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Beyond the invisible - chapitre 11 part 01

28 février 2013

Chapitre 11 par Lybertys

Shanenja aboya bruyamment lorsqu’il rencontra Cobalt, courant joyeusement vers lui. Cependant, je l’occultais de mon monde, toute mon attention étant prise par l’homme qui était en train de regarder Gabriel trahissant une familiarité déconcertante, comme s’il le connaissait parfaitement.

- Bonjour petit prince, ajouta le jeune homme avec un sourire.

C’est à ces derniers mots que Gabriel changea du tout au tout. Comme figé, il le regardait alors que celui-ci se contentait de l’admirer avec cette lueur dans le regard qui me déplaisait. Il connaissait Gabriel, et j’avais peur de comprendre de qui il s’agissait. Amusé par la réaction de Gabriel que je ne pouvais percevoir étant dos à moi, l’homme finit par dire à Gabriel :

- Et bien, tu ne dis plus bonjour ?

Alors que Gabriel portait toute son attention sur lui, un large sourire vint se dépeindre sur le visage de son vis-à-vis alors qu’il le regardait avec tendresse et amusement. Mon cœur s’emballa, créant une douleur plus sensible dans ma poitrine, j’avais compris… Si l’homme que j’avais aimé était mort, ce n’était pas le cas de l’ami d’enfance de Gabriel qui avait fini par le retrouver. Gabriel accourut vers lui pour se jeter dans ses bras tendus vers lui, en sanglotant bruyamment :

- Oh mon Dieu… C’est toi… C’est bien toi, sanglota-t-il sans parvenir à se contrôler. Tu m’as tellement manqué.

Le jeune homme se pencha vers l’oreille de Gabriel et lui murmura des paroles similaires. J’assistais impuissant à leur retrouvailles, coupant de ce que nous étions en train de vivre avec Gabriel. De plus, voir ainsi Gabriel dans les bras d’un autre était plus dur que je ne l’aurais cru. Ce Kay arrivait au mauvais moment, l’éloignant de moi plus qu’il n’était déjà le cas ; le pire étant que j’étais impuissant face à ma propre défaite. Je réalisais trop tard l’ampleur de mon geste et la portée de ce que je n’avais pas fait hier soir. J’aurais du le prendre dans mes bras, réagir…

Au lieu de cela, j’avais laissé Gabriel s’éloigner de moi comme je l’avais fait ces derniers jours, et il semblait que j’allais à mon tour en payer le prix. La main de Kay frottait le dos de Gabriel avec une familiarité déconcertante. Son regard croisa le mien un court instant, je ne pus que le fixer avec un air glacial.

Il lui murmura de nouveau quelque chose à l’oreille et Gabriel s’empressa de lui répondre entre deux sanglots.

Leur échange de murmures non audible dura un moment que je jugeais trop long, mais je n’avais pas mon mot à dire, surtout maintenant, après ce qui venait de se passer. Ce fut certainement le baiser dans les cheveux de Gabriel de la part de Kay qui me parut de trop et qui me fit craquer, déjà honteux de la réaction que je pourrais avoir lors de notre échange.

- Gabriel ? Tu ne nous présentes pas ? Demandais-je, sans parvenir à faire taire la pointe de reproche au milieu de laquelle ma jalousie transparaissait.

C’est à contrecœur que Gabriel sembla s’arracher à l’étreinte de Kay, et n’osant croiser mon regard, il entreprit de nous présenter bien que nous sachions tous deux parfaitement à qui j’avais affaire :

- Juha, je te présente Kay, mon ami d’enfance dont je t’ai déjà parlé… Kay, voici Juha, mon… Mon.. ?

- Son amant, répondis-je froidement à sa place sans parvenir à me contrôler.

La tension monta lourdement lorsque nous échangeâmes une poignée de main courtoise mais extrêmement froide. Mais cela ne m’empêcha pas de ressentir ce que j’avais trop peur de m’imaginer quelques instants auparavant. Kay débordait d’amour pour Gabriel. Un amour si pur qu’il me désarçonnait, m’envoyant en plein visage ce que Gabriel recherchait désespérément de ma part.

Même la jalousie qu’il éprouvait pour moi était masquée par ce sentiment. Les larmes faillirent me monter aux yeux, mais furent chassées par une colère froide envers ma personne, chose dans laquelle j’avais toujours excellé. Je ne pouvais pas rester, ou j’allais déraper pour de vrai, ou me mettre à pleurer bêtement pour montrer une fois de plus mon mauvais côté à Gabriel. J’étais déjà assez faible à ses yeux pour en rajouter.

- J’vous laisse, j’ai du travail. Ravi d’avoir fait ta connaissance, Kay…

- Moi de même, répondis-Kay, en saisissant la main que je lui tendais, alors que j’avais déjà redressé mes barrières mentales, loin de vouloir retenter l’expérience.

Leur tournant rapidement le dos, je pris le chemin de l’écurie, j’avais du travail en retard, et ce ne serait que dans l’activité physique que je ne penserais pas à tout cela. Cela n’empêcha pas à mes larmes de commencer à rouler sur mes joues, ayant l’impression de le perdre pour de bon en le laissant à cet homme qui l’aimait à ce point. Jamais je n’aurais cru qu’un tel sentiment soit possible.

J’avais retrouvé le même que Killian éprouvait pour moi. Je n’avais jamais cherché à sonder Gabriel à ce sujet, m’obligeant à dresser une barrière descente pour ne pas empiéter sur son âme, et c’était peut être pour cela que j’avais été sourd à sa détresse lorsqu’il m’avait déclaré ses sentiments. Trop concentré sur moi, je m’étais éloigné de lui à l’instant le plus important, oubliant que c’était une étape cruciale pour lui, et l’abandonnant au pire moment. Cela ne faisait que prouver une fois de plus ma faiblesse…

Entrant dans l’un des box qui méritait le plus d’être nettoyé après avoir pris le nécessaire pour le faire, j’entamais mon travail, ravalant mes larmes, me refusant à pleurer pour de bon. Royale for You était une jument assez calme, qui s’écarta pour me laisser la place. Refermant consciencieusement la porte derrière moi, je profitais du silence qui régnait dans l’écurie, les autres devant être devant être occupés ailleurs. Les mains tremblantes, je saisis la fourche et entamais mon travail.

Seulement, mon répits fut de courte durée, deux voix dont une que je ne connaissais que trop bien, me prévenait que Kay et Gabriel n’allaient pas tarder à arriver. Curieux malgré moi, continuant tout de même mon travail, je tendis l’oreille.

- Lorsque j’ai quitté l’orphelinat, le jour de mes dix-huit ans… Ou plutôt, devrais-je dire, quand ils m’ont mi à la porte, j’ai tenté désespérément de savoir où tu étais, mais… Tu semblais avoir… Disparu… Comme si tu n’avais jamais existé que dans mon imagination.

Gabriel fit une pause. J’étais en train d’assister aux retrouvailles de deux hommes qui s’étaient aimés par le passé. Assistant en retrait à cette scène, j’avais l’impression de perdre ma place. J’entendais la voix tremblante de Gabriel et la douleur qui émanait de lui. Mais j’y restais sourd. Depuis que j’avais touché la main de Kay, j’avais eu bien trop peur de sonder à mon tour Gabriel pour découvrir le même genre de sentiments. La voix brisée par l’émotion, Gabriel poursuivit :

-  Je t’ai cherché pendant des jours entiers… Où étais-tu ? Pourquoi ne m’as-tu pas attendu ? Après ça, j’en suis arrivé à te haïr pendant un temps. Je pensais que tu m’avais abandonné toi aussi, que ce que nous avions vécu ensemble tout au long de ses années n’était rien pour toi… Et… Du jour au lendemain, tu réapparais dans ma vie sans que je ne sache ni pourquoi ni comment… Poursuivit-il alors que sa voix se brisait en un sanglot incontrôlable.

Je ne les voyais pas, mais j’étais presque sur que Kay était en train de le prendre dans ses bras en ce moment. D’une voix douce, il commença à parler, me donnant cette désagréable impression d’être maintenant l’ombre noire du tableau :

- J’ai pensé t’attendre, Petit Prince… Je ne vivais que pour le jour où l’on se retrouverait enfin… Mais, plus le temps passait plus je me disais que si nous en étions arrivé là, c’était par ma faute, que tu avais suffisamment souffert à cause de moi… Je voulais que tu puisses avoir une vie normale pour un enfant de ton âge, que tu sois heureux…

- Comment peux-tu dire cela ? Demanda alors Gabriel indigné. Je n’ai jamais été aussi heureux que lorsque tu étais près de moi… Tu étais mon seul ami, Kay… Le seul à avoir prit soin de moi et à m’avoir apporté l’amour que tout le monde me refusait…

- Arrêtes de m’idéaliser, Gabriel ! S’exclama-t-il à son tour. Aurais-tu oublié ce qu’ils t’ont fait subir ? Trois jours… Trois putains de jour ils t’ont laissé enfermer dans cette cave…

Mon cœur se serra, sa douleur et sa souffrance passée, je ne la connaissais que trop bien. C’était celle-là même qui m’avait cruellement déstabilisé et bouleversé lors de notre première rencontre.

En les écoutant, j’en apprenais d’avantage sur le passé de Gabriel, passé qu’aucun homme n’aurait du vivre…

- Comment veux-tu que je l’oubli ? S’emporta Gabriel, blessé. J’en fais constamment des cauchemars… Tu ignores tout de cet enfer que j’ai vécu après ton départ, ajouta-t-il bien plus bas.

- Tu n’avais pas à subir les conséquences de mes actes, reprit Kay, lui aussi, plus calmement.

- J’étais tout aussi coupable que toi, répondit Gabriel.

- Pardonne-moi, souffla alors Kay.

J’avais l’impression d’être le spectateur d’un film qui n’acceptait pas ma présence en tant qu’acteur. J’avais même cessé totalement mon travail pour écouter. Après un silence, Kay ajouta sur un ton plus léger :

- A peine nous nous retrouvons que déjà nous nous crions dessus.

- Comme au bon vieux temps, répondit Gabriel.

Comment aurait réagit Gabriel si Kilian était encore vivant et m’avait retrouvé après toute ses années. Aurait-il sentit cette jalousie le ronger à chaque parole échangé ? Mais surtout, comment aurais-je réagis à sa place… Après un instant de silence, Gabriel repris la parole, me coupant dans mes réflexions :

- Mais ça ne répond pas à ma question.

- Je t’ai vu par hasard à la télévision…Finit par répondre Kay. Je ne savais pas que tu aimais les chevaux.

Ils étaient maintenant assez proches de mon box, mais s’arrêtèrent devant celui d’Orphée.

- Alors c’est lui le fameux Orphée ? Demanda Kay.

Rongeant mon mal en patience, je restais parfaitement immobile, comme si je ne voulais pas trahir ma présence. Après un temps qui me parut interminable, j’entendis Kay :

- Tout à l’heure, tu disais que ce n’étais pas à l’orphelinat qu’ils t’avaient nommé ainsi…

Kay ne termina pas sa phrase. Il en savait plus sur Gabriel et celui-ci se dévoilait à lui comme dans un livre ouvert, rien qui n’arrangeait ma jalousie et ma peine.

- Tu sais mieux que quiconque la manière dont ils m’appelaient là-bas, me hélant ou m’appelant d’une façon dont je n’oserais même pas appeler mon chien… Ca a empiré après que tu sois parti et pas seulement de la part des adultes… Lorsque je suis arrivé ici, naturellement, Philippe m’a demandé mon prénom. Evidement, je suis resté muet, n’en ayant jamais reçu ou si c’est le cas, ne l’ayant jamais entendu… Je te laisse imaginer l’humiliation que j’ai pu ressentir à ce moment… Mais Philippe est vraiment quelqu’un d’extraordinaire… Après m’avoir longuement détaillé, il a décrété qu’il m’appellerait Gabriel parce qu’il trouvait, je cite, “que je ressemblais à un ange avec mes longs cheveux blond platine et mes yeux bleus”…

Après une pause il poursuivit :

- Sans même me connaître, il m’a tout donné… Il m’a offert un nom, ainsi qu’un endroit ou vivre et un travail, le tout en moins d’une heure… Je ne le remercierais jamais assez pour tout ce qu’il a fait pour moi… Je lui dois ce que je suis…

- Tu as l’air de beaucoup tenir à lui, fit remarqué Kay. Et vue la façon dont il parle de toi, c’est réciproque…

- C’est vrai que je tiens à lui, c’est l’un des êtres le plus cher à mon cœur… D’une certaine manière, je vois en lui l’image paternelle que je n’ai jamais eu…

- Oui, je comprends, murmura Kay.

Un nouveau silence s’installa et un profond malaise me prit. Si je connaissais la douleur de Gabriel, si je la ressentais comme si elle était mienne, la partageant à son insu, je n’avais aucune idée précise de tout ce qui l’avait causée.

Pire encore, je m’étais coupé de lui ces derniers jours, me concentrant sur moi, et ignorant ce qu’il avait finit par me dévoiler hier soir en pleine détresse. J’avais eus tellement peur d’aimer quelqu’un à nouveau, et de le clamer haut et fort que j’étais resté sourd et aveugle, me cachant la vérité, et laissant Gabriel à ses tourments.

- Tu veux boire ou manger quelque chose ?

- Je veux bien un verre d’eau, s’il te plait, Gabriel, répondit-il en insistant sur son prénom.

C’est en sortant de l’écurie qu’il m’aperçut, réalisant alors que j’avais été témoin d’une scène qu’il n’aurait souhaité me faire voir. Nos regards se croisèrent un bref instant, avant que Gabriel baisse les yeux honteux. Je venais d’en apprendre sur lui plus qu’il n’avait jamais voulu me réveiller. Le regrettait-il ? Les yeux rivés sur le sol, il finit par poursuivre sa route, suivit de près par Kay qui me toisa d’un regard qui me déplaisait. Ils quittèrent l’écurie sans un bruit, me laissant seul. Déjà maintenant, je me sentais mis à l’écart, alors que je savais en être pour une grande partie responsable…

Mes jambes devinrent soudain très faibles. Sentant que je ne tiendrais plus très longtemps debout affaibli par ses derniers jours, je sortis du box avec les outils, et les laissaient devant, après avoir refermé la porte. Sans faire un pas de plus, je m’adossais contre le mur et m’assis sur la botte de paille. J’étais en train de le perdre… J’étais en train de perdre le seul homme qui comptait pour moi… Fermant les yeux et callant la tête contre le mur, je pris une profonde inspiration pour tenter de me calmer et surtout de ne pas me mettre à pleurer.

- Juha? Qu’est ce qui t’arrive ?

Je sursautais violemment, n’ayant pas du tout entendu Dorian m’approcher et encore moins s’arrêter à quelques mètres de moi. Ouvrant les yeux, je tombais nez à nez sur son visage emplie d’inquiétude réelle à mon égard, le même visage qu’il avait eut lors de notre première rencontre.

- Rien… répondis-je simplement las et fatigué.

S’agenouillant pour être à ma hauteur, il posa ses deux mains sur ses genoux pour se maintenir avant de me dire :

- Je ne t’ai pas vu ces derniers jours, tu étais malade ?

Troublé par ce soudain regain d’intérêt à mon égard, je lui demandais suspicieux :

- Depuis quand tu t’inquiètes pour moi Dorian ?

Baissant les yeux, Dorian répondit après un temps :

- Je tiens à m’excuser pour ce qui j’ai fait ces derniers mois Juha. Je n’ai jamais porté Gabriel dans mon cœur, et quand je t’ai vu aller vers lui, j’ai été… J’ai bêtement été…

- Jaloux ? Poursuivis-je à sa place, comprenant son sentiment plus que tout maintenant.

- Oui… Me confessa Dorian. Aujourd’hui je le regrette sincèrement. Nous aurions pu devenir de bons amis.

Ayant plus que toute peur de la solitude qui allait me peser un peu plus que d’habitude et surtout en ces circonstances, je répliquais :

- Il n’est peut être pas trop tard…

Dorian redressa le visage, m’offrant un sourire qui m’apaisa. J’y répondis faiblement, mais le cœur n’y était pas. Nous nous fixâmes un moment, je pouvais ressentir les sentiments de Dorian et ils attestaient la vérité de ses propos. Puis, semblant se rappeler que nous avions du travail, je me redressais alors que Dorian me demandait :

- Tu as beaucoup de box à faire, et je n’ai rien à faire pour le moment, que dis-tu d’un coup de main ?

- Ce n’est pas de refus, répondis-je en le remerciant.

C’est ainsi que nous abattîmes tous deux une quantité monstre de travail. Ayant retrouvé un peu de force à son contact, je concentrais mon énergie dans le travail, ne voulant penser à ce que m’avait dit Gabriel ce matin, à ce que j’avais appris et surtout à Kay qui était avec lui.

Nous trouvâmes largement de quoi nous occuper ensuite dans le manège couvert, devant remettre en état une partie du bois abimé et qui laissait passer le vent glacé. Le manque de nourriture de ces derniers jours se fit sentir, et je luttais contre la fatigue. Lorsque vers midi et demi passé Dorian me vit vaciller en descendant de l’échelle, Dorian déclara :

- Que dis-tu d’aller manger un bout avec moi, tu sembles en avoir vraiment besoin.

- Oui… Ca ne serait pas refus soufflais-je. Je vais voir si Shanenja va bien et je te rejoins.

- D’accord Juha ! Répondit Dorian. Je suis content de travailler de nouveau avec toi, avoua-t-il avant de me tourner le dos et d’aller au réfectoire.

Une fois dans la cour, Shanenja se jeta sur moi, me poussant déjà avec la force de sa vitalité. Lui offrant de nombreuses caresses et jouant un moment avec lui, je finis par le laisser et pris la direction du réfectoire. Après un détour pour aller me laver les mains, je me rendis dans le réfectoire déjà plein de monde. Je vis aussitôt Gabriel, qui m’invita à aller les rejoindre. Ayant peur de ma réaction face à Kay, mais ne voulant surtout pas le montrer, je me contentais de ne pas y répondre, et j’allais m’asseoir seul à une table. Dorian n’était pas encore là, mais il n’allait pas tarder à me rejoindre. S’il n’avait pas été là, j’aurais de toute façon préféré manger seul. Je préférais éviter de rendre leur repas désagréable, et les laisser à leurs retrouvailles où je n’avais plus ma place.

Dorian ne tarda pas à venir s’asseoir en face de moi avec un sourire. S’il vit ma jalousie, il ne fit aucun commentaire, n’observant que d’un bref regard Kay et Gabriel, comprenant peut être un peu mieux mon malaise. Ce fut certainement pour cela qu’il tenta de me faire rire par tous les moyens, et il y parvint je ne savais trop comment. J’étais à dix-mille lieux de penser pouvoir rire aujourd’hui. Rien de mauvais n’émanait de lui, et loin de mes problèmes, je prenais un bol d’air frais afin d’acquérir une certaine distance face à ces évènements.

Je ne pus pas manquer Gabriel qui sortait précipitamment du réfectoire et je savais que j’étais responsable.

- Il y a de l’eau dans le gaz ? Me demanda soudain Dorian.

Face à la mine fermée laissant transparaître uniquement un voile de tristesse sur mon regard, il n’attendit pas de réponse de ma part. Qu’étions-nous en train de faire ? Croyait-il vraiment que j’aurais pu être capable de m’asseoir à leur côté et de manger comme si de rien était. Après la dispute que nous avions eue ce matin, il était nécessaire que nous nous retrouvions uniquement tous les deux pour parler, mais cela était impossible pour le moment et je me demandais quand ce Kay partirait enfin. Dans d’autres circonstances, j’aurais adoré le rencontrer, mais maintenant j’avais trop honte de ma réaction. J’avais peur que Gabriel ne m’échappe, peur qu’il réalise que l’amour de Kay  était là et qu’il le compare au mien, me trouvant des épaules trop peu fortes pour l’accompagner tout au long de notre vie.

Kay partit le rejoindre après avoir rangé leur deux plateaux, j’en était pour ma part totalement incapable. Plongé dans mon mutisme, Dorian tenta de me faire réagir :

- Hé, Juha, qu’est ce qui se passe ?

Les larmes commençaient à me brûler les yeux et pourtant je le contenais. Je ne méritais pas de pleurer, j’étais loin d’en avoir le droit… Tout était en train de filer entre mes doigts comme un liquide insaisissable.

- Juha ! Déclara un peu plus fort Dorian.

Je sursautais presque, revenant à moi. Mal à l’aise face à mon état, Dorian déclara :

- Dépêche-toi de finir de manger.

Je jetais un coup d’œil sur son assiette, si la sienne était vide, la mienne ne l’était qu’à moitié.

- Nous avons encore pas mal de chose à faire. La carrière à gelée, tu m’aideras à casser un peu la glace et à enlever le plus gros de la neige afin que son état ne s’empire pas. Heureusement que nous avons un manège. Ensuite tu donneras du foin aux chevaux et tu iras graisser les selles pendant que j’irais acheter ce que Philippe m’a demandé.
J’acquiesçais simplement, n’ayant pas la tête à refuser des ordres qu’il n’avait pas à me donner. Je n’étais de toute façon pas en état de prendre des initiatives et ce long programme qui allait me prendre jusqu’à tard était finalement loin de me déranger. Cela m’occuperait l’esprit et m’éviterait de ressasser ce qui c’était passé ces derniers jours. Je sentis la main de Dorian poser sur mon épaule. Il était inquiet pour moi, même s’il ne le montrait pas. Sa jalousie vis-à-vis de Gabriel restait tel un vestige, mais était masqué par le remord de ses derniers agissements.

- A tout de suite dans la carrière, finit par dire Dorian.

Je répondis par un faible hochement de la tête et un sourire. Ayant perdu tout appétit, je mis tout de même du temps à venir à bout de la fin de mon assiette. Une fois celle-ci terminée, je me levais et après avoir enfilé mon manteau, je partis en direction de la carrière.

Mon cœur se serra vivement à la vue de Gabriel et de Kay marchant côte à côte en direction de la forêt. La force qui habitait normalement Gabriel et qui l’illuminait semblait s’être brutalement flétrie. Il était dans un état pire que le premier jour où je l’avais vu. Jamais je n’aurais dû me laisser aller à tenter de l’aider. Je n’avais finalement fait que l’enfoncer d’avantage, le rendant encore plus vulnérable et abimé qu’il ne l’était avant ma rencontre.

Etait-ce cela mon destin, blesser ceux qui devenait trop proche de moi. Mon don d’empathie prenait ce goût amer de malédiction, de barrage vers les autres. Finalement, trop en savoir sur leurs pensées les plus profondes m’éloignait d’eux. La mort de Killian avaient était la seule relation exclusive ou je m’étais laissé aller, et qui l’avait mené irrémédiablement vers la plus terrible des fins. Ne fallait-il pas que je m’éloigne de Gabriel et que je le laisse avec ce Kay qui saurait lui offrir bien plus que moi et surtout bien plus rapidement que j’en étais capable…

J’avais sondé son amour et j’avais était effrayé par cette pureté. Sans ma venue ici, un couple heureux aurait pu naître. Je n’étais plus qu’une ombre au tableau, un empêcheur de tourner en rond… Il fallait un homme plus sain d’esprit pour Gabriel, une épaule plus forte, quelqu’un capable d’aller de l’avant, et c’est en Kay qu’il pourrait trouver cela…Cependant, l’unique idée de renoncer à Gabriel, de retrouver ma vie solitaire et de me refuser notre amour m’était insurmontable. J’avais goûté à quelque chose de nouveau avec Gabriel, une chose si précieuse que c’était elle qui me poussait à poursuivre mon chemin chaque jour. J’étais très loin d’être prêt à l’abandonner.

Ce fut Shanenja me mordillant les doigts qui me sorti de mes sombres pensées. Je me rendis compte que j’étais là, immobile, planté au milieu de la cours à fixer la forêt où Kay et Gabriel avaient disparut depuis longtemps. Je m’abaissais vers cet animal plein de vie qui déjà attendait sur le dos des caresses sur son ventre. Je lui en fit sans hésiter, avant de me mettre en marche, suivant Shanenja qui s’était déjà élancé devant moi en courant. Ses gestes étaient beaucoup moins pataud, il grandissait à vue d’œil.

Shanenja resta avec Dorian et moi, s’amusant avec tout ce qui pouvait faire office de jouet, puis finissant par se coucher sous le petit abri en bois qui servait à regarder les reprises. Nous finîmes assez tard, la nuit commençait à tomber. La glace était profonde, et il nous fallut un temps interminable. Je ne sentais presque plus mes bras, et Dorian ne semblait pas dans un meilleur état que moi. Il me laissa ranger les outils pendant qu’il allait faire ses courses avant que tout ne ferme. Une fois cela fait, accompagné de Shanenja qui alla se coucher dans un tas de paille dans la sellerie, je distribuais le foin aux pensionnaires, profitant de mes muscles encore chauds, avant que les courbatures ne les saisissent, le froid n’aidant pas. Ce fut évidement à ce moment là que Kay et Gabriel entrèrent dans l’écurie. Gabriel passa devant moi sans un regard, comme je m’y attendais. Malgré moi, je fus obligé de suivre leur conversation.

- Tu as quelques par où dormir, demanda soudain Gabriel.

- Je prendrais une chambre d’hôtel près d’ici.

Je me tendis, à peu près sûr de la proposition de Gabriel qui suivrait cette réponse. Si une chose était sur, c’était que je n’avais aucune envie que nous nous retrouvions tous les trois dans ce petit appartement. Evidement, Gabriel ne perdit pas de temps pour s’exclamer :

- Ca va pas non ! Viens à la maison. Ce n’est pas grand mais ce sera sûrement mieux que l’hôtel. Et puis c’est hors de question que tu payes la peau du cul une chambre d’hôtel miteuse.

Kay croisa mon regard qui en disait long sur ce que je pensais de cette invitation et que je ne parvenais pas à cacher.

- Je ne voudrais pas causer de problème entre vous…

- Il n’y a aucun problème, répondit Gabriel, un peu trop hâtivement pour être crédible.

Le fait même qu’il ne me demande pas mon avis me mis hors de moi. Certes je n’aurais pas refusé et cet appartement était aussi bien à Gabriel qu’à moi. Mais justement, j’avais le droit d’être concerté. Surtout après ce qu’il se passait entre nous, le fait que Kay vienne chez nous ne ferait qu’envenimer la situation. Evitant mon regard, Gabriel reprit calmement après un temps :

- Je vais voir Philippe, j’ai deux trois choses à régler avec lui, je reviens vite…

- D’accord je t’attends.

Gabriel adressa un sourire de remerciement à Kay qui me hérissa les poils et nous quitta. Il ne m’en fallut pas plus pour me débarrasser des deux fourches qui restaient à donner et sans un mot pour Kay qui resta planté dans l’écurie, je me rendis dans la sellerie pour finir ce qui me restait à faire. Je pris rageusement tous les filets en cuir et les posais sur la table avant d’attraper une selle. Il fallait que je me calme, c’était de la jalousie qui était en train de ronger.

Après avoir pris le gros pot de graisse, je m’assis sur le banc et entamais mon travail. Shanenja ne tarda pas à venir se coucher à mes pieds, s’allongeant sans aucun gène sur ceux-ci. Même nerveux, je m’appliquais à réaliser ma tache. J’avais encore à faire toute les selles et à ce rythme là j’en avais pour toute la nuit. C’est à ce moment là que Gabriel entra dans l’écurie, s’approchant de moi, je l’avais sentit avant qu’il n’arrive. Je me contins, attendant qu’il parle de lui-même, peu près à coopérer.

- Je… Nous n’allons pas tarder à rentrer… Tu viens ?

Je ne pus me retenir de répondre sèchement, sans le moindre regard pour lui, contenant tout de même ma colère :

- Je suis occupé, tu ne vois pas ? J’ai du travail, alors rentre avec ton Kay, je rentrerais à pied avec Shanenja lorsque j’aurais terminé.

Je vis tout de même Gabriel serrer les poings avant de murmurer un « va te faire foutre » rageur. Me laissant seul, je jetais mon pinceau dans le pot, mes mains tremblaient de ce mélange de sentiments que je ne parvenais à dissocier. Je n’étais plus très loin des larmes, mais j’entendis une voix me souffler :

- Et si tu me racontais Juha ce qui est en train de se passer, même si je commence à comprendre.
Je redressais la tête pour croiser le regard de Dorian, certainement entré par l’autre porte. Il ne faisait aucun doute sur le fait qu’il ait assisté à notre court échange. Il tenait deux tasses de café brulants.

- Laisse-ça pour le moment. Tu mérites une pause. A deux on finira plus vite. Bois déjà ça.

Il me tendit une des deux tasses, puis poussant tout le matériel à graisser, il s’assit en face de moi.

- Je ne sais pas ce qui est en train de se passer entre vous deux, mais ça m’a tout l’air d’un beau paquet de nœuds. J’ai aussi l’impression que Kay n’y est finalement pas pour grand-chose, mais qu’il n’est qu’une couche de plus à vos problèmes…

Je bus une gorgée de café, profitant de sa chaleur se répandant en moi.

- Peut être que je ne suis pas fait pour les relations durables, soupirais-je amèrement.

- Tu es donné pour bien d’autres choses me fit Dorian avec un petit sourire pervers en coin.

Je ne pus m’empêcher de sourire légèrement face à son sous entendu douteux, sachant qu’il ne cherchait qu’à dédramatiser la situation. Inspirant légèrement, je décidais de me confier un peu à lui, ayant besoin de me soulager.

- Je ne peux pas lui donner ce qu’il attend de moi, et je ne sais même pas recevoir ce qu’il me donne …

Perplexe, Dorian me demanda :

- Tu peux m’expliquer un peu plus en détail ?

- Je… Tentais-je, lamentablement.

Mais une boule à la gorge monta en moi, et je fus incapable de lui expliquer.

- Juha ? S’inquiéta Dorian.

- Je suis complètement  perdu, lâchais-je, commençant à trembler.

J’étais dans un tel état, que même les larmes ne semblaient pas appropriées à la situation. Se rendant compte de ma détresse, Dorian se leva presque aussitôt, et venant à côté de moi, il me hissa pour me prendre simplement dans ses bras. Dans cette simple étreinte, un flot de réconfort sincère m’envahie. J’en avais réellement besoin, le serrant simplement en répondant à son étreinte. Pas de larmes, juste un moment dans ses bras pour profiter un instant de l’épaule qu’il m’offrait. J’avais l’impression de puiser mes forces en lui, de me sentir un peu mieux, alors que je n’y croyais plus.

Dorian ne s’éloigna de moi que lorsqu’il m’en sentait capable. Un bref regard fut échangé et il me sourit tendrement. M’asseyant de nouveau, je reposais mes mains sur le cuir pour poursuivre mon travail, honteux de m’être montrer ainsi face à lui. Une main ferme se posa sur mon épaule et Dorian déclara :

- On fera tout ça demain Juha, ça pourra bien attendre un jour de plus.

Sans me laissait le temps de répondre, il entreprit de tout ranger. Une fois cela fait, Dorian se tourna vers moi et me demanda :

- Si j’ai bien compris Gabriel habite chez toi maintenant ?

- Il habite avec moi, rectifiais-je en me levant. Jusqu’à ce matin nous étions ce qui se rapproche le plus d’un couple.

Dorian ne dit rien, semblant réaliser combien notre relation avait évoluée, bien plus qu’il ne le soupçonnait.

- Et il vient d’inviter Kay chez t… Chez vous se reprit-il.

Un silence pesant suivit ses quelques mots. Dorian soupira avant de demander plus clairement :

- Juha, qu’est-ce qui se passe réellement entre toi et Gabriel ?

Une colère monta subitement en moi. Elle n’était pas tournée contre Dorian, mais contre moi-même et vers le chemin que nous étions en train de prendre avec Gabriel.

- Il m’a simplement dit qu’il m’aimait hier et je n’ai rien su lui répondre. Il a très mal pris la chose et je ne lui reproche pas. Seulement il a du mal à comprendre que ce n’est pas si facile que cela pour moi. Déclarais-je sèchement. Je passe pour un monstre et c’est comme cela que je me vois. Je lui demande tant et je suis incapable de lui en donner ne serais-ce que la moitié. Et maintenant il y a ce Kay si parfait… Si tu savais comme il l’aime Dorian…

Baissant les yeux, un voile de tristesse me masqua la vue, et j’ajoutais plus bas :

- Ce n’est pas moi dont Gabriel a besoin, c’est de Kay… Mais bon Dieu que ça fait mal…

- Alors tu vas baisser les bras si j’ai bien compris ? S’exclama Dorian. Si tu abandonnes, alors tu donneras une valeur de vérité à ce que tu viens de dire. Tu es mieux que tu ne le penses Juha, ne te laisse pas souffler à la moindre difficulté. Prouve lui autrement que par des mots, prouve-lui que tu mérites son amour ! Crois-moi, je sais ce que cela fait d’aimer quelqu’un à sens unique. Mais Gabriel n’est pas dans ce cas n’est-ce pas !? Car si ce n’est pas le cas, va lui dire dès ce soir !

- Si je ne ressentais rien pour lui, crois-tu vraiment que nous en serions là ! Il me faut juste du temps, et pouvoir parler seul avec lui. J’ai voulu le faire toute la journée, comptant sur ce soir, mais Kay est chez nous…

- Alors rentre, et comporte toi en adulte. Ravale ta jalousie et patiente encore. Vous trouverez bien un moment pour vous expliquer, même si ce n’est pas ce soir.

J’acquiesçais simplement, la gorge serrée.

- Aller je te ramène chez toi, comme avant ! S’exclama-t-il avec un petit sourire plein de sous entendu.

Shanenja se redressa subitement, comprenant que nous allions rentrer. Alors que je partais à la suite de Dorian, celui-ci se tourna brusquement vers moi :

- Juha, si jamais ça se passait mal, si jamais tu as besoin de parler ou quoi que ce soit, sache que ma porte t’est toujours ouverte, et je parle sérieusement. J’ai merdé par le passé, mais c’était parce que…

Son regard se fit fuyant puis en reprenant la route à mes côtés pendant qu’une petite boule de  poil partait en éclaireuse, il ajouta plus bas :

- J’ai changé maintenant.

Une meurtrissure liée à ma propre personne m’apparut alors que sa main effleura la mienne. Un sentiment qu’il s’était efforcé d’enfouir à mon égard, un sentiment que j’ignorais ce soir là, ayant déjà mon lot de problèmes…

Nous montâmes en voiture et Dorian me ramena chez moi. Shanenja était assis à mes pieds, de mieux en mieux habitué à la voiture. Lorsque Dorian me déposa devant chez moi, je ne pus que le remercier et lui souhaiter une meilleure soirée que la mienne. Constatant que la pâtisserie à l’autre bout de la rue était encore ouverte, je décidais d’aller acheter un gâteau pour faire un pas en avant et tenter d’excuser mon attitude.

Lorsque je rentrais, Shanenja alla directement s’allonger, fatigué par sa journée mouvementée de chiot. J’allais dans la cuisine et en y découvrant Kay je compris que Gabriel devait être dans la salle de bain entendant l’eau couler.

- Tu as pu finir ton travail ? Me demanda poliment Kay.

- Oui… Me contentais-je de répondre.

Je posais le gâteau sur le plan de travail, avant d’aller me servir un verre d’eau et de m’asseoir à la table de la cuisine, pendant que Kay continuait assez mal à l’aise sa préparation du repas.

- Vos casseroles sont rangées où ? Me demanda-t-il alors que je me perdais dans l’observation de la nuit par la fenêtre.

Pour toute réponse, je me levais et lui tendis la casserole qui me semblait appropriée après l’avoir prise dans le placard. Restant à côté de lui, las de ce silence gêné, je me décidais à entamer la conversation.

- Nous… Nous avons mal commencé les présentations.

Kay s’arrêta et me lança un petit sourire. La jalousie de le voir ainsi aussi charmeur me vrillait les tempes pourtant je me forçais à lui rendre son sourire. Je lui tendis la main, et il fit de même. Ce fut après un bref échange que je lui proposais mon aide, qu’il accepta avec joie.

Alors que je mettais la table pour trois, il m’interrogea :

- Tu travailles ici depuis quelques mois, qu’est ce que tu faisais avant ?

- Rien de bien intéressant. J’ai voulu changer d’air et j’ai trouvé une place ici. Répondis-je évasif.

Je détestais ce regard posé sur moi. J’avais l’impression qu’il me jugeait. De plus il était indéniable qu’il ne m’appréciait de son côté pas plus que cela, je n’avais pas besoin de le toucher pour le savoir, je le sentais de là où j’étais.

Pourtant il poursuivit la conversation, me posant plusieurs questions de manière détournée sur moi et ma relation avec Gabriel, sans jamais me le demander franchement. Je dus faire appel à tout mon sang froid pour rester courtois et polis. A vrai dire, je n’avais qu’une seule envie, me retrouver seul à seul avec Gabriel pour parler sérieusement. Ce ne serait certainement pas possible ce soir.

Ce fut à ce moment là que Gabriel entra dans la cuisine. Je n’avais pas besoin de faire appel à mon don pour savoir qu’il était au plus mal. Ses yeux rouges et ses traits tirés parlaient pour lui. Non sans un certain effort, il finit par me demander :

- Tu… Tu es arrivé il y a longtemps ?

- Près d’une demi-heure, répondis-je ne pouvant m’empêcher de le dévisager longuement.

Honteux, Gabriel détourna le regard et pris place en bout de table entre Kay et moi. Tout comme moi, il n’avait pas particulièrement faim. Si je me forçais, il ne faisait que grignoter. Un silence monastique et désagréable régnait dans la pièce. Kay ne cessait de lancer des regards à Gabriel et croiser le mien avec froideur. Il était jaloux, tout comme je l’étais de lui, mais l’amour qu’il ressentait pour Gabriel m’oppressait et me donnait encore plus de raison de l’être. Lui aurait eut la réponse que je n’avais pu lui donner hier soir… Une petite voix ne cessait de dire dans ma tête : c’est avec Kay que Gabriel serait réellement heureux.

Plusieurs minutes s’écoulèrent ainsi dans un silence qui pesait sur chacun de nous. N’en pouvant plus, et voulant abréger l’angoisse qui pointait vivement chez Gabriel, je me forçais à prendre la parole :

- Sinon, tu fais quoi dans la vie ?

Kay me répondis d’un ton détaché, après un regard dans la direction de Gabriel :

- Je suis ostéopathe, et peintre amateur à mes heures perdues.

- Peintre ? Répéta Gabriel surpris. Aurais-tu une quelconque notion de ce que le mot « art » signifie ? Demanda-t-il en se moquant gentiment de lui. Car si mes souvenirs sont bons, on ne peut pas vraiment dire que tu étais un fervent admirateur des tableaux accrochés aux murs de l’église… Ajouta-t-il.

Un sourire narquois étira ses lèvres, qui disparut bien vite lorsque Kay rétorqua :

- Et qu’est devenu ton don pour le théâtre ?

Gabriel ouvris de grands yeux à cette question.

- Je… Je ne vois pas du tout de quoi tu parles… Tenta-t-il de nier.

En un rien de temps, je me sentais exclu de la conversation. Je n’avais plus ma place dans leur passé commun. Je n’écoutais plus. Je n’avais de toute façon  pas la tête à cela ce soir. Je regardais simplement Gabriel, heureux de retrouver des souvenirs avec un homme qu’il croyait avoir perdu. Mon cœur battait douloureusement en comprenant qu’il l’aimait encore plus que je ne l’aurais cru. Je me refusais à sonder ses sentiments à mon égard. Kay éclata soudain de rire, et n’en connaissant pas le sujet, je me contentais de sourire pour masquer mes tourment. Gabriel avait cette chance que je n’aurais jamais avec Killian. Une question de plus en plus vive commençait à naître en moi : devrais-je finir par m’effacer de sa vie et laisser ma place pour son bonheur ?

La conversation animée qui se déroulait sous mes yeux entre ces deux hommes faisait pourtant bouillir la jalousie en moi, mais derrière se cachait une certaine forme de résignation.

Jamais je n’aurais pensé que l’éclat de rire de Gabriel me serait un jour à ce point insupportable. Combien de fois avions nous partagé un simple fou rire tous les deux ? Las, je finis par me lever et apportais le gâteau sur la table. Je servis Kay, puis Gabriel qui commença par refuser et céda au regard empli de reproche de Kay qui ne me passa pas inaperçu. J’en pris une part à mon tour, n’y touchant même pas, ce qui ne fut remarqué ni par l’un ni par l’autre.

Après quoi, Gabriel servit un café à Kay avant de passer au salon. Kay prit place à côté de moi dans le canapé alors que Gabriel déplaça le fauteuil pour se mettre en face de nous.

Leur conversation reprit de plus belle, Gabriel ne posant à aucun instant les yeux sur moi, enfermé dans sa bulle avec Kay. Il faut dire aussi que je ne faisais rien pour m’intégrer. Jugeant avoir suffisamment fait office de présence, ne supportant plus leurs éclats de rire et leur complicité, et encore moins leurs sentiments réciproques qui débordaient, je décidais d’aller me coucher.

Après une douche plus que succincte, j’allais dans la chambre, tentant de rester sourd à la suite de leur discussion. Je m’installais d’abord sur le milieu du lit, ne pouvant m’empêcher de respirer à plein poumons l’odeur si particulière de Gabriel, seule chose que j’aurais aujourd’hui. Puis épuisé de cette journée qui avait plus l’apparence d’un cauchemar, voulant fuir un court instant la réalité, j’allais me coller contre le mur inconsciemment, fuyant le vide laissé par Gabriel qui n’était cette nuit pas à côté de moi. Ce ne fut qu’après un temps qui me parut interminable que je finis par m’endormir, replié sur moi-même et indéniablement seul.

Je me réveillais assez tôt le matin et à la fatigue qui se lisait sur les traits de Gabriel encore endormis, je sus qu’il s’était couché peut de temps avant le lever du soleil. Ne désirant plus être dans ce lit, je choisis de me lever. Attrapant mes vêtements, j’allais dans la salle de bain. Après m’être rasé et débarbouillé, je m’habillais assez rapidement. Entrant dans la cuisine, Shanenja déboula dans mes jambes attendant son repas avec une envie non dissimulée. Après quelques caresses, j’accédais à sa demande. N’ayant pas faim, je me fis un simple café, et me décidais à ranger et à nettoyer notre repas de la veille.

Lorsque j’eus finis, Kay et Gabriel dormaient encore profondément. Avant de partir, je tentais de réveiller Gabriel, mais ce fut sans succès, me heurtant à quelques grognements avant qu’il ne me tourne carrément le dos. Peu enclin à insister, je choisis de partir seul. Il était encore tôt, mais une bonne promenade avec Shanenja avant d’aller travailler me ferait le plus grand bien. J’avais besoin de solitude.

Et je l’obtins toute la journée. Gabriel ne vint pas travailler, et Dorian était trop occupé pour avoir le temps de discuter avec moi. J’abattis de mon côté une quantité monstre de travail, m’octroyant quelques pauses pour jouer avec mon jeune chiot. En fin de journée, n’ayant plus grand chose à faire, je choisis de rentrer. Je fis cependant un détour par la forêt, profitant de cette fin de journée ensoleillée. Shanenja alla directement se coucher lorsque nous rentrâmes, épuisé de sa journée remplie. Kay et Gabriel n’étaient pas là. Évitant soigneusement de me poser trop de questions sur leur journée, j’allais me prendre un bain bien mérité.

Une fois finis, j’allais m’installer dans le canapé devant la télévision, réfléchissant à un moment ou je pourrais être seul à seul avec Gabriel pour parler sérieusement. J’ignorais mon mal-être, comme je l’avais fait toute la journée, et me concentrais sur ce téléfilm inintéressant. Ce ne fut qu’une fois l’heure du repas bien dépassée que je commençais à m’inquiéter et à me poser des questions. A quelle heure comptait-il rentrer ?

La moindre des choses aurait été de me laisser un mot ou de me passer un coup de téléphone. Mais peut être était-il trop occupé avec Kay pour y penser. La colère monta d’un cran. M’exclure pour une soirée de retrouvailles soit, mais il ne fallait pas que cela dure indéfiniment. Les minutes continuèrent à défiler, puis une heure et une deuxième. Je n’avais pas bougé de ma place, il faisait maintenant nuit et je n’avais allumé aucune lumière. J’avais même éteint la télévision n’en supportant plus les images et le son. Plus le temps passait, plus la colère mêlée d’inquiétude grandissait en moi. Lui était-il arrivé quelque chose ? Le doute ne me permettait pas de m’abandonner à la fureur. Un simple coup de téléphone aurait pourtant réduit mon état au calme.

L’angoisse était de plus en plus oppressante, m’imaginant mille et une possibilités d’ennui ou d’accident pour Gabriel. Une pression monstre que je ne parvenais pas à calmer.

C’est alors que j’entendis leur voix dans le couloir. Ils semblaient aller bien. Entrant dans l’appartement, j’allumais la lumière alors qu’ils pénétraient dans le salon. Me redressant et constatant qu’ils allaient parfaitement bien tout les deux, je ne pus m’empêcher de lui demander furieux :

- Tu étais où ?

Malheureusement, ce ton ne plut pas du tout à Gabriel, qui répondit avec colère et sarcasmes :

- Je suis allé m’envoyer en l’air ! Je n’existe pas à tes yeux alors je suis allé chercher un peu de réconfort ailleurs…

A peine eut-il terminé sa phrase que ma main s’abattit sur sa joue avec une telle violence qu’il chancelait sur le coup. Je n’avais pas pu me retenir. J’avais flanché sous la colère nourrie depuis des heures d’attente et d’angoisse. Je regrettais ce geste à l’instant même ou j’avais élevé ma main, mais je ne pouvais revenir en arrière. Le voir la main sur sa joue meurtrie et surtout son regard blessé et emplie de larmes par ma faute fut une des pires choses qui m’est été donné de vivre, surtout en repensant au passé de Gabriel. Sans me laisser le temps de réagir, de m’excuser lamentablement ou de faire quoi que ce soir, Kay s’interposa entre nous et d’une voix froide, il déclara :

- Ne relève plus jamais la main sur lui…

Gabriel posa sa main sur le bras de Kay, alors que je contemplais dès lors le fossé qui nous séparait et que j’avais moi-même creusé.

- Laisse, c’est rien ! T’es vraiment trop con, ajouta-t-il en se tournant vers moi, avec un regard qui me fit froid dans le dos. Et puis même si c’était le cas, je ne te dois rien ! Nous ne sommes pas mariés, ça ne te regarde pas ce que je fais de mon cul !

J’accusais le coup sans broncher, je l’avais bien mérité après tout. La jalousie me rongeait de l’intérieur plus que je ne me l’étais imaginé. Je n’étais pas uniquement jaloux de leurs sentiments partagés, j’étais jaloux qu’il me donne cette impression de souffrir moins que moi, et qu’il est retrouvé l’homme qu’il avait aimé par le passé. Et moi qui restais toujours accroché à mon amant décédé, laissant fuir Gabriel.

Je restais planté dans le salon alors que Kay me lançait un regard dédaigneux. Alors qu’il allait m’adresser la parole, je lui tournais le dos et allais m’enfermer dans la chambre, suivit de près par Shanenja qui se coucha au pied du lit. Broyant du noir, je restais debout, ne parvenant pas à me calmer. Qu’avais-je fait ? Qu’étions-nous en train de devenir ? Les réponses me prenaient à la gorge de manière douloureuse. Ce fut un couinement du jeune chiot qui me fit revenir sur terre. M’asseyant sur le sol à ses côtés, Shanenja vint s’allonger sur mes jambes, tandis que les premières larmes se mettaient à couler.

Malheureusement, les murs n’étaient pas assez épais pour me cacher la conversation de Gabriel et de Kay lorsque celui-ci sortit de la salle de bain.

- J’ai tellement honte Kay… Je… Même les coups de ceinture étaient moins humiliants que cette gifle qu’il m’a donnée…

J’étais au pied du mur, j’avais l’impression d’avoir fait quelque chose d’irréparable, les rapprochant encore un peu plus et m’excluant d’une possible vie à deux avec Gabriel. Me bouchant les oreilles, je fuis le reste de la conversation, priant pour qu’ils se taisent le plus vite possible. Mais je ne pouvais me couper à la détresse de Gabriel qui était si vive qu’une migraine ne tarda pas à s’y ajouter.

Ce ne fut qu’après un long moment que je compris que Gabriel s’était endormi et qu’il ne me rejoindrait pas. Ne pouvant me résoudre à sortir, j’allais m’étendre dans le lit, emprunt d’une douloureuse tristesse.

Je ne fermais l’œil que quelques heures cette nuit-là, la culpabilité et la douleur me tiraillant sans me laisser de répit.

Le lendemain matin, je me levais avec l’impression qu’un tank était passé sur mon corps. L’esprit dans le même état, il me fallut faire preuve d’énormément de courage pour oser sortir de la chambre, habillé de propre. Gabriel dormait sur le canapé avec Kay, et je détournais les yeux de cette vision qui se révélait surement être leur avenir. Surmontant la boule qui se formait dans ma gorge, j’allais dans la cuisine pour préparer à chacun un petit déjeuner. Kay ne tarda pas à me rejoindre, me renvoyant toujours ce regard maintenant presque haineux que je ne pus soutenir. Pas un mot ne fut échangé tandis que je nourrissais Shanenja. Lorsque le café fut prêt, ce fut au tour de Gabriel de nous rejoindre. Le silence était de plus en plus oppressants, sans compter les regards évités et ceux qu’ils ressentaient tous deux à mon égard : du mépris et de la rancœur.

Une fois le petit déjeuner terminé, nous nous préparâmes pour nous rendre au ranch. La journée et la semaine se déroulèrent ainsi, dans un silence monastique alors que notre relation se dégradait de jour en jour. Pas un instant je ne pus me retrouver seul avec Gabriel qui fuyait une confrontation. Pas un seul moment, je ne pus m’expliquer ou tout simplement m’excuser, me refermant chaque jour un peu plus.

Nous étions maintenant mercredi soir et Dorian était venu me prévenir que le directeur voulait s’entretenir avec moi. Intrigué, je choisis de finir ma tache avant d’aller à son bureau. Lorsque j’arrivais la porte était ouverte, et en tournant le dos, je pus voir la voiture de Kay partir en direction de notre studio.

- Te voilà Juha, dit Philippe dans mon dos, d’une voix qui me fit sursauter.

- Je… Oui…Répondis-je en lui faisant face. Vous vouliez me voir ?

- Viens dans mon bureau. J’ai quelques papiers à te faire signer et deux trois choses plus personnelles dont j’aimerais que nous parlions.

Docile, je le suivis, prenant place en face lui. Il commença par me faire signer quelques papiers concernant la prison et ma réinsertion dans la vie professionnelle. Mon contrat fut lui aussi remis à jour, me prenant définitivement comme palefrenier, satisfait de mon travail. Une fois que tout le côté administratif fut terminé, Philippe s’enfonça dans son fauteuil voulant maintenant abordé les choses « personnelles ». 

- Qu’est ce qu’il se passe entre vous deux en ce moment Juha ? Me demanda-t-il de façon très directe.

- Il n’y a pas besoin d’être devin pour voir que nous sommes en froid en ce moment, répliquais-je.

- C’est à cause de la présence de Kay ? Ajouta-t-il.

- Pas vraiment, tentais-je d’élucider, disons que sa présence n’améliore pas la situation, dis-je en détournant le regard.

- Juha, tu sais très bien que c’est son ami d’enfance, c’est normal que tu sois jaloux. Mais mets-toi sa place, il le croyait mort.

Alors que j’allais répondre, Philippe ajouta :

- Attention, ce n’est pas pour autant que je donne raison à Gabriel, je ne suis du côté ni de l’un, ni de l’autre. Mais je ne supporte pas de vous voir ainsi. Tu es quelqu’un de bien Juha, et c’est tout à fait normal que tu sois jaloux. Laisse-lui un peu de temps… Mais bon Dieu, réagissez avant qu’il ne soit trop tard, vous êtes en train de vous détruire.

Philippe soupira avant de se lever et de déclarer, marquant la fin de la conversation :

- Bon, rentrons Juha, je te ramène.

- Vous n’êtes pas obliger…

- J’y tiens, je t’ai fait rester plus tard.

C’est ainsi que nous montâmes dans la voiture et qu’il me ramena, me donnant encore quelques conseils, et me priant d’arranger la situation au plus vite lorsqu’il me déposa devant chez moi. N’ayant pas la moindre envie de retourner chez moi pour retrouver cette ambiance lourde qui régnait depuis une bonne semaine, ayant un seul but en tête, me retrouver seul à seul avec Gabriel ne serais-ce qu’une petite heure pour enfin pouvoir parler.

Shanenja venu avec nous alla comme à son habitude se lover avec un jouet sur sa petite couverture, tandis que j’allais dans le salon. La lumière était allumée, mais il n’y avait personne. C’est alors que j’entendis une discussion étouffée dans la salle de bain. Curieux, j’allais y jeter un œil et la vision qui s’offrit à moi me glaça d’effroi. Kay était agenouillé aux pieds de Gabriel, qui, le pantalon légèrement baissé, le laissait toucher sans rien faire. Le soupire de bien-être que Gabriel lâcha fut de trop, et d’une voix froide, je laissais échapper :

- On s’amuse bien à s’que j’vois !

Gabriel ouvrit les yeux, s’apercevant de ma présence dans l’encadrement de la porte. Je ne savais plus que penser, incapable de cacher ma fureur d’avoir vu de mes propres yeux ce que j’avais toujours craint. Etant incapable de soutenir cette vision, Gabriel le torse nu, le pantalon à moitié déboutonné comme offert à Kay, je fis demi-tour, me retenant pour ne pas casser la première chose qui me tombait sous la main. Gabriel se précipita à ma suite, m’attrapant par le bras alors que je traversais le salon. Me forçant à me retourner, il m’adressa un regard meurtrier. Sans comprendre sa colère, je restais figé, sans pouvoir faire un seul geste.

Rageusement, il s’exclama :

- Non mais tu m’fais quoi là ? Ta pseudo crise de jalousie tu peux te la foutre au cul, Juha !

Priant pour que je me sois trompé, mais ne voyant pas ce qui pourrait expliquer une telle pose, je scrutais attentivement son torse à la recherche d’une quelconque trace de suçon ou de trahison de sa part. Était-ce seulement la première fois ? Je ne trouvais rien, descendant mon regard plus bas. Lorsque mes yeux se posèrent sur son bas ventre, je sursautais violemment alors que je vis un tatouage assez récent en train de cicatriser.

Rassuré, ma colère ne me quitta pas pour autant. Ma réaction avait été absurde, mais j’avais cru voir se dérouler devant mes yeux ce que je craignais le plus. Est-ce que tout cela n’était finalement pas qu’une question de temps ? Comment cela aurait-il progressé si je n’étais pas arrivé ? La distance imposée entre nous me semblait éternelle. Depuis combien de temps ne nous étions pas pris dans les bras. Je n’étais même pas au courant de ce nouveau tatouage à la différence de Kay. Je n’en pouvais plus de ressentir son mépris à mon égard et sa jalousie faisant échos à la mienne. J’étouffais, et n’osais même plus toucher Gabriel par peur d’y découvrir un amour plus fort pour son ami d’enfance. Celui-ci enfonça le couteau dans la plaie, en colère mais satisfait :

- Je ne suis pas une pute, Juha. Je ne déclare pas mon amour à un homme pour aller voir ailleurs à la première dispute entre nous ! Si tu n’as pas confiance en moi, c’est qu’on n’a rien à faire ensemble.

Sur ces mots, il me tourna le dos et retourna dans la salle de bain. Ne pouvant en supporter d’avantage, je pris la direction de la sortie, claquant violemment la porte, en colère contre notre relation qui semblait ne plus pouvoir se raccrocher à quoi que ce soit. Alors que j’arrivais dehors, je fus saisi par le froid, étant sortit sans manteau. Je décidais de marcher, allant droit devant moi sans choisir ma direction. Les larmes ruisselaient de nouveau, sans pouvoir les retenir, je trébuchais et manquaient de tomber, mais cela n’arrêta pas ma course. Une voiture s’arrêta soudain à ma hauteur. La vitre se baissa et je vis Dorian les traits tirés pas l’inquiétude.

- Juha ? Mais qu’est ce que tu fais dehors à cette heure là ? Sans une veste en plus ?

- J’avais besoin de prendre l’air, répondis-je en essuyant mes larmes d’un geste bref.

Les traits tirés, je sentis soudain une grande fatigue et une grande lassitude concernant le chemin que prenait ma vie. Étais-je uniquement fait pour vivre seul ?

- Attends-moi ici, je vais me garer. Tu vas boire truc chaud chez moi, tu ne peux pas rester dehors avec si peu sur le dos.

Je restais là, sans bouger tandis qu’il avançait pour trouver une place pas très loin d’ici. Je savais très bien de quel mauvais œil Gabriel verrait ce que j’étais en train de faire, mais j’avais besoin de quelqu’un sur qui me reposer un peu ce soir. Gabriel avait toujours eu Kay avec lui, contrairement à moi qui n’avait personne. Je n’enviais cependant pas sa place non plus.

Dorian me rejoignis au pas de course. Une fois arrivé à ma hauteur, il me jeta son manteau sur le dos avant de m’attirer jusque chez lui. Posant ses affaires une fois chez lui, il m’invita à prendre place dans le salon, tandis qu’il allait faire chauffer l’eau pour un thé. De légères rougeurs vinrent tinter mes joues en repensant à ce que nous avions fait tous les deux ici, mais ce souvenir fut bien vite inondé par mon accablement et mon désespoir.

Il rangea quelques affaires dans la cuisine et revint avec une tasse de thé fumante. S’asseyant près de moi, il me dévisagea quelques secondes lorsqu’il croisa mon regard : mon mal-être se voyait-il à ce point sur mon visage ?

- Ca ne s’est toujours pas arrangé ? Me demanda-t-il le regard peiné.

Portant la tasse à mes lèvres, j’avalais avec difficulté une maigre gorgée de thé brûlante.

- Je suis fatigué Dorian… Fatigué de cette jalousie qui me rend un peu plus fou chaque jour. J’ai… J’ai l’impression de ne plus avoir ma place près de lui. On ne se parle plus, on ne s’approche plus à part pour nous disputer. On étouffe depuis plus d’une semaine et je ne peux plus voir en peinture ce Kay. Gabriel m’évite, et je ne peux jamais avoir un moment seul à seul avec lui. Kay est toujours à ses côtés.

Je fis une pause, avalant une deuxième gorgée semblable à la première avant de poursuivre :

- Le pire Dorian, c’est que si j’avais maintenant l’occasion de lui parler, je ne saurais même pas quoi lui dire… Au fur et à mesure du temps, les raisons qui le pousseraient à aller vers Kay au lieu d’aller vers moi se multiplient. Seulement, je ne peux pas me résigner à baisser les bras. Je… je tiens trop à lui…

Je finis par craquer littéralement, m’effondrant en larmes après avoir dit :

- Je sais pourtant que ce serait la meilleure des choses à faire pour lui, je n’ai fait que l’enfoncer avec moi.

Dorian ne résista pas et me pris dans ses bras, tandis que je posais ma tête sur son épaule pleurant silencieusement, le corps secoué de léger spasmes. D’une petite voix, il me demanda alors :

-Tu l’aimes… ?

Restant contre lui, manquant cruellement d’un peu de chaleur, je mis beaucoup de temps avant de répondre entre deux sanglots minable :

- Je ne sais pas…

Dorian soupira avant de répondre, d’une voix sérieuse :

- J’ai franchement du mal à croire que ce n’est pas le cas Juha. Tu as décidément beaucoup de mal à faire confiance aux autres et à te faire confiance. Mais une chose et sûre, si vous ne faites rien, vous allez droit dans le mur. Vous vous détruisez l’un l’autre.

Me repoussant afin de me regarder droit dans les yeux, il ajouta le plus sérieusement du monde :

- Promets-moi que tu va faire quelque chose dans les jours qui viennent !

Me tenant par les deux épaules, il me serra de nouveau contre lui une fois que j’eus acquiescé faiblement. Je restais ainsi, contre lui un long moment, et il respecta mon besoin de silence et de soutient. Ce ne fut que lorsque que je sentis capable de me retenir de pleurer que je m’écartais de lui. Il était temps que je rentre et Dorian le comprit. Les deux tasses de thé étaient trop froides pour être bues et ce fut après une dernière étreinte et des remerciements que je le laissais dans le but de rentrer chez moi.

Tout était éteint, les deux hommes semblant dormir. N’ayant plus qu’à faire de même, remettant au lendemain ma résolution de parler, je me rendis silencieusement dans la chambre. Refermant délicatement la porte derrière moi, je me mis en pyjama sans faire de bruit. Gabriel semblait dormir. Mon regard se posa sur lui. Combien de temps pourrais-je encore tenir avec cette distance ? Combien de temps devrais-je encore tenir avant de pouvoir le prendre dans mes bras tout contre moi, et inspirer son odeur tout en profitant de sa présence qui m’était devenue nécessaire ? Question bien plus cruelle qui me saisit alors : combien de temps aurais-je encore pour avoir le privilège de le regarder dormir ?

Emprunt d’une grande lassitude et d’une douleur profonde, je finis par aller m’allonger à côté de lui, résistant à l’envie plus forte que jamais de le prendre dans mes bras, tout contre moi : une simple étreinte qui me faisais cruellement défaut à chaque seconde de plus passée loin de lui.

Je mis un temps infini à seulement réussir à fermer les yeux, mais le sommeil se refusa à moi cette nuit là. Je sentais Gabriel remuer dans tout les sens, et lorsqu’il se leva alors que la nuit était loin d’être fini, je ne sus ce qui me retint de prononcer son nom. Depuis combien de temps n’osais-je même plus lui adresser la parole, à simplement lui effleurer la main ? J’avais cette cruelle impression de m’être coupé de lui, ne parvenant même plus à saisir de ce qu’il ressentait vraiment. Peut-être étais-ce pour me protéger, par peur et crainte de ce que je pourrais y découvrir. N’étais-ce finalement pas moi qui m’étais coupé de Killian ?

Une boule dans la gorge me saisit, la culpabilité de son assassinat me prenait en traitre à un moment de faiblesse. Si je perdais Gabriel, j’aurais définitivement tout perdu. Il m’avait beaucoup plus aidé que ce dont j’avais désiré faire pour lui. En fixant le lit vide à côté de moi, la simple idée que Gabriel n’occuperait plus cette place m’était insoutenable. Me redressant, je tirais légèrement le rideau pour regarder la nuit étoilée. Perdu dans ma contemplation, je ne cessais de réfléchir à la situation, tentant d’y trouver une issue. Il fallait à tout prix que je trouve l’occasion de lui parler dans la journée. Comme le disait Dorian et Philippe, nous ne pouvions continuer très longtemps comme cela. 

Gabriel n’était toujours pas rentré lorsque je sortais de la chambre, me décidant à me lever bien déterminé à entamer cette discussion. Allant me préparer un petit déjeuner sans oublier Shanenja, Kay ne tarda pas à me rejoindre, sans un mot, toujours avec ce regard méprisant et dédaigneux. Je ne savais même plus comment je pouvais supporter sa présence, et ce matin là je ne pus que l’ignorer, m’abstenant tout comme lui des salutations matinales de politesses.

Ce fut non sans un certain soulagement que j’entendis Gabriel rentrer, et celui ne tarda pas à arriver dans la cuisine. Il ne s’aperçut pas de ma présence, saluant simplement Kay avant de se préparer une tasse de chocolat chaud. Il semblait si faible moralement, que je me demandais comment il trouvait encore la volonté de tenir sur ces deux jambes. Frigorifié, je savais que cela était loin d’être uniquement du au temps extérieur. Mon envie de faire un premier geste me prit à la gorge, mais alors que j’allais me lever, Kay demanda :

- Où tu étais ?

- Je suis allé prendre l’air, répondit-il. Je… J’avais besoin de réfléchir… J’en peux plus, j’ai l’impression d’étouffer ici…

Se retournant après avoir mis sa tasse au micro-onde, il sursauta en s’apercevant enfin de ma présence. Fuyant automatiquement mon regard, je fis de même, définitivement coupé dans mon élan.

Lorsqu’il revint à table avec de quoi déjeuner, ses mains bleues ne l’aidèrent pas à faire ses tartines. Nous déjeunâmes en silence, mangeant plus par automatisme que par appétit. Finissant ensuite de nous préparer, nous sortîmes, Gabriel suivit de près par Shanenja, trop heureux qu’il lui prête un peu d’attention. Gabriel s’assit devant avec Shanenja à ses pieds, Kay conduisant, tandis que je montais à l’arrière.

Une fois arrivé, je sortis de la voiture, laissant Kay et Gabriel passer leur journée ensemble, et partant de mon côté. J’avais toute la journée pour trouver un moment à discuter seul à seul avec lui, mais je ne comptais pas le faire ce matin.

Je n’eus même pas besoin de rentrer dans l’écurie pour comprendre que quelque chose n’allait pas, et ce pressentiment s’accentua lorsque je vis tous les regards posés sur moi alors que j’allais chercher mon matériel dans la sellerie. Peur, moquerie, écœurement, dégout, dédain : c’était ce que tous ressentais pour moi. C’était tellement puissant que je dus sortir m’adosser quelques minutes contre le mur de la sellerie, pièce heureusement déserte.

Prenant sur moi, j’inspirais un bon coup, tentant de me dire que cela était plus du à la fatigue qu’autre chose, me rendant malgré moi plus sensible, comme je l’avais vécu dans ma jeunesse. Renforçant comme je le pouvais mes barrières mentales, je m’éloignais du mur et allait prendre ce dont j’avais besoin pour travailler.

Hésitant, je sortis de la sellerie pour me diriger dans le box le plus proche qui était heureusement un de ceux que j’avais à faire ce matin. Cela n’empêcha cependant pas de me faire envahir de nouveau par tous leur ressentis et il était indéniable qu’ils le vivaient par rapport à moi. J’avais beau réfléchir, je ne trouvais pas de raison à tous leurs regards et à leur haine mêlée de peur à mon égard. Fébrile, je saisis la fourche en tentant de les ignorer, me fermant comme une huitre, sans cesse tiraillé.

Jamais je ne mis autant de temps à remplir une simple brouette, et je remerciais l’habitant de ce box pour son calme. Posé, l’animal ne bronchait pas, les yeux à demi-clos, trop vieux pour se soucier des humains et de leurs problèmes. Je devais maintenant aller vider la brouette à l’extérieur, ce qui impliquait de repasser devant eux. Ce fut donc ce que je dus faire, à contrecœur et angoissé. Sortant du box, en prenant soin de bien refermer la porte derrière moi bien que le cheval ne semblait avoir aucune envie de sortir, je redressais la tête vers le couloir qui m’apparaissait interminable. Je sursautais presque en m’apercevant que tous ceux présents ici me fixaient avec un air malsain. Déglutissant, je fis un premier pas et à cet instant seulement que j’entendis un mot chuchoté brièvement : « prison ». Perdant pied, mes murailles s’effondrèrent, et leurs émotions me parurent soudain plus violentes et brutales.

Dévasté, je laissais la brouette avant de marcher d’un pas rapide vers la sortie la plus proche. La tête basse, je devais me faire violence pour ne pas me mettre à courir, et c’est pourtant ce que je fis une fois sorti de leur champ de vision. Me précipitant vers la vielle carrière, j’allais encore plus loin et du m’arrêter chancelant les premiers arbres de la forêt passée.

M’appuyant à un arbre, je ne pus retenir le haut le coeur qui me saisit et me penchant brusquement en avant je rendis le peu que j’avais avalé à mon petit déjeuner, le corps parcourut de violents spasmes de rejet : rejet éprouvé par les autres qui connaissaient maintenant mon passé. C’était une chose que deux personnes le sache ici, s’en était une autre qu’une découverte brutale par tout ceux qui venaient ici, les seules personnes qui faisait partit de mon monde, de ma nouvelle vie…

Alors que je me forçais à oublier mon passé et aller de l’avant, celui-ci revenait me heurter de plein fouet, ravivant ma culpabilité et ma plus grande honte. Qui aurait pu me faire cela, à part le seul qui m’en voulait de ne pas oublier Killian. Une colère irraisonnée coula brusquement dans mes veines, m’aveuglant et m’offrant de nouvelles forces.

Me redressant vivement, j’allais vers l’homme qui m’avait trahi. N’était-ce pas finalement une forme de punition méritée selon lui. Furieux, je pris le chemin de la carrière où je savais qu’il donnait un cours à l’heure actuelle. Les tremblements qui jusqu’alors me parcouraient violemment furent non plus guidés par ma peur, mais par ma colère contre Gabriel. Sans réfléchir une seule seconde et méditer sur la possible vérité de cette idée, j’arrivais bientôt près de lui. Il était en train de parler avec Kay, ce qui redoubla ma colère, m’empêchant de maîtriser cette jalousie. Tel un animal blessé livrant son dernier combat, je puisais dans mes dernières forces et m’exclamais une fois arrivé à sa hauteur :

- Tu étais le seul à savoir… Comment as tu pu me trahir ainsi, Gabriel ?

Gabriel resta sans réaction, et je n’eus pas besoin de m’approcher plus de lui pour comprendre mon erreur. Ce n’était pas lui, il venait d’apprendre la nouvelle en même temps que moi. Incapable de m’excuser, encore sous l’effet de la haine, je préférais m’éloigner d’eux sans un regard. Comment avais-je pu croire un seul instant que c’était lui. Maintenant c’était certain, je ne le méritais pas, je venais de briser la dernière chose qui nous liait encore, je venais de perdre Gabriel…

Cette révélation manqua de me faire chuter, mais je sentis une main se poser sur mon épaule. Me retournant violemment, je m’exclamais la défensive en rompant ce contact qui me vidait de mes dernière forces :

- Ne me touche pas !

Kay me regardait droit dans les yeux, l’air mauvais. Ce qui était le plus douloureux, c’est que j’abandonnais Gabriel à cet homme que je n’avais jamais appris à ne serait-ce qu’apprécier.

- Je savais que quelque chose n’était pas normal chez toi. Tu es différent des autres, et la prison l’explique ! Et ce que tu viens de faire subir à Gabriel, je ne peux pas le laisser passer !

Mon silence et mon absence de réponse, le rendis fou de colère et il ajouta :

- Tu crois que tu ne l’as pas assez fait souffrir pour en plus l’accuser d’une chose qu’il n’a pas faite ? Si tu connaissais un peu plus Gabriel tu n’ignorerais pas que trahir un secret c’est quelque chose qu’il est incapable de faire.

J’attendais qu’il finisse sans broncher, n’ayant tout de façon pas la force ni le courage de répliquer quoi ce soit, le laissant enfoncer le couteau dans la plaie comme je le méritais.

- Si tu n’as pas confiance en lui, comment peux-tu espérer garder son amour ? Tu ne le mérites pas !!

Nous allions y arriver, il allait enfin me dire ce qu’il avait sur le cœur depuis la première fois que nous avions échangé un regard :

- Ne joue pas au con Juha, parce que quand Gabriel décidera de te quitter, moi je serais là pour lui et n’oublie pas qu’on a beaucoup de choses en commun ! Déclama-t-il en insistant sur le « beaucoup » de manière volontaire. Je sais qu’il éprouve des sentiments à mon égard…

C’était maintenant clair, il sous-entendait qu’il pouvait avoir Gabriel quand il le voulait, et qu’il ne me laissait que par soi-disant clémence. Je n’aimais pas la manière dont il parlait de Gabriel, comme un simple objet qu’il consentait à me laisser en attendant que je le casse pour venir le réparer et me le reprendre. Je n’hésitais pas à lui en faire par, ce qui le fit craquer. Il éleva sa main sur moi : grossière erreur. L’attrapant au vol, changeant du tout au tout, je retrouvais le masque d’autorité et de puissance que j’avais acquis pendant ces dix dernières années et déclarais d’une voix glaciale :

- J’ai fait dix ans de prison Kay, ne crois pas que je ne sais pas me défendre. Il vaudrait mieux pour toi ne pas entamer de bagarre.

Kay me lança un dernier regard avant de me tourner le dos et de rejoindre son cher Gabriel. Savait-il seulement que j’étais en train de baisser les bras, et qu’il était maintenant bien plus proche de lui que je ne l’étais ? Je l’avais perdu, et Kay était bien plus proche de la vérité que ce qu’il ne pensait. Pourrais-je seulement supporter de voir Gabriel dans ses bras ? La réponse négative me serre douloureusement le cœur. Si Gabriel n’était plus avec moi, je n’avais plus rien qui me retenait ici. Je le savais depuis mon arrivée ici, je ne sortirais pas indemne de cette relation avec Gabriel. J’espérais l’avoir aider un peu à surmonter la souffrance passée, et ce serait avec Kay qu’il pourrait réellement se reconstruire. J’étais trop instable et nocif pour celui qui s’approchait trop près de moi. Cela avait coûté la vie de Killian et jamais je ne permettrais que cela arrive à Gabriel.

Redressant la tête, je n’avais pas remarqué que j’avais avancé. Près de la vielle carrière, je m’assis sur le tronc d’arbre posé sur le bord, sans me rendre compte de la présence de Dorian qui approchait de moi à grand pas.

Je ne m’aperçus de sa présence que lorsqu’il s’assit à côté de moi. Il gardait une certaine distance qu’il n’avait jamais instaurée entre nous. Ses sentiments étaient confus, et tout comme lui, je ne parvenais pas bien à les discerner. A vrai dire, je ne cherchais pas à le faire.

Ce fut seulement après un soupire qu’il se mit à parler :

- Je pense que tu es au courant de la nouvelle de ce matin à ton sujet…

Il fit une pause, cherchant apparemment ses mots avant de reprendre :

- J’aurais préféré l’apprendre de ta bouche que de celle des autres…

Je lui lançais un simple regard. J’étais fatigué, en deuil de cette vie qui n’avait finalement été que le mirage d’un possible bonheur. Mon visage cerné trahissait ma douleur, et Dorian semblait plus peiné que je ne l’aurais imaginé à mon égard.

- Est-ce que Gabriel était au courant ? Se risqua-t-il à me demander.

- Oui, il savait…

- Je… J’ai croisé Gabriel, il était avec Kay… Il pleurait. Est ce que je peux connaître la rai…

- C’est de ma faute, le coupais-je. Je l’ai accusé à tord.

Un silence s’instaura entre nous, mais ce n’était heureusement pas un silence lourd et pesant. Dorian respectait à sa façon mon besoin de solitude, bien qu’il reste à mes côtés. Il ne me jugeait pas comme tous les autres. Cela cachait bien évidemment une raison plus profonde, mais je m’en moquais pour le moment. A vrai dire, j’étais finalement légèrement soulagé qu’il soit une fois de plus à mes côtés lorsque j’en avais besoin. Dorian aussi me manquerait lorsque je partirais d’ici, mais pas autant que Gabriel. A cette pensée, ma poitrine se comprima si fort que j’eus du mal à respirer.

Dorian s’en apercevant m’appela par mon prénom avant de poser sa main sur moi, hésitant, ne sachant plus trop comment se comporter. Ce contact, je ne le supportais pas, m’écartant de lui le moins brusquement possible, je m’excusais et mon regard suffit à lui faire comprendre. Je n’avais pas besoin qu’il me touche pour savoir qu’il me craignait et ne savait plus trop comment faire avec moi. Je sortais de prison après tout… Évitant son regard peiné, je décidais de me confier un peu, voulant à tout pris alléger en surface le poids qui m’opprimait. Et Dorian m’y aida en me demandant :

- Ca va aller… Laisse-leur le temps de se faire à l’idée que tu sors de prison. Rassure-moi, tu ne vas pas partir d’ici parce qu’ils savent tous ? 

- Qui vous a mis au courant ? Demandais-je en évitant sa question.

- Je ne sais pas… Quand je suis arrivé ce matin, la nouvelle circulait déjà entre eux… Qu’est ce que tu vas faire Juha ? Insista Dorian.

- Je n’en peux plus…Je suis en train de le détruire. Je fais tous de travers… Je… Je crois que je l’ai définitivement perdu. Kay est mieux pour lui. Mais je ne pourrais supporter de les voir ensemble.

- Alors tu baisses tout simplement les bras ?

- Oui, répondis-je catégorique. Pour le bien de Gabriel, c’est ce que j’aurais du faire depuis le début. C’est fini de toute façon, ce n’est plus qu’une question de temps…

- Je ne te savais pas si lâche Juha ! Qui te dis qu’il sera plus heureux avec Kay ?!!

- Kay l’aime et ne traine pas un meurtre derrière lui, dis-je en me redressant. Leur relation sera plus saine !

- Le coup du sacrifice ne marchera pas avec moi Juha. Enfin tu l’aimes ça crève les yeux !

Perdu, je ne répondis pas tout de suite, je ne savais plus que penser. Qu’en savait-il ? Je tenais énormément à Gabriel, mais j’avais peur. Peur de tout perdre et surtout de le perdre. Peur d’accorder une confiance irraisonnée en quelqu’un, comme je l’avais fait avec Killian qui avait fini par me trahir en m’imposant de le tuer. Car finalement c’était sur cela que reposait pour moi une relation amoureuse : la confiance en l’autre. Je n’avais déjà pas confiance en moi…

- Je ne sais pas, dis-je dans un souffle.

Dorian n’en supporta pas plu. Se levant, il se planta devant moi et me dit, le ton légèrement plus haut qu’à son habitude :

- C’est sur que c’est tellement plus simple que de chercher la réponse au fond de toi ! Tu l’aimes, et il n’y a pas que moi qui le pense. Quand vas-tu te l’avouer ! Ça ne se commande pas Juha, crois-moi…

Un silence s’instaura une fois de plus entre nous, jusqu’à ce que Dorian me dise :

- Tu devrais aller manger un peu Juha, tu es pâle à faire peur. Allez viens…

Docile, je le suivis, bien que l’idée de retrouver tout le monde réunis dans cet espace clos ne m’enchantait guère.

Je marchais quelques pas derrière lui, remarquant qu’effectivement, il valait mieux que j’avale quelque chose si je ne voulais pas tomber dans les pommes. Le fait que Dorian m’accompagne me rassurait un peu, mais ce ne fut malheureusement pas le cas. Un collège l’appela à l’aide et il me dit de partir devant et qu’il me rejoindrait après. N’ayant pas d’autre choix que d’y aller, je me rendis donc au réfectoire. Celui-ci était plein, et autant dire que tous les regards furent rivés sur moi lorsque j’attrapais un plateau. Déglutissant, et me coupant d’eux, je commençais à me servir raisonnablement en nourriture, seulement ce que je me sentais capable d’avaler.

C’est alors que je me sentis poussé de manière brusque. Ce n’était autre que Marion qui trouvait que je n’allais pas assez vite.

Ce simple contact la trahis. C’était elle qui était à la source de cette révélation. D’où elle tirait ses informations ? Je n’en avais pas la moindre idée. Elle me lança un regard narquois alors que je lui tournais le dos et finissais de me servir. Je réglerais mes comptes avec elle plus tard.

Choisissant la table la plus éloignée et la plus calme possible, j’allais m’installer seul, soupirant face à la lourdeur de la tension qui régnait dans cette pièce. Les regards furtifs et les messes basses commentant chacun de mes faits et gestes étaient déjà difficiles à supporter, mais ce n’était rien à côté de ce qu’ils ressentaient à mon égard.

Gabriel et Kay n’étaient pas encore là. Baissant les yeux et m’enfermant dans ma bulle pour être capable d’avaler ne serait-ce qu’une bouchée, je ne les vis pas arriver. Ce fut seulement au moment où tout le monde se tut que je redressais la tête, voyant Marion s’approcher de Gabriel, un sourire malsain dépeint sur le visage, Kay étant un peu plus loin.

- Alors Gabriel, ça t’excite les taulards ?

Gabriel sursauta violemment, tout autant surpris que moi par ses propos et sa question. Déjà blême, il devint livide. Satisfaite d’elle et de la réaction de Gabriel, elle se tourna vers l’assemblée et s’exclama :

- Faits une ovation au nouveau couple de l’année.

Un brouhaha inintelligible se fit entendre, tandis que je serrais les poings sous la colère. C’était une chose qu’elle s’en prenne à moi et à ma vie privée, s’en était une autre qu’elle s’en prenne à Gabriel. Lorsque le silence revint, Marion reporta son attention sur Gabriel et reprit :

- Quelle tragique histoire que celle du misérable petit orphelin entiché d’un assassin qui ne veut pas de lui… Et oui je sais tout de toi… Quel effet ça fait de se faire baiser et jeter par la suite ? Regarde dans quel état lamentable tu es… Mon pauvre garçon, tu es pitoyable, tu ne vaux vraiment rien… Tu ne t’es jamais demandé pourquoi ton père et ta mère n’ont jamais voulu de toi…

Ce fut plus que je ne pouvais en supporter. Les larmes de Gabriel inondaient ses joues, et Kay le regardait trop ahurie pour faire quoi que ce soit. Me levant, je me précipitais sur Gabriel qui vacillait. Je l’attrapais au dernier moment, juste avant qu’il ne tombe dans l’inconscience. M’assurant qu’il était bien tout contre moi protégé, ignorant pour l’instant le bien que cela faisait de l’avoir de nouveau dans mes bras, je fis face à Marion, la toisant de toute ma hauteur.

Malheureusement pour elle, elle était allé trop loin. J’aurais pu supporter bien plus à mon égard, mais la colère qu’elle avait déclenché chez moi en s’en prenant à Gabriel en faisait frémir plus d’un dans la salle.

 D’une voix glaciale, rentrant parfaitement dans la peau du personnage que tout le monde semblait s’imaginer : le dangereux criminel, je déclarais en la regardant droit dans les yeux :

- Que tu t’en prennes à moi c’est une chose Marion, mais Gabriel n’a rien à voir là dedans.

- Oh comme c’est touchant ! S’exclama-t-elle en se moquant ouvertement de moi. C’est pour ça qu’il t’a choisit ? Pour que tu le protège comme il savait que tu ne reculais même pas devant le meurtre ? Non mais regarde le, endormi dans tes bras, si beau… On pourrait croire à un ange. Mais toi ! Tu t’es regardé, tu ne fais que le salir rien qu’en l’ayant trainé dans ton lit.

- Dis-moi Marion, répliquais-je, tu aurais un problème avec l’homosexualité ?

- Non ! S’emporta-t-elle. Mais avec les meurtriers oui ! Qu’est-ce que tu croyais ? Nous le cacher éternellement ! Il est important que tout le monde sache, dit-elle en se tournant vers les autres. J’estime que nous devons être au courant du risque que nous courrons à te côtoyer.

- Tu t’imagines les risques que tu prends à me provoquer ainsi ?

- Je n’ai fait que dévoiler la vérité ! Se défendit-elle en faisant un pas en arrière.

- Et t’en prendre à Gabriel ! Il n’a rien à voir là dedans. Pourquoi est-ce que tu t’acharnes ainsi sur lui ? Par jalousie ? Tu n’as pas su le garder… C’est plausible !

- Mais je n’en ai rien à foutre de lui, au contraire, au moins je n’ai plus à le supporter. Un gamin pleurnicheur arrogant et bourré de défaut.

Marion avait vraiment beaucoup de chance que Gabriel soit dans mes bras. Il m’empêchait de déverser réellement ma colère sur elle physiquement.

- Dis-moi Juha, dit-elle en reprenant de l’assurance, est-ce qu’au moins tu as pris ton pied avec lui ? J’espère pour toi qu’il est plus doué avec les hommes… Remarque, se faire baiser, ça doit être plus facile pour lui. Honnêtement, de toi à moi, qu’est-ce que tu lui trouve pour avoir ne serait-ce que l’envie de te le faire ?

- Tu te rends compte à quel point tu es pathétique ! Attaquer aussi bassement, devant tout le monde. Gabriel vaut mille fois mieux que vous tous réunis dans cette salle. Dis-je en les toisant sévèrement. S’il n’était pas là, rien ne m’aurait poussé à rester parmi vous. Vous êtes tous à le jalouser alors que vous n’avez pas vécu ni fait la moitié de ce qu’il a enduré pour parvenir jusqu’ici. Vous devriez le respecter au lieu de le dénigrer. Et n’allez pas en plus lui rajouter mes problèmes sur le dos.

Prenant une courte pause, je toisais Marion de toute ma hauteur et mon mépris, sans cacher la rage qui faisait vibrer mon âme :

- Ta vie ne doit pas vraiment être passionnante si tu prends autant de temps à pourrir celle des autres. Notre vie privée n’est pas une pièce de théâtre ! Ne t’avise plus jamais de t’en prendre à Gabriel… La menaçais-je. Ou je te promets que tu le regretteras.

- Tu crois vraiment que tu me fais peur ! Je…

Marion fut soudain arrêtée, la main de son père atterrissant violemment sur sa joue. Depuis combien de temps était-il ici ? Je n’en avais pas la moindre idée. Kay vint se placer à côté de moi, fixant Gabriel anxieux.

- Disparais de ma vue ! Je ne veux plus te voir jusqu’à nouvel ordre. Tu me fais honte Marion. Tu n’es qu’une salle petite garce égoïste et cruelle.             

L’attrapant d’une poigne ferme par le bras, il l’entraîna hors d’ici loin de nous. C’est à ce moment là seulement que je réalisais mon état. Fébrile, je tremblais encore sous la colère, presque trop faible pour maintenir Gabriel. Kay sembla s’en apercevoir car il le prit de mes bras, pour le porter tout contre lui, m’arrachant à ce que je savais être notre dernière étreinte.

- Je vais l’emmener dans sa chambre, m’expliqua-t-il, sans me laisser vraiment le temps de réagir.

Je ne dis rien, je ne fis rien, simple spectateur de la fin de notre couple. Gabriel, emporté par celui qu’il lui fallait. Je m’étais déjà mille fois imaginé cette scène, mais la vivre réellement était autre chose. Marion avait malheureusement dit vrai : j’étais dangereux, dangereux pour quiconque s’approchait trop de moi.

Cette fois-ci, je me serais au moins arrêté à temps. Tournant les yeux vers la salle qui me fixait encore, muette, je jetais un dernier regard avant de sortir. J’avais pris ma décision, dès que tout serait fini avec Gabriel, je partirais d’ici. Je ne survivrais pas à le voir dans les bras d’un autre, incertain de savoir comment ma vie serait sans lui. A cette question, je préférais ne même pas penser à la réponse. Comprendrait-il seulement un jour mon choix ? N’en avait-il tout simplement pas assez ? Tiraillé entre deux hommes, je l’aidais à faire le meilleur choix possible…

- Juha ? M’interpella Philippe alors que je sortais du bâtiment. Je suis vraiment désolé pour ce qui vient de se passer. Je… Je te donne ton après-midi, repose-toi et nous parlerons de tout cela demain.

Je ne répondis même pas, lui offrant simplement un léger acquiescement de la tête. Me détournant de lui, j’allais droit devant moi. J’avais tellement mal au cœur que pleurer me semblait impossible. Me répéter sans cesse que c’était la bonne décision me faisait pourtant tenir encore debout.

Sans trop m’en rendre compte, je me retrouvais assis sur le banc de la vielle carrière, regardant un poulain et sa mère se dégourdir les pattes dans la neige.

Inspirant profondément, je me sentais vide. La colère me quittait peu à peu. Je repensais à la chaleur de Gabriel collé tout contre moi, inconscient et au bien que cela m’avait fait. C’était en lui que j’avais puisé mes forces et pour lui que j’avais tenu tête à Marion. Fermant les yeux un court instant, je me perdis dans les souvenirs heureux que nous avions pu partager, me remémorant nos étreintes, notre première fois… Le souvenir de notre première rencontre m’aurait presque fait sourire si mon cœur n’était pas aussi meurtri.

Perdu dans toutes ses pensées pendant je ne sais combien de temps, je ne m’aperçus de la présence de Gabriel que lorsqu’il s’assit près de moi. Il gardait une distance respectueuse, étant bien loin du temps où l’on aurait pu se qualifier d’intimes. Il n’avait même pas besoin de commencer à parler, je savais et sentais pourquoi il était ici. Mon cœur tonnait dans ma poitrine, et je tentais laborieusement de me dire qu’il faisait le bon choix.

- Il est beau notre couple, tiens… Souffla-t-il avec amertume et une pointe de faux amusement dans la voix après un cours silence gêné.

Ne pouvant me retenir, je lâchais dans un murmure qui m’était plutôt adressé mais que Gabriel pris pour lui :

- Comment en est-on arrivés là ?

Choqué par ma question, il se tourna face à moi en s’exclamant :

- C’est à moi que tu demande ça ?!

Je ne répondis rien, un silence pesant et angoissant nous enveloppa. Une question finit par me brûler les lèvres, au souvenir de ce qui avait tout déclenché. Jamais je ne l’avais sondé à ce sujet, désirant au moins le savoir avant de définitivement le quitter pour le laisser se reconstruire avec un homme plus sain que moi.

- Pensais-tu réellement ce que tu as dit ?

Gabriel savait pertinemment ce à quoi je faisais allusion. S’il avait connu mon secret, il aurait trouvé ma question ridicule. Je n’avais qu’à le sond Que sa simple amitié ne me suffirait jamais, qu’il comptait pour moi plus que tout. J’aurais pu le prendre dans mes bras, démentir ses propos, lui demander de me laisser du temps. Mais n’aurais-je pas été égoïste ? Serais-je seulement un jour capable de dire à nouveau « Je t’aime » ? Je devais lui rendre sa liberté, et rester dans la prison que je m’étais forgée et dont je ne parvenais pas à sortir. J’aurais pu me battre, ne pas accepter avec autant de résignation cette séparation. Je ne sus grâce à quelle force je restais immobile et silencieux.

Gabriel finit par se lever, et commença à partir, tandis que je redoublais d’effort pour lutter contre mon envie de l’attraper par le bras et de le retenir… Mais le retenir pour quoi ? Pour le détruire d’avantage ?

Gabriel s’arrêta au bout de quelques pas, et sans pour autant se retourner, il déclara :

- Je passerais ce soir chercher quelques affaires pour la semaine…

Sans attendre de réponse, il reprit sa route, s’éloignant définitivement de moi. S’il avait tourné la tête à ce moment là, il aurait vu alors mon visage inondé de larmes…

 Je ne fis rien pour les retenir, j’en aurais été de toute façon incapable. Je restais là, le regard dans le vide, pleurant silencieusement, passif quant à ma douleur, aveugle du monde extérieur.

- Je me doutais que tu serais là… Me dit Dorian, en s’asseyant près de moi. J’ai vu Gabriel…

Je ne lui lançais même pas un regard, ni la moindre attention, murmurant plus pour moi que pour lui, formalisant à voix haute ce qui venait de nous arriver :

- C’est fini…

Les larmes redoublèrent, tandis que la main de Dorian se posa sur mon épaule. Un regard vers lui, sa compassion, ce silence, la douleur poignante me firent craquer pour de bon. La main de Dorian serra plus fort mon épaule, alors qu’il prononçait mon nom avec une voix emprunte de tristesse, avant de me demander :

- Tu lui as parlé ? Dis ce que tu avais sur le coeur ?

Je fis « non » de la tête, et Dorian répliqua aussitôt :

- Mais enfin ? Pourquoi ? Tu m’as dit hier que tu tenterais de lui parler ! Qu’est-ce qui te prend Juha ?

- Si j’avais parlé, cela aurait été trop dur pour Gabriel. Je préfère qu’il m’en veuille… C’est la meilleure solution. Je ne suis pas fait pour lui, ce qui s’est passé avec Marion en est la preuve.

Dorian ne répondit rien, me fixant en attendant que je poursuive :

- Je savais que ça devait arriver Dorian, mais je ne m’attendais pas à ce que ça fasse aussi mal…

Dorian ne résista plus. En un rien de temps, je me retrouvais dans ses bras. Ma tête se posa naturellement sur son épaule, tandis que je pleurais une fois de plus dans ses bras, sans savoir si je parviendrais un jour à m’arrêter.

Dorian me murmura quelques mots de réconfort, mais j’y restais sourd, ne tentant même pas de les entendre. Jamais je ne saurais le remercier assez pour tout ce qu’il faisait pour moi, et pour le soutient qu’il m’avait apporté pendant ces deux semaines. Lui rendant son étreinte, je le serrais contre moi, redressant légèrement la tête. Je croisais le regard du directeur qui passa de la colère à de la peine à mon égard. Il ne vint pas vers nous, poursuivant son chemin vers le parking avant de disparaître de ma vue.

Je ne sus combien de temps je restais dans les bras de Dorian avant de le quitter ayant besoin d’être seul. Dorian me proposa de me ramener chez moi, mais je lui expliquais que je préférais marcher. Il me fit promettre de l’appeler ce soir si jamais j’en avais besoin. C’est ainsi que je rentrais seul, quittant ce centre peut-être pour la dernière fois. Shanenja me suivit, docile et peu joueur, et sans un regard en arrière je rentrais chez moi… Sans Gabriel et avec ce rejet collectif quand à mon passé, je n’avais plus ma place ici.

Assis sur le canapé face à l’entrée depuis que j’étais arrivé ici, je n’avais pas fait un seul geste, me replongeant dans tout mes souvenirs : ceux avec Killian, mais surtout ceux avec Gabriel. Immobile, j’étais maintenant plongé dans le noir, sans trop en avoir conscience. Gabriel n’allait pas tarder à venir chercher ses affaires, et je savais pertinemment que ce serait véritablement la dernière fois que nous nous verrions. M’en voudrait-il d’être partit ainsi ? Certainement énormément, mais j’espérais qu’avec le temps il comprendrait. Je préférais une rupture nette et franche, que de le voir chaque jour un peu plus proche de Kay jusqu’à la concrétisation de leur couple et de leur union. Je préférais me l’imaginer simplement que de le voir de mes propres yeux. De même plus pour Gabriel, mieux valait qu’il m’oublie vite pour se reconstruire avec Kay, que je reste ainsi sous ses yeux.

La porte s’ouvrit, Shanenja se ruant vers Gabriel pour l’accueillir comme il se devait. Allumant la lumière de l’entrée, sans se douter que je le regardais, il s’agenouilla auprès de l’animal avant de le caresser longuement, me laissant imprimer en mon esprit les dernières images de lui que je pourrais emporter.

Après quoi, il se redressa et alluma la lumière. Il ne cacha pas sa surprise de me voir seul dans le salon, dans le noir. Ne supportant pas mon regard, il détourna les yeux en murmurant :

- Je… Je reste pas longtemps…

Sans un mot de plus, il se dirigea dans la chambre. Même vivre dans cet appartement sans lui me serait impossible. Peut-être partirais-je juste après lui, incapable de dormir, mieux valait que je commence à m’éloigner dès maintenant.

Une fois qu’il eut récupéré tout ce dont il avait besoin dans la chambre, il prit la direction de la salle de bain avec son sac. J’avais l’impression que cet instant n’allait jamais prendre fin. De plus, quelque chose tiraillait en moi, comme une envie de sonder Gabriel en profondeur pour vérifier la véracité de ses propos. Pourtant, je m’y refusais depuis qu’il m’avait dit m’aimer. Je m’étais coupé de lui, plus que je ne l’aurais cru, ne sachant plus comment m’y prendre. Seule la peur m’en empêchait… Saurais-je seulement m’en tenir à ce que j’avais décidé si ses sentiments correspondaient et que je me laissais envahir par eux ?

Gabriel arriva dans le salon, ravivant cette tentation à laquelle je résistais sans trop savoir comment. Plus il s’approchait de moi, et plus je sentais ma volonté s’effriter.

- Bon ben… Je… On se voit demain…

Gabriel resta un instant immobile, attendant une quelconque réponse ou réaction de ma part. Ce fut seulement au moment ou il me tourna le dos, prenant la direction de la sortie, lassé de mon comportement, que je ne pus tenir. Je ne pouvais pas partir sans savoir, et c’était maintenant ou jamais. Libérant mon don, celui-ci se déversa aussi vivement que l’eau s’échappant d’un barrage pour aller sonder Gabriel. Pas besoin de contact pour l’atteindre aussi intimement, j’avais été si proche de lui par le passé que nous étions liés.

Passant outre sa douleur actuelle, fuyant son amour pour Kay, évitant ses peurs profondes, je fis le tri à une vitesse que je n’avais jamais expérimentée. Et je parvins enfin à la dénicher, cet amour sincère et si pur. Il n’était pas caché, il était juste là sous mes yeux. Aveuglé par ma peur et ma douleur, je réalisais seulement maintenant l’ampleur du désastre qu’une séparation lui causait. Il m’aimait si profondément, que j’en fus déboussolé mais ravivé de nouvelles forces. Mes résolutions s’effondrèrent tel un château de carte. Impossible de le laisser, impossible de continuer à me taire, impossible de le laisser à un autre.

- Gabriel ! Dis-je alors qu’il venait juste de disparaître du salon.

Marchant vers lui, je me retrouvais debout devant lui, alors qu’il se retournait pour me faire face. Gabriel m’envoya simplement un regard interrogateur. J’avais l’impression d’entendre les battements frénétiques de son cœur, de sentir l’espoir et la peur qu’il ressentait. Me retirant de lui, ayant ce que je voulais, je chutais brusquement dans mon corps, déstabilisé. Si je m’étais écouté après une telle expérience qui avait ruiné toute mon énergie, je me serais effondré. Mais je ne pouvais pas, j’avais entre mes doigts une dernière chance de le récupérer, un dernier espoir, aussi faible qu’une flamme éprouvée par le vent.

Je mis apparemment trop longtemps avant de parler, ne sachant par ou commencer, car il soupira, horriblement déçu, me cachant au mieux son envie de pleurer.

- Ouais… Allez… Salut…

Son sac sur l’épaule, il esquissa un pas vers la porte. Il ne m’en fallut pas plus. Je l’attrapais par le poignet, l’empêchant de fuir.

- Gabriel… Je t’en prie…

Me cédant, Gabriel consenti à se tourner une dernière fois vers moi, m’offrant cette unique chance. Cherchant mes mots, Gabriel attendait patiemment que me lance enfin. Après une longue inspiration, je me décidais enfin à lui dévoiler ce que j’avais sur le cœur. Sans trop savoir ou j’allais, je repris d’une petite voix :

- Jusqu’à maintenant j’ai toujours fait passer Killian avant toi… Je… Je me suis enfermé dans ma douleur et la prison ne m’a certainement pas aidé à oublier et à dépasser ce cap…

- C’est l’impression que j’ai eu aussi, répliqua-t-il.

Ignorant son sarcasme, je poursuivis, laissant les mots traverser mes lèvres sans les retenir :

- Je sais que je suis bourré de défauts, que je t’ai ignoré au moment ou tu avais le plus besoin de moi… J’ai agis comme un égoïste et que toute la douleur que je ressens ne me pardonne pas de mes actes… A présent, je sais ce que ça fait de vivre loin de toi, et je peux désormais affirmer qu’il est certain que je ne peux plus vivre sans toi parce que je ne conçois pas la vie sans toi à mes côtés…

Des larmes coulèrent alors sur les joues de Gabriel. Ne cherchant pas à les interpréter, je fis une courte pause avant de reprendre ma confession :

- Plongé dans ma propre douleur, j’en ai ignoré la tienne, je n’ai pas su écouter ta détresse quand tu as avoué m’aimer… J’ai été trop orgueilleux pour avouer mes fautes tout de suite… Mais je compte bien faire un effort et aller de l’avant, mais pour cela, j’aurais besoin de ton aide car ne j’y arriverais pas tout seul, Gabriel…

Après une seconde durant laquelle il resta silencieux, certainement trop ému pour rajouter quoi que ce soit, j’ajoutais :

- J’espère sincèrement qu’un jour je n’aurais plus besoin de m’appuyer sur toi, et ce jour là seulement, je pourrais être honnête avec moi, mais surtout envers toi…

Voilà pourquoi je ne pouvais pas lui dire « Je t’aime »… Enhardi par une envie que je ne pus retenir, je m’approchais de lui, et m’emparais de ses lèvres pour un baiser violent. Pris d’une pulsion incontrôlable, comme un drogué cédant à sa dose, je forçais le barrage de ses lèvres alors qu’il restait immobile et stupéfié. Insinuant ma langue dans sa bouche, ce ne fut qu’au contact de ma langue contre la sienne que Gabriel répondit enfin au baiser à mon plus grand plaisir.

L’ardeur qu’il y mettait déchaîna un désir insoupçonné dans tout mon être. Nous étions restés tous deux bien trop longtemps loin de l’autre, pour être capable de nous retenir. Si l’empressement que Gabriel mettait dans ce baiser m’étonnait tout autant que cela me ravissait, je ne fis aucun commentaire.

Lorsque je mis fin au baiser, loin d’être rassasié, je déclarai d’une voix étrangement rauque :

- En attendant, je peux déjà te prouver d’une autre façon ce que je ne peux exprimer par des mots…

Sans pour autant lui dévoiler que je comptais m’offrir à lui, je déboutonnais sa chemise avec empressement avant de la laisser tomber sur le sol, incapable de réprimer mes envies. Ma bouche explorait déjà son cou, mordillant sa peau avant de la lécher longuement comme pour effacer la douleur causée par mes dents. Je n’aurais su décrire le plaisir que j’éprouvais à me délecter à nouveau de la saveur si particulière et légèrement sucrée de sa peau.

- Non… Juha… A… Arrête… Tenta-t-il vainement de me repousser, sachant tout comme moi qu’il ne résisterait pas longtemps.

Ne prenant pas attention à ses faibles protestations, je posais délicatement mes mains sur son torse dénudé, galvanisé par ce contact qui m’avait cruellement fait défaut, avide de faire frémir à nouveau sa peau sous mes attentions. Titillant ses tétons qui durcissaient au contact de mes doigts, Gabriel lâcha un soupir de contentement. Prenant cela comme une invitation à aller plus loin, je ne pus que descendre mes mains. Ma virilité commençait déjà à pulser contre sa cuisse, réclamant ce qui lui avait été interdit pendant ces deux semaines. Déboutonnant son jean, passant une main à l’intérieur, Gabriel sembla reprendre ses esprits, car il sursauta violemment en me repoussant. Baissant les yeux, comme honteux, il murmura :

- Je… Nous ne pouvons pas… Ce n’est pas raisonnable… Tout… Tout n’est pas encore pardonné…

- Arrête de réfléchir, Gabriel, murmurais-je d’une voix rauque qui ne cachait pas mon désir. Laisse-toi vivre… Tu n’as qu’une vie, profites-en…

Nous en avions besoin, tous les deux, et pas pour un simple besoin purement physique. J’avais besoin de sentir son corps contre le mien, tout comme c’était nécessaire pour lui. Sans lui laisser le temps de répondre, je l’embrassais de nouveau avec passion et avidité dans le but de le débrider. Réagissant à mon plus grand plaisir à mon injonction, il répondit vivement à mon baiser, glissant une main sur ma nuque et une autre dans mes cheveux afin d’approfondir notre échange.

Un frisson me parcourut l’échine, telle une décharge électrique. N’étant plus maître de moi-même, je mordis sa lèvre inférieure alors que mes mains se posaient sur ses fesses, l’attirant vivement à moi, ne supportant plus cette distance. Nos bassins se rencontrèrent alors que nos lèvres étaient toujours soudées. Soudain, Gabriel poussa un gémissement de douleur et de plaisir mêlés qui mourut dans ma bouche.

Ne lui laissant pas le temps de réfléchir aux raisons qui le pousseraient à refuser, j’investissais son corps, laissant ses résolutions fondre comme la neige au soleil. Il m’avait manqué, terriblement manqué. Aucun de mes gestes n’était dénué de tendresse ou de délicatesse, désirant seulement le retrouver, agissant comme je l’avais toujours fait avec lui dans ce genre de moment. J’avais trop besoin de lui, et je me demandais maintenant comment j’avais fait pour me résoudre à l’abandonner. Aurais-je seulement survécu à une journée sans le voir, en sachant qu’il ne serait plus jamais mien ? Comment avais-je supporté cet éloignement de deux semaines ? J’avais l’impression que cela avait duré une éternité, les secondes se comptant en années.

Gabriel semblait être dans le même état que moi, et il sursauta violemment lorsque je mordillais délicatement le lobe de son oreille, un bras passé avec possessivité autour de sa taille. A ce contact, Gabriel se cambra violemment, nous arrachant à tous deux un gémissement de plaisir lorsque nos virilités entrèrent en contact.

Galvanisé par mon désir plus qu’évident qui battait contre sa cuisse, Gabriel se mit à onduler du bassin, attisant son propre désir tout autant que le mien. A mon plus grand plaisir, il se désinhiba à son tour, me montrant le Gabriel que moi seul connaissait. Entreprenant de me toucher, il mit fin au baiser, explorant de ses lèvres mon visage avant de descendre jusqu’à mon cou, tandis que ses mains se frayaient un chemin sous sa chemise.

Un frisson bien plus violent que le précédent parcourut à nouveau mon échine à cet effleurement, et la seconde qui suivie, Gabriel se retrouvait vivement plaqué contre le mur de l’entrée, alors que je maintenais fermement ses mains au dessus de sa tête, le mettant à ma merci.

Un sourire amusé étira ses lèvres face à la réaction que je venais d’avoir et que je n’avais pu contrôler. Je ne cherchais d’ailleurs en rien à me retenir. Je dévorais son cou et son torse avec une avidité et une gourmandise non feintes. A chaque instant, je savourais sa le gout de sa peau, unique et exaltant. Soudain, un couinement d’impatience s’échappa de ses lèvres entrouvertes lorsque ma langue vint jouer avec ces tétons durcis par le plaisir en même temps que mon genou venait écarter ses cuisses, rapprochant ainsi plus qu’il n’était possible, nos bassins et nos virilités douloureusement tendues. Je n’avais dès lors plus le moindre doute sur l’envie de Gabriel et sur mon propre désir. Les joues et le corps en feu, Gabriel s’abandonnait totalement à moi, m’offrant cette fameuse confiance qui m’effrayait…

Ses mains étaient toujours retenues prisonnières par ma poigne de fer, et il ne pouvait me toucher et me caresser à sa guise, alors que je sentais cette envie lui bruler les doigts. Pleins de ressources, Gabriel pris appuis contre le mur avant de passer ses jambes autour de mes hanches, le pantalon ouvert. Esquissant un lent déhanchement tout en gémissant sans retenue aucune, Gabriel accroissait mon désir déjà plus que conséquent. Fier de l’effet considérable qu’il avait sur moi, il esquissa un sourire ravi, tandis que mes mains venaient se poser sur ses fesses. Les jambes fermement entourées sur ma taille, Gabriel ne pesais presque rien. Il passa un bras autour de mon cou pour m’attirer à lui et ravis mes lèvres d’un baiser enflammé. Se laisser vivre : Gabriel avait pris mon invective au pied de la lettre.

Nos langues se rencontraient ardemment, en manque l’un de l’autre, entraînant sa jumelle dans un ballait érotique et sensuel, toujours plus endiablé, toujours plus profond. Nos corps soudés l’un contre l’autre s’emboitaient à la perfection. Maintenant libre, les mains de Gabriel vinrent vagabonder sur mon corps laissant cours à la passion qui le consumait. Mes vêtements m’empêchaient de véritablement sentir le toucher direct de ses doigts sur ma peau, et cela semblait le troubler tout autant. Bientôt, je laissais sa langue abandonner la mienne, et Gabriel alla se perdre dans la peau de mon cou. Celui-ci prit un mail plaisir à titiller les zones érogènes qu’il y trouva. Le plaisir apporté m’obligeant à laissé échapper des gémissements qui semblait ravir les oreilles de mon amant. Totalement attentif, mon attention toute entière tendu vers ce qu’il me faisait, j’étais tout entier soumis à la moindre de ses caresses et de son bon vouloir.

J’acceptais cette douce torture qu’il fit durer encore un instant, puis lassé de ce petit jeu, il entreprit de passer à autre chose. Non sans difficulté, il déboutonna mon jean. Au contact aérien de ses doigts effleurant ma virilité, je ne pus m’empêcher de me cambrer afin d’approfondir ce contact jugé trop succin, tout en étouffant dans son cou un gémissement rauque incontrôlable. En position d’infériorité face à moi, je ne lui concédais pas moins qu’il était maître de mon plaisir.

Se démenant, il parvint à glisser sa main dans mon boxer et du bout des doigts, il effleura avec hésitation mon érection alors qu’ondulant du bassin, les dents plantées dans son cou, je me laissais complètement aller au plaisir qu’il me faisait ressentir. Les petits cris que je poussais aidèrent Gabriel à prendre confiance en lui et il raffermit sa prise sur ma virilité.

Lentement, il entama un lent va et vient ponctuer de baisers frénétiques déposés dans mon cou. Ivre de plaisir, je tentais d’atteindre le plus rapidement possible les sommets du plaisir en de vigoureux déhanchement, savourant à chaque instant ce que m’offrait mon amant. Cependant, Gabriel gardait obstinément le même rythme horriblement lent dans le but d’attisé au maximum mon désir, cessant parfois tout mouvement ce qui lui valait de ma part un grognement rauque de mécontentement. Jouant de ma patience et de ma capacité à tenir, il accéléra enfin la cadence de ses va et vient, cessant sa torture, m’arrachant un cri d’exaltation à l’état pur. Alors que j’étais sur le point de me libérer, me retenant au maximum, Gabriel finit par accélérer d’avantage. Un instant plus tard, je me libérais dans sa main en un cri de jouissance, irradié par ce plaisir irrationnel et dévastateur.

Il fallut un moment avant que je reprenne mes esprits, restant la tête posée sur son épaule et le visage enfoui dans son cou. La respiration saccadée, je pris le temps de me remettre de cet orgasme violent qui avait déferlé sur moi.

Lorsque ma respiration fut redevenue à peu près régulière, je plongeais mon regard dans le sien, un petit sourire satisfait encore dépeint sur ses lèvres. Avec une avidité sans cesse renouvelée, je m’emparais de ses lèvres tout en entamant un langoureux mouvement de bassin qui réveilla instantanément son désir, bien décidé à lui rendre la pareille. Ravis, j’entendis un gémissement étouffé naître dans sa gorge alors que je me frottais lascivement contre son intimité, lui rendant la monnaie de sa pièce de la manière la plus agréable possible.

