disparaître de ma vue.

Je ne sus combien de temps je restais dans les bras de Dorian avant de le quitter ayant besoin d’être seul. Dorian me proposa de me ramener chez moi, mais je lui expliquais que je préférais marcher. Il me fit promettre de l’appeler ce soir si jamais j’en avais besoin. C’est ainsi que je rentrais seul, quittant ce centre peut-être pour la dernière fois. Shanenja me suivit, docile et peu joueur, et sans un regard en arrière je rentrais chez moi… Sans Gabriel et avec ce rejet collectif quand à mon passé, je n’avais plus ma place ici.

Assis sur le canapé face à l’entrée depuis que j’étais arrivé ici, je n’avais pas fait un seul geste, me replongeant dans tout mes souvenirs : ceux avec Killian, mais surtout ceux avec Gabriel. Immobile, j’étais maintenant plongé dans le noir, sans trop en avoir conscience. Gabriel n’allait pas tarder à venir chercher ses affaires, et je savais pertinemment que ce serait véritablement la dernière fois que nous nous verrions. M’en voudrait-il d’être partit ainsi ? Certainement énormément, mais j’espérais qu’avec le temps il comprendrait. Je préférais une rupture nette et franche, que de le voir chaque jour un peu plus proche de Kay jusqu’à la concrétisation de leur couple et de leur union. Je préférais me l’imaginer simplement que de le voir de mes propres yeux. De même plus pour Gabriel, mieux valait qu’il m’oublie vite pour se reconstruire avec Kay, que je reste ainsi sous ses yeux.

La porte s’ouvrit, Shanenja se ruant vers Gabriel pour l’accueillir comme il se devait. Allumant la lumière de l’entrée, sans se douter que je le regardais, il s’agenouilla auprès de l’animal avant de le caresser longuement, me laissant imprimer en mon esprit les dernières images de lui que je pourrais emporter.

Après quoi, il se redressa et alluma la lumière. Il ne cacha pas sa surprise de me voir seul dans le salon, dans le noir. Ne supportant pas mon regard, il détourna les yeux en murmurant :

- Je… Je reste pas longtemps…

Sans un mot de plus, il se dirigea dans la chambre. Même vivre dans cet appartement sans lui me serait impossible. Peut-être partirais-je juste après lui, incapable de dormir, mieux valait que je commence à m’éloigner dès maintenant.

Une fois qu’il eut récupéré tout ce dont il avait besoin dans la chambre, il prit la direction de la salle de bain avec son sac. J’avais l’impression que cet instant n’allait jamais prendre fin. De plus, quelque chose tiraillait en moi, comme une envie de sonder Gabriel en profondeur pour vérifier la véracité de ses propos. Pourtant, je m’y refusais depuis qu’il m’avait dit m’aimer. Je m’étais coupé de lui, plus que je ne l’aurais cru, ne sachant plus comment m’y prendre. Seule la peur m’en empêchait… Saurais-je seulement m’en tenir à ce que j’avais décidé si ses sentiments correspondaient et que je me laissais envahir par eux ?

Gabriel arriva dans le salon, ravivant cette tentation à laquelle je résistais sans trop savoir comment. Plus il s’approchait de moi, et plus je sentais ma volonté s’effriter.

- Bon ben… Je… On se voit demain…

Gabriel resta un instant immobile, attendant une quelconque réponse ou réaction de ma part. Ce fut seulement au moment ou il me tourna le dos, prenant la direction de la sortie, lassé de mon comportement, que je ne pus tenir. Je ne pouvais pas partir sans savoir, et c’était maintenant ou jamais. Libérant mon don, celui-ci se déversa aussi vivement que l’eau s’échappant d’un barrage pour aller sonder Gabriel. Pas besoin de contact pour l’atteindre aussi intimement, j’avais été si proche de lui par le passé que nous étions liés.

Passant outre sa douleur actuelle, fuyant son amour pour Kay, évitant ses peurs profondes, je fis le tri à une vitesse que je n’avais jamais expérimentée. Et je parvins enfin à la dénicher, cet amour sincère et si pur. Il n’était pas caché, il était juste là sous mes yeux. Aveuglé par ma peur et ma douleur, je réalisais seulement maintenant l’ampleur du désastre qu’une séparation lui causait. Il m’aimait si profondément, que j’en fus déboussolé mais ravivé de nouvelles forces. Mes résolutions s’effondrèrent tel un château de carte. Impossible de le laisser, impossible de continuer à me taire, impossible de le laisser à un autre.

- Gabriel ! Dis-je alors qu’il venait juste de disparaître du salon.

Marchant vers lui, je me retrouvais debout devant lui, alors qu’il se retournait pour me faire face. Gabriel m’envoya simplement un regard interrogateur. J’avais l’impression d’entendre les battements frénétiques de son cœur, de sentir l’espoir et la peur qu’il ressentait. Me retirant de lui, ayant ce que je voulais, je chutais brusquement dans mon corps, déstabilisé. Si je m’étais écouté après une telle expérience qui avait ruiné toute mon énergie, je me serais effondré. Mais je ne pouvais pas, j’avais entre mes doigts une dernière chance de le récupérer, un dernier espoir, aussi faible qu’une flamme éprouvée par le vent.

Je mis apparemment trop longtemps avant de parler, ne sachant par ou commencer, car il soupira, horriblement déçu, me cachant au mieux son envie de pleurer.

- Ouais… Allez… Salut…

Son sac sur l’épaule, il esquissa un pas vers la porte. Il ne m’en fallut pas plus. Je l’attrapais par le poignet, l’empêchant de fuir.

- Gabriel… Je t’en prie…

Me cédant, Gabriel consenti à se tourner une dernière fois vers moi, m’offrant cette unique chance. Cherchant mes mots, Gabriel attendait patiemment que me lance enfin. Après une longue inspiration, je me décidais enfin à lui dévoiler ce que j’avais sur le cœur. Sans trop savoir ou j’allais, je repris d’une petite voix :

- Jusqu’à maintenant j’ai toujours fait passer Killian avant toi… Je… Je me suis enfermé dans ma douleur et la prison ne m’a certainement pas aidé à oublier et à dépasser ce cap…

- C’est l’impression que j’ai eu aussi, répliqua-t-il.

Ignorant son sarcasme, je poursuivis, laissant les mots traverser mes lèvres sans les retenir :

- Je sais que je suis bourré de défauts, que je t’ai ignoré au moment ou tu avais le plus besoin de moi… J’ai agis comme un égoïste et que toute la douleur que je ressens ne me pardonne pas de mes actes… A présent, je sais ce que ça fait de vivre loin de toi, et je peux désormais affirmer qu’il est certain que je ne peux plus vivre sans toi parce que je ne conçois pas la vie sans toi à mes côtés…

Des larmes coulèrent alors sur les joues de Gabriel. Ne cherchant pas à les interpréter, je fis une courte pause avant de reprendre ma confession :

- Plongé dans ma propre douleur, j’en ai ignoré la tienne, je n’ai pas su écouter ta détresse quand tu as avoué m’aimer… J’ai été trop orgueilleux pour avouer mes fautes tout de suite… Mais je compte bien faire un effort et aller de l’avant, mais pour cela, j’aurais besoin de ton aide car ne j’y arriverais pas tout seul, Gabriel…

Après une seconde durant laquelle il resta silencieux, certainement trop ému pour rajouter quoi que ce soit, j’ajoutais :

- J’espère sincèrement qu’un jour je n’aurais plus besoin de m’appuyer sur toi, et ce jour là seulement, je pourrais être honnête avec moi, mais surtout envers toi…

Voilà pourquoi je ne pouvais pas lui dire « Je t’aime »… Enhardi par une envie que je ne pus retenir, je m’approchais de lui, et m’emparais de ses lèvres pour un baiser violent. Pris d’une pulsion incontrôlable, comme un drogué cédant à sa dose, je forçais le barrage de ses lèvres alors qu’il restait immobile et stupéfié. Insinuant ma langue dans sa bouche, ce ne fut qu’au contact de ma langue contre la sienne que Gabriel répondit enfin au baiser à mon plus grand plaisir.

L’ardeur qu’il y mettait déchaîna un désir insoupçonné dans tout mon être. Nous étions restés tous deux bien trop longtemps loin de l’autre, pour être capable de nous retenir. Si l’empressement que Gabriel mettait dans ce baiser m’étonnait tout autant que cela me ravissait, je ne fis aucun commentaire.

Lorsque je mis fin au baiser, loin d’être rassasié, je déclarai d’une voix étrangement rauque :

- En attendant, je peux déjà te prouver d’une autre façon ce que je ne peux exprimer par des mots…

Sans pour autant lui dévoiler que je comptais m’offrir à lui, je déboutonnais sa chemise avec empressement avant de la laisser tomber sur le sol, incapable de réprimer mes envies. Ma bouche explorait déjà son cou, mordillant sa peau avant de la lécher longuement comme pour effacer la douleur causée par mes dents. Je n’aurais su décrire le plaisir que j’éprouvais à me délecter à nouveau de la saveur si particulière et légèrement sucrée de sa peau.

- Non… Juha… A… Arrête… Tenta-t-il vainement de me repousser, sachant tout comme moi qu’il ne résisterait pas longtemps.

Ne prenant pas attention à ses faibles protestations, je posais délicatement mes mains sur son torse dénudé, galvanisé par ce contact qui m’avait cruellement fait défaut, avide de faire frémir à nouveau sa peau sous mes attentions. Titillant ses tétons qui durcissaient au contact de mes doigts, Gabriel lâcha un soupir de contentement. Prenant cela comme une invitation à aller plus loin, je ne pus que descendre mes mains. Ma virilité commençait déjà à pulser contre sa cuisse, réclamant ce qui lui avait été interdit pendant ces deux semaines. Déboutonnant son jean, passant une main à l’intérieur, Gabriel sembla reprendre ses esprits, car il sursauta violemment en me repoussant. Baissant les yeux, comme honteux, il murmura :

- Je… Nous ne pouvons pas… Ce n’est pas raisonnable… Tout… Tout n’est pas encore pardonné…

- Arrête de réfléchir, Gabriel, murmurais-je d’une voix rauque qui ne cachait pas mon désir. Laisse-toi vivre… Tu n’as qu’une vie, profites-en…

Nous en avions besoin, tous les deux, et pas pour un simple besoin purement physique. J’avais besoin de sentir son corps contre le mien, tout comme c’était nécessaire pour lui. Sans lui laisser le temps de répondre, je l’embrassais de nouveau avec passion et avidité dans le but de le débrider. Réagissant à mon plus grand plaisir à mon injonction, il répondit vivement à mon baiser, glissant une main sur ma nuque et une autre dans mes cheveux afin d’approfondir notre échange.

Un frisson me parcourut l’échine, telle une décharge électrique. N’étant plus maître de moi-même, je mordis sa lèvre inférieure alors que mes mains se posaient sur ses fesses, l’attirant vivement à moi, ne supportant plus cette distance. Nos bassins se rencontrèrent alors que nos lèvres étaient toujours soudées. Soudain, Gabriel poussa un gémissement de douleur et de plaisir mêlés qui mourut dans ma bouche.

Ne lui laissant pas le temps de réfléchir aux raisons qui le pousseraient à refuser, j’investissais son corps, laissant ses résolutions fondre comme la neige au soleil. Il m’avait manqué, terriblement manqué. Aucun de mes gestes n’était dénué de tendresse ou de délicatesse, désirant seulement le retrouver, agissant comme je l’avais toujours fait avec lui dans ce genre de moment. J’avais trop besoin de lui, et je me demandais maintenant comment j’avais fait pour me résoudre à l’abandonner. Aurais-je seulement survécu à une journée sans le voir, en sachant qu’il ne serait plus jamais mien ? Comment avais-je supporté cet éloignement de deux semaines ? J’avais l’impression que cela avait duré une éternité, les secondes se comptant en années.

Gabriel semblait être dans le même état que moi, et il sursauta violemment lorsque je mordillais délicatement le lobe de son oreille, un bras passé avec possessivité autour de sa taille. A ce contact, Gabriel se cambra violemment, nous arrachant à tous deux un gémissement de plaisir lorsque nos virilités entrèrent en contact.

Galvanisé par mon désir plus qu’évident qui battait contre sa cuisse, Gabriel se mit à onduler du bassin, attisant son propre désir tout autant que le mien. A mon plus grand plaisir, il se désinhiba à son tour, me montrant le Gabriel que moi seul connaissait. Entreprenant de me toucher, il mit fin au baiser, explorant de ses lèvres mon visage avant de descendre jusqu’à mon cou, tandis que ses mains se frayaient un chemin sous sa chemise.

Un frisson bien plus violent que le précédent parcourut à nouveau mon échine à cet effleurement, et la seconde qui suivie, Gabriel se retrouvait vivement plaqué contre le mur de l’entrée, alors que je maintenais fermement ses mains au dessus de sa tête, le mettant à ma merci.

Un sourire amusé étira ses lèvres face à la réaction que je venais d’avoir et que je n’avais pu contrôler. Je ne cherchais d’ailleurs en rien à me retenir. Je dévorais son cou et son torse avec une avidité et une gourmandise non feintes. A chaque instant, je savourais sa le gout de sa peau, unique et exaltant. Soudain, un couinement d’impatience s’échappa de ses lèvres entrouvertes lorsque ma langue vint jouer avec ces tétons durcis par le plaisir en même temps que mon genou venait écarter ses cuisses, rapprochant ainsi plus qu’il n’était possible, nos bassins et nos virilités douloureusement tendues. Je n’avais dès lors plus le moindre doute sur l’envie de Gabriel et sur mon propre désir. Les joues et le corps en feu, Gabriel s’abandonnait totalement à moi, m’offrant cette fameuse confiance qui m’effrayait…

Ses mains étaient toujours retenues prisonnières par ma poigne de fer, et il ne pouvait me toucher et me caresser à sa guise, alors que je sentais cette envie lui bruler les doigts. Pleins de ressources, Gabriel pris appuis contre le mur avant de passer ses jambes autour de mes hanches, le pantalon ouvert. Esquissant un lent déhanchement tout en gémissant sans retenue aucune, Gabriel accroissait mon désir déjà plus que conséquent. Fier de l’effet considérable qu’il avait sur moi, il esquissa un sourire ravi, tandis que mes mains venaient se poser sur ses fesses. Les jambes fermement entourées sur ma taille, Gabriel ne pesais presque rien. Il passa un bras autour de mon cou pour m’attirer à lui et ravis mes lèvres d’un baiser enflammé. Se laisser vivre : Gabriel avait pris mon invective au pied de la lettre.

Nos langues se rencontraient ardemment, en manque l’un de l’autre, entraînant sa jumelle dans un ballait érotique et sensuel, toujours plus endiablé, toujours plus profond. Nos corps soudés l’un contre l’autre s’emboitaient à la perfection. Maintenant libre, les mains de Gabriel vinrent vagabonder sur mon corps laissant cours à la passion qui le consumait. Mes vêtements m’empêchaient de véritablement sentir le toucher direct de ses doigts sur ma peau, et cela semblait le troubler tout autant. Bientôt, je laissais sa langue abandonner la mienne, et Gabriel alla se perdre dans la peau de mon cou. Celui-ci prit un mail plaisir à titiller les zones érogènes qu’il y trouva. Le plaisir apporté m’obligeant à laissé échapper des gémissements qui semblait ravir les oreilles de mon amant. Totalement attentif, mon attention toute entière tendu vers ce qu’il me faisait, j’étais tout entier soumis à la moindre de ses caresses et de son bon vouloir.

J’acceptais cette douce torture qu’il fit durer encore un instant, puis lassé de ce petit jeu, il entreprit de passer à autre chose. Non sans difficulté, il déboutonna mon jean. Au contact aérien de ses doigts effleurant ma virilité, je ne pus m’empêcher de me cambrer afin d’approfondir ce contact jugé trop succin, tout en étouffant dans son cou un gémissement rauque incontrôlable. En position d’infériorité face à moi, je ne lui concédais pas moins qu’il était maître de mon plaisir.

Se démenant, il parvint à glisser sa main dans mon boxer et du bout des doigts, il effleura avec hésitation mon érection alors qu’ondulant du bassin, les dents plantées dans son cou, je me laissais complètement aller au plaisir qu’il me faisait ressentir. Les petits cris que je poussais aidèrent Gabriel à prendre confiance en lui et il raffermit sa prise sur ma virilité.

Lentement, il entama un lent va et vient ponctuer de baisers frénétiques déposés dans mon cou. Ivre de plaisir, je tentais d’atteindre le plus rapidement possible les sommets du plaisir en de vigoureux déhanchement, savourant à chaque instant ce que m’offrait mon amant. Cependant, Gabriel gardait obstinément le même rythme horriblement lent dans le but d’attisé au maximum mon désir, cessant parfois tout mouvement ce qui lui valait de ma part un grognement rauque de mécontentement. Jouant de ma patience et de ma capacité à tenir, il accéléra enfin la cadence de ses va et vient, cessant sa torture, m’arrachant un cri d’exaltation à l’état pur. Alors que j’étais sur le point de me libérer, me retenant au maximum, Gabriel finit par accélérer d’avantage. Un instant plus tard, je me libérais dans sa main en un cri de jouissance, irradié par ce plaisir irrationnel et dévastateur.

Il fallut un moment avant que je reprenne mes esprits, restant la tête posée sur son épaule et le visage enfoui dans son cou. La respiration saccadée, je pris le temps de me remettre de cet orgasme violent qui avait déferlé sur moi.

Lorsque ma respiration fut redevenue à peu près régulière, je plongeais mon regard dans le sien, un petit sourire satisfait encore dépeint sur ses lèvres. Avec une avidité sans cesse renouvelée, je m’emparais de ses lèvres tout en entamant un langoureux mouvement de bassin qui réveilla instantanément son désir, bien décidé à lui rendre la pareille. Ravis, j’entendis un gémissement étouffé naître dans sa gorge alors que je me frottais lascivement contre son intimité, lui rendant la monnaie de sa pièce de la manière la plus agréable possible.

Puis, je retirais mes mains de sous ses fesses, et les posais sur ses hanches nue, désirant une position plus convenable pour ce qui allait suivre. L’esprit embué, Gabriel se contenta de me libérer de ses jambes et repris appuis sur ses pieds. Ravi, je laissais glisser mes mains jusque sur ses fesses, m’insinuant sans pudeur mais sans brusquement aucune dans son boxer que je fis lentement glisser le long de ses cuisses en même temps que son jean et ses chaussettes, le voulant entièrement nu sous mes yeux.

Jamais je ne me lasserais de cette vue qui s’offrait maintenant à moi. Je le vis fermer les yeux, et il retint à grand peine un gémissement de plaisir lorsque mes doigts s’enroulèrent délicatement et avec savoir faire sur sa virilité tendue que je savais douloureuse.

M’agenouillant face à lui, je ne tardais pas à laisser ma langue s’enrouler autour de son érection alors que je le prenais en bouche. A mon tour avec une lenteur exagérée, j’entamai un doux va et vient le long de son intimité, lui arrachant un profond soupir de bien être que je désirais entendre encore et encore. Me concentrant sur ma tache, je sentis tout de même les doigts de mon amant se glisser dans mes cheveux. Après un instant de ce traitement, je cessais tout mouvement, lui arrachant un sanglot de protestation qui mourut dans ma bouche après que je me sois relevé afin de lui voler un baiser fiévreux, déjà en manque de ses lèvres.

Puis, libérant ses lèvres après avoir léché le sang séché de ma morsure, ma langue explora son corps comme pour la première fois, le faisant frissonner de plaisir. Il était indéniable que je prenais autant de plaisir que lui à agir ainsi. Le voir se languir ainsi valait tout les trésors du monde. Reprenant ma descente, je m’arrêtais sur son tout nouveau tatouage, prenant cette fois véritablement le temps de l’observer. Avec une extrême délicatesse, j’effleurais de mes doigts cette zone encore sensible, qui eu pour effet de lui déclencher un violent frisson.

Je l’étudiais longuement, l’impriment en ma mémoire comme une chose faisant maintenant partie de mon amant, avant de prendre de nouveau entièrement son sexe en bouche. Les yeux clos, Gabriel cria de plaisir, m’invitant à aller bien plus loin et à cesser de me faire languir. Ma langue experte s’enroulait en un mouvement irrégulier autour de son intimité, le guidant irrémédiablement aux portes de la jouissance. Je sentais Gabriel se noyer dans le plaisir qu’il ressentait, perdant peu à peu conscience de l’espace et du temps. Nous étions tous deux uniquement concentré sur le plaisir que je lui offrais.

Ce fut après une caresse plus poussée que je sentis Gabriel vaciller. Le comprenant proche de la libération, j’accélérais la cadence. Allant toujours plus loin, ce fut après une dernière caresse profonde et bien plus poussée que Gabriel se libéra dans un cri de jouissance qui tinta harmonieusement à mes oreilles. Ses jambes ne supportant plus son poids, il s’écroula sur le sol, le souffle erratique. Sautant sur l’occasion, je vins immédiatement lui voler un baiser passionné.

Agenouillé entre ses cuisses, je déposais des milliers de baisers papillons sur son visage, et son corps moite de sueur, le laissant lentement se remettre de ses émotions et qu’il stabilise sa respiration.

Levant la main, il la posa avec tendresse sur ma joue rugueuse et mal rasé, me forçant à relever la tête et planta son regard dans le mien. Dans ses pupilles, je pu y lire les mots qu’il n’avait pas la force de prononcer. Après une longue minute à nous fixer ainsi, il m’attira à moi et avec une extrême délicatesse, il prit possession de mes lèvres, dans un baiser débordant d’amour, un baiser emprunt d’une douceur qui m’avait fait défaut depuis des années.

Ce baiser n’avait rien à voir avec les précédents baisers enflammés que nous avions partagés. Non, celui-ci scellait enfin notre réconciliation et le pacte que nous venions d’échanger silencieusement. Nous nous promettions tous deux, que plus jamais une crise comme celle que nous venions de vivre n’arrive à nouveau. Jamais nous n’oublierons ces deux dernières semaines, les gardant en mémoire pour ne plus jamais en arriver là…

Dans ce baiser, je sentis Gabriel mettre tout son amour et son désir pour moi, alors que ses bras se refermaient sur moi, me laissant dans une étreinte qui faisait battre mon cœur.

Lorsque nos lèvres ses séparèrent, Gabriel glissa son visage dans mon cou, inspirant profondément avant de murmurer au creux de mon oreille dans un souffle :

- J’ai envie de toi… Mais pas ici… Pas comme ça…

Sa demande me surpris, jamais Gabriel ne s’était montré aussi direct et avenant. Plantant mon regard dans le sien, je cherchais ce qui pouvait être la cause d’un tel changement. Je ne pouvais pas dire que je n’appréciais pas Gabriel ainsi, plus débridé, au contraire, mais je n’étais pas habitué. Celui-ci se mit à rougir, sans détourner les yeux, me montrant à quel point il était déterminé. Il en avait autant envie que moi, mais s’offrait de manière différente. Etait-ce du au fait qu’il m’avait révélé m’aimer, ne voyant plus de limite entre nous deux. Mon regard s’illumina, heureux de connaître à nouveau ce sentiment, heureux de sentir Gabriel plus proche de moi comme jamais il ne l’avait été.

Un sourire vint se dépeindre sur mes lèvres et m’arrachant à son étreinte, je me levais pour accéder à sa requête. Debout face à lui, je ne pus m’empêcher de le contempler sa nudité, avant de lui tendre la main, jugeant l’avoir suffisamment admiré. Gabriel m’adressa un sourire et attrapa la main que je lui tendais avec cette confiance en cet instant ne m’effrayais pas.

D’un geste vif, mais emprunt de tendresse, je l’aidais à se relever, l’attirant contre moi, entourant sa taille d’un bras possessif, ne désirant pour rien au monde le laisser fuir. Un léger sourire dépeint sur les lèvres, Gabriel soutint mon regard. Il s’avança lentement vers moi afin de ravir mes lèvres, à mon plus grand plaisir. Ne pouvant cependant pas supporter sa progression volontairement hésitante, je comblais l’espace qui nous séparait encore avec un empressement non dissimulé.

Bientôt, ma main alla se perdre sur ses fesses, très vite rejointe par sa jumelle. Sans jamais rompre le contact de nos lèvres soudées, je le guidais à travers le salon. Au passage, il fallut bien évidemment que je trébuche sur un objet non identifié, qui faillit nous faire chuter tous les deux. Cramponnés l’un à l’autre, Gabriel esquissa un sourire amusé, tandis que je reprenais ses lèvres en otage. Jamais je ne me lasserais de leur gout, jamais je ne voulais les laisser à quelqu’un d’autre.

Une fois arrivés dans la chambre, je laissais à peine le temps à Gabriel de fermer la porte sur notre passage, la poussant simplement du pied. Sans faire attention, je buttais contre le pied du lit. Chutant sur le matelas, je m’agrippais à lui, l’entrainant dans ma chute.  Gabriel se retrouva allongé sur moi, le visage enfoui dans mon cou. Je ne pu retenir un sourire, amusé par cette chute, mais je fus bien vite emporté par la bouche de Gabriel se déposant sur ma peau. Il était indéniable qu’il gagnait en savoir faire…

Il finit par se redresser, s’agenouillant sur mon bas ventre. Me chevauchant sans la moindre honte, il ondula du bassin, provoquant chez moi une réaction qu’il fut obligé de sentir. Comme si rien n’avait été fait jusqu’à maintenant, mon excitation revenait au point de départ, avide de toujours plus. Les deux mains posées à plat sur mon torse, Gabriel ferma les yeux, mordant sa lèvre inférieure en retenant un gémissement la tête légèrement penché sur le côté. Cette vue me rendait encore plus fou.

Le souffle erratique, il reporta son attention sur moi, me fixant d’un regard à moitié voilé par le plaisir qu’il partageait avec moi. Mes mains posées sur ses hanches, je le guidais au mieux dans son déhanchement, ne le quittant pour  rien au monde du regard. Je n’arrivais cependant pas à cacher ma surprise de le voir ainsi, poussant toujours les limites qu’il s’était inconsciemment fixé. C’était parfait pour ce que je prévoyais pour la suite. Rien que l’idée que je sois sien faisait battre mon cœur encore plus vite, vibrant à cette simple pensée.

Comprenant mon étonnement, Gabriel esquissa un petit sourire en coin, et dans un geste narquois, il pressa plus vivement son intimité contre la mienne, déjà douloureuse, m’arrachant un cri de plaisir à l’état pur.

Dans un état second, je le sentis tout de même se pencher vers moi. Il entreprit de gouter la peau de mon cou, alors que ses doigts se faufilaient habilement sous mon t-shirt. Comment avions nous pu nous passer de cela pendant deux semaines ? Je me rendais compte à chaque instant à quel point Gabriel était devenu vital pour moi, sa présence, son odeur, son corps, son être tout entier… Oh comme il m’avait manqué…

Lentement, il remonta mon vêtement, découvrant la peau de mon ventre sans se gêner pour la regarder et la caresser. Je me laissais faire, trop heureux de lui laisser prendre des initiatives. Attiré par mon corps, Gabriel finit par y poser ses lèvres. A ce contact, mon ventre se contracta alors qu’un gémissement rauque s’échappa de ma gorge. Avec une lenteur exagérée, il redessina la courbe de mes muscles, remontant vers mes tétons durcis par le plaisir qu’il me procurait. Je pouvais sentir mon corps entier bouillir de désir, me vrillant les reins, me coupant du monde extérieur, pour ne vivre qu’avec mon amant.

D’humeur taquine, celui-ci se contenta d’en effleurer un du bout de la langue avant de faire le même avec le second, me laissant en plus la caresse de son souffle chaud irradiant l’entièreté de mon corps. Gabriel réitéra son action plusieurs fois et je ne pus retenir un grondement sourd d’impatience, lui faisant comprendre qu’il était temps de passer à autre chose.

Un sourire satisfait étira ses lèvres alors qu’il se redressait pour dévorer avec avidité mes lèvres, baiser auquel je souhaitais répondre avec la même envie.  Mais alors que j’entrouvrais la bouche, Gabriel s’écarta de moi, m’adressant un regard menaçant et cessant tout mouvement du bassin. Ne comprenant pas ce qu’il voulait, je rongeais mon frein, alors qu’il se penchait vers moi. Mordillant le lobe de mon oreille, il me souffla de manière suave :

- Tu es bien pressé, honey… N’était-ce pas toi qui me disais que nous avions tout notre temps ?

A ces mots, il me lécha l’oreille, me faisant frissonner avant de se redresser. Je ne pu m’empêcher de lui adresser un regard meurtrier, faussement agacé par sa réplique, alors qu’il avait tout fait pour me mettre dans cet état. Son sourire s’accentua, et après m’avoir volé un énième baiser, il commença à jouer avec mon téton droit de manière plus franche, le mordillant délicatement avant de le suçoter longuement. Je me cambrais alors violemment sous l’afflux de plaisir et ne tenant plus, j’inversais nos positions d’un habile cou de rien. Son petit jeu avait assez duré et j’allais lui rendre la monnaie de sa pièce.

A présent totalement à merci, je ne surplombais de toute ma hauteur, le contemplant tout en réfléchissant à ce que j’allais pouvoir lui faire. Une lueur victorieuse illuminait mon regard, tandis que Gabriel acceptait sans broncher le changement de situation.

Comme il l’avait fait précédemment, j’entamais un lent et langoureux déhanchement qui lui arracha un gémissement muet, sa voix se bloquant dans sa gorge. Puis, sans cesser d’attiser son désir, je retirais mon t-shirt, le laissant tomber au pied du lit d’une manière sensuelle.

Gabriel ne sembla pas se gêner pour me contempler comme je l’avais fait. Mais bien vite en manque de nos baisers, il m’attira pas la ceinture qui ne maintenait plus vraiment mon jean, et dans un mouvement brusque, il m’attira à lui avant de ravir mes lèvres avec toute la passion qui grandissait en lui. Amusé, je me retins de lui donner la même réplique. Pas le moins du monde décontenancé par sa son excès de désir, je répondis avec fougue à son baiser alors qu’il tentait, avec une certaine maladresse due à la hâte de retirer mon jean et mon boxer, dans un désir d’égalité.

Une fois cela fait, j’entendis Gabriel soupirer de contentement lorsque je collais mon corps tout contre le sien, sentant sa peau brûlante, m’électriser un peu plus. Il laissa ses mains caresser ma peau luisante de sueur. Soudées, nos lèvres s’emboitaient parfaitement, ne désirant pour rien au monde se séparer. Avide l’un de l’autre, nous nous faisions mutuellement savoir à quel point nous nous étions manqué et l’importance de notre frustration. Dévorant ses lèvres avec avidité, j’entrainais sa langue dans une chorégraphie complexe et tumultueuse, à laquelle il répondit sans se faire prier, me montrant un désir de plus en plus pressent.

Après ce baiser qui nous laissa tout deux pantelant, j’imprimais un rapide déhanchement sur son intimité durcie, lui arrachant un cri de pur plaisir charnel. Glissant dans son cou dont des frissons parcouraient la peau, je décidais qu’il était plus que temps de passer à autre chose. Hésitant tout de même, et appréhendant sa réaction, je finis par me lancer, murmurant à son oreille :

- Gabriel… S’il te plait… Prend-moi…

Ce n’était qu’un murmure à peine soufflé, telle une supplique, agrémenté d’un langoureux déhanchement. Gabriel réagit aussitôt, se redressant sur un coudre, l’autre main posée sur ma poitrine, me repoussant à une distance raisonnable. Il semblait peu certain d’avoir compris le sens de ma supplication et il me demanda d’une voix tremblante de surprise et d’appréhension mêlés :

- Qu… Quoi ?

Je déposais ensuite mes lèvres sur les siennes, l’aidant à prendre sa décision, mais Gabriel me repoussa une seconde fois :

- Je… Non… Juha, je peux pas… Je ne sais pas… Ne me demande pas de…

Alors qu’il était en train de se perdre dans des explications impossibles, ses yeux s’humidifièrent de larmes, retrouvant alors le Gabriel sensible et pétri de timidité. Posant mon index sur ses lèvres, je lui intimais de se taire silencieusement. Je ne pouvais décemment pas le laisser ainsi.

- Qui aurait cru que derrière ses poses sensuelles se cacherait le plus grand timide que cette terre ait jamais vue ? Soufflais-je avec un sourire tendre. Je comprends ta peur pour l’avoir déjà ressentie, Gabriel, repris-je en retrouvant mon sérieux. Tu en es capable, je le sais et si cela te rassure, je te guiderais…

Honteux, Gabriel n’osait me regarder. Prenant son visage en coupe, je le forçais à me faire face, avant de m’emparer violemment de ses lèvres. Ce n’étais pas un de mes caprices, je voulais réellement que Gabriel me fasse sien. Si je ne pouvais encore lui ouvrir mon cœur totalement, je voulais qu’il sache combien il comptait pour moi. Dans mon baiser, je mis toute la passion et le désir dont j’étais capable. L’invitant à aller plus loin, le tentant, je fis preuve de savoir faire et d’érotisme, ma langue entrainant la sienne dans un ballet endiablé. Cela eu l’effet escompté, augmentant considérablement son désir jusque là entre-parenthèse.

Un gémissement de plaisir naquit bientôt dans sa gorge pour aller mourir dans ma bouche. Prenant cela comme une réponse muette, trop heureux, j’accentuais mes déhanchements, parachevant son désir pour moi. Mes lèvres se collèrent aux siennes et un cri de volupté s’échappa alors de ses lèvres entrouvertes, berçant mes oreilles avec douceur. Les mains posées sur son torse, j’ondulais sur son imitée, gémissant érotiquement son prénom, cherchant à le pousser au bout de ses limites pour ne pas laisser place à l’hésitation. J’obtins l’effet escompté. Alors que j’haletais son nom entre deux gémissements, Gabriel sembla perdre la tête et d’un mouvement brusque, il inversa nos positions.

Un sourire carnassier étira mes lèvres, le désirant à l’instant même tel que je n’avais jamais désiré un autre homme. J’oubliais Killian, ne désirant pour rien au monde comparer. Il n’y avait que Gabriel dans ce monde là, un monde qui n’était pas fait pour plus de deux personnes. Juste Gabriel et moi…

Avidement, Gabriel s’empara de mes lèvres pour un baiser ardent comme rarement encore il en avait été l’auteur. Alors que nos langues se caressaient avec sensualité, je sentis ses doigts s’immiscer entre nos lèvres.

Aussitôt, comprenant ce qu’il voulait, je délaissais sa langue, pour me concentrer sur ma nouvelle tache avec un plaisir que je ne cherchais pas à lui dissimuler.

Pendant un long moment, j’humidifiais abondamment ses doigts, Gabriel mêlant parfois sa salive à la mienne lorsqu’il était trop en manque de nos baisers. Un instant plus tard, je consentis à les libérer, et après un énième baiser, désirant lui laisser tout le temps dont il avait besoin pour se lancer, Gabriel laissa ses doigts courir lentement sur mon corps luisant de transpiration. Je ne pus retenir un gémissement rauque lorsque sa main arriva au niveau de mon intimité, luttant contre un désir terrible d’être possédé à l’instant. J’écartais mes cuisses, en une invitation plus qu’explicite. Gabriel sembla rougir, mais il ne me laissa pas le temps de voir ses joues, car il s’empara de mes lèvres, certainement pour se donner du courage.

Avec une lenteur un peu trop exagérée qui trahissait son anxiété de mal s’y prendre, il insinua un premier doit en moi avec délicatesse. Avec inquiétude, il fixa mon visage, comme prêt à tout arrêter au premier signe de douleur. Savait-il seulement la torture qu’il me faisait vivre ? Un sourire amusé étira mes lèvres et passant un bras autour de son cou, je l’attirais à moi et murmurais à son oreille :

- Je ne suis pas en sucre, tu sais…

- Te moques pas, gémit-il honteux. J’ai tellement peur de te faire mal…

- Je ne moque pas Gabriel, soufflais-je avant de l’embrasser tendrement afin de le rassurer. Continue comme tu fais, c’est parfait…

Gabriel esquissa un sourire timide et repris à ma plus grande joie, un lent va et vient, entreprenant de me préparer avec un peu plus de conviction. Je n’hésitais pas à le guider à l’aide de soupirs et de gémissements. Ce début de préparation était fait avec tellement de douceur et de tendresse que je ne ressentis aucune douleur. L’excitation était de toute façon trop forte et j’étais parfaitement détendu dans ses bras. Étrangement, c’était une forme de confiance que je commençais déjà à lui offrir…

Après un temps, rassuré de ne pas me faire mal, Gabriel me pénétra d’un deuxième doigt, l’insérant en moi avec la même délicatesse. Si celui-ci fut au départ gênant, il n’était pas douloureux. Sans se départir de sa douceur, il entama un lent mouvement de va et vient, alors que je m’emparais de nouveau de ses lèvres. Une fois le baiser rompu, Gabriel se redressa, observant avec attention mon visage. Gémissant sans retenu, m’empalant de moi-même sur ses doigts, je lui donnais une réponse plus qu’explicite.

Une lueur de désir à l’état pur éclaira ses prunelles alors qu’il inséra un dernier doigt en moi. Celui-ci fut légèrement douloureux, mais je fis tout pour m’habituer à cette intrusion. Gabriel cessa tout mouvement, déposant des dizaines de baiser papillons sur mon visage, souhaitant me faire oublier… Un sourire de remerciement naquit sur mes lèvres, entièrement satisfait de Gabriel et de ses attentions.

Gabriel me vola un baiser, comme dépendant de ma bouche, tout comme je l’étais avec ses lèvres. La douleur finit par n’être plus qu’un vague souvenir, mais Gabriel continua de longues minutes à me préparer. Je n’avais pas besoin de me servir de mon don pour comprendre qu’il avait du mal à se retenir, ressentant la même envie pressante. M’empalant toujours plus profondément sur ses doigts, mon corps entier réclamait bien plus. Lorsque je ne pus plus tenir une minute de plus, je murmurais entre deux gémissements, l’esprit dans le vague, perdu dans mon désir, enivré par mon plaisir :

- Gabriel… Maintenant… Prend-moi… S’il te plait…

Tétanisé par ma demande empressée, Gabriel stoppa net tout mouvement avant de plonger son regard dans le mien. Je ne pouvais rien faire pour lui cacher mon désir puissant et enflammé. M’apercevant de son hésitation, je me redressais sur mes coudes, et le fixant dans les yeux, je déclarais le plus sérieusement du monde :

- Je te veux Gabriel… Viens…

Sans lui laisser le temps de répondre, je l’embrassais avais voracité, tandis qu’il prenait place avec hésitation entre mes cuisses. De fine gouttes de sueur perlaient sur ses tempes, collant ses cheveux à son front. A aucun instant je ne quittais ses yeux, le suppliant de venir enfin…

Ce ne fut heureusement qu’après un dernier instant d’hésitation qu’il finit par s’insinuer extrêmement lentement en moi. Un soupire de satisfaction traversa mes lèvres alors que Gabriel découvrait l’inconnu.

Toujours trop précautionneux, Gabriel ne se laissait malheureusement pas totalement aller. Tout deux satisfait de manière incomplète, je pris les choses en main, ne pouvant plus attendre pour le sentir entièrement en moi, lui livrant mon corps… Je lui arrachais un cri de surprise et de plaisir mêlés lorsque je m’empalais brusquement sur son érection, d’un habile coup de rein. Un cri de pur plaisir enfin assouvi s’échappa de mes lèvres, faisant écho au sien. Sans attendre, en voulant toujours plus, j’entamais un rapide va et vient, ignorant la douleur qui, je le sentais, passerait très vite…

Gabriel me laissa faire un instant, trop envahi par ce nouveau plaisir, le regard perdu sur mon corps. M’enveloppant dans cette luxure, je me laissais totalement aller à notre plaisir, me mouvant sur lui, dans un état second. Mais mon amant finit par reprendre le contrôle de notre union, et je le laissais faire sans la moindre résistance. Les mains posées sur mes hanches, il nous imposa un tout autre rythme, bien plus langoureux, qui je le savais était destiné à attiser notre plaisir.

Ivre, je laissais cours à mes gémissements, qui finirent par avoir raison de Gabriel qui accéléra sa cadence, me pénétrant toujours plus profondément. Je n’avais connu pareille intensité qu’avec une seule personne, mais c’était à Gabriel uniquement que je m’offrais cette nuit-là, comme toutes celles qui suivraient. Je n’appartenais qu’à lui et à son amour…

Les yeux rivés sur mon visage ravagé par le plaisir, Gabriel ajouta encore à mon plaisir en prenant mon sexe en main, calquant sur celui-ci le même rythme régulier de ses déhanchements. Je ne pus qu’ouvrir la bouche en un cri muet de plaisir, et passant mes bras autour de son cou, je l’attirais à moi pour un baiser ardent, le remerciant ainsi silencieusement.

Puis, sentant que j’arrivais au point de non-retour, Gabriel accéléra astucieusement la cadence, menant la danse à la perfection. Dans un ultime coup de rein, bien plus amble et plus profond que les précédents, Gabriel m’envoya dans les bras d’un orgasme foudroyant, d’une intensité sans pareille. Je me libérais entre nos deux corps enlacés, criant son prénom. Gabriel ne tarda pas à me rejoindre alors que je cambrais mon corps tout entier, effleurant la chute de ses reins. Il se libéra en moi dans un cri de jouissance qui me combla plus qu’il n’était possible.

Le corps luisant de sueur et parsemé de tremblements, mon amant se laissa retomber entre mes bras, enfouissant son visage dans mon cou. Sa respiration était encore saccadée et de mon côté, je me remettais lentement de mon orgasme, mes doigts effleurant lentement le creux de ses reins en un apaisant mouvement qui le fit frissonner.

- Je ne te savais pas si sensible à cet endroit, soufflais-je en esquissant un sourire.

- Je t’aime, souffla-t-il sans relever ma remarque précédente.

Au lieu de me faire peur, de me paralyser, un sourire tendre se dessina sur mes lèvres alors qu’il se redressait pour me voir. Je ne pouvais encore lui donner de réponse orale, mais alors qu’il répondait à mon sourire, je m’emparais de ses lèvres pour un baiser des plus doux, lui montrant que j’étais loin d’y être indifférent, acceptant ces quelques mots et ses sentiments. Gabriel finit par se retirer de moi, et se blotti amoureusement entre mes bras. Je l’embrassais sur la tempe tandis que du bout des doigts, je décollais les mèches de cheveux collées sur son front.

La tête callée au creux de mon épaule, mon amant effleura délicatement du bout des doigts la peau de mon torse, engourdi par la fatigue.

Il finit par s’endormir alors que je veillais encore quelques instant, ne me laçant pas de passer lentement mon bras dans son dos, enivré par son souffle chaud dans mon cou. J’avais du mal à croire que tout cela était réel, et pourtant… Emporté à mon tour, bercé par sa respiration calme et régulière, j’allais le rejoindre dans les bras de Morphée…

Je me réveillais seul dans le lit le lendemain matin. Ouvrant les yeux, le cœur battant, j’eus peur d’avoir simplement vécu un rêve cette nuit là, même si mon corps légèrement courbaturé semblait me prouver le contraire. Tendant l’oreille, je n’aurais su décrire le soulagement que je ressentis lorsque j’entendis du bruit dans la cuisine. Un sourire se dessina alors sur mes lèvres au souvenir de cette nuit partagée… Certes, une discussion allait être nécessaire, mais un espoir nouveau prenait naissance en moi.

Après quelques minutes, je décidais de me lever pour aller le rejoindre, craignant malgré moi sa réaction. Tentant de ne pas y penser d’avantage, j’attrapais mon boxer et mon jean négligemment jeté sur le sol la veille avant de les mettre, n’ayant rien d’autre sous la main à me mettre. Une douche serait de toute façon nécessaire.

Je retrouvais Gabriel dans la cuisine, mais je ne m’attendais certainement pas à le voir ainsi, nu, avec une simple serviette autour de la taille, dos à moi, en train de faire la vaisselle. D’ici, je pouvais voir sa fine cicatrice, mais rien n’aurait pu enlever à mes yeux la beauté de son corps. Elle faisait partie de lui, simple pointe de l’iceberg, cachant bien plus de souffrance qu’on ne pouvait se l’imaginer. Aurais-je un jour le courage de lui dire comment je pouvais le comprendre ?

M’approchant légèrement de lui, un désir à nouveau  insatiable s’empara de moi, et d’une voix rauque, je déclarais avec une pointe d’amusement :

- Quelle agréable vision divine qui s’offre à moi au réveil. J’espère avoir droit plus souvent à des visions de rêves comme celle là…

Sursautant, Gabriel marmonna ensuite en râlant :

- Oui, dans tes rêves.

Loin d’être arrêté, je réduisis la distance entre nos deux corps avant de l’enlacer jalousement par la taille une fois arrivé à sa hauteur. Mes lèvres se déposèrent presque instinctivement sur sa nuque en un frôlement à peine prononcé. Loin d’être satisfait, je l’attirais d’avantage à moi, collant volontairement mon intimité contre ses fesses pour lui montrer l’effet que la vue de son corps aussi peu vêtu produisait chez moi.

Prenant plaisir à le voir perdre ses moyens, déjà fébrile à mon contact, je déposais une nouvelle fois mes lèvres dans son cou avant de les laisser dériver jusqu’à son oreille au creux de laquelle je murmurais après l’avoir léchée avec sensualité :

- Tu disais ?

Pour toute réponse, Gabriel pencha légèrement la tête en arrière afin de m’offrir son cou, laissant à ma langue un plus grand champ d’action. Cédant avec plaisir à sa demande muette, je m’empressais de le combler. Dans un soupire qui ressemblait plus à un gémissement, Gabriel finit par souffler :

- Tu es insatiable, mon amour…

- Comment l’être, répondis-je ayant du mal à cacher mon trouble au sujet du dernier mot qu’il avait employé. Tu es tellement désirable… Surtout quand tu te promènes nu dans l’appartement, ajoutais-je avec une pointe de moquerie, afin de dissimuler au mieux le sentiment étrange qu’il faisait naître en moi à m’appeler ainsi.

S’arrachant à mon étreinte, il se retourna vivement, les joues rouges cramoisies. Il s’exclama, protestant :

- Je ne suis pas nu !!

D’un air mi amusé mi sceptique, je me reculais et d’un air appréciateur qui ne fis qu’accentuer sa gène, je le détaillais de la tête aux pieds sans la moindre pudeur avant de déclarer :

- C’est tout comme… Répondis-je, un sourire intentionnellement vicieux étirant mes lèvres.

Sur ces mots, je m’approchais à nouveau de lui et l’embrassais avec passion, tandis que sans la moindre résistance, mes mains se posèrent sur ses fesses. Le soulevant, je le fis s’asseoir sur le plan de travail. Gabriel s’empressa de m’emprisonner entre ses jambes, les mains posées sur mes hanches alors que les miennes caressaient lentement ses cuisses avec une envie non dissimulée.

- Bonjour, murmurais-je entre deux baisers déposés à la base de son cou.

- Bonjour, souffla-t-il à son tour, semblant avoir beaucoup de difficulté à retenir un gémissement de satisfaction.

Je ne pouvais m’empêcher de repenser au terme qu’il avait employé et au plaisir que j’en avais ressentis. Si bien qu’au bout d’un moment, je finis par craquer :

- Et si… Tu me redisais… Ce que tu as dit tout à l’heure, soufflais-je tout en embrassant son cou, le faisant frissonner de plaisir alors que ma langue explorait cette zone que je savais particulièrement sensible.

- Ce que j’ai dit tout à l’heure ? Répéta-t-il, semblant surpris par ma demande et ne voyant pas là où je voulais en venir.

- Oui, ce que tu as dit, repris-je en lui faisant face, le fixant avec insistance, déterminé. Rappel-toi…

Après quelques secondes de réflexion, il répondit :

- J’ai dit que tu étais insatiable…

- Non, le coupais-je sans méchanceté, d’une voix douce. Après…

- J’ai dit que je n’étais pas nu, murmura-t-il en rougissant légèrement.

- Avant, le corrigeais-je avec une pointe d’amusement dans la voix, prenant plaisir à le voir chercher, ayant du mal à ne pas se laisser déconcentrer par mes doigts qui se faufilaient sans la moindre honte sous sa serviette pour effleurer l’intérieur de ses cuisses.

L’esprit embrouillé, loin d’être aidé par mes attouchements, Gabriel finit par déclarer d’une petite voix penaude :

- Je… Je suis désolé… Hummm… Je ne vois pas, gémit-il après une caresse plus poussée prodigué de ma part par sadisme.

- Tu vas devoir te faire pardonner alors… Soufflais-je avant de laisser ma langue suivre la courbe de sa clavicule gauche, savourant comme à chaque fois le goût suave de sa peau, lui arrachant un couinement de plaisir.

- Pourquoi ? Haleta-t-il. Qu’est ce que j’ai dit ?

- Tu m’a appelé « mon amour », murmurais-je à son oreille, comprenant qu’il ne trouverait pas de lui-même.

Je sentis Gabriel frémir sous mon corps. Savait-il seulement l’effet qu’il me faisait, ainsi dénudé, à ma merci, et empli de tous ces sentiments à mon égard. Après ces dix années jamais je n’aurais imaginé connaître à nouveau ce bonheur. Je ne l’avais pas encore pleinement atteint, privant malgré moi Gabriel d’un sentiment semblable.

- Oh… Répondit-il, me cachant assez mal son malaise. Et… Ça ne te plait pas ? Ajouta-t-il, appréhendant à tort ma réponse.

- J’ai jamais dis ça, susurrais-je avant de dévorer ses lèvres avec avidité, l’entrainant dans un baiser fougueux.

Dans un mouvement brusque, ne pouvant contenir mon désir plus longtemps, je glissais mes mains sous ses fesses et le décollais de son siège de fortune. Je sentis Gabriel raffermir la prise de ses jambes autour de mon bassin, frottant son intimité contre la mienne. Avait-il seulement conscience de la douce torture qu’il m’infligeait ?

Gémissant sous ce contact brûlant, aveuglé par mon désir et la passion qui me consumait, je le posais brutalement sur la table, ne pouvant décemment pas le porter plus loin. Le forçant à s’allonger, je me couchais sur lui pour atteindre sa bouche, saisis par le manque.  Dans un geste maladroit de par ma précipitation, je dénouais sa serviette qui faisait rempart à sa nudité. Lorsqu’il fut nu, je me redressais et posais sur lui un regard brillant de désir et de fierté. Il n’y avait pas de mot pour décrire sa beauté et ce qu’il représentait pour moi…

Je finis par fondre sur lui pour m’emparer à nouveau de ses lèvres pendant que mes mains dansaient sur son corps en ébullition. En un contact aérien, mes doigts frôlèrent sa peau sensible, lui arrachant des gémissements de plaisir à l’état pur. Sans la moindre honte, il s’abandonnait au plaisir que je lui offrais…

Mu par mes envies, ma langue redessinait maintenant les traits ses abdominaux, tandis que plus entreprenante, ma main remontait lentement l’intérieure de sa cuisse, le faisait se tordre de plaisir sous moi. Sa peau était d’une douceur sans pareille, et son corps ainsi exposé : une véritable invitation à la luxure. Mon bassin collé au sien trahissait mon désir qui augmentait à chaque minute, semblant attiser le sien de façon plus que certaine.

Une sonnerie de téléphone sembla parvenir à mes oreilles, mais je n’y prêtais guère attention, bien trop occupé avec Gabriel.

- Tu… Tu devrais aller répondre… Me murmura alors mon amant.

- … Rappellerons… Soufflais-je en m’emparant de ses lèvres afin de le faire taire.

- Non… Reprit-il en mettant fin au baiser. C’est… C’est peut être important.

J’émis un gémissement de frustration, et soupirant pour la forme, je lui volais un baiser avant de l’abandonner à contrecœur. Quittant la cuisine, je décrochais le téléphone d’un geste rageur, offrant un « allo » peu aimable.

- Bonjour, je désirerais parler à Hugo s’il vous plait.

Ne pouvant me retenir de lâcher un soupire, comprenant qu’il s’agissait d’un faux numéro, je finis par répondre qu’il n’y avait aucun  Hugo ici. Mon interlocuteur n’insista heureusement pas, et raccrocha après s’être excusé. Dès que j’eus reposé le combinais, je retournais directement dans la cuisine. Gabriel était toujours assis sur la table de la cuisine, et je ne pus faire autrement qu’arriver en face de lui, la mine renfrognée. Gabriel me demanda, inquiet :

- C’était qui ?

Lui lançant un regard assassin, je répondis :

-Un faux numéro…

Face à ma mine frustrée et rageuse, Gabriel finit par éclater de rire. Me prenant à son petit jeu, je le stoppais d’une voix glaciale en déclarant, le visage à seulement quelques centimètres du sien :

- « C’était peut être important », hein ?

Un peu effrayé par mon comportement et ma voix froide, Gabriel m’appela :

- Euh… Juha ?

Un sourire en coin étira mes lèvres. Je lui demandais alors en le plaquant de nouveau contre la table avec une violence emprunte de douceur :

- Qu’y-a-t-il ? Tu as peu ? Demandais-je amusé et surpris par l’effet que j’avais produit. Tu as peur ou tu me désires ? Tu trembles tellement…

Ma voix susurrée à son oreille sembla attiser son désir.

Ma voix susurrée à son oreille sembla attiser son désir. Pour toute réponse, Gabriel m’emprisonna de ses jambes avant d’onduler éhonteusement contre mon inimité tendue sous mon jean. M’attrapant par les cheveux dans un geste doué de douceur, il m’attira contre lui :

- Cela répond à ta question ?

A ces mots, il m’embrassa franchement, dévorant mes lèvres tandis que sa langue franchissait sans difficulté le barrage de mes dents. Après ce baiser qui nous laissa tout deux à bout de souffle, ne pouvant plus me contenir bien longtemps, j’humidifiais rapidement mes doigts. A bout de patience et avec empressement mais non sans douceur, j’entrepris de le préparer. Un gémissement de plaisir s’échappa de sa gorge alors que mon premier doigt entrait en lui.

Ne négligent pas son érection déjà conséquente, mon autre main s’activa sur celle-ci, lui arrachant des gémissements non contenus. Ne sachant plus vraiment par quelle force de volonté je parvenais à me contenir, un second doigt ne tarda par à rejoindre le premier. Celui-ci ne fut presque pas douloureux, mais Gabriel gémis de douleur lorsque j’entamais un mouvement de ciseau avec mes doigts. Mais cela ne fut bientôt qu’un lointain souvenir, et Gabriel finit par ne ressentir plus que du plaisir. Galvanisé, Gabriel finit par entamer un langoureux déhanchement, s’empalant de lui même sur mes doigts. Retenant de justesse un cri de surprise, je craquais, déclarant d’une voix rauque :

- Gabriel…. Je n’en peux plus… Je te veux…

A mon plus grand soulagement, Gabriel répondit à ma supplication, un sanglot de plaisir se brisant dans sa gorge : 

- Viens… Juha, viens… Maintenant….

Répondant au quart de tour à son injonction, je déboutonnais mon jean et le baissais en même temps que mon boxer libérant mon intimité de son étau. Me présentant à l’entrée de son intimité, un violent frisson de désir me parcourut alors que mon sexe effleurait son orifice. Lui volant un baiser, je me penchais à son oreille et d’une voix pleine de remord sachant pertinemment qu’il n’était pas suffisamment préparé, je murmurais :

- Pardonne-moi…

Sans tenir une seconde de plus, je m’enfonçais vivement en lui, le pénétrant entièrement cédant enfin à ma pulsion. Comme je l’avais craint, Gabriel se cambra violemment, un cri de douleur lui arrachant la gorge. Je connaissais que trop bien ce qu’il devait ressentir. Des larmes coulèrent silencieusement le long de ses joues tandis que ses ongles étaient plantés dans mes épaules. Oubliant le plaisir vif que je ressentais de mon côté, je le laissais s’habituer à ma présence. Mes lèvres parsemaient son visage de baisers papillons, en un pardon qui avait pour but de le détourner de sa souffrance.

Puis, ne pouvant rester ainsi, dans un lent mouvement, je commençais à me mouvoir en lui, tout en lui murmurant des mots doux et apaisant. Me servant de mon empathie, je mettais totalement de côté mes propres ressentis, l’accompagnant au mieux. Soudain, la douleur fit place à un plaisir insoupçonné lorsque, d’un mouvement plus puissant et plus profond, je semblais toucher quelque chose en lui qui lui vrilla les reins. Chutant dans mon corps, je fus saisi à mon tour par mon propre plaisir. Je ne perdis pas une seconde avant de réitérer mon action, accélérant la cadence de mes va et vient.

Alors que je gémissais de plaisir, Gabriel était emporté par un plaisir puissant. Plantant violemment ses ongles dans mes épaules, il m’emprisonna entre ses jambes. Laissant libre court à notre passion et l’amour qui le consumait, Gabriel cria sans la moindre retenu. Il criait à s’en briser la voix, comme jamais je ne l’avais entendu, me dévoilant une expression dépeinte sur le visage qu’il n’offrait qu’à moi. Je ne me lassais pas d’admirer les traits tirés et déformés par le plaisir que ressentais mon amant ; cet homme que j’étais le seul à connaître ainsi…

Gabriel étant bien trop proche de la jouissance à mon goût, je cessais subitement tout mouvement et avec une lenteur infinie, emprunte de sadisme, je me retirais de lui. Frustré au plus haut point, Gabriel entrouvris les yeux qu’il avait fermés depuis le début de son plaisir. J’étais dans le même état que lui, nous désirions tous deux cette libération, et pourtant, je voulais plus ! Quasiment couché sur lui, je le fixais de mon regard perçant et pétillant de désir et d’autres sentiments qui ne portaient pas encore de noms définis. Un sourire narquois étira mes lèvres, n’ayant pas oublié notre conversation matinale.

Sous moi, il se tortillait désespérément en sanglotant de frustration tandis qu’il tentait par tous les moyens d’accéder à la jouissance que je lui refusais sans savoir pourquoi je le faisais. Entre deux sanglots, il déclara, la voix brisée :

- Juha… S’il te plait… Ne… Ne me laisse pas ainsi…

Me penchant vers lui, je murmurais à son oreille, un large sourire étirant mes lèvres :

- Dis le mot magique… Je ne te laisserais pas venir avant de l’avoir entendu… Tu sais que tu as une voix magnifique quand tu es sur le point de jouir ? Et la vue me plait tout autant…

Ponctuant mes mots d’une caresse intime des plus poussée qui lui arracha un cri de plaisir, j’happais ses lèvres entrouverte pour un baiser endiablé. Je n’étais pas prêt à lui céder.

- Allez… Dis le moi… Susurrais-je après l’avoir libérer de ses lèvres, désirant l’encourager.

- Je… Je t’en prie… Sanglota-t-il après qu’un nouveau cri de plaisir lui ait arraché la gorge. Viens… Viens…

- Tss… Tsss… Pas avant que tu n’aies dis ce que je veux entendre, répondis-je la voix rauque du au désir et à la frustration que je m’infligeais aussi.

Un nouveau hoquet de sanglot déchira sa gorge alors que son corps était prit de violents tremblements, réclamant lui aussi d’être comblé. 

- Allez, dis-le… Insistais-je avant de laisser ma langue lécher ses larmes qui maculaient ses joues, m’offrant un étrange goût salé.

L’esprit apparemment trop embrumé, Gabriel se mit à gémir quelques mots :

- Je… Juha… Je t’…

- Oui… Allez mon ange… Dis-le… Dis-je en l’encourageant, la voix brisée par le plaisir.

- Je t’… Aime Juha… J’ai envie… Amour… S’il te…

Il n’eut pas le temps de finir sa phrase qu’un cri de pur extase s’échappa de ses lèvres entrouvertes alors que d’un ample mouvement de bassin, je le pénétrais de nouveau entièrement. Il venait de me combler, bien plus encore que je ne l’avais espérer. Non, ce moment ne pouvait pas être plus parfait.

En lui, je restais immobile l’espace d’un instant avant de reprendre un déhanchement encore plus déchaîné qu’avant l’interruption. Submergé par le plaisir, il ne fallut pas bien longtemps avant que je ne craque. Envahi, dévasté par une jouissance fulgurante, je me répandis en Gabriel dans un ultime coup de rien plus profond et plus puissant que les précédents, gémissant son nom. Mon amant me suivit de près, criant mon prénom qui tinta à mes oreilles avec douceur pour parfaire cet instant…

Haletant, le corps recouvert d’une fine pellicule de sueur, Gabriel ouvrit les bras pour m’accueillir. Dans le même état que lui, épuisé mais comblé, je me laissais aller contre lui, enfouissant mon visage dans son cou, inspirant son odeur à plein poumon, celle que j’avais failli ne plus jamais connaître pour la laisser à un autre…

Je pouvais sentir ses doigts jouer avec les petits cheveux de ma nuque, tandis que je l’embrassais du bout des lèvres dans le cou. Dans un souffle, je murmurais au creux de son oreille, le faisant frissonner :

- J’aime quand tu m’appelles avec des petits mots doux comme tu l’as fait tout à l’heure…

- Ouais ben n’y prend pas trop goût non plus, marmonna-t-il vexé, ne faisant pas preuve d’humour.

- … Ce petit côté fleur bleue, ça me donne envie de te faire l’amour encore et encore… Poursuivis-je sans tenir compte de sa remarque.

Je sentis Gabriel troublé et honteux mais tentant de me le cacher, il posa ses mains sur mes épaules et faisant mine de me repoussé il marmonna :

- T’es lourd…

Sans tenir compte de sa remarque, une fois de plus, je repris, une pointe d’amusement dans la voix :

- On est pas bien là, toi et moi ?

Exaspéré face à mon comportement, il déclara d’une voix blasée sans parvenir néanmoins à me cacher son amusement :

- Tu es d’un romantisme… Je pense qu’il y a quand même mieux qu’une table de cuisine pour ce genre… D’activités, non ?

Me redressant sur mes coudes, je plantais mon regard dans le sien, un sourire vicieux étirant mes lèvres, n’ayant pas dit mon dernier mot, je déclarais :

- Oh mais on peut arranger ça tu sais… Il nous reste la salle de bain, la voiture, le…

- Stop ! S’exclama-t-il.

Me repoussant avec plus de conviction cette fois-ci, il reprit :

- Je vais prendre ma douche…

Face à mon regard lubrique en rapport à cette phrase, Gabriel crut bon d’ajouter :

- Seul !!

Sans me laisser le temps de répondre, il m’embrassa furtivement avant de s’éclipser.

 A suivre…

Baissant les yeux, honteux de moi-même, je murmurais :

- Je… Nous ne pouvons pas… Ce n’est pas raisonnable… Tout… Tout n’est pas encore pardonné…

- Arrête de réfléchir, Gabriel, murmura Juha de sa voix rauque de désir. Laisse toi vivre… Tu n’as qu’une vie, profites-en…

Sans me laisser le temps de répondre, il m’embrassa de nouveau avec passion et avidité, et réagissant à cette injonction, je répondis vivement à son baiser, glissant une main sur sa nuque et l’autre dans ses cheveux afin d’approfondir notre échange. Semblant ne plus être maître de lui-même, Juha me mordit la lèvre inférieure alors que ses mains se posaient sur mes fesses et m’attiraient vivement à lui, faisant se rencontrer nos bassins. Les lèvres toujours soudées à celles de Juha, je poussais un gémissement de douleur et de plaisir mêlés qui mourut dans la bouche de mon amant.

Au fur et à mesure que Juha investissait mon corps, je sentais mes résolutions fondre comme neige au soleil. A sentir sa chaleur m’irradier, je me rendis enfin compte à quel point il m’avait manqué, pas seulement lui mais aussi son odeur, sa tendresse, sa délicatesse, tout ce qui faisait que je l’aimais lui, pour ce qu’il était. Je réalisais enfin à quel point les jours passés loin de lui avaient été douloureux et à présent, une chose était certaine en moi, je ne survivrais pas à un second éloignement… Si j’avais besoin de Kay à mes côtés, Juha, lui, m’était devenu indispensable… Il était mon oxygène et j’avais besoin de lui pour vivre.

Je reprenais mes esprits en sursautant violemment lorsque Juha mordilla délicatement le lobe de mon oreille, un bras passé avec possessivité autour de ma taille. A ce contact, je me cambrais violemment, nous arrachant à tous deux un gémissement de plaisir lorsque nos virilités entrèrent en contact.

Galvanisé par le désir plus qu’évident de Juha que je sentais battre contre mon bas ventre, j’ondulais du bassin, attisant mon propre désir alors qu’enivré par l’odeur de Juha, je me désinhibais et à mon tour, entrepris de le toucher. Mettant fin au baiser, j’explorais de mes lèvres le visage de mon amant avant de descendre jusqu’à son cou tandis que mes mains se frayaient un chemin sous sa chemise.

Un frisson parcourut l’échine de Juha à cet effleurement et la seconde qui suivie, je me retrouvais vivement plaqué contre le mur de l’entrée, alors que Juha maintenait fermement mes mains au dessus de ma tête. Un sourire amusé étira mes lèvres à cette réaction des plus inattendues alors que Juha dévorait mon cou et mon torse avec une avidité et une gourmandise non feintes. Soudain, mes yeux se voilèrent de plaisir et un couinement d’impatience s’échappa de mes lèvres entrouvertes lorsque la langue de mon amant vint jouer avec mes tétons durcis par le plaisir en même temps que son genou venait écarter mes cuisses, rapprochant ainsi nos bassins et nos virilités douloureusement tendues. Les joues et le corps en feu, je m’abandonnais totalement à lui, entièrement confiant entre ses bras. Le souffle court et les reins en feu, je n’avais qu’une envie, me perdre entre les bras de l’homme que j’aimais.

Les mains toujours retenues prisonnières par la poigne de fer de mon amant, je ne pouvais le toucher et le caresser à ma guise alors que cette envie me brûlait les doigts. Je trouvais alors une alternative, ayant d’autres idées sur la façon dont je pourrais rendre Juha fou de désir.

Prenant appui contre le mur dans mon dos, je passais mes jambes autour des hanches de Juha et, le pantalon ouvert, j’esquissais un lent déhanchement tout en gémissant sans retenue aucune, sentant contre moi le désir de Juha croître considérablement. Fier de moi-même, j’esquissais un sourire ravi alors que les mains de Juha venaient se poser sur mes fesses. Les jambes fermement entourées sur la taille de mon amant, je passais un bras autour de son cou pour l’attirer à moi et ravir ses lèvres pour un baiser enflammé.

Nos langues se rencontraient ardemment, comme en manque l’une de l’autre, entraînant sa jumelle dans un ballet érotique et sensuel toujours plus endiablé. Nos corps soudés l’un à l’autre s’emboitaient à la perfection et laissant libre cour à la passion qui me consumait, je laissais mes mains vagabonder sur le corps de Juha dont les vêtements me troublaient dans mon exploration. Bientôt, ma langue abandonna sa moitié pour aller se perdre sur la peau halée de son cou. Là, j’y découvris plusieurs zones érogènes que je pris un malin plaisir à titiller, les gémissements de Juha résonnant à mes oreilles comme une douce mélodie dont je me repaissais avec délectation. J’aimais à le savoir ainsi à ma merci, soumis à la moindre de mes caresses.

Je fis durer cette douce torture encore un instant puis, également lassé de ce petit jeu, j’entrepris de passer à autre chose et non sans difficultés, je déboutonnais le jean de Juha. Au contact aérien de mes doigts effleurant sa virilité, Juha se cambra afin d’approfondir le contact tout en étouffant dans mon cou un gémissement rauque. En position d’infériorité face à lui, je n’en étais pas moins maître de son plaisir…

Me démenant, je parvins à glisser ma main dans son boxer et du bout des doigts, j’effleurais avec hésitation son érection alors qu’ondulant du bassin, les dents plantées dans mon cou, il se laissait complètement aller au plaisir qu’il ressentait. Enhardi par les petits cris que poussait Juha, je finis par prendre confiance en moi et raffermis m a prise sur sa virilité.

Lentement, j’entamais un lent va et vient ponctués de baisers frénétiques déposés dans son cou, seul endroit qui m’était encore accessible, tandis que Juha tentait d’atteindre plus rapidement les sommets du plaisir en de vigoureux déhanchements. Cependant, je gardais obstinément le même rythme horriblement lent dans le but d’attiser au maximum son plaisir, cessant parfois tout mouvement ce qui me valait un grognement rauque de mécontentement.

Au bout d’un moment que je jugeais suffisamment long et sentant les muscles dorsaux de Juha se contracter sous ma main, j’accélérais la cadence de mes va et vient, arrachant à mon amant un cri d’exaltation à l’état pur. Le sentant sur le point de se libérer, j’accélérais d’avantage le rythme et un instant plus tard, il se libérait dans ma main en un cri de jouissance.

Ravi de l’effet que je lui faisais, un sourire satisfait vint étirer mes lèvres alors que la respiration saccadée, la tête posé sur mon épaule et le visage enfoui dans mon cou, il se remettait lentement de l’orgasme qui venait de déferler sur lui.

Lorsque sa respiration fut redevenue à peu près régulière, il plongea son regard d’ébène dans le mien et avec une avidité déconcertante, il s’empara de mes lèvres tout en entamant un langoureux mouvement du bassin qui réveilla instantanément mon propre désir. Un gémissement étouffé naquit dans ma gorge alors que Juha se frottait lascivement contre mon intimité douloureuse, me rendant la monnaie de ma pièce de la plus agréable façon qui soit.

Puis, il retira ses mains de sous mes fesses et les posa sur mes hanches nues. Etonné mais l’esprit trop embué pour formuler une question, je le libérais de mes jambes et repris appuis sur mes pieds. Les mains de Juha glissèrent alors jusque sur mes fesses, s’insinuant dans mon boxer qu’il fit lentement glisser le long de mes cuisses en même temps que mon jean et mes chaussettes.

Complètement nu et abandonné sous son regard inquisiteur, je fermais les yeux et retenais à grand peine un gémissement de plaisir lorsque ses doigts s’enroulèrent délicatement et avec savoir faire autour de ma virilité douloureusement tendue.

Je ne pris conscience que Juha s’était agenouillé face à moi que lorsque je sentis sa langue délicieusement chaude s’enrouler autour de mon érection alors qu’il me prenait en bouche.

Avec une lenteur exagérée, il entama un doux va et vient le long de mon intimité, m’arrachant un profond soupir de bien être. Galvanisé par cette chaleur qui irradiait dans mes reins et faisait bouillonner mon sang dans mes veines, je glissais mes doigts dans la chevelure brune de mon amant. Après un instant de ce traitement, Juha cessa tout mouvement, m’arrachant un sanglot de protestation qui mourut dans sa bouche après qu’il se soit relevé afin de me voler un baiser fiévreux.

Puis, libérant mes lèvres après avoir léché le sang séché de sa morsure, sa langue explora mon corps, me faisant frissonner de plaisir. Je pouvais sentir dans la façon qu’il avait de me toucher qu’il prenait plaisir à me voir me languir de lui. Un frisson parcourut mon corps dans son entièreté lorsque je sentis les doigts fins et agiles de Juha effleurer la zone encore sensible où se situait mon tatouage, l’étudiant longuement avant de le frôler d’un baiser aérien. Les yeux toujours clos, je criais de plaisir lorsque Juha me prit de nouveau entièrement en bouche. Sa langue experte qui s’enroulait en un mouvement irrégulier autour de mon intimité me guidait irrémédiablement aux portes de la jouissance. Noyé dans le plaisir que je ressentais, je n’avais plus conscience de l’endroit où nous nous trouvions ni même de la position qui était la notre. Seul comptait le plaisir que m’offrait Juha.

Après une caresse plus poussée que les précédentes, je me sentis vaciller, proche de la libération alors que Juha accélérait la cadence de ses va et vient. Soudain, après une caresse plus osée de Juha que je n’aurais su décrire tant l’effet escompté me vrilla les reins, je me libérais dans un cri de jouissance à l’état pur. Les jambes vacillantes ne supportant plus mon poids, je m’écroulais sur le sol, le souffle erratique tandis que Juha venait me voler un baiser passionné.

Agenouillé entre mes cuisses, Juha déposait des milliers de baisers papillons sur mon visage et mon corps moite de sueur tandis que lentement, je me remettais de mes émotions et tentais de retrouver une respiration à peu près calme et régulière.

Levant la main, je la posais avec tendresse sur la joue rugueuse et mal rasée de Juha, le forçant à relever la tête et plantais mon regard dans le sien, lui permettant ainsi d’y lire tout les mots  que je n’avais pas la force de prononcer. Après une longue minute à nous fixer ainsi, je l’attirais à moi et avec toute la délicatesse dont j’étais capable et l’amour que je ressentais pour Juha, je pris possession de ses lèvres pour un baiser des plus doux. Il n’avait rien à voir avec les précédents baisers enflammés que nous avions partagés. Non, celui-ci scellait notre réconciliation et le pacte que nous venions d’échanger silencieusement, c’est à dire la promesse que plus jamais une crise comme celle que nous venions de vivre n’arrive. La promesse d’un nouveau départ en gardant en mémoire ces quinze derniers jours pour ne plus jamais en arriver là…

Dans ce baiser, j’y mis tout l’amour et le désir que j’éprouvais pour Juha, alors que mes bras se refermaient autour de lui, par peur inconsciente de le voir s’éloigner de moi à nouveau…

Lorsque nos lèvres se séparèrent, je glissais mon visage dans le cou de mon amant, respirant son odeur à plein nez et dans un souffle, je murmurais au creux de son oreille :

- J’ai  envie de toi… Mais pas ici… Pas comme ça…

Ma demande parut surprendre Juha car aussitôt, il se redressa et planta son regard dans le mien à la recherche de je ne sais quoi. Me sentant rougir sous son regard inquisiteur, je ne détournais pourtant pas les yeux, qu’il sache à quel point je le voulais. A l’idée qu’il me prenne et me fasse sien, un frisson parcourut mon corps et une flamme s’illumina dans mon regard. Je pouvais voir celui de Juha s’illuminer également d’une lueur que je n’avais encore jamais vue et que je ne parvins pas à interpréter.

La lueur étrange fit place à un sourire et s’arrachant à mon étreinte, il se leva. Debout face à moi, il me contempla un instant, admirant ma nudité, avant de me tendre la main. Je lui adressais un sourire et attrapais en toute confiance la main qu’il me tendait.

D’un geste vif mais emprunt de délicatesse, il m’aida à me relever et m’attira tout contre lui, entourant ma taille d’un bras possessif. Ce geste me fit sourire et soutenant son regard, je m’avançais lentement vers lui dans le but de ravir ses lèvres si attrayantes. Mon amusement augmenta d’un cran lorsque Juha combla l’espace qui nous séparait encore avec un empressement non dissimulé.

Bientôt, sa main alla se perdre sur mes fesses, très vite rejoint par sa jumelle et sans pour autant rompre le contact de nos lèvres soudées, il me guida à travers le salon. Au passage, il trébucha sur un objet non identifié qui faillit nous faire chuter tous les deux. Cramponnés l’un à l’autre, j’esquissais un rire amusé tandis que Juha sourit avant de reprendre mes lèvres en otage.

Une fois arrivés dans la chambre, c’est à peine si je pris le temps de fermer la porte sur notre passage, la poussant simplement du pied histoire qu’elle ne reste pas grande ouverte. Buttant contre le pied du lit, Juha chuta sur le matelas et s’agrippant à moi, il m’entraina dans sa chute. Allongé sur lui, le visage enfoui dans son cou, j’esquissais un sourire amusé et enivré par l’odeur suave que dégageait la peau halée de mon amant, je laissais ma bouche partir à la découverte de sa peau délicate.

Puis, me redressant, je m’agenouillais sur le bas ventre de Juha, le chevauchant éhonteusement tout en ondulant langoureusement du bassin, le sentant avec satisfaction se durcir sous mes fesses. Les deux mains posées à plat sur ses pectoraux, je fermais les yeux de plaisir, me mordant la lèvre inférieure en retenant un gémissement de plaisir, la tête légèrement penchées sur le côté.

Le souffle erratique, je reportais mon attention sur Juha, le fixant d’un regard à moitié voilé par le plaisir. Les mains sur mes hanches, me guidant dans mon déhanchement, il ne me quittait pas du regard, m’observant avec ce qui me semblait être une lueur d’étonnement. Je me contentais de lui adresser un petit sourire en coin, comprenant son étonnement et dans un geste narquois, je pressais plus vivement mon intimité douloureuse contre la sienne, lui arrachant un cri de pur plaisir. Profitant de son état à demi comateux, je me penchais vers lui et entrepris de goûter la peau légèrement brune de son cou alors que mes doigts se faufillaient habillement sous son t-shirt.

Lentement, je le remontais, découvrant la peau satinée de son ventre aux abdominaux bien sculptés. Irrémédiablement attiré par sa peau soyeuse, je déposais mes lèvres sur son ventre qui se contracta à cet effleurement alors qu’un gémissement rauque s’échappait de sa gorge. Avec une lenteur exagérée, je redessinais du bout de la langue la courbe parfaite de ses muscles, remontant lentement vers ses tétons durcis par le plaisir.

D’humeur taquine, je me contentais d’en effleurer un du bout de la langue avant de faire de même avec le second. Je réitérais mon action plusieurs fois et lorsqu’un grondement sourd naquit dans sa gorge, je sentis qu’il était tant que je passe à autre chose.

Un sourire satisfait étirant mes lèvres, je me redressais pour dévorer avec avidité les lèvres rougies et gonflées de désir de mon amant. Alors que celui-ci ouvrait la bouche pour répondre à mon baiser, je m’écartais de lui, lui adressant un regard menaçant et cessant tout mouvement du bassin. Me penchant vers lui, je lui mordillait le lobe de l’oreille avant de lui souffler suavement :

- Tu es bien pressé, honey… N’était-ce pas toi qui me disait que nous avions tout notre temps ?

A ces mots, je lui léchais l’oreille, faisant frissonner Juha et me redressais vivement pour le voir m’adresser un regard meurtrier. Mon sourire s’accentua à cette vision et après lui avoir volé un énième baiser, je commençais à jouer avec son téton droit, le mordillant délicatement avant de le suçoter longuement. Juha se cambra violemment sous l’afflux de plaisir qu’il ressentit et dans un brusque et habile coup de rein, il inversa nos positions.

A présent totalement à sa merci, Juha me surplombant de toute sa hauteur, me contemplait, une lueur victorieuse illuminant son regard. Comme je l’avais fait précédemment, il entama un lent et langoureux déhanchement qui m’arracha un gémissement muet, ma voix se bloquant dans ma gorge sous l’afflux de plaisir. Puis, sans cesser d’attiser mon désir, il retira son t-shirt qu’il laissa tomber au pied du lit.

Malgré ma vue quelque peu troublée, je restais un instant à contempler la vue que m’offrait le corps à moitié nu de Juha. Puis, déjà en manque du goût enivrant de ses lèvres, je l’attrapais par sa ceinture qui ne maintenait plus vraiment son jean, et dans un mouvement brusque, je l’attirais à moi avant de ravir ses lèvres avec toute la passion qui me consumait et me vrillait les reins.

Pas décontenancé le moins du monde par mon excès de désir, Juha répondit avec fougue à mon baiser alors qu’hâtivement, en mouvements maladroit, j’entrepris de lui retirer son jean et son boxer, voulant le sentir nu contre moi. Une fois à égalité, je soupirais de contentement en sentant sa chaleur m’irradier et brûlant de désir, je laissais mes mains caresser sa peau luisante de sueur.

Soudées les unes aux autres en un emboitement parfait, nos lèvres semblaient ne plus vouloir se séparer. Avide l’un de l’autre, nous nous faisions mutuellement savoir à quel point nous nous étions manqué et l’importance de notre frustration. Juha dévorait mes lèvres avec avidité, entrainant ma langue dans une chorégraphie complexe et tumultueuse à laquelle je répondais sans me faire prier, sentant mon désir se faire de plus en plus pressant.

Après ce baiser qui nous laissa tout deux pantelants, Juha imprima un rapide déhanchement sur mon intimité douloureusement tendue, m’arrachant un cri de pur plaisir charnel. Je frissonnais en sentant son souffle chaud dans mon cou et une fraction de seconde plus tard, j’entendais Juha murmurer à mon oreille :

- Gabriel… S’il te plait… Prend-moi…

Ce n’était qu’un murmure à peine soufflé agrémenté d’un langoureux déhanchement et malgré le plaisir que je ressentis, je me redressais sur un coude, l’autre main posée sur la poitrine de Juha, je le repoussais à une distance raisonnable, pas certain d’avoir bien compris le sens de sa supplication. D’une voix tremblante de surprise et d’appréhension mêlés, je demandais :

- Qu… Quoi ?

- Je te l’ai dit, Gabriel, reprit-il d’une voix sensuelle en s’approchant de nouveau vers moi, ignorant ma main toujours posée sur son torse, laisse moi te prouver d’une autre façon combien tu es important pour moi… Prend-moi, ajouta-t-il d’une voix rauque. Je te veux… S’il te plait…

Alors que ses lèvres allaient se poser sur les miennes, je réalisais entièrement l’ampleur de ses mots et le repoussais une seconde fois :

- Je… non… Juha, je peux pas… Je ne sais pas… Ne me demande pas de…

Alors que je me perdais dans des explications impossibles, mes yeux s’humidifièrent de larmes de peur et de honte de ne pouvoir répondre aux attentes de mon amant, je sentis l’index de Juha se poser sur mes lèvres, m’intimant silencieusement de me taire :

- Qui aurait cru que derrière ses poses sensuelles se cacherait le plus grand timide que cette terre ait jamais vue ? Souffla Juha avec un sourire tendre. Je comprend ta peur pour l’avoir déjà ressentie, Gabriel, reprit-il en retrouvant tout son sérieux. Tu en es capable, je le sais et si cela te rassure, je te guiderais…

Honteux, je n’osais regarder Juha qui, prenant mon visage en coupe, me força à me faire face alors qu’il s’emparait violemment de mes lèvres, mettant dans son baiser toute la passion et le désir dont il était capable. Faisant preuve d’un érotisme exaltant,  sa langue entraîna la mienne dans un ballet endiablé qui eut pour effet d’attiser mon désir à son paroxysme. Un gémissement de plaisir naquit dans ma gorge pour aller mourir dans la bouche de Juha qui, prenant cela comme une réponse muette, accentua ses déhanchements.

Ses lèvres se décollèrent des miennes et un cri de volupté s’échappa alors de mes lèvres entrouvertes.

Les mains posées sur mon torse, Juha ondulait sur mon intimité douloureuse en gémissant mon prénom de la façon la plus érotique qui soit, comme s’il cherchait à me pousser à bout de mes limites, sans la moindre once de culpabilité. Mon nom si sensuellement haleté entre deux gémissements acheva de me faire perdre la tête et dans un mouvement brusque, j’inversais nos positions.

Un sourire carnassier étira les lèvres de Juha et l’étincelle de désir que je décelais alors dans son regard décupla le mien. Avidement, je m’emparais de ses lèvres pour un baiser ardent comme rarement encore j’avais été l’auteur, et alors que nos langues se caressaient avec sensualité, mes doigts s’immiscèrent entre nos lèvres. Aussitôt, Juha délaissa ma langue, me faisant gémir de frustration, pour se concentrer sur sa nouvelle tâche avec un plaisir non dissimulé.

Pendant un temps qui me parut interminable, je laissais Juha humidifier abondement mes doigts, mêlant parfois ma salive à la sienne lorsque j’étais trop en manque de ses baisers. Un instant plus tard, il consentit enfin à les libérer et après un énième baiser, suivant mon instinct et m’aidant du souvenir un peu troublé par le plaisir que j’avais ressentit lorsque Juha m’avait préparé lors de notre première fois, je laissais mes doigts courir lentement sur son corps luisant de transpiration. Un gémissement rauque me répondit et alors que ma main arrivait au niveau de son intimité, Juha écarta les cuisses en une invitation plus qu’explicite. Malgré moi, je me sentis rougir, priant pour que la pénombre le dissimule aux yeux de Juha tandis que je m’emparais de ses lèvres pour ne pas laisser transparaître ma gêne et mon mal aise.

Avec une lenteur peu être un peut trop exagérée mais tellement anxieux à l’idée de blesser Juha, j’insinuais un premier doigt en lui avec toute la délicatesse dont j’étais capable. Avec inquiétude, je fixais le visage de Juha, prêt à m’arrêter au premier signe de douleur. Un sourire amusé étira ses lèvres et passant un bras autour de mon cou, il m’attira à lui et murmura à mon oreille :

- Je ne suis pas en sucre, tu sais…

- Te moques pas, gémis-je lamentablement, honteux de mon manque flagrant d’expérience. J’ai tellement peur de te faire mal…

- Je ne me moque pas, Gabriel, souffla-t-il avant de m’embrasser tendrement. Continue comme tu fais, c’est parfait…

J’esquissais un sourire timide et reprenant un lent va et vient, j’entrepris de préparer Juha avec un peu plus de conviction, me laissant guider par ses soupirs et ses gémissements.

Rassuré de ne déceler aucun signe de douleur sur son si beau visage, j’approchais le second doigt et avec la même délicatesse qu’au préalable, je l’insérais en lui.

Sans me départir de ma douceur, j’entamais un lent mouvement de va et vient alors que de nouveau, Juha s’emparait mes lèvres. Une fois le baiser rompu, je me redressais pour observer avec attention le visage de mon amant. Le front légèrement plissé, la bouche entrouverte, il gémissait sans retenue en s’empalant de lui-même sur mes doigts.

Les reins douloureusement échauffés à cette vision, j’entrepris d’insérer un troisième et dernier doigt en lui. Les rides sur son front se creusèrent d’avantage et voyant en cela un signe de douleur, je cessais immédiatement tout mouvement, tout en déposant des dizaines de baisers papillons sur son visage, souhaitant voir disparaître la douleur qui ternissait sa beauté.  Un sourire de remerciement naquit sur les lèvres de mon vis à vis et ne résistant pas à la tentation, je m’en emparais pour la énième fois, ne parvenant pas à m’en passer. J’étais devenu totalement accro à leur texture délicate et leur saveur si enivrante. Après un temps, je reportais mon attention sur Juha et ne décelant plus trace de douleur, je commençais un lent va et vient.