Puis, je retirais mes mains de sous ses fesses, et les posais sur ses hanches nue, désirant une position plus convenable pour ce qui allait suivre. L’esprit embué, Gabriel se contenta de me libérer de ses jambes et repris appuis sur ses pieds. Ravi, je laissais glisser mes mains jusque sur ses fesses, m’insinuant sans pudeur mais sans brusquement aucune dans son boxer que je fis lentement glisser le long de ses cuisses en même temps que son jean et ses chaussettes, le voulant entièrement nu sous mes yeux.

Jamais je ne me lasserais de cette vue qui s’offrait maintenant à moi. Je le vis fermer les yeux, et il retint à grand peine un gémissement de plaisir lorsque mes doigts s’enroulèrent délicatement et avec savoir faire sur sa virilité tendue que je savais douloureuse.

M’agenouillant face à lui, je ne tardais pas à laisser ma langue s’enrouler autour de son érection alors que je le prenais en bouche. A mon tour avec une lenteur exagérée, j’entamai un doux va et vient le long de son intimité, lui arrachant un profond soupir de bien être que je désirais entendre encore et encore. Me concentrant sur ma tache, je sentis tout de même les doigts de mon amant se glisser dans mes cheveux. Après un instant de ce traitement, je cessais tout mouvement, lui arrachant un sanglot de protestation qui mourut dans ma bouche après que je me sois relevé afin de lui voler un baiser fiévreux, déjà en manque de ses lèvres.

Puis, libérant ses lèvres après avoir léché le sang séché de ma morsure, ma langue explora son corps comme pour la première fois, le faisant frissonner de plaisir. Il était indéniable que je prenais autant de plaisir que lui à agir ainsi. Le voir se languir ainsi valait tout les trésors du monde. Reprenant ma descente, je m’arrêtais sur son tout nouveau tatouage, prenant cette fois véritablement le temps de l’observer. Avec une extrême délicatesse, j’effleurais de mes doigts cette zone encore sensible, qui eu pour effet de lui déclencher un violent frisson.

Je l’étudiais longuement, l’impriment en ma mémoire comme une chose faisant maintenant partie de mon amant, avant de prendre de nouveau entièrement son sexe en bouche. Les yeux clos, Gabriel cria de plaisir, m’invitant à aller bien plus loin et à cesser de me faire languir. Ma langue experte s’enroulait en un mouvement irrégulier autour de son intimité, le guidant irrémédiablement aux portes de la jouissance. Je sentais Gabriel se noyer dans le plaisir qu’il ressentait, perdant peu à peu conscience de l’espace et du temps. Nous étions tous deux uniquement concentré sur le plaisir que je lui offrais.

Ce fut après une caresse plus poussée que je sentis Gabriel vaciller. Le comprenant proche de la libération, j’accélérais la cadence. Allant toujours plus loin, ce fut après une dernière caresse profonde et bien plus poussée que Gabriel se libéra dans un cri de jouissance qui tinta harmonieusement à mes oreilles. Ses jambes ne supportant plus son poids, il s’écroula sur le sol, le souffle erratique. Sautant sur l’occasion, je vins immédiatement lui voler un baiser passionné.

Agenouillé entre ses cuisses, je déposais des milliers de baisers papillons sur son visage, et son corps moite de sueur, le laissant lentement se remettre de ses émotions et qu’il stabilise sa respiration.

Levant la main, il la posa avec tendresse sur ma joue rugueuse et mal rasé, me forçant à relever la tête et planta son regard dans le mien. Dans ses pupilles, je pu y lire les mots qu’il n’avait pas la force de prononcer. Après une longue minute à nous fixer ainsi, il m’attira à moi et avec une extrême délicatesse, il prit possession de mes lèvres, dans un baiser débordant d’amour, un baiser emprunt d’une douceur qui m’avait fait défaut depuis des années.

Ce baiser n’avait rien à voir avec les précédents baisers enflammés que nous avions partagés. Non, celui-ci scellait enfin notre réconciliation et le pacte que nous venions d’échanger silencieusement. Nous nous promettions tous deux, que plus jamais une crise comme celle que nous venions de vivre n’arrive à nouveau. Jamais nous n’oublierons ces deux dernières semaines, les gardant en mémoire pour ne plus jamais en arriver là…

Dans ce baiser, je sentis Gabriel mettre tout son amour et son désir pour moi, alors que ses bras se refermaient sur moi, me laissant dans une étreinte qui faisait battre mon cœur.

Lorsque nos lèvres ses séparèrent, Gabriel glissa son visage dans mon cou, inspirant profondément avant de murmurer au creux de mon oreille dans un souffle :

- J’ai envie de toi… Mais pas ici… Pas comme ça…

Sa demande me surpris, jamais Gabriel ne s’était montré aussi direct et avenant. Plantant mon regard dans le sien, je cherchais ce qui pouvait être la cause d’un tel changement. Je ne pouvais pas dire que je n’appréciais pas Gabriel ainsi, plus débridé, au contraire, mais je n’étais pas habitué. Celui-ci se mit à rougir, sans détourner les yeux, me montrant à quel point il était déterminé. Il en avait autant envie que moi, mais s’offrait de manière différente. Etait-ce du au fait qu’il m’avait révélé m’aimer, ne voyant plus de limite entre nous deux. Mon regard s’illumina, heureux de connaître à nouveau ce sentiment, heureux de sentir Gabriel plus proche de moi comme jamais il ne l’avait été.

Un sourire vint se dépeindre sur mes lèvres et m’arrachant à son étreinte, je me levais pour accéder à sa requête. Debout face à lui, je ne pus m’empêcher de le contempler sa nudité, avant de lui tendre la main, jugeant l’avoir suffisamment admiré. Gabriel m’adressa un sourire et attrapa la main que je lui tendais avec cette confiance en cet instant ne m’effrayais pas.

D’un geste vif, mais emprunt de tendresse, je l’aidais à se relever, l’attirant contre moi, entourant sa taille d’un bras possessif, ne désirant pour rien au monde le laisser fuir. Un léger sourire dépeint sur les lèvres, Gabriel soutint mon regard. Il s’avança lentement vers moi afin de ravir mes lèvres, à mon plus grand plaisir. Ne pouvant cependant pas supporter sa progression volontairement hésitante, je comblais l’espace qui nous séparait encore avec un empressement non dissimulé.

Bientôt, ma main alla se perdre sur ses fesses, très vite rejointe par sa jumelle. Sans jamais rompre le contact de nos lèvres soudées, je le guidais à travers le salon. Au passage, il fallut bien évidemment que je trébuche sur un objet non identifié, qui faillit nous faire chuter tous les deux. Cramponnés l’un à l’autre, Gabriel esquissa un sourire amusé, tandis que je reprenais ses lèvres en otage. Jamais je ne me lasserais de leur gout, jamais je ne voulais les laisser à quelqu’un d’autre.

Une fois arrivés dans la chambre, je laissais à peine le temps à Gabriel de fermer la porte sur notre passage, la poussant simplement du pied. Sans faire attention, je buttais contre le pied du lit. Chutant sur le matelas, je m’agrippais à lui, l’entrainant dans ma chute.  Gabriel se retrouva allongé sur moi, le visage enfoui dans mon cou. Je ne pu retenir un sourire, amusé par cette chute, mais je fus bien vite emporté par la bouche de Gabriel se déposant sur ma peau. Il était indéniable qu’il gagnait en savoir faire…

Il finit par se redresser, s’agenouillant sur mon bas ventre. Me chevauchant sans la moindre honte, il ondula du bassin, provoquant chez moi une réaction qu’il fut obligé de sentir. Comme si rien n’avait été fait jusqu’à maintenant, mon excitation revenait au point de départ, avide de toujours plus. Les deux mains posées à plat sur mon torse, Gabriel ferma les yeux, mordant sa lèvre inférieure en retenant un gémissement la tête légèrement penché sur le côté. Cette vue me rendait encore plus fou.

Le souffle erratique, il reporta son attention sur moi, me fixant d’un regard à moitié voilé par le plaisir qu’il partageait avec moi. Mes mains posées sur ses hanches, je le guidais au mieux dans son déhanchement, ne le quittant pour  rien au monde du regard. Je n’arrivais cependant pas à cacher ma surprise de le voir ainsi, poussant toujours les limites qu’il s’était inconsciemment fixé. C’était parfait pour ce que je prévoyais pour la suite. Rien que l’idée que je sois sien faisait battre mon cœur encore plus vite, vibrant à cette simple pensée.

Comprenant mon étonnement, Gabriel esquissa un petit sourire en coin, et dans un geste narquois, il pressa plus vivement son intimité contre la mienne, déjà douloureuse, m’arrachant un cri de plaisir à l’état pur.

Dans un état second, je le sentis tout de même se pencher vers moi. Il entreprit de gouter la peau de mon cou, alors que ses doigts se faufilaient habilement sous mon t-shirt. Comment avions nous pu nous passer de cela pendant deux semaines ? Je me rendais compte à chaque instant à quel point Gabriel était devenu vital pour moi, sa présence, son odeur, son corps, son être tout entier… Oh comme il m’avait manqué…

Lentement, il remonta mon vêtement, découvrant la peau de mon ventre sans se gêner pour la regarder et la caresser. Je me laissais faire, trop heureux de lui laisser prendre des initiatives. Attiré par mon corps, Gabriel finit par y poser ses lèvres. A ce contact, mon ventre se contracta alors qu’un gémissement rauque s’échappa de ma gorge. Avec une lenteur exagérée, il redessina la courbe de mes muscles, remontant vers mes tétons durcis par le plaisir qu’il me procurait. Je pouvais sentir mon corps entier bouillir de désir, me vrillant les reins, me coupant du monde extérieur, pour ne vivre qu’avec mon amant.

D’humeur taquine, celui-ci se contenta d’en effleurer un du bout de la langue avant de faire le même avec le second, me laissant en plus la caresse de son souffle chaud irradiant l’entièreté de mon corps. Gabriel réitéra son action plusieurs fois et je ne pus retenir un grondement sourd d’impatience, lui faisant comprendre qu’il était temps de passer à autre chose.

Un sourire satisfait étira ses lèvres alors qu’il se redressait pour dévorer avec avidité mes lèvres, baiser auquel je souhaitais répondre avec la même envie.  Mais alors que j’entrouvrais la bouche, Gabriel s’écarta de moi, m’adressant un regard menaçant et cessant tout mouvement du bassin. Ne comprenant pas ce qu’il voulait, je rongeais mon frein, alors qu’il se penchait vers moi. Mordillant le lobe de mon oreille, il me souffla de manière suave :

- Tu es bien pressé, honey… N’était-ce pas toi qui me disais que nous avions tout notre temps ?

A ces mots, il me lécha l’oreille, me faisant frissonner avant de se redresser. Je ne pu m’empêcher de lui adresser un regard meurtrier, faussement agacé par sa réplique, alors qu’il avait tout fait pour me mettre dans cet état. Son sourire s’accentua, et après m’avoir volé un énième baiser, il commença à jouer avec mon téton droit de manière plus franche, le mordillant délicatement avant de le suçoter longuement. Je me cambrais alors violemment sous l’afflux de plaisir et ne tenant plus, j’inversais nos positions d’un habile cou de rien. Son petit jeu avait assez duré et j’allais lui rendre la monnaie de sa pièce.

A présent totalement à merci, je ne surplombais de toute ma hauteur, le contemplant tout en réfléchissant à ce que j’allais pouvoir lui faire. Une lueur victorieuse illuminait mon regard, tandis que Gabriel acceptait sans broncher le changement de situation.

Comme il l’avait fait précédemment, j’entamais un lent et langoureux déhanchement qui lui arracha un gémissement muet, sa voix se bloquant dans sa gorge. Puis, sans cesser d’attiser son désir, je retirais mon t-shirt, le laissant tomber au pied du lit d’une manière sensuelle.

Gabriel ne sembla pas se gêner pour me contempler comme je l’avais fait. Mais bien vite en manque de nos baisers, il m’attira pas la ceinture qui ne maintenait plus vraiment mon jean, et dans un mouvement brusque, il m’attira à lui avant de ravir mes lèvres avec toute la passion qui grandissait en lui. Amusé, je me retins de lui donner la même réplique. Pas le moins du monde décontenancé par sa son excès de désir, je répondis avec fougue à son baiser alors qu’il tentait, avec une certaine maladresse due à la hâte de retirer mon jean et mon boxer, dans un désir d’égalité.

Une fois cela fait, j’entendis Gabriel soupirer de contentement lorsque je collais mon corps tout contre le sien, sentant sa peau brûlante, m’électriser un peu plus. Il laissa ses mains caresser ma peau luisante de sueur. Soudées, nos lèvres s’emboitaient parfaitement, ne désirant pour rien au monde se séparer. Avide l’un de l’autre, nous nous faisions mutuellement savoir à quel point nous nous étions manqué et l’importance de notre frustration. Dévorant ses lèvres avec avidité, j’entrainais sa langue dans une chorégraphie complexe et tumultueuse, à laquelle il répondit sans se faire prier, me montrant un désir de plus en plus pressent.

Après ce baiser qui nous laissa tout deux pantelant, j’imprimais un rapide déhanchement sur son intimité durcie, lui arrachant un cri de pur plaisir charnel. Glissant dans son cou dont des frissons parcouraient la peau, je décidais qu’il était plus que temps de passer à autre chose. Hésitant tout de même, et appréhendant sa réaction, je finis par me lancer, murmurant à son oreille :

- Gabriel… S’il te plait… Prend-moi…

Ce n’était qu’un murmure à peine soufflé, telle une supplique, agrémenté d’un langoureux déhanchement. Gabriel réagit aussitôt, se redressant sur un coudre, l’autre main posée sur ma poitrine, me repoussant à une distance raisonnable. Il semblait peu certain d’avoir compris le sens de ma supplication et il me demanda d’une voix tremblante de surprise et d’appréhension mêlés :

- Qu… Quoi ?

Je déposais ensuite mes lèvres sur les siennes, l’aidant à prendre sa décision, mais Gabriel me repoussa une seconde fois :

- Je… Non… Juha, je peux pas… Je ne sais pas… Ne me demande pas de…

Alors qu’il était en train de se perdre dans des explications impossibles, ses yeux s’humidifièrent de larmes, retrouvant alors le Gabriel sensible et pétri de timidité. Posant mon index sur ses lèvres, je lui intimais de se taire silencieusement. Je ne pouvais décemment pas le laisser ainsi.

- Qui aurait cru que derrière ses poses sensuelles se cacherait le plus grand timide que cette terre ait jamais vue ? Soufflais-je avec un sourire tendre. Je comprends ta peur pour l’avoir déjà ressentie, Gabriel, repris-je en retrouvant mon sérieux. Tu en es capable, je le sais et si cela te rassure, je te guiderais…

Honteux, Gabriel n’osait me regarder. Prenant son visage en coupe, je le forçais à me faire face, avant de m’emparer violemment de ses lèvres. Ce n’étais pas un de mes caprices, je voulais réellement que Gabriel me fasse sien. Si je ne pouvais encore lui ouvrir mon cœur totalement, je voulais qu’il sache combien il comptait pour moi. Dans mon baiser, je mis toute la passion et le désir dont j’étais capable. L’invitant à aller plus loin, le tentant, je fis preuve de savoir faire et d’érotisme, ma langue entrainant la sienne dans un ballet endiablé. Cela eu l’effet escompté, augmentant considérablement son désir jusque là entre-parenthèse.

Un gémissement de plaisir naquit bientôt dans sa gorge pour aller mourir dans ma bouche. Prenant cela comme une réponse muette, trop heureux, j’accentuais mes déhanchements, parachevant son désir pour moi. Mes lèvres se collèrent aux siennes et un cri de volupté s’échappa alors de ses lèvres entrouvertes, berçant mes oreilles avec douceur. Les mains posées sur son torse, j’ondulais sur son imitée, gémissant érotiquement son prénom, cherchant à le pousser au bout de ses limites pour ne pas laisser place à l’hésitation. J’obtins l’effet escompté. Alors que j’haletais son nom entre deux gémissements, Gabriel sembla perdre la tête et d’un mouvement brusque, il inversa nos positions.

Un sourire carnassier étira mes lèvres, le désirant à l’instant même tel que je n’avais jamais désiré un autre homme. J’oubliais Killian, ne désirant pour rien au monde comparer. Il n’y avait que Gabriel dans ce monde là, un monde qui n’était pas fait pour plus de deux personnes. Juste Gabriel et moi…

Avidement, Gabriel s’empara de mes lèvres pour un baiser ardent comme rarement encore il en avait été l’auteur. Alors que nos langues se caressaient avec sensualité, je sentis ses doigts s’immiscer entre nos lèvres.

Aussitôt, comprenant ce qu’il voulait, je délaissais sa langue, pour me concentrer sur ma nouvelle tache avec un plaisir que je ne cherchais pas à lui dissimuler.

Pendant un long moment, j’humidifiais abondamment ses doigts, Gabriel mêlant parfois sa salive à la mienne lorsqu’il était trop en manque de nos baisers. Un instant plus tard, je consentis à les libérer, et après un énième baiser, désirant lui laisser tout le temps dont il avait besoin pour se lancer, Gabriel laissa ses doigts courir lentement sur mon corps luisant de transpiration. Je ne pus retenir un gémissement rauque lorsque sa main arriva au niveau de mon intimité, luttant contre un désir terrible d’être possédé à l’instant. J’écartais mes cuisses, en une invitation plus qu’explicite. Gabriel sembla rougir, mais il ne me laissa pas le temps de voir ses joues, car il s’empara de mes lèvres, certainement pour se donner du courage.

Avec une lenteur un peu trop exagérée qui trahissait son anxiété de mal s’y prendre, il insinua un premier doit en moi avec délicatesse. Avec inquiétude, il fixa mon visage, comme prêt à tout arrêter au premier signe de douleur. Savait-il seulement la torture qu’il me faisait vivre ? Un sourire amusé étira mes lèvres et passant un bras autour de son cou, je l’attirais à moi et murmurais à son oreille :

- Je ne suis pas en sucre, tu sais…

- Te moques pas, gémit-il honteux. J’ai tellement peur de te faire mal…

- Je ne moque pas Gabriel, soufflais-je avant de l’embrasser tendrement afin de le rassurer. Continue comme tu fais, c’est parfait…

Gabriel esquissa un sourire timide et repris à ma plus grande joie, un lent va et vient, entreprenant de me préparer avec un peu plus de conviction. Je n’hésitais pas à le guider à l’aide de soupirs et de gémissements. Ce début de préparation était fait avec tellement de douceur et de tendresse que je ne ressentis aucune douleur. L’excitation était de toute façon trop forte et j’étais parfaitement détendu dans ses bras. Étrangement, c’était une forme de confiance que je commençais déjà à lui offrir…

Après un temps, rassuré de ne pas me faire mal, Gabriel me pénétra d’un deuxième doigt, l’insérant en moi avec la même délicatesse. Si celui-ci fut au départ gênant, il n’était pas douloureux. Sans se départir de sa douceur, il entama un lent mouvement de va et vient, alors que je m’emparais de nouveau de ses lèvres. Une fois le baiser rompu, Gabriel se redressa, observant avec attention mon visage. Gémissant sans retenu, m’empalant de moi-même sur ses doigts, je lui donnais une réponse plus qu’explicite.

Une lueur de désir à l’état pur éclaira ses prunelles alors qu’il inséra un dernier doigt en moi. Celui-ci fut légèrement douloureux, mais je fis tout pour m’habituer à cette intrusion. Gabriel cessa tout mouvement, déposant des dizaines de baiser papillons sur mon visage, souhaitant me faire oublier… Un sourire de remerciement naquit sur mes lèvres, entièrement satisfait de Gabriel et de ses attentions.

Gabriel me vola un baiser, comme dépendant de ma bouche, tout comme je l’étais avec ses lèvres. La douleur finit par n’être plus qu’un vague souvenir, mais Gabriel continua de longues minutes à me préparer. Je n’avais pas besoin de me servir de mon don pour comprendre qu’il avait du mal à se retenir, ressentant la même envie pressante. M’empalant toujours plus profondément sur ses doigts, mon corps entier réclamait bien plus. Lorsque je ne pus plus tenir une minute de plus, je murmurais entre deux gémissements, l’esprit dans le vague, perdu dans mon désir, enivré par mon plaisir :

- Gabriel… Maintenant… Prend-moi… S’il te plait…

Tétanisé par ma demande empressée, Gabriel stoppa net tout mouvement avant de plonger son regard dans le mien. Je ne pouvais rien faire pour lui cacher mon désir puissant et enflammé. M’apercevant de son hésitation, je me redressais sur mes coudes, et le fixant dans les yeux, je déclarais le plus sérieusement du monde :

- Je te veux Gabriel… Viens…

Sans lui laisser le temps de répondre, je l’embrassais avais voracité, tandis qu’il prenait place avec hésitation entre mes cuisses. De fine gouttes de sueur perlaient sur ses tempes, collant ses cheveux à son front. A aucun instant je ne quittais ses yeux, le suppliant de venir enfin…

Ce ne fut heureusement qu’après un dernier instant d’hésitation qu’il finit par s’insinuer extrêmement lentement en moi. Un soupire de satisfaction traversa mes lèvres alors que Gabriel découvrait l’inconnu.

Toujours trop précautionneux, Gabriel ne se laissait malheureusement pas totalement aller. Tout deux satisfait de manière incomplète, je pris les choses en main, ne pouvant plus attendre pour le sentir entièrement en moi, lui livrant mon corps… Je lui arrachais un cri de surprise et de plaisir mêlés lorsque je m’empalais brusquement sur son érection, d’un habile coup de rein. Un cri de pur plaisir enfin assouvi s’échappa de mes lèvres, faisant écho au sien. Sans attendre, en voulant toujours plus, j’entamais un rapide va et vient, ignorant la douleur qui, je le sentais, passerait très vite…

Gabriel me laissa faire un instant, trop envahi par ce nouveau plaisir, le regard perdu sur mon corps. M’enveloppant dans cette luxure, je me laissais totalement aller à notre plaisir, me mouvant sur lui, dans un état second. Mais mon amant finit par reprendre le contrôle de notre union, et je le laissais faire sans la moindre résistance. Les mains posées sur mes hanches, il nous imposa un tout autre rythme, bien plus langoureux, qui je le savais était destiné à attiser notre plaisir.

Ivre, je laissais cours à mes gémissements, qui finirent par avoir raison de Gabriel qui accéléra sa cadence, me pénétrant toujours plus profondément. Je n’avais connu pareille intensité qu’avec une seule personne, mais c’était à Gabriel uniquement que je m’offrais cette nuit-là, comme toutes celles qui suivraient. Je n’appartenais qu’à lui et à son amour…

Les yeux rivés sur mon visage ravagé par le plaisir, Gabriel ajouta encore à mon plaisir en prenant mon sexe en main, calquant sur celui-ci le même rythme régulier de ses déhanchements. Je ne pus qu’ouvrir la bouche en un cri muet de plaisir, et passant mes bras autour de son cou, je l’attirais à moi pour un baiser ardent, le remerciant ainsi silencieusement.

Puis, sentant que j’arrivais au point de non-retour, Gabriel accéléra astucieusement la cadence, menant la danse à la perfection. Dans un ultime coup de rein, bien plus amble et plus profond que les précédents, Gabriel m’envoya dans les bras d’un orgasme foudroyant, d’une intensité sans pareille. Je me libérais entre nos deux corps enlacés, criant son prénom. Gabriel ne tarda pas à me rejoindre alors que je cambrais mon corps tout entier, effleurant la chute de ses reins. Il se libéra en moi dans un cri de jouissance qui me combla plus qu’il n’était possible.

Le corps luisant de sueur et parsemé de tremblements, mon amant se laissa retomber entre mes bras, enfouissant son visage dans mon cou. Sa respiration était encore saccadée et de mon côté, je me remettais lentement de mon orgasme, mes doigts effleurant lentement le creux de ses reins en un apaisant mouvement qui le fit frissonner.

- Je ne te savais pas si sensible à cet endroit, soufflais-je en esquissant un sourire.

- Je t’aime, souffla-t-il sans relever ma remarque précédente.

Au lieu de me faire peur, de me paralyser, un sourire tendre se dessina sur mes lèvres alors qu’il se redressait pour me voir. Je ne pouvais encore lui donner de réponse orale, mais alors qu’il répondait à mon sourire, je m’emparais de ses lèvres pour un baiser des plus doux, lui montrant que j’étais loin d’y être indifférent, acceptant ces quelques mots et ses sentiments. Gabriel finit par se retirer de moi, et se blotti amoureusement entre mes bras. Je l’embrassais sur la tempe tandis que du bout des doigts, je décollais les mèches de cheveux collées sur son front.

La tête callée au creux de mon épaule, mon amant effleura délicatement du bout des doigts la peau de mon torse, engourdi par la fatigue.

Il finit par s’endormir alors que je veillais encore quelques instant, ne me laçant pas de passer lentement mon bras dans son dos, enivré par son souffle chaud dans mon cou. J’avais du mal à croire que tout cela était réel, et pourtant… Emporté à mon tour, bercé par sa respiration calme et régulière, j’allais le rejoindre dans les bras de Morphée…

Je me réveillais seul dans le lit le lendemain matin. Ouvrant les yeux, le cœur battant, j’eus peur d’avoir simplement vécu un rêve cette nuit là, même si mon corps légèrement courbaturé semblait me prouver le contraire. Tendant l’oreille, je n’aurais su décrire le soulagement que je ressentis lorsque j’entendis du bruit dans la cuisine. Un sourire se dessina alors sur mes lèvres au souvenir de cette nuit partagée… Certes, une discussion allait être nécessaire, mais un espoir nouveau prenait naissance en moi.

Après quelques minutes, je décidais de me lever pour aller le rejoindre, craignant malgré moi sa réaction. Tentant de ne pas y penser d’avantage, j’attrapais mon boxer et mon jean négligemment jeté sur le sol la veille avant de les mettre, n’ayant rien d’autre sous la main à me mettre. Une douche serait de toute façon nécessaire.

Je retrouvais Gabriel dans la cuisine, mais je ne m’attendais certainement pas à le voir ainsi, nu, avec une simple serviette autour de la taille, dos à moi, en train de faire la vaisselle. D’ici, je pouvais voir sa fine cicatrice, mais rien n’aurait pu enlever à mes yeux la beauté de son corps. Elle faisait partie de lui, simple pointe de l’iceberg, cachant bien plus de souffrance qu’on ne pouvait se l’imaginer. Aurais-je un jour le courage de lui dire comment je pouvais le comprendre ?

M’approchant légèrement de lui, un désir à nouveau  insatiable s’empara de moi, et d’une voix rauque, je déclarais avec une pointe d’amusement :

- Quelle agréable vision divine qui s’offre à moi au réveil. J’espère avoir droit plus souvent à des visions de rêves comme celle là…

Sursautant, Gabriel marmonna ensuite en râlant :

- Oui, dans tes rêves.

Loin d’être arrêté, je réduisis la distance entre nos deux corps avant de l’enlacer jalousement par la taille une fois arrivé à sa hauteur. Mes lèvres se déposèrent presque instinctivement sur sa nuque en un frôlement à peine prononcé. Loin d’être satisfait, je l’attirais d’avantage à moi, collant volontairement mon intimité contre ses fesses pour lui montrer l’effet que la vue de son corps aussi peu vêtu produisait chez moi.

Prenant plaisir à le voir perdre ses moyens, déjà fébrile à mon contact, je déposais une nouvelle fois mes lèvres dans son cou avant de les laisser dériver jusqu’à son oreille au creux de laquelle je murmurais après l’avoir léchée avec sensualité :

- Tu disais ?

Pour toute réponse, Gabriel pencha légèrement la tête en arrière afin de m’offrir son cou, laissant à ma langue un plus grand champ d’action. Cédant avec plaisir à sa demande muette, je m’empressais de le combler. Dans un soupire qui ressemblait plus à un gémissement, Gabriel finit par souffler :

- Tu es insatiable, mon amour…

- Comment l’être, répondis-je ayant du mal à cacher mon trouble au sujet du dernier mot qu’il avait employé. Tu es tellement désirable… Surtout quand tu te promènes nu dans l’appartement, ajoutais-je avec une pointe de moquerie, afin de dissimuler au mieux le sentiment étrange qu’il faisait naître en moi à m’appeler ainsi.

S’arrachant à mon étreinte, il se retourna vivement, les joues rouges cramoisies. Il s’exclama, protestant :

- Je ne suis pas nu !!

D’un air mi amusé mi sceptique, je me reculais et d’un air appréciateur qui ne fis qu’accentuer sa gène, je le détaillais de la tête aux pieds sans la moindre pudeur avant de déclarer :

- C’est tout comme… Répondis-je, un sourire intentionnellement vicieux étirant mes lèvres.

Sur ces mots, je m’approchais à nouveau de lui et l’embrassais avec passion, tandis que sans la moindre résistance, mes mains se posèrent sur ses fesses. Le soulevant, je le fis s’asseoir sur le plan de travail. Gabriel s’empressa de m’emprisonner entre ses jambes, les mains posées sur mes hanches alors que les miennes caressaient lentement ses cuisses avec une envie non dissimulée.

- Bonjour, murmurais-je entre deux baisers déposés à la base de son cou.

- Bonjour, souffla-t-il à son tour, semblant avoir beaucoup de difficulté à retenir un gémissement de satisfaction.

Je ne pouvais m’empêcher de repenser au terme qu’il avait employé et au plaisir que j’en avais ressentis. Si bien qu’au bout d’un moment, je finis par craquer :

- Et si… Tu me redisais… Ce que tu as dit tout à l’heure, soufflais-je tout en embrassant son cou, le faisant frissonner de plaisir alors que ma langue explorait cette zone que je savais particulièrement sensible.

- Ce que j’ai dit tout à l’heure ? Répéta-t-il, semblant surpris par ma demande et ne voyant pas là où je voulais en venir.

- Oui, ce que tu as dit, repris-je en lui faisant face, le fixant avec insistance, déterminé. Rappel-toi…

Après quelques secondes de réflexion, il répondit :

- J’ai dit que tu étais insatiable…

- Non, le coupais-je sans méchanceté, d’une voix douce. Après…

- J’ai dit que je n’étais pas nu, murmura-t-il en rougissant légèrement.

- Avant, le corrigeais-je avec une pointe d’amusement dans la voix, prenant plaisir à le voir chercher, ayant du mal à ne pas se laisser déconcentrer par mes doigts qui se faufilaient sans la moindre honte sous sa serviette pour effleurer l’intérieur de ses cuisses.

L’esprit embrouillé, loin d’être aidé par mes attouchements, Gabriel finit par déclarer d’une petite voix penaude :

- Je… Je suis désolé… Hummm… Je ne vois pas, gémit-il après une caresse plus poussée prodigué de ma part par sadisme.

- Tu vas devoir te faire pardonner alors… Soufflais-je avant de laisser ma langue suivre la courbe de sa clavicule gauche, savourant comme à chaque fois le goût suave de sa peau, lui arrachant un couinement de plaisir.

- Pourquoi ? Haleta-t-il. Qu’est ce que j’ai dit ?

- Tu m’a appelé « mon amour », murmurais-je à son oreille, comprenant qu’il ne trouverait pas de lui-même.

Je sentis Gabriel frémir sous mon corps. Savait-il seulement l’effet qu’il me faisait, ainsi dénudé, à ma merci, et empli de tous ces sentiments à mon égard. Après ces dix années jamais je n’aurais imaginé connaître à nouveau ce bonheur. Je ne l’avais pas encore pleinement atteint, privant malgré moi Gabriel d’un sentiment semblable.

- Oh… Répondit-il, me cachant assez mal son malaise. Et… Ça ne te plait pas ? Ajouta-t-il, appréhendant à tort ma réponse.

- J’ai jamais dis ça, susurrais-je avant de dévorer ses lèvres avec avidité, l’entrainant dans un baiser fougueux.

Dans un mouvement brusque, ne pouvant contenir mon désir plus longtemps, je glissais mes mains sous ses fesses et le décollais de son siège de fortune. Je sentis Gabriel raffermir la prise de ses jambes autour de mon bassin, frottant son intimité contre la mienne. Avait-il seulement conscience de la douce torture qu’il m’infligeait ?

Gémissant sous ce contact brûlant, aveuglé par mon désir et la passion qui me consumait, je le posais brutalement sur la table, ne pouvant décemment pas le porter plus loin. Le forçant à s’allonger, je me couchais sur lui pour atteindre sa bouche, saisis par le manque.  Dans un geste maladroit de par ma précipitation, je dénouais sa serviette qui faisait rempart à sa nudité. Lorsqu’il fut nu, je me redressais et posais sur lui un regard brillant de désir et de fierté. Il n’y avait pas de mot pour décrire sa beauté et ce qu’il représentait pour moi…

Je finis par fondre sur lui pour m’emparer à nouveau de ses lèvres pendant que mes mains dansaient sur son corps en ébullition. En un contact aérien, mes doigts frôlèrent sa peau sensible, lui arrachant des gémissements de plaisir à l’état pur. Sans la moindre honte, il s’abandonnait au plaisir que je lui offrais…

Mu par mes envies, ma langue redessinait maintenant les traits ses abdominaux, tandis que plus entreprenante, ma main remontait lentement l’intérieure de sa cuisse, le faisait se tordre de plaisir sous moi. Sa peau était d’une douceur sans pareille, et son corps ainsi exposé : une véritable invitation à la luxure. Mon bassin collé au sien trahissait mon désir qui augmentait à chaque minute, semblant attiser le sien de façon plus que certaine.

Une sonnerie de téléphone sembla parvenir à mes oreilles, mais je n’y prêtais guère attention, bien trop occupé avec Gabriel.

- Tu… Tu devrais aller répondre… Me murmura alors mon amant.

- … Rappellerons… Soufflais-je en m’emparant de ses lèvres afin de le faire taire.

- Non… Reprit-il en mettant fin au baiser. C’est… C’est peut être important.

J’émis un gémissement de frustration, et soupirant pour la forme, je lui volais un baiser avant de l’abandonner à contrecœur. Quittant la cuisine, je décrochais le téléphone d’un geste rageur, offrant un « allo » peu aimable.

- Bonjour, je désirerais parler à Hugo s’il vous plait.

Ne pouvant me retenir de lâcher un soupire, comprenant qu’il s’agissait d’un faux numéro, je finis par répondre qu’il n’y avait aucun  Hugo ici. Mon interlocuteur n’insista heureusement pas, et raccrocha après s’être excusé. Dès que j’eus reposé le combinais, je retournais directement dans la cuisine. Gabriel était toujours assis sur la table de la cuisine, et je ne pus faire autrement qu’arriver en face de lui, la mine renfrognée. Gabriel me demanda, inquiet :

- C’était qui ?

Lui lançant un regard assassin, je répondis :

-Un faux numéro…

Face à ma mine frustrée et rageuse, Gabriel finit par éclater de rire. Me prenant à son petit jeu, je le stoppais d’une voix glaciale en déclarant, le visage à seulement quelques centimètres du sien :

- « C’était peut être important », hein ?

Un peu effrayé par mon comportement et ma voix froide, Gabriel m’appela :

- Euh… Juha ?

Un sourire en coin étira mes lèvres. Je lui demandais alors en le plaquant de nouveau contre la table avec une violence emprunte de douceur :

- Qu’y-a-t-il ? Tu as peu ? Demandais-je amusé et surpris par l’effet que j’avais produit. Tu as peur ou tu me désires ? Tu trembles tellement…

Ma voix susurrée à son oreille sembla attiser son désir.

Ma voix susurrée à son oreille sembla attiser son désir. Pour toute réponse, Gabriel m’emprisonna de ses jambes avant d’onduler éhonteusement contre mon inimité tendue sous mon jean. M’attrapant par les cheveux dans un geste doué de douceur, il m’attira contre lui :

- Cela répond à ta question ?

A ces mots, il m’embrassa franchement, dévorant mes lèvres tandis que sa langue franchissait sans difficulté le barrage de mes dents. Après ce baiser qui nous laissa tout deux à bout de souffle, ne pouvant plus me contenir bien longtemps, j’humidifiais rapidement mes doigts. A bout de patience et avec empressement mais non sans douceur, j’entrepris de le préparer. Un gémissement de plaisir s’échappa de sa gorge alors que mon premier doigt entrait en lui.

Ne négligent pas son érection déjà conséquente, mon autre main s’activa sur celle-ci, lui arrachant des gémissements non contenus. Ne sachant plus vraiment par quelle force de volonté je parvenais à me contenir, un second doigt ne tarda par à rejoindre le premier. Celui-ci ne fut presque pas douloureux, mais Gabriel gémis de douleur lorsque j’entamais un mouvement de ciseau avec mes doigts. Mais cela ne fut bientôt qu’un lointain souvenir, et Gabriel finit par ne ressentir plus que du plaisir. Galvanisé, Gabriel finit par entamer un langoureux déhanchement, s’empalant de lui même sur mes doigts. Retenant de justesse un cri de surprise, je craquais, déclarant d’une voix rauque :

- Gabriel…. Je n’en peux plus… Je te veux…

A mon plus grand soulagement, Gabriel répondit à ma supplication, un sanglot de plaisir se brisant dans sa gorge : 

- Viens… Juha, viens… Maintenant….

Répondant au quart de tour à son injonction, je déboutonnais mon jean et le baissais en même temps que mon boxer libérant mon intimité de son étau. Me présentant à l’entrée de son intimité, un violent frisson de désir me parcourut alors que mon sexe effleurait son orifice. Lui volant un baiser, je me penchais à son oreille et d’une voix pleine de remord sachant pertinemment qu’il n’était pas suffisamment préparé, je murmurais :

- Pardonne-moi…

Sans tenir une seconde de plus, je m’enfonçais vivement en lui, le pénétrant entièrement cédant enfin à ma pulsion. Comme je l’avais craint, Gabriel se cambra violemment, un cri de douleur lui arrachant la gorge. Je connaissais que trop bien ce qu’il devait ressentir. Des larmes coulèrent silencieusement le long de ses joues tandis que ses ongles étaient plantés dans mes épaules. Oubliant le plaisir vif que je ressentais de mon côté, je le laissais s’habituer à ma présence. Mes lèvres parsemaient son visage de baisers papillons, en un pardon qui avait pour but de le détourner de sa souffrance.

Puis, ne pouvant rester ainsi, dans un lent mouvement, je commençais à me mouvoir en lui, tout en lui murmurant des mots doux et apaisant. Me servant de mon empathie, je mettais totalement de côté mes propres ressentis, l’accompagnant au mieux. Soudain, la douleur fit place à un plaisir insoupçonné lorsque, d’un mouvement plus puissant et plus profond, je semblais toucher quelque chose en lui qui lui vrilla les reins. Chutant dans mon corps, je fus saisi à mon tour par mon propre plaisir. Je ne perdis pas une seconde avant de réitérer mon action, accélérant la cadence de mes va et vient.

Alors que je gémissais de plaisir, Gabriel était emporté par un plaisir puissant. Plantant violemment ses ongles dans mes épaules, il m’emprisonna entre ses jambes. Laissant libre court à notre passion et l’amour qui le consumait, Gabriel cria sans la moindre retenu. Il criait à s’en briser la voix, comme jamais je ne l’avais entendu, me dévoilant une expression dépeinte sur le visage qu’il n’offrait qu’à moi. Je ne me lassais pas d’admirer les traits tirés et déformés par le plaisir que ressentais mon amant ; cet homme que j’étais le seul à connaître ainsi…

Gabriel étant bien trop proche de la jouissance à mon goût, je cessais subitement tout mouvement et avec une lenteur infinie, emprunte de sadisme, je me retirais de lui. Frustré au plus haut point, Gabriel entrouvris les yeux qu’il avait fermés depuis le début de son plaisir. J’étais dans le même état que lui, nous désirions tous deux cette libération, et pourtant, je voulais plus ! Quasiment couché sur lui, je le fixais de mon regard perçant et pétillant de désir et d’autres sentiments qui ne portaient pas encore de noms définis. Un sourire narquois étira mes lèvres, n’ayant pas oublié notre conversation matinale.

Sous moi, il se tortillait désespérément en sanglotant de frustration tandis qu’il tentait par tous les moyens d’accéder à la jouissance que je lui refusais sans savoir pourquoi je le faisais. Entre deux sanglots, il déclara, la voix brisée :

- Juha… S’il te plait… Ne… Ne me laisse pas ainsi…

Me penchant vers lui, je murmurais à son oreille, un large sourire étirant mes lèvres :

- Dis le mot magique… Je ne te laisserais pas venir avant de l’avoir entendu… Tu sais que tu as une voix magnifique quand tu es sur le point de jouir ? Et la vue me plait tout autant…

Ponctuant mes mots d’une caresse intime des plus poussée qui lui arracha un cri de plaisir, j’happais ses lèvres entrouverte pour un baiser endiablé. Je n’étais pas prêt à lui céder.

- Allez… Dis le moi… Susurrais-je après l’avoir libérer de ses lèvres, désirant l’encourager.

- Je… Je t’en prie… Sanglota-t-il après qu’un nouveau cri de plaisir lui ait arraché la gorge. Viens… Viens…

- Tss… Tsss… Pas avant que tu n’aies dis ce que je veux entendre, répondis-je la voix rauque du au désir et à la frustration que je m’infligeais aussi.

Un nouveau hoquet de sanglot déchira sa gorge alors que son corps était prit de violents tremblements, réclamant lui aussi d’être comblé. 

- Allez, dis-le… Insistais-je avant de laisser ma langue lécher ses larmes qui maculaient ses joues, m’offrant un étrange goût salé.

L’esprit apparemment trop embrumé, Gabriel se mit à gémir quelques mots :

- Je… Juha… Je t’…

- Oui… Allez mon ange… Dis-le… Dis-je en l’encourageant, la voix brisée par le plaisir.

- Je t’… Aime Juha… J’ai envie… Amour… S’il te…

Il n’eut pas le temps de finir sa phrase qu’un cri de pur extase s’échappa de ses lèvres entrouvertes alors que d’un ample mouvement de bassin, je le pénétrais de nouveau entièrement. Il venait de me combler, bien plus encore que je ne l’avais espérer. Non, ce moment ne pouvait pas être plus parfait.

En lui, je restais immobile l’espace d’un instant avant de reprendre un déhanchement encore plus déchaîné qu’avant l’interruption. Submergé par le plaisir, il ne fallut pas bien longtemps avant que je ne craque. Envahi, dévasté par une jouissance fulgurante, je me répandis en Gabriel dans un ultime coup de rien plus profond et plus puissant que les précédents, gémissant son nom. Mon amant me suivit de près, criant mon prénom qui tinta à mes oreilles avec douceur pour parfaire cet instant…

Haletant, le corps recouvert d’une fine pellicule de sueur, Gabriel ouvrit les bras pour m’accueillir. Dans le même état que lui, épuisé mais comblé, je me laissais aller contre lui, enfouissant mon visage dans son cou, inspirant son odeur à plein poumon, celle que j’avais failli ne plus jamais connaître pour la laisser à un autre…

Je pouvais sentir ses doigts jouer avec les petits cheveux de ma nuque, tandis que je l’embrassais du bout des lèvres dans le cou. Dans un souffle, je murmurais au creux de son oreille, le faisant frissonner :

- J’aime quand tu m’appelles avec des petits mots doux comme tu l’as fait tout à l’heure…

- Ouais ben n’y prend pas trop goût non plus, marmonna-t-il vexé, ne faisant pas preuve d’humour.

- … Ce petit côté fleur bleue, ça me donne envie de te faire l’amour encore et encore… Poursuivis-je sans tenir compte de sa remarque.

Je sentis Gabriel troublé et honteux mais tentant de me le cacher, il posa ses mains sur mes épaules et faisant mine de me repoussé il marmonna :

- T’es lourd…

Sans tenir compte de sa remarque, une fois de plus, je repris, une pointe d’amusement dans la voix :

- On est pas bien là, toi et moi ?

Exaspéré face à mon comportement, il déclara d’une voix blasée sans parvenir néanmoins à me cacher son amusement :

- Tu es d’un romantisme… Je pense qu’il y a quand même mieux qu’une table de cuisine pour ce genre… D’activités, non ?

Me redressant sur mes coudes, je plantais mon regard dans le sien, un sourire vicieux étirant mes lèvres, n’ayant pas dit mon dernier mot, je déclarais :

- Oh mais on peut arranger ça tu sais… Il nous reste la salle de bain, la voiture, le…

- Stop ! S’exclama-t-il.

Me repoussant avec plus de conviction cette fois-ci, il reprit :

- Je vais prendre ma douche…

Face à mon regard lubrique en rapport à cette phrase, Gabriel crut bon d’ajouter :

- Seul !!

Sans me laisser le temps de répondre, il m’embrassa furtivement avant de s’éclipser.

 A suivre…

Once in a lifetime - chapitre 11

10 février 2013

Chapitre 11 par Lybertys

 

Cela faisait plus d’une semaine que nous restions à la cabane. J’attendais patiemment que Gwendal reprenne un poids de forme et se retape. Au fils des jours, il avait commencé à aménager la pièce, la décorant parfois de bouquets de fleurs qu’il trouvait dans les environs. Mon compagnon de voyage me fit part qu’il avait l’impression de se sentir un peu comme chez lui ici et j’avais rit doucement, amusé. Mais au plus profond de moi, cette idée m’avait effrayé. Je ne voulais pas rester ici, je voulais continuer à avancer, comme un être en fuite perpétuelle. Car rester dans un endroit était pour moi avoir trop de temps pour penser et me rappeler, me souvenir de ce que j’avais fait. J’avais pris goût au voyage et je réalisais que c’était devenu comme une drogue, une drogue depuis trop longtemps consommée pour arriver à s’arrêter. C’était bien simple : la route me manquait…

Ce jour là, j’étais dans la rivière, tandis que Gwendal allongé sur le ventre à l’ombre d’un arbre me regardait. Le pantalon relevé jusqu’aux genoux, je tentais tant bien que mal d’attraper du poisson pour le repas de ce soir à l’aide d’un fils de pêche. Cela faisait plus d’une heure que je bataillais et je devais avouer que la patience nécessaire à la pêche n’était pas mon fort. Mais, obstiné, je refusais d’abandonner. C’est alors que, brisant le silence de ce milieu d’après-midi, Gwen m’appela :

- Hayden…

- Tais-toi ! Chuchotais-je, faussement contrarié. Tu fais fuir les poissons…

Je vis Gwendal esquisser un petit sourire amusé, tandis que je repartais à l’affût.

- Quand est-ce que l’on part ? Demanda-t-il.

Cette question si brusque manqua de me faire tomber, glissant sur une pierre bancale.

- Tu veux repartir ? Demandais-je, sans cacher ma surprise. Je croyais que tu te plaisais bien ici…

- Moi oui, mais je vois bien que ce n’est pas ton cas… Répondit-il doucement.

Comprenant que le sujet était sérieux, je ne répondis pas tout de suite et m’approchais de lui, abandonnant à contre-coeur mon idée de pêche. Une fois face à lui, je me laissais tomber sur le sol, m’asseyant en croisant les jambes.

- Je vais être honnête avec toi, déclarais-je en posant mon regard sur lui, sondant inquiet son état de santé. La route me manque, mais je ne veux pas repartir au risque de mettre ta santé en danger.

- En danger ? Répéta-t-il, incrédule. Je ne suis pas en danger ! Tiqua-t-il.

- Même si tu n’en montres rien, j’ai bien vu que tu avais perdu beaucoup de poids, Gwen… Tu n’étais déjà pas épais à la base, mais là c’est devenu flagrant…

A ces mots, je vis Gwen rougir, comme affreusement gêné. Croyait-il vraiment que je n’avais rien remarqué ? Donnant une réponse à ma question il commença, sans oser croiser mon regard :

- Comment tu…

- Le lacet ! Avouais-je avec un sourire un coin. Celui que tu as piqué sur ma chaussure pour attacher ton pantalon… Tu l’as laissé traîner l’autre jour…

- Oh… Souffla-t-il, gêné.

- Tout ça pour dire, repris-je plus sérieusement, que cela ne me gêne pas de rester ici le temps que tu te remplumes un peu. De plus, C’est à moi de faire un effort pour adapter mon rythme de marche au tien. J’ai bien vu que tu faisais ton possible pour suivre mon rythme sans te plaindre, mais je ne peux pas toujours te demander d’arriver à me suivre. Cela fait des années que je mène cette vie, alors que tu n’es à mes côtés que depuis quelques semaines. Du coup, c’est à moi de faire un effort et de m’adapter à ton rythme et de ralentir un peu.

Il sembla touché par mes mots, car il détourna le regard mal à l’aise. Mon coeur s’emballa malgré moi, je commençais véritablement à le désirer et j’avais de plus en plus de mal à réfréner ces pulsions. Mon corps parlait pour moi. Gwen déclara timidement sans se douter de quoi que ce soit :

- Je… Tu n’as pas à faire tous ces efforts pour moi Hayden… C’est moi qui me suis imposé à toi, alors c’est à moi de m’adapter… Et je… Je voudrais que tu me dises si ma présence t’ennuie…

Retrouvant tout mon sérieux, je pris son menton entre mes doigt et l’obligeai à me regarder, avec des gestes emplis de douceur :

- Tu ne me déranges pas le moins du monde, Gwendal, déclarais-je.

- Tu es sincère ? Demanda-t-il, ancrant son regard au mien.

- Je n’ai jamais été aussi sincère, déclarais-je, gravement.

Plongé dans son regard, je n’arrivais pas à décider lequel de ses yeux était le plus profond. J’aimais ses yeux pers, cela lui donnait quelque chose de si particulier et terriblement envoutant. J’aurais pu les regarder pendant des heures. Cependant, ce n’était pas du goût de Gwen qui tenta de se libérer ma poigne. Je libérais alors son menton, pour poser ma main sur sa joue, alors qu’il baissait les yeux, reportant son attention sur le sol.

- Pourquoi détournes-tu le regard ? Demandais-je, ma main posée sur sa joue, la caressant doucement. Tu as des yeux magnifiques… N’ai pas peur de les montrer…

- Mes yeux ne sont pas beau, Hayden, soupira-t-il sans pour autant relever la tête. Tu n’imagines pas ce que c’est d’avoir à assumer le regard des autres, d’avoir à accepter que les grand-mères se signent en me traitant de sorcière dès qu’elles croisent mon regard…

- En quoi leurs réactions t’importent-elles tant, Gwendal ? Demandais-je, agacé malgré moi. En quoi leur avis te tient-il tant à coeur ? Qui sont-ils ? Qu’as-tu à leur prouver ?

- Je… Commença-t-il, hésitant.

- Ignore les, Gwen… Tu ne leur dois rien ! Tes yeux sont une partie de toi, de ce que tu es… Ils sont juste, fascinant… Soufflais-je alors que mon regard accrochait à nouveau le sien.

Envouté, je fus à nouveau possédé par un vague de désir, plus forte que les précédentes. J’avais envie de gouter à nouveau à ses lèvres,  de le toucher, le caresser, de l’atteindre…

La distance qui séparait nos lèvres s’amenuisait dangereusement. Et alors que ma bouche effleurait enfin la sienne en une caresse éthérée, Gwendal sursauta violemment sans parvenir à retenir un cri de frayeur lorsqu’un coup de tonnerre retentit bruyamment au dessus de nos têtes.

L’instant suivant, une pluie diluvienne s’abattie sur nous, caractéristique de la fin de l’été. Nous relevant d’un bond, nous rassemblâmes précipitamment nos affaires avant de partir en courant vers la cabane. Les quelques dizaines de mètres que nous avions à parcourir suffirent pour que nous arrivions complètement trempés. Alors que nous courrions pour nous mettre à l’abri, j’entendis soudain Gwen se mettre à rire. Surpris, je me tournais vers lui, plus qu’étonné.

Pris d’un fou rire, il semblait incapable de s’arrêter, comme possédé par l’euphorie. Si je ne le connaissais pas, ainsi, à rire sous la pluie, trempé jusqu’aux os, on aurait pu croire à un fou.

- Gwen ? L’appelais-je déconcerté.

Lâchant ses affaires, il se mit à tournoyer sur lui-même, les bras écartés, le visage levé au ciel, offert à la pluie qui tombait, ignorant les grondements du ciel. S’il était fou alors j’étais fou de le trouver plus beau encore par ce qu’il dégageait. Posant les affaires à l’abri de la cabane, je courus le rejoindre.

Les yeux fermés, il ne me vit pas venir et manqua de tomber en vacillant. Sans plus attendre, je passais mes bras autour de ses hanches, laissant mon corps se coller à lui dans son dos. Gwendal se détendit presque aussitôt à mon contact, se laissant aller à mon étreinte. Emporté par notre élan, il se laissa aller à laisser ses mains rejoindre les miennes et avec tendresse, je nouais mes doigts aux siens, posés sur son ventre. Même son odeur reflétait sa pureté et sa fragilité.

Pourtant, là, au creux de mes bras, il semblait plus fort que jamais, atteignant un bonheur qu’il semblait n’avoir jamais connu. Il semblait, je l’espérais, avoir enfin compris l’essence même de la vie que je menais : cette liberté qui s’insinuait au plus profond de notre être prodiguant ce sentiment d’euphorie.

Mon regard posé sur lui, jamais il ne m’était apparut aussi beau. Le véritable Gwendal se dévoilait peu à peu. Je finis par fermer les yeux, laissant aller toutes mes autres sens en éveils. Je sentais l’eau glacée tomber sur nous et pourtant, je n’avais pas froid. Le parfum de Gwendal envahissait tout mon espace olfactif et ses mains étaient d’une douceur incomparable. L’eau tombait dans un bruit assourdissant et pourtant il me semblait entendre les battements d’un coeur aussi frénétique que le mien qui ne semblait pas m’appartenir.

Malgré moi je pris peur. Je commençais à sérieusement m’accrocher à cette vie de voyage à deux. Je savais que cela ne serait pas éternel, que Gwendal se lasserait. Personne ne pouvait voyager aussi longtemps que moi et garder toujours cette même volonté. Gwen était encore dans la découverte et la surprise. Ignorant ces pensées, je me choisis de me concentrer exclusivement sur ce que je ressentais là, maintenant, sous la pluie : un profond bien être.

Ce fut l’idée qu’il n’était pas bon pour la santé fragile de Gwen de rester ainsi sous la pluie qui me ramena à la réalité.

- Ne restons pas sous la pluie… Viens… Murmurais-je au creux de son oreille.

Détachant à contre coeur mon corps du sien, nos doigts s’enlacèrent comme pour ne pas rompre le contact. Regardant nos mains, Gwendal finit par reporter son attention sur moi, comme s’il revenait de lui.

égèrement éloigné de lui, je ne pu m’empêcher de lui sourire, heureux et toujours envouté par sa beauté. J’avais l’impression que nos routes ne se croisaient véritablement que maintenant. Et que Gwendal, d’une manière que je ne parvenais pas à déterminer, venait de m’atteindre là où jamais personne ne l’avait fait. J’étais heureux d’avoir fait sa rencontre et heureux de ce que cette rencontre m’apportait.

Gwendal se laissa docilement guider. Lentement, je l’entraînais vers la cabane. Une fois à l’intérieur, je refermais vivement la porte derrière nous afin d’éviter que la pluie ne nous suive à l’intérieur. Puis, me dirigeant vers le petit poêl qui trônait dans un coin de la pièce, je l’allumais. Lorsque le feu eu prit, je me tournais vers Gwen. Immobile, il était pris de tremblement. Sans perdre un instant, je me mis à frotter ses bras en une vaine tentative de le réchauffer.

- Tu ne devrais pas rester avec tes vêtements mouillés, Gwen… Change-toi avant que tu n’attrapes froid…

Honteux, il détourna le regard et jeta un coup d’oeil à l’unique pièce, cherchant très certainement un endroit discret où il pourait se changer. Je souris constatant en même temps que lui qu’il n’y avait absolument aucun recoin où il aurait pu se dissimuler. Comprenant son désarrois et toujurs amusé par tant de pudeur de sa part, je déclarais en souriant :

- Promis je ne te regarderais pas ! Allez, change-toi !

Pour lui prouver ma bonne volonté, j’allais me poster devant l’unique fenêtre, lui tournant le dos. Il vallait de toute façon mieux que je ne le vois pas se déshabiller. Ces derniers temps ce n’était pas innocemment que je le regardais…

Je fixais l’extérieur, tentant d’imaginer autre chose que son corps certainement à moitié nu derrière moi. J’allais même jusqu’à prendre une grande inspiration tentant de me calmer, mais rien n’y faisait. Mon imagination me jouait des tours… Il fallait sérieusement que j’arrête. Gwen n’était pas le genre à m’aider à soulager ses pulsions. Cela était surement du au fait que je n’avais pas eu de rapport depuis un certain temps. Un frisson de dégout me saisit à la pensée de ma dernière relation que j’avais connue mais je la repoussais rapidement, continuant de l’oublier volontairement. Ce fut à ce moment là que j’entendis une petite voix, affreusement mal à l’aise :

- Hayden…

- Il y un a problème Gwen ? Demandais-je sans me retourner.

- Je… Je suis coincé… J’ai… Besoin de ton aide… Souffla-t-il.

J’imaginais déjà ses joues rouges.

- Tu es conscient qu’en me demandant mon aide, cela me force à me retourner ? Demandais-je avec une pointe d’humour.

- Dépêches-toi ! Marmonna-t-il. J’ai froid.

Il ne m’en fallut pas plus pour me décider. Il me tournait le dos. Je me retins de rire lorsque je le vis ainsi coincé dans son tee-shirt, mais je déglutis lorsque mon regard se posa sur son dos nu à moitié dévoilé. Savait-il combien cela me coûtait ? Posant mes mains sur les siennes, j’entrepris avec douceur à l’aider à retirer son tee-shirt, dévoilant à mon regard ce que je m’étais interdit d’admirer.

Il était trop près de moi, trop facile à atteindre, trop tentant.  Alors qu’il baissait les bras, libéré de sa prison de toile, je ne pus m’empêcher de poser mes mains sur ses hanches nues, juste au dessus de son pantalon, provoquant chez lui un violent sursaut. Cependant, il n’esquissa pas le moindre geste et ne voyant rien qui pouvait me retenir, je déposais avec une douceur extrême mes lèvres sur son omoplate, cédant à la tentation de goûter enfin à sa peau. Elle était si douce, si sensible… Son odeur embaumait mon être entier et réveillait en moi un désir puissant que j’avais essayé de faire taire avec difficultés ces derniers temps.

J’aurais voulu continuer, l’embrasser plus près du cou, lécher sa peau, le goûter tout entier mais ce fut mon intimité brusquement éveillée qui me fit revenir à la réalité. Brusquement, je m’éloignait de lui. D’une voix rauque de désir, je déclarais difficilement :

- Finis de te changer, Gwen… Tu es glacé…

Puis, sans plus de cérémonie, je retournais près de la fenêtre, mes pas résonnant dans le silence seulement brisé par les grondements du tonnerre et la pluie qui tombait toujours. Mon rythme cardiaque était sensiblement accéléré, mon souffle saccadé. Le désir coulait dans mes veines, brûlant une à une toutes les barrières qui m’aider à me contenir. Fixant l’extérieur, je tentais de me calmer, mais je n’y arrivais pas. Gwendal finit par venir vers moi et déclara simplement :

- La place est libre…

M’empêchant de le regarder, je m’empressais de m’éloignait, le fuyant. Je ne pouvais pas rester là. Il fallait véritablement que je calme mes ardeurs, et quoi de mieux qu’une douche froide. Au lieu d’aller me changer, j’ouvris la porte de la cabane et la refermais en claquant la porte derrière moi.

Ignorant la pluie qui continuait de tomber, je me mis à courir aussi vite que je pus jusqu’au grand sapin que j’avais déjà remarqué. Une douche froide ne suffirait pas. Voilà bien longtemps que je n’en étais pas arrivé là. Un problème de partenaire était rarement mon quotidien. Trouvant l’arbre en question, je m’abritais dessous et caché de tous les regards, je m’assis sur le sol m’asseyant sur l’herbe sèche.

Lentement, je laissais ma main glisser jusqu’à l’ouverture de mon jean et laissais plusieurs fois glisser ma main dessus en une caresse éthérée qui ne fit que m’exciter d’avantage. Me déhanchant légèrement malgré moi, j’ouvris un a un chacun de mes boutons, tout en prenant soins de caresser mes cuisses et mon entrejambe. Fermant les yeux, je libérais mon sexe, poussant un gémissement de satisfaction.

S’il faisait froid tout autour de moi, j’avais l’impression de brûler d’un feu insatiable. Incapable d’y mettre fin, les seules images de Gwendal nu qu’il m’avait été offert de voir me revinrent à l’esprit et ce fut honteux que je commençais à me caresser plus intimement. Si Gwen avait eut la moindre idée de ce que j’étais en train de faire, il serait déjà partit en courant. Murmurant son prénom sans savoir me retenir, j’accélérais mes caresses, me perdant dans des pensées plus perverses les unes que les autres.

 J’avais l’impression de le sentir tout contre moi, de goûter sa peau, de me délecter de la saveur de ses lèvres et de respirer son odeur à plein poumon. Ma respiration se fit saccadée, mon rythme cardiaque endiablé. Les yeux toujours désespérément clos, je ne voulais m’arracher à cette idylle de mon imaginaire.

Ce fut en gémissant son prénom que je finis par me libérer dans mes mains. Je restais là encore un moment, soupirant de bien être, enfin calmé. Je restais là encore un moment, avant d’aller rincer mes mains à la rivière, honteux de m’être soulagé à l’insu de Gwen. Trempé jusqu’aux os, je commençais à avoir froid et n’eus d’autre choix que de rentrer. Poussant lentement la porte, j’espérais que Gwen aurait comprit la raison de ma fuite. Mais ce ne fut pas le cas. Allongé sur le ventre, un livre posé devant lui, il ne tarda pas à me demander, d’une voix légèrement tremblante :

- Tu étais où ?

- Je… J’ai cru avoir oublié quelque chose à la rivière, tentais-je en espérant qu’il n’insisterait pas.

- Tu mens ! Déclara-t-il simplement, sans relever les yeux de son livre.

Il n’y avait ni reproches, ni accusation dans sa voix, seulement une constatation. A l’entente de ses mots, je poussais un profond soupir et me dirigeant vers mon sac de voyage, je déclarais :

- Ecoute Gwen, je ne suis pas certain que tu ai réellement envie de connaître la raison pour laquelle je suis sortis.

Alors que je me changeais enfin, appréciant les vêtements secs, il déclara simplement :

- Fais bien ce que tu veux. Après tout, tu n’as pas besoin de moi.

Je ne répondis rien, et une fois que je fus changé, je vins m’asseoir à côté de lui. La pluie n’était pas prête de se calmer et je n’avais aucune envie de me retrouver enfermé ici avec un Gwendal boudeur. Gardant obstinément les yeux fixés sur son livre, il ignora ma présence alors que je tentais de lui parler. Ne supportant pas son attitude de gamin, je refermais brusquement son livre.

- Hey ! S’exclama-t-il, furieux.

- Ecoute-moi quand je te parles ? Déclarais-je, las.

- Parce que tu m’as écouté toi peut-être ? Siffla-t-il en se redressant avant de s’éloigner de moi.

Comprenant ses intentions de fuite, je lui attrapais le poignet. Il resta un instant immobile avant de reprendre brusquement son poignet, s’arrachant furieusement à ma poigne.

- Ne me touche pas !

Sur ces mots, il se redressa. Sentant la colère monter en moi, je fis de même et très vite, Gwendal se retrouva coincé entre le mur et mon corps, les poignets maintenant fermement au dessus de sa tête. Furieux, il m’adressa un regard assassin, en s’exclamant :

- Lâche-moi ! Tu n’as pas le droit !

- Je ne te lâcherais pas avant que tu m’es écouté ! Déclarais-je, ancrant mon regard dans le sien. Et arrête de gesticuler, ça ne sert à rien !

- Je n’ai pas envie de t’écouter ! S’exclama-t-il. Je n’ai que faire de tes excuses, s’entêta-t-il.

C’était incroyable comme il pouvait être têtu. Il mettait vraiment mes nerfs à rude épreuve.

- Ecoute-moi ! M’exclamais-je en haussant le ton, le faisant sursauter. Je suis désolé si je t’ai blessé d’une quelconque façon, repris-je plus doucement. Ca n’était aucunement mon intention…

- Je ne suis pas blessé ! Répliqua-t-il cinglant.

- Ah oui ? Pourquoi est-ce que tu me fuis ainsi alors ? Renchéris-je, un sourire en coin étirant mes lèvres.

Pour toute réponse, Gwen tenta une nouvelle fois de se soustraire à ma poigne.

- Tu me fais mal ! Siffla-t-il, furieux.

- Excuses-moi, soufflais-je, en desserrant ma prise.

- Je t’excuse ! A présent, lâche-moi ! Ordonna-t-il.

- Pas avant que tu ne m’ai écouté ! M’exclamais-je déterminé.

Il finit enfin par céder, cessant de se débattre. Il m’adressa un regard assassin qui me fit sourire. S’il cherchait à m’impressionner ou à me faire peur, c’était raté. Il décida alors de m’ignorer et reporta son attention sur la fenêtre. Soupirant bruyamment, je sus qu’il ne cesserait pas d’agir ainsi sans avoir entendu la vérité, même si celle-ci ne lui plairait pas forcément.

- Si je suis partis comme un sauvage c’est que… Commençais-je hésitant, cherchant mes mots pour ne pas le heurter. Je ne suis qu’un homme, Gwen… Avec mes désirs et mes faiblesses… Et tu es loin de me laisser indifférent…

A ces mots, je vis Gwen sursauter, surpris, ne s’attendant visiblement pas à cela.

- Je te désire Gwen, ajoutais-je gravement. Et si je suis parti, c’était pour éviter de faire une bêtise.

Gwendal s’empourpra violemment, comprenant enfin la raison de mon départ. Loin d’être complètement calmé, je posais à nouveau mon regard sur lui, le déshabillant du regard. Il était tout simplement beau à couper le souffle. Sans pouvoir me retenir, je posais sur lui un regard brûlant et empli de désir…

S’en apercevant, terriblement gêné, Gwendal détourna de nouveau les yeux, sous mon sourire attendrit. Il ne prononça pas le moindre mot, et ses joues se teintèrent d’un joli rouge carmin. Réalisant ce que j’étais réellement en train de faire, je libérais ses poignets et m’éloignais sensiblement de lui afin que nos deux corps ne soient plus en contact. Si je m’étais calmé une première fois, je n’avais aucune envie de recommencer maintenant et de retourner sous la pluie. Gwen resta immobile, encore en train d’assimiler mes révélations. Mais bientôt, je le sentis s’approcher lentement de moi et alors qu’il allait poser une main sur mon épaule, j’esquissais un mouvement de recul, un pauvre sourire dépeint sur les lèvres :

- Ca ne serait pas prudent… Déclarais-je simplement. Je… Je crois qu’il vaudrait mieux que tu dormes dans ton duvet ce soir…

Les joues brûlantes sous mon insinuation, il esquissa à son tour un pas de recul, terriblement gêné.
La soirée se déroula lentement, dans un silence gêné. Nous étions couché depuis plusieurs heures, mais entendant Gwendal tourner et retourner dans tous les sens, je compris qu’il avait autant de mal à s’endormir que moi. Cela faisait plus d’une semaine que nous dormions côte à côte et il était étrange de ne pas passer une nuit contre lui. Plongé dans mes pensées, je l’entendis pousser un énième soupir de lassitude avant de l’entendre de lever et sortir.

Ne trouvant pas non plus le sommeil, je décidais d’aller le rejoindre. Rien de mieux que d’observer le calme de la nuit après un orage. Je ne tardais pas à le retrouver, assis dans l’herbe que la pluie n’avait pas pu atteindre. Je vins m’asseoir à ses côtés. Remarquant ma présence, il m’adressa un simple sourire auquel je répondis, puis nous reportâmes notre attention sur les bois. Nous restâmes ainsi, silencieux, l’un à côté de l’autre, admirant la beauté de la nuit, sans qu’aucun de nous n’ose briser le calme de la nuit. Finalement, Gwendal fut le premier à se jeter à l’eau :

- Comment tu l’as découvert ? Demanda-t-il.

- Découvert quoi ? Répétais-je, surpris.

- Ton homosexualité, répondit-il en se tournant vers moi.

- Oh ça… Soufflai-je amusé. Et bien… Au fond de moi, je crois que je l’ai toujours su… Peut-être est-ce à cause de ma mère… A la voir se faire passer dessus par tous ces mecs… A voir dans l’état dans lequel elle était chaque jour, à la voir en redemander encore, à faire la salope pour quelques euros… Peut-être est-ce cela qui m’a dégoûté des femmes, je ne saurais le dire… Quoi qu’il en soit, dès le collège, je n’ai jamais porté la moindre attention sur les filles… Au contraire, voir ses pré-adolescentes se trémousser avec des vêtements vulgaires pour attirer l’attention des garçons… Tout cela me répugnais ça me rappelais bien trop ma mère, ce qu’elle était devenu… Instinctivement, je sais pas, je me suis surpris à observer les garçons et je ne m’en suis pas retrouvé dégoûté, comme avec les filles… Lui répondis-je avec sincérité, sans la moindre gêne.

- Comment l’a prit ta famille quand ils l’ont appris ? S’enquit-il alors.

- Je ne connais pas mes grands-parents, ceux-ci ayant renié ma mère lorsqu’elle a commencé à se vendre… Quant à ma mère, elle s’est mise à hurler, me criant que j’étais un monstre, que je la dégoûtais…

Je me souvenais amèrement de ce jour. C’est à partir de ce moment précis qu’elle avait augmenté ses doses… Mon coeur se serra. Je ne voulais pas y penser. Gwendal ne fit aucun commentaire, gardant pour lui ses impressions. Après un long silence cependant, il finit par prendre à nouveau la parole :

- Père et mère ont toujours eut une vision plus que négative sur l’homosexualité, ne cessant de se plaindre d’eux et les dénigrant comme des moins que rien. Pour eux, le SIDA est de leur faute… Ils disent qu’ils l’ont bien mérité, qu’à force de forniquer à tout va, il fallait bien que quelque chose les punissent… Ils disent que c’est contre-nature… J’avais un cousin… Lorsqu’il a décidé d’assumer son homosexualité et qu’il a présenté son ami à ses parents, il s’est fait renié comme un malpropre et mettre à la porte, comme on jeterai une paire de chaussette abimée à la poubelle… Je ne l’ai jamais revu… Je ne sais pas ce qu’il est devenu… Et pourtant, il était quelqu’un que j’appréciais énormément… Peut-être l’un des seuls d’ailleurs… Mais parce qu’il était différent de ce qu’ils auraient voulu qu’il soit, ils l’ont tous renié, sans chercher à le comprendre, sans se mettre à sa place et essayer d’imaginer ce qu’il a du ressentir… J’ai haïs ma famille plus qu’il n’était possible après ça… Cette famille qui n’en est pas une, avec leurs valeurs préhistoriennes et leurs préjugés… Cette famille qui ne jurent que par leur statut social et se foutent du bien être de leurs enfants… Pour eux, nous ne sommes qu’un moyen d’assurer la lignée de la famille et, en nous utilisant intelligemment en nous mariant avec des hommes ou des femmes influant, d’assurer leur bien-être et leur place dans la société… Et dès qu’un des enfants sort du droit chemin, dès que l’un d’eux se met à montrer des signes d’anomalies ou des tares, comme l’homosexualité, on le renie… On le chasse de cette famille soit disant unie, afin de ne pas salir son nom… Cracha-t-il, comme envahi d’une fureur que je ne lui connaissais pas.

- Et toi ? Demandais-je en me tournant vers lui. Quel est ton point de vue ?

- Je… Je ne sais pas, souffla-t-il, gêné. Je ne pense pas avoir de point de vue particulier… Les sentiments ne se contrôlent pas, ce n’est pas nous qui choisissons la personne, c’est notre coeur… Et lui se fout que la personne qu’il aime soit un homme ou une femme…

- Tu as l’air de parler en connaissance de cause… Soufflais-je, un sourire amusé étirant mes lèvres, surpris d’une telle réponse de sa part.

- Moi ? Non… S’empressa-t-il de répondre, affreusement gêné.

- Menteur, sourit-je. Tu rougis…

- C’est de ta faute ! M’accusa-t-il en se tournant vers moi. Tu poses des questions gênantes.

- C’est toi qui a abordé le sujet… Répliquais-je.

Il ne répondit rien, se contentant de détourner les yeux, mal à l’aise sous mon regard qui se faisait de plus en plus insistant et que je ne parvenais pas à contrôler. Finalement, après un long silence gêné, il me demanda, changeant délibérément de sujet :

- Hayden ?

- Oui Gwen… Répondis-je avec une pointe d’amusement dans la voix.

- Jusqu’où tu serais prêt à aller pour ta liberté ? Demanda-t-il.

- Comment ça ? Dis-je de plus en plus surpris par ses questions.

- Je veux dire, que sacrifice serais-tu prêt à faire ? Que serais-tu capable d’abandonner derrière toi pour rester tel que tu l’es aujourd’hui ? N’as-tu jamais songé à t’arrêter et t’installer quelque part ? N’y a-t-il jamais eu personne qui t’as donné envie de te poser, d’abandonner la vie que tu menais jusqu’à maintenant pour elle ?

Je ne pus m’empêcher de soupirer. Gwendal avait le don pour me poser des questions que je n’aimais pas. Il abordait toujours des sujets sensibles.

Fixant les bois, je finis par lui répondre :

- Je ne sais pas, avouais-je. Je ne me suis jamais suffisamment attaché à quelqu’un pour avoir envie de tout abandonner pour lui… Je n’ai aucune attache nulle part, Gwen comme une feuille morte qui s’envole au premier coup de vent… Je me pose au gré de mes envies, mais, un jour ou l’autre, le désir de repartir se fait de plus en plus pressant, jusqu’au jour où, finalement, je finis par lui céder… Je suis comme ça, Gwen, c’est dans ma nature…

Après une courte pause, je repris :

- Le seul pour qui cela a été beaucoup plus difficile que je ne le pensais, à été Julien… J’étais prêt à tout plaquer pour lui… A arrêter de voyager et m’installer avec lui… Mais finalement, encore une fois, l’appel de la liberté à été le plus fort…

Je l’avais fait espérer. Et je l’avais blessé. Toute ma vie, je ne pourrais me départir de cette culpabilité.

- Il t’arrive de regretter ? Demanda-t-il, comme touché. Tu ne t’es jamais demandé ce qu’aurait pu être ta vie si tu étais resté près de lui ?

- Tu ne t’arrêtes jamais de poser des questions ? Lui demandais-je en riant.

- Désolé… Souffla-t-il en détournant le regard, honteux.

- C’est bon, je plaisantais, le rassurais-je. Tant qu’on en est aux confidences, autant parler non ? Et pour répondre à ta question, non, je ne regrette pas… Je sais que Julien a une meilleure vie que celle qu’il aurait eut avec moi si j’étais resté…

- Comment peux-tu en être certain ? Demanda-t-il en me regardant.

Tournant la tête vers lui, un sourire amusé, je déclarais :

- Tu as toujours réponse à tout, n’est-ce-pas…

Rougissant à nouveau, il frissonna légèrement sous la fraîcheur de la nuit. J’aurais bien voulu le prendre dans mes bras, mais je me l’interdit. Je repensais à ce qu’il venait de me dire. Regretter n’était pas dans mon mode de vie. Cela ne servait à rien de regretter le passé. Tout ce qui m’importait, c’était que Julien soit heureux. Je n’étais simplement pas fait pour une relation.

- Et toi… Déclarais-je après un instant de silence en lui souriant. Parle-moi un peu de toi ?

- De moi ? Répéta-t-il, confus.

- Oui, souris-je, de toi…

- Il n’y a rien à dire, soupira-t-il en détournant les yeux. Je m’appelle Gwendal, j’ai vingt ans et je me suis enfui avec un inconnu lorsque mon père m’a contraint à un mariage forcé… Tu vois, ma vie n’a rien de bien passionnant…

- Il y a forcément d’autres choses à dire, m’entêtais-je. Ce que tu aimes, ton enfance, la famille on va éviter, ajoutais-je, lui arrachant un petit sourire, tes goûts, tes rêves… Tu vois, il y a pleins de choses à dire sur toi…

- Pourquoi est-ce que tu veux savoir tout ça ? Demanda-t-il, surpris, en croisant mon regard.

- Ce n’est pas ce que font deux personnes qui voyagent ensemble ? Chercher à se connaître… Demandais-je en souriant, reprenant ses propres mots.

Gwendal sourit. A chaque fois qu’il souriait, il était encore plus beau… Reportant son regard devant lui, il commença à parler après un instant de silence :

-  Je n’ai jamais vraiment réfléchis à tout ça, avoua-t-il. Dès mon plus jeune âge j’ai toujours fait ce que l’on me demandait, parce que c’est comme cela que l’on m’a élevé et c’est ce que l’on attendait de moi… Je suis fils unique et mes parents n’ont jamais été très présents pour moi, mais mon rôle de fils unique me contraignait à me plier à leurs exigences… C’est pourquoi, je n’ai jamais discuté leurs ordres, faisant ce que l’on exigeait de moi…

- Et pourtant, tu t’es enfuis de chez toi lorsqu’ils ont voulu te marier… Commentais-je.

- Oui, souffla-t-il. Peut-être ai-je été docile trop longtemps, ajoutais-je avec un petit sourire amer. Je n’avais peut-être rien à moi, mes goûts étaient ceux que l’on m’imposaient, mais j’ai toujours eu ce désir au fond de moi… Quand j’étais petit, je rêvais que j’avais des ailes, et que je m’envolais loin de chez moi… Je rêvais de découvrir le monde, de rencontrer les gens que j’aurai aimé rencontrer et non ceux que l’on m’imposait… Je voulais tant être… Normal…

- Et maintenant ? Demandais-je en me souriant. Est-ce que la vie que tu mènes à présent te plait davantage ?

- Bien plus, répondit-il sincère avant de se rembrunir. Tellement qu’il m’arrive de croire que tout cela n’est qu’un rêve… Que si je ferme les yeux trop longtemps, lorsque je les ouvrirais, je me réveille dans ma chambre et que tout ce que j’ai vécu jusqu’à présent ne soit qu’une douce illusion…

Délicatement, ma main vint se poser sur sa joue, et avec une douceur infinie, je l’incitais à tourner la tête vers moi. Nos regards se croisèrent, chamboulant Gwendal. Avec ce que je m’apprêtais à faire, j’étais certain qu’il ne croirait plus à une illusion. Je voulais le ramener à la réalité et de la manière la plus douce qui soit. Lentement, je me penchais vers lui, cédant à la tentation, mon regard toujours ancré au sien, alors que Gwen ne bougeait pas, semblant parfaitement conscient de mes intentions.

Lentement, comme pour ne jamais le heurter, je posais mes lèvres sur les siennes. Gwen poussa alors un soupir de satisfaction qui me fit esquisser un sourire. Bientôt, mes lèvres s’entrouvrirent sur ma langue qui, tendrement, vint caresser ses lèvres, pour l’inviter à les entrouvrir. Enivré par son odeur et le goût si particulier de ses lèvres, je fermais les yeux, le sentant s’abandonner à moi. Cédant à mon invitation, il entrouvrit timidement les lèvres. Il ne m’en fallut pas plus et l’instant suivant, ma langue se faufilait entre ses lèvres, partant à la recherche de la sienne.

Lorsque nos langue s’effleurèrent en une tendre caresse, je sentis Gwendal frissonner violemment. Délicatement, je posai sa main sur ma joue alors qu’il n’osait esquisser le moindre mouvement. Très vite, notre échange gagna en intensité. Ma langue entraîna la sienne en un ballet vieux comme le monde. Soudain, ce fut trop pour moi et pris d’une frénésie incontrôlable, je le guidais dans un baiser fiévreux qui n’avait plus rien à avoir avec ceux que nous avions échangé jusqu’à maintenant.

Mon rythme cardiaque s’accéléra, possédé par le désir, je pressais mon corps contre le sien. Ce fut son corps tendu qui me montra que j’allais trop loin. Il était en train de prendre peur. Reprenant brusquement mes esprits, je m’écartais vivement de lui, rompant brusquement le baiser. Je m’étais laissé prendre… Il était rare que j’éprouve une telle attirance pour quelqu’un… Peut-être était-ce du à son inaccessibilité…

- Excuse-moi, murmurais-je, ma main caressant doucement sa joue. Je me suis laissé emporter… Ca va ?
- Je… Oui… Murmura-t-il, plus qu’embarrassé.

- Alors, demandais-je après un court instant, reprenant notre conversation où nous l’avions laissée. Tu crois encore que tout ceci n’est qu’une illusion ? As-tu déjà rêvé d’être embrassé par un homme, même dans tes rêves les plus fous ?

- Jamais… Avoua-t-il les joues rouges.

- Alors ceci n’est pas un rêve, Gwen… C’est réel… Déclarais-je en souriant.

Il ne répondit rien, et le silence nous enveloppa à nouveau. Finalement, la fatigue le gagna et alors qu’il étouffait un baîllemnt, je déclarais :

- Allez, va dormir… Tu tombes de sommeil…

Après m’avoir souhaité une bonne nuit, il retourna dans la cabane. Pour ma part, je continuais d’observer la forêt avec envie. Je pouvais entendre au plus profond de mon être, me crier de reprendre la route. Poussant un soupir, j’allais à mon tour me coucher. Je ne tardais pas à trouver le sommeil, emporté dans des rêves sans images…

Finalement, nous ne reprîmes la route que trois jours plus tard, la pluie n’ayant pas cessée avant. Au matin du quatrième jour, profitant d’une éclaircie, nous rangeâmes nos bagages et reprîmes la route. Si Gwendal avait du mal à quitter cet endroit il n’en laissa rien paraître. Pour ma part, la joie de reprendre la route embaumait mon coeur d’étincelles.

Nous marchâmes pendant deux jours avant de finalement prendre le bus jusqu’à Birmingham. Là, après une nuit à l’hôtel, nous prîmes le train jusqu’à Edimbourg. Je lui avais avoué avoir un ami là bas et lui avais demandé s’il était d’accord pour lui rendre visite. A sa mine renfrognée, j’avais éclaté de rire en lui expliquant que cet ami n’était pas le moins du monde attiré par les hommes et que je n’avais jamais eus d’aventure avec lui. Partiellement rassuré, il avait tout de même fini par accepter.

Et après une petite semaine de marche, nous arrivâmes enfin à Fakland, une petite ville au nord d’Edimbourg. Ne m’y étais jamais rendu, ayant rencontré Darren en Angleterre, je demandais mon chemin et nous arrivâmes enfin à la petite villa un peu en retrait de la ville dont il m’avait tant parlé. Là, je passais devant lui et allait frapper à la porte. Ce fut une jeune femme qui vint nous ouvrir et que je ne connaissais pas. D’un ton poli, je demandais :

- Bonjour, est-ce que Darren MacKay est là, s’il vous plait ?

- C’est de la part de qui ? Demanda la jeune femme un peu sceptique.

- Hayden…

- Chéri ! Appela la jeune femme en se tournant vers l’intérieur. Un certain Hayden demande à te voir.

L’instant d’après, Darren, sorte de gros ours, fit irruption dans l’encadrement de la porte. Je souris en voyant Gwendal esquisser un pas en arrière. Darren était tout simplement immense. Mais ses yeux bleu et ses cheveux roux dégageait quelque chose de tendre. Darren était tout sauf un mauvais type, il ne fallait simplement pas le chercher trop longtemps.

- Par la barbe de Merlin ! S’exclama Darren avec un grand sourire. Hayden ! Qu’est ce que tu fais là, mon vieux !?

L’instant d’après, comme il en avait pris l’habitude, il m’attrapa à l’aide de ses deux bras énorme et me soulevant de terre comme si je ne pesais rien, il me serra contre lui. Me serrant plus fort qu’il n’était capable de le supporter, il m’étouffa presque.

- Salut Darren ! Soufflais-je en lui rendant son étreinte. Content de te voir vieux !

Nos embrassades s’éternisèrent avant que je ne me souvienne de la présence de Gwendal. Me tournant vers lui, je fis les présentations et Gwendal lui serra poliment la main retenant tant bien que mal un gémissement de douleur sous sa poigne de fer.

C’est avec entrain que Darren nous invita à entrer chez lui et après nous avoir présenté sa compagne, Blair, il nous offrit à boire.

Très vite, la discussion s’engagea entre Darren et moi et c’est à peine si je vis disparaître Gwendal dans la cuisine. J’avais rencontré Darren lors d’un travail et l’amitié s’était tout de suite créée. A son départ, il m’avait fait promettre de venir lui rendre visite dans la villa qu’il venait d’acquérir, trop heureux de rentrer enfin dans son pays. Il m’interrogea sur ce que j’avais fait durant tout ce temps là et il ne fut pas surpris de voir que je n’avais pas changé. Sa seule surprise fut que j’ai un compagnon de voyage. Brièvement et confiant, je lui racontais comment je l’avais rencontré.

Darren m’apprit qu’il allait se marier avec Blair. Heureux pour eux, je le félicitais en lui souhaitant tous mes voeux de bonheur. Il le méritait. A mes souvenirs, sa dernière copine l’avait quitté sans la moindre considération et il avait eu beaucoup de mal à se relever. Il semblait avoir enfin atteint le bonheur qu’il espérait et me parla même d’enfants qu’il espérait avoir.
Le soir, nous fûmes conviés à rester dormir et lors du dessert, Darren, après avoir probablement reçu l’accord de sa future épouse, nous proposa de rester pour leur union, chose que je m’empressais d’accepter avec une joie non feinte.

La soirée du s’éterniser, car Gwendal s’endormit, la tête callée contre mon épaule. Ce fut à ce moment là que Darren me souffla, comme attendrit :

- Je suis content que tu ais trouvé quelqu’un avec qui partager ta vie et qui suive ton rythme.

- Que veux-tu dire pas là ? Lui demandais-je en fronçant les sourcils.

- Je veux simplement dire que vous faîtes un très beau couple.

Si ce mot m’hérissa je n’en laissais rien paraître et riant légèrement je m’empressais de le corriger :

- Darren, nous sommes simplement des compagnons de voyage, rien de plus.

- Je ne pense pas que Gwen te voit simplement comme un compagnon de voyage, souligna Blair avec une moue dubitative.

- Quoi ? Qu’est que vous allez vous imaginez… Gwen n’éprouve pas ce genre de sentiments pour moi. Dis-je en posant mon regard sur lui. Il est plus souvent choqué et dégoûté par mon style de vie.

- Pourtant, ce n’est vraiment pas ce que ses yeux te disent, argumenta Darren.

- Je pense que votre imagination est trop fertile, répliquais-je. On ne tombe pas amoureux de quelqu’un aussi vite. Surtout de moi. Non, ce n’est pas possible, répliquais-je comme pour me convaincre et faire taire le doute qu’ils venaient de faire naître en moi.

- Si tu le dis… Mais méfie-toi quand même. Gwendal a l’air d’être un garçon sensible, conclu Blair.

- Pas comme toi, ajouta Darren en riant.

Je fus blessé d’être traité de coeur de pierre mais je ne répondis rien. Après tout, il touchait peut être dans le vrai. Je n’étais tout simplement pas capable d’aimer. Mais il était simplement impossible que Gwen éprouve quelque chose pour moi. De l’affection peut-être mais rien de plus. Il en était de même pour moi. J’éprouvais de la tendresse, de l’affection, une volonté de le protéger, mais ça s’arrêtait là.

Le dimanche matin, nous nous préparâmes tous pour la cérémonie qui devait avoir lieu en fin de matinée. Darren venait de me donner des vêtements pour Gwendal et je m’empressais de les lui apporter. Il était en train de s’habiller dans la salle de bain et sursauta à mon arrivée. Lui tendant une chemise blanche et un pantalon noir, je déclarais :

- Tiens, met ça ! Et fait quelque chose pour tes cheveux ! Ajoutais-je en les avisant soigneusement peignés. Comme le matin quand tu te réveilles par exemple ! Ajoutais-je, un sourire en coin étirant mes lèvres.

- Tu veux dire que j’ai l’air de sortir de mon lit ? S’exclama-t-il, surpris.

- Ou du mien, de préférence ! Répondis-je avant de quitter aussitôt la pièce, amusé de voir l’air stupéfait de son visage.
Il était définitivement trop facile de le faire marcher. Pour ma part, déjà près, j’allais rejoindre les autres dans le salon.

Quelques instants plus tard, discutant avec Blair des derniers préparatifs, je ne pus m’empêcher de m’arrêter en plein milieu de ma phrase en voyant Gwendal apparaître. Dans ses vêtements pourtant si simples, il était de toute beauté. Un ange… Face à mon regard intense, Gwendal détourna le regard, mal à l’aise, et une fois de plus rougissant. Blair s’approcha de lui tout sourire :

- Tu es ravissant, Gwendal ! Déclara-t-elle.

Il lui adressa un petit sourire de remerciement puis nous nous mîmes en route.

Ce n’était pas le premier mariage auquel j’assistais mais je fus particulièrement heureux pour mon ami lorsqu’ils échangèrent enfin leurs voeux et leurs anneaux avant de s’embrasser passionnément. Au fond de moi, je savais que cela m’était interdit, que jamais je ne connaitrais ce qui les liait aussi profondément. Je me l’interdisais. Je n’avais pas le droit, pas après ce que j’avais fait à ma mère et ce qu’elle avait fait de moi.

Durant la fête qui suivit, je fus heureux de voir Gwendal passer sa soirée à danser avec Blair ou Darren, ceux-ci l’ayant visiblement très vite adopté. Pour ma part, j’étais engagé dans une profonde discussion sur mon style de vie avec le cousin de Blair qui rêvait de voyager.

Lorsque vint le moment des slows, Gwendal alla rejoindre sa place, regardant simplement danser les autres, le menton calé dans sa main. Repensant au slow que nous avions dansé tous les deux, j’eus envie de retenter l’expérience. Charmé par sa beauté, je m’approchais de lui alors qu’il semblait prêt à aller faire un tour dehors. Charmeur, je m’approchais de lui dans une démarche féline. Il commençait à occuper très sérieusement toute mes pensées. Ainsi vêtu, il semblait être un ange venu tout droit des cieux dont aucune beauté ne pouvait égaler. M’approchant de lui, je lui tendis la main, et le regardant dans yeux, un tendre sourire étirant mes lèvres, je demandais :

- Tu viens danser ?

Comme pour s’assurer que c’était bien à lui que je parlais, il regarda autour de lui et s’aperçut qu’il était le seul à ce coin de la table. Amusé de le voir réagir ainsi, je fus heureux de le voir rougissant, attraper timidement ma main. Fier, je l’entraînais à ma suite sur la piste de danse, au milieu des couples tendrement enlacés. Puis avec une tendresse qui me surprit moi même, ne m’inspirant rien d’autre lorsque j’étais à ses côtés, je passais mon bras autour de sa taille, l’attirant délicatement à moi.

Timidement, Gwendal enlaça ses doigts au mien tandis que je le regardais en souriant. Bientôt, nous commençâmes à danser au rythme lent de la musique. Lentement, je pus sentir Gwendal finir par se détendre, se laissant complètement aller entre mes bras. La tête calée sur mon torse, j’ignorais s’il pouvait percevoir les battements endiablés de mon coeur. Mes doigts passaient et repassaient dans son dos, l’effleurant en une caresse aérienne à travers sa chemise. Je ne pus m’empêcher de sourire de contentement lorsque je l’entendis soupirer longuement de bien-être.

- Ca va ? Lui demandais-je.

- Oui, répondit-il dans un murmure.

Pour toute réponse, je lui embrassais les cheveux, envahi d’un sentiment étrange qui ne m’inspirait que douceur et tendresse à son égard. Je n’aurais su dire combien de temps nous restâmes ainsi enlacés, guidés par le rythme de la musique. Au bout d’un long moment, fatigué, Gwen redressa la tête et d’une petite voix, il déclara :

- Hayden… Je voudrais rentrer… Je suis fatigué…

- D’accord, répondis-je. Va chercher ta veste, je vais prévenir Darren que nous rentrons…

Me séparant de lui à contre-coeur, j’allais glisser un bref mot à Darren, le félicitant encore une fois pour ce jour qui allait changer sa vie. Il me donna un double des clefs de sa maison. Revenant vers Gwendal, celui-ci était en train d’enfiler sa veste. Sans un mot, je lui souris avant de le prendre par la main, l’entraînant à ma suite. Le chemin jusqu’à chez Darren n’était pas long et se déroula dans le silence le plus complet. Gardant ses doigts prisonniers, il m’était impossible de rompre le contact. Il regardait le sol, comme s’il avait peur de relever la tête et de croiser mon regard. Il n’y aurait pourtant vu que le reflet de sa beauté qui illuminait mes yeux.

Arrivés chez Darren, je sortis la clef de ma poche et ouvrit la porte, l’invitant galamment à me précéder. Il me sourit, à la fois amusé et intimidé, et entrant derrière lui, je refermais simplement la porte. Une fois arrivé dans la chambre, Gwendal se débarrassa de ses chaussures et de sa veste et, attrapant un boxer propre et son pyjama, il alla s’enfermer dans la salle de bain. Pour ma part, je pris plus de temps et je dus ronger mon frein pour ne pas aller le rejoindre. Je finis par simplement attendre, vêtu de mon boxer, allongé sur le lit. Gwendal revint après un moment. Je pouvais sentir l’odeur du savon jusqu’ici. Amusé, je vis qu’il s’efforçait de ne pas me regarder.

- Tu as fini avec la salle de bain ? Lui demandais-je.

- Oui, répondit-il simplement, en dénouant ses cheveux, assis en tailleur de son côté du lit.

Puis, sur un simple sourire, je l’abandonnais momentanément.

Lorsque j’eus terminé de me laver, Gwendal était déjà sous les couvertures. Il n’ouvrit les yeux que lorsque je vins me glisser entre les couvertures et m’allonger près de lui. Je ne voulus pas éteindre la lumière tout de suite, voulant une fois de plus admirer son visage. Ancrant mon regard au sien, je vis Gwendal répondre timidement au sourire que je lui adressais.

- Tu as passé une bonne soirée ? Demandais-je dans un chuchotement.

- L’une des meilleures de ma vie, répondit-il avec sincérité. Je suis vraiment heureux pour Blair et Darren, ils sont vraiment très gentils.

- Oui, approuvais-je. Blair est une femme merveilleuse, je suis content pour Darren, elle le rendra heureux.

Gwen ne répondit rien, se contentant de répondre au sourire que je lui adressais. Avait-il seulement la moindre idée de la beauté qu’il dégageait. Mon regard ancré au sien, je ne parvenais pas à le quitter du regard, comme hypnotisé. Angel… C’était le mot qui le qualifiait parfaitement. Je ne pus me contrôler plus avant. D’un geste d’une tendresse qui me troublais, je levais une main vers son visage et du bout des doigts, je replaçais la mèche de cheveux qui lui tombait devant les yeux derrière son oreille.

Puis, au lieu de récupérer ma main, je la posais sur sa joue, la caressant affectueusement. Sous la douceur de mes doigts, je pus voir Gwen se laisser aller à fermer les yeux, soupirant de bien-être. La tentation était trop forte. Lentement, je m’approchais de lui, attiré par ses lèvres qui ne demandaient qu’à être recouvertes. Sans plus attendre, mes lèvres happèrent les siennes avec une tendresse dont je ne faisais preuve qu’avec lui. J’avais constamment peur de le heurter, comme s’il s’agissait d’un être d’une sensibilité et d’une fragilité extrême.

Très vite, ma langue vint caresser ses lèvres et à mon plus grand plaisir, Gwendal accéda docilement à ma requête. Ma langue rencontra alors la sienne et l’entraîna dans un ballet sensuel. Ma main quitta alors sa joue pour aller se poser dans le creux de ses reins, le faisant tressaillir. J’avais besoin de plus qu’un simple baiser, mais je ne savais pas s’il était prêt. Cependant, comme rassuré par ma tendresse, il se laissa aller, me laissant le guider sur ce chemin qui lui était inconnu.

Fébrilement, ma main se glissa sous son haut de pyjama, effleurant enfin sa peau. A ce contact, Gwen poussa un petit gémissement de surprise qui ne fit que m’encourager. Prenant sa réaction pour un consentement, j’entrepris alors de le caresser plus franchement. Lentement mes doigts remontèrent le long de sa colonne vertébrale, lui arrachant un frisson de bien être tandis que je me perdais sous la douceur et la finesse de sa peau.

Je fus amusé de voir Gwen se cambrer légèrement, rapprochant nos deux corps plus encore, éveillant le mien. Bientôt, mon baiser se fit plus entreprenant. La douceur, bien que toujours présente, laissa place à quelque chose de plus pressant que je ne pouvais contrôler alors que ma langue caressait la sienne avec frénésie. Jamais encore nous n’avions échangé un tel baiser et lentement, je continuais de lui faire découvrir un monde qu’il allait adorer.

Partit comme nous l’étions, nous nous acheminions peu à peu vers un chemin de non retour, non prémédité, profitant simplement du présent. Mes mains étaient enfin en contact avec sa peau, son corps en contact avec le mien me grisait. J’étais certain qu’il était un amant extraordinaire et touché qu’il me laisse être sa première fois. Je ne voulais pas le lui faire regretter. Il était le premier vierge avec qui j’allais coucher, aussi j’allais devoir user de toute ma patience et ma douceur pour qu’il n’oublie jamais cette nuit et la magie de ce moment.

Un petit gémissement rauque que je ne pus m’empêcher de retenir mourut dans la bouche de mon vis à vis, alors que mon corps se pressait davantage contre le sien. Ma main abandonna son dos pour aller s’ancrer sur ses fesses. Un nouveau frisson s’empara de lui, alors qu’il semblait se laisser aller en confiance entre mes bras. Timidement, il posa une main sur ma nuque, ce qui me fit violemment frissonner à ce contact, ne m’attendant pas à un tel geste de sa part.

Invité à poursuivre, je le fis brusquement rouler sur le dos, laissant le poids de mon corps sur le sien. Je le vis aussitôt rougir en réalisant notre position. Allongé de tout mon être entre ses jambes et sur son torse, je l’embrassais à en perdre haleine, pressant mon corps contre le sien, gagné par l’ivresse de le sentir enfin si proche. Libérant ses lèvres après un baiser des plus fiévreux, j’enfouis mon visage dans son cou alors qu’il refermait ses bras autour de moi, comme pour m’empêcher de m’éloigner de lui. C’était loin d’être mon intention…

Alors que je posais mes lèvres dans son cou tant désiré, il frissonna violemment à ce contact, avant de pousser un petit gémissement plaintif qui vint ravir mes oreilles. L’instant suivant, ma langue vint rejoindre ses lèvres alors que j’explorais dans retenue les courbes de son cou, mordillant délicatement sa peau au passage avant de la parsemer d’une multitude de baiser papillons, pour me faire pardonner de ma brusquerie.

Jamais je n’aurais pensé faire autant preuve de douceur et ô combien il était agréable d’éveiller Gwendal aux plaisirs de la chair. Là, en dessous de moi, il se laissait aller à fermer les yeus, rejetant la tête en arrière, en proie à des sensations qui lui étaient jusqu’alors inconnues. M’offrant un plus grand champ d’action, je ne pus me retenir de pousser un grognement guttural qui le fit frissonner.

Puis restant contre ses lèvres, mes mains se mirent en mouvement sur son corps, effleurant ses côtes pour longer sa taille et ses hanches, avant de finalement se poser sur l’une de ses cuisses que je lui fis relever, faisant s’accentuer le contact de mon aine sur son bas ventre. A ce rapprochement, Gwendal réagit aussitôt, se cambrant contre moi, poussé par le désir d’intensifier le contact de nos deux corps.

Satisfait, j’abandonnais momentanément son cou pour m’emparer à nouveau de ses lèvres tandis que j’esquissais un mouvement de bassin, faisant se frotter mon intimité contre la sienne. Cette fois-ci, un gémissement de pur plaisir s’échappa de ses lèvres et profitant de cet instant, je glissais ma langue entre ses lèvres pour un baiser passionné comme jamais nous n’avions échangé.

Son corps était une véritable invitation à la luxure. Tous ses sens semblaient en éveil et il était comme perdu au milieu de cet afflux de sensations. Mes mains dansaient sur son corps l’investissant avec délicatesse et savoir faire, désirant pousser plus loin encore son envie pour moi.

Mettant fin à notre échange, je me redressais légèrement et ancrant mon regard au sien, je lui offris un sourire. Voilà ce que m’inspirait Gwendal : beaucoup de tendresse et cette sensation de bien être à côtés. J’avais l’impression en l’espace d’un instant, que sa pureté pouvait m’atteindre et qu’elle éclairait mon être, le rendant moins sombre. Je lui souris parce qu’il était beau, je lui souris pour le rassurer. Je me sentais si bien, là, si proche de lui.

Ma main vint délicatement se poser sur sa joue, une fois de plus teintée d’une couleur carmine. Sans m’en soucier davantage, je caressais tendrement sa joue avant d’y déposer une multitude de baisers aériens. Je fus heureux de le voir sourire. Ancrant mon regard au sien, mes lèvres à quelques centimètres des siennes, je lui demandais d’une voix sensuellement rauque :

- Tu as peur ?

- Oui…

- Tu veux que j’arrête ? Demandais-je, aussitôt en proie à l’inquiétude que je laissais transparaître dans ma voix.

- Non… Souffla-t-il à ma plus grande surprise, s’abandonnant entièrement à moi.

Encouragé par sa réponse, je ne pus retenir un immense sourire qui vint étirer mes lèvres, touché par sa confiance, poussant un soupir de soulagement. Avait-il seulement conscience de l’ampleur du désir que j’éprouvais dès à présent pour lui. Je fus surpris du sentiment qui m’étreint alors le coeur. Plus qu’un désir physique, je voulais le posséder tout entier, je voulais être son premier, le marquer à jamais de cette expérience comme étant une des plus belles de sa vie.

Changeant de position, je me redressais  avant de m’agenouiller entre ses cuisses. A sa vue, les jambes éhonteusement écartées, et les joues rouges, je ne pus que sourire face à ce contraste. Me penchant vers lui, je lui volais un tendre baiser, cherchant à le rassurer. Je ne voulais surtout pas lui faire de mal. Puis, fébrilement, j’entrepris de déboutonner son haut de pyjama. Gwen en sembla terriblement gêné mais il ne m’incita pas à arrêter, me laissant au contraire tout le loisir de dévoiler son corps.

Alors que j’ouvrais sa chemise, exposant son torse nu à mon regard impudique, je fus envahi d’une chaleur insoutenable. Son corps était tout simplement magnifique. Sa peau laiteuse sans la moindre imperfection semblait aussi douce que de la soie. Jamais je n’aurais cru ressentir quelque chose d’aussi fort pour quelqu’un. Réagissant physiquement, je voulais sentir le sexe de Gwendal gonfler et se durcir d’avantage alors que j’esquissais un lent et délicat déhanchement qui lui arracha une plainte de plaisir.
Rassuré par ma douceur, il retira complètement son haut de pyjama, m’offrant une vision complète de son torse dénudé. A cette vision, je ne pus que frissonner violemment et, fébrilement, n’osant pas croire ce que j’avais sous les yeux, hésitant à le toucher, je posais mes deux mains sur son ventre plat.

Mes mains se mirent alors à parcourir son corps en toute liberté, redessinant du bout du doigt les courbes graciles de son corps, apprenant chaque mont et vallée. Lorsque mes lèvres se posèrent quelques centimètres plus loin au dessus de son nombril, mes mains échouées sur ses hanches, Gwendal m’offrit encore le plaisir d’entendre l’un de ses gémissements de plaisir. Son corps se cambra violemment. Satisfait de sa réaction, je réitérais mon geste encore et encore, laissant s’embraser en lui un feu qu’il n’avait encore jamais connu. Sa main de posa sur mon épaule, tandis que l’autre allait se perdre dans mes cheveux, comme pour se raccrocher quelque part.

Puis, je finis par relever la tête, en manque du goût de ses lèvres, je remontais m’en emparer  pour un baiser passionné, ma langue entraînant la sienne pour un baiser des plus ardents. Puis, à bout de souffle, je rompis notre échange  et enfoui de nouveau mon visage dans son cou. Gwendal referma ses bras autour de moi, comme pour m’empêcher de partir, caressant délicatement ma nuque du bout des doigts. A ce contact, je ne pus me retenir de frissonner violemment alors qu’un gémissement de plaisir venait mourir sur sa peau que j’embrassais avidement.

Délicatement, je mordillais la peau sensible de son cou, réitérant le même manège que précédemment, mais de l’autre côté. Remontant sur son menton, j’embrassais alors la ligne de sa mâchoire avant de mordiller délicatement le lobe de son oreille, lui arrachant un nouveau gémissement de plaisir, alors que ses ongles se plantaient dans mon épaule. Puis, après avoir délicieusement torturé son oreille, je redescendis dans son cou, mais je ne m’y attardais pas, descendant davantage au sud.

Je marquais une pause au niveau de sa clavicule, laissant ma langue caresser sa peau qui s’avéra être très sensible à cet endroit. Puis, reprenant ma navigation, trop heureux de découvrir son corps, embrassant chaque parcelle de peau offerte, je stoppais l’exploration de son corps lorsque j’arrivais au niveau de ses tétons déjà durcis. Lorsque je les effleurais du bout de la langue, il émit un long gémissement plaintif qui sonna à mes oreilles comme la plus douce des mélodies jamais entendue.

Je fis durer cette douce torture un moment, titillant ses boutons de chair l’un après l’autre, en léchant un tandis que mes doigts jouaient avec l’autre et inversement, le plongeant dans un monde qu’il n’avait jamais connu. Puis, lassé, j’entrepris de passer à autre chose. Toujours avec tendresse, je repris mon exploration, laissant mes lèvres et ma langue découvrir le reste de son corps, descendant jusqu’à son ventre, jouant avec son nombril, passant et repassant sur ses abdominaux, cherchant à imprimer leur courbe dans ma mémoire.

Subitement, je me redressais, le surplombant de toute ma hauteur, posant sur lui un regard brûlant de désir. Puis, me penchant vers lui, je m’emparais de ses lèvres pour un baiser ardent mais toujours avec cette douceur et cette tendresse dont j’avais si rarement fait preuve avec autrui. A bout de souffle, haletant, ce fut Gwendal qui mit fin à notre échange.

Ancrant son regard au mien, dans un geste qui me surpris énormément, il posa sa main sur ma joue et m’adressa un sourire tendre avant de s’emparer de mes lèvres pour un baiser d’une douceur infinie. Mon corps se tendit tout entier à ce contact, alors que pour la première fois, il était à l’initiative d’un de nos baisers. Et il apprenait très vite… Il finit par libérer mes lèvres, rougissant et détournant les yeux, gêné de son audace.

Aussitôt, je m’empressais de bloquer son geste d’une main sur sa joue, le forçant à me regarder. Je voulais qu’il soit certain de ce qu’il était en train de faire, que ça ne soit pas juste une lubie ou une décision sur un coup de tête. Je ne voulais surtout pas qu’il regrette et mon sourire laissa place à une expression bien plus sérieuse. J’avais tellement peur de le blesser. Lui qui semblait alors à mon regard, si pur…. Mon coeur battait extrêmement vite sous l’excitation, mais le sien battait tous les records.

Délicatement, avec une tendresse extrême, j’effleurais ses lèvres du bout des doigts. D’une voix chargée d’émotions, je demandais dans un souffle :

- Tu es certain que c’est ce que tu souhaites ?

Pour toute réponse, il se leva de façon à ce que son visage ne soit plus qu’à quelques centimètres du mien, et murmura tout contre mes lèvres :

- Je suis sûr…. Hayden… Me supplia-t-il avant de s’emparer une seconde fois de mes lèvres.

Rassuré et reprenant mes esprits, je repris délicatement le contrôle de notre échange et de nouveau, mes mains partirent à l’aventure de son corps. Lorsque je mis fin à notre échange, je lui volais un furtif baiser juste après, avant de me redresser.

Je voulais lui offrir ce que j’avais été forcé de donner à Thomas. Je voulais avec lui effacer définitivement ce souvenir. Me penchant à nouveau au dessus de lui, je déposais mes lèvres sur son ventre, lui arrachant un frisson de bien être. Puis, ancrant mon regard au sien,  pour m’assurer de son approbation, je posais mes mains sur ses hanches, à l’endroit où était posé son pantalon et lentement, pour ne pas l’effrayer, j’entrepris de le lui retirer. Semblant prendre entièrement conscience de ce qui était en train de se passer, je vis Gwen rougir de plus bel, comme honteux de son corps. Il ne fallut pas beaucoup de temps pour que Gwendal se retrouve entièrement nu, exposé à mon regard appréciateur, un désir sans nom s’y reflétant. Angel… C’était véritablement ce qu’il était.

C’est alors que mon vis à vis se mit à trembler, esquissant un geste pour se soustraire à mon retard. Comprenant aussitôt son intention, je le retins pas les hanches :

- N’ai pas honte, Gwen, murmurais-je d’une voix rauque. Tu es magnifique…

Troublé, Gwen m’adressa un petit gêné auquel je répondis en l’embrassant tendrement tout en esquissant un lent déhanchement. A ce contact, Gwen poussa un gémissement de plaisir. Satisfait de sa réaction, je réitérais mon geste, faisant frotter contre lui mon sexe durement gonflé à travers la toile de mon boxer. Alors que je me frottais impudiquement contre son intimité, le faisant haleter de plaisir, je laissais ma langue parcourir de nouveau son corps, attisant au maximum le plaisir de mon amant.

Puis, petit à petit, mes lèvres arrivèrent au niveau de son bas ventre, après avoir redessiné chaque courbe de son torse et de son ventre. Progressivement, je laissais ma langue caresser l’intérieur de ses cuisses, évitant délibérément de toucher son intimité. Un gémissement étouffé s’échappa de ses lèvres entrouvertes tandis que je prenais plaisir à le faire languir, plus que satisfait de le voir se tortiller sous moi.

Lorsque je sentis que la frustration était trop forte et que Gwen était plus que prêt, je passais ma langue sur son intimité, la léchant sur toute sa longueur. Le sanglot de frustration que Gwen poussait se transforma subitement en un cri de surprise. Fort de mon effet, je réitérais mon geste plusieurs fois, lui arrachant à chaque fois un gémissement de plaisir. Puis, sans le prévenir, je pris son intimité entre ses lèvres, effaçant à jamais le souvenir de Thomas. Ce fut à ce moment précis que je lui arrachais son premier vrai cri de pur plaisir. Un violent spasme parcouru son corps comme s’il était en train de perdre pied.

Délicatement, je commençais alors un lent mouvement de va et vient, prenant son intimité toujours plus profondément entre mes lèvres. Je sentis les doigts de Gwen se perdre dans mes cheveux, ne faisant que m’encourager à lui offrir encore plus.

Jamais je ne m’étais autant donné. Les mains ancrées sur ses hanches, je le gardais plaqué contre le matelas, lui interdisant tout mouvement. Un gémissement de mécontentement s’échappa de ses lèvres entrouvertes, alors que je gardais toujours ce même rythme volontairement lent.

Bientôt, ses gémissements se muèrent en sanglots. Accédant alors à sa requête, j’accélérais subitement les mouvements de va et bien, ma langue experte s’enroulant sensuellement autour de son intimité. Ne pouvant davantage faire taire mon propre plaisir, je glissais une main dans mon boxer, m’offrant quelques caresses intimes pour calmer le feu qui brûlait en moi. Peu à peu, le sentant sur le point de non retour, j’accélérais davantage la cadence de mes vas et vient, lui arrachant un sanglot de pur plaisir alors qu’il s’exclamait :

- Non… Arrête… Arrête… Supplia-t-il.

Sourd à ses implorations, j’accentuais au contraire mes vas et vient, l’accompagnant jusqu’au bout. Il finit par se libérer entre mes lèvres, l’orgasme le fauchant de plein fouet. Dans un cri de pur plaisir, les mains crispées dans mes cheveux, il se cambra violemment avant de se laisser lourdement tomber sur le matelas.

es joues rouges, le corps luisant de sueur et la respiration erratique, les yeux fermés, il m’offrit la plus belle des images. Ne pouvant rester davantage loin de lui, je m’allongeais sur son corps. Alors qu’il ouvrit enfin les yeux, je lui souris tendrement. Rougissant, il répondit timidement à mon sourire. je caressais alors ses cheveux dans un geste d’une douceur extrême, décollant les cheveux collés à son front par la sueur. Dans un murmure, je lui demandais :

- Ca va ?

Comme incapable de parler, mon amant se contenta de hocher positivement la tête alors que ses joues prenait une belle teinte carmine qui me firent sourire. Lentement, comme en manque de lui, je mis bas à la distance qui séparait nos lèvres et m’emparais des siennes pour un baiser des plus tendre qui gagna bien vite en intensité. Galvanisé, j’esquissais un lent déhanchement qui lui arracha un feulement de plaisir alors que mon intimité dure et palpitante de vie se frotta contre la sienne qui à mon plus grand plaisir commençait à s’éveiller de nouveau.

Mettant fin au baiser, j’ancrais de nouveau mon regard au sien. Le plus sérieux du monde, ne voulant en aucun cas le forcer, je lui demandais :

- Si tu souhaite arrêter, c’est le moment de le dire, Gwen, déclarais-je d’une voix rauque de désir. Car si nous poursuivons, je serais incapable de me contrôler… C’est pourquoi tu dois être sûr…

Je voulais qu’il soit entièrement consentant. Je ne voulais pas porter sur mes épaules par la suite le poids de la culpabilité où le voir regretter un instant qui se devait d’être magique. Jamais je n’avais été aussi précautionneux avec mes amants. Jamais je n’avais été aussi attentif à leurs besoins. Jamais ne m’était sentis aussi protecteur envers qui que ce soit.

Gwendal posa une main sur ma joue, laissant son pouce redessiner la courbe de mes lèvres avant de s’en emparer timidement. Il ne m’en fallut pas plus pour comprendre le message. Trop heureux de son cadeau, touché d’être celui qui l’initiait, je lui adressais un sourire éblouissant lorsque nous mîmes fin à notre échange.

Pour le remercier, je m’emparais de nouveau de ses lèvres et lui offrit un baiser empli de tendresse et de douceur, sans jamais chercher à l’approfondir. Je voulais qu’il se sente confiant avec moi. Lorsque j’en fus assuré, je libérais ses lèvres, mordillant délicatement la zone sensible que j’avais découvert dans son cou, lui arrachant un frisson de plaisir avant de poursuivre ma descente plus au sud.

Là, je déposais un tendre baiser sur le bout de son intimité à nouveau éveillée et je ne pus retenir un sourire amusé lorsque Gwendal poussa un petit cri de surprise et de plaisir mêlé. Sans m’arrêter là, je poursuivis ma course un peu plus au sud, laissant un doigt effleurer la partie la plus intime de son anatomie. Gwendal tressailli violemment.

Satisfait de sa réaction, je laissais mes doigts jouer un moment avec l’entrée de son intimité, lui arrachant de petits gémissements de plaisir. Puis, je finis par le faire se retourner pour avoir plus de liberté pour le préparer le mieux possible. A la position qui fut alors la sienne en cet instant : les jambes écartée, les fesses tendues vers moi, je dus me faire durement violence pour ne pas le posséder à l’instant. Ne faisant aucun commentaire, je déposais un tendre baiser sur le gable de sa fesse droite, provoquant chez lui quelques frissons.

Je réitirais alors mon geste, déposant une multitude de baisers papillon sur ses fesses, alternant entre caresses et baisers. Le sentant peu à peu être rassuré et se détendre, je laissais enfin ma langue effleurer l’entrée de son intimité. A ce contact, Gwendal se cambra violemment, un gémissement de plaisir lui échappant. Il ne me rendait vraiment pas la tâche facile. Avec un autre amant, je n’aurais pas fait autant de manières. J’étais moi-même surpris de mon self-control et de ma patience.

Sa sensibilité était sans pareille, comme si elle n’attendait qu’à être réveillée. Bientôt, la mélodie de ses gémissements plaintifs et cris de plaisir virent ravirent mes oreilles alors que je m’activais à le préparer. Ma langue jouant avec son intimité, je finis par laisser un doigt rejoindre ma langue. A ce contact, Gwendal se tendis imperceptiblement et je pris mon temps pour le rassurer, laissant mon doigt jouer avec son entrée, comme ma langue un peu avant.

Durant de longues minutes, je continuais à le caresser, me laissant guider par ses gémissements et réactions. Puis, à nouveau, je réitérais mon geste, et l’instant d’après, je laissais ma langue forcer doucement l’entrée de son intimité. Il se cambra violemment, en proie à des sensations qu’il ne connaissait pas. Satisfait, je poursuivis par des caresses plus poussées et lorsque je le sentis entièrement détendu, je repris mon idée première et au lieu de ma langue, ce fut mon doigt délicat qui s’insinuait en lui.

Il ne sembla pas sentir la moindre douleur. Profitant du fait qu’il soit parfaitement détendu, j’insinuais alors un second doigt en lui, mais contrairement au premier, celui-ci lui fit pousser un cri de douleur. Son corps se tendit aussitôt. Je cessais aussitôt tout mouvement, lui laissant le temps de s’habituer à la présence de mes doigts en lui. Lorsqu’il fut enfin détendu, j’entamais un lent mouvement de va et vient qui lui arracha un gémissement de surprise. Puis, lorsque la douleur eut complètement disparut, j’esquissais un mouvement de ciseaux, continuant délicatement ma préparation.

Pendant un temps qui me parut infini, je continuais de le préparer, attendant qu’il soit parfaitement prêt et parfaitement détendu pour passer à la suite. Je devais me faire de plus en plus sérieusement violence pour me retenir, surtout quand Gwendal se mit à esquisser de lui même un déhanchement, s’empalant de son plein gré sur mes doigts. Je ne pus retenir un gémissement rauque. L’instant suivant, j’insérais un troisième et dernier doigt en lui et Gwen ne pu retenir un gémissement de douleur. Instantanément, je cessais tout mouvement, lui laissant le temps de s’habituer à l’intrusion.

Au bout d’un temps, la douleur commença à refluer et Gwendal se détendit. Cependant, prenant sur moi, je restais complètement immobile, me contentant de déposer mille baisers sur ses épaules et sa nuque. Gwendal finit par lâcher un gémissement impatient. N’en pouvant plus, je me tendis contre lui et l’instant d’après, mes doigts se mouvaient en lui avec savoir faire. Tout son corps semblait victime d’un brasier qui lui était jusqu’alors inconnu. Ne tenant plus, je retirais subitement mes doigts de son intimité, lui arrachant à mon plus grand plaisir un gémissement de frustration.

Me débarrassant de mon boxer, je présentais sans perdre de temps mon sexe à l’entrée de son intimité, prêt à le posséder. Mais c’est alors que Gwendal se tendit brusquement, et il chercha à se soustraire à ma poigne avant de s’effondrer sur le matelas. Se tortillant, il tentait de se retourner, et je fus effrayé de le voir pleurer.

- Non… Gémit-il, comme en proie à une peur panique.

Immobilisé sous l’effet de la surprise, je l’aidais aussitôt à se retourner. Lorsque je vis son visage ravagé par les larmes, mon coeur se serra douloureusement. Je ne supportais pas de le voir pleurer et encore moins d’être la cause de ses larmes. Délicatement, avec des gestes tendres, je pris son visage entre mes mains et ancrant mon regard au sien, je déclarais d’une voix peinée, sans me rendre compte du surnom que j’employais :

- Calme-toi, Angel… Je m’arrête, regarde… Allez, c’est fini… Je t’en prie, calme-toi, murmurais-je.

- Hayden… Gémit-il lamentablement entre deux sanglots qui me transperçaient le coeur.

- Oui, Gwen ? Murmurais-je.

- Pardon… Pardon…

- Il n’y a rien à pardonner, Gwen, le rassurais-je. C’est normal d’avoir peur lors d’une première fois…

Gwendal garda le silence un instant avant de déclarer d’une toute petite voix :

- Je… Je veux continuer…

- Non, Gwen… Ce n’est pas prudent…

- C’est… C’est parce que tu étais derrière… Avoua-t-il alors, comme terriblement honteux.

A ces mots, je ne pus m’empêcher de me détendre complètement, alors qu’un soupir de soulagement s’échappait de mes lèvres. Lui caressant doucement la joue, je murmurais :

- Je m’excuse, Gwen… J’aurais du me douter que ce n’était pas la position rêvée pour une première fois… Je crois que je me suis un peu trop laissé emporté par la tentation que tu représentes… Avouais-je, sincère.

Semblant touché, Gwen pris appuis sur ses bras et se soulevant jusqu’à mon visage, il s’empara de mes lèvres pour un tendre baiser dans lequel je me perdis. Rares étaient les fois où j’avais connue pareil échange, et si mon coeur s’emballait étrangement, je le fis taire. S’écartant de moi, il déclara d’une voix tremblante :

- Je… Je veux que nous reprenions où… Où on en était…

- Tu es certain ? Demandais-je gravement. Je ne veux pas que tu te forces, Gwen… Sous aucun prétexte…

- Je suis certain, approuva-t-il confiant. S’il te plait…

Hésitant un instant, la tentation finit par se faire trop forte et j’y cédais. Avec douceur, je m’emparais de ses lèvres pour un baiser des plus tendres qui, bien vite, gagna en intensité. Puis, m’activant à faire renaître son plaisir, je fus soulagé de le voir se réveiller à nouveau. Durant un long moment, j’entrepris d’attiser à son paroxysme son désir, de mes doigts habiles, autour de son inimité à présent tout à fait réveillée.

Mes yeux ne pouvaient quitter son corps, l’observant avec une convoitise telle que je ne pouvais la cacher.

- Tu es si beau, Angel… Magnifique… Gwen, je… Oh Seigneur, je te veux tellement… Gémis-je en enfouissant mon visage dans son cou.

Gwendal s’abandonna entièrement à moi, écartant les jambes avant de les refermer autour de ma taille, m’interdisant toute tentative de fuite. Surpris, je me relevais, inquiet. Etait-il vraiment sur ? Je cherchais à déceler toute crainte dans son regard, et pourtant, il semblait si confiant. Comment pouvait-on m’offrir une telle confiance aveugle ? Savait-il que ces mains qui le caressaient étaient teintées de sang ? Savait-il que je n’étais pas à la hauteur…

Repoussant ces interrogations, je m’emparais vivement de ses lèvres pour un baiser passionné auquel il répondit avec entrain, me faisant oublier. Puis, abandonnant ses lèvres, je posais mes mains sur ses cuisses et lui fit relever une jambe afin que nos entrejambes se frottent l’une contre l’autre. A ce contact, Gwendal gémit de plaisir. Puis, au comble de l’impatience, je me redresser légèrement et lui sourit avant de prendre mon érection en main qui était plus que douloureuse. Lisant un peu de peur dans on regard, j’esquissais un petit sourire rassurant :

- Je serais doux, ne t’inquiète pas, Angel… Et puis, à toi de me dire si ça ne va pas, d’accord ?

- D’accord, souffla-t-il confiant.

Prenant mon sexe entre mes doigts, je me présentais enfin à son entrée, arrachant à Gwendal un violemment frisson d’anticipation. Puis, avec une délicatesse infinie, je m’insinuais lentement en lui, écartant ses chairs si fermes pour me fondre en lui. Ce fut son gémissement de douleur alors que je le pénétrais lentement qui me permit de ne pas perdre le pied et de maintenir les rênes de mon plaisir. Je m’immobilisais aussitôt faisant preuve d’un self-control qui m’étonna. La respiration saccadée, je devais puiser dans les moindres recoins de mon être la  force de tenir pour ne pas simplement forcer l’entrée et le pénétrer entièrement.

Lentement, la douleur commença à refluer pour Gwendal et d’un léger déhanchement, il m’indiqua que je pouvais reprendre. Plongeant cependant mon regard dans le sien, je lui demandais, inquiet :

- Ca va ? Je ne te fais pas mal ?

Pour toute réponse, il hocha négativement la tête. Rassuré, je patientais encore quelques seconde avant de reprendre doucement, le pénétrant avec une lenteur presque exagérée qui lui arrachant un gémissement de frustration. Soulagé, j’esquissais un petit sourire avant de le pénétrer plus franchement, m’enfonçant entièrement en lui. Je perdis pied, tandis que Gwendal se cambrait violemment laissant un petit cri de plaisir s’échapper de ses lèvres.

- Gwen… Gémis-je en m’allongeant tout contre lui. Oh Gwen… Tu es merveilleux, Angel… Murmurais-je en esquissant un premier coup de rein.

Je sentis Gwendal s’agripper de toutes ses forces à mes épaules. Mes mains posées sous ses cuisses, j’entamais alors un lent mouvement de va et vient, le pénétrant avec précaution, craignant de lui faire mal. Puis, mes lèvres vinrent chercher les siennes et ma langue entraînant la sienne dans un ballet érotique terriblement excitant.

Très vite, mes coups de reins se firent plus ciblés et lorsque j’atteins enfin un point anatomique sensible, j’entendis Gwendal pousser un cri de plaisir. Je me sentais si bien, là en lui, si serrein comme je ne l’avais jamais été. J’avais l’impression de me noyer dans sa pureté et d’oublier qui j’étais, ce que j’avais fait. Plongé dans l’ivresse de l’instant, je l’entendis à peine murmurer mon prénom.

Lors d’un mouvement de bassin plus profond que les précédents, je touchais quelque chose en lui. Son corps se cambra violemment à la recherche du mien. Plus que satisfait, je réitérais mon geste encore et encore, inlassablement jusqu’à ce que ses gémissements se muent en cris de plaisir. Gwendal semblait noyé dans le même plaisir que moi, son corps se soulevant en rythme avec le mien, se cambrant toujours plus afin d’aller à ma rencontre.

Grisé, je finis par passer mes bras dans son dos pour le ramener véritablement contre moi. Assis sur mes cuisses, il passa alors ses bras autour de mon cou, comme pour nous rapprocher plus qu’il n’était possible. Mes mains posées sur ses hanches, je l’aidais à garder le rythme, le pénétrant toujours avec plus de fougue. Ivre de plaisir, Gwendal m’emportait plus loin encore que je ne l’avais espéré.

Brusquement, il posa une main sur mon torse et me repoussa, me forçant à m’allonger. Amusé par son audace, un petit sourire amusé vint étirer mes lèvres. L’instant d’après, comme s’il avait oublié toute pudeur, ses mains posées sur mon ventre contracté afin de garder l’équilibre, il se mit à me chevaucher, se déhanchant lascivement au dessus de moi.

- Oui… Gwen… Gémis-je, emportait par un plaisir intense  incontrôlable.

Ivre de plaisir, il s’empalait toujours plus profondément sur mon sexe. Les mains sur ses fesses, je l’aidais à garder un rythme soutenu et cadencé alors qu’un sanglot s’échappait de ses lèvres. Jamais je n’aurais pensé que le sexe soit aussi bon avec lui, aussi intense. Sous sa timidité se cachait un amant hors pair et j’étais orgueilleusement le premier à le découvrir.

Bientôt, ses forces semblèrent l’abandonner et ses bras ne le soutinrent plus. Vacillant, il s’écroula sur mon torse, haletant d’un plaisir intense. Une main dans son dos et l’autre sur sa hanche, j’échangeais à nouveau nos positions et le fit rouler sous moi. Alors que je le surplombais de toute ma hauteur, je me penchais vers lui et m’emparais de ses lèvres pour un baiser impétueux.
Il y répondit avec fièvre avant de le rompre lorsqu’un cri de plaisir s’échappa de ses lèvres. Nous y étions…

- Oh, Angel, gémis-je, en mordant un peu trop violemment la peau de cou, emporté par le vif plaisir, le faisant tressaillir. Gwen… Je vais…

- Hayden… Hayden, sanglota-t-il, répétant mon prénom en une litanie incessante.

L’orgasme déferla sur nous avec la violence d’un tsunami. Dans un cri de jouissance, Gwendal se libéra entre nos deux corps étroitement enlacés, criant mon prénom tandis que je me libérais en lui dans un cri qui fit échos au sien, le marquant à jamais. Alors que Gwendal poussait un gémissement de bien être, à bout de force, je m’écroulais sur lui.

Nos corps luisant de sueur, tremblant sous l’effet des dernières vagues de la jouissance, la respiration erratique, je sentis Gwendal refermer ses bras autour de mon cou.

L’embrassant délicatement dans le cou à l’endroit où je l’avais mordu un peu plus tôt, je tentais de me faire pardonner de ma sauvagerie. Puis, mes lèvres vinrent se poser sur les siennes pour un baiser d’une incroyable tendresse.

Gwendal me rendit mon baiser, toujours avec cette étrange sensation qui me donnait le vertige. Je finis par me retirer de lui, m’allongeant à ses côtés. Lui faisant face, je lui caressais tendrement la joue, le faisant soupirer de bien-être :

- Comment tu te sens ? Demandais-je doucement.

- Je me sens bizarre, avoua-t-il le rouge aux joues sous le sourire que je lui adressais. Bizarre, mais merveilleusement bien…

Un sourire amusé étira mes lèvres. Repensant à nos conversations passées je lui demandais alors :

- Alors ? Toujours convaincu que c’est mieux de coucher avec une personne qu’on aime ?

A ces mots, l’expression de Gwendal changea du tout au tout. Son sourire s’effaça subitement pour laisser place à une mine dévastée. La gorge brusquement nouée, il déclara dans un murmure étranglé :

- Oui…

Ce ne fut qu’à cet instant précis que je pris entièrement conscience de l’ampleur de ma bêtise. Jamais je n’aurais pensé que… Qu’il… Comment pouvait-il penser m’aimer… Perdant mes couleurs, je me redressais sur mon coude pour le surplomber, perdant subitement mes mots, je dis lamentablement :

- Merde… Gwen, je…

Sans me laisser le temps de finir ma phrase, il se releva et sans un regard pour moi, il quitta le lit et alla s’enfermer dans la salle de bain, ignorant mes appels désespérés.

Si j’avais su… Si j’avais su qu’il ressentait cela pour moi alors jamais je n’aurais couché avec lui. J’aurais du le savoir, j’aurais du m’en rendre compte et pourtant, cela me semblait impossible. Il ne pouvait pas m’aimer. Il ne faisait que le croire. L’entendre pleurer fut une torture sans nom et je n’osais pas pousser la porte, je n’osais pas voir ce que je venais de lui faire. S’il était vraiment tombé amoureux de moi alors il était tombé amoureux de la seule personne dont il ne fallait pas.

Dès lors que l’on s’approchait trop de moi, je ne faisais que semer de la souffrance. Alors que je pouvais l’entendre vomir, je me dégoutais. Je ne valais pas ses sentiments. Je n’étais pas à la hauteur. Si j’avais voulu de tout mon coeur protéger Gwendal, je n’avais pas pu le protéger de moi…

Ce fut en prenant sur moi que j’osais pousser la porte de la salle de bain. Le spectacle qui s’offrit à moi me serra si douloureusement le coeur que je crus qu’il allait s’arrêter. Là, adossé contre le mur, recroquevillé sur lui même, son visage enfouis dans ses bras, il pleurait toutes les larmes de son corps, transpirant la souffrance. M’approchant de lui, je posais ma main sur son bras. Vivement, il retira son bras et s’éloigna légèrement de moi, refusant tout contact :

- Ne me touche pas ! Cracha-t-il avec tout le mépris qu’il ressentais pour moi.

Je détestais ses paroles, je détestais les entendre, me rabaissant plus bas que terre, comme ma mère l’avait si souvent fait. Non, ce n’était pas possible qu’il m’aime. Guidé par la peur, je tentais :

- Gwen… S’il te plait, commençais-je. Tu sais, je… Je ne crois pas que tu éprouves vraiment de l’amour moi pour moi… Tu as juste été attiré par la nouveauté… Tu ne connaissais pas, tu voulais découvrir… C’est tout à fait normal…

Avant que je n’ai pu terminer ma phrase, sa main s’abattit durement sur ma joue avec une force telle que la douleur fut aussitôt cuisante.

- Qui es-tu pour me dire que ce que je ressens n’est pas réel ? S’exclama-t-il avec fureur. Toi qui n’as jamais aimé personne de ta vie !

Mon coeur se brisa alors que je tentais :

- Ecoute, Gwen…

- Laisse-moi ! Souffla-t-il, subitement las.

- Gwen… S’il te plait… Insistais-je, me sentant dangereusement tomber là où je ne voulais pas.

- Tu es sourd ? S’exclama-t-il alors. Laisse-moi je te dis ! Dégage ! Je ne veux plus te voir… Acheva-t-il dans un sanglot avant de se détourner de moi, mettant un terme à la discussion.

Si j’avais un coeur de pierre alors pourquoi celui-ci était-il si douloureux en cet instant. Sans un mot, je quittais la salle de bain refermant la porte derrière moi. M’allongeant dans le lit imprégné de nos ébats, je me recroquevillais sur moi-même. Non, je n’étais pas capable d’aimer. J’étais fait pour être seul. Dès lors que je laissais quelqu’un s’approcher trop près de moi, je le faisais souffrir.

Julien avait pourtant été une bonne leçon, mais je n’avais pas du la comprendre. J’étais misérable, dangereux pour autrui. Comment pourrais-je réparer cette erreur ? Pourrais-je seulement y faire quelque chose ? Alors que je sentais mon coeur se craqueler et les larmes monter, je murais aussitôt toutes ses sensations. Je ne voulais pas chuter, je ne voulais pas être faible.

Je devais être fort, oublier, ignorer les pleurs de Gwendal qui me refusait à ses côtés. Je n’étais qu’un bourreau, un monstre de la pire espèce et j’avais heurté l’être le plus pur et le plus fragile que je connaissais. Dieu comme je regrettais.

 Je ne méritais pas ses sentiments. Je ne méritais pas de l’amour, mais du mépris. Ma main se posa inconsciemment sur la cicatrice à ma hanche. Si seulement je ne m’étais pas fait attaquer, alors je ne l’aurais jamais rencontré, je ne lui aurais pas fait autant de mal. Je n’aurais jamais du entrer dans sa vie, et jamais je n’aurais du lui proposer mon aide. Ma mère aurait du m’emporter avec elle, mieux encore, ne jamais me mettre au monde.

Je me détestais, me dégoutais… Me donnait envie de vomir et je n’avais pas la moindre idée de comment rattraper mes erreurs…

Lorsque j’ouvris les yeux, je dus faire immédiatement face à ce qui s’était passé la veille. A la place vide qu’occupait normalement Gwen se trouvait un mot. Me redressant aussitôt, je l’attrapais fébrilement et pu y lire :

 « Je pars, ne cherche pas à me retrouver… Adieu, Gwen. Ps : Je t’aime. ».

Mon coeur s’emballa aussitôt. Attrapant des vêtements, je m’habillais en moins de temps qu’il ne fallait pour le dire et sortit de la chambre. A peine avais-je fais deux pas à l’extérieur qu’une main s’abattit violemment sur ma joue.

- Qu’est-ce que tu lui as fait ? Cria Blair hors d’elle.

Alors que sa main s’élevait à nouveau dans les airs, elle fut stoppée par Darren qui lui retint solidement le poignet.

- Si tu lui laissais le temps de s’expliquer au lieu de t’acharner tout de suite sur lui.

- Parce que tu crois qu’il y a besoin d’explications, dit-elle en dégageant vivement sa main. Je pense que tout est parfaitement clair. Ce salaud a fait du mal à Gwendal malgré mes mises en garde.

Sa main libre tomba à nouveau sur ma joue, rougie par le coup précédent.

- Elle a raison, soufflais-je, froid.

Je ne ressentais plus rien. Pas même ma joue qui me cuisait. Même mes paroles sonnaient comme si elles m’étaient étrangères.

- Qu’est ce qui s’est passé ? Demanda Darren.

- J’ai merdé… Répondis-je dans un souffle.

- Tu as merdé ! S’exclama Blair. C’est tout ce que tu trouves à dire, simplement merdé !

- J’ai couché avec lui sans faire attention à ses sentiments, rétorquais-je. J’ai été odieux. Je n’ai pas cru à ses sentiments, soufflais-je alors que la douleur refaisait surface.

- Je t’avais pourtant mis en garde, idiot ! S’exclama Blair.

- Bon dieu Hayden, quand est-ce que tu arrêteras de penser avec tes couilles et que réfléchiras avec ton cerveau. Soupira Darren.

Blessé d’entendre cela de la part de mon ami, je ne répondis rien. Qu’aurais-je pu répondre, après tout il avait raison.

- Tu n’es qu’un putain d’égoïste insensible, surenchéri Blair.

- C’est bon ! Je crois que j’ai compris. Je suis méprisable, un connard d’égoïste, un salopard qui ne pense qu’à sa petite personne et à sa queue. D’ailleurs je me demande ce que je fais ici. Claquais-je brusquement avant de leur tourner le dos et de foncer vers la porte de sortie.

J’entendis à peine Darren me criais d’attendre. En un rien de temps, j’étais dehors. Où était Gwendal ? Où était-il partit ? Inconsciemment, je fis notre chemin inverse, sachant pertinemment que je ne le trouverais pas. Méritais-je seulement de le retrouver.

N’avait-il pas pris la bonne décision en me quittant ? Il fallait qu’il s’éloigne de moi, le plus possible, là où je ne pourrais plus l’atteindre, là où je ne pourrais plus le heurter. Je errais sur la route toute la journée, marchant sans jamais m’arrêter comme si revenir sur mes pas pouvait effacer le mal que je lui avais causé. M’enfonçant dans la forêt, loin de toute civilisation, mes jambes ne me portèrent plus et je m’écroulais.

Ce ne fut qu’à cet instant où je ne pu plus rien retenir. Les larmes tombèrent toutes seules alors que mon coeur si oppressé à me faire crier de douleur. Je pleurais, recroquevillé sur moi même, seul dans la forêt. Je pleurais pour le mal que j’avais causé et l’être que j’avais perdu.

J’avais effleuré un ange et je l’avais fait tombé. Je voulais me faire mal mais je n’en avais pas la force. Je repensais au soir où j’avais pleuré dans ses bras et au bien être qu’il m’avait apporté. Gwendal… La seule personne à qui j’avais dévoilé mes faiblesses. Je repensais à tout ce que nous avions vécu, à tout ce que je venais de perdre….

La nuit était déjà tombée lorsque je repris le chemin du retour pitoyable. Seulement, je n’avais aucune envie de rentrer chez Darren et Blair. Je n’avais pas la force de supporter leur regard accusateur. Ce fut dans le bar le plus glauque de la ville que je me perdis. Je n’ai plus de souvenirs très précis de cette nuit là, faite d’alcool trop fort et de sexe animal, ne pouvant jamais m’ôter de l’esprit Gwendal et le mal que je lui avais fait.

Je me perdis, oubliant la notion du temps, ne vivant plus que des sensations, sans jamais atteindre la puissance de ce que j’avais vécu avec Gwendal. Je restais là le lendemain, oubliant toute notion de jour ou de nuit, m’enfonçant dans une débauche que je n’avais pas connu depuis l’âge de mes 16 ans. Ce fut tard le soir suivant que perdu au fond du bar, alors qu’un homme dont j’ignorais le nom me léchait délicieusement le cou, sa main dans mon pantalon, qu’un autre me cacha brusquement la lumière tamisée de l’endroit. Lorsque je relevais les yeux, je tombais nez à nez avec Darren. Il posa un regard peiné sur moi avant de dire :

- Je pensais que tu avais changé, que tu étais devenu plus responsable. Et pourtant, j’étais certain de te trouver dans ce genre d’endroit. Allez, lève-toi, on rentre.

- Je ne veux pas, soufflais-je, froid et las. Je veux rester là.

- Si tu as un tant soit peu d’estime pour les sentiments de Gwendal, alors lève-toi et suis moi. Ne donne pas raison à Blair. Tu vaux mieux que ça, dit-il en me montrant d’un bref geste de la tête, l’homme qui continuait ses attentions dans mon cou. Allez, insista-t-il, dépêche toi et ne me fais pas regretter ce que je m’apprête à te dire.

Sans un mot, je repoussais l’homme et refermant mon pantalon, je suivis piteusement Darren. Arrivé dehors, je le suivis silencieusement. Nous montâmes dans sa voiture et pas un mot ne fut décroché jusqu’à chez lui, mon regard perdu face au paysage nocturne qui défilait devant mes yeux.

Une fois chez lui, je fus invité dans plus de cérémonie à aller prendre une douche, Blair me lançant un regard noir que je ne pouvais pas supporter. Puis, je retournais les voir dans le salon comme demandé.

M’asseyant en face d’eux, je ne pus faire face à leur regard empli de reproche.

- Est-ce que tu es sûr qu’il mérite de savoir, déclara Blair en s’adressant à Darren.

Darren soupira et sans répondre à sa femme, il me souffla :

- Gwen vient d’arriver chez Julien. Julien m’a téléphoné avant que je vienne te chercher.

Aussitôt, je redressais la tête et demandais :

- Comment va-t-il ?

- A ton avis idiot, déclara Blair.

- Blair arrête, s’il te plait, tu ne nous aides pas vraiment. Déclara Darren, agacé.

- Est-ce que je peux appeler Julien ? Demandais-je alors gravement.

- Bien sur, déclara Darren en attrapant le téléphone avant de me le tendre.

Ne souhaitant pas rendre publique cette communication, après avoir demandé le numéro, je disparus dans la cuisine. Blair, épuisée, alla se coucher. Fébrilement, je laissais sonner, conscient de l’heure tardive. A vrai dire, il était presque le matin.

- Allo, dit une voix que je ne connaissais que trop bien.

- Hayden ! Déclara-t-il.

- Avant que tu ne m’insultes et me dise ô combien ce que j’ai fait ai mal, dis-moi comment va Gwendal… Soufflais-je, le coeur serré.

- Je ne peux pas vraiment te parler maintenant, murmura Julien. Je vais être sincère, il ne va pas bien. Mince, Marie arrive, je te rappelle plus tard.

Sans que j’ai le temps de dire un mot de plus, Julien raccrocha. Je posais le téléphone devant moi, plus que mal à l’aise et c’est ce moment précis que Darren fit irruption dans la cuisine.

- Je pense que tu as besoin d’avaler un petit quelque chose Hayden. Je doute que tu te sois nourris depuis l’autre jour.

- Je n’ai vraiment pas faim, soupirais-je.

- Laisse-moi au moins te préparer une boisson chaude, déclara-t-il avec un petit sourire.

Alors qu’il s’affairait dans la cuisine, je ne pus m’empêcher de lui dire :

- Je suis désolé Darren. Vous venez juste de vous marier et… Et je vous apporte tous ces soucis. Ne t’inquiète pas, demain je m’en irais.

- Si tu me dérangeais Hayden, il y a longtemps que je t’aurais mis dehors. Hayden… Souffla-t-il en venant prendre place en face de moi après avoir mit l’eau à chauffer. Je peux te parler franchement.

- Je… Oui… Dis-je.

- Je m’inquiète pour toi. Ton style de vie n’est pas sain… Regarde où je t’ai retrouvé tout à l’heure, et… Gwendal était quelque chose de bien qui t’arrivait dans ta vie et tu as…

- J’ai tout gâché, je sais mais c’était sûrement mieux pour lui.

- Qu’est ce que tu veux dire ? Me demanda-t-il.

- Je ne suis pas fait pour les relations humaines…

Darren partit à rire, avant d’ajouter :

- Tu dois être le seul homme que je connaissais à avoir autant de relations humaines Hayden ! Tu as des amis aux quatre coins de l’Angleterre.

- Oui, mais ça ne reste que superficiel…

- Alors à toi de changer les choses.

- Je ne sais pas comment, répondis-je, soucieux.

Ce fut à ce moment là que le téléphone sonna. Aussitôt, je décrochais, certain qu’il s’agisait de Julien, et cela ne manqua pas. J’entendis Julien soupirer avant de dire.

- Je vais être honnête avec toi Hayden. Il n’a fait que pleurer jusque là. Tu n’y es vraiment pas allé de main morte avec lui. Tu fais tout pour que Marie te déteste encore plus… Mais ne t’inquiète pas, il est entre de bonnes mains. Quelle idée tu as eu de t’en prendre à lui…

- Je…

C’est alors que le téléphone sembla lui être arraché des mains et j’entendis Marie et Julien parler.

- Laisse moi le téléphone, je sais bien qui tu as appelé, je vais lui faire entendre ce qu’il a causé.

- Marie ! Je pense qu’il le sait déjà, ça ne sert à rien.

- Qu’il écoute, cracha-t-elle. J’espère au moins que son coeur de pierre en souffrira !

C’est alors que je reconnu une voix que j’aurais reconnu entre mille. Julien ne m’avait pas mentis. Je pouvais l’entendre. Gwendal pleurait sans s’arrêter. Mon coeur se serra alors que je tenais fébrilement le combiné. Je ne pouvais pas le laisser comme ça et lorsque j’entendis à nouveau Julien me dire :

- Je suis désolé, c’est Marie…

- Je vais venir le chercher Julien, au moins lui parler, mais ne lui dit rien. Je ne veux pas qu’il parte de chez toi. Il n’a nulle part d’autre où aller.

- Est-ce que tu crois que c’est vraiment une bonne idée ? Je veux bien que tu viennes, mais pas pour lui faire mal davantage… Souffla Julien. Je connais sa douleur.

- Je suis désolé Julien… Désolé pour ce que je t’ai fait, gémis-je alors.

- C’est du passé, souffla-t-il.

- Je pars demain, déclarais-je. Ne dis rien à Gwen et encore moins à Marie.

- Je… D’accord… Souffla-t-il. Je dois te laisser Marie m’appelle. 

- Merci Julien… Merci pour ce que tu fais. Déclarais-je sincèrement.

- C’est normal Hayden. Prend soin de toi !

La communication fut brusquement coupée. Posant le téléphone devant moi, je soupirais. Ce soir j’empaquetterais toutes mes affaires. Demain matin, je partirais à l’aube pour  tenter d’au moins m’excuser… Je ne voulais pas que ça se finisse ainsi… Je ne voulais pas que ça se finisse tout court. Darren, toujours présent, me tendis une tasse de thé fumante, avant de dire tout simplement :

- Je n’aurais jamais cru dire ça un jour de toi Hayden, mais je pense que nous nous sommes trompés sur ton compte Blair et moi. Tu as définitivement un coeur.

Fronçant les sourcils, je ne compris pas où il venait en venir. Et Darren explicita alors sa déclaration.

- Tu l’aimes.

- Ne dis pas de bêtises, soufflais-je. Je n’aime personne, pas même ma petite personne. Dis-je en riant.

- Hayden, est-ce que tu paniquerais comme ça pour n’importe qui ?

- Je tiens à lui, répliquais-je. C’était la dernière personne à qui je voulais faire du mal. Et oui, je m’en veux terriblement.

- Ce n’est pas à moi que tu devrais dire tout cela.

- Je sais… Dis-je en me levant brusquement. Je partirais tôt demain matin. Déclarais-je, soudain épuisé. Si je ne te revois, pas, transmet toute mes amitiés à Blair et Darren je te dis encore mille fois merci. Je m’excuse encore…

- Je te mènerais à la gare demain matin, déclara Darren en souriant. Je pense que c’est la meilleure décision que tu viens de prendre. Allez… Va te coucher, tu as une mine affreuse.

Ce fut la mort dans l’âme que je retournais dans ce lit où tout avais basculé. Je ne pus fermer l’oeil de la nuit. J’entendais encore et encore les pleurs de Gwendal et je le voyais là, recroquevillé dans la salle de bain, seul.

Le lendemain matin, à l’aube, je fus près, mes bagages pliés. Comme promis Darren m’emmena à la gare et après l’avoir chaleureusement remercié, il me fit promettre de revenir le voir. Je pris le premier train en partance pour l’Angleterre. Sans vraiment savoir pourquoi, j’avais l’intime conviction que je devais faire vite.

Je n’avais pas la moindre idée de ce que j’allais faire ou tout simplement lui dire. Comment allait-il prendre ma venue ? Accepterait-il simplement de m’adresser la parole ? Je tenais juste à m’excuser et je savais que je lui devais plus au plus profond de moi. Je ne pourrais effacer le mal que je lui avais fait mais je ne voulais pas que notre histoire se termine ainsi et je ne voulais plus l’entendre pleurer ainsi par ma faute. Je soupirais alors que je réalisais au plus profond de mon coeur, qu’il me manquait.

J’avais pris goût à ma vie avec lui, j’avais apprécié sa présence à mes côtés et même son caractère et ses questions déplacées. Il était la seule personne à qui j’aurais voulu tout avouer. Avec le temps, j’aurais accepter de lui parler plus profondément de moi, lui avouer qui j’étais véritablement.

Oui… Gwendal faisait ressortir en moi le petit Hayden apeuré qui craignait les coups de sa mère avant d’apprendre à éprouver de la haine pour elle, le petit Hayden qui ne cherchait qu’à être aimé avant d’avoir été désillusionné. Mais je n’étais plus cet être là, ma mère avait fait de moi un monstre et je m’étais complais dans ce rôle. La liberté avait donc un prix et je ne me rendais compte que maintenant de combien elle m’en coûtait.

Je ne sus combien de temps dura mon trajet. Je n’étais pas spécialement habitué à voyager en train ou en bus, mais je n’avais pas le temps de faire autrement. Lorsque je marchais je tentais d’ignorer les chemins que nous avions parcourut avec Gwendal, allant même jusqu’à choisir la route plutôt que la forêt. J’arrivais tôt le lendemain matin, et anxieux, je pris une grande respiration. Qu’allais-je lui dire ? Comment allais-je faire ? Je finis pas frapper quelques coups à la porte, le coeur battant.
La porte ne tarda pas à s’ouvrir me dévoilant Marie qui fronça aussitôt les sourcils et me claqua la porte au nez sans que je n’ai eu le temps de faire quoi que ce soit.

Sans me laissait démonter, j’insistais et ce fut Julien qui finit par m’ouvrir après avoir entendu une dispute. Sans laisser le temps à Julien de me dire quoi que ce soir, Marie poussa Julien et se planta devant moi, et me colla une gifle bien plus forte encore que celle de Blair.

- Tu as vraiment du culot de te pointer ici, cria-t-elle.

Puis, sans plus de cérémonie, elle me tourna le dos et repartie à l’intérieur. Je me retrouvais face à Julien qui, les sourcils froncés, semblait tout aussi en colère. Déglutissant, je vis son poing se serrer.
Tournant légèrement la tête, je lui dis :

- Vas-y à ton tour, je le mérite de toute façon… Soufflais-je, prêt à tout endurer pour arriver à voir Gwendal.

Je fermais les yeux, ne voulant pas voir le coup venir. Cependant, rien de tel ne se produisit, et brusquement, je me sentis attiré dans des bras puissants. Ouvrant les yeux, je remarquais être dans les bras de Julien.

- Pourquoi… Lui demandais-je dans un murmure.

- Tu n’as pas changé Hayden et je pense que ce n’est pas à coup de baffe que ça y fera quelque chose… Laisse-moi juste prendre dans mes bras, mon salopard d’ami.

Je finis par lui rendre son étreinte, plus touché que je ne l’aurais cru par son geste. C’était comme s’il me donnait un peu plus de force pour aller voir Gwendal. Je ne tins pas plus de quelques minutes pour lui dire :

- Où est Gwen ? Est-ce que je peux aller le voir.

Julien s’écarta aussitôt de moi et à la mine peinée qu’il employa mon inquiétude grimpa aussitôt.

- Qu’est ce qui se passe ? Il ne lui est rien arrivé au moins ? Déclarais-je, sentant mon coeur heurter douloureusement contre ma poitrine.

- Son père est venu le chercher hier matin… Souffla-t-il.

- Et il est partit avec lui ! Vous n’avez pas cherché à le retenir et à empêcher son père de…

- Il y est retourné volontairement Hayden, il a dit que c’était la meilleur décision qu’il aurait du prendre depuis longtemps.

Me retournant aussitôt, je m’apprêtait à partir lorsque Julien me demanda :

- Où vas-tu Hayden ?

- Le chercher ! M’exclamais-je en me tournant vers Julien.

- Arrête ! Lança Julien en m’attrapant pas le bras. Ca ne sert à rien d’y aller comme ça, sur un coup de tête. Tu crois que son père n’a pas prévu que tu reviendrais.

- Mais, je ne peux pas le laisser là-bas. Il ne peut pas Julien. Pas par ma faute ! Jamais je ne me le pardonnerais.

- Je sais Hayden… Crois-moi, j’aurais empêché son père de le prendre si Gwen n’avait pas parut aussi décidé. C’est son choix Hayden. Tu ne peux pas forcer Gwendal à faire ce qui te parait être juste pour toi.

- Mais… Il… Il détestait sa vie là bas… Soufflais-je sentant les larmes venir, que je ravalais aussitôt avec amertume.

Julien m’attrapa par le bras et me guida vers la rivière. Le même endroit où Gwen et moi avions conclu notre pacte de voyager ensemble. C’était à cet endroit que je lui avais fait cette promesse que je n’avais su tenir…

Une fois que je fus assis à côté de Julien, il posa sa main sur ma cuisse.

- Il se marie demain Hayden… Nous sommes invités au mariage. Marie est partagée entre l’envie de s’y rendre pour soutenir Gwendal et le désir de ne surtout pas le voir gâcher sa vie ainsi.

- Il faut l’en empêcher ! M’exclamais-je.

- Je pense que si une seule personne le peut, c’est toi Hayden. Mais si tu désires vraiment te lancer dans cette voix, promet-moi une chose.

- Laquelle ? Lui demandais-je.

- Ne le fais que si tu es sur de pouvoir lui apporter quelque chose. Promet-moi de ne plus jamais le faire souffrir… Promet-moi de ne pas lui faire la même chose que moi. Promet-moi que tu ne fais pas ça par égoïsme pour simplement racheter tes erreurs à titre purement personnel.

- Je lui ai promis de le protéger Julien. Je n’ai jamais failli à une promesse.

- Alors protège-le de toi… Mon invitation est cachée dans mon bureau. Si tu peux me promettre tout ce que je viens de te demander alors, vole la moi à la première heure demain matin et fonce avant que Marie ne t’attrape, dit-il avec un petit sourire.

- Merci Julien, soufflais-je, sans parvenir à lui rendre son sourire.

- Bon et si tu allais poser tes affaires. Après j’ai du travail pour toi ! Déclara-t-il. Ca me permettra de passer un peu de temps avec Marie et Lyah.

Sans un mot de plus, nous nous levâmes. Lorsque nous entrâmes, je vis Lyah dans le couloir, je m’approchais d’elle. Voulant la prendre dans ses bras, celle-ci s’en fut aussitôt dans la cuisine en me jetant un regard noir.

- Elle est amoureuse de Gwen, déclara Julien en riant. Et c’est réciproque ! Malgré son âge elle semble avoir parfaitement compris que tu avais fait du mal à Gwen.

- Marie doit y être pour quelque chose, dis-je en souriant à mon tour.

Nous ne perdîmes pas beaucoup de temps. Déposant mes affaires dans la chambre qui sentait encore amèrement la présence de Gwen, même si plus aucune de ses affaires n’était présente, je suivis Julien jusqu’à l’établit. Me fournissant tout ce dont j’avais besoin, il me demanda de faire un nouveau pré pour ses vaches, d’aller dégourdir les jambes de sa jument et de nettoyer son box. S’en suivit d’une folle liste de travail que j’exécutais sans broncher. Je compris rapidement qu’il cherchait à m’éloigner de Marie et surtout à me laisser seul pour réfléchir à ma décision.

A aucun moment Marie ne m’adressa la parole et je dînais seulement en compagnie de Julien silencieusement. C’est alors qu’il me demanda :

- Pourquoi tu agis comme ça Hayden ? Il n’y a pas plus gentil et honnête que toi mais dès qu’une relation devient sérieuse, on dirait un gamin égoïste qui ne sait que blesser les autres. Pourquoi  dès que quelqu’un s’approche trop de toi, tu te débrouilles pour qu’il te haïsse ou souffre trop pour chercher à te suivre… Pourquoi tu t’en es pris à Gwen… Est-ce que c’est vraiment l’envie de voyager qui t’as poussé à partir ou ta peur de t’engager sérieusement avec moi… Quand tu es parti Hayden… Quand tu m’as quitté… C’était juste après que je t’ai dis “je t’aime”. Je savais… Je savais pourtant que tu continuais d’aller à droite et à gauche. Je savais que tu saurais toujours frivole et libertin. Et pourtant, quand je me retrouvais au creux de tes bras, tu avais cette tendresse. Tu me donnais l’impression d’être aimé. Est-ce que tu as simplement une seule fois ressentis quelque chose pour moi, ou tu as trop peur et tu as fuis ?

- Je suis désolé, soufflais-je simplement, incapable de répondre à toute ses questions.

-  C’est du passé Hayden… Et tu resteras toujours mon ami. J’espère que tu le sais.

Nous fûmes à nouveau plongé dans le silence, jusqu’à la fin du repas. Lorsque j’eus terminé, j’aidais Julien à nettoyer avant de le remercier et de prendre la direction de ma chambre. Ce fut au moment où je passais le pas de la porte,  que Julien me demanda :

- Depuis quand tu donnes des surnoms à tes amants ?

- Comment ça ? Dis-je en fronçant légèrement les sourcils, me tournant vers lui.

- Tu as appelé Gwen “Angel”… Tu n’as jamais usé d’un tel surnom avec moi. Se pourrait-il que tu ressentes vraiment quelque chose pour lui ?

Sans lui offrir de réponse, n’en n’ayant pas, je quittais la cuisine pour aller dans ma chambre. Après une bonne douche et un rasage de près, je fouillais dans mon sac et réalisais que je n’avais pas grand chose à me mettre le lendemain. Il faudrait que je parte tôt et que je dégote quelque chose en ville. Allais-je vraiment m’y rendre ? Allais-je retrouver Gwendal ? Ce fut cette question qui me hantant toute la nuit et ce fut à l’aube que je me dirigeais sur la pointe des pieds jusqu’au bureau de Julien.

Qu’elle ne fut pas ma surprise de découvrir un magnifique costume noir et une chemise blanche, accompagné d’une petite note agrafée « Soit certain de ce que tu fais» et de l’invitation au mariage.

Attrapant le tout, fébrile, je fonçais dans la salle de bain et me préparais du mieux que je pus. On aurait dit que ce costume avait été taillé pour moi et je remerciais le fait que nous ayons à peu près la même corpulence avec Julien. Disciplinant mes cheveux avec du gel je m’observais ensuite dans le miroir ayant du mal à me reconnaître.

Après une petite touche de parfum, je m’enfus dehors, ne voulant surtout pas être intercepté par les habitants de cette maison. Une fois dehors, je marchais jusqu’au village et de là, pris une voiture. Je m’arrêtais à distance de la grande propriété, décidant de faire le reste du chemin à pied.

Perdu dans mes pensées, sans vraiment m’en rendre compte, je finis devant la rivière, à l’endroit même où j’avais rencontré Gwendal. Mon coeur se serra alors que je m’asseyais sur le muret en pierre. Étais-je vraiment en train de prendre la bonne décision ? Qu’allais-je lui dire ? Qu’avais-je à lui proposer… Comment allait-il ?

Ce fut le soleil haut dans le ciel qui me tira de mes pensées. Réalisant aussitôt que le mariage avait sûrement commencé, je me traitais de tous les noms. Je n’avais pas à hésiter. Je devais faire quelque chose, mettre mon orgueil de côté même si je me faisais rejeter. Je courus, plus vite encore que je ne l’avais jamais fait, ignorant les habits que je portais qui étaient loin d’être fait pour une course folle.

J’arrivais près de la chapelle et fut soulagé de ne voir personne m’empêchait de rentrer.  Devant la porte, je pris une grande inspiration. Mes mains se posèrent sur celle-ci, et je restais figé, incapable d’aller plus loin. Ce fut à cet instant, que j’entendis le prête demander si quelqu’un s’opposait  cette union. Sans savoir ce qui allait réellement se passer, passant outre ma peur, je poussais les grandes portes qui s’ouvrir dans un grand grincement.

Tous les regards se tournèrent aussitôt vers moi, mais je les ignorer, ne me focalisant que sur Gwendal. Il semblait brusquement apeuré de me voir ici. Rassemblant tout mon courage, je finis par m’arrêter, et déclarais :

- Moi ! Moi je m’y oppose !

M’approchant un peu plus de Gwendal, je le regardais droit dans les yeux avant d’ajouter :

- Ne fais pas ça Gwen ! Ne gache pas ta vie…

- Ne t’approche pas ! Je ne veux plus te voir ! Rétorqua aussitôt Gwendal me faisant m’arrêter net.
Sans lâcher son regard et sans sourciller, le coeur battant, j’ajoutais :

- Pourquoi gâches-tu cette liberté à laquelle tu semblais tant tenir ?

- Parce que ma liberté n’avait de valeur à mes yeux uniquement parce que je la partageais avec toi, rétorqua-t-il amer alors que je pouvais voir ses yeux s’humidifier.

- Tu ne m’as même pas laissé le temps de m’excuser, soufflais-je, touché par ce qu’il venait de me dire plus que je ne l’aurais cru. Je suis désolé Gwendal… Ne fait pas ça ! Je t’en supplie, tu n’as même pas découvert la moitié de ce que je voulais te faire découvrir…

- C’est trop tard, répliqua-t-il. Pourquoi tu reviens me torturer ?! Je ne veux plus te voir ! Arrête ! Arrête de me faire souffrir, cracha-t-il, les larmes aux yeux.

- Tu n’es pas le seul à avoir mal Gwendal ! Tu n’imagines pas combien ton départ m’a fait mal… Je suis désolé Gwendal, dis-je en tombant pitoyablement à genoux. Si je pouvais revenir en arrière, je le ferais. Mais te savoir loin de moi, je ne peux pas, ça fait trop mal… Avec toi, c’était différent et magique…

- Tais-toi ! S’exclama-t-il. Arrête ! Je t’en supplie, laisse moi !

Ignorant son ordre, je poursuivis :

- Je m’en veux Gwendal ! Si tu savais comme je m’en veux… Je t’ai promis de te protéger et je n’ai même pas su te protéger de moi-même. Pardonne-moi Gwendal. Ne gâche pas ta vie à cause de moi !

- Je t’ai tout donné Hayden, déclara Gwendal en séchant ses larmes d’un revers de manche. Et tu m’as trahis… Hayden, comment veux-tu que je te fasse confiance…

Un silence suivit cette déclaration. Et alors que j’allais répondre quelque chose, Gwendal me devança :

- Si tu as un minimum de respect pour moi, alors tu dois t’en aller, déclara-t-il en détournant son regard.
Je me sentis alors hisser vers le haut et je ne compris que trop tard qu’il s’agissait de deux vigiles bien trop costauds pour tenter de m’en dégager. Le coeur battant, alors que j’étais tiré vers la sortie la vue de Gwendal et de sa futur femme me serra si durement le coeur que je criais alors :

- Apprend moi Gwendal ! Déclarais-je alors qu’il tournait brusquement la tête vers moi. Apprend moi à aimer…

Gwendal ne répondit rien, me fixant d’un regard que je ne parvenais pas à décrire. Alors que j’ajoutais plus bas, les larmes me montant aux yeux à l’idée que c’était surement la dernière fois que je le verrais :

- Je t’en supplie, apprend-moi à t’aimer…

Sans avoir le temps d’ajouter quoi que ce soit, je fus dehors et les portes se fermèrent derrière nous.
Je fus brusquement jeter sur les dalles d’entrée de l’église et un coup de pied dans le ventre me heurta de plein fouet. Brusquement, l’un des vigile me saisit par le col et me plaqua violemment contre le mur :

- Ecoute-moi bien, cracha l’un d’eux, ne remet plus jamais les pieds ici ! Ne tente plus jamais de t’approcher de lui où tu ne repartiras pas vivant.

Son poing s’abattit durement son mon visage avant qu’ils ne me jettent en bas des marches comme une vulgaire poupée de chiffon. Me redressant difficilement, je toussais avant de cracher du sang. Me massant la mâchoire, j’eus à peine la force de me redresser. Je venais de tout perdre, définitivement. Rester près de cette église m’écœura mais je ne parvins pas à aller plus loin que le banc que je remarquais.

M’y asseyant je souris amèrement en voyant en face de moi l’église. J’avais mal, affreusement mal et la douleur que je ressentais n’avait rien à voir avec les coups que j’avais reçu. J’avais l’impression que quelqu’un prenait mon coeur à pleine main et tentait de l’arracher de mon corps avec une violence inouïe.

Ce fut alors que la porte s’ouvrit brusquement sur Gwen en pleurs suivit de toute sa famille qui lui criait après de revenir. J’eus à peine le temps de me redresser que Gwendal me sauta dans les bras. Grimaçant sous la douleur, je l’ignorais alors que mes bras se refermaient sur lui comme pour l’empêcher de partir. Là, tout contre mon oreille, au milieu de ses larmes, il murmura comme une plainte :

- J’ai tout abandonné pour toi, ne me fait pas regreter mon choix… 

Le père de Gwendal se rua sur nous et s’arrêta à quelques mètres.

- Gwendal ! Revient ici tout de suite ! Déclara-t-il. Tu n’imagines pas la honte que tu viens de nous faire vivre. Reviens maintenant !

- Gwendal, gémis sa mère, oh mon dieu, Gwendal.

- Tu fais erreur Gwendal, tu ne peux pas être un sale pédéraste. C’est cet homme, cet animal qui t’a embobiné. Gwendal ! Mon fils, reprend la raison et revient. On tentera d’oublier cet incident.

J’entendis Gwen gémir de douleur et n’en supportant pas d’avantage, je fis ce que je lui avais toujours promis. Le gardant tout contre moi, protecteur, je toisais son père avec tout le mépris dont j’étais capable avant de répliquer, assez fort pour que tout le monde l’entende :

- Il était parfaitement homosexuel lorsque nous avons couché ensemble ! Vous ne méritez pas votre fils. Vous ne l’avez jamais connu, jamais regardé ! Vous ne savez même pas qui il est ! Vous ne l’avez jamais aimé…

Je sentis Gwendal frémir au creux de mes bras et je le serrais encore plus fort tout contre moi, comme si cela pouvait l’empêcher d’être atteint par la méchanceté et la brutalité de ses géniteurs.

Ce fut à cet instant que Gwendal tourna la tête, et sans pour autant quitter mon étreinte, il fit face à son père, comme mue par une force que je ne lui connaissais pas :

- Je ne veux pas de cette vie que vous avez décidé pour moi. Mon choix est d’être avec Hayden. Je l’aime ! Déclara-t-il. Qu’importe si je suis renié ! Ma vie c’est auprès d’Hayden, et j’assume mes sentiments.

Ne résistant pas, je m’emparais aussitôt de ses lèvres. Elles m’avaient tant manquées. Comment avais-je pu vivre ne serait-ce qu’une seconde sans elles ! Comment avais-je pu me priver de ce bonheur. Sous la surprise, Gwendal entrouvris ses lèvres et j’en profitais aussitôt pour investir sa bouche. Avec vigueur et une douceur non feinte, je l’entraînais dans un baiser emplie de sentiments comme pour panser la souffrance causée, comme pour lui apporter la force qui lui était nécessaire.

Notre baiser avait le goût amer du sang à cause du coup que j’avais reçu et j’ignorais la douleur que cela me causait encore. Je voulais me fondre en lui, je voulais qu’il me possède comme jamais encore je ne l’avais désiré de personne. Je voulais être à lui et fut effrayé par ce sentiment. J’étais près à ignorer ma liberté, si importante à mes yeux et à la lui offrir. Mon coeur battait douloureusement dans ma poitrine à m’en couper le souffle. Ce fut les deux mains de Gwendal me repoussant fermement qui me firent revenir à la raison.

- Gwendal ! Ceci est la dernière chance que je te laisse, claqua son père écoeuré. Si tu pars avec cet animal, je te renie ! Je ne veux plus jamais te voir ici ! Je ne veux plus entendre parler de toi ! Jamais tu m’entends.

La mère de Gwendal s’effondra brusquement alors qu’un homme la retins de justesse avant qu’elle ne touche le sol.

Echangeant un bref regard avec moi, Gwendal se tourna à nouveau vers son père et déclara avec une force qui le rendait encore plus beau :

- La ferme ! Cracha-t-il Je préfère être renié que de me soumettre encore à vos ordres.

Son père parut brusquement horrifié. Sans un mot, il lui tourna le dos, et suivit de toute la famille et des personnes présentes, ils retournèrent dans l’église, claquant violemment la porte. Seul un jeune homme un peu plus âgé que nous resta présent.

Il s’approcha alors de nous, tandis qu’agrippé à moi, Gwendal tremblait. Je ne pouvais avoir idée de ce qu’il devait ressentir. Il avait tourné le dos à sa famille entière pour moi et je devais en endosser toute la responsabilité. Indéniablement je m’étais lié à lui alors qu’il venait de mettre ma vie entre ses mains. Le jeune homme s’arrêta devant et posant sa main sur l’épaule de Gwendal, celui-ci sursauta avant de se tourner vers lui :

- Je suis fier de toi Gwendal, tu as su faire ce que je n’ai jamais osé….

Gwendal esquissa aussitôt un sourire et se dégageant de mon étreinte, restant tout de même contre moi, il lui demanda aussitôt :

- Nathaniel ! S’exclama-t-il. Je ne pensais pas te revoir un jour ! Est-ce que ça va ? Demanda-t-il en séchant ses larmes comme honteux.

- Je vais bien… J’admire vraiment le courage que tu as eu, insista-t-il. Et je tenais à te dire que si tu avais besoin de quoi que ce soit, tu peux compter sur moi. Je peux t’accueillir chez moi si tu veux. Ce n’est pas immense, mais on pourra te faire une place, dit-il avec un petit sourire.

- C’est très gentil de ta part, mais je vais rester avec Hayden, répondit Gwen en m’adressant un petit sourire.

- En tout cas, si jamais tu as besoin de quoi que ce soit, je tenais à ce que tu saches que je suis là. Entre cousins reniés, déclara-t-il amusé, on doit s’entraider.

- Je… Merci, souffla Gwendal, certainement plus touché qu’il ne le laissais paraître.

- Ce que tu traverses est difficile Gwendal, ajouta-t-il. Je peux te le dire, je l’ai vécu… Mais,  ça vaut le coup ! Déclara-t-il.

Puis s’adressant à moi, il me dit avec sérieux :

- Prenez soin de mon cousin et soutenez-le…

- Je vous le promet, dis-je, passant tendrement mes bras autour de son corps frêle.

Gwen semblait avoir encore perdu du poids. Nathaniel attrapa alors son portefeuille et en sortit un papier sur lequel il griffonna un numéro avant de le tendre à Gwendal.

- Appelle-moi si tu as besoin. Je dois y aller… J’espère avoir de tes nouvelles.

- Merci, souffla Gwendal, profondément touché.

Nathaniel s’éloigna après un sourire et un dernier signe de la main. Nous nous retrouvâmes brusquement seul. Reportant toute mon attention sur Gwendal, je lui soufflais alors, comme pour définitivement sceller ma promesse, passant une main délicate dans ses cheveux, comme pour m’assurer qu’il était bien présent, là, dans mes bras :

- Je te promets Gwen, je te promets que je ne te le ferais pas regretter…

Gwen me pris aussitôt dans ses bras et alors que je cherchais à approcher mes lèvres des siennes, il tourna la tête, me faisant clairement comprendre qu’il n’en avait pas envie. Blessé, je ne n’insistais pas, le serrant plus fermement dans mes bras. Je murmurais alors à son oreille :

- Ca y est… Tu es enfin libre maintenant…

Pour toute réponse, Gwen enfouit sa tête dans mon cou. Nous restâmes ainsi entrelacé un temps que je n’aurais su définir, profitant simplement du fait de se retrouver. Mon coeur qui avait été si douloureux se calmait enfin, retrouvant une forme de chaleur que je n’avais connue qu’à ses côtés. Ce fut Gwendal qui finit par s’écarter légèrement de moi.

- Comment tu te sens ? Soufflais-je.

- Je suis épuisé… J’ai faim… Dit-il avec un petit sourire.

Soudain son visage se décomposa et il ajouta :

- Je n’ai plus rien ! Pas d’argent, pas de vêtement, pas de…

Je posais aussitôt un doigt sur ses lèvres, l’incitant au silence.

- Ce n’est que du matériel Gwendal. Je te prêterais des affaires et on achètera le reste. C’est aussi ça la liberté Gwen ! Tu as perdu toutes tes attaches. Quand je suis partit de chez moi, je n’avais plus rien… Plus personne… Mais tu m’as moi…

Gwendal me sourit timidement, et je lui dis alors :

- Et si nous rentrions, déclarais-je avec un sourire. Mais avant laisse-moi-t’acheter quelque chose à manger en ville.

- Je… Merci, dit-il avec un petit sourire.

- Gwen, tu n’as pas à être timide ou gêné avec moi d’accord ? Je crois qu’on a dépassé ce stade.

Gwendal rougit de plus belle. Paradoxalement, ce fut moi qui attrapait timidement sa main et l’entraînais à ma suite, l’éloignant à jamais de sa famille.

Comme promis, nous nous arrêtâmes en ville et n’ayant plus à nous cacher, je lui proposais d’aller dans un restaurant. S’il refusa prétextant que nous n’avions pas assez d’argent pour ça, je ne lui laissais pas le choix. Installé à une table, nous passâmes commande, et Gwendal, me regardant avec un sourire amusé, déclara :

- Tu devrais faire un tour aux toilettes et laver ton visage… Tu as encore du sang sur le coin de la lèvre… Ils ne t’ont pas fait mal au moins ! Ajouta-t-il soudain inquiet.

- Quelques bleus sûrement. Mais rien de grave. M’empressais-je de le rassurer. Crois-moi, dis-je en me levant, j’aurais été prêt à bien plus pour te récupérer.

Me redressant, sous les conseils de Gwendal, je m’absentais et allais aux toilettes. Le reflet qu’il me renvoya me fit sourire malgré moi. En effet, il ne m’avait pas loupé. Attrapant un morceau de papier, je le passais sous l’eau et tentais d’enlever le sang séché. N’ayant pas de glace sous la main, le coin de ma lèvre droite était déjà en train d’enfler. Après avoir passé un peu d’eau sur mes cheveux en bataille, je partis rejoindre Gwendal.

Celui-ci semblait comme apeuré, assis seul sur la banquette. Sans perdre de temps, je vins aussitôt m’asseoir près de lui. Il jeta alors un regard effrayé autour de lui, et je le rassurais aussitôt, comprenant sa crainte :

- Ne t’occupe pas du regard des autres Gwen. Allez viens-là…

Je l’attirais aussitôt dans mes bras alors qu’il souffla :

- Je n’ai plus rien… J’ai peur….

Passant une main dans ses cheveux, je répondis alors :

- Tu es surtout affamé et épuisé Gwen… Demain après une bonne nuit de sommeil, tu auras les idées plus claires.

Gwendal acquiesça et ce fut à ce moment là que l’on nous apporta nos assiettes. M’éloignant à contre coeur de Gwendal après avoir déposé un baiser sur son front, je le laissais face à son assiette. N’ayant rien avalé non plus, ce fut avec un appétit que nous dévorâmes nos assiettes sans laisser une miette. Nous prîmes ensuite le bus pour nous approcher de chez Julien. Assis tout contre lui, Gwendal était venu se réfugier dans mes bras, comme s’il avait peur que je m’éloigne ou que tout cela ne soit qu’un rêve. Avant qu’il ne s’assoupisse, je lui soufflais amusé :

- Je peux te dire que quelqu’un se languit de toi. Ta fiancée t’attend désespérément…

Sentant Gwendal se tendre, je rajoutais aussitôt :

- Je parle de Lyah. Elle t’a vraiment adopté, dis-je avec un petit sourire.

Gwendal se détendit aussitôt et ce fut un petit sourire accroché aux lèvres qu’il s’endormit contre moi.
Une fois arrivé, n’ayant pas le coeur à le réveiller, je décidais de le porter dans mes bras. Ce ne fut que lorsque nous fûmes sur le pas de la porte, que je le tirais de son sommeil à contre-coeur.

- Nous sommes arrivé Gwen… Je pensais que tu voulais les voir avant d’aller te coucher.

- Mmmh, merci, souffla-t-il alors que je le posais par terre.

Alors qu’il se frottait les yeux, je frappais quelques coups à la porte. Ce fut Marie qui vint nous ouvrir, Lyah accroché à ses jambes.

- Endal ! Cria aussitôt Lyah.

Lâchant les jambes de sa mère, elle se rua aussitôt sur Gwendal qui déjà abaissé, la prenait dans ses bras, la serrant fortement contre lui. Il ne fallut pas plus longtemps avant que Julien n’arrive.
Ce fut de grands sourires et une joie non feinte qui accueillirent Gwendal. Chacun le serra dans ses bras, et le bonheur que je pus voir sur son visage me rempli de joie. Marie déboucha une bouteille que nous savourâmes dehors. Gwendal se contenta d’un jus de fruit, et fut aussitôt accaparé par Lyah. Ce fut à cet instant que Julien m’attira à lui et me serra dans ses bras.

- Tu as fait le bon choix ! Déclara-t-il. Je suis fier de mon ami.

Alors qu’il me serrait un peu trop fort, je me tendis en grimaçant.

- Qu’est ce qui s’est passé ?

- Disons que les molosses de son père ne sont pas très tendre.

- Fait moi voir ! Déclara-t-il.

- C’est bon… Soufflais-je.

- Hayden ! S’il te plait ! Insista-t-il.

Loin d’être pudique, ce fut la première fois que j’enlevais à contre coeur mon tee-shirt. Le visage de mon ami s’horrifia tout à coup. 

- Hayden, souffla-t-il…

Gwendal, Marie et Lyah arrêtèrent leur discussion et me fixèrent aussitôt comme si ils voyaient la chose la plus horrible de leur vie.

- Quoi ? Dis-je mal à l’aise rabaissant aussitôt mon tee-shirt.

- Suis-moi, déclara Marie. Il faut te mettre quelque chose là dessus… Où demain tu en paieras les conséquences.
Docile je la suivis, laissant Julien, Lyah et Gwendal. Arrivé dans la salle de bain, elle me demanda de retirer mon tee-shirt et de m’asseoir sur le rebord de la baignoire. M’exécutant docilement, je vis alors ce qui avait horrifié tout le monde dans le reflet du miroir. Un hématome presque noir ressortait sur ma peau, juste en dessous des côtes. C’était certainement quand j’avais reçut leur coup de pied.
Attrapant une crème, Marie commença à me l’appliquer avant de lever les yeux vers moi.

- Même si c’est en partie de ta faute, merci de l’avoir tirer de là… Mais attention, dit-elle en appuyant sur mon hématome avec sadisme, me faisant pousser un petit gémissement de douleur. Ne le fais surtout pas souffrir une seconde fois où je te promets que tu auras à faire à moi !

- Ca fait beaucoup de promesse en une journée, dis-je amusé, avant qu’elle ne réitère son geste plus franchement.

- Aie ! Criais-je. Je n’ai aucune promesse à te faire Marie, déclarais-je alors en attrapant sa main. Cette promesse, je l’ai faite à Gwendal, dis-je avec sérieux.

Aussitôt, les traits de Marie s’adoucirent.

- Je commence enfin à voir le bon côté que Julien clame connaître chez toi, dit-elle avec un petit sourire. Maintenant il te reste pas mal de travail !

- Pour quoi ? Lui demandais-je en fronçant les sourcils alors qu’elle finissait d’appliquer la crème.

- Pour regagner sa confiance, souffla-telle avec un petit sourire.

- Je serais patient, soufflais-je.

- Je n’en doute pas.

Ayant terminé, elle se releva, me laissant remettre mon tee-shirt. Tendant la main vers elle, je lui dis alors :

- Et si nous faisions la paix après toutes ces années.

- Je t’en veux toujours, déclara-t-elle.

Mais à ma plus grande surprise, elle attrapa ma main et avec un sourire elle ajouta :

- Mais c’est d’accord.

Serrant sa main, je lui offrit un sourire. Après ces entrefaits, nous rejoingnîmes les autres et aussitôt, je m’approchais de Gwendal, assis à la table, somnolent. M’asseyant juste à côté de lui, étonné par ma propre attitude, je posais une main sur sa cuisse. Tournant la tête vers moi, il me dit :

- Est-ce que ça va ? Je suis désolée Hayden… C’est de ma faute… Ajouta-t-il.

- Non Gwen… C’est à cause de moi… J’aurais mérité bien pire…

Alors que Gwendal allait répliquer quelque chose, j’ajoutais sans réfléchir avec un faux sourire :

- Ne t’inquiète pas, j’ai reçu pire avant…

Voyant son expression se décomposer aussitôt, je l’attirais contre moi et soufflais :

- Je suis si heureux de te savoir à nouveau à mes côtés…

Déposant un baiser sur sa tempe, je lui proposais ensuite en lui rendant sa liberté :

- Et si nous allions nous coucher… Tu as l’air aussi épuisé que moi.

Gwendal acquiesça. Après avoir remercier nos hôtes, Gwendal offrit un bisous à Lyah lui promettant de s’occuper d’elle.

Nous allâmes dans notre chambre. Gwendal alla se mettre en pyjama dans la salle de bain, m’empruntant un tee-shirt trop petit pour moi et un pantalon trop grand pour lui.  Je fis de même dans la chambre, grimaçant. Je commençais seulement maintenant à véritablement avoir mal. Lorsqu’il eut finit avec la salle de bain, j’allais rapidement me débarbouiller avant de le rejoindre.

Il était allongé dans le lit. Sans trop savoir comment me comporter, je m’allongeais à ses côtés, gardant une distance minime entre nous. Ce fut Gwendal qui vint de lui même contre moi. Soupirant de bien être alors que je posais mes bras autour de lui, il murmura alors :

- Hayden…

- Oui ?

- Qu’est-ce que je vais devenir maintenant ? Qu’est-ce je vais faire ?

- Nous allons rester un moment ici, le temps que tu reprennes du poids et que tu te sentes mieux, murmurais-je. Nous n’avons plus à fuir maintenant. Et puis… Nous avons obligation de retourner voir Blair et Darren. Et, après, nous envisagerons peut-être un voyage en France…

Gwendal s’écarta de moi :

- En France ? Mais… Tu…

- Il faudra bien que tu pratiques ce que tu as appris, dis-je avec un sourire.

- Je ne veux pas t’obliger à y aller, déclara-t-il.

Je soupirais avant d’ajouter en le regardant droit dans les yeux :

- Il est temps que je me décide à faire face à mes vieux démons et à aller de l’avant, murmurais-je, perdant mon assurance. Mais… Je vais avoir besoin de toi…

Enfouissant à nouveau sa tête contre moi, il ajouta :

- Ca fait beaucoup de choses à faire tous les deux, déclara-t-il.

- Ce ne te convient pas ? Demandais-je soudain inquiet.

- Tant que je suis avec toi, ça me convient, dit-il en s’écartant et en me regardant dans les yeux.

Si l’envie de l’embrasser se lisait dans mon regard, je n’en fis rien, ne sachant pas ce que j’avais vraiment le droit de faire avec lui. J’avais connaissance de ses sentiments pour moi, et malgré moi, j’en été effrayé… J’avais peur de ne pas être à la hauteur, de le heurter ou de ne pas savoir comment m’y prendre avec lui.

- Tu étais sérieux, me demanda alors Gwendal, quand… Quand tu m’as demandé de t’apprendre à…

- Oui, j’étais sérieux, murmurais-je sincère. Mais ça prendra du temps… Avouais-je, gêné.

- Je serais patient… Répondit-il avec un petit sourire.

- Je ne mérite pas ta patience, répondis-je en détournant le regard comme rarement il m’arrivait de le faire.

- Ca, c’est à moi de le décider, répondit Gwendal.

Se callant à nouveau contre moi, ce fut le silence qui nous enveloppe. Serrés l’un contre l’autre, c’est à peine si nous arrivions à réalisé que nous étions ensemble. Rien n’était encore résolu et il me faudrait du temps pour regagner sa confiance. Mais en l’instant présent, je laissais ces pensées s’envoler. Ce fut bercé par sa respiration détendue que je finis par trouver le sommeil… Là, tout contre lui… Serrein.

A suivre…

Once in a lifetime - chapitre 10

14 janvier 2013

Chapitre 10 par Shinigami

 

Durant la semaine qui suivit, nous nous éloignâmes, comme si nous fuyons la peste. Si j’avais toujours du mal à suivre le rythme imposé par Hayden, j’avais à présent une nouvelle motivation, habité par la crainte d’être un jour retrouvé et reconduit dans ma prison dorée. Cette peur me tenaillait au ventre et sans que je ne m’en rende compte, je finis par m’enfermer dans un mutisme qui ne me ressemblait pas. Assis contre un arbre, je tentais de me concentrer pour lire un des livres que j’avais emprunté à Hayden. Lorsque je m’étais rendu compte qu’il en avait dans son sac, je lui avais aussitôt demandé la permission de lui en emprunter un, permission qu’Hayden m’avait donnée en souriant.

Lorsque je vis Hayden s’asseoir à côté de moi, je lui adressais un petit sourire avant de reporter mon attention sur la page que je tentais de lire depuis cinq minutes déjà. Mais comme précédemment, je ne parvins pas à me concentrer. J’entendis vaguement Hayden soupirer bruyamment, mais je ne lui prêtais pas plus attention. Les yeux rivés sur le livre, les mots dansaient devant mes yeux et semblaient ne rien vouloir dire, alors que, perdu dans mes pensées, je songeais encore et toujours à ce qui se passerait si jamais mon père arrivait à me retrouver. Si la dernière fois j’y avais échappé, cette fois-ci, il me punirait bien plus sévèrement qu’en me forçant à épouser une femme dont je ne voulais pas.

Je voulais demander à Hayden de partir, je voulais lui demander qu’il m’emmène ailleurs, loin d’ici, en France par exemple, mais au fond de moi, je savais pertinemment qu’il n’accepterait jamais. C’est pourquoi je ne lui demandais rien, me contentant de le suivre sur ses sentiers qu’il connaissait.

 

 

Finalement, ce fut la voix d’Hayden qui me sortit de mes pensées :
- .. va pas, Gwen ?

- Hein ? Sursautais-je en l’entendant prononcer mon prénom, mais n’ayant rien entendu du début de la phrase.

- Qu’est-ce qui ne va pas ? Déclara-t-il, posant sur moi un regard grave et sérieux.
- Rien, m’empressais-je de répondre, détournant cependant le regard, je vais très bien.

- Arrête, on ne me la fait pas… Insista-t-il. Pas à moi. Qu’est-ce qui te tracasse ? Tu peux peut-être m’en parler…
A ces mots, je reportais mon attention sur lui et ancrais mon regard au sien, cherchant à déterminer s’il se moquait de moi ou pas. Mes yeux dans les siens, je tentais de le sonder, sans grand succès cependant, Hayden étant passé maître dans l’art et la manière de dissimuler ses sentiments.

N’ayant pas su déterminer à quoi pensait Hayden, je refermais mon livre en soupirant de lassitude, laissant ma tête partir en arrière, la posant contre le tronc d’arbre avant de me décider à lui répondre :

- Je suis en train de prendre goût à cette vie… Murmurais-je, surpris de m’être laissé aller à dire ces quelques mots que je n’avais jamais oser prononcer à voix haute.

Je m’étais retenu à temps… Emporté dans mon élan, j’avais failli lui avouer que cette vie n’était pas la seule chose à laquelle je m’étais attaché… Malgré moi, je m’étais aussi attaché à Hayden. En dépit de nos débuts difficiles, il avait toujours été là pour moi, m’acceptant dans sa vie et faisant tout un tas de concessions pour mon propre bien-être. Hayden était le genre de personne qui avait le coeur sur la main et j’avais appris à l’apprécier pour sa gentillesse et pour la personne qu’il était au fond de lui.

- Alors pourquoi ça ne va pas ? Demanda Hayden, une pointe de ce que je cru être de l’inquiétude dans la voix.

- Parce que j’ai peur que ça ne dure pas… Avouais-je en baissant les yeux, reportant mon attention sur l’herbe qui dansait au gré du vent.

- Pourquoi cela s’arrêterait ?

- Mon père ne baissera pas les bras, Hayden… Soupirais-je. Nous serons toujours en fuite jusqu’à ce qu’il réussisse à me rattraper.

Délicatement, avec une douceur que je ne lui connaissais pas, Hayden prit mon menton entre ses doigts et me fit relever la tête, m’obligeant à le regarder. Lorsqu’il fut certain d’avoir toute son attention, il déclara gravement :

- Ton père ne te possède pas, Gwen. Tu es libre de choisir ta vie. Quoi qu’il arrive, quelque soit le choix que tu fais, je serais là pour t’aider et te protéger. Je te le promets !

Son regard ne quittait pas le mien, et gêné de l’intensité avec laquelle il me regardait, je me mis à rougir. Fuyant son regard, je murmurais un faible “merci”, sentant toujours le regard d’Hayden ancré sur moi, refusant visiblement de me quitter. Sans que je ne sache pourquoi, mon coeur se mit à battre plus rapidement, cognant bruyamment dans ma poitrine et l’espace d’un instant, je craignais qu’Hayden ne l’entende. Jamais encore je ne m’étais sentis aussi vulnérable et mal à l’aise sous le regard de quelqu’un, et que cette personne soit Hayden me troublait plus que je ne l’aurais souhaité. Hayden était la première personne avec qui j’étais aussi lié, dans le sens où nous partagions nos vies, et en cet instant précis, mon manque d’expérience me parut d’autant plus cruel.

Hypnotisé par le regard envoûtant qu’Hayden posait sur moi, je ne pouvais détourner mon attention de lui, et ce, même lorsque je le vis s’approcher lentement de moi. Son regard posé sur mes lèvres ne laissait aucun doute sur ce qu’il avait en tête. Ce ne fut que lorsque son souffle chaud caressa mon visage, ses lèvres à seulement quelques millimètres des miennes que je retrouvais mes esprits et ma volonté. Affreusement gêné, je tournais la tête au moment où ses lèvres allaient se poser sur les miennes. Honteux comme jamais, je n’osais pas le regarder, tentant d’ignorer les battements frénétiques de mon coeur.

- Pardon, soupira Hayden en s’éloignant légèrement de moi. Je n’aurai pas du…

Si je ne compris pas la seconde phrase, je n’en laissais cependant rien paraître. Me tournant vers lui, je lui adressais un petit sourire timide avant de me lever, tentant tant bien que mal de dissimuler le trouble grandissant qui m’habitait. Pourquoi avait-il prononcé ces derniers mots ? Laissait-il sous-entendre que s’il s’apprêtait à m’embrasser c’était parce qu’il le voulait ? Mettant fin à mes pensées, mal à l’aise par ces sentiments indescriptibles qu’ils faisaient naître en moi, je tentais de détendre l’atmosphère et changeant délibérément de sujet, je demandais :
- Où va-t-on ce soir ? A l’hôtel ? Demandais-je plein d’espoir à l’idée d’un bon lit et d’une douche digne de ce nom.

- Non, répondit mon vis à vis avec un petit sourire. J’ai une connaissance à quelques heures de marche d’ici. On devrait y être ce soir. Il nous hébergera contre quelques jours de travail pour lui.

Ma mauvaise humeur revint au galop à cette réponse qui figurait en première place dans la liste des phrases que je ne souhaitais pas entendre.

- Ah… Répondis-je simplement, toute lueur espoir envolée, pas enchanté le moins du monde à cette idée.

A la limite, je préférerais même dormir dehors pendant le reste du mois. Cela me conviendrait bien mieux que d’aller encore une fois loger chez un homme que je ne connaissais pas et avec qui Hayden aurait envie de passer un bon moment.

- Et si ça devait arriver, ajouta mon aîné en m’adressant un sourire malicieux, comme s’il avait lu dans mes pensées, je serais discret, promis… Rit-il.

Pour ma part, cela ne me fit pas rire. Au contraire, cela renforça mon sentiment de malaise et taciturne, je m’éloignais de lui sans un regard afin d’aller rassembler mes affaires. Sans que je ne sache réellement pourquoi, je fut pris d’une subite envie de pleurer. Cependant, gardant mes état d’âmes pour moi, je refoulais ce sentiments, ignorant les noeuds de mon estomac et l’arrière goût amer dans ma gorge. Ce fut dans un silence gêné et morose que nous reprîmes la route.

Comme Hayden l’avait prédit, nous arrivâmes en fin de journée dans l’immense ferme de son ami répondant au prénom de Thomas. Prénom dont je gardais un souvenir loin d’être élogieux. D’un pas traînant, montrant ainsi à Hayden la motivation qui était la mienne à aller passer quelques jours chez son ami, je lui suivis à contrecoeur à travers la cour, regardant où je mettais les pieds. Ignorant royalement ma réticence, Hayden poursuivit son chemin et une fois arrivé sur le pas de la porte, il m’attendit patiemment. Si j’avais pu y aller à reculons, je l’aurais fait avec la plus grande joie. Cependant, ne pouvant faire attendre Hayden trop longtemps, j’accélérais sensiblement mon allure. Une fois à ses côtés, je poussais un soupir à fendre l’âme qu’Hayden ignora avec superbe, frappant à la porte.

Celle-ci ne mit pas longtemps à s’ouvrir et un énorme chien noir en bondit, me prenant comme cible. Effrayé, c’est de justesse que je retins un hurlement de terreur à la vue de l’énorme boule de poils qui fonçait sur moi. Inconsciemment, je me collais aussitôt à Hayden, cherchant sa protection.

- Hayden ! S’exclama alors une grosse voix grave que je devinais être celle de ce fameux Thomas. Quelle bonne surprise ! S’exclama-t-il. Tu tombes à pic. Mes moutons se sont échappés et si tu pouvais me donner un coup de main, ça me simplifierait les choses.

Brusquement, il s’arrêta lorsqu’il s’aperçut de ma présence derrière Hayden. Cependant, je ne prêtais aucune attention à lui, toute ma vigilance étant portée sur le chien.

- Tiens, déclara-t-il. C’est bien la première fois que tu viens accompagné. A qui ais-je l’honneur ? Demanda-t-il en attrapant son chien par le collier.

- Je m’appelle Gwendal, répondis-je simplement en m’éloignant légèrement d’Hayden, pas vraiment rassuré.

- Moi c’est Thomas, dit-il avec un sourire qui me déplut. Bon, on ne serra pas trop de trois, allons-y ! Ajouta-t-il en passant devant nous.

Après une longue course pour ramener tous les moutons dans leur enclos, Thomas nous proposa d’aller boire une limonade pendant qu’il préparait quelque chose à manger. Transpirant et épuisés, Hayden accepta pour nous deux. Assis à la terrasse, c’est avec plaisir que je savourais la fraîcheur de la boisson. Thomas ne tarda pas à nous rejoindre et s’installa à côté d’Hayden.

- Combien de temps comptez-vous rester ? Demanda-t-il à Hayden, alors qu’il posait sur moi un regard que je ne parvins pas à déchiffrer.

Sous l’insistance de son regard, je détournais les yeux, mal à l’aise. Encore un homme qui ne m’inspirait pas confiance. Cependant, je me gardais bien de faire part de mes craintes à Hayden, de peur de passer pour un paranoïaque.
- Quelques jours, si ça ne te dérange pas, répondit Hayden sans me concerter du regard.

- Bien sûr que non ! Vous tombez à pic, j’ai une montagne de choses à faire et un employé m’a fait faux bond.

- Marché conclu ! Répondit Hayden en souriant.

Le reste de la soirée se déroula tranquillement, mais toujours dans la mauvaise humeur pour moi. Après une douche qui me fit le plus grand bien, nous eûmes droit à un copieux repas avant de prendre le dessert dans le salon. Durant tout le temps que dura le repas, je ne décrochais pas le moindre mot, n’ayant aucunement envie de me mêler à leur conversation. De plus je n’aimais pas ce Thomas et j’espérais ainsi le faire comprendre à Hayden. Avec un peu de chance, il écourterait notre séjour. Mais ça, je ne comptais pas trop dessus…
Lorsque j’eu terminé de manger, n’ayant plus aucun prétexte pour rester auprès d’eux, je m’excusais du bout des lèvres et montais me coucher, sans un regard derrière moi. Je savais qu’Hayden passerait la nuit avec Thomas, mais intérieurement, je me surpris à vouloir qu’il reste avec moi. Retenant une nouvelle envie de pleurer, je fermais la porte derrière moi avant de m’effondrer au milieu du lit deux place qui, de toute façon, ne servirait qu’à moi ce soir, et sans doute les autres soirs aussi.

Déprimé, le moral à zéro, je me déshabillais et enfilais mon pyjama, l’esprit ailleurs. Sans trop savoir ce que je voulais, j’attrapais alors mon livre dans le sac d’Hayden et m’installais dans le lit, m’offrant le luxe de m’allonger au milieu en maigre compensation du vide que je ressentais en moi. Ouvrant le livre, je parcourais les lignes des yeux sans parvenir à comprendre la signification des mots qui s’enchaînaient. Tout cela n’avait aucun sens. Comprenant que je n’arriverais à rien ce soir, je refermais le livre et le coeur lourd, j’éteignis la lumière.

Les yeux rivés sur la fenêtre dont les volets étaient restés ouverts, je contemplais la lune et le ciel. Un faible sourire étira mes lèvres, accompagné d’un douloureux pincement au coeur au souvenir des nuits durant lesquelles Hayden avait passé des heures à m’apprendre le nom des constellations qui parsemaient le ciel. Abandonnant mon oreiller, je m’allongeais sur le ventre de l’autre côté du lit afin d’avoir une meilleure vue sur le ciel nocturne. Là sans que je ne puisse les retenir des larmes vinrent me brouiller la vue. Le coeur douloureux, songeant à Hayden, je fondis en larmes. Je devais me rendre à l’évidence… J’étais entrain de tomber amoureux de lui…

Mon coeur se compressa plus qu’il n’était possible à cette constatation et enfouissant mon visage dans les couvertures, je me laissais aller à pleurer toutes les larmes de mon corps.

Je ne saurais dire combien de temps je restais là, à pleurer, jusqu’à ce que finalement, vaincu par mes larmes et mon épuisement, je sombrais dans un sommeil profond et sans rêve. Je fus réveillé avec l’horrible sensation d’être secoué dans tous les sens, la voix paniquée d’Hayden me parvenant un moment après :

- Gwen ! S’exclama-t-il. Réveille-toi, nous devons partir !

A ces mots, je sursautais, avant de me redresser difficilement, encore à moitié endormis :

- Qu’est-ce qui se passe ? Demandais-je, d’une voix éraillée par mes larmes récentes et le sommeil.

- Il faut qu’on parte ! Maintenant ! Répéta-t-il sans prendre le temps de m’expliquer ce qui se passait.

- Pourquoi ? Quelle heure est-il ? Demandais-je, en voyant que la nuit était toujours noire.

- Ne pose pas de questions ! Habille-toi et dépêche-toi ! M’interrompit-il avec empressement. Nous ne sommes plus en sécurité ici.

Face à son aire grave et empressé, je compris qu’il avait du se passer quelque chose de sérieux. Cédant à la panique contagieuse d’Hayden, j’enfilais mes vêtements en un temps record tandis qu’il surveillait la porte. Puis attrapant nos deux sacs, il m’entraîna dans un course folle jusqu’à l’extérieur de la ferme. Et même lorsque nous fûmes dehors il continua de courir sans me lâcher la main, m’obligeant à suivre le même rythme effréné que lui. A bout de souffle, alors que j’allais demander à Hayden de ralentir, il le fit de lui-même, sans pour autant nous accorder de pause. Les poumons en feu, je tentais laborieusement de retrouver une respiration régulière, mon coeur tambourinant violemment dans ma poitrine.

Brusquement, il nous fit quitter la route, m’entraînant à sa suite dans les bois, ses doigts toujours fermement enroulés autour de mon poignet qu’il serrait douloureusement. Ce ne fut qu’après un temps qui me parût affreusement long qu’il consentit enfin à s’arrêter afin de nous laisser reprendre notre souffle. Lâchant alors nos sacs qui tombèrent sur le sol en un bruit étouffé, Hayden se tourna vers moi et avant que je ne réalise ce qui se passait, il me prit dans ses bras, m’enlaçant en une étreinte possessive qui m’effraya malgré moi. Que c’était-il passé pour qu’il soit dans un tel état ?

Aussi soudainement qu’il m’avait attiré à lui, il me repoussa vivement, comme si mon simple contact le brûlait. Ce geste me noua douloureusement la gorge, mais décidé à ne rien laisser transparaître de mes sentiments, me concentrant sur la colère qui grandissait en moi, je m’exclamais alors, furieux :

- Non mais je peux savoir ce qui te prend ? Pourquoi est-ce que l’on s’enfuit comme des voleurs au milieu de la nuit ? Qu’est-ce qui s’est passé ? M’exclamais-je, au bord de l’hystérie. Tu m’as fait une peur bleue !!

Pour toute réponse, Hayden s’adossa à un arbre et se laissa tomber au sol, gardant obstinément le silence. Face à son absence de réponse, comprenant que quelque chose n’allait vraiment pas, je me calmais et, inquiet comme jamais, je m’agenouillais près d’Hayden :

- Qu’est-ce qui s’est passé, Hayden ? Demandais-je, pour la énième fois, effrayé de ne pas savoir.

Je vis Hayden s’enfermer dans un mutisme qui m’inquiéta. M’efforçant de ne pas céder à la panique qui commençait à s’emparer de moi, je réitérais ma question, posant une main rassurante sur son épaule :

- Hayden… Qu’est-ce qui s’est passé chez Thomas ? Tu es pâle, est-ce que ça va ?

- Je l’ai tellement haïs, Gwen, lâcha-t-il finalement.
- Qui ? Demandais-je perdu, ne comprenant pas de qui il parlait ni où il voulait en venir.

- Je lui en ai voulu de m’avoir mis au monde… Continua-t-il, répondant indirectement à ma question, en prenant sa tête entre ses mains.
Le voir ainsi me compressa douloureusement le coeur.

- J’ai l’impression de ne pas avoir ma place ici… Je ne suis qu’un accident indésiré avec l’un de ses clients… Et finalement, je lui ressemble… Je suis même pire… Déclara-t-il, me laissant complètement perdu face à ses paroles décousues sans le moindre sens pour moi.

- De quoi est-ce que tu parles ? Demandais-je, déboussolé. Pourquoi est-ce que tu me dis tout ça ? Quel est le rapport avec le fait que l’on parte de chez Thomas au milieu de la nuit ?

Hayden s’obstinait à ne pas répondre à mes questions et pour un peu, j’en aurai hurlé de frustration. Alors que je m’apprêtais à lui poser une nouvelle fois la question, il déclara en une plainte à peine audible :

- J’ai fait pire que ma mère, j’ai fait pire que de la prostitution…

Cette réponse n’eut d’autre effet que de me serrer davantage le coeur. Que c’était-il donc passé pour qu’Hayden soit dans un tel état, pour qu’il se dénigre ainsi lui qui était si fier habituellement. Redressant la tête, je croisais son regard troublé. Echappant à ma main toujours posée sur son épaule, il déclara d’une voix monotone :

- Je vais marcher un peu, je te laisse t’installer ici… Je… Je reviens… J’ai besoin d’être seul.

Me laissant en plan, il se détourna de moi et commença à s’éloigner, m’abandonnant à mes peurs et mes interrogations restées sans réponses. De nouveau, la colère s’empara de moi. Pour une fois, cela ne se passerait pas comme Hayden l’avait décidé ! J’avais le droit de savoir et, sur mon honneur, je saurais ce qui avait  bien pu troubler autant Hayden.

Le rattrapant, je l’incitais à se retourner d’une main sur son épaule. Ce n’est qu’une fois qu’il fut face à moi que je déclarais :

- Je te le demande une dernière fois Hayden, qu’est-ce qui s’est passé chez Thomas ? C’est quelque chose qu’il t’a dit sur ta mère ?

- N’insiste pas, Gwen, souffla-t-il.

Ces mots me blessèrent plus que je ne l’aurai souhaité. Pourquoi refusait-il de se confier à moi ? Avait-il si peut d’estime et de confiance en moi pour me parler ? Ignorant la boule qui se formait dans ma gorge, je m’exclamais, farouchement déterminé à avoir le fin mot de cette histoire :

- J’ai le droit de savoir ! Je veux t’aider… Ajoutais-je, d’une petite voix tremblante d’émotion.

- Je… Commença-t-il, hésitant, comme s’il cherchait ses mots. Thomas savait qui tu es Gwendal, déclara-t-il. Il a voulu te dénoncer…

- Ce n’est pas ça qui te met dans cet état, fis-je remarquer, commençant à connaître suffisamment bien Hayden pour savoir qu’il ne se serait pas laisser intimider par une menace.

- Il a menacé de s’en prendre à toi et…

A ces mots, mon coeur faillit louper un battement tandis qu’Hayden marquait une pause. Après un court silence, il ajouta :

- Je l’ai assommé et nous nous sommes enfuis…

Si Hayden refusa de me dire ce qui s’était passé, son silence parla pour lui. Je ne pouvais qu’émettre des suppositions, et toutes celles qui me venaient à l’esprit me touchèrent. Ainsi, tout cela était arrivé à cause de moi… Je me sentais tellement coupable… Par égard pour Hayden, je n’insistais pas plus et avant que je ne réalise entièrement la porté de mon geste, je l’attirais doucement à moi. Docilement, Hayden posa sa tête contre mon épaule. Brusquement, Hayden s’effondra en larmes. Lui, d’habitude si fort semblait aussi fragile qu’un enfant.

Jamais encore je n’avais vu Hayden dans un tel état de détresse et cela m’effraya. Il avait toujours été le plus fort d’entre nous. Il était celui qui me protégeait des autres, celui qui veillait sur moi et, ce brusque inversement des rôles me terrifiais. Jamais je n’avais été confronté à une telle situation. J’avais toujours été celui que l’on consolait, et me retrouver dans le rôle inverse était quelque chose de nouveau et effrayant. J’avais peur de ne pas savoir m’y prendre avec lui, de ne pas trouver les mots justes. C’est pourquoi je restais silencieux, me contentant de le garder près de moi, tandis que je caressais son dos en une timide tentative d’apaisement.

Pour la première fois depuis que nous voyagions, ce fut moi qui préparais notre lit. Aucun mot ne fut échangé et lorsqu’il se fut couché, il se colla tout contre moi, enfouissant son visage dans mon cou. Malgré le trouble qui m’habitais à le sentir si proche de moi, je ne le repoussais pas, savourant la chaleur de son corps tout contre le mien. Alors que je le sentis s’endormir, son corps se faisant plus lourd contre le mien, je me laissais aller à pleurer, libérant les sanglots que j’étais parvenu à contenir jusqu’à maintenant. Je me sentais tellement coupable… Je savais qu’il n’y avait plus qu’une seule solution face à ce problème que je représentais, mais rien que d’y songer, mon coeur se compressait douloureusement dans ma poitrine. Je ne pouvais pas… Je ne voulais pas abandonner cette liberté, pas plus que je ne voulais quitter Hayden…

Finalement, épuisé par mes larmes et les événements de cette nuit, je finis par m’endormir, bercé par la respiration calme et régulière d’Hayden.

Lorsque je me réveillais le lendemain matin, le jour était à peine levé. Contre moi, je pouvais sentir le corps chaud d’Hayden et les événements de cette nuit me revinrent en mémoire en même temps que ma tristesse. Jamais encore je ne m’étais sentis aussi perdu et bouleversé.

Il ne fallut pas longtemps à Hayden pour se réveiller à son tour. Terrifié à l’idée qu’il puisse s’éloigner de moi, ne voulant pas le laisser partir, je raffermis ma prise autour de lui, m’accrochant à sa chemise comme si ma vie en dépendait. Ce fut avec un soulagement non feint que je sentis Hayden répondre à mon étreinte, m’attirant davantage tout contre lui, me serrant entre ses bras puissants et protecteurs.

Dans un sanglot étouffé, je murmurais alors :

- Je suis désolé… Tout est de ma faute…
A ces mots, Hayden s’écarta de moi et ancrant son regard dans le mien, il déclara gravement :

- Jamais, tu m’entends ! Ne pense jamais que ce qui est arrivé hier était de ta faute.

- Bien sûr que si ! Rétorquais-je vivement, ne pouvant retenir mes larmes. Si je n’avais pas choisis de venir avec toi, jamais rien ce tout cela ne serait arrivé. C’est moi qui t’ai mis dans cette situation. Je te mets en danger… Je pense qu’il vaut mieux que je rentre chez moi, Hayden… Ajoutais-je en détournant les yeux, ignorant les protestations de mon coeur qui se brisait à l’idée de devoir renoncer à Hayden et à ma liberté.

Comme pour m’empêcher de mettre mon plan à exécution, Hayden raffermis la prise de ses bras autour de mon corps, m’empêchant toute tentative de fuite.

- Tu restes avec moi, Gwendal, tu ne repartiras pas là-bas ! Décréta-t-il, intraitable. Je t’en ai fait la promesse.

- Ta promesse te coûte trop cher, répliquais-je, sans chercher à me soustraire de son étreinte, profitant au contraire de sentir sa présence rassurante. Tu en as déjà fait assez pour moi. Je ne peux pas t’en demander plus…

Hayden s’écarta alors de moi. Se redressant, il ancra son regard au mien, son visage à quelques centimètres du mien.

- Ce qui est arrivé n’est pas de ta faute, mais uniquement de la mienne, déclara-t-il d’un ton sans appel. Je ne me méfie pas assez des gens Gwen. Et puis c’est trop tard. Nous avons fait notre choix en connaissance de cause. On savait que nous serions en fuite et que ton père ne te laisserait pas en paix. Ce qui vient de se passer est un accident. Ne rend pas cet accident comme étant la cause de ton départ où alors, tout ce que nous avons fait jusqu’à maintenant n’aura servi à rien. Je veux que tu restes à mes côtés, que tu t’épanouisses. Que tu découvres tous les bons côtés de la vie que je mène. Je veux que tu découvres la liberté Gwen… Tu as encore tellement à découvrir… Et lorsque ce sera fait… A ce moment seulement, alors, tu pourras envisager à nouveau la question de rentrer chez toi.

- Mais je ne veux pas rentrer chez moi, soufflais-je dans un gémissement douloureux. Hayden, je me sens tellement coupable de…

Je fus coupé en plein milieu de ma phrase par quelque chose de chaud et humide qui se posait sans brusquerie aucune sur mes lèvres. Sous le coup de la surprise, je cessais presque de respirer alors que la langue d’Hayden glissait lentement sur mes lèves. Une de ses mains passa sur ma nuque pour me rapprocher de lui tandis que l’autre se posait dans mon dos, m’arrachant un frisson. Timidement, mettant de côté ma gêne et ma pudeur, j’entrouvris légèrement les lèvres. Répondant au quart de tour mais toujours avec cette tendresse particulière, sans la moindre précipitation, il laissa sa langue se glisser entre mes lèvres entrouvertes et partir à la recherche de la mienne. Lorsqu’il la trouva, il la caressa avec une douceur qui me fit tressaillir. Timidement, je finis par me laisser guider par l’expérience d’Hayden, et avec hésitation, je laissais ma langue répondre aux caresses de sa jumelle.

Le fait qu’Hayden ne fit aucun mouvement brutal, ne cherchant jamais à me forcer à aller plus loin ou à approfondir davantage notre échange m’aida à me détendre et à apprécier ce baiser. Perdu dans un océan de sensations nouvelles que je n’avais encore jamais éprouvé auparavant, je m’accrochais à la chemise d’Hayden afin de ne pas me laisser emporter et trouvant là une prise pour garder pied dans la réalité.

C’est à contrecoeur que je me séparais d’Hayden lorsque l’air vint à nous manquer. Le souffle court, je m’empourprais alors face à mon audace et atrocement gêné, je détournais le regard, tandis qu’Hayden m’observait avec un certain amusement, un sourire que je qualifierais presque de tendre étirant ses lèvres rougies. Délicatement, il passa une main sur mon visage, replaçant une mèche de cheveux derrière mon oreille en laissant ses doigts caresser ma joue au passage.

Allongés l’un en face de l’autre, nous restâmes silencieux un moment, alors que je me laissais aller à fermer les yeux, repassant dans ma tête l’instant de tendresse que nous venions de partager. Dans ma poitrine, mon coeur battait à toute allure sous l’effet du bien-être que je ressentais en cet instant alors que je m’interrogeais sur le pourquoi de ce baiser et sa signification.

D’un commun d’accord, nous décidâmes qu’il était temps de se lever. Après un petit déjeuner frugal, j’allais m’habiller à l’abri des regards indiscrets. Comme chaque matin depuis une semaine, je constatais que mon pantalon se faisait de plus en plus grand… Il devenait urgent que je trouve un moyen de l’attacher sous peine de me retrouver un jour avec le pantalon sur les chevilles. Honteux, je m’empressais de dissimuler mon corps laid et trop maigre sous ma chemise qui, elle aussi, commençait à se faire trop grande.

Alors que, part respect pour moi, Hayden allait s’habiller un peu plus loin, je cherchais dans son sac quelque chose qui aurait pu maintenir mon pantalon en place. Avisant un lacet, je m’en emparais avant de tout remettre en place, en entendant Hayden revenir. Je mis précipitamment l’objet de mon délit dans ma poche et retournais vaquer à mes occupations. Nous fîmes nos sacs et reprîmes la route. Nous allions définitivement quitter la région. Selon Hayden, plus nous serions loin, plus facilement nous trouverions la paix. Il envisageait même de prendre un bus ou un train pour nous éloigner au plus vite et cette idée m’enchanta.

Alors que nous marchions depuis une petite heure, marchant aux côtés d’Hayden et non pas derrière lui comme à mon habitude, je l’appelais d’une petite voix hésitante :

- Hayden…

- Hn ? Souffla-t-il en se tournant vers moi.

- Même si je t’ai promis de ne plus te questionner sur ton passé… Je… Je voulais que tu saches que je suis toujours là pour t’écouter. Et… Si tu veux un jour me raconter, je ne te jugerais jamais, déclarais-je timidement.

Pour toute réponse, Hayden m’offrit un sourire sincère qui me toucha plus qu’il n’aurait du. D’un geste si rapide que je ne le vis pas venir, il passa son bras autour de mon cou, m’attirant brusquement à lui, il déclara :

- Je suis content de t’avoir comme compagnon de voyage, Gwen !

Puis, dans un rire, il ajouta :

- Si tu me connaissais vraiment, Gwen, tu serais déjà en train de courir chez ton père !

- Je suis sûr que tu n’es pas aussi horrible que tu penses l’être, déclarais-je sérieusement en reportant mon attention sur lui. Tu es quelqu’un de bien !

Hayden m’adressa un sourire avant de me libérer de son étreinte. Une fois libre, nous reprîmes la route sur un ton plus léger. Après la courte nuit que nous avions eut, la fatigue ne tarda pas à se faire ressentir. Cependant, comprenant le désir d’Hayden se s’éloigner au maximum de cet endroit, je ne me plaignis pas, me forçant à suivre le rythme imposé. Mais malgré toute ma bonne volonté, je ne tardais pas à faire des pauses qui n’échappèrent pas à l’attention d’Hayden qui me proposa alors de s’arrêter dans un refuge abandonné qu’il semblait bien connaître, afin de nous reposer quelques jours. L’idée m’enchanta au plus haut point et oubliant momentanément ma fatigue, je repris la route, accélérant le pas, ignorant les protestations de mon corps.

Il faisait nuit lorsque nous arrivâmes enfin au refuge. Comme l’avait dit Hayden il était abandonné et mal entretenu, mais cela serait bien suffisant. Tant que je pouvais me reposer, le reste n’avait pas la moindre importance. Au vue de la fraîcheur de la nuit, Hayden me proposa de faire un feu et dormir dehors pour profiter du ciel étoilé. Plus que ravi, j’acceptais avec enthousiasme, mettant mon épuisement de côté. Pendant qu’Hayden s’occupait de faire démarrer le feu, je mis en place notre couchette, cherchant le coin le plus confortable pour étaler les couvertures. Puis, Hayden alla ramasser un peu de bois avant de préparer notre repas du soir. Après s’être rempli le ventre d’un bon repas chaud, nous nous installâmes tous deux près du feu.

Me couchant dans notre lit improvisé, je fis tout de même attention à ne pas être trop prêt d’Hayden, ne sachant pas comment me comporter vis à vis de lui après le baiser que nous avions échangé ce matin même. Finalement, ce fut Hayden qui esquissa le premier geste pour nous rapprocher. Il passa son bras autour de ma taille et m’attira tout contre lui. A l’instant ou son bras s’était posé sur mes hanches, j’avais retenu ma respiration, me tendant malgré moi. Cependant, je ne le repoussais pas et fini par me détendre lorsque je fus certain qu’il n’irait pas plus loin. Ignorant les noeuds de mon estomac, je m’installais plus confortablement contre lui, calant ma tête sur son bras avant de reporter mon attention sur le ciel étoilé. Après avoir repéré celles que je connaissais déjà, je lui demandais de m’en apprendre une nouvelle, chose qu’il fit avec un plaisir évident. Peu à peu, le silence vint s’installer entre nous. Alors que je m’apprêtais à m’endormir, Hayden se redressa pour alimenter le feu. Réveillé, je ne pu retenir un gémissement de mécontentement à être ainsi dérangé. Finalement, Hayden vint se rallongea, mais à présent, le sommeil me fuyait.

- Gwen, appela alors Hayden, brisant le silence apaisant de la nuit.

- Hn ? Soufflais-je, renonçant à trouver le sommeil.

- Qu’est-ce que tu aimerais faire ? Demanda-t-il.

- Comment ça ? Demandais-je sans cacher mon incompréhension, ne comprenant pas le sens de sa question.

- C’est toujours moi qui choisi où l’on va et ce qu’on fait, mais j’aimerais savoir ce que toi tu veux faire ou bien où tu veux aller, m’expliqua-t-il.

- Je… J’aurais bien aimé aller en France, avouais-je, hésitant, sachant parfaitement que cette réponse ne plairait pas à Hayden.
A ces mots, je sentis Hayden se tendre et ne souhaitant aucun mal entendu entre nous, je m’empressais d’ajouter :

- Mais je sais que c’est loin d’être une destination rêvée pour toi alors, pourquoi pas l’Ecosse ? Proposais-je, me rabattant sur la seconde destination de mes rêves.

- Va pour l’Ecosse, répondit-il visiblement soulagé que je n’insiste pas.

Le silence revint à nouveau nous envelopper jusqu’à ce que, ma curiosité éveillée, je finisse par demander :

- Est-ce que j’ai le droit de te poser une question ? Une seule…

- Vas-y, soupira-t-il. Mais je ne te promets pas de te répondre.

- Tu n’as jamais cherché à savoir  qui était ton père ?

A ces mots, Hayden partit à rire, avant de répondre :

- Gwen, ma mère était une prostituée. Elle couchait avec des tas de mecs chaque soir alors partir à la recherche de mon père, c’est une mission impossible. Et puis, même si j’en avais la possibilité, je ne voudrais pas savoir.