Pendant de longues minutes, je continuais à le préparer, sentant mes nerfs commencer à lâcher à le voir gémir et se tortiller sous moi alors qu’il s’empalait toujours plus profondément sur mes doigts. Entre deux gémissements, il murmura quelques mots qui m’électrisèrent en même temps qu’ils me terrifièrent :

- Gabriel… Maintenant… Prend-moi… S’il te plait…

Tétanisé par cette demande empressée, je stoppais net tout mouvement pour plonger mon regard dans celui enflammé de Juha. Celui-ci sembla s’apercevoir de mon hésitation car il se redressa sur les coudes et me fixant dans les yeux, il déclara le plus sérieusement du monde :

- Je te veux Gabriel… Viens…

Puis, sans me laisser le temps de répondre, il m’embrassa avec voracité tandis qu’avec hésitation, je prenais place entre ses cuisses. Des gouttes de sueur ruisselaient sur mes tempes, collant mes cheveux à mon front, mais je n’y prêtais guère attention, les yeux plongés dans le regard ébène suppliant de mon amant.

Ce ne fut qu’après un dernier instant d’hésitation que je finis par m’insinuer extrêmement lentement en Juha qui soupira de satisfaction. Pour ma part, l’appréhension avait fait place à la surprise suivit d’un violent plaisir. Je découvrais une toute nouvelle forme de plaisir et jamais je n’aurais pu imaginer que cela puisse être aussi bon. C’était si terriblement chaud et humide à l’intérieur de Juha que je devais me faire violence pour ne pas entamer tout de suite mes déhanchements.

Cependant, je ne pu retenir un cri de surprise et de plaisir mêlés lorsque d’un habile coup de rein, Juha s’empala brusquement sur mon érection douloureuse. Un cri de pur plaisir enfin assouvi s’échappa de ses lèvres, faisant écho au mien tandis que sans attendre, il entama un rapide va et vient.

Je le laissais faire un instant, enivré par le plaisir que me faisais ressentir Juha à se mouvoir ainsi sur moi et hypnotisé par l’image de pur débauche qu’il me renvoyait avant de finalement reprendre mes esprits et reprendre le contrôle de notre union. Les mains posées sur les hanches de Juha, je nous imposais un rythme langoureux destiné à attiser le plaisir de Juha à son paroxysme avant de le mener à la jouissance.

Galvanisé par les gémissements que poussait Juha, j’accélérais la cadence de mes va et vient, pénétrant toujours plus profondément en Juha. Les yeux rivés sur son visage ravagé par le plaisir qu’il ressentait, je pris son sexe en main et calquais sur celui-ci le même rythme régulier de mes déhanchements. Juha ouvrit la bouche en un cri muet de plaisir et passant ses bras autour de mon cou, il m’attira à lui pour un baiser ardent.

Puis, sentant qu’il arrivait au stade de non retour, j’accélérais d’avantage la cadence, et dans un ultime coup de rein plus ample et plus profond que les précédents, Juha se libéra entre nos deux corps enlacés en criant mon prénom. Son cri combiné au cambrement de son corps sur mon intimité et à l’effleurement de ses doigts sur la chute de mes reins acheva mes dernières résistances et dans un cri de jouissance, je me libérais en lui.

Le corps luisant de sueur et parsemé de tremblements, je me laissais retomber entre les bras de mon amant, tout en prenant garde de ne pas l’écraser et le visage enfoui dans son cou, je tentais tant bien que mal de retrouver une respiration calme et régulière. Sous moi, Juha se remettait lentement de son orgasme, ses doigts effleurant le creux de mes reins en un apaisant mouvement qui me fit frissonner.

- Je ne te savais pas si sensible à cet endroit, souffla Juha en esquissant un sourire que je devinais plus que je ne vis.

- Je t’aime, soufflais-je sans relever sa remarque précédente, ressentant le besoin de le dire, n’attendant cette fois-ci aucune réponse de sa part.

Prononçant ces mots, je me redressais pour voir Juha me sourire tendrement. Sourire auquel je répondis avant que Juha ne s’empare de mes lèvres pour un baiser des plus doux. Puis, je me retirais de lui et me blottissais amoureusement entre les bras de Juha qui m’embrassait sur la tempe tandis que du bout des doigts, il décollait les mèches de cheveux de mon front.

La tête callée au creux de son épaule, du bout des doigts, j’effleurais délicatement la peau lisse du torse de mon amant, étouffant à grand peine un bâillement. Je finis par m’endormir assez rapidement, bercé par les doux et réguliers battements du coeur de mon amant.

Lorsque je me réveillais le lendemain matin après une nuit de repos bien méritée, le soleil était déjà levé. Allongé sur le côté, je sentis un poids reposer sur ma hanche et une douce chaleur comme je ne l’avais pas sentie depuis trop longtemps à mon goût, provenant de dans mon dos, se propager dans tout mon corps. Un sourire étirant mes lèvres, je tournais la tête pour tomber nez à nez avec le doux visage endormi de mon homme collé tout contre mon dos, son corps épousant mes formes à la perfection, le poids mort n’étant autre que son bras passé jalousement sur ma hanche en un geste possessif comme pour me retenir à lui.

Mon sourire s’élargit à cette vision tandis que mon coeur se gonflait d’un amour toujours plus fort et plus sincère pour l’homme dont je partageais le lit. Je restais un instant immobile, profitant encore de sa chaleur et de ce moment intime, mes doigts effleurant inconsciemment son bras en une caresse régulière avant de finalement consentir à me lever. Puisant toute ma bonne volonté, je m’arrachais à son étreinte possessive et allais directement prendre une douche. J’en ressortais une dizaine de minutes plus tard, complètement détendu et serein et alors que je me séchais, je réalisais que je n’avais pas pris de vêtements. Ne souhaitant pas retourner dans la chambre au risque de réveiller Juha, je me contentais de nouer la serviette autour de ma taille, même si je n’aimais pas traîner ainsi torse nu. Certes Juha connaissait l’existence de cette hideuse cicatrice, mais moins il la voyait, mieux c’était.

Sortant de la salle de bain, j’eu à peine le temps de mettre un pied dans le salon que je fus accosté par Shanenja qui me fit la fête, se couchant à mes pieds, le ventre offert à moi, dans l’attente de caresses. Sans hésitation, je m’agenouillais et répondis à sa demande, l’ayant quelque peu délaissé ces derniers temps. Durant de longues minutes, je caressais longuement le chiot qui avait bien grandit, puis je finis par me relever. A cet instant, mon regard se posa sur mon sac lâchement abandonné à l’entrée du salon.

A cette vision, mon coeur fit un bond dans ma poitrine avant de repartir dans une course effrénée. Pris dans l’enchaînement des évènements, j’en avais complètement oublié ma décision. Je me dégoutais… Quel genre d’homme étais-je ? Hier soir, Juha était officiellement mon ex, mais aujourd’hui… Pouvais-je encore affirmer cela après ce qui venait de se passer cette nuit ? Et surtout, comment Juha allait-il réagir ?

Face à toutes ces questions qui se bousculaient dans mon esprit, je quittais précipitamment le salon et allais me réfugier dans la cuisine. Là, je m’assis sur une chaise et pendant de longues minutes, je réfléchis à tout cela. Finalement, je décidais de ne pas me prendre la tête mais que quoi qu’il en soit, nous devions avoir une sérieuse discussion…

Souhaitant attendre Juha pour avoir le plaisir de prendre mon petit déjeuner avec lui, je commençais à laver la vaisselle qui traînait dans l’évier. Perdu dans mes pensées, je sursautais en entendant la voix rauque de Juha s’élever dans mon dos :

- Quelle agréable vision divine qui s’offre à moi au réveil, déclara-t-il avec une pointe de d’amusement dans la voix. J’espère avoir droit plus souvent à des visions de rêves comme celle là…

 - Oui, dans tes rêves, marmonnais-je, râlant contre la dépravation dont faisait preuve mon amant.

C’est alors que je sentis une paire de bras m’enlacer jalousement par la taille et des lèvres chaudes et humides de poser sur ma nuque en un frôlement à peine prononcé. Juha m’attira d’avantage à lui et je ne pu m’empêcher de rougir tout en frissonnant d’exaltation en sentant son désir palpiter contre mes fesses.

Semblant prendre plaisir à me voir perdre tout mes moyens et m’abandonner totalement à ses caresses, Juha déposa une nouvelle fois ses lèvres dans mon cou avant de les laisser dériver jusqu’à mon oreille au creux de laquelle il murmura après l’avoir léchée avec sensualité :

- Tu disais ?

Les yeux  fermés sous l’afflux de plaisir, je penchais légèrement la tête en arrière afin d’offrir  mon cou à Juha, laissant à sa langue un plus grand champ d’action. Dans un soupir qui ressemblait plus à un gémissement, je soufflais :

- Tu es insatiable, mon amour…

- Comment l’être, répondit Juha visiblement troublé. Tu es tellement désirable… Surtout quand tu te promènes nu dans l’appartement, ajouta-t-il avec une pointe de moquerie.

M’arrachant à son étreinte, je me retournais vivement et le rouge de mes joues ayant fait place à une belle couleur carmine, je protestais :

- Je ne suis pas nu !!

D’un air mi amusé mi sceptique, Juha se recula et d’un air appréciateur, qui m’empourpra définitivement,  il me détailla de la tête aux pieds avant de déclarer :

- C’est tout comme… Répondit-il, un sourire vicieux étirant ses lèvres.

Sur ses mots, il s’approcha de nouveau de moi et m’embrassa avec passion tandis que, posant ses mains sur mes fesses, il me souleva pour me faire asseoir sur le plan de travail. Je l’emprisonnais alors entre mes jambes, les mains posées sur ses hanches alors que celles de Juha caressaient lentement mes cuisses.

- Bonjour, murmura-t-il entre deux baisers déposés à la base de mon cou.

- Bonjour, soufflais-je à mon tour, retenant à grand peine un gémissement de satisfaction.

- Et si… Tu me redisais… Ce que tu as dit toute à l’heure, souffla-t-il après un moment, tout en embrassant mon cou, me faisant frissonner de plaisir alors que sa langue explorait cette zone si sensible de mon anatomie.

- Ce que j’ai dit toute à l’heure ? Répétais-je, ouvrant les yeux sous la surprise, ne me rapelant pas avoir dit quelque chose de si spécial qui méritait d’être répété.

- Oui, ce que tu as dit, reprit Juha en me faisant face, me fixant d’un regard insistant. Rappel-toi…

Après quelques secondes de réflexion, je répondis :

- J’ai dit que tu étais insatiable…

- Non, me coupa Juha sans méchanceté, d’une voix douce. Après…

- J’ai dit que je n’étais pas nu, murmurais-je en rougissant légèrement.

- Avant, me corrigea Juha avec une pointe d’amusement dans la voix, semblant prendre plaisir à me voir me retourner le cerveau, ayant du mal à ne pas me laisser déconcentrer par ses doigts qui se faufilaient éhonteusement sous ma serviette, pour effleurer l’intérieur de mes cuisses.

L’esprit un peu embrouillé et à moitié déconnecté de la réalité par les attouchements de Juha, je déclarais d’une petite voix penaude :

- Je… Je suis désolé… Huumm…. Je ne vois pas, gémis-je après une caresse plus poussée de mon amant sadique.

- Tu vas devoir te faire pardonner alors… Souffla Juha avant de laisser sa langue suivre la courbe de ma clavicule gauche, m’arrachant un couinement de plaisir.

- Pourquoi ? Haletais-je. Qu’est-ce… Qu’est-ce que j’ai dit ?

- Tu m’as appelé “mon amour”, murmura-t-il à mon oreille.

Même si je savais parfaitement qu’il ne faisait que répéter mes propres mots, ces mots dans sa bouche, soufflés de façon si sensuelle au creux de mon oreille, me firent frémir violemment.

- Oh… Répondis-je, tentant de cacher mon malaise. Et… Ca ne te plait pas ? Ajoutais-je, appréhendant, malgré moi, sa réponse.

- J’ai jamais dis ça, susurra-t-il avant de dévorer mes lèvres avec avidité, m’entrainant dans un baiser fougueux. Dans un mouvement brusque, trahissant son désir, Juha glissa ses mains sous mes fesses et me décolla de mon siège de fortune. Instinctivement, je raffermis la prise de mes jambes autour de son bassin, frottant ainsi mon intimité contre la sienne que je sentais dure et chaude à travers la serviette qui me servait de vêtement.

Ce contact brûlant fit gémir Juha qui, aveuglé par le désir et la passion me posa presque brutalement sur la table avant de me forcer à m’allonger, se couchant sur moi pour atteindre ma bouche. Dans un geste maladroit de par sa précipitation, Juha dénoua la serviette qui faisait rempart à ma nudité. Lorsque je fus nu, il se redressa et posa sur moi un regard brillant de désir et de fierté.

Puis, il fondit vers moi pour s’emparer de nouveau de mes lèvres pendant que ses mains dansaient sur mon corps en ébullition. Ses doigts frôlant ma peau hypersensible en un courant d’air m’arrachèrent des gémissements de plaisir à l’état pur. Sans aucune honte, je m’abandonnais au plaisir que m’offrait Juha.

A présent, sa langue redessinait les traits de mes abdominaux tandis que plus entreprenante, sa main remontait lentement l’intérieur de ma cuisse, me faisant me tordre de plaisir sous lui.

Son bassin collé au mien, je pouvais sentir son désir grandir à chaque minute, attisant le mien de façon plus que certaine.

A demi noyé dans les limbes du plaisir, j’entendis vaguement la sonnerie du téléphone retentir à mes oreilles. Face à l’insistance de la personne qui cherchait à nous joindre, je murmurais à Juha qui semblait ne pas s’en préoccuper le moins du monde :

- Tu… Tu devrais aller répondre…

- … rappèleront… Souffla-t-il en s’emparant de mes lèvres comme s’il souhaitait me faire taire.

- Non… Repris-je en mettant fin au baiser. C’est… C’est peu être important…

Juha émit un gémissement de frustration et soupirant pour la forme, il me vola un dernier baiser avant de m’abandonner. Alors qu’il quittait la cuisine, je me redressais, quelques peu gêné par la position indécente qui était la mienne. Plus frustré que jamais, je n’essayais même pas d’écouter la conversation de Juha.

Une petite minute, qui me parut interminable, plus tard, il était de retour. Face à sa mine renfrogniée, je lui demandais, tout de même inquiet :

- Qui c’était ?

Me lançant un regard assassin, il répondit :

- Un faux numéro…

Je restais un moment interdit puis face à son expression mi frustrée mi rageuse, j’éclatais de rire. Cependant, je me repris bien vite lorsque d’une voix glaciale, le visage à seulement quelques centimètres du mien, il déclara :

- “C’est peu être important”, hein ?

Un peu effrayé par son comportement et sa voix froide, je l’appelais :

- Euh… Juha ?

Un sourire en coin étirant ses lèvres, il me demanda en me plaquant de nouveau contre  la table avec une violence emprunte de douceur :

- Qu’y a-t-il ? Tu as peur ? Demanda-t-il visiblement amusé. Tu as peur ou tu me désires ? Tu trembles tellement…

Sa voix susurrée à mon oreille attisa mon désir déjà douloureux et l’emprisonnant de mes jambes, j’ondulais éhonteusement contre son intimité tendue sous son jean et entrant dans son jeu, je l’attrapais par les cheveux, prenant tout de même soin de ne pas lui faire mal et l’attirais contre moi :

- Cela répond t-il à ta question ?

A ces mots, je l’embrassais franchement, dévorant ses lèvres tandis que ma langue franchissait le barrage de ses dents. Après ce baiser qui nous laissa à bout de souffle, Juha humidifia rapidement ses doigts, visiblement à bout de patience et avec empressement mais non sans douceur, il entreprit de me préparer. Un gémissement de plaisir s’échappa de ma gorge alors que le premier doigt entrait en moi. Noyé dans le plaisir de sa main qui s’activait sur mon érection, je ne ressentis aucune douleur et très vite, un second doigt vint rejoindre le premier.

Comme pour le précédent, celui-ci ne fut presque pas douloureux. Cependant, je gémissais de douleur lorsqu’il entama un mouvement de ciseaux avec ses doigts. Très vite, je ne ressentis plus que le plaisir et galvanisé par la présence des doigts de Juha en moi, j’entamais un langoureux déhanchement, m’empalant de moi-même sur les doigts de mon amant. Celui-ci retint de justesse un cri de surprise et d’une voix rauque, il déclara :

- Gabriel… Je n’en peux plus… Je te veux…

Enivré par sa voix si sensuelle, et avide de le sentir se mouvoir en moi, je répondis à sa supplication, un sanglot de plaisir se brisant dans ma gorge :

- Viens… Juha, viens… Maintenant…

Répondant au quart de tour à mon injonction, il déboutonna son jean et le baissa en même temps que son boxer avant de se présenter à l’entrée de mon intimité. Un violent frisson de plaisir me parcourut l’échine lorsque je sentis son sexe se présenter entre mes fesses et me volant un baiser, Juha se pencha à mon oreille et d’une voix dans laquelle je décelais des remords, il murmura :

- Pardonne-moi…

Et avant que je n’ai le temps de réaliser le sens de ses mots, il s’enfonça vivement en moi, me pénétrant entièrement d’un brusque coup de rein. Je me cambrais violemment, un cri de douleur m’arrachant la gorge sous l’intrusion qui me donnait l’impression que mes entrailles se déchiraient. Des larmes coulèrent silencieusement  le long de mes joues tandis que les ongles plantés dans les épaules de Juha, je tentais de m’habituer à sa présence imposante en moi.

Aveuglé par la douleur c’est à peine si je me rendais compte des lèvres de mon amant qui parsemaient  mon visage de dizaines de baisers papillons, dans le but de me détourner de ma souffrance.

Dans un lent mouvement, il commença à se mouvoir en moi tout en me murmurant des mots doux et apaisants. Soudain, la douleur fit place à un plaisir insoupçonné lorsque, d’un mouvement plus puissant et plus profond, il toucha quelque chose en moi qui me vrilla les reins. Interprétant mon cri de surprise et de plaisir mêlés comme une demande à renouveler son action, Juha ne se fit pas prier et accéléra la cadence de ses va et vient.

Galvanisé par le plaisir dévastateur qui déferlait sur moi, je plantais violemment mes ongles dans les épaules de mon amant tandis qu’instinctivement, je l’emprisonnais entre mes jambes, par peur irrationnelle de le voir partir. Laissant libre court à la passion et à l’amour qui me consumaient bien trop lentement à mon goût, me faisant languir du moment de ma libération qui, paradoxalement, se rapprochait irrémédiablement alors que Juha me pénétrait avec toujours plus de fougue, je criais sans retenue aucune. Je criais à m’en briser la voix le plaisir que m’offrait Juha en me faisant sien, laissant en moi son sceau invisible mais pourtant aussi ardent qu’un fer chauffé à blanc.

Alors que j’étais sur le point de jouir, terrassé par cette petite mort, Juha cassa subitement tout mouvement et avec une lenteur infinie, il se retira de moi. Frustré au plus haut point, j’entrouvris les yeux que je n’avais pas eu conscience de fermer pour plonger dans une mer en furie. Si j’avais crains un quelconque regret de la part de Juha, cette pensée s’envola aussitôt lorsque je plongeais mon regard dans la profondeur de ses yeux noirs et brillant de désir. Quasiment couché sur moi, Juha me fixait de son regard perçant et pétillant de désir et d’autres sentiments plus flous que je n’aurais su décrire, un sourire narquois étirant ses lèvres.

Sous lui, je me tortillais désespérément en sanglotant de frustration tandis que je tentais par tous les moyens d’accéder à la jouissance que mon amant me refusait pour une raison que j’ignorais. Entre deux sanglots, je déclarais, la voix brisée :

- Juha… S’il te plait… Ne… Ne me laisse pas ainsi…

Se penchant vers moi, il murmura à mon oreille, un large sourire étirant ses lèvres :

- Dis le mot magique… Je ne te laisserais pas venir avant de l’avoir entendu… Tu sais que tu as une voix magnifique quand tu es sur le point de jouir ? Et la vue me plait tout autant…

Ponctuant ses mots d’une caresse intime des plus poussée qui m’arracha un cri de plaisir, il happa mes lèvres entrouvertes pour un baiser endiablé.

- Allez… Dis le moi… Susurra-t-il après avoir libéré mes lèvres.

- Je… Je t’en prie… Sanglotais-je après qu’un nouveau cri de plaisir m’ait arraché la gorge. Viens… Viens…

- Tss… Tsss… Pas avant que tu n’ai dit ce que je veux entendre, répondit-il d’une voix rendue étrangement rauque par le désir.

Un nouveau hoquet de sanglot déchira ma gorge alors que mon corps était prit de violents tremblements tandis que Juha me faisait entrapercevoir le paradis tout en m’empêchant de l’atteindre par je ne sais quel moyen.

- Allez, dis-le… Insista Juha avant de laisser sa langue lécher les larmes qui maculaient mes joues.

L’esprit trop embrumé pour réfléchir de façon cohérente, je gémissais une suite de mots inintelligibles, ne comprenant pas moi-même ce que je disais :

- Je… Juha… Je t’…

- Oui… Allez mon ange…Dis le…

- Je t’… T’aime Juha… J’ai envie… Amour… S’il te…

Je n’eu pas le temps de finir ma phrase qu’un cri de pur extase s’échappa de mes lèvres entrouvertes alors que d’un ample mouvement du bassin Juha me pénétrait de nouveau entièrement. En moi, il resta immobile l’espace d’un instant avant de reprendre un déhanchement déchainé. Submergé par le plaisir qui embrasait mon corps tout entier, j’atteignis enfin la libération tant attendue en sentant Juha se répandre en moi après un ultime coup de rein plus profond et plus puissant que les précédents. Entendre mon prénom gémit de la façon la plus érotique qui soit dans la bouche de l’homme que j’aimais acheva mes dernières résistances et je me libérais à mon tour en criant le prénom de mon amant.

Haletant, le corps recouvert d’une fine pellicule de sueur, j’ouvris les bras pour accueillir Juha qui, dans le même état que moi, épuisé mais comblé, se laissa aller contre moi et enfoui son visage dans mon cou. Dans un geste à demi conscient, je laissais mes doigts jouer avec les petits cheveux de la nuque de Juha qui m’embrassait le cou du bout des lèvres. Dans un souffle, il murmura au creux de mon oreille, son souffle chaud me faisant frissonner :

- J’aime quand tu m’appelles avec des petits mots doux comme tu l’as fait tout à l’heure…

- Ouais ben n’y prend pas trop goût non plus, marmonnais-je, vexé que Juha se moque ainsi de moi.

- … Ce petit côté fleur bleue, ça me donne envie de te faire l’amour encore et encore… Poursuivit-il sans tenir compte de ma remarque.

A ces mots, je sentis mes joues s’enflammer et prendre une belle teinte carmine. Tentant de masquer mon trouble, je posais mes mains sur les épaules de Juha et faisant mine de le repousser, je marmonnais :

- T’es lourd…

Sans tenir compte de ma remarque, une fois de plus, Juha reprit, une pointe d’amusement dans la voix :

- On est pas bien là, toi et moi ?

Exaspéré face à tant d’indifférence, ne prenant même pas la peine de faire attention à l’endroit où nous nous trouvions, je déclarais d’une voix blasée mais ne pouvant néanmoins pas cacher mon amusement :

- Tu es d’un romantisme… Je pense qu’il y a quand même mieux qu’une table de cuisine pour ce genre… D’activités, non ?

Juha se redressa sur ses coudes et plantant son regard dans le mien, un sourire vicieux étirant ses lèvres, il déclara :

- Oh mais on peut arranger ça tu sais… Il nous reste la salle de bain, la voiture, le…

- Stop ! M’exclamais-je, m’étonnant toujours de cette face cachée de mon amant.

Puis, je le repoussais pour de bon cette fois avant de reprendre :

- Je vais prendre ma douche…

Face au regard lubrique que m’adressait Juha à cette phrase, je crus bon d’ajouter :

- Seul !!

Sans laisser à Juha le temps de répondre, je l’embrassais furtivement avant de m’éclipser. Une vingtaine de minutes plus tard, j’étais lavé et habillé de propre. Sortant de la salle de bain, je fus surpris de trouver Juha, torse nu, assis sur le canapé, l’air pensif. M’approchant de lui par derrière, je me penchais vers lui alors qu’il levait les yeux vers moi. Une main posée sur sa joue rugueuse, je demandais, inquiet :

- Tout va bien ?

- Oui, ne t’inquiète pas…

A moitié rassuré, je me penchais vers lui afin de capturer ses lèvres pour un baiser furtif et lui offrant un sourire tendre, je soufflais, tout contre ses lèvres :

- Allez, va te laver… Et rases-toi… J’ai l’impression d’embrasser Philippe…

Je mimais une expression dégoûtée qui fit rire Juha et heureux, je m’emparais de nouveau de ses lèvres pour un baiser plus prononcé que le précédent. Ce ne fut qu’une fois rassasié de ses lèvres que je me redressais, je laissant ainsi aller se doucher. Alors que Juha s’enfermait à son tour dans la salle de bain, j’entrepris de vider le sac que j’avais préparé hier soir…

 A suivre…

Chapitre 10 par Shinigami

 

Je me réveillais en sentant le lit s’affaisser à côté de moi alors que Juha s’engouffrait entre les couvertures. A demi somnolant, encore à moitié dans les limbes profonds du sommeil, je murmurais d’une voix endormie :

- T’étais où ?

- Dehors, répondit Juha avec une pointe d’amusement dans la voix. Mon cadeau avait besoin de sortir.

Je ne répondis rien et sans ouvrir les yeux, souhaitant encore profiter de la chaleur de la couette, j’attirais Juha à moi, sa présence m’ayant inconsciemment manquée durant son absence. Réprimant un frisson glacé, je murmurais :

- Tu es glacé…

Sans lui laisser le temps de répondre, je déposais mes lèvres à la commissure de ses lèvres avant d’enfouir mon visage dans son cou, tout en soupirant de bien être. Jamais depuis aussi loin que remontait mes souvenirs je ne m’étais sentis aussi bien et en sécurité entre les bras de quelqu’un.

Cependant, cela ne sembla pas satisfaire Juha car visiblement frustré, il murmura à son tour :

- Tu crois vraiment qu’un simple baiser sur le coin des lèvres va me réchauffer.

Ouvrant les yeux, à présent totalement réveillé, je me redressais sur mes coudes et surplombant Juha de toute ma hauteur, un sourire étirant mes lèvres, je demandais innocemment :

- Alors qu’est-ce que monsieur désir ?

- Je ne sais pas, répondit-il sur le même ton innocent et énigmatique.

D’une lenteur exagérée et toute calculée, j’entamais mon ascension vers ses lèvres, le regard pétillant de malice, sachant pertinemment ce que je voulais. Frustrant un peu plus Juha, fier de moi-même, je m’arrêtais à quelques centimètres seulement de lui, de façon à ce que mon souffle caresse son visage et, une pointe d’amusement et de moquerie dans la voix, je déclarais dans un souffle :

- Dommage que tu ne saches pas…

A bout de patience, il passa brusquement ses bras autour de moi et m’attira à lui, capturant mes lèvres pour ce baiser tant attendu. Avec une avidité non feinte, il prit possession de mes lèvres, attendant que je prenne moi-même l’initiative de lui faire entrouvrir les siennes. Dans un soupir de désir enfin satisfait, il accéda à ma requête muette et nous entraina dans un baiser des plus passionnés. Dans la volonté de me fondre en lui,  j’amenuisais la distance qui nous séparait encore, me collant tout contre lui tandis que de son côté, Juha faisait de même.

Après cet échange qui nous laissa tous les deux fébriles et repu, je posais ma tête sur son torse et me laissant aller à apprécier la tendresse du moment, je fermais les yeux, soupirant de bien être alors que Juha caressant doucement mon épaule. Après quelques minutes de ce traitement, je sombrais de nouveau dans les limbes du sommeil.

Lorsque j’ouvris de nouveau les yeux, le jour était maintenant bien entamé. Sous moi, Juha dormait encore profondément, une main possessivement posée sur la chute de mes reins et l’autre sur mon épaule. Je sourire tendrement face à tant de possessivité de sa part, comme s’il craignait de me voir partir, puis après un instant, je m’extirpais délicatement des draps, m’arrachant à son étreinte en faisant de mon mieux pour ne pas le réveiller.

Sans bruit, j’attrapais des affaires propres et allais m’enfermer dans la salle de bain. La chaleur de l’eau me fit un bien fou et  ainsi seul, je pouvais réfléchir à tête reposée à tous les derniers évènements de ma vie. Il était indiscutable que ma relation avec Juha avait prit un nouveau tournant et même si je m’obstinais à ne pas vouloir ouvrir les yeux, les faits étaient là et je ne pouvais les nier et faire comme si rien ne s’était passé. Et surtout, je n’en avais pas envie…

De plus, mon emménagement prochain avec lui n’était pas non plus anodin. L’un comme l’autre,  nous ressentions une évolution dans notre amitié sans pour autant parvenir à en définir les changements.

Pour ma part, je sentais naître en moi des sentiments inconnus, plus qu’une attirance, un réel besoin de sentir Juha près de moi, de l’avoir à mes côtés chaque jour que Dieu fait. Je ne comprenais rien à ce qui m’arrivait. Juste en moi, l’impression d’avoir déjà ressenti une fois cet étrange sentiment oublié et d’en avoir atrocement souffert par la suite… Rien de plus, juste… du flou. Un souvenir vague et indéfini, une sensation éthérée par le temps, immatérielle, une impression de déjà vue désuète et intemporelle… Après un temps à réfléchir sans parvenir  au moindre résultat, j’abandonnais cette idée dans l’espoir qu’elle me reviendrait d’elle-même. Je détestais cette sensation de savoir sans parvenir  à l’exprimer et restituer un nom sur cette sensation de déjà vécu.

Reportant mon attention sur l’instant présent, je finis de me laver les cheveux puis les rinçais longuement, retardant au maximum le moment de quitter ce petit sauna que je m’étais fait dans la cabine de douche envahie de buée. La chaleur bienfaitrice environnante détendait mes muscles et je me sentais me décontracter et atteindre un niveau de bien être à la limite de la béatitude. Jugeant avoir fait suffisamment durer le plaisir, je me décidais finalement à sortir de la douche. Je m’habillais à la hâte, détestant ce moment durant lequel il fallait se sécher et durant lequel le froid s’emparait de moi, puis quittais la salle de bain. J’eu la surprise de voir Juha réveiller en train de jouer avec Shanenja.

A son tour, Juha se leva et alla se doucher pendant que je jouais avec le chiot. Lorsqu’il revint, Juha alla se poser à mes côtés ans le canapé et à peine fut-il assis que je l’attirais contre moi afin de lui voler un baiser. Lorsque je consentis enfin à lui rendre sa liberté, Juha calla sa tête contre mon épaule en soupirant de contentement. Pour ma part, je me laissais aller à fermer les yeux de bien être, appréciant par dessus tout la proximité de Juha et la chaleur apaisante qui émanait de lui.

La journée se déroula aussi simplement qu’elle avait commencé et mis à part pour sortir Shanenja, nous ne quittâmes pas l’appartement. Le lendemain, nous étions allé travailler et pour ma part, j’avais sorti Orphée le temps d’une reprise, histoire qu’il se défoule un peu, lui qui supportait mal l’inactivité. Le jour sui suivit, nous avions recruté l’aide de Philippe pour déménager les quelques meubles qui meublaient ma petite chambre, n’ayant pas de moyen de locomotion. Là, nous étions tous les trois réunis dans le petit studio de Juha qui était à présent le notre et assis en face de Philippe, je n’osais le regarder, tout de même gêné, même s’il avait bien prit la chose. De plus, je pouvais sentir son regard posé sur moi et le petit sourire que je devinais suspendu à ses lèvres me perturbait affreusement. Je ne dû mon salut qu’à l’intervention de Juha qui fit irruption dans le salon avec le plateau de rafraichissement. Lorsqu’il s’assit en face de nous, Philippe prit la parole :

- Alors ? De qui est venue cette idée de cohabitation ?

Sentant le rouge me monter aux joues, j’adressais un regard à Juha pour l’inciter à répondre. Ce qu’il fit à mon plus grand soulagement :

- C’est… C’est moi qui lui aie proposé, répondit-il visiblement aussi gêné que moi.

- Et Gabriel a accepté… Termina Philippe en souriant avec bienveillance. En tout cas, ajouta-t-il après un court silence, je ne peux que vous souhaiter bonne chance. Gabriel, reprit-il en se tournant vers moi, je suis sincèrement heureux de te voir comme ça. Autant dire que je ne t’ai jamais vu aussi épanoui.

Puis, il reporta son attention sur Juha et avec tout le sérieux dont il était capable, il déclara :

- Sincèrement, merci Juha… Je suis content pour vous deux.

Autant Juha que moi étions profondément touché par les paroles de Philippe et sentant le regard de Juha posé sur moi, je levais les yeux pour le voir me sourire. Timidement, je le lui rendis, sous le regard bienveillant de Philippe. Quand je pensais à lui, il me faisait l’effet d’un ange gardien qui veillait sur moi et cela me touchait en plein cœur. Pour la seconde fois de ma vie, j’avais l’impression que ma solitude n’était plus qu’un souvenir. A présent, j’avais deux hommes merveilleux pour veiller sur moi et prendre soin de moi comme une seule personne l’avait fait par le passé.

Cependant, coupant court à notre œillade, Philippe demanda avec le plus grand intérêt et sans la moindre once de gêne ou de pudeur quelconque :

- Et où en est votre relation à tous les deux ?

Prenant mon courage à deux mains, et pour être honnête, appréhendant quelque peu la réponse de Juha, je déclarais :

- Disons que nous sommes des amis… De très bons amis… intimes, mais ça s’arrête là.

- Oh, je vois… Souffla Philippe. De très bons amis intimes, répéta-t-il la voix lourde de sous entendus.

Mentalement, je prestais contre moi-même, lui ayant inconsciemment moi-même tendu la perche, tandis que Philippe nous scrutait tour à tour, le regard lourd de sens et un petit sourire entendu en coin. Il nous observa ainsi durant un temps qui me parut une éternité avant de reprendre avec gravité :

- Tu sais Gabriel, plus le temps passe et plus je pense que d’être sorti avec Marion était la plus grosse erreur de ta vie. C’est ma fille, certes, mais elle n’était pas faite pour toi, tout comme tu n’étais pas fait pour elle. Tu es bien plus heureux avec Juha actuellement, c’est indéniable. Je trouve que… Je trouve que tu te laisses enfin aller à être toi-même.

- Je… Commençais-je sans parvenir à aller plus loin, ma voix se bloquant dans ma gorge.

Honnêtement, je me sentais à deux doigts de pleurer comme rarement il m’arrivait de le faire. Ma gorge se serait et mes yeux me brûlaient. C’est au prix d’un effort demandant toute ma volonté que je parvins à refouler mes larmes. Contre toute attente, je vis Juha se lever et venir s’asseoir près de moi,  posant sa main sur la mienne en un geste qui se voulait réconfortant. Je ne dis rien, me contentant d’adresser à Juha un petit sourire dans lequel s’il regardait correctement, il aurait pu lire tous les “merci” du monde. Puis, après un court instant, je me tournais vers Philippe et déclarais simplement :

- Je… Merci, Philippe.

- Gabriel… Sache que je te considère comme mon propre fils, ce fils que je n’ai jamais eu. Alors il est normal que je me fasse du souci pour toi. Tu es en tout cas entre de bonnes mains. De plus, tu t’ouvres de plus en plus aux autres. Tu te laisses aller à t’ouvrir aux autres et rien ne peut me rendre plus heureux.

Je ne trouvais rien à répondre à cela et un silence s’installa entre nous. Après un temps, Philippe déclara, détendant l’atmosphère :

- En tout cas, je sais pas ce qu’il t’a fait, mais tu as maintenant une sensibilité à fleur de peau.

Je sentis le rouge me monter aux joues alors que Philippe se levait en riant, s’excusant auprès de nous. Plongé dans mes pensés, je songeais à la dernière phrase de Philippe. Cette sensibilité dont il faisait allusion, était-ce Juha qui l’avait fait naitre en moi ? Au fond de moi, je sentais que ce n’était pas le cas… Je la possédais depuis bien avant que je ne fasse la connaissance de Juha… A bien y réfléchir, depuis toujours en fait… Seulement, je l’avais enfouie au plus profond de moi, au même endroit que mes souvenirs pour bâtir autour de mon coeur un rempart de glace que personne n’était parvenu à briser. Personne depuis le départ de Kay et jusqu’à maintenant… Pourtant, je le sentais, depuis quelque temps, celui-ci commençait à se fissurer…

Je n’eu pas le loisir d’approfondir d’avantage mes réflexions, que je sentis Juha m’attirer vivement contre lui. Avec avidité, il s’empara de mes lèvres et m’enlaça plus fortement encore. Déstabilisé, je répondis instinctivement au baiser de Juha, entrouvrant les lèvres suite à sa demande muette. Depuis quelques temps, nos baisers avaient une saveur nouvelle, se faisaient de plus en plus ardents et empressés, comme s’ils cherchaient quelque chose. Dérouté par la passion et la fougue que Juha mettait dans son baiser, je finis par m’agripper à lui comme pour me raccrocher à la réalité, me sentant perdre pieds. Nos langues se mêlaient avec un désir non feint et une passion dévorante et ce fut un toussotement de la part de Philippe qui nous ramena brutalement à la réalité.

Cramoisi, nous nous séparâmes peut être un peu trop vivement, honteux de nous faire surprendre dans cette position des plus intimes par Philippe qui revint prendre place à nos côtés, Shanenja  dans les bras, un sourire énigmatique étirant ses lèvres.

- Au fait, déclara-t-il, changeant complètement de sujet, je voulais vous demander si vous aviez quelque chose de prévu pour le réveillon du jour de l’an. Marion n’est pas là alors j’ai pensé vous inviter tous les deux.

- Avec plaisir, répondit Juha.

- Oui, avec plaisir, confirmais-je en le remerciant d’un sourire.

C’est alors que la sonnette retentie dans l’appartement. Je lançais un regard étonné à Juha alors que Philippe demandait :

- Tu attends quelqu’un ?

Je vis Juha réfuter d’un hochement négatif de la tête avait de se lever et de déclarer :

- Je reviens.

Je le suivais du regard jusqu’à ce qu’il disparaisse de mon champ de vision. Après un instant de silence, j’entendis avec horreur Juha pousser un cri de douleur, comme s’il venait de se blesser  alors une voix que je ne connaissais que trop bien s’élevait depuis le hall d’entrée :

- Je vais te crever pour de bon cette fois-ci.

Mon sang ne fit qu’un tour et je me précipitais sans attendre dans l’entrée. Avec horreur, je vis le frère de Killian lever une arme blanche sur Juha qui, paralysé d’effroi, ne pouvait plus bouger. Avec toute la fureur qui m’habitais, je me jetais sur l’étranger et le plaquais violemment contre le mur, en le désarmant d’un geste vif. Je jetais un rapide coup d’oeil à Juha afin de voir comment il allait et fit un signe de tête à Philippe qui était au téléphone, lui faisant comprendre de garder un oeil sur Juha pendant que je m’occupais du frère de Killian. Je lui adressais un regard meurtrier, lui faisant comprendre la fureur qui m’habitais à l’idée qu’il ait voulut s’en prendre à Juha, mais plus téméraire que je ne l’aurais cru, il déclara à mon attention :

- Il est en train de faire la même chose avec toi. il te manipule. Il déménage avec toi, il te baise, il t’embobine et bientôt, il te tirera une balle dans la tête…

Je tressaillais à l’entente de ses mots, mais mon attention fut vite reportées sur Juha alors que du coin de l’oeil, je le vis mettre ses mais sur ses oreilles avant de, lentement, se laisser glisser contre le mur. L’espace d’une seconde, j’hésitais entre le prendre dans mes bras et maintenir hors d’état de nuire l’agresseur de Juha. Cependant lorsque je vis Philippe venir vers lui et lui poser la main sur l’épaule, je décidais de le laisser faire. Juha était en état de choc et énervé comme je l’étais, j’avais peur d’être un peu trop brusque avec lui, sans pour autant le vouloir.

Délicatement, Philippe souleva Juha, l’aidant à se lever et le guida hors de porter de son agresseur. Je n’y avais pas vraiment prêté attention jusqu’à maintenant, plus préoccupé par sa santé mentale que physique, mais le bras de Juha semblait visiblement bien entaillé, car je pus voir le sang goutter de sa plaie et tâcher le parquet.

Avant qu’il ne disparaisse dans la pièce voisine, Philippe se tourna vers moi et déclara :

- Je reviens ! Et si jamais il y a un souci avec lui, ajouta-t-il en désignant le frère de Killian d’un mouvement de la tête, assomme-le ! La police ne devrait pas tarder à arriver.

Un sourire étira mes lèvres face au comportement étonnant de Philippe et reportant mon attention sur l’agresseur, je déclarais d’une voix menaçante en le poussant devant moi :

- Avance ! Et si jamais tu tentes quoi que ce soit, j’te démoli ta gueule de play-boy !

Semblant prendre ma menace au sérieux, il obéit docilement à mon ordre et alla s’asseoir sur une chaise dans la cuisine tandis que je refermais d’un coup de pied la porte derrière moi. Cependant, reprenant du poil de la bête, il s’exclama :

- T’es en train de faire une connerie ! T’as toujours pas compris qu’il se joue de toi ?

Je restais un instant silencieux, médusé par la vigueur avec laquelle il se persuadait lui-même de la véracité de ses paroles. Profitant de mon silence et de mon absence de réaction, il poursuivit :

- Ne te fis pas aux apparences ! Elles sont plus trompeuses qu’on ne le croit !

- Tais toi ! Sifflais-je.

- Quoi ? Tu as peur d’entendre la vérité ?

- Je connais la vérité ! M’exclamais-je vivement, agacé par son petit air supérieur.

- Laquelle ? Celle dans laquelle il passe pour la victime ? Il t’a raconté quoi ? Qu’il avait tué Killian parce qu’il était condamné ? Mais est-ce une raison suffisante pour ôter la vie à un homme ? Détrompe-toi ! Ce mec ment comme il respire… Tu veux savoir la vérité ? La seule, l’unique…

- Cela suffit ! M’exclamais-je, sentant malgré moi, un début de peur nouer mes entrailles.

Au fond de moi, je sentais que cet homme était dangereux. Cette façon qu’il avait d’exprimer ses convictions, la fougue et la passion qu’il mettait dans ses mots avait quelque chose de véritablement inquiétant. A la façon des fanatiques, il plaidait sa cause, prêchant sa version des faits, sachant très bien comment semer le trouble dans mon esprit.

- Quoi ? Demanda-t-il, un sourire en coin étirant ses lèvres. Tu doutes ? Et tu as raison ! Tu veux savoir la vérité ? Mon frère n’était pas malade ! C’est des conneries tout ça, ce n’est que pure invention de son esprit malade ! Même les médecins légistes n’ont rien pu démontrer… Si tu veux mon avis, tu devrais foutre le camp d’ici avant de finir la cervelle explosée contre les murs de cet appartement ! Cela ferait désordre… Ce gars n’est rien de plus qu’un assassin… Il choisit sa victime, de préférence un jeune homme un peu perdu, il profite des avantages qu’il peut en tirer, il le baise, comme il l’a fait avec Killian et une fois lassé, il le tue avant de recommencer de nouveau… C’est un cercle vicieux… Tu es pris dans l’engrenage du destin et je suis venu pour t’en libérer…

- Silence ! M’exclamais-je avec plus de conviction alors que je prenais entièrement conscience de l’ampleur de la folie qui consumait son âme.

un sourire satisfait naquit sur ses lèvres, comme s’il prenait pour une victoire le fait d’être parvenu à me troubler l’espace d’un instant. Je lui lançais un regard assassin, mais au fond de moi, je devais avouer qu’il me faisait de plus en plus peur. Heureusement, on ne tarda pas à sonner à la porte et c’est avec un certain soulagement que je vis les policiers entrer dans l’appartement.

Sans un mot, je les conduis vers l’homme pour lequel ils avaient fait le déplacement et m’excusant auprès des deux hommes, j’allais chercher Philippe. Sans prendre la peine de frapper, j’entrouvris la porte de la salle de bain et aussitôt, je cherchais Juha du regard, inquiet. Quand je le vis, je fus soulagé de voir qu’il allait bien même si visiblement il était encore sous le choc. En venant directement aux faits, je déclarais, reportant mon attention sur Philippe :

- Les flics sont là, je te laisse t’en…

- Oh oui, me coupa-t-il, je m’en occupe.

Sur ces mots, il se leva et quitta la pièce, nous laissant seuls. A peine ais-je eu le temps de m’approcher de lui et de m’asseoir à ses côtés que ses larmes se mirent à couler le long de ses joues. Sans réfléchir, ne supportant pas de le voir sans un tel état de faiblesse, lui d’habitude si fort, je le pris dans mes bras, l’attirant vivement  contre moi. Assis à même le sol, dans une position qui laissait à désirer, je sentais mon dos en patir mais je n’en avais cure. Pour le moment, tout mon univers se résumait à Juha. Du mieux que je pouvais, je tentais de le réconforter, le serrant fermement contre moi, tout en lui caressant tendrement le dos.

Au bout d’un temps qui me parut interminable, je sentis Juha se faire de plus en plus lourd contre moi tandis que sa respiration se faisait plus lente et plus régulière. Il poussa un profond soupir et je compris qu’il venait de s’endormir, épuisé autant physiquement que mentalement par les larmes qu’il avait versé.

Je restais un instant immobile, attendant qu’il s’endorme suffisamment profondément pour ne pas le réveiller et, ne me voyant pas revenir, Philippe frappa quelques coups discrets à la porte avant d’entrer. Nous voyant ainsi enlacé, Juha endormi tout contre mon épaule, un de ses éternels sourires paternel étira ses lèvres alors qu’il murmurait :

- Tu ne devrais pas rester là, tu vas finir par attraper froid en restant assis par terre. Viens, tu seras bien mieux dans le salon.

Venant m’aider, il soutint Juha le temps que je me lève et m’étire, le corps endolori par la pose que j’avais gardée trop longtemps. Après quoi, Philippe m’aida à le soutenir jusqu’au salon, sachant pertinemment que seul, je n’arriverais pas à le porter, n’étant pas aussi bien bâti que Juha. Une fois devant le canapé, nous allongeâmes délicatement Juha sur celui-ci et alors que je m’apprêtais à aller chercher une couverture dans notre chambre, Philippe me posa une main sur l’épaule et déclara, me souriant tendrement :

- Assied-toi, j’y vais.

Docilement, j’obéis sans protester et soulevant la tête de Juha, je pris place sur le canapé avant de reposer sa tête sur ma cuisse. Quelques secondes plus tard, Philippe revint et son sourire s’élargit face au spectacle qu’il découvrait et devant son air malicieux, je ne pus que détourner le regard, sentant mes joues s’empourprer sous son regard lourd de sous-entendus.

Constatant ma gêne, son sourire s’accentua puis changeant radicalement de comportement, il demanda :

- Tu veux boire quelque chose ?

- Je prendrais bien un coca s’il te plait. Tu les trouveras dans le bas de la porte du frigo, expliquais-je.

- Je t’apporte ça, reprit-il avant d’ajouter gravement, nous devons parler toi et moi…

A ces mots, je sentis mon coeur s’emballer dans ma poitrine, redoutant malgré moi une révélation qui pourrait ne pas me plaire. Je n’aimais pas du tout l’air sérieux qu’avait Philippe en cet instant et pour moi, cela laissait présager le pire. Je l’avais rarement vu aussi sérieux et j’en étais venu à redouter cette expression, ne sachant que trop bien ce qu’elle signifiait. Lorsque Philippe revint, il me tendit mon coca avant d’aller prendre place dans le fauteuil qui me faisait face. Après un lourd silence angoissant, il finit par prendre la parole :

- Au risque de me répéter, je tiens énormément à toi Gabriel. Juha est un garçon très bien, adorable, gentil et pourvut de bien d’autres qualités, mais il traîne derrière lui un lourd passé… Que tu t’engages avec lui ne me pose aucun problème et tu le sais parfaitement. Cependant, tu dois savoir qu’en acceptant cette relation, tu acceptes également les problèmes de Juha comme lui accepte les tiens. Cela ne sera pas facile et tout rose tous les jours… C’est pourquoi je te demande de bien réfléchir… Vous êtes encore jeunes et vous avez du temps devant vous. il est inutile de précipiter les choses si l’un comme l’autre vous ne vous sentez pas prêt… Votre relation est encore fragile et je ne veux pas te voir souffrir…

- Je… Je sais, soufflais-je en reportant un instant mon attention sur Juha qui dormait toujours profondément.

Je laissais mes doigts courir le long de son visage en une caresse aérienne, rassemblant mon courage afin de dévoiler à Philippe ce que je cachais au plus profond de moi depuis quelques temps déjà. Inspirant profondément, je finis par déclarer, la voix un peu rauque, brisée par l’émotion :

- Je… Chaque jour je ressens de plus en plus fortement le besoin d’avoir Juha à mes côtés… Ca en devient presque oppressant… Il m’est devenu indispensable… Soufflais-je non sans gêne, néanmoins un peu honteux et gêné d’exposer ainsi ma vie sentimentale à Philippe qui m’écoutait religieusement et avec attention. J’ai déjà beaucoup réfléchi à la question et je veux vraiment tenter de construire quelque chose avec lui. Je ne sais pas ce que l’avenir nous réserve, mais je me sens prêt à essayer.

Après un court silence, j’ajoutais dans un murmure, craignant que Juha n’entende ce que je m’apprêtais à dévoiler à Philippe :

- Je… Je l’aime…

- Je sais, répondit Philippe, un sourire sincère dépeint sur son visage. Je l’avais deviné, peut être même bien avant toi.

Je ne répondis rien, détournant simplement le regard en sentant le rouge me monter aux joues.

- Je suis à la fois fier et heureux de te voir aussi rayonnant, poursuivit-il après un court silence. Le sait-il ?

Je secouais négativement la tête en guise de réponse et ne semblant pas surpris de ma réponse, il demanda :

- Pourquoi ?

- Par peur sans doute, répondis-je. J’ai peur que cela soit trop tôt, qu’il ne soit pas prêt à l’entendre… Et puis, je ne suis pas convaincu qu’il partage les mêmes sentiments que moi à mon égard…

- Tu sais, seul lui pourra te le dire, mais au vue des regards enflammés qu’il t’adresse, je mettrais ma main à couper que tu ne le laisse pas indifférent…

Je m’empourprais à ces mots, sans pour autant oser trop y croire. Après cela, nous restâmes silencieux un instant, mais le front plissé de Philippe m’incita à lui demander :

- Tu parais soucieux, il y a un problème ?

- Je m’interroge en effet, répondit Philippe sur un ton grave. Ne trouves-tu pas étrange les réactions excessives que peut parfois avoir Juha ?

- Que veux-tu dire ? Demandais-je, ne comprenant pas où il voulait en venir.

- Tout à l’heure, entreprit-il de m’expliquer, quand j’ai voulu soigner sa plaie, tout à fait bénigne soit dit au passage, il à sursauté violemment lorsque j’ai posé ma main sur son bras. Un peu comme… Un peu comme s’il venait de se brûler… As-tu déjà eu cette impression qu’il fuyait ton contact, ou même sans aller jusque là, qu’il l’évitait ou l’appréhendait ?

Je réfléchis un instant à la question de mon vis à vis avant de répondre avec hésitation :

- Maintenant que tu le dis, c’est vrai que parfois j’ai l’impression qu’il est… Pas dégoûté, mais… Plus comme surpris… Enfin, je sais pas trop comment l’expliquer, mais c’est comme s’il ressentait quelque chose quand je le touche… Tu as une idée de ce que cela peut être ?

- Aucune, répondit Philippe. Mais je me renseignerais sur la question…

Nous restâmes encore bien une demi-heure à parler ainsi et pour la première fois de ma vie, je parlais à coeur ouvert à Philippe, lui confiant sans crainte mes doutes et mes peurs, mes espoirs et mes illusions. Avant de partir, Philippe m’aida à changer Juha, puis attrapant la laisse de Shanenja, j’accompagnais Philippe jusqu’à sa voiture. Je restais un instant dehors, attendant que Shanenja finisse ses besoins avant de remonter à l’appartement. Puis, en attendant que Juha daigne enfin se réveiller, j’allumais la télévision histoire de faire passer le temps. Je n’eu pas à attendre indéfiniment car moins d’un quart d’heure après, je fus pris par la très désagréable sensation d’être observé. Je reportais mon attention sur Juha qui me regardait en souriant. Je répondis à son sourire, heureux de le voir ainsi, et avant que je n’aie le temps de réaliser mon acte, agissant sous l’impulsivité, je me penchais vers lui pour l’embrasser délicatement sur le front.

L’instant suivant, Juha s’asseyait et déposait sa tête tout contre mon épaule.  Malgré son silence, je pouvais sentir que quelque chose le tracassait. Mes doutes se confirmèrent lorsque subitement, il prit la parole, se libérant d’un poids qui semblait lui peser sur le coeur :

- Je suis désolé pour tout ça, Gabriel. A peine tu emménages ici que…

Sachant très bien où il voulait en venir, je le fis taire instantanément, avant qu’il ne prononce un mot de plus, d’une légère pression de mon index sur ses lèvres. Puis, pour donner plus de poids à mon injonction muette, je déclarais posément :

- Mieux vaux que tu te taises et que tu continues de te reposer si c’est pour dire de telles âneries. C’est fini Juha, ajoutais-je après quelques secondes. Il ne t’embêtera plus.

La sensibilité à fleur de peau,  c’est au bord des larmes et la voix brisée par des sanglots contenus qu’il déclara :

- Je… Pour tout ce qu’il t’a dit… Ne… Ne t’inquiète pas Gabriel. A la différence du frère de Killian, tu connais les circonstances et pourquoi je l’ai tué… Je… Jamais… Jamais je ne te ferais de mal, Gabriel…

Comprenant que sa crainte était réelle, je me tournais vers lui, plantant mon regard dans le sien et déclarais, toujours avec ce même ton calme et posé :

- Je le sais parfaitement Juha. Même si je ne sais pas tout, je te fais confiance.

Sans lui laisser le temps de répondre, je l’attirais à moi pour une tendre étreinte. Je sentis mon coeur se serrer douloureusement à la vue de la larme qui coulait sur sa joue. Je n’aimais décidemment pas le voir aussi faible. D’une voix brisée par l’émotion, il murmura à mon oreille, me faisant frissonner de tout mon être :

- Merci Gabriel… Merci d’être là… Merci pour tout ce que tu as fait…

La gratitude et la reconnaissance que je pouvais déceler dans sa voix me toucha profondément. S’il savait… S’il sait tout ce que je serais capable de faire juste pour le voir sourire… Maintenant que j’avais ouvert les yeux sur mes sentiments pour lui, ceux-ci me sautaient comme une bombe au visage. Je l’aimais… Je l’aimais comme une seule fois auparavant il m’avait été donné de le faire…

Nous restâmes un long moment ainsi et lorsque nous finîmes par nous séparer, j’insistais auprès de Juha afin qu’il aille prendre un bain qui lui ferait le plus grand bien. Ce soir, c’est moi qui préparerais le repas, même si je dois avouer que je ne suis pas très doué pour cela.

- Je n’ai pas vraiment faim, répondit simplement Juha.

Si je ne le connaissais pas, ces mots m’auraient sûrement vexés, mais je savais pertinemment qu’il n’y avait pas d’arrière pensées dans cette phrase. Juste une grande lassitude.

- Et bien tu te forceras un peu, insistais-je sur un ton qui n’acceptait aucun refus. Tu es tout pâle et fébrile et je pense sérieusement que te nourrir te fera le plus grand bien.

C’est avec soulagement que je vis Juha se détourner de moi pour se rendre à la salle de bain. Une fois seul, je me rendis à la cuisine et posais mes mains sur le plan de travail, fermant les yeux histoire de décompresser un peu de l’angoisse et de la fatigue qui se faisait ressentir. Après quoi, j’entrepris de préparer un repas rapide qui conviendrait très bien pour ce soir. Un moment plus tard, Juha vint me rejoindre à la cuisine.

- Ca va un peu mieux ? M’empressais-je de lui demander, satisfait de voir qu’il avait reprit quelques couleurs. Ne reste pas là, ajoutais-je, je t’amène ton assiette dans le salon.

Docilement, je le vis obéir sans protester. Je le rejoignis quelques secondes plus tard, une assiette dans chaque main. Je lui tendis la sienne avant de m’asseoir. Entamant la conversation, je déclarais :

- J’ai sortis Shanenja tout à l’heure, je l’ai nourris, il ne va pas tarder à nous rejoindre. J’irais le sortir une dernière fois tout à l’heure.

- Merci, se contenta-t-il de répondre.

Nous mangeâmes dans un silence monastique puis après avoir débarrassé le peu de vaisselle, je sortis Shanenja. A vrai dire, j’avais besoin de prendre l’air, de changer d’oxygène et de m’aérer l’esprit. Inconsciemment, Juha avait créé une certaine tension et malgré les efforts que je déployais, je n’aurais pas pu rester impassible ne serais-ce que quelques minutes de plus. Je comprenais parfaitement qu’il soit encore un peu déstabilisé par son expérience de cet après-midi, et j’étais là pour lui de façon la plus naturelle qui soit. J’aimais prendre soin de lui, lui montrer qu’il comptait pour moi, mais l’indifférence dont il faisait preuve depuis son réveil me blessait malgré moi.

J’avais l’impression de ne lui être d’aucune utilité… Mon coeur se serra douloureusement à cette pensée. De plus, j’étais partagé encre le désir de lui avouer enfin mes sentiments à son égard et cette petite voix intérieure qui m’intimait de me taire, de garder tout cela en moi au risque de le perdre. Jamais auparavant je n’avais été aussi indécis et tiraillé de la sorte et cela n’améliorait pas mon état actuel. J’étais sur les nerfs et à bout de patience, j’avais envie d’hurler ma frustration et mon désespoir au monde entier. Je voulais crier mon amour à Juha mais la peur de le perdre était trop forte, alors je me taisais… Etonnement, je sentis les larmes me monter aux yeux et d’un geste rageur, je les essuyais vivement. Je ne devais pas pleurer, pas pour lui… J’avais déjà versé trop de larmes par le passé et je ne voulais pas redevenir cet être faible et minable que j’avais été.

Finalement, je trainais un peu à l’extérieur malgré le froid qui m’engourdissait le corps, le temps de retrouver un air à peu près serein. Après une bonne vingtaine de minutes durant lesquelle Shanenja s’amusa à courir partout, je me décidais enfin à rentrer et puis, je ne voulais pas que Juha s’inquiète inutilement en ne me voyant pas revenir. Lorsque j’entrais dans l’appartement, je fus surpris de le trouver plongé dans le noir. D’une voix douce, j’appelais Juha, mais n’obtenant aucune réponse de sa part, j’en déduis qu’il avait dû aller se de coucher. Cela se confirma lorsque j’allumais la lumière dans notre petit salon et ne vis personne. Après avoir souhaité une bonne nuit à Shanenja en lui offrant un câlin, je fis un saut rapide à la salle de bain. Puis, sans bruit,  le plus discrêtement possible afin de ne pas réveiller Juha, je me glissais entre les couvertures.

Cependant, malgré ma discrétion, je le vis ouvrir les yeux et me sourire tendrement. Sourire auquel je répondis en sentant mon coeur se gonfflé d’amour pour cet homme qui venait illuminer ma vie. Ne résistant pas à la tentation de ses lèvres, je déposais délicatement les miennes sur sa bouche pour un baiser simple mais non démuni de sentiments. Après quoi, je m’allongeais à mon tour, me blottissant tout contre lui, à la recherche de sa chaleur et sa présence rassurante. Soupirant d’aisance et de bien être, je murmurais un simple “bonne nuit” avant de fermer les yeux et calquer ma respiration à celle calme et régulière de Juha.

Les jours qui suivirent passèrent à une vitesse surprenante. Des jours durant lesquels mon amour pour Juha ne cessait de croître, amour que je gardais enfoui au plus profond de moi. Habillé d’une chemise noir et d’un jean de la même couleur, nous nous apprêtions à nous rendre chez Philippe pour le réveillon du jour de l’an. Cependant, le bonheur que je ressentais en cet instant était entaché par la conversation que nous tenions. Nous savions pertinement que nous nous engagions sur un terrain glissant, mais ni l’un ni l’autre n’étions prêt à nous avouer vaincu en mettant un terme à cette conversation. Je voulais essayer de mettre un peu de plomb dans la cervelle de Juha, tenter de lui fair ecomprendre mon point de vue sur un sujet qui nous séprarait complètement.

- Ce que je veux dire, m’exclamais-je à bout de patience, c’est que tu pourrais profiter de cette nouvelle année qui commence pour aller voir ta famille. Si tu as peur d’y aller seul, je t’accompagnerais, ce n’est vraiment pas le souci.

Aussitôt que je prononçais ses mots, j’en vins à les regretter amèrement… Comment allait réagir Juha à cette intrusion de ma part dans sa vie privée ? J’étais lassé de cette conversation qui ne menait à rien, lassé de nos disputes répétitives pour des raisons qui n’en vallaient vraiment pas la peine. Visiblement irritté, Juha répondit sèchement :

- Tu ne comprend rien, Gabiel. Tu te places uniquement de ton point de vue pour analyser la chose. Ca te paraît si simple…

Blessé malgré moi par ces mots durs, je tentais tout de même de ne pas lui montrer à quel point ça m’avait touché et contre attaquais tout aussi vivement :

- C’est vraiment idiot, Juha. Tu as une famille, tu as de la chance et qu’est-ce que tu fais ? Tu gâches cette chance.

Comment pouvait-il être aussi buté ? Pourquoi n’essayait-il pas de comprendre mon point de vue, de s’imaginer à ma place ? Pourquoi devait-il à tout prix me convaincre qu’il avait raison et moi tors ? Tiendrait-il les mêmes propos s’il n’avait, comme moi, pas eut la chance d’avoir une famille et un foyer ?

- Ne juge pas sans savoir, s’exclama-t-il. Ce n’est pas parce que tu n’en as pas eu que j’ai eu, moi, une famille merveilleuse.

Retenant à grand peine des larmes de colère, de  douleur et de frustration, je m’exclamais un peu trop violemment peu être :

- Alors comment veux-tu que je comprennes si tu ne me dit rien ? Je ne connais presque rien de toi, poursuivis-je dans mon élan, emporté par le désespoir de voir que Juha semblait avoir si peu confiance en moi, sauf que tu as passé dix ans de ta vie en prison parce que tu as tué Killian…

Je me tus brusquement en réalisant ce que je venais de dire, sachat pertinement que j’avais été trop loin. Sur un ton calme qui ne laissait rien présager de bon, Juha déclara alors :

-Peu être que je ne te dis rien parce qu’il n’y a rien à savoir. Dix ans de ma putain de vie ont été gâchés en prison mais celle que j’avais avant n’était que très banale. Pourquoi je ne tiens pas à voir mes parents ? Tu veux vraiment le savoir ? ALors que je venais de leur annoncer mon homosexualité en leur présentant Killian, ils l’ont, face à nous deux, très bien prit. Nous avons passé une merveilleuse soirée.

Au fur et à mesure qu’il prononçait ces mots, Je sentais la colère de Juha se faire de plus en plus oppressante. Prenant un temps pour se calmer, il finit par reprendre :

- Quand j’y repense, quels hypocrites ! Toujours est-il que lorsque nous sommes allés nous coucher, j’avais oublié un truc dans le salon. Et c’est là que je les ai vu, ma mère pleurant dans les bras de mon père en se demandant ce qu’elle avait fait pour mériter cela. Il ne vaux mieux pas que je te raconte le reste parce que ça n’en vaux vraiment pas la peine. Ils avaient placé la barre très haute pour moi, alors que se sont-il dit lorsque leur fils qui plus est homosexuel est devenu un meurtrier ? Non, je n’irais pas les voir, c’est vraiment au dessus de mes forces.

Sur ces mots, je finit par me taire et prenant pleinement conscience des paroles de Juha, je restais silencieux. Ce ne fut qu’un moment plus tard que , m’avouant finalement vaincu, je posais ma main sur sa cuisse en un geste qui se voulait à la fois réconfortant et à la fois une demande de pardon. D’une petite voix, je murmurais :

- Je suis désolé, Juha…

Il m’adressa alors un regard que je ne parvins pas à analyser et honteux, je retirais ma main de sa cuisse. Quelques secondes plus tard, je me garais dans la cours, et sans un mot ni un regard pour Juha, je sortis de la voiture. Je devais avouer que j’étais terribelement honteux et gêné de mon comportement des plus égoïstes. Sans attendre Juha, jem’engouffrait sur le petit chemin pavé qui menait à la maison de Philippe. Soudain, je sentis Juha m’attraper par le bras avec douceur et fermeté, me forçant à lui faire face :

- Je suis désolé de m’être emporté ainsi… Murmura-t-il, une lueur de tristesse dans le regard.

Sans plus attendre, il m’attira en douceur contre lui et totalement envoûté, je me laissais faire docilement. La lueur dans ses yeux étant suffisament claire et explicite pour que je comprennne ce qu’il souhaitait et attendait de moi.

Cédant à cet amour qu’il faisait vibrer en moi, je parcourus en même temps que lui la distance qui séparait nos lèvres. Sentant un élan de bien être m’envahir, je me laissais complètement aller entre les bras de Juha, m’abandonnant à lui sans la moindre résistance. nous nous séparâmes un long moment plus tard, le souffle erratique suite à ce baiser des plus ardents que nous venions d’échanger. Ce baiser était pour moi signe de réconciliation, que tout ce qui venait de s’être dit appartenait au passé et ne devrait plus interférer dans le moment que nous nous apprétions à vivre avec Philippe. En aucun cas je voulais que cela ne vienne gâcher notre soirée à tous les trois. C’est côtes à côtes, étroitement proches que nous parcourûmes les derniers mètres qui nous restait à parcourir pour arriver chez Philippe.

A peine ce dernier eut-il sonné que Philippe nous ouvrait avec un grand sourire, comme s’il savait que nous étions sur le point de sonner.

- Bonsoir, déclara-t-il en se décalant de façon à nous laisser entrer. Comment allez-vous depuis tout à l’heure ?

- Très bien, répondis-je en lui tendant une bouteille de champagne achtée la veille, omettant délibérément d’évoquer notre récent différent.

- Merci, déclara Philippe. Débarrassez-vous de vos affaires, faites comme chez vous. Je vais la mettre au frais.

Sur l’invitation de Philippe, nous nous dévêtîmes puis je guidais Juha jusqu’au salon, connaissant parfaitement la maison. Nous prîmes place sur le canapé, à une distance raisonnable l’un de l’autre. Philippe ne tarda pas à nous rejoindre avec un petit appéritif. Très vite, la conversation dévia sur le domaine professionnel et les chevaux qui, étant pour Philippe comme pour moi, une véritable passion, ne nous lassait pas le moins du monde. Juha écoutait avec attention, prenant par de temps en temps à la conversation, semblant véritéblement interressé, même si je devais avouer qu’il n’y connaissait pas grand chose, bien qu’il apprenait de jour en jour. Après une petite heure, nous passâmes à table et c’est avec un véritable plaisir que nous dégustâmes le repas que Philippe, en fin cuisinier, avait préparé.

Durant le repas, nous parlâmes des sujets des plus variés et ce ne fut qu’au moment du dessert que finalement, je me décidais à poser la question qui me travaillait depuis un moment, mù’engageant inconsciement vers une conversation des plus innatendues :

- Et tu n’as jamais envisagé de rencontrer quelqu’un ? Demandais-je non sans hésitation. Je veux dire à nouveau ?

- Oh tu sais, répondit Philippe avec un sourire amusé, le ranch me prend beaucoup de temps. Je ne sors presque pas d’ici, ajouta-t-il en retrouvant son sérieux, sauf pour quelques courses et j’habite sur mon lieu de travail. Mais je pense bientôt trouver un successeur. D’ailleurs, j’ai ma petite idée, ajouta-t-il en me lançant un petit sourire que je ne parvins pas à déterminer.

- Qui ça ? Demandais-je surpris et intéressé.

Philippe me regarda avec plus s’insistance et après un temps durant lequel je réalisais soudain le sous entendu, je déclarais, incrédule :

- Qui ça ? Moi ?

Philippe ne répondit rien, se contentant d’un simple hochement de tête agrémenté d’un sourire victorieux. C’est affreusement gêné et mal à l’aise que je poursuivis avec hésitation, mais avec toute ma reconnaissance :

- Merci… Vraiment… Je… Je suis touché que tu penses à moi, mais tu devrais choisir quelqu’un d’autre.

Baissant la tête, honteux de moi-même, je poursuivis :

- Je n’ai pas assez d’expérience et je suis loin d’abattre ton travail, je…

- Quand est-ce que tu vas te faire un peu plus confiance Gabriel, me coupa vivement Juha. Si Philippe t’a choisit, poursuivit-il avec fougue et conviction, je pense qu’il le fait en connaissance de cause et qu’il sait que tu en es capable.

- Juha a rison, renchérit Philippe sans me laisser le temps de rétorquer. Ne t’inquiète pas, je ne vais pas partir du jour au lendemain. Mais si tu acceptes, je veux bien te former et te céder de plus en plus de tâches importantes. Si je t’ai choisis c’est parce que je te fais entièrement confiance.

Sous le compliment, je sentis mes joues s’empourprer violemment tandis qu’un sourire gêné étirait mes lèvres. Emu, je ne parvins qu’à remercier Philippe. Reconnaissant envers lui, je me fis mentalement la promesse de considérer sérieusement sa proposition qui remettait en doute mes projets d’avenir. Mais peut-être pourrais-je tenter de concillier les deux… Je me promis d’y réfléchir, mais pas maintenant. Je voulais par dessus tout passer une fin de soirée tranquille et sans prise de tête, à me torturer l’esprit à pese le pour et le contre de sa proposition.

Après la fin du repas, Philippe nous invita à passer au salon pour prendre un dernier verre en attendant les douze coups de minuit. Timidement, je jetais un coup d’oeil à Juha avant de m’approcher de lui. Aussitôt, il passa un bras derière ma nuque, sous le regard de Philippe que je sentais et savais posé sur nous avec bienveillance.

La suite de la soirée se déroula dans la même ambiance chaleureuse et détendue comme j’avais rarement eu l’occasion de connaître, même avec Marion. Lorsque les douze coups de minuit sonnèrent enfin, je me tournais vers Juha, m’écartant légèrement de lui afin de pouvoir lui faire face. Avec un souirre néanmoins gêné, je murmurais :

- Bonne année, Juha.

Puis, sans attendre de réponse, je m’approchais lentement de lui et déposais mes lèvre sur les siennes en un baiser passionné, faisant fi du regard de Philippe posé sur nous. Avidement, je laissais partir à la recherche de celle de Juha et lorsqu’enfin elles se rencontrèrent, mon corps entier frissonna de plaisir mal contenu. Avec fougue, nos langues se mêlaient en un ballet sensuel qui fit naître une étrange chaleur au creux de mes reins.

Ce baiser était pour moi synonyme d’un nouveau départ, souhaitant oublier nos disputes et repartir à zéro pour la nouvelle année qui se présentait. Souhaitant lui faire comprendre que je lui appaartenais à présent totalement, je m’abandonnais comme jamais entre ses bras, lui rendant fiévreusement son baiser dont il avait finit par prendre le contrôle. Accroché à lui comme à une bouée de sauvetage, je tentais de ne pas me laisser dériver vers ce sentiment inconnu qui brûlait en moi. C’est à bout de souffle que nous finîmes par nous séparer.Hypnotisé, je plantais mno regard dans le sien alors qu’il murmurait à son tour, un doux sourire dépeint sur le visage :

- Bonne année, Gabriel…

Rougissant, je me tournais ensite vers Philippe, dont j’avais honteusement momentanément oublié la présence, qui nous observait avec toujours dans ces yeux cette immense bonté qui le qualifiait. D’une voix emplie d’émotions, il déclara :

- Bonne année à vous deux.

Nous lui rendîmes en choeur son voeux de bonne année et après avoir passé les premières heures de l’année en compagnie de notre hôte, nous finîmes par nous décider à rentrer, ne serait-ce que pour ne pas laisser Shanenja seul trop longtemps. Après de chaleureuses salutations et le renouvellement de nos voeux de bonheur, ,pus nous apprêtions à sortir quand Philippe demanda à Juha :

- Au fait, comment va ton bras ?

- Beaucoup mieux, merci, répondit Juha.

- Bien ! Répondit Philippe avant d’ajouter un moment après, je vous souhaite une excellente fin de soiréeet merci d’être venus. soyez prudents sur la route.

Sur ses mots, Philippe et Juha se serrèrent la main et alors que Philippe s’apprêtait à faire de même avec moi, je le pris dans mes bras, le serrant contre moi afin de lui exprimer ma reconnaissance et ma gratitude pour tout ce uq’il avait fait et continuait à faire pour moi.Dans un murmure, me sachnt trop ému pour émettre le moindre son, je lui exprimais mes remerciement et l’amour paternel que je lui vouais. Semblant lui aussi plus touché qu’il semblait vouloir le laisser paraître, il me rendit mon étreinte.

Après un dernier “au revoir”, nous retournâmes en silence à la voiture. Ce ne fut que lorsque nous fûmes sur le chemin du retour que Juha prononca les premiers mots, brisant le sielnce qui nous entourait :

- Vraiment, nous avons passé une très bonne soirée.

- Oui, répondis-je simlement.

Contre toute attente, du coin de l’oeil, je vis Juha se pencher vers moi et c’est non sans rougir que le le sentis déposer ses lèvres sur ma joue, à la limite de la commissure de mes lèvres avant de murmurer :

- Je suis content d’avoir passé ces premières heures de l’année avec toi.

Le coeur battant à tout rompre, un sourire niais étirant mes lèvres, je déclarais, maitrisant mal la joie qui m’habitait :

- Moi aussi.

Le reste du trajet s’effectua dans un silence monastique. Bientôt, nous arrivâmes à notre appartement. Malgré les jours passés, cela me faisait toujours un drôle d’effet cette désignation, de dire “notre” comme si nous étions un… couple à part entière. Cete simple idée remplissait mon coeur d”une joie indescriptible.

A peine étions nous entrés dans le hall que Shanenja se précipita vers nous en glapissant joyeusement et sauta dans les bras de Juha lorsque celui-ci s’agenouilla pour être à sa hauteur.

- On l’a sorti tôt ce soir, je vais lui faire faire une toute petite ballade, j’en ai pas pour longtemps, dit-il en se redressant.

- A tout de suite, répondis-je simplement, n’ayant pas le courage de l’accompagner.

Alors que je regardais Juha quitter l’appartement, un pincement au coeur me contracta la poitrine. J’avais la désagréable impression qu’il cherchait à m’éviter. Avais-je inconsciemment fait quelque chose qui l’aurait dérangé ? Ce qui me troublait avec Juha, c’était la façon qu’il avait de se comporter. Il pouvait être tellement tendre et attentif à moi presque soucieux de mon bien être et l’instant d’après, tellement froid et distant… Cela en était déroutant, je ne savais jamais vraiment comment me comporter avec lui.

Mettant fin à mes interrogations, j’allais me changer. Une fois mon jogging et mon vieux t-shirt enfilés, j’allais me poser devant la télévision en attendant le retour de Juha. Plongé dans mes songes, c’est à peine si j’entendais et voyais ce qui se déroulait à l’écran. Intérieurement, j’angoissais à l’idée de la manière dont allait se terminer cette soirée. Sans savoir pourquoi ni comment, je sentais que quelque chose était en train d’évoluer entre Juha et moi. Notre relation était inconsciemment passée au stade supérieur. Peu être que l’acceptation de mes sentiments pour lui y était pour quelque chose… Je n’en savais trop rien. De plus, depuis quelques temps, je sentais une certaine tension chez Juha, tension que je n’aurais su expliquer. De mon côté, je pouvais difficilement nier que quelque chose en moi changeait et évoluait. J’avais l’impression qu’il me manquait quelque chose mais je n’aurais su dire quoi.

Depuis quelques jours, je ressentais cette étrange chaleur au niveau des reins, comme un brasier qui naissait en moi pour se propager lentement mais sûrement dans mes veines, embrasant la totalité de mon corps. Cette chaleur, je m’étais vite aperçu que c’était Juha qui la faisait naître en moi et qui l’attisait, consciemment ou non, à chacun de nos baisers. Ceux-ci aussi avaient gagnés en intensité. A chacun de nos baisers, a langue qui explorait ma bouche et dansait avec ma langue m’enfiévrait prodigieusement et à présent ne me suffisaient plus.

J’avais besoin de plus, j’avais besoin de sentir Juha toujours plus près de moi, de sentir sa chaleur m’irradier entièrement… Etait-ce cela le feu qui brûlait en moi et portait le nom de désir ? Est-ce que je… Désirais Juha de façon charnelle ?

A cette simple pensée, je sentis le rouge me monter aux joues et me giflais mentalement et tant bien que mal, je tentais de penser à autre chose qu’à cette chaleur qui s’immisçait en moi à l’évocation de Juha. Cependant, malgré toue la bonne volonté, mon imagination finit par prendre le dessus et c’est non sans honte que mon esprit s’empli d’images de Juha toutes plus sensuelles les unes que les autres. Les joues en feu, j’étouffais une gémissement de honte et de frustration mêlés et me précipitais à la salle de bain. Là, je me passais le visage sous l’eau froide, évitant soigneusement de poser mes yeux sur le reflet que me renvoyait le miroir, trop honteux parce que je venais de découvrir sur moi-même.

Que dirait Juha s’il se rendait compte que je pensais à lui de manière aussi impudique et éhontée ? Cependant malgré moi, mon esprit se focalisa sur cette fameuse nuit de Noël, cette soirée durant laquelle il m’avait fait découvrir que le plaisir entre homme pouvait être possible. Cette nuit là, si comme lui, j’avais été plus sûr de moi, aurions nous été plus loin ? Juha me désirait-il comme je… Comme je le désirais ?

De nouveau, le rouge me monta aux joues et maudissant cette gêne excessive qui me faisait rougir, je me repassais le visage sous l’eau glacée avant de m’essuyer succinctement et de regagner le salon. A la télé, monsieur Jack se complaignait de son malheur et de son existence dont il se lassait. Reportant toute mon attention sur ce film que j’adorais, je fini par occulter de mon esprit les pensées érotiques de j’avais eu. Peu à peu, mon coeur retrouva un rythme régulier et la température de mon corps baissa de plusieurs degrés.

Finalement, après un temps indéfini, Juha poussa la porte de l’appartement. Je l’entendis s’affairer un moment dans le couloir avant de venir me rejoindre dans le salon, tout en se débarrassant de sa veste et de son pull.

Sans pudeur aucune, je détournais mon regard de l’écran pour reporter mon attention sur Juha torse nu un peu plus loin, se changeant sans la moindre gêne face à moi. A la vue des bras puissants et du torse admirablement bien sculpté de Juha, je sentis de nouveau cette chaleur s’immiscer en moi et m’envahir et embraser lentement mes reins. C’était plus fort que moi, je me sentais irrémédiablement attiré par les courbes gracieuses de son corps. Juha sembla sentir mon regard posé sur lui car il tourna la tête vers moi. Honteux de me faire surprendre en flagrant délit de matage, je détournais aussitôt la tête tandis que le rouge me montait aux joues. J’entendis plus que je ne vis Juha venir vers moi, se plaçant entre moi et la télévision.

- Alors comme ça, tu te rinces l’œil quand j’ai le dos tourné ? Demanda-t-il un sourire victorieux en coin, visiblement satisfait de me voir aussi mal à l’aise. Et en plus tu rougis…  Ajouta-t-il moqueur.

Quelque peut vexé par son attitude, je répliquais, me défendant comme je pouvais :

- Moi au moins je ne m’exhibe pas !

C’était certainement la réplique la plus pitoyable que je trouvais, mais Juha me faisait décidemment perdre tous mes moyens. Etonnement, contrairement à ce que je m’attendais, il ne se moqua pas de moi, mais déclara d’une voix soudainement rauque, une lueur inconnue brillant dans son regard vert profond :

- C’est d’ailleurs vraiment dommage…

Je réprimais un sursaut de surprise face à cette réponse des plus improbables. Devais-je y comprendre là un sous entendu ? Je me levais après le temps de surprise passé et lui fit face. Plongeant mes yeux dans les siens, je tentais de dissimuler le trouble que sa réponse avait provoqué en moi, murmurant d’une voix étrangement basse :

- Je crois qu’il vaut mieux trouver un moyen de te faire taire.

- Ah oui ? Demanda-t-il innocemment.

Entrant de son jeu, plus troublé que jamais par l’étincelle qui brûlait dans ses prunelles émeraude, je l’attrapais par le col de son pyjama et l’attirais à moi pour un baiser des plus intenses. Je sentais la température de mon corps augmenter considérablement, faisant bouillonner mon sang dans mes veines au fur et à mesure que le baiser s’intensifiait.

Afin de ne pas montrer à Juha les sentiments inavouables qu’il me faisait ressentir, je mis toute l’ardeur et la sensualité dont j’étais capable dans ce simple baiser. Nos langues se mêlaient en une fougueuse chorégraphie et mon coeur s’emballa lorsque finalement, grisé par la passion que nous mettions dans notre baiser, Juha laissa ses mains glisser dans le bas de mon dos, au creux de la chute de mes reins, m’attirant presque violemment contre lui. Etonnement, l’exaltation qu’il mit dans ce simple geste ne m’effraya pas comme la première fois. Au contraire, je me sentais étrangement bien et à ma place entre ses bras et sous ses baisers. En moi, je sentais que quelque chose avait changé dans la façon que Juha avait de m’embrasser. Ses gestes étaient avides et empressés mais avaient aussi quelque chose de fébrile, quelque chose que je ne parvenais pas à déterminer.

Cependant, tout s’éclaira dans mon esprit lorsqu’il mit subitement un terme à notre échange et bredouilla, tout penaud :

- Je suis désolé Gabriel, mais si on va plus loin, je ne saurais plus me retenir.

Alors c’était cela ? Juha me… Désirait autant que je le désirais ? Plongeant mon regard dans le sien, l’étincelle de désir que je décelais fit bondir mon cœur dans ma poitrine alors qu’il s’emballait brusquement sous l’effet de la joie que je ressentais. A présent, je savais ce que je voulais. Et je le voulais lui… Un sourire radieux étirant mes lèvres, dans un murmure, je lui soufflais :

- Je ne te demande pas de te retenir…

Je le vis tressaillir sous l’effet de la surprise et rester muet de stupéfaction, ne s’attendant visiblement pas à cette réponse de ma part. Pourtant, j’y avais mûrement réfléchi et mes sentiments à l’égard de Juha étaient bels et bien réels. Cette nuit, je voulais m’offrir à lui, je voulais être à lui et lui appartenir jusqu’à ma mort… Bégayant, il me demanda :

- Je… Enfin… Tu es sûr ?

Je souris, amusé de le voir perdre tous ses moyens sous l’effet d’une simple phrase, mais néanmoins reconnaissance de sa considération à mon égard. Puis retrouvant tout mon sérieux, je répondis :

- Je suis prêt, Juha… Et je t’aime, ajoutais-je mentalement.

Je souris de nouveau face à l’air perdu et déboussolé qu’arborait Juha et souhaitant mettre des gestes sur mes mots, je l’attirais délicatement à moi. Cependant, à ma grande surprise, ce fut lui qui prit possession de mes lèvres, m’entrainant dans un baiser toujours plus passionnel, me faisant clairement ressentir le désir qu’il éprouve pour moi. En moi, je sentais mon désir pour Juha augmenter considérablement au fil de notre baiser torride. Attisé par ses sensations nouvelles qu’il faisait naître en moi, je me collais indécemment contre lui alors que dans ma poitrine, mon rythme cardiaque augmentait à chaque seconde. Je pouvais entendre mon coeur battre à mes oreilles alors que mon sang affluait irrémédiablement vers la partie la plus intime de mon anatomie. Malgré moi je rougis de cette réaction physique des plus naturelles pourtant, n’ayant jamais éprouvé cette sensation de mon propre gré.

Un peu perdu et néanmoins effrayé par la pente inconnue que prenait ma vie, je glissais mes mains sous le t-shirt de Juha alors que nos langues se rencontraient. Répondant à mon étreinte, Juha m’enlaça à son tour, passant sa main sur ma nuque afin d’approfondir d’avantage notre échange tandis que la seconde allait se perdre au creux de mes reins, glissant sensuellement le long de ma colonne vertébrale. A cet effleurement, mon corps entier fut prit d’un violent frisson de plaisir que je ne parvins pas à réprimer.

Dans la volonté de rendre à Juha le même plaisir qu’il me procurait, je laissais ma main descendre de son torse jusqu’à son bas ventre. J’étais maladroit dans mes gestes et je ne savais pas quoi faire pour rendre à Juha le même plaisir qu’il m’offrait. A ma plus grande honte, Juha m’attrapa le poignet, m’empêchant d’aller plus loin et mettant fin à nos baiser avant d’abandonner mes lèvres rougies et gonflées par nos baisers, il glissa lentement jusque dans mon cou et murmura au creux de mon oreille :

- Ne va pas trop vite, Gabriel. Nous avons tout notre temps…

A la réaction de surprise de Juha, je compris que je venais de faire une erreur. Rougissant de honte et de malaise, je retirais précipitamment mes mains de son corps, honteux de mon propre comportement. Sentant les larmes inonder les yeux, je souhaitais par dessus tout que Juha ne me tienne pas rigueur de cet empressement. Jamais je n’avais pour ainsi dire fait l’amour avec la personne que j’aimais, la relation que j’entretenais avec Marion relevant plus du simple désir charnel qu’elle semblait éprouver pour moi. Jamais tout au long de notre relation je n’avais été à l’initiative, Marion prenant toujours le dessus. Il faut dire, que je n’avais été attiré par elle, même sexuellement parlant… A cet instant, je n’avais qu’une envie, celle de disparaître, de me cacher de Juha, de cacher ma honte et mon manque flagrant d’expérience. Cependant, bien loin de me rejeter, Juha retint mon poignet et m’attira près de lui dans un mélange de tendresse et de fermeté. De sa main libre, il me força délicatement à relever la tête et captant finalement mon regard fuyant, il ajouta d’une voix étrangement rauque :

- Je suis loin de t’avoir dit de tout arrêter…

Prenant ma main, il la posa doucement sur son torse, me faisant m’empourprer d’avantage avant d’ajouter dans un murmure :

- Je disais juste qu’il ne sert à rien de se précipiter…

Sans me laisser le temps de répondre, il prit possession de mes lèvres pour un baiser dans lequel il fit passer toute sa douceur en un rythme désespérément lent et sensuel. Lentement, je finis par me détendre avant de m’abandonner au plaisir que Juha m’offrait. Délicatement, sans rompre pour autant le contact délicieux de nos lèvres soudées entre elles, Juha me fit reculer de quelques pas et entièrement en confiance entre ses bras, je me laissais docilement guider.