- Pourquoi ? Demandais-je, intéressé. Tu n’es pas curieux ? Ca ne te manque pas de ne pas avoir de père ?
- Je ne sais pas ce que c’est, déclara-t-il simplement. Alors comment ça pourrait me manquer. Gwen, je crois qu’il vaut mieux que tu considères que je n’ai pas eu de parents. Ma mère ne s’est jamais occupé de moi et la plupart du temps les rôles étaient inversés…

- Comment ça ? Demandais-je, un peu perdu.

- J’étais d’accord pour répondre à une question, Gwen, pas dix. Pourquoi tu es aussi intéressé par le fait de connaître mon passé ? Demanda-t-il patiemment.

- Chercher à se connaître, c’est ce que font les gens normaux, répondis-je, simplement.

- Nous ne sommes pas normaux, s’exclama Hayden en riant.

- Qu’est-ce que tu sous-entends par là ? Demandais-je, ne comprenant pas vraiment le sens de sa phrase.

- Un fils de prostituée et un garçon de noble famille qui parcourent les routes ensembles Gwen, c’est pas vraiment commun ! Renchérit-il.

Je ne répondis pas tout de suite, songeant à ce qu’il venait de me faire prendre conscience. Puis, après un court silence, je repris, hésitant :

- Je suis sûr que ta mère était plus qu’une prostituée, tu as l’air de tout le temps la dénigrer. Elle n’a juste jamais su te montrer qu’elle t’aimait.

- Elle ne m’aimait pas Gwendal ! Soupira Hayden. Une droguée n’aime personne… Juste sa drogue.

Sa voix se noua sur ces derniers mots et avant que je n’ai le temps de répliquer quelque chose, il déclara :

- Maintenant, j’aimerais vraiment qu’on change de sujet, d’accord ?

- Désolé, murmurais-je à la fois gêné et peiné, réalisant alors seulement combien ce sujet devait être difficile pour Hayden.

Avant de réalise entièrement mon geste, je me tournais alors vers lui et posais ma main sur son torse avant de caler ma tête au creux de son épaule, respirant son odeur masculine. S’il parut surpris, Hayden ne dit rien et bientôt, son bras à présent libre, il posa sa main dans mon dos.

- Bonne nuit, murmura-t-il.

- Bonne nuit, Hayden, soufflais-je en fermant les yeux, me laissant aller au bien-être qui s’emparait de moi.

Il ne me fallut pas longtemps pour trouver le sommeil et bercé par la respiration calme et régulière d’Hayden, je sombrais dans un sommeil profond et sans rêve.

Lorsque j’ouvris les yeux le lendemain, le soleil était déjà haut dans le ciel. Ebloui, je papillonnais des yeux pour m’habituer à la clarté environnante et me réveillant lentement, je manquais de sursauter en sentant mon matelas bouger sous moi. Surpris, je pris alors conscience que j’étais allongé tout contre Hayden, mon visage reposant au creux de son épaule, mes doigts fermement crispés sur le t-shirt qui lui servait de pyjama. Délicatement, je me redressais sur un coude afin de le surplomber juste assez pour observer son visage. Ainsi endormi, les traits détendus, il était beau…

Rougissant de mes propres pensées, je me libérais délicatement de son étreinte afin de ne pas le réveiller. Sans bruit, j’attrapais des affaires propres et mon nécessaire de toilette. Puis, profitant du sommeil d’Hayden, je courrais jusqu’à la rivière afin de me laver tranquillement, sans craindre de le voir débarquer à l’improviste. Une fois au bord de l’eau, j’entrepris de me dévêtir, évitant cependant de m’attarder trop longtemps sur mes côtes un peu trop saillantes à mon goût. Puis, mon savon et mon shampoing en main, j’entrais dans l’eau. Au contact entre l’eau glaciale et ma peau encore toute chaude de sommeil, je réprimais tant bien que mal un cri de surprise alors que tout mon être se mettait à frissonner. Prenant mon courage à deux mains, je retins mon souffle et fermant les yeux, je plongeais dans l’eau pour en ressortir l’instant suivant, complètement mouillé. Là, j’attrapais mon shampoing et me savonnais vigoureusement les cheveux avant de les rincer et de m’attaquer à ma toilette.

Ce fut la désagréable impression d’être observé qui me fit me retourner. Et lorsque mon regard se posa sur Hayden qui me contemplait de la berge, je restais, l’espace d’un instant, pétrifié et incapable du moindre mouvement. Puis, retrouvant mes esprits, je fis la première chose qui me venait à l’esprit et, honteux comme jamais, je plongeais dans l’eau, me recroquevillant sur moi-même, tentant de me dissimuler de son regard insistant.

- Tu aurais pu me dire que tu étais là ! M’exclamais-je, furieux qu’il m’ait ainsi observé à mes dépends. Pervers ! Dégage ! Hurlais-je.

Quelle ne fut pas ma surprise lorsque, au lieu de s’éloigner, Hayden commença à retirer ses vêtements. Une fois dévêtu, m’adressant un regard amusé, il entra à son tour dans la rivière. Puis, sans plus se préoccuper de moi, il entreprit de se laver. Honteux, je détournais la tête, m’efforçant à garder Hayden hors de mon champ de vision et malgré les frissons glacés qui commençaient à s’emparer de moi, je ne bougeais pas, restant obstinément dans l’eau.

Hayden se tourna alors vers moi et, amusé, il s’exclama :

- Tu sais Gwen, tu n’as vraiment rien à cacher… Tu ne devrais pas avoir honte de son corps. Tu es beau…

A ces mots, je ne pu m’empêcher de m’empourprer violemment, gêné par le compliment qui, bien qu’il ait été dit dans un but gentil, était totalement erroné. Comment pouvait-il trouver beau ce corps devenu beaucoup trop maigre que je ne reconnaissais plus ? Avait-il dit cela pour se moquer de moi ?

Terriblement gêné, je me recroquevillais davantage dans l’eau, me mordant les lèvres pour ne pas claquer des dents.

- En plus, ajouta Hayden, nous sommes fait pareil, alors…

Sans plus de cérémonies, il reprit ce qu’il était en train de faire, se détournant de moi. Comment pouvait-il être aussi à l’aise alors qu’il était complètement nu ? Lorsqu’il fut propre, il sortit de l’eau et attrapant sa serviette, il se sécha vigoureusement. Sans que je ne puisse m’en empêcher, mon regard se posa alors sur le corps nu d’Hayden. Malgré ma gêne, j’étais incapable de détourner les yeux. Il avait un corps magnifique… Bien plus beau que le mien… Sa peau dorée par le soleil contrastait avec la mienne trop pâle, ses muscles roulaient sous sa peau et son corps était parfaitement bien proportionné, ni trop maigre ni trop gros. Juste parfait… Me comparant à lui, je ne pus m’empêcher de me sentir un peu jaloux. Comment faisait-il pour rester ainsi, alors que quelques jours de marche suffisaient à me faire perdre suffisamment de poids pour ressembler à un enfant du tiers-monde ?

Je réalisais que mon regard était toujours posé sur Hayden lorsque je le vis m’observer avec un amusement certain, visiblement satisfait. Plus honteux que jamais, craignant qu’il interprète mal mon comportement, je m’empressais de détourner les yeux, sentant mes joues s’empourprer violemment.

- Et après tu dis que c’est moi le pervers, déclara-t-il en riant. Tu devrais sortir de l’eau, Gwendal, ajouta-t-il. Tu vas attraper la mort à rester sans bouger, l’eau est glacée.

Mortifié, je n’esquissais pas le moindre mouvement. Si j’avais pu me noyer en cet instant précis, j’aurais sauter sur l’occasion de le faire. Hayden acheva de s’habiller et à mon plus grand soulagement, il déclara :

- Je vais préparer le petit déjeuner, je t’attends pour manger.

Je ne répondis rien mais ne bougeais pas d’un pouce avant qu’il ne soit parti. Lorsqu’il eut disparut de mon champ de vision, je me précipitais hors de l’eau. Frigorifié, claquant des dents à me les fendre, je m’enveloppais dans ma serviette et entreprit de me sécher vigoureusement, tentant de réchauffer mon corps glacé. Il me fallut bien cinq minutes pour que le sang recommence à couler dans mes veines et que je puisse m’habiller. Durant tout le temps que je passais à me préparer, je ne pus m’empêcher de me sentir en colère contre Hayden. Pourquoi devait-il toujours surgir au mauvais moment et surtout, pourquoi s’amusait-il toujours à me mettre dans l’embarras ? Cela l’amusait-il tant que ça de me voir perdre mes moyens ? Pourquoi devait-il toujours trouver un moyen pour m’humilier ?

C’est en colère contre lui que je retournais au chalet. Là, j’étendais ma serviette au soleil pour la faire sécher et avisant Hayden, je lui adressais un regard noir. Durant tout le repas, je ne décrochais pas un mot, lui faisant clairement comprendre que je n’étais pas disposé à lui adresser la parole et encore moins à lui pardonner. Après le repas, j’allais chercher le livre qu’il m’avait prêté et allais m’installer dans un coin un peu plus loin tandis qu’Hayden entreprit de nettoyer la cabane.

Plongé dans ma lecture, je ne vis pas le temps passer. J’allais me lever lorsque je vis Hayden se diriger vers moi. Aussitôt, je reportais mon attention sur mon livre encore ouvert, l’ignorant totalement, feignant de lire afin de ne pas avoir à lui parler. Agacé, Hayden demanda :

- Qu’est-ce qui se passe ? Pourquoi est-ce que tu boudes Gwen ?

Comme s’il ne savait pas… Pas disposé le moins du monde à lui parler, je ne répondis rien, m’enfermant dans un mutisme délibéré.

- Je vais préparer à manger… Soupira-t-il avant de s’éloigner.

Discrètement, je relevais la tête je le vis s’affairer à ranger nos affaires dans la cabane. Ma colère contre Hayden avait finalement fait place à une grande lassitude. Le moral à zéro, je le rejoignis lorsqu’il m’appela pour passer à table. Il avait préparé une soupe accompagnée de viande et de fromage et c’est seulement à la vue du repas que je me rendis compte à quel point j’étais affamé. Murmurant un “merci” à peine audible, j’entamais mon repas avec appétit. Je mangeais sans prononcer le moindre mot quand, brisant le silence, Hayden demanda :

- Que dirais-tu de rester ici quelques temps ?

- Pourquoi pas, répondis-je simplement après un temps de réflexion.

- J’irais faire quelques courses demain pour que l’on soit tranquille pour quelques temps, ajouta-t-il. Nos provisions sont à sec. Tu restera ici pour garder nos sacs et surtout te reposer. Ca te conviens ?

- Oui, répondis-je simplement.

A vrai dire, c’est à peine si j’écoutais ce qu’il me disait, trop aveuglé par la rancoeur que je ressentais vis à vis de lui. Subitement, Hayden se redressa brusquement en s’exclamant :

- Qu’est-ce que tu peux être pénible quand tu t’y mets Gwen.

Et sans plus de cérémonies, il se dirigea vers le feu, me laissant seul à notre table improvisée, tandis que je restais immobile. Je n’avais plus faim… Me levant à mon tour, je jetais le reste de mon assiette et celle d’Hayden et rassemblant la vaisselle sale, je la posais dans le seau d’eau avant de ranger les restes de notre repas. Une fois fait, j’allais rejoindre Hayden, toujours en silence. Là, je m’installais de mon côté du lit, bien décider à mettre un terme rapidement à cette horrible journée. Bientôt, Hayden vint me rejoindre et alors qu’il esquissait un mouvement pour me prendre dans ses bras, je me détournais de lui, lui tournant le dos, l’ignorant totalement. J’entendis Hayden soupirer bruyamment mais il ne fit aucun commentaire.

Le sommeil tarda à venir, se refusant à moi et je dormis très mal cette nuit là, me réveillant toutes les heures. A l’aube, j’entendis Hayden se réveiller et quitter le lit le plus silencieusement possible. Fermant les yeux, je feignais le sommeil afin de ne pas avoir à supporter ses moqueries et ses reproches dès le matin. Je l’entendis s’affairer un instant autour de moi, allant et venant avant de finalement attraper son sac et partir.

Finalement, je dus finir par m’endormir, car lorsque j’ouvris les yeux de nouveau, le soleil était déjà haut dans le ciel. Repoussant les couvertures, je m’étirais longuement avant de consentir à me lever. Je réalisais alors à quel point tout était silencieux autour de moi et le départ d’Hayden pour la ville me revint en mémoire. Je poussais alors un profond soupir, soulagé de ne pas avoir à revivre une journée comme hier à ses côtés. Entrant dans la cabane, je me préparais un petit déjeuner succinct et avisais le mot qu’Hayden avait laissé. Il ne rentrerait pas de la journée.

Un nouveau soupir s’échappa de mes lèvres et une fois rassasié, j’allais ranger les duvets à leur place puis, attrapant mes affaires de toilette et des vêtements propres, j’allais à la rivière et comme hier, je pris une douche rapide. Une fois propre et habillé, je cherchais quelque chose à faire, mais je dus bien vite me rendre à l’évidence, je m’ennuyais…

L’après-midi qui passa fut la plus longue de toute mon existence. Jamais encore je ne m’étais ennuyé à ce point et, je devais bien l’admettre, Hayden me manquait… En début de soirée, me doutant bien qu’Hayden ne devrait plus tarder à rentrer, je voulu lui faire plaisir et décidais de préparer le repas. M’approchant du foyer, j’entrepris d’allumer un feu. Cependant, j’eus beau reproduire les gestes de Hayden, rien n’y fit.

Je ne su combien de temps je restais là à essayer d’allumer un feu qui refusait catégoriquement de s’allumer. De plus, le temps passait et je n’avais toujours aucune nouvelle d’Hayden. Bientôt, mon inquiétude fit place à une réelle angoisse. Et s’il lui était arrivé quelque chose ? Alors que, de rage, j’allais jeter mon bout de bois, j’entendis la voix d’Hayden dans mon dos, me faisant sursauter :

- Est-ce que tu aurais besoin d’aide ? Demanda-t-il en s’approchant de moi.

Me tournant vers lui, la rage au coeur, je jetais violemment mon bâton dans le foyer du feu et m’exclamais furieux, une subite envie de pleurer s’emparant de moi :

- Je n’y arriverais jamais ! M’exclamais-je. Ca fait deux heures que je m’acharne sur ce maudit feu et je n’y arrive pas ! Et toi ! Ajoutais-je en reportant mon attention sur lui, laissant libre court à toute l’angoisse que j’avais ressentis. Qu’est-ce que tu faisais ?! J’étais mort d’inquiétude de ne pas te voir revenir !

- Calme-toi Gwen… Répondit-il simplement. Ca a juste pris plus de temps que prévu, ajouta-t-il calmement alors que je manquais de céder à la crise de nerf. Tu sais bien que je ne t’aurai jamais abandonné, ajouta-t-il.

- Mais il aurait pu t’arriver quelque chose, gémis-je, subitement calmé. Peut-être que Thomas aurait pu te retrouver ou, je ne sais pas…

- Je vis seul depuis des années, Gwendal, tenta-t-il de me rassurer. Et même s’il y a des risques, il ne m’est jamais rien arrivé…

- Menteur, soufflais-je en le regardant d’un air accusateur. Quand on s’est rencontré, on venait de te poignarder…

- Et je suis toujours vivant, Gwen… Je suis là… Déclara-t-il d’une voix douce, comme pour m’apaiser.

Il ne m’en fallut pas plus pour m’effondrer en sanglots, libérant ces larmes que j’avais trop longtemps retenues. Enfouissant mon visage entre mes mains, je pleurais sans pouvoir m’arrêter. Noyé dans mes sanglots, je ne vis pas Hayden s’approcher de moi, ne me rendant compte de sa présence que lorsqu’il me prit entre ses bras et m’attira doucement à lui. Rassuré par la douce chaleur de son étreinte, je me laissais aller contre lui, oubliant momentanément ma colère et ma rancoeur. Entourant ses bras autour de ma taille, une de ses mains me caressant le dos en signe d’apaisement, il murmura :

- Il ne m’arrivera rien, Gwendal…

C’est mots firent redoubler mes sanglots. Comment pouvait-il dire ça ? Comment pouvait-il ainsi ignorer la peur et l’angoisse que je ressentais à l’idée de le perdre… Surtout depuis que je m’étais rendu compte que mes sentiments pour lui semblaient évoluer au fils du temps.

- Tu ne peux pas dire ça… Déclarais-je entre deux sanglots. Tu ne sais pas…

Malgré mes pleurs, je sentis Hayden me serrer davantage contre lui, sa main passant dans mon dos en une caresse réconfortante. Le visage enfoui dans son cou, mes mains fermement agrippées à sa chemise, je mis un temps fou à me calmer, me libérant de toute l’angoisse qui avait été la mienne durant ces dernières heures. Lorsque mes sanglots se tarirent, je ne fis aucun mouvement pour m’arracher à l’étreinte d’Hayden, savourant sa chaleur contre moi et la présence rassurante de ses bras puissant autour de mes hanches. Bientôt, mon ventre se mit à gargouiller, brisant la magie de l’instant. Le rouge me monta aux joues et me repoussant gentiment, Hayden déclara avec un sourire :

- Et si je t’apprenais à allumer un feu et que l’on préparait à manger ?

J’acquiesçais silencieusement. Patiemment, Hayden m’apprit à allumer un feu et, une fois la technique enregistrée, j’y parvins sans la moindre difficulté. Cependant, ma rancoeur n’étant pas tout à fait éteinte, je gardais une certaine distance entre nous. Alors qu’il sortait les provisions de son sac et me laissais le choix de ce que je voulais manger, il demanda, sa voix s’élevant claire et nette dans le silence de la nuit :

- Et si tu me disais maintenant ce qui ne va pas ?
- Je voulais te punir, répondis-je gêné, après un court silence.

- Me punir ? Répéta Hayden, surpris. Mais de quoi ?

- Parce que je t’en veux de t’être moqué de moi… Avouais-je en détournant le regard.

A ces mots, Hayden partit à rire.

- A cause de la rivière ? Demanda-t-il entre deux éclats de rire.

Vexé de le voir se moquer de moi encore, je me contentais d’hocher la tête. Et Hayden partit à rire plus fort.

- Tu vois ! M’exclamais-je, irrité. Tu le fais encore ! Tu te moques de moi, ajoutais-je, avec une moue boudeuse.
Cessant aussitôt de rire, Hayden posa sur moi un regard particulièrement tendre qui me troubla, avant de reprendre sérieusement :

- Tu sais Gwen, il faut que tu apprennes à avoir de l’humour sur toi-même et ne pas être susceptible comme ça. Je ne l’ai vraiment pas fait méchamment. Mais je m’excuse si ça t’a blessé… S’il te plaît, ajouta-t-il, à l’avenir, dis-moi quand tu trouves que je vais trop loin. D’accord ?

Touché par ses mots, je lui adressais un petit sourire, oubliant ma rancune. Nous finîmes de préparer à manger et il m’abandonna momentanément le temps d’aller se laver à la rivière. Il fut de retour en un temps record, revenant près du feu en courant. Là, il s’installa près de moi. Je lui tendis alors son assiette et nous mangeâmes en parlant de tout et de rien.

Alors que nous mangions le dessert, Hayden me demanda de lui passer son sac. Je m’exécutais sans discuter et le laissant à ses affaires, je terminais mon dessert. Soudain, je le vis me tendre un sac en plastique. Surpris, je m’en emparais et timidement, j’entrepris de le vider. Quelle ne fus pas ma surprise lorsque je sortis un pull en laine doux au toucher, deux jeans et quelques t-shirts.

Affreusement gêné de ce cadeau inattendu, mais tout de même très touché par l’intention d’Hayden, je déclarais timidement, le rouge aux joues, ne sachant pas vraiment quoi dire, :

- Je… Merci Hayden… Mais il ne fallait pas, j’ai pleins de vêtements…

- Ceux-ci seront plus adaptés pour la vie que nous menons, répondit-il simplement en me souriant.

- Merci, murmurais-je, à nouveau, la gorge nouée par l’émotion et le coeur battant à tout rompre.

- Tu n’as pas à me dire merci, souffla Hayden.

Je ne répondis rien, ne sachant que dire, puis le silence s’installa de nouveau entre nous. Par la suite, nous entreprîmes ensuite de tout ranger et c’est avec un plaisir non feint que nous nous mîmes au lit. Alors qu’ Hayden se glissait entre les couvertures, que je me collais à lui. Loin de me repousser, il passa ses bras autour de ma taille, comme pour m’attirer davantage tout contre lui, poussant un soupir de satisfaction. Fermant les yeux sous le bien-être que je ressentais, je me laissais aller tout contre Hayden et bientôt, bercé par le rythme régulier des battements de son coeur, je finis par m’endormir.

Finalement, nous restâmes plus que quelques jours dans la cabane, profitant du minimum de confort qu’elle nous offrait. Au fil des jours, j’avais commencé à aménager la pièce, la décorant parfois de bouquets de fleurs que je trouvais dans les environs. Et malgré que le tout restait très impersonnel, je commençais à m’y sentir un peu comme chez moi… Chez nous… Et lorsque j’avais fais part de mes impressions à Hayden, il avait rit doucement, amusé. Cependant, l’étincelle qui avait traversé son regard à cet instant ne m’avait pas échappée… La route lui manquait…

C’est pourquoi, ce jour là, alors que nous étions installés depuis près de huit jours, je me décidais à aborder le sujet. Allongé sur le ventre à l’ombre d’un arbre au bord du ruisseau, le menton posé sur mes mains, j’observais Hayden qui, le pantalon relevé jusqu’aux genoux, tentait tant bien que mal d’attraper un poisson pour le repas de ce soir, à l’aide d’un fils de pêche. Il bataillait depuis près d’une heure avec son fils de pêche et son morceau de pain sec et malgré moi, je ne pouvais m’empêcher de le trouver attendrissant avec son petit air d’enfant obstiné.

- Hayden… Appelais-je, brisant ainsi le silence de ce milieu d’après-midi.

- Tais-toi ! Chuchota-t-il, faussement contrarié. Tu fais fuir les poissons…

Amusé plus qu’autre chose, j’esquissais un petit sourire alors qu’il repartait à l’affût.

- Quand est-ce qu’on repart ? Demandais-je.

Les yeux rivés sur Hayden, j’esquissais un petit sourire en le voyant manquant de glisser à l’eau après avoir posé le pied sur une pierre bancale.

- Tu veux repartir ? Demanda-t-il, visiblement plus que surpris. Je croyais que tu te plaisais bien ici…

- Moi oui, mais je vois bien que ce n’est pas ton cas… Répondis-je doucement.

Pour toute réponse, Hayden s’approcha de moi, abandonnant son idée de pêche. Une fois face à moi, il se laissa tomber au sol, s’asseyant en croisant les jambes.

- Je vais être honnête avec toi, déclara-t-il en posant sur moi un regard que je ne parvins pas à déchiffrer. La route me manque, mais je ne veux pas repartir au risque de mettre ta santé en danger.

- En danger ? Répétais-je, incrédule. Je ne suis pas en danger ! Tiquais-je.

- Même si tu n’en montre rien, j’ai bien vu que tu avais perdu beaucoup de poids, Gwen… Tu n’étais déjà pas épais à la base, mais là c’est devenu flagrant…

A ces mots, je ne pus m’empêcher de rougir, affreusement gêné. Ainsi il s’en était rendu compte… J’avais pourtant bien fait attention à ce qu’il ne remarque rien…

- Comment tu… Commençais-je, n’osant pas croiser son regard.

- Le lacet ! Répondit-il avec un sourire en coin. Celui que tu as piqué sur ma chaussure pour attacher ton pantalon… Tu l’as laissé traîner l’autre jour…

- Oh… Soufflais-je, gêné.

- Tout ça pour dire, reprit Hayden plus sérieusement, que cela ne me gêne pas de rester ici le temps que tu te remplumes un peu. De plus, c’est à moi de faire un effort pour adapter mon rythme de marche au tien. J’ai bien vu que tu faisais ton possible pour suivre mon rythme sans te plaindre, mais je ne peux pas toujours te demander d’arriver à me suivre. Cela fait des années que je mène cette vie, alors que tu n’es à mes côtés que depuis quelques semaines. Du coup, c’est à moi de faire un effort et de m’adapter à ton rythme et de ralentir un peu.

Touché par ces mots, je ne pus m’empêcher cependant de me sentir coupable. Détournant le regard, mal à l’aise sous l’intensité du regard qu’il posait sur moi, je déclarais timidement :

- Je… Tu n’as pas à faire tous ces efforts pour moi Hayden… C’est moi qui me suis imposé à toi, alors c’est à moi de m’adapter… Et je… Je voudrais que tu me dises si ma présence t’ennuie…

A ces mots, Hayden prit mon menton entre ses doigts et m’obligea à le regarder, avec des gestes emplis de douceur.

- Tu ne me dérange pas le moins du monde, Gwendal, déclara-t-il.

- Tu es sincère ? Demandais-je, ancrant mon regard au sien.

- Je n’ai jamais été aussi sincère, déclara-t-il gravement.

Dans son regard, je pus constater tout le trouble qu’il ressentait à la vue de l’anomalie de mes yeux, comme s’il ne savait pas lequel regarder. Atrocement gêné, ayant toujours détesté mon regard pour ce genre de réaction qu’il entraînait, je tentais de me libérer de la poigne d’Hayden. Lorsqu’il s’en rendit compte, il libéra mon menton pour poser sa main sur ma joue, alors que je baissais les yeux, reportant mon attention sur l’herbe qui dansait au gré du vent.

- Pourquoi détournes-tu le regard ? Demanda-t-il, sa main posée sur ma joue la caressant doucement. Tu as des yeux magnifiques… N’ai pas peur de les montrer…

- Mes yeux ne sont pas beau, Hayden, soupirais-je sans pour autant relever la tête. Tu n’imagines pas ce que c’est d’avoir à assumer le regard des autres, d’avoir à accepter que les grand-mères se signent en me traitant de sorcière dès qu’elles croisent mon regard…

- En quoi leurs réactions t’importent-elles tant, Gwendal ? Demanda-t-il. En quoi leur avis te tient-il tant à coeur ? Qui sont-ils ? Qu’as-tu à leur prouver ?

- Je… Commençais-je, hésitant.

- Ignore les, Gwen… Tu ne leur dois rien ! Tes yeux sont une partie de toi, de ce que tu es… Ils sont juste, fascinant… Souffla-t-il alors que son regard accrochait le mien.

Le regard ancré à celui d’Hayden, je me laissais hypnotisé par l’intensité de la flamme qui illuminait ses yeux, les faisant briller d’une force que je n’avais encore jamais remarquée. Ensorcelé, je ne me rendis pas compte que la distance qui séparait nos lèvres s’amenuisait dangereusement. Et alors que sa bouche chaude et humide effleurait la mienne en une caresse éthérée, je sursautais violemment sans parvenir à retenir un cri de frayeur lorsqu’un coup de tonnerre retentit bruyamment au dessus de nos têtes.

L’instant suivant, une pluie diluvienne s’abattit sur nous. Nous relevant d’un bon, nous rassemblâmes précipitamment nos affaires avant de partir en courant vers la cabane. Les quelques dizaines de mètres que nous avions à parcourir suffirent pour que nous arrivions complètement trempés. Alors que nous courions pour nous mettre à l’abri, je m’arrêtais subitement et me mis à rire. Surpris, Hayden se tourna vers moi, m’adressant un regard étonné. Et moi, je ne pouvais m’empêcher de rire. En cet instant, trempé jusqu’aux os sous cette pluie torrentielle, j’étais tout simplement heureux…

- Gwen ? M’appela Hayden, déconcerté.

Lâchant alors mes affaires, je me mis à tournoyer sur moi-même, les bras écartés, le visage levé au ciel, offert à la pluie qui tombait, ignorant les grondements du ciel. Les yeux fermés, vacillant face à mon manque d’équilibre, je sursautais en sentant deux bras puissant se refermer autour de mes hanches alors qu’un torse chaud et athlétique se collait à moi dans mon dos. Reconnaissant Hayden à son odeur et à la façon si particulière qu’il avait de coller son corps au mien, je me détendis, me laissant aller à son étreinte. Emporté par notre élan, je me laissais aller à laisser mes mains rejoindre les siennes et d’un geste d’une tendresse qui me fit tressaillir, il noua mes doigts aux siens posés sur mon ventre.

Là, entre les bras rassurant d’Hayden, je n’avais plus peur… Je me sentais protégé et en sécurité, avec l’agréable impression que rien ne pourrait m’atteindre ni me blesser tant qu’il resterait près de moi. Et si tout mon être cherchait à dissimuler ses sentiments qui m’habitaient, mon coeur lui, le criait haut et fort : j’étais amoureux d’Hayden…

Mon coeur était prit d’une frénésie inquiétante lorsque je sentais son regard posé sur moi et la façon dont il me fixait parfois avait le don de me mettre mal à l’aise. Comme s’il cherchait à lire à travers moi… Je craignais qu’à force de m’observer, il finisse pas se rendre compte des sentiments trop tendres que je nourrissais à son égard. Comment réagirait-il alors ? Se rirait-il de moi ? C’était fort probable, Hayden ayant le don de tout tourner en dérision… Et je ne pouvais l’en blâmer… Quoi de plus comique que et improbable qu’un fils de noble famille qui s’entiche d’un vagabond ? Aussi gentil soit-il qu’Hayden…

Ce fut la voix d’Hayden au creux de mon oreille qui me ramena à la réalité :

- Ne restons pas sous la pluie… Viens….

Ce ne fut que lorsque son corps se détacha du mien que je réalisais qu’il n’avait cessé de m’enlacer depuis tout à l’heure. Délicatement, ses doigts enlacèrent les miens et malgré moi, je ne pouvais détacher mon regard de ce spectacle. Puis, quittant nos doigts enlacés du regard, je reportais mon attention sur Hayden. Légèrement éloigné de moi, il me souriait avec cette expression si particulière que je ne parvenais pas à déchiffrer. Et là, mon regard ancré à celui d’Hayden, j’eus l’intime conviction que ma vit avait prit un tout autre chemin, passant de statut de “infernale” à “véritable conte de fées”.

Rougissant, honteux des pensées qui étaient les miennes en cet instant, je me laissais docilement guider par Hayden qui, lentement, m’entraîna vers la cabane. Une fois à l’intérieur, il referma vivement la porte derrière lui afin d’éviter que la pluie nous suive à l’intérieur. Puis, se dirigeant vers le petit poêle qui trônait dans un coin de la pièce, il l’alluma. Lorsque le feu eu prit, il se tourna vers moi. Plongé dans mon observation, je n’avais même pas réalisé que je tremblais de froid. Ce fut Hayden qui me ramena à la réalité, lorsque ses mains se mirent à frotter mes bras en une vaine tentative pour me réchauffer :

- Tu ne devrais pas rester avec tes vêtements mouillés, Gwen… Change-toi avant que tu n’attrapes froid…

Honteux, je détournais le regard et jetais un coup d’oeil à l’unique pièce, cherchant un endroit discret où je pourrais me changer. Cependant, à mon plus grand malheur, il n’y avait absolument aucun recoin où j’aurai pu me dissimuler. Semblant comprendre mon désarrois, Hayden déclara en souriant :

- Promis je ne te regarderais pas ! Allez change-toi !

Et comme pour me prouver sa bonne volonté, il alla se poster devant l’unique fenêtre, me tournant le dos. Sortant de ma torpeur, je me dirigeais vers mon sac de voyage et en sortis des affaires propres et tournant moi aussi le dos à Hayden, j’entrepris de me dévêtir. Attrapant mon t-shirt par le bas, j’entrepris de le passer au dessus de ma tête. Cependant, ce que je n’avais pas prévu, c’était qu’il reste coincé. Affreusement gêné, ne pouvant plus bouger, j’appelais Hayden d’une petite voix, affreusement mal à l’aise :

- Hayden…

- Il y a un problème Gwen ? Demanda-t-il sans se retourner.

- Je… Je suis coincé… J’ai… Besoin de ton aide… Soufflais-je, tentant de ne pas rougir.

- Tu es conscient qu’en me demandant mon aide, cela me force à me retourner ? Demanda-t-il avec ce que je décelais être une pointe d’humour dans la voix.

- Dépêches-toi ! Marmonnais-je. J’ai froid…

Il n’en fallut pas plus pour décider Hayden. L’instant d’après, je le sentis s’arrêter juste derrière moi et je me félicitais alors de lui tourner le dos afin qu’il ne soit pas témoin de la brusque rougeur de mes joues. Et lorsque ses mains vinrent se poser sur les miennes, je dus me faire violence pour réprimer un frisson. Avec douceur, il entrepris de m’aider à retirer mon t-shirt, et terriblement gêné, je ne pus m’empêcher de me sentir mal à l’aise. J’étais sans doute en train de vivre l’un des instants les plus intimes de ma vie et malgré moi, mon coeur tambourinait dans ma poitrine qui semblait être sur le point d’exploser.

Alors que je baissais les bras, enfin libéré de ma prison de toile, je sursautais violemment en sentant les mains d’Hayden se poser sur mes hanches nues, juste au dessus de mon pantalon. Le coeur battant, je n’osais plus esquisser le moindre geste tandis que ma respiration se bloquait et que mon coeur loupait un battement. Puis, avec une douceur extrême, il déposa ses lèvres sur mon omoplate. Au contact de ses lèvres brûlantes sur ma peau glacée et de ses cheveux qui effleurèrent timidement ma nuque, je ne pus retenir un violent frisson, fermant les yeux sous l’effet du soudain bien-être qui s’emparait de moi. A présent, je n’avais plus froid, c’était comme si la brûlure des lèvres d’Hayden se répandait dans mes veines, réchauffant tout mon corps.

Puis, bien trop brusquement, Hayden s’éloigna de moi et le froid m’envahit de nouveau. D’une voix étrangement rauque, il déclara :

- Finis de te changer, Gwen… Tu es glacé…

Puis, sans plus de cérémonie, il retourna près de la fenêtre, ses pas résonnant lugubrement dans le silence seulement briser par les grondements du tonnerre et la pluie qui tombait toujours. Le coeur battant et la tête emplie de questions, j’achevais de me changer retirant mon boxer et mon pantalon trempés pour les remplacer par ses secs. Puis, attrapant ma serviette, je défis ma queue de cheval et me séchais les cheveux. Une fois fait, j’attrapais ma brosse et me dirigeant vers Hayden, je déclarais simplement :

- La place est libre…

Sans un regard pour moi, il s’empressa de s’éloigner, et j’eus l’horrible impression qu’il me fuyait. Cette sensation fut renforcée lorsque, au lieu d’aller se changer, Hayden ouvrit la porte de la cabane et la referma en claquant la porte derrière lui. Sans que je ne puisse les retenir, des larmes s’échappèrent subitement de mes yeux, cascadant en silence le long de mes joues. Blessé, je ne pouvais détourner mon regard de la porte, espérant qu’Hayden revienne et s’excuse d’être partit ainsi.
Pourquoi un tel comportement de sa part ? Avais-je malgré moi, sans m’en rendre compte, fait quelque chose qui lui a déplut ? Pourquoi m’avait-il embrassé ainsi si c’est pour me fuir par la suite ? Des questions pleins la tête, je me détournais alors de la fenêtre et allais m’asseoir en tailleur devant le poêle, tournant délibérément le dos à la pièce. Là, j’entrepris de dénouer mes cheveux, ignorant les larmes qui coulaient sur mes joues, ne pouvant m’empêcher de me sentir coupable.

Je ne saurais dire combien de temps s’était écoulé lorsqu’Hayden poussa à nouveau la porte de la cabane. Sentant les larmes revenir au galop, je m’efforçais de les retenir. Allongé sur le ventre, mon livre posé devant moi, je demandais d’une voix que j’espérais pas trop tremblante :

- Tu étais où ?

- Je… J’ai cru avoir oublié quelque chose à la rivière…

- Tu mens ! Déclarais-je simplement, sans relever les yeux de mon livre.

Il n’y avait ni reproches, ni accusation dans ma voix, seulement une constatation. A ces mots, Hayden poussa un profond soupir et se dirigeant vers son sac de voyage, il déclara :

- Ecoute Gwen, je ne suis pas certain que tu ais réellement envie de connaître la raison pour laquelle je suis sortis…

Alors qu’il se changeait, je déclarais simplement :

- Fais bien ce que tu veux. Après tout, tu n’as pas besoin de moi.

Hayden ne répondit rien et lorsqu’il fut changé, il vint s’asseoir en face de moi. Gardant obstinément les yeux fixés sur mon livre, je tentais d’ignorer sa présence. Ce n’était pas sans compter sur la coopération d’Hayden qui referma brusquement mon livre :

- Hey ! M’exclamais-je, furieux.

- Ecoute-moi quand je te parles ! Déclara Hayden.

- Parce que tu m’as écouté toi peut-être ? Sifflais-je en me redressant pour m’éloigner de lui.

Comme s’il avait compris mes intentions, Hayden m’attrapa le poignet. Je restais un instant immobile avant de reprendre brusquement mon poignet, m’arrachant furieusement à sa poigne.

- Me touche pas !

Sur ses mots, je me redressais. Et avant que je ne comprenne ce qui se passe, je me retrouvais coincé entre le mur et le corps d’Hayden, les poignets maintenus fermement au dessus de ma tête. Furieux, j’adressais un regard assassin à Hayden en m’exclamant :

- Lâche-moi ! Tu n’as pas le droit !

- Je ne te lâcherais pas avant que tu m’ais écouté ! Déclara-t-il en ancrant son regard dans le mien. Et arrête de gesticuler, ça ne sert à rien !

- Je n’ai pas envie de t’écouter ! M’exclamais-je. Je n’ai que faire de tes excuses, m’entêtais-je.

Il m’avait blessé et je tentais de me protéger comme je le pouvais.

- Ecoute-moi ! S’exclama Hayden en haussant le ton, me faisant sursauter. Je suis désolé si je t’ai blessé d’une quelconque façon, reprit-il plus doucement. Ca n’était aucunement mon intention…

- Je ne suis pas blessé ! Répliquais-je cinglant.

- Ah oui ? Pourquoi est-ce que tu me fuis ainsi alors ? Renchérit-il, un sourire en coin étirant ses lèvres.

Pour toute réponse, je tentais une nouvelle fois que me soustraire à sa poigne de fer.

- Tu me fais mal ! Sifflais-je furieux, alors que ses doigts me broyaient les poignets.

- Excuses-moi, souffla-t-il en desserrant sa prise.

- Je t’excuses ! A présent, lâche-moi ! Ordonnais-je.

- Pas avant que tu ne m’ai écouté ! Répéta-t-il.

A contrecoeur, je finis par céder, cessant de me débattre. J’adressais à Hayden un regard assassin qui le fit sourire. Je décidais alors de l’ignorer et reportais mon attention sur la fenêtre, ne cillant pas lorsque je l’entendis soupirer bruyamment avant de déclarer :

- Si je suis partis comme un sauvage c’est que… Commença-t-il, hésitant, comme s’il cherchait ses mots. Je ne suis qu’un homme, Gwen… Avec mes désirs et mes faiblesses… Et tu es loin de me laisser indifférent…

A ces mots, je ne pus m’empêcher de sursauter, surpris, alors que mon coeur battait dans ma poitrine.

- Je te désire Gwen, ajouta-il gravement. Et si je suis partis, c’est pour éviter de faire une bêtise…
Je ne pus m’empêcher de m’empourprer violemment en réalisant ce qu’il venait d’avouer. Il me désirait ? Etait-il sérieux où bien cherchait-il simplement à se moquer de moi ? Presque malgré moi, je détournais mon attention de la fenêtre pour la reporter sur Hayden et l’intensité du regard qu’il posait sur moi me coupa le souffle. Jamais personne ne m’avait regardé ainsi, posant sur moi un regard si brûlant et empli de désir…

Terriblement gêné, je détournais de nouveau les yeux, sous le sourire attendrit d’Hayden. Je n’osais pas prononcer le moindre mot et subitement, l’ambiguïté de notre position acheva de colorer mes joues d’un joli rouge carmin. Semblant se rendre compte de mon malaise, Hayden me libéra les poignets et s’éloigna sensiblement de moi afin que nos deux corps ne soient plus en contact.

Pour ma part, je restais immobile, encore entrain d’assimiler les révélations d’Hayden. Jamais je n’aurai pu croire une chose pareille… Lorsque je repris mes esprits, je m’approchais lentement de lui. Et alors que j’allais poser une main sur son épaule, il esquissa un pas de recul, un pauvre sourire dépeint sur les lèvres :

- Ca ne serait pas prudent… Déclara-t-il simplement. Je… Je crois qu’il vaudrait mieux que tu dormes dans ton duvet ce soir…

Les joues brûlantes sous l’insinuation d’Hayden, j’esquissais à mon tour un pas de recul, terriblement gêné.

La soirée se déroula lentement et dans un silence gêné. Alors que j’étais couché depuis plusieurs heures, le sommeil me fuyait toujours. J’avais pris l’habitude de m’endormir entre les bras d’Hayden et à présent, sa présence et sa chaleur me manquait… Il me manquait ce sentiment de sécurité et de bien-être qui s’emparait de moi lorsque je me retrouvais entre les bras d’Hayden.

Après un énième soupir de lassitude, lassé de me tourner et me retourner sans arrêt dans mon lit de fortune, je quittais mon lit sans bruit et sortis. Je profitais que la pluie avait cessée pour m’installer dehors, m’asseyant sur un coin d’herbe sec. Bientôt, les bruits de la nuit m’apaisèrent et bien que le ciel était encore couvert, me voilant les étoiles, je me sentais bien, apaisé. Plongé dans mes pensées, je n’entendis pas Hayden me rejoindre et ne me rendis compte de sa présence que lorsqu’il vint s’asseoir à mes côtés.

Je lui adressais un simple sourire auquel il répondit, puis nous reportâmes notre attention sur les bois. Je ne saurais dire combien de temps nous restâmes ainsi, silencieux, aucun de nous n’osant briser le calme de la nuit. Finalement, je fus le premier à me jeter à l’eau :

- Comment tu l’as découvert ? Demandais-je.

- Découvert quoi ? Répéta Hayden, surpris.

- Ton homosexualité, répondis-je en me tournant vers lui.

- Oh ça… Souffla-t-il amusé. Et bien… Au fond de moi, je crois que je l’ai toujours su… Peut-être est-ce à cause de ma mère… A la voir se faire passer dessus par tous ces mecs… A voir dans l’état dans lequel elle était chaque jour, à la voir en redemander encore, à faire la salope pour quelques euros… Peut-être est-ce cela qui m’a dégoûter des femmes, je ne saurais le dire… Quoi qu’il en soit, dès le collège, je n’ai jamais porté la moindre attention sur les filles… Au contraire, voir ses pré-adolescentes se trémousser avec des vêtements vulgaires pour attirer l’attention des garçons… Tout cela me répugnais ça me rappelais bien trop ma mère, ce qu’elle était devenu… Instinctivement, je sais pas, je me suis surpris à observer les garçons et je ne m’en suis pas retrouvé dégoûté, comme avec les filles…

- Comment l’a prit ta famille quand ils l’ont appris ?

- Je ne connais pas mes grands-parents, ceux-ci ayant renié ma mère lorsqu’elle a commencé à se vendre… Quant à ma mère, elle s’est mise à hurler, me criant que j’étais un monstre, que je la dégoûtais…

Je ne fis aucun commentaire, gardant pour moi mes impressions. Après un long silence, je finis par prendre la parole :

- Père et mère ont toujours eut une vision plus que négative sur l’homosexualité, ne cessant de se plaindre d’eux et les dénigrant comme des moins que rien, commençais-je. Pour eux, le SIDA est de leur faute… Ils disent qu’ils l’ont bien mérité, qu’à force de forniquer à tout va, il fallait bien que quelque chose les punissent… Ils disent que c’est contre-nature… J’avais un cousin… Lorsqu’il a décidé d’assumer son homosexualité et qu’il a présenté son ami à ses parents, il s’est fait renié comme un malpropre et mettre à la porte, comme on jetterai une paire de chaussette abîmée à la poubelle… Je ne l’ai jamais revu… Je ne sais pas ce qu’il est devenu… Et pourtant, il était quelqu’un que j’appréciais énormément… Peut-être l’un des seuls d’ailleurs… Mais parce qu’il était différent de ce qu’ils auraient voulu qu’il soit, ils l’ont tous renié, sans chercher à le comprendre, sans se mettre à sa place et essayer d’imaginer ce qu’il a du ressentir… J’ai haïs ma famille plus qu’il n’était possible après ça… Cette famille qui n’en est pas une, avec leurs valeurs préhistoriennes et leurs préjugés… Cette famille qui ne jure que par leur statut social et se fout du bien être de leurs enfants… Pour eux, nous ne sommes qu’un moyen d’assurer la lignée de la famille et, en nous utilisant intelligemment en nous mariant avec des hommes ou des femmes influant, d’assurer leur bien-être et leur place dans la société… Et dès lors qu’un des enfants sort du droit chemin, dès que l’un d’eux se met à montrer des signes d’anomalies ou des tares, comme l’homosexualité, on le renie… On le chasse de cette famille soit disant unie, afin de ne pas salir son nom… Crachais-je, en sentant une fureur sans nom s’emparer de moi.

- Et toi ? Demanda Hayden en se tournant vers moi. Quel est ton point de vue ?

- Je… Je ne sais pas, soufflais-je, gêné. Je ne pense pas avoir de point de vue particulier… Les sentiments ne se contrôlent pas, ce n’est pas nous qui choisissons la personne, c’est notre coeur… Et lui se fout que la personne qu’il aime soit un homme ou une femme…

- Tu as l’air de parler en connaissance de cause… Souffla Hayden, un sourire amusé étirant ses lèvres.

- Moi ? Non… M’empressais-je de répondre, affreusement gêné de m’être ainsi laissé aller à exprimer ce que je ressentais.

- Menteur, sourit Hayden. Tu rougis…

- C’est de ta faute ! L’accusais-je en me tournant vers lui. Tu poses des questions gênantes.

- C’est toi qui a abordé le sujet…

Je ne répondis rien, me contentant de détourner les yeux, mal à l’aise sous le regard insistant qu’il posait sur moi. Finalement, après un long silence gêné, je demandais, changeant délibérément de sujet :

- Hayden ?

- Oui, Gwen… Répondit-il avec une pointe d’amusement dans la voix.

- Jusqu’où tu serais prêt à aller pour ta liberté ? Demandais-je.

- Comment ça ?

- Je veux dire, que sacrifice serais-tu prêt à faire ? Que serais-tu capable d’abandonner derrière toi pour rester tel que tu l’es aujourd’hui ? N’as-tu jamais songé à t’arrêter et t’installer quelque part ? N’y a-t-il jamais eu personne qui t’a donné envie de te poser, d’abandonner la vie que tu menais jusqu’à maintenant, pour elle ?

J’entendis Hayden soupirer et alors que je m’attendais à ne recevoir aucune réponse, il commença, le regard fixé droit devant lui :

- Je ne sais pas, avoua-t-il. Je ne me suis jamais suffisamment attaché à quelqu’un pour avoir envie de tout abandonner pour lui… Je n’ai aucune attache nulle part, Gwen, comme une feuille morte qui s’envole au premier coup de vent… Je me pose au gré de mes envies, mais, un jour ou l’autre, le désir de repartir se fait de plus en plus pressant, jusqu’au jour où, finalement, je finis par lui céder… Je suis comme ça, Gwen, c’est dans ma nature…

Après une courte pause, il reprit :

- Le seul pour qui cela a été beaucoup plus difficile que je ne le pensais, à été Julien… J’étais prêt à tout plaquer pour lui… A arrêter de voyager et m’installer avec lui… Mais finalement, encore une fois, l’appel de la liberté à été le plus fort…

- Il t’arrive de regretter ? Demandais-je, touché malgré moi. Tu ne t’es jamais demandé ce qu’aurait pu être ta vie si tu étais resté près de lui ?

- Tu ne t’arrêtes jamais de poser des questions ? Demanda Hayden en riant.

- Désolé… Soufflais-je en détournant les yeux, honteux.

- C’est bon, je plaisantais, me rassura-t-il. Tant qu’on en est aux confidences, autant parler non ? Et pour répondre à ta question, non, je ne regrettes pas… Je sais que Julien a une meilleure vie que celle qu’il aurait eut avec moi si j’étais resté…

- Comment peux-tu en être certain ? Demandais-je en le regardant.

Tournant la tête vers moi, un sourire amusé faisant pétiller son regard, il déclara :

- Tu as toujours réponse à tout, n’est-ce pas…

De nouveau je sentis le rouge me monter aux joues avant de me mettre à frissonner sous la fraîcheur de la nuit.

- Et toi… Déclara-t-il après un instant de silence en me souriant. Parle-moi un peu de toi ?

- De moi ? Répétais-je, confus.

- Oui, sourit-il, de toi…

- Il n’y a rien à dire, soupirais-je en détournant les yeux. Je m’appelle Gwendal, j’ai vingt et un ans et je me suis enfui avec un inconnu lorsque mon père m’a contraint à un mariage forcé… Tu vois, ma vie n’a rien de bien passionnant…

- Il y a forcément d’autres choses à dire, s’entêta Hayden. Ce que tu aimes, ton enfance, la famille on va éviter, ajouta-t-il, m’arrachant un petit sourire, tes goûts, tes rêves… Tu vois, il y a pleins de choses à dire sur toi…

- Pourquoi est-ce que tu veux savoir tout ça ? Demandais-je, surpris en croisant son regard.

- Ce n’est pas ce que font deux personnes qui voyagent ensembles ? Chercher à se connaître… Demanda-t-il en souriant, reprenant mes propres mots.

A ces mots, je ne pus m’empêcher de sourire, amusé malgré moi.

Reportant alors mon regard devant moi, je commençais à parler après un instant de silence :

- Je n’ai jamais vraiment réfléchis à tout ça, avouais-je. Dès mon plus jeune âge j’ai toujours fait ce que l’on me demandait, parce que c’est comme cela que l’on m’a élevé et c’est ce que l’on attendait de moi… Je suis fils unique et mes parents n’ont jamais été très présents pour moi, mais mon rôle de fils unique me contraignait à me plier à leurs exigences… C’est pourquoi, je n’ai jamais discuté leurs ordres, faisant ce que l’on exigeait de moi…

- Et pourtant, tu t’es enfuis de chez toi lorsqu’ils ont voulu te marier…

- Oui, soufflais-je. Peut-être ais-je été docile trop longtemps, ajoutais-je avec un petit sourire amer. Je n’avais peut-être rien à moi, mes goûts étaient ceux que l’on m’imposaient, mais j’ai toujours eu ce désir au fond de moi… Quand j’étais petit, je rêvais que j’avais des ailes, et que je m’envolais loin de chez moi… Je rêvais de découvrir le monde, de rencontrer les gens que j’aurai aimé rencontrer et non ceux que l’on m’imposait… Je voulais tant être… Normal…

- Et maintenant ? Demanda Hayden en me souriant. Est-ce que la vie que tu mènes à présent te plait davantage ?

- Bien plus, répondis-je sincère avant de me rembrunir. Tellement qu’il m’arrive, parfois, de croire que tout cela n’est qu’un rêve… Que si je ferme les yeux trop longtemps, lorsque je les ouvrirais, je me réveille dans ma chambre et que tout ce que j’ai vécu jusqu’à présent ne soit qu’une douce illusion…

Délicatement, la main d’Hayden vint se poser sur ma joue, et avec une douceur infinie, il m’incita à tourner la tête vers lui. Lorsque nos regards se croisèrent, je sentis mon coeur s’emballer dans ma poitrine et je dus me faire violence pour soutenir le regard brûlant qu’Hayden posait sur moi. Puis, lentement Hayden se pencha vers moi, son regard toujours ancré au mien, alors que, le coeur battant, je ne bougeais pas, parfaitement conscient de ses intentions. Bien trop lentement à mon goût ses lèvres se posèrent enfin sur les miennes et je ne pus retenir un soupir de bien-être et de satisfaction. Tout contre mes lèvres, je pus sentir Hayden esquisser un sourire et bientôt, ses lèvres s’entrouvrirent sur sa langue qui, tendrement, vint caresser mes lèvres, comme pour m’inviter à les entrouvrir. Grisé par la douceur dont il faisait preuve, je me laissais aller à fermer les yeux et m’abandonnant à lui, je cédais à son invitation et entrouvris timidement les lèvres. Il n’en fallut pas plus à Hayden et l’instant suivant, sa langue se faufilait entre les lèvres, partant à la recherche de la mienne.

Lorsque nos langue s’effleurèrent en une tendre caresse, je frissonnais violemment. Délicatement, Hayden posa sa main sur ma joue alors que je n’osais esquisser le moindre mouvement. Très vite, notre échange gagna en intensité. Sa langue entraînait la mienne en un ballet vieux comme le monde et j’eu toutes les peines du monde à retenir le gémissement de plaisir qui menaçait à tout moment de franchir mes lèvres. Soudain, Hayden fut comme prit de frénésie, me guidant dans un baiser fiévreux qui n’avait plus rien à voir avec ceux que nous avions échangé jusqu’à maintenant.

Je sentis mon coeur s’emballer dans ma poitrine et l’espace d’un instant, je pris peur en sentant Hayden presser mon corps contre le sien. Alors que je commençais à prendre peur, il sembla soudainement reprendre ses esprits et s’écarta vivement de moi, rompant brusquement le baiser.

- Excuses-moi, murmura-t-il, sa main caressant doucement ma joue. Je me lui laisser emporter… Ca va ?

- Je… Oui.. Murmurais-je, affreusement embarrassé.

- Alors, demanda-t-il après un court instant, reprenant notre conversation où nous l’avions laissée. Tu crois encore que tout ceci n’est qu’une illusion ? As-tu déjà rêvé d’être embrassé par un homme, même dans tes rêves les plus fou ?

- Jamais… Avouais-je, les joues rouges.

- Alors ceci n’est pas un rêve, Gwen… C’est réel… Déclara-t-il en souriant.

Je ne répondis rien et le silence nous enveloppa de nouveau. Finalement, la fatigue me gagna et alors que j’étouffais un bâillement, Hayden déclara :

- Allez, va dormir… Tu tombes de sommeil…

Après lui avoir souhaité une bonne nuit, je retournais dans mon sac de couchage. Dans les cinq minutes qui suivirent, j’étais endormi.

Finalement, nous ne reprîmes la route que trois jours plus tard, la pluie n’ayant pas cessé avant. Au matin du quatrième jour, profitant d’une éclaircie, nous rangeâmes nos bagages et reprîmes la route. J’avais un pincement au coeur en quittant cet endroit mais bientôt, la joie et l’excitation de découvrir d’autres endroits vint effacer mon amertume.

Nous marchâmes pendant deux jours avant de finalement prendre le bus jusqu’à Birmingham. Là, après une nuit à l’hôtel, nous prîmes le train jusqu’à Edimbourg. Hayden m’avait avoué avoir un ami là bas, et m’avait demandé si j’étais d’accord pour aller lui rendre visite. A ma mine renfrognée, il avait éclaté de rire en m’expliquant que cet ami n’était pas le moins du monde attiré par les hommes et qu’il n’avait jamais eu d’aventures avec lui. Partiellement rassuré, j’avais tout de même accepté.

Et après une petite semaine de marche, nous arrivâmes enfin à Fakland, une petite ville au nord d’Edimbourg. Après avoir demandé son chemin, Hayden nous conduisit jusqu’à une petite villa un peu en retrait de la ville. Là, il passa devant moi et alla frapper à la porte. Ce fut une jeune femme qui vint nous ouvrir et si Hayden parût surpris, il n’en laissa rien paraître. D’un ton poli, il demanda :

- Bonjour, est-ce que Darren MacKay est là, s’il vous plaît ?

- C’est de la part de qui ? Demanda la jeune femme, un peu sceptique.

- Hayden…

- Chéri ! Appela la jeune femme en se tournant vers l’intérieur. Un certain Hayden demande à te voir.

L’instant d’après, un colosse fit irruption dans l’encadrement de la porte et malgré moi, je ne pus m’empêcher d’esquisser un pas en arrière, effrayé par l’immense homme roux qui venait de faire son apparition.

- Par la barbe de Merlin ! S’exclama le dénommé Darren. Hayden ! Qu’est-ce que tu fais là, mon vieux !?

L’instant d’après, Hayden était happé par les deux bras les plus énormes que je n’avais jamais vu et fut soulevé de terre comme s’il ne pesait rien. A tout instant, je m’attendais à entendre ses côtes se briser, mais il était plus solide qu’il ne le laissait croire.

- Salut Darren ! Souffla Hayden en lui rendant son étreinte. Content de te voir vieux !

Leur embrassades s’éternisa avant qu’Hayden ne se souvienne de ma présence. Se tournant vers moi, il fit les présentations et si j’échappais à l’étreinte à laquelle avait eu droit Hayden, je ne pus refuser de lui serrer la main sans paraître impoli et lorsque ses doigts se refermèrent autour de ma main, je retins tant bien que mal un gémissement de douleur alors que mes os se broyaient sous sa poigne de fer.

C’est avec entrain que Darren nous invita à entrer chez lui et après nous avoir présenter sa compagne, Blair, il nous offrit à boire. Très vite, la discussion s’engagea entre Hayden et Darren tandis que j’allais rejoindre Blair à la cuisine, profitant d’une échappatoire pour m’échapper d’une conversation qui ne me concernait pas. Timidement je proposais à Blair de l’aider et très vite, la nous engageâmes la conversation sur tout et rien. Bientôt, j’appris qu’elle et Darren étaient sur le point de se marier. Plus qu’heureux pour eux, je la félicitais, lui souhaitant tous mes voeux de bonheur.

Le soir, nous fûmes conviés à rester dormir et lors du dessert, Darren, après avoir probablement reçu l’accord de sa future épouse, nous proposa de rester pour leur union, chose qu’Hayden s’empressa d’accepter avec une joie non feinte.

La soirée se traîna en longueur et épuisé, je ne tardais pas à m’endormir la tête calée contre l’épaule d’Hayden.

Le dimanche matin, nous nous préparâmes tous pour la cérémonies qui devait avoir lieu en fin de matinée. Alors que je m’habillais dans la salle de bain, Hayden fit subitement irruption, me faisant sursauter. Me tendant une chemise blanche et un pantalon noir, il déclara :

- Tien, met ça ! Et fait quelque chose pour tes cheveux ! Ajouta-t-il en avisant mes cheveux soigneusement peignés. Comme le matin quand tu te réveilles par exemple ! Ajouta-t-il, un sourire en coin étirant ses lèvres.

- Tu veux que j’ai l’air de sortir de mon lit ? M’exclamais-je, surpris.

- Ou du mien, de préférence ! Répondit-il avant de quitter la pièce comme il était venu, me laissant complètement stupéfait.

Alors que je réalisais la portée de ses paroles, je ne pus m’empêcher de rougir. Puis, reportant mon attention sur mon reflet je tentais de suivre son conseil avant d’enfiler les vêtements qu’il m’avait apporté. Et bien qu’ils soient des plus simples, je ne pus m’empêcher de contempler mon reflet.

Puis, après m’être assuré que tout était en ordre, je quittais la salle de bain et allais rejoindre tout le monde au salon. Lorsque j’arrivais, Hayden s’arrêta en plein milieu de sa phrase, m’observant avec une intensité qui me mit mal à l’aise. Je détournais alors les yeux en rougissant alors que Blair s’approchait de moi tout sourire.

- Tu es ravissant, Gwendal ! Déclara-t-elle.

Je lui adressais un petit sourire de remerciement puis nous nous mîmes en route.

C’était le premier mariage auquel j’assistais et malgré moi, je ne pus m’empêcher de me sentir ému lorsque les mariés se passèrent la bague au doigt avant de s’embrasser passionnément. Durant la fête qui suivit, je passais ma soirée à danser avec Blair ou Darren, ceux-ci m’ayant visiblement très vite adopté. Puis, lorsque vint le moment des slow, je regagnais ma place, laissant les jeunes mariés se retrouvaient. Le menton calé dans ma main, je les regardais danser avec une certaine envie, les images de mon premier et unique slow avec Hayden me revenant sournoisement à l’esprit.

Alors que je m’apprêtais à aller faire un tour dehors, je vis Hayden s’approcher de moi et je ne pus détourner mon regard de sa silhouette féline. Habillé d’un costume noir qui lui allait à merveilles, il était magnifique et son regard pétillait d’une lueur que je n’arrivais pas à définir. S’approchant de moi, il me tendit la main et, me regardant dans les yeux, un tendre sourire étirant ses lèvres, il demanda :

- Tu viens danser ?

Comme pour m’assurer que c’était bien à moi qu’il parlait, je regardais autour de moi et m’aperçus que j’étais seul à ce coin de la table. Rougissant, j’attrapais timidement sa main et il m’entraîna à sa suite sur la piste de danse, au milieu des couples tendrement enlacés. Puis, avec une tendresse qui ne cessait de m’étonner, il passa son bras autour de ma taille, m’attirant délicatement à lui. Timidement, j’enlaçais mes doigts aux sien tentant de ne pas rougir alors qu’il m’observait en souriant. Bientôt, guidé par Hayden, nous commençâmes à danser au rythme lent de la musique. Lentement, je finis par me détendre, me laissant complètement aller entre ses bras. La tête calée contre son torse puissant, les yeux fermés, je savourais les caresses aériennes des doigts d’Hayden qui passaient et repassaient dans mon dos, m’effleurant à travers ma chemise.

Je dus me faire violence pour ne pas frissonner sous ses caresses et, de bien être, je soupirais longuement.

- Ca va ? Me demanda Hayden.

- Oui, répondis-je dans un murmure.

Pour toute réponse, Hayden m’embrassa sur les cheveux.

Subitement, Hayden retira ses doigts de mon intimité, m’arrachant un gémissement de frustration. L’instant suivant, je sentis quelque chose de beaucoup plus imposant se présenter à l’entrée de mon intimité et malgré moi, je sentis la panique commencer à s’insinuer en moi part tous les pores de ma peau. Je ne voulais pas… Mon corps se tendit brusquement et inconsciemment, je cherchais à me soustraire de la poigne d’Hayden que je devinais agenouillé derrière moi. Mes jambes flageolantes ne supportèrent plus le poids de mon corps et brusquement, je m’effondrais sur le matelas. Me tortillant, je tentais de me retourner, ne voulant pas que cela se passe de cette manière.

Sans que je ne m’en rende compte, des larmes se mirent à cascader le long de mes joues et je ne pus réprimer un sanglot.

- Non… Gémis-je, sous l’effet de la peur panique qui s’était emparée de moi.

Hayden qui s’était immobilisé sous l’effet de la surprise m’aida alors à me retourner et lorsque son regard se posa sur mon visage ravagé par les larmes, je pus voir une étincelle de douleur traverser son regard. Délicatement, avec des gestes d’une tendresse qui m’apaisa partiellement, il prit mon visage entre ses mains et ancrant son regard au mien, il déclara d’une voix peinée :

- Calme-toi angel… Je m’arrête, regarde… Allez, c’est fini… je t’en prie, calme-toi, murmura-t-il.

- Hayden… Gémis-je lamentablement entre deux sanglots.

- Oui, Gwen ? Murmura-t-il.

- Pardon… Pardon…

- Il n’y a rien à pardonner, Gwen, me rassura-t-il. C’est normal d’avoir peur lors d’une première fois…

Je gardais le silence l’espace d’un instant puis, prenant mon courage à deux mains, je déclarais d’une toute petite voix :

- Je… Je veux continuer…

- Non, Gwen… Ce n’est pas prudent…

- C’est… C’est parce que tu étais derrière… Avouais-je alors, terriblement honteux.

A ces mots, je pus sentir Hayden se détendre complètement alors qu’un soupir de soulagement s’échappait de ses lèvres. Me caressant doucement la joue, il murmura :

- Je m’excuse, Gwen… J’aurai du me douter que ce n’était pas la position rêvée pour une première fois… Je crois que je me suis un peu trop laissé emporter par la tentation que tu représentes…

Touché par la considération dont il faisait preuve à mon égard, je pris appuis sur mes bras et, me soulevant jusqu’à son visage, je m’emparais de ses lèvres pour un tendre baiser dans lequel je fis passer tout l’amour que j’éprouvais pour lui, le remerciant de sa gentillesse et de sa douceur. Le coeur battant, toute peur m’ayant définitivement quittée, je déclarais d’une voix tremblante :

- Je… Je veux que nous reprenions où… Où on en était…

- Tu es certain ? Demanda gravement Hayden. Je ne veux pas que tu te forces, Gwen… Sous aucun prétexte…

- Je suis certain, approuvais-je confiant. S’il te plaît…

Je vis Hayden hésiter un instant, puis la tentation se faisant trop forte, il finit par y céder. Avec douceur, il s’empara de mes lèvres pour un baiser des plus tendres qui, bien vite, gagna en intensité. Puis, s’activant à faire renaître le plaisir dans le creux de mes reins, il laissa ses mains se balader partout sur mon corps avant de s’arrêter sur mon intimité, qui, lentement se réveillait de nouveau. Durant un long moment, il entreprit d’attiser à son paroxysme le désir qui me vrillait les reins, de ses doigts habiles autour de mon intimité à présent tout à fait réveillée.

Ses yeux ne quittaient pas mon corps, m’observant avec une convoitise telle qu’il finit par me mettre mal à l’aise.

- Tu es si beau, angel… Magnifique… Gwen, je… Oh Seigneur, je te veux tellement… Gémit-il en enfouissant son visage dans mon cou.

Emu par la sincérité que je pouvais percevoir dans sa voix, je m’abandonnais entièrement à lui. Répondant à son exclamation, j’écartais les jambes et les refermais autour de la taille d’Hayden, lui interdisant ainsi toute tentative de fuite. Surpris, Hayden se releva et dans le regard qu’il m’adressa, je pus voir toute son inquiétude et ses interrogations muettes. Pour toute réponse, je me contentais de lui adresser un sourire serein et confiant. Je n’avais plus peur… J’étais prêt et je voulais le sentir en moi…

Comprenant mon injonction muette, Hayden s’empara vivement de mes lèvres pour un baiser passionné auquel je répondis avec entrain. Puis, abandonnant mes lèvres, Hayden posa ses mains sur mes cuisses et me fit relever une jambe afin que nos entrejambes se frottent l’une contre l’autre. A ce contact, je ne pus retenir un gémissement de plaisir. Puis, au comble de l’impatience, Hayden se redressa légèrement et me sourit avant de prendre son érection en main. A la vision de son sexe dur et gonflé, je ne pus m’empêcher d’être effrayé par sa taille. Semblant s’en rendre compte, Hayden esquissa un petit sourire rassurant :

- Je serais doux, ne t’inquiète pas, angel… Et puis, à toi de me dire si ça ne va pas, d’accord ?

- D’accord, soufflais-je, confiant.

Prenant son sexe entre ses doigts, Hayden se présenta à mon entrée, m’arrachant un violent frisson d’anticipation. Puis, avec une délicatesse infinie, il s’insinua lentement en moi, écartant mes chairs pour se fondre en moi. Et malgré toute ma bonne volonté, je ne pus retenir un gémissement de douleur alors qu’il me pénétrait lentement. Aussitôt, Hayden s’immobilisa faisant preuve d’un self-control étonnant. La respiration saccadée d’Hayden m’indiquait qu’il devait prendre sur lui pour ne pas tout simplement forcer l’entrée et me pénétrer entièrement.

Lentement, la douleur commença à refluer et d’un léger déhanchement, j’indiquais à Hayden qu’il pouvait reprendre. Plongeant son regard dans le mien, il demanda, visiblement inquiet :

- Ca va ? Je ne te fais pas mal ?

Pour toute réponse, j’hochais négativement la tête, incapable de prononcer le moindre son. Rassuré, Hayden patienta encore quelque seconde avant de reprendre doucement, me pénétrant avec une lenteur presque exagérée qui m’arracha un gémissement de frustration. A travers le voile de plaisir qui m’obscurcissait la vue, le pus voir Hayden esquisser un petit sourire avant de me pénétrer plus franchement, s’enfonçant entièrement en moi. Sous l’afflux de plaisir qui traversa mon corps lorsqu’il fut entièrement en moi, je me cambrais violemment alors qu’un petit cri de plaisir s’échappait de mes lèvres entrouvertes.

- Gwen… Gémit Hayden en s’allongeant tout contre moi. Oh Gwen… Tu es merveilleux, angel… Murmura-t-il en esquissant un premier coup de rein.

Sous la surprise et le plaisir qui déferla sur moi à ce simple mouvement, je m’agrippais de toutes mes forces à ses épaules. Ses mains posées sous mes cuisses, Hayden entama alors un lent mouvement de va et vient, me pénétrant avec précaution, comme s’il craignait de me faire mal.

Puis, ses lèvres vinrent chercher les miennes et sa langue entraîna la mienne dans un ballet érotique terriblement excitant. Très vite, les coups de rein d’Hayden se firent plus ciblés et lorsqu’il atteignit un point anatomique sensible, je ne pu retenir un cri de plaisir. Face à la douceur et la tendresse dont Hayden faisait preuve, je finis par m’abandonne totalement entre ses bras, plaçant en toute confiance mon corps et mon coeur entre ses mains. Je voulais lui dire… Je voulais tant lui dire à quel point je l’aimais… Mais lorsque j’ouvris la bouche, le seul mot qui s’échappa d’entre mes lèvres fut son prénom… Pourquoi n’arrivais-je donc pas à lui dire ces quelques mots ? Qu’est-ce qui me retenait ? Je me sentais pourtant tellement bien entre ses bras… Jamais je ne m’étais autant sentis en sécurité que lorsqu’il était près de moi… Et là, alors qu’il investissait mon corps, me faisant sien, je n’arrivais tout simplement pas à lui exprimer mes sentiments… Il était tellement doux, faisant preuve d’une tendresse telle que j’en avais presque envie de pleurer…

Lorsque dans un mouvement de bassin plus profond que les précédents, Hayden toucha quelque chose en moi, je crus perdre pieds. Mon corps se cambra violemment à la recherche de celui d’Hayden qui, visiblement satisfait, réitéra son geste encore et encore, inlassablement, jusqu’à ce que mes gémissements se muent en cris de plaisir. Enivré par l’afflux de plaisir qui déferlait sur moi, je n’avais plus conscience de rien, totalement abandonné en toute confiance entre les bras de l’homme que j’aimais. Mon corps se soulevait en rythme avec celui d’Hayden, se cambrant toujours plus afin d’aller à sa rencontre.

Noyé dans le plaisir que je ressentais, c’est à peine si je pris conscience des bras d’Hayden qui passèrent dans mon dos pour me ramener tout contre lui. Assis sur ses cuisses, je passais mes bras autour de son cou, souhaitant le sentir toujours plus près de moi. Ses mains posées sur mes hanches, Hayden m’aidait à garder le rythme, me pénétrant avec toujours plus de fougue. Ivre de plaisir, je n’avais plus conscience des sons qui étaient les miens.

Brusquement, posant mes mains sur le torse puissant d’Hayden, je le repoussais, le forçant à s’allonger. Les yeux brumeux, je discernais tant bien que mal un sourire amusé venir étirer les lèvres d’Hayden. L’instant d’après, oubliant toute pudeur, mes mains posées sur son ventre contracté afin de garder un semblant d’équilibre, je me mis à le chevaucher, me déhanchant lascivement au dessus de lui.

- Oui… Gwen…Gémit Hayden, visiblement en proie à un plaisir aussi intense que le mien.

Ivre de plaisir, m’empalant toujours plus profondément sur le sexe d’Hayden, qui, les mains sur mes fesses m’aidait à garder un rythme soutenu et cadencé, je ne pus réprimer le sanglot qui s’échappa alors de mes lèvres. C’était tout simplement trop bon… Trop intense… Jamais je n’avais éprouvé de telles sensations et savoir qu’Hayden était à l’origine d’un tel plaisir manqua de me faire jouir. Seigneur, je l’aimais tellement…

Bientôt, toutes mes forces m’abandonnèrent et mes bras ne me soutinrent plus. Vacillant, je m’écroulais lamentablement sur le torse d’Hayden, haletant d’un plaisir bien trop intense. Une main dans mon dos et l’autre sur ma hanche, Hayden échangea de nouveau nos positions et me fit rouler sous lui. Alors qu’il me surplombait de toute sa hauteur, il se pencha vers moi et s’empara de mes lèvres pour un baiser impétueux.

Tous les sens en ébullition, je répondis avec fièvre à son baiser avant de le rompre lorsqu’un cri de pur plaisir s’échappa de mes lèvres. C’était trop… J’allais mourir…

- Oh angel, gémit Hayden en mordant un peu trop violemment la peau de mon cou, me faisant tressaillir. Gwen… Je vais…

- Hayden… Hayden, sanglotais-je, répétant son prénom en une litanie incessante.

L’orgasme déferla sur moi avec la violence d’un tsunami, soumettant mon corps à de violents spasmes de plaisirs. Dans un cri de jouissance, je me libérais entre nos deux corps étroitement enlacés, criant le prénom d’Hayden tandis qu’il se libérait en moi dans un cri qui fit écho au mien. En sentant la semence brûlante d’Hayden se répandre en moi, je ne pus retenir un gémissement de bien-être tandis qu’Hayden s’écroulait sur moi.

Le corps luisant de sueur et tremblant sous l’effet des dernières vagues de jouissance, la respiration erratique, je refermais mes bras autour du cou d’Hayden alors que je tentais tant bien que mal de retrouver un rythme cardiaque régulier.

Je sentis Hayden m’embrasser délicatement dans le cou, à l’endroit où il m’avait mordu un peu plus tôt, comme s’il tentait de se faire pardonner sa sauvagerie. Puis, ses lèvres vinrent se poser sur les miennes pour un baiser d’une incroyable tendresse. Emu comme jamais face à la douceur qu’il déployait à mon égard, je lui rendis son baiser, tentant de lui transmettre tout l’amour que j’éprouvais pour lui. Bien trop tôt à mon goût, Hayden se retira de moi, me laissant une cuisante impression d’abandon. Puis, s’allongeant à mes côtés, me faisant face, il me caressa tendrement la joue, me faisant soupirer de bien-être :

- Comment tu te sens ? Demanda-t-il doucement.

- Je me sens bizarre, avouais-je, le rouge me montant aux joues sous le sourire qu’il m’adressa. Bizarre, mais merveilleusement bien…

Un sourire amusé venant étirer ses lèvres, Hayden demanda alors :

- Alors ? Toujours convaincu que c’est mieux de coucher avec une personne qu’on aime ?

A ces mots, je sentis mon coeur se briser. Mon sourire s’effaça subitement, me laissant un arrière goût amer au fond de la gorge. La gorge nouée, je déclarais dans un murmure étranglé :

- Oui…

Je vis Hayden perdre ses couleurs et se redresser sur son coude pour me surplomber :

- Merde… Gwen, je…

Sans lui laisser le temps de finir sa phrase, je me relevais et sans un regard pour lui, je quittais le lit et allais m’enfermer dans la salle de bain, ignorant les appels désespérés d’Hayden. Là, je tombais nez à nez avec mon reflet qui, comme s’il cherchait à me narguer et à se moquer de moi alors qu’il me renvoyait l’image de mon corps portant encore les marques qu’Hayden avait laissées sur ma peau. Etouffant un gémissement de douleur, je me laissais tomber à genoux, ignorant la douleur que provoqua le dur contact entre le carrelage et mes os. Là, sans que je ne puisse les retenir, des torrents de larmes s’échappèrent de mes yeux.

Comment ais-je pu être aussi naïf ? Comment ais-je pus croire qu’il m’aimait ? Jamais trahison n’avait été aussi cruelle… J’avais commis l’erreur de confondre l’amour et le désir et à présent, j’en subissais les rudes conséquences… Je pensais que parce qu’il me désirait, il m’aimait forcément… Je m’étais lourdement trompé et le retour à la réalité n’en était que plus brutal… Comment ais-je pus être aussi stupide ? Comment ais-je pu me laisser embobiner par ses sourires et ses gestes si tendres ? J’aurais du me douter que pour lui, je n’étais rien de plus qu’une aventure d’un soir, comme tous ses hommes qui avaient du défiler dans son lit au cours de sa vie… Et pourtant, il paraissait si sincère…  Je me sentais tellement mal… Il venait de bafouer l’amour que j’éprouvais pour lui… Je me sentais tellement honteux… Il m’avait sali…

Je fus soudainement prit d’une violente envie de vomir en sentant la semence d’Hayden couler le long de mes cuisses. Lamentablement, je me traînais jusqu’à la cuvette des toilettes et sans pouvoir me contrôler, je rendis le contenu de mon estomac et bien plus encore… Mon estomac calmé, je fis disparaître les traces de mon malaise et me relevant, je me rinçais la bouche avant de m’écrouler de nouveau sur le sol. Je me sentais tellement minable…

Adossé au mur, je ramenais mes jambes contre moi, et enfouissant mon visage entre mes bras, je laissais libre court à mes sanglots, pleurant toutes les larmes de mon corps. Noyé dans mes sanglots, je n’entendis pas Hayden me rejoindre et ne pris conscience de sa présence que lorsque sa main se posa sur mon bras. Vivement, je retirais mon bras et m’éloignais légèrement de lui, refusant à le savoir si près de moi :

- Ne me touche pas ! Crachais-je avec tout le mépris que je ressentais pour lui en cet instant.

- Gwen… S’il te plaît, commença-t-il. Tu sais, je… Je ne crois pas que tu éprouves vraiment de l’amour pour moi… Tu as juste été attiré par la nouveauté.. Tu ne connaissais pas, tu voulais découvrir… C’est tout à fait normal…

Avant qu’il n’ait pu terminer sa phrase, ma main s’abattit sur sa joue avec une force que je ne me serais jamais cru capable de posséder.

- Qui es-tu pour me dire que ce que je ressens n’est pas réel ? M’exclamais-je avec fureur. Toi qui n’as jamais aimé personne de ta vie !

- Ecoute, Gwen…

- Laisse moi ! Soufflais-je, subitement las.

- Gwen… S’il te plaît… Insista-t-il.

- Tu es sourd ? M’exclamais-je alors. Laisse-moi je te dis ! Dégage ! Je ne veux plus te voir… Achevais-je dans un sanglot avant de me détourner de lui, mettant ainsi un terme à la discussion.

Hayden ne répondit rien et l’instant d’après, j’entendis la porte se refermer derrière lui. Je ne saurais dire combien de temps je restais ainsi recroquevillé sur le carrelage froid de la salle de bain à pleurer toutes les larmes de mon corps, sans parvenir à étouffer mes sanglots. Mon coeur était brisé et rien ne pourrait jamais le recoller… Hayden… Songer à lui me faisait tellement mal… Arriverais-je un jour à oublier cette douleur ? Arriverais-je à continuer de vivre près de lui en sachant qu’il ne m’aimait pas et qu’il ne m’aimera sans doute jamais ? Pourrais-je supporter l’humiliation de cette nuit au grand jour ? En mon fort intérieur, je connaissais déjà la réponse…

Lentement, ignorant les protestations de mon corps douloureux, j’entrais dans la douche et me savonnais longuement, comme pour effacer les traces d’Hayden sur moi… Et malgré toute ma bonne volonté, j’avais encore l’impression de sentir la douceur de ses caresses sur ma peau, la chaleur de son souffle contre mon visage… Alors que je sentais les larmes inonder à nouveau mes yeux, j’attrapais la serviette et entrepris de me sécher.

Lorsque je sortis de la salle de bain, le léger ronflement d’Hayden m’indiquait qu’il dormait. Evitant de le regarder pour ne pas me mettre à pleurer de nouveau, je m’habillais rapidement et rassemblait succinctement mes affaires. Je pris suffisamment d’argent pour moi et laissait le reste à Hayden. Une fois près, je pris un papier qui traînait sur lequel j’écrivis :

“Je pars, ne cherche pas à me retrouver…Adieu, Gwen.”

Après un instant d’hésitation, je rajoutais un simple “je t’aime” en post-scriptum. Je posais alors le mot sur mon oreiller et attrapant mon sac, je quittais la chambre sans un bruit. Mal à l’aise de partir comme un voleur, je pris tout de même temps de laisser un mot à l’intention de Blair et Darren, les remerciant pour leur gentillesse et leur hospitalité. Je leur souhaitait également tout le bonheur du monde et m’excusais de partir comme un voleur. Je signais de mon prénom et accompagnais la lettre d’une somme d’argent que je les invitais à utiliser pour se payer la lune de miel dont ils rêvaient.

Puis, sans un regard en arrière, je quittais la maison. Je me rendis à pieds jusqu’à la ville avant de prendre un taxi jusqu’à Glasgow. Là, j’arrivais à temps pour prendre le train en partance pour Winchester. Une fois dans le train, je laissais de nouveau libre court à mes larmes que j’avais retenues jusqu’à maintenant, alors que je songeais à tout ce que je laissais derrière moi et au bonheur qui aurait pu être le mien…

 A suivre…

Once in a lifetime - chapitre 09

25 décembre 2012

Chapitre 09 par Lybertys

 

Nous quittâmes le village sans un regard en arrière, reprenant notre route, le coeur lourd. Je ne parviendrais pas à oublier Linda et je me fis la promesse de revenir sur sa tombe, lui apporter un cadeau d’anniversaire chaque année…
Nous marchâmes pendant plusieurs heures en silence et ce ne fut que lorsque le soleil fut à son zénith et que la température se fit trop chaude que je déclarais qu’il était temps de faire une pause. Nous nous installâmes au bord d’une rivière, appréciant la fraîcheur qu’elle nous accordait. C’était étrange d’avoir continuellement quelqu’un à côté de soit. Et finalement, je commençais à m’y habituer. La présence de Gwendal était loin de me déranger. Brisant finalement le silence, il me demanda doucement :

- Hayden ? Où allons-nous aller maintenant ?

- Où le vent nous mène, répondis-je en souriant. Qu’en dis-tu ?
Je n’aimais pas vraiment planifier mon chemin. J’étais toujours allé là où me portaient mes pas. Gwen opina de la tête, me rendant mon sourire. Après une seconde de silence, je poursuivis :

- Même si, je me doute que tu as déjà du visiter tous ces endroits…

- Moi ? Demanda-t-il surpris.

- Qui d’autre ? Répondis-je en riant.

- Et bien… Commença-t-il, hésitant. Pas vraiment…

- Comment ça ? Lui demandais-je plus que surpris. Tu n’as jamais voyagé ?

Avaler cette information était pour moi inconcevable. Pourtant, pour toute réponse, Gwen secoua négativement la tête avant de m’expliquer :

- Mon père n’a jamais jugé utile de voyager… Pour lui, ce n’était qu’une perte de temps et d’argent…

- Mais, qu’as-tu fait durant toutes tes vacances scolaires ? M’exclamais-je, effaré, incapable de réaliser ce qu’il me disait.

Ce n’était que maintenant que je saisissais combien ce voyage et la vie que je menais pouvait être déroutante.

- Je n’avais pas de vacance, répondit-il, esquissant un petit sourire sans joie. Je n’allais pas à l’école. Père n’a jamais voulu…

- Mais tu as bien appris à lire et à écrire… Commençais-je, perdu.

- J’avais un précepteur…

- Oh… Alors tu n’as jamais rien fait dans ta vie ? Lui demandais-je, choqué.

- Si, souffla-t-il en m’adressant un petit sourire. J’ai étudié…

- Quelle joie ! Grimaçais-je face à sa réponse.

Si j’avais été surpris jusqu’à maintenant, ce fut au tour de Gwen qui me demanda :

- Tu n’aimes pas étudier ?

- Disons que… Je n’ai jamais été un grand fan de l’enseignement public… Je suis allé à l’école, mais dès qu’il m’a été possible de ne plus y aller, je n’y suis pas retourné…

L’école avait toujours était pour moi me confronter à la normalité des autres face à ma vie que personne ne pouvait envier…

- J’aime étudier, répondit-il. C’est ma manière à moi de voyager…

Je mis un temps avant de répondre, plongé dans mes souvenirs et dans l’incapacité d’envisager une vie sans avoir mis le nez dehors, une vie normale…

- Je n’arrive pas à y croire, soufflais-je après un temps. S’il y a bien une chose pour laquelle j’appréciais ma mère, c’est qu’elle se souciait tellement peu de moi que même si je partais pendant quinze jours, c’est à peine si elle s’en rendait compte… La drogue avait toujours occupé son esprit. Si elle en avait suffisamment en réserve et était en état de se préparer sa propre dose, je n’existais plus à ses yeux.

- C’est de là que tu tiens ta liberté ? Demanda-t-il.

- Oui, répondis-je, laissant mon regard se poser sur la rivière. Elle m’a au moins offert ça…

Mais combien cela m’avait-il couté. Avait-il seulement conscience de ce que cette liberté avait provoqué dans ma vie. J’aurais aimé, qu’au moins une fois, ma mère pose ses yeux sur moi comme l’aurait fait Linda et m’offre un semblant d’existence et d’importance à ses côtés. Chassant ces pensées trop sombres pour être envahies par celle-ci, je me levais et déclarais avec enthousiasme, investi d’une nouvelle mission :

- Et bien, je te propose qu’à partir d’aujourd’hui nous fassions tout ce qu’une personne normalement constituée se doit de vivre au moins une fois dans sa vie et que tu n’as jamais eu l’occasion de découvrir !

- Hein ? S’exclama-t-il, surpris.

- A commencer par se baigner  tout nu dans une rivière ! M’exclamais-je, enchanté par cette idée d’un peu plus de fraîcheur sous cette fournaise.

Sur ces mots, sans lui laisser le temps de réaliser vraiment ce que je venais de dire, je me dévêtis et une fois entièrement nu, je plongeais dans la rivière. L’eau était glacée et vivifiante. Je me sentais vivre alors que je remontais à la surface :

- Allez viens ! M’exclamais-je. Qu’est ce que tu attends ?

- Je ne suis pas sûr que…

M’attendant à une telle réaction, je ne lui laissais pas le temps de finir. Il se tut subitement en me voyant sortir de l’eau. Terriblement gêné par ma nudité, il détourna le regard. Sans prêter attention à sa gêne, je lui attrapais le poignet et en souriant je déclarais :

- Il est grand temps que tu apprennes à t’amuser ! Allez viens !

Sans attendre de réponse, je le mis debout en entrepris de l’entraîner à ma suite, malgré ses protestations.

- Quoi ? M’exclamais-je. Tu ne sais pas nager.

- Bien sur que si ! S’offusqua-t-il.

- Bon alors, où est le problème ?

Et sans lui laisser le temps de répliquer quoi que ce soit, je le poussais vivement. Il ne put retenir un cri de surprise avant d’atterrir dans l’eau tout habillé. Après s’être débattu un moment, Gwendal retrouva son équilibre et se redressa. Repoussant les cheveux de son visage, il me lança un regard stupéfié alors que je ne pouvais m’empêcher d’éclater de rire face à sa mine déconfite.

- Mais tu es fou ! Elle est… Elle est glacée ! S’exclama-t-il comme frigorifié.

- Petite nature ! Souris-je en le rejoignant. Alors, que penses-tu d’être enfin un garçon presque comme les autres ?

- Je ne me sens pas différent, répondit-il, ne comprenant apparemment pas ma question.

- Ah ! Et maintenant ? Lui demandais-je en commençant à l’éclabousser.

- Tu veux jouer ? Demanda-t-il en se protégeant au mieux. Alors jouons !

Sur ces mots, il me sauta dessus. Pris au dépourvu, je coulais comme une pierre. A son tour, il éclata de rire ravissant mes oreilles. Il n’en fallut pas plus pour que s’engage une bataille d’eau des plus animées. Lancé dans la bataille, Gwendal sembla presque oublier ma nudité et la gêne occasionnée. Après une longue bataille qui ne fit aucun vainqueur, je m’approchais de lui, remarquant seulement maintenant son état. Soucieux, je déclarais :

- Tu as les lèvres violettes Gwen. Tu ferais mieux de sortir de l’eau avant d’attraper froid…

Sans lui laisser le temps de répondre, je l’attrapais par le poignet et le guidais hors de l’eau. Là, je fouillais mon sac à la recherche d’une serviette que je posais sur sa tête avant de lui frotter vigoureusement les cheveux, ignorant ses protestations. Il finit cependant par attraper mes poignets, m’obligeant à arrêter ce que j’étais en train de faire.

Surpris, j’ancrais alors mon regard au sien. Ce ne fut qu’à cet instant précis que je le regardais véritablement. Pour la première fois, je réalisais combien Gwendal était un bel homme. Dans son regard, je ne voyais plus quelqu’un d’enfantin, mais bien un jeune homme en train de s’ouvrir au monde. Cet instant dans l’eau… Jamais je n’aurais cru qu’il se lâche ainsi et prenne plaisir à s’amuser. Son rire franc raisonnait encore dans mes oreilles… Je n’aurais sur dire combien de temps nous restâmes ainsi à nous fixer. J’avais l’impression d’entrapercevoir qui il était vraiment pour la première fois.
Au bout d’un moment, Gwen finit par détourner les yeux, me ramenant brusquement à la réalité. Me libérant de sa prise, je repris ma serviette avant de déclarer simplement :

- Tu ferais bien de ne pas garder tes vêtements trempés, tu claques des dents ! Change-toi avant de tomber à nouveau malade !

Puis, sans un mot de plus, réalisant que je venais de ressentir du désir pour lui, je me détournais brusquement de lui et m’éloignais rapidement. Il fallait que je me calme et il ne fallait surtout pas qu’il se rende compte de mon état physique. Lorsque je reportais mon attention sur lui, je vis qu’il s’éloignait, certainement à la recherche d’un coin à l’abri des regards pour se changer.

- Ne t’éloigne pas trop ! Déclarais-je simplement.

Gwendal finit par aller se cacher dernière un arbre. Me séchant à mon tour en réprimant un frisson, je fus bientôt vêtu à nouveau. Je m’assis simplement dans l’herbe, attendant son retour et profitant de la chaleur du soleil. Je ne pus m’empêcher de repenser à ce que je venais juste de ressentir. Jamais je n’aurais pensé ressentir ce genre de chose pour Gwendal.

Mais il était pourtant un homme… Et loin d’être désagréable à regarder. Chassant ces idées de ma tête, je vis Gwen me dépasser avant d’aller s’asseoir au bord de la rivière. Je laissais mon regard naviguer sur sa silhouette. Il semblait si fragile… Je ne voyais en lui qu’un être brimé à qui l’on avait tout interdit. Son passé était-il plus enviable que le mien. Je saisissais mieux sa profondeur…

Je ne tardais pas à aller le rejoindre, m’asseyant à ses côtés. Apaisé par le calme de l’endroit, il ne semblait pas remarquer ma présence et il ne sursauta même pas lorsque je pris la parole. Il n’était pas habituel qu’il reste ainsi silencieux et renfermé.

- Ca va ?

- Mmhmm, répondit-il distraitement.

- A quoi tu pense ? Demandais-je d’une voix qui ne pouvait cacher mon amusement de le voir aussi détendu.

- Oh… Pardon, je rêvais… Je ne pensais à rien de particulier, répondit-il en se tournant vers moi, m’adressant un petit sourire.

Pour toute réponse, je lui rendis simplement son sourire. De nouveau, le silence apaisant nous enveloppe durant de longue minute avant qu’il ne reprenne la parole.

- Hayden ? Souffla-t-il.

- Oui ?

- Merci, murmura-t-il en se tournant vers moi, plongeant son regard dans le mien.

Comme précédemment, je me retrouvais envouté, incapable de répondre quoi que ce soit, lui rendant simplement son sourire, mon regard ancré au sien.

Les même sensations et émotions que j’avais ressentis précédemment revinrent aussitôt. Comme la première fois, Gwendal finit par détourner les yeux, mal à l’aise, les joues rougissantes. J’esquissais un petit rire amusé avant que le silence ne revienne nous envelopper. Nous restâmes encore de longues minutes, immobiles, contemplant l’eau qui scintillait sous les rayons de soleil.

- Et si nous repartions ? Déclarais-je après un temps.

- D’accord, répondit-il en se levant.

Après avoir rangé nos affaires nous nous remîmes en marche.

Durant les 15 jours qui suivirent, nous marchâmes sans nous arrêter, dormant à l’extérieur. Et chaque soir, lorsque nous nous arrêtions, Gwendal semblait plus qu’épuisé. Nous avancions à bon pas et si Gwen faisait de gros progrès il avait toujours du mal à tenir le rythme. Je lui avais acheté une paire de basket, mais cela ne semblait pas encore être tout à fait ça. Alors qu’il traînait la patte, je me tournais vers lui, et m’arrêtait pour l’attendre. 

- Est-ce que tu te sens de marcher encore une petite demi-heure ? Il y a une petite ville pas loin où nous pourrons trouver un hôtel. Tu l’as bien mérité ! Ajoutais-je, en lui adressant un petit sourire.

Sourire auquel il répondit avant de dire :

- Au point où j’en suis, je ne suis plus à ça près…

- Demain tu pourras dormir si tu veux, déclarais-je en reprenant la route alors qu’il arrivait à mon niveau. Je pensais que nous pourrions nous poser un moment pour trouver un travail, qu’en dis-tu ? Cela permettrait que tu te reposes un peu…

- C’est vrai ? Demanda-t-il, plein d’espoir.

- Oui, c’est vrai, souris-je. Tu as été très courageux ces deux dernières semaines… Je ne t’ai presque pas entendu te plaindre…

- Hey ! Pourquoi on dirait que ça t’étonne ? S’offusqua-t-il.

- Disons que tu es quelqu’un d’assez caractériel et que tu m’avais habitué à une autre facette de ta personnalité, répondis-je simplement de plus en plus amusé.

- Mais je peux être tout à fait charmant quand je veux, marmonna-t-il.

- Je vois ça, répondis-je en lui adressant un sourire énigmatique.

Le reste du trajet se déroula dans la bonne humeur. Comme à chaque fois, j’allais réserver une chambre d’hôtel mais je n’avais pas une très bonne nouvelle à lui annoncer alors que je revenais vers lui, affichant une mine contrite.

- Qu’est ce qui se passe ? Me demanda Gwendal, anxieux.

- Ils n’ont plus de chambre double disponible, j’ai du prendre une chambre avec un lit simple…

- Oh, tu sais, soupira-t-il, je suis tellement épuisé que rien de ce que tu diras ne pourra affecter mon enthousiasme de dormir dans un vrai lit… Dit-il en me surprenant. Et c’est pas comme si c’était la première fois que nous partagions le même lit, ajouta-t-il en attrapant son sac.

Je ne pus m’empêcher de lui adresser un regard soulagé et je partis à sa suite, lui indiquant l’étage et le numéro de la chambre. La chambre était modeste mais l’atmosphère qui s’en dégageait était très agréable. Réservant son côté du lit sans me demander mon avis, il retira ses chaussures et s’assis sur le lit. Il soupira de bien être sous mon regard amusé. Alors que je m’occupais de mon propre sac, je vis Gwendal en faire de même. Puis, ayant trouvé ce qu’il cherchait, il partit s’enfermer sous la douche.

Profitant du confort et du calme, je laissais mes vêtements propres sur le lit et m’allongeais. Gwendal faisait nettement changer mes habitudes. Il était rare que j’utilise une chambre d’hôtel aussi souvent. Fermant les yeux, je soupirais de bien être. Gwendal sortit qu’une demi-heure plus tard. Tournant la tête vers lui, je déclarais en souriant :

- Tu n’as pas utilisé toute l’eau chaude j’espère !

- J’aurais du ? Demanda-t-il innocemment en se séchant les cheveux avec sa serviette.

- Essaye, et la prochaine fois, je me douche avec toi !

- Je te garderais de l’eau chaude ! S’empressa-t-il de répondre, les joues rouges.

Il me savait donc capable de le faire… Cela ne me dérangerait surement pas.

Durant la semaine qui suivit, je nous trouvais un petit boulot dans le village voisin, qui consistait à vendre des légumes dans un petit marché. Il n’avait pas été évident de trouver quelque chose qui permette à Gwendal d’avoir la force physique pour le faire. Cependant, je me retenais de lui en faire part, ne voulant pas le vexer.

A ma plus grande surprise, après seulement quelques erreurs, Gwend s’adapta à son travail et s’en sortit plutôt bien. Je le sortis plus d’une fois de quelques ennuis avec de vieilles dames caractérielles mais il se débrouilla la plupart du temps sans moi.

Cela faisait maintenant quinze jours que l’on travaillait sur ce petit marché. Nous avions abandonné l’hôtel au bout de deux jours, car je craignais qu’au bout d’un temps son visage ne soit finalement reconnu. Nous l’avions échappé belle une fois, lorsqu’un matin, une femme d’une trentaine d’années avait failli reconnaître mon compagnon, prétextant avoir vu son visage dans un avis de recherche télévisé.

Après cet incident, j’avais insisté pour qu’il se coupe et teigne les cheveux, chose qu’il avait à mon plus grand désespoir catégoriquement refusée. Par contre, il n’avait pas pu échapper aux lentilles de contact marron pour dissimuler ses yeux vairons trop particuliers. Je ne le lui disais pas mais j’aimais ce regard qu’il avait si particulier lorsqu’il me fixait. Ce petit quelque chose lui donnait toute sa profondeur…

Nous nous étions installés dans une vieille grande. Grace à ma chance, l’homme qui nous employait, un sexagénaire aussi sec que grand, nous avait permis de nous installer là le temps que l’on travaillerait pour lui. Cela nous permis ainsi d’avoir un minimum de confort qui plu à Gwendal. Le soir, nous dormions en général à l’extérieur lorsque le temps nous le permettait. Gwen découvrit le plaisir de contempler les étoiles, ne se lassant jamais de les observer. Le voyant aussi intéressé par la voute céleste, j’en profitais pour lui donner le nom de certains constellations. Ravi, chaque soir, allongés côtes à côtes, Gwendal me demandait de lui apprendre une nouvelle constellation, lui apprenant par la même occasion comment se repérer et trouver son chemin grâce aux étoiles.

J’attendais patiemment Gwen à l’extérieur de la grange, tandis qu’il achevait de se préparer. Ce soir, il y avait une fête au village et nous y avions été conviés. Du coup, après le travail, nous étions revenus à la grange histoire de faire un brin de toilette et nous changer avant de nous y rendre.

Quelle ne fut pas ma surprise de le voir arriver, les cheveux attaché en demi-queue et de beaux vêtements simples mais que je ne l’avais jamais vu porter. Ils semblaient taillés spécialement pour lui, le mettant en valeur. Je ne pus m’empêcher de le dévisager, chaque jour Gwendal m’apparaissait encore plus beau. Il semblait être inaténiable, beauté fragile qui ne faisait pas partit du même monde que moi.

- Quoi ? Me demanda-t-il, mal à l’aise sous mon regard inquisiteur.

- Tu es beau ! Répondis-je simplement en lui souriant tendrement.

Gwendal rougit presque aussitôt, face à la sincérité de ces simples mots.

- Nous y allons ? Demandais-je, lui tendant le bras, ignorant volontairement sa gêne.

Se prenant au jeu, il attrapa mon bras, marchant tout contre moi. S’il ne le faisait pas exprès, Gwendal était sérieusement en train de me charmer. Le trajet se fit en silence, les échos de la fête et les cris des enfants nous parvenant de loin dans la nuit qui tombait. Il nous fallut moins de cinq minutes pour arriver sur la petite place centrale du village. Un immense feu brûlait déjà, les enfants dansant autour en riant, au son d’une musique bruyante.

Le début de la soirée se passa tranquillement, cependant, Gwendal resta un peu dans son coin. Alors que je riais et discutais avec des personnes dont j’avais fait la connaissance un peu après notre arrivée, je pouvais voir Gwendal avoir du mal à lier des relations avec les autres. Me laissant emporter par l’ambiance, je gardais tout de même un regard sur lui. C’est pourquoi je ne tardais pas à remarquer un homme saoul s’asseyant à côté de Gwendal. Sentant mon compagnon mal à l’aise, je finis par écouter la conversation et allais à sa rescousse.

- Moi c’est Thomas ! Mais tu peux m’appeler Tom… Et tu es ? Demanda l’homme à Gwendal sans vouloir le lâcher.

- Pas intéressé ! Répliqua Gwendal, cinglant alors que j’arrivais dans son dos.

- Allez mon mignon ! Minauda le pervers. Sois pas si farouche… Je suis certain que tu es beaucoup plus docile avec ton ami… Susurra-t-il, sa main se posant sur sa cuisse.

Il ne m’en fallut pas plus. Apparaissant brusquement entre Gwendal et son prétendant indésiré, j’attrapais celui-ci par le col et l’éloignais prestement de Gwen, déclarant d’une voix sourde et menaçante :

- Il t’a dit “non”, il me semble ! Alors tu n’insistes pas et tu dégages !

Voyant qu’il allait répliquer quelque chose, je le devançais, perdant patience :

- Dégage je t’ai dis ! A moins que tu ne tiennes vraiment à m’énerver…

Avisant mon regard hostile, il me toisa une dernière fois comme pour me jauger avant de finalement partir sans demander son reste. En venir aux mains ne m’aurait pas dérangé. J’avais l’habitude des gars comme lui et ils ne me faisaient pas peur. Me tournant aussitôt vers Gwendal, je lui demandais, inquiet malgré moi :

- Est ce que ça va ? Il ne t’a pas touché ?

- Ca va ! Merci ! Me rassura-t-il. Dis, Hayden… Reprit-t-il, un instant plus tard, hésitant.

- Tu veux danser avec moi ? Le coupais-je vivement, comme pour ne pas changer d’avis entre temps.

Ne semblant pas s’attendre à une telle demande, il resta muet de surprise l’espace d’un instant. Puis, se reprenant, il m’adressa un sourire radieux, et me tendit la main. Trop heureux de sa réponse positive, je ne pus m’empêcher de l’exprimer par un sourire. Attrapant sa main, je l’aidais à descendre de la table sur laquelle il était assis et avec une courbette élégante, je déposais mes lèvres sur la paume de sa main.

Fier de l’effet produit, je lui souris avant de le guider sur la piste de danse. Mais alors que nous arrivions, la musique changea subitement, et un slow s’éleva dans les airs. Un meilleur timing n’aurait pas pu être plus parfait. Avec une certaine timidité qui me faisait craquer malgré moi, il plaça sa main dans la mienne, tandis que je passais mon autre main au creux de ses hanches. Gêné, Gwendal détourna les yeux, avant de se laisser entraîner par la danse. Jamais nous n’avions partager un moment aussi intime…

- Tu es bien ? Murmurais-je, après un temps indéterminé.

- Oui, souffla-t-il en me regardant dans les yeux. Je suis bien…

Il reporta aussitôt son attention autour de lui. Pour ma part, je ne pouvais détacher mon regard de son visage. Là, éclairé par les flammes, innocent, il était un simple appel à la luxure. Sans trop m’en rendre compte, guidé par l’instant, j’approchais mon visage du sien, comme envouté. Ce fut à ce moment là que Gwendal tourna la tête dans ma direction.

Mes lèvres se posèrent sur les siennes. Surpris, il esquissa un geste pour se reculer. Ouvrant légèrement la bouche, il me donna l’occasion d’aller plus loin. Laissant ma langue se faufiler entre ses lèvres entrouvertes, j’allais à la rechercher de sa jumelle. Ses lèvres étaient si fraîches, si douces, si pures…

Avec toute la tendresse dont j’étais capable, je laissais ma langue rencontrer la sienne, sentant Gwendal se détendre dans mes bras peu à peu. Je laissais ma main se poser au creux de ses reins, et fus pris d’un violent frisson alors que sa langue se mit à répondre à mes caresses délicates et sensuelles.

Grisé par l’instant, j’oubliais qui était entre mes bras, me laissant simplement porter par l’émotion et par ce qu’il provoquait chez moi. La timidité de Gwendal faisait tout son charme. C’était comme emporter un être perdu dans une danse vieille comme le monde. Jamais je n’aurais pensé qu’un baiser échangé avec lui serait si intense et particulier… Ce n’était normalement pas le type d’homme qui finissait dans mon lit…

Ce ne fut que lorsque l’air vint à nous manquer que je consentis à rompre notre échange. M’éloignant de lui, je vis Gwendal ouvrir les yeux. Plongeant son regard dans le mien, je lui souris tendrement, heureux de ce qu’il m’avait offert. Mon vis à vis s’empourpra violemment. A cette vision, mon sourire s’élargit tandis qu’il détournait le regard.

Amusé par son comportement, je ne fis cependant aucun commentaire. Encore envouté par l’instant, j’effleurais doucement, du bout des doigts sa joue avant de remettre une mèche de cheveux derrière son oreille. Gwendal me fit alors de nouveau face et demanda dans un souffle :

- Je… Je voudrais rentrer…

Pour toute réponse, je le pris par la main et en silence, nous quittâmes la place où se déroulait la fête. Alors que le bruit de la musique s’éloignait, aucun de nous ne prononça le moindre mot. Je ne pouvais m’enlever de la tête ce baiser qui venait indéniablement d’éveiller un désir que j’avais jusque là renfloué. Je ne savais même pas vraiment pourquoi je l’avais embrassé, ou ce qui nous avait véritablement amené jusque là. Semblant plonger dans les mêmes questionnements que moi, Gwendal me demanda, brisant le silence apaisant de la nuit :

- Pourquoi est-ce que tu m’as embrassé.

- Je… Commençais-je, pris au dépourvu par cette question. J’en avais envie… Pourquoi ? Repris-je après un court instant. Tu n’as pas aimé ?

A ces mots, Gwendal s’empourpra une fois de plus, ne s’attendant certainement pas à cette question :

- Je… Si, je… Euh…

- Tu veux réessayer ? Proposais-je, amusé et enchanté à l’idée d’une réponse positive, laissant couler regard désireux sur lui. 

- Non ! Répondit-il précipitamment.

Je ne pus m’empêcher de rire.

- Ne t’inquiète pas ! M’exclamais-je entre deux éclats de rire. Je ne le referais pas si tu n’en a pas envie. Je suis désolée de t’avoir volé ce baiser, repris-je en retrouvant enfin mon sérieux. Je sais que je n’aurais peut être pas du, mais…

- Mais ? Répéta-t-il, m’encourageant à poursuivre.

- Je me suis laissé emporter, je crois… Je ne te cacherais pas que je te trouve beau, Gwendal ! Je n’ai pas résisté à l’envie de goûter tes lèvres… Ajoutais-je sincère.

Troublé, Gwendal s’empourpra violement. Sans oser me regarder, les yeux rivés au sol, il finit par déclarer dans un souffle :

- C’était… C’était agréable…

- C’est le but rechercher lorsque tu embrasse quelqu’un, souris-je.

Posant mon regard sur lui, j’ajoutais alors :

- C’était ton premier baiser, n’est-ce pas ? Déclarais-je en une phrase qui sonnait plus comme une affirmation que comme une interrogation.

- Oui, murmura-t-il écarlate. C’était le premier…

Touché d’avoir été son premier baiser, je déclarais tout simplement :

- Alors tu m’en vois ravis ! Et si tu as aimé, alors c’est encore mieux…

Au clin d’oeil entendu que je lui lançais, Gwendal rougit d’avantage. Puis, devinant son malaise, je mis un terme à la conversation et ce fut silence que nous arrivâmes à la grange. Une fois à l’intérieur, j’allumais la petite lampe à huile que notre employeur nous avait prêtée, illuminant la couchette de fortune que nous nous étions fait dans la paille d’une faible lueur.

Alors que je mettais rapidement de l’ordre dans mes affaires et installait mieux le lit, Gwendal alla se changer derrière le paravent improviser. Notre lit de fortune consistait en un duvet qui faisait office de matelas sur la paille, et un autre servait de couverture. Alors que Gwendal allait se coucher, je ne pris pas la peine d’aller me cacher.

Loin d’être pudique, je me changeais devant lui. Je ne tardais pas à aller le rejoindre. Alors qu’il me tournait le dos, je ne résistais pas et tentais le diable. Je vins me coller tout contre lui, le prenant dans mes bras, mon corps épousant parfaitement ses formes. A ma plus grande surprise, Gwendal ne chercha pas à se défaire allant même jusqu’à pousser un soupir de contentement. Ne pouvant me contrôler, je raffermis mon étreinte autour de lui, collant d’avantage nos deux corps. Peut-être n’aurais-je pas du…

Le souvenir du baiser me revint en mémoire, et mon corps ne tarda pas à donner une réponse physique face à cette proximité. Restant ainsi enlacés, je priais pour qu’il ne le remarque pas. Mais ce ne fut malheureusement pas le cas. Bientôt, se tortillant, Gwendal souffla :

- Hayden, tu as quelque chose dans la poche qui me gêne…

- Arrête de bouger ! Grondais-je d’une voix rauque et incontrôlable, alors qu’il m’excitait encore plus.

- Mais… Protesta-t-il.

- Ce n’est pas ma poche ! M’exclamais-je d’une voix sourde. Maintenant, arrête de bouger.

Heureusement, il ne tarda pas à comprendre et cessa de se déhancher. Pourquoi cette réaction arrivait maintenant ? J’avais pourtant dormi plus d’une fois collé contre lui. Etait-ce à cause du baiser ? Etais-ce car depuis peu, je commençais à le voir différemment ? Il m’était maintenant impossible de nier que je le désirais. Mon corps parlait pour moi.

- Hayden… Appela-t-il doucement.

- Dors, Gwen, soupirais-je en me collant plus fermement contre lui. Ca va passer…

Heureusement, il n’insista pas, et alors que je le sentais s’endormir, je parvins peu à peu à me calmer et à penser à autre chose. Fermant les yeux, je ne tardais pas à m’endormir à mon tour, soucieux de la nouvelle direction que prenait notre relation.

Comme à notre habitude, je me réveillais toujours à l’aube, bien avant Gwendal. Mais quelle ne fut pas ma surprise de voir William, notre employeur devant la porte de la grange.

- Hayden, s’exclama-t-il. Il faut que vous partiez. Magaret vient d’appeler la police, elle a reconnu Gwendal.

- Je… Merci William. Dis-je abasourdi. Tu savais qui il était ? Ajoutais-je, encore plus surpris.

- Il suffit de regarder un tant soit peu la télévision Hayden.

- Alors pourquoi n’as tu pas…

- Pourquoi je n’ai pas prévenu la police, me coupa-t-il. Parce que tout cela ne me regarde pas. Je dois y aller, Hayden.

Il me tendis une enveloppe avant d’ajouter :

- J’ai été heureux de faire ta connaissance. N’hésite pas à revenir quand tu veux, il y aura toujours du travail pour vous.

- Je… Merci William, dis-je sincèrement.

Sans un mot de plus, William me tourna le dos et partit. Sans perdre un instant, je rangeais et rassemblais toute nos affaires. Heureusement, j’avais toujours tenu le tout bien ordonné. Une fois fait, je courus jusqu’à Gwendal et le secouais violemment pour le réveiller.

- Gwen ! Réveille-toi ! Dépêche-toi, nous devons partir !

Ouvrant les yeux avec difficulté alors que j’étais penché au dessus de lui, il marmonna en étouffant un bâillement :

- Hmm…

- Allez, lève-toi, Gwen, nous devons partir…

- Partir ? Répéta-t-il, surpris, la voix enrouée par le sommeil.

- William vient de repartir… Selon lui, Margaret t’aurai reconnu… Elle a appelé la police…

- Oh non, souffla-t-il, soudain effrayé. Je… Je ne veux pas y retourner Hayden…

- Je sais, déclarais-je en lui souriant. Allez, habille-toi, on s’en va ! J’ai déjà rassemblé toutes nos affaires.

D’un bond, il se redressa et attrapant, les affaires que je lui tendais, il courut se changer. Pour ma part, j’allais plierais les duvets. Cinq minutes plus tard, il était prêt. Vérifiant que nous n’avions rien oublié et que nous avions effacé toutes traces de notre passage, nous finîmes par partir. L’instant d’après, nous étions en route, coupant à travers la forêt. Au bout de cinq minutes de silence, Gwendal se tourna vers moi et comme gêné, il me dit :

- Je… Je suis désolé, Hayden…

- Désolé ? Répétais-je, surpris. Mais de quoi ?

- Je… C’est à cause de moi que nous sommes obligés de partir précipitamment… Et je… Je n’ai même pas eu le temps de dire au revoir à William.

- Ne t’en fais pas pour ça, Gwen, tentais-je de le rassurer en posant une main sur son épaule. Si ça peut te rassurer, je commençais à me languir de reprendre la route… Quant à William, ne t’inquiète pas, tu le reverras…

- Je l’espère… Murmura-t-il, avant de s’enfermer à nouveau dans le silence.

C’est ainsi que nous reprîmes la route, le coeur étrangement lourd, et pourtant j’étais plus qu’heureux d’enfin reprendre mon chemin. Je n’étais pas fait pour une vie de sédentaire. Un sourire qui rendait Gwendal étonnamment beau à mes yeux étira ses lèvres avant qu’il ne m’emboite le pas. Nous prenions des risques à rester dans cette région. Je craignais même que nous soyons en danger dans tout le pays… Nous serions certains plus tranquille en France, mais l’idée de retourner dans ce pays me glaça à l’intérieur. Je préférais mille fois une vie de fuite que de retourner là bas. Non, jamais je ne remettrais les pieds en France.

Durant la semaine qui suivit, nous nous éloignâmes comme si nous fuyons la peste. Si Gwendal avait jusqu’à maintenant des difficultés à suivre mon rythme, il semblait dès à présent habité par la crainte et l’envie d’aller toujours plus loin. Voilà plusieurs jours qu’il restait souvent songeur, et étonnamment silencieux. Ne tenant plus face à la pesanteur qu’il faisait régnait, j’allais le rejoindre alors qu’il était assis contre un arbre avec l’un de mes livres. Quand il avait réalisé que j’en transportais dans mon sac, il m’avait aussitôt demandé l’autorisation de m’en emprunter un. Il m’adressa un petit sourire lorsque j’allais le rejoindre avant de se replonger dans sa lecture. Je m’assis à côté de lui, l’arbre étant assez large pour nous servir de dossier à tous les deux. Poussant un soupir de bien être, je réfléchissais à comment aborder le sujet avec lui.

Posant mon regard sur lui, je vis qu’il ne lisait pas vraiment. Ses yeux étaient posés sur les mots mais il semblait perdu dans le vide. Finalement, je décidais d’être franc avec lui et je lui demandais alors :

- Qu’est ce qui ne va pas Gwen ?

- Hein ? Sursauta-t-il presque comme si je le sortais de ses pensées.

- Qu’est ce qui ne va pas ? Insistais-je, en répétant la même question.

- Rien, je vais très bien, répondit-il en détournant le regard.

- Arrête, on ne me la fait pas… Pas à moi. Qu’est ce qui te tracasse ? Tu peux peut-être m’en parler…

Se tournant vers moi, il me regarda droit dans les yeux un bref instant, comme s’il cherchait à discerner si je me moquais de lui ou non. Il me regarda d’une manière si étrange que j’en fus mal à l’aise. Fermant son livre, il soupira et posa sa tête sur le tronc avant d’enfin se décider à répondre.

- Je suis en train de prendre goût à cette vie… Murmura-t-il.

- Alors pourquoi ça ne va pas ? M’inquiétais-je.

- Parce que j’ai peur que ça ne dure pas…

- Pourquoi cela s’arrêterais ? Demandais-je en tentant de lui sourire.

- Mon père ne baissera pas les bras Hayden… Nous serons toujours en fuite jusqu’à ce qu’il réussisse à me rattraper.

Ne supportant de le voir vivre dans la peur, je l’attrapais délicatement par le menton pour l’obliger à me regarder. Ce ne fut qu’une fois que j’eus toute son attention que je déclarais le plus sérieux et le plus sincère du monde :

- Ton père ne te possède pas Gwen. Tu es libre de choisir ta vie. Quoi qu’il arrive, quelque soit le choix que tu fais je serais là pour t’aider et te protéger. Ajoutais-je alors que ce dernier mot sonnait étrangement à mes oreilles. Je te le promets !

Aussitôt Gwendal se mit à rougir. Le regard fuyant, il murmura un “merci”. Mais je ne lâchais pas pour autant la prise que j’avais sur lui. Comme envouté par son visage, je ne pouvais le quitter des yeux. Jamais je ne m’étais senti aussi protecteur envers quelqu’un. Jamais je n’aurais pensé m’investir autant dans une relation humaine. Sans trop savoir ce qui me prenait, je m’approchais lentement de lui, jusqu’à être à quelques millimètre de ses lèvres. J’avais encore en mémoire leur goût sucré et la timidité de notre échange. Ce fut à cet instant que Gwendal sembla reprendre ses esprits et se dégagea de mon emprise en détournant la tête, gêné.

- Pardon, soupirais-je. Je n’aurais pas du.

Gwen se tourna vers moi et me sourit timidement comme pour m’excuser. La seconde d’après, il se leva, comme pour cacher un trouble qu’il ne désirait pas me montrer.

- Où va-t-on ce soir ? A l’hôtel ? Me demanda-t-il plein d’espoir, changeant volontairement de sujet de discussion.

- Non, dis-je avec un sourire. J’ai une connaissance à quelques heures de marches d’ici. On devrait y être ce soir. Il nous hébergera contre quelques jours de travail pour lui.

- Ah… Répondit Gwendal, peu enchanté à cette idée.

- Et si ça devait arriver, ajoutais-je malicieux, je serais discret promis… Finis-je en riant.

Cela ne fit pas rire Gwendal. Il s’éloigna de moi sans un regard, et retourna prendre son sac. Après avoir rassemblé ses affaires, ce fut en silence que nous reprîmes la route.

Comme je l’avais prédit, nous arrivâmes en fin de journée dans une immense ferme. Thomas y vivait depuis tout petit. Il avait repris l’affaire familiale et vivait comme un vieux loup solitaire. Nous n’avions pas beaucoup en commun mais il était une personne agréable à vivre. Je n’y restais jamais plus de quelques jours. Traversant sa grande propriété, je pouvais voir que Gwendal était à la traîne, ne semblant pas avoir la moindre envie d’y aller. Ignorant sa démotivation, je poursuivis mon chemin et l’attendis à la porte de Thomas. Une fois qu’il fut à côté de moi, il poussa un soupir alors que je frappais à la porte. Celle-ci ne mit pas beaucoup de temps à s’ouvrir et un gros chien en bondit et pris comme cible Gwen qui se colla aussitôt à moi.

- Hayden ! S’exclama Thomas. Quelle bonne surprise ! Tu tombes à pic. Mes moutons se sont échappés et si tu pouvais me donner un coup de main, ça me simplifierait les choses.

Brusquement, il s’arrêta et remarqua la présence de Gwendal, toujours accroché à moi craignant le chien. Il le regarda un instant en se taisant les sourcils froncés.

- Tiens, c’est bien la première fois que tu viens accompagné. A qui ai-je l’honneur demanda-t-il en attrapant son chien par le collier.

- Je m’appelle Gwendal, dit-il en s’écartant de moi.

- Moi c’est Thomas, dit-il avec un sourire. Bon, on ne serra pas trop de trois, allons-y.

Puis, sans plus de manières, il sortit et nous partîmes à sa suite.

Après une longue course pour ramener tous les moutons dans leur enclos, Thomas nous proposa d’aller boire une limonade pendant qu’il nous préparerait quelque chose à manger. Transpirant et fatigués, nous acceptâmes avec plaisir. Assis sur sa terrasse, nous sirotâmes avec plaisir cette boisson. Thomas ne tarda pas à nous rejoindre. Il s’assit à côté de moi en tirant sa chaise.

- Combien de temps comptez-vous rester ? Me demanda Thomas en posant un regard étrange sur Gwen.

- Quelques jours, si ça ne te dérange pas.

- Bien sur que non ! Vous tombez à pique, j’ai une montage de chose à faire et un employé qui m’a fait faux bond.

- Marché conclut ! Répondis-je alors avec un sourire.

Le reste de la soirée se déroula tranquillement. Après une bonne douche, nous mangeâmes un repas copieux avant de finir avec le dessert dans le salon. Gwendal ne décrocha presque pas un mot, et lorsqu’il eut terminé de manger, il s’excuse et partit se coucher. Ce ne fut que lorsqu’il fut partit que Thomas vint s’asseoir sur le canapé, particulièrement près de moi.

- Tu m’as manqué, souffla-t-il, d’une voix rauque, laissant glisser sa main sur ma cuisse.

Malheureusement, je n’étais pas d’humeur ce soir et surtout bien trop fatigué. Et surtout, Gwendal m’inquiétait. J’aurais finalement préféré le suivre et discuter un peu avec lui. Même si je savais maintenant ce qui le rongeait depuis plusieurs jours, je savais que ses craintes n’avaient toujours pas disparues.

Repoussant gentiment sa main, je lui dis avec un sourire qui se voulait détendu :

- Pas ce soir Thomas, je suis fatigué.

- Et moi, j’ai envie de toi, insista-t-il en reposant sa main sur ma cuisse de manière plus franche et plus osée.

Le repoussant plus fermement, je répondis froidement :

- Pas ce soir !

Souriant, Thomas se redressa et me dit d’un air malsain :

- Voyons Hayden, tu ne souhaiterais pas que j’appelle les flics pour qu’il passe chercher ton petit copain.

Je restais interdit d’effroi. Que venait-il de dire ?

- Qu’est ce qui t’arrive ? Lui demandais-je, choqué.

- Tu m’as très bien compris, répliqua-t-il.

- Je ne te reconnais plus Thomas ! M’exclamais-je en le levant.

Nous ne pouvions rester une seconde de plus ici. Il fallait que nous partions. Alors que je réfléchissais à comment aller chercher Gwen, rassembler nos affaires et s’enfuir, Thomas se leva, me  faisant face et répliqua, son petit sourire pervers toujours accroché au visage :

- Je peux aller voir Gwendal si tu veux, il sera sans doute plus docile que toi…

Il ne m’en fallut pas plus. Mon poing partit tout seul. Mais Thomas fut plus rapide que moi et saisit mon poignet au vol. Face à sa poigne, je réalisais que je n’avais aucune chance contre lui. Il était bien plus musclé que moi et me dépassais d’une tête. Comment diable avais-je pu me mettre dans un tel guêpier.

- Laisse Gwendal en dehors de ça ! Criais-je en tentant de libérer ma main.

- Ce n’est pas moi qui ait changé, répliqua-t-il en me serrant d’avantage et en se collant à moi. C’est toi qui a changé Hayden… Depuis quand ouvrir tes cuisses est un problème, je ne te demande pas grand chose pourtant…

Profitant d’un court instant d’inattention de sa part, je parvins à me défaire de sa prise. Tentant de fuir, je fus brusquement arrêté par Thomas, se dressant devant moi avec un couteau. Ce fameux couteau offert par son père qu’il ne quittait jamais. Ce n’était qu’à cet instant que je réalisais combien Thomas était dangereux. Le regard qu’il posait sur moi me rendait malade.

- Tu pourrais rendre tout beaucoup plus simple, me dit-il. Je n’appelle pas les flics et on prend du bon temps… Ajouta-t-il menaçant.

Comprenant qu’il était capable de tout, je choisis la docilité, loin de moi l’envie de vivre une telle expérience sous la violence. Résigné, je m’agenouillais devant lui. Je n’avais pas le choix.

Si cet acte ne m’avait jamais répugné, ce fut la première fois de ma vie qu’offrir une fellation me noua les entrailles. Je ne pleurais pas, je n’arrivais pas à définir ce que je ressentais en particulier. J’aurais voulu être sourd pour ne pas entendre ses gémissements graves, j’aurais voulu l’espace d’un instant être privé de chacun de mes sens. Je faisais ce que je m’étais toujours refusé, je me vendais.

Je ne pris aucun plaisir à sentir ses mains me rapprocher plus près de son sexe lorsque la jouissance vint bien trop lentement. Un haut le coeur me saisit alors qu’il se libérait dans ma bouche en poussant un râle. Pourtant, lorsqu’il me demanda de me déshabiller et de m’installer sur le canapé, je sentis mon coeur se mettre à battre dangereusement vite, comme un sursaut de vitalité. C’était ma liberté qu’il était en train de bafouer, c’était la seule chose que je possédais qu’il était en train de me voler. Je me mis à penser très vite. Sans trop réalisé ce que j’étais en train de faire, je déboutonnais mon jean alors que j’avançais vers le canapé.

Là, posée sur la table, une statuette en pierre. Me ruant brusquement dessus, je me retournais vers Thomas. N’ayant rien vu venir, le pantalon toujours baissé à mi-cheville, il n’eut pas le temps de réagir alors que la statuette frappait lourdement son crâne. Il tomba aussitôt, inconscient à mes pieds. Je ne voulais pas perdre de temps, je n’en avais pas le luxe et pourtant, à peine eus-je fais trois pas, que je me retrouvais plié en deux par terre rendant le contenu de mon estomac.

Tentant de calmer les crampes qui me saisissait, ne me fis violence pour me relever. D’un pas hagard, je marchais jusqu’à la salle de bain, tentant d’effacer toute trace et tout souvenir de cet instant. Ayant retrouvé assez de forces, je me ruais dans la chambre où devait être Gwendal. Je le trouvais endormis, recroquevillé dans le lit. Sans perdre un instant, je le secouais peut être un peu trop brusquement.

- Gwen, réveille-toi, nous devons partir !

Gwen sursauta avant de se redresser.

- Qu’est ce qui se passe, demanda-t-il d’une voix ensommeillée.

- Il faut qu’on parte, maintenant.

- Pourquoi ? Quelle heure est-il ? Demanda-t-il.

- Ne pose pas de question, habille-toi, et dépêche-toi. Nous ne sommes plus en sécurité ici.

Face à mon air grave et empressé, Gwendal fronça les sourcils et finit par me prendre au sérieux. En un temps record, alors que je surveillais à la porte, il fut prêt. Attrapant nos deux sac, je l’entraînais dans une course folle jusqu’à l’extérieur de la ferme. Là encore, je continuais à courir, le tenant toujours fermement par la main.

Ce fut à peine si j’entendis Gwendal protester, le forçant toujours à continuer notre course. A bout de souffle, je finis par nous autoriser une marche rapide, sans pour autant lâcher Gwen. Brusquement, je quittais la route et m’enfonçais dans la forêt. Ce ne fut qu’après un temps indéterminé, que je consentis enfin à ce que nous nous arrêtions. Lâchant nos sacs qui tombèrent sur le sol, je me précipitais vers Gwendal et le serrait dans mes bras, comme pour m’assurer qu’il allait bien.

Il en avait fallut de peu pour que tout vire à la catastrophe. Et pourtant, j’avais commis l’irréparable. La phrase que Gwendal m’avait lancé des semaines plus tôt me revint en mémoire. Non, je ne valais pas mieux que ma mère. Je repoussais Gwendal, comme si son contact me brûlait. J’étais perdu. Ce fut à cet instant que Gwendal éclata :

- Non mais je peux savoir ce qui te prend ? Pourquoi est-ce que l’on s’enfuit comme des voleurs au milieu de la nuit ? Qu’est ce qui s’est passé ? S’exclama-t-il, criant presque. Tu m’as fait une peur bleue !!
M’adossant contre un arbre, je me laissais tomber, me retrouvant assis sur le sol. Mon coeur ne parvenait pas à se calmer. Je ne réalisais pas encore tout ce qui venait de se passer. Face à mon silence, je sentis poindre de l’inquiétude dans la voix de Gwendal qui s’agenouilla près de moi et me demanda :

- Qu’est ce qui s’est passé Hayden ?

Une boule vint nouer ma gorge, aucun son ne sortait, aucune larme ne venait.

-  Hayden… M’appela Gwendal en posant sa main sur mon bras. Qu’est ce qui s’est passé chez Thomas. Tu es pâle, est-ce que ça va ?

- Je l’ai tellement haïs Gwen… Lâchais-je alors que je sentais les larmes proches, mais je les ravalais presque aussitôt.

- Qui ? Me demanda-t-il de plus en plus perdu.

- Je lui en ai toujours voulu de m’avoir mis au monde… Continuais-je sans répondre directement à question.

Me prenant la tête entre les mains, j’ajoutais :

- J’ai l’impression de ne pas avoir ma place ici… Je ne suis qu’un accident indésiré avec l’un de ses clients… Et finalement, je lui ressemble… Je suis même pire…  Dis-je perdu dans un mélange de pensées diverses et décousues.

- De quoi est- ce que tu parles, finit par me demander Gwendal. Pourquoi est-ce que tu me dis tout ça ? Quel est le rapport avec le fait que l’on parte de chez Thomas au milieu de la nuit ?

Me refusant à lui avouer ce qui c’était passé, n’arrivant pas encore à mettre un mot dessus, je gémis, comme une plainte à peine audible :

- J’ai fait pire que ma mère, j’ai fait prire que de la prostitution…

Redressant la tête, je croisais le regard plus qu’inquiet de Gwendal. J’avais besoin d’être seul. Je devais me ressaisir. Echappant à sa main posée sur mon bras, je lui dis, la voix dénuée de toute émotion :

- Je vais marcher un peu, je te laisse t’installer ici… Je… Je reviens… J’ai besoin d’être seul.

Alors que je me détournais de lui, j’entamais ma marche, les jambes tremblantes. Avais-je seulement la force de faire un pas de plus… Je sentis alors une main se poser sur mon épaule, me forçant à me retourner. Ce ne fut qu’une fois que je lui fis face que Gwendal me demanda :

- Je te le demande une dernière fois Hayden, qu’est ce qui s’est passé chez Thomas, c’est quelque chose qu’il t’a dit sur ta mère ?

-  N’insiste pas Gwen, soufflais-je.

- J’ai le droit de savoir ! Déclara-t-il déterminé. Je veux t’aider…

- Je…  Commençais-je.

Je ne su jamais ce qui me fit céder, ce qui me fit me confier alors à lui. Peut-être était-ce face à la sincérité de son regard, à quelque chose qui s’en dégageait. Ou alors, était-ce du à la chaleur bienfaisante de sa main posée sur mon épaule que je ne vivais pas comme une agression.

- Thomas savait qui tu es Gwendal. Il a voulu te dénoncer. Dis-je avant de me taire à nouveau.

- Ce n’est pas ça qui te met dans cet état. Qu’est ce qui s’est passé ?

- Il a menacé de s’en prendre à toi et…

Ma voix s’arrêta un instant. Je ne pouvais pas le lui dire. Même si mon silence me trahissait, je finis par dire simplement :

- Je l’ai assommé, et nous nous sommes enfuis.

Gwen me fixa avec un regard peiné, comme s’il avait compris ce que je n’avais pu dire par des mots. Par égard pour moi, cependant, il n’insista plus. Sans que je ne comprenne son geste, il m’attira à lui avec douceur. La tête posée sur son épaule, je pouvais sentir sa main passer lentement dans mon dos. Face à tant de tendresse de sa part, ce fut trop pour moi. Je m’effondrais en larmes comme je m’étais refusé de le faire depuis mes 16 ans.

Thomas ne fut pas l’unique raison. Je repensais à Linda, à ce que j’étais devenu et ce que j’avais été. A aucun moment, Gwendal ne me repoussa. Au contraire, il raffermit son étreinte autour de moi et me consola sans un seul mot, comme s’il n’était pas possible d’en prononcer un seul. Je ne sus combien de temps je restais à pleurer silencieusement dans ses bras, là, au milieu de nulle part, dans une forêt, éclairé par les rayons de la pleine lune.

Pour la première fois depuis que nous voyagions ensemble, ce fut Gwendal qui prépara notre lit. Aucun mot ne fut échangé et ce fut réfugié au creux de ses bras que le sommeil finit par me délivrer.

Lorsque je me réveillais le lendemain matin, j’espérais que tout avait été un simple cauchemar. Pourtant l’étreinte de Gwendal me prouvait le contraire. Comme s’il avait sentit mon éveil, il me serra encore plus prêt de lui. Répondant à son étreinte, je le serais à mon tour dans mes bras. Sans lui, sans sa présence à mes côtés, j’aurais certainement perdu l’esprit cette nuit là.

- Je suis désolé, l’entendis-je alors, murmurer. Tout est de ma faute.

Ne pouvant le laisser penser cela, je m’écartais à contre-coeur de sa chaleur et le regardais droit dans les yeux :

- Jamais, tu m’entends ! Ne pense jamais que ce qui est arrivé hier était de ta faute.

- Bien sur que si rétorqua-t-il, les larmes aux yeux. Si je n’avais pas choisis de venir avec toi, jamais rien de tout cela ne serait arrivé. C’est moi qui t’ai mis dans cette situation. Je te mets en danger… Je pense qu’il vaut mieux que je rentre chez moi Hayden… Ajouta-t-il en détournant le regard.

Ne supportant pas ses larmes, je le serrais aussitôt contre moi, comme par peur qu’il ne m’échappe.

- Tu restes avec moi Gwendal, tu ne repartiras pas là-bas. Je t’en es fait la promesse.

- Ta promesse te coûte trop cher, répliqua Gwendal, sans pour autant tenter de s’échapper de mon étreinte. Tu en a déjà assez fait pour moi. Je ne peux pas t’en demander plus.

M’écartant de lui, je me redressais et le regardais droit dans les yeux, mon visage à quelques centimètres du sien.

- Ce qui est arrivé n’est pas de ta faute, mais uniquement de la mienne. Je ne me méfie pas assez des gens Gwen. Et puis c’est trop tard. Nous avons fait notre choix en connaissance de cause. On savait que nous serions en fuite et que ton père ne te laisserait pas en paix. Ce qui vient de se passé est un accident. Ne rend pas cet accident comme étant la cause de ton départ où alors, tout ce que nous avons fait jusqu’à maintenant n’aura servi à rien. Je veux que tu restes à mes côtés, que tu t’épanouisses. Que tu découvres tous les bons côtés de la vie que je mène. Je veux que tu découvres la liberté Gwen… Tu as encore tellement à découvrir… Et lorsque ce sera fait… A ce moment seulement, alors, tu pourras envisager à nouveau la question de rentrer chez toi.

- Mais je ne veux pas rentrer chez moi, gémit-il. Hayden, je me sens tellement coupable de…

Il n’eut pas le temps d’en dire davantage. Pour lui faire cesser de dire une imbécilité de plus, je recouvris ses lèvres d’un baiser.

Ses lèvres étaient d’une fraicheur que j’avais rarement connue. Délicatement, pour ne surtout pas le brusquer, je laissais glisser ma langue sur celles-ci, y goûtant avec délectation.  Une de mes mains passa derrière sa nuque pour l’approcher d’avantage, tandis que l’autre passait lentement dans son dos, sans jamais se faire insistante.

Timidement, Gwendal finit par entrouvrir les lèvres, m’autorisant à approfondir notre échange. Sans me précipiter, j’allais avec un désir non fin, rejoindre sa jumelle. Le contact de nos langues fut électrique. Un violent frisson irradia ma colonne vertébrale alors qu’il répondait timidement à l’échange dont j’étais au commande.

Jamais je n’avais connu un baiser aussi pur et innocent. Sa langue finit par caresser la mienne avec douceur. Je fis preuve d’une patience d’or, sans jamais chercher à le forcer. Son odeur m’enivrait, je ne désirais jamais plus, juste un baiser de sa part… Je sentis ses mains se serrer dans mon dos, comme s’il y prenait lui aussi du plaisir.

Nous nous séparâmes à contre coeur, lorsque l’air vint à manquer. Pantelant, le souffle court, l’image que me renvoya Gwen, les lèvres rougies par le baiser et les joues rouges avait tout d’une invitation à la luxure. Mais je n’allais pas plus loin. Passant lentement une main sur son visage, je remis une de ses mèches en place. Allongé côte à côtes, nous restâmes silencieux un moment… J’effaçais volontairement de ma mémoire, les souvenirs de la veille, les remplaçant par cet échange et la nuit passée dans ses bras.

D’un commun accord, nous décidâmes qu’il était temps de se lever. Après un petit déjeuner frugal partagé dans le silence, nous fîmes nos sacs et reprîmes la route. Nous allions définitivement quitter la région. Plus nous serrions loin et plus facilement nous trouverions la paix. J’envisageais même de prendre un bus ou un train pour nous éloigner plus vite.

Alors que nous marchions depuis une petite heure, Gwendal restant à ma hauteur, je l’entendis me dire d’une petite voix hésitante :

- Hayden…

- Hn ? Dis-je en tournant la tête vers lui.

- Même si je t’ai promis de ne plus te questionner sur ton passé… Je… Je voulais que tu saches que je suis toujours là pour t’écouter. Et… Si tu veux un jour me raconter, je ne te jugerais jamais.

Je ne pus m’empêcher de sourire, touché plus que je ne l’aurais cru. L’attirant brusquement à moi en passant mon bras autour de son cou, je répondis :

- Je suis content de t’avoir comme compagnon de voyage Gwen !

Puis dans un rire qui contrastait avec mes paroles, j’ajoutais :

- Si tu me connaissais vraiment Gwen, tu serais déjà en train de courir chez ton père.

- Je suis sur que tu n’es pas aussi horrible que tu penses l’être. Tu es quelqu’un de bien !

Je ne pus m’empêcher de lui sourire, plus touché que je ne l’aurais pensé par ses paroles. Le libérant de mon étreinte, je le laissais libre et nous reprîmes la route sur un ton plus léger. Je me rendis rapidement compte de l’état de fatigue dans lequel était Gwen. Il avait beau tenté de tenir mon rythme, ses pauses incessantes et ses cernes parlaient pour lui. Ne pouvant lui imposer ce rythme plus longtemps je lui proposais de s’arrêter dans un refuge abandonné pour passer les prochaines nuits et se reposer. L’idée de me couper un peu du monde après ce que nous avions vécu m’enchantait plus que je ne voulais le laisser paraître. Gwendal fut enchanté par l’idée et accéléra le pas.

Il faisait nuit lorsque nous arrivâmes au refuge. Comment je l’avais pensé, il était tellement isolé que tout le monde avait oublié jusqu’à son existence. Installé près d’une rivière en sous bois, nous serions tranquille ici.

Je proposais à Gwendal de faire un feu au vu de la fraîcheur de la nuit et de dormir dehors pour regarder les étoiles. Il accepta avec plaisir. Il installa le lit et je ne fis aucun commentaire en le voyant en préparer un seul pour nous accueillir tous les deux et non deux séparés. Pour ma part, j’allais ramasser assez de bois pour nous tenir chaud une partie de la nuit et préparais à manger après avoir allumé le feu. Après s’être rempli le ventre d’un bon repas chaud, nous nous installâmes tout près du feu le plus confortablement possible.

Si Gwendal avait préparé un lit unique, il ne vint cependant pas de lui même contre moi, gardant une distance respectable. Ce fut moi-même qui me surpris. A la recherche d’un contact, je passais mon bras autour de son corps frêle et l’attirais tout contre moi. Gwendal resta tendu mais ne me repoussa pas. Et lorsqu’il fut enfin détendu, il s’installa confortablement, la tête posée sur mon bras pour admirer la voûte céleste.

Après avoir repéré celles qu’ils connaissaient déjà, il me demanda de lui en apprendre une nouvelle, chose que je fis avec plaisir. Peu à peu, le silence vient s’installer entre nous. Me redressant, m’attirant un gémissement de mécontentement, j’alimentais le feu qui commençait à mourir avant de reprendre ma place près de lui.

- Gwen, finis-je par demander en brisant le silence.

- Hn ? Répondit-il faiblement.

- Qu’est ce que tu aimerais faire ?

- Comment ça ? Me demanda-t-il, sans cacher son incompréhension.

- C’est toujours moi qui choisi ou l’on va et ce qu’on fait, mais j’aimerais savoir ce que toi tu veux faire ou bien où tu veux aller.

- Je… J’aurais bien aimé aller en France, se risqua-t-il, hésitant.

Me tendant presque aussitôt, ma réaction ne passa pas inaperçue. Gwendal ajouta alors :

- Mais je sais que c’est loin d’être une destination rêvée pour toi alors, pourquoi pas l’Ecosse ?

- Va pour l’Ecosse, répondis-je soulagé, éludant le sujet que nous avions failli aborder.

Le silence revint à nouveau jusqu’à ce que Gwendal, à nouveau titillé par les questions à mon sujet, me demanda :

- Est ce que j’ai le droit de te poser une question ?  Une seule…

- Vas-y soupirais-je. Mais je ne te promets pas de te répondre.

- Tu n’as jamais cherché à savoir qui était ton père ?

Je ne pus m’empêcher de rire face à sa question, avant de répondre :

- Gwen, ma mère était une prostituée. Elle couchait avec des tas de mecs chaque soir alors partir à la recherche de mon père, c’est une mission impossible. Et puis, même si j’en avais la possibilité, je ne voudrais pas savoir.

- Pourquoi ? Répliqua-t-il aussitôt. Tu n’es pas curieux ? Ca ne te manque pas de ne pas avoir de père ?

- Je ne sais pas ce que c’est, alors comment ça pourrait me manquer. Gwen, je crois qu’il vaut mieux que tu considères que je n’ai pas eu de parents. Ma mère ne s’est jamais occupée de moi et la plupart du temps les rôles étaient inversés…

- Comment ça ? Demanda-t-il aussitôt.

- J’étais d’accord pour répondre à une question Gwen, pas dix. Pourquoi tu es aussi intéressé par le fait de connaître mon passé ? Dis-je en m’étonnant de la patience dont je faisais preuve avec lui.

Plus d’une personne s’était attiré mes foudres pour m’avoir demandé moins que ça. D’ailleurs, Gwendal semblait être la seule personne qui en savait autant sur moi.

- Chercher à se connaître, c’est ce que font les gens normaux, répliqua-t-il.

- Nous ne sommes pas normaux, dis-je en riant.

- Qu’est ce que tu sous-entends par là ? Demanda-t-il perdu.

- Un fils de prostituée et un garçon de noble famille qui parcourent les routes ensemble, Gwen, c’est pas vraiment commun. Lui expliquais-je.

Gwendal ne répondit pas tout de suite et alors que je pensais que c’était la fin de la discussion. Mais j’eus tort. La petite voix de mon compagnon résonna à nouveau :

- Je suis sur que ta mère était plus qu’une prostituée, tu as l’air de tout le temps la dénigrée. Elle n’a juste jamais su te montrer qu’elle t’aimait.

- Elle ne m’aimait pas Gwendal ! Une droguée n’aime personne… Juste la drogue.

Sentant ma gorge se nouer et de sombres souvenirs me revenir en tête, je me tendis sans pouvoir me contrôler alors que je rajoutais :

- Maintenant j’aimerais vraiment qu’on change de sujet, d’accord ?

- Désolé, murmura-t-il, gêné et il me sembla, presque peiné.

Sans que je ne comprenne pourquoi, étonné de sa réaction; Gwendal se tourna vers moi, et passa son bras fin sur mon torse avant de poser sa tête sur mon épaule. Touché par son geste, je l’entourais de mon bras, passant lentement ma main sur son dos.

- Bonne nuit, murmurais-je.

- Bonne nuit, Hayden, souffla-t-il.

S’il trouva le sommeil peu de temps après, ce ne fut pas mon cas. Je fus saisi de l’angoisse des rêves que je pouvais faire. Mal à l’aise, j’aurais voulu me lever et aller marcher seul dans la forêt, pour me changer les idées, mais la silhouette de Gwen accroché à la mienne m’en empêchait. Je restais une bonne partie de la nuit plongé dans mes souvenirs, le regard fixé sur le feu qui s’éteignait peu à peu. Puis, sans prévenir, le sommeil vint me faucher, m’emportant dans un monde étrange, sans le moindre songe.

Lorsque je me réveillais le lendemain, j’eus la surprise de ne pas retrouver Gwendal près de moi. C’était étrange, il était normalement celui qu’il fallait tirer du sommeil chaque matin. Cependant, m’avisant de la position du soleil je compris qu’il n’était pas loin de midi. Intrigué de ne pas le voir dans les parages, je rangeais les duvets et décidais d’allait me laver à la rivière. Attrapant des vêtements propres et mon nécessaire de toilette, je me dirigeais vers la rivière.

Quelle ne fut pas ma surprise de voir Gwendal de dos, complètement nu en train de se nettoyer. Ses vêtements ne le dissimulant plus, je pouvais voir à quel point il était fin, mais je n’aurais pas pensé que cela soit à ce point. Laissant mes yeux glisser sur sa peau blanche qui semblait si douce au toucher, je ne réalisais pas que je m’étais arrêté.

Hypnotisé je n’arrivais pas à décrocher mon regard. Si j’avais déjà éprouvé du désir pour lui, ce sentiment fut décuplé. J’avais envie de m’approcher de lui, d’embrasser délicatement sa nuque après avoir effleuré sa peau frêle encore et encore… Je ne sus ce qui l’avertit de ma présence. Surement mon regard insistant. Il était vrai que je le dévorais du regard. Se tournant, remarquant ma présence, il s’abaissa aussitôt, plongeant dans le peu d’eau glacé de la rivière qui ne cacha presque rien.

- Tu aurais pu me dire que tu étais là ! Pervers ! Cria-t-il. Dégage !

Amusé par sa réaction, je me déshabillais lentement, alors que Gwendal restait immobile et interdit. Une fois dévêtu, non sans un dernier regard vers lui, j’allais à mon tour dans la rivière. Puis, sans me préoccuper plus de lui, j’entrepris de me laver. L’eau était gelée, mais il n’y avait rien de mieux et de plus vivifiant.

Voyant qu’il n’avait pas bouger d’un poil, je me tournais vers lui et déclarais amusé :

- Tu sais Gwen, tu n’as vraiment rien à cacher… Tu ne devrais pas avoir honte de ton corps. Tu es beau.

Rougissant d’avantage, il se recroquevilla plus qu’il n’était possible dans l’eau, sans décrocher un mot.

- Et en plus, nous sommes fait pareil alors…

Puis sans plus de cérémonie, je continuais de me laver tandis que Gwen ne bougeait pas d’un pouce. Une fois les cheveux propres, je retournais à mes affaires et me séchais vigoureusement. Tournant brusquement la tête, je vis Gwen détourner aussitôt le regard comme pris en faute, devenant plus écarlate qu’il n’était possible.

- Et après tu dis que c’est moi le pervers, dis-je en riant. Tu devrais sortir de l’eau Gwendal. Tu vas attraper la mort à rester sans bouger, l’eau est glacée.

Niant mes paroles, Gwendal se recroquevilla encore plus sur lui même. Comment pouvait-on être aussi têtu. Une fois habillé, je lui dis :

- Je vais préparer le déjeuner, je t’attends pour manger.

Gwendal ne répondit rien et ne bougea pas jusqu’à ce que je sois parti. Arrivant près de nos sacs, j’étendais ma serviette et allais voir le refuge. Attrapant un vieux balai, j’entrepris de faire un brun de ménage. L’endroit était clairement abandonné et quelque peu délabré, mais je savais que ce n’était qu’une façade. Son constructeur était doué et avait rendu les murs résistants.

Après avoir tout débarrassé, je repoussais le nettoyage aux grandes eaux à plus tard et préparais le déjeuner, Gwendal ne tarderait pas.

Il arriva, la mine renfrognée, me lançant un regard noir. Il ne décrocha pas un mot durant tout le repas et partit avec le livre que je lui avais prêté pour aller lire dans un coin. Ignorant son mauvais caractère, j’allais prendre un vieux saut en bois que j’avais vu dans la cabane, et allais le remplir à la rivière. Une fois fait, j’entrepris de récurer la cabane.

La mettre en ordre me pris plus de temps que je ne l’aurais voulu et lorsque j’eus enfin terminé, l’heure du dîner était déjà entamée. J’allais vers Gwendal qui n’avait pas bougé d’un pouce. Plongé dans sa lecture, c’est à peine s’il leva la tête vers moi. Cependant, ne voyant pas les pages tourner, je compris qu’il m’ignorait simplement. Agacé, je lui demandais alors :

- Qu’est ce qui passe ? Pourquoi est ce que tu boudes Gwen…

Face à l’absence de réponse de sa part, je soupirais.

- Je vais préparer à manger…

Me dirigeant vers nos sacs, j’entrepris de ranger ce qui était possible dans la cabane. Autant s’installer confortablement. Je fus surpris de la différence de la cabane. J’avais fait du bon boulot, elle était tout simplement méconnaissable. Utilisant le bois ramassé la veille, je réussis à allumer le vieux poêle et bientôt de la fumée s’échappait de la cheminée en métal noir. Attrapant des assiettes propres, j’allais dehors à la recherche d’herbes comestibles. Avec les quelques légumes que nous possédions, je fis une petite soupe.

Avec le pain sec, je tentais de faire des croutons. J’agrémentais le tout de viande séchée et du peu de fromage qu’il nous restait, vidant le restant de pâte à cuire dans la soupe. Jamais je ne m’étais préparé un plat aussi consistant et élaboré lorsque j’étais tout seul, mais le physique de Gwendal me rappelait qu’il avait besoin de se nourrir. Je ne m’inquiétais pas plus que cela. Il avait juste besoin d’habituer son corps à un tel rythme de vie.

Une fois le repas près j’appelais Gwendal qui vint en traînant les pieds. Son regard changeant lorsqu’il vit la table mise et maugréât un rapide merci avant d’attaquer son repas avec appétit, sans décrocher un mot de plus.

- Que dirais-tu de rester ici quelques temps ?

- Pourquoi pas. Dit-il comme si décrochait ces deux mots lui demandait un effort considérable.

- J’irais faire quelques cours demain pour que l’on soit tranquille pour quelques temps. Nos provisions sont à sec. Tu resteras ici pour garder nos sacs et surtout te reposer. Ca te convient.

- Oui. Souffla-t-il.

Me redressant brusquement je craquais. Il avait réussit à me couper l’appétit.

- Qu’est ce que tu peux être pénible quand tu t’y mets Gwen.

Et sans plus de cérémonie, j’allais vers le foyer du feu et entrepris de l’allumer. La nuit était en train de tomber et la fraîcheur aussi. Sans m’adresser un seul mot, Gwendal ne tarda pas à me rejoindre, s’installant dans le lit que je venais de préparer. Il avait rangé le repas et mis la vaisselle à tremper dans le saut en bois. Fatigué par la journée, je décidais d’aller le rejoindre. Espérant qu’il abandonne enfin, je tentais de m’approcher de lui, et de le prendre dans mes bras. Gwen se tourna aussitôt de l’autre côté et m’ignora. Soupirant, je ne fis aucun commentaire, me promettant de crever l’abcès le lendemain, lorsque je reviendrais de la ville. Elle était à une bonne demi-journée de marche.

Le lendemain, je me réveillais à l’aube. Sortant silencieusement du lit, j’allais prendre une douche matinale. Avalant un rapide petit déjeuner, j’enfournais dans mon sac vide de quoi manger à midi. Attrapant un papier je laissais une petite note à Gwendal lui expliquant que je rentrerais tard ce soir. Je pris soin de la poser à côté de son petit déjeuner et pris le chemin de la ville.

Pour la première fois durant toute mon existence, je me sentis étrangement solitaire durant mon trajet. Je réalisais que j’étais en train de prendre gout à l’idée d’avoir un compagnon de voyage et l’idée me déplaisait malgré moi. Je ne voulais surtout pas être dépendant de quelqu’un où éprouver une attache pour qui que ce soit.

Et pourtant, Gwen ne quitta pas mes pensées de toute la journée. Est-ce qu’il allait bien ? Il m’était impossible de cacher mon inquiétude pour lui. Arrivé en ville plus tard que je ne l’aurais cru, j’achetais le nécessaire pour manger et pris le luxe d’acheter quelques vêtements de voyage plus confortables pour Gwen et de nouveaux pour moi. Ayant une mémoire visuelle, je ne pensais pas m’être trompé dans les tailles de vêtements. Je passais aussi chez un bouquiniste revendant mes livres pour en avoir de nouveaux. Une fois toutes mes courses finies je m’offris même le luxe de boire une bière au soleil dans un bar avant de prendre le chemin du retour.

Je n’arrivais que tard le soir, le soleil s’était déjà couché. Gwen était en train d’essayer pitoyablement d’allumer le feu et au vu de sa posture et de son énervement, je devinais qu’il était en train d’essayer depuis un moment. Posant mon sac, j’allais vers lui, décidé à lui apprendre quelque chose qui pourrait lui être utile.

- Est-ce que tu aurais besoin d’aide ? Lui demandais-je en m’approchant de lui.

Se tournant vers moi, il jeta rageusement son bâton dans le foyer du feu.

- Je n’y arriverais jamais ! Ca fait deux heures que je m’acharne sur ce maudit feu et je n’y arrive pas ! Et toi ! Cria-t-il. Qu’est-ce que tu faisais ! J’étais mort d’inquiétude de ne pas te voir revenir.

- Calme-toi Gwen… Ca a juste pris plus de temps que prévu… Tu sais bien que je ne t’aurais jamais abandonné, dis-je d’une voix posée.

- Mais il aurait pu t’arriver quelque chose. Peut-être que Thomas aurait pu te retrouver ou, je ne sais pas…

- Je vis seul depuis des années Gwendal et même si il y a des risques, il ne m’est jamais rien arrivé. Tentais-je de le rassurer.

- Menteur ! Quand on s’est rencontré, on venait de te poignarder…

- Et je suis toujours vivant Gwen… Je suis là…

Il n’en fallut pas plus à Gwendal pour s’effondrer brusquement en sanglots. Son petit corps fut secoué de spasmes et mon coeur se serra. Espérant qu’il ne me repousserait pas, je m’approchais lentement de lui et l’attirais dans mes bras.

 - Il ne m’arrivera rien Gwendal… Soufflais-je en passant mes bras autour de son corps.

Gwendal ne me repoussa pas et pleura encore plus fort avant d’ajouter entre deux sanglots.

- Tu ne peux pas dire ça… Tu ne sais pas…

Le serrant plus fort, je le consolais du mieux que je pouvais passant ma main dans son dos en une caresse réconfortante. Gwendal mit un temps fou avant de se calmer enfin. Cependant, il ne s’écarta pas lorsqu’il eut terminé de pleurer. Il resta là blotti tout contre moi. Ce fut son ventre qui gargouilla qui me fit le repousser gentiment avec un sourire :

- Et si je t’apprenais à allumer un feu et que l’on préparait à manger ?

Gwen acquiesça silencieusement. Patiemment, je lui appris à faire un feu et il s’avéra une fois de plus très bon élève. Cependant, il semblait toujours distant et rancunier. Alors que je sortais les provisions de mon sac et lui laissais choisir ce qu’il voulait manger, je finis par lui demander une fois de plus :

- Et si tu me disais maintenant, ce qui ne va pas ?

- Je voulais te punir, marmonna-t-il.

- Me punir ? Demandais-je, sans cacher ma surprise. Mais de quoi ?

- Parce que je t’en veux de t’être moqué de moi.

Je ne pus m’empêcher de dire en répondant :

- A cause de la rivière ?

Gwendal acquiesça et je ne pus m’empêcher de continuer à rire en repensant à ce moment là et à la tête qu’il faisait.

- Tu vois ! S’exclama-t-il. Tu le fais encore ! Tu te moques de moi. Ajouta-t-il boudeur.

Parvenant à arrêter mon fou rire, je le regardais alors avec tendresse avant de tenter de reprendre mon sérieux.

- Tu sais, Gwen, il faut que tu apprennes à avoir de l’humour sur toi-même et ne pas être susceptible comme ça. Je ne l’ai vraiment pas fait méchamment. Mais je m’excuse si ça t’a blessé… S’il te plait à l’avenir, dis-moi quand tu trouves que je vais trop loin. D’accord ?

Gwendal me sourit, enfin détendu, oubliant sa rancune. Nous finîmes de préparer à manger et je le laissais un instant pour aller me laver rapidement dans la rivière. Après cette journée de marche et la chaleur qu’il avait fait, je voulais me débarrasser de la crasse et de la sueur. Je fis pourtant très vite au vue de la fraicheur du soir et de l’eau glacée. Je reviens en courant jusqu’au feu, pour tenter de me réchauffer, m’asseyant tout près de celui-ci. Gwen me tendis mon assiette et nous mangeâmes en parlant de tout et de rien.

Lorsque nous en étions au dessert, je demandais à Gwen de me passer mon sac. Il s’exécuta et je me mis à fouiller dedans. Trouvant ce que je voulais, je tendis un sachet plastique à Gwendal. Il contenait un pull en laine qui lui tiendrait chaud lorsque l’été prendrait fin et que les nuits deviendrait de plus en plus fraiche, deux jeans, et quelques tee-shirts. Gwendal déballa le tout sous mon oeil attendri.

- Je… Merci Hayden… Mais il ne fallait pas, j’ai pleins de vêtements…

- Ceux-ci seront plus adaptés pour la vie que nous menons, dis-je avec un petit sourire.

- Merci, souffla-t-il à nouveau.

- Tu n’as pas à me dire merci, soufflais-je.

Nous entreprîmes ensuite de tout ranger et je ne rechignais pas à aller me coucher une fois que tout fut terminé. A ma plus grande surprise, j’eus à peine le temps de me mettre dans le duvet que Gwendal vint se coller à moi. Loin de le repousser, je le pris tout contre moi, soupirant de bien-être. Nous n’admirâmes pas les étoiles cette nuit là, fermant les yeux aussitôt, fatigués de notre journée. Ce fut blotti l’un contre l’autre que nous partîmes rejoindre le royaume des cieux.

A suivre… 

 

 

 

 

 

Beyond the invisible - Chapitre 07

25 décembre 2012

 Chapitre 7 par Lybertys

Alors que j’avais perdu tout espoir de m’en sortir, alors que je m’étais abandonné à ses coups recroquevillé sur moi-même, je sentis une deuxième présence proche de nous. Il me semblait la connaître, mais dans mon état, je ne cherchais pas à faire d’effort particulier. J’étais bien trop abattu par les coups et la colère que cet homme versait sur moi. J’avais mal, bien plus intérieurement qu’extérieurement. J’avais fermé les yeux, ne voulant plus voir le visage de cet homme qui ressemblait tant à l’être aimé que j’avais maintenant perdu à jamais par ma faute. Soudain, je reçus un coup plus violent, et je ne pus réprimer un gémissement de douleur.

Peu de temps après, j’entendis un autre coup, mais ce n’était pas sur moi qu’il tombait. J’ouvris instantanément les yeux. Cette présence que j’avais ressenti n’était autre que Gabriel qui venait de me défendre, envoyant un terrible coup à mon bourreau, ne contenant lui non plus pas sa fureur. Celui-ci était étendu parterre, se remettant de la surprise et du coup qu’il venait de se prendre dans la mâchoire. Il lui jeta un air dédaigneux en se redressant, le haïssant de me protéger. Jamais je n’aurais imaginé être sauvé par Gabriel. Alors que je tentais de me redresser avec beaucoup de difficulté, affaibli par tout cet afflux de sentiments, l’homme reporta son agressivité sur moi, et me cracha au visage :

- A peine sorti et tu as déjà trouvé une nouvelle victime… Tu me dégoûtes Juha ! Où est donc passé l’amour incommensurable que tu disais vouer à Killian ? Tu n’es qu’une enflure, sale petite pédale…

Entendre son nom me fit aussitôt rechuter dix ans auparavant… Je n’aurais su quoi répliquer. Si j’avais entrouvert les lèvres, je n’aurais fait que hurler la douleur qui m’envahissait à l’instant présent. Une seconde fois, Gabriel vint à mon secours, car il s’écria :

- Hey ! C’est finit oui ? Tu n’es pas le bienvenue ici ! Alors tu vas être bien sage et tu vas repartir de là où tu es arrivé ! Et que je ne te reprenne pas dans les parages ou cette fois-ci tu ne t’en sortiras pas aussi bien !

Alors que l’homme allait pour protester, n’appréciant pas du tout d’être traité de la sorte, il le devança et déclara :

- Tu comprends le français ou il faut te faire un dessin ?

Il lui lança un regard meurtrier, avant de me dire avec la même haine.

- Fais bien attention à toi Juha, tu ne seras pas accompagné indéfiniment !

Je savais très bien qu’il n’allait pas me laisser en paix. Plus que tout il souhaitait ma mort. Voulant venger la vie de son frère qui n’était plus par ma faute. Il quitta enfin l’appartement en claquant violemment la porte d’entrée. J’étais maintenant vidé de toutes mes forces, et une proie facile à la souffrance qui continuait à émaner de Gabriel. Il resta un moment immobile à me fixer d’un regard impénétrable. Je sentais qu’il était en train de se poser un tas de questions à mon sujet, chose tout à fait normale après ce qu’il venait de voir.

Il finit par s’approcher de moi, et me tendit la main pour m’aider à me relever. J’hésitais un instant, ne sachant pas vraiment ce que ce contact allait s et quitta les lieux.

Je restais encore avec Gabriel, le regardant aller chercher un morceau de pain pour sa monture. Puis il attrapa un licol et alla chercher Kadaj au pré. Je le suivis, voulant profiter encore un peu de sa compagnie qui était depuis hier soir très agréable. Gabriel ne fit aucun commentaire. Il était toujours impressionnant de le voir évoluer avec les chevaux.

Dix minutes plus tard, Kadaj était attaché et mangeais tranquillement dans son filet à foin, tandis que Gabriel se préparait à le ferrer. Je pris place à quelques pas de là, pouvant ainsi l’observer sans le gêner. Assis sur une balle de paille, je restais attentif au moindre de ses gestes. Si Gabriel était d’abord mal à l’aise, il finit par ne plus faire attention à ma présence et commença à limier le pied de l’animal. Etonné, et voyant cela pour la première fois je craquais au bout de quelques minutes et lui demandai :

- Qu’est ce que tu fais ?

- Je lui pare les pieds, afin de pouvoir le ferrer.

- Tu peux pas poser le fer tout de suite ? Demandais-je.

- Non, il faut vérifier les aplombs avant…

Mes questions trahissaient mon manque de connaissance et je lui étais reconnaissant de me répondre. Profitant de sa bonne volonté je continuais :

- Et ça lui fait pas mal ?

- Non, pourquoi veux-tu que cela lui fasse mal ? Cela te fait mal toi quand tu te coupes les ongles ?

- Euh… non…

- Et bien pour lui c’est la même chose, répondit-il patiemment.

Le silence s’installa une nouvelle fois. Je savais que je posais beaucoup de questions, mettant les nerfs de Gabriel à rude épreuve. Mais pendant dix ans je n’avais rien vu du monde extérieur et ma curiosité était maintenant accrue. C’est pourquoi je ne résistais pas à demander encore :

- Cela fait longtemps que tu sais faire ça ?

- Plus ou moins… Trois ou quatre ans pas plus…

- Oh… Tu as besoin d’aide ?

Fatigué par mes questions incessantes Gabriel arrêta ce qu’il était en train de faire pour se redresser et me faire face :

- Tu as pas du boulot à terminer ?

Blessé, je répondis simplement :

- Euh…excuse moi de t’avoir dérangé…

Alors que je commençais à m’éloigner, j’entendis Gabriel pousser un soupir d’exaspération et de la lassitude avant de déclarer :

- Tu peux rester… mais tais-toi !

- Promis ! Répondis-je en retournant m’asseoir sur la balle de paille.

Une heure et demi plus tard, ou pas une seule fois je ne posais une question, il eut enfin fini de ferrer Kajad. Après de longues caresses pour le remercier de sa patience et de sa gentille, Gabriel le ramena au pré. Je le suivis, tout aussi sagement que je l’avais observé. Nous nous rendîmes ensuite côté à côté au réfectoire. J’avais de plus en plus de facilité à me faire à sa souffrance. Maintenant identifié à lui, j’arrivais à faire la très nette séparation entre mes sentiments et les siens.

Certes cela me demandait de l’énergie, mais cela valait le coup. Sa présence était en réalité très agréable. Assez solitaire, tout comme moi, nous passions de long moment sans échanger quoi que ce soit, se supportant l’un l’autre sans trop de difficulté. Dans le réfectoire, nous croisâmes Marion, mais Gabriel ne lui adressa qu’un regard désintéressé. Il continua son chemin et alla s’asseoir à table. Je pris place en face de lui. Nous mangeâmes silencieusement, échangeant de temps en temps quelques mots.
Dans l’après-midi, je retournais à mon travail, laissant Gabriel travailler seul.

La douleur était bien présente et était gênante au vu de mon travail physique, mais étant résistant, je parvins à la cacher aux yeux des autres palefreniers. Je ne vis à aucun moment Dorian, mais ne m’en formalisait pas davantage. 

Ce ne fut qu’en fin d’après-midi que je rejoignis Gabriel, le trouvant en train de graisser sa selle et son filet. Concentré sur sa tâche, il ne me vit pas arriver et sursauta lorsqu’il se rendit compte de ma présence. Il leva brusquement les yeux et vit le petit sourire moqueur que j’affichais. Il me lança un regard meurtrier pour la forme, qui ne me fit ni chaud ni froid, avant de reprendre son travail.

- Il faut le faire souvent, demandais-je par curiosité ?

Le voyant reposer son pinceau sur la table en soupirant de lassitude, je regrettais de lui avoir posé cette question. Il me demanda alors dans répondre à la mienne :

- T’en as pas marre avec tes questions ?

Puis, après un nouveau soupir, il répondit :

- Environ une fois par moi.

Satisfait de sa répondre, je n’ajoutais rien, sachant qu’il n’en supporterait pas plus et qu’il avait déjà fait beaucoup. Une chose était sur, je n’avais pas fini d’en baver avec son fort caractère. Je restais avec lui, jusqu’à ce que Dorian vienne me chercher :

- J’y vais, si tu veux que je te ramène c’est tout de suite ! déclara-t-il.

- J’arrive, répondis-je.

J’adressai un sourire à Gabriel et après un rapide « à demain », je partis en compagnie de Dorian. Nous montâmes dans la voiture, et partîmes en direction de nos appartements. Il y avait quelque chose qui clochait chez Dorian, et je n’aurais su dire quoi. Il me cachait quelque chose parmi sa foule de sentiments, et je n’arrivais pas à le desceller. Peut être était-ce aussi dû à ma fatigue…

J’inspirais profondément, tentant de faire le vide en moi pour recevoir ses émotions et les démêler les unes des autres. Il y avait d’abord la jalousie qu’il ressentait toujours envers Gabriel et notre relation naissance, et puis, cette attirance qu’il avait encore pour moi. Alors que j’étais concentré sur ses sentiments, Dorian me demanda :

- Alors, tu t’entends mieux avec Gabriel ?

- Oui, nos rapports se sont améliorés, me contentais-je de répondre.

Le silence retomba, laissant Dorian songeur, jusqu’à ce qu’il me demande :

- Ca te dit de passer boire un coup chez moi avant de rentrer chez toi ?

- Oui pourquoi pas, répondis-je sans trop réfléchir.

En réalité, j’avais surtout peur de rentrer chez moi. Je savais que son invitation n’était pas dénuée d’un certain intérêt caché, mais je pouvais très bien refuser. J’allais entrer dans son jeu, il voulait se jouer de moi, mais j’allais me servir de lui. Je savais que ce n’était pas bien, mais je ne voulais pas rentrer seul maintenant. La journée finie, Gabriel n’étant plus à mes côtés, je réalisais que ma peur de la veille ne m’avait pas quitté. J’avais l’impression d’être un condamné en sursis. J’en venais même à regretter d’être sorti de prison… Nous nous garâmes devant chez lui. Il me dit alors :

- J’ai quelques courses à faire, ça te dérange ?

- Non ça tombe bien, moi aussi, je n’ai toujours pas fait les miennes.

C’est ainsi que nous nous retrouvâmes dans le supermarché du coin une petite heure avant la fermeture à faire nos courses. Nous ne perdîmes pas de temps, tout aussi fatigué l’un que l’autre.

Rapidement nous nous retrouvâmes chez lui, en train de boire un verre, parlant de choses et d’autres, assis côte à côte dans son canapé. Je le sentais s’approcher au fur et à mesure de moi, mine de rien. Je faisais semblant de ne rien avoir remarqué. Une chose était sure, je ne lui céderai pas. J’avais passé une fois du bon temps avec lui, cela ne se reproduirait pas. De plus je n’étais vraiment pas en état, et n’avais aucune envie qu’il voit les hématomes qui parsemaient mon corps. 

Soudain, il me posa une question qui semblait lui trotter dans la tête depuis un moment :

- Comment ça se fait que Gabriel t’ai amené ce matin ? Que s’est-il passé en une nuit ? Tu lui as montré tes charmes.

Je répondis assez froidement :

- Ce qui s’est passé entre nous la dernière fois ne m’arrive pas tout le temps. Je ne couche pas avec n’importe qui, n’importe quand.

- Hum… C’est pas ce que j’aurais cru la dernière fois… D’ailleurs, je ne pense pas que je suis n’importe qui maintenant…

Il se rapprocha alors dangereusement de moi. Je n’aimais pas du tout sa manière de faire. J’en venais à me demander comment j’avais pu coucher avec cet homme. Je devais vraiment être en manque. Il glissa dans mon coup. Sentir son souffle chaud n’avait cette fois rien d’agréable, au contraire, je trouvais cela écœurant. Il me murmura, tentant de me chauffer, mais réussissant parfaitement à faire l’inverse :

- Ca ne te tenterait pas de…

Je m’écartais aussitôt, allant le plus loin possible de lui à l’autre bout du canapé.

- Non ça ne me tente pas ! Répliquais-je. Je suis venu boire amicalement un verre avec toi. Je ne suis pas uniquement là pour écarter les jambes quand tu en as envie !

Vexé, Dorian démarra au quart de tour et déclara :

- Que je sache, c’est toi qui t’es mis à poil devant moi la dernière fois !

Je ne répondis rien, sentant qu’il allait rajouter quelque chose dans peu de temps. Et c’est ce qu’il fit, laissant libre court à de la jalousie pure :

- Ca y est ?! Je ne te satisfais plus ? Tu as trouvé mieux ? Tu crois que tu va pouvoir baiser Gabriel ? Tu crois que ce petit con prétentieux vaut mieux que moi ?

- Tu délires complètement, dis-je très calme, ne répondant pas à son agressivité. Arrête de voir Gabriel partout, arrête de psychoter sur le sujet et surtout de juger Gabriel sans le connaître.

- Ah ça y est ! Parce que tu as passé un peu de temps avec lui, tu te prends pour son ami, son plus fidèle défenseur. Je vous souhaite tout le bonheur du monde tous les deux.

- Je te remercie Dorian. Jamais je ne t’aurais imaginé comme ça. Tu viens de me dévoiler ton vrai visage. Si je comprends bien, tout ce que tu as fait pour moi, c’était pour me baiser ? Tu croyais que j’allais continuer à coucher avec toi en échange de ton aide. Et bien je te souhaite une bonne nuit, tu peux cesser de faire tous ces efforts, maintenant que tu sais qu’ils sont inutiles.

Je me levais, attrapais mes courses dans la cuisine et sortit de chez lui sans un mot, le laissant méditer dans son salon à mes derniers mots. Je pensais rentrer chez moi, prendre une douche et aller me coucher après manger. J’avais beaucoup de sommeil en retard et je ne voulais surtout pas perdre bêtement mon travail pour de la fatigue. Je sortis donc dehors, saisi par le froid qui était arrivé en même temps que la nuit tombante.

Alors que je fis mes premiers pas à l’extérieur, je sentis comme une présence. Je ne mis pas longtemps à trouver qu’elle ressemblait étrangement à celle de la nuit derrière. Elle se trahit d’ailleurs d’elle même par la haine qui passait au delà de lui et que je ressentais. Pris d’un violent frison, je tournais vivement la tête pour ne voir que la rue vide dans la pénombre de la nuit. Les battements de mon cœur s’amplifièrent aussitôt. Sans réfléchir je me mis à courir aussi vite que je le pouvais, comme si ma vie en dépendait… C’était le cas…

J’entendis des pas derrière, je me risquais tourner la tête et vis le frère de Killian me courir après. Mon cœur battait tellement vite que j’avais l’impression qu’il allait sortir de ma poitrine. Terrifié, je rassemblais toutes mes forces et je courus encore plus vite comme jamais je ne l’avais fait. J’étais littéralement mort de peur, je tenais fermement mon sac de course, sans trop savoir pourquoi je m’acharnais à le garder. J’étais maintenant sur : je ne voulais pas mourir.

Si j’avais tenté une fois d’attenter à ma vie en prison au cours de la première année, ce n’était plus le cas. J’en gardais encore une très légère marque sur le poignet gauche. Et si on le regardait avec attention, on pouvait voir une très fine cicatrice que j’étais toujours parvenu à cacher aux yeux de tous. Après cette épreuve, j’avais compris que la seule manière de payer sa mort était de continuer à vivre avec cette culpabilité. Mourir serait fuir la réalité, fuir la mort de Killian et mes actes affreux.

Arrivé dans mon immeuble, je rentrais sans cesser mon allure, me ruant dans les escaliers. Je n’allais pas prendre le temps d’attendre l’ascenseur. J’entendais ses pas derrière moi, et surtout sa voix qui me hurlait des insultes. Arrivé à mon étage, essoufflé, je cherchais ma clef totalement paniqué. J’avais l’impression de mettre des heures. Lorsqu’enfin, je trouvais la clef, je me remerciais mentalement de ne pas avoir fermé le verrou le matin. J’eus du mal à ouvrir, saisis de tremblements plus violents les uns que les autres. Lorsque, enfin, la porte s’ouvrit, j’entendis qu’il était tout près. J’eus juste le temps de me faufiler chez moi et de refermer la porte, m’attaquant directement au verrou, que je l’entendais déjà frapper et hurler derrière la porte.

- Assassin !! Ouvre cette porte Juha ! Tu ne fais que fuir ce qui arrivera inévitablement.

Le sac me tomba des mains et je me ruais à l’opposé de la pièce. Je me collais contre le mur, m’asseyant par terre, rabattant mes jambes contre moi retrouvant une position fœtale qui était la plus rassurante. Mon cœur battait à tout rompre, comme s’il se battait pour sa vie. J’étais effrayé comme jamais, mes tremblements étaient incontrôlables.

A chaque coup frappé à la porte, j’enfonçais un peu plus la tête dans mes épaules. Je pleurais de terreur. Je sursautais violemment lorsque le téléphone à côté de moi sonna. Espérant que ce soit Gabriel, je le saisis et décrochait aussitôt pour entendre des insultes et des menaces. Chaque mot sorti de la bouche du frère de l’homme que j’avais tué m’enfonçait un peu plus dans ma panique et ma douleur. Je raccrochais, gardant dans mes mains le combiné qui se remit à sonner à peine deux secondes plus tard. J’appelais plusieurs fois vainement à l’aide. Il fallait que tout cela cesse, ou mes nerfs ne tiendraient pas.

Je ne sus combien d’heure dura cela, des heures bien plus terribles que mes dix années de prison, plongé dans la terreur la pire au monde. Je n’eus pas conscience de l’heure où il cessa enfin. Je n’avais pas bougé d’un pouce, totalement replié sur moi-même. Il fallait que quelqu’un vienne. Je ne pouvais pas rester comme ça. J’avais besoin d’aide et je me tournais vers l’unique personne qui allait pouvoir me l’offrir. Je composais son numéro, sans trop savoir comment, et attendit que Gabriel décroche, trouvant chaque tonalité plus longue à chaque fois. Lorsqu’il décrocha enfin, il me sembla l’entendre dire :

- Qui que vous soyez, savez-vous qu’il est plus de trois heures du matin ?

Je n’avais même pas conscience de l’heure. J’essayer de parler, mais les mots restèrent bloqués dans ma gorges, ne laissant échapper que des sanglots. D’une voix tremblante, Gabriel demanda alors :

- Juha ?

Ma langue se délia enfin et je pus seulement dire paralysé par l’angoisse :

- Gabriel… Ne… Ne me laisse pas seul…

- Juha !? Répéta-t-il, apparemment abasourdi. Qu’est-ce qui t’arrive ?

Noyé dans mes sanglots, j’étais incapable d’aligner trois mots cohérents. Comment lui expliquer ce qui venait de se passer. J’étais mort de peur, je souffrais et j’avais besoin de lui. Je n’avais personne sur qui comptait, et Gabriel était le seul à pouvoir m’aider. Je continuais malgré tout à tenter de lui faire comprendre quelque chose, mais il finit par s’exclamer :

- J’arrive ne bouge pas !!

Je tenais toujours fermement le combiné contre moi, ne bougeant pas et continuant de pleurer bruyamment. Je ne cessais de me répéter qu’il allait arriver dans peu de temps et pourtant chaque minute ne me semblait jamais trouver de fin. Heureusement, je lui avais donné le double de chez moi dans la matinée, au cas où. Je ne serais jamais parvenu à me lever pour aller lui ouvrir. Cloué au sol j’avais l’impression que tout cela ne prendrait jamais fin.

Lorsque je le vis arrivé enfin, il eut un temps d’arrêt lorsqu’il m’aperçut : là, recroquevillé à même le sol dans un coin de la pièce, serrant le combiné de téléphone qui sonnait toujours. Je relevais vers lui un visage trempé de larmes, l’implorant mentalement de m’aider. Gabriel se précipita vers moi et me pris dans ses bras. Trop inquiet et préoccupé par moi, sa souffrance était cachée et ne m’atteins pas directement. Je n’étais de toute manière pas en état d’être réceptif. Il me prit dans ses bras, et me sera contre lui en me murmurant à l’oreille des paroles rassurantes et réconfortantes, la voix tremblante d’émotions :

- Chut… Je suis là… Tout va bien…

Je n’aurais su décrire le bien que Gabriel me prodigua. Au creux de ses bras, je sentais la protection que j’avais désirée pendant ces heures de terreur. Mais plus encore, j’avais l’impression pour la première fois depuis dix ans d’être protégé. Voilà maintenant bientôt onze ans que je ne n’avais pas eu ce genre de contact tendre, alors que j’en avais eu plus que besoin durant toute cette période.

Ses bras m’enveloppaient et faisaient régner une atmosphère de douce chaleur. Je commençais à me laisser aller peu à peu. Ses pensées à mon sujet étaient tout aussi rassurantes que son étreinte. Je lui étais tellement reconnaissant de ce qu’il m’apportait. Il était en train de m’offrir bien plus que tout ce que j’avais pu avoir en plus de dix ans. 

Je me jurais alors intérieurement que j’apporterais toute mon aide à Gabriel et me promettais qu’un jour, sa douleur n’existerait plus dans son cœur. Epuisé, vidé de la moindre de mes forces, je me laissais tant aller dans ses bras que je finis par m’y endormir, fuyant un instant cette réalité, allant trouver le repos dans des cauchemars…

Lorsque j’ouvris les yeux, je me trouvais dans mon lit. Mes yeux papillonnèrent pour s’habiter à la lumière, jusqu’à ce que je réfléchisse aux événements de la veille, ne me rappelant pas m’être couché. Il ne me fallut pas longtemps pour me remémorer le tout : Dorian, le frère de Killian, l’appel au secours désespéré à Gabriel, son aide…

Je compris alors la boule que j’avais dans le ventre depuis ce matin. Je m’étirais, ménageant mes muscles encore meurtris pas les coups de l’avant veille, et me redressait avant de me lever vraiment. Je vis Gabriel allongé sur le canapé, dormant profondément. Je choisis de le laisse dormir, aujourd’hui était un jour de repos.

 En réalité, je n’étais vraiment pas envie de me retrouver tout de suite face à lui. J’avais terriblement honte qu’il m’ait vu dans l’état de la veille et aussi terriblement gêné de l’avoir fait venir en plein milieu de la nuit. Je me rendais donc discrètement à la cuisine, attrapant au passage, mon sac de course posé à l’entrée la vielle dans la panique. Heureusement, il n’y avait presque aucun produit frais. Je déballais rapidement les courses, et décidais de préparer un café. J’en avais tout autant besoin.

Mon programme de la journée allait être simple, j’allais surtout me reposer. Je regardais un moment par la fenêtre, le temps que le café chauffe. Il faisait un temps aussi maussade que ne l’était mon esprit. Les gros flocons de neiges virevoltaient dans le vent et le ciel était nuageux. Je frissonnais, de nature assez frileuse, rien qu’à l’idée de me retrouver dehors par ce temps.

Une fois le café prêt, je m’en servis une tasse généreuse et me rendais dans le salon. C’est au moment où je me mis devant lui qu’il ouvrit les yeux. Je tentais de lui sourire cachant ma gêne, plus que nerveux d’être face à lui. Maladroitement je lui demandais :

- Tu… Tu as bien dormi ?

- Hn… Répondit-il, agacé par ma question.

Je pouvais tout à fait le comprendre.

- Je… Je m’excuse…

- Hn… me répondit-il simplement, apparemment agacé.

- Je comprends que tu m’en veuilles, mais je… Merci d’être venu…

- Hn… Ouais…

Ne voulant pas m’appesantir plus longtemps sur le sujet, je lui demandais très mal à l’aise :

- Tu… Tu veux manger quelque chose ?

- Hn… Oui, s’il te plait.

Je lui adressais alors un petit sourire d’excuse et repartit dans la cuisine. Je revins quelques minutes plus tard avec une tasse de thé fumante que je posais sur la petite table à côté de lui.

- Merci, déclara-t-il simplement en se redressant.

Il déjeuna en silence, chose qui me convins tout à fait, je n’étais pas d’humeur à parler et était surtout trop fatigué. Il resta encore un moment avant de rentrer au centre et de me laisser seul. A peine eut-il fermé la porte que je partis m’étendre sur mon lit. Je fermais les yeux sans même m’en rendre compte et sombrais dans un profond sommeil. 

Les semaines qui suivirent passèrent à une allure folle. Je n’eus aucune nouvelle du frère de Killian à mon plus grand soulagement, sachant que ce n’était cependant qu’une question de temps. Je profitais au mieux de ce répit. Gabriel revint dormir plusieurs fois chez moi. Notre relation allait en s’améliorant. La dispute que j’avais eu avec Dorian nous avait éloignés et nous ne conservions plus qu’un simple rapport de collège de travail.

Nous étions maintenant la veille du concourt de Gabriel et il me communiquait son stress à chaque instant. Cependant, cela lui permettait d’oublier un peu sa douleur, m’offrant un répit de ce côté là. A son insu, je continuais lorsque j’en avais l’occasion à travailler en profondeur sur lui, tentant de rechercher l’origine de son mal, sachant maintenant qu’il ne se confesserait pas comme cela.

Je venais de finir une réunion avec Philipe et tous les employés pour l’organisation du centre demain, comme tous deux serait partit pour le concourt de Gabriel. Je faisais partit des personnes qui restaient là, à s’occuper du centre. Satisfait de mon travail, j’avais le droit à de plus en plus de responsabilités et aussi plus de liberté.

Mon travail étant lui aussi terminé, j’allais directement rejoindre Gabriel. Je le trouvais en train de finir de s’occuper d’Orphée, lui glissant consciencieusement une couverture sur le dos. Lorsqu’il me vit, accoudé à la porte du box en train de l’observé, il répondit à mon sourire. Je lui demandais alors d’une voix qui se voulait calme pour tenter d’éviter d’attiser son stress :

- Tu veux venir boire un verre à la maison, histoire de te changer les idées avant demain ?

Le laisser tout seul n’était pas vraiment une bonne idée, et j’étais sur qu’il passerait une meilleure soirée avec moi, qu’à se stresser tout seul dans son coin et à se torturer l’esprit. Heureusement il accepta ma proposition en répondant :

- Hn… Ouais, pourquoi pas.

Même s’il ne me le dit pas explicitement, je sentis qu’il était heureux de ma proposition et semblait me remercier mentalement. Il quitta le box d’Orphée après une dernière caresse et me suivit, faisant une halte dans la sellerie afin de préparer son matériel pour demain. Puis il prit la direction du bureau de Philippe et revint avec les clefs de la voiture.

Nous montâmes dans la voiture et nous prîmes la direction de mon studio. Le trajet se fit dans un silence monastique, seulement interrompu par les chants brutaux qui s’échappaient de ses enceintes. Plusieurs fois, je me surpris à jeter un coup d’œil vers lui. Je n’aurais su dire quoi, mais je lui trouvais quelque chose de très beau ce soir là. Peut être étais-ce dû à la tension qui tendait ses traits. Je me sentais étrangement envahie d’un sentiment que je n’avais pas connu depuis longtemps.

Un petit quart d’heure plus tard, nous étions installés dans le canapé, une tasse de chocolat chaud à la main.

Aucun de nous ne semblait vouloir prononcer la première phrase. Depuis deux semaines, Gabriel et moi étions en meilleurs termes et notre relation s’était renforcée. Certes nous n’étions pas encore les meilleurs amis du monde, mais c’était déjà cela. Nous arrivions à avoir des conversations sérieuses, bien que je restais totalement muet sur mes peurs qui me poussaient à l’appeler plusieurs fois la nuit. Il en savait déjà suffisamment. Pour rien au monde maintenant, je ne voulais briser l’amitié naissante entre nous. Car c’était ce que je pensais, une fois que Gabriel saurait, il ne serait plus jamais le même avec moi.

Comment réagir face à un homme qui vous révèle qu’il est allé en prison et pire encore pour un meurtre ? J’en avais mal rien qu’à l’idée de sa réaction si jamais il l’apprenait. Je préférais me taire sur ce sujet, qu’il ne découvre jamais ma vrai nature, qu’il ne voit que le Juha de surface, le Juha que je m’étais construit. Je savais ne faire que repousser l’échéance, et que la chute serait bien plus difficile à affronter, mais je n’avais pas le cœur à me priver encore de quelque chose. Malgré moi, je le sentais, je m’attachais de plus en plus à Gabriel, bien plus que je ne le voulais.

Heureusement, ce sujet n’avait pas pour projet d’être abordé ce soir, c’était plutôt l’épreuve de demain qui était au centre de ses préoccupations. Je finis par briser le silence, sentant que le stress était trop fort en lui demandant :

- Tu veux manger quelque chose ?

- Non, cela ira merci. Là tu vois, j’ai plus envie de me vider l’estomac que de le remplir.

J’émis un petit rire amusé et ajoutai :

- Je m’en doute bien, mais il faut que tu manges si tu ne veux pas t’écrouler demain… Un plat de pâtes ça te dit ?

- Hn… répondit-il à contrecœur, mais résigné.

Il se leva avec moi et me suivit dans la cuisine, mettant la table pendant que je mettais de l’eau à chauffer. Dix minutes plus tard, nous étions assis à table l’un en face de l’autre, à parler du concours et de l’organisation de demain. Un moment, hésitant, Gabriel déclara :

- Je… J’aimerais te demander un petit service.

- Je t’écoute, répondis-je, curieux de voir ce qu’il allait me demander.

- Je mettrais Niladhëvan dans un box avant de partir demain et j’aimerais que tu t’occupes d’elle pendant mon absence… Enfin, seulement si tu es d’accord… Si tu veux pas je te force pas hein ! Tu fais comme tu veux…

- C’est d’accord… Je m’occuperais d’elle, répondis-je, trop heureux de la confiance qu’il mettait en moi.
Mieux encore, il m’adressait un sourire soulagé chargé de remerciements qu’il me murmura tout bas :

- Merci…

Je ne pus que lui répondre par un sourire, sentant mon corps s’emballer étrangement. Il me sembla voir ses joues prendre une légère teinte rosée, et je le vis détourner les yeux et reporter son attention sur son assiette. Plus le temps passait et plus je constatais la beauté de Gabriel.

Le repas se termina en silence et à la fin de celui-ci, nous retournâmes au salon, une tasse de thé dans la main. Assis côte à côte, aucun de nous n’osait briser le silence qui régnait dans la pièce. Tout proche de moi, je pouvais sentir le flot d’émotions en lui. Amusé, je finis par lui poser une question dont la réponse était évidente :

- Alors ? Stressé ?

- Plus que tu ne l’imagines, répondit-il.

- Pourquoi ? Il n’y a pas de raisons…

- Et si je me plantais demain ? M’interrompit-il.

- Et si tu arrêtais de dire des conneries… Je ne m’y connais pas beaucoup dans ce milieu, mais j’ai vu depuis que je suis arrivé combien tu as travaillé, et il n’y a aucune raison que tu te plantes, dis-je, tentant de le raisonner.

Et c’était vrai, je le pensais vraiment. A l’avoir vu évolué, pour moi Gabriel avait toutes ses chances de gagner. Pourtant, il répliqua :

- Mais tu comprends pas ! Il y aura vraiment des cracks demain ! J’aurais l’air de quoi moi, pauvre petit clampin tout droit sortit d’ma campagne…La seule chance que j’ai c’est d’assurer un max demain, et vu comme s’est partit, je suis plutôt mal barré…

Plus il parlait, plus j’avais du mal à détacher mes yeux de son visage. Ses cheveux châtain clair encadraient les traits fins de son visage, animés par sa détresse pour le concours de demain.

- C’est bon, déstresse ! Et puis, même si tu te plantais, tu auras d’autres occasions… Franchement, pourquoi tiens-tu absolument à ce que tu te plantes demain ? Prend confiance en toi, Gabriel… Tu as les capacités pour y arriver et je sais que tu y arriveras… Si toi tu n’as pas confiance en toi, moi si…

Je n’aurais jamais pensé en dire autant. J’avais dis plus que ce que je ne l’aurais voulu. Il ne répondit rien, mais ancra son regard au mien. Il était en train de se passer quelque chose, et j’étais incapable de l’arrêter. J’allais toujours plus profondément dans ses yeux bleu foncé qui avaient quelque chose de troublant. Je me laissais porter par l’action, ne prenant pas le temps de réfléchir sur l’acte que j’allais accomplir.

Et plus je le sentais, il semblait en avoir autant envie que moi. Lorsque mes deux lèvres se posèrent sur les siennes, un afflux d’émotions y transparut, avant que sa peur ne vienne prendre sa suprématie. Toujours porté par cet instant, je vins quémander l’entrée de ses lèvres, voulant malgré moi soudain bien plus. Soudain, Gabriel qui jusqu’alors n’avait pas bougé me repoussa brusquement.

- Quelque chose ne va pas ? Demandai-je alors, surpris et frustré malgré moi.

- Ah parce qu’en plus t’as pas compris ! Tu viens de m’embrasser, bien sûr que ça va pas ! S’exclama-il hors de lui.

- Tu avais l’air d’en avoir tout autant envie que moi, répondis-je, blessé.

Pire encore, je réalisais uniquement maintenant ce que je venais de faire. L’embrasser, c’était aller bien trop loin, surtout au vu de mes erreurs passées.

- Est ce que j’ai l’air d’aimer embrasser les hommes ! Tu pourrais au moins t’excuser ! Répliqua-t-il sur un ton qui ne me plu pas du tout.

- M’excuser ? Je ne vois pas pourquoi… C’était à ce point désagréable ? Est ce que ça t’a dégoûté ? Est ce que je te dégoûte ?

- Je…

- Tu ?

Comment pouvait-il se mettre dans un état pareil juste pour un baiser ?

- Rah ! Laisse tomber, s’exclama-t-il avant d’aller s’enfermer dans la salle de bain en claquant violemment la porte.

J’étais presque effrayé par cette réaction tellement démesurée par rapport à l’acte lui-même. J’en venais même à oublier tout ce qui était mes propres problèmes liés à ce qui venait d’être fait. Je venais de commencer à faire ce que je m’étais interdit depuis le début. Et pourtant, ce que je ressentais n’était pas que de la simple attirance purement sexuelle. Malgré toute ma volonté, je n’avais pu empêcher ces sentiments et les repoussaient maintenant de toutes mes forces.

J’accourais devant la porte de la salle de bain maintenant close. Je pouvais sentir cette même souffrance que j’avais connue depuis notre premier contact, décuplé par mille. Quel était ce mal qui le rongeait et quel lien pouvait-il avoir avec ce simple baiser ? Pourquoi cet acte le mettait dans un état pareil ? Que lui avait-on fait ?

Je l’avais ressenti pourtant cette envie lorsque nos lèvres s’étaient touchées. Il n’avait même pas retiré ses lèvres tout de suite, il était resté jusqu’à ce que je tente d’aller plus loin dans le baiser. Ce n’était qu’une esquisse de baiser et elle nous avait tous les deux bouleversé. Il semblait se dérouler un combat intérieur violent en Gabriel, et je ne pouvais rien faire pour l’aider.

De l’autre côté de la porte, je ne savais même pas quoi lui dire. Il semblait maintenant tellement apeuré, plongé dans cet état où il souffrait tant. J’avais de plus en plus de mal à faire la séparation de nos sentiments et pourtant je savais que c’était un terrain dangereux. Il fallait que cela cesse, il ne fallait pas qu’il tombe encore plus bas. Je lui demandais à travers la porte d’une voix très inquiète :

- Gabriel… Sors de la salle de bain… S’il te plait…

- Laisse-moi ! Je ne veux pas te voir ! me répondit-il d’une voix tremblante.

J’en avais maintenant la certitude, il pleurait. Je m’en voulais tellement de l’avoir mis dans cet état. J’étais totalement désemparé.

- Je m’excuse Gabriel, je ne savais pas que cela te mettrait dans un tel état, repris-je d’une voix qui cachait de moins en moins mon inquiétude. Je m’excuse, répétais-je, mais je t’en supplie, sort de cette pièce…

Après un moment de réflexion qui me parut durer des heures, il finit par consentir à m’obéir. Il ouvrit la porte lentement, et sortit sans même m’adresser ne serait-ce qu’un coup d’œil. Voir ses larmes me serra violemment le cœur. Il alla dans le coin qui faisait office de chambre et ouvrit le placard afin d’en sortir une couverture. Je n’osais pas bouger, ni esquisser un geste ver lui. Puis il retourna sur le canapé pour s’y allonger, remontant la couverture sur sa tête, ignorant mes tentatives d’excuses. J’étais tellement mal d’être fautif d’un tel état :

- Je suis sincèrement désolé Gabriel… Je… Je ne pensais pas que tu le prendrais aussi mal… Je te promets que c’était la seule et unique fois… Je ne tenterais plus rien, je t’en donne ma parole… Je suis désolé… Gabriel… Dis quelque chose…

Je n’en pouvais plus de ce silence. De plus il m’était impossible de sentir sa souffrance et de ne pouvoir rien y faire. Heureusement il se retourna enfin, plongeant son regard dans le mien.

- Pourquoi ? Me demanda-t-il.

- Pourquoi quoi ?

- Pourquoi tu m’as embrassé ?

Je ne m’attendais pas à cette question, et je ne savais pas quel pouvait être la meilleur réponse, hésitant je commençais :

- Je sais pas, je…

- Tu ?

- Ca m’est venu comme ça… Je sais pas pourquoi… Peut être que j’en avais envie…

Je ne voulais pas lui dire la vérité, tout était bien trop complexe, trop de choses à cacher…

- Et ça te prend comme ça ? Tu embrasses beaucoup de monde sans leur demander leur avis ? Répondit-il avec une pointe de cynisme qu’il ne cherchait pas à dissimuler.

Et avant que je n’ai le temps de répondre, il se retourna de nouveau, me tournant le dos.

- Je…

- Bonne nuit, me coupa-t-il, n’ayant plus aucun envie de parler avec moi.

Je restais totalement immobile. Je ne savais plus vraiment quoi faire. Le regard posé sur sa nuque, je tentais de voir plus clair en lui, de découvrir l’origine de son mal. Il en souffrait tellement, que j’en venais à douter qu’il se confesse un jour. Pourtant il devait parler, que ce soit à moi ou à une autre personne ; c’était la seule chose qui pourrait le tirer de là. Je n’arrivais à rien ainsi.

J’avais beau repousser au maximum les limites de son esprit, il était trop enfermé et protégé par la souffrance qui déferlait sur moi dès que je parvenais un peu trop loin. Je finis par m’éloigner, n’arrivant à rien. Je rangeais un peu avant d’aller me coucher à mon tour, pour ne trouver le sommeil que bien plus tard…

Le lendemain matin, je ne fus pas le premier à me réveiller. J’entendais du bruit dans la cuisine. Il ne me fallut que peu de temps pour me remémorer ce qui s’était passé la veille. Mon cœur se serra alors à ce souvenir.

Ce fut particulièrement gêné que je me levais et allais rejoindre Gabriel dans la cuisine. Un afflux de stress me saisit lorsque je pénétrais dans la pièce. Encore à moitié endormi, je n’avais pas fait attention à me protéger. Gabriel était assis en train de finir son thé et sa tartine de Nutella. Je lui adressais un « bonjour » timide auquel il ne prit pas la peine de répondre, annonçant ainsi tout de suite la couleur. A peine j’eus le temps de me préparer un café que Gabriel s’était déjà levé et déclarait le plus impersonnellement possible :

- Je vais me laver.

Je ne répondis rien et de toute manière, je n’aurais pas eu le temps de le faire. Je ne bus que ma tasse de café, n’ayant pas très faim. Une fois que Gabriel fut sortit de la douche, j’allais prendre la mienne. L’atmosphère qui régnait entre nous était insoutenable et j’étais finalement heureux qu’il ne soit pas là aujourd’hui étant le jour de sa compétition. Après une douche rapide, j’eus à peine le temps de m’habiller que déjà Gabriel m’attendait tout prêt, assis sur le canapé à regarder la télévision. Il l’éteignit lorsqu’il me vit arriver, et alla mettre son manteau. Je fis de même.

Une fois dans la voiture, le silence régna de plus belle. Il n’avait même pas mis sa musique habituelle pour le masquer. C’est ainsi que nous arrivâmes sur le parking et que Gabriel était en train de se garer. Je savais que c’était la dernière fois que j’allais le voir de la journée, et sachant l’épreuve qu’il allait bientôt passer, je ne voulais pas que l’on se quitte comme ça. C’est pourquoi je déclarai avant qu’il n’ait le temps d’ouvrir la portière afin de sortir :

- Gabriel attends.

- Quoi ?! dit-il très sèchement tournant alors sa tête vers moi.

- Ce que je vais te dire n’a rien à voir avec ce qui s’est passé hier soir. Je tiens juste à te souhaiter bonne chance pour ce concours. Je croiserais les doigts pour toi, et je suis sûr que tu gagneras la première place.

- Hn… déclara-t-il simplement, avant d’ouvrir cette fois-ci réellement la portière et de sortir de la voiture.

Je fis de même, blessé qu’il réagisse de cette manière pour une simple erreur de notre part. Car je n’étais pas le seul fautif. Notre relation qui s’était tellement améliorée était maintenant retombé en chute libre.
A contre cœur, je pris une autre direction que la sienne, allant accomplir mon travail. J’espérais vraiment de tout cœur qu’il réussisse ce concours, et mon propre stress était maintenant venu se mêler au sien. Je me rendais aux écuries lorsque j’entendis la voix de Philippe au loin m’appeler :

- Juha, viens par ici s’il te plait.

Intrigué, je m’exécutai, parcourant les quelques mètres qui nous séparait. 

- Qu’y-a-t-il ? Demandais-je, en remarquant aussitôt l’état semblable à celui de Gabriel dans lequel il se trouvait.

- L’employé qui devait faire le lad de Gabriel vient de m’appeler, il est malade et ne pourra pas venir. Tous les autres sont occupés, alors je n’ai que toi… Tu viens donc avec nous deux pour le concours. Je pense que tu en es tout à fait capable.

- Je… dis-je hésitant, ayant honte de mon ignorance. Je veux bien, mais en quoi cela consiste-t-il ?

- A l’aider à s’occuper de son cheval, le préparer… Et apporter toute l’aide nécessaire à Gabriel. Et puis comme tu es en de bons termes avec lui, je me suis dis que ce serait mieux pour Gabriel.

- C’est que…

Devais-je lui parler d’hier. Au fond de moi j’étais content de pouvoir l’aider, mais la situation était loin d’être propice à cela. Comment aller réagir Gabriel lorsqu’il serait au courant ? Allait-il redevenir le même qu’au début de notre rencontre ? Est ce que le début d’amitié qui s’était lié entre nous était définitivement terminé. Je m’en voulais tellement d’avoir cédé à ma pulsion… J’avais tout gâché. Mais Philipe me coupa dans mes réflexions et déclara :

- Bon si tu n’as rien me dire, on y va, tu vas nous aider à rassembler les affaires, nous on va mettre la monture de Gabriel dans le van.

Nous allâmes donc rejoindre Gabriel qui n’était apparemment pas au courant de la décision de Philipe car il me dévisagea lorsqu’il me vit arriver avec Philipe. J’étais très mal à l’aise, et je sentais parfaitement une sorte de haine vis à vis de moi. Gabriel était en train de finir de rassembler ses affaires pour le concours, si bien qu’après un regard meurtrier à mon égard, il reporta toute son attention sur ce qu’il était en train de faire. Ce fut Philipe qui prit la parole :

- J’ai trouvé le remplaçant de Tom.

- Ah ? Qui c’est ? demanda Gabriel sans prendre la peine de relever les yeux vers nous.

- Tu pourrais au moins me regarder quand je m’adresse à toi, ce n’est pas parce que tu stresses que tu dois en oublier la politesse.

Etonnamment Gabriel céda, lâchant un léger soupir. Il se tourna vers nous et déclara lorsqu’il s’aperçut que j’étais toujours là :

- Qu’est ce qu’il fout là lui ?

- Gabriel ! Dit Philippe en haussant le ton. Juha va venir avec nous, c’est ton lad, le remplaçant de Tom.

- Quoi ??! cria presque Gabriel.

- Gabriel, je ne le répèterai pas deux fois. Arrête tout de suite ce comportement. Juha va t’aider aider, c’est le seul qui est disponible pour le faire et je pense que cela sera bénéfique pour vous deux.

Gabriel marmonna quelque chose pour la forme, exprimant ainsi son mécontentement, mais ne vint pas contredire la décision de Philippe.

- Juha, apporte tout le matériel que vient de rassembler Gabriel à l’avant du van, nous devons partir ou alors nous serons en retard.

Je m’exécutais aussitôt pendant que Gabriel et Philippe allait chercher son cheval. Durant tous les préparatifs, Gabriel m’ignora superbement, plus que je ne pouvais le supporter. Cela ne pouvait pas durer, c’est pourquoi alors que Philippe nous attendait dans le van avec Orphée, je coinçais Gabriel un peu à part :

- Tu vas continuer longtemps comme ça ?

- De quoi tu parles ? demanda-t-il agacé, feignant l’ignorance.

- Gabriel, oublions ce qu’il s’est passé hier soir, nous allons travailler ensemble et je ne voudrais pas que tu rates ton concours pour un simple bais…

- C’est bon ! Me coupa Gabriel, comme s’il ne voulait pas entendre le dernier mot. Aller, viens, on est déjà en retard.

Je ne répondis rien, agacé par cette attitude tout de même capricieuse et enfantine de sa part. Nous nous retrouvâmes donc tous trois dans le van. Je ne savais pas combien de temps durerait le trajet. J’étais assis à côté de la fenêtre, Philipe conduisait et Gabriel prenait son mal en patience entre nous deux, fixant Orphée par le biais de la caméra de surveillance.

Je tentais au mieux de reporter toute mon attention sur le paysage qui défilait pour ne pas me synchroniser avec le stresse de Gabriel. Seuls quelques paroles furent échangées entre lui et Philippe, puis quelques ordres et conseils me furent donnés pour l’arrivée. Après deux bonnes heures de routes, je devinais à leur excitation que nous allions bientôt arriver. Jamais je n’avais connu ce genre d’ambiance.

Ce fut le cœur battant que nous arrivâmes enfin. Tout se déroula très vite. On amena Orphée dans un box préparé à son attention, portant toutes les affaires nécessaires. Il y avait beaucoup de monde, et la tension qui régnait entre chaque personne était épuisante. J’aidais Gabriel au mieux, tandis que Philippe allait régler les papiers avec les organisateurs du concours. Orphée aussi était passablement excité, mais en le comparant avec la plupart des autres montures il avait un tempérament assez calme et posé. Gabriel était silencieux, tentant de se concentrer au mieux pour l’événement qui allait suivre.

Philippe revint un moment après avec de quoi boire et manger un peu. Il força Gabriel à avaler un petit quelque chose, et je dus faire de même n’ayant finalement pas très faim non plus. Après un repas succin, nous finîmes de préparer Orphée et nous nous rendîmes dans une carrière qui était faite pour détendre les chevaux et les échauffer avant de passer devant tout le monde pour le concours. Je l’accompagnais en silence, Philippe était allé rejoindre les gradins après lui avoir donné les dernières recommandations.

Nous étions donc tous les deux et je savais que c’était la dernière occasion pour lui dire ce que j’avais sur le cœur. Jamais ne n’avais ressenti une personne stresser autant. Lentement, je posais ma main sur son bras, en un geste si doux qu’il ne se sentit pas le moins du moindre agressé. Il tourna alors la tête vers moi. Mentalement je tentais de le rassurer et d’absorber une partie de son agitation, puis je déclarais plantant mes yeux dans les siens :

- Au plus profond de moi, je sens que tu en es capable, plus que tous ceux présents ici, je crois en toi Gabriel, je n’ai qu’une seule chose à te dire : Fais toi confiance…

Si Gabriel ne me répondit rien, à travers mon contact avec lui et son regard, je sentais qu’il avait envers moi une profonde reconnaissance. Mes simples mots l’avaient-ils touché à ce point ? Aucun son ne sortait pourtant de sa bouche et je commençais à me sentir sérieusement mal à l’aise. C’est alors qu’il mit une fin étonnante à mon supplice, après un léger sourire il me dit tout simplement « merci », avant de déposer à ma plus grande surprise me désarçonnant totalement, un simple baiser sur la joue.

Totalement déstabilisé, je cessais de marcher, le laissant pénétrer seul dans la carrière. Que venait-il de faire ? Qu’est ce que voulait dire ce geste ? Malgré moi, le rouge me monta légèrement aux joues, me signifiant que je rougissais. Je ne m’attendais vraiment pas à ce geste venant de sa part, surtout après le scandale qu’il m’avait fait pour un simple baiser. Gabriel était déjà en train de monter lestement sur sa monture, et tentant de retrouver mes esprits, je vins me mettre sur la barrière et le regardait évoluer avec les autres.

Orphée semblait être parfaitement à l’écoute de Gabriel qui semblait maintenant avoir fait le vide en lui. La concentration que l’on pouvait lire sur son visage, lui donnait un air encore plus charmant et attirant. Je repensais au baiser, à la chaleur de ses lèvres sur les miennes et au bien que cela m’avait procuré. Puis ce baiser sur la joue m’avait finalement troublé, je ne savais pas vraiment ou cela allait nous menait.

Car, même si je me refusais à ressentir quoi que ce soit pour lui, quelque chose était bien là et présent, et je ne pouvais aller à l’encontre. Je tentais de me persuader que jamais je ne répèterais la même erreur, qu’il y avait des circonstances différentes avec Killian. La question qui venait alors, c’est où allait mener ce genre de relation avec Gabriel ?

Soudain, le son des haut-parleurs annonça le début du concours, donnant l’ordre de passage. Gabriel passait le dernier. Je ne savais pas si cela était bien ou non pour lui, et c’est à ce moment là qu’il vint me voir en me tendant son pull. Il semblait avoir trop chaud.

- Prêt ? Lui demandais-je en levant la tête afin de pouvoir le regarder droit dans les yeux.

Gabriel me sourit et me répondit très fermement :

- Plus que jamais !

Il fit virevolter son cheval, et repartit au petit galop, dans le but de l’échauffer et le détendre encore un peu. Il semblait enfin déterminé et avait trouvé toute son assurance et sa confiance. Ce ne fut qu’une heure après, une fois que je lui avais apporté un peu d’eau qu’on hurla son nom et celui de Orphée afin qu’il passe. Mon cœur semblait battre aussi fort que le sien. Je l’accompagnais jusqu’à la grande carrière de concours, voulant être présent jusqu’au bout. Au regard qu’il me lança avant d’y aller vraiment, je sentis qu’il m’en était reconnaissant.

Je me reculais un peu mais restais à peu près à la même place. Je n’avais pas vu les autres, mais il était impressionnant comme Gabriel et Orphée semblait être à l’écoute de l’un de l’autre. Orphée était tout aussi concentré que Gabriel. Il se plaça au milieu de la carrière, attendant qu’on lui dise de commencer.

J’avais tellement envie qu’il gagne. Tous ces sentiments, ces ambiances qui circulaient étaient totalement nouvelles pour moi, et pour une fois je me laissais porter par cette agitation. Cependant, je restais toujours en lien avec Gabriel. Mon regard posé sur lui ne le quittait pas un seul instant. Le signal du départ fut donné et Gabriel entama ce qu’il avait répété depuis des mois.

Mes doigts se croisèrent et j’espérais de toutes mes forces qu’il fasse le meilleur score. Je n’arrivais même pas vraiment à écouter les commentaires qui semblaient complimenter Gabriel. L’épreuve ne durait que quelques minutes et pourtant elle me semblait durer des heures. La grâce avec laquelle Orphée exécutait les demandes de Gabriel était d’une beauté à couper le souffle. Lorsque ce moment pris fin, je ressentais presque un regret que cela ne dure pas plus longtemps.

Je tournais alors ma tête vers tous les spectateurs et en particulier les jurys, ils semblaient tous être tombés sous le charme. Je ne savais pas encore les résultats il était en train de décompté ses points, mais je savais qu’il allait gagner, j’en avais même la certitude. Gabriel qui s’était arrêté au milieu de la carrière revint alors vers moi, un grand sourire sur ses lèvres qui cachaient un peu la tension qui l’habitait.

Lorsqu’il arriva à ma hauteur, il descendit de son cheval, les mains légèrement tremblantes. Je ne pus me retenir de m’exclamer :

- Tu étais superbe ! C’était …

La grosse voix coupa mes paroles, annonçant qu’il y avait une erreur dans le décompte des points et que les résultats seraient donnés d’ici une dizaine de minutes. Gabriel marmonna quelques mots, puis nous allâmes au box d’Orphée avant de le faire boire et de lui mettre une couverture. C’était tout de même l’hiver, et l’effort qu’il venait de fournir l’avait rendu légèrement transpirant, il ne fallait surtout pas qu’il attrape froid. Arrivé au box, nous lui laissâmes tout de même sa scelle et sa bride car Gabriel devrait repasser devant tout le monde avec tout les autres lors de l’annonce des résultats. Cette attente était vraiment insoutenable…

Gabriel me laissa m’approcher de sa monture et l’aider à lui prodiguer des soins, signifiant qu’il me portait de plus en plus de confiance. Au souvenir de notre première rencontre dans le box d’Orphée, je souris.
Soudain, l’homme reprit la parole dans le haut parleur, mon cœur se serra lorsqu’il prononça le premier mot annonçant le gagnant. Lorsque j’entendis le nom de Gabriel, je criais presque de joie et sans réfléchir le moindre instant, je lui sautai au cou en le serrant très fort.

- Je te l’avais dis Gabriel, je… félicitations !!!

Etrangement, il répondit à mon étreinte. La joie qui émanait de lui m’envahissait tout en me réjouissant totalement. Il avait gagnait… La première place… Je resserrais encore un peu plus mon étreinte, me lançant aller à profiter de ce contact. Voilà maintenant tellement longtemps que je n’avais pas senti deux bras puissants et masculins autour de ma taille. J’avais oublié le bien que cela prodiguait. C’est alors qu’une voix qui ne nous était pas étrangère retentie à l’entrée du box :

- Félicitation Gabriel ! déclara Philipe.

Gabriel s’écarta alors vivement de moi, comme s’il avait honte de ce contact. Philipe ne sembla pas y prêter d’importance, et déclara :

- Allez, vient recevoir ton prix.

Un sourire étirait ses lèvres. Il avait une sorte d’attitude paternelle vis à vis de Gabriel, car c’était bien là le sourire de quelqu’un de profondément fière de son fils qui était présent. Nous repartîmes en direction de la carrière, heureux comme jamais.

A quelques pas de la carrière, il remonta sur Orphée et se rendit seul récupérer son prix. Jamais je ne l’avais vu aussi débordant de joie. Ce concours était tellement important pour lui… Il avait tenu à aller jusqu’au bout malgré les difficultés et il y était parvenu.

Nous restâmes côte à côte avec Philipe qui avait déjà attrapé son téléphone et qui prévenait le centre de la victoire de Gabriel. La cérémonie de la remise des prix dura un moment, et jamais le sourire ne quitta les lèvres de Gabriel qui était plus que fier. Après bien des acclamations, Philipe alla régler les derniers papiers, pendant que j’allais m’occuper d’Orphée avec Gabriel. Pendant qu’il lui offrait un bon pansage plus que mérité, je m’occupais de ranger les affaires. Nous fîmes tous deux monter Orphée dans le van, il était déjà une heure avancée de l’après-midi, et il fallait partir si nous voulions arriver avant la nuit.

Gabriel tenait fermement son prix durant tout le trajet en voiture qui se fit dans la bonne humeur générale. Cette tension insoutenable qui avait été présente sur le chemin de l’allée, était remplacée par l’euphorie de la victoire. Lorsque nous arrivâmes enfin au centre, la tombée de la nuit était proche. Nous nous occupâmes en priorité avec Gabriel de son cheval, puis je finis de ranger le matériel pendant qu’il allait voir si sa jument allait bien.

Philippe était partit dans son bureau, et nous le rejoignîmes une vingtaine de minute plus tard. Lorsque nous frappâmes à la porte, personne ne répondit. La lumière était éteinte et constatant qu’il y avait de l’agitation dans le réfectoire, nous nous y rendîmes tous les deux. Les tables avaient été déplacées pour être disposées d’une toute autre manière. Des boissons y avaient été déposées ainsi que quelques petites choses à grignoter.

Presque tous était présent, et acclamèrent Gabriel lorsqu’il arriva. Beaucoup se ruèrent sur lui pour le saluer, et je préférais me mettre un peu à l’écart, ne supportant pas lorsqu’il y avait trop de monde. Trop de sentiments étrangers à repousser…. Gabriel s’aperçut de mon soudain éloignement, et me jeta un regard intrigué. Mais son attention fut vite accaparée par les autres. Je restais ainsi en retrait, spectateur du bonheur de Gabriel. Je savais que cela ne guérirait pas totalement sa douleur bien plus profonde, mais cela l’apaisait au moins un peu. Dorian vint alors me voir, je ne lui avais pas spécialement reparlé depuis ce fameux soir, et j’appréhendais un peu.

- Alors qu’as tu pensé de ce concours, c’est la première fois que tu en voyais un, non ?

- Oui, c’était très intéressant, dis-je avec le sourire, tentant de cacher mon léger malaise.

- Tu veux boire quelque chose ? me demanda-t-il.

- Oui pourquoi pas.

C’est ainsi que nous nous dirigeâmes jusqu’à la table des boissons. Je sentis posé sur moi un instant le regard de Gabriel. Amusé, je pris le verre que me tendis Dorian et allais discuter un peu plus loin avec lui. Il fallait de toute manière que je m’écarte un peu de toute cette agitation qui pompait mon énergie.

Nous parlâmes de tout et de rien, jusqu’à ce qu’il aille voir d’autres amis, me laissant seul. Je profitais donc de cet instant de calme, pour me retrouver un peu. Plusieurs fois je sentis le regard de Gabriel se poser sur moi. Je ne savais pas vraiment ce qu’il se passait, mais depuis que nous nous étions enlacé dans le box lorsque nous avions appris sa victoire, je ne pouvais m’empêcher de ressentir quelque chose d’étrange.

Je me remémorais la chaleur de son corps tout contre le mien… Et ce baiser qu’il avait déposé sur ma joue… Jamais je n’aurais pensé que Gabriel puisse être quelqu’un d’aussi doux et sensible. Jamais je ne l’avais détaillé avec ce regard. Il m’aurait été impossible de dire qu’il ne m’attirait pas. Gabriel était un homme très beau. Ce soir là, ces yeux bleus océans brillaient de joie, éblouissant quiconque s’y plongeait un peu trop longtemps.

C’est alors qu’une personne qui n’aurait pas due venir fit son entrée dans la pièce. Marion dédaigna tout le monde et alla directement jusqu’à Gabriel. Elle s’interposa devant tout le monde et lui offrit un grand sourire avant de déclarer d’une voix qui trahissait son hypocrisie :

- Félicitation Gabriel ! A croire que je me suis trompée ! Jamais je n’aurais pu imaginer qu’un type comme toi puisse arriver à gagner quoi que ce soit un jour. Ca doit cacher quelque chose, dit-elle en prenant une moue dubitative.

Voyant l’expression de Gabriel changer, je m’approchais un peu. Etonnamment il n’était pas en train de se mettre en colère ou du moins ne semblait pas y parvenir. Elle était en train d’appuyer là où cela faisait mal, et quelque chose me disait qu’elle avait connaissance d’une partie du passé de Gabriel et de la raison de sa douleur quotidienne. Comme pour l’enfoncer un peu plus elle ajouta :

- Ah je sais, tu as triché pour pouvoir gagner, il n’y a que cela. Quand on sait d’où tu viens on comprend qu’il est impossible que tu puisses faire quoi que ce soit de ta vie.

Le bonheur et la joie de Gabriel s’effilochaient à vue d’œil. Je le sentais, il était à deux doigts de pleurer. Comment cette femme pouvait-elle être aussi mauvaise ? Cette situation ne pouvait pas durer, Gabriel semblait tellement blessé qu’il ne répondait rien, ne cherchant même pas à se défendre. Jamais je ne l’avais vu aussi abattu. Malheureusement, Marion repassa à l’attaque :

- Dis moi Gabriel, c’est quoi ton secret ? T’es passé sous la table pour pouvoir gagner ? C’était des bons coups les jurys ?

S’en était trop, je ne pouvais pas supporter que Gabriel se fasse ainsi détruire. Cette femme était en train de ruiner tous les effets de sa victoire. Maintenant à côté de Gabriel, ma main partie toute seule avant d’atterrir sur sa joue.

Tout le monde se retourna suite au bruit de la gifle, me regardant ébahi. J’y étais peut être allé un peu fort, mais la colère avait été trop grande. Gabriel me regardait comme sous le choc, ne semblant pas s’attendre du tout à une réaction si imprévisible de ma part. Sans me départir de ma hargne je criais presque, défendant de toutes mes forces l’être qui m’était devenu très cher malgré moi :

- Tu n’as pas d’autres endroits pour aller cracher ton venin ! Espèce de petite garce, tu ne vaux vraiment pas la peine qu’on reste en ta compagnie, viens Gabriel, on s’en va ! Bonne soirée à tous et à demain.

J’attrapais Gabriel par le bras, l’attirant avec moi. Il était légèrement tremblant, et je dus faire appelle à toutes mes forces pour ne pas me faire envahir de sa peine ravivée comme jamais.

Une fois à l’extérieur, je tournais la tête vers Gabriel. Les larmes qu’il avait jusqu’à maintenant retenues commençaient à poindre au coin de ses yeux. Sans perdre un seul instant, je l’attirais jusqu’à moi, lui prêtant mon épaule pour qu’il se lâche enfin.

C’est un sanglot déchirant qui parvint à mon oreille, scindant douloureusement mon cœur en deux. Je sentais ses larmes couler dans mon cou, et ses deux bras venir me serrer très fort, comme pour me remercier d’être là. Lentement, je fis glisser ma main sur son dos dans un mouvement d’aller retour, dans le but de le consoler au mieux.

Sa tête était enfouie dans mon cou, légèrement reposée sur mon épaule et il pleurait évacuant sa peine du mieux qu’il pouvait. Mon autre main passa dans ses cheveux dans un geste très tendre qui l’apaisa un peu tout autant que cela sembla l’intriguer.

Nous restâmes un moment ainsi, tout deux enlacés. Plusieurs fois je lui murmurais quelques mots de réconfort, attendant patiemment qu’il se calme. Ce fut le froid qui nous força à nous écarter un peu lorsque ses larmes se tarirent enfin. Son regard était maintenant fuyant, gêné d’avoir craqué ainsi devant moi. Nos visages étaient tellement proche l’un de l’autre, et nos corps encore collés. Il me suffisait de parcourir quelques centimètres pour effleurer de nouveau ses lèvres, mais par force de volonté je fis, après un temps, le mouvement inverse.