Sur un dernier baiser, il me poussa lentement, m’obligeant ainsi à m’asseoir sur le canapé. Je m’exécutais et au lieu de venir me rejoindre, Juha resta debout face à moi, hors de portée. Etrangement, à ne plus sentir sa chaleur m’envahir, je ressentis un frisson glacé parcourir mon corps. Inaccessible, Juha me contemplait, me surplombant de toute sa hauteur alors qu’en moi, un manque de lui se faisait douloureusement ressentir.

Je plongeais alors mon regard dans le sien, souhaitant lui faire comprendre à quel point j’avais besoin de lui et quelle ne fut pas ma surprise lorsque je le vis se caresser éhonteusement, me faisant rougir de son absence totale de pudeur. Cependant, hypnotisé par le spectacle qu’il m’offrait et la grâce féline avec laquelle il se mouvait, je ne parvenais pas à détourner le regard de lui. Avec savoir faire caractérisant son expérience, il attrapa chaque côté de son t-shirt et l’enleva avec une lenteur déconcertante, dénudant sans précipitation son torse admirablement bien sculpté. Captivé par ce spectacle es plus attrayant, le rouge aux joues et le souffle court, je ne pouvais détacher mon regard du corps indécent de Juha.

Lorsqu’il eut retiré son t-shirt, il le laissa tomber sur le sol et plantant son regard enflammé dans le mien, il s’avança jusqu’à moi dans une démarche féline des plus sensuelles. Lentement, il se pencha au dessus de moi, posant un genou entre mes cuisses en une position plus qu’explicite, alors que ses lèvres venaient à la rencontre des mienne. Je fermais les yeux dans l’attente de ce délicieux contact qui, à mon plus grand désespoir n’arriva pas. Son souffle chaud caressait mon visage en un doux effleurement aérien, me faisant vibrer de tout mon être. Sous le plaisir ressenti, je cessais un instant de respirer, galvanisé par ce feu qui embrasait mon corps. Les yeux toujours clos, je retenais à grand peine un gémissement de frustration, sentant ma patience s’effiler de secondes en secondes alors que j’attendais toujours ce baiser qui ne venait pas.

A présent, je pouvais sentir mon désir augmenter irrémédiablement au contact impudique mais terriblement agréable du genou de Juha qui frottait éhonteusement contre mon intimité. Finalement, je sentis que je ne vis Juha s’approcher de moi et alors que j’entrouvrais les lèvres pour enfin savourer ce baiser tant attendu, Juha se contenta d’effleurer sensiblement ma bouche avant de changer de trajectoire et de déposer ses lèvres si tentatrices dans mon cou.

Enivré par les frissons de plaisir qui contractaient violemment les muscles de mon corps, je m’accrochais inconsciemment aux épaules de Juha comme à un rocher alors que des vagues de plaisir à l’état pur déferlaient sur moi. Dans mon cou, la langue de Juha partait à la découverte de ce terrain qui lui était encore inconnu, attisant le brasier qui m’enflammait.

Lorsque ses mains brûlantes se faufilèrent sous mon t-shirt, je raffermis ma prise sur ses épaules, plantant mes ongles dans sa chair alors que je me sentais partir, emporté par les vagues d’un plaisir trop grand. Tout en redessinant mes abdominaux du bout des doigts,  Juha me murmura à l’oreille combien il me trouvait beau. Je tressaillais violemment et malgré l’engourdissement qui s’emparait lentement mais sûrement de mon esprit, ses mots se frayèrent un chemin jusqu’à mon cerveau, m’arrachant un soupir de bien être. Tout compte fait, y avait-il une infime chance pour que mes sentiments soient partagés ?

Je me giflais mentalement… L’entendre dire qu’il me trouvait beau ne signifiait pas qu’il éprouvait quelconque sentiment à mon égard. Pourtant, en cette nuit du jour de l’an, je me surprenais à espérer que cela fus possible un jour…

Enhardi par cette simple idée, je laissais mes doigts courir lentement sur sa peau, descendant le long de sa colonne vertébrale. Tout contre mon cou ultrasensible, je sentis Juha ouvrir la bouche alors que sa respiration se bloquait le temps d’une fraction de seconde. Sa peau sur laquelle une fine pellicule de sueur était en train de se former tressaillie sous ma caresse pourtant des plus innocentes.

Lentement, les doigts de Juha se mirent en œuvre et remontèrent mn t-shirt alors que sa bouche et sa langue dansaient sur mes épaules et dans mon cou, laissant au passage des traînées de lave en fusion. Stimulé de par ses mains et sa bouche, je vibrais de tout mon corps, complètement abandonné au plaisir charnel que me procurait Juha, gardant cependant ce qu’il fallait de lucidité pour laisser mes mains vagabonder librement sur son dos nu en gestes toujours quelque  peu hésitants.

Subitement, ses lèvres quittèrent mon cou pour aller se poser en douceur sur mes abdominaux à présent dénudés et entièrement exposés à son regard. Je rougis à cette constatation, néanmoins honteux d’exposer mon corps imparfait au regard impudique de Juha. Cependant, sous ses attentions, j’avais le sentiment d’être pour lui un objet d’art, fragile et précieux qu’il fallait manipuler avec la plus grande douceur et une délicatesse extrême. Sous son regard de braise, pour la première fois de ma vie, je me sentais beau…

Soudain, ses doigts caressèrent, sans pudeur aucune, mes tétons qui s’érigèrent d’avantage sous le plaisir que m’apporta cet attouchement. Juha semblait savoir exactement où me toucher pour faire naître en moi un plaisir violent qui électrisait mon corps dans son entièreté et déconnectait mon esprit du moment présent et de la réalité, ne me laissant plus que les mains de Juha sur mon corps incandescent comme seuls repères.

Alors que ses doigts habiles et experts jouaient avec mes tétons hypersensibles, sa langue triturait mon nombril, mimant ce que je perçus comme être l’acte ultime. A ce contact, un tout nouveau plaisir me vrilla les reins en entrouvrant les lèvres, je laissais s’échapper mon premier gémissement de plaisir alors que mes ongles se plantaient violemment dans la peau de ses épaules. Comme spectateur de ce que je vivais, je sentais mon corps trembler sans en avoir réellement conscience, comme si ce corps dont je ressentais les moindres réactions ne m’appartenait pas.

De sa main libre, Juha remonta mon t-shirt plus qu’il ne l’était déjà, dévoilant mon torse imberbe à son regard tandis que sa bouche suivait le même chemin, léchant et goûtant chaque nouvelle parcelle de ma peau, comme s’il voulait le goûter. Un nouveau gémissement franchit les barrières de mes lèvres lorsque sa langue remplaça ses doigts et vint titiller mes boutons de chair durcis et gonflés par le plaisir. Galvanisé par ce plaisir toujours plus fort qui embrasait mes sens, je m’agrippais de nouveau aux épaules de Juha qui sursauta sous la douleur que je lui causais sans vraiment en avoir conscience.

Soudain, une de ses mains quitta ma peau, me laissant un sentiment de froid et d’abandon qui fut vite remplacé par une fournaise incandescente qui inonda mon corps lorsqu’elle se posa à l’intérieur de ma cuisse, m’effleurant du bout des doigts, avant d’aller finir sa course sur mon intimité douloureusement tendue. Je me cambrais brusquement sous l’afflux de plaisir que ce simple geste fit naître en moi. Cette fois-ci, je ne pus retenir un son entre cri et gémissement qui s’éleva dans le silence de la pièce, seulement brisé par le bruit de nos respirations erratiques.

Noyé dans les limbes du plaisir, c’est à peine si je pris conscience que Juha m’ôtais définitivement mon t-shirt. Seuls mes abdominaux se contractèrent lorsque de nouveau, ses mains se posèrent dessus en un contact ferme mais infiniment doux. Un éclair de lucidité traversa mon regard vitreux lorsque je sentis le regard pierre précieuse de Juha chercher le mien. Je ne parvins pas à déchiffrer l’intensité qui illuminait ses iris, mais je pressentais que quelque chose d’important se jouait en lui. Cette pensée me ramena sur terre et tentant de retrouver mes esprits, je me focalisais sur Juha, une boule à l’estomac. A nouveau cette envie, ce besoin de lui faire par de mes sentiments s’imposait à moi… Je n’y tenais plus, il fallait que je lui dise…

Plongeant mon regard embrumé dans le sien, je murmurais d’une voix brisée par l’émotion et le plaisir qui me consumait lentement :

- Juha… Juha je t’…

Cependant, alors que j’allais m’ouvrir à lui, lui dévoiler mes sentiments les plus profonds et les plus secrets dans leur intégralité, Juha me fit taire d’un baiser. Un peu déboussolé par cette soudaine interruption, je n’y répondis pas immédiatement. Je ne comprenais pas l’empressement avec lequel il m’avait fait taire. Se doutait-il de ce que je m’apprêtais à dire ? Intérieurement, je suspectais que oui, il savait pertinemment la signification de mes mots. Mais alors pourquoi m’avoir arrêté ? N’était-il pas prêt à les entendre ou bien refusait-il simplement de s’impliquer d’avantage ? Croyait-il que je m’apprêtais à prononcer ces mots sur un coup de tête, l’ambiance et notre soudaine proximité aidant ? Ou alors, mais cette pensée me serra douloureusement le coeur, ne me voyait-il que comme un coup d’un soir ? Je n’en savais que trop rien et je ne parvenais pas à réfléchir convenablement, la langue de Juha dansant avec la mienne me déconnectant de la réalité.

 Finalement, je finis par répondre à son baiser, faisant passer tout l’amour et le désir que j’éprouvais pour lui, ne pouvant le lui faire comprendre et accepter de cette unique façon.

Je me sentais perdre pieds sous ses baisers, alors que nos langues se mêlaient en un ballet des plus érotiques, me grisant entièrement. C’est le souffle court que nous finîmes par nous séparer et je retenais  mal un frisson d’exaltation en sentant les mains de Juha migrer inexorablement vers mon bas ventre, attisant dangereusement ce feu qui brûlait mes reins et m’électrisait.

A présent, je n’étais plus que gémissements et sensations de plaisir extrêmes réunies en un corps qui ne m’appartenait plus. Je me sentais littéralement fondre sous ses attentions particulières, de ses lèvres et sa langue jouant impudemment avec mes boutons de chair pointant sous le plaisir. Un énième gémissement mourut dans ma gorge avant d’avoir pu éclore alors que Juha me donnait un aperçu des étoiles. Noyé entre la réalité et les limbes du plaisir, je tentais de me raccrocher au moment présent, les épaules de Juha étant le point le plus sûr. J’étais partagé entre un double plaisir procuré à la fois par la langue de Juha sur ma peau incandescente et sa main qui s’activait vivement au niveau de mon entrejambe, à défaire les boutons de mon jean avec un empressement non feint.

Souhaitant me libérer au plus vite de ce vêtement devenu inutile qui me compressait désagréablement, je soulevais légèrement mon bassin, aidant ainsi Juha à me dévêtir. Chose qu’il exécuta à la hâte, prenant bien soin d’effleurer au passage mon intimité sensible et douloureusement gonflée de désir. Sous la vague de plaisir qui me vrilla les reins à cet attouchement, j’ouvris subitement les yeux que je n’avais pas eu conscience de fermer et mon regard se posa directement sur Juha qui, agenouillé entre mes cuisses en une position des plus suggestives effleurait lentement de la main mon érection conséquente, me fixant avec un regard qui en disait long sur ses intentions, un sourire gourmand étirant ses lèvres. Ce simple geste eut pour effet de m’arracher un sanglot de frustration. Mon corps se consumait à petit feu d’un désir qui ne demandait qu’à être assouvi et en ce moment même, j’avais besoin de plus qu’un simple effleurement terriblement frustrant. Je voulais sentir Juha contre moi, sentir ses doigts caresser ma peau en un effleurement sensuel. Je voulais sentir sa chaleur m’irradier et me repaître du goût salé de sa peau et de son odeur tellement sensuelle et excitante.

Un rapide coup d’oeil à Juha me confirma ce que je pensais. Les yeux flamboyant, il semblait fier du pouvoir qu’il exerçait sur moi, satisfait de m’avoir à sa merci et profiter de mon abandon pour me torturer de la plus douce des façons qui soient. Mettant fin à ma douce torture, il fit suivre à mon boxer le même chemin avant de se redresser fièrement et de m’observer comme un artiste contemple son œuvre après l’avoir terminée. Mal à l’aise et honteux de sentir son regard empli de désir observer avec envie et gourmandise mon corps entièrement nu offert à sa vue, je détournais la tête, atrocement gêné. Jamais encore je n’avais été admiré de la sorte et cela me perturbait grandement. Je sentais le regard lubrique de Juha posé sur moi, me brûler la peau à force de me dévorer des yeux.

Un nouveau gémissement franchit la barrière de mes lèvres lorsqu’une de ses mains se posa sur mon intimité et m’offrit une caresse bien plus poussée que toutes les précédentes. Semblant satisfait de l’effet qu’il me faisait, il réitéra son geste plusieurs fois d’affilé, m’arrachant des gémissements de plaisir, alors que je n’avais plus conscience du bruit que je faisais. Seul comptait désormais, les mains de Juha sur mon intimité en feu.

Submergé par le plaisir que me donnait Juha, je me cambrais brusquement, crispant mes doigts sur ses épaules alors qu’il me procurait une toute nouvelle caresse des plus intimes alors que sa main redoublait d’efforts. Un cri de plaisir à l’état pur franchit mes lèvres entrouvertes au contact chaud et humide de la langue de Juha sur mon intimité. Dans une demande inconsciente de renouveler cette sensation des plus exquises, je laissais une de mes mains se perdre dans sa chevelure, l’autre toujours fermement maintenue sur son épaule.

Accédant sans se faire prier à ma requête muette, Juha me prit entièrement en bouche, provoquant chez moi de violents frissons de plaisir alors qu’un nouveau cri accueillait cette initiative. La caresse ardente de la langue de Juha allant et venant à un rythme irrégulier sur mon intimité me fit oublier tout ce qui n’était pas lui. Je découvrais un tout autre univers. Jamais je n’aurais cru que ressentir un tel plaisir fut un jour possible.

Galvanisé par les milliers de sensations que faisait naître en moi la langue experte de Juha, je ne cherchais même plus à retenir mes cris de plaisir, faisant fi de la décence, toute honte m’ayant définitivement quittée. Plusieurs fois durant lesquelles je crus mourir de frustration, Juha cessa tout mouvement et retira sa bouche m’arrachant des sanglots de protestation. Je ne contrôlais décidément plus rien, abandonné à Juha comme jamais je ne l’avais été avec qui que ce soit auparavant.

En dépit du malin plaisir qu’il semblait prendre à me torturer de la sorte, il répondait favorablement à chacune de mes demandes muettes, comme pour se faire pardonner. A chacun de mes gémissements de frustration, il revenait avec empressement enrouler avidement sa langue expérimentée autour de mon intimité douloureusement tendue. Lentement mais sûrement, j’atteignais le chemin de non retour, alors que mes doigts glissaient dans sa chevelure et s’enroulait autour de ses mèches noires. Murmurant inlassablement son prénom en une litanie incessante, je me sentais partir, emporté par les vagues d’un plaisir trop intense.

Soudain, mes doigts se crispèrent sur ses cheveux alors que Juha accélérait la cadence de ses va et vient et brusquement, tout mon corps se cambra violemment sous la puissance de la jouissance qui déferla sur moi et dans un long gémissement plaintif, je me libérais dans sa bouche. Haletant, l’esprit encore embrumé par le violent plaisir qui venait de me consumer, je reportais mon attention sur Juha et murmurais :

- Juha… Je… C’est… Ce que tu…

Ma voix mourut dans ma gorge et incapable de prononcer un mot de plus, je me taisais. De toute manière, j’avais oublié ce que je voulais lui dire, mes pensées étant encore trop incohérentes. Je voulais le remercier pour ce qu’il venait de m’offrir, pour tout ce qu’il représentait pour moi, pour être la personne que j’aimais… Je voulais lui dire combien je l’aimais, mais tout s’embrouillait dans mon esprit.

- J’espère que ça t’a plus, me demanda Juha d’une voix rauque, un sourire ravi et satisfait étirant ses lèvres.

Je m’empourprais d’avantage à cette question et avant que je n’ai le temps de prononcer un mot, il me ravi mes lèvres avec une avidité déconcertante. Nos langues se mêlaient avec ardeur mais aussi langoureusement et sensuellement et nos mains caressaient librement le corps de l’autre. Honnêtement, je n’aurais su dire combien de temps nous restâmes ainsi, appréciant simplement la proximité de l’autre. Ce ne fut qu’au bout d’un instant qui me parut à la fois bien trop court et à la fois interminable que je sentis Juha bouger tout contre moi. Ouvrant les yeux que j’avais dû fermer inconsciemment, je m’empourprais violemment en sentant la virilité de Juha pulser contre la peau nue de ma cuisse à travers son jean plus que tendu.

Finalement, il finit par se lever et s’écarter de moi. Ne comprenant pas ce soudain recul, je lui adressais un regard empli d’incompréhension et semblant lire mon trouble, il déclara d’une voix inhabituellement basse :

- Pour ta première fois, nous serons bien mieux sur le lit…

Je ne répondis rien à cela, me contentant de lui adresser un petit sourire gêné non sans rougir.  A vrai dire, j’avais complètement oublié que nous étions encore sur le canapé… Sans aucune hésitation, j’attrapais la main que me tendais Juha. Satisfait, il m’attira vivement à lui et me vola un baiser enfiévré tout en me guidant jusqu’à la chambre, les mains éhonteusement posées sur mes fesses. Puis, lorsque nous atteignîmes le lit, il nous fit basculer tout les deux. Allongé sur le dos, complètement nu et offert à lui, j’observais non sans une certaine gêne, Juha prendre place légèrement au dessus de moi, accoudé sur le côté de son corps. Très vite, ses lèvres vinrent à la rencontre de mon cou et remontèrent jusqu’à mon oreille, en un effleurement sensuel qui raviva mon désir. Là, il murmura d’une voix rauque :

- Je suis vraiment heureux d’être ton premier homme, Gabriel…

Un sourire naquit sur mes lèvres à l’entente de ces mots. Ainsi Juha était touché par le fait que je lui fasse don de ma virginité ? Me serais-je trompé ? Eprouverait-il une quelconque forme de sentiments pour moi ? Galvanisé par son aveu, je l’entourais de mes bras et le serais fort contre mon coeur. En cet instant, le désir n’existait plus, juste cet amour pour lui qui faisait battre mon coeur. A Mon plus grand bonheur, Juha finit par me rendre mon étreinte, comme s’il craignait de me voir lui échapper. Mais s’il y avait bien une chose dont j’étais à présent sûr et certain, c’était qu’il était absolument hors de question que je mette un frein à la passion qui se déchainait dans ses yeux. Ce soir, je serais sien… Ma décision était prise et rien ni personne ne me ferait changer d’avis. Je voulais aller jusqu’au bout de mon amour pour lui, combler ses attentes et son désir ainsi que le mien.

Finalement, succombant au désir et la passion qui le consumait, Juha ouvrit les hostilités. Lentement, sa main se mouvait sur mon corps, descendant bien plus bas au niveau de mon intimité avant de se glisser entre mes fesses, vers mon intimité encore inviolée. Ce simple geste m’électrisa comme jamais, ravivant la flamme intérieure et mon désir pour Juha. Sans brutalité aucune, d’une douceur insoupçonnée chez lui, sa main caressait mes fesses tandis qu’il s’emparait de mes lèvres, semblant avoir sentit la crainte qui grandissait en moi. C’était plus fort que moi, je ne pouvais m’empêcher d’appréhender ce qui allait suivre, et ce, malgré la confiance que je vouais à Juha. C’était… Irrationnel.

Pourtant, je ne pouvais nier la tendresse et la patience dont Juha avait fait preuve depuis le début et jusqu’à maintenant, stimulant mon plaisir, refoulant le sien pour privilégier le mien.

Après un baiser sulfureux, il rompit le contact de nos lèvres et c’est non sans rougir violemment que je le vis porter deux doigts à sa bouche et les humidifier à l’aide de sa salive. Mimant le geste de succion, Juha ne me quittait pas du regard, prenant visiblement un malin plaisir à me voir m’empourprer. Dans ses yeux, la flamme vivace de désir qui dansait me prouvait une fois de plus son désir pour moi. Cette vision attisa d’avantage mon désir et je du me faire violence pour ne pas laisser s’échapper un gémissement de plaisir face à l’excitation conséquente de Juha.

Après un temps passé à lubrifier ses doigts, Juha revint s’emparer de mes lèvres alors que sa main glissait entre mes cuisses, jusqu’à mes fesses avec une immense délicatesse, signe irréfutable de son expérience passée. Lorsque ses doigts atteignirent mon intimité, je ne pu réprimer un sursaut de surprise et me tendis imperceptiblement. Loin

de s’en formaliser, Juha redoubla de tendresse et quittant mes lèvres, il se redressa légèrement au dessus de moi. Les yeux plantés dans les miens, il me murmura, le plus sérieusement possible :

- Ne t’inquiète pas, je vais y aller tout en douceur…

Emu par tant de considération de sa part, je murmurais :

- Je… Je te fais confiance Juha. Et je veux aller jusqu’au bout… Ajoutais-je avec conviction, preuve de plus de l’amour que je portais à Juha.

Pour confirmer mes dires, je l’attirais à moi et pris possession de ses lèvres. Soudain, je sursautais légèrement en sentant le doigt de Juha s’insinuer en moi avec une délicatesse extrême. Bien préparé au préalable, je ne ressenti presque aucune douleur, la gêne et la sensation étrange que je ressentais sous cette intrusion diminuant la douleur. Mon front se déplissa totalement lorsque Juha cessa tout mouvement. Je n’aurais su décrire avec exactitude ce que je ressentais à le voir ainsi me préparer, mais une chose était certaine, cela m’excitait au plus haut point.

Ravissant une nouvelle fois mes lèvres, Juha m’embrassa langoureusement attisant la passion qui nous dévorait tout deux alors que délicatement, il commençait à mouvoir son doigt en moi, en un lent va et vient. Peu à peu, la faible douleur que je ressentais jusqu’à maintenant finit par disparaître entièrement grâce aux attentions de Juha qui me faisait ressentir de nouvelles sensations encore inconnues et une toute nouvelle forme de plaisir. Une fois habitué à sa présent en moi, j’entamais de moi-même quelques mouvement de bassin, ondulant sur son doigt désireux approfondir le plaisir qui grandissait en moi.

Très vite, un deuxième doigt vint rejoindre le premier et bien que son arrivée fût plus douloureuse que celle du précédent, la douleur ne dura pas.

Les yeux mi-clos, j’observais sans vraiment le voir, Juha qui, de son côté avait son regard rivé sur moi. Cela je le savais car il me contemplait avec une telle intensité que la flamme qui luisait dans ses yeux me brûlait la peau. Après un instant, gagné par un plaisir de plus en plus important, je me laissais aller à onduler de moi-même sur les doigts de Juha, alors que des gémissements félins s’échappaient de mes lèvres entrouvertes. Après un temps qui me paru interminable, Juha consentit enfin à passer à l’étape suivante et inséra un troisième et dernier doigt en moi. Si le deuxième n’avait été que peu douloureux, celui-ci me paralysa. Une douleur insoupçonnée s’empara de moi alors que j’avais l’impression d’être déchiré en deux tellement la douleur était vive. Sans que je puisse les refouler, des larmes jaillirent au coin de mes yeux alors que mes lèvres s’ouvraient sur un cri muet.

A mon plus grand soulagement, Juha cessa instantanément tout mouvement, me laissant le temps de m’habituer à cette intrusion alors que la douleur diminuait peu à peu. Obnubilé par le déchirement qui me vrillait les entrailles, c’est à peine si je remarquais la multitude de baiser dont Juha inondait mon visage crispé sous la douleur. C’est au bout d’un temps indéterminable que je finis enfin par me détendre entièrement, allant même jusqu’à reprendre doucement une légère ondulation du bassin, attisant de nouveau mon désir.

Un gémissement plus prononcé que les précédents franchi la barrière de mes lèvres lorsque Juha frotta éhonteusement son intimité tendue à l’extrême contre mon bas ventre tandis qu’il happait mes lèvres avec une avidité déconcertante. Très vite, je fini par m’empaler de ma propre initiative sur les doigts de Juha, voulant le sentir d’avantage près de moi. Un brasier ardent me consumait à présent et j’avais besoin de bien plus. Je voulais assouvir ce désir violent qui incendiait mon corps tout entier.

Abandonné au plaisir, je plaçais toute ma confiance en Juha, déposant mon corps, mon coeur et mon âme entre ses mains… Semblant sentir que cela ne me suffisait plus, Juha cessa tout mouvement, me frustrant d’avantage alors que l’absence de ses doigts en moi me laissait une désagréable impression de vide. Bientôt, même la chaleur de son corps disparut et retenant une plainte de mécontentement, j’ouvris les yeux pour voir Juha se dévêtir à la hate. Cependant, alors que j’attendais avec impatience sa venue en moi, Juha s’écarta subitement de moi et s’allongea sur le dos à mes côtés, murmurant d’une voix à peine audible :

- Je… Désolé, Gabriel… Je…

La surprise passée mais ne comprenant toujours pas ce soudain revirement de situation, je m’allongeais sur le côté, faisant face à Juha et mi intrigué mi inquiet, je lui demandais :

- Qu’est-ce qui ne va pas, Juha ?

C’est avec un étonnement non feint que je le vis détourner le regard, visiblement mal à l’aise :

- Je… Commença-t-il hésitant. J’ai peur de mal faire… J’ai… J’ai peur de te faire mal…

Touché par ses mots et aussi frustré par un arrêt aussi brutal dû au manque de confiance que Juha avait en lui-même, je déposais avec douceur mais fermeté ma main sur sa joue et le forçais à me regarder. Mon regard fixement planté dans le sien, je déclarais alors :

- Je t’ai dit que je voulais aller jusqu’au bout. J’ai confiance en toi, Juha, et je veux plus que tout m’unir à toi.

De part ses mots, je lui déclarais mon amour avec subtilité, noyé dans les sous entendu. De cette façon, il ne pourrait me faire taire et ainsi je pouvais lui faire part de ces sentiments qui faisaient battre mon coeur. Puis, sans lui laisser le temps de répondre, ne voulant surtout pas le voir partir dans ses réflexions sans queue ni tête à un tel moment, je passais ma jambe par dessus son bassin, le chevauchant lestement. Attisé par le contact érotique de nos virilités entre elles, d’une main quelque peu hésitante, je saisis celle de Juha et la guidais jusqu’à mon intimité. D’un mouvement ample et rapide, je m’empalais alors sur Juha jusqu’à ce qu’il fût entièrement en moi, faisant fi de la douleur qui me déchirait les entrailles et du cri de douleur qui m’arracha la gorge.

Cependant, les yeux plantés dans ceux de Juha malgré les perles d’eau salées qui inondaient mes joues, je restais immobile, ne pouvant esquisser le moindre geste tant la douleur me paralysait. J’avais été témoin de la flamme de plaisir qui avait illuminé le regard de Juha et le cri muet de plaisir qui lui avait fait ouvrir la bouche lorsque je l’avais pris en moi et bien qu’à nouveau je voulais lui offrir ce plaisir, j’en étais pour l’instant, tout simplement incapable, ressentant l’envie de me retirer immédiatement. Envie que je réprimais à force de volonté. C’était à présent trop tard pour faire marche arrière.

Et cette patience eut raison de moi. Lentement la douleur commençait à diminuer mais néanmoins gêné de mon audace et de la position dans laquelle je me trouvais, je restais toujours immobile. Semblant se rendre compte de ma gêne, d’un habile coup de rein, Juha inversa nos positions, sans jamais se retirer de moi. A présent allongé sur le dos, Juha me dominant de toute sa hauteur, il s’empara de mes lèvres, alors qu’ému d’être ainsi à lui, je murmurais son prénom.

D’une main, il caressa longuement mon intimité alors que la lueur sauvage que je pouvais déceler dans son regard de braise et son corps tendu, m’indiquaient qu’il se faisait violence pour ne pas succomber à son propre plaisir. Lentement, je me décontractais, la présence de Juha en moi, n’occasionnant plus qu’une simple gêne et prenant cela comme un signale, il entama une lente série de va et vient alors que sa main imprimait le même mouvement sur mon intimité.

Contrairement à Juha qui se faisait violence pour ne pas accélérer le rythme de ses déhanchements, le front plissé sous la concentration, je ne ressentais qu’une sensation étrange et indescriptible à le sentir ainsi se mouvoir en moi. Cependant, après quelques minutes de ce traitement, à présent totalement détendu et habitué à la présence imposante de Juha en moi, le feu du désir se raviva dans mes reins alors que laissant libre court à son propre plaisir, à bout de patience, Juha laissa s’échapper un gémissement rauque tandis qu’il me pénétrait plus profondément.

Galvanisé par le plaisir que je ressentis à cette pénétration, je laissais s’échapper à mon tour un gémissement de plaisir, ondulant du bassin  pour approfondir cette sensation, m’agrippant de toutes mes forces à Juha. Interprétant mon geste comme un signe pour renouveler son geste, Juha entama alors un lent et régulier déhanchement, entrainant nos deux corps enlacés en une danse vieille comme le monde. Tous les sens en éveil, submergé par un plaisir insoupçonné en indicible, je me mordais violemment la lèvre inférieure pour ne pas laisser mes gémissements de plaisir envahir la pièce, après que Juha ait mi fin à notre baiser enflammé.

Alanguis entre les bras de Juha, je me sentais mourir à petit feu sous l’effet du plaisir tandis que Juha gardait un rythme cadencé, me pénétrant toujours plus profondément. Un brasier ardent me vrillait presque douloureusement les reins, sa chaleur se propageant dans mes veines, faisant bouillonner mon sang d’un plaisir jusqu’alors jamais imaginé. C’est à ce moment que Juha cessa subitement tout mouvement. Au comble de la frustration, je laissais s’échapper un sanglot de frustration à l’état pur.

Alors que Juha se penchait vers moi pour prendre possession de mes lèvres, je tournais la tête sur le côté, histoire de lui faire comprendre qu’il ne devait pas jouer ainsi avec moi et que j’étais tout aussi capable que lui de le faire languir. Ne pouvant voir Juha, je frissonnais violemment de tout mon être lorsqu’il déposa délicatement ses lèvres dans mon cou en même temps que sa main s’activait à nouveau sur ma virilité.

Exalté par ce double plaisir, je tournais la tête vers Juha qui en profita pour happer mes lèvres tout en reprenant un langoureux déhanchement qui gagna très vite en intensité. Le souffle erratique, je sentais lentement mais sûrement un plaisir des plus indécents consumer mon corps. Nos déhanchements de plus en plus profonds nous unissant à jamais me déconnectèrent de la réalité. Cramponné à Juha, je criais sans retenue le plaisir qui me vrillait les reins, sentant la jouissance se rapprocher inexorablement. A ce stade, cela dépassait le simple plaisir, c’était de la débauche, de la luxure à l’état pur. J’étais tellement dépendant de cette sensation…

Du bout des doigts, je reconstituais ses traits à l’aveuglette en les caressant doucement. Son nez, ses yeux, sa bouche… Nos lèvres qui s’effleuraient en un baiser indicible. Après un ultime et habile coup de rein qui me fit crier à m’en briser la voix, je me libérais dans sa main en sentant Juha se répandre en moi en un gémissement rauque, me marquant de son sceau invisible et indélébile.

Lentement, il retomba sur moi, haletant et le corps luisant de sueur. Dans le même état que lui, je passais mes bras autour de lui et le serrais fortement contre mon coeur, la respiration encore trop erratique pour espérer prononcer le moindre mot. Immobile, je tentais de retrouver un rythme de respiration à peu près normal alors que les brumes du plaisir s’effaçaient peu à peu pour me ramener bien trop tôt à la réalité. Dans mes veines, l’incendie qu’avait déclaré le plaisir dans mon corps s’éteignait lentement après l’orgasme foudroyant que m’avait offert Juha. J’avais du mal à réaliser pleinement ce que nous venions de vivre et de partager, nous donnant à fond l’un à l’autre. Passant outre les interdits qui avaient régit mon adolescence et ma vie avant l’arrivée opportune de Juha, je venais de sombrer dans le péché en faisant l’amour avec un homme. Mais si les Enfers étaient aussi doux que les bras de Juha, je me damnerais ma vie durant pour avoir le plaisir d’y rester et d’y goûter à nouveau.

Juha toujours en moi, son coeur et le mien battant à l’unisson, je me sentais enfin complet, ressentant une sérénité et un bien être encore jamais atteint. Pour la première fois de ma vie, j’avais enfin l’impression d’être à ma place… Souhaitant graver à jamais cet instant dans ma mémoire, j’enregistrais tout jusqu’au plus insignifiant détail. Je respirais à plein nez l’odeur suave de Juha pour m’imprégner de son odeur.

Parfaisant cet instant de tendresse après l’acte, Juha déposa délicatement ses lèvres dans mon cou, me faisant frissonner de bien être. De mon côté, je caressais lentement son dos du bout des doigts, effleurant sa colonne vertébrale et la chute de ses reins tout en douceur.

Après un temps qui me parut bien trop court, Juha finit par se retirer de moi tout en m’offrant un baiser enfiévré en guise de compensation. Le baiser achevé, il s’allongea à mes côtés, et sitôt fut-il installé que je me collais tout contre lui, en manque de sa chaleur et de sa présence apaisante. La tête reposant sur son torse dénudé, je lui murmurais, rompant le silence de la nuit :

- Juha… Je…

- Tu quoi ? Demanda-t-il visiblement amusé de me voir chercher mes mots, ne voulant surtout pas le braquer en lui déclarant une nouvelle fois mon amour.

Aussi, comme précédemment, je choisis un moyen détourné pour tenter de lui faire comprendre :

- Je suis heureux d’avoir vécu cet instant avec toi… Soufflais-je en enfouissant d’avantage mon visage dans son cou.

Je sentis Juha frissonner à ces mots et dans un murmure à peine audible, il répondit la même chose, me remerciant par la même occasion. Dans un demi-sommeil, je le sentis nous recouvrir de la couette avant de finalement m’endormir comme une masse, épuisé par notre étreinte passionnée.

Les jours qui suivirent se déroulèrent à une vitesse affolante. Nous avions beaucoup de travail et rentrions donc tard le soir à l’appartement. Malgré cela, tout ce passait pour le mieux entre Juha et moi bien que je n’osais pas retenter de lui faire part de mes sentiments. En le faisant, je craignais d’être à l’origine d’un changement d’ambiance entre nous.

Cependant, depuis quelques jours, je voyais Juha aller de moins en moins bien et je le soupçonnais d’être malade mais de ne pas vouloir aller voir le médecin. C’était typiquement lui, à toujours vouloir se débrouiller par lui-même, même si cela ne faisait pas partie de ses compétences.

Depuis quelques jours, j’avais pris en main la désensibilisation et le débourrage de Niladhevan que j’avais quelque peu négligée ces derniers temps. Je restais bien une bonne heure et demie avec elle, puis jugeant en avoir fait assez, je la ramenais à l’écurie. Alors que je la dessellais dans son box, je souris en voyant Juha me rejoindre. Une fois la jument bichonnée et nourrit, nous rentrâmes à l’appartement. Sur ordre de Juha, j’allais prendre ma douche alors qu’il se chargeait de préparer le repas. Quelle ne fut pas ma surprise lorsque j’entrais dans la cuisine et ne vis qu’un couvert sur la table. Je lui exprimais alors mon étonnement auquel il répondit simplement :

- Je viens de grignoter, je n’ai pas très faim. Je vais me laver, ajouta-t-il avant de disparaître sous mon regard suspicieux.

N’ayant aucune envie de me retrouver seul à table comme un imbécile, j’attrapais mon assiette et allais manger devant la télévision. Après sa douche, Juha ne tarder pas à aller se coucher, m’adressant tout juste un simple “bonne nuit” lancé sur une porte qui se fermait.

Pour être honnête, je ne comprenais absolument pas le comportement de Juha. Il n’avait même pas sorti Shanenja, chose que je m’empressais alors de faire. Qu’avait donc Juha ? Depuis ce matin, c’est à peine s’il m’avait adressé plus de trois phrases… Avais-je inconsciemment fait ou dit quelque chose de mal ? Je connaissais tout de même Juha, il me l’aurait sûrement reproché si c’était le cas… Finalement, ce ne fus que bien plus tard que j’allais me coucher, m’endormant rapidement, collé tout contre lui.

Le lendemain, je me réveillais en sursaut au son du réveil qui atterrit contre le mur. Encore à moitié endormis, je m’étirais longuement avant de me tourner vers Juha. Le voyant toujours endormis, j’entrepris de le réveiller délicatement, mais rien n’y fit. Il dormait à poings fermés. Je décidais alors de le laisser se reposer encore un peu et allais me préparer. Puis, jugeant l’avoir suffisamment récupérer son sommeil, je le secouais par les épaules, un peu trop vivement peu être. Quand enfin il ouvrit les yeux, je déclarais :

- Debout fainéant, tu te réveilles enfin. Dépêches-toi, on part dans dix minutes.

Juha se passa une main sur le visage avec lassitude et d’une voix vaseuse, il déclara :

- J’ai vu avec Philippe, j’ai oublié de te dire. Je suis un peu malade, je ne travaille pas aujourd’hui.

Je sursautais à ces mots et m’écartais de Juha, ayant du mal à digérer cette excuse qu’il venait de pondre. J’étais peu être naïf mais loin d’être complètement con. Et puis, pourquoi ne m’en avait-il pas parlé hier soir ? Cela avait-il un rapport avec la distance qu’il mettant entre nous depuis quelques jours ? L’effet de la surprise passé, je m’exclamais sèchement, en colère contre Juha qui, visiblement, me prenait pour un idiot finit :

- T’aurais pu me le dire avant ! Je vais arriver en retard maintenant. Merci de m’avoir prévenu.

Sans un mot de plus, je me détournais de lui et quittais la pièce. Plus vite je m’éloignerais de lui, mieux ce serait. J’attrapais Shanenja au passage, tout en espérant intérieurement que Juha vienne me présenter ses excuses avant que je ne parte. Mais il n’en fit rien et c’est déçu et énervé que je quittais l’appartement en claquant violemment la porte, lui faisant ainsi clairement comprendre qu’il m’exaspérait.

Rancunier, je ne pardonnais pas à Juha de ne pas m’avoir fait part de ce détail, après tout, c’était quand même la moindre des choses : Je posais Shanenja au pied du siège passager avant de démarrer la voiture et la faire tourner le temps de dégivrer le pare-brise.

J’arrivais au ranch avec un quart d’heure de retard et allais directement poser les clés dans le bureau de Philippe qui, me voyant débarquer comme une furie dans son bureau se douta que quelque chose n’allait pas. Aussi avec la patience légendaire dont il était doté, il se leva et s’approcha de moi, en me demandant :

- Tu me parais bien énervé, mon garçon. Il y a un problème ?

- Hn… Non, c’est rien, t’en fait pas, répondis-je, n’aimant pas étaler ma vie privée et mes sentiments.

Cependant, ma réponse ne sembla pas satisfaire Philippe car il insista :

- Ne dit pas “rien” alors que je vois très bien que ce n’est pas le cas, Gabriel. Alors, reprit-il d’une voix redevenue douce. Raconte-moi ce qui te rend aussi agressif. Il y a bien longtemps que je ne t’avais pas vu ainsi, et il a forcément une raison à un tel changement de comportement de ta part.

A ces mots et ne souhaitant pas faire subir à Philippe mes sautes d’humeur ni le blesser par mon comportement, je me laissais lourdement tomber sur la chaise qui faisait face à son bureau et cédant sous le poids de la tristesse qui contractait mon coeur, je déclarais, des larmes de frustration et de colère contenue perlant au coin de mes yeux :

- A ton avis, qui à le don inné de m’exaspérer autant ? Est-ce moi qui suis trop exigeant ou alors est-ce trop compliqué pour lui de me dire trois mots ? Je ne lui demande tout de même pas la lune, bordel ! M’exclamais-je. Etait-ce vraiment au dessus de ses forces de me dire qu’il ne venait pas travailler aujourd’hui ?

Philippe m’adressa un sourire compatissant et déclara, avec toujours cette patience emprunte de tendresse :

- Ce n’est pas la raison principale de ta colère, n’est-ce pas ? Je te connais Gabriel, pour que tu craques ainsi, c’est qu’il y a forcément quelque chose de caché que tu gardes en toi depuis trop longtemps.

Malgré moi, je souriais à ces paroles. Philippe me connaissais vraiment comme personne… Cependant, ne souhaitant pas l’importuner avec mes histoires de coeur, je déclarais :

- Je ne veux pas t’embêter avec ça… C’est… Me repris-je en avisant le regard assassin que me lançait Philippe. C’est Juha… Depuis quelques jours, je le trouve distant vis à vis de moi sans raison apparente… C’est… C’est à peine s’il m’adresse la parole, avouais-je.

- Il traverse peut être une phase de remise en question, supposa Philippe que je soupçonnais d’en savoir plus qu’il ne le prétendait.

- Je ne sais pas avouais-je, honteux. Il ne me dit rien. Je peux pas continuer à le voir s’éloigner de moi comme il le fait, c’est trop dur à supporter. Pourquoi ne m’explique-t-il pas tout simplement ce qui ne va pas ?

- Ce n’est pas toujours aussi simple qu’on le pense, Gabriel. Attention, je ne prends pas sa défense pour autant, je dis juste qu’il n’ose peut être tout simplement pas t’en parler.

Après un court silence, il ajouta :

- Tu ne le sais peu être pas, mais demain c’est le jour de la mort de Killian, cela peut se comprendre qu’il ne soit pas bien…

Je sursautais à cette révélation, me sentant trahis par Juha qui avait préféré garder le secret et taire son mal être plutôt que de m’en faire part. Pourquoi avoir agit ainsi ? Avait-il quelque chose à se reprocher, consciemment ou inconsciemment ? Avait-il seulement réalisé à quel point il me faisait souffrir en agissant de la sorte ?

Je ne répondis rien à Philippe, bien trop préoccupé à ruminer ma contrariété.

- Ne te prend pas la tête pour cela, Gabriel, déclara alors Philippe. Pense à autre chose et ce soir, tu lui demanderas les explications que tu es en droit de recevoir.

- Hn… Me contentais-je de répondre distraitement, doutant intérieurement que Philippe puisse deviner à quel point j’avais mal et combien le Juha doux et attentionné me manquait. Depuis ces derniers temps, j’avais l’impression de partager le toit et le quotidien d’un parfait étranger.

- Vous avez besoin de vous retrouver tous les deux, reprit Philippe. Demain, tu prendras ta journée, je te l’offre et tu resteras avec lui. Cela vous fera le plus grand bien à tous les deux.

- Merci d’être là, Philippe, murmurais-je profondément ému, en le prenant dans mes bras, posant ma tête sur son épaule puissante et rassurante.

Philippe me rendit mon étreinte, semblant comprendre le besoin que je ressentais de me sentir aimé et rassuré. Lorsque je songeais à ce que j’étais entrain de vivre avec Juha, je ne pouvais empêcher les larmes de me monter aux yeux et je devais me faire violence pour les refouler. Pourquoi mon bonheur n’était-il qu’éphémère ? Etais-je né pour ne jamais connaître un bonheur durable ? Je fus tiré de mes pensées par Philippe qui, comme s’il m’avait sentit dérivé, déclara d’une voix amusée, en dépit de la situation :

- Heureusement que je sers à quelque chose…

A mon tour, j’esquissais un sourire, Philippe réussissant presque toujours à me déridé et après un moment, je lui rendis sa liberté :

- Excuse-moi…

- Il n’y a rien à pardonner, Gabriel, répondit-il en souriant. Cela fait bien longtemps que personne ne m’avait réclamé de câlin…

De nouveau, je remerciais Philippe, non sans rougir légèrement à sa réflexion avant d’aller travailler, le coeur allégé d’un poids. Etonnement, la journée se déroula plus rapidement que ce que j’avais imaginé. Cependant, si j’étais content d’avoir terminé ma journée, je ne pouvais empêcher une boule d’angoisse se former dans ma gorge. J’appréhendais cruellement ma confrontation future avec Juha. Mais ne souhaitant pas me défiler, cette confrontation s’avérant inévitable, je décidais de ne pas reculer d’avantage l’échéance et après avoir récupéré les clés, je prenais la direction de l’appartement.

Alors que j’ouvrais la porte d’entrée, j’entendis une porte claquer et un bruit de course brusquement stoppée, ponctuée par le bruit caractéristique d’un haut le coeur. Inquiet, je demandais, ne comprenant pas ce qui se passait, tout en allant à sa rencontre :

- Juha ?

Ne recevant aucune réponse de sa part, je posais une main fébrile sur son épaule, le coeur douloureux de le voir dans cet état. A genoux devant la cuvette des toilettes, une main contre le mur pour acquérir un minimum d’équilibre, il rendait le contenu de son estomac.

Cependant, la réaction de Juha à mon geste me blessa grandement. Se redressant d’un coup et me faisant face, Juha repoussa brutalement ma main, comme si mon simple contact le dégoûtait. Face à ce geste des plus inattendu et surprenant, je restais un instant pétrifié de stupeur et Juha profita de mon immobilité pour se glisser hors de ma portée et aller dans la salle de bain.

Cependant, ce geste me ramena à  moi et sentant la colère naître en moi, ne supportant pas d’être ainsi rejeté puis ignoré, je me rendis à mon tour dans la salle de bain. Lui faisant face, ne parvenant pas à maitriser la colère et la frustration qu’engendrait en moi le comportement incompréhensible de Juha, je déclarais d’une voix froide qui ne m’était pas revenue depuis un long moment déjà :

- Je pense qu’à ce stade on est quand même assez intime et proche pour ne pas se cacher ce genre de chose.

Je peux tout entendre et tout comprendre, j’ai le droit de savoir, tout autant que tu en a parlé à Philippe, déclarais-je sous l’effet d’une jalousie injustifiée. Pourquoi tu ne m’en a pas parlé ? Tu ne crois qu’en même pas qu’en vivant avec toi je n’allais pas me poser de questions ? Ca veut dire quoi de me cacher cela ? Comment est ce que je peux être là pour toi, si tu ne m’en parles pas ?

Juha se tourna alors vers moi et répondit, sur ses gardes :

- Tu me reproches de vouloir être seul le jour de la mort de Killian ?

Je restais quelques secondes interdit face à cette réplique aberrante avant de déclarer, lassé de faire face à un mur :

- Tu comprends rien, t’es vraiment trop con !

Sur ces mots, je lui tournais le dos et refermais la porte derrière moi. La colère avait fait place à une grande lassitude. J’étais blessé du manque de confiance et de l’absence de respect que Juha avait pour moi et fatigué de toujours devoir lui arracher les mots de la bouche pour arriver à recevoir trois mots de sa part. Pourquoi ne faisait-il pas l’effort de se mettre à ma place et d’imaginer ne serait-ce qu’une minute, ce que je pouvais ressentir à être ainsi constamment rejeté à chacune de mes tentatives pour lui venir en aide. Ou peut être que le problème venait de moi en fait ? Après tout, je n’avais jamais été très doué pour les relations humaines…

Dans l’espoir de me calmer, j’allais m’allonger sur le canapé, un live à la main dans l’optique de me changer les idées. Je ne le posais que lorsque la voix de Juha m’invitant à passer à table me sortis de ma lecture. J’allais alors m’asseoir à table, Juha prenant place en face de moi.

- Tu ne manges pas ? Demandais-je blasé, connaissant déjà la réponse.

- Je n’ai pas vraiment faim, répondit simplement Juha.

- Je ne vais pas te forcer, répondis-je avec sarcasmes, tu es libre de mener ta vie comme tu l’entends. Tu n’as vraiment pas besoin de moi.

Juha ne releva pas le sous entendu flagrant que je lui lançais et du coin de l’oeil, je le vis se lever et se servir un verre d’eau. Je terminais mon repas en silence, sans la moindre attention pour Juha. Puis, n’y tenant plus, ne supportant plus la tension de se silence oppressant entre nous, je finis par demander :

- Killian est enterré loin d’ici ?

Finalement, je craquais. Si Juha ne voulait rien faire de son côté pour tenter d’arranger la situation, moi je me battrais…

- Pourquoi cette question ? Demanda-t-il avec méfiance et curiosité mêlés.

- J’ai pris deux jours de congés, demain je peux te déposer si tu souhaites te recueillir…

- Tu… Tu n’es vraiment pas obligé, répondit-il.

Je ne répondis rien et déposais mon assiette dans l’évier avant de déclarer simplement :

- Je vais me laver…

Et je sortis de la cuisine sans un regard pour Juha, déçu et dégoûté. Pourquoi réagissait-il ainsi ? Pourquoi faisait-il preuve d’autant de méfiance et de réserve envers moi ? De quoi avait-il peur ? Je lui proposais simplement de l’emmener se recueillir, pourquoi m’avait-il répondit cela au lieu d’accepter tout bêtement ? Ce n’est pas parce que je lui proposais quelque chose que cela impliquait forcément que je m’incruste. Je ne voulais en aucun cas m’immiscer dans sa vie privée, ce n’était pas mon objectif, loin de là, je voulais simplement l’aider, lui faire comprendre qu’il n’était pas seul, que j’étais là pour lui, pour l’aider à supporter sa douleur. Etait-ce trop compliqué à comprendre ?

Je restais sous l’eau brûlante jusqu’à ce que tous les muscles de mon corps soient complètement détendus. Je ne sais combien de temps s’était écoulé depuis que j’étais sous la chaleur bienfaitrice de l’eau, mais lorsque je sortis de la salle de bain, je sus au silence qui régnait et l’obscurité dans laquelle était plongé l’appartement que Juha dormait.

J’allais me poser un moment devant la télévision n’ayant pas envie de rejoindre Juha dans l’immédiat. Bien que calmé, je n’avais pas encore digéré notre conversation. De plus, mes soupçons étaient confirmés… Juha me fuyait…

Lorsque la fatigue commença à se faire ressentir, j’éteignis la télévision et allais me coucher. Cependant, lorsque j’entrais dans la chambre, je sus que Juha ne dormait pas et ce, malgré ce qu’il tentait de me faire croire en gardant les yeux obstinément clos. Je me couchais alors en silence, après avoir éteins la lumière. De mon côté du  lit, je restais à une distance exagérée de lui, n’ayant pas envie de passer pour la sangsue de service, bien qu’au fond de moi, sa douceur et sa chaleur me manquaient affreusement. Mais faible par nature, je finis par rompre le silence, le désir de comprendre étant plus fort :

- Pourquoi crois-tu être capable de supporter ta douleur tout seul… Ne puis-je pas t’aider ? Tu me crois trop faible pour le faire ? Demandais-je la voix brisée par des sanglots que je m’efforçais de retenir. Ou alors, tu culpabilises sur le fait que ce soit Killian qui te mette dans cet état ? Au fond de lui, Juha semblait savoir ces paroles criantes de vérité car à peine me suis-je tu qu’il répliquait sèchement :

- De toute façon, tu ne sais pas ce que cela fait !

- Non je ne sais pas, et alors ! M’exclamais-je blessé avant de lui tourner le dos afin qu’il ne voie pas les larmes silencieuses qui, à présent, coulaient librement sur mes joues.

Dans l’instant qui suivit, je sentis Juha se coller tout contre moi et m’enlacer de ses bras. Savourant ce contact devenu trop rare ces derniers temps, je ne le repoussais pas, n’en ayant ni la force ni le courage. Dans l’obscurité, je sentis sa bouche se frayer un chemin jusqu’à mon oreille au creux de laquelle il murmura :

- Pardon…

C’était tellement facile… Croyait-il réellement que je pouvais lui pardonner son comportement des plus odieux avec un simple “pardon” ? Un mot prononcé parmi tant d’autres et qui contrairement à ce que l’on pouvait penser, n’effaçait pas la douleur causée… Face à mon absence de réaction, Juha raffermit sa prise autour de moi, collant un peu plus son corps chaud contre le mien, m’enivrant de son odeur alors que ses larmes silencieuses coulaient dans mon cou. Rompant finalement le silence, je finis par demander avec lassitude, n’osant même plus espérer une réponse de sa part :

- Pourquoi tu ne me fais pas confiance, Juha ? Après tout, je suis adulte et apte à comprendre…

Contre toute attente, après quelques secondes, Juha consentit à prendre la parole :

- Je… Commença-t-il la voix enrouée. Je suis désolé… A cette période de l’année depuis plus de dix ans maintenant, je réagis toujours comme cela. Je m’isole, je m’éloigne… Et je tombe dans un état lamentable. A chaque fois, en prison, je finis à l’infirmerie. Je sais que ça peut paraître idiot… Après plus de dix ans, ne pas avoir fait son deuil, c’est… Mais comment oublier le fait qu’il n’est plus là par ma faute… C’est aussi dur pour moi de t’infliger cela. Je… Je ne sais pas comment réagir, ni quelle doit être la bonne manière de se conduire face à ça. Je m’excuse Gabriel, mais je t’en supplie, retourne toi et prends moi dans tes bras…

La voix de Juha se noua dans sa gorge alors que j’étais en proie à un conflit intérieur. D’un côté, me retourner serait m’avouer vaincu, mais de toute façon, ce n’était pas comme si c’était la première fois… Et j’en voulais à Juha de me faire me sentir aussi faible… Je finis par céder, le coeur en vrille et avec douceur, je l’entourais de mes bras et l’attirais contre moi, respirant son odeur à plein nez. Les sanglots de Juha me déchiraient le coeur. En un geste qui se voulait apaisant, je caressais lentement le dos de Juha, tentant de lui faire comprendre une fois pour toute que j’étais et serais toujours là pour lui. Après un long moment durant lequel nous restâmes ainsi étroitement enlacés, je finis par murmurer :

- Tu sais Juha, tu n’as pas à craindre de me parler de tes problèmes ou quoi que ce soit d’autre. Je suis là pour cela non ?

Après un court silence, je finis par ajouter, cachant mal mon hésitation, appréhendant la réaction de Juha à ce que j’allais dire :

- Dans un… Enfin dans… Un couple, il faut savoir parler de ce genre de chose…

Je me sentis envahi d’une crainte sourde lorsque je le sentis s’écarter de moi, regrettant déjà les mots que je venais de prononcer. Cependant, le voyant me sourire, ma crainte s’envola, laissant place à l’interrogation alors qu’avec un amusement non feint, il répéta :

- Un couple ?

Face à l’audace de mes propres paroles et ne sachant comment interpréter sa remarque, je m’empourprais violemment de honte tout en tentant de rattraper ma connerie. Mais à mon plus grand étonnement, Juha s’approcha de moi et avant que je n’aie le temps de réaliser ce qui se passait, il me vola un baiser. Retrouvant vite mes esprits au contact de ses lèvres sur les miennes, je m’empressais de répondre avec avidité à son baiser ayant été privé trop longtemps de ses lèvres. Nous échangeâmes un très long baiser qui nous laissa tout les deux pantelant tandis que mes mains migraient sur le bas de son dos dans l’unique but de le rapprocher toujours plus de moi. Après un instant durant lequel nous nous contentâmes de rester tendrement enlacer, Juha s’écarta légèrement de moi et déclara d’une voix visiblement émue :

- C’est la première fois que tu qualifies ainsi notre relation…C’est comme cela que tu nous vois ? Comme un couple ? Tu ne peux pas imaginer à quel point ça me touche et me fait plaisir…

Pendant un instant, j’avais eu peur que Juha ne refuse une telle qualification de notre relation, mais sa dernière phrase acheva de me rassurer. Nous considérait-il lui aussi, comme tel ? Souhaitant néanmoins justifier ce qualificatif, je repris :

- A ce stade de notre relation nous sommes peu être plus que de simples amis intimes…

- J’espère bien… Répondit-il. Dans ce cas, apparaissons comme tel devant les autres, afin d’aller encore plus loin…

Je restais muet face à cette réponse, ne m’attendant pas un seul instant que Juha ait pour souhait d’officialiser notre relation… Nous voyait-il réellement comme un couple ? Envisageait-il un futur pour nous deux, en tant qu’amis mais aussi et surtout, en tant qu’amants ? J’entendis vaguement Juha inspirer profondément, et le senti à peine poser sa tête contre mon torse, plongé dans mes pensées. Je finis par m’endormir, d’un sommeil profond et sans rêves.

Un frisson glacé me tira de mon sommeil et dans un geste demi-conscient, je me tournais pour me blottir d’avantage contre Juha. Cependant, j’ouvris subitement les yeux, à présent totalement réveillé, lorsque je ne sentis que les draps froids là où, normalement, Juha aurait dû se trouver. Intrigué, je tendis l’oreille à la recherche de sa présence dans l’appartement, mais au silence angoissant qui régnait dans celui-ci, je ne pu m’empêcher de craindre le pire…

Aussitôt, je sautais hors du lit et quittais précipitamment la chambre. Cependant, je stoppais net en le voyant allongé sur le sol, Shanenja littéralement vautré sur lui. Oubliant instantanément la crainte qui avait été mienne quelques secondes plus tôt; j’éclatais de rire face à cette vision des plus attendrissantes. Juha ouvrit alors les yeux et je demandais amusé :

- On dort mieux sur le sol ?

Juha m’adressa une mine boudeuse tandis que Shanenja courait joyeusement vers moi pour réclamer ses caresses du matin. C’st avec bon coeur que je les lui offris, le coeur léger, heureux d’avoir retrouvé cette bonne ambiance entre nous et priant intérieurement que celle-ci perdure le plus longtemps possible, espérant la crise enfin passée… Par la suite, je tendis la main à Juha pour l’aider à se relever avant de lui voler un furtif baiser pour finalement m’emparer avidement de ses lèvres qui m’avaient cruellement fait défaut. Lorsque nous nous séparâmes, j’allais à la cuisine préparer le petit déjeuner pendant que Juha sortait Shanenja, ne l’ayant pas fait ces derniers jours.

Aujourd’hui, j’avais proposé à Juha de l’emmener au cimetière et même s’il ne m’avait pas encore donné sa réponse, j’étais intimement convaincu qu’il accepterait ma proposition. Et égoïstement, j’espérais qu’après cela, il redeviendrait le Juha que j’aimais, le Juha rieur et tendre, qu’il daignerait enfin passer à autre chose et laisser son passé derrière lui. Juha revint un court instant plus tard et vint prendre place en face de moi. Nous déjeunâmes dans un silence monastique et devinant aisément que je n’obtiendrais aucune réponse spontanée de sa part, je demandais :

- Tu souhaites toujours y aller ? C’est ce que tu veux vraiment ?

- Je… Je n’ai jamais eu l’occasion de m’y rendre. Je n’ai jamais pu aller sur sa tombe… Si tu veux bien m’y emmener… Répondit-il avec hésitation.

- J’espère que ce n’est pas une question ! J’irais juste nourrir et voir mon oiseau et nous irons cet après-midi. J’ai deux trois choses à voir au ranch avant…

- Je t’attendrais là, si ça ne te dérange pas. Je suis désolé, mais je…

- Tu préfères ne pas voir trop de monde, oui je sais. Je commence à te connaître, le coupais-je en souriant avec une pointe de tristesse à ces derniers mots, sachant pertinemment à quel point le “commence” était on ne peut plus vrai.

- Encore une fois, merci Gabriel, répondit-il après un instant de silence.

A la fin du petit déjeuné, j’allais m’habiller et après avoir volé un baiser à Juha, je me rendis au ranch. Avant toute chose, j’allais rapidement saluer Philippe et lui expliquais succinctement la situation puis passais voir mon aigle qui grandissait de jour en jour. Je passais un moment avec lui, n’ayant pas prit le temps de le faire ces derniers jours puis je finis par aller voir Orphée et Niladhëvan afin de vérifier leur état de santé et m’assurer qu’ils ne manquaient de rien. Une fois fait, je retournais à l’appartement et trouvais Juha assis dans le canapé, Shanenja à ses pieds. Se tournant vers moi, il me demanda :

- Tu as faim ? Il y a de quoi manger dans la cuisine, je t’ai préparé un repas.

- Tu ne manges pas ? Demandais-j surpris avant d’ajouter d’un air réprobateur, ça fait pas mal de repas que tu sautes…

Cependant, je n’insistais pas. Il était suffisamment adulte pour savoir ce qu’il faisait. C’est donc sans un mot de plus que je pris la direction de la cuisine. Là, j’attrapais mon assiette et allais me poser à côté de Juha dans le canapé. Je mangeais en vitesse et lorsque jeu terminé, nous nous préparâmes à partir. Cependant, ayant, d’après les dires de Juha, quand même pas mal de route à parcourir, nous laissâmes Shanenja à l’appartement.

Le trajet se déroula dans un silence monastique. Au fur et à mesure que les kilomètres défilaient, je sentais la détresse et la tristesse de Juha devenir de plus en plus oppressantes et je ne savais que faire ni que dire pour l’apaiser. Je me sentais étranger à sa douleur et me retrouver confronter à un mort et au passé de Juha me mettait mal à l’aise.  Semblant se rendre compte de la tension qu’il créait lui-même, Juha finit par entrouvrir sa fenêtre et malgré le froid de ce début de janvier, cela nous fit à tout deux le plus grand bien. Tentant de ne pas me laisser aller au stress qui grandissait en moi, je me concentrais sur la route afin de m’occuper l’esprit et ne pas le laisser envahir par des pensées désagréables.

Malgré cela, voir Juha tendu me stressait et dans l’espoir de le calmer un peu, je posais ma main sur sa cuisse en signe d’apaisement. C’est avec soulagement que je le vis n’esquisser aucun mouvement pour la retirer. A vrai dire, je ne savais plus comment me comporter avec Juha et j’avais toujours un instant d’hésitation avant de le toucher, ayant toujours peur de me voir repoussé, sachant plus que quiconque à quel point il pouvait être blessant. Mais par dessus tout, j’avais peur de le voir s’éloigner de moi, car indéniablement, c’est ce qui était en train de se passer… A ma plus grande surprise, Juha posa sa main sur la mienne, semblant accepter celle-ci. Heureux de ce petit signe d’intérêt de sa part, je lui offris un sourire. Sourire qui s’effaça bien vite lorsque je vis une larme rouler sr sa joue alors qu’un panneau indiquait sa ville natale à une dizaine de kilomètres.

Lorsque nous franchîmes le panneau indiquant l’entrée de l’agglomération, je le vis baisser les yeux et se renfermer sur lui-même et cela me fit mal au coeur… Je me haïssais de ne pouvoir rien faire pour lui apporter mon soutien, mais parallèlement, je savais pertinemment que ce n’était pas de moi dont il avait besoin… Contrairement à moi, Juha avait la force et le courage de revenir dans la ville qui l’avait vue grandir et bien qu’il ne me dise rien, je savais très bien que ses souvenirs, heureux ou non, lui revenaient en mémoire….

Machinalement, il m’indiqua la route à suivre et je le rassurais en lui disant que le chemin était indiqué. Alors que j’empruntais une rue dans laquelle les maisons ressemblaient plus à des villas, je vis Juha se redresser vivement. Visiblement, il semblait connaître ce quartier… Son regard se posa sur l’un d’entre elle avec insistance et automatiquement, je suivis son regard, non sans interrogation. Etait-ce la maison où avait grandit Juha ? Ou Killian ? Le voyant fixer la maison avec toujours plus d’insistance, je finis par m’arrêter et lui demandais doucement :

- Juha ? Tu veux aller voir ? Tu regardes cet endroit avec tellement d’insistance. C’était là où il habitait ? Ajoutais-je alors qu’une boule d’angoisse se formait dans ma gorge à l’idée qu’un disparut puisse le rendre si mélancolique au point de m’ignorer totalement…

Mais je lui avais fait cette promesse de le conduire jusqu’au cimetière et je la tiendrais quoi qu’il advienne, cela dut-il me faire souffrir.

- Non, répondit Juha. Je ne veux pas aller voir. C’était là que… C’était là que nous habitions avec mes parents avant que je… Ils sont partis apparemment…

Je ne répondis rien et de nouveau, le silence nous engloba jusqu’à ce que, détachant finalement son regard de la bâtisse, Juha se tourne vers moi et déclare d’une petite voix :

- On continue ?

Souhaitant par dessus tout que Juha sache que j’étais là pour lui, je me penchais vers lui et effleurais tendrement ses lèvres en un baiser aérien. Je me sentais impuissant face à tout cela, mais si par ma présence Juha arrivait à mieux supporter sa peine alors cela me satisfaisait amplement, bien que j’aurais aimé faire tellement plus pour lui, pour lui prouver à quel point de tenais à lui…

Nous reprîmes la route en silence. Je ne savais pas quoi dire pour tenter de remonter le moral à Juha et je détestais parler pour ne rien dire. Alors je me taisais. Et puis je me doutais aussi que Juha préférait rester seul avec ses souvenirs que plutôt m’entendre parler  histoire de briser le silence. Quand je garais la voiture sur le parking devant le cimetière, je m’autorisais un regard vers Juha et ce que je vis me toucha profondément. Je me doutais bien que Juha était en train de vivre une épreuve difficile de sa vie, mais je m’inquiétais réellement de son état de santé. Il semblait vraiment épuisé moralement et ne parvenait plus à maitriser le tremblement de ses mains. Après un temps où j’attendais de le voir se ressaisir, je finis par lui demander, m’attendant à tout instant à un rejet plus ou moins brutal de sa part :

- Tu veux que je vienne avec toi ? Ou tu préfères que je t’attende ici ?

- Je… Je vais y aller seul, répondit-il sans grande conviction.

Il m’adressa un dernier regard que je ne parvins pas à déchiffrer puis sortit lentement de la voiture. Préoccupé, je ne le quittais pas des yeux et c’est avec un point au coeur que je le regardais s’éloigner en chancelant. Arrivé aux grilles à quelques mètres de la voiture, je vis Juha s’arrêter subitement, comme incapable d’aller plus loin. Cependant, pour lui comme pour moi, je voulais le voir confronter à la tombe de Killian, dut-il en souffrir, qu’il fasse enfin son deuil en acceptant ce qui, pour lui, était inacceptable, la mort de Killian… Notre relation en dépendait… Tant que Juha vivrait dans le passé, nous ne pourrions jamais rien faire de notre avenir commun et n’arriverions rien à construire ensemble. Mais Juha avait-il seulement conscience de cela ? J’étais prêt à tout pour l’aider, il le savait, mais je n’y parviendrais pas seul, il devait aussi y mettre du sien et de la bonne volonté. Et aussi douloureux que c’était, je pouvais impartialement clamer que ce n’était pas le cas. Il se laissait porter par sa douleur et d’une certaine manière, se complaisait dans son malheur sans jamais penser ne serait-ce qu’une seconde à moi. Egoïstement, j’avais envie et besoin qu’il fasse plus que me voir, qu’il me regarde enfin comme ce que j’étais vraiment, un homme amoureux de lui et qui tentait désespérément d’exister à ses yeux.

Au risque de me voir repoussé, j’allais à la rencontre de Juha. Devant la grille du cimetière, il semblait plongé dans ses pensées et ne s’était visiblement pas rendu compte de ma présence. Non sans hésitation, je posais ma main sur son épaule et comprenant sa peur, je déclarais d’une voix douce qui se voulait calme et rassurante :

- Tu n’es plus seul Juha… Je suis là et je ne te laisserais plus affronter cela tout seul.

Immédiatement, je le saisis par la main et l’entraîna à ma suite, franchissant les grilles du cimetière sans qu’il ne dise quoi que ce soit. Je le guidais jusqu’au local du gardien avant de l’abandonner momentanément pour aller demander l’emplacement de la tombe de Killian, ayant retenu son nom de famille lorsque Philippe avait fait la déposition contre son frère. Après quelques minutes, je retournais auprès de Juha et le saisi de nouveau par la main, ignorant totalement le regard du gardien que je sentais dans mon dos.

Nous parcourrions les allées silencieuses et apaisantes un peu trop rapidement, mais je craignais que Juha ne se désiste au dernier moment. Intérieurement, moi aussi j’avais mal… Certes, pas la même douleur que Juha, mais je souffrais de voir l’homme que j’aimais dans un tel état d’abattement.

Je m’arrêtais subitement, ayant enfin trouvé ce que je cherchais. Mon regard s’attarda longuement sur la tombe qui faisait partie des plus fleuries et des mieux entretenues pour finalement se poser sur la photo de Killian jaunie par le temps.  Je finis par lui lâcher la main… J’avais fait ce que je pouvais pour lui et maintenant, c’était à lui de continuer seul.

Pendant un temps qui me parut interminable, je regardais Juha rester parfaitement immobile, les yeux rivés sur la photo de Killian.  Gardant une distance respectueuse, quelques pas en arrière, je ne me sentais pas à ma place ici… J’avais cette impression de n’être qu’un étranger qui s’adonnait au voyeurisme. Soudain, Juha tomba à genoux sur les graviers, comme s’il n’arrivait plus à supporter le poids de son chagrin et de sa culpabilité. A cette vision, mon coeur se contracta plus violemment encore tandis que des larmes me montaient aux yeux alors que la réalité me sautait brutalement au visage. Je n’aurais jamais que la seconde place dans le coeur de Juha… J’aurais certainement pu me contenter de cela mais ce n’était pas le cas… Je ne comprenais pas qu’il puisse ainsi continuer à aimer un mort comme on aimait une personne belle et bien vivante… Pourquoi n’acceptait-il pas le fait qu’il soit mort ? Pourquoi refusait-il de faire son deuil ? La vie était ce qu’elle était et rien ni personne ne pourrait changer le fait que Killian était mort et qu’à présent il ne vivait plus que dans le coeur et la mémoire de Juha…

Lorsque je retournais enfin auprès de Juha, la nuit était tombée depuis un long moment. D’une voix qui se voulait sûre d’elle, je déclarais doucement afin de ne pas briser le silence respectueux qui nous entourait :

- Juha ? Il est assez tard, le cimetière va bientôt fermer… Nous partons dans peu de temps.

A côté de Juha, je n’osais le toucher, ne m’en sentant pas le droit. Cet instant “lui” appartenait et je n’avais pas à interférer, ma seule présence étant déjà de trop… Il mit encore quelques minutes avant de finalement daigner se lever. Le voyant se redresser avec difficultés, je lui apportais mon soutien avant de l’enlacer, n’ayant rien trouvé d’autre pour lui apporter un peu de réconfort. Il n’en fallut pas plus à Juha qui éclata en sanglot, se libérant ainsi du trop plein de la douleur qui étreignait son coeur.

Lentement, je passais ma main dans son dos, cherchant à l’apaiser avant de le guider jusqu’à la voiture. Quand il fut installé, je refermais la portière et allais prendre place côté conducteur. Juha me souffla alors un “merci” qui me réchauffa le coeur et je lui offris un faible sourire accompagné d’un simple effleurement de mes lèvres sur les siennes.

Le trajet du retour s’effectua dans le silence le plus complet, tous deux perdu dans nos pensées respectives. Nous arrivâmes assez tard à l’appartement et bien que connaissant déjà la réponse, je demandais à Juha s’il désirait manger quelque chose. Compte tenu des circonstances, je n’insistais pas à sa réponse négative. Tel un automate, Juha alla prendre une douche rapide pendant que je m’occupais de Shanenja. Je ne tardais pas à le rejoindre, après un passage à la salle de bain, me blottissant tout contre lui, en manque cruel de son contact et de sa chaleur.

Je savais que derrière ses yeux clos, Juha était réveillé et cette attitude, bien que compréhensible, me blessa. Je laissais ma main aller se perdre sur son torse, le rapprochant un peu plus de moi tandis que de mon côté je faisais de même, ma peur de le perdre se faisant de plus en plus oppressante. Une détresse sans nom s’empara alors de moi et mû par une volonté de jouer franc jeux, ma bouche dévia lentement jusqu’à son oreille au creux de laquelle je lui dévoilais enfin mon amour en un murmure à peine perceptible :

- Je t’aime, Juha…

Quatre mots qui mettaient entièrement mon âme et mon coeur à nu, me dévoilant à lui comme jamais à quiconque auparavant… Juha se tourna alors brusquement vers moi, comme choqué par ces mots qui avaient été les miens. Les yeux plongés dans les siens, de façon à ce qu’il puisse y lire par lui-même l’ampleur de mes sentiments pour lui, j’attendais une réaction de sa part à défaut d’une réponse.

Cependant, il resta obstinément muet et finit même par détourner le regard. A cet instant, je compris que mon amour n’était pas réciproque et une douleur aigüe me vrilla leur coeur, comme un couteau chauffé à blanc, alors qu’un torrent de larme affluait à mes yeux. Honteux et ne voulant pas qu’il voit à quel point son absence de réaction m’avait blessé et humilié, je m’éloignais de lui et lui tourna le dos pour laisser libre court à mes sanglots silencieux. Pourquoi cette absence de réaction de sa part ? Etait-ce si aberrant que cela que je puisse être amoureux de lui ? Cette absence de réaction que je voyais comme un rejet pur et simplement confirma dans mes doutes… J’étais quelqu’un que l’on pouvait désirer mais pas aimer…

Mes larmes redoublèrent d’intensité à cette constatation et j’en voulais à Juha de rester aussi impassible face à ma détresse et ma douleur. N’avait-il donc aucun coeur ? Comment avait-il pu me répudier ainsi ? Malgré mon passé dont il connaissait le secret, je m’étais ouvert à lui, non sans difficultés et en dépit de cela, il agissait avec moi sans la moindre considération.

J’avais honte à le dire, mais au plus profond de moi, j’en arrivais à haïr ce Killian qui, même mort, me volait le coeur de mon amour et je désespérais de voir Juha se raccrocher autant à un mort et ne vivre que par le passé. Juha, mon sauveur qui avait tant fait pour moi, mais aussi le bourreau qui me faisait sombrer encore plus profondément que jamais.

Je passais la pire nuit de ma misérable existence alors que les heures défilaient, aussi interminables que si elles duraient des siècles, sans que je parvienne à maitriser mes sanglots. Finalement, ne supportant plus la présence de Juha près de moi qui ne faisait à chaque fois que raviver ma douleur, je quittais la pièce et allais me poser dans le canapé. Intrigué, Shanenja ne tarda pas à venir vers moi et semblant sentir ma peine, il se mit à couiner. Je le pris aussitôt dans mes bras et le serais contre mon coeur tout en le caressant délicatement.

Je du finir par m’endormir car lorsque j’ouvris de nouveau les yeux, je fus surpris de ne pas sentir la chaleur de Juha contre moi. A cette pensée, les événements de la veille me revinrent en mémoire et mon coeur se compressa douloureusement dans ma poitrine, alors que de nouveau, des larmes que je pensais enfin taries, franchirent la barrière de mes paupières pour rouler silencieusement sur mes joues.

Je me précipitais alors sous la douche, ne souhaitant pas que Juha me surprenne dans cet état pitoyable, ne pouvant endurer sa pitié en plus de son rejet. Entrant dans la cabine de douche, je réglais la température de l’eau au maximum de sa chaleur, ne réagissant même pas à la violente brûlure de l’eau sur ma peau.  Je n’en sortis que lorsque mes larmes furent enfin asséchées. A l’odeur de café qui flottait dans l’air, je sus que Juha était réveillé et mon coeur s’emballa à cette constatation. Je n’avais aucune envie de le voir, mais d’un autre côté, je ne pouvais le fuir indéfiniment…

A contrecœur, je me séchais rapidement et nouais la serviette sur mes hanches avant de me rendre dans la chambre pour me changer. Là, je pris le temps de me recomposer un masque froid et impassible avant de rejoindre Juha à la cuisine. Sans un mot ni même un regard pour lui, je pris place à table. Je n’avais pas faim, l’estomac douloureusement contracté, mais je me forçais à manger un minimum, ne pouvant rester le ventre vide avec le travail physique que je faisais. Je restais silencieux durant les premières minutes et lorsque Juha me passa le pot de confiture, prenant mon courage à deux mains, je demandais alors :

- Tu n’as toujours rien à dire à propos de ce que je t’ai dis hier soir ?

Je savais que je me faisais volontairement du mal, mais je ne pouvais rester dans l’incertitude et intérieurement, je ne pouvais m’empêcher d’espérer. Mais lorsque je le vis détourner le regard, gêné, je sentis mon coeur se briser et voler en éclat. Dissimulant ma douleur et mon envie de pleurer derrière ma froideur, je déclarais simplement :

- Je crois que la moindre des choses c’est de répondre quelque chose. Je ne demande pas grand chose, juste une réponse positive ou négative. Ou alors, ajoutais-je, tentant de garder mon calme, tu aurais pu me demander du temps… Mais rester comme cela, sans aucune réaction, comment peux-tu me faire cela Juha ? Finis-je pas m’emporter sur ces derniers mots, les yeux brillants de larmes mal contenues.

- Tu dis m’aimer uniquement par peur de me perdre…

Je restais un moment interdit face à cette réponse des plus inattendues avant de répondre, sarcastique :

- Parce qu’avoir peur de te perdre n’est pas, justement, une preuve d’amour ?

- Pourquoi juste après le cimetière ? Pourquoi ce jour là ? Demanda-t-il la voix tremblante.

- Cela fait longtemps que je veux te le dire, repris-je plus calmement, et tu as même empêché plus d’une tentative, consciemment ou inconsciemment, ajoutais-je en me remémorant  la fois où j’avais tenté de lui ouvrir mon coeur la nuit ou je m’étais offert à lui. Oui, j’ai peur de te perdre, parce que tu es en train de t’éloigner de moi.

- Juste pour ces deux jours, Gabriel… Excuse-moi de ne pouvoir répondre à tes attentes le jour de la mort de Killian ! Répliqua-t-il avec énervement.

Intérieurement, je riais jaune face à ces pitoyables excuses. En réalité, Juha refusait de regarder la vérité en face car celle-ci lui faisait peur. J’étais mieux placé que quiconque pour le savoir, m’étant moi aussi voilé la face pendant bon nombre d’années.

- Ah parce qu’il y a des jours opportuns pour te dire que je t’aime ? M’exclamais-je, sarcastique. Je ne suis pas un putain de jouet, craquais-je et libérant le poids qui étreignait mon coeur. Tu ne peux pas m’utiliser à ta guise. Moi je suis là, je reste comme un con à te regarder t’éloigner de moi… Parce que tu l’aimes toujours n’est ce pas ? Ajoutais-je après une seconde d’hésitation. Choisis Juha… Je ne peux pas rester comme cela, à attendre que tu daignes enfin faire ton deuil… Je suis humain bordel, et là tout ce que je vois, c’est l’amour que je te porte et que tu bafoues. Tu joues avec mes sentiments pour toi… Si tu ne réagis pas Juha, tu me perdras, car je n’ai pas l’intention de t’attendre indéfiniment….

Sur ces mots, sans attendre une réponse de Juha, j’attrapais ma veste et quittais l’appartement, souhaitant qu’il réfléchisse sérieusement à ce que je venais de lui dire. C’était loin d’être des paroles en l’air prononcées sur le coup de la colère et la rancoeur. Je le pensais sincèrement. Malgré l’amour que je lui portais, je ne pouvais ni n’avais l’envie de l’attendre indéfiniment. Il devait faire un choix… Soit il décidait de vivre dans ses souvenirs et de rester auprès de son Killian, soit il décidait de repartir à zéro et ensemble nous pourrions tenter de construire quelque chose de notre avenir commun.

Arrivé à la voiture, je démarrais rapidement et pris la direction du centre. Durant les quelques minutes que dura le trajet, mes larmes remportèrent la victoire et se mirent à rouler lentement sur mes joues, me brouillant la vue. Je me garais négligemment dans la cour, remarquant à peine la voiture inconnue qui était là. A peine eussais-je coupé le contact que j’éclatais en sanglots.  Je ne faisais que cela depuis hier, pourtant mon chagrin et ma douleur étaient toujours aussi vivaces…

Je n’aurais su dire combien de temps je restais ainsi à pleurer toutes les larmes de mon corps et lorsqu’enfin celles-ci se tarirent, je reniflais bruyamment tout en séchant mes larmes du revers de la main. Après un instant durant lequel je tentais de redevenir maître de mes émotions, je me décidais enfin à sortir du véhicule.

Alors que je fermais la portière, je vis Juha arriver à quelques mètres de moi et lui adressais un bref coup d’oeil, sans plus d’attention, sa simple vue m’étant atrocement douloureuse.

Soudain, une voix retentie dans mon dos :

- Bonjour, Gabriel…

Le coeur battant à tout rompre, je me retournais vivement pour tomber nez à nez avec une personne que je n’aurais jamais cru revoir un jour…

- Bonjour, Petit Prince, répéta-t-il.

Si la voix m’était parfaitement inconnue, ce n’était pas le cas de l’appellation… Je restais figé de stupeur face à cette apparition divine, dans l’incapacité totale d’esquisser le moindre geste. Je n’arrivais pas à croire ce que je voyais, me croyant victime d’une illusion… Comment était-ce possible ? Ce fut de nouveau la voix amusée de l’homme en face de moi qui me tira de mes pensées :

- Et bien, tu ne dis plus bonjour ?

Reportant mon attention sur lui, je vis un large sourire illuminer son visage alors qu’il me regardait avec tendresse et amusement. Il ne m’en fallut pas plus pour accourir vers lui et me jeter dans ses bras tendus vers moi, en sanglotant bruyamment.

- Oh mon Dieu… C’est toi… C’est bien toi, sanglotais-je sans parvenir à me contrôler. Tu m’as tellement manqué…

- Tu m’as manqué aussi Petit Prince, souffla Kay à son tour au creux de mon oreille.

Autour de moi, plus rien n’existait hormis Kay et le doux frottement de sa main dans mon dos. Noyé dans les larmes, je ne vis pas Philippe nous regarder en souriant tendrement depuis la fenêtre de son bureau, ni Juha adresser à Kay un regard glacial.

- Gabriel… Murmura Kay en raffermissant son étreinte autour de moi. Alors c’est ainsi qu’ils t’ont nommé ?

- Par vraiment, parvins-je à articuler entre deux sanglots. Mais je t’expliquerais ça…

Je restais un moment silencieux, la voix trop brisée par l’émotion pour espérer prononcer le moindre mot. C’est dans un murmure trahissant ma tristesse que je finis par reprendre :

- Tu m’as tellement manqué… J’ai pas arrêté de penser à toi… J’ai cru devenir fou après ton départ…

- Moi aussi Petit Prince… Moi aussi, souffla Kay en m’embrassant tendrement sur les cheveux. Nous avons tant à nous dire… Tellement d’années de séparation à rattraper…

- Gabriel ? M’appela alors Juha que j’avais honteusement occulté de mon esprit depuis mes retrouvailles avec mon ami de toujours. Tu nous présentes pas ? Demanda-t-il avec une pointe de reproche au milieu de laquelle je pus déceler une once de jalousie.

A contrecœur, je m’arrachais à l’étreinte de Kay et n’osant croiser le regard de Juha, honteux, j’entrepris de les présenter, bien que je me doutais parfaitement que Juha savait déjà à qui il avait affaire :

- Juha, je te présente Kay, mon ami d’enfance dont je t’ai déjà parlé… Kay, voici Juha, mon… Mon…

- Son amant, répondit froidement Juha à ma place, alors que je réfléchissais sur le qualificatif à employer pour désigner Juha, ami, amant, je ne savais plus trop…

C’est non sans une gêne certaine que je sentis la tension monter lourdement alors que les deux hommes de ma vie échangeaient une poignée de main courtoise mais extrêmement froide, Kay répondant sans aucune hésitation à la provocation de Juha. Après un temps qui me parut interminable et durant lequel j’aurais voulu m’enfuir six pieds sous terre pour ne pas avoir à supporter la froideur impersonnelle de Juha et la honte que je ressentais à le voir aussi dédaigneux envers Kay, Juha finit par déclarer sans se départir de sa froideur :

- J’vous laisse, j’ai du travail. Ravi d’avoir fait ta connaissance, Kay…

- Moi de même, répondit Kay en saisissant la main que Juha lui tendait.

Ne sachant que faire, je gardais obstinément les yeux rivés sur le sol, n’osant pas croiser le regard tumultueux de Kay et encore moins celui froid et perçant de Juha, me sentant comme un enfant prit en faute. Juha partit et un étrange silence s’installa entre nous. Je pouvais finis par relever la tête, sentant le regard pénétrant et inquisiteur de Kay sur ma nuque. Je croisais son regard d’un bleu tirant sur le gris non sans rougir et demandais, ne comprenant pas cette fixation sur ma personne et souhaitant surtout masquer mon trouble :

- Quoi ?

- Rien, répondit simplement mon vis à vis en me souriant avec cette tendresse particulière qui le qualifiait. Tu es heureux au moins ?

- Je… Oui, répondis-je après une seconde d’hésitation. C’est… C’est juste une mauvaise passe… Ca va s’arranger, me justifiais-je face au silence sceptique de Kay.

 Reportant mon attention sur Kay, je ne pus m’empêcher de le dévisager et cela le fit sourire. En dix ans, il n’avait pas changé. Il avait gardé cette arrogance qui le caractérisait et son visage avait perdu ses rondeurs d’adolescence pour laisser place à un visage d’homme dans la pleine puissance de l’âge. A vingt-sept ans, Kay était devenu un homme magnifique. Ses cheveux étaient un peu plus longs que dans mes souvenirs, mais c’était loin d’être choquant et cela lui seyait plutôt bien.