A contre cœur, je me détachais de cette étreinte, quittant l’emprise qu’il venait d’avoir sur moi. Décidant de mettre totalement fin à cet instant si tentateur, je lui demandais alors, espérant une réponse positive de sa part.

- Tu viens chez moi ce soir ?

- Pourquoi pas, me répondit-il d’une petite voix faible et honteuse.

Il m’aurait dit non, je l’aurais forcé. Il était impossible qu’il reste seul dans cet état. Il alla chercher les clefs de la voiture dans le bureau, prenant soin de ne pas aller dans le réfectoire, pendant que j’allais prévenir Philipe de notre départ. Même si j’étais gêné de l’affronté alors que je venais de frapper et d’hausser le ton sur sa fille, je ne voulais surtout pas que Gabriel ait à affronter de nouveau tout le monde. Il était justement avec Marion et je priais pour qu’il me voit avant que je n’arrive à leur hauteur. Heureusement, il redressa la tête, et vint directement me voir :

- Comment va-t-il ?

Extrêmement gêné, je ne répondis pas tout de suite à sa question :

- Je suis désolé pour Marion, j’ai… Je…

- J’ai assisté à la scène Juha, tu n’as pas besoin de te justifier. N’abordons pas ce qu’elle a fait, je m’en chargerais avec elle. Comment va Gabriel ?

- Il… Il vient chez moi ce soir.
Philippe m’offrit alors un sourire, l’inquiétude quittant peu à peu son visage et il souffla en quelques mot :

- Merci Juha… Merci pour tout ce que tu fais pour lui.

Je répondis alors par un sourire gêné et nous nous séparâmes en nous souhaitant une bonne soirée. Je rejoignis Gabriel qui m’attendait dans la voiture. Il abhorrait une expression assez froide qui trahissait sa peine. Lorsque je fus dans la voiture, Gabriel démarra. Il ne mit même pas sa musique, laissant le silence s’installer entre nous. Ou était passé la joie qu’il avait encore il y avait à peine une heure ? Rapidement, nous nous retrouvâmes chez moi. Gabriel alla directement s’asseoir dans le canapé.

- Tu veux boire quelque chose ? Demandai-je alors.

- Non, je n’ai pas soif, merci…me dit-il la voix lasse.

- Je vais préparer à manger dans ce cas.

- Je n’ai pas très faim non plus…

Ne supportant plus cette attitude, je vins m’asseoir à côté de lui.

- Je sais que je suis assez mal placé pour te poser des questions sur ton passé, mais… Enfin voilà… Est ce que je peux t’en poser quelques unes ?

Gabriel tourna la tête vers moi surpris. Il ne semblait vraiment pas s’attendre à cela.

- Tu n’es pas obligé de me répondre, si c’est trop personnel, tu peux ne rien me dire. Mais je souhaiterais juste comprendre certaines choses, comme la réaction de Marion par exemple et l’effet qu’elle a eut sur toi.

Je choisissais mes mots avec difficulté, ayant très peur de le braquer totalement. Mais Gabriel me répondit simplement :

- Je t’écoute.

Je n’aimais pas le ton que prenait sa voix, elle était bien trop triste et trop grave. Rassemblant mon courage, je posais ma main sur la sienne et lui demandais :

- Marion a fait allusion à ton passé, en dénigrant d’où tu venais…

J’avais fait exprès de poser ma main sur la sienne. Grâce à cela, je pouvais en savoir plus que ce qu’il ne me transmettrait pas ses propres mots. Certes cette méthode n’était pas très loyale mais il n’y avait que comme cela que je pouvais l’aider.

- Je… C’est trop personnel désolé, je n’ai pas envie d’en parler.

Presque immédiatement, je décelais de la honte dans sa voix et dans son attitude, et toujours cette peur, la même qui l’avait glacé la dernière fois lors de notre baiser. Qu’avait-il vécu pour qu’il soit à ce point traumatisé et si profondément blessé. Sans trop réaliser que je parlais en même temps que je pensais, je déclarais :

- De quoi as-tu si peur et si honte ?

Ma question mourût dans un silence, les larmes commençaient de nouveau à perler sur le coin de ses yeux. J’avais envie de le prendre dans mes bras, et de sécher de mes doigts ses larmes, mais je sentais qu’il n’accepterait pas ce geste maintenant. C’est pourquoi je ne fis que resserrer l’étreinte de ma main sur la sienne.

Je finis par reprendre la parole, cessant ce silence qui était en train de l’oppresser :

- Ca fait combien de temps que tu étais avec Marion ?

Gabriel tenta de se ressaisir et me répondit :

- Six ans environ…

- Ah oui ? Tant que ça ? Comment en êtes vous venu à ce genre de rapport ?

Gabriel prit une profonde inspiration, bien décidé à me répondre et commença :

- A dix-huit ans je suis venu travailler dans ce centre. Marion comme tu le sais est la fille de Philippe. Personne ne faisait vraiment attention à moi, je n’étais qu’un petit nouveau qui avait à peine atteint sa majorité. Marion a été la seule à venir me parler, alors naturellement nous nous sommes rapprochés. Je.. Je pensais vraiment que je l’aimais, mais je peux t’avouer que je me suis vite rendu compte que ce n’était pas le cas. Et pourtant notre relation à continuer se détériorant jusqu’à maintenant.

- Est ce que c’est une question d’orientation sexuelle ? Me risquais-je à demander.

Gabriel tiqua et répliqua aussitôt :

- Pourquoi cette question ?

- Je… C’est que… Vis à vis des sous entendus qu’elle a fait… Désolé, je n’aurais pas du te demander cela.

J’allais même jusqu’à ôter ma main de la sienne, très mal à l’aise. Il me fallut un temps pour me reprendre. Cette fois-ci ma main se posa sur son épaule et je lui déclarais très sérieusement :

- Quoi que ce soit Gabriel, je suis mal placé pour te juger. Tu ne devrais pas avoir honte de toi, tu es quelqu’un de très bien au fond de toi, et tu l’as prouvé aujourd’hui lors du concours. Quoi que t’ai dis Marion, tu as mérité cette place à sa juste valeur plus que tout autre, alors ne gâche pas ta joie pour elle.

Gabriel tourna alors la tête vers moi, quelques larmes coulaient silencieusement de ses yeux. Il me demanda profondément intrigué :

- Pourquoi est ce que tu t’acharnes à vouloir m’aider comme ça ?

Surpris par sa question, je fus pris de court. Que répondre à cela ? Jamais je ne pourrais lui dévoiler la vérité.

- Je… Parce que… J’en ai envie tout simplement…

Je restais très elliptique. A cette question je ne savais finalement pas quoi répondre moi-même.

- Je ne te comprends pas… A quoi cela te sert-il ? Je n’en vaux vraiment pas la peine tu sais.

- Non ça c’est sur, si tu continue à te rabaisser ainsi ! Si j’ai envie de t’aider et bien je le ferais. Laisse les autres juger de ta valeur car s’il y a une chose dans laquelle tu n’excelles pas, c’est l’estime de toi.

Je parlais durement et je le savais, mais je ne supportais pas de le voir se rabaisser ainsi. Après un long silence ou Gabriel médita sur mes paroles, il finit par se lever et déclarer :

- Je vais me laver, j’en ai pas pour longtemps.

-  Très bien je vais faire à manger pendant ce temps.

Gabriel se leva, tentant au mieux de cacher son trouble. Ayant déjà passé plusieurs nuits chez moi, il avait laissé un bas de pyjama et un t-shirt tout simple chez moi. Il les attrapa au passage avant de se rendre directement jusqu’à la salle de bain.

Je me rendis donc dans la cuisine, préparant un repas simple, mais copieux au vu des efforts et des émotions intenses qu’il avait eu aujourd’hui. Il vint assez rapidement me rejoindre, et je lui demandais de mettre la table, pendant que j’allais à mon tour prendre une douche. Je profitais des bienfaits de l’eau et réfléchissais à notre conversation. Plus j’en apprenais sur lui, plus j’étais intrigué par cet homme.

Lorsque je sortis de la douche, je m’aperçus que j’avais oublié mon t-shirt dans le salon. Après m’être séché et avoir enfilé un simple pantalon, je me rendais dans le salon torse nu, où se trouvait Gabriel en train de regarder la télévision. Je passais devant lui, sentant très vite son regard posé sur moi. Il me fallut un temps pour comprendre qu’il regardait en réalité le tatouage que j’avais sur l’épaule.

C’était fou comme ce genre d’attention m’avait manqué, moi qui en avais été tant dépendant à l’époque. Je me rendais compte de l’effet que ces dix années avaient eu sur moi. La vie avant la mort de Killian… J’avais tout enfoui en moi et je ne voulais pas m’en rappeler. Sa mort n’en était que plus dure. Peu à peu je me laissais aller dans ce baiser à la fois si tendre et passionné. Gabriel se laissait porter par mes envies, ne prenant pas encore l’initiative. Lorsque le baiser prit fin, je m’écartais légèrement de lui et déclarais avec un grand sourire :

- Bonjour Gabriel, bien dormi ?

Aussitôt il vira au rouge, semblant réaliser seulement maintenant tout ce qui venait de se passer, jusqu’au baiser que je venais de lui donner.

- Je… Oui, dit-il de plus en puis plus gêné.

Je ne pus retenir un petit rire, et lui dit :

- Assieds-toi, je t’apporte ce dont tu as besoin.

Rapidement nous nous mîmes à déjeuner dans une ambiance à la fois agréable et à la fois assez gênée. Je finis par me lever et j’allais m’habiller puis pendant que Gabriel était allé faire un tour dans la salle de bain, je rangeais un peu l’appartement.

Puis nous prîmes la voiture pour nous rendre au centre. Je sentais son cœur bien plus léger que la veille. Nous passâmes une bonne partie de la journée ensemble. Il me faisait de plus en plus confiance et me confiait des tâches plus importantes en plus de celles que j’avais à accomplir chaque jour.

Au repas de midi, nous mangeâmes ensemble, en ignorant superbement Marion qui chuchotait quelques mots à notre égard à son voisin de table. Au vu du lieu où nous nous trouvions et à la gêne toujours présente de Gabriel, je ne tentais à aucun moment de l’embrasser. En quelques jours je venais de découvrir une autre facette de sa personnalité bien plus fragile que ce qu’il laissait paraître. En aucun cas cependant je ne lui faisais remarquer ou le taquinait avec cela.

Le soir arriva très vite, et n’ayant aucune envie de me séparer de lui ce soir, j’allais le rejoindre alors qu’il était en train de réparer un filet. Marion et Dorian n’étaient pas très loin mais je ne leur prêtais pas la moindre attention.

- Je sais que tu es déjà venu hier, mais est-ce que ça te dis de dormir chez moi ce soir ?

J’appréhendais un peu sa réponse, et pourtant c’est avec un grand sourire qu’il me répondit avec tout le naturel du monde :

- Je finis ça et on y va.

Ayant soudain envie de le taquiner, je répliquais alors amusé de sa réaction :

- Je me trompe où tu as l’air de te sentir comme chez toi dans mon studio, mieux que dans ta petite chambre en tout cas.

Gabriel leva alors les yeux vers moi les planta dans les miens et dit avec tout le sérieux du monde quelque chose qui me toucha beaucoup malgré la maladresse de l’expression :

- J’en ai marre de la solitude, quand je peux être avec une personne que j’apprécie.

Je ne répondis que par un sourire et allait récupérer mes affaires avant de l’attendre à la voiture. Je passais devant Marion et Dorian qui avaient assisté à la scène les ignorants avec superbe.

Gabriel ne mit pas très longtemps à me rejoindre et nous partîmes jusqu’à mon studio. Nous fîmes quelques courses avant, n’ayant plus grand chose dans mon frigo. Je réalisais au moment de passer à la caisse que pleins de choses que j’avais prise étaient mangées uniquement par Gabriel.

Nous nous retrouvâmes finalement en train de manger un petit plat tout simple sur le canapé devant la télévision, tous deux fatigués par la journée. Nous parlions de tout et de rien. Je me levais un moment, demanda à Gabriel ce qu’il voulait comme dessert et débarrassais afin que nous soyons plus à l’aise. Je revins quelques minutes plus tard me mettre à ses côtés lui tendant la pomme qu’il m’avait demandée.

L’ambiance était détendue comme jamais, me permettant de me reposer comme rarement il m’en avait été possible. Je ne sus pas vraiment comment, quelques temps après que nous ayons fini notre dessert, nous nous retrouvâmes l’un tout contre l’autre, profitant de la présence et de la chaleur du corps de l’autre. Puis, à un instant, nous tournâmes lentement la tête l’un vers l’autre, nous fixant l’un l’autre d’un regard intense.

Progressivement et sans heurt aucun, nos lèvres se rapprochèrent avant de s’unir pour la deuxième fois de la journée. J’y avais à peine goûté, et j’étais déjà en manque. Toute la journée, je n’avais cessé de regarder ses lèvres et de me retenir. Gabriel avait déjà entrouvert ses lèvres, se tournant un peu plus vers moi afin de me prendre dans ses bras.

Nous nous enlaçâmes, laissant nos langues entamer une nouvelle danse très tendre apprenant encore à se connaître. Sans trop m’en rendre compte au fur à mesure dans le baiser, je laissais mes mains un peu plus libre de vagabonder sur le corps de Gabriel. Les siens étaient bien moins mobiles que les miennes, bien qu’au fur et à mesure dans le baiser, je tentais de lui communiquer un peu plus de passion et de désirs.

Mes mains finirent après beaucoup de patience à glisser sous son t-shirt, ayant plus que tout envie de sentir sa peau sous ma main. Je remontais tout le long de son dos, lui laissant un frisson. Mes mains partirent ensuite plus lentement et sensuellement à la découverte de cette peau nue qui leur était offerte.

Plusieurs fois je sentis Gabriel frémir. Il semblait se retenir constamment de se laisser aller lui aussi, comme s’il avait peur de quelque chose. Je commençais à supporter avec bien plus de difficultés le fait de ne rien savoir. Alors que je caressais son dos, mon doigt sembla passer sur un aspect différent de son dos.

Aussitôt, je fus comme envahi de cette douleur que j’avais ressentie la première fois où je l’avais touché. Elle était tellement violente, qu’elle dévastait tout en moi sur son passage. Il semblait soudain gêné que je pose ma main sur cet endroit précis de son dos, car il s’écarta soudain, quittant mes lèvres.

- Je vais me laver… commença-t-il par me dire gêné.

Puis s’apercevant de la pâleur soudaine de mon visage, tentant de me remettre de ce qui venait de s’écouler en moi, il déclara :

- Ca va Juha ?!

- Oui, juste un petit coup de fatigue…

- Hn… dit-il dubitatif, avant de se lever et de se rendre dans la salle de bain.

Je me laissais aller dans le fauteuil, laissant doucement l’énergie revenir en moi, tentant de me remettre. Je fermais les yeux un instant, ramenant la paix après la bataille qu’avait déclenché en moi la souffrance de Gabriel. Je les rouvris lorsque je sentis une présence à côté de moi. C’était Gabriel simplement en serviette qui, gêné, venait chercher ses vêtements qu’il avait oubliés dans sa précipitation.

Mon regard se posa alors directement sur son dos qui se trouvait face à moi. Une longue et fine cicatrice lui zébrait le dos. C’était bien cela que j’avais touché tout à l’heure. Une foule de questions vinrent dans ma tête. Pourquoi Gabriel avait-il cette cicatrice qui était indéniablement liée à son passé ? Qui et pourquoi lui avait-on fait cela ?

N’y tenant plus, je me redressais légèrement alors qu’il se retournait et lui demandais :

- Gabriel ? Qu’est que tu t’es fait au dos ?

Je vis aussitôt ses traits s’effondrer, comme s’il redoutait cette question tout autant que mes questions sur son passé. Alors qu’il allait ouvrir la bouche, la sonnerie de ma porte retentie.

- Je, je vais ouvrir. Je reviens.

Gabriel acquiesça et se dirigea directement jusqu’à ma salle de bain. Je me demandais qui cela pouvait être, mais je n’y prêtais pas grande importance, encore plongé dans les questions au sujet de Gabriel. A peine eu-je ouvert la porte qu’un frisson de terreur me pris. Le frère de Killian plus haineux que jamais se tenait à une mètre de moi. J’eus à peine le temps de crier le début du nom de Gabriel qu’il me sauta à la gorge, m’étranglant de ses deux mains.

Il me plaqua contre le mur. Pris de panique, ne pouvant même plus respirer, je tentais au mieux de me débattre, tentant en vain de repousser ses mains avec les miennes. Je priais pour que Gabriel arrive et c’est heureusement ce qui arriva. Il se rua derrière le frère de Killian avant de le tirer en arrière avec une force décuplée par la rage. Il lui envoya son poing dans la figure sans que le frère de Killian n’ait le temps de faire quoi que ce soit. Je portais mes mains à ma gorge, la massant un peu, après avoir repris une profonde inspiration. Après un regard inquiet pour moi, Gabriel déclara :

- Je crois que tu n’as pas très bien compris la dernière fois !!!

Le frère de Killian se redressa, en se massant la mâchoire après une grimace de douleur. Une fois debout, il se mit en face de Gabriel qui s’était placé devant moi dans une attitude protectrice. Toutefois, ce fut à moi que le frère de Killian s’adressa :

- Comment ça se fait qu’il te protège autant lui ? Tu l’as encore embobiné comme Killian ? Ca ne m’étonnerait pas de toi petite enflure ! Dis moi tu lui réserves la même fin ?

- Arrêtez ça tout de suite ! dit Gabriel, menaçant.

J’étais totalement tétanisé. Je ne savais pas pourquoi, mais je m’attendais au pire. Qu’allait-il se passer et surtout qu’allait répondre le frère de Killian à Gabriel qui ouvrait déjà la bouche.

- Je me méfierais si j’étais toi, je ne ferais pas confiance à un mec qui sort tout juste de prison.

Je vis Gabriel se raidir tout de suite, et il se tourna vers moi. 

- De prison ??? Juha tu sors de prison ?

Je ne pus que détourner le regard à sa question, les larmes venant déjà mouiller mes yeux.

- J’m’en doutais que cette petite merde t’ai rien dit.

Gabriel se retourna aussitôt, voulant se ruer sur lui pour maintenant déverser la colère qu’il ressentait aussi pour moi. Mais le frère de Killian esquiva et s’enfuit par la porte d’entrée encore ouverte. Gabriel ne bougea pas, il me tournait le dos et ses mains tremblaient de rage. A cet instant, je sus que le bonheur que j’avais effleuré venait d’être briser à jamais, détruit par mon passé qui me collerait toujours à la peau. Ne voulant pas que sa colère éclate et qu’il abatte sa haine trop violemment sur moi, je tentais en vain de l’apaiser :

- Je suis désolé Gabriel, j’aurais du te le…

- Tais-toi !! Me hurla-t-il en se retournant. Comment as-tu pu me faire ça ? Comment as-tu pu me cacher cela ? A ce stade de notre relation !

Je me laissais glisser le long du mur, n’ayant plus la force de rester sur mes deux jambes. Je tremblais de terreur et de souffrance, supportant avec extrêmement de difficulté les mots blessants et haineux de l’homme avec qui je m’étais attaché plus que je ne l’aurais du.

- Tu… Tu m’as trahis Juha, j’aurais mieux fait de te laisser seul avec le frère de Killian ! Tu… Je te déteste ! Ne m’approche plus jamais.

Gabriel pris un instant sa respiration avant de recommencer de plus belle :

- Tout ce qu’on a fait… Pendant tout ce temps… Ne m’adresse plus jamais la parole ! Ne viens plus jamais me voir et surtout ne pose plus jamais la main sur moi. Toutes ces belles paroles sur la confiance…
Assis, les genoux repliés sur moi, je tentais vainement de dire, voulant me défendre une dernière fois, la voix enrouée :

- Gabriel, je suis désolé… J’aurais du te le dire… Pardonne-moi… J’avais peur de ta réaction… Je ne voulais pas que tu me rejettes en sachant… Je…

- Est ce que tu avais au moins l’intention de me le dire un jour ?! Tu me dégoûtes ! Me cracha-t-il au visage d’une voix froide trahissant sa haine.

Plus une seule fois il ne reposa ses yeux sur moi. Il alla récupérer toutes ses affaires et sortit de mon studio en claquant la porte, me laissant seul avec ma peine.

Sans résister, j’éclatais littéralement en sanglots, posant ma tête entre mes bras contre mes genoux. Je pleurais de douleur face à ce rejet. Pourquoi avait-il du l’apprendre ? Face à sa réaction je savais que tout entre nous deux était fini à jamais, après même que cela est tout juste commencé.

Je me rappelais du goût de ses lèvres et de sa sensibilité qu’il m’avait plusieurs fois laissé entrapercevoir. Ma poitrine se serra si douloureusement que j’eus du mal à respirer, me repliant encore un peu plus sur moi-même. Avait-il parlé sous le coup de la colère ? J’en doutais… Je repensais à ses derniers moi « Tu me dégoûtes », et de la haine qui avait déferlé sur moi.

Des spasmes commencèrent à me saisir, il fallait que je me lève, que je fasse quelque chose, il ne fallait pas que je reste ainsi. J’étais littéralement épuisé, ma gorge me brulait. J’avais encore l’impression d’y sentir les mains du frère de Kilian. Les tremblements étaient de plus en plus violents et je ne cessais de pleurer. J’avais tellement mal au cœur…

Je ne sus comment je parvins à me lever et à marcher jusqu’au canapé où Gabriel avait si souvent dormi. Je n’arrivais pas à aller jusqu’à mon lit. Cela me rappelait encore la dernière nuit que nous avions passé tout contre l’autre. Recroquevillé, je tentais tant bien que mal de me calmer. Je restais ainsi à pleurer un temps interminablement long, jusqu’à fermer les yeux pour me couper du monde. Peut être n’aurais-je pas dus souhaiter dormir…

Flash back

J’eus à peine le temps d’ouvrir de nouveau les yeux, qu’un deuxième poing vint atterrir dans mon ventre, juste en dessous de mes côtes. J’étais totalement perdu.

- Alors comme ça on se prend pour un tueur ? Tu vas voir ce qu’on leur réserve nous aux mecs dans ton genre.

- Arrête Jack, c’est quand même qu’un gamin.

- Il a été émancipé, et puis à dix-sept ans on est plus un gamin ! Il ne mérite que ça.

A peine eut-il terminé sa phrase qu’il me cracha au visage. J’étais totalement paralysé et je n’osais esquisser un seul (il manque un mot « mouvement » « geste »). Je venais à peine d’entrer en prison que c’était déjà l’enfer. Mais le pire était que je n’avais pas encore rencontré les prisonniers… Pour le moment, j’étais seul face à la haine de ces deux gardiens, heureux d’avoir trouvé quelqu’un de plus faible.

Seulement, jamais je n’eus une quelconque réaction. J’étais trop emprisonné dans ma propre douleur. Un seul nom me venait à chaque fois à l’esprit… Killian. Depuis l’instant même où il avait fermé les yeux, mon cœur saignait de cette douleur vive et amère sans cesser un seul instant.

L’un d’eux attrapa alors un dossier posé sur le bureau. Un homme s’y tenait assis depuis le début et prenait un malin plaisir à voir ses deux acolytes faire ce qu’ils voulaient de moi. Je n’aimais pas son regard et la façon qu’il avait de poser ses yeux sur moi me donnait froid dans le dos.

J’avais l’impression qu’il me réservait bien pire que ce que ces deux hommes étaient en train de me faire. Je sentais la douleur de mon corps mais elle n’était en rien comparable avec celle de mon âme blessée et brisée à jamais. J’étais assis sur une chaise, les mains derrière le dos attachées par des menottes. J’étais totalement offert à eux. Après les claques, ils en étaient venus au poing souhaitant ne pas trop m’abîmer le visage. L’homme qui était maintenant en train de lire le dossier, leva un instant les yeux de ses feuilles et me regarda en me demandant :

- Alors quelle était ta victime salaud ?!

Il regarda un instant son cahier avant de reposer son regard sur moi :

- Killian… Pas la peine de te dire son nom, je pense que tu le connaissais… Alors comme ça, tu as assassiné Killian ! Il est mort par ta faute ! Et comment tu as fait ça ? Avec une balle dans la tête… Et bien on ne fait pas les choses à moitié.

Rien qu’entendre son nom me soulevait le cœur.  Alors en entendre autant était impensable. Je savais ce dont j’étais fautif, et ma culpabilité était bien assez grande.

- Maintenant, je t’en fais la promesse, à partir de ce jour tu regretteras à jamais ce que tu as fait…

Je culpabilisais depuis l’instant même où le coup était parti… Ce n’était même plus de la culpabilité. Ce que je ressentais n’avait pas de nom. Peur, peine, regrets, souffrance, douleur, rancœur contre mon être, terreur du futur, terreur du présent, angoisse de la vie que j’allais maintenant devoir affronter sans Killian dans un milieu des plus hostiles.

Ils continuèrent à mêler coups et remarques blessantes, allant jusqu’à me faire tomber lourdement sur le sol. J’avais envie de leur hurler ma douleur, j’avais envie d’extérioriser ce qui me rongeait pourtant aucun mot ne sortait de ma bouche, aucun son… Je ne savais même plus quoi faire, ni comment réagir. J’étais tombé dans un gouffre qui se refermait peu à peu sur moi…

Et cette image atroce de Killian, inerte sur le sol, baignant dans le sang qui ne cessait de couler. Le tapis s’en était imbibé peu à peu, me laissant une image terrifiante de l’homme que j’aimais, ma moitié que j’avais à jamais perdu. Pourquoi ? Pourquoi y avait-il eu une seule balle ?

Pourquoi m’avait-on interdit la mort ? N’étais-je pas ce que je méritais, ces quinze ans de prison. Mais même un an, un jour ou une seule seconde dans cet endroit étaient impensable dans ce lieu. Les coups de poing avaient laissé place au coup de pied, finissant leur course dans mon ventre et moins lourdement parfois dans mes côtes. J’avais l’impression que jamais cela n’allait prendre fin.

Les insultes, elles aussi pleuvaient de plus en plus durement. J’entendis des choses si rabaissantes, humiliantes et blessantes que cela faisait presque aussi mal que les coups. Tout pour m’enfoncer un peu plus la culpabilité gigantesque du meurtre que j’avais commis.

Soudain, les coups cessèrent et les deux hommes s’éloignèrent légèrement de moi ? J’avais de plus en plus de mal à garder les yeux ouverts, ma tête tournait si fort qu’il m’était de plus en plus difficiles de me situer dans la pièce. Ma respiration était elle aussi plus dure, à cause des coups. J’avais l’impression que la fin était proche, encore quelques coups et je me laisserais totalement détruit par cette haine.

u’importe ce que j’allais subir, le goût de la vie m’avait définitivement quitté. Seulement rien ne m’arrivait depuis plus d’une minute. Je finis résigné, comprenant que c’était ce qu’ils attendaient de moi, grâce à ce don qui m’avait amené à ma perte, à tourner la tête vers eux. Ils s’étaient installés à côté de l’homme appuyé sur le bureau, silencieux depuis le début, tels des gardes du corps. Dès que je croisais son regard, je frissonnais face au mal qu’il dégageait. Il déclara soudain après un rictus haineux :

- Tu as voulu jouer au plus malin et au plus fort. Tu vas payer pour le crime que tu as commis dans cette prison et de la plus horrible des façons qui soit. Nous allons juste t’offrir un petit aperçu…

Il fit signe à ces deux hommes et s’approcha de moi. J’avais le corps tellement meurtri que je ne cherchais même pas à fuir ou à me défendre. Allonger sur le côté, je continuais de fixer l’homme qui m’approchait lentement. Les deux autres étaient à ma hauteur et attendaient l’ordre de leur supérieur. Alors qu’il était maintenant à peine à quelques mètres de moi, il s’arrêta et déclara sans quitter mon regard :

- Relevez-le ! Mettez-le face au mur, collé contre !

Les hommes s’exécutèrent et je me laissais faire, totalement soumis. Quoi qu’allait me faire subir ces hommes, quoi que j’allais devoir supporter, rien n’égalerait la douleur que je ressentais depuis l’instant même où j’avais pressé sur la détente. J’aurais pu tout endurer, peut être que je voyais cela comme une punition…

Tout ce que l’on était en train de faire, plus que tout je trouvais que je le méritais, la culpabilité était trop forte pour que je ne subisse rien. Quelque part, je pensais que j’avais besoin de tout cela.
On me plaqua contre le mur, me soutenant par les épaules. Je ne pouvais rien faire, j’avais toujours les mains dans les menottes. Il m’était impossible d’espérer ne pas vivre ce que j’allais vivre. Je sentais l’haleine brûlante des hommes de chaque côté de mon visage, qui une fois de plus me rabaissait avec les mots.

Je sentis soudain le troisième homme passer ses mains sur mes fesses, me communiquant involontairement son envie. Je compris aussitôt, bien avant qu’il commence à ouvrir mon pantalon et à le baisser. Face au mur, je ne pouvais pas voir son visage, je ne pouvais pas voir ce qu’il faisait. Je ne pouvais nier que j’avais peur, mais je savais que je pouvais subir autant de viol qu’il le souhaitait, jamais cela ne réduirait ma douleur. Il le baissa jusqu’à mi jambe, entraînant mon boxer avec. Je fermais les yeux, souhaitant me concentrer pour que sa folie ne vienne pas se mêler à mon désespoir.

Après quelques instants, l’homme se colla tout contre moi, faisant exprès de coller son intimité déjà dévoilé sur mes fesses, m’offrant un frisson de dégoût. Il colla alors sa bouche tout près de mon oreille pour me murmurer :

- Tu sortais avec celui que tu as buté si j’ai bien lu ton dossier ? Ca doit te manquer de te faire défoncer depuis qu’il est mort. Ne t’inquiète pas, je vais t’aider.

A peine eut-il fini sa phrase qu’il s’écarta de moi et sans prévenir, me pénétra d’un coup sec. Jamais il ne sera possible de décrire une telle douleur, un tel rabaissement. Un hoquet de douleur me saisit, mais le son de ma voix mourut dans ma gorge. Je ne voulais pas crier. Je n’avais de cesse de me répéter que je le méritais.

Mon corps tremblait sous la douleur de cette présence imposée en moi. Il avait déjà entamé ses vas et viens, me laissant à chaque fois cette impression de déchirure un peu plus forte et bien plus douloureuse. Les deux hommes me maintenaient encore les bras ; sans cela de toute façon je n’aurais pas pu tenir debout. Mon corps était douloureux des coups que j’avais reçu, mais le plus douloureux était en moi pour le moment. Ses gémissements de plaisir prit à me violer heurtait violemment mes oreilles. Et le rire des deux autres hommes étaient insupportable. Il s’enfonçait à chaque fois un peu plus en moi, à chaque fois plus brusquement.

Aucun son ne sortait de ma bouche, je me refusais maintenant à crier ma souffrance qui ne demandait qu’à être extériorisée. J’avais de plus en plus de mal à bloquer ce qu’il ressentait à être ainsi en moi, au plaisir qu’il prenait. Cet instant qui était finalement très court, me parut durer des heures. Lorsque je sentis cet homme jouir en moi, la répulsion fut si forte que j’eus envie d’en finir tout de suite. Jamais je ne m’étais senti aussi sale et éloigné de Killian.

Les deux hommes me lâchèrent au même moment où l’homme se retira de moi. Fragilisé comme jamais, je m’effondrais sur le sol. Les larmes commencèrent à couler sans que je ne puisse rien faire pour les retenir. J’avais vécu une chose effrayante, mais je le méritais.

Le choc avec le sol dur avait été bien moins douloureux que tout ce que j’avais subit jusqu’à maintenant. Mon violeur sortit de la pièce après avoir donné un ordre aux deux autres hommes que je ne compris pas. L’un des deux hommes s’approcha de moi, et vint m’enlever les menottes, m’ordonnant de ne surtout pas bouger. J’en aurais été incapable. C’était l’homme qui m’avait fait le moins de choses, le seul qui semblait au vu de ce qu’il ressentait maintenant, être peiné de ce que j’avais subit.

 Ils finirent par sortir tous les deux, me laissant seul me remettre de ce que je venais de vivre. Je restais là, étendu, immobile sur le sol. J’aurais voulu enfouir ma tête dans mes bras, me cacher un instant, mais je ne le pouvais pas. Je n’arrivais même pas à bouger un seul doigt. J’étais totalement paralysé. Je ne sus combien de temps je restais ainsi à simplement sentir les larmes couler sur mes joues.

Je ne fus pas vraiment conscient de ce qui se passa ensuite, jusqu’au moment ou un autre homme vint me chercher. Mon pantalon encore au niveau des genoux, l’état de mon corps et ma posture criaient ce que j’avais vécu, et pourtant l’homme se contenta de fermer les yeux sur ce que j’avais subit et de déclarer simplement :

- Lève-toi… Il est trop tard pour espérer manger quoi que ce soit. Je t’amène à la douche et tu iras dans ta cellule.

Je tendis difficilement mes bras vers mon pantalon, tentant de le remonter, exécutant son ordre. Rien que le fait de bouger les bras, était douloureux. Je surmontais cependant celle-ci, et tentais de me redresser une fois mon pantalon remis. Je ne voulais surtout pas qu’il me touche. Je ne supporterais pas un contact de plus. C’est pourquoi je me hissais sur mes deux jambes, puisant dans des forces qui m’étaient inconnues, avant même qu’il n’ait l’idée de venir m’aider.

Une fois debout, je m’appuyais un instant contre le mur. La douleur du viol était aussi dur mentalement que physiquement. Je me sentais salis à jamais. Je finis par me décider à marcher vers lui, sentant son impatience. Chaque pas était un supplice, faisant renaître la souffrance que j’avais vécu pendant l’abus de l’homme sur mon corps.

C’est ainsi que je suivis cet homme, découvrant le lieu où j’allais passer une des parties les plus importantes de ma vie… Mais peu m’importait, ma vie sans Killian, il m’était impossible de la concevoir, et la vivre ici était ce que je méritais. Cela apaiserait peut être un peu ma culpabilité. Je ne cessais de me répéter ce genre de phrase.

Nous ne tardâmes pas à arriver à la douche. L’homme me tendit des vêtements et une serviette après s’être éclipsé un instant. Chaque prisonnier avait regagné sa cellule et j’étais le seul à l’extérieur. J’allais pouvoir prendre ma douche en paix, tenté de laver les souillures qui maculaient mon corps.
Je me dévêtis avec difficulté à cause de ce corps meurtri. J’ouvris le robinet d’eau brûlante, ajoutant un peu d’eau froide afin que cela reste dans le domaine du supportable. Sans hésiter un seul instant, je me glissais sous ce torrent d’eau, frissonnant au contact de l’eau sur mes muscles endolori
s. Soudain la vois du gardien retentie :

- On n’est pas à l’hôtel ici, tu as encore trois minutes.

J’attrapais alors le savon, me nettoyant le plus rapidement possible. Pour que l’eau soit réellement bénéfique pour mon corps, j’aurais du y rester bien plus longtemps. Mais comprenant que cela n’était pas de l’ordre du possible, je revins à sa fonction première : laver mon corps. Je finis à temps, me frictionnant ensuite avec la serviette avant d’enfiler mes nouveaux vêtements. L’homme qui m’attendait à l’entrée déclara lorsqu’il me vit arriver :

- Et bien, ce n’est pas trop tôt !

Je ne répondis rien, me contentant de baisser les yeux, sans prêter attention à lui et aux autres remarques qu’il ajouta. Je le suivis, ne souhaitant plus qu’une chose, m’étendre dans le lit qui allait m’être attribué et ne plus bouger. Nous marchâmes devant plusieurs cellules, les remarques fusèrent mais je n’y prêtais en aucun cas attention, plutôt concentré à réussir à mettre un pied devant l’autre. Nous nous arrêtâmes enfin devant une cellule.

Le gardien attrapa ses clefs et m’ouvrit la porte, m’invitant à entrer. L’homme couché en haut sur le lit superposé leva la tête afin de voir qui était l’intrus qui osait pénétrer dans sa cellule. J’avais l’impression d’avoir déjà sentit ce regard posé sur moi. Un frisson me parcourut lorsque la porte se referma derrière moi.

Les lumières de la prison s’éteignirent peu de temps après, laissant régner une ambiance qui ne me plaisait pas du tout. Je sentais l’autre prisonnier continuer à me regarder. N’aimant pas cela du tout, j’allais m’asseoir sur mon lit, me cachant ainsi de lui. Seulement, il ne semblait pas avoir décidé que cela se déroule de cette manière.

J’étais à ce moment là, assis sur mon lit, adossé au mur, les genoux remontés afin de trouver une position la plus rassurante possible, totalement replié sur moi-même. Le prisonnier descendit de son lit, et me fit face, restant debout pour le moment.

- La moindre des choses serait de te présenter non !

Je n’aimais pas du tout la façon dont il avait de m’adresser la parole.

- Comment tu t’appelles ?

- … Juha… articulais-je difficilement.

L’homme pris soudain une moue appréciatrice et déclara :

- Et bien ça change du vieux chnoque que j’avais avant. On peut dire que tu es sacrément bandant !
Il vint alors s’asseoir sur le lit, bien trop prêt de moi à mon goût. Mon rythme cardiaque doubla en quelques secondes.

- J’ai vraiment de la chance d’avoir une gueule d’ange comme toi dans ma cellule. Tu vas voir on ne va pas s’ennuyer…

Il commença alors à s’approcher de moi. Je sentis directement ses intentions. Seulement je savais que je ne supporterais pas deux fois. C’était impossible. Plus il s’approchait plus la peur me nouait les boyaux. L’idée même qu’une main se repose sur mon corps me soulevait le cœur et me serrait la poitrine à en crevée.

Il posa alors une main sur mon bras, m’attirant légèrement vers lui. Je retirais vivement ma main, me terrant alors le plus loin possible, bloqué par l’angle du mur. S’il pu lire la terreur dans mes yeux, il n’y prêta aucune attention. Il n’aimait d’ailleurs pas du tout ma réaction. Je savais que je n’allais faire que repousser le moment, mais n’avais-je pas droit à quelques secondes de répit ?

Il était bien plus fort que moi, et mon corps d’à peine dix sept ans ne me permettrait pas de me défendre contre cet homme qui devait en avoir facilement le double. Tout dans cet homme m’écœurait, jusqu’à ses pensées les plus profondes. Il me saisit cette fois-ci bien plus durement le bras, et j’eus beau tenter de me débattre, il ne lâcha pas prise.

Sans que je n’ais eu vraiment le temps de réaliser ce qui m’arrivait, je me retrouvais très vite plaqué contre le lit sur le ventre, avec cet homme au dessus de moi. Il s’abaissa alors et me murmura à l’oreille :

- Laisse-toi faire ! Tu verras ça va être sympas, on va prendre notre pied tous les deux.

Je tentais vainement de me débattre une fois de plus, bougeant le plus possible afin de me dégager de l’étreinte toujours plus puissante et écrasante de cet homme. Les larmes revinrent bientôt dans mes yeux. Je ne pouvais plus, je n’en pouvais plus. Je voulais quitter ce corps à jamais, mettre fin à l’enfer dans lequel j’étais plongé depuis la mort de Killian. Je l’implorais silencieusement de venir me chercher. L’homme devint bien plus brusque, m’empêchant cette fois-ci réellement de me débattre. Cette fois-ci c’était la fin… Agacé de ma rébellion minime, il déclara :

- Arrête de te débattre ! Plus tu fais cela, plus ça sera douloureux pour toi !

Il me révélait maintenant sa nature, ne cherchant plus à faire semblant de me séduire. Il voulait répondre à son besoin pire que bestial, se vider les couilles et j’étais malheureusement sa proie. Est ce que cela aussi je le méritais ? D’une voix extrêmement faible, je me surpris à le supplier alors qu’il commençait à baiser mon pantalon d’une main, tandis que l’autre tenait mes mains au dessus de ma tête :

-  S’il vous plait arrêtez… Pitié… Non… Ne me faites pas ça…

Les sanglots se mêlaient à mes paroles, les entrecoupant. J’avais de plus en plus de mal à respirer. Tout comme l’autre, il se plaça au dessus de moi, s’installant au mieux pour prendre son pied à mon détriment. Je ne pus réprimer les tremblements qui me saisirent. Ne voulant surtout pas qu’on entende mes cris, résigner à la suite, j’enfouis ma tête dans l’oreiller.

De la même façon que le gardien, il ne prévint pas lorsqu’il décida d’entrer en moi. J’hurlais toute la douleur que je ressentais, dont le son était arrêté par l’oreiller. J’avais le souffle coupé tellement cette fois-ci était bien plus douloureuse que la première fois. Mon cri fut suivit de sanglots qui furent loin d’arrêter mon bourreau. Mon corps était pris de spasmes de plus en plus douloureux. Jamais je n’aurais pensé qu’on puisse ressentir quelque chose d’aussi douloureux. Le prisonnier poussait des gémissements de plaisir qui écorchait mes oreilles à vif.

De tout mon être je priais pour que cela prenne fin. Je tentais lamentablement de bouger mes bras, mais il tenait trop fermement mes poignets. Je ne pouvais plus rien faire… Je ne voulais plus rien sauf une chose : en finir une bonne fois pour toute. Je ne supportais plus de sentir sa peau déjà ruisselante par l’effort se frotter contre la mienne, me donnant l’impression d’un papier de verre.

Le pire était de ressentir le plaisir qu’il prenait à être en moi. Trop affaibli, il m’était maintenant impossible de bloquer mon esprit. Tout pris fin après un temps que je jugeais infiniment trop long. Il se déversa en moi tout comme le gardien, me souillant à son tour. Il ne resta pas une minute de plus à mes côtés. Il se retira de moi, et remonta dans son lit, me laissant étendu dans la même position.

 Ma tête était toujours enfouie dans l’oreiller, mes pleurs toujours plus douloureux. Je me sentais détruit, anéanti à jamais. Mes mains se serrèrent sur draps qui s’étaient légèrement défaits par ce qu’il venait de se passer. Seulement, rester dans cette position était finalement pire que tout. Je finis par me redresser et me mettre assis en boule contre le coin du mur. Je fixais l’entrée de la cellule, laissant les larmes s’écouler. Mes yeux parcouraient la pièce à la recherche d’une issue, je n’étais pas très loin de la folie. Il fallait que je trouve une échappatoire, une solution pour que tout finisse maintenant.

Mes yeux furent alors attirer par quelque chose de brillant au dessus de ma tête. Je levais la tête afin de mieux voir, et m’aperçut qu’il s’agissait d’une larme de cutter coincé et cacher aux yeux des gardiens. Il ne fallut pas longtemps pour préparer ce que je voulais faire. Fébrilement je tendis mon bras vers cette lame, ne pensant plus qu’à une seule chose : en finir une fois pour toute et fuir cet endroit à l’aide de la seule méthode qui était en mon pouvoir.

J’avais assez payé, je pouvais partir. Mourir, c’était tout ce que je méritais. Je portais cette lame à mon poignet, et sans perdre un seul instant, j’incisais cette peau qui ne demandait qu’à l’être. La lame entra comme dans du beurre, laissant échapper aussitôt des flots couleur vermeille, la même couleur qui avait entouré Killian avant sa mort.

J’étais comme hypnotisé par ce sang qui s’échappait en même temps que ma vie. Plus rien ne me retenait dans ce monde. Je pouvais partir, cela ne ferait de peine à personne. Je ne ressentais même pas la douleur, seulement une légère gêne, l’impression qu’on m’enlevait quelque chose d’important. La vie me quittait, ma tête tournait. Mes yeux commençaient à se fermer… Je perdis conscience sans même m’en rendre vraiment compte…

Fin du flash back

J’ouvris soudain les yeux, tout tremblant et transpirant. Mon bras me lançait et il me fallut un temps pour réaliser que tout cela n’avait été qu’un rêve, ou du moins un souvenir revécu en rêve du passé. J’étais tout tremblant, recroquevillé dans le canapé. J’avais l’impression de venir de vivre ce traumatisme de mon passé. Ma cicatrice me brûlait comme si c’était une plaie ouverte. Je ne pouvais pas rester ainsi allongé, il fallait que je me lève. Je me redressais vacillant, faible comme jamais.

En plus de ce cauchemar, je me rappelais de ce qui s’était passé juste avant. Mon cœur se sera douloureusement. Je sentis soudain un haut le cœur, et j’eus à peine le temps de courir jusqu’au toilettes. Un second hoquet me prit, et il m’en fallut pas plus pour vomir. Les larmes vinrent en même temps.

Chaque spasme était de plus en plus violent, me prenant dans le ventre et provoquant des crampes. Rare était les fois où je me sentais aussi faible et aussi minable. J’avais vécu dix ans en prison, pourquoi fallait-il que je rêve du pire… Après ma tentative de suicide, on m’avait placé dans la même cellule pendant dix ans, et l’occupant m’avait pris sous son aile sans jamais rien me demander en échange.

Le temps m’avait aidé à oublier, à dépasser ce traumatisme que je voyais toujours comme une punition. Je ne sus pas vraiment combien de temps je restais là, à finir par vomir toute la bile que contenait mon estomac maintenant désespérément vide. Je finis par me relever et marcher à l’aide de mes jambes tremblantes jusqu’à la salle de bain.

Je me passais un peu d’eau sur le visage, faisant tout pour ne pas regarder mon teint livide dans la glace. Je retournais m’allonger en boule dans le canapé, attrapant une couverture car je frissonnais de froid, affaibli par mon état pitoyable. J’étais en train de craquer comme rarement cela m’était arrivé. L’idée même de n’avoir plus aucun lien avec Gabriel s’était revenir en arrière, me retrouver de nouveau terriblement seul.

Cette solitude me terrifiait de par ce que j’étais capable de faire. Pourquoi ce jour de prison… Je pensais l’avoir dépassé. J’avais pu coucher avec Dorian sans aucun problème, l’acte sexuel en lui même ne me faisait pas peur et j’aurais été tout à fait capable d’aller plus loin avec Gabriel. Non, c’était une toute autre forme de traumatisme que ces deux hommes avaient laissés en moi. Avoir réveillé cette souffrance en moi avait fait revenir à la surface des vieux démons autodestructeurs… Je souhaitais tout autant dormir que rester éveillé.

Ces deux états étaient tous deux maintenant similaires et douloureux. Le soleil s’était maintenant bien levé dans le ciel et je réalisais que la journée était maintenant bien avancée. Je n’étais pas allé travailler et jamais je n’en aurais été capable. Rester allongé là, dans un état de crise, c’était tout ce qui m’était permis de faire. Mon téléphone sonna plusieurs fois dans la journée, mais il m’était impossible de me lever pour répondre. Et puis je n’avais personne à qui j’avais envie de parler. Ce ne pouvait être que le frère de Kilian ou le centre et c’était hors de question.

Je finis par allumer la télévision, m’emmitouflant dans la couverture. Je n’avais pas faim, et l’idée même d’ingurgiter quelque chose me soulevait le cœur. Je tentais plusieurs fois désespérément de suivre le film, puis le suivant, mais rien n’y faisait. Je repensais à toutes ses années que j’avais passé depuis la mort de Killian jusqu’à la récente perte de Gabriel. Est-ce qu’en tuant Killian, j’avais anéanti tout bonheur possible ? Est ce qu’un jour ma culpabilité prendrait fin ? Je n’arrivais plus à y croire…

Je passais la nuit ainsi, dans un semi sommeil, pas assez profond pour rêver de nouveau de mon passé, m’enfonçant plus loin dans les cauchemars. Tout m’inspirait le dégoût de moi même et de mon corps. L’idée d’être souillé à jamais était ressorti de plus belle. Est ce que je ressentirais toujours cela ? La réponse qui me venait à l’instant était positive.

Plongé dans le pessimisme le plus sombre, je passais une seconde nuit des plus difficiles. La journée qui suivit fut encore pire. Les seules fois où je me levais était pour aller vomir. Une volonté sourde et autodestructrice s’était emparait de moi. Je ne savais ce qui me retenait. Plus je pensais au centre et plus je me disais que jamais je ne pourrais y retrouver et affronter Gabriel chaque jour.

Ce qui venait de m’être enlevé était bien trop rare et précieux pour constaté son manque chaque jour. Je dormis très peu la nuit qui suivit, mais elle m’aida à prendre ma décision. Je ne pouvais pas rester comme cela. Très tôt demain matin, j’irais donner ma démission. Je partirais d’ici. Je vivrais le plus seul et plus éloigner des autres. Je m’isolerais à jamais, et pour cela je trouverais la solution la plus radicale.

Ainsi, lorsque l’aube se leva, je me redressais, puisant dans mes dernières forces. J’avais l’impression que l’on m’avait roué de coups, tellement mon corps était courbaturé. J’allais directement dans la salle de bain, ne prenant pas la peine de voir mon visage tout de suite. Je fis couler l’eau sur mon corps, tentant de redresser un peu la tête, ne voulant pas montrer à tous lorsque je sortirais mon abattement. Lorsque je sortis, je me séchais les cheveux, défaisant les quelques nœud.

Une fois sec, j’allais m’habillé. Ce soir, je ferais mes valises et quitterais cet endroit pour aller errer dans un ailleurs où je ne me lierais avec personne. J’attrapais aussi quelque chose à manger pour la route, ayant besoin d’un peu de force, même si la vue de la nourriture ne me donnait pas du tout envie. Je sortis de chez moi, après avoir enfilé ma veste, comme un zombie. Il neigeait dehors, donnant à l’ambiance un ton tout à fait approprié. Dehors, le froid était saisissant et pourtant je continuais de marcher sans y prêter vraiment attention. Plus j’approchais du centre, et plus mon cœur se serrait. Plus j’avançais et plus je ralentissais.

Lorsque j’atteignis enfin le centre, je fus soulagé de constater que personne n’était encore arrivé ou n’avait véritablement commencé à travailler. J’allais directement jusqu’au bureau de Philippe et frappais à sa porte, inspirant un bon coup. Heureusement il était là, et dit simplement :

- Entrez…

Je m’exécutais, ne sachant pas trop comment celui-ci allait réagir à ma venue.

- Tiens, s’exclama Philippe sans cacher sa colère, je pensais ne plus jamais te revoir, qu’est ce que tu fiches ici ?

- Je… euh… Commençais-je à bredouiller. 

Je m’avançais un peu plus en même temps, voulant arriver à sa hauteur.

- Je t’avais prévenu Juha ! Tes problèmes ne devaient pas affecter ton travail ! Deux jours d’absences sans prévenir !! Non mais tu te prends pour qui ? J’espère que tu as une excuse en béton.

Je n’arrivais rien à répondre, j’étais comme paralysé face à sa colère qui m’envahissait et que je ne savais même plus repousser. Jamais je ne me serais imaginé aussi faible.

- Alors Juha j’écoute. Tu es en train de me faire perdre mon temps, déclara-t-il, s’impatientant de plus en plus.

Je ne trouvais qu’une chose à lui dire, prenant mon courage à deux mains, sachant que je ne pourrais pas tenir la tête haute très longtemps :

- Je m’excuse. Ce que j’ai fait un intolérable, c’est pourquoi je donne ma démission. Merci pour tout ce que vous avez fait.

Philippe semblait abasourdit parce que je venais de dire. C’était vraiment la dernière des choses à laquelle il s’attendait. Ce fut à son tour de bégayer quelques mots, mais je ne lui laissais pas le temps de reprendre ses esprits, et déclarait simplement « au revoir » avant de lui tourner le dos et de quitter la pièce. J’avais pris ma décision et c’était l’unique solution que je voyais. A l’instant même où je priais pour ne pas revoir Gabriel, je tombais face à lui en ouvrant la porte, et à voir l’expression qu’il affichait je compris qu’il avait assisté à une bonne partie de la scène. Maintenant qu’il était en face de moi, je ne pouvais plus faire marche arrière.

- Au revoir Gabriel…

A l’instant même où je prononçais ces mots, je les trouvais à la fois si ridicules et déplacés. Il me dévisageait, semblant peu à peu réalisé ce que je venais de dire. Ne pouvant supporter sa vue d’avantage et mon cœur saignait, je poursuivis ma route en le dépassant. Sa voix retendit soudain dans mon dos, mêlant froideur et colère :

- Tu ne fait que fuir !

Je me retournais aussitôt vers lui, presque choqué par ce qu’il venait de dire. Blessé de ces quelques mots, retenant tant bien que mal mes larmes, je déclarais d’une voix assez faible :

- Ne juge pas Gabriel… Tu ne sais rien.

- Non, je ne te juge pas, je ne que fait que constater ce que je vois !

Je détournais le regard, ne supportant plus de le voir. C’était bien trop douloureux. Malgré moi, je constatais que je m’étais attaché à lui bien plus que je ne le pensais.

- Pourquoi est ce que tu ne me regardes pas quand je te parle, reprit-il. De quoi as-tu peur ? De la vérité que je dis ? Tu n’es qu’un lâche Juha ! Tu fuis la queue entre les jambes à chaque problème que tu rencontres !

S’en était trop. Je ne pouvais pas en entendre plus. Une colère sourde m’envahie, faisant échos à la sienne. Je plantais mes yeux dans les siens et déclarais :

- Comment peux-tu dire que tu ne juges pas en me disant cela. Peut être que je fuis, mais que ferais-tu si tu étais dans ma situation. Tu as raison, je sors de prison et cela doit grandement te choquer. Je me doutais de la réaction que tu aurais. Mais as-tu imaginais un seul instant tout ce que j’ai vécu avant la prison et pendant les dix années qui ont suivi ? Je n’ai plus rien à faire ici. Je préfère partir parce que peut être qu’il m’est impossible de rester ! Fuir, n’est ce pas finalement ma seule solution ? J’ai assez souffert pour que tu viennes me juger aussi facilement.

Je pleurais et je tremblais, mais j’extériorisais un peu ma douleur.

- On a tous un passé certes plus ou moins douloureux Juha, mais ce qui compte maintenant c’est ce que l’on ait, et pas le passé ! me répondit-il.

- C’est tellement facile de dire cela ! S’il te plait épargne-moi ces grandes paroles ! J’en ai assez de ces discours moralisateurs.

- Peut être que c’est facile Juha, mais contrairement à toi j’ai plus ou moins réussis à surmonter mes démons.

J’inspirais alors profondément, ne voulant pas laisser échapper des paroles blessantes. Mais je finis par lâcher : 

- Le pire, c’est que tu crois ce que tu dis… Arrête de mentir.

Je réalisais trop tard que j’en disais peut être un peu trop. Sans me départir de ma volonté, je lui tournais subitement le dos, commençant à partir. Mais la main de Gabriel agrippa fermement mon poignet et j’eus à peine le temps de me retourner que je reçus une gifle puissante. Les coups, s’étaient bien la dernière chose que je pouvais encaisser maintenant. Je repris ma fuite, courant vers la porte. J’entendis plusieurs fois Gabriel m’appeler, mais je ne me retournais à aucun moment.

Je courus tout le long du trajet, trop blessé et trop meurtri pour avoir la résistance à quoi que ce soit. Je me retrouvais devant chez moi, montant les marches avec la même cadence. Arrivé devant ma porte, j’avais déjà saisi les clefs. Ma tête tournait à cause de l’effort fourni.

Fuir et cette fois-ci fuir pour de bon était ma seule solution. Je jetais un rapide coup d’œil une fois rentré chez moi dans la pièce, ne prenant même pas la peine de fermer la porte. N’avais-je pas déjà assez souffert et payé pour la mort de Killian ?

N’avais-je pas droit maintenant à cette libération. Je n’avais aucune raison de rester, rien qui me retenait. La seule personne qui me prêtait maintenant réellement attention était le frère de Killian qui souhaitait ma mort. Je saisis le couteau à l’instant même où je le vis. Il était suffisamment aiguisé pour abréger mes souffrances.

Mes jambes cédèrent sous mon poids. Mon poignet fut découvert et offert. Il suffisait d’un seul geste et tout cela était fini. J’avais assez donné, assez souffert, assez payé. J’allais pouvoir fuir pour de vrai et donné raison à Gabriel. Soudain, sa voix retentie, me faisant sursauter :

- Juha ! Putain qu’est ce que tu fous ! Cria-t-il

Il courut vers moi, totalement paniqué et essoufflé, m’arrachant le couteau des mains. Il attrapa alors le poignet que je m’apprêtais à tailladé une ultime fois, souhaitant regarder si je n’avais rien. Je n’eus même pas la force de lui résister et réalisais seulement maintenant ce qu’il allait voir. Il fixa mon ancienne cicatrice, la découvrant pour la première fois. Peut être était-il en train de prendre conscience de ma souffrance… Il plongea ses yeux dans les miens embués de larmes et me demanda au bord des larmes :

- Pourquoi Juha ?

- J’en peux plus Gabriel… répondis-je la voix vide de toute force…

Ce fut la phrase de trop qui le fit pleurer. Je ne comprenais pas pourquoi il se mettait dans cet état. Pourquoi pleurait-il ? Je détournais les yeux, ne supportant pas d’être la raison de ses larmes. Sa voix retentie de nouveau :

- Est ce que tu es toujours comme cela Juha ? Aussi égoïste ? Est ce que tu agis toujours en ne pensant qu’à toi sans te douter du mal que tes actes peuvent causer aux autres ?

Je relevais mes yeux, les plantant dans les siens, et déclarais, dans une plainte déchirante :

- A qui est ce que je causerais du mal si je partais ?

Une seconde gifle vint atterrir sur ma joue déjà endolorie par le précédent coup.

- As-tu vraiment conscience de ce que tu dis ?!

Je ne résistais plus. Toutes mes forces, toute ma volonté s’effondra comme un château de cartes. Je me jetais presque dans ses bras, me laissant aller à enfouir ma tête contre son épaule. Il ne me repoussa pas et au contraire, m’enlaça avant de me serrer très fort. Au milieu d’un sanglot, je lui soufflais alors simplement un mot :

- Pardon…

Gabriel m’écarta alors un peu de lui, ne mettant cependant pas fin à l’étreinte.

- Comment te faire confiance Juha ? Qu’est ce qui me prouve que tu as été clair et honnête avec moi ?

Tentant un instant de cesser de pleurer, je déclarais la vois enrouée :

- Laisse-moi du temps… Je te promets qu’un jour tu sauras tout… Mais je n’ai pas la force de te le dire maintenant…

Gabriel m’attira alors soudain à lui, me serrant si fort qu’il m’étouffait presque. J’aimais plus que tout être ainsi dans ses bras, sentir ce contact rassurant. Il murmura alors à mon oreille :

- Je t’en supplie, ne recommence jamais ça… Ne me refais jamais aussi peur…

Sa voix mourut dans nos sanglots. Je me laissais aller dans ses bras, m’apercevant de mon état de faiblesse physique dut à ces derniers jours. Me reposer un peu sur ses épaules, j’en avais plus que besoin. Mais j’avais surtout besoin de lui dire une autre chose, transmettant ainsi ma peur, au milieu d’un sanglot, la tête toujours enfouie tout contre lui :

- Ne me laisse pas seul Gabriel, s’il te plait… Je t’en supplie ne me laisse pas seul.

Inconsciemment, je resserrais l’étreinte de mes bras sur son corps. Je tremblais comme une feuille… Tout ce que j’avais emmagasiné jusque là était en train d’éclater sous ses yeux. Semblant percevoir la gravité de ma détresse, il raffermit lui aussi son étreinte et me dit :

- Je n’en ai pas l’intention Juha… Je suis là… Chut…. Calme-toi…

Il s’écarta de nouveau légèrement de moi, et déposa alors un baiser sur mon front. Il y avait tellement de douceur et de réconfort dans ce geste que je fus envahie d’une vague chaude et rassurante. Mes yeux rougis et embués se posèrent sur son visage, avant de croiser son regard pour ne plus le quitter.

Je m’apercevais que j’avais besoin de bien plus qu’un simple baiser sur le front. J’étais presque pris d’un vertige en constatant à quel point, en si peu de temps, j’étais devenu dépendant de lui. Sans penser aux conséquences ou même appréhender sa réaction, j’approchais mon visage du sien, et déposer délicatement mes lèvres sur les siennes.

J’avais besoin de ce baiser, comme pour me sentir vivre, comme pour ressentir quelque chose d’agréable qui me permette de croire que quelque chose me retient dans ce monde. C’était finalement par ce baiser désespéré que je tentais de me raccrocher à la vie. Je n’avais que cela, c’était ma dernière chose et heureusement Gabriel le compris. Je pouvais ressentir sa peine et son affection pour moi, lorsqu’il me céda l’entrée de sa bouche.

Je mis tout mon être dans ce baiser, me mettant comme rarement totalement à nu, lui dévoilant bien plus que mon âme. En cet instant, s’il y prêtait attention, il pouvait tout lire en moi, je m’abandonnais totalement à lui. Si je restais en vie, si je m’agrippais de nouveau à celle-ci, c’était uniquement grâce à lui. Perdu dans l’étreinte de ses bras et dans le baiser dont il était en train de prendre les rênes, je me laisser transporter, le laissant à sa guise me découvrir, me dévoiler…

Mon cœur était maintenant gonflé de ce sentiment précieux de réconfort et d’affection qui m’avait cruellement manqué pendant toutes ses années. Mon cœur battait extrêmement vite, je tremblais encore, mais au creux de ses bras, et en plein milieu de ce baiser, je me sentais protégé…

A suivre…

Silent scream - chapitre 13

6 décembre 2012

Chapitre 13 par Shinigami

 

Inde, 2 décembre 1800

 

Le trajet pour arriver jusqu’à Calcutta fut le plus long de toute mon existence. Ayant essuyé une violente tempête en mer qui nous avait détourné de notre cap premier, nous perdîmes un temps fou avant d’arriver à bon port, épuisé par le manque de nourriture. Tuer quelques marins aurait été malvenus et nous nous serions vite fait prendre. C’est pratiquement affamé que nous mîmes finalement pieds à terre, à la tombée de la nuit suivante. Cependant, si le voyage avait été plus long que prévu, nous avions tout de même trouvé à nous occuper de façon la plus agréable qui soit. Alakhiel était décidément un amant hors paire lorsqu’il se décidait à abandonner toute sa pudeur typiquement humaine.

J’avais également entrepris de commencer l’entraînement de ma créature. Et malgré tout le mal qu’il se donnait, il ne parvenait pas à satisfaire mes exigences. C’était simple, soit il y arrivait, soit il mourait…

A la nuit tombée, nous nous séparâmes. Chacun de notre côté, nous avions besoin de souffler un peu et prendre l’air. Plusieurs disputes des plus violentes ayant déjà éclatées entre nous au fils des semaines passées en mer, je ressentais le besoin vital de m’éloigner de lui ne serait-ce que le temps d’une nuit de chasse. Cependant, nous convenîmes de nous retrouver quelques heures avant l’aube. Ayant déjà erré dans les rues sombres et insalubres de Calcutta avant mon escale à Bénarès, je me rendis directement dans les bas quartiers de la ville, où les dockers allaient se perdre l’instant d’une nuit dans les bordels de la ville afin de se noyer dans l’alcool et une nuit de luxure bien méritée.

Guidé par les cris d’ivrognes et les rires des prostituées, le tout mélangé aux relans de vin et de bière, j’arrivais j’arrivais rapidement à l’endroit souhaité. Très vite, je me fis aborder par une première catin et rebuté par l’odeur qui émanait d’elle, celle-ci sortant juste d’un instant de débauche, je lui adressais un sourire tout en déclinant son invitation. Plus j’avançais dans la rue et plus le nombre de femmes qui tentèrent leur chance avec moi augmentait. Finalement, quelques centaines de pas plus loins, je trouvais la fille idéale. Dans la fleur de l’âge, des longs cheveux d’un blond cendré remontés en un chignon négligé, deux mèches encadrant son viage au maquillage outrancier, et un visage agréable à regarder, elle était tout à fait le genre de victime qui me plaisait. Le sang d’une vierge aurait été bien plus doux et suave que celui de cette jeune prostituée, mais après de longues semaines de famines, je n’allais pas faire le difficile. Avec un peu de chance, peut être arriverais-je à trouver une pucelle où un jeune jouvenceau égaré à travers les dédalles des rues surpeuplées.

A ma vue, la jeune fille m’adressa un sourire enjoleur et prenant une pause aguicheuse qui m’offrait une vue de premier ordre sur sa poitrine plantureuse, elle demanda d’une voix caline :

- Tu cherches quelque chose, mon joli ?

- Et je crois bien que je viens de le trouver, répondis-je, charmeur, flirtant ouvertement avec elle.

- En voilà un qui sait ce qu’il veut, minauda-t-elle en se collant contre-moi, sa main venant tâter éhonteusement mon entrejambe. Dis-moi mon joli, qu’est-ce qui te ferait plaisir ?

- Que me proposes-tu ? Demandais-je, d’une voix rauque.

- Pour toi mon mignon, je peux faire une exception, souffla-t-elle, ses mains s’infiltrant dans mon pantalon pour malaxer mon sexe qui commençait à gonffler sous la chaleur de ses doigts.

- Ton prix sera le mien ! Déclarais-je en fondant sur ses lèvres, m’en emparant violemment. Mais pas ici… Allons un peu plus loin… Repris-je, une fois le baiser rompu.

- Serais-tu timide mon joli ? Mais soit, ajouta-t-elle en m’attirant à sa suite, me gardant possessivement collé contre elle.

Plongeant mon visage dans son cou, je léchais sa peau à l’odeur alléchante, alors que les battements de son coeur et les pulsions de sa jugulaire sous ma langue me rendaient fou. Finalement nous arrivâmes à l’angle d’une ruelle sombre et puant l’urine et interprétant mal l’impatience qui me gagnait, la catin gloussait en se tortillant contre moi.

- Tu es bien pressé mon joli, gloussa-t-elle. Aurais-tu faim ?

Reportant mon attention sur son visage, les canines sorties et les yeux luisant d’une lueur de désir, je déclarais :

- Je suis affamé…

Et avant qu’elle n’ait le temps de prononcer le moindre son, je me jetais à sa gorge, et plantant violemment mes canines dans la peau gracile de son cou, j’aspirais son sang par longues rasades salutaires, jusqu’à la dernière goutte. Puis, je laissais tomber son cadavre, reboutonnais mon pantalon, mon excitation assouvie par le sang, et enjambant le corps inanimé, je retournais dans la rue principale à la recherche d’une nouvelle proie, ma faim étant loin d’être assouvie. Je venais de goûter à mes premiers litres de sang frais depuis des mois, et je n’étais pas prêt de m’arrêter de si tôt.

Toute la nuit durant, je me nourris ainsi, attirant mes victimes jusqu’à moi avant de les vider de leur sang. Je croisais ainsi la route de deux femmes d’âge mûr, d’un jouvenceau qui attendait son maître venu trouver quelques réconforts entre les bras d’une fille de joie et la chance sembla me sourire, car au petit matin, une jeune vierge eut le malheur de croiser ma route. C’est avec un plaisir extrême que je m’abreuvais de son sang, m’enivrant de son goût suave et terriblement addictif. Une fois que l’on goûtait le sang d’une vierge, on pouvait définitivement ne plus s’en passer…

A l’heure convenue, j’arrivais à notre lieu de rendez-vous, celui-ci se trouvant un peu à l’écart de la ville. Je tiquais en voyant que Juha était visiblement en retard et, prenant sur moi, je patientais et lui donnais encore une heure pour arriver, sans quoi, il le regretterait amèrement. Durant cette heure qui me parut interminable, je ne pus m’empêcher de me ronger les sangs pour mon amant, craignant qu’il lui soit arrivé quelque chose. Puis, voyant qu’il n’arrivait toujours pas, l’inquiétude fit place à une fureur sans nom. Alors que les premiers rayons de soleil pointaient à l’horizon, j’allais trouver refuge dans l’abris qui nous cacherait des rayons mortels de l’astre solaire.

Durant toute la journée, incapable de trouver le sommeil, je fis les cent pas dans la caverne qui me servait d’abris, maudissant le soleil et ruminant ma fureur contre ma stupide créature. Le fait que cet imbécile ait coupé tout lien avec moi ne faisait qu’attiser ma rage. Il avait intérêt à avoir une bonne excuse…

Lorsqu’enfin le dernier rayon de soleil disparut à l’horizon, je bondis hors de ma tanière dans l’espoir de trouver une victime sur qui passer mes nerfs. Courant dans la forêt qui, déjà s’assombrissait, je tentais d’évaculer le trop plein de colère qui menaçait d’exploser à tout moment. Dans les minutes qui suivirent, j’arrivais au niveau des première bidonvilles qui ornaient la périphérie de la ville. Rallentissant ma course, je me faufilais entre les maisons délabrées, jouant avec les ombres pour dissimuler ma présence. Ce n’est que lorsque je fus dans les rues bondées du quartier commerçant que je me laissais aller à me montrer, les gens étant trop préoccupés pour faire attention à moi.

Pendant plusieurs heures qui me parurent interminables, j’arpentais les rues de la ville, laissant quelques cadavres derrière moi au gré de mes rencontres. J’avais bien évidement tenté de me lier avec Alakhiel, mais celui-ci restait totalement introuvable. D’humeur excécrable, je ne cherchais même pas à m’amuser au dépit de mes victimes, les tuants rapidement avec plus d’efficacité que n’importe quelle créature.

J’en étais à ma quatrième victime de la soirée lorsqu’enfin je perçu de nouveau la présence d’Alakhiel dans mon esprit. Relachant brusquement le presque cadavre que j’avais entre les bras, j’abandonnais aussitôt ma victime agonisante, la laissant se vider de son sang. De toute façon, elle n’en avait plus que pour quelques minutes à vivre. En moins de temps qu’il n’en faut pour le dire, j’étais arrivé à l’endroit où Alakhiel m’attendait, ivre de colère. D’un coup d’oeil rapide, j’avisais son état avant de le prendre à la gorge l’instant d’après pour le plaquer violemment contre le mur. Aveuglé par ma rage, je serrais sa gorge à lui en briser le cou. Si j’avais pu, je lui aurais arraché la tête à mains nues afin d’apaiser ma fureur…

- Dans mon infinie clémence, je te laisse deux minutes pour m’expliquer ce que tu as fait ! Déclarais-je d’une voix glaciale.

Sur ces mots, je le libérais de ma poigne de fer et il s’effondra sur le sol.

- Dépèche-toi Alakhiel ! Cinglais-je, usant de toute ma patience pour ne pas l’étriper, sans pour autant chercher à dissimuler ma colère. Et ton excuse a intérêt à être bonne, sinon, tu vas regretter de ne pas être mort la nuit dernière…

- Je… Je me suis… Je me suis perdu… Et… Et il était trop tard pour venir jusqu’ici… Déclara-t-il précipitament en baissant les yeux.

Je n’avais jamais entendu excuses plus pathétiques. En plus d’être un vampire désatreux,  il était un menteur pitoyable.

- Bien essayé, déclarais-je, lui montrant ainsi que je ne croyais pas une seconde à ce qu’il tentait de me faire avaler, mais ça n’explique pas pourquoi tu s coupé le contact ! Je te laisse une dernière chnce !

Relevant la tête, Alakhiel me défia du regard et s’exclama avec insolence :

- Ce ne sont pas tes affaires !

Fou de rage de m’être fait prendre pour un con et ne supportant pas l’air arrogant avec lequel il osait me dévisager, je le gifflais violemment. Le frapper eut un effet bénéfique sur moi car instantanément, je me sentis libéré d’un poids. Cependant, cela n’avait fait qu’atténuer légèrement ma colère :

- Ne refais jamais cela Alakhiel ! Je laisse passer pour cette fois dans mon infinie clémence, mais ce ne sera pas la même chose pour la prochaine fois… Le menaçais-je.

Sans un mot de plus, je tournais les talons, le laissant derrière moi sans lui adressser un seul regard. Cependant, sentant qu’il ne me suivais pas, je grondais sans même me retourner :

- Dépêche-toi ! Nous devons quitter cette ville. Dorénavant, tu ne me quittes plus d’une semelle sans mon accord, que ça te plaise ou non !

Puis, sans attendre de réponse, je me remis en marche. J’attendais un moment avant de me retourner et lorsque je le fis, je fus surpris de voir qu’Alakhiel me suivait docilement. Je m’étais attendu à un peu plus de résistance de sa part, mais le voir aussi docile calma un peu ma colère.

Plusieurs semaines passèrent ainsi, mêlant entraînement et chasse. A aucun moment je ne permettais à Alakhiel de s’éloigner de moi. Je le surveillais constament, n’ayant toujours pas digéré le lapin qu’il m’avait posé. Tous les deux jours, nous changions de ville, fuyant sans cesse les hypothétiques assassins que le conseil avait certainement envoyé à nos trousses. Alakhiel avait reprit sa manie à ne se nourir que du strict minimum. Cependant, exaspéré par ses psychoses, je le laissais faire, n’y prettant même plus attention. Après tout, il était suffisament grand pour se débrouiller et le materner sans cesse commençait à me peser. J’avais vraiment l’impression de m’occuper d’un nouveau-né.

Pour nous protéger des rayons de soleil de cette nouvelle journée, j’avais trouvé une vieille cave aménagée, qui avait du servir de refuges à d’autres vampires.

Ne laissant aucun répit à Alakhiel, je le forçais à reprendre son entrainement. Il faisait des progrès, mais étant encore très loin du but à atteindre. Et si le conseil devait nous tomber dessus, autant qu’il serve à quelque chose et qu’il puisse au moins se défendre seul. Fatigué de devoir sans cesse répéter la même chose, je me faisais plaisir à lui lancer quelques répliques cinglantes qui, je le voyais bien, avaient le don de l’agacer. Nous nous battions depuis trois petites heures et déjà Alakhiel transpirait comme un boeuf. D’un geste si rapide qu’il ne le vit pas venir, j’envoyais Alakhiel au sol pour la énième fois.

- Est-ce qu’on peut faire une pause ? Demanda-t-il, haletant en se redressant difficilement.

- Espèce de femmelette ! M’exclamais-je, énervé par cette simple demande. Tu crois vraiment que tes ennemis vont s’arrêter de vouloir te tuer juste parce que tu veux faire une pause ? Tu es déjà épuisé alors que je retiens mes coups pour ne pas te faire mal ! Tu es d’un pathé…

Avant que je n’ai le temps de finir ma phrase, Alakhiel fondit sur moi et m’envoya rencontrer le mur de l’autre côté de la salle. Le souffle coupé par la violence de l’impact, je m’effondrais sur le sol. Alakhiel était déjà au dessus de moi, ses deux mains enserrant ma gorge. Esquissant un mouvement pour me soustraire à son emprise, j’eu la satisfaction de voir Alakhiel resserrer sa poigne autour de ma gorge, m’empêchant tout mouvement.

Le sentant sur le point de craquer et me rendre ma liberté, un sourire vainqueur vint étirer le coin de ma lèvre. Satisfait de le voir aussi hésitant. Soudain, avant que je n’ai le temps de comprendre ce qui se passait, je vis Alakhiel se pencher vers moi usant de toute la sensualité dont il était capable. Dans ma poitrine, je sentis mon coeur s’emballer à cette vision. L’instant suivant, Alakhiel effleurait mes lèvres, tandis que son souffle saccadé venait caresser ma peau, m’arrachant un violent frisson de désir. Totalement conscient de l’effet qu’il me faisait, il m’ignora cependant et murmura à mon oreille :

- Et si nous passions à quelque chose pour laquelle nous sommes tous les deux doués…

A ces mots, je retins à grand peine un gémissement de désir, alors qu’il s’écartait légèrement de moi, laissant son visage à quelques centimètres du mien. Pour toute réponse, j’agrippais sa nuque et l’attirais brusquement à moi afin de lui voler un baiser. Glissant ma langue entre ses lèvres entrouvertes, j’approfondis le baiser avec ardeur, l’embrassant comme si ma vie en dépendait. Je le désirais d’une telle force que cela m’effrayait…

Tandis que nos langues se mêlaient avec passion, je glissais ma main sous sa chemise, caressant son dos, mes ongles se plantant dans sa chair, sous l’effet de l’impatience et du désir qui me vrillait les reins. Cela ne sembla pas le déranger et rompant notre échange, il mordilla ma lèvre inférieure, me faisant gémir de frustration.

Galvanisé par le plaisir qu’il faisait naître en moi, je me laissais aller à me déhancher sous lui sans la moindre once de pudeur, lui faisant ainsi part de mon désir et cherchant à attiser le sien. Libérant mes lèvres, s’attirant un gémissement de frustration de ma part, Alakhiel entreprit de déboutonner sa chemise alors que mes doigts partouraient fébrilement sa colonne vertébrale, zone que je savais d’expérience, sensible chez lui. Brûlant de sentir sa peau tout contre la mienne, j’arrachais à mon tour ma chemise avec un empressement certain, me retrouvant ainsi torse-nu et complêtement offert à son regard incandescent.

Les yeux rivés sur le torse puissant de mon amant, je laissais alors mes doigts retracer délicatement la cicatrice récente qui zébrait sa peau si parfaite de son torse jusqu’à son ventre. Et c’est avec une satisfaction évidente que je le sentis frissonner violemment sous mes attouchements. Fier de l’effet que je lui faisais, je m’emparais de ses lèvres avec une ardeur non feinte, privé de son goût depuis trop longtemps. Je voulais me noyer sous ses baisers, assouvrir ce désir de lui que je ressentais et m’enivrer de son odeur jusqu’à saturation. Je voulais être le centre de son monde, que plus rien n’existe pour lui apart moi…

Le contact de nos deux corps brûlant de désir nous arracha à tous deux un concert de gémissements. Nos intimités comprimées réclamaient plus. A chaque déhanchement, mon sexe se faisait plus douloureux, réclamant une attention toute particulière et bien plus pressante.

Finalement, ce fut Alakhiel qui rendit les armes le premier. Relachant mes lèvres rougies par nos baisers, il glissa dans mon cou, entament lentement mais sûrement sa descente vers le sud. Du bout de la langue, il lécha mon cou, m’arrachant un violent frisson de plaisir alors que tout mon corps s’arquait pour aller à sa rencontre. Cependant, il ne s’arrêta et continua sa course, ses lèvres explorant chaque parcelle de ma peau, s’attardant l’espace d’un instant sur la trace de cicatrice qui zébrait mon torse.

Bien trop tôt et à la fois bien trop lentement, il arriva enfin à mon pantalon et je ne pus réprimer un gémissement d’anticipation. L’instant suivant, je me retrouvais nu, entièrement exposé à son regard dans lequel brûlait une flamme de désir à l’état pur. Lorsque mon sexe se dressa librement, enfin libéré de sa prison de toile, je soupirais de soulagement. Tout sourire, volontairement provoquant, Alakhiel effleura plusieurs fois mon intimité, me faisant grogner de plaisir et de frustration mêlé. Il prenait un malin plaisir à me faire languir, ayant acquis énormément d’expérience dans le domaine du sexe et du plaisir.

L’instant suivant, mettant momentanément un terme à mon supplice, il s’empara de mon érection avec plus de vigeur et je me cambrais violemment sous l’effet du plaisir intense qui parcourait mon corps, un feu ardent coulant dans mes veines.

Bientôt, pour ma plus grande satisfaction, sa bouche vint rejoindre ses mains et sa langue s’enroula autour de mon érection, m’arrachant un cri de plaisir dans lequel je laissais s’échapper son nom. Cela sembla faire son effet car aussitôt, Alakhiel gagna en vigeur, s’activant avec savoir faire sur mon intimité douloureusement gonflée. Noyé dans le plaisir que me proccurait mon amant, je n’avais plus conscience de rien si ce n’est de sa bouce qui faisait des merveilles, me proccurant mille sensations de pur plaisir.

Je sentis vaguement Alakhiel glisser sa main libre sous mes fesses, les massant tendrement. Les yeux fermés sous l’effet du plaisir, tentant de me retenir au mieux, je ne pris conscience des intentions d’Alakhiel que lorsque je sentis ses doigts effleurer doucement mon orifice. Soudain, j’émis un grognement sourd de mise en garde, l’avertissant de ne pas aller plus loin, ignorant cette petite voix au fond de moi qui m’incitait à le laisser poursuivre son initiative. Si mon corps réclamait davantage, ma conscience elle, ne pouvait l’accepter. Jamais plus je ne me laisserai dominer comme Darius l’avait fait avec moi…

Semblant comprendre l’avertissement, Alakhiel retira ses doigts en même temps qu’il cessait ses mouvements de succion sur mon sexe tendu à l’extrême, me laissant dans un état de frustration la plus totale. Alors que sa bouche reprenait entièrement mon sexe en une caresse atrocement délicieuse, il inséra entièrement et sans préliminaires un doigt en moi.

Ecarquillant les yeux sous l’effet de la surprise et de la douleur combinées, tous les souvenirs que je tentais d’oublier me revenant subitement en mémoire, je me tendis sous l’intrusion. L’instant suivant, je repoussais si vivement mon amant qu’il fut projeter à quelques mètres de là où je me trouvais, encore sous le choc. Avant qu’Alakhiel n’ait le temps de retrouver ses esprits, dans un état second que je n’avais plus connu depuis le temps de Darius, je fondis sur lui et lui arrachait presque son pantalon. D’une poigne de fer, je le maintenais plaqué contre le sol, l’empêchant de bouger. Prit de panique, il gémit lamentablement :

- Ezekiel, qu’est-ce que… Qu’est-ce que tu fais… Non arrête ! S’il te plait !

Sourd à ses protestations, aveuglé par ma peur, je plantais violemment mes cros dans la peau diaphane de son cou et le pénétrais sans la moindre douceur, toute once d’humanité m’ayant désertée. Aveuglé par mes sentiments, je n’avais pas conscience de mes actes, ni de la douleur que semblait visiblement ressentir Alakhiel. Inconscient, je le pénétrais avec ardeur, sans la moindre trace de tendresse et de douceur, gémissant de plaisir que j’étais, sans le savoir, le seul à ressentir.

L’instant suivant, j’atteignais l’orgasme et me libérait dans l’intimité chaude et humide de mon amant en criant son prénom. Puis, je me retirais et m’étendais à ses côtés afin de reprendre mon souffle, l’esprit pas tout à fait clair. Tendant le bras, j’esquissais un mouvement pour attirer Alakhiel contre-moi, et tentais de l’embrasser. Cependant, Alakhiel ne m’en laissa pas le temps et me repoussa avec une violence que je ne lui connaissais pas. D’un bon, il fut à l’autre bout de la pièce, dans un coin, me fixant avec une haine non dissimulée qui me bouleversa. A l’affu, il guettait le moindre de mes gestes, comme s’il avait peur de moi.

Le comportement d’Alakhiel m’intrigua et ce ne fut qu’à cet instant que le voile qui obscurait ma conscience se dissipa. Subitement, tout me revint en mémoire, le geste déplacé d’Alakhiel et le viol que je venais de lui faire subir. Aussitôt, je fus pris de violentes nausées et réprimais tant bien que mal une pressante envie de vomir. Je me dégoûtais… Je venais de faire subir à mon amant la même chose pour laquelle j’avais tué Darius… Comment avais-je pu ne pas me rendre compte de ce que j’étais en train de faire ? Comment ais-je pu seulement reproduire cette scène qui hantait si souvent mes cauchemars sur l’homme que j’aimais ? Je me sentais si sale et terriblement honteux… Alakhiel parviendrait-il à me pardonner un jour ce que je venais, malgré moi, de lui faire subir ? J’en doutais fortement… Moi-même, j’avais tué mon créateur pour cela, et voilà que je commettais le même crime… Je me dégoûtais…

Lentement, je me redressais et avançais prudement vers Alakhiel, m’arrêtant aussitôt lorsque je le vis se coller plus qu’il n’était possible contre le mur :

- Alakhiel, soufflais-je, d’une voix emplie de honte et de remords

- Ne t’approche pas ! Siffla-t-il d’une voix glaciale.

J’aurai pu passer outre cette interdiction, cependant, je n’en fis rien. Je restais immobile sans savoir que dire ni que faire. Après un temps qui me parut interminable, je déclarais alors, la seule chose qui me venait à l’esprit :

- Je… Je suis désolé, Alakhiel.

Alakhiel ne répondit rien, mais son regard parlait pour lui. Je compris alors que rien de ce que je pouvais dire ou faire le ferait me pardonner. Et cela, je ne pouvais m’en prendre qu’à moi-même. J’étais l’unique responsable de ce qui était en train de se passer. Certes, j’avais prévenu Alakhiel de ne pas aller plus loin, sachant pertinament que je ne pourrais contrôler mes réactions, mais cela n’excusait pas tout… Que lui avait-il prit ? Pourquoi était-il passé outre mes mises en garde ? Je ne comprenais pas. Se pouvait-il qu’il me désire de cette manière ?

Je n’aurais su dire combien de temps je restais ainsi à l’observer, guettant une faille dans ses défenses qui me permettrait de l’approcher. Finalement, au bout de quelques temps, je dus me rendre à l’évidence. Il ne me laisserait plus l’approcher. A contrecoeur, je ramassais mes affaires et me détournais de lui, m’installant sur le lit de fortune que nous avions préparé quelques heures plus tôt. Cependant, je ne pris pas toute la place, m’installant sur le bord, l’invitant ainsi à venir me rejoindre s’il le souhaitait, bien qu’au fond de moi, je savais pertinament qu’il ne le ferait pas.

J’entendis Alakhiel esquisser un rire nerveux face à mon comportement. Je me tournais alors vers lui, de façon à l’observer. Nos regards se croisèrent et ne se quittèrent plus. Je tentais alors de lire en lui et c’est non sans surprise que je sentis Alakhiel n’opposer aucune résistance. Sondant ses sentiments, je prenais alors conscience de l’ampleur de son traumatisme. Désormais, je n’avais plus la moindre chance, aussi infime soit-elle, de me faire aimer de lui… Durant les siècles qui me restaient à vivre, je serais condamné à vivre un amour à sens unique et tout cela, c’était entièrement ma faute. Cette constatation me donnait presque envie de pleurer. Depuis quand étais-je devenu aussi pathétique ?

Soudain, je sentis Alakhiel me rejeter de son esprit avec une telle haine que cela me fit sursauter. Son regard ancré sur moi ne me lachait plus et pour la première fois de ma vie, après Darius, ce fut moi qui détourna les yeux. L’amour que je vouais à Alakhiel m’avait-il rendu si faible que je ne pouvait plus, désormais, surpporter ses regards accusateurs ?

Finalement, au bout d’un moment, ne supportant plus toute la haine et le mépris que m’adressais Alakhiel, je finis par le détourner de lui, à contrecoeur. Toute la journée durant, je ne parvins pas à trouver le sommeil, sentant dans mon dos le regard accusateur et assassin de ma créature. Lorsque la nuit arriva enfin, je l’entendis se relever prestement et s’habiller rapidement avant de m’abandonner, sans un regard en arrière.

Durant les jours qui suivirent je perdis toute notion du temps. Je n’avais aucune idée de l’endroit où avait pu se rendre Alakhiel. Etait-il toujours en ville ? Etait-il partit ? Tout ce que je souhaitais c’était qu’il continue de faire attention au conseil et à ses assassins. Il n’était pas de taille à lutter contre eux, mais il pourrait au moins se défendre un minimum. Depuis le départ de ma créature, jamais je ne m’étais sentis aussi seul… Moi qui me targuais d’être un solitaire et de n’avoir besoin de rien ni de personne, je me retrouvais à me languir de la présence de mon amant. Sans lui, la vie me paraissait fade et sans importance. Même le plaisir de chasser n’était plus là, et chaque soir, je devais me faire violence pour sortir me nourir un minimum, alors qu’au fond de moi, et pour la première fois depuis bien longtemps, je ne souhaitais qu’une seule chose, que la mort vienne me délivrer du mal être qui était le mien depuis le départ de ma créature.

Le bruit et les odeurs de la ville qui, quelques jours auparavant éveillaient encore en moi des émotions toutes plus diversifiées les unes que les autres, à présent n’avaient plus aucun atrait. Je ne voyais plus l’utilité de continuer à déambuler sans but comme une âme en peine. La fois précédente, j’avais eu Indra pour m’aider à remonter la pente, pour retrouver cette part d’humanité que j’avais délibérément enfoui au plus profond de moi-même. Mais maintenant que je n’étais plus cette bête sanguinaire que j’avais été, maintenant que des sentiments que je n’avais encore jamais connu étreignaient mon coeur, des sentiments qui me terrifiaient, qu’allais-je devenir ? Qui serait là pour m’aider à apprendre cet inconnu qui s’offrait à moi ? J’avais compté sur l’humanité d’Alakhiel pour m’aider à comprendre, mais à présent qu’il était partit, qui serait là pour moi ?

Alakhiel avait rompu la connexion mentale qui nous liait, le rendant ainsi totalement impossible à localiser. Et même si je savais où il se trouvait, il n’était pas certain que j’eu fais le premier pas pour aller le retrouver. J’étais peu être en tord, mais ramper à ses pieds comme un misérable pouilleux n’était pas dans mes habitudes et ce n’est pas demain la veille que je commençerais. J’étais peu être l’être le plus lamentable et le plus pathétique qu’avait jamais connu cette terre, mais il me restait tout de même quelque chose que beaucoup d’hommes et de femmes oubliaient à un moment ou un autre de leur vie, la dignité. Moi, malgré toutes les épreuves que la vie m’avait fait endurer, je pouvais me vanter d’avoir toujours gardé en moi cette étincelle que même Darius n’avait jamais réussit à éteindre. Certes il l’avait affaibli, mais jamais elle n’avait disparut.

Je ne sais ce qui m’incita ce soir là à parcourir les rues du quartier malfamé de la ville, là où les bordels florissaient et où la racaille se mélangeaient aux gentilshommes pour une nuit de débauche. Les rues grouillaient de prostituées, de toute race et de tout âge, allant de la vieille catin vulgaire imunisée à tout ce qu’elle pouvoir voir et entendre, à la jeune paysanne perdue qui débarquait dans un monde qui bientôt, n’aurait plus aucun secret pour elle, celui du sexe contre de l’argent.

Sans savoir ce qui me poussait à entrer, je pénétrais dans le hall luxurieux d’un bordel visiblement réputé. Inexpliquablement, quelque chose semblait m’attirer en ce lieu. Peut-être était-ce l’odeur du sang que m’emplissait les narines, où bien était-ce autre chose. Quoi qu’il en soit, le résultat fut le même. Au premier étage, je me dirigeais au fond du couloir, jusqu’à une pièce d’où provenait une musique qui aurait fait frémir d’horreur un saint homme et d’où l’odeur du sang semblait provenir.

Lentement, le coeur battant à tout rompre, anxieux à l’idée du spectacle qui allait s’offrir à moi, je poussais lentement la porte. Rien n’aurait pu me préparer à la vision d’horreur qui s’offrit alors à moi. Alors que mon regard parcourait la chambre, mon coeur s’emballa violemment dans ma poitrine lorsque je vis Alakhiel, étendu nu et offert sur un lit de luxe, savourant les caresses buccales d’un jeune éphèbe qui allait et venait avec un enthousiasme certain sur son sexe, tandis qu’un homme et une femme semblaient se battre pour recevoir ses faveurs. Dans un coin, un peu en retrait, une femme dont le visage me parut vaguement familier, se déshabillait lascivement au son de la musique qui m’avait intrigué un peu plus tôt.

L’espace d’un instant, je restais pétrifié d’horreur face à ce spectacle que m’offrait Alakhiel. Puis, rapidement, l’épouvante disparut de mon coeur pour laisser place à une fureur que je n’avais encore jamais ressentis. Mes poings se crispèrent d’une telle force que mes ongles que j’avais longs se plantèrent dans ma paume, perçant ma chair jusqu’au sang. Cependant, je ne ressentais pas la douleur. Embrasé par la rage, le regard fou, je me précipitais en un éclair sur chacune des personnes présentes dans la pièce et les égorgeaient avec violence. Je voulais voir leur sang se répandre sur le sol. Attrapant l’européenne à la gorge, les yeux injectés de sang, je me tournais alors vers ma créature et plongeant mon regard dans le sien empli d’horreur, je lui arrachais la tête avant de laisser son cadavre retomber lourdement sur le sol en un bruit sourd.

A présent, moins d’une minute après mon apparition dans la pièce, il ne restait que lui et moi.

- Rhabille-toi ! Déclarais-je sur un ton qui contenait mal toute la fureur qui m’habitait, en lui lançant ses vêtements.

Heureusement pour lui, Alakhiel ne tenta pas de protester à mon ordre. Dans l’état dans lequel je me trouvais, qui sait ce qui aurait bien pu lui arriver ? Sans doute l’aurais-je achevé comme je venais de le faire avec les quatre personnes dont les cadavres refroidissaient déjà sur le sol. C’est avec satisfaction que le je vis s’exécuter sans prononcer le moindre mot. Comprenait-il ce qu’il risquait à me contredire ?

- Suis-moi ! Claquais-je avec fureur, ne parvenant pas à décolérer, une fois qu’il fut habillé.

Heureusement pour nous, les catins et les ivrognes ne firent pas attention à nous, si bien que nous pûmes nous éclipser discrêtement sans être vus. Cependant, nous n’avions plus le choix, il nous fallait partir, quitter la ville à l’instant même. Un carnage comme celui que je venais de faire allait faire du bruit et les rumeurs arriveraient bien trop tôt aux oreilles du conseil. Peut-être leurs espions étaient-ils déjà embusqués dans les allées. Me fiant à mon odorat et mon instinct, je tentais de capter la présence de vampires dans les environs, et c’est avec un soulagement certain que j’appris que j’étais seul avec Alakhiel.

Je marchais devant, ouvrant la marche d’un pas rapide, tous les sens en alertes. Cependant, ma fureur était toujours là, la scène à laquelle je venais d’assister ne cessait de me hanter. Parviendrais-je un jour à l’oublier ? Cependant, cela amenait indubitablement une autre question. Depuis combien de temps Alakhiel agissait-il ainsi ? En avait-il été ainsi dès les premiers jours ? A cette simple pensée, à l’idées que d’autres personnes que moi aient pu jouir de la perfection de son corps, je sentis une haine incommensurable s’emparer de moi. Je voudrais pouvoir tous les tuer pour avoir ne serait-ce qu’oser poser les yeux sur lui…

Alors que j’empruntais une ruelle sombre, Alakhiel toujour sur mes talons, il s’exclama subitement sur un ton de défi qui m’hérissa les cheveux sur la nuque :

- Qu’est-ce qui t’as pris ! Je ne suis pas un gamin ! Je ne t’ai rien demandé ! J’ai le droit de mener ma vie comme je l’entends. Et toi ? Tu as peur d’être seul ?

Puis, sans attendre de réponse de ma part, il tourna les talons et prit la direction opposée. Qu’avait-il cru cet imbécile ? Qu’il pouvait me tenir tête et me tourner le dos sans en subir les conséquences ? Pauvre fou ! J’allais lui faire payer le prix fort pour cette leçon qu’il n’oublierait pas d’aussitôt. On ne se moquait pas de moi impudément ! Qu’il se le mette en tête ! Dans un geste si rapide qu’Alakhiel n’eut pas le temps de le voir arriver, je le projettais avec une violence qui aurait tué un humain sur le coup, contre le mur le plus proche. Sous la violence de l’impacte, Alakhiel s’effondra sur le sol. Je l’attrapais alors par les cheveux et le forçait à se redresser alors que mon poing qui me démangeait depuis tout à l’heure, rencontrait enfin sa joue.

Encaissant le coup, Alakhiel me tint tête. Se redressant aussitôt il m’attaqua sans réfléchir. Aveuglé par sa colère, il bondit sur moi. Si je n’étais pas autant énervé, j’aurais ris de sa pathétique tentative d’attaque. Vraiment, c’était pitoresque ! Il eut à peine le temps de me griffer la joue, m’effleurant du bout des ongles que je l’envoyais de nouveau rencontrer le mur, sa tête le heurtant brutalement. A moitié inconscient, il s’effondra sur le sol. En un bond empli d’une grace féline, je me tenais au dessus de lui. Là, laissant libre court à ma fureur, aveuglé par ma rage, je le griffais, criant ma colère, le rouant de coups. J’étais devenu une véritable furie. Les images de la scène dont j’avais été témoin un peu plus tôt ne faisaient qu’attiser ce sentiment de démence.

Puis, mon instinct prenant le dessus, il me fallait le marquer. Il me fallait le faire mien. Il était à moi et à personne d’autre. Les cros étincellant sous la lumière de la lune, je fondis sur son cou offert. Sans la moindre douceur, je plantais mes cros dans la chair tendre et délicate de son cou, lui déchirant la gorge. Aussitôt, son sang vint inonder ma bouche, attisant ma soif. A grande gorgées, j’aspirais son sang sans le moindre égard pour lui. Le liquide carmin s’échappait de mes lèvres, coulant dans mon cou et sur nos vêtements, mais je n’en avais cure. Tout ce qui m’importais, c’était la douceur suave de son sang. Enivré par son onctuosité, j’aspirais toujours plus fort, vidant ma créature de son fluide vital. Je ne repris conscience que lorsque je sentis son coeur ralentir de façon dangeureuse. Si je n’arrêtais pas tout de suite, j’allais le tuer… Ma soif de sang était loin d’être assouvie et mon instinct de prédateur me hurlait d’achever ma proie, de la vider de son sang jusqu’à la dernière goutte, mais de l’autre côté, mon coeur souffrait déjà à l’idée de perdre Alakhiel pour toujours. Sans que je ne m’en rende compte, il m’avait enchaîné à lui…

Luttant de toutes mes forces contre mon désir de sang, je me redressje sais vivement et d’un geste reflétant mon habitude, je m’entaillais la veine du poignet avant de le plaquer contre les lèvres de mon amant. Il fallait à tout prit stopper l’hérmoragie et seul mon sang pourrait le sauver. A la vitesse ou le sang s’échappait de sa blessure, il n’en avait plus que pour quelques minutes à vivre.

Lentement, il commença à aspirer mon sang, revenant doucement à la vie et c’est avec un soulagement que je n’osais m’avouer que je vis la blessure se refermer et le sang s’arrêter de couler. Lorsque je le jugeais suffisament remi pour que la blessure ne se rouvre pas, je repris mon poignet et d’un coup de langue, je cicatrisais la plaie. Puis, avisant Alakhiel toujours évanoui, ma colère étant momentanément retombée, je soupirais, maudissant ma propre lacheté et le prit dans mes bras afin de le porter à l’abris, les premières lueurs de l’aube n’allant pas tarder à faire leur apparition.

Je revenais d’une chasse fructueuse et comme chaque heure, j’allais voir si Alakhiel était réveillé. J’avais trouvé refuge dans un ancien abattoire et enfermé Alakhiel dans ce qui ressemblait fortement à une chambre froide où la viande était entassée après dépeçage. L’odeur qui y régnait était des plus nauséabondes, mais après une journée passée dans ce trou à rats, je n’y pretais plus attention. Lorsque j’ouvris la porte dont la seule poignée était à l’extérieur, ce qui empêchait toute fuite à ma créature, je sus instanément qu’Alakhiel était réveillé.

Pénétrant dans la salle, je déclarais alors, d’un ton glacial et suppérieur, afin qu’il apprenne enfin où était sa place :
- J’espère que tu as compris la leçon, misérable raclure. Si tu te voyais, tu es comme à ton habitude : pitoyable et pathétique.

Tentant de se redresser, Alakhiel demanda alors :

- Qu’est-ce que tu m’as fait ? Où est-ce que je suis ?

- Dans un lieu dont tu ne pourra pas t’échapper ! Répondis-je. Et ce n’est pas à toi de poser des questions, Alakhiel, crachais-je, toute ma fureur, contenue depuis la veille, revenant au galop.

Je m’approchais alors de lui afin de mettre les choses au clair et subitement, contre toute attente, il se redressa brusquement et se plaqua contre le mur derrière lui tout en me menaçant de ses cros en un geste agressif :

- Ne t’approche pas de moi ! Cria-t-il avec hargne.

Subitement, surpris par cet excès de fureur, je m’arrêtais et l’observais, tentant de comprendre ce qui lui arrivait. L’observant attentivement, je pus voir qu’il tremblait de tout son être, comme s’il luttait contre un démon intérieur. Surpris et déstabilisé, je demandais, retrouvant instantanément mon calme :

- Qu’est-ce qui t’arrives Alakhiel ? Pourquoi es-tu devenu comme ça ?…

Comme je m’y attendais, il ne répondit rien, se contentant de se plier en deux sous l’effet d’une douleur que je ne comprenais pas. Tremblant, il releva la tête vers moi et m’adressa un regard insolent que j’ignorais royalement. Soupirant, j’esquissais un geste dans sa direction avant de m’arrêter. Tournant les talons, je déclarais alors :

- Je te laisse le temps de réfléchir à ce que tu es devenu Alakhiel. N’essaye pas de fuir, c’est impossible.