Semblant sentir le mal aise qui s’était emparé de moi à l’évocation implicite de ma relation avec Juha et le terrain glissant sur lequel il s’aventurait dangereusement, il changea de sujet et retrouvant son sourire qui m’avait tant manqué, il demanda :

- Alors c’est ici que tu travailles ? Tu me fais visiter ?

Retrouvant le sourire, j’invitais Kay à me suivre. Au passage, je saluais convenablement Shanenja qui tentait patiemment d’entraîner un Cobalt comateux dans son jeu. Nous entrâmes dans la sellerie où les employés buvaient leur café avant de commencer leur journée de travail, et sans un regard pour eux, j’entraînais Kay dans les écuries. Une fois seuls, ne me doutant pas un seul instant de la présence de Juha dans un des box, je demandais, laissant libre court à ma curiosité et souhaitant éclaircir ce qui, pour moi, était encore un mystère :

- Lorsque j’ai quitté l’orphelinat, le jour de mes dix-huit ans… Ou plutôt, devrais-je dire, quand ils m’ont mi à la porte, j’ai tenté désespérément de savoir où tu étais, mais… Tu semblais avoir… Disparu… Comme si tu n’avais jamais existé que dans mon imagination…

Je fis une pause, mon coeur douloureusement contracté à devoir ressasser ses souvenirs que je croyais avoir oublié, enfouis au plus profond de ma mémoire. Prenant une grande inspiration, je poursuivis, la voix brisée par l’émotion :

- Je t’ai cherché pendant des jours entiers… Où étais-tu ? Pourquoi ne m’as-tu pas attendu ? Après ça, j’en suis arrivé à te haïr pendant un temps, avouais-je honteux. Je pensais que tu m’avais abandonné toi aussi, que ce que nous avions vécu ensemble tout au long de ses années n’était rien pour toi… Et… Du jour au lendemain, tu réapparais dans ma vie sans que je ne sache ni pourquoi ni comment… Poursuivis-je alors que ma voix se brisait en un nouveau sanglot incontrôlable.

Instantanément, les bras puissant de Kay m’enlacèrent en une étreinte protectrice et rassurante. D’une voix douce, il commença à parler :

- J’ai pensé t’attendre, Petit Prince… Je ne vivais que pour le jour où l’on se retrouverait enfin… Mais, plus le temps passait plus je me disais que si nous en étions arrivé là, c’était par ma faute, que tu avais suffisamment souffert à cause de moi… Je voulais que tu puisses avoir une vie normale pour un enfant de ton âge, que tu sois heureux…

- Comment peux-tu dire cela ? Demandais-je indigné en m’arrachant à l’étreinte de Kay. Je n’ai jamais été aussi heureux que lorsque tu étais près de moi… Tu étais mon seul ami, Kay… Le seul à avoir prit soin de moi et à m’avoir apporté l’amour que tout le monde me refusait…

- Arrêtes de m’idéaliser, Gabriel ! S’exclama-t-il à son tour en me faisant sursauter. Aurais-tu oublié ce qu’ils t’ont fait subir ? Trois jours… Trois putain de jours ils t’ont laissé enfermer dans cette cave…

- Comment veux-tu que je l’oubli ? M’emportais-je, blessé. J’en fais constamment des cauchemars… Tu ignores tout de l’enfer que j’ai vécu après ton départ, ajoutais-je dans un murmure.

- Tu n’avais pas à subir les conséquences de mes actes, reprit-il, lui aussi, plus calmement.

- J’étais tout aussi coupable que toi, répondis-je en m’empourprant violemment en faisant allusion au fait que je ne l’avais pas repoussé lorsqu’il m’avait embrassé et au baiser que le lui avait même délibérément rendu.

- Pardonne-moi, souffla alors Kay.

Etonné, je relevais la tête vers lui et pus voir qu’il souriait, non sans une certaine mélancolie, pourtant.

- A peine nous nous retrouvons que déjà nous nous crions dessus, ajouta-t-il sans se départir de son sourire.

- Comme au bon vieux temps, répondis-je, en souriant également, toute ma rancœur et ma colère s’étant subitement volatilisées, alors que des souvenirs de nos disputes me revenaient en mémoire.

Le pire dans tout cela, c’était qu’à chaque fois, cela partait de raisons plus puériles les unes que les autres, comme savoir qui était arrivé le premier à la course alors que la plupart du temps nous étions ex aequo, qui avait finit le dernier bout de pain à la cantine ou encore l’équitabilité lorsqu’il était question de partage. Mais comme maintenant, nous finissions toujours par nous réconcilier en sourires timides alors que nous réalisions l’absurdité de notre emportement.

Sans se départir de mon sourire, j’observais attentivement Kay. Les yeux dans le vague, perdu dans ses pensées, il semblait lui aussi se souvenir de tous nos bons moment passés ensemble au vue du petit sourire qui étirait ses lèvres.

- Mais ça ne répond pas à ma question, repris-je après un instant de silence.

Si le regard de mon vis à vis se teinta d’incompréhension, celle-ci se dissipa bien vite lorsqu’il comprit le sens de ma phrase. Son sourire s’élargit d’avantage lorsqu’il répondit :

- Je t’ai vu par hasard à la télévision… Je ne savais pas que tu aimais les chevaux, ajouta-t-il face à mon étonnement.

Comprenant qu’il faisait allusion au concours auquel j’avais participé, je baissais les yeux en rougissant alors que nous arrivions au box d’Orphée. Inconsciemment, par pur réflex, je m’arrêtais et Kay fit de même.

- Alors c’est lui le fameux Orphée ? Demanda-t-il en tendant la main pour le caresser.

Je ne répondis rien, me contentant d’hocher simplement la tête en guise d’acquiescement tandis que Kay faisait connaissance avec ma monture, lui flattant doucement l’encolure alors qu’Orphée le reniflait bruyamment. Après un temps qui parut durer une éternité, Kay me fit de nouveau face, et retrouvant son sérieux, il déclara :

- Tout à l’heure, tu disais que ce n’était pas à l’orphelinat qu’ils t’avaient nommé ainsi…

Il ne termina pas sa phrase, mais je savais pertinemment le sens de sa demande implicite. D’une petite voix, j’entrepris de lui expliquer :

- Tu sais mieux que quiconque la manière dont ils m’appelaient là bas, me hélant ou m’appelant d’une façon dont je n’oserais même pas appeler mon chien… Ca à empiré après que tu sois parti et pas seulement de la part des adultes… Lorsque je suis arrivé ici, naturellement, Philippe m’a demandé mon prénom. Evidement, je suis resté muet, n’en ayant jamais reçu ou si c’est le cas, ne l’ayant jamais entendu… Je te laisse imaginer l’humiliation que j’ai pu ressentir à ce moment… Mais Philippe est vraiment quelqu’un d’extraordinaire… Après m’avoir longuement détaillé, il a décrété qu’il m’appellerait Gabriel parce qu’il trouvait, je cite, “que je ressemblais à un ange avec mes longs cheveux blond platine et mes yeux bleus”…

Je fis une pause, un sourire tendre étirant mes lèvres à ce souvenir avant de reprendre :

- Sans même me connaître, il m’a tout donné… Il m’a offert un nom, ainsi qu’un endroit ou vivre et un travail, le tout en moins d’une heure… Je ne le remercierais jamais assez pour tout ce qu’il à fait pour moi… Je lui dois ce que je suis…

- Tu as l’air de beaucoup tenir à lui, fit remarquer Kay. Et vue la façon dont il parle de toi, c’est réciproque…

- C’est vrai que je tien à lui, c’est l’un des êtres le plus cher à mon coeur… D’une certaine manière, lui expliquais-je, je vois en lui l’image paternelle que je n’ai jamais eu…

- Oui, je comprends, murmura Kay.

Un nouveau silence s’installa entre nous et après un temps, je demandais :

- Tu veux boire ou manger quelque chose ?

- Je veux bien un verre d’eau, s’il te plait, Gabriel, répondit-il en insistant sur mon prénom, comme si cela lui faisait bizarre de m’appeler ainsi et qu’il se familiarisait avec mon prénom.

Je lui adressais un sourire et alors que je me détournais pour quitter l’écurie après une dernière caresse à Orphée, je sursautais violemment à la vue de Juha. Dans le box de Royale for You, il me regardait d’un air indéchiffrable et au regard qu’il me lança, je sus qu’il avait été témoin de ma conversation avec Kay. Honteux de ce qu’il venait d’apprendre sur moi à mon insu, n’ayant jamais trouvé le courage de lui révéler cette façade de mon passé, je détournais le regard, ne supportant pas celui qu’il m’adressait et passais devant lui les yeux rivés sur le sol, suivit de près par Kay. Alors que nous quittions l’écurie et prenions la direction de l’appendice de la maison où était située ma chambre avant que je n’emménage avec Juha, Kay prit la parole :

- Tu le connais depuis longtemps ?

- Seulement depuis quelques mois, répondis-je mal à l’aise face au sujet abordé, n’aimant pas étaler ma vie privée et encore moins en ce moment. Mais nous sommes en… Couple depuis peu, avouais-je.

- Oh, se contenta-t-il de répondre. Et la raison de votre différent ?

- Disons simplement que nous n’avons pas la même conception des mots “couple” et “confiance”, répondis-je, réticent à dévoiler ma vie privée même à Kay, ne voulant pas qu’il s’aperçoive à quel point j’étais misérable et pathétique.

Nous arrivâmes dans la chambre et j’invitais Kay à s’asseoir sur le lit tandis que j’allais lui chercher un verre d’eau. Je lui tendis avant de prendre place à ses côtés, les poings serrés sur les genoux.

- Je comprend que tu sois tombé sous son charme, c’est un bel homme bien qu’il ait l’air d’avoir un sacré caractère…

J’esquissais un faible sourire à cette remarque. Il ne pouvait pas savoir à quel point il était proche de la vérité… Juha avait vraiment un caractère lunatique, pouvant être adorable un instant et exécrable la seconde suivante. Et pour parler crument, un caractère de merde était le mot le plus approprié qui me venait à l’esprit.

Après une courte pause, il reprit, sur un ton beaucoup plus grave :

- Je suis tellement fier de toi, Petit Prince…Tu es devenu un homme extraordinaire… J’ai laissé derrière moi un enfant à l’aube de sa vie et je retrouve un magnifique jeune homme, ajouta-t-il en passant une main dans mes cheveux détachés. Tu es resté tel que dans mes souvenirs. Et je dois t’avouer que je suis un peu jaloux…

Je tiquais à ces mots et relevais subitement les yeux vers Kay, attendant une explication qui ne tarda pas à arriver :

- Je ne m’attendais pas à te voir en couple, mais d’un autre côté, beau comme tu es devenu, le contraire m’aurait étonné… En tout cas, je suis heureux pour toi, vraiment, et j’espère sincèrement que cela s’arrangera entre vous…

Profondément touché par les paroles de Kay, je m’effondrais en sanglot dans ses bras. S’il parut surpris de ce brusque changement de comportement, il n’en laissa rien paraître et m’accueilli à bras ouvert, me consolant tendrement comme lorsque nous étions enfants. J’étais tellement bien au creux de ses bras, réconforté par sa chaleur et sa présence, alors qu’il m’offrait l’amour et la tendresse qui me faisait tant défaut depuis quelques jours. Respectant ma tristesse, Kay ne me demanda aucune explication sur cette soudaine crise de larme, se contentant de me serrer dans ses bras.

- Pleure… Pleure autant que tu veux, murmura-t-il. Je suis là… Je ne te laisserais plus Gabriel, plus jamais… Je t’aime…

Noyé dans mes sanglots, j’entendis vaguement Kay murmurer à mon oreille, mais trop prit par la douleur que je ressentais au plus profond de moi, je ne compris pas le sens de ses mots, me laissant bercer par sa voix grave et apaisante. Je restais bien une vingtaine de minutes à pleurer toutes les larmes de mon corps appréciant le sentiment de réconfort à sentir Kay si près de moi. J’avais vraiment l’impression d’être revenu dix ans en arrière alors que nous étions encore enfants et qu’il me consolait après que je me sois fait réprimander par le père Colman ou les sœurs qui s’occupaient de nous. Quand mes larmes s’asséchèrent, je restais encore quelques minutes dans les bras de Kay avant de me reculer et murmurer un faible “pardon”, honteux. Il me rassura d’un sourire mais je pus déceler dans ses yeux un éclair fugace de tristesse. Un sentiment de honte s’empara de moi, j’avais honte de ne parvenir à maitriser mes émotions en présence de mon ami d’enfance et n’osais imaginer ce qu’il devait penser de moi.

Séchant mes larmes du revers de la main, j’allais me passer  rapidement le visage sous l’eau froide et lorsque je revins, j’adressais un large sourire à Kay qui me demanda :

- Alors, tu me montres comment tu montes à cheval ?

Mon sourire s’élargit et enfilant ma polaire sans manche, je suivis Kay qui quitta la pièce. Prenant la direction de la sellerie, j’engageais la conversation sur Kay, n’ayant parlé que de mon depuis son arrivée :

- Parle-moi un peu de toi…

- Que veux-tu savoir ? Demanda-t-il, amusé.

- Tout… Répondis-je en attrapant ma selle et mon filet. Je veux tout savoir… Ce que tu as fait ces dix dernières années, ton métier, où tu vis…

- Une question à la fois, répondit-il en riant. Commençons par le début… Lorsqu’ils t’ont emmené le jour de mon départ, une voiture est passée me chercher. Comme j’étais mineur, ils n’avaient pas l’autorisation de me laisser dans la nature, bien qu’à mon avis ce n’était pas l’envie qui leur manquait. Alors le vieux Colman m’a fait transférer dans un autre établissement loin de celui où tu étais. J’y suis resté pendant deux ans puis j’ai finis par fuguer un mois avant ma majorité. Là, j’ai traîné dans les environs et amassé des petits boulots payés au black. Je me faisais loger chez les paysans qui m’employaient. J’ai vécu comme ça pendant près de six mois. Je voulais t’attendre, j’étais prêt à vivre ainsi le temps qu’il fallait pour pouvoir enfin être de nouveau avec toi. Puis, un jour, j’ai rencontré un vieil homme un peu fou qui m’a enseigné son don. Il était ostéopathe. J’ai vu là une opportunité alors je l’ai suivis. J’avais dans l’idée de gagner assez d’argent pour pouvoir  vivre avec toi quand tu quitterais l’orphelinat. Cela a prit plus de temps que je ne croyais et lorsque je suis allé voir Colman pour lui demander où tu étais, il n’en avait aucune idée. Personne ne savait ce que tu étais devenu… Je t’ai cherché partout mais sans parvenir à te trouver… Alors j’ai prit un appartement et j’ai ouvert mon cabinet. Mais je ne t’avais toujours pas oublié. J’étais même prêt à faire appel à un détective privé. Et puis je t’ai vu à la télévision, tout à fait par hasard…. Je t’ai immédiatement reconnu. Après cet épisode, je suis allé me renseigner auprès des organisateurs du concours pour avoir des informations sur toi. C’est ainsi que je t’ai retrouvé…

Après ces révélations, il se tu avant de reprendre légèrement hésitant :

- J’ai longtemps hésité avant de me présenter à toi… J’avais peur que tu m’ai oublié et de la réaction que tu aurais en me voyant réapparaître dans ta vie après dix ans…

- Imbécile, soufflais-je en lâchant ma brosse pour le prendre dans mes bras. Comment veux-tu que je t’oublie ?

Dans ma poitrine, mon coeur battait à tout rompre. Alors comme ça, Kay ne m’avait pas oublié et avait même caressé le rêve que l’on vive ensemble à ma majorité ? Cela signifiait-il qu’il éprouvait des sentiments pour moi ? Pourquoi la vie était-elle aussi cruelle ? Pourquoi nous avait-elle séparé alors que l’on aurait pu vivre heureux ensemble depuis le début pour nous faire nous retrouver dix ans plus tard alors que j’aimais Juha… Car au fond de moi, j’aimais toujours Kay, c’était indéniable et rien ne changera cela, mais maintenant, il y avait Juha que j’aimais sincèrement aussi…

Des larmes de colère et de frustration contenue roulèrent silencieusement sur mes joues alors que je serrais Kay toujours plus fort contre moi. Nous restâmes un long moment ainsi enlacés, tentant par cela d’apaiser les blessures de nos coeurs, car même s’il ne le montrait pas, je savais que Kay souffrait. Je le voyais dans ses yeux… Nous nous séparâmes lorsque la cloche annonça l’heure du déjeuner et séchant mes larmes, je refermais le box d’Orphée avant de guider Kay jusqu’au réfectoire. Là, je l’invitais à prendre place à la table que j’avais l’habitude de prendre et nous commençâmes à manger en silence. Inconsciemment, je guettais l’arrivée de Juha et lorsque je le vis, d’un regard, je l’invitais à venir nous rejoindre. Il me toisa de toute sa supériorité et après quelques secondes durant lesquelles je cessais de respirer, le coeur douloureux, je le vis se détourner pour aller s’installer seul à une table, bientôt rejoint par Dorian.

Perdant l’appétit face à ce spectacle, je repoussais mon assiette, dégoûté, ne comprenant pas le comportement de Juha. Ne souhaitant pas qu’il voit à quel point j’avais mal et me sentais blessé, je reportais mon attention sur la fenêtre, le menton callé dans ma main gauche, sous le regard intrigué de Kay. Les yeux humides de larmes, je me faisais violence pour ne pas me mettre à hurler d’indignation et de colère. Comment osait-il seulement s’afficher avec lui en face de moi sans la moindre honte ? N’étais-je qu’un jouet pour lui ? Allait-il me jeter comme il l’avait fait avec Dorian, maintenant qu’il m’avait eu dans son lit ?

Ne supportant plus de l’entendre rire avec Dorian comme s’ils étaient les meilleurs amis du monde, je quittais précipitamment le réfectoire, restant sourd aux appels désespérés de Kay. Instinctivement, mes pas me conduirent auprès du seul ami qui me trahirait jamais et je m’enfermais dans le box d’Orphée avant de me laisser glisser contre la paroi en bois.

Mes yeux inondés de larmes me piquaient affreusement, mais ce n’était rien à comparer de la douleur qui me poignardait le coeur. Ruminant mes sombres pensées, je n’entendis pas Kay entrer à son tour dans le box et ne me rendis compte de sa présence que lorsque ses bras puissants m’enlacèrent jalousement en une étreinte possessive.

Pendant un temps qui me parut interminable, je me libérais momentanément du poids de la douleur qui étreignait mon coeur. Quand mes pleurs cessèrent, Kay inspira longuement avant de me demander sur un ton qui n’acceptait aucun refus :

- Et si tu me racontais ce qui ne va pas ? Tu ne crois pas que cela te soulagerais un peu ? Je ne te crois pas quand tu dis que ce n’est rien, Gabriel, ne me prend pas pour plus stupide que j’en ai l’air. Ce n’est pas possible que tu te mettes dans un tel état pour une simple querelle de couple. Je pense que c’est beaucoup plus grave et profond que cela…

- Je… D’accord, cédais-je, soupirant de lassitude. Mais pas ici…

Sans un mot supplémentaire, je me levais et passais le licol à Orphée avant de quitter l’écurie. Je ne me sentais pas en état de monter à cheval, trop bouleversé moralement par les récents incidents, mais j’avais besoin de souffler et changer d’air. Malgré le froid de ce mois de janvier, je pris la direction des bois.

Lorsque nous fûmes suffisamment éloignés du ranch, seuls au milieu de la nature sauvage, je ralentis l’allure pour aller m’asseoir au pied d’un arbre à la lisière d’une petite prairie, laissant ma monture brouter les quelques brins d’herbe qu’il trouvait. Kay prit place à mes côtés dans un silence le plus total et attendit patiemment que je daigne prendre la parole. J’hésitais longuement, ne sachant par ou commencer avant de finalement me lancer :

- Que veux-tu savoir ? Demandais-je d’une voix monotone trahissant toute ma lassitude. Le fait que j’aime un homme qui jamais ne me le rendra, trop obnubilé par la mémoire d’un mort ? Qu’il soit resté sans la moindre réaction lorsque je lui ai avoué mon amour pour lui ? Ou encore que je me sens minable et pathétique ?

- Qu’est-ce que… Commença Kay. Il est resté sans réaction ? S’indigna-t-il face à mon aveu.

- Je… Ne le blâme pas, répondis-je, prenant malgré moi, la défense de Juha. C’est… C’est de ma faute, je n’aurais pas dû le lui dire… Il avait eu une journée éprouvante moralement et je… Je n’ai rien trouvé de mieux à faire que de lui avouer mes sentiments pour lui. Je pensais bien faire, me justifiais-je, me sentant le besoin de le faire. Je voulais qu’il sorte de l’état léthargique dans lequel il était plongé depuis quelques jours. Je… Je pensais que lui avouer mon amour lui ferait comprendre à quel point j’aimerais le voir regarder vers l’avenir, pour lui faire comprendre qu’il n’est plus seul…

- Je comprends mieux, souffla Kay pour lui-même. Peut être ne l’a-t-il pas comprit de cette manière, mais quoi qu’il en soit, je trouve son comportement inadmissible. Comment a-t-il osé te faire subir cela à toi ? Mon petit Prince… Murmura-t-il en me prenant dans ses bras.

Callant ma tête contre son torse, une main agrippant fermement son bras, je me laissais aller à cette douce étreinte, me sentant protégé et en sécurité entre ses bras. Pendant un instant, j’eu l’impression que Kay pleurait, mais je chassais immédiatement cette idée de mon esprit. Kay n’était pas le genre d’homme à se laisser aller à ses émotions. Nous finîmes par prendre le chemin du retour lorsqu’il commença à faire nuit et que le froid nous engourdissait les membres. Je rentrais Orphée au box, sans même un regard pour Juha qui distribuait le foin aux pensionnaires et lui offrit un bon pansage sans m’attarder pourtant. Puis, réalisant subitement un détail qui ne m’avait pas effleuré l’esprit jusqu’à maintenant, je me tournais vers Kay et lui demandais :

- Tu as quelque par où dormir ?

- Je prendrais une chambre d’hôtel près d’ici, répondit-il en me rassurant d’un sourire.

- Ca va pas non ! M’exclamais-je. Viens à la maison. C’est pas grand mais ce sera sûrement mieux que l’hôtel. Et puis c’est hors de question que tu payes la peau du cul une chambre d’hôtel miteuse.

Visiblement gêné, il regarda furtivement derrière moi avant de répondre :

- Je ne voudrais pas causer de problème entre vous…

- Il n’y a aucune problème, répondis-je peu être un peu trop hâtivement pour être crédible.

Evitant le regard de Juha, je repris plus calmement après un temps :

- Je vais voir Philippe, j’ai deux trois choses à régler avec lui, je reviens vite…

- D’accord, je t’attends…

J’adressais à Kay un sourire de remerciement et allais retrouver Philippe dans son bureau. Alors que je m’apprêtais à entrer, j’entendis la voix de Marion s’élever derrière la porte. Mon réflexe premier fut de faire demi-tour, mais je me ravisais. Après tout, je ne lui devais rien…

Je frappais quelques coups à la porte et attendis qu’il m’invita à enter. Ce faisant, je n’adressais qu’un furtif coup d’oeil à Marion et après avoir salué Philippe, je lui demandais :

- Puis-je te parler… En privé ?

- Bien sûr mon garçon, s’empressa-t-il de répondre avec un sourire chaleureux. Nous reprendrons cette conversation plus tard, ajouta-t-il à l’intention de sa fille. Mais sache que sur le principe je suis contre, c’est un centre équestre, pas le club Med !

- Bien, se contenta-t-elle de répondre avant de sortir en claquant la porte.

- Quelle enfant pourrie gâtée, soupira Philippe en se massant les tempes. Cela ne fait aucun doute qu’elle ait été élevée par sa mère… Alors, qu’est-ce qui t’amènes ? Cela se passe-t-il bien avec ton ami ?

- Oui, répondis-je en souriant. Cela se passe à merveilles, je te remercie.

Malgré tout, Philippe sembla sentir que si la forme y était, ce n’était certainement pas le cas du reste, car subitement soucieux, il demanda :

- Il y a un problème ?

- Pas vraiment, répondis-je en éludant la question. Ce soir Kay dormira à l’appartement, mais je… Enfin j’aurais aimé savoir si c’était possible qu’il puisse dormir dans ma chambre les jours suivants…

- Je n’y vois pas d’inconvénients, assura-t-il avec un large sourire.

- Merci, soufflais-je en lui adressant dans lequel il pouvait lire toute la gratitude et la reconnaissance que j’éprouvais pour lui.

Après un court silence durant lequel je pus voir Philippe hésiter, il prit la parole :

- Qu’est-ce qui ne va pas avec Juha ? C’est à peine si vous vous adressez la parole depuis quelques jours…

- Ce n’est rien, le rassurais-je, juste un petit différent. Ca va bien finir par s’arranger, ajoutais-je alors que je tentais de me convaincre moi-même.

- Tu es certain ? Insista-t-il visiblement inquiet. Tu n’hésites pas à venir me voir si vraiment ça va pas d’accord ?

- Je te promets,… Merci Philippe, soufflais-je ému.

- Viens là, sourit-il en me tendant les bras entre lesquels j’allais me réfugier sans me faire prier.

J’aimais la sensation de réconfort que je ressentais à me savoir ainsi entouré de son aura protectrice et paternelle qu’il avait envers moi. A l’instant où il m’avait vu, il m’avait pris sous son aile et continuait de m’apporter son  aide et son amour encore aujourd’hui. Il était toujours là lorsque j’avais besoin de lui. il était en quelques sorte mon ange gardien…

- Merci Philippe…

Nous nous séparâmes et je souhaitais une bonne soirée à Philippe. Alors que je m’apprêtais à fermer la porte derrière moi, je me stoppais, réalisant que j’oubliais quelque chose :

- Oh et tu me diras combien je te dois pour la chambre !

- Non mais ça va pas non ?! S’exclama-t-il, choqué. Je ne t’ai jamais fait payer quoi que ce soit, ce n’est pas aujourd’hui que ça va commencer !

- Merci Philippe, répétais-je. Merci pour tout… du fond du coeur, soufflais-je avant de partir pour de bon sur un ultime sourire de sa part.

Entrant dans l’écurie, je trouvais Kay en train de caresser Orphée d’une main et Niladhevan de l’autre. Je souris amusé à cette vision et balayant le bâtiment du regard, je ne trouvais aucune trace de Juha. Je m’approchais alors de Kay qui me sourit en me voyant arriver :

- Tu as pu voir ce que tu voulais ?

- Oui, tout est réglé, répondis-je. Désolé de t’avoir fait attendre…

- Ce n’est rien, ne t’inquiète pas. Je conçois tout à fait que tu ais des choses à faire…

- Où… Où est Juha ? Demandais-je après un court silence.

- Il est partit par là il y a une dizaine de minutes, répondit-il en pointant le bout de l’écurie du doigt.

- Merci… Je reviens, déclarais-je avec un petit sourire contrit avant de partir à la recherche de Juha.

Suivant les indications de Kay, je trouvais Juha seul dans la sellerie en train de graisser une selle. Stressant à l’idée de m’entretenir avec lui, je m’approchais hésitant puis prenant mon courage à deux mains, je commençais à parler :

- Je… Nous n’allons pas tarder à rentrer… Tu viens ?

- Je suis occupé tu ne vois pas ? Répondit-il sèchement sans le moindre regard pour moi. J’ai du travail, alors rentre avec ton Kay, je rentrerais à pieds avec Shanenja lorsque j’aurais terminé.

Je serais les poings dans le but de contenir ma colère et murmurais un “vas te faire foutre” rageux. Avant de rejoindre Kay. Revenant vers lui, je lançais :

- On s’en va !

- Tu n’attends pas ton ami ? Demanda-t-il visiblement surpris.

- Qu’il se démerde ! Répondis-je simplement, contenant mal la fureur qui m’habitait.

D’un accord commun, je laissais la voiture de Philippe au centre et nous prîmes celle de Kay. Je restais silencieux tout le temps que dura le trajet, ne parlant que pour lui indiquer la route à suivre. Si Kay s’interrogeait sur mon mutisme soudain, il eut le tact de ne me demander aucune explication et je lui en étais grandement reconnaissant, ayant honte de lui avouer que je venais de me faire jeter une nouvelle fois. Kay gara la voiture sur le petit parking en face de l’appartement et me suivi alors que je le précédais jusqu’à chez nous. Lorsqu’il entra, il observa attentivement autour de lui, intrigué, alors que j’ôtais ma veste et récupérais la sienne. Je lui fis rapidement visiter les quatre pièces de notre petit logement et lui proposais à boire ou à manger. Il refusa poliment et je poursuivis :

- Si tu veux prendre ta douche, je peux te prêter ce dont tu as besoin…

- Je te remercie, répondit-il avec un sourire.

Je me rendis alors à la salle de bain et lui sortais ce dont il avait besoin et avant de le laisser, je lui indiquais que je déposais sur le lit, un tas de vêtement propres pour lui. D’une carrure un peu plus imposante que la mienne, je lui prêtais une chemise à Juha en espérant qu’il ne m’en tiendrait pas rigueur.

Après quoi, je retournais à la cuisine et entrepris de préparer le repas du soir. Seul, je me laissais enfin à repenser au comportement odieux que Juha avait eut avec moi un peu plus tôt. Pourquoi devait-il être si froid avec moi ? Ne voyait-il pas les efforts que je faisais pour tenter d’arranger les choses ? Pourquoi n’en faisait-il pas de son côté ? Etait-ce sa façon de me dire qu’il ne voulait plus de moi ? Toutes ces belles paroles n’étaient-elles destinées qu’à m’attirer à lui et me mettre dans son lit ? Malgré la douleur que je  ressentis à cette supposition, je ne pus m’empêcher d’y penser. Si c’était le cas, maintenant qu’il m’avait eu, qu’attendait-il pour me jeter au lieu de me laisser là, à attendre quelque chose de lui ?

Pas du tout concentré à ce que je faisais, je sursautais violemment avant de laisser tomber le couteau que je tenais après m’être profondément entaillé la main. Perdu dans mes sombres pensées, je n’avais pas entendu Kay arrivé et sursautais en entendant sa voix s’élever dans mon dos :

- Laisse, je vais le faire… Va te doucher, ça te détendra…

Je restais un instant sans réaction, contemplant ma main ensanglantée alors que je me sentais de moins en moins bien, ne supportant pas la vue du sang. Face à mon absence de réaction, Kay me força à me retourner et posant délicatement sa main sur ma joue dans le but de me faire lever les yeux vers lui, il demanda d’une voix qui ne cachait rien de son inquiétude :

- Tu es sûr que ça va ? Je te trouve bien pâle…

A ses mots, je baissais automatiquement les yeux sur ma main blessée et Kay suivit le mouvement.

- Il faut soigner ça… Viens !

M’attrapant pas le bras, il me traîna jusqu’à la salle de bain alors que dans un état second, je me laissais faire sans protester. Me faisant m’asseoir sur le rebord de la baignoire, il chercha la boite à pharmacie. Je n’eu pas la moindre réaction lorsqu’il désinfecta méticuleusement la plaie et la banda avec soin.

- Maintenant, déclara-t-il lorsqu’il eut fini, je veux que tu te détendes. Tu es tout contracté, pas étonnant que tu te sois blessé. Alors tu vas me faire plaisir et prendre une bonne douche de façon à te relaxer, d’accord ?

J’hochais simplement la tête pour lui faire savoir que j’avais compris et après avoir déposé un baiser sur ma tempe, il me laissa seul. Obéissant instinctivement à l’ordre de l’homme que je considérais comme mon deuxième ange gardien, je fermais la porte à clé et me déshabillais lentement. J’entrais dans la cabine de douche et réglais la température au maximum de sa chaleur avant de me glisser sous l’eau, tentant de maîtriser la tempête tumultueuse que mes sentiments déclenchaient en moi. Mais lorsque pour la énième fois, je me remémorais mon entretien avec Juha, je finis par craquer et ma douleur explosa en de bruyant sanglots, les ayant retenu toute la journée.

Abattu, je me laissais glisser contre la paroi glacée de la cabine qui contrastait avec la chaleur environnante. Je m’en voulais de faire subir cela à Kay et je n’osais imaginer ce qu’il devait ressentir à être ainsi spectateur de ma détresse. Et dire que tout cela avait commencé à cause d’une simple phrase prononcée… Si j’avais su où cela nous mènerait, jamais je n’aurais prononcé ces trois mots maudits. Pourquoi devais-je en souffrir alors que je les prononçais pour la première fois de ma vie ? L’hypothèse que j’avais émise toute à l’heure me reviens en mémoire, faisant redoubler la violence de mes sanglots. Malgré ma douleur, je tentais de les refouler mais en vain. Tout ce que j’espérais c’était que le bruit de l’eau couvrirait celui de mes pleurs.

Durant un temps qui me parut interminable, je restais ainsi recroquevillé sur moi-même en une position d’autoprotection. Lorsque toutes les larmes de mon corps se furent asséchées, je consentis à me relever et à me laver. Une fois sortis de la cabine de douche, je me séchais et fis face au miroir qui me renvoyait une image des plus horribles. Les yeux rougis pas les larmes et mes traits tirés ne passaient pas inaperçu et n’aidaient pas à améliorer les choses.

Une serviette nouée sur les hanches, je sortis de la salle de bain après m’avoir négligemment séché les cheveux. Aux voix qui résonnaient dans l’appartement, je sus que Juha était rentré. Mon coeur se serra à cette pensée… Depuis combien de temps était-il arrivé ? Quel genre de soirée allions nous passer ? Une fois changé, je pris sur moi pour afficher un air détendu et allais rejoindre Kay et Juha dans la cuisine. La table avait été mise et sur le plan de travail était posé un gâteau pâtissier. Alors que j’entrais dans la cuisine, Juha et Kay reportèrent leur attention sur moi. Faisant un effort, je me tournais alors vers Juha et demandais :

- Tu… Tu es arrivé il y à longtemps ?

- Près d’une demi-heure, répondit-il en me dévisageant longuement.

Honteux qu’il me voit ainsi je détournais le regard et pris place en bout de table entre Kay et Juha. L’estomac noué, je grignotais plus que je ne mangeais. Un silence monastique régnait dans la pièce. Je ne savais pas ce qu’il s’était passé ou dit entre eux, mais je n’étais pas insensible à la tension qui émanait de chacun. Et intérieurement, cela me fit mal de voir les deux hommes que j’aimais d’un amour différent mais tout aussi intense et sincère s’ignorer et se jalouser ainsi. Je me retrouvais au milieu d’eux, incapable d’en préférer un à l’autre, avec la désagréable impression d’être un prix qui reviendrait au vainqueur du duel…

Plusieurs minutes s’écoulèrent ainsi dans un silence limite angoissant avant que Juha finisse par prendre la parole, à mon plus grand étonnement :

- Sinon, tu fais quoi dans la vie ?

S’il parut surprit par le soudain intérêt que lui portait Juha, Kay n’en laissa rien paraître et répondit d’un ton détaché après un regard dans ma direction :

- Je suis ostéopathe, et peintre amateur à mes heures perdues.

- Peintre ? Répétais-je surpris, ne lui connaissant pas cette passion. Aurais-tu une quelconque notion de ce que le mot “art” signifie ? Demandais-je en me moquant gentiment de lui. Car si mes souvenirs sont bons, on ne peut pas vraiment dire que tu étais un fervent admirateur des tableaux accrochés aux murs de l’église… Ajoutais-je, me rappelant l’horreur de Kay pour les scènes bibliques représentées sur les toiles.

Un sourire narquois étirait mes lèvres, sourire qui disparut bien vite alors que Kay rétorquait :

- Et qu’est devenu ton don pour le théâtre ?

J’ouvris de grands yeux à cette question et voyant très bien où il voulait en venir, je tentais pourtant de nier :

- Je… Je ne vois pas du tout de quoi tu parles…

- Vraiment ? Dans ce cas, laisse-moi te rafraichir la mémoire, répondit-il avec un sourire victorieux, visiblement fier de lui.

- C’est gentil, mais ça n’en vaut vraiment pas la peine, insistais-je, honteux.

- Attend, que je me souvienne… C’était quel tableau déjà ?

- C’est celui du banquet, répondis-je à contrecoeur sans oser relever les yeux de mon assiette encore pleine.

- Ah oui ! « Eh, Judas, z’y va pass’moi l’sel ? » Commença Kay en imitant l’accent des jeunes de banlieue.

- Kay… Gémis-je, le suppliant de se taire.

Compatissant, il se contenta d’ajouter entre deux éclats de rire :

- Je me souviendrais toujours de la tête du père Colman quand il t’a entendu… C’était à mourir de rire…

- Et moi, rétorquais-je boudeur, mon poignet se souvient encore du passage de la Bible que j’ai du recopier cent fois en guise de punition…

Les éclats de rire de Kay redoublèrent d’intensité et levant les yeux, amusé malgré moi, je fus surpris de voir Juha sourire, visiblement amusé lui aussi.

- Et si au lieu de vanter mes prouesses on parlait des tiennes ! Déclarais-je en râlant. Parce qu’il n’y a pas à dire, mais tu restes quand même le moins bien placé pour te permettre de la ramener…

- Moi ? S’exclama-t-il faussement indigné.

- Oui toi, confirmais-je avec un regard accusateur.

Kay émit un petit rire satisfait avant de déclarer, une lueur de malice et de provocation brillant dans les yeux :

- Mais je ne faisais que répondre à tes provocations…

- Ah ouais ? Répondis-je plus que sceptique. Et si on reparlait du jour où t’as explosé le vitrail de l’église…

- Peut-être, rétorqua-t-il instantanément, mais en attendant, celui qui a pousser Colman dans le ruisseau c’est pas moi !

Je restais muet de stupeur face à cette accusation déloyale, Kay m’ayant forcé de le faire après que j’eu perdu un pari que nous avions fait. Retrouvant mon sens de la répartie, je répliquais :

- Non, toi tu es celui qui à éventrer les balles de foin du paysan en faisant du toboggan dedans…

Un sourire victorieux étirant ses lèvres, Kay déclara :

- Si je me souviens bien, tu ne t’es pas privé pour sauter dedans la tête la première…

Je ne répondis rien à cela, sachant pertinemment que, comme lorsque nous étions plus jeunes, je n’aurais jamais le dernier mot avec lui. Dans un geste purement puéril, je lui tirais la langue avant d’esquisser un sourire qu’il me rendit. Notre joute verbale n’était que pure taquinerie, les mêmes que dix ans auparavant, le naturel revenant au galop. Nous finîmes par éclater de rire aux souvenirs évoqués et à tous les autres qui nous revenaient en mémoire.

Je me doutais bien que Juha devait se sentir un peu délaissé, mais égoïstement j’avais besoin de rire avec Kay. J’avais besoin de décompresser après la journée éprouvante émotionnellement que je venais de vivre et rire avec mon ami d’enfance était pour moi, la meilleure des choses. Juha finit par se lever et déposa le gâteau sur la table. Il servit Kay et alors que venais mon tour, je commençais par refuser, l’estomac toujours noué, mais face au regard empli de reproches de Kay, je finis par accepter.

Après quoi, je servis un café à Kay avant de passer au salon. Il prit place à côté de Juha dans le canapé alors que déplaçant le fauteuil, je m’installais face à eux. Pendant un long moment, nous nous racontâmes nos souvenirs communs, riant aux éclats en se remémorant les moments inoubliables de notre enfance, évitant pourtant soigneusement d’aborder un sujet qui nous mettait tout deux mal à l’aise, surtout en présence de Juha. De son côté, Juha avait l’air de s’ennuyer ferme, tant et si bien qu’il ne tarda pas à aller se coucher. Malgré moi je me sentais un peu coupable de se départ précipité.

Quand Juha fut parti, j’allais m’installer auprès de Kay, n’arrivant toujours pas à me faire à l’idée qu’il était bel et bien là, craignant de le voir disparaître à tout moment. Durant de longues heures encore, nous discutâmes de tout et de rien, échangeant nos passions et nos centres d’intérêt, partageant nos espoirs et nos rêves. Nous nous dévoilions l’un à l’autre sans aucun secret, réapprenant à nous connaître après cette trop longue séparation…

Plongés dans notre conversation, Kay ayant passé son bras autour de mon épaule en un geste amical, ce ne fut que sur les coups de quatre heures du matin, les yeux brillants de larmes de fatigue que je daignais enfin aller me coucher. Alors que Kay dépliait le canapé, j’allais chercher des draps propres et une couverture dans la chambre. Sans bruit, afin de ne pas réveiller Juha, je me dirigeais à tâtons vers ma table de chevet et allumais la lumière. Par habitude, je lançais un bref coup d’oeil à Juha et la vision qu’il m’offrit me serra le coeur.

Replié sur lui-même, il était terré contre le bord du lit à l’endroit le plus reculé de là où je dormais. Blessé, je reportais mon attention sur ce que j’étais venu faire et rejoignis Kay. Il dut s’apercevoir de ma petite mine car inquiet, il me demanda si j’allais bien. Je le rassurais d’un sourire et l’aida à préparer son lit de fortune. Lorsque celui-ci fut prêt, nous nous souhaitâmes une bonne nuit. C’est non sans rougir que je vis Kay s’avancer lentement vers moi et poser délicatement sa main sur ma joue gauche avant de m’embrasser tendrement sur l’autre, me murmurant un “bonne nuit, Petit Prince” au creux de l’oreille. L’instant de surprise passé, je me penchais à mon tour vers lui et déposais mes lèvres sur sa joue mal rasée avant de lui souhaiter une bonne fin de nuit et de regagner ma chambre. Alors que je parcourais les quelques mètres qui me séparaient de la porte, je pus sentir le regard intense de Kay me piquer la nuque.

Dans la chambre, je me changeais rapidement et me couchais également le plus prêt possible du bord du lit, tournant le dos à Juha pour ne pas souffrir d’avantage de son éloignement et du dégoût que je semblais lui inspirer pour qu’il s’éloigne ainsi de moi. Epuisé, je ne tardais pas à m’endormir d’un sommeil agité et peuplé de souvenirs qui se mêlaient à l’instant présent, me faisant douter de la réalité.

Je me réveillais en sursaut le lendemain matin après un cauchemar plus vrai que nature. Ouvrant les yeux, je tombais nez à nez avec un lit vide. Je soupirais de lassitude en me passant la main sur le visage avant de tourner la tête vers le réveil. Celui-ci affichait  sept heures quarante cinq, l’heure à laquelle je partais habituellement travailler. Je n’avais dormi que quelques heures mais j’avais l’impression que cela faisait bien plus longtemps, malgré mon état de fatigue avancé.

Tendant l’oreille, je tentais de déceler la présence de Juha dans l’appartement, mais face au silence qui me répondit, j’en déduis qu’il devait être sorti. Etait-il allé travailler ? Pourquoi ne m’avait-il pas réveillé ?

Attrapant mon portable posé sur la table de chevet, je composais le numéro personnel de Philippe et l’informais que j’arriverais sûrement en fin de matinée, lui résumant brièvement la situation. Je l’entendis rire à l’autre bout du fil lorsque je lui expliquais que j’étais encore dans mon lit, n’ayant pas entendu le réveil sonner. Visiblement pas contrarié le moins du monde, il m’offrit ma journée, me proposant d’en profiter pour faire découvrir le coin à Kay. Je le remerciais et lui souhaitais une bonne journée avant de raccrocher et de balancer le téléphone à l’autre bout de la pièce. Bâillant à m’en décrocher la mâchoire, je remontais la couverture sur moi en  me couchant sur le côté et entrepris de me rendormir.

Lorsque je me réveillais de nouveau, le soleil était déjà haut dans le ciel. Après m’être longuement étiré, je reportais mon attention sur le réveil qui affichait déjà midi vingt. Je m’étirais une nouvelle fois et me motivant, je sortais du lit. J’enfilais à la hâte un bas de jogging et sans bruit afin de ne pas réveiller Kay, je quittais la chambre. Je réprimais un sursaut à le voir me fixer en souriant, ne m’attendant pas à le voir déjà levé. S’approchant de moi, il m’embrassa tendrement sur la joue avant de déclarer :

- Bonjour toi… Tu as bien dormis ?

- Bonjour, répondis-je affreusement gêné. Oui mais je… Ca fait longtemps que tu es levé ?

- Depuis dix heures, me répondit-il.

- Je… Tu… Tu aurais dû me réveiller, soufflais-je, honteux.

- Pourquoi ? Demanda-t-il visiblement surpris. Tu avais besoin de dormir et puis comme ça, j’ai eu le temps de te préparer un petit déjeuner digne de ce nom. Tu as faim j’espère?

- T’imagine même pas ! Répondis-je en lui offrant un immense sourire.

- Et bien dans ce cas, à table ! S’exclama-t-il en me prenant par la main et en m’entrainant à sa suite.

Nous prîmes place l’un en face de l’autre devant une table plus que garnie et commençâmes à manger en silence. Après un temps, je lui demandais :

- Tu veux faire quelque chose de spéciale aujourd’hui ?

- Ce que tu voudras, répondit-il. Etre avec toi me suffit amplement…

Je lui adressais un petit sourire reconnaissant mais néanmoins gêné avant de répondre :

- Je voudrais aller voir quelque chose en ville, après on fait ce que tu veux !

- Ca me convient, répondit-il en souriant.

Nous terminâmes notre petit déjeuner et après nous être préparés, nous nous rendîmes en ville. Un sourire amusé étira mes lèvres lorsque je vis la surprise se dépeindre sur le visage de Kay alors que j’allais me renseigner pour le futur tatouage qui me faisait envie depuis longtemps déjà.

Alors que nous entrions dans le salon et que j’expliquais succinctement ce que je voulais à Kay, nous fûmes accueilli par une femme d’une quarantaine d’années à peine qui nous reçu poliment.  Je lui montrais le motif que je voulais et l’endroit où je le voulais et nous fixâmes le rendez-vous en fin d’après-midi, celle-ci ayant eu un désistement. C’est fou de joie que je quittais la boutique, entrainant Kay à ma suite et l’emmenant visiter les environs. Pendant plusieurs heures d’affilées, nous nous promenâmes en ville et dans les environs et à ma plus grande honte, je ne pensais pas une seule fois à Juha, oubliant momentanément ma peine et mon angoisse pesante.

C’est vers dix-huit heures trente, comme convenu, que nous franchîmes de nouveau la porte du salon de tatouage. Me faisant l’effet d’une adolescente qui rêve de sa première robe de soirée, c’est le coeur battant et trépignant intérieurement d’impatience que je m’installais sur la table de chirurgien aseptisée alors que Kay s’installait sur une chaise à mes côtés et que Coralie, préparait son matériel.

Pendant près de deux heures, elle réalisa mon tatouage dans une ambiance conviviale. Une fois celui-ci achevé,  j’allais l’admirer dans le miroir qui meublait la pièce. Je restais plusieurs minutes à contempler le dessin qui à présent, ornais mon aine gauche dans la continuité de celui que j’avais déjà. Après m’avoir réexpliqué les soins à apporter que je connaissais déjà, nous retournâmes dans la pièce principale. Alors que je reboutonnais ma chemise, je vis Kay sortir son portefeuille. Ayant peur de comprendre, je lui demandais, un peu trop sèchement peut être :

- Tu me fais quoi là ?

- Je t’offre ton tatouage, répondit Kay, me laissant bouche bée. Prend le comme un cadeau d’anniversaire en retard…

- Mais… Tentais-je de protester.

- Il n’y a pas de “mais”… S’il te plait, Gabriel… Cela me fait plaisir…

D’abord réticent, horriblement gêné, je finis par céder en lui faisant promettre de ne plus jamais faire de telles folies pour moi. Un sourire énigmatique étira ses lèvres et après avoir réglé, nous prîmes congé de Coralie.

- Je ne te savais pas adepte aux tatouages, déclara Kay après un moment alors que nous marchions côte à côte.

- Et pourtant ! Répondis-je en souriant. Cela faisait longtemps que je rêvais de continuer celui que j’avais déjà. Je… Merci Kay… Merci pour tout, soufflais-je en l’embrassant sur la joue.

- Je t’en prie. Je suis heureux de pouvoir te faire plaisir…

Je lui rendis son sourire et après un instant, je repris :

- Et toi ? Cela ne t’a jamais tenté ?

- A vrai dire, je n’y ai jamais vraiment réfléchi… Mais pourquoi pas un jour peu être.

Je ne répondis rien, me contentant de sourire et Kay poursuivit :

- C’est ton seul tatouage ? Ou tu en as d’autres ? Demanda-t-il, intrigué.

- C’est le seul pour le moment, répondis-je.

- Pour le moment ? Répéta Kay en levant un sourcil d’étonnement.

- Oui, je compte m’en faire faire un autre d’ici l’année prochaine…

- C’est à dire ?

- Un bracelet indien  avec deux plumes qui s’entrelacent autour du bras gauche, répondis-je en souriant.

Après cet échange, nous restâmes silencieux un moment et alors que nous passions devant la devanture d’un restaurant indien, Kay me demanda :

- Ca te tente ?

Je lui adressais un regard sceptique et démasqué, il ajouta en riant :

- Oui, bon d’accord. Laisse-moi juste t’offrir cela… S’il te plait…

- Mais, je… Ca me gène, répondis-je en baissant les yeux.

- Et moi ça me fait plaisir, insista-t-il sans me quitter des yeux.

Sans me laisser le temps de répondre quoi que ce soit, il m’attrapa par le poignet et m’entraîna à sa suite dans le petit restaurant. Nous passâmes une soirée tranquille et ce ne fut que sur les coups de minuit que nous rentrâmes à l’appartement. Il était tard et j’avais catégoriquement refusé que Kay rentre au centre, même si celui-ci n’était qu’a à peine quelques minutes en voiture. C’est non sans honte que je me rendis alors compte que j’aurais au moins pu téléphoner à Juha pour lui dire que je ne rentrais pas immédiatement. Enfin… A présent c’était trop tard, le mal était fait…

J’entrais alors sans bruit dans l’appartement plongé dans l’obscurité, suivit par Kay. A peine mettions-nous un pied dans le salon que la lumière s’allumait, me dévoilant un Juha plus que furieux.

- Tu étais où ? Demanda-t-il sur un ton qui ne me plus pas du tout.

Certes j’étais en faute, mais ce n’était certainement pas une raison pour me parler sur ce ton. Je n’étais pas son chien. Sentant la colère grandir en moi, je répondis, sarcastique :

- Je suis allé m’envoyer en l’air ! Je n’existe pas à tes yeux alors je suis allé chercher un peut de réconfort ailleurs…

A peine eussais-je terminé ma phrase que la main de Juha s’abattis sur ma joue avec une telle violence que je chancelais sous le coup. La main sur ma joue meurtrie, j’adressais un regard blessé à Juha alors que des larmes d’humiliation perlaient aux coins de mes yeux. Sans me laisser le temps de réagir, Kay s’interposa entre nous et d’une voix froide que je ne lui connaissais pas, il déclara :

- Ne relève plus jamais la main sur lui…

Reprenant mes esprits, je posais une main apaisante sur le bras de Kay :

- Laisse, c’est rien ! T’es vraiment trop con, ajoutais-je en me tournant vers Juha. Et puis même si c’était le cas, je ne te dois rien ! Nous ne sommes pas mariés, ça ne te regarde pas ce que je fais de mon cul !

Sur ces mots, j’allais m’enfermer dans la salle de bain et laissais libre cour à mes larmes d’humiliation et de colère. Pourquoi devait-il venir gâcher ma journée avec sa pseudo crise de jalousie ? Quelle estime avait-il de moi pour ne serait-ce que supposer un seul instant que je puisse l’avoir trompé ? Après un temps, mes larmes finir par se tarir et ce n’est qu’à ce moment que je me décidais à faire mes soins. Délicatement, j’enlevais la compresse imbibée de pommade et nettoyais mon tatouage avec le savon antiseptique avant de l’enduire à nouveau de pommade. Quittant mon jean, je le mettais au sale et fit tourner la machine avant de daigner sortir de la salle de bain. Je trouvais Kay assis en tailleur sur le lit fait, il semblait m’attendre. Face à mes yeux rougis, il tendit les bras vers moi, en une invitation à venir le rejoindre, chose que je fis sans me faire prier. A genou à côté de lui, la tête enfouie dans son cou, je gémis plus que je ne murmurais alors que les larmes affluaient de nouveau à mes yeux :

- J’ai tellement honte, Kay… Je… Même les coups de ceinture étaient moins humiliants que cette gifle qu’il m’a donnée…

- Chuut, souffla Kay en me massant tendrement le dos en un geste qui se voulait apaisant. Je sais Petit Prince, je sais… Je suis absolument contre le fait qu’il t’ait frappé, il n’avait pas à lever la main sur toi et si je n’ai pas riposté c’est bien pour toi…

Il se tut un instant avant de reprendre :

- Mais s’il l’a fait, cela prouve bien une chose, il tien à toi… Crois-tu qu’il aurait réagit aussi violemment s’il ne te portait pas un minimum d’intérêt ?

Je ne répondis rien, méditant sur les paroles de Kay. C’est dans cette position, bercé par la respiration calme et régulière de Kay que je finis par m’endormir. Je fus réveillé le lendemain par une forte odeur de café. Je m’étirais longuement avant d’ouvrir lentement les yeux afin de m’habituer progressivement à la clarté environnante. Tournant la tête vers l’endroit où aurait normalement dû se trouver mon réveil, je tombais nez à nez avec le poste de télévision. Je me redressais en sursaut avant que les évènements de la veille ne me reviennent en mémoire. J’avais dû dormir avec Kay après m’être endormis entre ses bras. Tout ce que j’espérais, c’est que Juha ne me ferais pas une crise de nerf…

M’armant de mon courage, j’allais les rejoindre dans la cuisine. Face au silence oppressant qui y régnait, je pris place à table en silence et commençais à manger. Après quoi, nous nous préparâmes pour nous rendre au ranch. La journée et la semaine se déroulèrent ainsi, dans un silence monastique alors que notre relation se dégradait de jour en jour. N’osant affronter Juha seul à seul, je repoussais sans cesse la discussion avec Kay au sujet de ma petite chambre chez Philippe. C’est donc à trois que nous arrivions et repartions chaque matin et soir.

 En ce mercredi soir, alors que je cherchais Juha pour le prévenir que nous rentrions, je tombais nez à nez avec Philippe. Celui-ci m’adressa un sourire chaleureux comme lui seul en avait le secret et me demanda :

- Tu as perdu quelque chose, mon garçon ?

- Je… Je cherche Juha, hésitais-je.

- Je l’ai convoqué dans mon bureau, j’ai quelques points à voir avec lui. Je le ramènerais plus tard.

Philippe sembla croiser mon regard anxieux car il ajouta d’un ton rassurant :

- Ne t’inquiète pas, ce n’est pas méchant… Gabriel, ajouta-t-il après une seconde d’hésitation. Qu’est-ce qui ne va pas avec Juha ? Tu dépéris de jour en jour, comment veux-tu que je t’aide si tu ne me dis rien ?

- Je… Je te dirais tout ce que tu veux savoir demain, répondis-je avec lassitude. Là, je suis fatigué, je voudrais juste rentrer…

- Bien. C’est vrai que tu as une petite mine depuis quelques jours. Tu sembles épuisé. Rentre et repose-toi bien. On se voit demain, ajouta-t-il en me posant une main réconfortante sur l’épaule.

Je lui adressais un sourire de remerciement avant de déclarer :

- Merci Philippe. Passe une bonne soirée.

- Merci mon garçon. A demain.

Sur ces mots, je pris congé de lui et allais rejoindre Kay qui m’attendait dans la voiture. Face à son regard interrogateur en me voyant arriver seul, je lui expliquais que Philippe désirait s’entretenir avec Juha et donc qu’il rentrerait plus tard. Sans demander plus d’explications que cela, il démarra. Moins de dix minutes plus tard, nous étions à l’appartement. Alors que Kay allait prendre sa douche, j’attrapais mon album de musique d’ambiance et le mit dans la chaîne en augmentant raisonnablement le volume, avant de me vautrer dans le canapé, les yeux fermés. Concentré sur la musique, je tentais occulter de mon esprit mon tatouage qui me démangeait depuis trois jours. Je n’avais pas le droit d’y toucher et j’en arrivais à la limite du supportable.

Lorsque Kay sortis de la douche, je me rendis dans ma chambre pour aller chercher des vêtements propres puis allais m’enfermer à mon tour dans la salle de bain. Là, je quittais précipitamment mon pantalon, ne le supportant plus  et enlevais la compresse imbibée de pommade qui protégeait le tatouage. Une fois entièrement nu, je me glissais avec volupté sous l’eau brûlante qui me fit le plus grand bien, décontractant mes muscles endoloris.

Je me lavais les cheveux et le corps et une fois propre, je sortis de la cabine de douche dont les parois étaient recouvertes de buée. Attrapant une première serviette, je la nouais sur mes hanches, avant de m’emparer de la deuxième dans laquelle j’emprisonnais mes cheveux afin de les essorer au maximum. Reprenant la première serviette, j’entrepris de me sécher avant d’enfiler mon boxer et mon jogging. Une fois habillé, j’attrapais ma brosse et entrepris de me coiffer, ne l’ayant pas fait ce matin. Délicatement, je démêlais les cheveux qui avaient drôlement poussés en l’espace de quelques mois, m’arrivant à présent entre les omoplates, un peu avant le milieu du dos.

Un sourire satisfait étira mes lèvres à cette constatation et c’est non sans fierté que je les nouais en une natte maladroite, n’ayant pas encore le coup de main. Les mèches plus courtes de devant encadraient mon visage dont les traits tirés me donnaient un air limite maladif. Je sursautais de frayeur en entendant frapper à la porte alors que de l’autre côté, Kay m’appelait :

- Gabriel, tout va bien ?

Me retournant, j’allais lui ouvrir, intrigué. Il sembla sentir mon interrogation car il déclara :

- Cela fait un moment que l’eau ne coule plus et comme je ne te voyais pas sortir, je craignais qu’il ne te soit arrivé quelque chose.

Je lui adressais un petit sourire contrit et me détournant de lui, j’entrepris de faire mes soins, évitant soigneusement de lever les yeux vers le miroir au dessus du lavabo, dans lequel je voyais du coin de l’oeil, Kay me contempler depuis la porte.

Lentement, il s’approcha alors que je désinfectais le tatouage et me regardant faire, il demanda :

- Ca fait mal ?

- Non, ça démange horriblement, c’est tout, répondis-je amusé.

S’agenouillant face à moi, il demanda :

- Je peux ?

Comprenant le sens implicite de sa question, j’acquiesçais d’un hochement de tête et retenais à grand peine un frisson lorsque ses doigts entrèrent en contact avec la peau sensible de mon aine. Lentement, ses doigts caressèrent mon tatouage, m’offrant une exquise sensation de bien être alors que la démangeaison s’atténuait peu à peu sous les effleurements de Kay.

- C’est normal ? Demanda-t-il en désignant une zone pas encore cicatrisée, recouverte d’une fine croute noire.

- Oui, répondis-je, c’est signe de cicatrisation.

Les doigts de Kay reprirent leur course et je lâchais un soupire de bien être.

- On s’amuse bien à s’que j’vois ! Déclara alors une voix que j’aurais pu reconnaître entre mille.

J’ouvris brusquement les yeux que je n’avais pas eut conscience de fermer et reportais mon attention sur Juha. Dans l’encadrement de la porte, il nous fixait d’un regard furieux qui me fit frissonner malgré moi. De là où il se trouvait, il ne pouvait voir l’objet de l’attention de Kay et il était vrai que la position dans laquelle nous nous trouvions était plus que suggestive. Cependant, je n’osais croire que Juha puisse supposer de telle chose, c’était totalement absurde. Sans attendre son reste, il fit demi-tour et réagissant au quart de tour, je me précipitais à sa suite, l’attrapant par le bras alors qu’il traversait le salon. Le forçant à se retourner, je lui adressais un regard meurtrier, et en colère et profondément blessé par ses sous entendu qui me montraient le peu de confiance qu’il avait en moi, je m’exclamais rageusement :

- Non mais tu m’fais quoi là ? Ta pseudo crise de jalousie tu peux te la foutre au cul, Juha !

Je vis Juha scruter attentivement mon torse dénudé, comme s’il recherchait une quelconque trace de suçon ou une trahison de ma part. Lorsque ses yeux se posèrent sur mon bas ventre, je le vis sursauter violemment et je compris qu’il devait avoir vu mon tatouage et réaliser l’absurdité de ses accusations infondées. Enfonçant le couteau dans la plaie, toujours en colère mais néanmoins satisfait, je repris :

- Je ne suis pas une pute, Juha. Je ne déclare pas mon amour à un homme pour ensuite aller voir ailleurs à la première dispute entre nous ! Si tu n’as pas confiance en moi, c’est qu’on à rien à faire ensemble !

Sur ses mots, je lui tournais le dos et retournais à la salle de bain, le laissant en plan. En entendant la porte d’entrée claquer, je compris qu’il était sorti. Je poussais un soupire de soulagement, n’ayant pas la moindre envie de le voir et dans un ultime accès de colère, j’envoyais mon poing dans le miroir qui vola en éclat.

Alerté par le bruit, Kay se précipita vers moi. De mon côté, les mains crispées sur le lavabo, la tête baissée, je serais les dents pour ne pas laisser éclater ma rage, dégoûté plus que jamais par le comportement de Juha.

Sentant la main de Kay se poser en douceur sur mon épaule, je me dégageais vivement, souhaitant par dessus tout être seul. J’avais besoin de réfléchir à tout cela et pour une fois, Kay ne pouvait rien pour moi, malgré toute sa bonne volonté. Relevant la tête, je le fixais dans le morceau de miroir resté accroché au mur, lui adressant un regard empli d’excuses. Semblant comprendre mon désir de solitude, il hocha simplement la tête en signe de compréhension avant de me laisser à ma solitude.

A mon tour, je quittais la salle de bain pour aller m’enfermer dans la chambre. Attrapant un vieux t-shirt de pyjama, je l’enfilais avant de me glisser entre les couvertures. Recroquevillé sur moi-même, je me faisais violence pour refouler les larmes de frustrations qui menaçaient de franchir la barrière de mes yeux. Cela ne pouvait plus continuer ainsi… Je ne pouvais continuer d’attendre Juha indéfiniment alors qu’il ne semblait pas enclin à faire le premier pas. Quitte à en souffrir d’avantage, il me fallait faire un choix… Mon Dieu que c’était dur…

Finalement, ne parvenant pas à maîtriser mes larmes, celles-ci se mirent à couler sur mes joues, inondant mon oreiller, alors que j’étais confronté à un cruel dilemme.

Noyé dans mes sanglots, je sursautais en entendant la porte de la chambre s’ouvrir avant de se refermer. Retenant ma respiration, les doigts crispés sur les draps, je reconnus aisément la démarche lente et hésitante de Juha. Inspirant profondément, je tentais de refouler mes sanglots, ne souhaitant pas m’attirer par dessus tout, la pitié de Juha. De plus, j’avais la désagréable sensation de me sentir observé, le regard de Juha posé sur moi avec insistance, me brûlant la peau de la nuque.

Au bout d’un temps qui me parut interminable, je sentis le lit s’affaisser dans mon dos, signe que Juha venait d’y prendre place. N’arrivant pas à trouver le sommeil malgré la fatigue qui me piquait les yeux, je restais immobile, les yeux rivés dans le vide, l’esprit encombré. Je venais de prendre ma décision et j’avais l’impression que mon coeur se brisait en milliers d’éclats.

Je dormis très mal cette nuit là, ne trouvant le sommeil que par intermittence et les quelques heures durant lesquelles je pus me reposer un minimum étant parsemées de cauchemars. Sur les coups de quatre heures, ne parvenant pas à me rendormir, je me levais et m’habillais le plus discrètement possible. Quittant l’appartement, j’allais marcher dans l’air glacé de cette fin de nuit. M’enfonçant dans les bois, je pris la direction du lac, ayant besoin de prendre l’air, me sentant étouffé par la tension et l’ambiance pesante qui régnait à l’appartement. Cependant, je n’arrivais pas à me débarrasser de ce sentiment de malaise qui m’habitait. Au fond de moi, je me sentais coupable, mais coupable de quoi ? Etait-ce un crime d’aimer Juha ?

Mon coeur se compressa à cette simple pensée et sentant ma douleur se raviver, je m’empressais de penser à autre chose. Dans la nuit, un hululement se fit entendre et fermant les yeux je me laissais envahir par la sérénité de la forêt, me repaissant de son calme. Bientôt j’arrivais au lac après un bon quart d’heure de marche et m’asseyant sur la rive, je contemplais non sans une certaine mélancolie, le reflet de la lune dans les eaux sombres. Silencieux et immobile, j’eu même le privilège d’apercevoir un cerf venu se désaltérer à quelques mètres à peine de moi. Hypnotisé par tant de beauté et de noblesse, j’observais avec respect et admiration les gestes gracieux de ce grand animal. Envoûté par la beauté de la nuit, je finis par en oublier momentanément mes soucis et ma tristesse.

Je n’aurais su dire combien de temps je restais ainsi avant de finalement retrouver mes esprits, sentant alors mon coeur s’alourdir tandis que j’étais de nouveau assailli par mes doutes et mes peurs. Ce ne fus que lorsque je ne sentis plus mes doigts que je consentis à prendre le chemin du retour. Le ciel commençait à se teinter d’une douce couleur rosée, signe que l’aube était là et qu’il était temps pour moi de rentrer. Lorsque j’arrivais à l’appartement, j’eu la surprise de voir que Kay était réveillé, le lit étant vide. Je me dirigeais vers la cuisine et saluant Kay, je me préparais une tasse de chocolat chaud.

- Où tu étais ? Demanda Kay visiblement surpris de me voir frigorifié.

- Je suis allé prendre l’air, répondis-je. Je… J’avais besoin de réfléchir… J’en peu plus, j’ai l’impression d’étouffer ici…

Me retournant après avoir mis ma tasse au micro-onde, je sursautais en m’apercevant de la présence de Juha dans mon dos. Assis à table, il prenait son petit déjeuner. Ne lui adressant qu’un rapide coup d’oeil, j’allais chercher dans le frigo le beurre et la confiture avant de récupérer ma tasse et de prendre place à table.

Les doigts bleus et raidis par le froid, c’est à peine si je pouvais tenir le couteau. Parvenant tant bien que mal à faire mes tartines, je déjeunais en silence, n’ayant de toute façon, rien à dire.

Après m’être forcé à manger un minimum, j’allais me préparer pour ma journée de travail. J’avais un cours prévu à dix heures et si je voulais voir Philippe avant, je n’avais pas intérêt à trainer. Une fois prêt, j’allais attendre Kay et Juha dans le salon. Agenouillé sur le sol, je jouais avec Shanenja, l’ayant un peu ignoré ces derniers temps. Semblant ravi de cette initiative de ma part, Shanenja se mit à couiner et s’allongea sur le dos en une demande explicite pour que je lui caresse le ventre. Lorsque nous fûmes prêt, j’attrapais la laisse de Shanenja, au cas où nous en aurions besoin, mais ne l’attachais pas. A l’appel de son nom, il se précipita vers moi et c’est ainsi que nous allâmes jusqu’à la voiture.

Je pris place côté passager, Shanenja à mes pieds alors que Juha montait à l’arrière. Comme d’habitude, personne ne prononça un mot durant tout le trajet. Une fois arrivé, j’abandonnais Kay momentanément à après m’être excusé avant d’aller voir Philippe chez lui. Respirant un bon coup, je frappais à la porte et attendit dehors qu’il m’invite à entrer, chose qui ne tarda pas à faire.

- Tien, bonjour mon garçon, S’exclama-t-il en me voyant entrer dans la cuisine.

- Bonjour Philippe, répondis-je simplement.

- Oh, toi ça ne va pas du tout ! Fit-il remarquer sur un ton grave. Allez, viens t’asseoir et raconte moi tout…

Docile, j’obéis et alla m’asseoir en face de lui.

- Alors, qu’est-ce qui ne va pas avec Juha ? Demanda-t-il après un temps, face à mon silence obstiné.

- Je… Je crois que tu avais raison Philippe… Je crois que… Que nous ne sommes pas prêt à vivre ensemble, soufflais-je avec hésitation. Je… Depuis que je suis parti d’ici il n’y a rien qui va entre nous… Et maintenant qu’il y a Kay, c’est encore pire… Ca fait une semaine que l’on ne s’est pas adressé la parole autrement que pour se crier dessus, avouais-je honteux.

- Il est tout simplement jaloux de devoir te partager avec un autre, répondit Philippe en souriant tendrement.

- Si tout était aussi simple, murmurais-je pour moi-même. Il n’a aucune raison d’être jaloux, Philippe, répondis-je. Et il le sait parfaitement.

- Alors tu lui as enfin dit ? Demanda-t-il alors que son sourire s’élargissait. Que t’a-t-il dit ?

Horriblement gêné, je détournais le regard alors que perdant son sourire, Philippe insistait :

- Qu’a-t-il répondu, Gabriel ?

- Il… Il n’a rien répondu, avouais-je sans oser croiser son regard. Il n’a même pas réagit…

 Philippe resta silencieux un moment, comme s’il enregistrait ce que je venais de lui dévoiler avant de déclarer :

- Alors voilà pourquoi il n’a pas voulu me dire la raison de votre différent. Ecoute Gabriel, reprit-il gravement. Je crois sincèrement qu’il faut que vous parliez. Tu dépéris de jour en jour, sans parler de Juha. Vous êtes entrain de vous détruire. J’ai dit la même chose à Juha hier, réagissez avant qu’il ne soit trop tard…

- Mais j’ai déjà essayé ! Que veux-tu que je fasse de plus ? M’exclamais-je. Après tout, soufflais-je, calmé, puisse-t-il vivre heureux avec son Killian.

- Alors là je te trouve injuste, répondit Philippe. Imagine ce qu’il a du ressentir… Il y a des choses qui ne trompent pas, Gabriel. Juha tien à toi…

- Non ! M’écriais-je en éclatant en sanglots. Pourquoi me dites-vous tous ça alors que je sais parfaitement que c’est faut !

- Parce que c’est la vérité ! S’exclama à son tour Philippe en haussant la voix. Pourquoi t’obstines-tu à ne pas le voir ?

- Quel genre d’amant resterait impassible face à un “je t’aime” ? M’exclamais-je, les larmes inondant mes joues.

Philippe ne répondit rien, se contentant de se lever et de me prendre dans ses bras. Je restais  un long moment à pleurer sur son épaule. Une fois calmé, je m’essuyais les yeux du revers de la main avant de m’arracher à son étreinte :

- Pardonne-moi… Je n’avais pas à te crier dessus… Je… Je suis un peu à cran en se moment…

- C’est tout pardonné, ne t’en fait pas. Tu rentreras plus tôt ce soir, tu as besoin de te reposer.

- Je… Je sais pas si c’est une bonne idée… J’ai tendance à déprimer quand je suis seul, avouais-je. J’ai besoin de m’occuper l’esprit…

- Juha rentrera avec toi. Et ne m’obligez pas à vous enfermer dans une pièce pour que vous daigniez enfin vous parler.

- Je tâcherais de faire au mieux, répondis-je avant de prendre congé de Philippe sous peine d’arriver en retard à mon cours.

Finalement, j’arrivais à l’heure et rejoignant mes élèves à la sellerie, je leur attribuais à chacun un cheval. Une petite demi-heure plus tard,  je me retrouvais au milieu de la carrière à corriger les erreurs des jeunes cavaliers.

- Julia, combien de fois devrais-je te répéter de trotter sur le bon diagonal ? M’exclamais-je fatigué de devoir répéter sans arrêt la même chose aux mêmes élèves. Bon Damien, tu le sautes cet obstacle ou tu veux que j’le fasse à ta place ?

- Mais j’y arrive pas, s’exclama-t-il. Rain ne veut pas sauter…

Je poussais un soupire d’exaspération et après avoir fait descendre Damien, j’enfourchais Rain of Melody et le lançais au petit galop. Arrivé face à l’obstacle, ma monture se déroba et parti en coups de cul dans la carrière. Réagissant au quart de tour, je l’arrêtais et le fit reculer avant de lui faire ré aborder l’obstacle. Après un second refus qui m’agaça profondément, il finit par sauter.

Je le lui fis franchir une seconde fois avant de mettre pied à terre et de rendre les rênes à Damien. Reportant mon attention sur Ophélie à qui j’avais donné Cantarella des Galas, une petite jument calme et posée, j’aperçus Kay qui m’observait depuis l’entrée de la carrière. A son air grave, je compris que quelque chose n’allait pas, mais ne pouvant quitter mes élèves du regard, je pris mon mal en patience.

Après un temps qui me parut interminable, c’est avec soulagement que j’annonçais la fin de la reprise. Lentement, je me dirigeais alors vers Kay, appréhendant malgré moi ce qu’il avait à me dire. Tentant de ne pas lui faire part de mon inquiétude, je lui demandais d’une voix plus tremblante que je ne l’aurais voulu :

- Il y a quelque chose qui ne va pas ?

Ne répondant pas immédiatement à ma question, Kay glissa sa main sur ma joue et du pouce, il caressa ma paupière, me montrant par ce geste qu’il avait vu à mes yeux rougis que j’avais pleuré récemment. Honteux, je me contentais de le fixer sans rien dire.

- Je voudrais que tu fasses attention à toi… Ta relation avec Juha n’est pas saine….

Attendant que le dernier élève fût remonté aux écuries, il déclara alors :

- Juha n’est pas celui que tu crois… Il… Il sort de prison…

Je blêmis à ces mots, et alors que je tentais de parler, les mots se coincèrent dans ma gorge. Trop abasourdi, je n’arrivais pas à prononcer le moindre son. Comment… Comment avait-il su ? L’instant d’horreur passé, je lui demandais dans un souffle :

- Co… Comment tu as su ?

- Mais enfin, tout le monde le sait… Ils n’arrêtent pas d’en parler là haut… Alors quand je l’ai su j’ai voulu te mettre en garde… Je ne veux pas qu’il t’arrive quelque chose Gabriel…

Mes yeux s’agrandirent d’effroi alors que dans mon esprit des milliers de questions se bousculaient. Comment avaient-ils su ? Qui le leur avait dit ? Alors que je m’apprêtais à détromper Kay, je fus interrompu par Juha qui s’exclama rageusement :

- Tu étais le seul à savoir… Comment as-tu pu me trahir ainsi, Gabriel ?

Blessé par l’accusation injuste et infondée de Juha, je restais sans réaction, le regard perdu dans le vide, alors que dans mon esprit, résonnait encore la preuve de l’absence de confiance qu’il avait en moi… Comment pouvait-il seulement oser m’accuser de la sorte ? Les larmes aux yeux, j’entendis à peine Kay me demander :

- Tu savais ?

Effondré, je me contentais d’hocher positivement la tête. Sans plus attendre, Kay se précipita à la poursuite de Juha, tandis que je restais immobile, n’arrivant pas à me remettre du coup de l’accusation. Soudain, mes jambes ne me soutinrent plus et je tombais à genoux sur le sol, alors que des larmes silencieuses venaient prendre mes joues d’assaut. Ces larmes qui provenaient de la fonte de la glace qui emprisonnait mon coeur…

Si jusqu’à maintenant j’hésitais encore, à présent, il n’avait plus aucun doute… Pourquoi s’évertuer à continuer alors qu’il n’y avait plus aucun espoir ? Etais-je le seul à devoir faire tous les efforts ?

Perdu dans mes pensées, je ne me rendis compte de la présence de Kay que lorsqu’il m’aida à me relever avant de me prendre dans ses bras et de me serrer fortement contre lui :

- Ne reste pas là, tu vas attraper la mort… Viens avec moi…

Patiemment, il me guida jusqu’à mon ancienne chambre et dans un état second, je me laissais faire.

- Vient, dit-il alors qu’il entrait dans la pièce. Assied-toi, je reviens.

Docilement, je m’assis sur le bord du lit alors qu’il disparaissait dans la salle de bain, pour en revenir quelques secondes plus tard, un gant de toilette humide dans les mains. Comme à un enfant, il m’essuya le visage et la fraîcheur du gant me fit un bien fou. Après un moment durant lequel je tentais de me ressaisir alors que Kay tentait tant bien que mal de me remonter le moral, il m’incita à aller manger un bout, midi étant passé depuis une bonne demi-heure. Bien que, n’ayant presque rien avalé ce matin, je n’avais pas faim du tout, l’estomac encore trop noué, je suivais docilement Kay jusqu’au réfectoire.

Alors que j’entrais précédé par Kay, je ne vis pas immédiatement Juha installé au fond de la salle, ni les regards inquisiteurs posés sur moi. Autour de moi, les murmures fusaient, mais je n’y prêtais pas attention. C’est alors que le silence se fit et sortant de ma torpeur, je relevais la tête pour tomber nez à nez avec Marion qui, un sourire malsain dépeint sur le visage, me demanda :

- Alors Gabriel, ça t’excite les taulards ?

Je sursautais violemment, plus surpris par ses propos que par la question en elle-même. Déjà blême, je devins livide et visiblement satisfaite d’elle et de ma réaction, elle se tourna vers l’assemblée et s’exclama :

- Faites une ovation au nouveau couple de l’année !

Un brouhaha inintelligible se fit entendre et lorsque le silence revint, Marion reporta son attention sur moi et reprit :

- Quelle tragique histoire que celle du misérable petit orphelin entiché d’un assassin qui ne veut pas de lui… Et oui, je sais tout de toi… Quel effet ça fait de se faire baiser et jeter par la suite ? Regarde dans quel état lamentable tu es… Mon pauvre garçon, tu es pitoyable, tu ne vaux vraiment rien… Tu ne t’es jamais demandé pourquoi ton père et ta mère n’ont jamais voulu de toi ?

Les larmes inondant mes joues, plus rien n’existait autour de moi hormis les paroles blessantes de Marion qui résonnaient dans mon esprit en une litanie incessante. Soudain, le brouhaha se fit de plus en plus oppressant et une vive lumière blanche s’imposa à moi et je me sentis défaillir alors qu’à mes oreilles retentissait la voix rageuse de Juha. Ce fut de trop pour moi et alors que mes jambes me lâchaient, je perdis connaissance, le manque de nourriture n’aidant pas.

Lorsque je repris conscience, j’étais allongé sur un lit dans un endroit qui me paraissait étrangement familier. Regardant autour de moi, je reconnu alors mon ancienne chambre. Dans un geste maladroit, j’essayais de me redresser et aussitôt, deux paires d’yeux se posèrent sur moi, me fixant avec inquiétude :

- Comment te sens-tu ? Demanda alors Philippe. C’est que tu nous as fait une sacrée peur…

- Que… Que s’est-il passé ? Demandais-je, l’esprit encore un peu vaporeux.

- Tu ne te souviens pas ? Demanda Kay, étonné.

J’hochais simplement la tête en signe de négation de retenant un soupire, Philippe prit place sur le bord du lit tandis que Kay allais me chercher un verre d’eau à la salle de bain.

- Quand vous êtes entrés dans le réfectoire, tu as été assailli par Marion. Ne sachant que faire, Kay est venue me chercher. Quand nous sommes revenus, tu étais inconscient dans les bras de Juha qui se disputait violemment avec Marion à ton sujet… Je n’arrive pas à comprendre d’où lui vient cette haine qu’elle vous porte à tout les deux. Quoi qu’il en soit, je lui ai clairement fait comprendre qu’elle n’était plus la bienvenue ici tant qu’elle resterait dans cet état d’esprit belliqueux… Je suis désolé pour tout cela Gabriel… Elle n’avait pas à dévoiler votre vie privée à tout le monde…

- Et si tout ce qu’elle a dit était vrai ? Soufflais-je alors que les paroles haineuses de Marion me revenaient en mémoire.

- Je t’interdis de dire cela, Gabriel, tu m’entends ? S’exclama Philippe furieux. Il y a plein de raison qui pousse une femme à abandonner son enfant, bien que je ne le conçoive pas toujours. Mais tu n’as en aucun cas le droit de cautionner ce qu’à dit Marion. Elle l’a fait par pure méchanceté, dans l’unique but de te blesser…

- Mais si cela me blesse, soufflais-je, c’est bien qu’il y a une part de vérité…

- Ne joue pas avec les mots, veux-tu ! Rétorqua Philippe, intransigeant. Tu as très bien compris ce que je voulais dire.

Je restais encore allongé un moment puis, me sentant mieux, je me relevais et abandonnais Kay et Philippe, après les avoir remerciés, ayant besoin d’être seul un moment, histoire de faire le point. Il fallait absolument que je trouve Juha, cette situation ne pouvait plus durer. Cela commençait à me peser affreusement et je devais y mettre un terme. Je partis à la recherche de Juha, le coeur cognant dangereusement dans ma poitrine, et après avoir exploré chaque recoin de l’écurie, je le trouvais quinze minutes plus tard, assis sur un banc près de l’ancienne carrière. S’il s’aperçut de ma présence, il n’en laissa rien paraître et lentement, j’allais m’asseoir à côté de lui, gardant tout de même une distance respectueuse, étant bien loin du temps où l’on aurait pu se qualifier d’intimes. Après un court silence gêné, je me lançais à prendre la parole :

- Il est beau notre couple, tien… Soufflais-je avec amertume et une pointe de faux amusement dans la voix.

- Comment en est-on arrivés là ? Demanda Juha dans un murmure que je perçus pourtant.

Choqué et scandalisé par une telle question, je me tournais face à lui en m’exclamant :

- C’est à moi que tu demande ça ?!

Comment osait-il poser cette question ? Tout ceci ne lui avait donc rien apprit ? N’avait-il donc pas ouvert les yeux ? Se sentait-il aussi innocent que sa question voulait le faire paraître ? Avait-il oublié son comportement des plus odieux et la froideur dont il faisait preuve envers moi depuis près de deux semaines ? Semblant se rendre compte de l’absurdité de sa question, Juha ne répondit rien et un silence pesant et angoissant nous enveloppa jusqu’à ce que d’une petite voix, il finisse par demander, comme s’il n’osait pas y croire :

- Pensais-tu réellement ce que tu as dit ?

Sachant pertinemment ce à quoi il faisait allusion, je répondis avec cynisme, sans même le regarder :

- Non, j’adore me taper la honte !!

De nouveau le silence se fit alors que je réfléchissais à une façon de lui annoncer que Philippe avait raison, que je n’étais pas assez fort et pas prêt à supporter les problèmes de Juha et les répercutions que cela avait sur notre vie de couple… Après un temps interminable, je finis par déclarer après avoir pris une profonde inspiration :

- Ecoute Juha, je n’ai plus envie de me battre avec toi pour que tu daignes m’adresser la parole et que tu acceptes de me faire confiance. Je suis fatigué de tout cela… On a essayé, ça n’a pas marché, mais je ne regrette rien… Je t’aime Juha, c’est indéniable, cependant, tu n’es pas prêt à oublier Killian et à passer à autre chose, et moi je ne peux attendre toute ma vie un amour que je ne recevrais jamais…

Je me tus un instant, et après un court silence, je poursuivis :

- Moi qui croyais que… Que tu t’intéressais à moi pour ce que j’étais et pas comme substitut de ton défunt amant… J’aurais du m’en douter que je n’étais qu’un passe-temps pour toi, que tu n’envisagerais jamais rien avec moi parce que tu l’aimes toujours “lui”… Et tu sais ce que c’est le pire dans tout ça ? Demandais-je avec une pointe d’ironie désespérée et d’amertume dans la voix. C’est que j’ai repoussé Kay pour toi… J’ai renoncé à l’amour qu’il m’offrait pour tenter de construire quelque chose avec toi… Mais encore une fois j’ai été trop con… Tout ça pour dire que je pense qu’il est préférable qu’on arrête là avant que ça n’aille plus loin… On s’est déjà suffisamment fait souffrir… Je… Je pense qu’il serrait préférable que je retourne vivre chez Philippe et qu’on reste simplement des amis, rien de plus… Enfin… Si tu veux toujours de mon amitié…

Impassible face à ce que je lui disais, Juha resta immobile et silencieux. M’attendant un peu à ce genre de réaction mais néanmoins déçu qu’il l’accepte avec tant de résignation, je me levais et commençais à partir. Je m’arrêtais au bout de quelques pas et sans pour autant me retourner, je déclarais :

- Je passerais ce soir chercher quelques affaires pour la semaine…

Sans attendre de réponse, sachant très bien que je n’en recevrai aucune, je partis, laissant Juha à la solitude qu’il semblait tant apprécier. Seulement, cela était plus éprouvant que je ne l’avais imaginé et si j’avais su retenir mes larmes jusqu’à maintenant, celles-ci finirent par couler à flot de mes yeux, cascadant sur mes joues sans que je ne puisse les arrêter.

Machinalement, mes pas me conduirent jusqu’aux écuries. Là, je passais devant Kay sans le voir. J’avais besoin d’être seul… Sachant que l’on me retrouverait facilement si je me réfugiais dans le box d’Orphée, je pris la direction du parc et après avoir franchi la barrière, j’allais rejoindre le troupeau afin de m’isoler.

Assis sous un arbre, j’observais distraitement la horde brouter non loin de là, alors que Ramage de l’Abbaye venait réclamer quelques caresses. Les yeux humides de larmes, je ne cessais de repenser à mon entretien avec Juha. Plus j’y songeais et plus je me persuadais d’avoir fait le bon choix, malgré la douleur qui me poignardait le coeur. Son absence de réaction confirmant cette décision. S’il m’avait apprécié rien qu’un peu à défaut de m’aimer, serait-il resté aussi froid et impassible ? Son comportement était bien la preuve du peu d’intérêt qu’il me portait réellement…

Plongé dans mes tristes pensées, je ne me rendis compte de la présence de Philippe à mes côtés que lorsqu’il prit la parole :

- Alors c’est là que tu te caches ?

Je ne répondis pas à sa question, mais déclarais d’une voix plate et tremblante :

- Tu avais raison, Philippe… Tu avais raison depuis le début… Je n’étais pas prêt à vivre avec Juha… Je ne m’attendais pas à ce que cela se passe ainsi…

- Vous ne vous attendiez pas à ce que bien des choses arrivent, Gabriel…

- Je… Je l’ai quitté, murmurais-je. J’ai tellement mal, Philippe, repris-je en éclatant en sanglots alors que Philippe m’attirait à lui. C’est horrible la souffrance que je ressens… Je voudrais que tout ceci ne soit jamais arrivé, que rien de tout cela ne ce soit passé…

- Tu as fait ce qui te semblait juste… Ce n’est pas à moi de te dire si tu as bien fait ou non… Si en ton coeur tu juges que c’était la meilleure solution alors soit. Je ne te jugerais pas pour cela, Gabriel… Comment a-t-il réagit ?

- Apparemment très bien puisqu’il n’a rien dit, m’exclamais-je avec colère malgré mes pleurs. A croire que c’est une habitude chez lui…

- Je ne comprends pas ce garçon, souffla Philippe désemparé. Il a pourtant violemment réagit en prenant ta défense auprès de Marion…

- J’ai franchement du mal à y croire, soufflais-je à mon tour avec une pointe de cynisme.

- C’est pourtant ce qu’il y a de plus vrai… Dis, reprit-il après un moment, j’ai donné son après-midi à Juha pour qu’il se repose, tu devrais faire de même, tu as une mine affreuse…

- Merci, c’est gentil mais je… Je vais rester là…

- Très bien, tu es libre, mais sache que tu en as le droit si jamais tu décides de partir.

- Merci, répétai-je.

- Allez, je te laisse, j’ai encore une course à faire. Repose-toi et prend soin de toi.

- Toi aussi. A demain, Philippe.

- A demain mon grand, répondit Philippe en s’éloignant.

Je restais encore seul un instant avant de finalement me lever et aller voir Sharakandy, mon aigle. Celui-ci avait bien grandit et n’avait, à présent, plus peur de moi, me laissant le caresser. J’avais mis longtemps avant de me décider, mais cet été, lorsqu’il fera plus chaud, j’irais le relâcher dans les bois afin qu’il puisse avoir une vie décente. Malgré tout, je tentais tout de même de lui apprendre à revenir à mon appel, de façon à ce que je puisse l’attraper facilement lorsque je le rentrerais pour l’hiver. Je passais un long moment avec l’aigle et alors que je sortais de la volière, je sursautais en voyant Kay me regarder en souriant.

Nous passâmes une fin d’après-midi tranquille et en fin de soirée, je me décidais à faire un saut à l’appartement.

- Tu veux que je t’emmène ? Demanda Kay. Je ne suis pas rassuré à l’idée de te laisser partir seul…

- Ne t’en fait pas, répondis-je avec un sourire qui se voulais rassurant. Ca ira, marcher un peu me fera du bien. Tien, je te passe les clés de la chambre. Je risque d’en avoir pour un moment alors ne m’attend pas. Bonne nuit, à demain.

- A demain, répondit Kay en m’embrassant sur la joue. Sois prudent et si jamais il y a un problème, tu m’appelles d’accord ?

- Promis, répondis-je avant de prendre la direction de l’appartement.

Longeant la route, je marchais lentement jusqu’à l’appartement, stressant malgré moi. Dans mon esprit, je m’imaginais mille et un scénarios qui pourraient se dérouler à mon arrivée. Je ne pouvais m’empêcher d’appréhender mon entrevue avec Juha… Comment celui-ci allait-il réagir ?

Bien trop tôt à mon goût j’arrivais à l’appartement et alors que j’entrais, Shanenja se précipita vers moi en aboyant joyeusement. Allumant la lumière dans l’entrée, je m’agenouillais auprès de l’animal avant de le caresser longuement. Après quoi, je me redressais et c’est seulement que je me rendis compte que l’appartement était plongé dans le noir. Un peu surpris, j’entrais dans le salon pour trouver Juha assis sur le canapé, en train de me fixer bizarrement. Frissonnant sous son regard perçant, je détournais les yeux en murmurant :

- Je… Je reste pas longtemps…

Sans un mot de plus, je me dirigeais dans la chambre et ouvrant l’armoire, j’attrapais rapidement quelques affaires que je jetais négligemment dans un sac avant de me rendre à la salle de bain. Là, faisant de même, j’attrapais ma brosse à dent ainsi qu’un tube de dentifrice et ma brosse à cheveux et une fois le tout dans le sac, je sortais de la pièce après un dernier tour dans la chambre pour vérifier que je n’avais rien oublié. Puis, avec un pincement au coeur, mais sans pour autant me retourner, ayant trop de souvenirs dans cet endroit, je quittais la pièce, refermant la porte derrière moi comme on tournait la page d’un livre. Arrivant dans le salon, je remarquais que Juha avait à peine bougé depuis mon arrivée. Alors que j’arrivais à sa hauteur, je commençais, hésitant :

- Bon ben… Je… On se voit demain…

Je restais un instant immobile, attendant vainement une quelconque réponse de sa part, puis lassé d’être toujours aussi transparent à ses yeux, je me détournais de lui, prenant la direction de la sortie. Au moment où je disparaissais du salon, je sursautais presque en entendant la voix de Juha :

- Gabriel !

Mon coeur fit un bon dans ma poitrine à l’entente de mon nom dans sa bouche et tentant de réprimer le tremblement de mes mains, je me retournais pour faire face à Juha qui, à présent, était debout devant moi.

Ne faisant pas confiance à ma voix, je me contentais de lui adresser un regard interrogateur, mon coeur battant à tout rompre, alors qu’intérieurement, j’espérais qu’il réalisait enfin qu’il était sur le point de me perdre définitivement… S’il voulait avoir une chance de rattraper ses erreurs passées, c’était maintenant qu’il fallait en profiter, après il serait trop tard..

Je restais un instant immobile, attendant patiemment qu’il daigne m’adresser la parole, mais après quelques minutes, je commençais à perdre patience. Finalement, le coeur douloureux à force d’espoirs vains, je soufflais, horriblement déçu  et retenant à grand peine une envie de pleurer, ne voulant pas faire se plaisir à Juha :

- Ouais… Allez… Salut…

Mon sac sur une épaule, j’esquissais un pas vers la porte lorsque je sentis un main se refermer violemment autour de mon poignet. Pendant un lapse de temps durant lequel je cessais de respirer, je restais sans réaction et c’est à l’entente de la voix tremblante de Juha que je me tournais vers lui :

- Gabriel… Je t’en prie…

Il se tut, semblant chercher ses mots alors que, ma curiosité et l’espoir l’emportant sur ma peur, je restais là à attendre la suite. Après une longue inspiration, il reprit d’une petite voix :

- Jusqu’à maintenant, j’ai toujours fait passer Killian avant toi… Je… Je me suis enfermé dans ma douleur et la prison ne m’a certainement pas aidé à oublier et à dépasser ce cap…

- C’est l’impression que j’ai eu aussi, répliquais-je, sarcastique.

- Je sais que je suis bourré de défauts, reprit-il sans relever sa pique, que je t’ai ignoré au moment ou tu avais le plus besoin de moi… J’ai agis comme un égoïste et que toute la douleur que je ressens ne me pardonne pas de mes actes… A présent, je sais ce que ça fait de vivre loin de toi et je peux désormais affirmer qu’il est certain que je ne peux plus vivre sans toi parce que je ne conçois pas la vie sans toi à mes côtés…

A ces mots, mon cœur cessa de battre un instant avant de repartir à vive allure… Je n’arrivais pas à croire que je venais d’entendre… Mon esprit me jouait-il un mauvais tour ? Puis, lentement, je commençais à prendre conscience des paroles de Juha et des larmes de joie et de soulagement se mirent à couler lentement le long de mes joues.

Semblant ne pas tenir compte de ma réaction, il poursuivit :

- Plongé dans ma propre douleur, j’en ai ignoré la tienne, je n’ai pas su écouter ta détresse quand tu as avoué m’aimer… J’ai été trop orgueilleux pour avouer mes fautes tout de suite… Mais je compte bien faire un effort et aller de l’avant, mais pour cela, j’aurais besoin de ton aide car je n’y arriverais pas tout seul, Gabriel…

Après une seconde durant laquelle je restais silencieux, trop ému pour dire quoi que ce soit, il ajouta :

- J’espère sincèrement qu’un jour je n’aurais plus besoin de m’appuyer sur toi, et ce jour là seulement, je pourrais être honnête avec moi, mais surtout envers toi…

S’approchant dangereusement de moi, il s’empara alors de mes lèvres pour un baiser violent. Ne m’attendant pas à cela, je restais immobile de stupeur et forçant le barrage de mes lèvres, Juha insinua sa langue dans ma bouche. Au contact doux et chaud de sa langue avec la mienne, je repris mes esprits et répondis ardemment au baiser de Juha. J’étais resté trop longtemps sans sentir sa chaleur et sa tendresse et l’empressement que je mettais dans ce baiser m’étonnait moi-même.

Lorsqu’il mit fin au baiser, Juha déclara d’une voix étrangement rauque :

- En attendant, je peux déjà te prouver d’une autre façon ce que je ne peux exprimer par des mots…

Avec empressement, il commença à déboutonner ma chemise et la laissa tomber au sol alors que sa bouche explorait mon cou, mordant ma peau avant de la lécher longuement comme pour effacer la douleur causée par ses dents.

- Non… Juha… A… Arrête… Tentais-je de la repousser, sachant très bien que je ne résisterais pas longtemps à ses avances.

Cependant, Juha ne prêta pas attention à mes faibles protestations et délicatement, ses mains se posèrent sur mon torse dénudé, titillant mes tétons qui durcissaient au contact habile de ses doigts. Je lâchais un soupir de contentement et prenant cela comme une invitation à aller plus loin, Juha descendit ses mains. Je sentais sa virilité pulser contre ma cuisse et lorsqu’il déboutonna mon jean et passa une main à l’intérieur, je repris aussitôt mes esprits et sursautais violemment en repoussant Juha.

Suite dans la partie 02

10
fév

Once in a lifetime - chapitre 11

   Ecrit par : admin   in Once in a life time

Chapitre 11 par Lybertys

 

Cela faisait plus d’une semaine que nous restions à la cabane. J’attendais patiemment que Gwendal reprenne un poids de forme et se retape. Au fils des jours, il avait commencé à aménager la pièce, la décorant parfois de bouquets de fleurs qu’il trouvait dans les environs. Mon compagnon de voyage me fit part qu’il avait l’impression de se sentir un peu comme chez lui ici et j’avais rit doucement, amusé. Mais au plus profond de moi, cette idée m’avait effrayé. Je ne voulais pas rester ici, je voulais continuer à avancer, comme un être en fuite perpétuelle. Car rester dans un endroit était pour moi avoir trop de temps pour penser et me rappeler, me souvenir de ce que j’avais fait. J’avais pris goût au voyage et je réalisais que c’était devenu comme une drogue, une drogue depuis trop longtemps consommée pour arriver à s’arrêter. C’était bien simple : la route me manquait…

Ce jour là, j’étais dans la rivière, tandis que Gwendal allongé sur le ventre à l’ombre d’un arbre me regardait. Le pantalon relevé jusqu’aux genoux, je tentais tant bien que mal d’attraper du poisson pour le repas de ce soir à l’aide d’un fils de pêche. Cela faisait plus d’une heure que je bataillais et je devais avouer que la patience nécessaire à la pêche n’était pas mon fort. Mais, obstiné, je refusais d’abandonner. C’est alors que, brisant le silence de ce milieu d’après-midi, Gwen m’appela :

- Hayden…

- Tais-toi ! Chuchotais-je, faussement contrarié. Tu fais fuir les poissons…

Je vis Gwendal esquisser un petit sourire amusé, tandis que je repartais à l’affût.

- Quand est-ce que l’on part ? Demanda-t-il.

Cette question si brusque manqua de me faire tomber, glissant sur une pierre bancale.

- Tu veux repartir ? Demandais-je, sans cacher ma surprise. Je croyais que tu te plaisais bien ici…

- Moi oui, mais je vois bien que ce n’est pas ton cas… Répondit-il doucement.

Comprenant que le sujet était sérieux, je ne répondis pas tout de suite et m’approchais de lui, abandonnant à contre-coeur mon idée de pêche. Une fois face à lui, je me laissais tomber sur le sol, m’asseyant en croisant les jambes.

- Je vais être honnête avec toi, déclarais-je en posant mon regard sur lui, sondant inquiet son état de santé. La route me manque, mais je ne veux pas repartir au risque de mettre ta santé en danger.

- En danger ? Répéta-t-il, incrédule. Je ne suis pas en danger ! Tiqua-t-il.

- Même si tu n’en montres rien, j’ai bien vu que tu avais perdu beaucoup de poids, Gwen… Tu n’étais déjà pas épais à la base, mais là c’est devenu flagrant…

A ces mots, je vis Gwen rougir, comme affreusement gêné. Croyait-il vraiment que je n’avais rien remarqué ? Donnant une réponse à ma question il commença, sans oser croiser mon regard :

- Comment tu…

- Le lacet ! Avouais-je avec un sourire un coin. Celui que tu as piqué sur ma chaussure pour attacher ton pantalon… Tu l’as laissé traîner l’autre jour…

- Oh… Souffla-t-il, gêné.

- Tout ça pour dire, repris-je plus sérieusement, que cela ne me gêne pas de rester ici le temps que tu te remplumes un peu. De plus, C’est à moi de faire un effort pour adapter mon rythme de marche au tien. J’ai bien vu que tu faisais ton possible pour suivre mon rythme sans te plaindre, mais je ne peux pas toujours te demander d’arriver à me suivre. Cela fait des années que je mène cette vie, alors que tu n’es à mes côtés que depuis quelques semaines. Du coup, c’est à moi de faire un effort et de m’adapter à ton rythme et de ralentir un peu.

Il sembla touché par mes mots, car il détourna le regard mal à l’aise. Mon coeur s’emballa malgré moi, je commençais véritablement à le désirer et j’avais de plus en plus de mal à réfréner ces pulsions. Mon corps parlait pour moi. Gwen déclara timidement sans se douter de quoi que ce soit :

- Je… Tu n’as pas à faire tous ces efforts pour moi Hayden… C’est moi qui me suis imposé à toi, alors c’est à moi de m’adapter… Et je… Je voudrais que tu me dises si ma présence t’ennuie…

Retrouvant tout mon sérieux, je pris son menton entre mes doigt et l’obligeai à me regarder, avec des gestes emplis de douceur :

- Tu ne me déranges pas le moins du monde, Gwendal, déclarais-je.

- Tu es sincère ? Demanda-t-il, ancrant son regard au mien.

- Je n’ai jamais été aussi sincère, déclarais-je, gravement.

Plongé dans son regard, je n’arrivais pas à décider lequel de ses yeux était le plus profond. J’aimais ses yeux pers, cela lui donnait quelque chose de si particulier et terriblement envoutant. J’aurais pu les regarder pendant des heures. Cependant, ce n’était pas du goût de Gwen qui tenta de se libérer ma poigne. Je libérais alors son menton, pour poser ma main sur sa joue, alors qu’il baissait les yeux, reportant son attention sur le sol.

- Pourquoi détournes-tu le regard ? Demandais-je, ma main posée sur sa joue, la caressant doucement. Tu as des yeux magnifiques… N’ai pas peur de les montrer…

- Mes yeux ne sont pas beau, Hayden, soupira-t-il sans pour autant relever la tête. Tu n’imagines pas ce que c’est d’avoir à assumer le regard des autres, d’avoir à accepter que les grand-mères se signent en me traitant de sorcière dès qu’elles croisent mon regard…

- En quoi leurs réactions t’importent-elles tant, Gwendal ? Demandais-je, agacé malgré moi. En quoi leur avis te tient-il tant à coeur ? Qui sont-ils ? Qu’as-tu à leur prouver ?

- Je… Commença-t-il, hésitant.

- Ignore les, Gwen… Tu ne leur dois rien ! Tes yeux sont une partie de toi, de ce que tu es… Ils sont juste, fascinant… Soufflais-je alors que mon regard accrochait à nouveau le sien.

Envouté, je fus à nouveau possédé par un vague de désir, plus forte que les précédentes. J’avais envie de gouter à nouveau à ses lèvres,  de le toucher, le caresser, de l’atteindre…

La distance qui séparait nos lèvres s’amenuisait dangereusement. Et alors que ma bouche effleurait enfin la sienne en une caresse éthérée, Gwendal sursauta violemment sans parvenir à retenir un cri de frayeur lorsqu’un coup de tonnerre retentit bruyamment au dessus de nos têtes.

L’instant suivant, une pluie diluvienne s’abattie sur nous, caractéristique de la fin de l’été. Nous relevant d’un bond, nous rassemblâmes précipitamment nos affaires avant de partir en courant vers la cabane. Les quelques dizaines de mètres que nous avions à parcourir suffirent pour que nous arrivions complètement trempés. Alors que nous courrions pour nous mettre à l’abri, j’entendis soudain Gwen se mettre à rire. Surpris, je me tournais vers lui, plus qu’étonné.

Pris d’un fou rire, il semblait incapable de s’arrêter, comme possédé par l’euphorie. Si je ne le connaissais pas, ainsi, à rire sous la pluie, trempé jusqu’aux os, on aurait pu croire à un fou.

- Gwen ? L’appelais-je déconcerté.

Lâchant ses affaires, il se mit à tournoyer sur lui-même, les bras écartés, le visage levé au ciel, offert à la pluie qui tombait, ignorant les grondements du ciel. S’il était fou alors j’étais fou de le trouver plus beau encore par ce qu’il dégageait. Posant les affaires à l’abri de la cabane, je courus le rejoindre.

Les yeux fermés, il ne me vit pas venir et manqua de tomber en vacillant. Sans plus attendre, je passais mes bras autour de ses hanches, laissant mon corps se coller à lui dans son dos. Gwendal se détendit presque aussitôt à mon contact, se laissant aller à mon étreinte. Emporté par notre élan, il se laissa aller à laisser ses mains rejoindre les miennes et avec tendresse, je nouais mes doigts aux siens, posés sur son ventre. Même son odeur reflétait sa pureté et sa fragilité.

Pourtant, là, au creux de mes bras, il semblait plus fort que jamais, atteignant un bonheur qu’il semblait n’avoir jamais connu. Il semblait, je l’espérais, avoir enfin compris l’essence même de la vie que je menais : cette liberté qui s’insinuait au plus profond de notre être prodiguant ce sentiment d’euphorie.

Mon regard posé sur lui, jamais il ne m’était apparut aussi beau. Le véritable Gwendal se dévoilait peu à peu. Je finis par fermer les yeux, laissant aller toutes mes autres sens en éveils. Je sentais l’eau glacée tomber sur nous et pourtant, je n’avais pas froid. Le parfum de Gwendal envahissait tout mon espace olfactif et ses mains étaient d’une douceur incomparable. L’eau tombait dans un bruit assourdissant et pourtant il me semblait entendre les battements d’un coeur aussi frénétique que le mien qui ne semblait pas m’appartenir.

Malgré moi je pris peur. Je commençais à sérieusement m’accrocher à cette vie de voyage à deux. Je savais que cela ne serait pas éternel, que Gwendal se lasserait. Personne ne pouvait voyager aussi longtemps que moi et garder toujours cette même volonté. Gwen était encore dans la découverte et la surprise. Ignorant ces pensées, je me choisis de me concentrer exclusivement sur ce que je ressentais là, maintenant, sous la pluie : un profond bien être.

Ce fut l’idée qu’il n’était pas bon pour la santé fragile de Gwen de rester ainsi sous la pluie qui me ramena à la réalité.

- Ne restons pas sous la pluie… Viens… Murmurais-je au creux de son oreille.

Détachant à contre coeur mon corps du sien, nos doigts s’enlacèrent comme pour ne pas rompre le contact. Regardant nos mains, Gwendal finit par reporter son attention sur moi, comme s’il revenait de lui.

égèrement éloigné de lui, je ne pu m’empêcher de lui sourire, heureux et toujours envouté par sa beauté. J’avais l’impression que nos routes ne se croisaient véritablement que maintenant. Et que Gwendal, d’une manière que je ne parvenais pas à déterminer, venait de m’atteindre là où jamais personne ne l’avait fait. J’étais heureux d’avoir fait sa rencontre et heureux de ce que cette rencontre m’apportait.

Gwendal se laissa docilement guider. Lentement, je l’entraînais vers la cabane. Une fois à l’intérieur, je refermais vivement la porte derrière nous afin d’éviter que la pluie ne nous suive à l’intérieur. Puis, me dirigeant vers le petit poêl qui trônait dans un coin de la pièce, je l’allumais. Lorsque le feu eu prit, je me tournais vers Gwen. Immobile, il était pris de tremblement. Sans perdre un instant, je me mis à frotter ses bras en une vaine tentative de le réchauffer.

- Tu ne devrais pas rester avec tes vêtements mouillés, Gwen… Change-toi avant que tu n’attrapes froid…

Honteux, il détourna le regard et jeta un coup d’oeil à l’unique pièce, cherchant très certainement un endroit discret où il pourait se changer. Je souris constatant en même temps que lui qu’il n’y avait absolument aucun recoin où il aurait pu se dissimuler. Comprenant son désarrois et toujurs amusé par tant de pudeur de sa part, je déclarais en souriant :

- Promis je ne te regarderais pas ! Allez, change-toi !

Pour lui prouver ma bonne volonté, j’allais me poster devant l’unique fenêtre, lui tournant le dos. Il vallait de toute façon mieux que je ne le vois pas se déshabiller. Ces derniers temps ce n’était pas innocemment que je le regardais…

Je fixais l’extérieur, tentant d’imaginer autre chose que son corps certainement à moitié nu derrière moi. J’allais même jusqu’à prendre une grande inspiration tentant de me calmer, mais rien n’y faisait. Mon imagination me jouait des tours… Il fallait sérieusement que j’arrête. Gwen n’était pas le genre à m’aider à soulager ses pulsions. Cela était surement du au fait que je n’avais pas eu de rapport depuis un certain temps. Un frisson de dégout me saisit à la pensée de ma dernière relation que j’avais connue mais je la repoussais rapidement, continuant de l’oublier volontairement. Ce fut à ce moment là que j’entendis une petite voix, affreusement mal à l’aise :

- Hayden…

- Il y un a problème Gwen ? Demandais-je sans me retourner.

- Je… Je suis coincé… J’ai… Besoin de ton aide… Souffla-t-il.

J’imaginais déjà ses joues rouges.

- Tu es conscient qu’en me demandant mon aide, cela me force à me retourner ? Demandais-je avec une pointe d’humour.

- Dépêches-toi ! Marmonna-t-il. J’ai froid.

Il ne m’en fallut pas plus pour me décider. Il me tournait le dos. Je me retins de rire lorsque je le vis ainsi coincé dans son tee-shirt, mais je déglutis lorsque mon regard se posa sur son dos nu à moitié dévoilé. Savait-il combien cela me coûtait ? Posant mes mains sur les siennes, j’entrepris avec douceur à l’aider à retirer son tee-shirt, dévoilant à mon regard ce que je m’étais interdit d’admirer.

Il était trop près de moi, trop facile à atteindre, trop tentant.  Alors qu’il baissait les bras, libéré de sa prison de toile, je ne pus m’empêcher de poser mes mains sur ses hanches nues, juste au dessus de son pantalon, provoquant chez lui un violent sursaut. Cependant, il n’esquissa pas le moindre geste et ne voyant rien qui pouvait me retenir, je déposais avec une douceur extrême mes lèvres sur son omoplate, cédant à la tentation de goûter enfin à sa peau. Elle était si douce, si sensible… Son odeur embaumait mon être entier et réveillait en moi un désir puissant que j’avais essayé de faire taire avec difficultés ces derniers temps.

J’aurais voulu continuer, l’embrasser plus près du cou, lécher sa peau, le goûter tout entier mais ce fut mon intimité brusquement éveillée qui me fit revenir à la réalité. Brusquement, je m’éloignait de lui. D’une voix rauque de désir, je déclarais difficilement :

- Finis de te changer, Gwen… Tu es glacé…

Puis, sans plus de cérémonie, je retournais près de la fenêtre, mes pas résonnant dans le silence seulement brisé par les grondements du tonnerre et la pluie qui tombait toujours. Mon rythme cardiaque était sensiblement accéléré, mon souffle saccadé. Le désir coulait dans mes veines, brûlant une à une toutes les barrières qui m’aider à me contenir. Fixant l’extérieur, je tentais de me calmer, mais je n’y arrivais pas. Gwendal finit par venir vers moi et déclara simplement :

- La place est libre…

M’empêchant de le regarder, je m’empressais de m’éloignait, le fuyant. Je ne pouvais pas rester là. Il fallait véritablement que je calme mes ardeurs, et quoi de mieux qu’une douche froide. Au lieu d’aller me changer, j’ouvris la porte de la cabane et la refermais en claquant la porte derrière moi.

Ignorant la pluie qui continuait de tomber, je me mis à courir aussi vite que je pus jusqu’au grand sapin que j’avais déjà remarqué. Une douche froide ne suffirait pas. Voilà bien longtemps que je n’en étais pas arrivé là. Un problème de partenaire était rarement mon quotidien. Trouvant l’arbre en question, je m’abritais dessous et caché de tous les regards, je m’assis sur le sol m’asseyant sur l’herbe sèche.

Lentement, je laissais ma main glisser jusqu’à l’ouverture de mon jean et laissais plusieurs fois glisser ma main dessus en une caresse éthérée qui ne fit que m’exciter d’avantage. Me déhanchant légèrement malgré moi, j’ouvris un a un chacun de mes boutons, tout en prenant soins de caresser mes cuisses et mon entrejambe. Fermant les yeux, je libérais mon sexe, poussant un gémissement de satisfaction.

S’il faisait froid tout autour de moi, j’avais l’impression de brûler d’un feu insatiable. Incapable d’y mettre fin, les seules images de Gwendal nu qu’il m’avait été offert de voir me revinrent à l’esprit et ce fut honteux que je commençais à me caresser plus intimement. Si Gwen avait eut la moindre idée de ce que j’étais en train de faire, il serait déjà partit en courant. Murmurant son prénom sans savoir me retenir, j’accélérais mes caresses, me perdant dans des pensées plus perverses les unes que les autres.

 J’avais l’impression de le sentir tout contre moi, de goûter sa peau, de me délecter de la saveur de ses lèvres et de respirer son odeur à plein poumon. Ma respiration se fit saccadée, mon rythme cardiaque endiablé. Les yeux toujours désespérément clos, je ne voulais m’arracher à cette idylle de mon imaginaire.

Ce fut en gémissant son prénom que je finis par me libérer dans mes mains. Je restais là encore un moment, soupirant de bien être, enfin calmé. Je restais là encore un moment, avant d’aller rincer mes mains à la rivière, honteux de m’être soulagé à l’insu de Gwen. Trempé jusqu’aux os, je commençais à avoir froid et n’eus d’autre choix que de rentrer. Poussant lentement la porte, j’espérais que Gwen aurait comprit la raison de ma fuite. Mais ce ne fut pas le cas. Allongé sur le ventre, un livre posé devant lui, il ne tarda pas à me demander, d’une voix légèrement tremblante :

- Tu étais où ?

- Je… J’ai cru avoir oublié quelque chose à la rivière, tentais-je en espérant qu’il n’insisterait pas.

- Tu mens ! Déclara-t-il simplement, sans relever les yeux de son livre.

Il n’y avait ni reproches, ni accusation dans sa voix, seulement une constatation. A l’entente de ses mots, je poussais un profond soupir et me dirigeant vers mon sac de voyage, je déclarais :

- Ecoute Gwen, je ne suis pas certain que tu ai réellement envie de connaître la raison pour laquelle je suis sortis.

Alors que je me changeais enfin, appréciant les vêtements secs, il déclara simplement :

- Fais bien ce que tu veux. Après tout, tu n’as pas besoin de moi.

Je ne répondis rien, et une fois que je fus changé, je vins m’asseoir à côté de lui. La pluie n’était pas prête de se calmer et je n’avais aucune envie de me retrouver enfermé ici avec un Gwendal boudeur. Gardant obstinément les yeux fixés sur son livre, il ignora ma présence alors que je tentais de lui parler. Ne supportant pas son attitude de gamin, je refermais brusquement son livre.

- Hey ! S’exclama-t-il, furieux.

- Ecoute-moi quand je te parles ? Déclarais-je, las.

- Parce que tu m’as écouté toi peut-être ? Siffla-t-il en se redressant avant de s’éloigner de moi.

Comprenant ses intentions de fuite, je lui attrapais le poignet. Il resta un instant immobile avant de reprendre brusquement son poignet, s’arrachant furieusement à ma poigne.

- Ne me touche pas !

Sur ces mots, il se redressa. Sentant la colère monter en moi, je fis de même et très vite, Gwendal se retrouva coincé entre le mur et mon corps, les poignets maintenant fermement au dessus de sa tête. Furieux, il m’adressa un regard assassin, en s’exclamant :

- Lâche-moi ! Tu n’as pas le droit !

- Je ne te lâcherais pas avant que tu m’es écouté ! Déclarais-je, ancrant mon regard dans le sien. Et arrête de gesticuler, ça ne sert à rien !

- Je n’ai pas envie de t’écouter ! S’exclama-t-il. Je n’ai que faire de tes excuses, s’entêta-t-il.

C’était incroyable comme il pouvait être têtu. Il mettait vraiment mes nerfs à rude épreuve.

- Ecoute-moi ! M’exclamais-je en haussant le ton, le faisant sursauter. Je suis désolé si je t’ai blessé d’une quelconque façon, repris-je plus doucement. Ca n’était aucunement mon intention…

- Je ne suis pas blessé ! Répliqua-t-il cinglant.

- Ah oui ? Pourquoi est-ce que tu me fuis ainsi alors ? Renchéris-je, un sourire en coin étirant mes lèvres.

Pour toute réponse, Gwen tenta une nouvelle fois de se soustraire à ma poigne.

- Tu me fais mal ! Siffla-t-il, furieux.

- Excuses-moi, soufflais-je, en desserrant ma prise.

- Je t’excuse ! A présent, lâche-moi ! Ordonna-t-il.

- Pas avant que tu ne m’ai écouté ! M’exclamais-je déterminé.

Il finit enfin par céder, cessant de se débattre. Il m’adressa un regard assassin qui me fit sourire. S’il cherchait à m’impressionner ou à me faire peur, c’était raté. Il décida alors de m’ignorer et reporta son attention sur la fenêtre. Soupirant bruyamment, je sus qu’il ne cesserait pas d’agir ainsi sans avoir entendu la vérité, même si celle-ci ne lui plairait pas forcément.

- Si je suis partis comme un sauvage c’est que… Commençais-je hésitant, cherchant mes mots pour ne pas le heurter. Je ne suis qu’un homme, Gwen… Avec mes désirs et mes faiblesses… Et tu es loin de me laisser indifférent…

A ces mots, je vis Gwen sursauter, surpris, ne s’attendant visiblement pas à cela.

- Je te désire Gwen, ajoutais-je gravement. Et si je suis parti, c’était pour éviter de faire une bêtise.

Gwendal s’empourpra violemment, comprenant enfin la raison de mon départ. Loin d’être complètement calmé, je posais à nouveau mon regard sur lui, le déshabillant du regard. Il était tout simplement beau à couper le souffle. Sans pouvoir me retenir, je posais sur lui un regard brûlant et empli de désir…

S’en apercevant, terriblement gêné, Gwendal détourna de nouveau les yeux, sous mon sourire attendrit. Il ne prononça pas le moindre mot, et ses joues se teintèrent d’un joli rouge carmin. Réalisant ce que j’étais réellement en train de faire, je libérais ses poignets et m’éloignais sensiblement de lui afin que nos deux corps ne soient plus en contact. Si je m’étais calmé une première fois, je n’avais aucune envie de recommencer maintenant et de retourner sous la pluie. Gwen resta immobile, encore en train d’assimiler mes révélations. Mais bientôt, je le sentis s’approcher lentement de moi et alors qu’il allait poser une main sur mon épaule, j’esquissais un mouvement de recul, un pauvre sourire dépeint sur les lèvres :

- Ca ne serait pas prudent… Déclarais-je simplement. Je… Je crois qu’il vaudrait mieux que tu dormes dans ton duvet ce soir…

Les joues brûlantes sous mon insinuation, il esquissa à son tour un pas de recul, terriblement gêné.
La soirée se déroula lentement, dans un silence gêné. Nous étions couché depuis plusieurs heures, mais entendant Gwendal tourner et retourner dans tous les sens, je compris qu’il avait autant de mal à s’endormir que moi. Cela faisait plus d’une semaine que nous dormions côte à côte et il était étrange de ne pas passer une nuit contre lui. Plongé dans mes pensées, je l’entendis pousser un énième soupir de lassitude avant de l’entendre de lever et sortir.

Ne trouvant pas non plus le sommeil, je décidais d’aller le rejoindre. Rien de mieux que d’observer le calme de la nuit après un orage. Je ne tardais pas à le retrouver, assis dans l’herbe que la pluie n’avait pas pu atteindre. Je vins m’asseoir à ses côtés. Remarquant ma présence, il m’adressa un simple sourire auquel je répondis, puis nous reportâmes notre attention sur les bois. Nous restâmes ainsi, silencieux, l’un à côté de l’autre, admirant la beauté de la nuit, sans qu’aucun de nous n’ose briser le calme de la nuit. Finalement, Gwendal fut le premier à se jeter à l’eau :

- Comment tu l’as découvert ? Demanda-t-il.

- Découvert quoi ? Répétais-je, surpris.

- Ton homosexualité, répondit-il en se tournant vers moi.

- Oh ça… Soufflai-je amusé. Et bien… Au fond de moi, je crois que je l’ai toujours su… Peut-être est-ce à cause de ma mère… A la voir se faire passer dessus par tous ces mecs… A voir dans l’état dans lequel elle était chaque jour, à la voir en redemander encore, à faire la salope pour quelques euros… Peut-être est-ce cela qui m’a dégoûté des femmes, je ne saurais le dire… Quoi qu’il en soit, dès le collège, je n’ai jamais porté la moindre attention sur les filles… Au contraire, voir ses pré-adolescentes se trémousser avec des vêtements vulgaires pour attirer l’attention des garçons… Tout cela me répugnais ça me rappelais bien trop ma mère, ce qu’elle était devenu… Instinctivement, je sais pas, je me suis surpris à observer les garçons et je ne m’en suis pas retrouvé dégoûté, comme avec les filles… Lui répondis-je avec sincérité, sans la moindre gêne.

- Comment l’a prit ta famille quand ils l’ont appris ? S’enquit-il alors.

- Je ne connais pas mes grands-parents, ceux-ci ayant renié ma mère lorsqu’elle a commencé à se vendre… Quant à ma mère, elle s’est mise à hurler, me criant que j’étais un monstre, que je la dégoûtais…

Je me souvenais amèrement de ce jour. C’est à partir de ce moment précis qu’elle avait augmenté ses doses… Mon coeur se serra. Je ne voulais pas y penser. Gwendal ne fit aucun commentaire, gardant pour lui ses impressions. Après un long silence cependant, il finit par prendre à nouveau la parole :

- Père et mère ont toujours eut une vision plus que négative sur l’homosexualité, ne cessant de se plaindre d’eux et les dénigrant comme des moins que rien. Pour eux, le SIDA est de leur faute… Ils disent qu’ils l’ont bien mérité, qu’à force de forniquer à tout va, il fallait bien que quelque chose les punissent… Ils disent que c’est contre-nature… J’avais un cousin… Lorsqu’il a décidé d’assumer son homosexualité et qu’il a présenté son ami à ses parents, il s’est fait renié comme un malpropre et mettre à la porte, comme on jeterai une paire de chaussette abimée à la poubelle… Je ne l’ai jamais revu… Je ne sais pas ce qu’il est devenu… Et pourtant, il était quelqu’un que j’appréciais énormément… Peut-être l’un des seuls d’ailleurs… Mais parce qu’il était différent de ce qu’ils auraient voulu qu’il soit, ils l’ont tous renié, sans chercher à le comprendre, sans se mettre à sa place et essayer d’imaginer ce qu’il a du ressentir… J’ai haïs ma famille plus qu’il n’était possible après ça… Cette famille qui n’en est pas une, avec leurs valeurs préhistoriennes et leurs préjugés… Cette famille qui ne jurent que par leur statut social et se foutent du bien être de leurs enfants… Pour eux, nous ne sommes qu’un moyen d’assurer la lignée de la famille et, en nous utilisant intelligemment en nous mariant avec des hommes ou des femmes influant, d’assurer leur bien-être et leur place dans la société… Et dès qu’un des enfants sort du droit chemin, dès que l’un d’eux se met à montrer des signes d’anomalies ou des tares, comme l’homosexualité, on le renie… On le chasse de cette famille soit disant unie, afin de ne pas salir son nom… Cracha-t-il, comme envahi d’une fureur que je ne lui connaissais pas.

- Et toi ? Demandais-je en me tournant vers lui. Quel est ton point de vue ?

- Je… Je ne sais pas, souffla-t-il, gêné. Je ne pense pas avoir de point de vue particulier… Les sentiments ne se contrôlent pas, ce n’est pas nous qui choisissons la personne, c’est notre coeur… Et lui se fout que la personne qu’il aime soit un homme ou une femme…

- Tu as l’air de parler en connaissance de cause… Soufflais-je, un sourire amusé étirant mes lèvres, surpris d’une telle réponse de sa part.

- Moi ? Non… S’empressa-t-il de répondre, affreusement gêné.

- Menteur, sourit-je. Tu rougis…

- C’est de ta faute ! M’accusa-t-il en se tournant vers moi. Tu poses des questions gênantes.

- C’est toi qui a abordé le sujet… Répliquais-je.

Il ne répondit rien, se contentant de détourner les yeux, mal à l’aise sous mon regard qui se faisait de plus en plus insistant et que je ne parvenais pas à contrôler. Finalement, après un long silence gêné, il me demanda, changeant délibérément de sujet :

- Hayden ?

- Oui Gwen… Répondis-je avec une pointe d’amusement dans la voix.

- Jusqu’où tu serais prêt à aller pour ta liberté ? Demanda-t-il.

- Comment ça ? Dis-je de plus en plus surpris par ses questions.

- Je veux dire, que sacrifice serais-tu prêt à faire ? Que serais-tu capable d’abandonner derrière toi pour rester tel que tu l’es aujourd’hui ? N’as-tu jamais songé à t’arrêter et t’installer quelque part ? N’y a-t-il jamais eu personne qui t’as donné envie de te poser, d’abandonner la vie que tu menais jusqu’à maintenant pour elle ?

Je ne pus m’empêcher de soupirer. Gwendal avait le don pour me poser des questions que je n’aimais pas. Il abordait toujours des sujets sensibles.

Fixant les bois, je finis par lui répondre :

- Je ne sais pas, avouais-je. Je ne me suis jamais suffisamment attaché à quelqu’un pour avoir envie de tout abandonner pour lui… Je n’ai aucune attache nulle part, Gwen comme une feuille morte qui s’envole au premier coup de vent… Je me pose au gré de mes envies, mais, un jour ou l’autre, le désir de repartir se fait de plus en plus pressant, jusqu’au jour où, finalement, je finis par lui céder… Je suis comme ça, Gwen, c’est dans ma nature…

Après une courte pause, je repris :

- Le seul pour qui cela a été beaucoup plus difficile que je ne le pensais, à été Julien… J’étais prêt à tout plaquer pour lui… A arrêter de voyager et m’installer avec lui… Mais finalement, encore une fois, l’appel de la liberté à été le plus fort…

Je l’avais fait espérer. Et je l’avais blessé. Toute ma vie, je ne pourrais me départir de cette culpabilité.

- Il t’arrive de regretter ? Demanda-t-il, comme touché. Tu ne t’es jamais demandé ce qu’aurait pu être ta vie si tu étais resté près de lui ?

- Tu ne t’arrêtes jamais de poser des questions ? Lui demandais-je en riant.

- Désolé… Souffla-t-il en détournant le regard, honteux.

- C’est bon, je plaisantais, le rassurais-je. Tant qu’on en est aux confidences, autant parler non ? Et pour répondre à ta question, non, je ne regrette pas… Je sais que Julien a une meilleure vie que celle qu’il aurait eut avec moi si j’étais resté…

- Comment peux-tu en être certain ? Demanda-t-il en me regardant.

Tournant la tête vers lui, un sourire amusé, je déclarais :

- Tu as toujours réponse à tout, n’est-ce-pas…

Rougissant à nouveau, il frissonna légèrement sous la fraîcheur de la nuit. J’aurais bien voulu le prendre dans mes bras, mais je me l’interdit. Je repensais à ce qu’il venait de me dire. Regretter n’était pas dans mon mode de vie. Cela ne servait à rien de regretter le passé. Tout ce qui m’importait, c’était que Julien soit heureux. Je n’étais simplement pas fait pour une relation.

- Et toi… Déclarais-je après un instant de silence en lui souriant. Parle-moi un peu de toi ?

- De moi ? Répéta-t-il, confus.

- Oui, souris-je, de toi…

- Il n’y a rien à dire, soupira-t-il en détournant les yeux. Je m’appelle Gwendal, j’ai vingt ans et je me suis enfui avec un inconnu lorsque mon père m’a contraint à un mariage forcé… Tu vois, ma vie n’a rien de bien passionnant…

- Il y a forcément d’autres choses à dire, m’entêtais-je. Ce que tu aimes, ton enfance, la famille on va éviter, ajoutais-je, lui arrachant un petit sourire, tes goûts, tes rêves… Tu vois, il y a pleins de choses à dire sur toi…

- Pourquoi est-ce que tu veux savoir tout ça ? Demanda-t-il, surpris, en croisant mon regard.

- Ce n’est pas ce que font deux personnes qui voyagent ensemble ? Chercher à se connaître… Demandais-je en souriant, reprenant ses propres mots.

Gwendal sourit. A chaque fois qu’il souriait, il était encore plus beau… Reportant son regard devant lui, il commença à parler après un instant de silence :

-  Je n’ai jamais vraiment réfléchis à tout ça, avoua-t-il. Dès mon plus jeune âge j’ai toujours fait ce que l’on me demandait, parce que c’est comme cela que l’on m’a élevé et c’est ce que l’on attendait de moi… Je suis fils unique et mes parents n’ont jamais été très présents pour moi, mais mon rôle de fils unique me contraignait à me plier à leurs exigences… C’est pourquoi, je n’ai jamais discuté leurs ordres, faisant ce que l’on exigeait de moi…

- Et pourtant, tu t’es enfuis de chez toi lorsqu’ils ont voulu te marier… Commentais-je.

- Oui, souffla-t-il. Peut-être ai-je été docile trop longtemps, ajoutais-je avec un petit sourire amer. Je n’avais peut-être rien à moi, mes goûts étaient ceux que l’on m’imposaient, mais j’ai toujours eu ce désir au fond de moi… Quand j’étais petit, je rêvais que j’avais des ailes, et que je m’envolais loin de chez moi… Je rêvais de découvrir le monde, de rencontrer les gens que j’aurai aimé rencontrer et non ceux que l’on m’imposait… Je voulais tant être… Normal…

- Et maintenant ? Demandais-je en me souriant. Est-ce que la vie que tu mènes à présent te plait davantage ?

- Bien plus, répondit-il sincère avant de se rembrunir. Tellement qu’il m’arrive de croire que tout cela n’est qu’un rêve… Que si je ferme les yeux trop longtemps, lorsque je les ouvrirais, je me réveille dans ma chambre et que tout ce que j’ai vécu jusqu’à présent ne soit qu’une douce illusion…

Délicatement, ma main vint se poser sur sa joue, et avec une douceur infinie, je l’incitais à tourner la tête vers moi. Nos regards se croisèrent, chamboulant Gwendal. Avec ce que je m’apprêtais à faire, j’étais certain qu’il ne croirait plus à une illusion. Je voulais le ramener à la réalité et de la manière la plus douce qui soit. Lentement, je me penchais vers lui, cédant à la tentation, mon regard toujours ancré au sien, alors que Gwen ne bougeait pas, semblant parfaitement conscient de mes intentions.

Lentement, comme pour ne jamais le heurter, je posais mes lèvres sur les siennes. Gwen poussa alors un soupir de satisfaction qui me fit esquisser un sourire. Bientôt, mes lèvres s’entrouvrirent sur ma langue qui, tendrement, vint caresser ses lèvres, pour l’inviter à les entrouvrir. Enivré par son odeur et le goût si particulier de ses lèvres, je fermais les yeux, le sentant s’abandonner à moi. Cédant à mon invitation, il entrouvrit timidement les lèvres. Il ne m’en fallut pas plus et l’instant suivant, ma langue se faufilait entre ses lèvres, partant à la recherche de la sienne.

Lorsque nos langue s’effleurèrent en une tendre caresse, je sentis Gwendal frissonner violemment. Délicatement, je posai sa main sur ma joue alors qu’il n’osait esquisser le moindre mouvement. Très vite, notre échange gagna en intensité. Ma langue entraîna la sienne en un ballet vieux comme le monde. Soudain, ce fut trop pour moi et pris d’une frénésie incontrôlable, je le guidais dans un baiser fiévreux qui n’avait plus rien à avoir avec ceux que nous avions échangé jusqu’à maintenant.

Mon rythme cardiaque s’accéléra, possédé par le désir, je pressais mon corps contre le sien. Ce fut son corps tendu qui me montra que j’allais trop loin. Il était en train de prendre peur. Reprenant brusquement mes esprits, je m’écartais vivement de lui, rompant brusquement le baiser. Je m’étais laissé prendre… Il était rare que j’éprouve une telle attirance pour quelqu’un… Peut-être était-ce du à son inaccessibilité…

- Excuse-moi, murmurais-je, ma main caressant doucement sa joue. Je me suis laissé emporter… Ca va ?
- Je… Oui… Murmura-t-il, plus qu’embarrassé.

- Alors, demandais-je après un court instant, reprenant notre conversation où nous l’avions laissée. Tu crois encore que tout ceci n’est qu’une illusion ? As-tu déjà rêvé d’être embrassé par un homme, même dans tes rêves les plus fous ?

- Jamais… Avoua-t-il les joues rouges.

- Alors ceci n’est pas un rêve, Gwen… C’est réel… Déclarais-je en souriant.

Il ne répondit rien, et le silence nous enveloppa à nouveau. Finalement, la fatigue le gagna et alors qu’il étouffait un baîllemnt, je déclarais :

- Allez, va dormir… Tu tombes de sommeil…

Après m’avoir souhaité une bonne nuit, il retourna dans la cabane. Pour ma part, je continuais d’observer la forêt avec envie. Je pouvais entendre au plus profond de mon être, me crier de reprendre la route. Poussant un soupir, j’allais à mon tour me coucher. Je ne tardais pas à trouver le sommeil, emporté dans des rêves sans images…

Finalement, nous ne reprîmes la route que trois jours plus tard, la pluie n’ayant pas cessée avant. Au matin du quatrième jour, profitant d’une éclaircie, nous rangeâmes nos bagages et reprîmes la route. Si Gwendal avait du mal à quitter cet endroit il n’en laissa rien paraître. Pour ma part, la joie de reprendre la route embaumait mon coeur d’étincelles.

Nous marchâmes pendant deux jours avant de finalement prendre le bus jusqu’à Birmingham. Là, après une nuit à l’hôtel, nous prîmes le train jusqu’à Edimbourg. Je lui avais avoué avoir un ami là bas et lui avais demandé s’il était d’accord pour lui rendre visite. A sa mine renfrognée, j’avais éclaté de rire en lui expliquant que cet ami n’était pas le moins du monde attiré par les hommes et que je n’avais jamais eus d’aventure avec lui. Partiellement rassuré, il avait tout de même fini par accepter.

Et après une petite semaine de marche, nous arrivâmes enfin à Fakland, une petite ville au nord d’Edimbourg. Ne m’y étais jamais rendu, ayant rencontré Darren en Angleterre, je demandais mon chemin et nous arrivâmes enfin à la petite villa un peu en retrait de la ville dont il m’avait tant parlé. Là, je passais devant lui et allait frapper à la porte. Ce fut une jeune femme qui vint nous ouvrir et que je ne connaissais pas. D’un ton poli, je demandais :

- Bonjour, est-ce que Darren MacKay est là, s’il vous plait ?

- C’est de la part de qui ? Demanda la jeune femme un peu sceptique.

- Hayden…

- Chéri ! Appela la jeune femme en se tournant vers l’intérieur. Un certain Hayden demande à te voir.

L’instant d’après, Darren, sorte de gros ours, fit irruption dans l’encadrement de la porte. Je souris en voyant Gwendal esquisser un pas en arrière. Darren était tout simplement immense. Mais ses yeux bleu et ses cheveux roux dégageait quelque chose de tendre. Darren était tout sauf un mauvais type, il ne fallait simplement pas le chercher trop longtemps.

- Par la barbe de Merlin ! S’exclama Darren avec un grand sourire. Hayden ! Qu’est ce que tu fais là, mon vieux !?

L’instant d’après, comme il en avait pris l’habitude, il m’attrapa à l’aide de ses deux bras énorme et me soulevant de terre comme si je ne pesais rien, il me serra contre lui. Me serrant plus fort qu’il n’était capable de le supporter, il m’étouffa presque.

- Salut Darren ! Soufflais-je en lui rendant son étreinte. Content de te voir vieux !

Nos embrassades s’éternisèrent avant que je ne me souvienne de la présence de Gwendal. Me tournant vers lui, je fis les présentations et Gwendal lui serra poliment la main retenant tant bien que mal un gémissement de douleur sous sa poigne de fer.

C’est avec entrain que Darren nous invita à entrer chez lui et après nous avoir présenté sa compagne, Blair, il nous offrit à boire.

Très vite, la discussion s’engagea entre Darren et moi et c’est à peine si je vis disparaître Gwendal dans la cuisine. J’avais rencontré Darren lors d’un travail et l’amitié s’était tout de suite créée. A son départ, il m’avait fait promettre de venir lui rendre visite dans la villa qu’il venait d’acquérir, trop heureux de rentrer enfin dans son pays. Il m’interrogea sur ce que j’avais fait durant tout ce temps là et il ne fut pas surpris de voir que je n’avais pas changé. Sa seule surprise fut que j’ai un compagnon de voyage. Brièvement et confiant, je lui racontais comment je l’avais rencontré.

Darren m’apprit qu’il allait se marier avec Blair. Heureux pour eux, je le félicitais en lui souhaitant tous mes voeux de bonheur. Il le méritait. A mes souvenirs, sa dernière copine l’avait quitté sans la moindre considération et il avait eu beaucoup de mal à se relever. Il semblait avoir enfin atteint le bonheur qu’il espérait et me parla même d’enfants qu’il espérait avoir.
Le soir, nous fûmes conviés à rester dormir et lors du dessert, Darren, après avoir probablement reçu l’accord de sa future épouse, nous proposa de rester pour leur union, chose que je m’empressais d’accepter avec une joie non feinte.

La soirée du s’éterniser, car Gwendal s’endormit, la tête callée contre mon épaule. Ce fut à ce moment là que Darren me souffla, comme attendrit :

- Je suis content que tu ais trouvé quelqu’un avec qui partager ta vie et qui suive ton rythme.

- Que veux-tu dire pas là ? Lui demandais-je en fronçant les sourcils.

- Je veux simplement dire que vous faîtes un très beau couple.

Si ce mot m’hérissa je n’en laissais rien paraître et riant légèrement je m’empressais de le corriger :

- Darren, nous sommes simplement des compagnons de voyage, rien de plus.

- Je ne pense pas que Gwen te voit simplement comme un compagnon de voyage, souligna Blair avec une moue dubitative.

- Quoi ? Qu’est que vous allez vous imaginez… Gwen n’éprouve pas ce genre de sentiments pour moi. Dis-je en posant mon regard sur lui. Il est plus souvent choqué et dégoûté par mon style de vie.

- Pourtant, ce n’est vraiment pas ce que ses yeux te disent, argumenta Darren.

- Je pense que votre imagination est trop fertile, répliquais-je. On ne tombe pas amoureux de quelqu’un aussi vite. Surtout de moi. Non, ce n’est pas possible, répliquais-je comme pour me convaincre et faire taire le doute qu’ils venaient de faire naître en moi.

- Si tu le dis… Mais méfie-toi quand même. Gwendal a l’air d’être un garçon sensible, conclu Blair.

- Pas comme toi, ajouta Darren en riant.

Je fus blessé d’être traité de coeur de pierre mais je ne répondis rien. Après tout, il touchait peut être dans le vrai. Je n’étais tout simplement pas capable d’aimer. Mais il était simplement impossible que Gwen éprouve quelque chose pour moi. De l’affection peut-être mais rien de plus. Il en était de même pour moi. J’éprouvais de la tendresse, de l’affection, une volonté de le protéger, mais ça s’arrêtait là.

Le dimanche matin, nous nous préparâmes tous pour la cérémonie qui devait avoir lieu en fin de matinée. Darren venait de me donner des vêtements pour Gwendal et je m’empressais de les lui apporter. Il était en train de s’habiller dans la salle de bain et sursauta à mon arrivée. Lui tendant une chemise blanche et un pantalon noir, je déclarais :

- Tiens, met ça ! Et fait quelque chose pour tes cheveux ! Ajoutais-je en les avisant soigneusement peignés. Comme le matin quand tu te réveilles par exemple ! Ajoutais-je, un sourire en coin étirant mes lèvres.

- Tu veux dire que j’ai l’air de sortir de mon lit ? S’exclama-t-il, surpris.

- Ou du mien, de préférence ! Répondis-je avant de quitter aussitôt la pièce, amusé de voir l’air stupéfait de son visage.
Il était définitivement trop facile de le faire marcher. Pour ma part, déjà près, j’allais rejoindre les autres dans le salon.

Quelques instants plus tard, discutant avec Blair des derniers préparatifs, je ne pus m’empêcher de m’arrêter en plein milieu de ma phrase en voyant Gwendal apparaître. Dans ses vêtements pourtant si simples, il était de toute beauté. Un ange… Face à mon regard intense, Gwendal détourna le regard, mal à l’aise, et une fois de plus rougissant. Blair s’approcha de lui tout sourire :

- Tu es ravissant, Gwendal ! Déclara-t-elle.

Il lui adressa un petit sourire de remerciement puis nous nous mîmes en route.

Ce n’était pas le premier mariage auquel j’assistais mais je fus particulièrement heureux pour mon ami lorsqu’ils échangèrent enfin leurs voeux et leurs anneaux avant de s’embrasser passionnément. Au fond de moi, je savais que cela m’était interdit, que jamais je ne connaitrais ce qui les liait aussi profondément. Je me l’interdisais. Je n’avais pas le droit, pas après ce que j’avais fait à ma mère et ce qu’elle avait fait de moi.

Durant la fête qui suivit, je fus heureux de voir Gwendal passer sa soirée à danser avec Blair ou Darren, ceux-ci l’ayant visiblement très vite adopté. Pour ma part, j’étais engagé dans une profonde discussion sur mon style de vie avec le cousin de Blair qui rêvait de voyager.

Lorsque vint le moment des slows, Gwendal alla rejoindre sa place, regardant simplement danser les autres, le menton calé dans sa main. Repensant au slow que nous avions dansé tous les deux, j’eus envie de retenter l’expérience. Charmé par sa beauté, je m’approchais de lui alors qu’il semblait prêt à aller faire un tour dehors. Charmeur, je m’approchais de lui dans une démarche féline. Il commençait à occuper très sérieusement toute mes pensées. Ainsi vêtu, il semblait être un ange venu tout droit des cieux dont aucune beauté ne pouvait égaler. M’approchant de lui, je lui tendis la main, et le regardant dans yeux, un tendre sourire étirant mes lèvres, je demandais :

- Tu viens danser ?

Comme pour s’assurer que c’était bien à lui que je parlais, il regarda autour de lui et s’aperçut qu’il était le seul à ce coin de la table. Amusé de le voir réagir ainsi, je fus heureux de le voir rougissant, attraper timidement ma main. Fier, je l’entraînais à ma suite sur la piste de danse, au milieu des couples tendrement enlacés. Puis avec une tendresse qui me surprit moi même, ne m’inspirant rien d’autre lorsque j’étais à ses côtés, je passais mon bras autour de sa taille, l’attirant délicatement à moi.

Timidement, Gwendal enlaça ses doigts au mien tandis que je le regardais en souriant. Bientôt, nous commençâmes à danser au rythme lent de la musique. Lentement, je pus sentir Gwendal finir par se détendre, se laissant complètement aller entre mes bras. La tête calée sur mon torse, j’ignorais s’il pouvait percevoir les battements endiablés de mon coeur. Mes doigts passaient et repassaient dans son dos, l’effleurant en une caresse aérienne à travers sa chemise. Je ne pus m’empêcher de sourire de contentement lorsque je l’entendis soupirer longuement de bien-être.

- Ca va ? Lui demandais-je.

- Oui, répondit-il dans un murmure.

Pour toute réponse, je lui embrassais les cheveux, envahi d’un sentiment étrange qui ne m’inspirait que douceur et tendresse à son égard. Je n’aurais su dire combien de temps nous restâmes ainsi enlacés, guidés par le rythme de la musique. Au bout d’un long moment, fatigué, Gwen redressa la tête et d’une petite voix, il déclara :

- Hayden… Je voudrais rentrer… Je suis fatigué…

- D’accord, répondis-je. Va chercher ta veste, je vais prévenir Darren que nous rentrons…

Me séparant de lui à contre-coeur, j’allais glisser un bref mot à Darren, le félicitant encore une fois pour ce jour qui allait changer sa vie. Il me donna un double des clefs de sa maison. Revenant vers Gwendal, celui-ci était en train d’enfiler sa veste. Sans un mot, je lui souris avant de le prendre par la main, l’entraînant à ma suite. Le chemin jusqu’à chez Darren n’était pas long et se déroula dans le silence le plus complet. Gardant ses doigts prisonniers, il m’était impossible de rompre le contact. Il regardait le sol, comme s’il avait peur de relever la tête et de croiser mon regard. Il n’y aurait pourtant vu que le reflet de sa beauté qui illuminait mes yeux.

Arrivés chez Darren, je sortis la clef de ma poche et ouvrit la porte, l’invitant galamment à me précéder. Il me sourit, à la fois amusé et intimidé, et entrant derrière lui, je refermais simplement la porte. Une fois arrivé dans la chambre, Gwendal se débarrassa de ses chaussures et de sa veste et, attrapant un boxer propre et son pyjama, il alla s’enfermer dans la salle de bain. Pour ma part, je pris plus de temps et je dus ronger mon frein pour ne pas aller le rejoindre. Je finis par simplement attendre, vêtu de mon boxer, allongé sur le lit. Gwendal revint après un moment. Je pouvais sentir l’odeur du savon jusqu’ici. Amusé, je vis qu’il s’efforçait de ne pas me regarder.

- Tu as fini avec la salle de bain ? Lui demandais-je.

- Oui, répondit-il simplement, en dénouant ses cheveux, assis en tailleur de son côté du lit.

Puis, sur un simple sourire, je l’abandonnais momentanément.

Lorsque j’eus terminé de me laver, Gwendal était déjà sous les couvertures. Il n’ouvrit les yeux que lorsque je vins me glisser entre les couvertures et m’allonger près de lui. Je ne voulus pas éteindre la lumière tout de suite, voulant une fois de plus admirer son visage. Ancrant mon regard au sien, je vis Gwendal répondre timidement au sourire que je lui adressais.

- Tu as passé une bonne soirée ? Demandais-je dans un chuchotement.

- L’une des meilleures de ma vie, répondit-il avec sincérité. Je suis vraiment heureux pour Blair et Darren, ils sont vraiment très gentils.

- Oui, approuvais-je. Blair est une femme merveilleuse, je suis content pour Darren, elle le rendra heureux.

Gwen ne répondit rien, se contentant de répondre au sourire que je lui adressais. Avait-il seulement la moindre idée de la beauté qu’il dégageait. Mon regard ancré au sien, je ne parvenais pas à le quitter du regard, comme hypnotisé. Angel… C’était le mot qui le qualifiait parfaitement. Je ne pus me contrôler plus avant. D’un geste d’une tendresse qui me troublais, je levais une main vers son visage et du bout des doigts, je replaçais la mèche de cheveux qui lui tombait devant les yeux derrière son oreille.

Puis, au lieu de récupérer ma main, je la posais sur sa joue, la caressant affectueusement. Sous la douceur de mes doigts, je pus voir Gwen se laisser aller à fermer les yeux, soupirant de bien-être. La tentation était trop forte. Lentement, je m’approchais de lui, attiré par ses lèvres qui ne demandaient qu’à être recouvertes. Sans plus attendre, mes lèvres happèrent les siennes avec une tendresse dont je ne faisais preuve qu’avec lui. J’avais constamment peur de le heurter, comme s’il s’agissait d’un être d’une sensibilité et d’une fragilité extrême.

Très vite, ma langue vint caresser ses lèvres et à mon plus grand plaisir, Gwendal accéda docilement à ma requête. Ma langue rencontra alors la sienne et l’entraîna dans un ballet sensuel. Ma main quitta alors sa joue pour aller se poser dans le creux de ses reins, le faisant tressaillir. J’avais besoin de plus qu’un simple baiser, mais je ne savais pas s’il était prêt. Cependant, comme rassuré par ma tendresse, il se laissa aller, me laissant le guider sur ce chemin qui lui était inconnu.

Fébrilement, ma main se glissa sous son haut de pyjama, effleurant enfin sa peau. A ce contact, Gwen poussa un petit gémissement de surprise qui ne fit que m’encourager. Prenant sa réaction pour un consentement, j’entrepris alors de le caresser plus franchement. Lentement mes doigts remontèrent le long de sa colonne vertébrale, lui arrachant un frisson de bien être tandis que je me perdais sous la douceur et la finesse de sa peau.

Je fus amusé de voir Gwen se cambrer légèrement, rapprochant nos deux corps plus encore, éveillant le mien. Bientôt, mon baiser se fit plus entreprenant. La douceur, bien que toujours présente, laissa place à quelque chose de plus pressant que je ne pouvais contrôler alors que ma langue caressait la sienne avec frénésie. Jamais encore nous n’avions échangé un tel baiser et lentement, je continuais de lui faire découvrir un monde qu’il allait adorer.

Partit comme nous l’étions, nous nous acheminions peu à peu vers un chemin de non retour, non prémédité, profitant simplement du présent. Mes mains étaient enfin en contact avec sa peau, son corps en contact avec le mien me grisait. J’étais certain qu’il était un amant extraordinaire et touché qu’il me laisse être sa première fois. Je ne voulais pas le lui faire regretter. Il était le premier vierge avec qui j’allais coucher, aussi j’allais devoir user de toute ma patience et ma douceur pour qu’il n’oublie jamais cette nuit et la magie de ce moment.

Un petit gémissement rauque que je ne pus m’empêcher de retenir mourut dans la bouche de mon vis à vis, alors que mon corps se pressait davantage contre le sien. Ma main abandonna son dos pour aller s’ancrer sur ses fesses. Un nouveau frisson s’empara de lui, alors qu’il semblait se laisser aller en confiance entre mes bras. Timidement, il posa une main sur ma nuque, ce qui me fit violemment frissonner à ce contact, ne m’attendant pas à un tel geste de sa part.

Invité à poursuivre, je le fis brusquement rouler sur le dos, laissant le poids de mon corps sur le sien. Je le vis aussitôt rougir en réalisant notre position. Allongé de tout mon être entre ses jambes et sur son torse, je l’embrassais à en perdre haleine, pressant mon corps contre le sien, gagné par l’ivresse de le sentir enfin si proche. Libérant ses lèvres après un baiser des plus fiévreux, j’enfouis mon visage dans son cou alors qu’il refermait ses bras autour de moi, comme pour m’empêcher de m’éloigner de lui. C’était loin d’être mon intention…

Alors que je posais mes lèvres dans son cou tant désiré, il frissonna violemment à ce contact, avant de pousser un petit gémissement plaintif qui vint ravir mes oreilles. L’instant suivant, ma langue vint rejoindre ses lèvres alors que j’explorais dans retenue les courbes de son cou, mordillant délicatement sa peau au passage avant de la parsemer d’une multitude de baiser papillons, pour me faire pardonner de ma brusquerie.

Jamais je n’aurais pensé faire autant preuve de douceur et ô combien il était agréable d’éveiller Gwendal aux plaisirs de la chair. Là, en dessous de moi, il se laissait aller à fermer les yeus, rejetant la tête en arrière, en proie à des sensations qui lui étaient jusqu’alors inconnues. M’offrant un plus grand champ d’action, je ne pus me retenir de pousser un grognement guttural qui le fit frissonner.

Puis restant contre ses lèvres, mes mains se mirent en mouvement sur son corps, effleurant ses côtes pour longer sa taille et ses hanches, avant de finalement se poser sur l’une de ses cuisses que je lui fis relever, faisant s’accentuer le contact de mon aine sur son bas ventre. A ce rapprochement, Gwendal réagit aussitôt, se cambrant contre moi, poussé par le désir d’intensifier le contact de nos deux corps.

Satisfait, j’abandonnais momentanément son cou pour m’emparer à nouveau de ses lèvres tandis que j’esquissais un mouvement de bassin, faisant se frotter mon intimité contre la sienne. Cette fois-ci, un gémissement de pur plaisir s’échappa de ses lèvres et profitant de cet instant, je glissais ma langue entre ses lèvres pour un baiser passionné comme jamais nous n’avions échangé.

Son corps était une véritable invitation à la luxure. Tous ses sens semblaient en éveil et il était comme perdu au milieu de cet afflux de sensations. Mes mains dansaient sur son corps l’investissant avec délicatesse et savoir faire, désirant pousser plus loin encore son envie pour moi.

Mettant fin à notre échange, je me redressais légèrement et ancrant mon regard au sien, je lui offris un sourire. Voilà ce que m’inspirait Gwendal : beaucoup de tendresse et cette sensation de bien être à côtés. J’avais l’impression en l’espace d’un instant, que sa pureté pouvait m’atteindre et qu’elle éclairait mon être, le rendant moins sombre. Je lui souris parce qu’il était beau, je lui souris pour le rassurer. Je me sentais si bien, là, si proche de lui.

Ma main vint délicatement se poser sur sa joue, une fois de plus teintée d’une couleur carmine. Sans m’en soucier davantage, je caressais tendrement sa joue avant d’y déposer une multitude de baisers aériens. Je fus heureux de le voir sourire. Ancrant mon regard au sien, mes lèvres à quelques centimètres des siennes, je lui demandais d’une voix sensuellement rauque :

- Tu as peur ?

- Oui…

- Tu veux que j’arrête ? Demandais-je, aussitôt en proie à l’inquiétude que je laissais transparaître dans ma voix.

- Non… Souffla-t-il à ma plus grande surprise, s’abandonnant entièrement à moi.

Encouragé par sa réponse, je ne pus retenir un immense sourire qui vint étirer mes lèvres, touché par sa confiance, poussant un soupir de soulagement. Avait-il seulement conscience de l’ampleur du désir que j’éprouvais dès à présent pour lui. Je fus surpris du sentiment qui m’étreint alors le coeur. Plus qu’un désir physique, je voulais le posséder tout entier, je voulais être son premier, le marquer à jamais de cette expérience comme étant une des plus belles de sa vie.

Changeant de position, je me redressais  avant de m’agenouiller entre ses cuisses. A sa vue, les jambes éhonteusement écartées, et les joues rouges, je ne pus que sourire face à ce contraste. Me penchant vers lui, je lui volais un tendre baiser, cherchant à le rassurer. Je ne voulais surtout pas lui faire de mal. Puis, fébrilement, j’entrepris de déboutonner son haut de pyjama. Gwen en sembla terriblement gêné mais il ne m’incita pas à arrêter, me laissant au contraire tout le loisir de dévoiler son corps.

Alors que j’ouvrais sa chemise, exposant son torse nu à mon regard impudique, je fus envahi d’une chaleur insoutenable. Son corps était tout simplement magnifique. Sa peau laiteuse sans la moindre imperfection semblait aussi douce que de la soie. Jamais je n’aurais cru ressentir quelque chose d’aussi fort pour quelqu’un. Réagissant physiquement, je voulais sentir le sexe de Gwendal gonfler et se durcir d’avantage alors que j’esquissais un lent et délicat déhanchement qui lui arracha une plainte de plaisir.
Rassuré par ma douceur, il retira complètement son haut de pyjama, m’offrant une vision complète de son torse dénudé. A cette vision, je ne pus que frissonner violemment et, fébrilement, n’osant pas croire ce que j’avais sous les yeux, hésitant à le toucher, je posais mes deux mains sur son ventre plat.

Mes mains se mirent alors à parcourir son corps en toute liberté, redessinant du bout du doigt les courbes graciles de son corps, apprenant chaque mont et vallée. Lorsque mes lèvres se posèrent quelques centimètres plus loin au dessus de son nombril, mes mains échouées sur ses hanches, Gwendal m’offrit encore le plaisir d’entendre l’un de ses gémissements de plaisir. Son corps se cambra violemment. Satisfait de sa réaction, je réitérais mon geste encore et encore, laissant s’embraser en lui un feu qu’il n’avait encore jamais connu. Sa main de posa sur mon épaule, tandis que l’autre allait se perdre dans mes cheveux, comme pour se raccrocher quelque part.

Puis, je finis par relever la tête, en manque du goût de ses lèvres, je remontais m’en emparer  pour un baiser passionné, ma langue entraînant la sienne pour un baiser des plus ardents. Puis, à bout de souffle, je rompis notre échange  et enfoui de nouveau mon visage dans son cou. Gwendal referma ses bras autour de moi, comme pour m’empêcher de partir, caressant délicatement ma nuque du bout des doigts. A ce contact, je ne pus me retenir de frissonner violemment alors qu’un gémissement de plaisir venait mourir sur sa peau que j’embrassais avidement.

Délicatement, je mordillais la peau sensible de son cou, réitérant le même manège que précédemment, mais de l’autre côté. Remontant sur son menton, j’embrassais alors la ligne de sa mâchoire avant de mordiller délicatement le lobe de son oreille, lui arrachant un nouveau gémissement de plaisir, alors que ses ongles se plantaient dans mon épaule. Puis, après avoir délicieusement torturé son oreille, je redescendis dans son cou, mais je ne m’y attardais pas, descendant davantage au sud.

Je marquais une pause au niveau de sa clavicule, laissant ma langue caresser sa peau qui s’avéra être très sensible à cet endroit. Puis, reprenant ma navigation, trop heureux de découvrir son corps, embrassant chaque parcelle de peau offerte, je stoppais l’exploration de son corps lorsque j’arrivais au niveau de ses tétons déjà durcis. Lorsque je les effleurais du bout de la langue, il émit un long gémissement plaintif qui sonna à mes oreilles comme la plus douce des mélodies jamais entendue.

Je fis durer cette douce torture un moment, titillant ses boutons de chair l’un après l’autre, en léchant un tandis que mes doigts jouaient avec l’autre et inversement, le plongeant dans un monde qu’il n’avait jamais connu. Puis, lassé, j’entrepris de passer à autre chose. Toujours avec tendresse, je repris mon exploration, laissant mes lèvres et ma langue découvrir le reste de son corps, descendant jusqu’à son ventre, jouant avec son nombril, passant et repassant sur ses abdominaux, cherchant à imprimer leur courbe dans ma mémoire.

Subitement, je me redressais, le surplombant de toute ma hauteur, posant sur lui un regard brûlant de désir. Puis, me penchant vers lui, je m’emparais de ses lèvres pour un baiser ardent mais toujours avec cette douceur et cette tendresse dont j’avais si rarement fait preuve avec autrui. A bout de souffle, haletant, ce fut Gwendal qui mit fin à notre échange.

Ancrant son regard au mien, dans un geste qui me surpris énormément, il posa sa main sur ma joue et m’adressa un sourire tendre avant de s’emparer de mes lèvres pour un baiser d’une douceur infinie. Mon corps se tendit tout entier à ce contact, alors que pour la première fois, il était à l’initiative d’un de nos baisers. Et il apprenait très vite… Il finit par libérer mes lèvres, rougissant et détournant les yeux, gêné de son audace.

Aussitôt, je m’empressais de bloquer son geste d’une main sur sa joue, le forçant à me regarder. Je voulais qu’il soit certain de ce qu’il était en train de faire, que ça ne soit pas juste une lubie ou une décision sur un coup de tête. Je ne voulais surtout pas qu’il regrette et mon sourire laissa place à une expression bien plus sérieuse. J’avais tellement peur de le blesser. Lui qui semblait alors à mon regard, si pur…. Mon coeur battait extrêmement vite sous l’excitation, mais le sien battait tous les records.

Délicatement, avec une tendresse extrême, j’effleurais ses lèvres du bout des doigts. D’une voix chargée d’émotions, je demandais dans un souffle :

- Tu es certain que c’est ce que tu souhaites ?

Pour toute réponse, il se leva de façon à ce que son visage ne soit plus qu’à quelques centimètres du mien, et murmura tout contre mes lèvres :

- Je suis sûr…. Hayden… Me supplia-t-il avant de s’emparer une seconde fois de mes lèvres.

Rassuré et reprenant mes esprits, je repris délicatement le contrôle de notre échange et de nouveau, mes mains partirent à l’aventure de son corps. Lorsque je mis fin à notre échange, je lui volais un furtif baiser juste après, avant de me redresser.

Je voulais lui offrir ce que j’avais été forcé de donner à Thomas. Je voulais avec lui effacer définitivement ce souvenir. Me penchant à nouveau au dessus de lui, je déposais mes lèvres sur son ventre, lui arrachant un frisson de bien être. Puis, ancrant mon regard au sien,  pour m’assurer de son approbation, je posais mes mains sur ses hanches, à l’endroit où était posé son pantalon et lentement, pour ne pas l’effrayer, j’entrepris de le lui retirer. Semblant prendre entièrement conscience de ce qui était en train de se passer, je vis Gwen rougir de plus bel, comme honteux de son corps. Il ne fallut pas beaucoup de temps pour que Gwendal se retrouve entièrement nu, exposé à mon regard appréciateur, un désir sans nom s’y reflétant. Angel… C’était véritablement ce qu’il était.

C’est alors que mon vis à vis se mit à trembler, esquissant un geste pour se soustraire à mon retard. Comprenant aussitôt son intention, je le retins pas les hanches :

- N’ai pas honte, Gwen, murmurais-je d’une voix rauque. Tu es magnifique…

Troublé, Gwen m’adressa un petit gêné auquel je répondis en l’embrassant tendrement tout en esquissant un lent déhanchement. A ce contact, Gwen poussa un gémissement de plaisir. Satisfait de sa réaction, je réitérais mon geste, faisant frotter contre lui mon sexe durement gonflé à travers la toile de mon boxer. Alors que je me frottais impudiquement contre son intimité, le faisant haleter de plaisir, je laissais ma langue parcourir de nouveau son corps, attisant au maximum le plaisir de mon amant.

Puis, petit à petit, mes lèvres arrivèrent au niveau de son bas ventre, après avoir redessiné chaque courbe de son torse et de son ventre. Progressivement, je laissais ma langue caresser l’intérieur de ses cuisses, évitant délibérément de toucher son intimité. Un gémissement étouffé s’échappa de ses lèvres entrouvertes tandis que je prenais plaisir à le faire languir, plus que satisfait de le voir se tortiller sous moi.

Lorsque je sentis que la frustration était trop forte et que Gwen était plus que prêt, je passais ma langue sur son intimité, la léchant sur toute sa longueur. Le sanglot de frustration que Gwen poussait se transforma subitement en un cri de surprise. Fort de mon effet, je réitérais mon geste plusieurs fois, lui arrachant à chaque fois un gémissement de plaisir. Puis, sans le prévenir, je pris son intimité entre ses lèvres, effaçant à jamais le souvenir de Thomas. Ce fut à ce moment précis que je lui arrachais son premier vrai cri de pur plaisir. Un violent spasme parcouru son corps comme s’il était en train de perdre pied.

Délicatement, je commençais alors un lent mouvement de va et vient, prenant son intimité toujours plus profondément entre mes lèvres. Je sentis les doigts de Gwen se perdre dans mes cheveux, ne faisant que m’encourager à lui offrir encore plus.

Jamais je ne m’étais autant donné. Les mains ancrées sur ses hanches, je le gardais plaqué contre le matelas, lui interdisant tout mouvement. Un gémissement de mécontentement s’échappa de ses lèvres entrouvertes, alors que je gardais toujours ce même rythme volontairement lent.

Bientôt, ses gémissements se muèrent en sanglots. Accédant alors à sa requête, j’accélérais subitement les mouvements de va et bien, ma langue experte s’enroulant sensuellement autour de son intimité. Ne pouvant davantage faire taire mon propre plaisir, je glissais une main dans mon boxer, m’offrant quelques caresses intimes pour calmer le feu qui brûlait en moi. Peu à peu, le sentant sur le point de non retour, j’accélérais davantage la cadence de mes vas et vient, lui arrachant un sanglot de pur plaisir alors qu’il s’exclamait :

- Non… Arrête… Arrête… Supplia-t-il.

Sourd à ses implorations, j’accentuais au contraire mes vas et vient, l’accompagnant jusqu’au bout. Il finit par se libérer entre mes lèvres, l’orgasme le fauchant de plein fouet. Dans un cri de pur plaisir, les mains crispées dans mes cheveux, il se cambra violemment avant de se laisser lourdement tomber sur le matelas.

es joues rouges, le corps luisant de sueur et la respiration erratique, les yeux fermés, il m’offrit la plus belle des images. Ne pouvant rester davantage loin de lui, je m’allongeais sur son corps. Alors qu’il ouvrit enfin les yeux, je lui souris tendrement. Rougissant, il répondit timidement à mon sourire. je caressais alors ses cheveux dans un geste d’une douceur extrême, décollant les cheveux collés à son front par la sueur. Dans un murmure, je lui demandais :

- Ca va ?

Comme incapable de parler, mon amant se contenta de hocher positivement la tête alors que ses joues prenait une belle teinte carmine qui me firent sourire. Lentement, comme en manque de lui, je mis bas à la distance qui séparait nos lèvres et m’emparais des siennes pour un baiser des plus tendre qui gagna bien vite en intensité. Galvanisé, j’esquissais un lent déhanchement qui lui arracha un feulement de plaisir alors que mon intimité dure et palpitante de vie se frotta contre la sienne qui à mon plus grand plaisir commençait à s’éveiller de nouveau.

Mettant fin au baiser, j’ancrais de nouveau mon regard au sien. Le plus sérieux du monde, ne voulant en aucun cas le forcer, je lui demandais :

- Si tu souhaite arrêter, c’est le moment de le dire, Gwen, déclarais-je d’une voix rauque de désir. Car si nous poursuivons, je serais incapable de me contrôler… C’est pourquoi tu dois être sûr…

Je voulais qu’il soit entièrement consentant. Je ne voulais pas porter sur mes épaules par la suite le poids de la culpabilité où le voir regretter un instant qui se devait d’être magique. Jamais je n’avais été aussi précautionneux avec mes amants. Jamais je n’avais été aussi attentif à leurs besoins. Jamais ne m’était sentis aussi protecteur envers qui que ce soit.

Gwendal posa une main sur ma joue, laissant son pouce redessiner la courbe de mes lèvres avant de s’en emparer timidement. Il ne m’en fallut pas plus pour comprendre le message. Trop heureux de son cadeau, touché d’être celui qui l’initiait, je lui adressais un sourire éblouissant lorsque nous mîmes fin à notre échange.

Pour le remercier, je m’emparais de nouveau de ses lèvres et lui offrit un baiser empli de tendresse et de douceur, sans jamais chercher à l’approfondir. Je voulais qu’il se sente confiant avec moi. Lorsque j’en fus assuré, je libérais ses lèvres, mordillant délicatement la zone sensible que j’avais découvert dans son cou, lui arrachant un frisson de plaisir avant de poursuivre ma descente plus au sud.

Là, je déposais un tendre baiser sur le bout de son intimité à nouveau éveillée et je ne pus retenir un sourire amusé lorsque Gwendal poussa un petit cri de surprise et de plaisir mêlé. Sans m’arrêter là, je poursuivis ma course un peu plus au sud, laissant un doigt effleurer la partie la plus intime de son anatomie. Gwendal tressailli violemment.

Satisfait de sa réaction, je laissais mes doigts jouer un moment avec l’entrée de son intimité, lui arrachant de petits gémissements de plaisir. Puis, je finis par le faire se retourner pour avoir plus de liberté pour le préparer le mieux possible. A la position qui fut alors la sienne en cet instant : les jambes écartée, les fesses tendues vers moi, je dus me faire durement violence pour ne pas le posséder à l’instant. Ne faisant aucun commentaire, je déposais un tendre baiser sur le gable de sa fesse droite, provoquant chez lui quelques frissons.

Je réitirais alors mon geste, déposant une multitude de baisers papillon sur ses fesses, alternant entre caresses et baisers. Le sentant peu à peu être rassuré et se détendre, je laissais enfin ma langue effleurer l’entrée de son intimité. A ce contact, Gwendal se cambra violemment, un gémissement de plaisir lui échappant. Il ne me rendait vraiment pas la tâche facile. Avec un autre amant, je n’aurais pas fait autant de manières. J’étais moi-même surpris de mon self-control et de ma patience.

Sa sensibilité était sans pareille, comme si elle n’attendait qu’à être réveillée. Bientôt, la mélodie de ses gémissements plaintifs et cris de plaisir virent ravirent mes oreilles alors que je m’activais à le préparer. Ma langue jouant avec son intimité, je finis par laisser un doigt rejoindre ma langue. A ce contact, Gwendal se tendis imperceptiblement et je pris mon temps pour le rassurer, laissant mon doigt jouer avec son entrée, comme ma langue un peu avant.

Durant de longues minutes, je continuais à le caresser, me laissant guider par ses gémissements et réactions. Puis, à nouveau, je réitérais mon geste, et l’instant d’après, je laissais ma langue forcer doucement l’entrée de son intimité. Il se cambra violemment, en proie à des sensations qu’il ne connaissait pas. Satisfait, je poursuivis par des caresses plus poussées et lorsque je le sentis entièrement détendu, je repris mon idée première et au lieu de ma langue, ce fut mon doigt délicat qui s’insinuait en lui.

Il ne sembla pas sentir la moindre douleur. Profitant du fait qu’il soit parfaitement détendu, j’insinuais alors un second doigt en lui, mais contrairement au premier, celui-ci lui fit pousser un cri de douleur. Son corps se tendit aussitôt. Je cessais aussitôt tout mouvement, lui laissant le temps de s’habituer à la présence de mes doigts en lui. Lorsqu’il fut enfin détendu, j’entamais un lent mouvement de va et vient qui lui arracha un gémissement de surprise. Puis, lorsque la douleur eut complètement disparut, j’esquissais un mouvement de ciseaux, continuant délicatement ma préparation.

Pendant un temps qui me parut infini, je continuais de le préparer, attendant qu’il soit parfaitement prêt et parfaitement détendu pour passer à la suite. Je devais me faire de plus en plus sérieusement violence pour me retenir, surtout quand Gwendal se mit à esquisser de lui même un déhanchement, s’empalant de son plein gré sur mes doigts. Je ne pus retenir un gémissement rauque. L’instant suivant, j’insérais un troisième et dernier doigt en lui et Gwen ne pu retenir un gémissement de douleur. Instantanément, je cessais tout mouvement, lui laissant le temps de s’habituer à l’intrusion.

Au bout d’un temps, la douleur commença à refluer et Gwendal se détendit. Cependant, prenant sur moi, je restais complètement immobile, me contentant de déposer mille baisers sur ses épaules et sa nuque. Gwendal finit par lâcher un gémissement impatient. N’en pouvant plus, je me tendis contre lui et l’instant d’après, mes doigts se mouvaient en lui avec savoir faire. Tout son corps semblait victime d’un brasier qui lui était jusqu’alors inconnu. Ne tenant plus, je retirais subitement mes doigts de son intimité, lui arrachant à mon plus grand plaisir un gémissement de frustration.

Me débarrassant de mon boxer, je présentais sans perdre de temps mon sexe à l’entrée de son intimité, prêt à le posséder. Mais c’est alors que Gwendal se tendit brusquement, et il chercha à se soustraire à ma poigne avant de s’effondrer sur le matelas. Se tortillant, il tentait de se retourner, et je fus effrayé de le voir pleurer.

- Non… Gémit-il, comme en proie à une peur panique.

Immobilisé sous l’effet de la surprise, je l’aidais aussitôt à se retourner. Lorsque je vis son visage ravagé par les larmes, mon coeur se serra douloureusement. Je ne supportais pas de le voir pleurer et encore moins d’être la cause de ses larmes. Délicatement, avec des gestes tendres, je pris son visage entre mes mains et ancrant mon regard au sien, je déclarais d’une voix peinée, sans me rendre compte du surnom que j’employais :

- Calme-toi, Angel… Je m’arrête, regarde… Allez, c’est fini… Je t’en prie, calme-toi, murmurais-je.

- Hayden… Gémit-il lamentablement entre deux sanglots qui me transperçaient le coeur.

- Oui, Gwen ? Murmurais-je.

- Pardon… Pardon…

- Il n’y a rien à pardonner, Gwen, le rassurais-je. C’est normal d’avoir peur lors d’une première fois…

Gwendal garda le silence un instant avant de déclarer d’une toute petite voix :

- Je… Je veux continuer…

- Non, Gwen… Ce n’est pas prudent…

- C’est… C’est parce que tu étais derrière… Avoua-t-il alors, comme terriblement honteux.

A ces mots, je ne pus m’empêcher de me détendre complètement, alors qu’un soupir de soulagement s’échappait de mes lèvres. Lui caressant doucement la joue, je murmurais :

- Je m’excuse, Gwen… J’aurais du me douter que ce n’était pas la position rêvée pour une première fois… Je crois que je me suis un peu trop laissé emporté par la tentation que tu représentes… Avouais-je, sincère.

Semblant touché, Gwen pris appuis sur ses bras et se soulevant jusqu’à mon visage, il s’empara de mes lèvres pour un tendre baiser dans lequel je me perdis. Rares étaient les fois où j’avais connue pareil échange, et si mon coeur s’emballait étrangement, je le fis taire. S’écartant de moi, il déclara d’une voix tremblante :

- Je… Je veux que nous reprenions où… Où on en était…

- Tu es certain ? Demandais-je gravement. Je ne veux pas que tu te forces, Gwen… Sous aucun prétexte…

- Je suis certain, approuva-t-il confiant. S’il te plait…

Hésitant un instant, la tentation finit par se faire trop forte et j’y cédais. Avec douceur, je m’emparais de ses lèvres pour un baiser des plus tendres qui, bien vite, gagna en intensité. Puis, m’activant à faire renaître son plaisir, je fus soulagé de le voir se réveiller à nouveau. Durant un long moment, j’entrepris d’attiser à son paroxysme son désir, de mes doigts habiles, autour de son inimité à présent tout à fait réveillée.