Sur ces mots, je sortais en claquant violemment la porte derrière moi. Durant les nuits qui suivirent, le réitérais la même question, le laissant patauger pour trouver la réponse. Je n’avais ni l’envie ni le coeur à l’aider et le voir ainsi ne faisait qu’attiser la colère sourde qui grondait en moi. Tout cela était de sa faute ! Parfois dans la journée, j’entendais l’écho sinistre de ses hurlements retenir dans les souterrains et j’en éprouvais une certaine jouissance. J’étais quasiment certain qu’il craquerait bientôt.
Une nuit, une semaine exactement après l’avoir ramené, j’allais le retrouver. En silence, j’ouvris la porte et entrais dans la pièce. Je restais un instant immobile et silencieux, me contentant de l’observer. J’éprouvais un mélange de malaise et de dégoût à la vue de cette loque qu’était devenu ma créature. Je tentais alors de lui parler, mais plongé dans une sorte de transe, il sembla ne pas m’entendre. Soudain, avec une force dont je ne me serait pas douté au vue de son état, il se précipita sur moi, les cros à découverts, les yeux injectés de sang dans lesquels brillait un éclair de folie. Qu’était-il donc devenu ?
Cependant, il n’était pas assez rapide et j’eu le temps de le voir venir. Repensant à l’idée qui venait de m’effleurer l’esprit, j’arrachais ma chemise avant qu’Alakhiel ne soit sur moi et la jetais sur ma droite. Aussitôt, Alakhiel changea de direction et saisit ma chemise en plein vol. Et comme une personne ayant développé une dépendance à l’opium, cette drogue qui faisait fureur depuis quelques temps, il se mit à lécher la tache de sang qui maculait ma chemise. A cette vision, je ne pus réprimer une grimace de dégoût.
Me reprenant aussitôt, je m’approchais de lui et doucement, je posais ma main dans ses cheveux, otant une mèche collée à son front par la sueur. A bout de forces, Alakhiel vascilla et je le rattrapais avant qu’il ne s’écrase sur le sol.
Avec une douceur qui me surpris, je lui enlevais les lambeaux de ma chemise des mains. L’air grave, je le contemplais, ne pouvant réprimer un élan de tristesse qui me compressait le coeur. Qu’avais-je donc fait ? Qu’était-il donc devenu ? Avais-je donc finalement fait de lui une bête sanguinaire ? J’avais déjà eu écho de vampires devenus fous, était-ce ce qui était arrivé à Alakhiel ?
L’espace d’un instant, je détournais le regard afin qu’il ne puisse pas voir la douleur qui déformait mes traits. Puis, me reprenant, je reportais mon attention sur lui et lui caressait tendrement la joue. Dans l’état d’épuisement dans lequel il se trouvait, je ne craignais rien de lui. Il aurait été incapable de me faire le moindre mal. Plongeant mon regard dans le sien, je dévoilais alors mes cros. Sous l’effet de la colère, j’avais déjà souhaité la mort de ma créature. Mais en cet instant, alors que je m’apprêtais à lui ôter la vie, je n’aurai jamais cru que cela serait tellement difficile. Cependant, je ne pouvais le laisser vivre ainsi… Il était bien trop dangeureux et incontrôlable.
Usant de toute la force de ma volonté, je raffermis mon étreinte autour de son corps épuisé et lui adressais un dernier regard empli de toute la tendresse que j’éprouvais pour lui. Je ne pouvais croire que l’Alakhiel que je connaissais avait disparut pour laisser place à ce monstre… C’était impensable… Pas lui… Cependant, je devais me rendre à l’évidence. L’Alakhiel que je connaissais, était mort en même temps qu’une partie de moi.
Prenant mon courage à deux mains, j’esquissais alors une lente descente vers son cou. Je préférais encore le tuer de moi-même plutôt que de le voir tomber entre les mains du conseil, ou pire… Alors que je n’étais plus qu’à quelques milimètres de sa jugulaire qui palpitait sous mon nez, je sentis une humidité étrange couler le long de ma joue. Alors que mes cros effleuraient sa peau laiteuse, je me stoppais immédiatement mon geste et me redressais. Incrédule, j’observais le sillon que la larme de ma créature avait creusé sur sa joue maculée de crasse. Du bout des doigts, d’un geste hésitant reflétant toute mon incompréhension, je retraçais le sillon qu’avait laissé l’unique larme qu’il avait versée, partant de son menton où elle allait se perdre, jusqu’à son oeil qui me fixait avec une lueur d’espoir.
- Alakhiel ?… Murmurais-je, ne sachant plus quoi penser, d’une voix tremblante d’émotion.
D’autres larmes suivirent alors le chemin emprunté par la première. La gorge sèche et la voix rauque, Alakhiel déclara douloureusement :
- Sauve moi, Ezekiel…
A ces mots, mon coeur s’emballa brusquement. Que signifiait cette supplication ? Souhaitait-il vraiment que je l’achève ? Le coeur lourd, luttant contre les larmes qui menaçaient de s’échapper de mes yeux, je me penchais alors vers lui, reprenant mon geste où je l’avais arrêté. Seulement, je me refusais à l’achever avant d’essayer de lui faire comprendre. Comprendre les sentiments que je nourrissais pour lui. Déviant de ma trajectoire première, je déposais alors mes lèvres sur les siennes en un chaste baiser à travers lequel je fis passer toute la tendresse que je ressentais pour lui.
Retenant de plus en plus difficilement mes larmes, je me redressais et ancrant mon regard au sien, je déclarais alors, d’une voix suppliante que je ne me connaissais pas, le coeur compressé par la douleur :
- Ne m’abandonne pas, Alakhiel…
Prenant une respiration profonde, je l’attirais contre moi, alors qu’il posait sa tête sur mon épaule. Troublé, je murmurais, tout en le bercant inconsciement :
- Je suis désolé, Alakhiel… Désolé pour ce que je t’ai fait…
Je n’aurais su dire combien de temps nous restâmes ainsi enlacés, jusqu’à ce que finalement, Alakhiel sombre dans l’inconscience. Je n’avais pas le coeur à le tuer… Mon amour pour lui était bien trop fort. Qui l’aurait cru ? Certainement pas moi… Délicatement, je le pris dans mes bras, et quittais cet endroit.
Je ne sais pas combien de temps je marchais dans la nuit, portant Alakhiel, le gardant serré tout contre moi. Quelques heures avant le lever du soleil, je trouvais une vieille batisse anglaise abandonnée au milieu de la jungle. Estimant qu’elle ferait un abris potable pour les prochaines heures à venir, j’y entrais et partis à la recherche d’une chambre. Là, je déposais délicatement Alakhiel sur le lit et après avoir découvert une malle pleine, je pris le temps de le laver et le changer, avant de m’occuper de moi. Puis approchant un fauteuil qui meublait le coin de la pièce, je m’installais à son chevet. Le temps passa, interminable, durant lequel je songeais aux évênements qui venaient de se produire. Jamais je n’aurais du me laisser guider par les sentiments que je vouais à Alakhiel… J’aurais du écouter ma conscience qui me dictait de l’achever sans tarder, et au lieu de cela, j’avais tout simplement signé notre arrêt de mort… Si nous venions à nous faire attraper par le conseil, il ne ferait aucun doute que je ne serais plus en mesure de lutter, surtout si, comme aujourd’hui, mes sentiments venaient prendre le dessus sur ma raison. Etais-je moi aussi, en train de devenir fou ?
En fin de compte, je dus sombrer dans le sommeil sans m’en rendre compte, car je me réveillais en sentant un regard insitant posé sur moi. Ouvrant prudement les yeux, je vis qu’Alakhiel était enfin réveillé.
- Tu te réveilles enfin ! Déclarais-je, alors, faisant involontairement sursauter mon amant.
Sans attendre de réponse, je m’entaillais le poignet, déclarant posément :
- Il faut que tu manges, Alakhiel et j’ai trouvé une solution, déclarais-je.
Tout compte fait, mes quelques heures de repos avaient été bénéfiques.
- Je… Je ne veux plus de sang, bafouilla Alakhiel, la voix rendue rauque par sa gorge sèche.
- Ne dis pas de bétise ! Tranchais-je, conscient que son corps criait l’inverse de ce qu’il osait éhonteusement affirmer.
Sans lui laisser le choix, je collais mon poignet contre ses lèvres, le forçant à aspirer le sang qui s’en échappait. C’est avec une satisfaction évidente que je vis Alakhiel rendre les armes et attraper mon poignet pour en aspirer le sang avec conviction, allant même jusqu’à gémir de plaisir. Après quelques gorgées de sang, suffisament pour appaiser sa faim, je retirais mon poignet et léchais la morsure afin d’accélérer la cicatrisation. Rageusement, Alakhiel grogna en claquant des dents, signe de son mécontentement.
- Cela suffit pour le moment, Alakhiel, déclarais-je patiemment. Dans ton état, il ne t’en faut pas plus.
Puis, me moquant de ses protestations, je pris place sur le lit à côté de lui et déclarais :
- Voici les nouvelles règles ! Premièrement, tu ne sors pas d’ici sans moi et crois-moi, même si je ne suis pas là, je le saurais. Deuxièmement, tu ne te nourris plus seul. Comme tu ne sais plus te maitriser, je te donnerais tes repas jusqu’à ce que je te juge capable de te débrouiller sans moi. Des protestations ? Ajoutais-je, un sourire gentillement moqueur étirant mes lèvres, amusé de voir son air effrayé.
L’instant suivant, Alakhiel baissait la tête, détournant le regard et demanda :
- Pourquoi ne m’as-tu pas tué ?
A cette question, je réprimais un sursaut de surprise. Cependant, je ne répondis rien, me contentant de lui sourire. Puis, sans un mot, je me levais et quittais la pièce. Moins d’une heure après, j’étais de retour dans la chambre. Malgré moi, j’étais inquiet pour ma créature et je n’osais le laisser seul trop longtemps. Qui sait ce qui pouvait se passer…
Lorsqu’Alakhiel ouvrit les yeux, la nuit était tombée depuis quelques heures déjà, et je venais de rentrer d’une chasse fructueuse. J’en avais profité pour écouter les rumeurs de la ville quant au carnage dont j’étais responsable, tentant de repérer l’hypothétique présence d’un ou plusieurs assassins du conseil. Fort heureusement, le propriétaire du bordel était resté discret sur le massacre, ne souhaitant pas alerter les clients et ainsi ternir sa réputation. Et d’après mes sources, aucun membre du conseil n’avait été repéré. Je pouvais faire confiance aux rumeurs nocturnes, les vampires étant les premiers informés de tout ce qui se passait.
Sans un mot, je portais mon poignet à mes lèvres et l’entaillais d’un coup de dents avant de le présenter à ma créature qui, cette fois-ci, ne rechigna pas à se nourrir. Comme la fois précédente, je lui repris mon poignet avant que sa soif ne soit entièrement comblée. Tout son être me criait de lui accorder quelques gorgées supplémentaires, mais je le lui refusais. A contrecoeur, je me levais du lit pour aller prendre place dans le secondque j’avais ammené un peu plus tôt.
Au fond de moi, je ressentais un besoin physique de le sentir tout contre moi, mais après ce qui s’était passé, je ne m’en sentais pas le droit et je ne pouvais m’en prendre qu’à moi-même… Cependant, mon attention fut attirée par de bruit discrêt de pas sur le sol suivit d’un bruit de chute. Pourtant, je ne bougeais pas. L’instant d’après, je sentis le matelas s’affaisser tandis qu’Alakhiel se glissait sous les couvertures et, sans un mot, vint se coller contre moi.
Surpris, je ne fis cependant aucun geste pour le rejeter. Au contraire. Je me tournais alors vers lui, m’installant plus confortablement, afin d’avoir mon visage au niveau du sien. Sans que je ne m’en rende compte, un sourire vint alors étirer mes lèvres tandis que je l’observais. Le silence nous entourait, mais en cet instant, nous n’avions pas besoin de mots. Délicatement, je passais mon bras autour de sa taille et l’attirais vers moi, comme pour me rassurer de sa présence. Puis, avec une tendresse qui ne cessait de m’étonner, je déposais délicatement mes lèvres sur les siennes en un baiser des plus chastes.
Du bout des doigts, je caressais la nuque de ma créature et bientôt, je me laissais griser par la saveur de ses lèvres et entrepris d’approfondir le baiser tout en me collant davantage à lui, en proie au désir. Aussitôt, Alakhiel me repoussa vivement, tombant à moitié du lit. Subitement, il se releva et retourna se recroqueviller dans le sien. De mon côté, je n’en menais pas bien large, déstabilisé par son comportement. Voyant Alakhiel se recroqueviller sur lui-même, j’eu subitement honte de moi. Je quittais alors mon lit et, priant pour ne pas me faire rejeter, j’allais rejoindre ma créature. Avec toute la douceur dont j’étais capable, je le pris dans mes bras et l’attirais tout contre moi. C’est avec soulagement que je constatais qu’Alakhiel se laissait faire, malgré une certaine méfiance à mon égard.
Cependant, voyant que je n’esquissais aucun geste déplacé, me contentant de le garder tout contre moi, il finit par se détendre, sa tête posée sur ma poitrine. Dans un murmure à peine audible, je déclarais alors avec sincérité :
- Je suis désolé Alakhiel… Je suis désolé que tu sois devenu ainsi à cause de moi…
Alakhiel ne répondit pas tout de suite, si bien que l’espace d’un instant, je me demandais s’il ne s’était pas déjà endormis. Je fus vite détrompé lorsque qu’il déclara à son tour, d’une voix emprunte de franchise :
- Ce… C’est à cause de moi Ezekiel. Je… J’ai peur…
A ces mots, je posais mes mains sur les épaules de ma créature, afin de l’inciter à me regarder. Ce qu’il fit avec hésitation.
- Tu as peur de moi ? Demandais-je, me sentant subitement blessé par une telle idée.
Comme pour me détromper, Alakhiel répliqua rapidement :
- Non… J’ai peur de moi… De ce que je suis devenu…
Je pouvais sentir toute la peur qu’il ressentait dans sa voix, et même si je n’osais pas le lui avouer, moi aussi j’avais peur. Pas de lui, mais pour lui… J’avais peur de ce qui pourrait arriver si j’échouais, si je ne parvenais pas à le sauver… Peur de devoir mettre fin à sa vie… Inconsciement, je raffermis ma prise autour de son corps et déclarais dans un souffle :
- Alakhiel… Je suis là… Tu peux compter sur moi…
Puis, après un temps de silence, rongé par la curiosité et la jalousie, je finis par demander, un peu gêné tout de même :
- Qu’est-ce qui t’a prit de coucher avec tes victimes ?
Comme je m’y attendais, Alakhiel ne répondit rien et s’écarta de moi. Alors que je m’attendais à le voir me tourner le dos, il plongea son regard dans le mien. Encouragé, j’ajoutais :
- Et cette folie meurtrière… Qu’est-ce qui t’a pris, Alakhiel ?
- Je… Je ne sais pas, répondit-il, visiblement mal à l’aise en baissant les yeux. Je… J’ai du me laisser séduire par le sang… J’avais déjà eu ce genre de… crises… Avant que nous partions en Inde… Et une fois que nous sommes arrivés… Je… Je t’ai caché mon état, Ezekiel…
- Pourquoi ? Pourquoi ne pas m’en avoir parlé au lieu d’en arriver à cet état ? Demandais-je, alors, profondément déçu et blessé, tentant de ne rien laisser transparaître de mes sentiments, mais aussi agacé par son manque de confiance en moi.
- Je… J’avais honte… Alors que j’ai toujours exécré à tuer comme cela… J’ai fini par le faire le plus bassement possible.
- Imbécile ! Claquais, définitivement agacé. Tu aurais pu m’en parler plus tôt, je t’aurai aidé ! Tu n’en sderais pas arrivé là !
- Les chose ne sont pas si faciles ! Contra Alakhiel en haussant le ton. Je pensais pouvoir gérer mes propres problèmes. Je suis déjà assez un fardeau pour toi…
- Tu n’es pas un fardeau ! M’exclamais-je sans vraiment m’en rendre compte.
Alakhiel se redressa alors et s’exclaffa d’un rire sans joie :
- Rien que maintenant je suis pire que cela ! Je suis devenu incontrôlable ! J’en suis à un tel point que j’ai besoin d’être surveillé et enfermé ! Comme si nous n’avions pas assez de problèmes ! Ezekiel, reprit-il plus calmement, si un humain était dans cette pièce, je serais fou…
Dans le but de lui faire comprendre mon irritation, je soupirais bryuament avant de répondre, las de cette discussion stérile :
- Ce n’est que temportaire, Alakhiel. Crois-moi, tu vas guérir… Si tu ne le peux pas, personne n’en est capable…
- J’espère, souffla-t-il à l’évidence peu convaincu.
L’attirant de nouveau contre moi, je l’embrassais sur le front, en un geste qui me surpris autant que lui.
- Dors Alakhiel, souffais-je, alors. Tu en as grand besoin…
L’instant d’après, j’eu la satisfaction de le voir s’endormir, blotti tout contre moi. Bientôt, je finis par l’imiter, sombrant moi aussi dans un sommeil profond et sans rêves. Depuis que j’avais commencé à veiller Alakhiel, je n’avais pas énormément dormi, mais le savoir là, paisiblement endormi entre mes bras me rassura et je me laissais gagner par un sommeil bienfaiteur.
Lorsque je me réveillais de nouveau, je reportais mon attention sur Alakhiel. Il semblait dormir profondément et j’en fus apaisé. Du bout des doigts, je replaçais une mèche rebelle derrière son oreille. L’espace d’un instant, je le regardais dormir avant de finalement consentir à me lever. Aujourd’hui, j’allais tenter quelque chose…
Sans un bruit, je quittais la chambre et après m’être rapidement rafraîchi, je sortais de la maison. La nuit était tombée depuis quelques heures à peine. Lorsque j’arrivais en ville, comme tous les soirs, je tentais d’en apprendre plus sur les rumeurs qui couraient et comme tous les soirs, aucune nouvelle inquiétante ne se profilait à l’horizon. Au fond de moi, je ne savais pas si je devais m’en réjouir ou m’en inquiéter… Dans tous les cas, je me fiais à mon instinct et restais sur mes gardes… J’étais persuadé que cette histoire était loin d’être terminée…
Après m’être convenablement nourris, je partis en quête d’une proie pour Alakhiel. La chance me sourit car sur le chemin du retour, je tombais sur une jeune femme vêtue pauvrement. Sans doute une pauvre fille rejetée par sa famille. Elle était couverte de boue et de l’herbe se mêlait à ses cheveux, mais elle ferait l’affaire. Sans même prendre le temps d’user de mon pouvoir hypnotique, je sautais à la gorge de la jeune femme qui hurla de terreur en me voyant. Posant une main puissante sur sa bouche, je la contraignais au silence avant de planter mes canines dans la peau fragile de son cou. Je lui prenais juste assez de sang pour l’affaiblir et lorsqu’elle fut inconsciente, je la pris dans mes bras et la portais jusqu’à notre refuge.
Lorsque j’arrivais, ma victime se réveillait. L’air complêtement hargard et déboussolé, c’est à peine si elle avait conscience de quoi que ce soit. Parfait, c’était mieux ainsi. L’instant suivant, je pénétrais dans la chambre avec la satisfaction de voir qu’Alakhiel était réveillé. Réveillé, mais l’air complêtement paniqué, terré de l’autre côté de la pièce. L’ignorant, je déposais la jeune femme sur son lit et m’éloignais de quelques mètres. Soudain, comme s’il ne se contrôlait plus, Alakhiel se précipita vers la jeune femme, tous cros dehors. Alors qu’il n’était plus qu’à quelques centimètres d’elle, je fermais les yeux et tentais de m’imiser dans son esprit. Cela sembla fonctionner car rouvrant les yeux, je vis Alakhiel se débattre comme un dément avec ce qui semblait être un mur invisible qui l’empêchait de se ruer sur sa victime.
Fou de rage, il réitéra son geste encore et encore, avec le même résultat. Ce ne fut qu’après de nombreuses tentatives toutes ponctuées d’échecs, épuisé, qu’il finit par abdiquer. J’esquissais alors un sourire de satisfaction. La seconde suivante, j’avais mes cros plantés dans son cou et aspirant son sang, je l’achevais en un rien de temps. Laissant retomber son cadavre, je reportais mon attention sur Alakhiel, l’observant avec attention. Je lui parlais, mais il semblait ne pas entendre ce que je lui disais. Avant même qu’il ne s’effondre, je le rattrapais et m’asseyais à même le sol tout en le gardant dans mes bras.
Là, comme chaque soir, je m’entaillais le poignet et le lui présentais. Cependant, trop faible, c’est à peine si Alakhiel en prit conscience. Patiemment, je portais mon poignet à ses lèvres afin de l’inciter à y boire le sang qui s’échappait de la plaie. Cette fois-ci, je lui permis de satisfaire davantage sa faim et lorsque je retirais mon poignet des lèvres de ma créature, il ne chercha pas à le retenir. Semblant retrouver tous ses esprits, Alakhiel s’écarta alors vivement de moi, m’arrachant un petit sourire amusé.
- Encore quelques exercices de ce genre et tu sera prêt à sortir, Alakhiel. Comme je te l’ai dit hier, tant que tu restes à côté de moi, il ne se passera rien.
- Justement, rétorqua-t-il, c’est uniquement parce que tu es là. Sans toi, je ne suis qu’un monstre…
- Laisse-toi du temps, Alakhiel, soupirais-je, fatigué de l’entendre sans cesse ressasser les mêmes arguments. La guérison peut être un long processus…
Alakhiel ne répondit rien à cela et j’en profitais pour me relever :
- Je pense que tu t’es assez nourri, si nous passions à ton entraînement.
S’il parut surpris, il n’en montra rien. Se levant, il me fit face et l’instant d’après, je reprenais l’entraînement de ma créature.
Les jours défilèrent ainsi. Alakhiel ne sortait pas et pour ma part, je m’absentais uniquement pour aller chasser et reccueillir discrêtement d’hypothétiques renseignements.
Chaque soir, nous répétions encore et encore le même exercice. Et chaque soir, Alakhiel faisait des progrès considérables, même si je me gardais bien de le lui dire. Je me contentais de lui demander toujours plus d’efforts, persuadé qu’il pouvait faire mieux que ce qu’il faisait déjà. Après son entraînement, notre rituel consistait à nous laver avant de nous coucher, dans le même lit. Alakhiel semblait accepter de plus en plus ma présence à ses côtés, et avait mis de côté sa réserve pour se laisser aller à mes chastes étreintes.
Je laissais tomber le corps sans vie de ma victime sur le plancher au pas de la porte. Pour la première fois, Alakhiel avait résisté. Satisfait et fier, je lui adressais un large sourire qu’il me rendit en vascillant légèrement. En guise de récompense, je lui laissais boire davantage de sang que je ne lui accordais habituellement. Ce soir-là, ce fut lui qui referma la plaie de mon poignet, d’un coup de langue délicat. Si ce geste anodin me fit frissonner, je n’en ressentis pas moi un élan de fierté à le voir ainsi se gérer lui-même.
- Sortons ! Tu es prêt Alakhiel et la nuit n’est que brièvement entamée, déclarais-je, alors.
Aussitôt, Alakhiel se mit à paniquer, perdant toute son assurance nouvellement retrouvée :
- Je… Non… Je ne suis pas prêt… Pas si tôt…
- Cesse de geindre ! Répliquais-je, agacé. C’est à moi de décider si tu es prêt ou pas. Si ce choix t’incombait, tu serais encore en train de pourrir dans ce trou dans cent ans.
Visiblement vexé, Alakhiel ne répondit rien. Alors qu’il restait immobile, je le poussais légèrement :
- Passe devant moi, ne t’inquiète pas, je suis là pour te surveiller.
Soudain, j’eu la surprise de voir Alakhiel se retourner pour me faire face. Intrigué, je fronçais les sourcils, ne comprenant pas ce qu’il voulait. Alors que j’allais répliquer quelque chose,  il se pencha vers moi et recouvrit aussitôt mes lèvres d’un baiser. Passé l’effet de surprise, j’entrepris de répondre à son baiser, laissant ma langue aller rejoindre la sienne en un baiser passionné. Finalement, ce fut Alakhiel qui, comme il l’avait débuté, mis fin à ce baiser, s’éloignant de moi, murmurant un simple “merci” avant de me tourner le dos sans plus d’explications.
Nous marchâmes un moment sans croiser personne. Ce n’est que lorsque nous arrivâmes en ville que je sentis Alakhiel devenir de plus en plus instable. Aussitôt, j’entrepris de le raisonner, le bloquant comme j’avais fait jusqu’à maintenant durant ses entraînements. L’effort qu’Alakhiel fournissait semblait vraiment important, car déjà, des gouttes de sueurs perlaient sur son front. Sentant qu’Alakhiel était sur le point de craquer, ayant visiblement surestimé ses capacités, je posais ma main sur son épaule en signe d’apaisement et déclarais :
- Rentrons Alakhiel, ça suffit pour aujourd’hui.
Sans attendre de réponse de sa part, je l’entrainais vivement à ma suite. Durant tout le temps que dura le trajet, il resta obstinément muet. Ce n’est que lorsque nous fûmes arrivés, alors que je refermais la porte derrière nous, qu’il murmura :
- Je n’y arriverai jamais…
- Ne dis pas de bétises ! Claquais-je, las et énervé.
A ces mots, Alakhiel se retourna pour me faire face :
- Non ! Ca ne marchera jamais ! Tu aurais mieux fait de m’abattre !
La colère qui s’insinuait lentement en moi se mit à bouillonner dans mes veines à l’entente de cette affirmation. Alors que j’allais répliquer, je m’arrêtais subitement avant d’avoir prononcé le moindre mot et quittais la maison en claquant la porte derrière moi, le laissant seul. J’aurai pu lui sortir mille répliques et insultes bien senties, mais à quoi bon. Furieux contre moi-même, mais aussi et surtout contre ma créature, je m’éloignais rapidement. J’avais besoin de prendre un peu d’air avant de craquer et de m’en prendre à Alakhiel. Certes, il l’aurait sans doute mérité, mais sans trop savoir pourquoi, je préférais l’éviter. Sans que je m’en rende compte, ruminant ma colère contre la créature, je m’enfonçais dans la forêt. J’avais juste besoin de m’évader. J’avais momentanément abandonné Alakhiel à sa solitude, mais je n’y prêtais aucune importance. Après tout, il était suffisament âgé pour prendre soin de lui. Ou pas…
Subitement, je fus envahi d’un mauvais présentiment… Peut être n’aurais-je pas dû laisser Alakhiel seul ce soir… Inquiet, je marquais un temps d’arrêt avant de finalement reprendre ma course. Après tout, qu’il aille au Diable ! Ce n’était plus mon problème. Je m’étais donné suffisament de mal pour lui, à prendre soin de lui comme on prend soin d’un nouveau-né. Et pour les remerciements que j’en avais…
Soudain, dans l’air, je perçus une odeur trop familière, ainsi qu’une autre que je ne connaissais pas, mais qui ne m’inspirait pas la moindre confiance. Subitement, je stoppais ma course. Mon instinct me hurlais de me méfier de cette odeur. Un vampire inconnu traînait dans les parages. Là, le nez dans le vent, j’humais l’air à la recherche de cette odeur qui m’avait interpelée. Elle était vraiment toute proche… Bientôt, le sentiment de colère qui m’étreignait se mua en une fureur incomparable mêlé à une peur vivace qui me compressa douloureusement la poitrine. Qu’est-ce qu’Alakhiel faisait-il donc dehors ? N’avait-il donc pas senti l’odeur de ce vampire ? De plus l’aube était presque là… Dans un cri de rage, je pris la direction d’où venait l’odeur de ma stupide créature. Que faisait-il aussi loin du manoir ?
Quelques minutes plus tard, je l’apperçu au loin, errant entre les arbres comme une âme en peine. Cet vision décupla ma fureur et l’instant d’après, j’étais à ses côtés, me retenant vivement de lui sauter à la gorge :
- Alakhiel ! Hurlais-je, enragé et essoufflé par ma course folle. Combien de fois je devrais te tirer de la mort ! Je me demande pourquoi je m’acharne ainsi. Je devrais te laisser griller ici !
Semblant se rendre compte de ma présence et ignorant mon éclat de voix, Alakhiel se tourna vers moi, affichant un sourire complêtement idiot. Comment pouvait-il seulement sourire ainsi après la frayeur que je venais d’avoir ? Etait-il à ce point inconscient et abruti ? Sans attendre, je lui assenais un coup puissant sur la tête et l’instant d’après, il sombrait dans l’inconsicence, alors que je rattrapais son corps inanimé.
Là, usant des dernières forces qui me restaient, l’aube étant sur le point de se lever, je me hâtais vers la grotte que j’avais repéré sur le chemin en venant. Lorsque je pénétrais dans la grotte, les premiers rayons de soleil faisaient leur apparition…
Délicatement, je déposais Alakhiel sur le sol de terre humide. L’instant d’après, je perdais connaissance à mon tour et m’effondrais sur le sol, inconscient, cette course ayant épuisé toutes mes resources.
Lorsque j’ouvris les yeux, Alakhiel n’avait pas bougé d’un iota, toujours inconscient. Je me relevais alors et, le soleil n’étant pas encore couché, j’allais m’adosser contre le mur, à quelques mètres de là. Je ne sus dire combien de temps je restais ainsi, immobile à fixer Alakhiel, passant par toutes sortes de sentiments tous plus contradictoires les uns que les autres.
Lorsqu’il se redressa, j’en fis de même et avant que je ne réalise entièrement mon geste, je me laissais tomber à genoux à ses côtés et l’attirais tout contre moi. J’entendis Alakhiel soupirer dans mon cou et, la fatigue aidant, dans un murmure qui trahissait la peur qui m’avait envahit un peu plus tôt :
- Je t’en supplie Alakhiel, quoi qu’il se passe, quoi que je fasse, quoi qu’il nous arrive, reste toujours à mes côtés… Ne t’éloigne plus.
Sans m’en rendre compte, je raffermis ma prise sur lui, enfouissant mon visage dans son cou, m’envirant de son odeur, savourant la chaleur de son corps tout contre le mien en une présence rassurante. Timidement, et pour toute réponse, Alakhiel finit par abdiquer et me rendit mon étreinte. Sans que je ne puisse les retenir, des larmes se mirent à rouler le long de mes joues.  Des larmes de soulagement, vestige de la peur viscérale qui m’avait habité quelques heures plus tôt. Visiblement, le conseil avait retrouvé notre trace. Nous n’étions désormais plus à l’abris ici.
Je n’aurais su dire combien de temps je restais ainsi à pleurer entre les bras de ma créature. Sans que je ne m’en rende compte, les rôles avaient été échangés et à présent, j’étais l’être à consoller et à rassurer. J’aurai du m’en sentir honteux, mais là, entre les bras de mon amant, je me sentais tout simplement bien, à ma place… Comme si les choses étaient ce qu’elles devaient être. Pour la première fois depuis bien trop longtemps, je ne ressentis aucune honte à afficher pleinement mes faiblesses et mes émotions.
Loin de me juger, Alakhiel se contentait de me garder tout contre lui en une étreinte rassurante et apaisante. Son odeur et sa chaleur agissait sur moi comme la présence d’une mère rassurait son nouveau-né. De sa main libre, l’autre étant fermement ancrée à mes reins, il caressait délicatement ma nuque, en un geste réconfortant. Le visage enfoui dans son cou, je me laissais aller à me libérer du poids de mes émotions. Puis, subitement, à bout de forces, épuisé par cette course au petit jour additionnée aux effets que l’aube avaient sur moi et la perte soudaine d’adrénaline, je sombrais sans m’en rendre compte dans une bienveillante inconscience.
Lorsque je repris conscience ce fut avec l’impression que tout n’était pas comme d’habitude. Jamais je ne m’étais sentis aussi faible. Ma tête me faisait souffrir et j’étais assailli d’une faim dévorante. Mais ce qui me troubla le plus, fut le fait que, contrairement à mon souvenir, je ne me trouvais pas sur le sol de pierre et de terre battue, mais sur quelque chose de chaud et vivant et je pouvais sentir comme un poids au creux de mes reins. A cette constatation, j’ouvrais brusquement les yeux. La première chose que je vis alors, fut la chemise d’Alakhiel.
Sentant un regard posé sur moi, je me redressais sur un coude et relevant la tête, je tombais aussitôt nez à nez avec Alakhiel qui me souriait. Aussitôt je compris. Le poids que je sentais au creux de mes reins n’était autre que ses bras croisés autour de ma taille. Visiblement, Alakhiel m’avait servit d’oreiller pendant mon sommeil improvisé.
Lorsque je croisais de nouveau son regard, il me souriait. D’une voix emplie d’une tendresse que je ne lui connaissais pas, il déclara alors, sans pour autant me libérer de son étreinte :
- Ne me refais jamais une peur pareille…
- Tu ne crois pas que tu es mal placé pour dire une telle chose ? Répliquais-je, cinglant en tentant de me redresser.
Cependant, à peine me redressais-je sur mes avant-bras que je fus assailli par un violent vertige qui manqua de me faire perdre mon équilibre déjà précaire.
- Ne bouge pas, murmura Alakhiel en raffermissant sa prise autour de ma taille.
Docilement, j’obtempérais sans la moindre résistance, encore trop faible. J’avais puisé dans mes réserves et il me faudrait un peu de temps pour récupérer mes forces. Alors que j’esquissais un mouvement pour me recoucher, je sentis la main d’Alakhiel se poser sur ma nuque dans un geste qui m’incitait à m’allonger. Sans la moindre protestation, je reposais ma tête sur la poitrine de ma créature et me laissais aller à soupirer de bien être. J’avais honte à le dire, mais là entre ses bras, je me sentais comme apaisé.
Cependant, le geste qui suivit me surprit au plus haut point. Alors que je reposais tout contre lui je sentis Alakhiel raffermir sa prise autour de ma taille en un geste d’une possessivité que je ne l’aurai jamais cru posséder. Et étrangement, ce simple geste me fit chaud au coeur… Et malgré toutes les questions qui m’assaillaient, je restais silencieux, soucieux de voir cet instant de plénitude perdurer le plus longtemps possible. Bientôt, sa main quitta ma nuque pour aller se perdre dans mes cheveux, en une tendre caresse qu’il réitéra encore et encore, m’arrachant un frisson de satisfaction.
Je n’aurai su dire combien de temps nous restâmes ainsi enlacés, les doigts d’Alakhiel jouant avec les petits cheveux sur ma nuque. Finalement, ce fut Alakhiel qui brisa le silence apaisant qui nous enveloppait, murmurant si doucement que sans mon ouïe surdéveloppée, je ne l’aurai pas entendu :
- Quoi qu’il se passe… Quoi qu’il arrive… Je resterai à tes côtés… Jusqu’à ce que tu te sois lassé de moi et même après… Je ne te quitterai plus, Ezekiel… Jamais…
De nouveau, je restais silencieux à cette déclaration. Touché plus que je ne l’aurai voulu, je ne savais tout simplement pas quoi dire… Jamais Alakhiel n’avait eut de paroles si tendres à mon égard et savoir que c’était avec moi qu’il voulait passer les prochaines décénnies de son existance me comblait de joie. Cependant, j’étais tout simplement incapable de le lui faire savoir. Ma main délicatement posée sur son torse se crispa et mes doigts se refermèrent sur sa chemise que je serrais avec une poigne de fer, craignant stupidement de le voir me repousse et s’éloigner de moi en riant de la farce qu’il venait de me faire.
Jamais encore quelqu’un avait émit le souhait de rester à mes côtés et moi-même, j’avais toujours vécu seul. La seule et unique personne qui avait partagé ma vie d’immortel en avait fait un cauchemar et avait finalement trouvé la mort en prenant ma vie. Alakhiel était la seule personne dont la présence m’était presque immédiatement devenue indispensable, en dépit des sentiments que je nourrissais à son égard.
Je dus garder le silence plus longtemps que je ne l’avais cru, car bientôt, Alakhiel reprit, d’une voix devenue subitement hésitante, comme s’il appréhendais ma réaction :
- Je… J’ai besoin de savoir quelque chose, Ezekiel… Me considères-tu vraiment comme… Comme ta chose ? Comme un jouet immature et insignifiant ?
Sans que je n’en prenne consicence, mon coeur s’accéléra dans ma poitrine. Cependant, réfrénant mes sentiments, je me contentais d’une réponse des plus brèves, ne voulant pas m’engager dans une conversation stérile :
- Non, déclarais-je simplement.
- Mais alors, commença Alakhiel, cachant mal sa surprise, pourquoi tu me traites comme si tu le pensais ?
Alors que j’ouvrais la bouche pour répondre, me redressant sur mes coudes, il posa son index sur mes lèvres, me forçant au silence. D’un regard empli d’une émotion que je ne parvins pas à identifier, il déclara gravement :
- Si tu me répond… Je veux que tu le fasse sincèrement…
Je restais un moment muet, le regard ancré dans celui de ma créature qui semblait me supplier silencieusement, ses yeux me hurlant un message que je ne parvins pas à déchiffrer.
- Tu devrais t’être habitué à force, déclarais-je après un court silence qui me parût interminable. Après tout tu es bien placé pour savoir que je ne pense pas toujours ce que je dis… Soufflais-je, tentant d’éluder subtilement la question piège qu’il venait de me poser.
Pourrais-je seulement lui avouer que si je le traîtais ainsi, c’est pour ne pas qu’il voit l’amour que j’éprouvais pour lui ? Quand étais-je devenu si dépendant de lui ? Face  ma réponse, Alakhiel garda le silence, et pour la première fois, je ne su comment l’interprêter. Etait-ce si difficile pour lui de croire en ma sincérité ?
Je ne su jamais ce qui me poussa à prononcer ces quelques mots, si au fond de moi je me savais responsable de l’état de ma créature, mais après un silence qui me parût incroyablement lourd, je murmurais :
- Je suis désolé…
Le silence s’installa de nouveau entre nous, jusqu’à ce que finalement, Alakhiel prenne la parole :
- Je voudrais tourner la page avec toi, Ezekiel, déclara-t-il avec une douceur que je ne lui connaissais pas. Je voudrais aller de l’avant, oublier ce qui s’est passé entre nous pour repartir à zéro… Qu’en dis-tu ?
- Nous pouvons essayer, répondis-je, tentant de dissimuler la surprise que j’avais ressentis à l’entente de ses paroles. Cela ne sera certainement pas facile tous les jours, mais nous pouvons essayer, soupirais-je en me laissant aller tout contre lui.
Pour toute réponse, Alakhiel raffermi son étreinte autour de ma taille. Je ne savais pas dans quoi je venais de m’engager, mais je venais de le faire. Et tant qu’Alakhiel serait à mes côtés, le reste n’avait plus la moindre importance.
Nous restâmes ainsi jusqu’à la tombée de la nuit. Le repos m’avait fait énormément de bien et mes forces étaient à nouveau intactes, seul la faim me rongeait. Aussitôt que le soleil fut couché, je quittais la grotte, intimant à Alakhiel de rester là, l’assurant que je le tuerais s’il osait ne serait-ce que songer à me désobéir.
Une fois rassuré sur ce point, j’entrepris alors d’aller explorer les alentours comptant sur  mon ouïe et mon odorat pour m’indiquer une quelconque présence malveillante. Je parvins à repérer l’assassin du conseil, celui-ci n’étant pas très discret pour quelqu’un de sa formation. Le vent portait son odeur venue de l’est mais celui-ci semblait s’être éloigné, ne nous cherchant pas dans la bonne direction. Si j’en jugeais par mon instinct, nous disposions de suffisament de temps pour quitter cette grotte et mettre le plus de distance possible entre lui et nous, mais pas assez pour nous cacher convenablement.
Sans attendre, je retournais alors chercher Alakhiel qui m’attendait à l’intérieur de la grotte. Là, je l’empoignais fermement par le bras et l’obligeais à me suivre, ignorant son cri d’indignation. Sans lacher le bras de ma créature, je courrais jusqu’à la ville. Malgré le temps qui pressait, je nous accordais cependant une pause le temps de nous nourrir. Si nous avions à affronter un ou des spadassins du conseil, autant mettre toutes les chances de notre côtés, et c’est pas en restant le ventre vide que nous pourrions nous en sortir.
Après avoir prit chacun la vie d’une victime, nous nous empressâmes de quitter la ville. Cependant, la chance nous avait visiblement abandonnée car à peine avions nous fait quelques kilomètres, qu’une silhouette sombre se dressa devant nous. Je n’eu aucune peine à reconnaître celui qui était sencé ramener nos tête à Shaolan.
- Tu croyais pouvoir m’échapper, Ezekiel ? S’exclama-t-il d’une voix puissante.
- Il me semble que nous n’ayons pas encore été présentés… Je te demanderais donc de ne point user d’une telle familiarité envers moi ! Rétorquais-je, avec un agacement prononcé.
- Ne cherche pas à faire le malin ! Poursuivit notre vis à vis. Rend-toi ! Et dit à ton avorton de faire pareil ! S’il tente quoi que ce soit, je t’arrache la tête avant d’en faire de même avec lui !
- Tu m’arraches la tête ? Répétais-je, amusé de la trop grande confiance en soi qu’il semblait éprouver. Ne serais-tu pas en train de prendre tes désirs pour la réalité ? Le provoquais-je en éclatant de rire, pas effrayé le moins du monde par ses menaces.
- Ta trop grande confiance en toi te perdra, Ezekiel ! Déclara gravement mon vis à vis.
- Il paraît ! Répliquais-je. Mais vois-tu, pour le moment, je suis toujours là !
- J’ai beaucoup entendu parler de toi, Ezekiel, reprit mon vis à vis. Tu es fort, très fort… Mais sâche que contre moi, cela ne suffira pas…
- Tu m’as l’air doué pour parlementer, répliquais-je, cinglant. Mais serais-tu aussi habile avec une épée qu’avec ta langue ? Le provoquais-je, ravi de le voir s’enrager.
Sans plus attendre, l’assassin se précipita sur nous. A l’instant où il se jetais sur moi, je repoussais Alakhiel d’un violent coup d’épaule qui le fit reculer de plusieurs mètres avant d’esquiver le coup de mon adversaire d’une habile roulade au sol. La seconde durant laquel l’assassin resta immobile, désorienté, me suffit. Sentant une colère sourde poindre en moi, je me jetais violemment sur mon adversaire qui esquiva au dernier moment. S’engagea alors un combat à mort. Très vite, je m’apperçu que mon ennemi ne m’avait pas mentit… Il était vraiment fort et je devais déployer toute ma puissance et ma ruse pour ne pas me faire massacrer.
Toute mon attention étant tournée vers mon ennemi, je ne vis pas Alakhiel s’approcher et cela fut ma première erreur. Mon adversaire lui, s’était parfaitement rendu compte de la présence de ma créature et au dernier moment, il se détourna de moi pour s’en prendre à lui. Il l’attrapa par le poignet, lui tordant le bras dans le dos et portant un poignard  sa gorge. Le visage déformé par un rictus de haine, il cracha littéralement :
- Rend-toi, Ezekiel ! Tu ne peux pas gagner…
De là où j’étais, je pouvais voir Alakhiel tenter de se dégager de la poigne de fer de son adversaire, mais c’était sans compter sur son manque d’expérience. Son regard étincellait d’une lueur de haine à l’état pur et pourtant, je crus cependant déceler une étincelle de peur, une supplication qu’il semblait m’adresser.  Cette vision suffit à m’enrager d’avantage. Comment cet enfoiré osait-il s’en prendre à Alakhiel ?
- Rend-toi ! Reprit mon adversaire.  Où je tue ton avorton !
Alakhiel avait cessé de se débattre.
- Libère le ! Grondais-je d’une voix menaçante.
- Qu’espères-tu, Ezekiel ? Demanda l’assassin en esquissant un sourire victorieux. Tu ne peux rien contre moi ! Alors rend-toi sans faire d’histoires !
Avant même qu’il ai terminé sa phrase, je me précipitais sur lui avec toute la haine et la rancoeur qui m’habitait. Alors que j’étais à quelques mètres de lui, je vis Alakhiel se libérer de sa poigne de son bourreau et celui-ci lancer son poignard dans ma direction. Tout ce déroula alors incroyablement vite. Je pris à peine conscience du hurlement que poussa Alakhiel alors qu’une douleur lascinante me déchirait la hanche. Coupé dans mon élan sous la puissance de la douleur qui se répercuta dans son mon corps, portant mes deux mains là ou le poignard avait percé mes chairs, je m’écroulais lamentablement sur le sol, le corps parcourut de spasmes de douleur.
J’avais l’impression que mon corps se consumait de l’intérieur. Jamais encore je n’avais ressentis de douleur aussi fulgurante. Noyé dans les limbes de la douleur, je n’avais plus conscience de ce qui se déroulait autour de moi, ni combien de temps je restais ainsi, incapable du moindre mouvement. J’entendais vaguement les échos d’un combat entre deux créatures enragées. Conscient du danger que courrait Alakhiel, j’essayais de me relever, sans succès. Tout ce que je parvins à faire, c’est me trainer lamentablement sur quelques mètres, avant de m’écrouler face contre terre, vidé de toutes forces. Ma vision s’était obscurcie et tout ce que j’entendais se résumait à une sorte de brouhaha indistinct.
Luttant contre l’engourdissement qui me gagnait, au bord de l’évanouissement, je tentais d’ouvrir les yeux, cherchant Alakhiel du regard. Mon regard se posa alors sur une silhouette qui me semblait être la sienne. Bien qu’il se défendait bravement, il était en mauvaise posture. Usant de toute la force de ma volonté, je réussi à me redresser. Le spectacle qui s’offrit alors à moi acheva d’incendier les dernières forces qui me restaient. La rage au coeur, je vis l’assassin du conseil prendre le dessus sur ma créature. Ce n’était plus qu’une question de seconde avant qu’il ne le tue. Ignorant la douleur qui se répandait dans mes veines comme le poison d’un serpent, je fonçais alors sur l’assassin. Arrachant le couteau toujours planté dans ma hanche, ignorant le sang qui coulait à flots, je me précipitais au secours d’Alakhiel. Avant qu’ils n’aient le temps de comprendre ce qui se passait, Alakhiel se retrouva libre, alors que la tête de notre adversaire, roulait sur le sol, les yeux écarquillés grotesquement sous l’effet de la surprise.
Puis, à bout de forces, la douleur se faisant si forte que j’avais l’impression que mon corps allait partir en fumée, comme ravagé par un incendit, je m’écroulais sur le sol. Jamais encore je ne m’étais sentis ainsi. Allais-je mourir ? Tout autour de moi n’était qu’un immense flou aux couleurs effrayantes.
Dans le brouillard épais qui m’enveloppait, j’entendais très faiblement la voix d’Alakhiel me parvenir sans arriver à en comprendre le moindre mot. Je sentais ma température corporelle chuter dangeureusement, mais à présent, cela n’avait plus d’importance. Sans que je n’en prenne réellement conscience, un sourire vint étirer le coin de mes lèvres. L’instant d’après, je sombrais dans le noir total.
Lorsque j’ouvris les yeux, une douleur lascinante me foudroya sur place, m’arrachant un gémissement de douleur. L’instant d’après, Alakhiel accourait à mes côtés.
- Ne bouge pas, murmura-t-il d’une voix douce en passant sa main fraîche sur mon front. Reste tranquille…
- Que… Qu’est-ce que…
- Chuut, souffla-t-il en laissant son doigt glisser jusqu’à mes lèvres pour m’inciter au silence. Ne parle pas… Tu es encore faible…
S’entaillant le poignet, il le porta à mes lèvres. La vision troublée par la fièvre et la douleur, c’est à peine si je pus avaler quelques gorgées de sang, tandis qu’Alakhiel m’encourageait d’une voix tendre, comme il le ferait avec un enfant récalcitrant.
- Comment tu te sens ? Demanda-t-il une fois que j’eu achevé de me nourir.
- J’ai… Mal… Articulais-je, difficilement, haletant sous l’effort que je devais fournir.
- Tu te souviens de quelque chose ?
Pour toute réponse, j’hochais négativement la tête et rien que ce mouvement me donna le vertige. Alakhiel sembla s’en rendre compte car sa main se posa sur ma joue en une douce caresse qui m’arracha un soupir de contentement, malgré la douleur qui persistait.
- Tu as été grièvement blessé en voulant me protéger, m’expliqua Alakhiel d’une voix inhabituellement enrouée. La lame était enduite d’eau bénite. C’est pour ça que la plaie est si longue à cicatriser et la douleur toujours présente… Pourquoi… Pourquoi tu as fait ça Ezekiel ? Ajouta-t-il après une courte pause. Pourquoi avoir risqué ta vie pour moi ?
A cette question, j’esquissais un pauvre sourire avant que la douleur ne se face ressentir avec une intensité toute nouvelle.
- N’as-tu donc pas compris ? Soufflais-je, une onde de douleur me faisant serrer les dents sur un gémissement que je parvins à étouffer.
- Quoi ? S’empressa de me demander Alakhiel, alors que je me sentais de nouveau sombrer dans les limbes du sommeil. Qu’aurais-je du comprendre, Ezekiel ?
A peine eut-il achevé sa phrase, que je sombrais dans les bras de Morphée.
Lorsque j’ouvris de nouveau les yeux, la douleur lascinante avait quelque peut refluée pour faire place à une douleur toujours présente mais beaucoup plus supportable, comme si mon corps s’habituait lentement à cette torture. Alors que je reprenais lentement conscience, je me rendis compte que je n’étais pas allongé sur le matelas trop dur de la veille, mais sur quelque chose de chaud et bien plus confortable. Doucement, afin de ne pas réveiller la douleur qui s’était momentanément calmée, je tentais de me redresser avant d’être interrompu dans mon élan par la voix ensommeillée d’Alakhiel :
- Reste allongé… Souffla-t-il en raffermissant la prise de ses bras autour de ma taille.
Docile, j’obéis sans faire d’histoires et me recouchais, un profond soupir s’échappant de mes lèvres alors que je reposais ma tête sur le torse chaud et accueillant de ma créature. Je n’aurai su dire combien de temps nous restâmes ainsi, silencieux, et à vrai dire c’était le cadet de mes soucis. Tout ce qui m’importait était d’être là, entre les bras de mon amant, alors que plus tôt, je pensais mourir avant d’avoir eu le droit de le toucher à nouveau.
- Tu as faim ? Demanda Alakhiel au bout d’un temps indéterminé.
Ce ne fut qu’à cet instant que je me rendis compte à quel point j’étais affamé. Un grondement sourd roula dans ma gorge, arrachant un sourire amusé à ma créature qui me présenta alors son cou. Hésitant, je demandais, tentant de maitriser ma faim qui se faisait de plus en plus oppressante :
- Mais… Et toi ?
- Je me suis nouris ce soir, répondit-il après un instant d’hésitation.
Scpetique, je me redressais et lui adressais un regard interrogateur. Semblant comprendre ma question muette, il déclara, visiblement mal à l’aise :
- Je… J’ai pas réussi à me contenir… Quand j’ai pu me maitriser, il… Il était déjà trop tard…
Je ne répondis rien à ceci, ayant entièrement conscience que sans son initiative, je serais propablement mort à l’heure qu’il était. Sans un mot, Alakhiel posa sa main sur ma nuque et d’une douce pression, il dirigea mes lèvres vers son cou. Cédant à la faim qui me tiraillait les entrailles, je léchais la peau d’albâtre de son cou, le faisant frissonner avant de finalement y planter mes crocs. Grondant de satisfaction, j’aspirais alors de longues gorgées de sang, sentant peu à peu mes forces revenirs.
Enivré par l’odeur d’Alakhiel et son sang qui coulait dans ma gorge, je me sentis réagir. Instinctivement, sans m’en rendre compte, mes hanches se mirent à onduler tandis que je me frottais éhonteusement contre le bas ventre de ma créature. Le sentant réagir sous moi, j’écartais les jambes, de façon à le chevaucher, prenant appuis de mes mains posées sur son torse. Lascivement, je me déhanchais de plus en plus vigoureusement en sentant mon désir s’éveiller en moi à chaque gorgée de sang que j’aspirais.
Sans que je n’en prenne conscience, des gémissements s’échappèrent alors de ma gorge alors que mon entre-jambe rencontrait celle d’Alakhiel qui, tendu comme un arc, n’esquissait pas le moindre mouvement. Une fois rassasié, je léchais du bout de la langue la plaie causée par mes crocs afin de la refermée. Puis, galvanisé par le plaisir qui grandissait en moi, je laissais ma langue parcourir le cou de mon amant, ne cherchant pas à retenir les gémissements et grongements qui s’échappaient de mes lèvres, privé trop longtemps de son corps.
Malgré l’étourdissement que j’éprouvais, j’abandonnais finalement son cou et me redressais non sans quelques difficultés, n’ayant pas recouvré toutes mes forces. Là, prenant appui sur le torse d’Alakhiel, j’entrepris alors de me déhancher avec plus de vigeur. Je sentais Alakhiel se contracter sous moi, mais bientôt, il finit par se détendre et, à son tour, il se laissa aller, ses mains allant se poser sur mes fesses tout en évitant soigneusement ma hanche blessée. Bientôt, je le sentis durcir sous moi et cette simple constatation me fit redoubler d’ardeur. Aidé par Alakhiel, j’accélérais le rythme de mes déhanchements, alors que de son côté, ses hanches se soulevaient pour venir à la rencontre des miennes. Haletant, je me laissais aller à lui faire part du plaisir qui était le mien, gémissant sans la moindre retenue.
Au bord de l’extase, je devais faire appel à tout mon self-control pour ne pas jouir à l’instant, souhaitant faire durer le plaisir le plus longtemps possible. Soudain, je sentis quelque chose de chaud contre mes fesses tandis qu’Alakhiel se cambrait violemment contre moi. Comprenant qu’il venait de jouir, se libérant dans son pantalon, je me mordis violemment la lèvre inférieure pour ne pas le rejoindre. Cependant, trop loin sur le chemin de non retour, je finis par jouir à mon tour. Le dos douloureusement cambré, je me frottais énergiquement contre le sexe encore gonflé de plaisir d’Alakhiel et sous l’effet du plaisir fulgurant qui me traversa tout entier, rejetant la tête en arrière sur un cri muet, je me libérais à mon tour dans mon pantalon.
Haletant et le corps douloureux, je me laissais retomber Alakhiel qui, referma ses bras autour de moi. Avant que ma respiration eut retrouvé un rythme régulier, je sombrais dans un profond sommeil.
Lorque je me réveillais pour la seconde fois, ce fut avec une impression qu’un froid glacial s’était emparé de moi. Tout mon corps criait de douleur au moindre mouvement. Cependant, faisant taire ses protestations, je me redressais difficilement afin d’observer autour de moi. J’étais allongé dans un lit et mes vêtements avaient été changés. Pourtant, je ne percevais pas le moindre indice qui m’indiquait la présence d’Alakhiel. Soupirant de lassitude, je me laissais retomber sur le matelas de qualité moyenne.
Ayant du temps à tuer devant moi, j’entrepris d’observer mon environnement et fus surpris de découvrir une chambre décorée avec un certain luxe. Les meubles étaient tout en bois finement ciselé et les cadres qui entouraient les tableaux accrochés aux murs, recouverts d’une fine feuille d’or. Nous étions visiblement dans une maison dont le propriétaire avec un goût prononcé pour l’architecture et la mode française.
Je n’aurai su dire combien de temps s’écoula avant que j’entende Alakhiel revenir. Lorsqu’il entra dans la chambre, il parut surpris de me voir réveillé. Puis, une fois la surprise passée, il m’adressa un sourire radieux.
- Pourquoi tu souris comme ça ?
- Je n’ai pas le droit de sourire ? Demanda Alakhiel sans répondre à ma question. Tu vas mieux, je suis soulagé… J’ai eu vraiment peur tu sais… Tu as déliré toute la nuit à cause de la fièvre…
- Ah bon ? Demandais-je, surpris, n’ayant aucun souvenir. Raconte-moi…
Alakhiel émit un soupir et alla s’installer dans le fauteuil qui se trouvait à mon chevet. Après un court silence, il déclara :
- Il n’y a rien de particulier à dire… Hier un peu après le levé du soleil, tu t’es réveillé, tu étais vraiment mal… Ta blessure ne cicatrisait pas à cause de l’eau bénite enduite sur la lame et tu avais déjà perdu énormément de sang… Tu semblais vraiment au plus mal, alors je t’ai donné un peu de sang pour te soulager, ajouta-t-il en s’empourprant.
- Pourquoi tu rougis comme ça ? Tu vas te consumer sur place à cet allure ! Fis-je remarquer.
- Et bien, je… Tu… Quand tu as bu mon sang, tu n’étais pas vraiment toi-même et… Tu… Tu as commencé à te frotter contre moi… D’où les vêtements propres… Après, tu t’es endormi, puis tu t’es réveillé à nouveau, tu étais tremblant de froid et brûlant de température. Tu n’as pas arrêté de délirer…
- Qu’est-ce que j’ai dis ? Demandais-je, paniquant l’espace d’un instant.
- Tu as surtout appelé mon prénom… Tu n’arrêtais pas de le dire, quand tu n’étais pas en train de crier… Je… Je crois que tu revoyais ta vie avec… Enfin, lorsque tu es devenu vampire… Je t’ai plusieurs fois entendu prononcer son nom… Tu as aussi appelé Indra… Qui est Indra ?
- Indra… Répétais-je pour moi-même, me laissant assaillir par mes souvenirs.
- Ezekiel ? M’appela alors ma créature. Qui est Indra ?
Retrouvant mes esprits, je reportais mon attention sur Alakhiel et l’observais longuement avant de finalement lui répondre :
- Indra, c’était un vieux fou que j’ai rencontré à Bénarès, il y a quinze ans… C’était un humain borgne et à moitié fou… C’est aussi lui qui m’a fait prendre conscience de ma part d’humanité… Il est le seul homme que j’ai réellement aimé, qui m’ait donné l’impression d’avoir un jour eu un père…  Il est le seul homme pour lequel j’ai pleuré…
Après cet aveux, je restais un moment silencieux et respectant ma douleur, Alakhiel en fit de même. Je n’aurai su dire combien de temps je restais ainsi silencieux, plongé dans mes souvenirs. Ce fut la main de ma créature sur ma joue qui me tira de ma torpeur. Sa main sur ma joue, son pouce caressait ma peau sous mon oeil, alors qu’il me regardait avec un mélange d’infinie tristesse et d’incrédulité. Ne comprenant pas ce qui lui arrivait, je lui adressais un regard interrogateur. Pour toute réponse, Alakhiel baissa les yeux, m’invitant à en faire de même. Ce n’est qu’en voyant sa main humide que je compris que je pleurais.
Subitement honteux de m’être laissé aller devant Alakhiel, je détournais vivement la tête et séchais mes larmes d’un brusque mouvement du poignet. Alors qu’Alakhiel esquissait un mouvement dans ma direction, je le repoussais violemment, un grondement menaçant s’échappant de ma gorge. Cependant, Alakhiel passa outre ma mise en garde et réitéra son geste. Détestant me faire prendre en pitié, je l’attrapais un peu trop vivement par le poignet et l’attirait à moi. Là, je plaquais sans douceur mes lèvres sur les siennes et lui mordillait la lèvre inférieure pour l’obliger à ouvrir la bouche. Ne pouvant s’échapper à mon étreinte, Alakhiel s’exécuta et aussitôt, je glissais ma langue entre ses lèvres.
Cependant, je n’eu pas le loisir d’approfondir ce baiser, car retrouvant ses esprits, il me repoussa vivement.
- Mais qu’est-ce que… Qu’est-ce qui te prend ?! S’exclama-t-il en s’éloignant rapidement.
- Ce qui me prend ? Répétais-je, une once de colère se faisant ressentir. Il me prend que je te veux Alakhiel. Ne crois-tu pas que j’ai été suffisament patient ? Ne crois-tu pas que j’ai droit à un peu plus de considération de ta part ?
- De considération ? Répéta Alakhiel, incrédule. Tu te fou de moi ? S’écria-t-il, furieux. Calme tes ardeurs Ezekiel ! Je ne suis pas à ta disposition, prêt à écarter les cuisses lorsque tu le désires ! S’exclama-t-il en quittant la pièce, claquant violemment la porte derrière lui.
- Sombre crétin ! M’exclamais-je alors, furieux contre ma créature et contre moi-même.
Aussitôt, mes souvenirs en rapport à Indra me revinrent subitement en mémoire, comme si, de là où il se trouvait, il s’amusait à me voir me torturer l’esprit. Cela lui ressemblait bien d’ailleurs… Je l’imaginais, un sourire mi moqueur mi amusé étirant ses lèvres alors que les souvenirs de notre dernière conversation m’assaillaient, s’insinuant sournoisement dans mon esprit. Je l’entendais me redire pour la énième fois d’avouer à Alakhiel la nature trop profonde des sentiments que je nourrissais pour lui. Je l’entendais se moquer de moi, de ma naïveté, selon lui pour certains aspects de la vie.
Penser ainsi à Indra raviva la douleur que j’avais ressentis lorsque je l’avais perdu. Et malgré le temps qui s’était écoulé depuis, la cicatrice que sa disparition m’avait causée était toujours présente, menaçant de se réouvrir à n’importe quel moment. Pourquoi fallait-il que ce soit maintenant ? Cependant, étrangement, malgré la douleur qui m’étraignait sauvagement le coeur, penser ainsi à mon ami disparut apaisa ma colère, ne me laissant plus qu’un sentiment de lassitude et d’un arrière-goût amer. Pourquoi la mort d’Indra m’avait-elle plus bouleversé que le meurtre de mes propres parents ?
Mon esprit n’était plus qu’un enchevêtrement de pensées confuses et incohérentes. Etais-je en train de devenir fou ? A mes souvenirs d’Indra se mêlaient à présent ceux de ma vie humaine auprès de mes parents. Pourquoi étais-je subitement en train de penser à eux ? Alors que je revoyais le visage de ma mère me sourire, ses traits commençèrent alors à se faire plus flou pour laisser place l’instant suivant au visage trop parfait d’Elizabeth… Lorsqu’elle ouvrit la bouche, le seul son qui en sortit fut un rire démoniaque qui n’avait rien d’humain et dont la voix m’était cruellement familière…
Une chose était certaine à présent, j’étais bel et bien devenu fou à lier… Hanté par tous ces visages de mon passé, je laissais libre court à ma colère et dans un hurlement de rage, je soulevais le lit et le lançais de l’autre côté de la pièce où, sous la violence de l’impact, il alla se briser contre le mur. Aveuglé par la rage qui me consumais, hurlant toute la souffrance, la colère et la rancoeur qui me rongeait le coeur depuis tant d’années, je n’avais plus conscience de mes actes. Les meubles volaient à travers la pièce, allant rejoindre le lit en lambeau.
Aveuglé par mes émotions, je n’entendis ni ne vis Alakhiel faire irruption dans la chambre et ne pris conscience de sa présence que lorsqu’il m’attrapa le bras d’une main tremblante mais ferme.
- Arrête ! Ezekiel, je t’en prie… Calme-toi… Tu me fais peur… Qu’est-ce qui t’arrives, Ezekiel ?
Dans un ultime accès de fureur, je donnais un violent coup de pied dans la chaise qui avait survécue et l’envoyais rejoindre l’ammoncellement de morceau de bois informe qui jonchait le sol de la chambre, avant de finalement me laisser tomber à genoux, épuisé. Cette crise venait de me vider de mes dernières forces et, à présent calmé, je sentais la douleur revenir au galop dans mes muscles.
Alakhiel s’agenouilla face à moi et avec la même tendresse qu’une mère aurait envers son enfant, il m’attira à lui tout en me murmurant des paroles réconfortantes que je ne fis pas l’effort de comprendre. Fermant les yeux, je me laissais aller à l’étreinte de ma créature, appuyant mon front contre son épaule. Ses mains vinrent se perdre dans mes cheveux qu’il caressa longuement.
- Qu’est-ce qui t’a prit, Ezekiel ? Demanda-t-il après un long moment de silence, une fois que je fus entièrement calmé.
- Il y a ces visages, soufflais-je sans pour autant me redresser. Tous ces visages et ces voix, dans ma tête… Je vais devenir fou, Alakhiel… Je vais devenir fou si elles ne se taisent pas…
- Quelles voix ? Demanda ma créature, visiblement surpris. Qu’est-ce qu’elles te disent ?
- Elles me font prendre conscience… De ce que je suis… De ce que je ressens… Comme si elles me jugeaient…
Alors que j’achevais ma phrase, Alakhiel me força à reculer et, prenant mon visage dans ses mains, il me força à redresser la tête, plongeant son regard dans le mien :
- J’ai toujours pensé que tu étais ton seul juge, Ezekiel… J’ai toujours pensé que le regard des autres ne t’atteignaient pas… Que tu passais outre ce que les gens pensaient… Me serais-je trompé ? Dis-moi, Ezekiel ?
Je ne répondis rien, me contentant de baisser les yeux. Cependant, loin d’être de mon avis, Alakhiel m’obligea à relever la tête pour la seconde fois et face à mon silence, il ajouta :
- Pourquoi cela te rend-t-il aussi fou ? Explique-moi ? Qui sont ces voix et ces visages dont tu parles ?
- Il y en a tellement… Toujours ils reviennent… Sans arrêt… Mes parents, Indra… Même elle ! Crachais-je avec dégoût. Ils me font culpabiliser… Ils me font prendre conscience de la noirceur de mon âme… De la bête que je suis…
- Nous ne sommes que tous les deux Ezekiel… Il n’y a rien que toi et moi ici… Tu peux parler tranquille… Je ne te jugerais pas, Ezekiel… S’il te plait… Raconte moi…
- Je suis désolé, Alakhiel… Craquais-je, à bout de nerf. Je suis tellement désolé… Pour ce que j’ai fais de toi… Pour ce que je t’ai fait endurer…
- Chut, souffla Alakhiel en posant son index sur mes lèvres, m’incitant au silence.
- Non ! M’écriais-je en le repoussant faiblement. Tu dois savoir… Tu as le droit de savoir…
- D’accord… Mais calme-toi… Souffla-t-il, toujours tendre, malgré mon tempérament instable. Ta blessure est encore trop fragile, tu risques de la réouvrir…
- Je suis désolé, répétais-je incapable de prononcer autre chose, comme si dans ses mots, je cherchais mon propre salut plutôt que son pardon. Pour toi… Pour ce que je t’ai forcé à lui faire… A elle…
- De qui tu parles, Ezekiel ? Qui est ce “elle” dont tu parles ? Murmura-t-il toujours de cette voix si douce, me caressant tendrement les cheveux.
- De cette femme… Celle qui me hante encore après toutes ces années… Celle qui t’arrache à moi… Elizabeth… Crachais-je, répugné à l’idée même de prononcer son nom. Je la hais pour ce qu’elle est… Je hais cet amour que tu lui portes… Je hais l’idée même que tu puisses encore penser à elle…
- Tu te tortures inutilement, Ezekiel, murmura Alakhiel après un instant de silence. Tu te tortures pour rien, parce que cela fait longtemps que je t’ai pardonné… Je suis passé à autre chose… Tu sais, de mon vivant, jamais elle n’a ne serait-ce qu’un instant posé les yeux sur moi… J’aurai pu lui courir après toute ma vie durant que je n’aurai jamais en retour d’un regard méprisant… Il y a bien longtemps que je n’ai plus de sentiments pour elle, Ezekiel…
A ces mots, je relevais brusquement la tête, plongeant un regard à la fois surpris et empli d’incompréhension dans le sien. Que devais-je penser ? Qu’étais-je autorisé à croire ? Avant de réellement prendre conscience de mon acte, je me penchais vers ma créature et happais ses lèvres l’entrainant dans un baiser sensuel et enflammé. Comprendrait-il le message que j’essayais de lui faire passer, incapable de le lui avouer de vive voix ?
Alors que j’entrouvrais les lèvres, je sentis les deux mains d’Alakhiel se poser sur mon torse et l’instant suivant, il me repoussait. Malgré la douceur de son geste, je sentis une vive douleur me compresser la poitrine au niveau du coeur. Avait-il comprit la nature des sentiments que je lui vouais ? Etait-ce sa façon à lui de me dire qu’il ne les acceptait pas et qu’il n’éprouvait rien pour moi ?
Terriblement meurtri, je baissais la tête mettant ma fierté de côté, incapable de surmonter son regard et le jugement que je pourrais lire dans ses yeux. Blessé au plus profond de moi-même, je m’apprêtais à me lever pour m’éloigner de lui lorsque je sentis sa main attraper mon poignet. Je restais un instant immobile, et voyant qu’il n’avait pas l’intention de me lacher, je me risquais à lui adresser un regard. Dans ses yeux, je pus lire toute l’incompréhension du monde. Je ne sais combien de temps nous restâmes ainsi, à nous fixer sans prononcer le moindre mot, comme si cela risquait d’avoir un impact sur la suite des évênements.
Finalement, après un temps qui me parut infiniment long et à la fois bien trop court, Alakhiel posa sa main libre sur ma joue, sans pour autant lacher mon poignet et, son regard ancré au mien, il demanda d’une voix tremblante :
- Pourquoi ?… Pourquoi ce baiser, Ezekiel ?
A cette question, je pris peur. Pouvais-je vraiment lui avouer mes sentiments ? Aurais-je le courage de continuer à le cotoyer en sachant qu’il ne ressentait rien pour moi ? Prit d’un terrible doute, je tentais de retirer ma main de la sienne. Mais Alakhiel semblait avoir deviner mes intentions car il rafermi sa prise autour de mon poignet, refusant de me laisser partir. Furieux, je lui adressais un regard assassin, lui promettant silencieusement mille morts s’il ne me lachait pas, mais soutenant mon regard, il résista.
- Dis-moi pourquoi, Ezekiel… Demanda-t-il à nouveau de cette voix emprunte de douceur qui me troublait profondément.
- Parce que je t’aime, Alakhiel ! M’exclamais-je alors, à la fois troublé et écoeuré par la douceur dont il faisait preuve à mon égard, sachant pertinement que lorsqu’il saurait, il ne réagirait plus qu’avec mépris envers moi.
Un silence de mort accueili mes paroles, alors qu’Alakhiel posait sur moi un regard empli de surprise et d’incrédulité. Ne supportant plus davantage de le voir ainsi, m’attendant à tout instant de le voir éclater de rire face à mon aveu, je retirais si vivement ma main de la sienne qu’il n’eut pas le temps de la rattraper et dans un geste si vif qu’il ne réagit que trop tard, je quittais la pièce, fuyant loin du regard de ma créature. Pour la première fois de ma vie, je fuyais la présence d’Alakhiel. Pour la première fois de ma vie, j’étais incapable de lui faire face et de soutenir son regard, d’assumer ce que j’étais et mon amour pour lui.
Courant sans même regarder où j’allais, c’est à peine si j’entendis les cris désespérés d’Alakhiel m’appelant par mon prénom. La seule chose qui m’importait à cet instant, c’était de fuir. Ignorant le sentiment de lâcheté qui m’envahissait un peu plus à chaque pas, je continuais de courir, souhaitant mettre le plus de distance possible entre lui et moi. Je ne m’arrêtais que lorsque je m’effondrais sur le sol, mes jambes encore trop faibles refusèrent d’aller plus loin. Allongé sur le sol humide, le visage maculé de terre et des feuilles mortes pleins les cheveux, je me sentais plus lamentable que jamais. Laissant alors libre court aux sentiments tous plus contradictoires qui m’étreignaient le coeur, je me mis à hurler, des sanglots incontrôlables venant se mêler à mes hurlements.
J’avais besoin d’évacuer toutes ces émotions, ses sentiments qui me tourmentaient. Misérablement, je me mis à maudire cette nuit durant laquelle mon destin m’avait fait croiser la route d’Alakhiel. Cette nuit où, durant un instant de faiblesse, je décidais d’épargner celui qui est aujourd’hui ma créature, au lieu de simplement le tuer comme j’avais tué des milliers de personnes avant lui.
Finalement, je dus m’endormir car lorsque je repris conscience, l’aube n’était plus très loin. Je n’avais aucune envie de retourner auprès de ma créature, sentant la honte me gagner en repensant à ce qui s’était passé un peu plus tôt. Cependant, je n’avais pas le choix. Le jour allait se lever d’un instant à l’autre et ne connaissant pas les environs, je n’avais d’autre choix que de retourner sur mes pas.
Lorsque je franchis le seuil de la porte, au bord de l’évanouissement, les effets de l’aube s’accumulant à mon manque de sang et mon état de santé encore instable, je fus accueillis par une gifle monumentale qui résona longuement à mes oreilles.
- Non mais ça va pas ! Rugit Alakhiel apparament furieux pour une raison quelconque. Non mais, tu imagines la trouille que j’ai eu en ne te voyant pas revenir ?! Refais-moi ce coup là encore une fois, Ezekiel, et je te tue !
Les mots de ma créature résonnaient à mes oreilles comme des sons inintelligible alors que je me sentais pris d’un violent vertige. Avant que je ne réalise ce qui se passait, je sombrais dans l’inconscience.
Je n’aurai su dire combien de temps s’écoula avant que je ne reprenne conscience, tiraillé par une faim dévorante. Alors que j’ouvrais les yeux, je tombais nez à nez avec Alakhiel qui, visiblement, avait l’air plus que furieux.
- Tu as de la chance d’être aussi mal en point ! Siffla-t-il, menaçant. Sans quoi, je t’aurai déjà étripé de mes propres mains ! Tu as intérêt à avoir une bonne… Une très bonne excuse pour cela !
- Arrête de me persifler dans les oreilles ! Grognais-je en me retournant sur le côté opposé, n’ayant aucune envie de lui faire face. Je suis pas d’humeur à écouter tes jérémiades.
- Mes jérémiades ? Répéta Alakhiel, outré. Tu étais à demi mort sur le pas de la porte Ezekiel ! Explosa-t-il, ivre de colère.
- Et alors ? M’exclamais-je en me retournant, ignorant le vertige qui m’assaillait. Ma vie ne te regarde pas ! Ne te crois pas posséder tous les droits sur moi, Alakhiel parce que je ne le tolèrerais pas ! Je suis le seul et unique maître de mon destin ! Et je vis ma vie comme il me plait !
- Et quel glorieux destin ! Ironisa Alakhiel en croisant les bras sur sa poitrine, signe de son mécontentement.
- Si tu es là uniquement pour me faire la morale, je te prierai de partir, soupirais-je, las, en me retournant de nouveau pour lui tourner de dos.
- Ecoute Ezekiel, je suis désolé… Soupira Alakhiel en se radoucissant. Je n’aurai pas du te parler comme ça… C’est la peur qui m’a fait dire des choses que je ne pense pas forcément…
Je ne répondis rien à celà, n’ayant pas envie d’entamer encore une fois une conversation stérile qui se terminerait immanquablement par une dispute de plus. J’étais fatigué de toujours faire en sorte que tout aille bien, qu’il ne remarque rien de ce que je ressentais vraiment au fond de moi. Certains jours, la vie, si je pouvais appeler ça comme ça, que je menais semblait ne plus avoir aucun goût. Plus rien n’avait autant d’attrait qu’auparavant.
- Tu peux te retourner s’il te plait ? Demanda-t-il alors. J’aime bien voir la personne à qui je parle… Ezekiel…
Je restais sourd à ses supplications dans l’espoir de le voir abandonner et partir. C’était, cependant, sans compter sur la détermination de ma créature qui, n’y parvenant pas ainsi, se leva et m’emjamba pour s’asseoir face à moi. Je fermais alors les yeux, dans l’espoir vain de le voir se dissuader. Mais la seule réaction qu’il eut fut de soupirer bruyament.
- T’es pire qu’un gamin quand tu fais ça, tu le sais ?
Pour toute réponse, je me recroquevillais sur moi-même et me tournais une fois de plus, tandis qu’Alakhiel émit un profond soupir de lassitude. A mon grand soulagement, il n’insista pas, préférant garder le silence. Alors que je fermais les yeux, je sentis le matelas s’affaisser derrière moi à l’instant où il s’allongeait tout contre moi, son corps épousant parfaitement les formes du mien.
- Cesse de m’ignorer, Ezekiel, souffla-t-il d’une voix emprunte d’une pointe de tristesse. Regarde-moi… S’il te plait…
Cependant, estimant m’être assez humilié devant lui ces derniers temps, je restais immobile et impassible, hermétique à ses suplications. Et c’est avec un soulagement non feint que je sentis Alakhiel rendre les armes. Pendant ce qui me sembla un temps incroyablement long et court à la fois, il resta parfaitement silencieux. Seul le bruit de nos deux respirations venaient troubler le silence de la nuit. Puis, comme si rester silencieux plus longtemps lui était impossible, Alakhiel reprit, dans un murmure si faible que je dus tendre l’oreille pour l’entendre :
- Est-ce que tu pensais réellement ce que tu m’as dit ?
Je restais un long moment silencieux avant de finalement répondre, sans pour autant lui faire face :
- Pourquoi l’aurais-je dit si je ne le pensais pas ? Déclarais-je simplement, d’une voix atone. Je ne suis pas du genre à parler pour dire des choses inutiles, et encore moins à étaler mes sentiments… Tu devrais t’en être rendu compte depuis le temps ! Ajoutais-je, avec une pointe de sarcasme.
- Je ne sais jamais à quoi m’attendre avec toi ! Répliqua-t-il aussitôt, comme vexé par ma remarque.
Je ne répondis rien, n’ayant ni la force, ni l’envie nécéssaire pour me plonger dans une vaine discussion qui ne servirait à rien d’autre qu’à élargir le gouffre qui nous séparait déjà. Soupirant de lassitude, je fermais les yeux, esapérant ainsi le voir renoncer à ses questions. Je crus y être parvenu lorsque je le sentis se coller à moi, son intimité frottant contre mes fesses d’une façon qui n’avait rien d’innocente. Aussitôt, je me tendis, attendant la suite non sans appréhension. Que croyait-il être en train de faire ? Lorsque mes craintes s’avérèrent justifiées, sa main venant se glisser sous ma chemise pour se faufiller dans mon pantalon tandis que sa langue léchait sensuellement mon cou, je me dégageait rapidement de l’étreinte de ma créature. Lui adressant un regard empli de haine, je crachais avec mépris, tentant de dissimuler au mieux la honte et la déception qui venait de s’emparer de moi :
- Je ne veux pas de ta pitié Alakhiel !
- De la pitié ? Répéta Alakhiel avec dégoût. Tu crois que je fais tout cela par pitié ?
- Pour quelle autre raison le ferais-tu ? Répliquais-je. N’est-ce pas toi qui m’a repoussé l’autre fois en prétendant que je t’utilisais ?
A ma grande satisfaction Alakhiel ne trouva rien à redire à cela. Profitant de son instant d’interdiction, je quittais la pièce l’abandonnant à ses réflexions. Cependant, encore trop affaibli, je ne pus aller bien loin. Titubant, je ne dus mon salut qu’à la présence d’un meuble taillé dans un bois massif contre lequel je pris appuis le temps de calmer la douleur qui m’étreignait. La respiration haletante sous l’effort que je déployais, je me dirigeais lentement vers la pièce la plus éloignée de celle où se trouvait Alakhiel. Là, je me laissais lamentablement tomber sur le lit avant de me recroqueviller en position foetale.
Durant un temps qui me parut à la fois bien trop court et à la fois interminable, je restais ainsi immobile, songeant à la façon dont ma vie avait si brusquement prit un chemin auquel je ne m’attendais pas. Revoyant ma propre déchéance, je me maudissais d’être tombé si bas. Plongé dans mes pensées, je n’entendis pas la porte s’ouvrir, pas plus que les pas d’Alakhiel qui s’approchait lentement du lit où je me trouvais. Si bien que je ne me rendis compte de sa présence dans mon dos que lorsqu’il prit la parole :
- Tu me fais un peu de place ?
A contrecoeur, j’accédais à sa requête et me déplaçais sur un côté du lit. Sans un mot, Alakhiel prit place derrière moi, enfouissant son visage dans mon cou. Réprimant un frisson de bien-être à ce contact, je restais complêtement immobile, pas disposé à faire le premier pas, ni même à lui rendre la tâche plus aisée. Alakhiel dut le comprendre, car s’éloignant légèrement de moi, il émit un soupir de lassitude. Puis, après un court instant d’hésitation, il déclara :
- Je suis désolé… Souffa-t-il.
- Pourquoi tu as fait ça ? Demandais-je, après plusieurs secondes de silence, finalement vaincu par la curiosité en l’envie de comprendre qui me rongeait.
- Je ne sais pas, avoua piteusement ma créature. Mais ce n’était pas par pitié ! S’empressa-t-il d’ajouter. Je ne saurais pas t’expliquer pourquoi mais je… C’est comme un besoin inpétueux, là, dans mes veines… Je ne sais pas… Je ne comprend pas… Je… Je t’ai mentis, Ezekiel… Quand je t’ai repoussé…
A ces mots, je me tendis imperceptiblement. Que voulait-il dire ? Qu’étais-je censé comprendre à cet aveu ? Et s’il le voulait autant que moi, pourquoi diable m’avait-il repoussé ? Parfaitement immobile, je ne fis aucun commentaire, faisant comprendre à Alakhiel que j’attendais la suite.
- Je… Je te veux autant que toi, Ezekiel, souffla-t-il. Mais je… Je ne veux pas de sexe afin d’assouvir une pulsion animale… Je veux que… Je veux que tu me fasse l’amour, Ezekiel… Je veux me sentir aimé…
Sous le coup de la surprise, ne m’attendant pas le moins du monde à une telle confession, j’oubliais ma rancoeur envers ma créature et me retournais pour lui faire face.
- Quoi ? Murmurais-je, craignant que mon esprit ne me joue des tours.
- Tu as très bien entendu, Ezekiel, souffla Alakhiel en esquissant un sourire tandis que de sa main, il caressa tendrement ma joue. Prouve-moi que tu m’aimes vraiment…
- Je… Je n’ai jamais fait ça, avouais-je à mon tour, réalisant alors que jamais j’avais toujours cédé aux plaisirs de la chair sous l’effet du désirs et de pulsions charnelles, mais jamais en ayant ressentit pour mon partenaire quelconque sentiments. Je n’ai jamais aimé personne, Alakhiel… Je ne sait rien de tout ça… Tu me demandes l’impossible…
- J’ai confiance en toi, Ezekiel, souffla ma créature en m’adressant un tendre sourire.
Sans me laisser le temps de répondre, il se pencha vers moi, lentement, sans rompre le lien visuel qui nous liait. Puis, avec une douceur telle qu’il n’avait encore jamais fait preuve jusqu’à maintenant, ses lèvres se posèrent sur les miennes en une caresse éthérée, aussi douce qu’un souffle de vent. A cet effleurement, un frisson de bien être traversa mon corps tout entier et lâchant un soupir de satisfaction, j’entrouvris les lèvres en une invitation explicite. Toujours avec cette retenue qui le qualifiait, Alakhiel glissa sa langue entre mes lèvres. Lorsque nos langue se rencontrèrent, je sentis un violent frisson me traverser l’échine. Prenant alors le contrôle du baiser, je l’entraînais dans un ballet affreusement sensuel qui lui arracha un soupir de contentement.
Electrisé par ce son si déléctable, je glissais alors mes mains dans son dos et l’attirait davantage tout contre moi, mettant à bas la faible distance qui nous séparait encore. Un faible gémissement s’échappa alors des lèvres de mon amant et je me sentis pris d’un violent frisson de désir à l’entente de ce son si érotique. Mettant fin au baiser, j’enfoui mon visage dans son cou et respirant à plein nez, je m’enivrai de son odeur si particulière que j’aimais tant. Du bout des crocs sans chercher à percer sa peau, je le mordillais délicatement avant de lécher sa peau malmenée le faisant se cambrer sous moi tandis que ses mains se faufillaient sous ma chemise.
Lorsque ses doigts effleurèrent ma peau je ne pus réprimer un énième frisson de plaisir. Tout mon être tremblait de désir alors qu’une chaleur ô combien agréable venait prendre naissance dans mes reins éveillant tout mon corps au plaisir grandissant.
Abandonnant le cou de ma créature, je me redressais alors et nous faisant rouler, je l’allongeais délicatement sur le matelas, prenant place au dessus de lui. Confiant, il me souriait. Incapable de lui rendre son sourire, je me contentais de l’observer un instant, avant de partir à la redécouverte de ce corps qui m’avait tant manqué. Fébrilement, j’entrepris d’ouvrir la chemise d’Alakhiel afin d’élargir mon champ d’action. Lorsque finalement je parvins à défaire le dernier bouton, j’ouvris grand sa chemise afin d’exposer la beauté de son torse puissant à mon regard. Face à tant de perfection, je restais un instant immobile, le souffle coupé. Il était magnifique, ainsi offert, me renvoyant une image des plus sensuelles.
Le coeur battant, je lui écartais les jambes afin de m’agenouiller entre ses cuisses. Puis, incapable de résister à l’appel de son corps, je me penchais vers lui, prenant soin d’effleurer son bas ventre avec le mien, alors que mes mains allaient s’ancrer sur ses hanches et que mes lèvres redessinaient les courbes et les vallées de son torse. Avec une passion que je ne me connaissais pas, j’entrepris de réapprendre les courbes de son corps. Tandis que je me déhanchais lentement tout contre son aine, lui arrachant des soupirs de bien être, je mordillais le bouton de chair de son sein gauche, alternant entre morsures délicates et coups de langue éffrontés.
Allanguis sous moi, les yeux fermés, Alakhiel semblait totalement abandonné, ses mains crispées dans les longues mèches de ma chevelure ébène. Intérieurement, je ne pus m’empêcher de le trouver incroyablement beau. Je voulais qu’il m’appartienne, qu’il soit mien pour l’éternité…
Je passais un temps incroyablement long à attiser son désir et son plaisir, léchant, mordillant, caressant la moindre parcelle de peau nue qui s’offrait à moi. La lenteur de mes déhanchements s’était muée en un rythme un peu plus soutenu lorsque j’avais sentis le sexe d’Alakhiel gonfler et durcir sous mes soins en même temps que mon intimité. Le souffle erratique, usant de toute la force de ma volontée pour ne pas retourner Alakhiel et le prendre immédiatement, je m’allongeais sur lui, tressaillant lorsque sa langue vint effleurer la peau de mon cou, le léchant avec délicatesse.
Soudain, sans que je ne puisse réaliser ce qui se passait, Alakhiel inversa nos positions d’un habile coup de rein et je me retrouvais à sa place, alors qu’agenouillé entre mes jambes honteusement écartées, il me souriait avec malice. Au souvenir de notre dernière union, je ne pus retenir l’accélération de mon rythme cardiaque alors qu’une peur sans nom s’insinuait dans mes veines. Semblant s’en rendre compte, Alakhiel se pencha vers moi et de son index, il effleura mes lèvres entrouvertes sur une protestation muette :
- Chuut… Souffla-t-il. Ne craint rien… Fais-moi confiance…
Rassuré par ce que je pouvais lire dans ses yeux, je finis par me détendre. Voyant cela, Alakhiel m’adressa un sourire empli de tendresse et se penchant davantage sur moi, il s’empara de mes lèvres pour un baiser des plus tendre, achevant de m’apaiser.
Puis, comme je l’avais fait pour lui un peu plus tôt, il laissa sa langue parcourir mon visage pour s’aventurer dans mon cou, alors que de ses doigts agiles, il bataillait pour déboutonner ma chemise avant d’exposer mon corps à son regard appréciateur. Sans que je ne sache pourquoi, le voir m’observer avec cette convoitise qui faisait briller son regard gonfla mon coeur d’un sentiment d’allégresse. Je ne saurais dire combien de temps il passa à me faire subir la plus exquise des tortures, alors que sa langue passait et repassait sur mon torse, s’arrêtant parfois sur mes boutons de chair durcis par le plaisir qui m’incendiait de l’intérieur.
Après un baiser des plus passionnés mais toujours emplis d’une tendresse encore inégalée, il m’adressa un regard malicieux qui m’enflamma plus que je ne l’était déjà. Sans détourner son regard du mien, il descendit au niveau de mon entrejambe. Là, il entrepris de me retirer mon pantalon, prenant un soin tout particulier à effleurer mon intimité douloureusement tendue à chaque mouvement, m’arrachant moult soupirs et gémissement plaintifs. Très vite, je me retrouvais entièrement nu et exposé à son regard inquisiteur. Fermant les yeux sous l’effet du plaisir qui me consumait de l’intérieur, j’entamais inconsciement un déhanchement lascif. Sentant les mains d’Alakhiel quitter mon corps, je poussais un feulement de protestation et ouvrit les yeux. A travers le voile de plaisir qui me brouillait la vue, je crus voir Alakhiel qui m’adressait un sourire malicieux.
L’instant d’après, je criais de plaisir lorsqu’il prit en main mon sexe brûlant. Crispant mes doigts dans ses cheveux, je tentais de lui faire comprendre d’aller plus loin. Cependant, il restait obstinément immobile, n’esquissant aucun geste, se contentant de garder mon érection dans sa main.
- Qu’est-ce que tu veux Ezekiel ? Murmura-t-il d’une voix terriblement excitante. Est-ce que c’est ça que tu veux ? Ajouta-t-il en léchant le bout de mon intimité, me faisant me cambrer violemment sous l’effet du plaisir. Tu veux ma langue et ma bouche là ? Reprit-il en réitérant son geste.
- Oh mon Dieu ! Oui ! M’exclamais-je vivement, assailli par une violente vague de plaisir que je n’avais pas sentie arriver.
Visiblement satisfait de ma réaction, Alakhiel accéda finalement à ma requête muette et sans la moindre trace de pudeur, il me prit en bouche, entourant mon érection douloureuse entre ses lèvres chaudes. Sous l’afflux de plaisir qui s’empara de moi à cet instant, je ne pus retenir un cri de plaisir à l’état pur. L’instant suivant, Alakhiel entamait un va et vient cadencé sur mon érection tout en m’empêchant le moindre mouvement, ses mains fermement ancrées sur mes hanches. Alternant entre des va et vient affreusement lents qui me mettaient au supplice et un rythme beaucoup plus cadencé, il me conduisit bientôt aux portes de la jouissance. Et alors que j’atteignais le stade ultime de la jouissance, il cessa subitement tout mouvement et libéra mon sexe tendu à l’extrême et affreusement douloureux, de sa prison humide, m’arrachant un sanglot de frustration.
L’instant d’après, je sentis son souffle sur mes lèvres entrouvertes. Cependant, encore assez lucide pour lui faire par de mon mécontentement, je détournais la tête au dernier moment, esquivant ainsi le baiser qu’il voulait me donner. Alakhiel n’ayant visiblement pas prévu cela, je sentis ses lèvres se poser sur ma joue avec une tendresse infinie et sans que je ne sache pourquoi, ce baiser loupé me fit bien plus d’effets qu’un baiser sur les lèvres. Sans m’en rendre compte, affreusement gêné, je sentis mes joues déjà rougies par le plaisir virer à l’écarlate alors qu’une bouffée de chaleur s’emparait de moi. Je priais intérieurement qu’Alakhiel n’ait rien remarqué à mon trouble, mais à entendre le rire discret qui s’échappa de sa gorge, je sus qu’il n’avait rien manqué du spectacle que je venais de lui offrir. Honteux de ma réaction infantine, je fermais les yeux.
- C’est mon baiser loupé qui te trouble à ce point ? Demanda-t-il.
Au son de sa voix, je su qu’il souriait encore en me posant la question. Terriblement dérouté par cette marque d’affection aussi innocente qu’inattendue, je ne répondis rien. Face à mon manque de réaction, il se redressa afin de pouvoir prendre mon visage entre ses mains. Là, m’obligeant à le regarder, il déclara sans se départir de la tendresse dont il faisait preuve depuis le début :
- Je n’aurais jamais cru te voir aussi intimidé par un simple baiser…
Puis, semblant comprendre que le sujet me mettait mal à l’aise, il m’embrassa du bout des lèvres, me volant un baiser furtif avant d’ajouter, son sourire malicieux faisant place à un air grave et sérieux :
- Maintenant, je veux que tu me prennes, souffla-t-il d’une voix rauque de désir. Je veux que tu me fasse tien… Mais, je veux que tu le fasse avec douceur… S’il te plait… Tout en douceur… Comme tu as fait jusqu’à maintenant…
Sans attendre de réponse de ma part, il inversa de nouveau nos positions et je me retrouvais sur lui. A mon tour, je lui volais un tendre baiser qui le fit sourire et au comble de l’excitation, j’entrepris de ré-éveiller son plaisir. Arrivant au niveau de son ventre, je laissais ma langue aller visiter son nombril dans une parfaite reproduction de l’acte sexuel qui le fit crier de plaisir, tandis que mes mains s’affairaient à lui oter son pantalon. L’instant d’après, il était nu et entièrement exposé à mon regard appréciateur.
Galvanisé par la vue de toute beauté qui s’offrait à moi, je ne pus retenir un gémissement d’anticipation à l’idée que ce corps si parfait soit bientôt mien. Brûlant de désir et au comble de la frustration, je portais alors trois doigts à mes lèvres, tandis que de ma main libre, j’imprimais un lent va et vient sur l’intimité de mon amant qui gémissait et se tortillait sous l’effet du plaisir.
Les yeux rivés sur Alakhiel, c’est avec surprise que je le vis se redresser, écartant les jambes pour les enrouler autour de ma taille alors qu’il passait un bras autour de mon cou pour se rapprocher de moi. Là, de sa main libre, il attrapa mon poignet et me força à retirer mes doigts de ma bouche, tout en m’adressant un sourire mutin. Puis, sans se départir de son sourire, il entrepris de lécher mes doigts un par un, avant de les prendre entre ses lèvres avec une sensualité qui m’arracha un gémissement de frustration face à cette vision des plus érotiques.
Après un temps qui me parut incroyablement long, il libéra mes doigts et le souffle erratique sous l’effet du plaisir qu’il ressentait, il gémit :
- Maitenant Ezekiel… S’il te plait…
Comme pour appuyer ses paroles, il esquissa un mouvement de va et vient dans ma main toujours enroulée autour de son érection. S’agenouillant sur mes cuisses, il prit ma main et la guida jusqu’à l’entrée de son intimité, m’intimant explicitement à le préparer. Accédant à sa requête informulée, tiraillé par un désir douloureux, je ne me fis pas prier, et avec une délicatesse que je ne me connaissais pas, j’entrepris de le préparer à ma venue iminante. Fébrilement, j’insinuais délicatement un premier doigt en lui, guettant le moindre signe de douleur. Cependant, ne détectant rien que du plaisir sur  son visage, j’accélérais la cadence et insérais toujours aussi précautioneusement un second doigt en lui. Si le premier entra sans douleur, il n’en fut pas de même pour le second et bientôt, les traits d’Alakhiel se crispèrent sous la douleur occasionnée.
Instantanément, je cessais tout mouvement, lui laissant un temps d’adaptation. Et au bout de quelques secondes, ce fut lui qui reprit le mouvement, s’empalant sur mes doigts. Délicatement, j’esquissais alors un mouvement de ciseaux dans le but de détendre ses chairs au maximum. Bientôt, il ne fut plus que cris et gémissements de plaisir, me suppliant de me dépêcher.
Troublé par tant d’abandon de sa part, je cédais cependant à ses supplications et insérais le troisième et dernier doigt en lui. Sous l’intrusion, Alakhiel ne put retenir un cri de douleur et comme précédement, je stoppais immédiatement tout mouvement. Le remerciant, je l’embrassais délicatement sur les lèvres et ce fut à son tour de m’adresser un regard surpris.
Je ne le relevais pas, sachant pertinament que je ne saurais expliquer mon geste. A la place, j’enfoui mon visage dans son cou et afin de l’aider à surmonter et oublier sa douleur, j’entrepris de l’embrasser un peu partout, mordillant doucement la peau délicate de son cou. Cela sembla faire son effet car bientôt, Alakhiel esquissa de lui-même un mouvement de va et vient, s’empalant sur mes doigts. L’instant d’après, ses cris de plaisir vinrent innonder la pièce. En sueur, le souffle court, il haletait mon prénom.
Le jugeant suffisament préparé, au comble de la frustration, je retirais mes doigts de son intimité, lui arrachant ainsi un sanglot de protestation. De mon côté, je devais user de toute ma volontée pour ne pas le prendre immédiatement lorsqu’Alakhiel prit mon érection entre ses doigts et me guida à l’entrée de son intimité. Etouffant un gémissement de plaisir, je le saisis par les hanches, l’aidant à se soulever et l’instant d’après, je me sentis happer entre les chairs brûlante et nous criâmes à l’unisson. Sous l’effet du plaisir qui m’incendiait les reins, je ne pus me retenir plus longtemps et le pénétrais entièrement.
Je sentis Alakhiel se cambrer et je n’aurais su dire si le cri qu’il poussa était du à la douleur ou au plaisir qu’il ressentit sous mon intrusion. Haletant, le front recouvert de sueur, il ancra son regard au mien et, un sourire à la fois tendre et amusé, il déclara :
- Tu me sembles bien pressé…
Pour toute réponse, j’émis un grognement sourd et esqissais un lent et langoureux déhanchement qui arracha un gémissement à mon amant. Durant un temps qui me parut interminable, je tentais de garder un rythme lent, mais bientôt, je finis par céder, à bout de patience. Entourant mes bras autour de la taille de mon amant, je l’allongeais délicatement sur le matelas et sous son sourire satisfait, je lachais les rênes de mon plaisir, accélérant la cadence de mes coups de rein.
Très vite, les gémissements d’Alakhiel se transformèrent en cris qui emplirent la chambre, résonnant comme la plus belle des mélodies à mes oreilles. Au bord de la jouissance, consumé par un plaisir que je n’avais encore jamais ressentis auparavant, c’est à peine si j’avais encore entièrement conscience de mes actes. La seule chose qui importait, était le plaisir fulgurant qui menaçait de nous faucher à tout instant. Avant que je ne réalise entièrement ce qui se passait, je plantais mes crocs dans le cou de ma créature, sentant à peine Alakhiel faire de même de son côté.
Electrisé par le plaisir intense qui me consumait de l’intérieur additionné au goût suave du sang d’Alakhiel qui coulait dans ma gorge, j’accélérais encore le rythme de mes pénétrations. Puis, dans un ultime coup de rein, je sentis Alakhiel se contracter sous moi et, dans un cri de pur plaisir, il se libéra entre nos deux corps étroitement enlacés. Je le suivis quelques secondes plus tard. Le sentant se contracter autour de moi, je finis par jouir à mon tour et dans un ultime coup de rein, je criais le prénom de mon amant en me libérant en lui.
Haletant, le corps recouvert d’une fine péliculle de sueur et parcourut de spasmes de plaisirs, je me laissais lourdement retomber sur Alakhiel qui, un sourire tendre étirant ses lèvres, m’accueillit entre ses bras.
Je ne saurais dire combien de temps nous restâmes ainsi enlacés, retrouvant lentement un rythme cardiaque normal. Aucun de nous deux ne brisa le silence qui nous enveloppait, encore sous le coup des violentes émotions qui s’étaient emparées de nous. La tête posée sur la poitrine d’Alakhiel, ma main caressant distraitement son sein droit, je finis par me laisser aller à fermer les yeux, gagné par une douce torpeur, bercé par la respiration de ma créature et la douceur de ses doigts qui caressaient ma chute de rein.
Alors que je me laissais aller à fermer les yeux, ivre de l’odeur de mon amant qui m’emplissait les narines, je sentis les mains d’Alakhiel se faire un peu plus entreprenantes. Lentement, ses caresses gagnèrent du terrain, s’excursant un peu plus longuement sur mes fesses. Réprimant mon instinct qui me criait de m’éloigner, je ne bougeais pas. Cependant, lorsque ses caresses se firent un peu trop insistantes et plus prononcer que je ne saurais l’accepter, semblant sentir mon mal aise, il déclara tendrement :
- Détend-toi ! Je ne vais rien te faire… Mais… L’amour c’est aussi ça, Ezekiel… L’amour c’est la confiance mutuelle qui lie deux personnes… Tant que tu sursautera de peur à chaque fois que je te toucherai là, comme ça, reprit-il en joignant le geste à la parole, me faisant sursauter, c’est que tu n’aura encore pas suffisament confiance en moi… Que quelque part au fond de toi, tu refuses de te donner entièrement et de te laisser dominer…
- Personne ne me dominera jamais ! Grondais-je alors en lui adressant un regard lourd de menaces.
- Parce que tu associes le mot “dominer” avec ce que t’as fait subir Da… Ton créateur, se reprit-il au dernier moment. Tu associes ce mot aux tortures et à la douleur qui l’accompagnaient quand il te prenait contre ta volonté… Tu dois ta réticence aux viols que tu as subis… Mais je t’assure que lorsque c’est fait avec amour… Avec tendresse, c’est complêtement différent… Tu a beau être un amant hors pair, crois-tu sincèrement que je crirais comme ça si je ne ressentais pas de plaisir ? Demanda-t-il en s’empourprant.
- Et puis, ajouta-t-il, malicieux. C’est pas parce que tu me prends que tu es forcément dominant…
- Qu’est-ce que tu sous entends par là ? Demandais-je d’un ton bourru.
- Que je te tien par le bout du nez ! Répondis Alakhiel en un éclat de rire.
Un sourire narquois étirant mes lèvres, je plantais mon regard dans le sien et répondis :
- Tu veux parier ?
Et sans lui laisser le temps de répondre quoi que ce soit, je m’emparais voracement de ses lèvres pour un baiser enflammé. Très vite, le feu du désir renaquit en nous, et comme Alakhiel l’avait fait pour moi un peu plus tôt, je lui offris une fellation qui, si j’en croyais les gémissements et cris de plaisir de ma créature, le mena plus haut que le septième ciel. Après quoi, satisfait de l’entendre me supplier, je le pris de nouveau, encore et encore. Nous fîmes l’amour toute la nuit et jamais je ne m’étais sentis aussi bien entre ses bras. C’était comme si quelque chose avait changé entre nous, comme si un lien invisible et cependant indestructible nous avait unis l’un à l’autre pour l’éternité. Jamais je n’aurai pu être plus proche de la vérité…

 

A suivre…

Beyond the invisible - chapitre 06

6 décembre 2012

Chapitre 6 par Shinigami

 

Allongé dans la neige, je sentais petit à petit le froid prendre possession de mon corps, m’empêchant de faire le moindre mouvement. Je ne pouvais plus bouger, et même respirer devenait de plus en plus difficile. Les yeux fermés, n’ayant pas la force de les ouvrir, je me sentais aspiré dans les ténèbres. J’avais froid, mon corps entier me faisait souffrir, comme si on me plantait des milliers d’aiguilles dans le corps. Cependant, je savais que je n’étais pas seul. Il y avait cette présence près de moi, une présence réconfortante et apaisante.

Une voix s’éleva alors, tremblante de peur et d’angoisse. Je connaissais cette voix, je l’avais déjà entendu, mais déformée par mon cerveau endormi par le froid, je ne parvenais pas à mettre un nom dessus. Ni même un visage d’ailleurs.

Chaque seconde qui passait semblait aussi longue qu’un jour entier. Et mes paupières se faisaient de plus en plus lourdes, le froid de plus en plus présent.

C’est alors que je sentis une douce chaleur envelopper ma main et se propager dans tout mon corps, me réchauffant lentement. Je connaissais la texture de cette peau, je l’avais déjà touché, mais comme la voix, je ne parvenais pas à l’identifier.

La chaleur quitta alors ma main et se déplaça pour se poser sur mon front gelé, mais pourtant luisant de transpiration. J’avais chaud, j’avais froid, je ne ressentais plus rien hormis la douceur de cette main posée sur mon front. Mon corps me refusait le moindre mouvement. Je voulais ouvrir les yeux, et prendre dans la mienne cette main qui m’apaisait de mes souffrances. Mais j’étais paralysé, engourdit par le froid qui continuait de baisser inlassablement, je devais me contenter d’être spectateur, de recevoir de cette personne, sans rien pouvoir lui donner en échange. Pas même un signe de vie qui diminuerait certainement la peur palpable que je pouvais sentir dans l’intonation de sa voix et l’hésitation de ses gestes.

De nouveau, sa main quitta mon front brûlant de transpiration pour reprendre la mienne. Il la sera très fort, comme si par ce geste, il tentait de me maintenir éveillé, comme s’il tentait de me sauver. Lentement, je me sentais quitter ce monde, inexorablement emporté par le froid qui prenait possession de moi, pour finalement se faire chaleur. La douleur physique que je ressentais disparaissait lentement, pour faire place à une sensation de bien être que je n’avais encore jamais ressenti auparavant. Comme si plus rien autour de moi n’existait.

Alors que je me laissais entraîner sur ses rivages lointains, j’entendis une voix dans ma tête qui hurlait mon prénom, une voix emplie de détresse. Cette même voix qui résonnait à mes oreilles tout à l’heure. Qui était donc cet homme qui m’appelait ? Etait-il sorcier pour pénétrer ainsi mon esprit ?

Et toujours cette voix qui hurlait, qui m’intimait de rester auprès de lui, m’ordonnant de me battre et de poursuivre ce combat intérieur contre moi-même, de repousser au loin la tentation de suivre la douce chaleur bienfaitrice qui m’attirait vers cet univers inconnu mais tellement attrayant. Je sentais les dernières volontés qui me restaient s’affaiblir sous l’action cumulée du froids, de la fatigue et de la douleur que je ressentais, autant physiquement que mentalement. L’hypothermie me gagnait et à présent, une seule pensée m’obsédait. J’allais mourir de froid si personne ne faisait rien… Mes dernières forces diminuaient inexorablement sans que je ne puisse l’en empêcher.

Juste avant que je ne sombre définitivement dans l’inconscience, le hurlement d’une sirène me vrilla les tympans, et sans pouvoir esquisser le moindre geste, je sombrais dans l’inconscience.

 

Je fus réveillé par le “bip” régulier qui sonnait à mes oreilles. Avec difficulté, j’ouvris les yeux pour les refermer aussitôt, aveuglé par l’afflux de lumière blanche produite par les allogènes qui éclairaient la pièce. La position allongée me faisant souffrir, je tentais de me redresser avec beaucoup de peine, mon corps endolori, me faisant souffrir au moindre de mes mouvements. Alors que je me redressais, ma tête se mit à tourner, et prit de vertiges, je me vis contraint de me rallonger. Je poussais un soupir d’exaspération et d’énervement pour la forme, et de nouveau gagné par la fatigue, je n’avais même plus la force de râler.

C’est alors que la porte de ma chambre s’ouvrit et je vit Philippe se précipiter sur moi avec empressement, si bien que je ne remarquais pas la seconde personne qui resta un peu en retrait dans la salle. Philippe m’attrapa la main et me demanda comment j’allais. L’inquiétude le faisait parler avec précipitation, si bien que je ne comprenais pas la moitié de ce qu’il me disait. J’avais l’impression d’être un demeuré, mais mon esprit embué de fatigue avait du mal à se connecter à la réalité, et mes neurones semblaient plus vouloir se reposer que tenter d’établir une connexion, ne serait-ce que partielle.

- Tu m’as foutu une sacrée trouille, gamin ! Déclara Philippe. Ne me refais jamais une peur pareille compris ! Sinon c’est moi qui risque de crever d’une crise cardiaque avant l’heure !

- Hey ! Doucement s’teuplé ! J’ai le cerveau qui va exploser entre la lumière et tes hurlements ! J’aurais mieux fait de rester dans les vapes ! Murmurais-je, incapable de parler à haute voix.

C’est alors que je me rendis compte d’une présence dans le fond de la salle. Je tournais la tête en sa direction, et mon coeur failli louper un battement lorsque je reconnu Juha.

- Qu’est-ce qu’il fout ici lui ?

Inconsciemment, je dus exprimer tout haut ce que je pensais tout bas, car je sentis deux paires d’yeux se poser sur moi et me regarder fixement.

- Enfin Gabriel ! C’est grâce à lui que tu es ici. On peut même dire qu’il t’a sauvé la vie, déclara Philippe.

Abasourdi par la révélation que venait de me faire Philippe, j’en oubliais totalement la présence de Juha. Assommé par une telle nouvelle, je reportais lentement mon attention sur l’homme qui me faisait face et le regardais sans pouvoir prononcer le moindre mot.

Alors comme ça, c’était lui… La voix qui résonnait dans ma tête et m’appelait, me forçant à rester conscient, n’était autre que la sienne… Comment n’ais-je pas pu la reconnaître ? Et surtout, pourquoi s’est-il donné tant de mal pour moi ?

- Pardon ? Répondis-je, prenant confirmation de l’information que je venais de recevoir, pensant avoir été victime d’un mauvais tour de mon cerveau dérangé.

- Ne me fais pas répéter ce que tu as très bien entendu Gabriel ! Sévit Philippe.

Je ne répondit rien, me contentant de soupirer de façon exagérée, montrant bien ainsi mon mécontentement.

C’est alors qu’un détail surgit à mon esprit, et paniqué, je demandais d’une voix tremblante de peur :

- Et Orphée ? Philippe ! Comment va mon cheval ?

- Calme toi Gabriel, me répondit Philippe, Juha s’en ait très bien occupé. Il l’a ramené et la remis dans son box, après l’avoir dessellé et pansé. Rassure-toi. Orphée va très bien !

Je poussais un soupir de soulagement audible, ne relevant même pas lorsque Philippe m’apprit que Juha s’était lui-même occupé de ma monture.

Soudain, un mouvement dans le fond de la pièce attira notre attention, et à mon grand étonnement, je vis Juha, blanc comme un linge, tenter de reprendre constance, sans pour autant y parvenir. Son teinte livide, lui donnait un air maladif, si bien que je me demandais si ce n’était pas plutôt lui qui avait sa place dans le lit dans lequel je me trouvais.

D’une petite voix que je ne lui connaissais pas, il déclara :

- Je crois que je vais rentrer, je…

Il ne termina jamais sa phrase, mais j’en devinais aisément la fin…

Face à l’atmosphère étouffant qui régnait dans la pièce, Philippe déclara d’un ton enjoué, tentant d’apaiser les tensions :

- Oh, excuse moi, je n’avais pas vu ton état, j’étais tellement inquiet pour Gabriel. C’est vrai que tu sembles avoir besoin de repos. On est pas habitué au travail ici hein ? dit Philippe tentant de détendre l’atmosphère.

Repoussant la fatigue que je sentais poindre, je posais mon regard sur Juha pour ne plus le lâcher. J’avais l’impression qu’il me cachait quelque chose, mais je n’aurais su dire quoi. Son regard fuyant ne faisait que renforcer cette impression, et inconsciemment, je me fis la promesse de découvrir ce qu’il cachait avec tant de ferveur.

Son visage d’une pâleur maladive reflétait son manque de sommeil et la fatigue qu’il avait accumulée et on pouvait y déchiffrer toute la rancoeur et la déception qu’il éprouvait en cet instant. Semblant se rendre compte également de l’état comateux de Juha, Philippe se leva, m’informant qu’il ramenait Juha chez lui, et repassait ensuite une dernière fois à l’hôpital.

Alors qu’il s’apprêtait à quitter la pièce, Juha m’adressa un dernier regard que je soutins sans problème, sans parvenir pour autant à déchiffrer le message silencieux qu’il m’envoyait.

Même après qu’il ait quitté la pièce, je restais un long moment à fixer sans même la voir, la porte par laquelle il avait disparu de ma vue. Le regard dans le vide, je songeais sans cesse au dernier regard que m’avait adressé Juha.

Je n’étais moi-même pas certain, mais il me semblait y avoir décelé, l’espace d’un instant, un éclair de tristesse. Mais face à l’incertitude de ce qui m’avait semblé être une illusion, je décidais de n’y prêter aucune importance. Et puis, dans l’état dans lequel j’étais, je préférais largement me reposer que de me prendre la tête avec les problèmes des autres. J’en avais suffisamment moi-même pour jouer les Saints Bernard. Puis, éreinté, le corps endolori et la tête pleine de questions, je finis par m’endormir sans me sentir plonger.