Mes yeux ne pouvaient quitter son corps, l’observant avec une convoitise telle que je ne pouvais la cacher.

- Tu es si beau, Angel… Magnifique… Gwen, je… Oh Seigneur, je te veux tellement… Gémis-je en enfouissant mon visage dans son cou.

Gwendal s’abandonna entièrement à moi, écartant les jambes avant de les refermer autour de ma taille, m’interdisant toute tentative de fuite. Surpris, je me relevais, inquiet. Etait-il vraiment sur ? Je cherchais à déceler toute crainte dans son regard, et pourtant, il semblait si confiant. Comment pouvait-on m’offrir une telle confiance aveugle ? Savait-il que ces mains qui le caressaient étaient teintées de sang ? Savait-il que je n’étais pas à la hauteur…

Repoussant ces interrogations, je m’emparais vivement de ses lèvres pour un baiser passionné auquel il répondit avec entrain, me faisant oublier. Puis, abandonnant ses lèvres, je posais mes mains sur ses cuisses et lui fit relever une jambe afin que nos entrejambes se frottent l’une contre l’autre. A ce contact, Gwendal gémit de plaisir. Puis, au comble de l’impatience, je me redresser légèrement et lui sourit avant de prendre mon érection en main qui était plus que douloureuse. Lisant un peu de peur dans on regard, j’esquissais un petit sourire rassurant :

- Je serais doux, ne t’inquiète pas, Angel… Et puis, à toi de me dire si ça ne va pas, d’accord ?

- D’accord, souffla-t-il confiant.

Prenant mon sexe entre mes doigts, je me présentais enfin à son entrée, arrachant à Gwendal un violemment frisson d’anticipation. Puis, avec une délicatesse infinie, je m’insinuais lentement en lui, écartant ses chairs si fermes pour me fondre en lui. Ce fut son gémissement de douleur alors que je le pénétrais lentement qui me permit de ne pas perdre le pied et de maintenir les rênes de mon plaisir. Je m’immobilisais aussitôt faisant preuve d’un self-control qui m’étonna. La respiration saccadée, je devais puiser dans les moindres recoins de mon être la  force de tenir pour ne pas simplement forcer l’entrée et le pénétrer entièrement.

Lentement, la douleur commença à refluer pour Gwendal et d’un léger déhanchement, il m’indiqua que je pouvais reprendre. Plongeant cependant mon regard dans le sien, je lui demandais, inquiet :

- Ca va ? Je ne te fais pas mal ?

Pour toute réponse, il hocha négativement la tête. Rassuré, je patientais encore quelques seconde avant de reprendre doucement, le pénétrant avec une lenteur presque exagérée qui lui arrachant un gémissement de frustration. Soulagé, j’esquissais un petit sourire avant de le pénétrer plus franchement, m’enfonçant entièrement en lui. Je perdis pied, tandis que Gwendal se cambrait violemment laissant un petit cri de plaisir s’échapper de ses lèvres.

- Gwen… Gémis-je en m’allongeant tout contre lui. Oh Gwen… Tu es merveilleux, Angel… Murmurais-je en esquissant un premier coup de rein.

Je sentis Gwendal s’agripper de toutes ses forces à mes épaules. Mes mains posées sous ses cuisses, j’entamais alors un lent mouvement de va et vient, le pénétrant avec précaution, craignant de lui faire mal. Puis, mes lèvres vinrent chercher les siennes et ma langue entraînant la sienne dans un ballet érotique terriblement excitant.

Très vite, mes coups de reins se firent plus ciblés et lorsque j’atteins enfin un point anatomique sensible, j’entendis Gwendal pousser un cri de plaisir. Je me sentais si bien, là en lui, si serrein comme je ne l’avais jamais été. J’avais l’impression de me noyer dans sa pureté et d’oublier qui j’étais, ce que j’avais fait. Plongé dans l’ivresse de l’instant, je l’entendis à peine murmurer mon prénom.

Lors d’un mouvement de bassin plus profond que les précédents, je touchais quelque chose en lui. Son corps se cambra violemment à la recherche du mien. Plus que satisfait, je réitérais mon geste encore et encore, inlassablement jusqu’à ce que ses gémissements se muent en cris de plaisir. Gwendal semblait noyé dans le même plaisir que moi, son corps se soulevant en rythme avec le mien, se cambrant toujours plus afin d’aller à ma rencontre.

Grisé, je finis par passer mes bras dans son dos pour le ramener véritablement contre moi. Assis sur mes cuisses, il passa alors ses bras autour de mon cou, comme pour nous rapprocher plus qu’il n’était possible. Mes mains posées sur ses hanches, je l’aidais à garder le rythme, le pénétrant toujours avec plus de fougue. Ivre de plaisir, Gwendal m’emportait plus loin encore que je ne l’avais espéré.

Brusquement, il posa une main sur mon torse et me repoussa, me forçant à m’allonger. Amusé par son audace, un petit sourire amusé vint étirer mes lèvres. L’instant d’après, comme s’il avait oublié toute pudeur, ses mains posées sur mon ventre contracté afin de garder l’équilibre, il se mit à me chevaucher, se déhanchant lascivement au dessus de moi.

- Oui… Gwen… Gémis-je, emportait par un plaisir intense  incontrôlable.

Ivre de plaisir, il s’empalait toujours plus profondément sur mon sexe. Les mains sur ses fesses, je l’aidais à garder un rythme soutenu et cadencé alors qu’un sanglot s’échappait de ses lèvres. Jamais je n’aurais pensé que le sexe soit aussi bon avec lui, aussi intense. Sous sa timidité se cachait un amant hors pair et j’étais orgueilleusement le premier à le découvrir.

Bientôt, ses forces semblèrent l’abandonner et ses bras ne le soutinrent plus. Vacillant, il s’écroula sur mon torse, haletant d’un plaisir intense. Une main dans son dos et l’autre sur sa hanche, j’échangeais à nouveau nos positions et le fit rouler sous moi. Alors que je le surplombais de toute ma hauteur, je me penchais vers lui et m’emparais de ses lèvres pour un baiser impétueux.
Il y répondit avec fièvre avant de le rompre lorsqu’un cri de plaisir s’échappa de ses lèvres. Nous y étions…

- Oh, Angel, gémis-je, en mordant un peu trop violemment la peau de cou, emporté par le vif plaisir, le faisant tressaillir. Gwen… Je vais…

- Hayden… Hayden, sanglota-t-il, répétant mon prénom en une litanie incessante.

L’orgasme déferla sur nous avec la violence d’un tsunami. Dans un cri de jouissance, Gwendal se libéra entre nos deux corps étroitement enlacés, criant mon prénom tandis que je me libérais en lui dans un cri qui fit échos au sien, le marquant à jamais. Alors que Gwendal poussait un gémissement de bien être, à bout de force, je m’écroulais sur lui.

Nos corps luisant de sueur, tremblant sous l’effet des dernières vagues de la jouissance, la respiration erratique, je sentis Gwendal refermer ses bras autour de mon cou.

L’embrassant délicatement dans le cou à l’endroit où je l’avais mordu un peu plus tôt, je tentais de me faire pardonner de ma sauvagerie. Puis, mes lèvres vinrent se poser sur les siennes pour un baiser d’une incroyable tendresse.

Gwendal me rendit mon baiser, toujours avec cette étrange sensation qui me donnait le vertige. Je finis par me retirer de lui, m’allongeant à ses côtés. Lui faisant face, je lui caressais tendrement la joue, le faisant soupirer de bien-être :

- Comment tu te sens ? Demandais-je doucement.

- Je me sens bizarre, avoua-t-il le rouge aux joues sous le sourire que je lui adressais. Bizarre, mais merveilleusement bien…

Un sourire amusé étira mes lèvres. Repensant à nos conversations passées je lui demandais alors :

- Alors ? Toujours convaincu que c’est mieux de coucher avec une personne qu’on aime ?

A ces mots, l’expression de Gwendal changea du tout au tout. Son sourire s’effaça subitement pour laisser place à une mine dévastée. La gorge brusquement nouée, il déclara dans un murmure étranglé :

- Oui…

Ce ne fut qu’à cet instant précis que je pris entièrement conscience de l’ampleur de ma bêtise. Jamais je n’aurais pensé que… Qu’il… Comment pouvait-il penser m’aimer… Perdant mes couleurs, je me redressais sur mon coude pour le surplomber, perdant subitement mes mots, je dis lamentablement :

- Merde… Gwen, je…

Sans me laisser le temps de finir ma phrase, il se releva et sans un regard pour moi, il quitta le lit et alla s’enfermer dans la salle de bain, ignorant mes appels désespérés.

Si j’avais su… Si j’avais su qu’il ressentait cela pour moi alors jamais je n’aurais couché avec lui. J’aurais du le savoir, j’aurais du m’en rendre compte et pourtant, cela me semblait impossible. Il ne pouvait pas m’aimer. Il ne faisait que le croire. L’entendre pleurer fut une torture sans nom et je n’osais pas pousser la porte, je n’osais pas voir ce que je venais de lui faire. S’il était vraiment tombé amoureux de moi alors il était tombé amoureux de la seule personne dont il ne fallait pas.

Dès lors que l’on s’approchait trop de moi, je ne faisais que semer de la souffrance. Alors que je pouvais l’entendre vomir, je me dégoutais. Je ne valais pas ses sentiments. Je n’étais pas à la hauteur. Si j’avais voulu de tout mon coeur protéger Gwendal, je n’avais pas pu le protéger de moi…

Ce fut en prenant sur moi que j’osais pousser la porte de la salle de bain. Le spectacle qui s’offrit à moi me serra si douloureusement le coeur que je crus qu’il allait s’arrêter. Là, adossé contre le mur, recroquevillé sur lui même, son visage enfouis dans ses bras, il pleurait toutes les larmes de son corps, transpirant la souffrance. M’approchant de lui, je posais ma main sur son bras. Vivement, il retira son bras et s’éloigna légèrement de moi, refusant tout contact :

- Ne me touche pas ! Cracha-t-il avec tout le mépris qu’il ressentais pour moi.

Je détestais ses paroles, je détestais les entendre, me rabaissant plus bas que terre, comme ma mère l’avait si souvent fait. Non, ce n’était pas possible qu’il m’aime. Guidé par la peur, je tentais :

- Gwen… S’il te plait, commençais-je. Tu sais, je… Je ne crois pas que tu éprouves vraiment de l’amour moi pour moi… Tu as juste été attiré par la nouveauté… Tu ne connaissais pas, tu voulais découvrir… C’est tout à fait normal…

Avant que je n’ai pu terminer ma phrase, sa main s’abattit durement sur ma joue avec une force telle que la douleur fut aussitôt cuisante.

- Qui es-tu pour me dire que ce que je ressens n’est pas réel ? S’exclama-t-il avec fureur. Toi qui n’as jamais aimé personne de ta vie !

Mon coeur se brisa alors que je tentais :

- Ecoute, Gwen…

- Laisse-moi ! Souffla-t-il, subitement las.

- Gwen… S’il te plait… Insistais-je, me sentant dangereusement tomber là où je ne voulais pas.

- Tu es sourd ? S’exclama-t-il alors. Laisse-moi je te dis ! Dégage ! Je ne veux plus te voir… Acheva-t-il dans un sanglot avant de se détourner de moi, mettant un terme à la discussion.

Si j’avais un coeur de pierre alors pourquoi celui-ci était-il si douloureux en cet instant. Sans un mot, je quittais la salle de bain refermant la porte derrière moi. M’allongeant dans le lit imprégné de nos ébats, je me recroquevillais sur moi-même. Non, je n’étais pas capable d’aimer. J’étais fait pour être seul. Dès lors que je laissais quelqu’un s’approcher trop près de moi, je le faisais souffrir.

Julien avait pourtant été une bonne leçon, mais je n’avais pas du la comprendre. J’étais misérable, dangereux pour autrui. Comment pourrais-je réparer cette erreur ? Pourrais-je seulement y faire quelque chose ? Alors que je sentais mon coeur se craqueler et les larmes monter, je murais aussitôt toutes ses sensations. Je ne voulais pas chuter, je ne voulais pas être faible.

Je devais être fort, oublier, ignorer les pleurs de Gwendal qui me refusait à ses côtés. Je n’étais qu’un bourreau, un monstre de la pire espèce et j’avais heurté l’être le plus pur et le plus fragile que je connaissais. Dieu comme je regrettais.

 Je ne méritais pas ses sentiments. Je ne méritais pas de l’amour, mais du mépris. Ma main se posa inconsciemment sur la cicatrice à ma hanche. Si seulement je ne m’étais pas fait attaquer, alors je ne l’aurais jamais rencontré, je ne lui aurais pas fait autant de mal. Je n’aurais jamais du entrer dans sa vie, et jamais je n’aurais du lui proposer mon aide. Ma mère aurait du m’emporter avec elle, mieux encore, ne jamais me mettre au monde.

Je me détestais, me dégoutais… Me donnait envie de vomir et je n’avais pas la moindre idée de comment rattraper mes erreurs…

Lorsque j’ouvris les yeux, je dus faire immédiatement face à ce qui s’était passé la veille. A la place vide qu’occupait normalement Gwen se trouvait un mot. Me redressant aussitôt, je l’attrapais fébrilement et pu y lire :

 « Je pars, ne cherche pas à me retrouver… Adieu, Gwen. Ps : Je t’aime. ».

Mon coeur s’emballa aussitôt. Attrapant des vêtements, je m’habillais en moins de temps qu’il ne fallait pour le dire et sortit de la chambre. A peine avais-je fais deux pas à l’extérieur qu’une main s’abattit violemment sur ma joue.

- Qu’est-ce que tu lui as fait ? Cria Blair hors d’elle.

Alors que sa main s’élevait à nouveau dans les airs, elle fut stoppée par Darren qui lui retint solidement le poignet.

- Si tu lui laissais le temps de s’expliquer au lieu de t’acharner tout de suite sur lui.

- Parce que tu crois qu’il y a besoin d’explications, dit-elle en dégageant vivement sa main. Je pense que tout est parfaitement clair. Ce salaud a fait du mal à Gwendal malgré mes mises en garde.

Sa main libre tomba à nouveau sur ma joue, rougie par le coup précédent.

- Elle a raison, soufflais-je, froid.

Je ne ressentais plus rien. Pas même ma joue qui me cuisait. Même mes paroles sonnaient comme si elles m’étaient étrangères.

- Qu’est ce qui s’est passé ? Demanda Darren.

- J’ai merdé… Répondis-je dans un souffle.

- Tu as merdé ! S’exclama Blair. C’est tout ce que tu trouves à dire, simplement merdé !

- J’ai couché avec lui sans faire attention à ses sentiments, rétorquais-je. J’ai été odieux. Je n’ai pas cru à ses sentiments, soufflais-je alors que la douleur refaisait surface.

- Je t’avais pourtant mis en garde, idiot ! S’exclama Blair.

- Bon dieu Hayden, quand est-ce que tu arrêteras de penser avec tes couilles et que réfléchiras avec ton cerveau. Soupira Darren.

Blessé d’entendre cela de la part de mon ami, je ne répondis rien. Qu’aurais-je pu répondre, après tout il avait raison.

- Tu n’es qu’un putain d’égoïste insensible, surenchéri Blair.

- C’est bon ! Je crois que j’ai compris. Je suis méprisable, un connard d’égoïste, un salopard qui ne pense qu’à sa petite personne et à sa queue. D’ailleurs je me demande ce que je fais ici. Claquais-je brusquement avant de leur tourner le dos et de foncer vers la porte de sortie.

J’entendis à peine Darren me criais d’attendre. En un rien de temps, j’étais dehors. Où était Gwendal ? Où était-il partit ? Inconsciemment, je fis notre chemin inverse, sachant pertinemment que je ne le trouverais pas. Méritais-je seulement de le retrouver.

N’avait-il pas pris la bonne décision en me quittant ? Il fallait qu’il s’éloigne de moi, le plus possible, là où je ne pourrais plus l’atteindre, là où je ne pourrais plus le heurter. Je errais sur la route toute la journée, marchant sans jamais m’arrêter comme si revenir sur mes pas pouvait effacer le mal que je lui avais causé. M’enfonçant dans la forêt, loin de toute civilisation, mes jambes ne me portèrent plus et je m’écroulais.

Ce ne fut qu’à cet instant où je ne pu plus rien retenir. Les larmes tombèrent toutes seules alors que mon coeur si oppressé à me faire crier de douleur. Je pleurais, recroquevillé sur moi même, seul dans la forêt. Je pleurais pour le mal que j’avais causé et l’être que j’avais perdu.

J’avais effleuré un ange et je l’avais fait tombé. Je voulais me faire mal mais je n’en avais pas la force. Je repensais au soir où j’avais pleuré dans ses bras et au bien être qu’il m’avait apporté. Gwendal… La seule personne à qui j’avais dévoilé mes faiblesses. Je repensais à tout ce que nous avions vécu, à tout ce que je venais de perdre….

La nuit était déjà tombée lorsque je repris le chemin du retour pitoyable. Seulement, je n’avais aucune envie de rentrer chez Darren et Blair. Je n’avais pas la force de supporter leur regard accusateur. Ce fut dans le bar le plus glauque de la ville que je me perdis. Je n’ai plus de souvenirs très précis de cette nuit là, faite d’alcool trop fort et de sexe animal, ne pouvant jamais m’ôter de l’esprit Gwendal et le mal que je lui avais fait.

Je me perdis, oubliant la notion du temps, ne vivant plus que des sensations, sans jamais atteindre la puissance de ce que j’avais vécu avec Gwendal. Je restais là le lendemain, oubliant toute notion de jour ou de nuit, m’enfonçant dans une débauche que je n’avais pas connu depuis l’âge de mes 16 ans. Ce fut tard le soir suivant que perdu au fond du bar, alors qu’un homme dont j’ignorais le nom me léchait délicieusement le cou, sa main dans mon pantalon, qu’un autre me cacha brusquement la lumière tamisée de l’endroit. Lorsque je relevais les yeux, je tombais nez à nez avec Darren. Il posa un regard peiné sur moi avant de dire :

- Je pensais que tu avais changé, que tu étais devenu plus responsable. Et pourtant, j’étais certain de te trouver dans ce genre d’endroit. Allez, lève-toi, on rentre.

- Je ne veux pas, soufflais-je, froid et las. Je veux rester là.

- Si tu as un tant soit peu d’estime pour les sentiments de Gwendal, alors lève-toi et suis moi. Ne donne pas raison à Blair. Tu vaux mieux que ça, dit-il en me montrant d’un bref geste de la tête, l’homme qui continuait ses attentions dans mon cou. Allez, insista-t-il, dépêche toi et ne me fais pas regretter ce que je m’apprête à te dire.

Sans un mot, je repoussais l’homme et refermant mon pantalon, je suivis piteusement Darren. Arrivé dehors, je le suivis silencieusement. Nous montâmes dans sa voiture et pas un mot ne fut décroché jusqu’à chez lui, mon regard perdu face au paysage nocturne qui défilait devant mes yeux.

Une fois chez lui, je fus invité dans plus de cérémonie à aller prendre une douche, Blair me lançant un regard noir que je ne pouvais pas supporter. Puis, je retournais les voir dans le salon comme demandé.

M’asseyant en face d’eux, je ne pus faire face à leur regard empli de reproche.

- Est-ce que tu es sûr qu’il mérite de savoir, déclara Blair en s’adressant à Darren.

Darren soupira et sans répondre à sa femme, il me souffla :

- Gwen vient d’arriver chez Julien. Julien m’a téléphoné avant que je vienne te chercher.

Aussitôt, je redressais la tête et demandais :

- Comment va-t-il ?

- A ton avis idiot, déclara Blair.

- Blair arrête, s’il te plait, tu ne nous aides pas vraiment. Déclara Darren, agacé.

- Est-ce que je peux appeler Julien ? Demandais-je alors gravement.

- Bien sur, déclara Darren en attrapant le téléphone avant de me le tendre.

Ne souhaitant pas rendre publique cette communication, après avoir demandé le numéro, je disparus dans la cuisine. Blair, épuisée, alla se coucher. Fébrilement, je laissais sonner, conscient de l’heure tardive. A vrai dire, il était presque le matin.

- Allo, dit une voix que je ne connaissais que trop bien.

- Hayden ! Déclara-t-il.

- Avant que tu ne m’insultes et me dise ô combien ce que j’ai fait ai mal, dis-moi comment va Gwendal… Soufflais-je, le coeur serré.

- Je ne peux pas vraiment te parler maintenant, murmura Julien. Je vais être sincère, il ne va pas bien. Mince, Marie arrive, je te rappelle plus tard.

Sans que j’ai le temps de dire un mot de plus, Julien raccrocha. Je posais le téléphone devant moi, plus que mal à l’aise et c’est ce moment précis que Darren fit irruption dans la cuisine.

- Je pense que tu as besoin d’avaler un petit quelque chose Hayden. Je doute que tu te sois nourris depuis l’autre jour.

- Je n’ai vraiment pas faim, soupirais-je.

- Laisse-moi au moins te préparer une boisson chaude, déclara-t-il avec un petit sourire.

Alors qu’il s’affairait dans la cuisine, je ne pus m’empêcher de lui dire :

- Je suis désolé Darren. Vous venez juste de vous marier et… Et je vous apporte tous ces soucis. Ne t’inquiète pas, demain je m’en irais.

- Si tu me dérangeais Hayden, il y a longtemps que je t’aurais mis dehors. Hayden… Souffla-t-il en venant prendre place en face de moi après avoir mit l’eau à chauffer. Je peux te parler franchement.

- Je… Oui… Dis-je.

- Je m’inquiète pour toi. Ton style de vie n’est pas sain… Regarde où je t’ai retrouvé tout à l’heure, et… Gwendal était quelque chose de bien qui t’arrivait dans ta vie et tu as…

- J’ai tout gâché, je sais mais c’était sûrement mieux pour lui.

- Qu’est ce que tu veux dire ? Me demanda-t-il.

- Je ne suis pas fait pour les relations humaines…

Darren partit à rire, avant d’ajouter :

- Tu dois être le seul homme que je connaissais à avoir autant de relations humaines Hayden ! Tu as des amis aux quatre coins de l’Angleterre.

- Oui, mais ça ne reste que superficiel…

- Alors à toi de changer les choses.

- Je ne sais pas comment, répondis-je, soucieux.

Ce fut à ce moment là que le téléphone sonna. Aussitôt, je décrochais, certain qu’il s’agisait de Julien, et cela ne manqua pas. J’entendis Julien soupirer avant de dire.

- Je vais être honnête avec toi Hayden. Il n’a fait que pleurer jusque là. Tu n’y es vraiment pas allé de main morte avec lui. Tu fais tout pour que Marie te déteste encore plus… Mais ne t’inquiète pas, il est entre de bonnes mains. Quelle idée tu as eu de t’en prendre à lui…

- Je…

C’est alors que le téléphone sembla lui être arraché des mains et j’entendis Marie et Julien parler.

- Laisse moi le téléphone, je sais bien qui tu as appelé, je vais lui faire entendre ce qu’il a causé.

- Marie ! Je pense qu’il le sait déjà, ça ne sert à rien.

- Qu’il écoute, cracha-t-elle. J’espère au moins que son coeur de pierre en souffrira !

C’est alors que je reconnu une voix que j’aurais reconnu entre mille. Julien ne m’avait pas mentis. Je pouvais l’entendre. Gwendal pleurait sans s’arrêter. Mon coeur se serra alors que je tenais fébrilement le combiné. Je ne pouvais pas le laisser comme ça et lorsque j’entendis à nouveau Julien me dire :

- Je suis désolé, c’est Marie…

- Je vais venir le chercher Julien, au moins lui parler, mais ne lui dit rien. Je ne veux pas qu’il parte de chez toi. Il n’a nulle part d’autre où aller.

- Est-ce que tu crois que c’est vraiment une bonne idée ? Je veux bien que tu viennes, mais pas pour lui faire mal davantage… Souffla Julien. Je connais sa douleur.

- Je suis désolé Julien… Désolé pour ce que je t’ai fait, gémis-je alors.

- C’est du passé, souffla-t-il.

- Je pars demain, déclarais-je. Ne dis rien à Gwen et encore moins à Marie.

- Je… D’accord… Souffla-t-il. Je dois te laisser Marie m’appelle. 

- Merci Julien… Merci pour ce que tu fais. Déclarais-je sincèrement.

- C’est normal Hayden. Prend soin de toi !

La communication fut brusquement coupée. Posant le téléphone devant moi, je soupirais. Ce soir j’empaquetterais toutes mes affaires. Demain matin, je partirais à l’aube pour  tenter d’au moins m’excuser… Je ne voulais pas que ça se finisse ainsi… Je ne voulais pas que ça se finisse tout court. Darren, toujours présent, me tendis une tasse de thé fumante, avant de dire tout simplement :

- Je n’aurais jamais cru dire ça un jour de toi Hayden, mais je pense que nous nous sommes trompés sur ton compte Blair et moi. Tu as définitivement un coeur.

Fronçant les sourcils, je ne compris pas où il venait en venir. Et Darren explicita alors sa déclaration.

- Tu l’aimes.

- Ne dis pas de bêtises, soufflais-je. Je n’aime personne, pas même ma petite personne. Dis-je en riant.

- Hayden, est-ce que tu paniquerais comme ça pour n’importe qui ?

- Je tiens à lui, répliquais-je. C’était la dernière personne à qui je voulais faire du mal. Et oui, je m’en veux terriblement.

- Ce n’est pas à moi que tu devrais dire tout cela.

- Je sais… Dis-je en me levant brusquement. Je partirais tôt demain matin. Déclarais-je, soudain épuisé. Si je ne te revois, pas, transmet toute mes amitiés à Blair et Darren je te dis encore mille fois merci. Je m’excuse encore…

- Je te mènerais à la gare demain matin, déclara Darren en souriant. Je pense que c’est la meilleure décision que tu viens de prendre. Allez… Va te coucher, tu as une mine affreuse.

Ce fut la mort dans l’âme que je retournais dans ce lit où tout avais basculé. Je ne pus fermer l’oeil de la nuit. J’entendais encore et encore les pleurs de Gwendal et je le voyais là, recroquevillé dans la salle de bain, seul.

Le lendemain matin, à l’aube, je fus près, mes bagages pliés. Comme promis Darren m’emmena à la gare et après l’avoir chaleureusement remercié, il me fit promettre de revenir le voir. Je pris le premier train en partance pour l’Angleterre. Sans vraiment savoir pourquoi, j’avais l’intime conviction que je devais faire vite.

Je n’avais pas la moindre idée de ce que j’allais faire ou tout simplement lui dire. Comment allait-il prendre ma venue ? Accepterait-il simplement de m’adresser la parole ? Je tenais juste à m’excuser et je savais que je lui devais plus au plus profond de moi. Je ne pourrais effacer le mal que je lui avais fait mais je ne voulais pas que notre histoire se termine ainsi et je ne voulais plus l’entendre pleurer ainsi par ma faute. Je soupirais alors que je réalisais au plus profond de mon coeur, qu’il me manquait.

J’avais pris goût à ma vie avec lui, j’avais apprécié sa présence à mes côtés et même son caractère et ses questions déplacées. Il était la seule personne à qui j’aurais voulu tout avouer. Avec le temps, j’aurais accepter de lui parler plus profondément de moi, lui avouer qui j’étais véritablement.

Oui… Gwendal faisait ressortir en moi le petit Hayden apeuré qui craignait les coups de sa mère avant d’apprendre à éprouver de la haine pour elle, le petit Hayden qui ne cherchait qu’à être aimé avant d’avoir été désillusionné. Mais je n’étais plus cet être là, ma mère avait fait de moi un monstre et je m’étais complais dans ce rôle. La liberté avait donc un prix et je ne me rendais compte que maintenant de combien elle m’en coûtait.

Je ne sus combien de temps dura mon trajet. Je n’étais pas spécialement habitué à voyager en train ou en bus, mais je n’avais pas le temps de faire autrement. Lorsque je marchais je tentais d’ignorer les chemins que nous avions parcourut avec Gwendal, allant même jusqu’à choisir la route plutôt que la forêt. J’arrivais tôt le lendemain matin, et anxieux, je pris une grande respiration. Qu’allais-je lui dire ? Comment allais-je faire ? Je finis pas frapper quelques coups à la porte, le coeur battant.
La porte ne tarda pas à s’ouvrir me dévoilant Marie qui fronça aussitôt les sourcils et me claqua la porte au nez sans que je n’ai eu le temps de faire quoi que ce soit.

Sans me laissait démonter, j’insistais et ce fut Julien qui finit par m’ouvrir après avoir entendu une dispute. Sans laisser le temps à Julien de me dire quoi que ce soir, Marie poussa Julien et se planta devant moi, et me colla une gifle bien plus forte encore que celle de Blair.

- Tu as vraiment du culot de te pointer ici, cria-t-elle.

Puis, sans plus de cérémonie, elle me tourna le dos et repartie à l’intérieur. Je me retrouvais face à Julien qui, les sourcils froncés, semblait tout aussi en colère. Déglutissant, je vis son poing se serrer.
Tournant légèrement la tête, je lui dis :

- Vas-y à ton tour, je le mérite de toute façon… Soufflais-je, prêt à tout endurer pour arriver à voir Gwendal.

Je fermais les yeux, ne voulant pas voir le coup venir. Cependant, rien de tel ne se produisit, et brusquement, je me sentis attiré dans des bras puissants. Ouvrant les yeux, je remarquais être dans les bras de Julien.

- Pourquoi… Lui demandais-je dans un murmure.

- Tu n’as pas changé Hayden et je pense que ce n’est pas à coup de baffe que ça y fera quelque chose… Laisse-moi juste prendre dans mes bras, mon salopard d’ami.

Je finis par lui rendre son étreinte, plus touché que je ne l’aurais cru par son geste. C’était comme s’il me donnait un peu plus de force pour aller voir Gwendal. Je ne tins pas plus de quelques minutes pour lui dire :

- Où est Gwen ? Est-ce que je peux aller le voir.

Julien s’écarta aussitôt de moi et à la mine peinée qu’il employa mon inquiétude grimpa aussitôt.

- Qu’est ce qui se passe ? Il ne lui est rien arrivé au moins ? Déclarais-je, sentant mon coeur heurter douloureusement contre ma poitrine.

- Son père est venu le chercher hier matin… Souffla-t-il.

- Et il est partit avec lui ! Vous n’avez pas cherché à le retenir et à empêcher son père de…

- Il y est retourné volontairement Hayden, il a dit que c’était la meilleur décision qu’il aurait du prendre depuis longtemps.

Me retournant aussitôt, je m’apprêtait à partir lorsque Julien me demanda :

- Où vas-tu Hayden ?

- Le chercher ! M’exclamais-je en me tournant vers Julien.

- Arrête ! Lança Julien en m’attrapant pas le bras. Ca ne sert à rien d’y aller comme ça, sur un coup de tête. Tu crois que son père n’a pas prévu que tu reviendrais.

- Mais, je ne peux pas le laisser là-bas. Il ne peut pas Julien. Pas par ma faute ! Jamais je ne me le pardonnerais.

- Je sais Hayden… Crois-moi, j’aurais empêché son père de le prendre si Gwen n’avait pas parut aussi décidé. C’est son choix Hayden. Tu ne peux pas forcer Gwendal à faire ce qui te parait être juste pour toi.

- Mais… Il… Il détestait sa vie là bas… Soufflais-je sentant les larmes venir, que je ravalais aussitôt avec amertume.

Julien m’attrapa par le bras et me guida vers la rivière. Le même endroit où Gwen et moi avions conclu notre pacte de voyager ensemble. C’était à cet endroit que je lui avais fait cette promesse que je n’avais su tenir…

Une fois que je fus assis à côté de Julien, il posa sa main sur ma cuisse.

- Il se marie demain Hayden… Nous sommes invités au mariage. Marie est partagée entre l’envie de s’y rendre pour soutenir Gwendal et le désir de ne surtout pas le voir gâcher sa vie ainsi.

- Il faut l’en empêcher ! M’exclamais-je.

- Je pense que si une seule personne le peut, c’est toi Hayden. Mais si tu désires vraiment te lancer dans cette voix, promet-moi une chose.

- Laquelle ? Lui demandais-je.

- Ne le fais que si tu es sur de pouvoir lui apporter quelque chose. Promet-moi de ne plus jamais le faire souffrir… Promet-moi de ne pas lui faire la même chose que moi. Promet-moi que tu ne fais pas ça par égoïsme pour simplement racheter tes erreurs à titre purement personnel.

- Je lui ai promis de le protéger Julien. Je n’ai jamais failli à une promesse.

- Alors protège-le de toi… Mon invitation est cachée dans mon bureau. Si tu peux me promettre tout ce que je viens de te demander alors, vole la moi à la première heure demain matin et fonce avant que Marie ne t’attrape, dit-il avec un petit sourire.

- Merci Julien, soufflais-je, sans parvenir à lui rendre son sourire.

- Bon et si tu allais poser tes affaires. Après j’ai du travail pour toi ! Déclara-t-il. Ca me permettra de passer un peu de temps avec Marie et Lyah.

Sans un mot de plus, nous nous levâmes. Lorsque nous entrâmes, je vis Lyah dans le couloir, je m’approchais d’elle. Voulant la prendre dans ses bras, celle-ci s’en fut aussitôt dans la cuisine en me jetant un regard noir.

- Elle est amoureuse de Gwen, déclara Julien en riant. Et c’est réciproque ! Malgré son âge elle semble avoir parfaitement compris que tu avais fait du mal à Gwen.

- Marie doit y être pour quelque chose, dis-je en souriant à mon tour.

Nous ne perdîmes pas beaucoup de temps. Déposant mes affaires dans la chambre qui sentait encore amèrement la présence de Gwen, même si plus aucune de ses affaires n’était présente, je suivis Julien jusqu’à l’établit. Me fournissant tout ce dont j’avais besoin, il me demanda de faire un nouveau pré pour ses vaches, d’aller dégourdir les jambes de sa jument et de nettoyer son box. S’en suivit d’une folle liste de travail que j’exécutais sans broncher. Je compris rapidement qu’il cherchait à m’éloigner de Marie et surtout à me laisser seul pour réfléchir à ma décision.

A aucun moment Marie ne m’adressa la parole et je dînais seulement en compagnie de Julien silencieusement. C’est alors qu’il me demanda :

- Pourquoi tu agis comme ça Hayden ? Il n’y a pas plus gentil et honnête que toi mais dès qu’une relation devient sérieuse, on dirait un gamin égoïste qui ne sait que blesser les autres. Pourquoi  dès que quelqu’un s’approche trop de toi, tu te débrouilles pour qu’il te haïsse ou souffre trop pour chercher à te suivre… Pourquoi tu t’en es pris à Gwen… Est-ce que c’est vraiment l’envie de voyager qui t’as poussé à partir ou ta peur de t’engager sérieusement avec moi… Quand tu es parti Hayden… Quand tu m’as quitté… C’était juste après que je t’ai dis “je t’aime”. Je savais… Je savais pourtant que tu continuais d’aller à droite et à gauche. Je savais que tu saurais toujours frivole et libertin. Et pourtant, quand je me retrouvais au creux de tes bras, tu avais cette tendresse. Tu me donnais l’impression d’être aimé. Est-ce que tu as simplement une seule fois ressentis quelque chose pour moi, ou tu as trop peur et tu as fuis ?

- Je suis désolé, soufflais-je simplement, incapable de répondre à toute ses questions.

-  C’est du passé Hayden… Et tu resteras toujours mon ami. J’espère que tu le sais.

Nous fûmes à nouveau plongé dans le silence, jusqu’à la fin du repas. Lorsque j’eus terminé, j’aidais Julien à nettoyer avant de le remercier et de prendre la direction de ma chambre. Ce fut au moment où je passais le pas de la porte,  que Julien me demanda :

- Depuis quand tu donnes des surnoms à tes amants ?

- Comment ça ? Dis-je en fronçant légèrement les sourcils, me tournant vers lui.

- Tu as appelé Gwen “Angel”… Tu n’as jamais usé d’un tel surnom avec moi. Se pourrait-il que tu ressentes vraiment quelque chose pour lui ?

Sans lui offrir de réponse, n’en n’ayant pas, je quittais la cuisine pour aller dans ma chambre. Après une bonne douche et un rasage de près, je fouillais dans mon sac et réalisais que je n’avais pas grand chose à me mettre le lendemain. Il faudrait que je parte tôt et que je dégote quelque chose en ville. Allais-je vraiment m’y rendre ? Allais-je retrouver Gwendal ? Ce fut cette question qui me hantant toute la nuit et ce fut à l’aube que je me dirigeais sur la pointe des pieds jusqu’au bureau de Julien.

Qu’elle ne fut pas ma surprise de découvrir un magnifique costume noir et une chemise blanche, accompagné d’une petite note agrafée « Soit certain de ce que tu fais» et de l’invitation au mariage.

Attrapant le tout, fébrile, je fonçais dans la salle de bain et me préparais du mieux que je pus. On aurait dit que ce costume avait été taillé pour moi et je remerciais le fait que nous ayons à peu près la même corpulence avec Julien. Disciplinant mes cheveux avec du gel je m’observais ensuite dans le miroir ayant du mal à me reconnaître.

Après une petite touche de parfum, je m’enfus dehors, ne voulant surtout pas être intercepté par les habitants de cette maison. Une fois dehors, je marchais jusqu’au village et de là, pris une voiture. Je m’arrêtais à distance de la grande propriété, décidant de faire le reste du chemin à pied.

Perdu dans mes pensées, sans vraiment m’en rendre compte, je finis devant la rivière, à l’endroit même où j’avais rencontré Gwendal. Mon coeur se serra alors que je m’asseyais sur le muret en pierre. Étais-je vraiment en train de prendre la bonne décision ? Qu’allais-je lui dire ? Qu’avais-je à lui proposer… Comment allait-il ?

Ce fut le soleil haut dans le ciel qui me tira de mes pensées. Réalisant aussitôt que le mariage avait sûrement commencé, je me traitais de tous les noms. Je n’avais pas à hésiter. Je devais faire quelque chose, mettre mon orgueil de côté même si je me faisais rejeter. Je courus, plus vite encore que je ne l’avais jamais fait, ignorant les habits que je portais qui étaient loin d’être fait pour une course folle.

J’arrivais près de la chapelle et fut soulagé de ne voir personne m’empêchait de rentrer.  Devant la porte, je pris une grande inspiration. Mes mains se posèrent sur celle-ci, et je restais figé, incapable d’aller plus loin. Ce fut à cet instant, que j’entendis le prête demander si quelqu’un s’opposait  cette union. Sans savoir ce qui allait réellement se passer, passant outre ma peur, je poussais les grandes portes qui s’ouvrir dans un grand grincement.

Tous les regards se tournèrent aussitôt vers moi, mais je les ignorer, ne me focalisant que sur Gwendal. Il semblait brusquement apeuré de me voir ici. Rassemblant tout mon courage, je finis par m’arrêter, et déclarais :

- Moi ! Moi je m’y oppose !

M’approchant un peu plus de Gwendal, je le regardais droit dans les yeux avant d’ajouter :

- Ne fais pas ça Gwen ! Ne gache pas ta vie…

- Ne t’approche pas ! Je ne veux plus te voir ! Rétorqua aussitôt Gwendal me faisant m’arrêter net.
Sans lâcher son regard et sans sourciller, le coeur battant, j’ajoutais :

- Pourquoi gâches-tu cette liberté à laquelle tu semblais tant tenir ?

- Parce que ma liberté n’avait de valeur à mes yeux uniquement parce que je la partageais avec toi, rétorqua-t-il amer alors que je pouvais voir ses yeux s’humidifier.

- Tu ne m’as même pas laissé le temps de m’excuser, soufflais-je, touché par ce qu’il venait de me dire plus que je ne l’aurais cru. Je suis désolé Gwendal… Ne fait pas ça ! Je t’en supplie, tu n’as même pas découvert la moitié de ce que je voulais te faire découvrir…

- C’est trop tard, répliqua-t-il. Pourquoi tu reviens me torturer ?! Je ne veux plus te voir ! Arrête ! Arrête de me faire souffrir, cracha-t-il, les larmes aux yeux.

- Tu n’es pas le seul à avoir mal Gwendal ! Tu n’imagines pas combien ton départ m’a fait mal… Je suis désolé Gwendal, dis-je en tombant pitoyablement à genoux. Si je pouvais revenir en arrière, je le ferais. Mais te savoir loin de moi, je ne peux pas, ça fait trop mal… Avec toi, c’était différent et magique…

- Tais-toi ! S’exclama-t-il. Arrête ! Je t’en supplie, laisse moi !

Ignorant son ordre, je poursuivis :

- Je m’en veux Gwendal ! Si tu savais comme je m’en veux… Je t’ai promis de te protéger et je n’ai même pas su te protéger de moi-même. Pardonne-moi Gwendal. Ne gâche pas ta vie à cause de moi !

- Je t’ai tout donné Hayden, déclara Gwendal en séchant ses larmes d’un revers de manche. Et tu m’as trahis… Hayden, comment veux-tu que je te fasse confiance…

Un silence suivit cette déclaration. Et alors que j’allais répondre quelque chose, Gwendal me devança :

- Si tu as un minimum de respect pour moi, alors tu dois t’en aller, déclara-t-il en détournant son regard.
Je me sentis alors hisser vers le haut et je ne compris que trop tard qu’il s’agissait de deux vigiles bien trop costauds pour tenter de m’en dégager. Le coeur battant, alors que j’étais tiré vers la sortie la vue de Gwendal et de sa futur femme me serra si durement le coeur que je criais alors :

- Apprend moi Gwendal ! Déclarais-je alors qu’il tournait brusquement la tête vers moi. Apprend moi à aimer…

Gwendal ne répondit rien, me fixant d’un regard que je ne parvenais pas à décrire. Alors que j’ajoutais plus bas, les larmes me montant aux yeux à l’idée que c’était surement la dernière fois que je le verrais :

- Je t’en supplie, apprend-moi à t’aimer…

Sans avoir le temps d’ajouter quoi que ce soit, je fus dehors et les portes se fermèrent derrière nous.
Je fus brusquement jeter sur les dalles d’entrée de l’église et un coup de pied dans le ventre me heurta de plein fouet. Brusquement, l’un des vigile me saisit par le col et me plaqua violemment contre le mur :

- Ecoute-moi bien, cracha l’un d’eux, ne remet plus jamais les pieds ici ! Ne tente plus jamais de t’approcher de lui où tu ne repartiras pas vivant.

Son poing s’abattit durement son mon visage avant qu’ils ne me jettent en bas des marches comme une vulgaire poupée de chiffon. Me redressant difficilement, je toussais avant de cracher du sang. Me massant la mâchoire, j’eus à peine la force de me redresser. Je venais de tout perdre, définitivement. Rester près de cette église m’écœura mais je ne parvins pas à aller plus loin que le banc que je remarquais.

M’y asseyant je souris amèrement en voyant en face de moi l’église. J’avais mal, affreusement mal et la douleur que je ressentais n’avait rien à voir avec les coups que j’avais reçu. J’avais l’impression que quelqu’un prenait mon coeur à pleine main et tentait de l’arracher de mon corps avec une violence inouïe.

Ce fut alors que la porte s’ouvrit brusquement sur Gwen en pleurs suivit de toute sa famille qui lui criait après de revenir. J’eus à peine le temps de me redresser que Gwendal me sauta dans les bras. Grimaçant sous la douleur, je l’ignorais alors que mes bras se refermaient sur lui comme pour l’empêcher de partir. Là, tout contre mon oreille, au milieu de ses larmes, il murmura comme une plainte :

- J’ai tout abandonné pour toi, ne me fait pas regreter mon choix… 

Le père de Gwendal se rua sur nous et s’arrêta à quelques mètres.

- Gwendal ! Revient ici tout de suite ! Déclara-t-il. Tu n’imagines pas la honte que tu viens de nous faire vivre. Reviens maintenant !

- Gwendal, gémis sa mère, oh mon dieu, Gwendal.

- Tu fais erreur Gwendal, tu ne peux pas être un sale pédéraste. C’est cet homme, cet animal qui t’a embobiné. Gwendal ! Mon fils, reprend la raison et revient. On tentera d’oublier cet incident.

J’entendis Gwen gémir de douleur et n’en supportant pas d’avantage, je fis ce que je lui avais toujours promis. Le gardant tout contre moi, protecteur, je toisais son père avec tout le mépris dont j’étais capable avant de répliquer, assez fort pour que tout le monde l’entende :

- Il était parfaitement homosexuel lorsque nous avons couché ensemble ! Vous ne méritez pas votre fils. Vous ne l’avez jamais connu, jamais regardé ! Vous ne savez même pas qui il est ! Vous ne l’avez jamais aimé…

Je sentis Gwendal frémir au creux de mes bras et je le serrais encore plus fort tout contre moi, comme si cela pouvait l’empêcher d’être atteint par la méchanceté et la brutalité de ses géniteurs.

Ce fut à cet instant que Gwendal tourna la tête, et sans pour autant quitter mon étreinte, il fit face à son père, comme mue par une force que je ne lui connaissais pas :

- Je ne veux pas de cette vie que vous avez décidé pour moi. Mon choix est d’être avec Hayden. Je l’aime ! Déclara-t-il. Qu’importe si je suis renié ! Ma vie c’est auprès d’Hayden, et j’assume mes sentiments.

Ne résistant pas, je m’emparais aussitôt de ses lèvres. Elles m’avaient tant manquées. Comment avais-je pu vivre ne serait-ce qu’une seconde sans elles ! Comment avais-je pu me priver de ce bonheur. Sous la surprise, Gwendal entrouvris ses lèvres et j’en profitais aussitôt pour investir sa bouche. Avec vigueur et une douceur non feinte, je l’entraînais dans un baiser emplie de sentiments comme pour panser la souffrance causée, comme pour lui apporter la force qui lui était nécessaire.

Notre baiser avait le goût amer du sang à cause du coup que j’avais reçu et j’ignorais la douleur que cela me causait encore. Je voulais me fondre en lui, je voulais qu’il me possède comme jamais encore je ne l’avais désiré de personne. Je voulais être à lui et fut effrayé par ce sentiment. J’étais près à ignorer ma liberté, si importante à mes yeux et à la lui offrir. Mon coeur battait douloureusement dans ma poitrine à m’en couper le souffle. Ce fut les deux mains de Gwendal me repoussant fermement qui me firent revenir à la raison.

- Gwendal ! Ceci est la dernière chance que je te laisse, claqua son père écoeuré. Si tu pars avec cet animal, je te renie ! Je ne veux plus jamais te voir ici ! Je ne veux plus entendre parler de toi ! Jamais tu m’entends.

La mère de Gwendal s’effondra brusquement alors qu’un homme la retins de justesse avant qu’elle ne touche le sol.

Echangeant un bref regard avec moi, Gwendal se tourna à nouveau vers son père et déclara avec une force qui le rendait encore plus beau :

- La ferme ! Cracha-t-il Je préfère être renié que de me soumettre encore à vos ordres.

Son père parut brusquement horrifié. Sans un mot, il lui tourna le dos, et suivit de toute la famille et des personnes présentes, ils retournèrent dans l’église, claquant violemment la porte. Seul un jeune homme un peu plus âgé que nous resta présent.

Il s’approcha alors de nous, tandis qu’agrippé à moi, Gwendal tremblait. Je ne pouvais avoir idée de ce qu’il devait ressentir. Il avait tourné le dos à sa famille entière pour moi et je devais en endosser toute la responsabilité. Indéniablement je m’étais lié à lui alors qu’il venait de mettre ma vie entre ses mains. Le jeune homme s’arrêta devant et posant sa main sur l’épaule de Gwendal, celui-ci sursauta avant de se tourner vers lui :

- Je suis fier de toi Gwendal, tu as su faire ce que je n’ai jamais osé….

Gwendal esquissa aussitôt un sourire et se dégageant de mon étreinte, restant tout de même contre moi, il lui demanda aussitôt :

- Nathaniel ! S’exclama-t-il. Je ne pensais pas te revoir un jour ! Est-ce que ça va ? Demanda-t-il en séchant ses larmes comme honteux.

- Je vais bien… J’admire vraiment le courage que tu as eu, insista-t-il. Et je tenais à te dire que si tu avais besoin de quoi que ce soit, tu peux compter sur moi. Je peux t’accueillir chez moi si tu veux. Ce n’est pas immense, mais on pourra te faire une place, dit-il avec un petit sourire.

- C’est très gentil de ta part, mais je vais rester avec Hayden, répondit Gwen en m’adressant un petit sourire.

- En tout cas, si jamais tu as besoin de quoi que ce soit, je tenais à ce que tu saches que je suis là. Entre cousins reniés, déclara-t-il amusé, on doit s’entraider.

- Je… Merci, souffla Gwendal, certainement plus touché qu’il ne le laissais paraître.

- Ce que tu traverses est difficile Gwendal, ajouta-t-il. Je peux te le dire, je l’ai vécu… Mais,  ça vaut le coup ! Déclara-t-il.

Puis s’adressant à moi, il me dit avec sérieux :

- Prenez soin de mon cousin et soutenez-le…

- Je vous le promet, dis-je, passant tendrement mes bras autour de son corps frêle.

Gwen semblait avoir encore perdu du poids. Nathaniel attrapa alors son portefeuille et en sortit un papier sur lequel il griffonna un numéro avant de le tendre à Gwendal.

- Appelle-moi si tu as besoin. Je dois y aller… J’espère avoir de tes nouvelles.

- Merci, souffla Gwendal, profondément touché.

Nathaniel s’éloigna après un sourire et un dernier signe de la main. Nous nous retrouvâmes brusquement seul. Reportant toute mon attention sur Gwendal, je lui soufflais alors, comme pour définitivement sceller ma promesse, passant une main délicate dans ses cheveux, comme pour m’assurer qu’il était bien présent, là, dans mes bras :

- Je te promets Gwen, je te promets que je ne te le ferais pas regretter…

Gwen me pris aussitôt dans ses bras et alors que je cherchais à approcher mes lèvres des siennes, il tourna la tête, me faisant clairement comprendre qu’il n’en avait pas envie. Blessé, je ne n’insistais pas, le serrant plus fermement dans mes bras. Je murmurais alors à son oreille :

- Ca y est… Tu es enfin libre maintenant…

Pour toute réponse, Gwen enfouit sa tête dans mon cou. Nous restâmes ainsi entrelacé un temps que je n’aurais su définir, profitant simplement du fait de se retrouver. Mon coeur qui avait été si douloureux se calmait enfin, retrouvant une forme de chaleur que je n’avais connue qu’à ses côtés. Ce fut Gwendal qui finit par s’écarter légèrement de moi.

- Comment tu te sens ? Soufflais-je.

- Je suis épuisé… J’ai faim… Dit-il avec un petit sourire.

Soudain son visage se décomposa et il ajouta :

- Je n’ai plus rien ! Pas d’argent, pas de vêtement, pas de…

Je posais aussitôt un doigt sur ses lèvres, l’incitant au silence.

- Ce n’est que du matériel Gwendal. Je te prêterais des affaires et on achètera le reste. C’est aussi ça la liberté Gwen ! Tu as perdu toutes tes attaches. Quand je suis partit de chez moi, je n’avais plus rien… Plus personne… Mais tu m’as moi…

Gwendal me sourit timidement, et je lui dis alors :

- Et si nous rentrions, déclarais-je avec un sourire. Mais avant laisse-moi-t’acheter quelque chose à manger en ville.

- Je… Merci, dit-il avec un petit sourire.

- Gwen, tu n’as pas à être timide ou gêné avec moi d’accord ? Je crois qu’on a dépassé ce stade.

Gwendal rougit de plus belle. Paradoxalement, ce fut moi qui attrapait timidement sa main et l’entraînais à ma suite, l’éloignant à jamais de sa famille.

Comme promis, nous nous arrêtâmes en ville et n’ayant plus à nous cacher, je lui proposais d’aller dans un restaurant. S’il refusa prétextant que nous n’avions pas assez d’argent pour ça, je ne lui laissais pas le choix. Installé à une table, nous passâmes commande, et Gwendal, me regardant avec un sourire amusé, déclara :

- Tu devrais faire un tour aux toilettes et laver ton visage… Tu as encore du sang sur le coin de la lèvre… Ils ne t’ont pas fait mal au moins ! Ajouta-t-il soudain inquiet.

- Quelques bleus sûrement. Mais rien de grave. M’empressais-je de le rassurer. Crois-moi, dis-je en me levant, j’aurais été prêt à bien plus pour te récupérer.

Me redressant, sous les conseils de Gwendal, je m’absentais et allais aux toilettes. Le reflet qu’il me renvoya me fit sourire malgré moi. En effet, il ne m’avait pas loupé. Attrapant un morceau de papier, je le passais sous l’eau et tentais d’enlever le sang séché. N’ayant pas de glace sous la main, le coin de ma lèvre droite était déjà en train d’enfler. Après avoir passé un peu d’eau sur mes cheveux en bataille, je partis rejoindre Gwendal.

Celui-ci semblait comme apeuré, assis seul sur la banquette. Sans perdre de temps, je vins aussitôt m’asseoir près de lui. Il jeta alors un regard effrayé autour de lui, et je le rassurais aussitôt, comprenant sa crainte :

- Ne t’occupe pas du regard des autres Gwen. Allez viens-là…

Je l’attirais aussitôt dans mes bras alors qu’il souffla :

- Je n’ai plus rien… J’ai peur….

Passant une main dans ses cheveux, je répondis alors :

- Tu es surtout affamé et épuisé Gwen… Demain après une bonne nuit de sommeil, tu auras les idées plus claires.

Gwendal acquiesça et ce fut à ce moment là que l’on nous apporta nos assiettes. M’éloignant à contre coeur de Gwendal après avoir déposé un baiser sur son front, je le laissais face à son assiette. N’ayant rien avalé non plus, ce fut avec un appétit que nous dévorâmes nos assiettes sans laisser une miette. Nous prîmes ensuite le bus pour nous approcher de chez Julien. Assis tout contre lui, Gwendal était venu se réfugier dans mes bras, comme s’il avait peur que je m’éloigne ou que tout cela ne soit qu’un rêve. Avant qu’il ne s’assoupisse, je lui soufflais amusé :

- Je peux te dire que quelqu’un se languit de toi. Ta fiancée t’attend désespérément…

Sentant Gwendal se tendre, je rajoutais aussitôt :

- Je parle de Lyah. Elle t’a vraiment adopté, dis-je avec un petit sourire.

Gwendal se détendit aussitôt et ce fut un petit sourire accroché aux lèvres qu’il s’endormit contre moi.
Une fois arrivé, n’ayant pas le coeur à le réveiller, je décidais de le porter dans mes bras. Ce ne fut que lorsque nous fûmes sur le pas de la porte, que je le tirais de son sommeil à contre-coeur.

- Nous sommes arrivé Gwen… Je pensais que tu voulais les voir avant d’aller te coucher.

- Mmmh, merci, souffla-t-il alors que je le posais par terre.

Alors qu’il se frottait les yeux, je frappais quelques coups à la porte. Ce fut Marie qui vint nous ouvrir, Lyah accroché à ses jambes.

- Endal ! Cria aussitôt Lyah.

Lâchant les jambes de sa mère, elle se rua aussitôt sur Gwendal qui déjà abaissé, la prenait dans ses bras, la serrant fortement contre lui. Il ne fallut pas plus longtemps avant que Julien n’arrive.
Ce fut de grands sourires et une joie non feinte qui accueillirent Gwendal. Chacun le serra dans ses bras, et le bonheur que je pus voir sur son visage me rempli de joie. Marie déboucha une bouteille que nous savourâmes dehors. Gwendal se contenta d’un jus de fruit, et fut aussitôt accaparé par Lyah. Ce fut à cet instant que Julien m’attira à lui et me serra dans ses bras.

- Tu as fait le bon choix ! Déclara-t-il. Je suis fier de mon ami.

Alors qu’il me serrait un peu trop fort, je me tendis en grimaçant.

- Qu’est ce qui s’est passé ?

- Disons que les molosses de son père ne sont pas très tendre.

- Fait moi voir ! Déclara-t-il.

- C’est bon… Soufflais-je.

- Hayden ! S’il te plait ! Insista-t-il.

Loin d’être pudique, ce fut la première fois que j’enlevais à contre coeur mon tee-shirt. Le visage de mon ami s’horrifia tout à coup. 

- Hayden, souffla-t-il…

Gwendal, Marie et Lyah arrêtèrent leur discussion et me fixèrent aussitôt comme si ils voyaient la chose la plus horrible de leur vie.

- Quoi ? Dis-je mal à l’aise rabaissant aussitôt mon tee-shirt.

- Suis-moi, déclara Marie. Il faut te mettre quelque chose là dessus… Où demain tu en paieras les conséquences.
Docile je la suivis, laissant Julien, Lyah et Gwendal. Arrivé dans la salle de bain, elle me demanda de retirer mon tee-shirt et de m’asseoir sur le rebord de la baignoire. M’exécutant docilement, je vis alors ce qui avait horrifié tout le monde dans le reflet du miroir. Un hématome presque noir ressortait sur ma peau, juste en dessous des côtes. C’était certainement quand j’avais reçut leur coup de pied.
Attrapant une crème, Marie commença à me l’appliquer avant de lever les yeux vers moi.

- Même si c’est en partie de ta faute, merci de l’avoir tirer de là… Mais attention, dit-elle en appuyant sur mon hématome avec sadisme, me faisant pousser un petit gémissement de douleur. Ne le fais surtout pas souffrir une seconde fois où je te promets que tu auras à faire à moi !

- Ca fait beaucoup de promesse en une journée, dis-je amusé, avant qu’elle ne réitère son geste plus franchement.

- Aie ! Criais-je. Je n’ai aucune promesse à te faire Marie, déclarais-je alors en attrapant sa main. Cette promesse, je l’ai faite à Gwendal, dis-je avec sérieux.

Aussitôt, les traits de Marie s’adoucirent.

- Je commence enfin à voir le bon côté que Julien clame connaître chez toi, dit-elle avec un petit sourire. Maintenant il te reste pas mal de travail !

- Pour quoi ? Lui demandais-je en fronçant les sourcils alors qu’elle finissait d’appliquer la crème.

- Pour regagner sa confiance, souffla-telle avec un petit sourire.

- Je serais patient, soufflais-je.

- Je n’en doute pas.

Ayant terminé, elle se releva, me laissant remettre mon tee-shirt. Tendant la main vers elle, je lui dis alors :

- Et si nous faisions la paix après toutes ces années.

- Je t’en veux toujours, déclara-t-elle.

Mais à ma plus grande surprise, elle attrapa ma main et avec un sourire elle ajouta :

- Mais c’est d’accord.

Serrant sa main, je lui offrit un sourire. Après ces entrefaits, nous rejoingnîmes les autres et aussitôt, je m’approchais de Gwendal, assis à la table, somnolent. M’asseyant juste à côté de lui, étonné par ma propre attitude, je posais une main sur sa cuisse. Tournant la tête vers moi, il me dit :

- Est-ce que ça va ? Je suis désolée Hayden… C’est de ma faute… Ajouta-t-il.

- Non Gwen… C’est à cause de moi… J’aurais mérité bien pire…

Alors que Gwendal allait répliquer quelque chose, j’ajoutais sans réfléchir avec un faux sourire :

- Ne t’inquiète pas, j’ai reçu pire avant…

Voyant son expression se décomposer aussitôt, je l’attirais contre moi et soufflais :

- Je suis si heureux de te savoir à nouveau à mes côtés…

Déposant un baiser sur sa tempe, je lui proposais ensuite en lui rendant sa liberté :

- Et si nous allions nous coucher… Tu as l’air aussi épuisé que moi.

Gwendal acquiesça. Après avoir remercier nos hôtes, Gwendal offrit un bisous à Lyah lui promettant de s’occuper d’elle.

Nous allâmes dans notre chambre. Gwendal alla se mettre en pyjama dans la salle de bain, m’empruntant un tee-shirt trop petit pour moi et un pantalon trop grand pour lui.  Je fis de même dans la chambre, grimaçant. Je commençais seulement maintenant à véritablement avoir mal. Lorsqu’il eut finit avec la salle de bain, j’allais rapidement me débarbouiller avant de le rejoindre.

Il était allongé dans le lit. Sans trop savoir comment me comporter, je m’allongeais à ses côtés, gardant une distance minime entre nous. Ce fut Gwendal qui vint de lui même contre moi. Soupirant de bien être alors que je posais mes bras autour de lui, il murmura alors :

- Hayden…

- Oui ?

- Qu’est-ce que je vais devenir maintenant ? Qu’est-ce je vais faire ?

- Nous allons rester un moment ici, le temps que tu reprennes du poids et que tu te sentes mieux, murmurais-je. Nous n’avons plus à fuir maintenant. Et puis… Nous avons obligation de retourner voir Blair et Darren. Et, après, nous envisagerons peut-être un voyage en France…

Gwendal s’écarta de moi :

- En France ? Mais… Tu…

- Il faudra bien que tu pratiques ce que tu as appris, dis-je avec un sourire.

- Je ne veux pas t’obliger à y aller, déclara-t-il.

Je soupirais avant d’ajouter en le regardant droit dans les yeux :

- Il est temps que je me décide à faire face à mes vieux démons et à aller de l’avant, murmurais-je, perdant mon assurance. Mais… Je vais avoir besoin de toi…

Enfouissant à nouveau sa tête contre moi, il ajouta :

- Ca fait beaucoup de choses à faire tous les deux, déclara-t-il.

- Ce ne te convient pas ? Demandais-je soudain inquiet.

- Tant que je suis avec toi, ça me convient, dit-il en s’écartant et en me regardant dans les yeux.

Si l’envie de l’embrasser se lisait dans mon regard, je n’en fis rien, ne sachant pas ce que j’avais vraiment le droit de faire avec lui. J’avais connaissance de ses sentiments pour moi, et malgré moi, j’en été effrayé… J’avais peur de ne pas être à la hauteur, de le heurter ou de ne pas savoir comment m’y prendre avec lui.

- Tu étais sérieux, me demanda alors Gwendal, quand… Quand tu m’as demandé de t’apprendre à…

- Oui, j’étais sérieux, murmurais-je sincère. Mais ça prendra du temps… Avouais-je, gêné.

- Je serais patient… Répondit-il avec un petit sourire.

- Je ne mérite pas ta patience, répondis-je en détournant le regard comme rarement il m’arrivait de le faire.

- Ca, c’est à moi de le décider, répondit Gwendal.

Se callant à nouveau contre moi, ce fut le silence qui nous enveloppe. Serrés l’un contre l’autre, c’est à peine si nous arrivions à réalisé que nous étions ensemble. Rien n’était encore résolu et il me faudrait du temps pour regagner sa confiance. Mais en l’instant présent, je laissais ces pensées s’envoler. Ce fut bercé par sa respiration détendue que je finis par trouver le sommeil… Là, tout contre lui… Serrein.

A suivre…

10
fév

Beyond the invisible - chapitre 09

   Ecrit par : admin   in Beyond the invisible

chapitre 09 par Lybertys

 

Je lui lançais alors un regard qui lui fit clairement comprendre que j’avais compris son geste et sa portée. Le sourire que je lui adressais alors lui fis monter le rouge aux joues, créant chaque fois chez moi ce petit pétillement au creux de mon ventre. Atrocement gêné, il détourna le regard et sorti de la carrière et amena sa monture près de l’arbre ou sa selle était posée. C’est à ce moment là clairement que je réalisais ce qu’il allait me faire faire, c’est-à-dire monter à cheval pour la première fois de ma vie. Orphée se mit à brouter tranquillement, tandis que Gabriel commençait à le préparer. Il m’envoya chercher le licol et la longe posés un peu plus loin, et lorsque je lui tendis, il le passa à Orphée.

Une fois prêt, je le suivis dans la carrière. J’avais beau abhorrait un air serein, je ne pouvais m’empêcher de ressentir une certaine crainte et appréhension. Gabriel s’arrêta un peu plus loin et me fis signe d’approcher. Timidement, je tendis la main vers le nasaux de l’animal et commençais à le caresser, comme pour tenter de me rassurer. Sur ce, Gabriel m’invita à monter, un sourire se dépeignant sur ses lèvres.

Avec patience, il m’expliqua comment faire, ne cachant pas son amusement, allant parfois jusqu’à ce foutre ouvertement de ma gueule. Lorsque je fus en selle, il régla mes étriers et m’expliqua brièvement les bases. Puis, il attrapa la longue et me fit faire quelques tours de piste afin de m’habituer de sensations ressenties et aux mouvements du cheval. Je n’aurais su décrire avec précision ce que cela faisait naître en moi. Je sentais les muscles de l’animal se mettre en marche sous moi, acceptant ma présence sur son dos alors qu’il pouvait si facilement se débarrasser de moi. Jamais je n’aurais pensé que cela faisait cet effet.
Après une courte période d’adaptation, il choisit de lâcher la longe et la noua au licol en corde, de façon à en faire deux rênes. Je le regardais œuvrer, ne sachant pas vraiment ce qu’il me préparait. Comptait-il sérieusement que je me débrouille tout seul ?

Les lèvres pincées, je me retenais de lui poser mille et une questions, sachant combien cela l’agaçait et ne voulant surtout pas paraître ridicule à ses yeux. Il tenta de me rassurer, m’expliquant calmement comment tourner à droite et à gauche, à avancer, s’arrêter et faire reculer le cheval. Je ne pouvais cependant empêcher la boule qui naissait au creux de mon ventre.

Cependant, après une légère anxiété, je finis par me détendre, décrispant mes épaules et prenant de plus en plus d’assurance, je commençais à faire faire à Orphée, les figures de manège que je l’avais vu faire de nombreuses fois au cours de ses reprises. Je trouvais impressionnante l’écoute et la sensibilité de cet animal. Cependant, au bout d’un moment, Orphée commença à n’en faire qu’à sa tête, me rappelant que je n’étais qu’un cavalier débutant. Perdant mon assurance, je demandais d’une voix mal assurée et légèrement tremblante :

- Gabriel… Je… Je fais quoi ? Il… Il veut pas aller à droite…

Cachant assez mal son amusement, il répondit :

- Raccourci tes rênes elles sont trop longues et déplace tes deux mains vers la droite, il ne comprend pas ce que tu attends de lui.

M’exécutant sur le champ, je corrigeais mon erreur et Orphée, calme et attentif, fit ce que je lui demandais à mon plus grand soulagement. Je continuais ainsi un moment, totalement concentré dans ma tache. Au bout d’un moment, Gabriel me dit qu’il était temps d’arrêter, et alors que je le faisais en suivant ses instructions, Orphée se mit à reculer. Surpris, j’écarquillais les yeux et tirais d’avantage, ne sachant plus vraiment quoi faire. Orphée ne fis qu’accélérer. En plein milieu d’un fou rire, Gabriel ne semblait pas prêt à venir m’aider et c’est vexé que je lui demandais :

- Tu ne crois pas que tu pourrais m’aider au lieu de rire ?
- Attend… Je reprends mon souffle, souffla-t-il entre deux éclats de rire. Pose… Pose tes mains…
Je m’exécutais et à peine eussè-je fait ce qu’il me disait, qu’Orphée stoppait net, en un arrêt précis et volontaire.

Gabriel s’approcha de moi et saisis les rênes, défaisant le nœud qu’il avait fait précédemment, et c’est ainsi qu’il me ramena jusqu’à l’écurie, marchant paisiblement devant moi, sans précipitation aucune, me laissant encore un peu sur le dos de sa monture. Cependant, curieux, Gabriel finit par me demander :
- Alors ? Comment tu as trouvé ?
- J’adore ! M’exclamais-je d’une voix enjouée avec enthousiasme. Je n’aurais jamais imaginé que l’on puisse ressentir autant de chose à cheval….
- C’est vrai, fit-il remarquer. Et plus l’on progresse, plus on ressent des choses différentes. Ce n’est pas évident à expliquer…
- Oui, j’imagine, renchéris-je. D’autant plus qu’Orphée est très bien dressé. Je suppose que cela y est pour beaucoup aussi.

- Disons que ce n’est pas pareil. On ressent aussi beaucoup de choses à monter un cheval moins bien dressé. C’est pas toujours facile, mais c’est aussi très intéressant de leur apprendre quelque chose de nouveau et les aider à se perfectionner dans un domaine ou une discipline dans laquelle ils possèdent déjà un potentiel par nature. On ne peut pas comparer. L’un comme l’autre apporte beaucoup de plaisir que ce soit dans la finesse du cheval et sa sensibilité autant que dans le but de lui apprendre et le mener dans cet état d’acceptation ou, lorsque cette phase est atteinte, comme aujourd’hui avec Orphée, on peut arriver à leur faire faire des choses incroyables.

- Comme aujourd’hui ? Tu veux dire qu’il n’est pas toujours aussi acceptant ? Demandais-je intrigué.
- Tu sais, commença-t-il. Le cheval n’est pas une machine. Il demande un travail quotidien et parfois, il arrive qu’en effet, il se refuse à se laisser céder à mon autorité. Rien n’est jamais acquis avec un cheval. Ce que tu lui apprends, il s’en souvient mais que ce tu fais mal aussi. C’est pour cela qu’il faut toujours être vigilant et attentif à ce que l’on fait, pour ne pas l’induire en erreur et lui apprendre n’importe quoi. Car même si l’on peut « formater » la mémoire du cheval et lui apprendre à chaque fois de nouvelles choses, cela représente un travail long et fastidieux.

Ne tenant plus face à tout ce qu’il me faisait ressentir à travers mon empathie, je déclarais d’une voix rêveuse ne cachant pas le charme qu’il exerçait sur moi :
- J’aime t’entendre parler d’équitation ou de tout ce qui a un rapport avec les chevaux. Tu y mets vraiment une telle passion, tes yeux pétillent de fierté et de bonheur, ça en est fascinant. Tu es animé par la passion et cela se ressent lorsque tu parles. Cela donne vraiment envie d’aller dans ta direction et d’en connaître toujours plus sur cet univers attrayant.
Ces mots lui firent montrer le rouge aux joues et ne supportant pas mon regard, il détourna les yeux et répondit simplement atrocement gêné :
- Euh… Merci, me répondit-il simplement, trop profondément toucher pour en dire plus.
La fin du trajet se fit en silence, et alors qu’on arrivait aux écuries, je sentais les regards se poser sur nous et les messes basses parvenir à nos oreilles. En plus de ce que voyait Gabriel, je pouvais ressentir ce que chacun pensait de nous, préférant les rejeter que de m’y attarder. Seul Philippe nous observait depuis la fenêtre de son bureau, un immense sourire étirant ses lèvres. Gabriel s’arrêta avant d’entrée dans les bâtiments, et m’invita à descendre de cheval, avant de ramener Orphée dans son box. Avec mon aide, nous dessellâmes Orphée et Gabriel lui offrit un pansage bien mérité et un morceau de pain pour le récompenser de son travail et de sa gentillesse. J’aimais la douceur et le respect qu’il mettait dans son ouvrage.
Une fois que tout fut terminé et que les soins à Orphée furent donnés, nous prîmes la direction du réfectoire, commençant tous deux à avoir particulièrement faim.
Alors que nous entrions dans la salle de cantine, j’entendis Dorian pleins de mauvaises intentions que j’avais préalablement senti avant qu’il ne se mette à s’exclamer dans notre dos :
- Alors ça y est ? Si Gabriel te laisse monter Orphée c’est qu’il a du se passer quelque chose non ? Tu as enfin réussit à le mettre dans ton lit ?
Sans laisser me laisser le temps de répondre, Gabriel déclara :
- Quoi, t’es jaloux ? C’est ça hein ? T’as besoin de rabaisser les autres pour te sentir supérieur car au fond de toi, tu sais bien que tu n’arriveras jamais à t’élever aussi haut que je l’ai fais. Toute ta vie tu ne resteras qu’un minable petit palefrenier, à médire sur les autres et leur réussite.
- Jaloux de quoi ? Cracha Dorian. De ton cheval ou de Juha ?
Je n’aimais pas du tout le ton que prenait la conversation et surtout les sujets qui y étaient abordé.
- Des deux, répondit Gabriel, sans se départir de son calme et de son assurance, employant ce même ton froid et impersonnel que je n’avais pas entendu depuis longtemps. Avec audace et égocentrisme, j’irais même jusqu’à dire que tu es jaloux de moi. Tu pus la jalousie à des kilomètres à la ronde. Tu crèves d’envie d’avoir Juha et de monter un cheval comme Orphée mais au fond de toi, tu sais parfaitement que jamais tu n’atteindras mon niveau. Cesses de te bercer d’illusions et redescend sur terre avant qu’il ne soit trop tard et que tu ne chutes de trop haut. L’atterrissage risque sinon d’être très douloureux pour toi et tu risques de ne pas t’en relever.
- Pff n’importe quoi ! S’exclama Dorian, hors de lui, ne parvenant pas à maîtriser l’élan de haine qui l’habitait, mais néanmoins bouillant de honte face à l’introspection intempestive de sa part. Je ne connais personne de plus arrogant et prétentieux que toi ! S’exclama-t-il furieux. Et puis Juha, je l’ai déjà eu…
N’en supportant pas plus, et voulant mettre un terme à tout cela au plus vite, je m’exclamais vivement avec vivacité :
- Oui et c’était une erreur ! C’est inutile de t’acharner Dorian, plus jamais je ne te cèderais.
Sur ces mots, je l’attrapais par le bras et l’entraînais à ma suite. Puis les bras chargés de notre plateau, nous prîmes place à notre table dans un silence monastique. Tous les regards se posaient sur nous, nous dévisageant avec indiscrétion et je sentais l’énervement de Gabriel monter en flèche. Il avait d’ailleurs de plus en plus de mal à le cacher.
Nous mangeâmes dans le silence le plus complet, jusqu’à ce qu’un garçon que j’avais déjà vu près de Gabriel s’approcha de nous. Gabriel choisis de feindre l’ignorance et plongeant la tête dans son assiette, mais c’était peine perdue.
Arrivé à notre table, il s’exclama de sa voix mielleuse qui sonnait faux :
- Bonjour Gabriel.
Je n’aimais pas particulièrement la façon qu’il avait d’insister lourdement sur son prénom. Il ne lui répondit rien, afin de lui faire clairement comprendre qu’il n’avait pas envie de lui parler. Seulement, n’y prêtant pas attention, celui-ci se tourna vers et déclara :
- Tiens, tu es de retour ? On commençait vraiment à se faire du souci à ne pas avoir de tes nouvelles depuis deux jours. Cela aurait-il un rapport avec la disparition de Gabriel, il y a deux jours aussi ? C’est étrange. Mais en tout cas, quel retour en force que voila ! Gabriel doit bien tenir à toi s’il te fait confiance au point de te faire monter Orphée… Personne n’a jamais eut droit à ce privilège tu sais… Pas même Marion…
Trop troublé par ce qu’il venait de me dire, je sus rien répondre et heureusement Gabriel déclara, laissant libre court à sa colère :
- Mais vous avez fini de me les briser avec ça, bordel ! C’est encore mon cheval jusqu’à preuve du contraire ! S’exclama-t-il à présent hors de lui. J’ai le droit de faire monter qui je veux dessus merde, alors arrêtez de tous vous offusquer parce que Juha a monté Orphée ! Vous êtes jaloux ou quoi ? Vous ne vous êtes jamais dis que peut être vous étiez trop nul pour pouvoir espérer le monter un jour ? Vraiment cette façon de toujours tout commenter et observer mes moindres faits et gestes avec mon cheval c’est n’importe quoi ! on n’est pas dans une série télévisée à ce que je sache, alors occupez-vous de votre cul !!
A présent, il ne dissimulait plus ma colère et tous les regards convergèrent vers nous. Cependant, il ne sembla pas y prêter attention et poursuivit :
- De toute façon, avec la mentalité que vous avez, vous ne ferez rien de votre vie.
Sur ses mots il se leva et quitta vivement la salle à manger, me laissant seul avec ce jeune homme. Alors que je me levais pour aller le rejoindre, celui-ci m’attrapa par le bras. En un instant, je fus submergé par les différents sentiments qui habitaient cet homme. Ils étaient tellement violents que je ne parvenais pas à les discerner, me soulevant le cœur, et me faisant perdre pied.
- Dis moi tu vas le consoler à ta manière ? me demanda-t-il d’une voix lourde de sous entendu.
N’ayant aucune envie de répondre à sa provocation et n’étant tout de façon pas en état, j’arrachais mon bras de son emprise et suivit les traces de Gabriel. Lorsque j’arrivais dans la chambre de Gabriel, j’entendis qu’il était dans la douche, et choisit de m’asseoir un peu afin de me ressaisir avant qu’il ne revienne. Jamais je n’aurais pensé qu’un contact avec cet homme me mettrait dans cet état. Peut être étais-je encore trop affaibli…
Gabriel revint quelques minutes plus tard, simplement vêtu d’un jean propre et d’une serviette sur les épaules, et sursauta de surprise en me voyant. Alors que je tentais de paraître normal et de cacher ma petite faiblesse, c’est inquiet que Gabriel me demanda :
- Juha ? Quelque chose ne va pas ? Tu es tout pâle.
- Ca va, me répondis-je avec un sourire qui se voulait rassurant. Tu es sur que tu veuilles que je dorme ici ce soir ? Les autres pourraient parler… dis-je en me remémorant les dernières paroles que j’avais pu entendre.
- Je m’en fiche, s’exclama-t-il. Ils ne savent rien, je n’ai rien à cacher et puis, ce n’est pas comme si nous étions en couple.
Si j’avais été heureux de son début de réplique, la suite en était toute autre. Il était vrai que notre relation était ambigu et pourtant, ce que je ressentais malgré moi pour lui, s’approchait plus du couple qu’autre chose. Mais après tout, qu’étais-je à ses yeux, alors que je ne savais même pas définir ce qu’il était pour moi. Notre relation était très forte, mais ne portait pour le moment pas de nom. Je choisis de ne rien répondre à cela et me laissant porter par mes désirs, je m’approchais de lui d’une manière qui ne laissait présager aucun doute sur mes intentions. Avec la même douceur dont je faisais toujours preuve avec lui, je déposais mes lèvres sur les siennes, tout en l’enlaçant tendrement. A son tour, il posa ses mains sur mes hanches, se laissant guider par moi, qui lui demandais déjà l’accès de ses lèvres pour permettre à ma langue de rejoindre sa jumelle. Plus le temps passait et plus nos baisers gagnaient en intensités, faisant, je le sentais, grandir en Gabriel un manque de plus en plus important dont il n’avait même pas conscience. Après un baiser fiévreux des plus ardent, je me reculais lentement avant de happer ses lèvres une dernière fois et de demander :
- Je peux emprunter ta douche s’il te plait ?
- Hm ? Oui, fais comme chez toi, répondit-il discrètement, encore sous le charme de nos échanges.
Avec son accord, j’allais rapidement prendre une douche, souhaitant plus que tout aller me coucher, épuisé par les récents évènements. Moins de dix minutes plus tard, je rejoignis Gabriel dans la chambre, le voyant blotti dans les couvertures. Simplement vêtu d’une serviette nouée autour des reins, je m’approchais de Gabriel et lui demandais :
- Gabriel ? Tu n’aurais pas des vêtements à me prêter ?
- Cherche dans mon armoire, sur la gauche, répondit-il à moitié endormis.
Quelques secondes plus tard, je me glissais dans le lit après avoir soulevé les couvertures afin d’y prendre place. Une fois installé, j’éteignis les lumières et ne bougeais plus. Un long silence s’en suivit et une question s’imposa à moi. Je ne me l’étais pas posé jusqu’à maintenant et pourtant, elle était bientôt de circonstances. Noël approchait et j’allais bientôt pouvoir vivre mon premier Noël depuis dix ans. Seulement, je n’avais personne à qui le passer. Je demandais alors hésitant, ne tenant plus :
- Gabriel… Tu vas aller retrouver ta famille pour les fêtes de Noël ?
A cette question, je le sentis se tendre brusquement touchant malgré moi un point sensible. Finalement, il répondit après un court silence :
- Non… Je ne fêterais pas Noël cette année… De toute façon, ajouta-t-il avec mélancolie, cette fête n’a aucune signification pour moi… Et toi ? Tu vas le passer avec ta famille ?
- Non, je… Je n’ai plus de contact avec eux depuis la prison…
J’ajoutais alors, hésitant et anxieux de sa réponse :
- Tu veux bien le passer avec moi ?
Il se tourna vers moi, apparemment surpris, puis un sourire étira ses lèvres. Il se pencha vers moi et m’embrassa sur la joue avant de répondre :
- Avec plaisir…
De nouveau le silence nous engloba, jusqu’à ce que Gabriel finisse par demander, semblant se retenir depuis un moment, cachant assez mal son hésitation :
- Juha ?
- Oui ? Répondis-je d’une petite voix, appréhendant malgré moi la suite.
Combien de temps tu y es resté ? En prison je veux dire…
Je pris une profonde respiration, m’attendant à une question de ce genre. Il avait le droit à une répondre et je finis par parler, la voix enrouée d’émotions :
- J’ai passé dix ans de ma vie là bas…J’y suis rentré à dix sept ans et j’en ai vingt-sept aujourd’hui…
A chaque fois que j’y repensais, je constatais avec amertume tout ce temps gâché par ma propre faute.
- Juha ? Demanda-t-il de nouveau. Pourquoi tu as fais de la prison ? Ajouta-t-il non sans hésitation et crainte de ma réaction.
Si j’avais pu répondre à sa première question, il m’étais impossible d’ouvrir la bouche pour celle-ci. Je n’y arrivais pas alors que plus que tout je voulais être honnête avec lui. Face à mon silence gêné, il poursuivis heureusement :
- C’est… C’est à cause de Killian, n’est pas ?
Me déliant la langue, je pris sur moi pour répondre au mieux à sa question tout en restant tout de même évasif :
- Oui… Enfin, ce n’est pas à cause de lui, mais cela à un rapport avec lui…
Il resta à mon plus grand soulagement silencieux. Je n’aimais pas la tournure que prenait la conversation. J’étais loin d’être prêt et je lui avais demandé du temps, bien plus que ce qu’il était en train de m’offrir. C’est alors que Gabriel repris la parole et me demanda :
- Il était ton… Ton amant ?
- Oui, répondis-je simplement, n’ayant rien à dire de plus.
- Alors c’est vrai ce qu’il disait ? Tu… Tu l’as vraiment tu… Tué ? Pardon, ajouta-t-il précipitamment en me voyant me crisper sous les draps. Je vais trop loin, excuses moi. Je n’aurais pas du te demander cela…
Détournant complètement la conversation, faisant comme si cet instant fort désagréable n’avait pas eus lieu, je lui demandais, surpris :
- Tu as dis que tu ne fêterais pas Noël cette année, pourquoi ? Tu le fêtais avant ? Avec qui ?
- Ben… Comme j’étais avec Marion les autres années, je le fêtais avec Philippe, mais à présent, je me vois mal débarquer là bas… Répondit-il mi amusé, mi mélancolique.
- Et avant que tu sois avec Marion, tu le fêtais avec quelqu’un non ?
Aussitôt Gabriel sembla partir loin d’ici, plongé dans ses souvenirs passés. Je lui laissais le temps, n’étant pas pressé, mais au bout d’un temps jugé trop long, je me risquais :
- Gabriel ?
- Hm ?
Puis, se souvenant de ma question, il répondit d’une voix tremblante d’émotions :
- Oui, je… Je le fêtais avec mon… mon meilleur ami…
- Et tu ne le vois plus ? Lui demandais-je intrigué.
- Je n’ai plus eut de nouvelles de lui depuis mes quatorze ans, soit bientôt onze ans.
- Bientôt ? C’est bientôt ton anniversaire ?
Il se tourna vers moi, un sourire dépeint sur le visage, et répondit :
- Le vingt-cinq…
- Décembre ? M’exclamais-je surpris.
- Oui, répondit-il simplement.
- Tu es la première personne que je rencontre qui soit née à cette date. Et tu vas avoir vingt-cinq ans ?
- Oui, répéta-t-il.
- Tu te rends compte ? Un quart de siècle ! Fis-je remarquer en éclatant de rire.
- Hey ! Je ne permettrais pas une telle réflexion d’un homme qui aura trente ans d’ici peu ! S’exclama-t-il à son tour, prenant un air faussement indigné, rentrant dans le jeu.
Après un court silence durant lequel Gabriel bâillait à s’en décrocher la mâchoire, il se tourna sur le côté et d’une voix éraillée, il murmura :
- Bonne nuit, Juha.
Lentement, je me penchais vers lui et avant qu’il ne réalise ce qu’il se passais, mes lèvres s’emparèrent des siennes en un doux effleurement aérien avant de murmurer tout bras contre ma bouche :
- Bonne nuit Gabriel.
C’est blotti tout contre moi qu’il finit par s’endormir. Je le rejoignis peu de temps après, me plongeant dans un rêve que je n’avais pas fait depuis des années, un rêve emprunt du passé qui chaque jour me faisait culpabiliser.

Voilà maintenant une heure que je marchais dans le froid, maudissant le mois de janvier. Cela faisait deux mois que je n’avais presque pas mis le nez dehors, restant au chevet de l’homme que j’aimais. Parcourant les rues, je sentais mon cœur se serre à l’idée que je ne pourrais plus les parcourir main dans la main avec Killian. Condamner à rester chez lui, à se déplacer du lit au fauteuil et du fauteuil au lit, n’étant même plus capable de se déplacer seul. J’avais beau lui offrir toute l’énergie que je possédais, absorbant sa souffrance mentale, j’étais maintenant aussi à bout que lui. Il n’avait que vingt-cinq ans et demain maintenant quatre ans nous idéalisions tous les deux notre avenir commun qui maintenant se résumait à la mort de l’un de nous.
Les larmes me brulèrent les yeux, sans pour autant couler le long de mes joues, les retenant une énième fois. J’avais mal pour ce qu’il venait de me dire. Ses mots cassants et blessants résonnaient dans ma tête. « Si tu ne m’aides pas, cela veut dire que ton amour pour moi n’est pas si fort que tu le prétends. Tu n’es qu’un sale égoïste ! ». J’avais ressentis sa haine pour moi, bien plus dur que les mots et il le savait. Il avait fait exprès de me saisir violemment par le poignet, me suppliant une fois de plus d’abréger ses souffrances. Comment pouvait-il me demander cela ? N’étais-ce pas lui l’égoïste ? Etais-ce de ma faute après tout, de vouloir encore gagner une seconde près de lui vivant. On dit que savoir donner la mort à la personne que l’on aimait était la plus belle preuve d’amour. C’était l’argument qu’il me donnait si souvent. S’était-il seulement mit une fois à ma place ? Il faisait parfaitement que j’absorbais sa douleur, aussi bien physique que mentale. J’étais prêt à la partager, pour gagner un peu de temps. Nombre de dois, je lui avais proposé ou même tenter de le faire à son insu et il m’avait plus d’une fois violemment repoussé, prétendant que je n’avais pas à subir cela. Il n’avait cessé de me dire que je ne faisais que rejeter l’inévitable et tourner le dos à la vérité de sa mort. Mais n’avais-je pas droit à un peu de répit, vivre encore un moment dans cette illusion qui soulageait mon cœur. Qu’allait être ma vie sans lui ? Jamais je ne l’avais envisagée et je ne voulais surtout pas le faire.
Je marchais encore droit devant moi, sans trop savoir ou aller, ne me sentant bien qu’auprès de Killian. Je m’en voulais de cette relation si passionnelle qui m’avait rendu si dépendant de lui. Depuis que j’avais treize ans, je passais les trois quart de mon temps avec lui, et la solitude qui m’attendait après sa mort me terrifiait. Le vide qu’il allait me laisser ne portait pas de nom. Kilian était et serait mon premier et mon dernier amour et pour moi, il en avait toujours était ainsi. Jamais je ne m’étais permis de penser autrement. Je lâchais un soupir, redressant la tête. Les larmes coulaient toutes seules et je les essuyais d’un revers de la manche. J’étais devant chez moi. Je n’avais pas du y mettre les pieds depuis deux ou trois semaines et mes parents devaient s’en moquer éperdument. Je les avais trop déçut et cela un nombre trop important de fois pour qu’ils daignent me porter une quelconque attention ; mais je m’en moquais, j’avais Killian.
D’ailleurs que faisais-je ici ? Ma place était aux côté de Kilian, pas chez moi. C’était lui qui avait besoin de moi. Je n’avais de toute façon aucune envie de revoir ma famille, surtout dans cet état. J’étais resté assez longtemps loin de celui que j’étais et je me devais de retourner le voir. Il me restait si peu de temps à vivre à ses côtés que j’étais bête de ne pas en profiter. C’est tout contre lui que je voulais être et non seul dehors à me morfondre. D’un pas peu sur, je repris le chemin du retour, appréhendant une nouvelle confrontation et languissant à la fois le moment ou je pourrais le revoir. J’espère qu’il pardonnerait notre dispute, tout comme je l’avais oublié. A la fois bien trop vite et bien trop lentement, je me retrouvais devant la porte de son petit studio. Je grelottais de froid, étant sorti simplement en pull léger. Rapidement je cherchais le double de la clef qu’il m’avait donné il y a deux ans, me proposant de venir chez lui autant que je le voulais. C’est à partir de cette période là que ma relation avec mes parents déjà bancale s’était dégradée de plus en plus.
Lentement je tournais la clef dans la porte, ne voulant surtout pas le réveiller s’il s’était endormi. J’ouvris la porte, posant les clés sur la petite table à l’entrée puis longeais le couloir avant d’arriver dans la pièce qui faisait office de chambre et de pièce de vie. Le spectacle qui s’offrit alors à mes yeux me glaça d’effroi. Seul mon cœur battait extrêmement vite. Kilian se tenait là, assis dans le canapé, une arme à feu dans la main droite, en larmes… Il sembla s’apercevoir de ma présence car il releva les yeux vers moi et s’exprima dans un sanglot me voyant parfaitement immobile :
- Ce que je te demande de me faire, je n’en suis même pas capable moi-même… Aide-moi, je t’en supplie…
Sa voix était tellement faible… Sans réfléchir une seconde de plus, je me jetais littéralement sur lui.
Une fois tout contre lui, je le serrais tout contre moi de plus en plus fort, comme s’il allait m’échapper à jamais. Nous pleurions de concert, sans trop même s’en apercevoir. Il avait failli partir, et je n’avais pas été là pour l’en empêcher. Dire que cette étreinte ne m’aurait pas été permise… Je sentais ses sentiments venir envahir mon cœur, mêlant douleur et culpabilité de mes laisser ainsi. Nous partagions tellement de choses… Lui seul avait jamais eu le droit de lire au plus profond de mon cœur, m’ouvrant à lui et me laissant à sa merci. Je le connaissais par cœur et n’avais même plus besoin de le toucher pour être lié à lui. Jamais je n’avais usé de mon don pour vérifier ses sentiments pour moi, sachant leur valeur réelle.
Au milieu de ses sanglots, alors qu’il était au creux de mes bras, je l’entendis gémir, telle une litanie incessante me déchirant le cœur à jamais :
- Je voulais au moins te dire au revoir, te voir une dernière fois… Je t’aime Juha… Si tu savais comme je t’aime… Tu sais… Je suis jaloux, jaloux des autres hommes qui seront dans ta vie et que tu aimeras, jaloux de ne plus appartenir à la tienne… Je m’en veux tellement et j’en veux de pouvoir encore vivre sans moi.
Je me retins alors difficilement de lui répondre ce que je pensais de ce qu’il venait de me dire. Comment pouvait-il penser cela, en sachant combien j’en souffrais. Ne voulant pas en entendre plus, je recouvrais ses lèvres d’un baiser plus désespéré que jamais. A chaque fois que je l’embrassais, j’avais cette cruelle impression que ce serait le dernier. Il répondit avec douceur à mon baiser, entrouvrant délicatement les lèvres. J’aimais leur gout plus que tout et ne passais pas un seul instant sans vouloir m’en repaître encore et encore. Leur saveur si particulière et unique me donnait des frissons de plaisir. La chaleur de ses baisers allait bientôt m’être enlevé. Lentement, bien que perdu dans notre échange passionnel, je pris l’arme qu’il avait dans les mains afin de lui ôter toute possibilité d’écouter sa vie de lui-même. Les seules fois ou nos lèvres ses séparaient quand l’être venait à manquer, nous murmurions nos sentiments réciproque, ne nous laçant pas de déclamer notre amour. Je pleurais, et ses larmes venaient se mêler aux miennes dans notre baiser qui avait ce goût amer d’adieu. Son corps tout contre moi, je mourais de peur à l’idée qu’un jour bien trop proche, il devienne raide et froid.
C’est à ce moment là que je sentis sa main attrapais la mienne, la faisant lentement glisser sous son t-shirt. Depuis combien de temps ne nous étions pas touché ainsi. Sa peau était toujours aussi douce et il était impossible de ne pas se rendre compte de son amaigrissement ; lui qui portait tellement d’importance à son apparence… Encore une fois, quittant mes lèvres, il me murmura à l’oreille combien il m’aimait, faisant remonter lentement ma main de ses abdominaux jusqu’à son torse imberbe, avant de s’arrêter à un endroit stratégique que je ne compris que trop tard. Alors qu’il bloquait ma main sur son cœur, siège de tous ses sentiments et sa souffrance, il continua de murmurer à mon oreille, comme un adieu :
- Je suis le plus heureux des hommes car je meure dans les bras de celui que j’aime. Merci Juha…
A peine eut-il finit sa phrase qu’il sembla relâcher tout ce qu’il m’avait dissimulé jusqu’à maintenant ; un flot de ressentis si fort qu’ils me rendirent comme presque fou. Comment avait-il pu me cacher tout cela ? la puissance de sa douleur et de son envie de mourir était si forte qu’elle compressait mon cœur jusqu’à presque l’arrêter. J’avais cette impression de suffoquer et de ne jamais pouvoir m’en sortir. Il venait de me mettre face à un gouffre béant qui m’attiraient dans sa chute et mon instinct de survie fini par prendre le dessus. Malgré moi, je m’arrachais plus que violemment à son étreinte alors que mon cœur me hurlait de ne surtout pas m’éloigner. Il fallait que tout cela cesse où j’allais y laisser ma peau. Je n’avais qu’une seule solution et celle-ci se trouvait dans ma main droite. Tout se passa tellement vite que ce fut dans la moindre réflexion que je pointais mon arme sur son cœur, source de tout les maux. La folie m’avait maintenant totalement atteint et il m’était impossible de différencier ses sentiments des miens. Il fallait que j’y mette fin et c’est un cri d’animal à l’agonie qui s’échappa des mes lèvres au moment où le coup parti, figeant à jamais le sourire de Kilian sur ses lèvres. J’avais visé en plein cœur et à peine eut-il expiré son dernier souffle que je fus libéré de ses ressentis, qui étaient mort en même temps que celui à qui je venais d’ôter la vie. Killian n’était plus qu’un corps inerte sur le sol, baigantn sans son propre sang. Si sa douleur n’était plus en moi, elle laissa alors place à la mienne qui me pris si brusquement à la gorge au moment ou je réalisais ce que je venais de faire : mettre fin à la vie de l’homme que j’aimais le plus au monde. Mes jambes cédèrent sous mon propre poids et je me retrouvais agenouillé à quelque mètre de lui, voulant hurler ma douleur mais ne laissant uniquement s’échapper que des larmes silencieuses, coulant sur mes joues. La porte d’entrée s’ouvrit derrière moi, une seule autre personne possédait la clef de ce studio, le frère de Killian. Immobile, je me sentais chuter à une allure vertigineuse vers ce qu’on appelait la fin de toute chose : le néant.

Mes yeux s’ouvrirent d’un coup, me ramenant dans le présent mais encore trop emprunt du passé, je m’exclamais en une litanie incessante dans un sanglot :
- Je l’ai tué… Je l’ai tué…
J’avais tellement mal que je ne pouvais dire que cela, comme pour réaliser et me faire souffrir un peu plus comme je le méritais. Je ne me retenais même pas de laisser ma peine s’échapper, la laissant envahir Gabriel. Celui-ci, profondément touché par mon état, me pris tout contre lui, et commença à me rassurer, d’une voix calme et rassurante, mais pourtant chargée d’incompréhension. Ce n’est que lorsque je fus à peu près calmé, qu’il osa me demander :
- Et si tu me racontais ? Tu ne crois pas que cela pourrait te soulager ?
Je ne parvins qu’à gémir :
- Je ne suis qu’un montre. J’ai tué Kilian… Je l’ai tué… J’aurais du passer ma vie à croupir en prison…
Je ne savais même plus ce que je racontais, ni à qui j’étais entrain de parler, trop meurtri. Je n’avais pas fait ce rêve depuis des années, et c’était le moment le plus douloureux de toute mon existance.
- Calme-toi… Je ne comprends rien à ce que tu dis… Explique-moi calmement, d’accord ? Me demandait-il en raffermissant son étreinte autour de moi.
Reconnaissant de la patience et de la douceur dont il faisait preuve pour moi, je me lançais, ayant de toute façon besoin d’en parler à quelqu’un, de confesser pour la première fois ce qu’il s’était réellement passé à Gabriel :
- J’ai connu Kilian à l’âge de treize ans. Très vite, nous nous sommes rendu compte que nos sentiments respectifs allaient bien au delà qu’une profonde amitié. Nous vivions une relation que l’on aurait pu qualifier de passionnelle. Tout allait pour le mieux, c’était vraiment merveilleux, jusqu’à ce qu’un jour, quatre ans plus tard, je…
Je fis une pause, soupirant longuement, afin de me donner du courage. J’arrivais à la partie la plus délicatement et c’est avec hésitation, la voix tremblante de sanglots contenues que je repris :
- J’ai appris qu’il était atteint d’une maladie incurable qui le tuait à petit feu dans une douleur insupportable. Plus la maladie évoluait, plus son corps et son mental étaient atteint de dégénérescence. Il n’en avait plus pour longtemps à vivre et Kilian le savait lui aussi. Je ne sais combien de fois il m’a supplié de le délivrer de cette souffrance, n’ayant pas le courage de le faire lui-même. Je passais tout mon temps à son chevet, me refusant à cette idée de li donner la mort. Mais toujours il me suppliait, me demandant de le faire avant qu’il ne m’oublie définitivement et que je ne garde de lui que des souvenirs d’un corps inerte et d’un esprit défaillant. Puis un jour j’ai cédé… Je l’ai tué… Je m’en veut tellement d’avoir été aussi lâche… C’est le frère de Kilian qui m’a dénoncé. Il n’a jamais accepté ce qui me liait à lui et ne comprenait pas l’envie que Kilian avait de vouloir mourir. Il aurait préféré le voir se battre contre la maladie et n’acceptait pas le fait qu’elle puisse être plus forte que lui… Si seulement j’avais su… Jamais je n’aurais appuyé sur la gâchette…
Je me tu, ne pouvant en dire plus. Blessé, je ne savais pas comment allait réagir Gabriel. Allait-il être dégoûté et me rejeter ? J’allais avoir ma réponse, car il commença à parler :
- Tu sais, je ne sais pas ce que tu as pu ressentir, mais je peux l’imaginer et je pense qu’au contraire, même si tu as perdu dix ans de ta vie en prison, tu peux être fier de toi. Peu de personnes auraient été capables d’offrir cette ultime preuve d’amour à la personne qu’elles aiment.
Après un court instant, il ajouta, s’engageant sur un terrain plus que glissant :
- Tu sais, à la place de Kilian, j’aurais fait la même chose…
- Non ! M’exclamais-je alors vivement Juha en me redressant et en lui faisant face. Plus jamais je ne veux revivre cela… Plus jamais je ne veux ressentir la douleur de perdre un être qui m’est cher… Comment peux-tu dire cela ? Comment peux-tu ignorer ma douleur ? T’es tu seulement demandé ce que j’ai pu ressentir ? Tu ignores tout de cette culpabilité qui me ronge depuis dix ans…
J’avais parlé avec mon cœur, peut être un peu trop virulemment, mais il avait touché directement un point bien trop sensible. Le voyant dans le désarroi le plus total, je déclarais alors doucement, me reprenant :
- Je suis désolé Gabriel, je n’aurais pas du m’emporter contre toi. Mais je… Je tiens à toi tu sais… Je ne veux pas qu’il t’arrive quelque chose…
Je sus que mes paroles avaient touché Gabriel, mais je ne l’avais pas dis pour lui faire plaisir, mais j’avais laisser mon cœur parler à ma place.
En effet je tenais à lui et bien plus qu’il ne voulait le croire. C’était d’ailleurs pour cette raison que je m’étais confessé à lui, et cela m’avais malgré tout fait beaucoup de bien. Gabriel lâcha un soupir de contentement tout en se laissant aller contre moi. J’aimais nos étreintes, j’aimais être tout contre lui, même si je continuais à ressentir sa douleur. J’espérais qu’un jour il finirait par lui aussi me parler. Gabriel finir par me répondre :
-  Moi aussi je tiens à toi Juha… Ne m’abandonne pas s’il te plait…
Si j’étais surpris par sa supplication, je n’en laissais rien paraître et bientôt nous plongions de nouveau dans le sommeil, tendrement enlacés.
Le lendemain, je me réveillais un peu avant Gabriel, dans la même position que la veille. Jamais je n’aurais imaginé, quelques temps auparavant, connaitre ce bonheur de nouveau. Lentement, je me redressais pour admirer le visage de Gabriel endormi, qui avait tout d’un ange. Il sembla s’en apercevoir, car il se tourna de  l’autre côté. Simplement, j’en avais décidé autrement, et sans aucune pudeur, je laissais ma main s’aventurer sous son t-shirt, remontant sur son ventre. Ceci eut l’effet escompté et aussitôt, il sursauta à présent totalement réveillé. Il ouvrit les yeux, pour se noyer dans les miens. Un sourire étira mes lèvres et d’une voix qui ne cherchait pas à cacher mon amusement, je chuchotais :
- Je ne te savais pas aussi fainéant le matin ! Serais-je en train de découvrir une autre facette de ta personnalité ?
- Mmf… Fatigué, grogna-t-il en se laissant lourdement tomber dans le matelas.
Accoudé au dessus de lui, je ne pouvais m’empêcher de le regarder avec un désir évident qui malheureusement le mettait mal à l’aise. Plus le temps passait et plus mon désir pour lui montait en flèche. Anéantissant la distance qui séparait encore nos lèvres, je me penchais au dessus de lui, et m’emparais de ses lèvres avec une passion non feinte. Très vite, ma langue vint quémander avec gourmandise l’accès à ses lèvres, comme en manque total de ses baisers. Avec sensualité, j’investissais sa bouche. Nos langues se mêlaient en un ballet farouche et emprunt de sensualité, se faisant de plus en plus gourmand et possessifs. Complètement abandonné à moi, il me laissait le guider, l’entraînant toujours plus loin dans notre baiser, le guidant avec savoir faire. Docile, il se laissait entraîner dans cette danse à la limite de l’érotisme, me laissant  maître de la situation. Je le sentais, il prenait de plus en plus de plaisir à ses baisers, y répondant sans se faire prier. J’aimais les baisers que nous échangions et la timidité qu’il ne pouvait me cacher dans ce genre d’échange.
Après un baiser des plus ardents, nous nous séparâmes à contrecœur, le souffle court et Gabriel se leva pour aller prendre sa douche. Soudain, il se tourna vers moi, semblant penser à quelque chose, il déclara :
- Je vais à un concert ce soir… Tu… Enfin… Tu veux venir avec moi ?
- Je… Oui, pourquoi pas… Mais je n’ai pas de billet…
- J’en ai… J’avais l’intention d’y emmener Marion car on était encore ensemble quand j’ai acheté les places, mais à vrai dire, je n’ai aucune envie d’y aller avec elle… En fait, moins je la vois, mieux je me porte…
- Oh… Bien, tu me diras combien je te dois, alors…
- Non… C’est cadeau, ajoutais-je en le voyant ouvrir la bouche pour protester.
- Mais… D’accord… Merci, Gabriel… répondis-je, touché par son invitation.
Lorsqu’il revint de sa douche, j’allais prendre la mienne. La journée passa très vite, et vers dix sept heures, Gabriel vint me chercher et nous allâmes prendre une douche afin de ne pas arriver là bas et sentir le cheval et la sueur. Gabriel me prêta des affaires propres. Une demi-heure plus tard, nous prenions la route. La circulation était plutôt bonne, nous arrivâmes en avance et du coup, je nous payais à chacun une pizza. Une fois celle-ci terminée, nous prîmes le chemin de la salle de concert, marchant côte à côte.
Alors que nous marchions tranquillement, nous croisâmes un homme, vêtu d’une soutane qui, je le sentis, troubla aussitôt Gabriel. Je ne le touchais pas, mais la douleur qui m’avait profondément affectée à notre premier contact était en train de ressurgir sans que je sache pourquoi. Je pris sur moi pour la renflouée, alors que cet homme aux cheveux grisonnant s’approcha de nous avant de s’exclamer avec haine :
- Je savais bien que c’était toi… C’est difficile d’oublier un visage comme le tien, morveux !
Il le détailla de la tête aux pieds, et le scruta avec dégoût et répugnance avant de reprendre :
- A ce que je vois, tu sembles avoir réussit dans ta vie… Me serais-je trompé ? Ou voles-tu toujours ce dont tu as besoin pour subvenir à ta misérable existence ?
Plus il déblatérait ses paroles, plus je sentais Gabriel aller de plus en plus mal. Je dévisageais Gabriel avec incompréhension, ne comprenant pas ce qui était en train de lui arriver. C’est alors que cet homme dont je ne ressentais rien de bon s’aperçut de ma présence à ses côté avant de poursuivre avec toujours ce mépris dans sa voix, comme s’il parlait à un chien :
- Je l’avais prédit… Tu es le fils du Malin, le mal et la perversion ont eut raison de toi… Le péché de la luxure coule dans tes veines…
Si je n’avais rien dit jusque là, c’était parce que j’étais sous le choc. Mais maintenant je ne pouvais en supporter d’avantage et je pris la parole, le coupant dans son réquisitoire, sachant que l’état de Gabriel en dépendait :
- Excusez-moi, mais vous vous trompez de personnes. Nous n’avons pas le temps de vous écouter déblatérer vos conneries, vieux fou…
Puis, le prenant par la main, je l’entrainais à ma suite, voulant l’éloigner au  plus vite pour nos propres santés. Docilement, il se laissa faire. Il était comme tétanisé et ne pas savoir pourquoi me rendait furieux contre moi-même.
Docilement, il se laissa faire. Il était comme tétanisé et ne pas savoir pourquoi, me rendait furieux contre moi-même. Voyant cela, le vieil homme s’exclama :
- De toute façon, vous êtes de la même espèce ! Un jour les animaux dans votre genre finiront sur le bûcher…
- Ouais, si tu veux, répondis-je en m’éloignant rapidement.
Quant à Gabriel, il semblait de plus en plus mal et son visage était d’une pâleur à faire peur. Il irradiait sa douleur, et je ne pouvais faire autrement que la recevoir en moi. Le pire était que je ne savais même pas quoi faire pour l’aider. Il s’arrêta soudain dans une petite ruelle et rendis le contenu de son estomac, ne faisant même pas attention aux larmes qui inondaient ses joues et aux sanglots qui secouaient ses épaules. A côté de lui, je lui massais le dos, cherchant à l’apaiser comme je le pouvais, tout en cherchant les mots qui pourraient lui remonter le moral :
- Ne fais pas attention à lui Gabriel. Ne laisse pas ses mots t’atteindre. Tu vaux beaucoup mieux que ce qu’il veut faire croire. Pauvre fou ! Cet homme est est un dément, il ne sait pas ce qu’il dit… Et puis, il ne t’a pas appelé par ton prénom, il ne savait même pas à qui il parlait…
Il marmonna entre deux sanglots quelques mots mais je ne les compris pas, si bien qu’il déclara :
- Si je… Je connais cet homme…
- Ah bon ? Demandais-je surpris. Qui était-ce ?

- Un cauchemar, répondit-il, sans s’appesantir sur la question.

Je compris qu’il ne voulait pas m’en dire plus, et je respectais son choix, sachant qu’un jour peut être il aurait le courage de m’en parler. Je continuais à masser son dos qui irradiait sa souffrance pendant encore quelques minutes jusqu’à ce que je finisse par dire :

- Allez viens, ne gâche pas ta soirée pour un type comme lui.

Obéissant, il se leva et me suivit en silence jusqu’à la salle de concert. C’est au moment seulement ou nous arrivâmes devant l’entrée que je commençais à réaliser ce que je venais d’accepter. Moi qui fuyais le monde afin d’éviter tout contact, je me préparais à vivre un bain de foule pour ce qui allait être mon premier concert.

L’entrée était blindée et il nous fallut attendre bien une quinzaine de minutes avant de finalement pouvoir entrer. Une fois dans la salle, je me laissais guider par Gabriel dans la fosse, juste devant la scène et ignorant les autres, nous patientâmes échangeant parfois quelques mots. Intérieurement, j’essayais de faire le vide moi, afin de ne pas céder à la pressions des ressentis de tout le monde. Pour le moment j’arrivais à n’avoir de contact avec personne. Je lui demandais quelques précisions sur le groupe que nous allions voir, tentant de me changer les idées. Près d’une demi-heure plus tard, le groupe monta sur scène et la salle fut envahie par le son des guitares électrique de la batterie. Aussitôt la foule entra en mouvement, nous entrainant de un mouvement de masse déferlant sur nous aux rythmes de la musique. Pendant la première minute, je parvins à retenir des barrages plutôt bancale, mais ne pouvant empêcher un contact avec toutes ces personnes, je fus bientôt assaillis par chacun de leur sentiments, m’offrant une migraine intenable.

J’avais de plus en plus de mal à gérer toute cette subite agitation autour de moi. C’est alors que je sentis des ressentis particuliers que je ne connaissais que trop bien et que je trouvais pour une fois reposant. Ils provenaient de la main de Gabriel posée sur mon épaule.
Se penchant vers moi, il me cria à l’oreille, dans le but de se faire entendre :
- Ca va ?
- Oui… T’en fait pas, répondis-je.
Certes, je disais cela pour le rassurer, mais je ne voulais surtout pas gâcher sa soirée. Gabriel reporta son attention sur la scène, me jetant parfois de petit coup d’œil. Je tentais de me maîtriser au mieux, mais c’était de plus en plus dur. Je finis par craquer, ne tenant plus sur mes deux jambes, sur le point de défaillir avec ce mal de tête horrible qui me martelait le crâne et qui me soulevait le cœur. Gabriel me pris alors par la main et m’entraîna sans ménagement à sa suite. Il m’emmena dans les toilettes et une fois à l’écart de la foule, il me demanda :
- Que se passe-t-il ? Et ne me ment pas en disant que tout va bien, je vois à ta mine que ce n’est pas vrai.
Je n’allais certainement pas lui dire la vérité, car il m’aurait pris pour un fou. Je choisis d’en dire peu mais suffisamment.
- Je… Excuse-moi… Je… Je ne suis pas habitué à avoir autant de monde autour de moi…
- Oh… Oui, je comprends… Pardonne-moi, j’aurai dû y penser avant de t’entraîner là dedans… Je suis désolé.
- Ce n’est rien, ne t’en fait pas. Ca va déjà beaucoup mieux, mais je ne peux pas y retourner… Vas-y sans moi… Dis-je extrêmement gêné que ce don me bouffait encore la vie.
- Tu plaisantes j’espère ! S’exclama-t-il indigné. Si on rentre, c’est ensemble. Allez viens, partons d’ici…
- Merci… Je suis désolé de gâcher ta soirée…
- Ne t’excuse pas. De toute façon, je n’avais pas vraiment la tête à m’amuser… Je crois plutôt qu’une bonne nuit de sommeil sera le mieux…
Le chemin du retour s’effectua dans un silence monastique et c’est près d’une heure plus tard que Gabriel garait la voiture sur le petit parking en bas de chez moi. Nous entrâmes dans le studio et il jeta les clés sur la petite table à l’entrée avant d’aller se chercher un verre d’eau et une pomme. Il me demanda si je voulais quelque chose de spécial et recevant une réponse négative de ma part, il alla me rejoindre au salon. A vrai dire, pour aussi une bonne nuit de sommeil me ferait le plus grand bien, car je ne ressortais pas indemne de ce concert, affaibli plus que je ne l’aurais du. Il resta à mes côtés le temps de manger sa pomme, puis après s’être excusé, il alla s’allonger dans le lit pris d’un soudain coup de fatigue.
Je m’affairais quelque temps dans le petit appartement et vint le rejoindre un peu plus tard, décidant d’aller me coucher à mon tour. Je me glissais discrètement entre les couvertures, et Gabriel vint à mon plus grand bonheur se lover tout contre moi, semblant avoir besoin et envie de sentir ma chaleur contre lui. Comprenant tout à fait son désir de protection et afin de le rassurer, je l’enlaçais tendrement. Soupirant de bien-être, Gabriel se laissa aller à poser sa tête sur mon torse. Sa souffrance irradiait encore autour de lui, et je savais qu’il fallait qu’il parle. Seulement, n’étant pas du genre à le faire de lui-même, alors qu’il allait s’endormir, je me risquais à lui demander :
- Gabriel ?
- Hn ? Répondit-il à moitié endormi.
- Je peux te poser quelques questions ?
- Je… Hésita-t-il avant de finir par céder. D’accord… Je t’écoute.
- Cet homme, toute à l’heure, tu disais le connaître… Où l’as-tu connu ? Dans quelle circonstance ?
Il resta un moment silencieux, semblant peser le pour et le contre de tout m’avouer et il sembla finir par céder. Je pouvais ressentir sa peur, sa crainte et sa honte de me parler, mais il finit par commencer :
- Je… Je n’ai jamais connu la douceur et la chaleur d’une mère et j’ai compris le rôle que pouvait avoir un père lorsque j’ai rencontré Philippe. C’est lui qui m’a offert mon premier foyer…
Je ne pus cacher l’expression horrifiée qui s’affichais sur mon visage, et Gabriel sur que j’avais compris, confirmant mes pensées :
- Oui, j’ai passé toute ma vie à l’orphelinat. Je suis ce que l’on appel un pupille de la nation. J’ai été trouvé à l’âge de quelques jours sur le perron de l’église du père Colman, l’homme que nous avons croisé toute à l’heure… Je ne connais rien de mes origines et lorsque j’ai voulu faire des recherches, pour comprendre qui j’étais et d’où je venais, on m’a informé que c’était tout simplement impossible… Ma mère avait accouché sous X et n’a jamais dévoilé qui était mon père…
Il se tu un instant, la voix brisée par la multitude de sentiments qui s’imposaient à lui et qu’il me faisait malgré lui ressentir. Profitant de son silence, je déclarais tout en raffermissant ma prise autour de lui :
- Je suis désolé, Gabriel…
- Tu n’as pas à l’être… Cela ne changerait rien de toute façon… C’est… Poursuivit-il. C’est à l’âge de trois ans que j’ai fait la connaissance de Kay. Il est arrivé là suite à la mort de ses parents lors d’un accident d’avion. Je me suis immédiatement attaché à lui et de son côté, il m’a prit sous son aile. Il avait alors cinq ans et il prenait toujours ma défense contre les autres… Nous avons grandis ensemble, il était comme un frère pour moi, mon meilleur ami, le seul que j’ai jamais eu… Cependant, plus je grandissais et plus… Plus je me rendais compte que l’amour que j’avais pour Kay allait au delà de l’amour fraternel… C’était… C’était bien plus profond… L’année de mes quatorze ans, je… Kay et moi avions vo… Volé quelques cerises au paysan du coin et pour ne pas nous faire prendre, nous nous sommes séparés… Je me souviens de la peur que j’ai ressentie à ne pas le voir arriver… Finalement quand il est revenu, c’est là… C’est là qu’il m’a donné mon premier baiser… Le… Le père Colman nous a surprit… Je… Je ne me souviens pas vraiment de ce qui s’est passé ensuite… Je me rappelle juste des insultes et de l’humidité et des ténèbres d’une vieille cave… Je ne sais pas combien de temps j’y suis resté, seul, affamé et tremblant de froid et de peur, mais je…J’en garde à présent une trace indélébile…
Comprenant le sous entendu, je glissais ma main dans son dos, et alors qu’il se tendait, je lui demandais :
- Je peux la voir ?
Il me lança un regard apeuré, mais ne décelant aucune trace de moquerie ou autre, il se redressa et retirant son t-shirt, il me présentait son dos, me montrant la marque physique de sa douleur mentale. Touchant en plein cœur de sa souffrance, il frissonna lorsqu’il sentit mes doigts glisser le long de sa cicatrice qui zébrait son dos dans toute sa longueur, de son omoplate gauche jusqu’à sa fesse droite. Ce que je m’apprêtrais à lui faire, je l’avais déjà fait tellement de fois à Kilian pour le soulager un peur. Certes, je n’allais qu’atténuer un peur sa douleur, la diminuant sans pour autant la faire disparaitre, pour seulement un temps. Mais je voulais au moins lui offrir cela à son insu. Je passais et repassais dessus, inlassablement, comme si je tentais de l’effacer, aspirant en moi cette douleur avant de la rejeter comme je le pouvais. Gabriel finit par se détendre totalement, se laissant aller sous la douceur de mes caresses et de mon doigté qui se voulait habile et agréable. Nous restâmes un moment ainsi, moi lui caressant le dos, et Gabriel soupirant de bien être sous mes attouchements. Puis, dans un soupir à peine murmuré, sentant qu’il pouvait maintenant aller plus loin, je demandais :
- Que s’est-il passé ? Après je veux dire… Pour toi et Kay…
- Je… Je me suis réveillé à l’infirmerie. Kay était là, à mon chevet. Il est resté un moment puis est parti avant qu’on ne le trouve. Quand je suis sorti quelques jours plus tard, je… Kay était sur le point de partir… Depuis ce jour là, je… Je ne l’ai plus jamais revu…
Il se tu un instant, la voix brisée par les sanglots qu’il ne parvenait plus à contenir. Mon cœur se serrait douloureusement.
- Le plus dur dans tout cela, reprit-il malgré ses pleurs, c’est que… Je… Je n’ai jamais rien su de ses sentiments pour moi. Je ne sais pas pourquoi il m’a embrassé ce jour là… Ressentait-il réellement quelque chose pour moi? Je… Je n’en sais rien et cela me tue… Je suis hanté par ce souvenir… Je n’en peux plus Juha, je voudrais tellement que cela s’arrête… Sanglota-t-il. Il me manque… Il me manque tellement…
Inconsciemment, il se laissa aller dans mes bras. D’une voix douce, profondément touché par sa confiance je pris la parole :
- Je sais, Gabriel… Je sais. Mais tu n’es plus seul… Je suis là et je tien à toi… Plus que tu ne l’imagines… Songe maintenant que tu m’as moi… C’est difficile à le dire et encore plus à le faire, mais à présent, il faut que tu penses à Kay comme à une personne qui à fait partie de ta vie, que tu as aimée et que tu aimeras sûrement toujours et pour laquelle tu garderas toujours une place privilégiée dans ton cœur, mais il ne doit plus t’empêcher d’avancer et de refaire ta vie…
Je savais que ce que je venais de lui conseiller, je n’arrivais même pas à l’appliquer à moi-même, mais peut être serait il plus fort que moi…
- J’ai besoin de toi, Juha, sanglota-t-il en enfouissant son visage dans mon cou et en me serrant de toutes mes forces contre lui. Ne m’abandonne pas toi non plus… J’ai besoin de toi…
- Je suis là Gabriel, murmurais-je. Je ne pars pas, je ne t’abandonnerais jamais… Pleure… Pleure autant que tu veux, cela te soulagera…
Epuisé par ses larmes, aussi bien physiquement que mentalement, il finit par s’endormir entre mes bras. Distraitement, j’effleurais son dos du bout des doigts en une caresse apaisante, l’accompagnant dans des rêves plus cléments. Je finis par le rejoindre dans le sommeil peu de temps après, fatigué par la journée que nous venions de mener, me sentant bien aux côtés de cet homme.
La semaine qui suivie se déroula à une allure affolante. Noël et l’anniversaire de Gabriel approchaient à grand pas et j’étais avec Philippe aux caisses afin de régler mon premier cadeau. Il m’avait aidé à la choisir et je lui en étais grandement reconnaissant. Nous sortîmes tous deux du magasin et alors que je remerciais Philippe, une boutique attira mon attention, et plutôt un bijoux en vitrine. Je venais de trouver son cadeau d’anniversaire…
Le soir de Noël était enfin arrivé, à la fois bien trop rapidement et trop lentement. J’étais impatient à l’idée que Gabriel n’allait pas tarder à arriver. J’avais presque tout finis à temps et mon cœur s’emballa lorsque j’entendis sonner à la porte. A peine eussè-je ouvert à Gabriel que je l’attirais à lui pour un baiser passionné, étant de plus en plus souvent en manque de sa présence lorsque je n’étais pas à ses côtés. Après quoi nous prîmes un verre et parlâmes un moment de tout et de rien, lui demandant des nouvelles du rapace. Il m’expliqua qu’il avait vu le vétérinaire quelques jours plus tôt et qu’il lui avait fait les vaccins. Il lui avait demandé s’il correspondait au profil des dernières disparitions d’oiseaux, mais apparemment, aucun rapace de cette espèce ne manquait à l’appel. Il avait dont deux possibilité, soit il le donnait à un parc animalier, soit il le gardait ici. Il avait choisit la deuxième solution, car il s’était malgré lui énormément attaché à ce rapace en l’espace de deux semaines. J’aimais la lueur dans ses yeux lorsqu’il me parlait ainsi.
Vers vingt-deux heures, nous passâmes à table et Gabriel fus surpris d’apprendre que j’avais tout préparé moi-même. Même si j’avais eu du mal, j’étais parvenu à quelque chose d’acceptable. Le repas terminé, nous avons pris place dans le canapé, lui posant des questions sur ses projets pour cette année à venir. A son tour, il me demanda avec hésitation :
- Et toi ? Tu… Tu as quelque chose qui te tien particulièrement à cœur ?
Sa question me mit assez mal à l’aise, car je ne voyais pas de réponse. Après un court silence, je répondis non sans cacher ma gêne :
- Non… Rien de spécial…
- Et… Ta famille… Tu… Tu ne veux pas tenter de renouer avec eux ? Ils ne te manquent pas ?
- Je… Tu sais, je n’ai jamais eu de grosses affinités avec mes parents et nos relations se sont détériorées lorsque j’ai rencontré Kilian. Ils n’ont jamais accepté mon homosexualité et j’ai préféré couper les ponts avec eux. Kilian était tout pour moi… A l’époque, je me fichais totalement de ne plus avoir de parents, au contraire, j’étais libre d’être avec Kilian, nous pouvions nous aimer librement…
Je savais qu’au vu de son statut, Gabriel aurait du mal à me comprendre, mais c’était pourtant la réalité des choses. Jamais ils ne m’avaient rendu visite en prison, et c’était mieux ainsi. Nous avions tous deux un point de vue différent des choses, mais ce n’était pas pour autant que nous allions nous disputer. Gabriel avait envie d’aller plus avant dans le sujet, et je le laissais faire attentif à son point de vue :
- Tu sais, j’ai toujours eut du mal à comprendre comment des personnes peuvent être en froid avec des membres de leurs familles ou leurs propres parents. C’n’est pas contre toi hein, s’empressa-t-il d’ajouter en me voyant me tendre. C’est juste que vous avez de la chance d’avoir des parents, des personnes qui vous aimes autour de vous et c’est vous qui les rejetez. Mais en fait, personne ne sait réellement ce que c’est que de passer toute sa vie sans recevoir la moindre preuve d’affection et de se sentir protéger par des personnes que l’on aime et qui nous aiment en retour. Tu sais, je me suis toujours demandé ce que l’on pouvait ressentir à s’entendre fièrement appelé “mon fils” par son père ou simplement prononcer le mot “maman”.
Après ça, il resta silencieux, touché par ses propres paroles. Je pouvais tout à fait comprendre ce qu’il voulait dire, et c’est avec calme que je répliquais :
- Je comprends que ce soit dur pour toi Gabriel, mais tu sais, ce n’est pas parce que ce sont mes parents ou autre qu’il y a forcément une affinité et des liens affectifs qui se créés. Mes parents sont des gens très exigeants et ils n’ont pas acceptés que je sois différent de ce qu’ils attendaient de moi.
Il médita un instant sur mes paroles avant de répondre :
- Oui, je vois ce que tu veux dire. Kilian, ajouta-t-il un moment plus tard. Il était comment ?
Je fermais alors les yeux, cherchant à me faire une image mentale de mon ancien amant. Prenant une grande inspiration, je répondis, un doux sourire étirant mes lèvres à sa mémoire :
- Il était grand pour son âge et avait une carrure d’athlète. Il avait un visage sévère et était très mature, même si parfois il pouvait partir dans des délires débiles dont lui seul avait le secret. Il avait les cheveux aussi courts que tu les as longs et d’un noir d’ébène, comme son regard… Niveau caractère, il était posé et supportait très mal les autres. Il était calme, gentil, doux, drôle, sérieux, possessif, très jaloux et parfois, il savait être fier et particulièrement arrogant et prétentieux.
J’aurais pu parler de lui pendant des heures, mais je décidais de m’arrêter là. Son souvenir était toujours aussi douloureux et cette image que j’avais de lui ne restait pas éternellement, prenant l’amer couleur de son corps inerte étendu sur le sol.Peu de temps après, Gabriel me demanda :
- Quel âge avait-il ?
- Vingt ans… Il avait vingt ans… Il en aurait eu trente au mois d’avril. En parlant d’anniversaire, c’est le tien dans… Dix minutes, ajoutai-je après un rapide coup d’œil à l’horloge de la télévision, un immense sourire étirant mes lèvres.
Comprenant que je souhaitais changer de sujet, il entra heureusement dans mon jeu et demandais :
- Pourquoi tu souris bêtement comme ça ? Me demanda-t-il sceptique, n’étant pas dupe quand à mes intentions.
- Moi ? Mais pour rien ! M’exclamais-je prenant un air faussement indigné. Vingt-cinq ans… Ca y est… Tu es grand maintenant… Ajoutais-je un immense sourire étirant ses lèvres, en me retenant de ne pas rire de ma propre connerie.
- Haha ! Fit-il faussement vexé. Va donc me faire un thé au lieu de dire des conneries, déclarais-je en me levant. J’arrive.
Sur ce, il se levait et attrapant les clés de la voiture, il sortit de l’appartement. Après m’être demandé ce qu’il pouvait bien aller chercher, j’allais dans la cuisine afin de préparer un thé. Une fois l’eau sur le feu, j’allais éteindre les lumières et illuminer le sapin. Cela faisait dix ans que je n’avais pas eu de vrai Noël, et mon dernier avait été aux côtés d’un homme qui voulait mourir. Je secouais la tête, tentant de ne pas gâcher ce Noël avec de tels souvenirs, voulant en profiter jusqu’au bout avec Gabriel. Je retournais dans la cuisine et servit le thé une fois qu’il fut près. C’est à ce moment là que j’entendis Gabriel revenir, entrant peu de temps après dans la cuisine. Je lui tendis sa tasse te thé qu’il attrapa en m’adressant un sourire de remerciement. Nous restâmes silencieux jusqu’à ce qu’au clocher, résonnent les douze coups de minuit. Bondissant sur mes pieds, j’attrapais le bras de Gabriel et l’entraînait à ma suite en m’exclamant :
- Vient !
Sur ces mots, je me précipitais vers la pièce qui faisait office de salon et alors que je m’apprêtais à allumer la lumière, il m’arrêta :
- Non, n’allume pas !
Je lui lançais un regard intrigué, lui posant une question muette à laquelle il ne prit évidemment pas la peine de répondre :
- Assieds-toi par terre et ne bouge pas.
Sur ce, je lui obéis non sans une certaine appréhension tandis qu’il allait allumer la petite lampe située près du sapin. J’attendis patiemment, jusqu’à ce qu’il me dise :
- C’est bon, tu peux ouvrir les yeux… Désolé de ne pas avoir fait cela dans les formes… Enfin, je… Voilà…
C’est alors que je vis un chiot adorable posé à mes pieds. Pris sous l’émotion, je commençais à dire, ému :
- Gabriel, je… Je ne sais pas quoi dire. Il… Il est magnifique, ajoutais-je en le prenant délicatement dans mes bras et en le caressant avec tendresse. Merci… Merci infiniment…
- C’est vrai ? Il te plait ? Demanda-t-il anxieusement.
- Oui, il est adorable… Merci encore…
Le chiot se pelotonna dans mes bras, ne pouvant m’empêcher de le regarder attendris, observé consciencieusement par Gabriel. Assis à mes côtés, il me regarda jouer avec le jeune chien qui à mon plus grand plaisir, semblait déjà m’avoir adopté. Jamais je ne m’étais attendu à un tel cadeau, et celui-ci était le plus merveilleux de tous.
De plus c’était mon premier cadeau de la part de Gabriel et il avait une valeur particulière à mes yeux. Je ne pouvais que le regarder avec des yeux scintillants de joie, sentant à côté de moi Gabriel heureux d’avoir réussi à me faire plaisir. Ne résistant plus à l’avoir si près de moi, et voulant le remercier comme il se devait, je l’agrippais soudain vivement par le col de sa chemise, et l’attirais à moi en un geste brusque. Mes lèvres se soudèrent aux siennes en un fougueux baiser auquel il répondit aussitôt avec empressement. Gabriel prenait de plus en plus d’assurance, et la passion commençait à gagner du terrain, sans pour autant négliger la douceur.
Fiévreusement, ma langue demanda l’accès de la sienne et ce fut sans hésitation qu’il me céda le passage, entrouvrant les lèvres. Je caressais alors la sienne avec volupté en un ballet érotique, et avec ferveur, en un échange des plus ardents qui augmenta nos rythmes cardiaques et notre chaleur corporelle. Jamais encore je ne l’avais embrassé ainsi, laissant pour la première fois  aller à crier mon désir pour lui. Mes mains s’aventuraient sur sa nuque et dans les cheveux avant de redescendre avec empressement et s’infiltrer fébrilement et sans aucune honte sous sa chemise, le laissant dans un état second. Jamais encore je n’avais ressentis un désir aussi fort pour lui.
Ce ne fut que lorsque l’air vint à nous manquer que je consentis à lui rendre sa liberté. Au sourire que je lui adressais par la suite, il ne put que rougir par la suite. Son désir pour moi le trahissait et augmentait le mien. Je sentais ce petit quelque chose naître au fond de mon cœur, chose que je m’étais résigné à ne plus jamais ressentir.
- Merci, répétais-je en un souffle, peinant à briser l’intensité du moment. Moi aussi j’ai des cadeaux pour toi…
- Il ne fallait pas, répondit-il mal à l’aise, ne semblant plus savoir ou se mettre.
Voulant mettre les choses au clair, et éviter cette gêne inutile de sa part, je m’exclamais :
- Pourquoi il ne fallait pas ? Je te préviens tout de suite, tu vas avoir intérêt à t’habituer car tant que je serais là, tu y auras droit à chaque fois ! Gamin va !!
Sur ces mots j’éclatais de dire, prenant plaisir à le charrier à propos de son âge. Entrant dans mon jeu, il saisit le pull qu’il avait donné pour le chiot et me le balança au visage, prenant un air dramatique et outré.
- Non mais dit !! Tu vas voir ce qu’il te dit le gamin !!
Nous chahutâmes un moment, riant aux éclats comme rarement il m’arrivait de le faire. Il y avait à peine un mois, jamais je n’aurais imaginé avoir cette chance, ou parvenir à retrouver le sourire. Je me voyais juste vivre pour vivre car je n’avais pas le choix. Cette impression de se sentir bien pour la première fois depuis longtemps, s’en était presque effrayant.
Lorsque nous fûmes calmés, j’attrapais deux paquets dont l’un était plus imposant. Il s’en empara après un moment d’hésitation et commença par ouvrir le plus gros, celui que j’avais choisit avec Philippe. C’est avec émotion qu’il découvrit un tapis comme il avait pour sa selle de couleur noir avec dessus le nom d’Orphée brodé  en lettre blanche et avec cela un filet américain de présentation. J’espérais de tout cœur que le cadeau serait à son goût, ayant longuement hésité malgré les conseils de Philippe. Cependant, je sentais qu’il était profondément touché, et ses sentiments ne pouvaient me mentir. Certes cela était un très beau cadeau, mais je voulais quelque chose qui le touche vraiment. Fier de sa réaction, je le vis me jeter un coup d’œil, les yeux brillants de larmes d’émotions :
- Je… Je…
La voix tremblante de sanglots de bonheur mal contenus, il n’arrivait même pas à parler. Ce cadeau avait véritablement touché son but, et je ne pouvais m’empêcher de me sentir profondément heureux. Il remarqua enfin le petit bout de carton qui voletait, accroché au filet, sur lequel j’avais écrit un petit mot dans la volonté de lui donner du courage : « Pour être les plus beaux sur toutes les premières places du podium ». Il esquissa un sourire, amusé par mon petit commentaire et déclara d’une voix rauque :
- Juha je… Je ne sais vraiment quoi dire… C’est… C’est vraiment magnifique… Merci… Du fond du cœur, merci…
- Tu n’as pas à dire quoi que ce soit, répondis-je en souriant tendrement. Ton regard me suffit amplement… Allez ouvre le second ! Déclarais-je plus impatient que lui.
Fébrilement, il s’empara du deuxième paquet et avec délicatesse, il entreprit de le déballer à son tour. Celui là était un peu plus personnel, l’ayant choisit seul. C’était une gourmette en argent sur laquelle était gravée son prénom en lettre attachée et de chaque côté était  gravée la tête d’un cheval qui ressemblait je le trouvais à Orphée. La plaque d’argent était retenue de chaque côté à la chaîne, dont les maillons formaient une corde, par deux mors.
- Juha, répéta-t-il, incapable de dire quoi que ce soit d’autre.
C’est alors que contre toute attention, il posa le tout devant lui avait le plus grand soin et sous mon regard intrigué, il se leva et vint s’agenouiller face à moi. Ne sachant pas ce qu’il était en train de faire, je ne pus que le regarder avec incompréhension. Sans faillir, et semblant déterminé, il s’approcha de moi, et malgré une légère hésitation, il s’empara timidement de mes lèvres. Je ne pus cacher mon étonnement. C’était la première fois qu’il m’embrassait ainsi de sa propre initiative, et mon cœur se gonfla d’orgueil et de contentement dans ma poitrine.
Je finis par prendre le contrôle de ce baiser, y répondant avec avidité, souhaitant le remercier et l’encourager dans son initiative. Nos langues se mêlaient avec fougue en une danse terriblement sensuelle.
Le désir montait en flèche dans nos deux corps, me rendant à la fois fébrile et enfiévré. Gabriel se colla un peu plus contre moi, grisé par notre baiser. Assis sur mes genoux, il passa ses bras autour de mon cou, dans le but de m’attirer toujours plus prêt, ressentant ce même besoin de me sentir tout contre lui.
Une nouvelle forme de désir montait en lui, quelque chose de totalement nouveau qui l’effrayait malgré lui. Cet enchantement disparut lorsque le manque d’air fut trop important et c’est à ce moment seulement que Gabriel réalisa l’ampleur de son audace, détournant le regard, comme atrocement gêné. Alors qu’il commençait à trop penser, je glissais tendrement ma mais sur sa joue dans le but de le forcer à me regarder. Puis un sourire étirant mes lèvres, je déclarais :
- J’aime ta façon de me remercier…
Honteux, Gabriel ne put que rougir avant d’enfouir son visage dans mon cou, inspirant mon odeur à plein poumon. Je l’enlaçais, lui rendant son étreinte et savourant le simple plaisir de l’avoir tout contre moi.  Nous restâmes un moment ainsi enlacés, appréciant d’être ainsi, l’un tout contre l’autre, profitant de la paix qui m’avait été enlevée depuis longtemps. Je sentis Gabriel m’embrasser du bout des lèvres dans le cou avant de murmurer au creux de mon oreille :
- Merci… Merci pour tout Juha… Merci pour ce que tu représentes pour moi…
Sans me laisser le temps de répondre, il s’empara une nouvelle fois de mes lèvres pour un furtif baiser volé, goûtant aux joies de me surprendre. Il semblait aimer particulièrement être source de surprise continuelle pour moi. J’aurais souhaité rester le plus longtemps possible, simplement enlacés, collés l’un contre l’autre. Je connaissais la valeur du bonheur et avait parfaitement conscience de la courté de vie de celui-ci.
Gabriel finit par abandonner mes genoux et alla se servir un verre d’eau pendant que je m’occupais d’installer confortablement le chiot qui s’était endormi. Puis nous commençâmes à ranger, et lorsque le studio fut à peu près remis en état et la vaisselle faite, Gabriel alla prendre une douche rapide pendant que je m’amusais avec mon jeune chiot. Quelques minutes plus tard, tremblant de froid, Gabriel alla se glisser sous les couvertures, pendant qu’à mon tour, après avoir veillé à ce que le chiot soit installé pour la nuit, j’allais me laver.
Une fois propre et simplement vêtu d’un pantalon pour la nuit, je me rendis dans la pièce qui faisait office de chambre. Gabriel était emmitouflé dans les couvertures, mais je sentis son regard se poser sur moi, un peu plus longtemps que d’habitude.  Je tournais la tête vers lui, lui adressant un sourire qui illumina mon visage. Il me répondit timidement, sans pour autant détacher mon regard du sien. Ses yeux bleus avec ce petit quelque chose indescriptible, trahissant avec le temps le changement de notre relation et l’intensité qui en découlait. Après un moment à nous fixer, Gabriel détourna son regard, mal à l’aise, puis je vins le rejoindre sous les draps.
J’écartais mes bras en une invitation à venir y prendre et place et c’est ce qu’il fit, sans se faire prier. La tête callée au creux de mon épaule, il poussa un soupir de bien être tandis que je refermais mon bras autour de son épaule. Nous restâmes un moment silencieux, appréciant la sérénité qui nous entourait. Quoi de mieux pour parfaire cette soirée… C’est alors que Gabriel releva la tête vers moi, et prit la parole sans pour autant s’éloigner de moi :
- Merci Juha… Merci pour cette soirée…
- Je t’en prie, répondis-je simplement. Merci à toi d’avoir accepté de la passer avec moi… Tu sais, c’est le premier Noël que je passe en dix ans… Je suis heureux d’avoir pu le passer avec toi…
De nouveau le silence se fit, puis curieux de savoir, Gabriel me demanda :
- Comment tu vas l’appeler ton chien ?
Voilà une question à laquelle je cherchais une réponse depuis un petit moment déjà. Je ne répondit pas immédiatement, voulant être sur. Je finis tout de même par répondre :
- Mhh… Que penses-tu de Shanenja ?
- Oui, c’est joli, répondit-il avec enthousiasme.
Je lui adressais un sourire radieux et me penchais vers lui avec la ferme intention de l’embrasser. Alors que je me penchais vers lui, je ne pouvais cacher mon envie et mon désir de cet homme, les sentant plus fort à chaque instant. Cependant, un seul baiser me suffirait largement, et je saurais attendre le temps qu’il faudrait. Il resta un moment à soutenir mon regard, non sans rougir. Mais quelque chose semblait changer, même se décider en lui, comme s’il ne voulait plus fuir. Mettant ce que j’avais remarqué à exécution, il passa sa main sur ma nuque et m’attira à lui en une invitation explicite et avec avidité, il s’empara de mes lèvres.

Pour la première fois, je le sentais se laisser totalement aller dans ses envies, comme si ce que j’avais ressenti jusqu’à maintenant le paralysant, à chaque fois,  s’amoindrissait jusqu’à disparaitre. Je sentais pourtant sa peur, mais sa volonté d’aller plus loin et de s’engager était plus forte. Nous allions peut être enfin pourvoir réellement approfondir notre relation ambiguë. Si je ne laissais rien paraitre, c’était pour moi aussi un cap très important. Si je couchais avec Gabriel, je savais que ce serait totalement différent que lorsque j’avais couché avec Dorian. En ce moment même, j’engageais une part extrêmement importante de moi-même alors que je n’y aurais jamais cru. Le pas que j’étais en train de faire était tout aussi important et périlleux que celui que s’apprêtait à faire Gabriel.

Celui-ci m’attira encore plus à lui, me faisant clairement comprendre qu’il savait dans quoi il s’engageait, bien qu’il n’avait certainement pas du s’y préparer, se laissant emporté par l’ambiance de l’instant. Tout comme Gabriel, jamais je n’aurais pensé  un seul instant que nous passerions le cap soir, et tendrement, je le fis rouler sous moi, prenant de ce fait, la position de dominant. Je ne savais pas vraiment pourquoi j’endossais ce rôle, pouvant endosser les deux, mais j’avais cette impression que cela ne pouvait être autrement. Recevoir Gabriel en moi m’aurait de toute façon était impossible, il souffrait trop et cela était bien trop dangereux. Cela m’avait emmené bien trop loin avec Killian…

Gabriel s’abandonnait totalement à moi, me laissant prendre ainsi la position du protecteur. A chacun de mes attouchements, je le sentais tressaillir, comme si sa perception du toucher s’était décuplée indéfiniment.

Déconnecté de la réalité, je me perdais dans ma contemplation du corps de Gabriel à demi-nu, juste sous moi, que je pouvais caresser à ma guise. La chaleur de son corps augmentait à une vitesse impressionnante  et je pouvais presque entendre les battements de son cœur battre à un rythme impressionnant. Mes mains parcouraient son corps, de son torse jusqu’à son ventre, mettant toute ma dextérité et mon savoir-faire à l’œuvre. Je n’avais pour le moment pas cette même peur de mal faire avec Gabriel, que j’avais pu ressentir avec Dorian. Ce que je vivais maintenant était mille fois plus fort. J’explorais son corps, sans la moindre pudeur, enregistrant sans ma mémoire les moindres tressaillements de sa peau.

A bout de souffle, mes lèvres se séparèrent des siennes, et prenant appuis sur mes coudes, je plantais mon regard brillant de désir dans le sien. Je voulais être sûr… Sûr qu’il ne regrette rien et qu’il soit totalement consentant alors que j’allais plus loin. Du genou, j’écartais ses cuisses, sans jamais le lâcher des yeux, me permettant ainsi de ne jamais me tromper sur ce qu’il ressentait. Non sans gêne mais sans hésitation pour autant, il céda à ma demande muette et ses joues s’empourprèrent violemment à la vue du sourire que je lui adressais alors. Je fis augmenter considérablement son désir lorsque j’ondulais langoureusement des hanches, frottant éhonteusement, mon intimité déjà gonflée de désir contre son bassin.  Le plaisir que je lui offrais à ce simple contact sembla l’électriser au plus haut point, et j’eus le plaisir de l’entendre haleter de plaisir sous mes déhanchements. Puis, ne tenant plus, je me redressais, m’agenouillant au dessus de lui, le surplombant de toute ma hauteur, je plongeais mon regard dans le sien. J’aimais me perdre dans ses prunelles bleues océan…

Avec une lenteur extrême, afin de ne surtout pas le brusquer, je me penchais vers lui et du bout des lèvres, j’effleurais les siennes en un contact aérien qui le frustra grandement. J’adorais jouer avec ses nerfs, surtout dans ce genre de situation. Je devais avouer que je voulais aussi voir combien de temps il pourrait tenir ainsi.

Sans cesser pour autant mon lent déhanchement qui me rendait tout aussi fou que lui, je retins ses poignets prisonniers, lui empêchant tout mouvement afin de lui créer un manque qu’il souhaiterait assouvir par la suite.

De ma main libre, je redessinais la sculpture de son torse, tandis que ma langue arpentait son cou avec avidité, laissant derrière elle des coulées de lave en fusion. J’avais l’impression d’éveiller Gabriel à un plaisir totalement nouveau. Certes, il n’était pas totalement vierge, ayant certainement couché avec des femmes, mais avec un homme, il ne l’avait jamais fait. Il m’offrait sa première fois, et je ne pouvais en être que profondément touché.

Alors que ma langue venait retracer les contours de ses lèvres, il la happa avec ardeur pour un baiser des plus passionnés. C’est alors qu’il chercha à se libérer de mon étreinte, souhaitant certainement être un peu moins passif. Je le laissais faire, le lâchant avec quelques difficultés. Il finit par ôter ses mains de leur entrave et après une très légère hésitation, il posa ses mains sur mes épaules, s’agrippant à moi comme à une bouée de sauvetage qui le maintiendrait à la réalité. Je ne pus que tressaillir au contact de ses mains sur ma peau et subitement, je cessais mon déhanchement, lui arrachant à cette occasion un cri de mécontentement. Je venais de prendre de plein fouet son excitation et son envie d’aller encore plus loin. Fier et ravi de mon petit effet et de ses ressentis pour moi, je me redressais et lui adressais un sourire ravi et satisfait, auquel il ne répondit pas, semblant noyé de plus en plus sous les vagues de plaisir qui affluaient sur lui. Les yeux dans le vague, la respiration haletante, Gabriel  semblait avoir de plus en plus de mal à se retenir. Il voulait plus même si cela l’effrayait. De mon côté, je ne me lassais pas de voir ce corps alanguis sous mes caresses. Cela me grisait au plus haut point.

Je finis par reprendre mon activité précédente, avec plus d’ardeur encore, répondant à sa demande implicite. Galvanisé par la douce torture que je lui faisais vivre en redessinant du bout de la langue un à un les sillons de mes abdominaux, il se laissa aller à émettre à mon plus grand bonheur, son premier gémissement de plaisir. De nouveau, satisfait de moi-même, je lui adressais un énième sourire, avant de souffler, d’une voix rauque emprunte de désir :

- Gabriel… Tu es tellement beau…

Il ne répondit rien à cela, la voix brisée par l’émotion. Ces simples paroles que j’avais prononcées provenant du fond de mon cœur, l’avaient touché bien plus que je ne l’aurait cru. En pourtant c’était vrai, Gabriel était un homme sublime… En guise de réponse, il s’empara avidement de mes lèvres pour un échange qui nous laissa tous deux pantelant. Gabriel prenait de plus en plus d’assurance, et semblait prendre de plus en plus de plaisir à être l’auteur de nos baisers, me surprenant à chaque fois.

Quittant son vendre, ma langue alla se perdre sur les boutons de chair durcis par la plaisir qui pointaient sur son torse tandis que mes doigts glissaient le long de ses côtes. J’aimais toucher sa peau d’une texture si douce, et sentir ses sens se mettre en éveil. L’intensité de notre échange s’amplifiait à chaque seconde. Soudain, Gabriel gémis sans trop s’en rendre compte :

- Hn… Juha…

Galvanisé par ce gémissement qu’il venait de pousser, j’accentuais mes caresses et reprit lentement un langoureux déhanchement qui réveilla considérablement son propre désir ainsi que le mien qui pulsait douloureusement sur sa cuisse.

Je continuais ainsi un temps puis avec une extrême lenteur, mes mains quittèrent son ventre pour aller se perdre sous l’élastique de son jogging qui faisait office de pantalon de pyjama, sentant qu’il était temps de passer à autre chose.  Gabriel se raidit, et le sentant, totalement à l’écoute de ses moindres réaction, je plongeais mes yeux embrumés de désir et de plaisir dans les sien, souhaitant le rassurer. Sans me départir de ma douceur habituelle, je lui susurrais :

- Détend-toi… Je ne ferais rien sans ton accord… Je veux juste… Je veux juste te donner du plaisir… M’en donnes-tu l’autorisation ?

J’avais murmuré tout cela sans honte aucune, sans chercher une seule fois à détourner les yeux. En faisant de  même, il hocha simplement la tête en guise d’acquiescement. Après un sourire, je repris ma course le long de son torse, jusqu’à ses hanches avant que nos langue se lient en un nouveau ballet sensuel et érotique. Lorsqu’il senti que je me débattais avec son pantalon, il souleva son bassin afin de m’aider et je le remerciais à ma façon. Avec une lenteur excessive, je fis glisser le pantalon le long de ses jambes et lorsqu’il fut totalement nu, offert à mon regard qui ne pouvait être qu’appréciateur,  mon désir augmentant de plus en plus, ses joues s’empourprèrent violemment. Ce petit côté timide lui donnait un charme fou, et il ne le dévoilait que dans ce genre de circonstance très intime. Je pouvais remarquer avec surprise une patte de loup tatouée sur l’aine de sa hanche, ne m’attendant pas à ce genre de pratique de sa part. J’aimais sa localisation… Au lieu de s’estomper, sa gêne ne fit qu’augmenter et n’en supportant pas plus, il cacha son visage derrière ses bras.

- Tu rougis ?  Lui demandais-je d’une voix qui cachait mal mon amusement. Pourquoi ?

Sans se découvrir pour autant le visage, il marmonna rapidement sa honte. Surpris, je m’exclamais :

- Honte ? Mais de quoi ? Parce que tu es toujours puceau ?

Il opina de la tête et ce fut avec tout le sérieux dont je pouvais faire preuve que je lui répondis :

- Tu n’as pas  à avoir honte. Au contraire… Tu sais, je trouve cela mignon. C’est que tu attendais pour être sûr de toi… Tu es certain que tu ne regretteras pas par la suite si tu t’offres à moi ? Demandais-je après un instant de réflexion.

A cette question, il se découvrit le visage et plongea son regard dans le mien, brûlant de désir pour lui. D’une voix assurée, il répondit sans aucune hésitation.

- Certain…

Un sourire illumina mon visage, ayant craint une réponse négative. Après un baiser ardent et fiévreux, j’ondulais le long de son corps, telle une anguille, et avant qu’il ne réalise entièrement ce qui se passait, je m’emparais de sa virilité, et d’un geste ample, j’entamais un langoureux va et vient qui lui arracha un cri de surprise et de plaisir mêlés.  Je gardais ce même rythme un long moment, puis après l’avoir ravi d’un autre baiser qui lui fit perdre la tête, sans préavis, je pris en bouche son intimité douloureusement gonflée de désir. Si j’avais eu une certaine appréhension pour le faire à Dorian, je ne ressentais aucun frein pour le faire avec Gabriel. J’étais prêt à tout pour lui, même si j’étais dans la crainte de mal faire.

De nouveau, il laissa s’échapper un cri de plaisir à l’était brut, tandis que je variais la cadence, alternant entre des va et vient amples et lents, et rapides et irréguliés. Je devais avouer que je me servais un peu de mon don pour savoir ce qui lui plaisait vraiment, à un degré moindre.

Je gardais ce rythme irrégulier pendant un temps, profitant d’avoir tout pouvoir sur lui, réduisant la cadence lorsque je sentais qu’il approchait point de non retour. Soudain, je cessais tout mouvement, et Gabriel poussa un cri de protestation qui me fit sourire. Pour l’apaiser un peu, je l’embrassais langoureusement avant de retourner à mon occupation première. Du bout de la langue, je titillais son intimité douloureuse et galvanisé par cet attouchement des plus érotique, il gémit mon prénom tout en plongeant ses mains dans mes cheveux, en une demande implicite d’approfondir mes caresses. Accédant à sa requête, j’accélérais la cadence de mes va et vient et lorsque je sentis qu’il atteignait le point de non retour, je ralentis considérablement mon action, lui arrachant un cri de frustration qui m’incita sadiquement à conserver ce rythme atrocement lent alors qu’à présent, il ne demandait plus que l’autorisation de se libérer enfin.

Puis, ayant envie de le prendre par surprise, je repris son sexe entièrement en bouche, lui arrachant cette fois-ci un sanglot de plaisir à l’état pur. Sous l’afflux toujours plus intense de plaisir que je lui offris, je le sentis se cambrer violemment et après un énième aller retour sur son intimité, il se libéra sans un cri plaisir brut.

Un sourire satisfait étira mes lèvres, satisfait de ce que je venais de lui prodiguer et de ce qu’il avait pu ressentir. Je finis par venir quémander l’ouverture de ses lèvres, chose à laquelle il accéda sans aucune hésitation, plus par automatisme que par réelle réponse, l’esprit apparemment embrumé par la vague de jouissance qui venait de déferler sur lui.

Le souffle erratique, il m’attira à lui, me forçant à m’allonger sur lui. Il enfouit sa tête dans mon cou, inspirant mon odeur et me donnant des frissons de bien être. Nous venions de passer une étape importante, et je ne pouvais en être que plus heureux. Cependant, mon érection était de plus en plus douloureuse, pulsant contre la cuisse de Gabriel, m’obligeant à aller encore plus loin. Alors que notre baiser se faisait de plus en plus ardent, je laissais ma main reprendre l’exploration de son corps pour aller se perdre entre ses cuisses et s’arrêter longuement et explicitement entre ses fesses. Contre toute attention, je le sentis se raidir et resserrer les jambes.

Il semblait avoir subitement peur de ce qui allait suivre. Je le sentais commencer à paniquer et je me sentais impuissant face à cette peur qui le saisissait.

Après une seconde d’hésitation, je laissais ma main poursuivre sa course avec plus de conviction, mais Gabriel se tendis de nouveau. Son cœur battait à une allure inquiétante et je ne savais plus vraiment quoi faire. Je le sentais là, en dessous de moi comme paralysé  d’effrois. Ne pouvant aller plus loin, je retirais précipitamment ma main et d’une voix qui ne cachait pas mon inquiétude je lui demandais :

- Gabriel ? Ca ne va pas ? Tu… Tu veux que j’arrête ?

Il ne répondit rien, étant à la fois honteux et apeuré. Sans trop réfléchir, je poursuivais, toujours d’une voix douce et apaisante :

- Tu peux le dire tu sais… Je… Je sais ce que cela fait quand on ne veut pas… Jamais je ne te forcerais… Je… Je reviens, excuse-moi…

Je n’avais pas vraiment réalisé que je venais d’en dire peut être un peu trop et j’espérais que Gabriel ne relèverait pas. Sur ces mots, je me relevais et après avoir déposé un rapide baiser à la commissure de ses lèvres, j’allais m’enfermer dans la salle de bain. Je fis ce que j’avais à faire, tentant de calmer cette érection maintenant douloureuse et inutile, essayant de faire le moins de bruit possible.

Je comprenais la réaction de Gabriel et j’étais tout à fait capable d’attendre le temps qu’il faudrait. Il avait déjà fait un énorme pas en avant, s’engageant plus loin que je ne l’aurais pensé avec moi. C’était pour moi aussi beaucoup, et attendre encore ne serait que bénéfique pour nous deux. Quelques minutes plus tard, je sortis de la salle de bain, puis m’approchais du lit, trouvant Gabriel roulé en boule sous les draps, apparemment en train de pleurer. Regrettait-il ce que nous venions de faire ? En était-il dégouté. Ce fut le cœur battant que je lui demandais, la voix tremblante d’inquiétude :

- Gabriel ? Quelque chose ne va pas ?

Il ne répondit rien. Me doutant qu’il souhaitait me cacher son état, je m’approchais du lit et m’assis sur le bord avant de soulever lentement de drap qui le recouvrait. Du mieux qu’il put, il tenta de dissimuler ses larmes qui inondaient ses yeux et maculaient ses joues. Il gardait les yeux obstinément clos. Il ne me fallut pas très

longtemps pour comprendre ce qu’il ressentait, sans même le toucher, étant lié à lui plus que je ne l’aurais du. Alors que du bout du pouce j’essuyais ses larmes, le faisant tressaillir, je lui murmurais d’une voie douce :

- Tu n’es qu’un imbécile. T’ai-je déjà reproché quoi que ce soit ? ajoutais-je avec sérieux. Je comprends parfaitement ta peur, j’étais comme toi la première fois. Et si tu veux mon avis, je préfère tout arrêter maintenant plutôt que de te voir le regretter par la suite… Je te l’ai dit et je te le redis, jamais je ne ferais quelque chose sans ton accord…

 Il ne répondit rien, apparemment honteux de son comportement de la peur qui l’avait saisi. Cependant, il se redressa et passant ses bras autour de mon cou, il m’attira à lui, en une étreinte désespérée. Entre deux sanglots, il murmura d’une voix éraillée :

- Je te demande pardon… Je…

- Chut, répondis-je, en lui massant lentement le dos. Ne dit rien…

Nous restâmes un long moment ainsi enlacés, puis je finis par m’allonger à ses côtés. Il posa sa tête au creux de mon épaule et je lui caressais tendrement le dos, suivant sa colonne de haut en bas, dans un geste dont je n’avais plus vraiment conscience. Après de longues minutes de silence, Gabriel le brisa en me posant la question que j’avais redoutée :

- Juha ?

- Hmhm… Soufflais-je.

- Qu’est-ce que tu sous entendais tout à l’heure quand tu as dit que jamais tu ne me forcerais parce que tu savais ce que cela faisait ?

Je ne pus répondre immédiatement à sa question. Je n’en avais jamais parlé à personne, et le dire à Gabriel était encore moins facile. Je finis par prendre une profonde inspiration avant de prendre la parole d’une voix rauque, plongeant toujours avec cette même difficulté dans mes souvenirs :

- Je… Lors de mon arrivée en prison il y avait ce gardien…. Il… Je t’ai dit cela parce que j’ai été violé… Une fois par un des gardiens et une… Une seconde fois par celui qui partageait ma cellule… Heureusement, après cela, ils… Ils m’ont changé de cellule…
C’était la première fois que je mettais des mots sur ces évènements, et cela avait était bien plus dur que je ne le pensais. Mine de rien, je me sentais sali, mais cela, je n’étais pas encore prêt à le partager avec lui. D’une voix emprunte d’émotion, Gabriel murmura :
- Je suis désolé, Juha…
- Désolé de quoi ? Demandais-je avec un petit rire qui sonnait faux. Tu n’as pas à être désolé, tu n’y es pour rien… Et puis, ajoutais-je, je l’ai mérité…
Gabriel sursauta à l’entendre de mes dernière paroles, et il se redressa vivement sur ses coudes, afin de pouvoir me faire face.
- Personne ne mérite ce genre de traitement Juha, personne ! Répéta-t-il pour donner plus de poids à ses convictions… Et puis pourquoi crois-tu que tu le mérites ?
- Parce que je… J’ai tué Kilian, je ne suis qu’un assassin…. Je mérite bien pire qu’un simple viol, déclarais-je, la voix enrouée par une pointe de colère et de dégout.
- Tu en as encore beaucoup des conneries comme celle là ? Demanda-t-il avec sarcasme et fermeté, passablement énervé par ce que je venais de dire. Non mais sérieusement, tu te rends compte ce que tu viens de dire ? Plus jamais je ne veux t’entendre dire des choses aussi horribles. Tu me le promets ?
- Je… Commençais-je avec hésitation.
- Dis-le, Juha ! S’exclama-t-il, voulant l’entendre dire.
- Je… Je te promets, murmurais-je finalement, sans vraiment croire à ce qu’il me faisait promettre.
Penser que je le méritais depuis le début, avait été ma manière de tenir jusque là et de surmonter ces viols. Ne plus y croire, c’était chuter bien trop profondément. Toutefois rassuré par ma promesse, il se recala tout contre moi, une mains posée sur mon torse, tandis que du bout des doigts j’effleurais inconsciemment son épaule, à la base de sa cicatrice. Nous restâmes un moment silencieux, appréciant simplement le fait d’être l’un prêt de l’autre. Petit à petit, je sentais Gabriel être tiré vers le sommeil. Avant qu’il ne s’endorme, je me décidais à lui demander ce qui me trottait dans la tête depuis quelques jours :
- Gabriel ?
- Mh…
- Tu voudrais venir habiter ici avec moi ? Demandais-je avec incertitude.
A présent réveillé, mais n’étant apparemment pas certain d’avoir bien saisis le sens de ma phrase, il me demanda, incrédule :
- Pardon ?
- Tu serais d’accord pour venir vivre ici, avec moi ? Répétais-je de plus en plus mal à l’aise.
Il resta un moment interdit face à cette demande assez inattendu, semblant peser le pour et le contre de ce cette proposition. Je ne m’attendais pas à avoir une réponse cette nuit, je voulais juste qu’il y réfléchisse tout comme moi je l’avais fait avant de lui proposer. C’est alors qu’un sourire radieux étira ses lèvres et qu’il déclara simplement :
- D’accord…
Surpris de sa réponse, ne m’attendant vraiment pas à celle-ci, je me redressais et plongeant mon regard dans le sein, je lui répondis avec la voix de quelqu’un qui ne croyait pas à ce qu’il entendait :
- C’est vrai ?
- Oui…
Les yeux pétillants et un large sourire étirant mes lèvres, je fondis sur lui et ravi ses lèvres avec empressement. Ardemment, ma langue vint quémander l’ouverture de ses lèvres, et il y répondit avec la même fougue. Aussitôt que nos langues se rencontrèrent, elles se mêlèrent en un ballet érotique qui nous laissa tout deux pantelants. Plus nous nous embrassions et plus Gabriel semblait y prendre du plaisir, ravissant son cœur de cette douce chaleur bienfaisante. Lorsque l’air vint à nous manquer, nous nous séparâmes à contrecœur, et il se blottis contre moi. C’est tendrement enlacés que nous finîmes par nous endormir pour de bon, heureux de cette soirée de réveillon riches en émotions.
Le lendemain matin, j’eus la désagréable impression de me faire mordiller les doigts. Sans trop comprendre ce qui m’arrivait, je la décalais légèrement, souhaitant profiter un peu de grasse matinée qui m’était offerte. Gabriel bougea lui aussi légèrement, se rapprochant un peu plus de moi, à la recherche du plus de chaleur possible. Alors que j’allais regagner le sommeil, cette impression de se faire mordiller la main reprit de plus belle suivit d’un couinement à peine inaudible. Il ne m’en fallut pas plus pour me rappeler de qui il provenait. Ce n’était autre que Shanenja, mon cadeau de noël. Comprenant qu’il avait besoin de sortir, je me levais sans un bruit, avisant l’heure  et trouvant inutile de réveiller Gabriel.
Une fois extirpé du lit, j’amenais le chiot à la cuisine, puis après avoir mit un café en route, je retournais chercher de quoi m’habiller. J’allais vite m’habiller, puis après avoir rapidement avalé mon café, je cherchais dans un de mes placards de quoi l’attacher. Je trouvais un bout de corde assez long qui conviendrait très bien pour le moment.

Je portais le chiot dans mes bras jusqu’à la sortie, et une fois dehors, je remarquais que celui-ci s’était pelotonné dans ma veste.  Après quelques caresses, je le posais sur le sol fraichement déneigé, et attachais avec précaution le bout de corde avant de le lâcher.

Shanenja ne perdit pas de temps  et de manière assez pataude, il commença à marcher à la découverte de son nouveau territoire. Lentement, je suivis son rythme, attendant patiemment qu’il fasse ses besoins. Je n’avais jamais eu de chien et je me rappelais en avoir rêvé petit. Je restais un moment ainsi dehors, puis lorsqu’il eut finit par faire ses besoins, je me décidais à remonter, frigorifié par ce temps. Une fois à l’appartement, je cherchais de quoi nourrir le chiot. Demain il faudrait que je demande à Gabriel de m’amener en voiture faire des courses pour Shanenja. Après lui avoir déposé un bol d’eau et de nourriture, je me dévêtis rapidement et après avoir remis mon bas de pyjama, je fonçais me remettre sous la couette afin de finir ma nuit.

Je me glissais dans le lit peut être un peu trop brusquement, car Gabriel se réveilla et dans un demi-sommeil il me demanda :

- T’étais où ?

- Dehors, mon cadeau avait besoin de sortir, répondis-je sur un ton d’amusement.

Gabriel m’attira à lui, comme si ma présence lui avait cruellement manquée, et une fois au creux de ses bras, il me murmura :

- Tu es glacé…

Il déposa alors un simple baiser sur la commissure de mes lèvres avant d’enfouir son visage dans mon cou, poussant un profond soupir de bien-être. Frustré par ce simple geste, je murmurais à mon tour :

- Tu crois vraiment qu’un simple baiser sur le coin des lèvres va me réchauffer ?

Gabriel se redressa, me dominant de sa hauteur, un sourire dessiné sur ses lèvres.

- Alors qu’est ce que monsieur désire ?

- Je ne sais pas… dis-je innocent.

Avec une lenteur exagérer, Gabriel entama son ascension vers mes lèvres, une lueur de malice illuminant son regard.

Pour me frustrer, il s’arrêta à peine quelques centimètres et d’humeur taquine, il déclara :

- Dommage que tu ne saches pas…

N’en supportant pas d’avantage, je passais mes deux bras autour de lui, et l’attirais à moi pour un baiser des plus désiré. Avidement, je pris possession de ses lèvres, le laissant venir quémander l’ouverture de ma bouche. J’y accédais avec un plaisir non feint, échangeant ensuite un baiser des plus passionnés. Gabriel se colla tout contre moi, pendant que mes mains l’attiraient toujours plus près dans une volonté de me fondre en lui. Après cet échange qui nous laissa tous deux fébriles, Gabriel vint poser sa tête sur mon torse, se laissant aller à fermer les yeux alors que ma main caressait son épaule avec douceur.

En très peu de temps je sombrais avec Gabriel dans les limbes du sommeil. 

Lorsque j’ouvris de nouveau les yeux, j’étais seul dans le lit, et je pouvais entendre l’eau de la douche couler dans la salle de bain. Après m’être étiré, je me décidais à me lever à mon tour. A peine eussè-je posé les pieds sur le sol que Shanenja se rua sur moi. Amusé je la soulevais, profitant de son poids plume qui ne durerait pas.

J’allais me poser dans le canapé, allumant la télévision. Gabriel ne tarda pas à venir me rejoindre et s’occupa du chiot le temps que j’aille prendre ma douche.

Lorsque je revins, j’allais m’asseoir à côté de Gabriel qui m’attira de lui-même contre lui afin de me voler un baiser. J’avais l’impression de vivre sur un petit nuage… Je déposais ensuite ma tête sur son épaule, profitant du bonheur qui m’était pour une fois accordé. Nous passâmes une journée paisible, ne sortant que pour Shanenja.

Les jours suivant défilèrent assez vite. Le lendemain nous étions allés acheter le nécessaire pour Shanenja et nous étions allés travaillés au centre, et aujourd’hui, nous étions en train de déménager les quelques meubles de Gabriel et ses affaires dans mon appartement qui devenait maintenant le notre. 

Lorsque que je revins, je m’assis en face d’eux sur un coussin, après leur avoir servis de quoi boire.

- Alors ? De qui est venue cette idée de cohabitation ? Demanda soudain Philippe avec un sourire.

Gabriel me lança aussitôt un regard qui ne passa pas inaperçu à Philippe et je répondis légèrement gêné :

- C’est… C’est moi qui lui ait proposé.

- Et Gabriel a accepté… Ajouta-t-il avec un sourire à son attention. 

Après un temps il poursuivit :

- En tout cas je ne peux que vous souhaiter bonne chance. Gabriel, je suis sincèrement heureux de te voir comme ça. Autant te dire que je ne t’ai jamais vu aussi épanoui.

Puis retournant son attention vers moi, il me dit avec sérieux :

- Sincèrement merci Juha… Je suis content pour vous deux.

Je fus profondément touché par ce que nous disait Philippe et je ne pus que regarder Gabriel en lui offrant un petit sourire timide. Il me rendit le même sourire, encore plus gêné que moi, sous le regard bien veillant de Philippe. Mais il ne semblait pas en avoir fini, car sans aucune gêne, il demanda :

- Et où en est votre relation à tout les deux ?

Ce fut heureusement Gabriel qui pris la parole et qui répondit :

- Disons que nous sommes des amis… De très bons amis… Intime… Mais ça s’arrête là, ajouta-t-il.

- Oh… Je vois… Dis Philippe, comprenant le sous-entendu. De très bons amis intimes.

Il nous regarda tout deux, avec un regard lourd de sens et un petit sourire en coin, avant de reprendre la parole :

- Tu sais Gabriel, plus le temps passe et plus je pense que d’être sorti avec Marion était la plus grosse erreur de ta vie. C’est ma fille, certes, mais elle n’était pas faite pour toi, tout comme tu n’étais pas fait pour elle. Tu es bien plus heureux avec Juha actuellement, c’est indéniable. Je trouve que… Je trouve que tu te laisses enfin aller à être toi-même.

- Je… Commença à dire Gabriel, profondément touché, peut être un peu trop.

Je le vis, à deux doigts de pleurer, peut être un peu trop sensible ces derniers temps. Sans trop réfléchir, je me levais et vins m’asseoir près de lui, posant ma main sur la sienne. Gabriel me regarda en le lançant un sourire qui voulait dire « merci ». Puis il tourna la tête vers Philippe et la voix nouée d’émotion, il lui déclara :

- Je… Merci Philippe.

- Gabriel… Sache que je te considère comme mon propre fils, le fils que je n’ai jamais eus. Alors il est normal que je me fasse du souci pour toi. Tu es en tout cas entre de bonnes mains. De plus, ajouta-t-il, tu t’ouvres de plus en plus aux autres. Tu te laisses aller à t’ouvrir aux autres et rien ne peut me rendre plus heureux.

Le silence dura quelques temps et Philippe ajouta pour détendre l’atmosphère :

- En tout cas, je ne sais pas ce qu’il t’a fait, mais tu as maintenant une sensibilité à fleur de peau.

Gabriel rougit de plus belle, alors que Philippe se levait en riant. Il s’excusa un instant, avant de nous laisser seul pour aller aux toilettes. Sans attendre plus longtemps, j’attirais Gabriel à moi dans le but de lui voler un baiser. Avidement, je m’emparais de ses lèvres en l’enlaçant pour le sentir encore plus près. Gabriel répondit avec fièvre à ce baiser. Depuis le soir du réveillon de Noël, nous n’avions échangé que ce genre de chose, mais chacun de nos baisers étaient plus envieux d’une nouvelle expérience. Ses mains finirent par s’agripper à moi, alors que notre baiser gagnait en intensité. Nos langues se mêlaient maintenant, nous faisant perdre toute notion du temps, et ce fut un toussotement de Philipe qui nous fit nous séparer un peu vivement. Gabriel vira au rouge cramoisi et je devais avouer que je n’étais pas très à l’aise non plus. Philippe vint s’asseoir à nos côtés avec un petit sourire, Shanenja dans ses bras.

- Au fait, commença-t-il, en changeant totalement de sujet, je voulais vous demander si vous aviez quelque chose de prévu pour le réveillon du jour de l’an. Marion n’est pas là, alors j’ai pensé vous inviter tous les deux…

- Avec plaisir, répondis-je.

- Oui, avec plaisir, répéta Gabriel avec le sourire.

C’est alors que quelqu’un sonna à la porte. Surpris, je me levais, alors que Philippe me demandait :

- Tu attends quelqu’un ?

Je fis non de la tête avant de dire avec un sourire qui cachait mal mon appréhension :

- Je reviens.

Je me dirigeais vers la porte, me demandant vraiment qui pouvait venir à l’appartement. A peine eus-je ouvert la porte que je n’eus pas le temps de vraiment réagir, le frère de Kilian se jeta sur moi avec un objet tranchant à la main. Je m’écartais un peu trop tard, sentant une douleur vive au dessous de l’épaule, sur le bras. Je laissais échapper un cri de douleur et de surprise alors qu’il commençait à dire à deux doigts de se jeter sur moi :

- Je vais te crever pour de bon cette fois-ci.

Alors qu’il brandissait à nouveau son couteau sur moi, paralysé par les émotions qu’il me faisait ressentir à cause de mon don, il fut très violemment plaqué contre le mur par Gabriel qui déjà lui ôtait son arme des mains. Le cœur battant, je tournais la tête vers Philippe au téléphone avec la police. Tout se passait tellement vite. Ma tête me lançait, j’avais l’impression qu’elle allait imploser sous la pression de haine qu’il ressentait pour moi, et son envie meurtrière. Alors que mes oreilles commençaient à bourdonner, je pouvais entendre le frère de Killian s’adresser à Gabriel.

- Il est en train de faire la même chose avec toi. Il te  manipule. Il déménage avec toi, il te baise, il t’embobine et bientôt, il te tirera une balle dans la tête…

Les larmes commençaient à ruisseler sur mes joues, je plaquais mes deux mains sur mes oreilles, ne pouvant en entendre plus. Je me laissais glisser contre le mur alors que je voyais Gabriel hésiter entre venir me prendre dans ses bras et maintenir le frère de Killian. Après un dernier regard apeuré, je fermais les yeux, la pression étant trop forte. C’est alors que je me sentis soulevé et amené ailleurs. Je n’eus pas besoin d’ouvrir les yeux pour comprendre qu’il s’agissait de Philippe. Il respirait la bonté et le père protecteur.
Je pus entendre quelques mots, comprenant que Philippe demandais à Gabriel de surveiller le frère de Killian pendant qu’il s’occupait de moi. Il me porta sans difficulté dans la salle de bain, sentant intuitivement qu’il fallait à tout pris m’éloigner de cet homme. Je pouvais sentir son inquiétude et son incompréhension face à mon état. Tremblant, pâle, en larme, j’ouvris les yeux alors que je sentais peu à peu la haine du frère de Killian s’estomper. Philippe me posa sur la chaise de la salle de bain, et ferma la porte comme pour me couper de la scène d’horreur qui se déroulait dans mon salon. Alors que Philippe se penchait vers moi pour attraper mon bras et voir son état, je réagis un peu trop brusquement en reculant, dans la crainte d’un contact humain, trop apeuré pour aire la part des choses. De sa voix calme et posée, il tenta de me ramener à la raison.
- Calme-toi Juha. Je veux juste soigner ta plaie, et surtout voir son état.
Passablement rassuré, et tentant de me ressaisir, je lui tendis mon bras, le laissant l’observer et me préparant mentalement à résister à ce contact. Avec douceur et fermeté, Philippe leva ma manche du t-shirt, déjà imbibée de sang. Je remarquais qu’il en avait aussi sur ses vêtements. Après avoir observé ma plaie, Philippe se leva en disant :
- Ce n’est rien de grave. Heureusement la coupure n’est pas profonde.
Il chercha dans mes affaires de quoi me soigner puis revint à mes côtés et désinfecta avec soin ma plaie. Je ne ressentais pas vraiment la douleur, trop concentré sur la migraine qui commençait à me marteler les tempes. Avec soin et patience, Philippe s’occupa de mon bras, finissant par le bander. C’est alors que Gabriel entra dans la salle de bain, me jetant directement un regard inquiet avec de dire à Philippe :
- Les flics sont là, je te laisse t’en…
- Oh oui, dit Philippe, je m’en occupe.
Philippe se redressa et nous laissa seul. Gabriel eut à peine le temps de s’approcher de moi que mes larmes reprirent de plus belle sans que je sache pourquoi. Sans réfléchir plus longtemps, il parcourut les dernies pas qui nous séparaient et me pris dans ses bras, m’attirant à lui. C’est ainsi que nous finîmes par nous retrouver tous les deux assis sur e sol, moi au creux de ses bras et Gabriel me réconfortant du mieux qu’il pouvait, me serrant très fort contre lui. J’entendais sa voir, caressais mes oreilles, s’estompant de plus en plus, oubliant ce qui nous entourait, oublient où j’étais, oubliant ce que je faisais ainsi, dans cet état aux creux de ses bras, littéralement épuisé. Pour la première fois depuis une éternité, je me sentais protégé et serein dans les bras de quelqu’un.
Lorsque j’ouvris de nouveaux les yeux, j’étais allongé sur mon canapé, la tête posé sur les cuisses de Gabriel. Celui-ci regardait la télévision, sans trop y prêté attention, et passait plusieurs fois sa main sans mes cheveux en une douce caresse. Je le regardais en souriant légèrement, jusqu’à ce qu’il finisse par s’apercevoir de mon éveil. Il répondit à mon sourire et s’abaissa pour déposer un chaste baiser sur mon front. Après un temps passé ainsi, je me décidais à me redresser, m’asseyant à ses côtés. Je portais simplement un bas de pyjama et il m’avais mis une couverture. Je choisis de m’emmitoufler dedans, collant ma tête sur son épaule afin de regarder la télévision avec lui. Seulement, plus le temps avançait, plus je sentais cette boule étrange se former dans mon estomac. Ce ne fut que lorsque la pression fut trop forte que je craquais :
- Je suis désolé pour tout ça Gabriel. A peine tu emménages ici que…
Je fus couper par sa main sur mes lèvres, et sa voix qui ne laissais entendre aucune discussion possible quand à ce qu’il allait me dire.
- Mieux vaut que tu te taises et que tu continues de te reposer si c’est pour dire de telles âneries. C’est fini Juha, il ne t’embêtera plus, ajouta-t-il après un temps.
Alors que les larmes me montaient aux yeux, je déclarais la voix enrouée :
- Je… Pour ce qu’il t’a dit… Ne… ne t’inquiète pas Gabriel. A la différence du frère de Killian, tu connais les circonstances et pourquoi je l’ai tué. Je… Jamais… Jamais je ne te ferais du mal Gabriel….
Gabriel se tourna ver moi, alors que ma voix se noua dans ma gorge et que je ne pouvais dire un mot de plus. D’une voix posée, il me répondit :
- Je le sais parfaitement Juha. Même si je ne sais pas tout, je te fais confiance.
Lentement, il m’attira à lui dans une étreinte nécessaire, alors qu’une larme roulait sur ma joue. J’avais eu si peur de perdre le peu de bonheur que j’avais enfin pu reconstruire avec une autre personne, si peur de le perdre comme la dernière fois. Une chose était sûre je n’y aurais jamais survécu.
Je finis par murmurer à son oreille, la voix brisée d’émotion :
- Merci Gabriel… Merci d’être là… Merci pour tout ce que tu as fais.
Ignorant la douleur lancinante que je pouvais ressentir au bras, je répondis à son étreinte, le serrant de nouveau contre moi, respirant son odeur à plein poumon. Nous restâmes un long moment ainsi, un moment pendant lequel je tentais de me ressourcer. La haine était vraiment un des ressentis les plus dur à surmonter et celle qu’il avait ressentis à mon était la pire de toute en ce qu’elle voulait ma mort et mon annihilation totale. Je n’imaginais même pas ce que j’aurais ressentis s’il m’avait touché. ..
Nous finîmes par nous écarter et Gabriel me conseilla d’aller prendre une bonne douche chaude pendant qu’il allait préparer un petit quelque chose à manger.
- Je n’ai pas vraiment faim, lui répondis-je.
- Et bien, tu te forceras un peu. Tu es tout pâle et fébrile et je pense sérieusement que te nourrir te fera le plus grand bien.
Je ne répondis rien, me rendant simplement à la sale de bain avec un pantalon propre. Ce fut finalement chancelant que j’arrivais jusqu’à la baignoire. Une migraine affreuse s’était maintenant très clairement installée et tout ce qu’il me fallait était du silence, du calme et du repos. Une fois dévêtis, je pris une douche assez rapide, prenant soin de na pas mouiller le bandage que m’avait fait Philippe. Lorsque je fus propre, je sortis de la douche, m’habillais assez rapidement, du mieux que je pus, et allait rejoindre Gabriel dans la cuisine.
- Ca va un peu mieux ? me demanda-t-il inquiet. Ne reste pas là, je t’amène ton assiette dans le salon.
Amusé par son attitude papa-poule, depuis mon éveil, je ne répondis rien et allait m’asseoir. Gabriel ne tarda pas à revenir avec deux bonnes assiettes. Il m’en tendit une et me dit avant de s’asseoir :
- J’ai sorti Shanenja tout à l’heure, je l’ai nourrir, il ne va pas tarder à nous rejoindre. J’irai le sortir une dernière fois.
- Merci…
Je me forçais à manger au moins la moitié de mon assiette que je finis par déposer sur la table basse. Gabriel ne fit aucun commentaire et se leva une fois qu’il eut finit son assiette afin d’aller promener mon chiot qui revenait le ventre plein de son repas fraîchement terminé.
Alors que j’entendis la porte d’entrée se fermer, ne tenant plus, j’allais me glisser sous les couvertures dans le lit. Je laissais mes yeux se fermer sans trop les contrôler et m’assoupis sans même m’en rendre compte. Je m’éveillais seulement un court instant lorsque je sentis Gabriel venir se glisser dans les couvertures. J’ouvris les yeux et nous échangeâmes un sourire avant qu’il ne vienne recouvrir mes lèvres d’un baiser simple qui fit gonfler mon cœur de bien être. Après quoi, nous nous blottîmes l’un contre l’autre, et après un simple « bonne nuit », je ne tardais pas à me rendormir, rassurer de l’avoir encore une nuit à mes côtés.
Les jours suivant avaient défilés assez vite et nous nous retrouvions propres et bien habillés pour aller dîner chez Philippe pour le réveillon du jour de l’an. La conversation que nous étions en train d’avoir était en train de s’engager sur un terrain glissant et pourtant nous continuions.
- Ce que je veux dire, s’exclama Gabriel, c’est que tu pourrais profiter de cette nouvelle année qui va commencer pour aller voir ta famille. Si tu as peur d’y aller seul, je t’accompagnerais, ce n’est vraiment pas le souci.
Agacé, je répondis :
- Tu ne comprends rien Gabriel. Tu te place uniquement de ton point de vu pour analyser la chose. Ca te parait si simple…
- C’est vraiment idiot Juha. Tu as une famille, tu as de la chance : Et qu’est ce que tu fais ? Tu gâches cette chance.
- Ne juge pas sans savoir. Ce n’est pas parce que tu n’en a pas eu, que j’ai eu moi une famille merveilleuse.
- Alors comment veux-tu que je comprenne si tu ne me dit rien ? Je ne connais presque rien de toi, sauf que tu as passé dix ans en prison parce que tu as tué Killian. Gabriel se tut immédiatement, mais trop tard, réalisant qu’il avait peut être été un peu trop loin. Gardant mon calme, mais sur un ton tout de même un peu élevé, je lui répondis après un temps :
- Peut être que je ne te dis rien parce qu’il n’y a rien à savoir. Dix ans de ma putain de vie ont était gâché en prison, mais celle que j’avais avant n’était que très banale. Pourquoi je ne tiens pas à voir mes parents ? Tu veux vraiment le savoir ? Alors que je venais de leur annoncé mon homosexualité en leur présentant Killian, il l’on face à nous deux très bien pris. Nous avons passé une merveilleuse soirée.
Je marquais un temps, sentant que je m’énervais plus que nécessaire et que cette colère n’était pas tourné contre Gabriel. Prenant une profonde inspiration, je repris :
- Quand j’y repense, quels hypocrites ! Toujours est-t-il que lorsque nous sommes allés nous coucher, j’avais oublié un truc dans le salon. Et c’est là que je les ai vus : ma mère pleurant dans les bras de mon père en se demandant ce qu’elle avait fait pour mériter cela. Il ne vaut mieux pas que je te raconte le reste, parce que cela n’en vaut vraiment pas la peine. Il avait placé la barre très haute pour moi alors que se sont-il dit lorsque leur unique fils qui plus est homosexuel est devenu un meurtrier ?! Non je n’irai par les voir, c’est vraiment au dessus de mes forces.
Je me tu, alors que nous continuions de rouler, tournant la tête vers le côté de ma fenêtre, observant le paysage s’assombrir à l’arrivée de la nuit. Un petit moment après, je sentis la main de Gabriel se poser sur ma cuisse, m’indiquant immédiatement le remord et la peine qu’il ressentait à mon égard.
- Je suis désolé Juha…
Il ôta sa main de ma cuisse après un regard que je lui lançais et se gara sur le parking du ranch. Nous sortîmes tous les deux en silence. Gabriel semblant de plus en plus gêné. Alors qu’il marchait un peu devant moi, je l’attrapai par le bras, le forçant à se retourner. A mon tour, je lui dis tout bas :
- Je suis désolé de m’être emporté ainsi…
Sans plus attendre, je l’attirais un peu plus à moi, afin que ses lèvres me soit accessibles. En un court instant, nous parcourûmes tous les deux la distances qui nous séparait avant que ses lèvres jumelles ne rejoignent les miennes. Gabriel se laissa totalement aller dans mes bras, et nous échangeâmes un baiser qui nous laissa tous deux pantelants. Nous nous rendîmes jusqu’à chez Philippe, côte à côte, oubliant la ressente dispute au fil des secondes.
A peine avions nous sonné à sa porte, que Philippe nous ouvrait avec un grand sourire.
- Bonsoir, comment allez-vous depuis tout à l’heure ?
- Très bien, dit Gabriel en lui tendant une bouteille de champagne que nous avions acheté la veille.
- Merci, répondis Philippe. Débarrassez-vous de vos affaires, faîtes comme chez vous. Je vais la mettre au frais.
Après avoir enlevé nos manteaux, je suivis Gabriel jusqu’au salon où nous primes place. Philippe ne tarda pas à nous rejoindre avec un petit apéritif. Nous parlâmes un peu du travail, des chevaux et d’Orphée, ainsi que la jument que Gabriel avait récemment acheté. Après une petite heure, nous passâmes à table pour déguster le festin que Philippe nous avait préparé. Nous parlâmes de tout et de rien, et ce ne fut qu’au moment du dessert que Philippe aborda un sujet important avec Gabriel.
- Et tu n’as jamais envisagé de rencontrer quelqu’un ? Je veux dire à nouveau ? demanda Gabriel hésitant.
- Oh tu sais, le ranch me prend beaucoup trop de temps. Je ne sors presque pas d’ici, sauf pour quelques courses et j’habite sur mon lieu de travail. Mais je pense bientôt trouver un successeur. D’ailleurs j’ai déjà ma petite idée, ajouta-t-il en lançant un petit sourire à Gabriel.
- Qui ça ? demanda l’intéressé, à dix mille lieux d’avoir saisi le sous entendu.
Philippe le regarda alors avec plus d’insistance, lui faisant clairement comprendre qu’il s’agissait de lui.
- Qui ça ? répéta-t-il. Moi ?
Philippe acquiesça avec un grand sourire, et Gabriel maintenant extrêmement gêné, poursuivit :
- Merci… Vraiment… je… je suis touché que tu penses à moi, mais tu devrais choisir quelqu’un d’autre. Je n’ai pas assez d’expérience et je suis loin d’être capable d’abattre ton travail, je…
Ne tenant plus, je lâchais, le coupant dans son monologue :
- Quand est ce que tu vas te faire un peu confiance Gabriel. Si Philippe t’a choisit, je pense qu’il le fait en connaissance de cause et qu’il sait que tu en es capable.
- Juha a raison ajouta Philippe. Ne t’inquiète pas, je ne vais pas partir du jour au lendemain. Mais si tu acceptes, je veux bien te former et te céder de plus en plus de tâches importantes. Si je t’ai choisi, c’est parce que je te fais entièrement confiance.
Les joues de Gabriel s’empourprèrent, et la voix nouée par l’émotion, il ne put simplement que remercier Philippe. Après un temps, celui-ci nous invita à aller boire un verre dans le salon. Il n’était pas loin de minuit et il ne nous restait plus qu’à patienter jusqu’au moment fatidique ou nous nous souhaiterions « bonne année ». Gabriel assis prêt de moi, me regarda avant de se rapprocher alors que je levais mon bras pour le passer derrière son cou. Philipe nous regarda attendris, mais ne fit pas le moindre commentaire. La suite de la soirée se passa dans la même ambiance légère et détendu comme ‘j’avais rarement eut l’occasion d’en connaître même avant la prison. Gabriel se plaignait de ne pas avoir eut de famille, mais Philippe semblait être le meilleur père qu’il n’ait jamais eut, veillant su lui avec amour. Lorsque les douze coups de minuit sonnèrent, Gabriel se tourna directement vers moi, en s’écartant un peu. Avec un sourire, il murmura avant de me voler un baiser des plus passionné sans se soucier du regard de Philippe posé sur nous.
- Bonne année Juha.
Avidement sa langue vint à la recherche de la mienne, à peine eussè-je entrouvert les lèvres. Une envie puissante était en train de naître aux creux de ses reins et dans un tout autre lieu, sans personne autour, les choses auraient pu très rapidement dévier. Notre baiser gagna en intensité lorsque nos langues se rencontrèrent enfin, et ce fut à contrecœur que je m’écartais de lui après un temps, sentant que nous avancions sur un terrain glissant et me rappelant de la présence de Philippe. Jamais je n’avais vu et sentir Gabriel se laisser autant aller que cela. Le souffle court, nos lèvres se séparèrent et alors qu’il me regardait droit dans les yeux, je murmurais à mon tour :
- Bonne année Gabriel.
Nous finîmes par nous tourner vers Philippe qui avec un sourire radieux, déclara à notre attention :
- Bonne années à vous deux…
Nous lui répondîmes en cœur la même chose, puis nous passâmes encore quelques temps avec lui, avant de se décider à rentrer. Nous avions Shanenja chez nous. On trouvait qu’il n’était pas vraiment en forme et un peu de clame lui ferait certainement le plus grand bien, ce fut pourquoi nous l’avions laissais là-bas.
Avant de partir, Philippe me demanda :
- Au fait, comment va ton bras ?
- Beaucoup mieux, merci.
- Bien, s’exclama-t-il avant d’ajouter après un temps. Je vous souhaite une excellente fin de soirée et merci d’être venu. Soyez prudent sur la route.
Après m’avoir serré la main, Gabriel et lui s’enlacèrent, dans une étreinte paternelle. Il souffla quelques mots de remerciement à Philippe qui gardait toujours ce même sourire bienveillant. Gabriel n’avait pas idée de l’amour que lui portait Philippe.
Après un dernier au revoir, nous marchâmes jusqu’à la voiture avant de monter silencieusement dedans. Une fois qu’il eut démarré le moteur et que nous fûmes en route, je lui dis :
- Vraiment, nous avons passé une très bonne soirée.
- Oui…
Je me penchais alors vers lui et déposais un baiser sur le coin de sa joue, avant de lui murmurer :
- Je suis content d’avoir passé ces premières heures de l’année avec toi.
Je vis Gabriel sourire, avant de répondre « moi aussi ». Nous terminâmes le voyage en silence jusqu’à arriver devant chez nous. Rien que penser que nous habitons ensemble me faisait voler sur un petit nuage. Arrivé à l’appartement, Shanenja se jeta sur nous et fonça dans mes bras alors que je m’accroupissais pour être à sa hauteur.
- On l’a sortit tôt ce soir, je vais lui faire faire une toute petite ballade, je n’en ai pas pour longtemps, dis-je en me redressant pour attraper sa laisse que je fixais par la suite à son collier.
- A tout de suite, me répondit-til.
Alors que je sortais de nouveau dehors, je me rendais compte que je venais de prendre la sortie de Shanenja plutôt comme un prétexte pour ne pas me retrouver tout de suite seul à seul avec Gabriel que réellement pour le chiot. J’avais chaque soir un peu plus envie de Gabriel. Désireux de son corps et d’aller bien plus loin, j’avais beaucoup de difficultés à rester de marbre surtout lorsqu’il m’embrassait de lui-même comme il l’avait fait la dernière fois.

Je rentrais au bout d’un quart d’heure, lorsque le froid fut trop saisissant. Shanenja ne se fit pas prier et gentiment, je le pris dans mon pull, l’enroulant dans ma veste pour le chemin du retour. Arrivé à l’appartement je le déposais sur le petit lit de fortune que je lui avais préparé dans le couloir. Shanenja s’y pelotonna et j’allais rejoindre Gabriel assis sur le canapé en train de regarder la télévision certainement pour m’attendre. Je me débarrassais de ma veste et de mon pull avant de traverser le salon, grelottant légèrement dans le but d’attraper des vêtements faisant office de pyjama. J’enlevais rapidement mon t-shirt, sentant le regard de Gabriel posé sur moi, puis le remplaçais par mon t-shirt à manches longues pour la nuit. J’en fis de même pour le pantalon, toujours dos à Gabriel, sentant toujours son regard posé sur moi. Amusé par son attitude, je tournais la tête vers lui. Celui-ci tourna vivement la tête, ne parvenant pas à me cacher le rouge qui lui montait aux joues. Je marchais jusqu’à lui, me mettant debout entre lui et la télévision :

- Alors comme ça, tu te rinces l’œil quand j’ai le dos tourné ? Et en plus tu en rougis… Déclarais-je avec un sourire moqueur.

- Moi au moins je ne m’exhibe pas, répliqua Gabriel, comme vexé.

- C’est d’ailleurs vraiment dommage…

Gabriel se redressa et une fois à ma hauteur, il me dit d’un ton bien plus bas.

- Je crois qu’il vaut mieux trouver un moyen de te faire taire.

- Ah oui ? Dis-je innocemment.

M’attrapant par le t-shirt au niveau du torse, il m’attira à lui pour un baiser des plus intenses. S’il avait déjà prit l’initiative, cette fois-ci, c’était la première fois qu’il y mettait autant de vigueur et d’avidité sans retenue aucune. Gabriel se laissait aller à faire preuve d’autant de sensualité et d’érotisme rien qu’à sa manière de faire danser sa langue.

Fébrile, grisé par ce baiser, j’y répondis avec la même intensité, emporté par sa propre envie. Je mis du temps pour revenir à moi, réalisant que mes mains avaient glissées sur le bas de son dos sans trop en être conscient, emporté par l’envie et le désir de Gabriel. Je m’écartais aussitôt de lui, bredouillant :

- Je suis désolé Gabriel, mais si on va plus loin, je ne saurais plus me retenir…

- Je ne te demande pas de te retenir, fit-il avec un sourire qui en disait long sur ses intentions.

Sous l’effet de la surprise, je restais muet, totalement étonné de ce qu’il venait de me dire. Je me mis à bégayer sous son regard amusé :

- Je… Enfin… Tu es sûr ?

- Je suis prêt, Juha, me dit-il avec sérieux.

Constatant que j’étais quelque peu abasourdi par ce qu’il venait de me dire, il m’attira à lui pour une seconde fois. Cependant, ce fut moi qui pris possession de ses lèvres. J’avais encore du mal à réaliser ce qu’il venait de me dire et pourtant, nos deux désirs mêlés ne faisaient que monter en puissance, s’emparant de nos êtres.

Collé contre moi, je pouvais sentir le rythme cardiaque de Gabriel s’accélérer de secondes en secondes. Il glissa ses mains sous mon t-shirt alors que nos langues venaient à peine de se rencontrer à nouveau. Surpris par cette rapidité, je n’en laissais cependant rien paraître, me contentant de passer mes bras autour de lui, laissant une main sur sa nuque et une autre glisser le long de son dos. Je n’aurais jamais pensé que nous commencerions l’année ainsi et cela était loin de me déplaire. Passer le cap avec Gabriel était pour lui comme pour moi, un pas énorme à franchir. C’était loin d’être le même acte que j’avais assouvi avec Dorian. Cette nuit avec Gabriel engageait bien plus de choses. Je m’autorisais ce que je m’étais interdit à la mort de Kilian et j’avais cette cruelle impression de franchir un interdit.

C’est alors que perdu dans notre baiser, je sentis la main de Gabriel descendre de mon torse jusqu’à mon bas ventre avec un empressement qu’il ne savait cacher. J’attrapais alors sa main et quittant ses lèvres, je me glissais dans son cou, lui murmurant :

- Ne va pas trop vite, Gabriel. Nous avons tout notre temps…

Aussitôt, je sentis Gabriel se raidir avant de s’écarter légèrement, rouge et affreusement gêné. Sans lui laisser le temps de s’éloigner d’avantage de moi, je le saisis de nouveau par le poignet et m’approchais de lui afin d’amenuiser cette nouvelle distance qui nous séparait. De ma main libre, je le forçais à redresser la tête afin de me regarder droit dans les yeux avant de lui dire :

- Je suis loin de t’avoir dit de tout arrêter…

Posant sa main que je tenais sur mon torse, j’ajoutais :

- Je disais juste qu’il ne sert à rien de se précipiter…

Sans un mot de plus, je déposais mes lèvres sur les siennes lui volant un très doux baiser qui le fit frissonner de part sa lenteur et sa sensualité. Gabriel se détendit, se laissant aller peu à peu, retrouvant très vite son désir d’aller bien plus loin. Calculant rapidement nos positions respectives dans le salon, je finis par faire reculer Gabriel qui, à mon écoute, s’exécuta avec lenteur. Lestement, je le fis s’asseoir sur le canapé après lui avoir volé un dernier baiser. Cependant, au lieu de le rejoindre, je restais debout face à lui, inaccessible. Le désir brûlait dans ses yeux alors que j’étais hors de sa portée. Avec la même sensualité que j’exerçais avec lui, je passais éhonteusement mes mains sur mon corps, le surprenant par mon manque de pudeur.

Attrapant avec savoir faire chaque côté de mon t-shirt, je l’enlevais très doucement, découvrant petit à petit, sans précipitation aucune, chaque parcelle de peau du haut de mon corps. Gabriel ne pouvais s’empêcher de me regarder, non sans rougir. Une fois enlevé, je le laissais tombé sur le sol ; ce bout de tissus ayant maintenant perdu tout intérêt pour nous deux. Plongeant mon regard de braise au plus profond du sien, d’une démarche féline maintenant tors nu, je m’approchais de lui. Arrivé à sa hauteur, je m’abaissais lentement au dessus de lui, posant un genou entre ses jambes légèrement écartées afin de prendre un appui. Mes lèvres s’abaissèrent jusqu’aux siennes, s’arrêtant à a peine un centimètre des siennes, ne lui laissant comme contact, que celui de mon souffle sur son visage.

Un sourire illuminait mon regard brillant. Gabriel, juste au dessous de moi, semblait se languir dans l’attente la plus totale, que je daigne enfin faire quelque chose. Pourtant, je restais là, immobile, savourant ce moment d’attente ou tout pouvait basculer en un seul instant. Mon genoux placé tout contre son intimité, je pouvais sentir son excitation commencer à sérieusement augmenter.

M’approchant encore un peu de ses lèvres, je les effleurais à peine avant de dévier dans son cou, le grisant au contact de mes lèvres et de ma langue sur sa peau. S’il s’était retenu jusqu’à maintenant, je sentis ses deux mains se poser sur les épaules crispant les doigts sous l’afflux de sensations que je lui faisais ressentir. Mes mains se glissèrent avec savoir faire sous son t-shirt, savourant la texture de sa peau et la chaleur qui s’en dégageait. Je murmurais une fois de plus combien il était beau, alors que ses mains commençaient à glisser le long de ma colonne vertébrale.

Un premier gémissement muet s’échappa de mes lèvres, du aux frissons qu’il m’avait fait ressentir. Alors que ma bouche glissait le long de son épaule, revenant sur son cou, mes mains remontaient déjà son t-shirt, ressentant une forte envie de pouvoir dévoiler sa peau à mon regard. Gabriel vibra sous mes attentions, semblant déjà tomber dans un état second. Ses mains continuaient à partir à la découverte de mon dos.

S’il avait commencé à me toucher avec hésitation, ce n’était maintenant plus le cas. De seconde en seconde, il gagnait en assurance, mais elle trahissait toujours une certaine timidité de sa part. Alors que son t-shirt ne cachait plus son ventre, je choisis d’entamer une descente sans effleurer ses lèvres, le laissant encore dans l’attente d’un baiser. Ma bouche se déposa sur la peau nue de ses abdominaux, alors qu’une de mes mains commençait une ascension vers ses tétons de chair durcies, zone que je savais maintenant érogène.

Gabriel laissa s’échapper à son tour son premier gémissement alors que je jouais de ma langue avec son nombril, miment l’acte ultime. Ses ongles se plantèrent dans la peau de mes épaules. De ma main libre, je remontais son t-shirt afin de le découvrir encore plus qu’il ne l’était déjà. Ma bouche suivit le trajet de ma première main, goûtant chaque parcelle de peau découverte. Lorsque j’arrivais sur ses tétons durcis par l’excitation, avec ma langue, Gabriel gémit une fois de plus, crispant ses mains. Souhaitant soudain le surprendre, je libérais une main qui choisit de prendre le chemin inverse, volant au dessus de lui, elle se posa à l’intérieur de sa cuisse, pour finir sa course sur son intimité déjà durcie, l’effleurant à peine. Tout le corps de Gabriel s’arqua sous l’effet que je réussis à produire sur lui. Un cri à peine audible traversa ses lèvres alors que je redressais les yeux pour regarder son expression. Une mèche de cheveux blonds défaite de sa queue de cheval, retombait légèrement sur son visage, bougeant légèrement au rythme de sa respiration. Ses yeux bleus mi clos et ses lèvres rosies étaient une véritable invitation à la luxure. Maintenant un peu écarté de lui, j’en profitais pour lui ôter définitivement son t-shirt, ne supportant pas que ce morceau de tissus entrave mes actes et ma vision.

Alors que mes mains se posaient à nouveau sur son torse, je vis ses abdominaux se contracter. Gabriel ne contrôlait apparemment plus grand-chose. Je plongeais alors mes yeux verts dans les siens. Je ne savais pas s’il pouvait lire en eux combien j’étais heureux, et tout ce que je ressentais à ce moment précis. C’est alors que Gabriel me regarda différemment ;  une foule de ressentis semblaient s’imposer à lui. Les yeux plongés dans les miens, il commença à dire :

- Juha… Juha, je t’…

Ce ne fut pas lui qui s’arrêta dans sa phrase, même s’il avait parut hésitant. Je pensais savoir ce qu’il allait me dire. Mais peut être n’étais-je pas encore prêt à l’entendre, peut être n’aurais-je su lui donner de réponse, peut être que cela me faisait peur.

Mes lèvres s’emparèrent des siennes, le faisant taire et lui offrant ce baiser qu’il voulait depuis le début. Peut être aussi, avais-je sentis son hésitation et je ne souhaitais l’entendre que lorsqu’il en serait sûr. Mon baiser était en train de le mener bien plus loin, mettant de plus en plus d’avidité et de passion dans celui-ci. Nos langues menaient un ballet des plus érotiques, grisant entièrement mon être. Lorsque nos lèvres se séparèrent, fiévreux, j’entamais un tout autre chemin. Mes mains partirent en éclaireuses, massant déjà son bas ventre. Attentif à la moindre de ses réactions, je le sentais fondre sous mes attentions. Ma langue avait maintenant atteint ses boutons de chair durcie, provoquant un léger gémissement chez Gabriel. Ses mains me caressaient inconsciemment les épaules.

Je continuais après un temps mon chemin, prolongeant mon passage sur ses abdominaux pendant que mes mains s’attaquaient à le défaire de son pantalon. Gabriel leva légèrement le bassin, afin de m’aider lorsque je voulu le débarrasser définitivement de ce morceau de tissu. Celui-ci alla rejoindre les autres alors que je reportais mon attention sur Gabriel. D’une main, maintenant agenouillé sur le sol entre ses jambes, j’effleurais à peine son intimité, provoquant chez lui un sanglot de frustration.

Amusé et fier de l’avoir ainsi à ma merci, dans l’attente de mes attentions, je fis lentement glisser son boxer, lui faisant suivre la même course que le précédent vêtement. Je me redressais un peu afin d’admirer le corps de Gabriel alanguis sous mes caresses. Il était sublime… Ses joues s’empourprèrent, et il détourna le regard, encore atrocement gêné du mien désireux. Avec délicatesse, je lui offris une caresse bien plus poussée sur son intimité à l’aide de ma main, ne me lassant pas d’entendre un nouveau gémissement de sa part. Après un temps passé à lui prodiguer plusieurs caresses du même genre, j’abaissais enfin ma bouche pour lui procurer une caresse des plus intime qui le mènerait irrémédiablement jusqu’aux portes de la jouissance.

Du bout de la langue, je touchais à peine l’extrémité de son sexe, ajoutant à cela une caresse bien plus poussée de ma main. Le corps entier de Gabriel s’arqua alors qu’un cri de plaisir s’échappa de ses lèvres entrouvertes. Alors qu’une de ses mains se perdait dans ma chevelure, l’autre se crispait toujours sur mon épaule. Quant à ma main libre, celle-ci massait sensuellement son bas ventre, afin d’augmenter les sensations ressenties. Ma langue s’enroulait maintenant sur son intimité, avec plus de vigueur, grisant son être entier. Je pouvais vivre chacun de ses ressentis, comme si s’était les miens.

Au fur et à mesure, j’augmentais l’intensité de mes caresses, arrivant jusqu’à prendre en bouche l’entièreté de son intimité, faisant des va et vient irréguliers en commençant progressivement. Prenant moi-même de plus en plus d’assurance, je lui offris une fellation qu’il ne serait pas prêt d’oublier. Plusieurs fois je retirais totalement ma bouche, lui arrachant des sanglots de frustration pour mieux revenir enrouler ma langue, avidement sur son intimité.

Progressivement, je l’emmenais sur le chemin de non retour. Sa main posée sur ma tête m’intimait d’aller plus vite, et j’accédais à sa requête muette alors qu’il murmurait mon prénom sous l’extase que je lui faisais vivre à l’aide de ma bouche et de mes deux mains.

Lorsque tout son corps de contracta, signe d’une jouissance très proche, j’accélérais la succion, l’accompagnant au mieux jusqu’à la fin. Il finit par se libérer dans ma bouche dans un gémissement rauque, submergé par la vague de plaisir intense déferlant sur lui. Haletant, il redressa la tête vers moi tandis que je remontais jusqu’à ses lèvres t murmura encore dans un état second :

- Juha… Je… C’est… Ce que tu…

Sa voix mourut dans sa gorge, semblant incapable de dire un mot de plus.

- J’espère que ça t’as plus, demandais-je avec un petit sourire avant de regagner ses lèvres qui m’avaient cruellement manquées.

Nos langues se mêlèrent pour un baiser des plus langoureux, nos mains caressant lentement le corps de l’autre, le temps que Gabriel se remette. Après un temps, ayant maintenant besoin de m’occuper de mon cas, mon intimité douloureusement durcie me le rappelant, je me redressais, allant jusqu’à me mettre debout sous le regard empli d’incompréhension de Gabriel. En lui tendant la main, je lui dis tout bas :

- Pour ta première fois, nous serons bien mieux sur le lit…

Gabriel m’offrit un petit sourire timide en rougissant avant d’acquiescer et de saisir la main que je lui tendais. M’emparant de ses lèvres, je le guidais en même temps jusqu’au lit où je nous fis basculer tous les deux. Me plaçant sur le côté, légèrement au dessus de lui, je m’abaissais jusqu’à son cou avant de remonter jusqu’à son oreille, et de lui murmurer, le cœur battant :

- Je suis vraiment heureux d’être ton premier homme, Gabriel.

Gabriel sembla sourire, même si je ne voyais pas son visage, je le sentais. Il passa ses deux bras autour de moi, et me sera fort comme jamais. Très vite, je lui rendis son étreinte. Nous restâmes un temps ainsi, avant que ma main ne prenne un tout autre chemin, et descende bien plus bas, de l’autre côté de son intimité qui déjà, de nouveau, s’éveillait.

Lentement, ma main s’aventura sur ses fesses en une douce caresse. Je m’emparais alors des lèvres de Gabriel pour tenter grâce à mon baiser, de lui faire oublier sa crainte. Grâce à mon don, je pouvais à peu près savoir ce qu’il fallait faire et aussi quand le faire. Quittant un instant ses lèvres, je portais deux doigts à ma bouche, les humidifiant afin de facilité ma préparation pour que Gabriel souffre le moins possible et le moins longtemps.

Mimant le geste de succion en le regardant droit dans les yeux, je vis ses joues s’empourprer une fois de plus, augmentant plus qu’il était possible mon excitation. Après un temps, jugeant les avoir suffisamment humidifiés, je retrouvais ses lèvres pendant que ma main se glissait entre ses fesses avec souplesse et délicatesse à la recherche de son orifice.

Gabriel se tendit légèrement mais ce ne fut rien de comparable à la dernière fois. Quittant ses lèvres, je lui susurrais en le regardant droit dans les yeux :

- Ne t’inquiète pas, je vais y aller tout en douceur…

- Je… Je te fais confiance, finit-il par me répondre. Et je veux aller jusqu’au bout…

Alors qu’il m’attirait à lui, pour un énième baiser j’insérais avec une lenteur extrême mon premier doigt en lui. Grâce à ma patience et à la douceur de ma préparation jusqu’ici, je sentis que Gabriel n’eut presque pas mal. Une simple grimace de douleur déforma quelques secondes ses traits, mais disparue bien vite lorsque je cessais tout mouvement une fois entièrement en lui. Après un temps ou j’embrassais avec langueur ses lèvres, mêlant ma langue à la sienne, faisant augmenter la passion et l’avidité progressivement, je commençais à mouvoir mon doigt en lui en un lent et désireux va et vient.

Peu à peu, Gabriel ne ressentis plus un seul soupçon de douleur, s’habituant aux nouvelles sensations que je lui faisais découvrir, entamant de lui-même quelques va et vient sur mon doigt en remuant légèrement le bassin. Il était même en train de prendre du plaisir. Sentant qu’il était tant, étant patient mais ayant tout de même mes limites, je décidais de passer à la suite. J’avais envie de lui et cette envie faisait brûler l’étincelle dans mon regard. Le deuxième doigt fut légèrement plus douloureux, mais cette douleur s’envola plus vite que la première fois. Plusieurs fois je quittais ses lèvres pour admirer sa beauté. Gabriel me regardait les yeux mi clos laissant parfois s’échapper quelques gémissements. Après un temps un peu plus court que le précédent, Gabriel fut dans le même état et j’insérais un troisième et dernier doigt en lui. Si le deuxième doigt avait été peu douloureux, ce n’était pas le cas du troisième qui paralysa presque Gabriel. Aussitôt, je cessais tout mouvement, et me refusant de céder à la panique, j’inondais son visage de baisers plus doux les uns que les autres.

A mon plus grand soulagement, je parvins à lui faire oublier la douleur avant qu’elle ne disparaisse complètement. Les gémissements reprirent de plus belle et il ne tarda pas à se mettre à onduler du bassin. Je finis par retirer mes doigts, sentant qu’il était plus que temps de passer à la suite. Ondulant volontairement du bassin, frottant mon intimité à la sienne tout aussi éveillée que la mienne, je me repaissais de ses lèvres voulant être sûr qu’il se lance de plein gré.

Il irradiait de confiance pour moi et de cet autre sentiment que je ne savais pas encore recevoir. Il était sérieusement prêt et décidé. Cependant, alors que je me décalais légèrement tout en ôtant mon pantalon et mon boxer, dévoilant mon intimité douloureusement gonflée, je sentis le doute s’insinuer en moi. Alors que j’étais maintenant dans la parfaite position pour nous emmener tous les deux au point de non retour, accomplissant l’acte ultime, alors que Gabriel était totalement consentant, je doutais. Ne pouvant aller plus loin, je m’écartais soudain de Gabriel m’allongeant sur le dos à ses côtés, murmurant :

- Je… Désolé Gabriel… Je…

Aussitôt, celui-ci surmonta son étonnement et se mettant sur le côté, il me demanda, intrigué et inquiet :

- Qu’est-ce qui ne va pas Juha ?

Détournant le regard, trop mal à l’aise pour le regarder dans les yeux, je bredouillais la voix nouée d’émotions :

- Je… J’ai peur de mal faire… J’ai… J’ai peur de te faire mal.

Gabriel me tourna la tête me forçant à le regarder et dit avec tout son sérieux :

- Je t’ai déjà dit que je voulais aller jusqu’au bout. J’ai confiance en toi, Juha et je veux plus que tout m’unir à toi.

Puis, sans me laisser le temps de vraiment réaliser ce qui se passait, il se mit au dessus de moi, me chevauchant lestement. S’aidant d’une main, il s’empala sur mon sexe, ne s’arrêtant que lorsque je fus entièrement en lui. L’afflux de plaisir me fit pousser un cri muet qui contrasta avec celui de Gabriel. Alors qu’il me regardait droit dans les yeux, je sentais qu’il était en train de se faire violence pour ne pas se retirer immédiatement. Sa douleur m’irradiait, et je ne savais plus quoi faire.

C’est en le voyant paralysé au dessus de moi, totalement perdu que je finis par me ressaisir. Reprenant mes esprits, je laissais glisser mes yeux sur son corps offert à moi. Puis jugeant que cette position le gênait, je repris le dessus, nous faisant tous les deux rouler habillement. Me retrouvant toujours en lui et le dominant maintenant de ma hauteur, je m’emparais de ses lèvres alors qu’il murmurait mon nom. Je laissais glisser une de mes mains sur son intimité.  Autant dire que je devais me faire violence pour ne pas entamer des déhanchements brutaux, ne tentant plus dans cette cavité chaude et humide.

Progressivement, Gabriel se décontracta, et je pus commencer à me mouvoir en lui. Je faisais passer mon propre plaisir après le sien, appréhendant de mal faire à chaque instant. Totalement focalisé sur ses ressentis, j’en oubliais les miens, ignorant le sang qui bouillonnait dans mes veines. Alors que je me déhanchais très lentement, ma main suivait le rythme sur son intimité. Ce ne fut que lorsque Gabriel fut totalement détendu et qu’il commença à prendre sérieusement du plaisir que je me laissais enfin aller à mes ressentis, laissant s’échapper un gémissement rauque alors que je m’enfonçais bien plus profondément en lui.

Celui-ci fit écho dans la gorge de Gabriel qui suivit mes mouvements de bassin, s’agrippant à moi comme à une bouée de sauvetage. Entamant une danse vieille comme le monde, j’écartais légèrement mon visage du sien, quittant ses lèvres, et plongeait mon regard dans le sien pour ne plus le quitter. Gabriel tombait peu à peu dans un état second, la lèvre inférieure pincée entre ses dents. Alors que je soutenais un rythme cadencé, j’arrêtais soudain tout mouvement, provoquant chez Gabriel un sanglot de frustration à l’état pur. Alors que je m’abaissais pour prendre possession de ses lèvres, il tourna la tête sur le côté, comme pour me punir d’avoir cesser tout mouvement. Amusé par sa réaction, j’en profitais pour déposer mes lèvres dans son cou offert à moi. Un violent frisson parcourut l’échine de mon vis-à-vis tandis que mes caresses manuelles reprirent de plus belle sur son intimité.

Alors qu’il tournait la tête vers moi, laissant s’échapper un petit gémissement, je m’emparais de ses lèvres en reprenant de nouveau un déhanchement langoureux montant vite en intensité, nous menant droit jusqu’à la jouissance.  Nos déhanchements de plus en plus profonds, nous unissant à jamais, me firent à mon tour perdre la tête. Gabriel, cramponné à moi comme jamais, semblait être très proche de l’extase. Après un ultime et habile coup de rein qui fit presque hurler Gabriel, je me libérais en lui dans un gémissement rauque tandis qu’il faisait de même dans ma main. Lentement, je retombais sur lui, haletant, et le corps parsemé de fines perles de sueur, tandis qu’il m’enlaçait en me serrant le plus fort possible. J’avais du mal à réaliser que nous l’avions enfin fait. Gabriel ne bougeait pas, se contentant de répondre à mon étreinte.

Je n’avais pas envie de me retirer tout de suite de lui, comme si le fait de rester ainsi me donnait l’illusion que ce moment intense pouvait durer encore un peu. Cela faisait tellement longtemps que je n’avais pas ressentis une telle sérénité. Jamais ne m’étais sentis aussi bien, ou du moins, cela remontait à si longtemps que je ne me rappelais plus ce qu’on pouvait ressentir dans ses moments là. Gabriel respirait mon odeur à plein poumon, tandis que je déposais encore une fois, mes lèvres dans son cou, le faisant frissonner. Ses mains massaient mon dos en effleurant à peine avec une douceur dont je ne l’aurais pas pensé capable.

Après un temps infini, je finis par le retirer totalement de lui, le quittant avec un baiser enfiévré. Une fois allongé à ses côtés, il ne lui en fallut pas plus pour venir se coller à moi, comme s’il était totalement dépendant de ma présence à ses côtés. C’est alors qu’il me murmura :

- Juha… Je…

- Tu quoi ? Demandais-je amusé.

- Je suis heureux d’avoir vécu cet instant avec toi… déclara-t-il en enfouissant encore plus qu’il n’était possible, son visage dans mon cou.

Un frisson étrange m’envahi instantanément, se mêlant subtilement à une chaleur qui m’enivra. Dans un murmure à peine audible, je lui répondis la même chose, le remerciant en même temps. Je tirais lentement la couverture sur nos deux corps, avant de sombrer avec lui dans un profond sommeil.

Ce début d’année passa à une vitesse affolante. Nous avions du travail à revendre et ne rentrions à l’appartement que très tard le soir alors que nous l’avions quitté à l’aube. L’ambiance était agréable et calme entre nous, mais une fois arrivé chez nous, nous ne faisions que nous laver, manger et dormir.

Pourtant depuis quelques jours, je me sentais de plus en plus mélancolique et je savais que cela n’était pas lié à la fatigue. La date qui me foutait en l’air chaque année approchait bien trop vite. Le soir approchait à grand pas, et je sentais au fond de moi que je ne pourrais affronter la journée suivante. Gabriel était en train de monter sa nouvelle jument et je décidais d’en profiter pour aller voir Philippe afin de lui parler en privé. Je frappais plusieurs coups à la porte de son bureau sachant qu’il s’y trouverait.

- Entrez, dit-il.

Je m’exécutais, et ce fut avec un grand sourire qu’il m’accueillit.

- Tiens Juha, comment vas-tu, je ne t’ai pas encore vu aujourd’hui ?

- Bonsoir Philippe, dis en prenant place en face de lui.

- Tu m’as l’air fatigué depuis quelques jours… Tu tiens le rythme ?

- Non, cela n’a rien à voir, m’empressais-je de répondre. C’est…

Je finis par prendre mon courage à deux mains et déclarais :

- Je sais que vous n’aimez pas mélanger les problèmes personnels et le travail, mais après demain c’est… C’est la date de décès d’une personne qui était très importante pour moi et je… Enfin, dans ces moments là, je ne vaux pas grand-chose et il vaudrait mieux que je prenne quelques jours de congé. Si cela ne vous dérange pas… Ajoutais-je hésitant.

- C’est Killian, c’est cela ? Me demanda-t-il compatissant et inquiet.

Je ne répondis pas, me contentant de baisser les yeux, jusqu’à ce que j’entende :

- Et bien, à dans trois jour Juha. Il y a beaucoup de travail en ce moment, je compte sur toi pour être entièrement disponible par la suite.

Je redressais la tête et acquiesçais avec un sourire empli de reconnaissance. Après quoi, je finis par sortir en lui souhaitant une bonne soirée, rejoignant Gabriel en train de desceller sa jument.

Nous ne tardâmes pas à rentrer et Gabriel alla se doucher pendant que je lui préparais à manger. Je n’avais pas vraiment faim ce soir. Gabriel vint me rejoindre et exprima son étonnement sur le fait qu’il n’y ait qu’une assiette de servie.

- Je viens de grignoter, je n’ai pas très faim, répondis-je simplement. Je vais me laver.

Gabriel me regarda d’un air suspicieux, et attrapa son assiette pour aller la manger devant la télévision. Après ma douche, j’allais directement me coucher, n’étant pas d’humeur à la compagnie ce soir là. Gabriel ne fit aucun commentaire, se contentant d’aller me rejoindre bien plus tard, se collant à moi.

Le lendemain, je fus réveiller par Gabriel qui me secouais légèrement par l’épaule, comme s’il était pressé. J’ouvris lentement les yeux et celui-ci déclara :

- Debout fainéant, tu te réveilles enfin. Dépêche toi on part dans dix minutes.

Gabriel était habillé et près à partir, ce qui prouvait qu’il n’en était pas à sa première tentative pour me réveiller.

Passant ma main sur mon visage, je déclarais, la voix vaseuse :

- J’ai vu avec Philippe, j’ai oublié de te dire. Je suis un peu malade, je ne travaille pas aujourd’hui.

Gabriel s’écarta de moi légèrement de moi sans un mot, semblant avoir du mal à digérer ce que je venais de lui dire. Je savais que mon mensonge était gros. Il devait déjà avoir du mal à avaler le fait que je ne lui en aie pas parlé hier soir, sans ajouter le fait que je sois aussi distant depuis quelques temps. Même cette nuit, j’avais finis par m’éloigner de lui. Mais ce n’était pas ma faute, je ne me sentais pas bien, et contre cela, je n’avais comme solution que de me replier sur moi-même.

L’effet de surprise passé, Gabriel s’exclama assez sèchement :

- T’aurais pu me le dire avant ! Je vais arriver en retard maintenant. Merci de m’avoir prévenu.

Sans un mot de plus, il me tourna le dos. Le plus étrange, fut que je n’eus même pas le courage de me lever et de le rattraper pour nous séparer dans de meilleurs termes. Je me sentais comme cloué sur mon propre lit. J’entendis la porte claquer brusquement.

Je ne bougeais pas de la journée, ne me levant que lorsque c’était nécessaire. Plusieurs fois, je me mettais à pleurer sans raison, tremblant légèrement. Je n’aimais vraiment pas être dans cet état, je me trouvais plus que pathétique. Le pire, qui contrastait avec les dix autres années, c’était que je me sentais coupable de me sentir ainsi vis-à-vis de Gabriel, coupable de me mourir d’amour pour un autre…

La journée me parut atrocement longue, revivant indéfiniment la même chose à chaque fois que je fermais les yeux : les derniers instants de Killian.  Gabriel avait emmené Shanenja avec lui, afin qu’il s’amuse avec le chien de Philippe. J’étais donc totalement seul et cela me convenait. Je ne voulais pas que Gabriel me trouve ainsi à son arrivée, toujours dans le lit. Je finis par me lever, mais à peine eussè-je mis un pied par terre que je fus saisis par une violente envie de vomir. J’eus à peine le temps de courir jusqu’aux toilettes, pour rendre le peu que contenait mon estomac. C’est évidemment à ce moment là que j’entendis Gabriel me demander inquiet :

- Juha ? 

J’étais tellement dans un état minable que je ne l’avais même pas sentit arriver. Pourtant maintenant, je sentais une colère mêlée d’inquiétude m’envahir. Je n’osais pas me retourner. Fébrile, ma main posée sur le mur, m’aidais à me maintenir, alors que j’étais accroupi. Je le sentis s’approcher de moi, et poser sa main sur mon épaule. Malgré moi, je ne supportai pas ce contact. Je me redressais assez brusquement en me tournant vers lui et repoussant sa main non sans une certaine violence. Profitant de son état d’hébètement, je me glissais hors de sa porté pour aller directement à la salle de bain. Je voulais être seul. Je ne supportais pas de le voir alors qu’avec contradiction, je ne voulais pas qu’il me laisse seul. Je devais avouer que j’avais aussi terriblement honte qu’il me voit dans cet état.

Gabriel ne l’entendait pas de cette oreille, car il ne tarda pas à débarquer dans la salle de bain et à quelques mètre de moi, il déclara froidement :

- Je pense qu’à ce stade, on est quand même intime et assez proche pour ne pas se cacher ce genre de chose… Je peux tout entendre et tout comprendre, j’ai le droit de savoir, tout autant que tu en a parlé à Philippe. Pourquoi tu ne m’en as pas parlé ? Tu ne crois qu’en même pas qu’en vivant avec toi je n’allais pas me poser de question ? Ca veut dire quoi de me cacher cela ? Comment est-ce que je peux être là pour toi, si tu ne m’en parles pas ?

- Tu comprends rien, t’es vraiment trop con ! Soupira Gabriel en me tournant le dos et en quittant la pièce avant de fermer la porte.

Me retrouvant seul dans la salle de bain, je choisis de prendre un bain pour réfléchir. Je comprenais la réaction de Gabriel, mais je ne parvenais pas à réagir autrement, me trouvant lâche.

Je finis par me plonger dans l’eau chaude, fixant le plafond une fois allongé, tentant de trouver une solution. Mais je n’en voyais aucune et je ne savais pas comment affronter Gabriel. Il m’en voulait et il avait raison de m’en vouloir… Je finis tout de même par en sortir, m’habillant en vitesse avec un pantalon et un t-shirt propre pour dormir, qui avait finit de sécher sur l’étendage. Une fois hors de la salle de bain, j’allais directement jusqu’à la cuisine afin de lui préparer un repas. Je savais que je ne faisais que reculer notre confrontation, mais je ne pouvais faire autrement. Gabriel ne vint me rejoindre qu’après un long moment, une fois que le repas fut prêt. Je posais son unique assiette sur la table, n’ayant vraiment pas faim. Cependant, je m’assis tout de même en face de lui.

- Tu ne manges pas ? me demanda-t-il, blasé.

- Je n’ai vraiment pas faim, répondis-je.

- Je ne vais pas te forcer, tu es libre de mener ta vie comme tu l’entends. Tu n’as vraiment pas besoin de moi.

Je ne répondit rien à sa pique, me contentant de me lever pour aller me servir un verre d’eau. Gabriel mangea en silence, sans me porter la moindre attention, jusqu’à ce qu’il me demande :

- Killian est enterré loin d’ici ?

- Pourquoi cette question, demandais-je intrigué et peu sur d’avoir la bonne réaction.

- J’ai pris deux jours de congé, demain je peux te déposer si tu souhaites te receuillir…

- Tu … Tu n’es vraiment pas obligé, dis-je touché malgré tout par son geste.

Gabriel se leva simplement avec son assiette et déclara d’une voix monocorde, tout en la posant dans l’évier :

- Je vais me laver…

Je ne répondis rien, me contentant de baisser les yeux. Ce fut seulement lorsque Gabriel fut dans la salle de bain que je me levais pour nourrir mon Shanenja. Je l’avait vu en train de dormir sur son coussin tout à l’heure et quelque chose me disait qu’il avait du passer sa journée à s’amuser avec Cobalt.

Précautionneusement, je lui préparais son repas, et lui apportais sa gamelle. Il se réveilla presque instantanément, au moment où j’arrivais près de lui, ayant certainement sentis l’odeur de son repas et la mienne. Après lui avoir offert une caresse, je déposais sa gamelle sur le sol et lui souhaitais bonne nuit. J’allais directement me coucher, n’ayant plus de force et ne trouvant qu’un semblant de repos dans le sommeil. Il était toutefois indéniable que je fuyais Gabriel…

Une fois étendu dans le lit, je rabattis la couverture sur moi, et fermais les yeux, sans pour autant trouver le sommeil. Peu de temps après, Gabriel sorti de la salle de bain et alla s’installer sur le canapé, après avoir allumé la télévision. Ce n’est que bien plus tard, qu’il me rejoignis. J’avais beau avoir les yeux fermés, il savait que  j’étais réveillé. Dans l’obscurité, j’entendis après un temps sa voix s’élever :

- Pourquoi crois-tu être capable de supporter ta douleur tout seul… Ne puis-je pas t’aider ? Tu me crois trop faible pour le faire ? Ou alors tu culpabilise sur le fait que ce soit Killian qui te met dans cet état ?

 Agacé par sa dernière phrase qui approchait trop prêt de la vérité, je répondis assez sèchement :

- De toute façon tu ne sais pas ce que cela fait !

- Non, je ne sais pas et alors ! S’exclama-t-il avant de me tourner le dos.

Sans lui répondre tout de suite, j’allais me coller tout contre lui, ne supportant pas cette distance que j’avais créé entre lui et moi. Celui-ci ne me repoussa pas, alors que je l’enlaçais de mes deux bras. Une fois ma bouche prêt de son oreille, je murmurais :

- Pardon…

 Les larmes commencèrent à mes monter aux yeux, sans que je puisse les retenir. Que Gabriel m’en veuille et s’éloigne de moi, c’était finalement pire que tout. Je le serrais encore un peu plus, pleurant silencieusement. Je le serrais encore un peu plus, pleurant silencieusement.

- Pourquoi tu ne me fais pas confiance Juha ? Après tout je suis adulte et apte à comprendre…

Touché par sa détresse et ses paroles, je décidais de me confier à lui :

- Je… Commençais-je, la voix enrouée par les larmes. Je suis désolé… A cette période de l’année depuis plus de dix ans maintenant, je réagis toujours comme cela. Je m’isole, je m’éloigne… Et je tombe dans un état lamentable. A chaque fois, en prison, je finis à l’infirmerie. Je sais que ça peut paraître idiot… Après plus de dix ans, ne pas avoir fait son deuil, c’est… Mais comment oublier le fait qu’il n’est plus là par ma faute… C’est aussi dur pour moi de t’infliger cela. Je… Je ne sais pas comment réagir, ni quelle doit être la bonne manière de se conduire face à ça. Je m’excuse Gabriel, mais je t’en supplie, retourne toi et prends moi dans tes bras…

Ma voix se noua dans un sanglot bruyant que je ne pu retenir cette fois-ci, et heureusement, Gabriel céda à ma requête. Après s’être retourné, ses deux bras m’enlacèrent et m’attirèrent tout contre son torse.  Cette fois-ci, plus aucune retenue ne fut possible, je pleurais comme rarement il m’arrivait de le faire, et Gabriel m’offrait ses bras sans concession aucune. Lentement sa main passait dans mon dos, me rassurant, me montrant qu’il était là. Pourtant, je ne parvenais pas à me défaire de cette culpabilité qui me rongeait depuis trop longtemps.

Gabriel me chuchotait des mots réconfortant, tandis que je me collais un peu plus contre lui. J’aimais sentir sa présence, son odeur, et sentir ce qu’il ressentait pour moi. Ainsi, au creux de ses bras, je sentais mon cœur s’emballer et revivre. Il finit par me murmurer, lorsque je me calmer enfin un peu :

- Tu sais Juha, tu n’as pas à craindre de me parler de tes problèmes, ou de quoi que ce soit d’autre. Je suis là pour cela non ?

Après un court silence, il ajouta, non sans hésitation :

- Dans un… Enfin dans… Un couple, il faut savoir parler de ce genre de chose…

Je ne restais pas indifférent à sa dernière phrase. Le mot qu’il venait d’employer, c’était la première fois… Je finis par m’écarter un peu de lui, et lui sourit avec les yeux rouges, en répétant légèrement amusé :

- Un couple ?

Gabriel se mit instantanément à rougir et commença à bégayer quelques mots incompréhensibles, totalement gêné. Ne souhaitant pas le laisser dans un tel état après ce genre de paroles, je m’approchais lentement de ses lèvres afin de quémander un baiser.

Gabriel ne perdit pas de temps à accéder à ma requête, et nous échangeâmes un très long baiser qui nous apportait tous les deux beaucoup. Je finis par quitter ses lèvres pantelant, me disant que cela faisait bien trop longtemps que nous n’avions pas partagé ce genre de chose. Ses mains étaient descendues bien trop vite sur le bas de mon dos… Seulement, nous savions tous deux que nous n’étions pas en état d’aller plus loin ; c’est pourquoi je m’écartais et déclarais, profondément touché, plus que je ne l’aurais cru :

- C’est la première fois que tu qualifie ainsi notre relation… C’est comme cela que tu nous vois ? Comme un couple ? Tu ne peux pas imaginer à quel point ça me touche et me fait plaisir…

- A ce stade de notre relation, nous sommes peut être plus que de simples amis intimes…

- J’espère bien… Répondis-je. Dans ce cas, apparaissons comme tel devant les autres, afin d’aller encore plus loin…

Je déposais ma tête contre son torse, inspirant profondément, avant de me laisser aller à fermer les yeux. Gabriel ne répondit rien, passant lentement sa main dans mon dos jusqu’à ce qu’il me rejoignit dans un sommeil profond. Je ne dormis pas beaucoup cette nuit là. Plusieurs fois je me réveillais, finissant par me lever très tôt le matin, ne voulant plus revivre le même cauchemar une fois de plus. Je m’installais sur le sol, au pied du canapé et allumais la télévision, sachant que dans moins de deux minutes une petite boule noir allait venir me réclamer un câlin. Et cela ne manqua pas. Shanenja me sauta presque dessus et s’assit lourdement sur mes jambes, sans gêne aucune. Ma main se posa sur son pelage duveteux, le caressant distraitement.

Gabriel se réveilla deux bonnes heures plus tard, me retrouvant endormi sur le sol, avec Shanenja étendu sur moi. Ce fut le bruit de son rire qui me réveilla, et je du faire face à une mine moqueuse.

- On dort mieux sur le sol ?

Me redressant un peu, je fis une moue boudeuse, tandis que Shanenja se levait pour lui offrir un bonjour digne de ce nom. Gabriel finit par me tendre la main afin de m’aider à me relever. Une fois à sa hauteur, il me prit par surprise et me vola un vif baiser, avant de s’emparer avidement de mes lèvres, m’offrant un bonjour tel que je les aimais. Nous finîmes par nous séparer et j’allais rapidement m’habiller afin de sortir Shanenja, pendant que Gabriel préparait le petit déjeuner. Je savais où nous allions aujourd’hui et je savais que Gabriel avait prit deux jours de congé pour m’aider à surmonter tout cela.

Je tenais debout sur mes deux jambes, redressant la tête, souhaitant pour la première fois faire face pour ne pas infliger cet image du moi misérable à Gabriel.

Après une courte ballade, je retrouvais mon café déposé sur la table et Gabriel qui m’y attendait. Je pris place en face de lui, sans trop savoir comment réagir. Nous ne décrochâmes pas un mot du repas, jusqu’à ce qu’il me demande :

- Tu souhaites toujours y aller ? C’est ce que tu veux vraiment ?

- Je… Je n’ai jamais eus l’occasion de m’y rendre. Je n’ai jamais pu aller sur sa tombe… Si tu veux bien m’y emmener… Répondis-je avec hésitation.

- J’espère que ce n’est pas une question ! J’irais juste nourrir et voir mon oiseau et nous irons cet après-midi. J’ai deux trois choses à voir au ranch avant…

- Je t’attendrais là, si ça ne te dérange pas. Je suis désolé, mais je…

- Tu préfères ne pas voir trop de monde, oui je sais. Je commence à te connaître. Me coupa-t-il avec un sourire.

Après un temps où je méditais sur ses paroles, je finis par dire :

- Encore une fois : merci Gabriel…

Après avoir fini notre petit déjeuner, Gabriel s’habilla et se rendit au ranch, non sans m’avoir volé un baiser.

Je profitais de la matinée qui m’était offerte pour sortir faire quelques courses avec Shanenja. A vrai dire, je me refuser à rester seul et retomber dans le même état dans lequel Gabriel m’avais trouvé hier soir. L’inactivité était ce qui me faisait plonger. Je commençais ma ballade en m’enfonçant dans la nature, quittant la petite ville. Une fois sur qu’il ne risquait rien, je lâchais Shanenja qui s’élança dans le champ de neige à toute vitesse. Quelques fois je le rappelais, m’occupant de son dressage comme j’en avais le temps. A mon plus grand bonheur, celui-ci écoutait de mieux en mieux.

Plus que tout je voulais oublier ce que j’avais fait ce jour là, des années auparavant, jours que j’aurais préféré ne plus vivre chaque nuit de cauchemar, jour qui m’avait fait perdre l’être que j’aimais…

Après un temps indéfini, je finis par rentré après avoir jouer un bon moment dans la neige, même si Shanenja  sentait que le cœur n’y était pas. J’allais faire quelques courses, puis rentrais pour me réchauffer. Une fois à l’entrée de l’appartement, j’enroulais Shanenja dans une serviette qui lui était destiné, afin de le sécher. Après m’être occupé de son cas, j’allais prendre une bonne douche chaude et commençait à préparer un repas pour Gabriel. Je savais que je ne pourrais rien avalé aujourd’hui, me rappelant que mon café était très mal passé. 

Gabriel ne tarda pas à rentrer et il me retrouva assis sur le canapé avec Shanenja à mes pieds.
- Tu as faim ? Lui demandais-je en tournant la tête vers lui. Il y de quoi manger dans la cuisine, je t’ai préparé à repas.
- Tu ne manges pas ? Ca fait pas mal de repas que tu sautes… Me dit-il d’un air réprobateur.

Cependant, il n’insista pas et alla dans la cuisine sans un mot de plus, pour revenir avec son assiette et manger à côté de moi. Une fois qu’il eut finit, nous nous préparâmes tous deux à partir, pendant que je lui donnais le nom de ma ville natale, là où tout s’était produit et où je pensais ne jamais remettre les pieds. Pourtant, tout comme Gabriel, je savais qu’il était nécessaire d’allait me recueillir au moins une fois sur sa tombe : une épreuve difficile à passer pour lui comme pour moi. Nous laissâmes Shanenja à l’appartement et nous nous retrouvâmes rapidement sur la route, n’ayant pas de temps à perdre au vu du trajet qui nous attendait.
Celui-ci ce fut en silence, et bien que Gabriel soit assez mal à l’aise face à mon état, j’avais de plus en plus de mal à le camoufler. Même s’il faisait assez froid, je finis par entrouvrir ma fenêtre, trouvant l’air de plus en plus irrespirable. J’avais cette boule dans la gorge qui se serrait au fur et à mesure, et je ne savais toujours pas comment j’allais réagir face à son nom gravé dans le marbre. Je trouvais le chemin à la fois terriblement long et bien trop court. Je finis par serrer mes poings, tentant vainement de cacher ma peur et ma nervosité. Je tournais la tête vers la fenêtre, après un bref coup d’œil jeté à Gabriel. Le paysage défilait devant mes yeux, mais je ne regardais pas vraiment.  Je sentis alors la main de Gabriel se poser sur ma cuisse, me faisant ressentir sa volonté de réconfort et son inquiétude pour moi. Il savait que mes réactions pouvaient à tout moment le blesser, et il craignait que je m’éloigne encore un peu plus de lui. Mais je ne parvenais pas à prendre le dessus sur moi-même pour tenter de le rassurer. Je n’en étais pas capable, du moins, pas aujourd’hui… Le seul geste que je pu faire fut de recouvrir ma main de la mienne. Je tournais la tête vers lui alors qu’il m’offrait un bref sourire. Aucun son ne sortit de nos lèvres, n’ayant rien à dire dans un tel instant.
Ma poitrine se serra douloureusement lorsque je vis le panneau qui indiquait ma ville à une dizaine de kilomètre. Les larmes me montèrent aux yeux, mais je les ravalais grâce à la puissance de mon orgueil. Mon regard se posa sur mes genoux une fois que nous pénétrâmes dans la ville. Je n’avais aucune envie de voir une personne que j’avais connue dix ans auparavant. J’imaginais encore moins revoir tous les lieux où j’avais vécu, et ceux où Killian et moi avions passé pas mal de temps. Je me contentais d’indiquer la route à Gabriel de mémoire qui me dit bien vite qu’il avait vu l’indication du cimetière. Mais je sus lorsque nous passâmes devant chez moi… Est-ce que mes parents habitaient toujours la ville ? Est-ce que cette maison était toujours la leur ? Sans trop réfléchir, je redressais vivement la tête, et mes yeux se posèrent sur la bonne maison, sous le regard plein d’interrogation de Gabriel. Je ne dis rien, me contentant de la fixer : elle était déserte et inhabitée. Depuis combien de temps étaient-ils partis ?
La voiture s’arrêta soudain, alors que mon regard n’avait pas décroché d’un pouce mon ancien lieu d’habitation.

- Juha ? Tu veux aller voir ? Tu regarde cet endroit avec tellement d’insistance. C’était là où il habitait ?
- Non, je ne veux pas aller voir. C’était là que… C’était là que nous habitions avec mes parents avant que je… Ils sont partis apparemment…
Le silence se fit quelques instants, jusqu’à ce que je lui dise, détachant mes yeux de ce lieu pour les plongé dans ceux de Gabriel :
- On continu ?

Gabriel s’approcha alors de moi et déposa simplement un baiser sur mes lèvres, les effleurant à peine, en un simple geste empli de tendresse, comme si c’était le seul moyen qu’il avait pour me montrait qu’il était là. Je savais qu’il se sentait totalement impuissant face à tout cela, mais je ne voyais pas vraiment quoi faire de mon côté. Certes, j’étais bien trop concentré sur mes propres problèmes aujourd’hui, mais il m’était impossible de faire autrement. Jamais je n’aurais pensé qu’après tout ce temps, j’appréhendais d’aller me recueillir sur sa tombe, de retrouver cette ville et cette vie passée que j’avais définitivement quitté. J’avais souvent rêvé pendant mes dix années de prison de ce moment là, mais je n’aurais jamais pensé qu’il arrive si tôt. Cela pouvait d’ailleurs paraître paradoxal…

Nous finîmes par reprendre la route, mon cœur battait de plus en plus vite et je me sentais de moins en moins bien. Un poids énorme m’oppressait : le poids de la culpabilité. Je n’avais pas jeté de dernier regard à mon ancienne maison. A vrai dire je l’avais oublié, j’étais maintenant trop concentré sur Killian qui comptait à mes  yeux bien plus que ma famille. Gabriel ne disait pas un mot, et je ne le comprenais que trop bien.

Lorsque nous arrivâmes sur le parking placé devant le cimetière, j’eus beaucoup de mal à contenir les tremblements qui saisissaient mes mains. Je sentais le regard de Gabriel posé sur moi et pourtant, je n’osais pas redresser la tête pour le regarder en face. Ce ne fut qu’après un temps bien trop long que Gabriel finit par dire :

- Tu veux que je vienne avec toi ? Ou tu préfères que je t’attende ici ?

- Je… Je vais y aller seul. Dis-je sans grande conviction.

Après un dernier regard qu’il n’arriva pas à déchiffrer, je sortis lentement de la voiture. Mon estomac se tordait dans tous les sens et ma poitrine était tellement comprimée qu’il m’était difficile de respirer. D’un pas peu sur et chancelant, je marchais jusqu’à l’entrée sur cimetière. Seulement arrivé devant les grilles, mes jambes refusèrent d’aller plus loin. Etait-ce du au fait que je commencais à apercevoir les tombes ? Ou alors était-ce à cause d’un problème bien plus profond… ? Voir sa tombe, c’était comme accepter sa mort, se receuillir sur celle-ci c’était aussi lui dire au revoir… Puisqu’un  adieu n’était pas possible, j’arrivais encore moins à me résoudre à lui dire cela.

J’étais là, devant le cimetière, je n’avais que quelques pas à faire, mais je n’arrivais pas à m’y contraindre. Les yeux dans le vague, le corps immobile, je ressemblais d’avantage à tous ceux qui étaient enterré ici qu’à ceux qui parcouraient encore cette terre sur leurs deux pieds. Pourtant il fallait que je m’éveille, je ne pouvais pas faire cela à Gabriel. Mais même le savoir ne m’aider pas à à le faire. Je ne voulais pas qu’il s’éloigne de moi, mais c’était moi qui était en train de le faire. Même si mon cœur s’emballait à chaque fois que je l’apercevais, que chacun de ses baisers m’irradiaient d’un bonheur que je n’avais pas connu depuis des années, et que sa présence m’était plus que bénéfique, je ne pouvais pas encore répondre à ses attentes.

Tout se rapportait toujours au même problème, centré sur une seule personne qui n’était plus là… La mort de Killian, mes années de prison et ce que j’y avais vécu m’avaient appris une chose : quoi qu’il arrive, nous sommes toujours seuls. Même si la vie avec Gabriel me faisait miroiter une vie à deux possible, j’avais du mal à y croire… Cette foi m’avait quittée le jour où j’avais ôté la vie de ma moitié…

Perdu dans des pensées que je ne cessais de ressasser, je ne sentis pas Gabriel approcher, et ne m’aperçus de sa présence que lorsqu’il posa sa main sur mon épaule. Je pouvais ressentir toujours ce même sentiment bénéfique à mon égard, mais aussi son inquiétude à mon sujet et sa peur au sujet de notre relation qui se fissurait. Juste derrière moi, d’une voix posée, comme s’il était en train de lire en moi, il déclara :

- Tu n’es plus seul Juha… Je suis là, et je ne te laisserai plus affronter cela tout seul.

Sans me laisser le temps de réagir et de réaliser ses paroles, il me saisit par la main et m’attira avec lui dans le cimetière, déterminé. Pris par surprise, je le suivais, sans rien dire, ni même protester. Arrivé devant le petit bâtiment du gardien, il me laissa seul et alla demander la localisation de la tombe de Kilian, avant de revenir me voir. Il saisit de nouveau ma main et m’amena rapidement devant le lieu qui m’effrayait. Nous parcourûmes les allées peut être un peu trop rapidement pour moi, mais il le fallait afin que je ne puisse faire marche arrière.

Je ne regardais aucune tombe, par peur d’y voir graver le nom de mon amant défunt. Gabriel s’arrêta soudain, et je fus contraint de faire de même. Il regarda la tombe qui ne devait être autre que celle de Killian tout en me lâchant maintenant la main. Ce n’était plus à lui de faire quoi que ce soit, il m’avait aidé jusqu’au bout et je lui en étais plus que reconnaissant. Il suffisait maintenant que je me tourne, et ce fut les yeux brillants de larmes que je m’exécutais enfin. La vue troublée, mon cœur se souleva lorsque je pu lire son nom et sa date de naissance et de mort. C’était une des tombes les plus fleuries, et je réalisais que je n’avais rien apporté. Une photo était déposée sur le côté de sa tombe. C’était une photo que j’avais prise de lui, certainement restée dans ses affaires. Je m’en rappelais comme si c’était hier, c’était quelques jours avant que nous apprenions qu’il était condamné. S’il m’avait parut plus âgé que moi pendant notre relation, ce n’était maintenant plus le cas. Il était comme resté figé dans le temps, ne faisant plus partit du mien. Alors que je continuais à avancer tant bien que mal, il s’était arrêté et je n’avais rien pu faire pour qu’il me suive…

 

Cela faisait quelques jours que je trouvais Killian plutôt distant. Je n’avais de cesse que de lui téléphoner afin de pouvoir le voir, mais il me disait qu’il était occupé et aurait du temps plus tard. Je savais qu’il me cachait quelque chose et j’avais du mal à supporter la distance qu’il nous imposait. Ce soir là, je m’étais violemment disputé avec mes parents et j’étais sortit, me dirigeant inconsciemment jusqu’à chez lui. J’avais besoin de sa présence et ses jours de séparation m’avait rendu irritable avec tout le monde. Je me retrouvais donc devant sa porte, et hésitais à frapper. Je pouvais entendre quelques bruits dans l’appartement, signe indéniable qu’il était ici. Après avoir pris une grande inspiration, je frappais quelques coups brefs. Killian ne tarda pas à venir m’ouvrir. Il avait une petite mine, mais tenta de le cacher dès qu’il me vit. Son regard sévère se posa sur moi et il déclara :

- Je t’avais dis que j’avais du boulot…

- Jamais le boulot t’as empêché de me voir, dis-je avec un petit sourire, ne souhaitant surtout pas une dispute.

Il se contenta de soupirer, s’écartant pour me laisser passer. Il n’avait même pas esquissé un geste tendre vers moi, et encore moins chercher à m’embrasser. Ravalant ma rancœur, je rentrais dans son appartement que je connaissais parfaitement et allais m’asseoir sur le canapé comme si j’étais chez moi. Remarquant la télévision allumée, je déclarais sur un ton moqueur :

- C’est comme cela que tu travailles ?

- Tu veux manger quelque chose ? me dit-il, sans relever ma moquerie.

- Mmm… Oui, répondis-je en me levant. Attends je vais t’aider.

- Non c’est bon, reste tranquille.

Je n’aimais pas du tout sa manière d’être. Docile, je m’assis sur le canapé, regardant simplement la télévision, blessé de ses rejets répétitifs. Il revint un bon quart d’heure plus tard avec deux assiettes bien remplie et s’assit à une distance qu’il n’avait jamais imposée entre nous. Je ne fis aucun commentaire, me contentant de manger. Une fois nos deux assiettes terminée, j’allais faire la vaisselle et revenais dans le salon pour le trouver endormi.

Lentement, je m’approchais de lui, m’asseyant à ses côtés, puis callant ma tête tout contre son épaule. Si je ne pouvais l’approcher lorsqu’il était éveillé, je pouvais au moins le faire maintenant. Il me manquait bien trop. Dans un semi sommeil, il passa son bras autour de mon cou, me faisant poser ma tête sur son torse. Je pouvais entendre les battements de son cœur et les mouvements de sa respiration me berçaient. Maintenant collé tout contre lui, je pouvais chercher des réponses à son attitude.

Je sentais qu’il me cachait quelque chose et par respect je ne cherchais pas à aller plus loin. Il parvenait à me résister, mais je savais que je pouvais savoir si je le voulais vraiment. C’était d’ailleurs le seul qui avait quelques résistances vis-à-vis de mon don. Nous restâmes un moment ainsi, jusqu’à ce que Killian se réveille et me propose d’aller dormir. Il me passa un des pyjamas que j’avais laissé ici, et alla se coucher simplement en boxer, se mettant sous les draps. Je ne mis pas longtemps à aller le rejoindre, me collant directement contre lui. Progressivement mes lèvres allèrent se déposer dans son cou et ma main parcourut son torse qui avait toujours la même douceur. Je n’avais pas envie de dormir tout de suite, et je tentais de lui faire comprendre. Seulement après à peine deux minutes, il attrapa ma main et déclara simplement :

- Pas ce soir Juha…

Aussitôt, je me redressais, me callant sur mon coude afin de pouvoir voir sa tête. Jamais il n’avait refuser ce genre de chose. Avec sérieux, et ne supportant plus les cachoteries, je déclarais à mon tour :

- Qu’est ce qui se passe Killian ? Tu es distant depuis plusieurs jours, tu agis comme si je n’existais plus, tu m’évites, et tu refuses presque tout contact… Nous ne nous sommes même pas embrassé depuis que je suis là.

- Qu’est ce que tu racontes Juha, je suis juste fatigué… J’ai…

- Tu as trouvé quelqu’un d’autre c’est ça ? Tu peux me le dire tu sais, au moins ça m’évitera d’être dans l’incertitude !

- N’importe quoi Juha, c’est la pire connerie que j’ai pu entendre !

- Alors dis-moi ce qui ne va pas où…

Je fus coupé par ses deux bras qui m’enlacèrent dans le but de m’embrasser, mais je ne me laissais pas faire. Je repoussais son étreinte et les yeux brillants de larmes, je poursuivis :

- Ne m’oblige pas à utiliser ce que tu sais pour savoir. Je veux l’entendre de ta propre bouche, ce sera moins douloureux. Mais je t’en pris… Dis-moi ce qui ne va pas, ne me laisse pas comme cela !

Ses yeux se baissèrent, fuyant mon regard. Il semblait soudain si triste. D’une voix grave et tremblante qui me laissait présager le pire, il me dit d’un seul coup :

- Je suis malade… Il ne me reste plus beaucoup de temps à vivre… Juha, je suis condamné…

 

Pourquoi fallait-il que je me souvienne de cela maintenant… Les  larmes continuaient de mouiller mes yeux en regardant cette tombe qui me paraissait si froide. Y faire face était finalement plus dur que tout. Ce n’étais qu’une pierre, son corps était enterré en dessous, mais j’étais en train de faire face à une bien plus cruel réalité : il n’était plus. Mes jambes lâchèrent, ne parvenant plus à supporter mon poids, et je me retrouvais à genoux devant sa tombe, ne parvenant à pleurer comme j’en aurais eut réellement besoin. Je restais là, face à sa tombe, sans bouger, me rappelant des derniers mois que j’avais vécu avec lui, de notre dernière fois, de notre dernier baiser, de ses dernières paroles…

Après un temps dont je n’aurais sur juger la durée, je sentis Gabriel, resté en retrait jusqu’à maintenant, se rapprocher de moi.

- Juha ? Il est assez tard, le cimetière va bientôt fermé… Nous partons dans peu de temps.

Je pris encore quelques minutes pour regarder une dernière fois sa tombe et lui dire au revoir. Gabriel se tenait juste à côté de moi, et je ne savais comment j’aurais pu faire s’il ne m’avait pas soutenu jusqu’ici. Je lui devais tant… Lorsque je sentis qu’il était temps, je me redressais, soutenu par Gabriel qui m’enlaça presque aussitôt. Il ne m’en fallut pas plus pour éclater en sanglot dans son cou. Sa main passait tendrement sur mon dos, dans la volonté de m’apaiser. Jamais je n’aurais pu affronter la tombe de Killian sans lui… Dans un état second, il me guida jusqu’à la voiture et une fois que je fus assis, il ferma ma porte et vint prendre place à mes côtés. Je ne pus que lui souffler un merci, et il m’offrit un simple baiser avec un sourire. Le trajet du retour se fit en silence, je me laissais aller à fermer les yeux, épuisé mentalement et désirant me couper du monde. Mes larmes s’étaient taries et je sentais cette fatigue m’envahir. Nous arrivâmes assez tard à la maison, Gabriel me demanda si je voulais manger quelque chose et devant ma réponse négative, il n’insista pas. Après une légère douche j’allais directement me coucher, laissant Gabriel s’occuper de Shanenja. Celui-ci me rejoignit après un temps, venant se coucher tout près de moi, comme en manque de mon contact. Je sentais qu’il me savait réveiller, pourtant, je gardais les yeux désespérément clos.

Sa main glissa sur mon torse en une caresse que je ne lui avais jamais connu. Il se colla  encore plus près, comme s’il avait peur de me perdre. Je pouvais sentir sa détresse, mais j’étais comme figé, incapable d’offrir quelque chose à l’autre. Sa bouche dévia lentement vers mon oreille, et son souffle dans mon cou m’irradia de frisson. Soudain, dans un murmure à peine perceptible, je pus entendre :

- Je t’aime Juha…

Mon cœur se serra et mes yeuxs’ouvrèrent, tournant la tête vers Gabriel sans pouvoir continuer à faire semblant de dormir. Le pire était de percevoir ses ressentis et de voir ses yeux posés sur moi dans l’attendre d’une réponse. Mais je n’arrivais pas à lui dire quoi que ce soit, pas même à esquisser un geste vers lui. La seule chose que je pu faire, fut de détourner les yeux. Gabriel n’en supporta pas plus et il s’éloigna de moi, me tournant tout simplement le dos. Pourquoi me le disait-il ce soir là ? Pourquoi maintenant ? Comment pouvait-il me demander de lui dire ces trois mots le jour la mort de Killian. J’en était tout simplement incapable, emprisonné, incapable de faire mon deuil.

Je passai une nuit atroce, ne cessant de revoir cette scène mêlée à celles avec Killian. Je m’en voulais de faire mal à Gabriel et encore plus de m’éloigner de lui ainsi. Que devait-il penser de moi… Ce n’est que très tôt le matin que je parvins à trouver le sommeil, supportant difficilement de ne pas l’avoir tout contre moi.

Le lendemain matin je me réveillais avec difficulté, Gabriel n’était plus dans le lit. Je pouvais entendre qu’il était en train de prendre sa douche. Difficilement, un mal de tête me martelant les tempes, je me dis qu’il était temps de se lever et d’aller travailler, même si j’avais demandé trois jours à Philippe. Cela ne servait à rien de me morfondre, surtout si cela m’éloignais encore plus de Gabriel. J’allais dans la cuisine et préparais un petit déjeuner pour nous deux. Gabriel ne tarda pas à me rejoindre, propre et habillé, et s’assit en face de moi sans un mot. Il m’en voulait énormément, et au moment où je lui passais le pot de confiture, il déclara froidement :

- Tu n’as toujours rien à dire à propos de ce que je t’ai dis hier soir ?

Je me contentais de baisser les yeux, sans trop savoir quoi faire. Je perdais mes moyens et je n’aimais vraiment pas cela.

- Je crois que la moindre des choses, c’est de répondre quelque chose, poursuivit-il agacé. Je ne demande pas grand-chose, juste une demande positive ou négative. Ou alors, tu aurais pu me demander du temps… Mais rester comme cela, sans aucune réaction, comment peux-tu me faire cela Juha ?

Je répondis alors, sans trop réfléchir, mais trahissant ma crainte :

- Tu as dis m’aimer uniquement par peur de me perdre…

- Parce qu’avoir peur de te perdre n’est pas justement une preuve d’amour ? Me répondit-il, toujours sur le même ton.

- Pourquoi juste après le cimetière ? Pourquoi ce jour-là ? lui demandais-je, la voix tremblante.

- Cela fait longtemps que je veux te le dire Juha, et tu as même empêché plus d’une tentative, consciemment ou inconsciemment. Oui j’ai peur de te perdre, parce que tu es en train de t’éloigner de moi.

- Juste pour ces deux jours Gabriel… Excuse-moi de ne pouvoir répondre à tes attentes les jours de la mort de Killian ! Répliquais-je énervé à mon tour, comme pris en faute.

- Ah parce qu’il a des jours opportun pour dire que je t’aime ! Je ne suis pas un putain de jouet. Tu ne peux pas m’utiliser à ta guise. Moi je suis là, je reste comme un con à te regarder t’éloigner de moi… Parce que tu l’aimes toujours n’est ce pas ? Choisis Juha… Je ne peux pas rester comme cela, à attendre que tu daignes enfin faire ton deuil… Je suis humain bordel, et là tout ce que je vois, c’est l’amour que je te porte et que tu bafoues. Tu joues de me sentiments pour toi… Si tu ne réagis pas Juha, tu me perdras, car je n’ai pas l’intention de t’attendre indéfiniment…

Sans un mot de plus, il se leva, attrapa sa veste et quitta l’appartement en claquant la porte. Shanenja choisit ce moment là pour débouler dans mes jambes. Il devait avoir finit de manger. Je posais ma main sur sa tête, sans avoir le cœur de faire plus. Les paroles de Gabriel transpiraient de vérité, et je retenais avec difficulté des larmes.

Tout ce bonheur était en train de s’effondrer, encore une fois à cause de moi. J’avais ôté la vie à mon premier amant, et je ne pouvais répondre aux attentes de l’autre. Je n’étais qu’un idiot. Après une douche, je m’habillais rapidement puis sorti de l’appartement avec Shanenja. Une bonne marche avant d’aller travailler me ferait beaucoup de bien.

Sur le chemin, je lâchais Shanenja qui s’élança dans les champs, me suivant à distance. Le vent frappait violemment mes joues et glaçait les quelques larmes qui échappaient à ma retenue. Je mis plus de temps que d’habitude à arriver au centre. Une fois que je l’aperçus, je vis la voiture de Gabriel garrée grossièrement sur le parking, mais une silhouette semblait toujours rester à l’intérieur. Gabriel sortit de la voiture, lorsque j’étais à quelques mètres. Il me jeta un bref coup d’œil, me laissant remarquer ses yeux rougis.

Mais une autre personne attira alors mon attention.  Un homme, un peu plus âgé que Gabriel, provenant du bureau de Philippe, regardais Gabriel avec insistance. Je n’aimais pas du tout son regard. Qui cela pouvait-il bien être ? Arrivé à quelques mètres de nous, il appela Gabriel par son prénom. Celui-ci se retourna, me tournant le dos, chose qui ne me laissait rien présager de bon…

 A suivre…