Lorsque je me réveillais, la pièce était plongée dans l’obscurité, et alors que j’ouvrais lentement les yeux, afin de ne pas vivifier mon mal de tête déjà présent, j’entendis le bruit caractéristique d’une poignée de porte, et aussitôt après, celle-ci s’ouvrait, laissant entrer un halo de lumière blanche. Dans l’entrebâillement de la porte, je reconnu Philippe. Celui-ci semblait hésiter entre entrer et repartir, n’étant pas certain de mon état. Face à son doute, je déclarais d’une voix éraillée :

- Tu peux entrer… Je ne dors pas…

Obéissant à ma demande, Philippe entra dans la pièce et referma la porte derrière lui. Se laissant guider par les rayons de la lune, il tâtonna à la recherche de la lampe de chevet posée sur le petit meuble près de mon lit et prit place sur la chaise qu’il occupait tout à l’heure.
- Comment te sens-tu ? Me demanda Philippe d’une voix qui trahissait son inquiétude.
- Comme quelqu’un qui est tombé de cheval, répondis-je avec un rire qui sonnait faux.
Contre toute attente, Philippe posa délicatement sa main sur mon front, en un geste de réconfort, et d’une voix douce, il demanda :
- Que s’est-il passé, Gabriel ? Tu te souviens de quelque chose ?
Bien sûr que je me souvenais de ce qu’il s’était passé, mais pouvais-je réellement le raconter à Philippe ? J’étais pris au pied du mur, et pour la première fois depuis longtemps, je ne sus que faire. Alors, malgré ma réticence, je décidais de lui cacher la vérité… Puis, d’une voix mal assurée, je répondis :
- Oui, je… Je me souviens avoir été perturbé. Je n’étais pas assez concentré et avant que je ne comprenne ce qui se passait, je sentais ma tête cogner violemment contre quelque chose de dur, puis le trou noir…
J’omettais volontairement quelques détails, comme la raison de mon manque de concentration ou la voix de Juha dans ma tête qui m’ordonnait de me battre pour survivre. Cela ne me mettait certes pas très à l’aise, mais je ne me sentais pas le courage d’avouer mes faiblesses à Philippe.
S’il ne crut pas à mes paroles douteuses, il n’en laissa rien paraître et ne chercha pas à essayer de me faire parler, ce dont je le remerciais. Comme je m’y attendais un peu, Philippe engagea la conversation sur un terrain un peu plus glissant, et sans se départir de sa voix douce, dans laquelle je décelais pourtant une once de reproche, il déclara :
- Par contre, je ne comprend vraiment pas ton attitude envers Juha… Qu’est-ce qui te dérange tant que cela en lui ? Dis-toi que s’il n’avait pas été là, tu serais peut être mort de froid à l’heure qu’il est… Franchement Gabriel, je ne te comprend vraiment pas…
- Et il n’y a rien à comprendre, m’exclamais-je un peu trop vivement à mon goût. Je ne sais pas, c’est physique ! Sa seule présence m’insupporte ! Il a quelque chose de pas clair ce gars !
- Je conçois très bien que l’on puisse ne pas aimer une personne, cela m’arrive à moi aussi, mais même si c’est le cas, il a quand même droit à un minimum de respect ! Me répondit Philippe, un peu plus vivement toutefois. Je ne te demande pas de te mettre à genoux devant lui, Gabriel, souffla-t-il dans un soupir, mais un merci aurait été le bienvenue !
Je restais silencieux, faisant ainsi clairement comprendre que je ne désirais aucunement m’attarder sur le sujet, et après quelques minutes de silence un peu gêné, il faut l’avouer, Philippe reprit :
- J’ai appris pour toi et Marion… Que comptes-tu faire à présent ?
- Je… Je n’y ai pas encore réfléchis, répondis-je sincèrement. Mais je pense qu’il serait mieux d’arrêter là avant que cela ne soit trop tard…
Je devais avouer que j’étais extrêmement nerveux. Marion était la fille de Philippe, et je craignais qu’elle joua de son statut pour convaincre son père de me renvoyer, mais au regard compatissant et empli de tendresse que me lança Philippe, je compris qu’il n’en serait rien. A ma grande surprise, il déclara :
- Je comprend ce que tu ressens, et je respecte ton choix. J’avais bien remarqué que cela n’allait pas très bien entre vous depuis quelques temps, mais le comportement de Marion est inadmissible.
Sentant la fatigue me gagner, je n’écoutais qu’à moitié les paroles de Philippe qui, semblant se rendre compte finit par déclarer :
- Je vais te laisser te reposer, je repasserais te voir demain dans la journée.
- D’accord ! Murmurais-je en étouffant tant bien que mal un bâillement. Merci Philippe, ajoutais-je.
L’interpellé ne répondit rien, se contentant de m’adresser un sourire bienveillant avant d’éteindre la lumière et quitter la pièce. Ereinté, je ne mis que quelques minutes à trouver le sommeil.
Lorsque je me réveillais le lendemain, le soleil était déjà haut dans le ciel et se reflétait sur la colline enneigée que je pouvais apercevoir de la fenêtre de ma chambre. Tournant la tête vers le radio réveil, je constatais qu’il était plus de dix heures passées et avisait le plateau contenant mon petit déjeuner posé sur la chaise près de mon lit. Intrigué, je me demandais qui avait bien pu me laisser dormir ainsi, et songeait alors à Philippe. L’initiative venait certainement de lui, car en temps normal, tous les patients de l’hôpital étaient réveillés en même temps que les infirmières, c’est à dire tôt le matin.
Mentalement, je remerciais cet homme prévoyant et en accord avec mon estomac qui se manifesta bruyamment, j’entamais mon petit déjeuner. Celui-ci n’était guère fameux, remarque, il ne fallait pas s’attendre à du grand art en ce lieu, mais lorsque j’aperçus très vite, le petit sachet contenant un pain au chocolat. Intérieurement, je bénis cet homme que je considérais comme mon père et, de bonne humeur, un sourire étirant mes lèvres, je dévorais mon petit plaisir matinal.
Lorsque j’eus terminé, une infirmière vint prendre de mes nouvelles, et changea ma perfusion. Puis, rassurée par mon état de santé, elle quitta la pièce, me laissant à ma solitude. C’est alors que contre toute attente, la conversation que j’avais eu hier soir avec Philippe me revint en mémoire… D’accord, il est vrai que j’y avais été un peu fort avec Juha, mais d’un autre côté, lui non plus ne cachait pas ses ressentiments à mon égard. Comme je l’avais dit plus tôt à Philippe, je n’arrivais pas à cerner Juha. pour moi, il était quelqu’un à éviter si l’on ne voulait pas avoir de problèmes. D’ailleurs, qui était-il ? D’où venait-il ? Pourquoi ne savons nous rien sur lui ? Tant de questions auxquelles il me faudrait apporter des réponses, car je ne supportais pas rester ainsi dans l’inconnu et dans l’ignorance. Si certaines choses pouvaient encore passer, ce n’était pas le cas de celles-ci. Il ne faut pas prendre les gens pour des cons non plus.
C’est un peu cela qui était la cause de ma méchanceté envers Juha. J’avais l’impression qu’il me prenait pour un con et je ne pouvais le supporter. Quitte à aller lui faire des excuses pour mon comportement et le remercier de son geste, j’étais encore sceptique sur la question… Bon d’accord, Philippe avait raison lorsqu’il disait que tout le monde à droit au respect, mais en attendant, il me faut mettre ma fierté de côté et aller me ridiculiser face à l’autre bleu.
Finalement, je restais un long moment à me prendre la tête au sujet de ma némésis. puis, au bout d’une heure, ravalant ma fierté, je pris la décision d’aller le voir lorsque je sortirais d’ici. Je ne savais pas encore ce que je lui dirais, mais j’avais encore aujourd’hui et demain pour y réfléchir.
Je fus tiré de mes pensées par une des aides soignantes qui frappa doucement à la porte, avant de l’ouvrir timidement avec un petit sourire. Etonnamment, je n’eus pas envie de la remballer. Dans la vingtaine, elle avait quelque chose d’apaisant dans son sourire et la façon discrète qu’elle avait de se déplacer. Lorsqu’elle s’adressa à moi d’une petite voix douce, me demandant comment j’allais, je lui répondit avec toute la gentillesse dont j’étais capable. Nous plaisantâmes un instant, puis elle quitta la pièce, devant finir sa tournée avant de quitter son service.
Puis, sentant un mal de tête arriver, je fermais le volet électrique de la baie vitrée et fermais les yeux. Il n’y avait rien de tel que le noir total et le silence pour faire passer un mal de tête. De plus, mon corps encore courbaturé me faisait toujours un peu souffrir, si bien que je préférais dormir pour oublier momentanément la douleur et l’ennui qui s’emparait de moi. Je n’avais pas l’habitude de rester inactif aussi longtemps et cela me déplaisait grandement. Je n’aimais pas rester immobile, allongé dans un lit. Cela me donnait l’impression d’être inutile et de ne servir à rien. Je finis par m’endormir quelques minutes plus tard, bercé par le bruit étouffé des pas des infirmières qui résonnaient dans le couloir.
Je me réveillais bien plus tard, la pièce toujours plongée dans le noir, mais une petite lumière allumée à mon chevet. Les yeux encore embués de sommeil, je tournais la tête vers la source de lumière et papillonnais des yeux pour m’habituer à la lueur qui m’éblouissait. Semblant s’en rendre compte, mon visiteur tourna la lumière de façon à ce qu’elle ne m’arrive plus dans les yeux. Je murmurais un faible “merci” d’une voix toute éraillée. Contre toute attente, mon mal de tête ne s’était pas dissipé et avait, au contraire, gagné en intensité, si bien que, ne pouvais supporter la lumière, je tournais la tête de l’autre côté.
Une voix que je ne connaissais que trop bien résonna à mes oreilles tandis que Philippe déclarait :
- Je ne reste pas longtemps, je suis juste venu prendre de tes nouvelles. Les médecins ont dit que tu pouvais sortir demain ! Je viendrais te chercher demain dans l’après-midi. En attendant, je veux que tu te reposes, mon garçon. Cela ne peut te faire que du bien ! murmura Philippe en posant sa main sur mon épaule en un signe d’encouragement.
- Merci, Philippe, murmurais-je à mon tour en un soupir audible.
Philippe sortit de la pièce sans un mot, mais me lança une petit sourire d’encouragement qui me mit le baume au coeur.
Comme il l’avait promis, il vint me chercher en début d’après-midi. La route qui nous reconduisait au centre se fit en silence. Les yeux rivés sur la fenêtre, je regardais défiler devant moi, le paysage hivernal nappé d’un épais drap d’un blanc immaculé qui luisait de mille feux sous les rayons de soleil. Une fois arrivé, je sautais de la voiture sans attendre l’arrêt complet de celle-ci et me précipitais en courant vers le box d’Orphée, oubliant toutes les recommandations du médecins qui m’avait fait promettre, à force de menaces et de chantage, de rester tranquille quelques temps et de ne pas faire d’efforts physiques inutiles.
Lorsqu’il m’entendit arriver, Orphée sortit la tête de son box et avec un petit hennissement, il accueillit ma venue. Cela me fit chaud au coeur, et je me précipitais vers ma monture. A la hâte, j’ouvrais la porte du box et entrais. Après quelques caresses à mon meilleur ami, je commençais une inspection rigoureuse, à la recherche de la moindre blessure.
Après plus d’une bonne quinzaine de minutes passées à inspecter la moindre parcelle de pelage d’Orphée, j’en arrivais avec soulagement à la conclusion qu’il n’avait pas été blessé. Avec précaution, je lui pris quand même les pieds et examinais ceux-ci avec autant de minutie, vérifiant sa ferrure par la même occasion.
C’est avec un soulagement non feint que constatais qu’Orphée était sain. Je restais encore un moment avec lui jusqu’à ce que je sente la fatigue s’emparer de moi. Je quittais alors le box d’Orphée, après une dernière caresse et prenait la direction de l’écurie. Je passais devant le box de Tenbu Horin et décidais de m’arrêter un instant. J’appréciais énormément ce cheval et restais un peu de temps avec lui. Puis, lorsque mes yeux commencèrent à se fermer sur leur propre initiative, je décidais qu’il était grand temps que j’aille me reposer.
D’un pas chancelant, je me dirigeais jusqu’à ma chambre et une fois dans celle-ci, je trouvais le courage de fermer les volets électriques de la fenêtre. Sans prendre le temps de me déshabiller, je tombais sur le lit et m’endormais immédiatement sans le moindre effort.
Lorsque j’ouvris les yeux, je fus tout d’abord surpris de constater que la pièce était plongée dans le noir, et ce n’est que quelques secondes plus tard que je parviens à me resituer. Avec difficulté, due au courbatures qui me meurtrissaient le cou, je tournais la tête vers mon réveil et je constatais avec surprise que j’avais dormi pendant plus de quatre heures. Tel un félin, je m’étirais longuement en bâillant à m’en décrocher la mâchoire et prenant mon courage à deux mains, je me levais.
Je pris la direction de la salle de bain et jetant mes vêtements à même le sol, j’entrais dans la douche et réglais l’eau sur la température maximale que ma peau pouvait supporter. Peu de temps après, la salle de bain toute entière était inondée de vapeur d’eau, si bien que c’est à peine si je parvenais à voir à l’autre bout de la petite pièce. Cependant, pour rien au monde je n’aurais coupé l’eau. La chaleur de celle-ci me procurait un bien fou et petit à petit, je sentais la douleur de mes muscles de dissiper. 
Je restais encore un long moment sous la douche, le temps d’apprécier la bienfaisance de celle-ci et de me laver les cheveux. J’attrapais ensuite une serviette que je nouais autour de la taille et une deuxième dans laquelle j’essorais mes cheveux afin de les sécher au maximum. J’avais un sèche cheveux à disposition, mais je vouais une haine farouche à cet objet qui, d’une, faisait un bruit pas possible, de deux, vous brûlait le cuir chevelu et de trois, abîmait les cheveux.
Une fois les cheveux secs, je retournais dans ma chambre et alla choisir des vêtements propres. J’optais pour un jean noir et une chemise bordeau par dessus laquelle j’enfilais un pull noir à col roulé. Je venais de prendre une décision, et allais m’y tenir jusqu’au bout, même si à tout instant, ma détermination menaçait de s’envolée comme elle était venue. Je me maintiendrais à cette décision, même si elle me coûtait. Je savais parfaitement que Philippe avait raison, et ce que je m’apprêtais à faire, pour que l’homme qui m’a quasiment élevé n’ait pas un jour à regretter son geste…
J’enfilais mes rangers et mon long manteau noir, attrapais mes papiers et mon trousseau de clés et quittais la pièce. J’allais faire chauffer la voiture, et avant de partir, je passais voir Philippe que je soupçonnais être dans son bureau. Je frappais quelques coups et ouvrait la porte avant même d’attendre une réponse. Je remarquais immédiatement la présence de Marion. Elle se retourna en m’entendant entrer, mais sans un regard pour elle, je m’adressais à Philippe :
- Je prend la voiture, j’ai une course à faire… Je ne devrais pas en avoir pour bien longtemps.
- Très bien, déclara le vieil homme en m’adressant un sourire en coin et un clin d’oeil. A tout à l’heure mon garçon, sois prudent sur la route !
- Hn, répondis-je simplement avant de refermer la porte.
Au clin d’oeil que Philippe venait de m’adresser, je le soupçonnais de savoir la nature de la course que j’avais à accomplir. J’haussais les épaules et montais dans la voiture.
Je roulais une dizaine de minutes sous la neige qui tombait intensément avant d’arriver. Je n’étais pas certain de l’exactitude de l’endroit, mais lorsque j’aperçu sa silhouette un peu plus loin, je sus que je ne m’étais pas trompé. Cependant, un détail attira mon attention, et sans vraiment savoir le pourquoi de mon geste, j’arrêtais le contact et quittais précipitamment la voiture. Discrètement, je pris la direction part laquelle il avait disparu et le suivit.
Le spectacle qui m’attendait alors me mit hors de moi, et je dus faire appel à tout mon sang froid pour ne pas perdre le contrôle de mes actes. Juha était allongé au sol dans l’entrée de son appartement, et un homme prenait plaisir à le ruer de coups. Mais le pire dans tout cela, c’était que Juha semblait accepter le traitement reçu. Allongé au sol, les yeux fermés, il attendait les coups, replié sur lui-même. Une colère sourde m’envahit alors. Comment pouvait-on accepter de recevoir des coups de cette manière sans même se rebeller ? N’avait-il donc aucun honneur, aucune dignité ? Quel homme peut-il accepter de se faire rabaisser ainsi par un autre ?
Lorsqu’un gémissement de douleur s’échappa des lèvres de Juha, je ne pus contenir ma fureur et celle-ci explosa violemment. Je me jetais sur l’inconnu qui, déstabilisé, tomba à terre, et à mon tour, je lui décrochais un violent coup de poing dans la mâchoire.
Le moment de surprise passé, l’homme se redressa, et me jeta un regard dédaigneux qui ne me fit ni chaud ni froid. Puis, il reporta son attention sur Juha qui tentait de se redresser avec difficultés et lui cracha au visage :
- A peine sortit et tu as déjà trouvé une nouvelle victime… Tu me dégoûtes Juha ! Où est donc passé l’amour incommensurable que tu disais vouer à Killian ? Tu n’es qu’une enflure, sale petite pédale…
- Hey ! M’écriais-je alors, bien que je ne comprenais pas un traître mot de la conversation à sens unique à laquelle j’assistais malgré moi. c’est finit oui ? Tu n’es pas le bienvenue ici ! Alors tu vas être bien sage et tu vas repartir de là où tu es arrivé ! Et que je ne te reprennes pas dans les parages ou cette fois-ci tu ne t’en sortiras pas aussi bien !
Alors que l’inconnu allait pour protester, je le devançais et déclarais :
- Tu comprends le français ou il faut te faire un dessin ?
J’eus droit à un nouveau regard meurtrier, et jeta un “fais bien attention à toi Juha, tu ne seras pas accompagné indéfiniment !”, avant de quitter l’appartement en claquant violemment la porte d’entrée. Je restais un moment immobile, fixant Juha d’un regard impénétrable, puis, je m’approchais de lui et lui tendit la main pour l’aider à se relever.
Je le vis hésiter un instant avant de la saisir timidement. Je l’aidais à se relever avant d’aller prendre place dans le canapé qui meublait la petite pièce principale.
- Je ne savais pas que tu étais adepte du masochisme ! Déclarais-je, un sourire ironique étirant le coin de mes lèvres.
Cette remarque le fit sourire légèrement, et étrangement, je m’en félicitais intérieurement. Il vient s’asseoir dans le canapé à une distance raisonnable de moi, et devinant qu’il n’avait pas l’intention de parler, j’engageais les hostilités :
- Je suppose que tu n’as pas l’intention de me dire qui était cet homme je me trompe ?
Comme je m’y attendais, seul le silence me répondit, mais je ne me laissais pas abattre et poursuivit :
- Si j’ai bien compris, tu étais l’amant de ce Killian ? Que lui est-il arrivé ? Pourquoi a-t-il parlé de victime ?
De nouveau, seul le silence me répondit, seulement interrompu par les bruits du village. Face à tant d’éloquence de la part de mon vis à vis, je me levais et déclarais :
- Bon, ben puisque tu ne veux rien me dire, je n’ai plus rien à faire ici…
- Attend ! S’exclama Juha dans mon dos.
Surpris, je me retournais pour voir Juha, debout, une main tendue dans ma direction, comme pour me retenir. Je lui lançais un regard interloqué, et semblant gêné il bredouilla timidement :
- Je… Tu peux… Tu peux rester ici… Cette nuit… S’il te plait ?
Je ne cachais pas ma surprise face à la requête de Juha, et restais un moment silencieux, face à cette demande. Puis, m’étonnant moi-même, je demandais :
- Tu répondras à mes questions ?
- Ou… Oui, murmura-t-il en baissant les yeux.
- Bien, répondis-je en refermant la porte. Tu as un téléphone s’il te plait ?
Il me jeta un regard interrogateur, et sans savoir pourquoi, je me sentais obligé de me justifier :
- J’ai dis à Philippe que je ne rentrerais pas tard, je ne veux pas qu’il s’inquiète inutilement.
- Oh, je… Le téléphone est là, déclara-t-il en me le montrant du doigt.
- Merci, déclarais-je simplement.
Du coin de l’oeil, je vis Juha disparaître dans la pièce voisine, et je le rejoignais quelques minutes plus tard, après avoir brièvement expliqué la situation à Philippe. Accoudé à l’encadrement de la porte de la cuisine, j’observais Juha s’activer à faire chauffer de l’eau :
- Tu devrais soigné ça, déclarais-je alors en m’approchant et en touchant délicatement du doigt, la plaie sur sa tempe de laquelle s’échappait du sang qui maculait sa joue.
- Oh… Oui, j’y vais, répondit-il d’une petite voix hagarde.
Je reportais mon attention sur lui et constatais qu’il était encore plus pâle qu’un cachet d’aspirine. Je lui pris alors la main et le guida jusqu’au canapé où je le forçais à s’asseoir en lui arrachant un hoquet de surprise.
- Reste là, lui ordonnais-je d’une voix ferme avant d’aller chercher la trousse à pharmacie dans la salle de bain.
Je reviens quelques secondes plus tard, et m’assis en face de Juha. Délicatement, j’entrepris de nettoyer la plaie. Puis, brisant le silence, je demandais d’une voix étrangement douce :
- Alors, qui était-ce ? Apparemment, il avait l’air de bien te connaître !
- C’était le… le frère de Killian…
- C’était ? Demandais-je intrigué. Puis, face aux larmes qui inondaient à présent les joues de Juha, j’ajoutais, il est mort ?
J’eus droit à un hochement de tête silencieux en guise de réponse et à mon tour, je me tus, ne sachant trop comment me comporter face à la douleur qui émanait de Juha. Après plusieurs minutes de silence gêné, ce fut finalement Juha qui prit la parole et demanda, changeant radicalement de sujet :
- Pourquoi es-tu ici ?
Je sentis alors mes joues s’empourprer violemment face à la question qui m’était posée, et perdant toute constance, je murmurais en bredouillant :
- Je… J’étais venu m’excuser pour mon comportement… L’autre jour, à l’hôpital… Donc voilà, je… Je m’excuse…
- J’apprécie ton geste, répondit Juha. Et puisque le moment en est aux remerciements et au pardon, je voudrais te remercier pour ce que tu as fait tout à l’heure. Tu n’y étais pas obligé et pourtant, malgré nos différents, tu l’as fait quand même. De plus, tu as accepté de passer la nuit ici… Alors merci, merci pour tout…
Inconsciemment, je laissais aller mon regard sur le visage de Juha que je percevais de profil. Ses cheveux bruns qui lui arrivaient au niveau des épaules faisaient ressortir le noir intense de ses yeux. Ses traits fins, mais néanmoins masculins lui confiaient une certaine grâce. Je ne savais pas si j’avais volontairement évité de telles pensées ou non, mais ce n’est que maintenant que je me rendais compte de la réelle beauté de Juha… Son corps semblait être sculpté dans un bloc de marbre, telles les statues anciennes des dieux grecs, avec un corps à faire pâlir d’envie n’importe qui. Bien qu’un peu trop fin, ses muscles saillaient impeccablement sous son habit, juste ce qu’il fallait pour laisser deviner les formes de son corps.
Réalisant alors les pensées qui étaient les miennes, je me giflais mentalement et me reculais peut être un peu trop brusquement pour paraître naturel. Juha s’en rendit compte car il m’adressa un regard interrogateur que je ne pus supporter. Je détournais les yeux, trop honteux des pensées qui m’avaient effleuré l’esprit. Troublé par le regard que Juha posait sur moi, je me levais et déclarais d’une voix mal assurée :
- Je vais faire à manger, tu devrais te reposer pendant ce temps…
Et sans attendre de réponse de sa part, je pris la direction de la cuisine. Tout en cherchant les ustensiles dont j’avais besoin, je tentais désespérément de calmer les tremblements qui agitaient mes mains. Je sentais la nervosité grandir en moi, sans réellement savoir d’où elle provenait, ni ce qui pouvait m’angoisser ainsi de la sorte. Je m’impliquais consciencieusement dans la tache que je m’étais impartie, tachant d’oublier les pensées honteuses qui s’étaient imposées à moi. Pourquoi avais-je eu de telles pensées ? Pourquoi revenaient-elles me hanter après tout ce temps ? Qu’est-ce que cela signifiait-il ?
Moi qui pensais avoir définitivement tiré un trait sur mon passé, voila qu’il revenait au galop sans crier gare… Un passé honteux que j’étais difficilement parvenu à enfouir au plus profond de moi, à exorciser de mon présent pour ne finalement plus y penser que dans de mauvais rêves qui revenaient lorsque mon sommeil était agité…
Lorsque j’eus dressé la table pour deux et terminé de préparer un petit repas simple, j’allais chercher Juha au salon. En m’entendant arriver, il se redressa et posa sur moi son regard noir intense qui me mettait si mal à l’aise depuis que ces images s’étaient imposées à moi.
- Tu viens manger ? Le repas est prêt, déclarais-je simplement tentant de masquer mon trouble à Juha.
Cette simple phrase me fit un drôle d’effet. Vu de l’extérieur, nous semblions avoir tout l’air d’un jeune couple. Cette image me fit monter le rouge aux joues et je détournais le regard pour ne pas avoir à supporter une fois de plus celui de Juha posé sur moi. Son regard avait quelque chose que je ne parvenais à définir, un je ne sais quoi qui avait le don de me mettre mal à l’aise.
J’avais préparé un repas simple, le frigo étant vide, j’avais du me contenter de boîtes de conserve. Ce n’était certes pas fameux, mais nous nous en contenterions pour ce soir. De toute façon, je doutais que Juha ait l’envie et le courage d’aller remplir son frigo à cette heure-ci, et moi, j’avais tout bonnement horreur de faire cela. Et puis je veux bien être gentil un moment, mais fallait pas pousser le bouchon trop loin non plus.
Nous mangeâmes dans un silence religieux, seulement brisé par le bruit des couverts. J’avais trop de questions et de doute en tête pour me préoccuper du sort de Juha. Et puis, il était suffisamment adulte pour se débrouiller seul, sans avoir toujours auprès de lui quelqu’un pour le materner.
A la fin du repas, j’aidais Juha à débarrasser la table puis, alors qu’il faisait la vaisselle, j’allais m’affaler dans le canapé et allumais la télévision. Je zappais jusqu’à ce que je tombe sur une émission sur les peuples nomades. Intéressé, je posais la télécommande à côté de moi et me plongeais dans le récit du narrateur, émerveillé par les images de paysages qui s’offraient à moi par écran interposé. Plongé dans l’écoute du documentaire, je n’entendis pas Juha venir prendre place à mes côtés, et ne réalisais sa présence que lorsque je sentis le canapé s’affaisser sous son poids. Cependant, je ne lui jetais qu’un fugace coup d’oeil, avant de reporter mon attention sur l’écran.
Deux heures plus tard, lorsque je reportais mon attention sur Juha à la fin de l’émission, je constatais qu’il s’était endormi. La tête reposant sur son épaule, je me demandais bien comment il pouvait arriver à dormir dans une telle position. Ne craignant pas de le voir se réveiller, je laissais mon regard s’attarder sur la courbe de son visage et la douceur de ses traits. Une mèche de cheveux s’échappa de derrière son oreille, et sans réaliser mon geste, j’avançais lentement une main pour la replacer. Alors que je m’apprêtais à le faire, je suspendis mon geste, glacé d’horreur par ce mouvement qui avait était le mien.
Ce qui m’effrayais le plus, ce n’étais pas le geste en lui même, mais la facilité avec laquelle je m’apprêtais à le réaliser… Je compris alors que cette soirée allais être l’une des plus éprouvantes que je n’ai jamais eu à passer, et que finalement, accepter de passer la nuit ici en compagnie de Juha n’était peu être pas une si bonne idée. D’ailleurs, je ne savais toujours pas ce qui m’avait pousser à accepter une telle requête. J’étais venu ici dans l’intention de lui présenter mes excuses au plus vite et de repartir comme j’étais venu, et je me retrouvais coincé ici avec un ronfleur sur les bras.
Bien que fatigué, je ne parvenais pas à trouver le sommeil, si bien que j’attrapais la télécommande, baissais le son pour ne pas réveiller Juha, et recommençait mon manège de zapper les chaînes jusqu’à ce que je trouve un film qui me plaisait. Je tombais par hasard sur un film d’enquête policière et restait un moment à regarder les personnages évoluer sur le petit écran. Plus les minutes défilaient et plus je me sentais absorbé par cette histoire qui ressemblait étrangement à la mienne… Au fur et à mesure que le temps passait, je sentais les larmes me piquer les yeux et les essuyais du revers de la main en reniflant bruyamment. Cependant, je ne parviens pas à les contenir plus longtemps, et lorsque l’émotion fut trop forte, j’éclatais en sanglots. La fatigue additionnée à la douleur que je ressentais autant physiquement que moralement eut raison de moi. Mes sanglots retentissaient étrangement dans la pièce, brisant le silence de la nuit.
Noyé dans mes larmes, je ne vis pas Juha se réveiller et sursautais lorsqu’il me demanda d’une voix ensommeillée qui trahissait son inquiétude :
- Gabriel ? Que se passe-t-il ?
D’un geste hésitant, il posa sa main sur mon épaule pour la retirer vivement, comme s’il venait de recevoir une décharge électrique, ou comme s’il était dégoûté de toucher quelqu’un comme moi… Ce geste m’interpella, mais pour le moment, je n’avais pas la tête à m’interroger sur la raison de ce mouvement brusque. Tout ce que je souhaitais à cet instant, c’était disparaître à jamais de la surface de la terre… De nouveau, Juha posa sa main sur mon épaule, mais cette fois-ci, il ne la retira pas.
Je ne sais pas combien de temps nous restâmes ainsi, tout ce que je savais, c’était que la main de Juha qui allait et venait dans mon dos d’une façon étrangement réconfortante m’apaisa partiellement, si bien que je finis par me laisser aller. Je m’endormis que bien plus tard, les yeux rougis par les larmes et la fatigue.
Je me réveillais avec l’impression de mettre endormis au pied d’un radiateur, tellement j’avais chaud. En plus de cela, j’avais mal au cou, comme si ma tête était surélevée par rapport à l’alignement de mon dos. Intrigué, j’ouvris difficilement un oeil pour le refermer aussitôt, aveuglé par l’afflux de lumière blanche qui inondait la pièce. Un murmure régulier attira alors mon attention et m’intriguais de plus en plus. C’était comme si l’on parlais à voix basse à côté de moi, ou le murmure incessant d’une télévision. Etrange… je n’avais pas de télévision dans ma chambre…
Sans plus de cérémonie, j’ouvris alors les yeux, et tentait alors de me redresser. Lorsque je posais la main sur ce qui aurait dû être normalement mon matelas, je rencontrais à la place une peau lisse et soyeuse. Je la retirais alors précipitamment et alors que je posais le regard sur la pièce, le tout me reviens en mémoire. Je n’étais pas chez moi, mais chez Juha. Ce nom fit tilt dans ma tête et je reportais mon attention sur mon curieux matelas. Et là, je me figeais littéralement d’effrois.
Mon matelas n’était autre que Juha, et la raison de mon mal de cou était à présent plus que translucide. Au vue de nos positions respectives, mon oreiller n’avait été autre que le torse de Juha… Et le pire dans tout cela, c’est qu’il me regardait avec un sourire amusé étirant ses lèvres et une lueur espiègle qui illuminait ses pupilles noires. Pris de panique, je tentais de me relever. Cette tentative échoua lamentablement, et avisant nos jambes entrelacées, je sentis le rouge me monter brusquement aux joues.
Lorsque je vis Juha ouvrir la bouche, je redoutais qu’il me lance une réflexion acerbe, mais à ma plus grande surprise, sa voix était douce et calme :
- Ca va mieux ?
Je lui lançais un regard intrigué, ne comprenant pas où il voulait en venir et il déclara :
- Tu ne te souviens pas ? Cette nuit, tu t’es endormi dans mes bras après avoir pleuré…
A l’entente de ces mots, je cru mourir de honte. A tout moment, je m’attendais à voir Juha éclater de rire, mais il n’en fit rien, à mon plus grand étonnement. Au contraire, il sembla même prendre la situation à la rigolade, car, un sourire amusé étirant ses lèvres, il s’exclama :
- Tu comptes te lever un jour ?
Réalisant alors notre position, je m’empourprais pour la seconde fois consécutive, et me hâtais de me lever. Juha en fit de même et s’étira longuement dans un bâillement prononcé qu’il me transmis. Cela sembla l’amuser car il me sourit avant de prendre la parole :
- Tu veux manger quelque chose ?
J’hochais silencieusement la tête en signe d’acquiescement et lui emboîta le pas à la cuisine. Il fit chauffer de l’eau dans la bouilloire et  posa sur la table un reste de pain et trois pots de confiture à moitié vides. Sur l’invitation de Juha, je me sortis un bol et fouillais de le placard à la recherche de quelque chose à me mettre sous la dent, ayant horreur de la confiture. Par chance, je trouvais un fond de pot de Nutella. Satisfait, je pris place à table, en face de Juha et me préparais ma tartine de Nutella. Concentré dans ma tache méticuleuse de ne laisser aucun bout de brioche vierge de chocolat, je ne vis pas le sourire amusé de Juha qui me regardait faire avec un amusement non dissimuler.
Une fois fait, je léchais consciencieusement la petite cuillère avant de la reposer toute propre à côté de mon bol.
Je commençais à manger silencieusement, me remettant doucement de la surprise de ce matin, lorsque la voix de Juha retentie douce et mélodieuse, dans la pièce :
- Alors, cela fait longtemps que tu travailles avec les chevaux ?
Surpris de cette question, je relevais la tête de mon bol et posait sur l’homme qui me faisait face, un regard sceptique. Cependant, je dus bien me rendre à l’évidence qu’il n’y avait aucune moquerie ou quoi que ce soit d’autre dans le regard de Juha. Comprenant alors qu’il n’y avait que de la simple curiosité dans sa question, je décidais de jouer le jeu et répondis franchement :
- Je monte depuis que j’ai fait la connaissance de Philippe, soit un peu moins de sept ans. C’est grâce à lui que j’en suis là aujourd’hui, répondis-je un peu mélancolique, les questions de Juha faisant ressurgir mon passé du tréfonds de ma mémoire.
- En tout cas, je suis impressionné par ton savoir faire. Tu as l’air tellement à l’aise en leur compagnie…
Sa réflexion me fit sourire malgré moi. Sur ce point, il ne pouvait pas savoir à quel point il était dans le vrai. J’ai toujours senti que je n’avais pas ma place au milieu des hommes, que le seul endroit où j’avais l’impression d’être utile, c’était auprès des chevaux. Lorsque j’étais arrivé au centre, j’étais une loque humaine. C’est grâce aux chevaux et à l’aide précieuse de Philippe que je suis parvenu à remonter la pente. Sans leur soutien et leur affection, il y a bien longtemps que je ne serais plus de ce monde.
Me prenant à la conversation, je demandais à mon tour, bien décider à en finir avec les embrouilles quotidiennes. Si cela avait été marrant au départ, cela le devenait de moins en moins.
- Et toi ? Tu n’as pas l’air de t’y connaître beaucoup avec les chevaux, fis-je remarquer. Tu faisais quoi avant ? Pourquoi avoir décider de te lancer dans quelque chose dont tu ignores tout ?
- Je… Je travaillais dans une entreprise d’informatique, répondit-il avec une hésitation qui ne m’échappa pas. Quant à savoir pourquoi je me suis lancé dans le domaine du cheval, je… C’est un peu une sorte de défis que je me suis lancé, de… De repartir à zéro et recommencer une nouvelle vie…
Mettant de côtés mes interrogations, je souriais tout en déclarant :
- Si toi tu n’y connais rien en matière de cheval, moi c’est bien l’informatique et la technologie qui me font défaut ! C’est à peine si je sais comment fonctionne mon téléphone portable !!
Ma remarque le fit sourire, puis nous terminâmes notre petit déjeuner en silence. Puis, sur son invitation, j’allais prendre une douche rapide. Lorsque je sortis, j’eus la surprise de trouver des vêtements propres posés au pied du lit. Je les enfilais rapidement, et rejoignis Juha. Je pris place à ses côtés sur le canapé et déclarais :
- Merci pour les vêtements.
- Je t’en prie, me répondit-il en m’adressant un sourire resplendissant. bon, je vais me doucher, ajouta t-il.
Je ne répondis rien et attrapais la télécommande de la télévision tandis que Juha allait s’enfermer dans la salle de bain. Je tombais sur une émission pour les enfants qui diffusait un manga et amusé, je décidais de regarder un moment. Juha sortit de la douche quelques minutes plus tard, et posant distraitement mon regard sur lui, j’aperçus un détail qui me surprit. Sur son omoplate droite, un dessin à l’encre représentant un phénix y était incrusté. Pas que cela me choquait, je possédais également un tatouage, mais je n’aurais jamais pensé en découvrir un chez ma némésis. Certes, il ne fallait pas se fier aux apparences, mais cela m’étonnait tout de même.
Lorsqu’il fut prêt, nous quittâmes l’appartement et partîmes en voiture jusqu’au centre. Le trajet s’effectua dans le silence le plus total. Arrivé au centre, je garais la voiture dans la cours, et alors que j’allais descendre, Juha m’interpella :
- Gabriel !
Intrigué, je me retournais et lui lançait un regard interrogateur, et il poursuivit :
- Merci !
Je ne répondis rien,ne lui adressant qu’un hochement de tête, et quittais la voiture. A la fenêtre de son bureau, je vis Philippe me sourire. Je lui rendis son sourire et le saluais d’un signe de tête. Puis, après avoir fermé la voiture, j’allais le rejoindre pour lui rendre les clefs du véhicule, abandonnant Juha derrière moi.
Lorsque j’entrais dans le bureau, Philippe m’accueillit chaleureusement :
- Bonjour mon garçon ! s’exclama-t-il. Vu l’heure tardive, je n’espérais plus ta venue, ajouta t-il avec un sourire énigmatique étirant ses lèvres.
- Hn… Je suis désolé, répondis-je, ne sachant que dire d’autre. Il y a eu… un incident hier soir, ajoutais-je avec hésitation en faisant attention de bien choisir mes mots.
Alors que Philippe s’apprêtait à ouvrir la bouche pour répondre, je le devançais et lui posait la question qui me brûlait les lèvres depuis un moment déjà :
- Dis moi, Juha… Il faisait quoi avant d’arriver ici ?
- Pourquoi me poses-tu cette question ? Demanda-t-il visiblement intrigué.
- Je ne sais pas, avouais-je. Il y a quelques chose qui me paraît pas clair chez lui, mais je n’arrive pas à cerner ce que c’est… Lorsque je lui ai posé la question tout à l’heure,, il a semblé hésiter avant de répondre… Comme s’il ne savait pas quoi dire…
- Le passé n’a pas d’importance, ce qui compte c’est le moment présent, me répondit Philippe avec un sourire qui se voulait convainquant. Et en parlant de moment présent, n’as-tu pas un concours à préparer ?
- Oui, répondis-je distraitement, un peu déçu du manque de confiance dont Philippe faisait preuve à mon égard. Certes, je comprenais sa réaction suite à nos débuts quelques peu intempestifs, mais j’étais tout de même adulte et suffisamment mature pour me comporter comme tel, malgré quelques petits accrochages avec Juha.
Sans un mot de plus, je quittais le bureau et me rendis dans ma chambre, où je me changeais. J’avais l’intention de monter Orphée ce matin, et enfilais donc une chemise en coton, un vieux jean et mes chaussures en cuir, avant de me rendre à la sellerie.
Je pris mon filet et ma selle et me rendis au box de ma monture. J’attrapais au passage des brosses et un cure-pieds. Je traversais l’écurie, chargé comme un mulet, sans même répondre aux salutations que l’on m’adressait. A vrai dire, je ne les entendais même pas. J’étais encore plongé dans ma récente discussion avec Philippe. Plus cela allait, plus j’avais l’impression que l’on me cachait des choses, à agir dans mon dos sans même m’en informer. Et s’il y avait bien une chose que je détestais pas dessus tout, c’était les mensonges et être prit pour un con.
L’impression que j’avais et qui ne voulait pas me quitter, semblant se confirmer un peu plus à chaque instant qui passait, était que Juha et Philippe semblaient être liés par un secret connu d’eux seuls, comme s’il en découlait quelque chose de vital.
Ravalant la colère que je sentais commencer à poindre en moi, j’entrais dans le box d’Orphée et le caressais longuement en guise de bonjour. Alors que je commençais à le brosser, j’entendis la voix de Philippe retentir de la porte. Surpris, je me retournais brusquement et face à l’air sérieux et inquiet que reflétait son visage, je ne dis rien, lui laissant prendre l’initiative de la parole, ce qu’il ne tarda pas à faire :
- Tout va bien mon garçon ?
- Oui, répondis-je un peu trop prestement à son goût, ce qui suscita chez lui un levé de sourcil sceptique.
- Tu es certain ? Tu me parais fatigué en ce moment, tu te surmenages trop, peut être devrais-tu prendre quelques jours de repos…
- Non ! Ca va, je t’assures ! C’est inutile de t’inquiéter, je vais bien, le coupais-je précipitamment. C’est juste un peu de fatigue, cela va passer, tentais-je de me rattraper, en prenant un ton plus calme.
- Justement, reprit Philippe, je… Je pense que tu devrais annuler ta participation à ce concours…
- C’est hors de question, m’écriais-je à présent envahi d’une colère froide. Je ne m’arrêterais pas aussi prêt du but ! J’ai bossé comme un dingue pour en arriver là, ne me demande pas de faire demi-tour maintenant.
- Je ne te demande pas de tout arrêter Gabriel, ne déforme pas mes paroles. Je te conseil juste d’annuler ce concours ! Tu auras d’autres occasions, de faire tes preuves.
- N’insiste pas Philippe, tu sais très bien que c’est inutile avec moi. J’ai pris ma décision et je ne reviendrais pas dessus, répondis-je intransigeant, tout en sellant ma monture qui, sentant ma colère, s’impatientait de plus en plus.
Je savais que je devais me calmer, mais pour le moment, c’était totalement impossible. Je me forçais à penser à autre chose, ne voulant pas que Orphée se blesse par mon manque de concentration. Je lui mit son filet, et sans un regard de plus pour Philippe, je quittais l’écurie. Je passais devant Juha sans même le voir, pestant intérieurement contre Philippe et son attitude trop protectrice.
Je n’étais quand même pas en sucre, j’étais parfaitement capable de savoir où étaient mes limites et quand je lui assurais que je pouvais participer au concours, c’était que je m’en sentais capable.
Un peu calmé, j’entrais dans la carrière de compétition qui avait été construite un peu plus loin, derrière l’écurie principale et refermais derrière moi. Je menais ma monture au centre du carré de sable et mettais le pied à l’étrier après avoir vérifié le sanglage et que tout était correct. Une fois en selle, je demandais à ma monture d’avancer. Je baissais légèrement mes mains et d’un effleurement des mollets sur ses flancs, celle-ci obéit avec, semblait-il, une certaine impatience.
Je l’échauffais un long moment, souhaitant minimiser au maximum les risques de blessures et c’est seulement au bout d’une petite heure que je commençais le programme officiel de l’entraînement. Ce qui me toucha le plus, ce fut le plaisir et la bonne volonté avec lesquels Orphée exécuta les figures que je lui demandais. J’enchaînais les slides et les spincs à une allure incroyable. Moi-même je n’en revenais pas de l’énergie que ma monture déployait pour cet exercice. Elle aimait faire ce travail et cela se sentait. J’en ressentais moi-même une fierté et une joie sans nom.
Une heure plus tard, je décidais d’offrir à ma monture, un repos bien mérité. Je mis pied à terre et après multiples caresses amplement méritées, je prenais la sortie de la carrière. Alors que je détachais la corde qui fermait l’accès, j’eu la surprise de trouver Juha. Assit sur un banc, il m’observait en souriant.
- Quoi ? lui demandais-je.
- Rien, je regarde juste ce que tu fais, répondis Juha sans se départir de son petit sourire qui avait le don de me mettre mal à l’aise.
Je ne répondis rien, ne sachant que dire et prenais la direction de l’écurie. Juha m’emboîta le pas et c’est côte à côte que nous arrivâmes au box d’Orphée, pour la plus grande surprise des palefreniers et des moniteurs qui avaient plus d’une fois assistés à nos récurrentes prises de bec.
Alors que je dessellais Orphée et lui offrais un bon pansage, Juha, accoudé contre la porte brisa enfin le silence qui s’était installé entre nous :
- Alors comme ça, tu prépares un concours ? Demanda-t-il. Je… Je t’ai entendu en parler avec Philippe toute à l’heure, avoua-t-il, face au regard que je lui lançais.
- Hn… Oui, me forçais-je à répondre, bien que je n’en ai pas vraiment l’envie. Il est dans quinze jours.
- C’est un concours de quoi ? C’est ce que tu faisais toute à l’heure avec Orphée ?
- Oui, je lui faisais revoir les figures qui sont évaluées lors du concours…
- Tu as peur ?
- Un peu avouais-je. Je m’entraîne depuis longtemps et ce concours c’est vraiment la chance de ma vie. Le remporter c’est un peu prouver à tous que je suis capable autant qu’eux de faire quelque chose et de parvenir au bout de mes ambitions. Je ne suis pas particulièrement intéressé par le prix du concours pour l’argent à proprement dit, mais il est vrai que la somme promise me permettrait de me lancer dans mon projet. C’est pour cela qu’il me tient tant à coeur… Tu vas peut être trouver ça bête mais…
- Non, s’exclama alors Juha, je ne trouve pas ça bête, au contraire. Tu as de l’ambition c’est bien, cela prouve que tu sais ce que tu veux faire de ta vie, tu es acteur et non spectateur de ta vie comme beaucoup le sont.
- Hn, répondis-je simplement, méditant sur les paroles philosophiques de mon vis à vis.
- Quel est ton projet ?
- Hein ? Demandais-je, n’ayant pas écouté sa question.
- Tu parlais d’un projet toute à l’heure. C’est quoi ce projet ?
- Je voudrais faire un élevage de chevaux américains comme Orphée et les entraîner pour devenir des champions… J’aimerais avoir mon propre ranch, être mon propre patron et ne pas avoir à travailler pour les autres. Je ne dis pas que Philippe est un mauvais patron, au contraire, mais ce n’est pas pareil. Travailler pour soi c’est en quelque sorte un défis que l’on se lance… Et pis, c’est aussi une preuve que les rêves peuvent parfois devenir réalité… Et toi, demandais-je, après un instant de silence, tu as un rêve que tu aimerais réaliser ? Un projet d’avenir ?
- Moi ? Euh… Si tu as un but précis, moi contrairement à toi, à défaut biensûr, je me laisse porter par la vie pour le moment. Il me faut un peu de temps pour m’en re… pour aller de l’avant. 
Je notais la légère hésitation et la tristesse dans la voix de Juha. Une question me traversa l’esprit, mais j’hésitais à la lui poser, cependant, la tentation étant trop forte, je demandais non sans hésitation :
- C’est… C’est à cause de Killian ?
Face au silence de Juha et à la douleur qui émanait de lui, je me repris :
- Désolé, je ne voulais pas te blesser. Cela ne me regarde pas…
- Ce n’est rien, répondit Juha d’une petite voix tremblante. Oui… C’est lié à… à Killian…
- Cela va sûrement te paraître indiscret comme question, tu n’es pas obligé de répondre, mais il est mort depuis combien de temps Killian ?
- Cela va faire dix ans le mois prochain, répondit Juha après quelques secondes de silence.
- Il serait peut être temps de passer à autre chose, tu ne crois pas ?
- Je… Je sais, mais c’est toujours plus facile à dire qu’à faire… Il y a parfois des circonstances qui font que même si je souhaitais oublier, je ne peux pas…
Alors que j’allais répondre quelque chose, une voix m’appela de l’autre côté de l’écurie :
- Gabriel ?
- Je suis là, répondis-je sans pour autant sortir du box.
- Dis, tu as du temps libre devant toi ? Me demanda Dorian.
- Je peux arranger ça pourquoi ?
- Il faudrait que tu pares les pieds de Kadaj ! On part en promenade cet après midi et il manque un cheval…
- Hn… Je m’occupe de ça après avoir fini avec Orphée…
- Merci c’est super sympa ! s’exclama-t-il. Hey, mais vous vous êtes toujours pas entretués ? Ajouta-t-il avec un air cynique qui ne me plus pas du tout. J’aurais dû me douter qu’avec sa gueule d’ange et son cul de dieu, je ne le garderais pas longtemps…
- Ce n’est pas parce que tu collectionnes les conquêtes d’un soir et les culs des mecs qu’on est tous comme toi ! Heureusement qu’il reste encore quelques mecs bien qui ont encore une morale et savent l’utiliser et l’appliquer à bon escient.
Dorian ne répondit rien, mais se tourna vers Juha et demanda :
- Tu veux que je te ramène ce soir ?
- Oui, je veux bien, merci.
- Tu es bien arrivé ce matin ? Pas trop long la route ?
- Non, c’est… Gabriel m’a amené…
C’est alors qu’il sembla remarquer un détail car il s’approcha de Juha et l’observa longuement :
- Mais, vous vous êtes battus ? Demanda-t-il surpris.
- Non, ce… C’est rien, je… Je me suis prit l’angle d’un placard… Répondit Juha.
Je vis alors Dorian me lancer un regard sceptique et accusateur que je soutins sans sourciller. Je n’avais rien à me reprocher dans cette histoire, et ce n’est pas son air de paon blessé dans sa fierté qui me fera baisser les yeux devant lui.
Cependant, il n’insista pas plus et je l’en remerciais mentalement. Puis, après un dernier regard à Juha qui ne me plus pas, il tourna les talons et quitta les lieux. Ayant finit de prendre soin de ma monture, j’allais lui chercher quelques morceaux de pain que je lui donnais. Puis, j’attrapais un licol et allais chercher Kadaj au pré. J’eus la surprise de voir Juha me suivre, mais ne fit aucun commentaire.
Dix minutes plus tard, Kadaj était attaché et mangeait tranquillement dans son filet à foin tandis que j’enfilais mes chaps de maréchalerie. Je vis Juha prendre place à quelques pas de là. Assis sur une balle de paille, il observait les moindres de mes gestes. Cela me mettait mal à l’aise, mais au bout d’un moment, je finis par faire abstraction de sa présence et commençais à limer le pied de l’animal.
Au bout de quelques minutes, la voix de Juha retentie dans mon dos :
- Qu’est-ce que tu fais ?
- Je lui parre les pieds, afin de pouvoir le ferrer.
- Tu peux pas poser le fer tout de suite ?
- Non, il faut vérifier les aplombs avant…
- Et ça lui fait pas mal ?
- Non, pourquoi veux-tu que cela lui fasse mal ? Cela te fait mal toi quand tu te coupes les ongles ?
- Euh… non…
- Et bien pour lui c’est la même chose, répondis-je patiemment.
Le silence s’installa une nouvelle fois, mais comme précédemment, il ne dura pas :
- Cela fait longtemps que tu sais faire ça ?
- Plus ou moins… Trois ou quatre ans pas plus…
- Oh… Tu as besoin d’aide ?
Fatigué par ses questions incessantes et pire qu’un gosse, j’arrêtais ce que j’étais en train de faire pour me redresser et lui faire face :
- Tu as pas du boulot à terminer ?
- Euh…excuse moi de t’avoir dérangé…
Alors qu’il commençait à s’éloigner, je poussais un soupir d’exaspération et de lassitude et avant que je ne réalise entièrement ce que je faisais, je déclarais :
- Tu peux rester… mais tais-toi !
- Promis ! Répondit Juha en retournant s’asseoir sur la balle de paille.
Une heure et demi plus tard, j’avais enfin finis de ferrer Kadaj. Après de longues caresses pour le remercier de sa patience et de sa gentillesse, je le ramenais au pré, toujours suivit de Juha, avant d’aller manger. Dans le réfectoire, je croisais Marion, mais je ne lui adressais qu’un regard désintéressé. Par contre, au regard qu’elle posa sur moi, je compris immédiatement que quelque chose n’allait pas pour elle. Cependant, je décidais de ne pas y prêter attention, après tout, je n’avais plus rien à voir avec elle. Si bien que je continuais mon chemin et alla m’asseoir à ma table. Juha prit place en face de moi, et je commençais à manger silencieusement.
Dans l’après midi, Juha retourna à son travail et j’en profitais ainsi pour sortir Niladhëvan. Cela faisait quelques jours que je ne m’étais pas occupé d’elle et comme j’avais un moment de libre, j’en profitais. Je la fis travailler deux bonnes heures, et lorsque j’obtenais d’elle la réaction que j’attendais depuis le début, je cessais la séance. Je lui offris un bon pansage et la ramenais au pré.
Ayant encore deux bonnes heures avant la tombée de la nuit, je décidais de graisser ma selle et mon filet. J’entrais dans la sellerie, attrapa ce dont j’avais besoin, et allait m’installer sur la table dans la cours. Le soleil radieux avait fait fondre la neige qui le tapissait jusqu’à présent. Minutieusement, j’entrepris mon travail, me laissant bercer par les bruits de l’écurie. Le renâclement des chevaux, le bruit des gouttes d’eau qui tombaient du toit étaient les seuls troubles au silence reposant qui régnait sur le centre. Concentré dans ma tache, je n’entendis pas Juha arriver et sursauta lorsqu’une ombre prit place en face de moi. Je relevais brusquement les yeux et reconnut aussitôt le sourire moqueur de Juha. Je lui lançais un regard meurtrier pour la forme avant de reprendre mon travail.
- Il faut le faire souvent ?
Reposant mon pinceau sur la table en soupirant de lassitude, je demandais sans répondre à sa question :
- T’en as pas marre avec tes questions ?
Puis, après un nouveau soupir, je répondis :
- Environ une fois par mois.
Semblant satisfait de ma réponse, il n’ajouta rien d’autre à mon plus grand soulagement. Il resta là, jusqu’à ce que Dorian vienne le chercher :
- J’y vais, si tu veux que je te ramène c’est tout de suite ! déclara-t-il.
- J’arrive, répondit Juha.
Il m’adressa un sourire et après un rapide “à demain”, il partit en compagnie de Dorian.
Je terminais ce que je faisais, puis lorsqu’il commença à faire vraiment trop froid, j’allais nourrir Orphée avant de m’exiler dans ma chambre. Je pris une douche brûlante afin de me réchauffer et ne quitta ma chambre juste pour aller manger.
Ce soir là, je m’endormis de bonne heure, épuisé par la journée éprouvante émotionnellement que je venais de passer.
Dans mon sommeil, j’entendais vaguement un téléphone sonner. Je me retournais dans mon lit, entre l’éveil et le sommeil, lorsque je redressais brusquement… Ce n’était pas un rêve, mon téléphone sonnait bel et bien. L’esprit encore embrumé, j’allumais la lumière et regardais l’heure avant de tendre le bras et d’attraper le téléphone posé sur ma table de chevet. D’une voix encore pleine de sommeil, je déclarais sans plus de cérémonie :
- Qui que vous soyez, savez-vous qu’il est plus de trois heures du matin ?
Cependant, lorsque j’entendis à l’autre bout du fil, une voix que je reconnaîtrais parmi des milliers, m’appeler en sanglotant, je sentis mon sang se glacer d’effroi… D’une voix tremblante, je demandais :
- Juha ?
- Gabriel… Ne… Ne me laisse pas seul…
- Juha !? Répétais-je abasourdi. Qu’est-ce qui t’arrive ?
A vrai dire, j’étais d’autant plus déboussolé par son appel que par le fait qu’il décide de m’appeler moi plutôt qu’un autre. D’ailleurs, pourquoi m’appelait-il à une heure aussi tardive ? Que lui était-il arrivé ? C’est ce que je tentais de lui demander, mais noyé dans ses sanglots, il était incapable d’aligner trois mots cohérents. A présent totalement réveillé, je sautais hors de mon lit et m’exclamais, tentant de me faire entendre par Juha :
- J’arrive, ne bouge pas !!
A vrai dire, je ne savais pas pourquoi j’agissais de la sorte. Après tout, cela faisait même pas un mois que nous nous connaissions, une journée que nous parlions autrement que pour nous lancer des vannes à longueur de journée, et voila que depuis vingt-quatre heures, je me retrouvais impliqué dans une histoire dont j’ignorais toute la trame et qui me dépassait totalement…
Cinq minutes plus tard, montre en main, je roulais en direction du studio de Juha. Et moins de cinq autres minutes après, je me garais sur la petite place publique devant chez lui. Je déboulais dans l’appartement sans prendre le temps de frapper, m’attendant au pire, et le spectacle qui s’offrait à moi me serra le coeur, sans que je ne sache pourquoi. Juha était là, assis à même le sol, recroquevillé dans un coin de la pièce, adossé contre le mur, serrant contre lui, le combiné de téléphone qui sonnait toujours… Lorsqu’il m’entendit arriver, il releva vers moi un visage trempé de larmes.
Sans réfléchir une seule seconde à la conséquence future de mes actes, je me précipitais vers lui et le prenant dans mes bras, je le serrais contre moi en lui murmurant à l’oreille des paroles qui se voulaient rassurantes et réconfortantes, malgré ma voix tremblante d’émotions :
- Chut… Je suis là… Tout va bien…
Je ne sus combien de temps nous restâmes ainsi, mais lorsque je sentis un poids mort sur mon épaule, je compris que Juha s’était finalement endormi. Avec précaution, je me levais et le portais jusque dans son lit où je l’allongeais avant de rabattre les couvertures sur lui.
Une fois fais, j’allais à la cuisine et me préparais un thé à la menthe que j’allais boire, avachis dans le canapé où je finis par m’endormir à mon tour. Lorsque j’ouvris les yeux le lendemain matin, le ciel était nuageux et la neige virevoltait dans l’air froid du matin. Prit d’un frisson, je me roulais en chien de fusil et fermais les yeux, déprimé par le temps pourris de dehors. Finalement, je finis par me rendormir et lorsque je me réveillais de nouveau, je fus assailli par une forte odeur de café.
J’en déduit que Juha devait être levé. Je pris cependant le temps de m’étirer longuement, en bâillant aux corneilles. J’ouvris les yeux pour tomber nez à nez avec Juha qui me souriait mais qui semblait néanmoins assez nerveux et gêné.
- Tu… Tu as bien dormis ?
- Hn…répondis-je agacé par sa question.
- Je… Je m’excuse…
- Hn…
- Je comprend que tu m’en veuilles, mais je… Merci d’être venu…
- Hn… Ouais…
- Tu… Tu veux manger quelque chose ? Demanda-t-il visiblement mal à l’aise.
- Hn… Oui, s’il te plait.
Je vis alors Juha m’adresser un petit sourire d’excuse et repartir comme il était venu à la cuisine, pendant que je me laissais retomber dans le canapé. Il revient quelques minutes plus tard avec une tasse de thé fumante qu’il posa sur la petite table à côté de moi.
- Merci, déclarais-je simplement en me redressant.
Je déjeunais en silence, et restais encore un moment avant de rentrer au centre.
Une fois arrivé, je m’enfermais dans ma chambre et me laissais tomber sur le lit, dans le but de rattraper ma nuit de sommeil.

Les semaines qui suivirent passèrent à une allure folle. Si bien que je me retrouvais la veille du concours avant même d’avoir réalisé. Et je stressais à mort. Debout à côté d’Orphée, je nattais sa crinière à la façon des étalons américains afin de ne pas avoir à passer trop de temps à lui la démêler demain matin. Les préparatifs du concours chamboulaient déjà toute l’organisation de l’écurie et tout le monde était à cran. Il régnait une atmosphère lourde et pesante, chargée de l’inquiétude et de l’angoisse de chacun.
Seul Philippe semblait ne pas être touché par cette agitation collective qui régnait au centre. Abordant constamment son air sûr de lui, nous réglions ensemble les derniers détails pour demain. Le départ était prévu à neuf heures trente d’ici et nous devions arriver tôt le matin afin de charger les chevaux dans le van et préparer tout le matériel nécessaire.
Une fois les derniers détails réglés, Philippe repartit, ayant une réunion dans la sellerie avec les moniteurs et palefreniers qui resteraient là durant notre absence.
Lorsque j’eus terminé de préparer Orphée pour la nuit, lui glissant une couverture sur le dos, j’eus la surprise de trouver Juha qui m’observait, accoudé contre la porte du box. Il m’adressa un sourire auquel je répondis et il demanda de sa voix douce et calme :
- Tu veux venir boire un verre à la maison, histoire de te changer les idées avant demain ?
- Hn… Ouais, pourquoi pas, répondis-je, remerciant mentalement Juha pour sa proposition.
Car il est vrai que si j’étais resté là, seul ce soir, j’aurais certainement passé la nuit à me torturer l’esprit. Reconnaissant envers Juha, je quittais le box d’Orphée après une dernière caresse et suivit Juha, faisant une halte dans la sellerie afin de préparer mon matériel pour demain et être sûr de ne rien oublier, puis je pris la direction du bureau de Philippe afin d’aller chercher les clefs de la voiture.
Nous montâmes dans la voiture et je pris la direction du studio de Juha. Le trajet se fit dans un silence monastique, seulement interrompu par les chants brutaux qui s’échappaient des enceintes.
un petit quart d’heure plus tard, nous étions installé dans le canapé, une tasse de chocolat chaud à la main. Aucun de nous ne semblait vouloir prononcer la première phrase. Depuis deux semaines, Juha et moi étions en meilleurs termes. Certes, ce n’était pas encore tout à fait ça, mais cela commençait à aller déjà mieux. Nous arrivions à avoir des conversations sérieuses, même s’il refusait encore et toujours de me révéler la raison de ses peurs irraisonnées qui le poussaient à m’appeler la nuit.
A vrai dire, j’étais plus dans l’angoisse de demain que réellement concentré sur le moment présent. Finalement, ce fus Juha qui brisa le silence en demandant :
- Tu veux manger quelque chose ?
- Non, cela ira merci. Là tu vois, j’ai plus envie de me vider l’estomac que de le remplir.
Juha émit un petit rire amusé et ajouta :
- Je m’en doute bien, mais il faut que tu manges si tu ne veux pas t’écrouler demain… Un plat de pâtes ça te dit ?
- Hn… répondis-je à contrecoeur.
Cependant, je me levais avec lui et le suivit dans la cuisine où je mis la table pendant qu’il mettait de l’eau à chauffer.
Dix minutes plus tard, nous étions assis à table l’un en face de l’autre, à parler du concours et de l’organisation de demain. Juha faisait partit des personnes qui restaient là demain et j’en profitais pour lui demander un petit service :
- Je, hésitais-je, ne sachant pas vraiment par où commencer. J’aimerais te demander un service en fait…
- Je t’écoute, répondit Juha.
- Je mettrais Niladhëvan dans un box avant de partir demain et j’aimerais que tu t’occupes d’elle pendant mon absence… Enfin, seulement si tu es d’accord… Si tu veux pas je te force pas hein ! Tu fais comme tu veux…
- C’est d’accord… Je m’occuperais d’elle, répondit mon vis à vis.
Je lui adressais un sourire soulagé chargé de remerciements que je lui murmurais tout bas :
- Merci…
Seul un sourire radieux me répondit, et sans savoir pourquoi, je me sentis rougir. Je détournais les yeux et reportais mon attention sur mon assiette. Le repas se termina en silence et à la fin de celui-ci, nous retournâmes au salon, une tasse de thé dans la main. Assis côte à côte, aucun de nous n’osait briser le silence qui régnait dans la pièce. Je fus finalement sortis de mes pensées par la voix de Juha dans laquelle je décelais un certain amusement :
- Alors ? Stressé ?
- Plus que tu ne l’imagines, répondis-je, terrifié malgré moi à l’idée de n’arriver à rien.
- Pourquoi ? Il n’y a pas de raisons…
- Et si je me plantais demain ? L’interrompis-je.
- Et si tu arrêtais de dire des conneries… Je ne m’y connais pas beaucoup dans ce milieu, mais j’ai vu depuis que je suis arrivé combien tu as travaillé, et il n’y a aucune raison que tu te plantes.
- Mais tu comprends pas ! Il y aura vraiment des craks demain ! J’aurais l’air de quoi moi, pauvre petit clampin tout droit sortit d’ma campagne…La seule chance que j’ai c’est d’assurer un max demain, et vu comme s’est parti, je suis plutôt mal barré…
- C’est bon, déstresse ! Et puis, même si tu te plantais, tu auras d’autres occasions… Franchement, pourquoi tiens-tu absolument à ce que tu te plantes demain ? Prend confiance en toi, Gabriel… Tu a les capacités pour y arriver et je sais que tu y arriveras… Si toi tu n’as pas confiance en toi, moi si…
Je ne répondis rien, mais ancrais mon regard au sien. Plus je l’observais, plus je trouvais son regard envoûtant et hypnotisant. Puis, avant que je ne réalise vraiment ce qui se passait, je sentis deux lèvres se poser délicatement sur les miennes. Tétanisé, je restais un moment immobile, et ne retrouvais mes esprits que lorsque la langue de Juha vient quémander l’entrée de mes lèvres. Retrouvant l’utilité de mes mouvements, je le repoussais brusquement.
- Quelque chose ne va pas ? Demanda alors Juha surpris.
- Ah parce qu’en plus t’as pas compris ! Tu viens de m’embrasser, bien sûr que ça va pas ! m’exclamais-je hors de moi.
- Tu avais l’air d’en avoir tout autant envie que moi.
- Est ce que j’ai l’air d’aimer embrasser les hommes ! Tu pourrais au moins t’excuser !
- M’excuser ? Je ne vois pas pourquoi… C’était à ce point désagréable ? Est ce que ça t’a dégoûté ? Est ce que je te dégoûte ?
- Je…
- Tu ?
- Rah ! Laisse tomber, m’exclamais-je avant d’aller m’enfermer dans la salle de bain en claquant violemment la porte.
J’avais parfaitement conscience que ma réaction était démesurée par rapport à l’acte lui-même, mais en réalité, j’étais plus en colère contre moi que contre Juha. En colère parce que non seulement j’avais aimé le contact de ses lèvres sur les miennes, mais j’avais aussi eu envie qu’il poursuive. Que nos langues fassent connaissance…
En quelques secondes, mon esprit s’était retrouvé assailli de souvenirs remontés du plus profond de ma mémoire, là où je pensais les avoir enfoui pour toujours… Des souvenirs dont j’aurais préféré oublier même jusqu’à leur existence, et dont je gardais encore la trace dans le dos… Des images s’imposaient à moi, réveillant de vieux fantômes que j’aurais préféré ne jamais me souvenir…
Apeuré, je me laissais tomber contre la porte de la salle de bain et prenant ma tête entre mes mains, je fermais les yeux, tentant de repousser ces images qui revenaient me hanter. Sur mes lèvres, je sentais encore la chaleur de celles de Juha, je sentais encore leur douceur et leur goût sucré… J’avais aimé cette esquisse de baiser, et je me haïssais pour cela…  Pourtant, pour rien au monde Juha ne devait savoir… Personne ne devait jamais savoir… Je commençais à croire que finalement, tout ce qu’on m’avait dit durant toutes ces années n’était peut être pas si fausses que cela, que c’était peut être ma nature et que le monstre en moi finirait par refaire surface un jour…
Une voix inquiète de l’autre côté de la porte me sortit brusquement de mes pensées :
- Gabriel… Sort de la salle de bain… S’il te plait…
- Laisse moi ! Je ne veux pas te voir ! Répondis-je d’une voix tremblante.
C’est alors que je me rendis compte que je pleurais. Mes joues étaient inondées de larmes que je n’avais pas eu conscience de laisser s’échapper.
- Je m’excuse Gabriel, je ne savais pas que cela te mettrait dans un tel état, reprit Juha dont la voix cachait de moins en moins son inquiétude. Je m’excuse, répéta-t-il, mais je t’en supplie, sort de cette pièce…
Après un moment de réflexion, je finis par consentir à lui obéir. Lentement, je me relevais et ouvrais la porte. Je sortis sans même lui adresser ne serait-ce qu’un coup d’oeil. J’allais dans le coin qui faisait office de chambre et ouvris le placard afin d’en sortir une couverture. Puis, je retournais sur le canapé et m’y allonger, remontant la couverture sur ma tête, ignorant totalement les minables tentatives d’excuses de Juha :
- Je suis sincèrement désolé Gabriel… Je… Je ne pensais pas que tu le prendrais aussi mal… Je te promet que c’était la seule et unique fois… Je ne tenterais plus rien, je t’en donne ma parole… Je suis désolé… Gabriel… Dis quelque chose…
- Pourquoi ? Demandais-je en me retournant, plongeant mon regard dans le sien.
- Pourquoi quoi ?
- Pourquoi tu m’as embrassé ?
- Je sais pas, je…
- Tu ?
- Ca m’est venu comme ça… Je sais pas pourquoi… Peut être que j’en avais envie…
- Et ça te prend comme ça ? Tu embrasses beaucoup de monde sans leur demander leur avis ? Répondis-je avec une point de cynisme que je ne cherchais pas à dissimuler.
Et avant qu’il n’ait le temps de répondre, je me retournais de nouveau, lui tournant le dos.
- Je…
- Bonne nuit, le coupais-je, n’ayant aucune envie d’entendre une seconde de plus ses désastreuses tentatives d’explications.
Dans mon dos, je sentis Juha rester immobile un moment. Je sentais son regard posé sur ma nuque, me brûlant la peau comme si l’on y avait apposé de l’acide. Puis, au bout d’un temps qui me parut interminable, il consentit enfin à s’éloigner. Je l’entendis s’affairer encore un moment dans l’appartement jusqu’à ce qu’il finisse par aller se coucher à son tour.

 

A suivre…

Once in a lifetime - chapitre 08

6 décembre 2012

Chapire 08 par Shinigami

 

 

Lorsque je repris connaissance, j’étais adossé contre un arbre et ma tête était sur le point d’exploser. Jamais de ma vie je ne m’étais senti aussi mal. J’avais incroyablement chaud, comme si mon sang bouillonait dans mes veines et ma gorge semblait en feu. Le simple fait de déglutir était pour moi une véritable torture. Ouvrant les yeux, je fus prit d’un violent vertige et je dus me prendre la tête entre mes mains afin de ne pas perdre le peu d’équilibre qui me restait.
Plongé dans mes pensées, je n’entendis pas Hayden me rejoindre et s’agenouiller en face de moi, si bien que je sursautais lorsqu’il demanda :

- Gwendal, est-ce que ça va ?
Effrayé de le voir aussi près de moi aussi soudainement, j’esquissais un mouvement de recul.
- Ne t’approche pas ! Soufflais-je, ma gorge douloureuse ne me permettant pas de parler normalement.

- Arrête de faire l’enfant, Gwen… Soupira Hayden.
Puis, sans me laisser le choix, il posa la serviette qu’il tenait dans la main sur mon front. Sous la fraîcheur qui s’en dégageait, je soupirais de bien être.
- Pourquoi tu ne m’as pas dit que tu te sentais aussi mal ? Demanda mon vis à vis.
- Parce que… Parce que tu n’en as rien à faire de moi, murmurais-je sans réellement prendre conscience de ce que je disais.
J’entendis nettememnt Hayden soupirer, cependant, il ne répondit rien.
- Ne bouge pas d’ici, déclara-t-il en se redressant. Je reviens…
Il est malin lui ! Comme si je pouvais aller quelque part dans l’état dans lequel j’étais. Tout ce dont j’avais envie en cette instant, c’était de mourir. Et accéssoirement, d’un bon bain glacé avec un énorme iceberg flottant dans l’eau… Je ne saurais dire combien de temps je restais là, assis sous mon arbre, luttant contre l’évanouissement à attendre Hayden. Mon esprit vagabonda et je brusquement, je me rappelais la discussion houleuse que nous avions avant que je ne m’évanouisse, manquant de vomir en me souvenant de la nuit que je venais de passer. Losqu’il revint enfin, j’avais l’impression qu’une éternité s’était écoulée.
- Je me suis permis de prendre de l’argent dans ton sac pour payer le médecin, m’expliqua-t-il. Tu te sens de te lever, je vais t’aider.
Alors qu’il tendais une main vers moi, je la repoussais mollement, toute énergie m’ayant désertée :

- Ne me touche pas, tu es répugnant, tu me dégoûtes… Souffais-je, la tête lourde.
Ignorant mes vaines protestations, Hayden m’attrapa par le poignet et me hissa sur mes jambes sans la moindre difficulté. Sans me laisser le choix, il passa mon bras autour de son cou et me soutenant fermement, il commença à marcher. Dans un geste qui relevait plus de l’automatisme que de ma propre volonté, je lui emboitais péniblement le pas, à moitié dans les vappes. Je ne saurais dire combien de temps nous marchâmes, mais cela me parût une éternité. Mon corps tout entier n’était plus que courbatures et douleurs et la seule chose à laquelle j’aspirais, c’était dormir. C’est à peine si j’arrivais à garder les yeux ouverts… Alors que je trébuchais une fois de plus, manquant de tomber, Hayden s’arrêta subitement et m’ordonna de grimper sur son dos. C’est avec énormément de difficultés que j’obéis, passant mollement mes bras autour de son cou. Bientôt, écoeuré par les ballançements de ses pas, je posais ma tête contre sa nuque à la recherche d’un peu de fraîcheur.
Je dus m’endormir car lorsque j’ouvris de nouveau les yeux, j’étais avachi sur une chaise, un air frais terriblement agréable me soufflant au visage. L’instant d’après, un homme vêtu d’une chemise blanche vint me chercher. Docilement, je lui suivit tant bien que mal jusqu’à son cabinet. Après m’avoir demandé mes symptômes, il me demanda mon nom et prénom. J’eu tout de même assez conscience de ce qui se passait pour ne pas lui donner mes véritables noms, donnant le premiers qui me venaient à l’esprit. S’il parut sceptique, l’homme n’en laissa rien paraître et m’invita à me dévêtir. Un peu réticent, je finis par céder à sa demande et à moitié nu, j’allais m’installer sur le banc d’oscultation. Durant les cinq minutes qui suivirent, il me fit passer tout un tas de test et d’examen qui, si je n’avais pas été aussi mal, m’auraient sûrement fait rire.
Puis, il me donna un verre d’eau et plusieurs cachets à avaler avant de déclarer :
- Vous pouvez vous rhabiller… Bien, je vais aller chercher votre ami, asseyez-vous !
Sur ce, il sorti de la pièce pour en revenir l’instant d’après, suivit par Hayden.
- Votre ami a une angine, déclara le médecin lorsqu’Hayden eut prit place en face de lui. Ce n’est rien de grave si cela est traité à temps. Je lui ai donné une ordonnance précise et lui ait déjà donné un anti-fièvre et quelques médicaments.
- Merci beaucoup, répondit Hayden.
- Il dit s’appeler Julien. Je veux bien garder cette version et ne rien ébruiter. Mais cela nécessite une petite contrepartie, en plus de prix de la consultation…
L’esprit encore un peu embrumé par la fièvre, je ne compris pas toute la conversation, observant distraitement Hayden payer le médecin.
- Très bien, déclara le docteur en rangeant l’argent dans son tiroir. Je ne vous ai jamais vu, vous pouvez sortir. Un repas chaud ce soir, les médicaments suivant les prescriptions et Julien sera sur pied dans deux jours comme si rien ne lui était arrivé !
Sur ce, nous quittâmes le cabinet et Hayden m’aida à marcher. La fièvre semblait être tombée, mais cela n’empêchait pas le sol de trembler à chaque pas que je faisais et mes jambes semblaient être devenues du côton. Arrivé à l’entrée de la ville, il m’aida à m’asseoir à l’ombre d’un arbre et, m’ordonnant de l’attendre là, l’ordonnance en main, il partit chercher mes médicaments. Il n’était pas parti depuis quelques minutes que je sombrais dans un demi-sommeil, assomé par la chaleur, la maladie et les médicaments. Après ce qui sembla être un petit quart d’heure, Hayden refit son apparition et se plantant devant moi, il m’ordonna :
- Lève-toi.
Refusant de saisir la main qu’il me tendait, je me redressais non sans difficultés.
- On ne retourne pas chez Max, m’empressais-je de demander, en m’appuyant contre l’arbre le temps de retrouver mon équilibre.
- Non, répondit-il. Je n’abuserais pas de son hospitalité. Il y a une grange abandonnée pas loin. J’y ai laissé nos affaires. Nous passerons quelques jours là bas, tu pourra te rétablir.
Soulagé, j’entrepris alors de le suivre d’un mal mal assuré, le sol tanguant violemment. Me voyant faire, Hayden déclara :
- Laisse-moi te porter, il vaut mieux que tu économises tes forces pour guérir.
Je lui fus profondément reconnaissant de cette proposition, ne me sentant pas la force de marcher encore et en un rien de temps, je fus de nouveau sur son dos.
- C’est horrible, murmurais-je alors. Je n’ai jamais été malade…
- Il faut une première fois à tout, déclara Hayden en se mettant en marche.
Hayden marchant d’un pas énergique, nous fûmes rapidement à la grande. Me déposant délicatement au sol, il entreprit de sortir mon duvet de mon sac et me prépara un lit avant de m’inviter à m’allonger. Je ne me le fis pas dire deux fois et à peine fus-je couché que je sombrais dans un profond sommeil. Je ne saurais dire combien de temps je dormis, mais lorsque je me réveillais, tout engourdi, le soleil avait disparut derrière les arbres. J’étirais longuement mon corps douloureusement courbaturé, constatant avec satisfaction que ma fièvre avait baissée. Puis, je me levais et allais rejoindre Hayden que j’entendais brasser à l’extérieur. Cependant, même si je me sentais beaucoup mieux, le simple fait de marcher jusqu’à Hayden me fatigua énormément. Les jambes tremblantes, je m’assis près de lui.
- Qu’est-ce que tu prépares ? Demandais-je, curieux.
- Une soupe, pour que tu prennes tes médicaments sans avoir l’estomac vide, répondit-il.
- Je n’aime pas la soupe, répondis-je boudeur, en esquissant un grimace dépit.
- Et bien tu te forcera ! Répliqua Hayden avec fermeté. Je n’ai pas fait deux heures de marche et une bonne heure de cuisine pour que monsieur le malade fasse la fine bouche.
Je ne répondis rien à ceci et Hayden poursuivit en riant :
- Tu es presque agréable quand tu es malade.
- Ah ah ! Marmonnais-je, vexé de sa précédente remarque.
Attrapant une gamelle propre, Hayden la rempli de soupe fumante avant de me la tendre :
- Voilà, c’est prêt, déclara-t-il.
A contrecoeur, je m’emparais de l’assiette et Hayden me tendis une cuillère avant de s’éclipser. Il revint avec mes médicaments qu’il me donna. Je mangeais silencieusement, et aucun mot ne fut échangé durant le repas. Lorsque j’eu terminé mon assiette et pris mes cachets, je me relevais. La fièvre semblait avoir monté de nouveau, et tout mon corps était brûlant. Une fois debout, de déclarais d’une petite voix :
- Je… Je retourne me coucher. Bonne nuit.
- Bonne nuit Gwen, répondit-il. Si tu as besoin de quelque chose n’hésite pas.
- Merci… Murmurais-je faiblement avant de regagner mon lit.
A peine avais-je fermé les yeux que de nouveau, je sombrais dans un profond sommeil sans rêves.
Le lendemain fut semblable à la veille, si ce n’est que je me sentais déjà mieux. La nuit avait été plus que bénéfique et la fièvre était tombée. Et même si j’avais toujours énormément mal à la gorge, je me sentais bien plus en forme que je ne l’avais été ces deux derniers jours. Alors que le soleil déclinait à l’horizon, annonçant une fin de journée des plus douces, j’allais m’asseoir près d’Hayden qui lisait tranquillement. Depuis un moment déjà j’avais réfléchit au comportement d’Hayden et malgré moi, je ne pouvais m’empêcher de trouver sa façon d’agir obscène. Comment pouvait-il ainsi coucher avec autant de personnes différentes ? N’avait-il aucune estime de lui-même ?
Ferment son livre, Hayden s’approcha de moi.
- Comment te sens-tu ? Demanda-t-il.
Je ne répondis rien et face à mon absence de réponse, il posa sa main sur mon front. Sursautant à ce contact, je le repoussais vivement :
- Combien de fois est-ce que je t’ai dis de ne pas me toucher, déclarais-je.
- J’ai la réponse à ma question, répliqua-t-il, agacé. Oh et puis merde à la fin. Je me demande pourquoi je m’entête avec toi. Tu as une attitude d’enfant gâté. Tu es vraiment insupportable quand tu es comme ça, s’emporta-t-il.
- Si je suis insupportable, tu n’as qu’à partir ! M’exclamais-je. Je me débrouillerais tout seul.
- J’aimerais bien voir ça ! Railla-t-il en se moquant ouvertement de moi.
Vexé, je répondis brusquement :
- Je me débrouillerais mieux que toi en tout cas !
Hayden cessa subitement de rire et demanda, froidement !
- Qu’est-ce que tu sous-entends par là ?
- Jamais je ne m’abaisserais à coucher avec quelqu’un pour avoir un toi ! Criais-je, furieux.
- Ca n’a strictement rien à voir ! S’exclama Hayden avec verve. Je n’ai pas couché avec lui pour avoir un toi mais parce que je voulais me faire plaisir, chose que tu sembles toujours t’interdir ! Répliqua-t-il avec colère.
- Le fait est là ! M’exclamais-je, ignorant sa dernière remarque. Tu as couché avec celui qui t’héberge, ce n’est pas mieux que ce que faisait ta mère pour de l’argent…
A peine eussais-je terminé ma phrase que déjà je regrettais de l’avoir prononcée. Les mots étaient sortis de ma bouche avant que je ne prenne conscience de ce que je disais et je me sentis subitement envahi de honte. Le regard que me lança Hayden acheva de me faire regretter mes paroles. Je l’avais blessé… Ca n’avait pas été mon intention, mais je l’avais fait quand même. Brusquement, il se leva et frappa violemment contre les vieilles planches en bois de la grange qui cédèrent sous le choc, me faisant sursauter. Puis, il reporta son attention sur moi. Craignant qu’il ne me fasse subir le même sort qu’aux planches de bois, j’eu un mouvement de recul, apeuré. Cependant, il se contenta de me demander, d’une voix glaciale :
- Tu as enquêté à ce point sur moi ? Je ne sais pas comment tu as su ! Et toutes ces questions que tu me posais innocement ! Je ne te croyais pas comme ça Gwendal !
Sans un mot de plus, il me tourna le dos et s’éloigna d’un pas vif, me laissant complêtement abassourdi derrière lui. Qu’est-ce qu’il allait s’imaginer ? Jamais je n’avais mené la moindre enquête contre lui ! Quant aux questions que je lui posais, n’était-il pas normal que deux personnes se posent des questions pour apprendre à ce connaître ? Si nous devions faire un bout de chemin ensemble, n’était-il pas normal que nous apprenions à nous connaître ? N’avais-je pas le droit de me renseigner ? Jamais je n’avais chercher à en apprendre plus sur lui contre son gré… J’avais bêtement répétés les mots de mon père…
Je ne sais combien de temps je restais là, immobile à l’entrée de la grange. Plus le temps passait et plus je craignais qu’Hayden ne me prenne au mot et ne revienne pas. Car malgré ce que lui avait affirmé, je n’étais pas sûr de savoir me débrouiller seul aussi bien que lui le faisait… Lorsque le temps tourna à la pluie et qu’une averse s’abattie sur la forêt, je m’attendais à voir Hayden débouller en courant. Cependant, lorsque l’averse se fut calmée, il n’y avait toujours aucune trace de lui aux alentours. Et subitement, je fus prit d’un doute horrible. Et s’il lui était arrivé quelque chose ? S’il avait été attaqué par des brigands ? Un ours ? S’il était mort ?
Alors que je m’imaginais mille et un scénario catastrophe je le vis sortir des bois et venir dans ma direction en un seul morceau et trempé. Je lui adressais alors un regard empli de soulagement et de remords qu’il ignora complêtement. Sans un mot pour moi, il alla s’installer à l’extérieur de la grange, la où l’herbe avait été protégée de la pluie. Après un instant d’hésitation, je finis par m’approcher de lui, mais il n’y fit pas attention.
- J’ai cru que tu ne reviendrais pas, déclarais-je d’une voix basse, hésitant, ne sachant comment me comporter avec lui.
Comme je m’y attendais un peu, Hayden n’eut pas la moindre réaction. C’est alors que mon regard se posa sur sa main. Elle était en sang…
- Ta main… Soufflais-je. Il faudrait que tu la soignes…
Hayden sembla se rendre compte seulement maintenant que sa main était blessée. Doucement, il entreprit de faire bouger ses doigts. Puis, visiblement satisfait, il la reposa sur son ventre. Sans un mot, je m’éclipsais à l’intérieur. Là, je fouillais dans le sac d’Hayden à la recherche de quelque chose pour le soigner. Avisant la trousse à pharmacie, je m’en emparais, satisfait, avant de retourner auprès d’Hayden.
- Laisse-moi voir ta main, s’il te plait, déclarais-je en m’agenouillant près de lui.
Semblant se rendre compte seulement maintenant de ma présence, Hayden sursauta avant de reporter son attention sur moi.
- Je croyais que mes mains te dégoûtaient ! Déclara-t-il, acerbe.
- Je peux le supporter le temps de soigner ta main, répondis-je simplement, ne souhaitant pas le voir attraper une infection par ma faute.
Face à l’absence de réaction de mon aîné, je décidais de m’y prendre autrement. Mal à l’aise, je pris mon courage à deux mains et me lançais à l’eau :
- Je m’excuse pour ce que je t’ai dit, murmurais-je. Je n’aurai pas dû… Je suis désolé.
Hayden ne répondit rien. Je réprimais un soupir avant d’insister :
- Hayden, laisse-moi voir ta mail, s’il te plait.
Soupirant, il finit cependant par céder et me la tendit. A la vue du sang coagulé, je du prendre sur moi pour ne pas rendre le contenu de mon estomac. Respirant profondément, j’ouvris la trousse à pharmacie et entrepris soigneusement de panser ses plaies plus ou moins superficielles avec les moyens dont je disposais.
- Comment tu as su pour ma mère ? Demanda Hayden dans un souffle après un temps.
Stoppant mes soins, je reportais mon attention sur lui avant de répondre, mal à l’aise :
- Mon père… Il a enquêter sur toi. Il… Il me l’a dit quand je suis revenu chez moi de force… Je n’aurai pas du te dire ça ! Ajoutais-je. Je ne le pensais pas !
- C’est bon, soupira-t-il. Je m’excuse pour ce que je t’ai dis dans la grotte l’autre soir. On est quitte comme ça, ajouta-t-il en esquissant une ébauche de sourire.
A mon tour, je tentais de lui rendre son sourire, mais je me sentais vraiment trop mal vis à vis de lui pour être entièrement sincère. Le silence s’imposa à nouveau, me laissant le temps de terminer ses soins. Je bandais entièrement la main d’Hayden, laissant seulement ses doigts libres. Alors que je rangeais la trousse à pharmacie, Hayden me remercia. Sans un mot, je retournais la ranger dans son sac. Puis, trouvant une pomme et mon estomac commençant à crier famine, je la saisie et croquais un morceau avant d’aller rejoindre Hayden. En silence, je m’installais à ses côtés, lui tendant la pomme que j’avais prise pour lui. Aussitôt, il déclara :
- Pourquoi est-ce que tu as été aussi désagréable avec Max ? Me demanda-t-il.
- Je ne sais pas, répondis-je honnêtement. Je ne l’aime pas, il ne m’inspire pas confiance.
- Pourquoi ça ? Demanda Hayden, étonné. Il n’y a pas plus gentil et honnête que Max.
- Non mais tu n’as pas vu le regard qu’il posait sur toi ! M’exclamais-je, choqué à ce souvenir, me rappelant parfaitement le regard purement lubrique qu’il avait eu pour Hayden. C’était… Abject ! Pervers ! Répugnant !
A mon plus grand étonnement, je vis Hayden sourire face à mon animosité.
- C’est bon, je crois que j’ai compris, Gwen ! C’était tout simplement du désir, rien de plus…
Je lui adressais un regard sceptique, écoeuré par toute cette histoire. Après une courte pause, Hayden entrepris de m’expliquer :
- Max est parti de rien. Son bar était un bâtiment délabré qu’il a acheté pour une bouchée de pain. En réalité, il y a mis toutes ses économies. Il l’a retapé seul, et il venait tout juste d’ouvrir lorsque je suis arrivé. Il adore raconter son histoire maintenant. Il m’a embauché et j’ai travaillé deux mois pour lui le temps qu’il trouve un remplaçant. Pour ce qui est de ce qui semble t’écoeurer au plus haut point, nous éprouvions une attirance mutuelle et nous avons simplement pris du bon temps ensemble…
- Et bien tu aurais pu le faire discrêtement ! M’exclamais-je à ce souvenir horrible. J’ai passé une nuit atroce !
- Je tenterais d’être plus discrêt la prochaine fois ! Répondit Hayden avec amusement.
- La prochaine fois ? Répétais-je, horrifié. Tu t’envois vraiment en l’air avec n’importe qui ? M’exclamais-je, choqué pour de bon.
- Ca ne te regarde pas ! Décréta-t-il d’un ton un peu sec qui me fit sursauter. Quoi ? Tu es jaloux ? Ajouta-t-il en riant.
- Je ne suis certainement pas jaloux de ça ! M’offusquais-je.
D’ailleurs, je n’arrivais pas à comprendre quel plaisir il pouvait trouver à ce genre de… de batifolage ! Tout cela me dépassait complêtement ! L’acte physique n’était il pas censé être partagé avec la personne que notre coeur avait choisi ? 
J’avais énormément de mal à comprendre qu’il puisse être libertin à ce point. Je savais qu’il avait aimé Julien, donc qu’il le fasse avec lui me choquait moins, mais qu’il le fasse avec Max pour qui il ne semblait éprouver aucun sentiment affectif… Non, décidément, je ne comprenais pas ! Et je lui fis par de mes réflexions, un peu gêné tout de même d’aborder un sujet aussi intime avec lui :
- Je pensais que… Je pensais que tu le faisais avec ceux que tu aimais… Comme avec Julien.
- Tu sais Gwen, commença gravement Hayden, je n’ai jamais aimé quelqu’un au point de tout abandonner pour lui. Je ne sais même pas vraiment ce qu’on ressent. Je te l’ai pourtant dis. Je vis libre et je profite de tous les plaisirs qu’offre cette liberté.
- Mais… Insistais-je, malgré le rouge qui commençait à me monter aux joues. C’est pourtant un acte extrêmement intime. Comment peux-tu le faire avec quelqu’un que tu connais à peine. Ca doit être affreux !
- Si c’était affreux, crois-moi, j’aurais cessé depuis longtemps ! S’exclama-t-il en riant.
Je n’arrivais pas à croire que je parlais de… “ça” ! Et avec personne d’autre qu’Hayden qui plus est ! La personne la plus désinihibée qu’il m’était donné de rencontrer. Pour ma part, je rêvais de rencontrer un jour la personne qui ferait battre mon coeur, la personne que j’aimerai plus que tout au monde. Cette personne avec qui je partagerais tout, mes peines, mes joies, mes rêves et mes espoirs…
- Tu sais, Gwendal, reprit Hayden, m’interrompant dans mes pensées, ce que tu sembles idéaliser, je ne l’ai jamais connu. Cela est peut-être du à mma mère, mais… J’ai vraiment du mal à croire à l’existence d’une telle chose.
- Tu ne l’a peut-être jamais chercher, déclarais-je avec un petit sourire.
- Peut-être, murmura-t-il.
Le silence nous enveloppa de nouveau, chacun méditant sur les paroles de l’autre. Hayden attaqua la pomme que je lui avais apportée et j’en fis de même, terminant la mienne. Une question me venant à l’esprit, je demandais alors :
- Tu es resté en contact avec ta mère ? Tu sais ce qu’elle devient ?
A cette question, Hayden manqua de s’étouffer et je réalisais seulement que peut-être, je venais de dire une bétise. Ancrant son regard au mien d’un air grave qui me confirma dans mes doutes, Hayden déclara alors :
- Je n’ai pas la moindre envie de parler de ça, Gwendal ! S’il te plait, arrête de me questionner sur mon passé.
Alors que je m’apprêtais à m’excuser au vue de sa réaction, il ajouta aussitôt :
- Je te propose la chose suivante : tu arrêtes de m’interroger et en échange, je veux bien tenter de t’apprendre le français. Mais je ne te promets rien. Cela fait très longtemps que je ne l’ai pas parlé.
- Je… Tu n’es pas obligé, soufflais-je, embarrassé.
Pour toute réponse, Hayden me tendit sa main :
- Je ne te le proposerais pas deux fois, Gwen. Alors ?
Après un instant d’hésitation, je finis par saisir la main qu’il me tendait.
- C’est d’accord ! Déclarais-je, saisissant sa main.
Sans que je ne comprenne pourquoi, Hayden posa subitement sa main sur mon front.
- Gwendal, tu devrais te reposer et dormir un peu, déclara-t-il. Nous sommes là pour ça. Tu es brûlant de fièvre.
Plongé dans notre discussion, je n’avais pas senti ma température augmenter, mais ramené à la réalité par Hayden, je devais me rendre à l’évidence, je n’allais pas très bien. Sans attendre de réponse de ma part, il se leva et me tendis la main pour m’aider à faire de même. Alors que je me levais, je fus brusquement pris d’un vertige et Hayden dut me retenir. Avec précaution et une douceur que je n’aurai jamais cru chez lui, il m’accompagna jusqu’à mon lit de fortune sur lequel je m’étendis sans la moindre protestation. L’instant d’après, il s’éclipsait pour revenir avec mes cachets et une serviette humide.
- Dors, souffla-t-il après avoir passé une main dans mes cheveux en un geste tendre qui m’étonna.
Cette nuit là, je dormis très mal, rongé par la fièvre. Claquant des dents, je tentais d’appeler Hayden, mais rien d’autre qu’un murmure ne s’échappa de ma gorge en feu.
- Gwendal ? Ca va ? Demanda Hayden en se précipitant à mon chevet.
- Non, murmurais-je. J’ai soif et je suis gelé.
- Tu es pourtant brûlant, déclara Hayden en posant sa main sur mon front. Bouge pas, je t’apporte à boire.
Je le remerciais mentalement. Au vue des courbatures qui contractaient mes muscles, j’aurai été incapable de sortir de mon duvet. En un rien de temps, il fut de nouveau à mes côtés, remplissant un gobelet d’eau fraîche. Avec l’eau, il me donna à nouveau un cachet contre la fièvre.
- J’ai mal à la gorge, gémis-je tentant de boire malgré ma gorge enflammée.
- Là… Souffla Hayden en me caressant tendrement la joue. Ca va passer…
Soudain, je serrais ma main sur sa chemise et l’attirais brusquement à moi, tentant de lui faire comprendre ce que je voulais, incapable de le dire. Manquant de tomber sur moi, Hayden s’allongea alors près de moi. En un rien de temps, je fus tout contre lui, tentant de lui voler un peu de sa chaleur corporelle. Doucement, sa main passa dans mes cheveux collés par la sueur et d’une voix apaisante, il me murmura de me calmer.
- Tu restes là, soufflais-je, sans réellement prendre conscience de mes actes, la fièvre me faisant délirer. Ne m’abandonne pas… Ne pars pas. Reste ici… S’il te plait…
- Je ne bouge pas Gwendal, me rassura-t-il, je suis là…
Cependant, je ne desserais pas les poings, toujours fermement agrippé à sa chemise, craignant de le voir partir comme il avait failli le faire un peu plus tôt. Lorsque je sombrais de nouveau dans un sommeil profond, abattu par la fièvre, Hayden était toujours à mes côtés, tenant sa promesse…
Nous restâmes une journée et une nuit de plus avant de reprendre la route, attendant que je sois parfaitement rétabli. Nos rapports s’étaient grandement améliorés lorsque nous reprîmes la route. Comme je l’avais promis à Hayden, je ne lui posais plus aucune question sur son passé. En revanche, je compenssais la frustration en lui posant des questions sur son mode de vie, ayant toujours beaucoup de mal avec son côté libertin. Et comme convenu, il commença à m’apprendre le français, non sans un certain dégoût. J’avais toujours voulu apprendre à parler français et ma motivation était telle que je retenais avec une facilité déconcertante tout ce qu’il m’apprenait.
Après plusieurs jours de marche, nous finîmes par arriver dans un lieu qu’Hayden semblait bien connaître. Alors qu’il accélérait subitement le pas, je demandais :
- Où est-ce qu’on va ? Tu sembles bien pressé tout d’un coup.

- Ce soir, nous dormons dans un lit bien confortable, déclara Hayden avec un sourire.
A ces mots, je sentis ma bonne humeur s’envoller et l’idée d’un bon lit ne me faisait plus autant envie que ça. Face à mon silence, compenant les sombres pensées qui étaient les miennes, Hayden éclata de rire :
- Ne t’inquiète pas ! C’est une femme et âgée qui plus est !
Honteux d’avoir été aussi transparent dans mes pensées, je m’empourprais violemment.
- Comment elle s’appelle ? Demandais-je alors. Comment tu l’as connue ?
- Elle s’appelle Linda, répondit-il. C’est une femme femme très gentille, tu verras, tu l’aimeras beaucoup et je pense qu’elle t’apprécieras. Elle a fait beaucoup pour moi. Chaque année, à cet époque, je viens la voir et on célèbre son anniversaire. Son mari est mort et elle n’a pas eu d’enfants. Elle a rarement du monde qui vient la voir… Alors ça te convient ?
- Je… Oui ! Déclarais-je en liu rendant son sourire. On y est bientôt ?
- Encore une petite demi-heure, m’apprit-il avant de se remettre en route, tandis que je lui emboîtais le pas.
- Tu as rencontré beaucoup de monde, repris-je après un court instant. Il est rare que l’on passe plus de quelques jours sans que tu ne connaisses quelqu’un, fis-je remarquer.
- C’est vrai, approuva-t-il. Cela dépend des régions. Je suis resté pas mal de temps dans celle-ci. L’hivers est rude, mais l’été est une saison très agréable ici.
- Tu as de la chance, soufflais-je envieux malgré moi. Je n’ai jamais rencontré personne hormis les amis de mon père.
C’était ce qu’il y avait de plus vrai. Hayden avait été le premier étranger à qui j’ai parlé. Avant cela, je n’avais jamais eu de véritable ami, personne à qui parler. A vrai dire, c’était la première fois en presque vingt-deux ans, que je pouvais parler aussi librement avec quelqu’un. Nous avions abordés en quelques jours plus de sujet de conversation que je n’en avais eu de toute ma vie avec mes parents. Malgré son côté libertin auquel je ne parvenais pas à m’habituer, Hayden était une personne vraiment intéressante qui avait vécu et avait des choses à raconter et à apprendre.
- Mais maintenant, reprit Hayden, m’interrompant dans mes réflexions, tu t’offres aussi cette chance ! Qui sait, peut être que tu rencontrera une jolie fille et que tu me laissera continuer seul, ajouta-t-il en riant.
- Je… Je… Je veux pas rencontrer de filles ! Bafouillais-je, embarrassé, n’ayant encore jamais songé à cette idée.
- Ou un beau mec comme moi ! Ajouta-t-il, se moquant ouvertement de moi.
Instantanément, je m’empourprais, vexé par ses remarques un peu blessantes.
- Je ne veux pas rencontrer quelqu’un comme ça ! Répliquais-je, vexé.
- C’est ce que tu crois, dit-il, amusé.
Je ne répondis rien, de façon à lui faire comprendre que la conversation ne m’intéressait plus du tout. Semblant le comprendre, il n’insista pas davantage. Le silence s’abatti alors entre nous, jusqu’à ce que finalement, je déclare, changeant de sujet :
- Vivement qu’on arrive, je ne sens plus mes pieds.
- Il faudra qu’on t’achète de nouvelles chaussures, déclara-t-il en avisant les miennes.
Il nous fallut même moins d’une demi-heure pour arriver devant ce qui semblait être la maison de cette fameuse Linda, un peu à l’écart de la ville. Nous passâmes un petit portail en fer forgé avant d’arriver jusqu’à la porte d’entrée. Là, Hayden frappa plusieurs coups à la porte qui s’ouvrit presque aussitôt. Une jeune femme, les lèvres pincées, demanda aussitôt :
- Je peux savoir ce que vous voulez ? Demanda-t-elle très désagréablement.
Il ne m’en fallut pas plus pour la détester !
- Heu… Hésita Hayden face au ton employée par la mégère. Bonjour, est-ce que Linda est ici ?
- Cette vieille bique ? S’exclama la jeune femme. Elle nous a quitté depuis 6 mois.
- Pardon ? Demanda Hayden d’une voix tremblante. Où est-elle ?
La femme le regarda comme s’il était le dernier des imbéciles et, face à la mine perdue d’Hayden, je ne pus m’empêcher d’avoir mal pour lui face à cette terrible nouvelle.
- Au cimetière, comme toutes les personnes qui décèdent ! Répliqua la mégère sans la moindre considération pour lui. Autre chose ? Vous êtes sur une propriété privée ici, alors si vous ne voulez rien de plus, je vous prie de partir.
Et avant qu’Hayden ait le temps de répondre quoi que ce soit, la femme claqua la porte, mais Hayden ne bougea pas. Face à la mine complêtement perdue qu’il affichait, ne voulant pas rester ici, je pris sa main dans ma mienne, et l’attirant à ma suite, je déclarais doucement :
- Viens Hayden, suis moi.
Docilement, il me laissa le mener à l’extérieur de la propriété et avisant un banc, je le conduisis jusque là afin qu’il s’assied.
- Je suis désolé que tu l’ai appris de cette manière, commençais-je en m’asseyant près de lui, sachant mieux que n’importe qui combien une telle nouvelle pouvait être douloureuse.
Hayden ne répondit rien, laissant tomber son sac à ses pieds. Ne sachant comment me comporter vis à vis de lui, mais ne pouvant ignorer la douleur qu’il ressentais, je tentais de le rassurer, ma main passant timidement dans son dos. C’était peu, contrairement à ce qu’il ressentait, mais je ne pouvais rien faire d’autre qu’être là pour lui, le reste, il devrait le faire seul… Après un long silence, respectant son mutisme, je finis par proposer :
- Et si nous prenions une chambre d’hôtel ce soir. Je pense que nous en avons besoin… Surtout après ce que tu…
- Je n’en ai pas besoin ! Répliqua-t-il, me coupant la parole.
- Moi si ! Déclarais-je alors. Une vraie douche, un vrai lit, cela nous fera le plus grand bien.
- Si c’est pour toi, alors d’accord, céda-t-il, soudainement las.
- Bon et bien allons-y, décrétais-je en me redressant. Il commence à se faire tard.
Hayden me suivit sans un mot. Pour la première fois, je passais devant, ouvrant le chemin. Nous fîmes le chemin inverse pour revenir dans la petite ville. Arrivés devant un hôtel modeste, le seul dans cet endroit, dont le rez-de chaussée était un bar, je donnais de l’argent à Hayden afin de le laisser aller payer la chambre et allait l’attendre dans un coin. Nous avions convenu qu’il était plus prudent que l’on voit mon visage le moins possible. Hayden avait prit une chambre avec deux lits. Nous allâmes y déposer nos affaires et nous offrir une douche amplement méritée. Puis, la faim commençant à se faire ressentir, je proposais à Hayden d’aller manger un petit quelque chose au bar qui servait aussi des plats simples. L’ambiance était plutôt animée et nous choisîmes une table un peu à l’écart de la foule. Je commandais une salade et lorsque le serveur demanda à Hayden ce qu’il voulait, il répondit :
- Un verre de votre alcool le plus fort, et soyez généreux.
- Ce sera tout ? Demanda le serveur.
- Oui, merci, répondit simplement Hayden.
- Bien, déclara le serveur en reprenant les cartes avant de s’éclipser.
Ce ne fut que lorsqu’il se fut éloigné que je demandais, un peu inquiet pour lui :
- Tu es sûr que c’est une bonne idée ?
- T’occupes pas, Gwen ! Marmonna-t-il, renfrogné.
- C’est juste que ce n’est pas vraiment la meilleure méthode pour faire son deuil… Insistais-je.
- Parce qu’il existe une bonne méthode ? Répondit-il, acerbe.
- Oh et puis, fait bien comme tu veux ! M’exclamais-je, fatigué d’être le seul à faire des efforts. Saoule-toi ! Mais ne me demande pas de te tenir la main quand tu ne te sentira pas bien.
- Je ne t’ai jamais demandé de t’occuper de moi, répliqua-t-il vivement. Personne ne l’a jamais fait jusque là ! Pas même ma mère.
Avant que je n’ai le temps de répondre quoi que ce soit, il ajouta brusquement :
- Désolé Gwendal, je crois que j’ai besoin d’être seul.
Sans me laisser le temps de répondre quoi que ce soit, il se leva et alla s’installer au comptoire. Blessé, d’être ainsi ignoré alors que mon seul souhait était de l’aider, je mangeais ma salade, ignorant les protestations de mon estomac noué. Puis, reportant mon attention sur Hayden, je le vis se faire aborder par un homme. Je me levais alors et sans même prévenir Hayden de mon départ, je remontais dans la chambre. De toute façon, il avait bien mieux à faire que de rester avec moi… Triste et horriblement déçu, me rendant compte qu’il préférait la présence d’étrangers à la mienne, je me mis en pyjama et allais me laver les dents. Puis une fois mes cheveux déméllés, je me laissais tomber sur mon lit. J’allumais la télévision mais n’y voyant rien d’intéressant, je l’éteignis sans plus attendre. Finalement, j’essayais de dormir, mais c’était sans compter sur le sommeil qui me fuyait désespérément.
Je me demandais ce que faisait Hayden… Allait-il bientôt rentrer ou passerait-il la nuit avec cet homme que je l’avais vu draguer ?
Je ne saurais dire combien de temps je restais ainsi, allongé, immobile dans le noir le plus complet. Même lorsque j’entendis la porte de la chambre s’ouvrir et Hayden rentrer le plus discrêtement possible, je ne fis aucun mouvement. Je n’avais toujours pas digérer la façon dont il m’avait lachement abandonné un peu plus tôt… Soudain, j’entendis un violent bruit de chute alors qu’Hayden s’exclamais, furieux :
- Merde ! Fait chier !
Me redressant brusquement, j’appelais :
- Hayden… C’est… C’est toi ?
- Oui, répondit-il simplement.
Il se redressa et marcha jusqu’à son lit, situé à l’autre bout de la pièce. J’allumais alors la lumière et reportant mon attention sur lui, je demandais :
- Qu’est-ce qui se passe ?
- Rien, je me suis juste tordu la cheville, désolé de t’avoir réveillé.
- Je ne dormais pas, répondis-je alors. Je n’y arrive pas.
Hayden massa sa cheville et je me levais pour aller m’asseoir à côté de lui. Soupirant, Hayden déclara :
- Je suis désolé de t’avoir laché comme ça tout à l’heure. C’était pas cool… Mais j’avais besoin de… Enfin…
- Tu sais, déclarais-je, ignorant sa dernière phrase. Je comprend ce que tu ressens. J’ai perdu ma grand-mère…
- Linda n’était pas ma grand-mère ! Répliqua-t-il peut-être un peu trop vivement.
- Elle ne l’était peut-être pas, cédais-je, mais il me semble que dans ton coeur, c’était tout comme… Autrement, tu ne serais pas aussi affecté.
Hayden ne répondit rien, semblant réfléchir à ce que je venais de lui dire. Le voyant se renfermer sur lui-même, mais souhaitant l’aider tout de même, je posais distraitement ma main sur sa cuisse, dans un geste qui se voulait apaisant.
- Elle était âgée, souffla-t-il, se confiant enfin à moi. Cela devait arriver à un moment ou à un autre.
Je ne répondis rien, le laissant poursuivre à sa guise :
- C’était ta grand-mère paternelle ? Me demanda-t-il alors.
- Maternelle, répondis-je en esquissant un petit sourire douloureux à son souvenir. Elle est partie il y a 6 ans…
- Tu étais proche d’elle ?
- Plus qu’avec mes parents, soufflais-je au souvenir de cette femme qui avait était plus un mère pour moi que ma propre génitrice, m’ayant donné autant d’amour qu’elle le pouvait, me faisant me sentir aimé pour la première fois. Elle était différente, ajoutais-je, plongé dans mes souvenirs. D’ailleurs, ma famille ne l’appréciait pas beaucoup pour son franc parlé.
- J’aurai bien aimé la rencontrer, déclara Hayden, et ces quelques mots me firent chaud au coeur. Je suis sûr que tu as hérité de certains traits de son caractère, ajouta-t-il, se moquant gentiment de moi.
Je ne répondis rien, me contentant de lui rendre son sourire. Hayden s’étira alors en soupirant profondément.
- Il faudra qu’on trouve un travail, reprit-il en changeant de sujet. On ne peut continuer de vivre sur nos économies. Qu’est-ce que tu sais faire ?
- Je… C’est-à-dire… Commençais-je, mal à l’aise.
- Oh, j’ai une idée ! S’exclama-t-il. Tu compteras les billets que je gagnerais, ajouta-t-il en ce moquant de moi. Ca tu es capable de le faire.
Si sa remarque me blessa, je n’en montrais rien, me contentant de protester vivement :
- Il est hors de question que je ne participe pas !
- Nous vivons sur ton argent, Gwen, tu participes largement.
- Ce n’est pas mon argent, protestais-je, c’est le nôtre. Il est pour nous deux.
- Alors laisse-moi travailler pour nous deux, répliqua-t-il avec un sourire. Tu n’as pas la condition physique pour les genres de travaux que l’on trouve dans notre condition de vagabonds…
- Mais je veux aider, protestais-je faiblement. Même si je ne sais pas faire grand chose…

- Nous en reparlerons demain, déclara Hayden en bâillant. Pour l’instant, que dis-tu d’une bonne nuit de sommeil. Ce serait bête de ne pas profiter de cet hôtel.
- Ca va aller ? Demandais-je, alors, inquiet.
- De quoi ? Ma cheville ? M’interrogea-t-il, surpris.
- Non… Hésitais-je. Linda…
- Nous irons voir sa tombe demain avant de reprendre la route, dit-il, la voix plus grave.
J’acquiescais avant de regagner mon lit. Finalement, parler un peu avec Hayden m’avait fait du bien car quelques minutes après m’être allongé, je sombrais dans un profond sommeil.
Le lendemain, il avait été facile de trouver le cimetière après avoir demandé notre route. Hayden avait rêvé d’elle cette nuit. Je l’avais entendu l’appeler, mais je n’avais pas oser le réveiller… Lorsque nous arrivâmes à sa tombe, je m’arrêtais un peu en retrait, laissant toute son intimité à Hayden, ne me sentant pas le droit de l’accompagner. De loin, je le vis ouvrir son sac et sortir le cadeau qu’il avait fait pour elle. Il me l’avait montrer et j’avais été impressionné par son habileté. Il avec sculpté une petite maison en bois très réaliste. Lentement, il déposa le cadeau sur la tombe, comme je l’avais tant fait auparavant pour ma grand-mère bien aimée.
Je ne savais pas grand chose de cette femme, Linda, hormis qu’Hayden avait beaucoup tenu à elle.
Après un temps, Hayden revint vers moi. Esquissant un sourire qui sonnait faux, il déclara à voix basse :
- Reprenons la route.
J’acquiesçais silencieusement, lui emboitant le pas. Nous quittâmes le village sans un regard en arrière, reprenant notre route, le coeur lourd. Nous marchâmes pendant plusieurs heures en silence et ce ne fut que lorsque le soleil fut à son zénith et que la température se fit trop chaude, qu’Hayden sonna l’heure de la pause. Nous nous installâmes au bord d’une rivière appréciant la fraîcheur qu’elle nous accordait. Brisant finalement le silence, je demandais doucement :
- Hayden ? Où allons-nous aller maintenant ?
- Où le vent nous mène, répondit-il en souriant. Qu’en dis-tu ?
J’opinais de la tête, lui rendant son sourire. Après une seconde de silence, il poursuivit :
- Même si, je me doute que tu as déjà du visiter tout ses endroits…
- Moi ? Demandais-je surpris.
- Qui d’autre ? Répondit Hayden en riant.
- Et bien… Commençais-je, hésitant à lui dire que je n’étais jamais sortis de che-moi. Pas vraiment…
- Comment ça ? Demanda Hayden, plus que surpris. Tu n’as jamais voyagé ?
Pour toute réponse, je secouais négativement la tête, avant de lui expliquer :
- Mon père n’a jamais jugé utile de voyager… Pour lui, ce n’était qu’une perte de temps et d’argent…
- Mais, qu’as-tu fais durant toutes tes vacances scolaires ? S’exclama-t-il, éffaré.
- Je n’avais pas de vacances, répondis-je, esquissant un petit sourire sans joie. Je n’allais pas à l’école. Père n’a jamais voulu…
- Mais tu as bien appris à lire et à écrire… Commença-t-il, visiblement perdu.
- J’avais un précepteur…
- Oh… Alors tu n’as jamais rien fait dans ta vie ?
- Si, soufflais-je en lui adressant un petit sourire. J’ai étudié…
- Quelle joie ! Grimaça Hayden face à ma réponse.
- Tu n’aimes pas étudier ? Demandais-je, surpris.
- Disons que… Je n’ai jamais été un grand fan de l’enseignement public… Je suis allé à l’école, mais dès qu’il m’a été possible de ne plus y aller, je n’y suis pas retourné…
- J’aime étudier, répondis-je. C’est ma manière à moi de voyager…
- Je n’arrive pas à y croire, souffla Hayden après un temps, comme s’il essayait de ce faire à cette idée. S’il y a bien une chose pour laquelle j’appréciais ma mère, c’est qu’elle se souciait tellement peu de moi que même si je partais pendant 15 jours, c’est à peine si elle s’en rendait compte…
- C’est de là que tu tiens ta liberté ? Demandais-je.
- Oui, répondit Hayden en laissant son regard se poser sur la rivière. Elle m’a au moins offert ça…
Je ne répondis rien et le silence s’installa de nouveau entre nous. Soudain, je sursautais en entendant Hayden se lever et déclarer avec enthousiasme :
- Et bien, je te propose qu’à partir d’aujourd’hui nous fassions tout ce qu’une personne normalement constitué se doit vivre au moins une fois dans sa vie et que tu n’as jamais eu l’occasion de découvrir !
- Hein ? M’exclamais-je, surpris, ne comprenant pas où il voulait en venir !
- A commencer, par se baigner tout nu dans une rivière !
Sur ses mots, avant que je n’ai le temps de réaliser entièrement ce qu’il faisait, Hayden se dévêtit et une fois entièrement nu, plongea dans la rivière. 
- Allez vient ! S’exclama-t-il en refaisant surface. Qu’est-ce que tu attends ?
- Je ne suis pas sûr que…
Je me tu subitement en voyant Hayden sortir de l’eau. Terriblement gêné, je détournais le regard. Sans prêter attention à ma gêne, il m’attrapa par le poignet en souriant et déclara :
- Il est grand temps que tu apprennes à t’amuser ! Allez vient !
Sans attendre de réponse, il me mit debout et entreprit de m’entraîner à sa suite, malgré mes protestations.
- Quoi ? S’exclama-t-il ? Tu ne sais pas nager ?
- Bien sûr que si ! M’offiusquais-je.
- Bon alors, où est le problème ?
Et sans me laisser le temps de répliquer quoi que ce soit, il me poussa vivement. Je ne pu retenir un cri de surprise avant d’attérir dans l’eau tout habillé. Je manquais de boire la tasse et après m’être débattu un moment, je retrouvais mon équilibre et me redressais frigorifé. Repoussant mes cheveux de mon visage, je lançais à Hayden un regard stupéfait alors qu’il éclatait de rire face à ma mine déconfite :
- Mais tu es fou ! Elle est…  Elle est glacée !
- Petite nature ! Sourit Hayden en me rejoignant. Alors, que penses-tu d’être enfin un garçon presque comme les autres ?
- Je ne me sens pas différent, répondis-je, ne comprenant pas le sens de sa question.
- Ah ! Et maintenant ? Demanda-t-il en commençant à m’éclabousser.
- Tu veux jouer ? Demandais-je en me protégeant au mieux. Alors jouons !
Sur ces mots, je sautais sur Hayden qui, prit au dépourvu, coula comme une pierre. A mon tour, j’éclatais de rire et il n’en fallut pas plus pour que s’engage une bataille d’eau des plus animées. Lancé dans la bataille, j’en oubliais la nudité d’Hayden et la fraicheur de l’eau. Après une longue bataille qui ne fit aucun vainqueur, Hayden s’approcha de moi l’air soucieux et déclara :
- Tu as les lèvres violettes Gwen, déclara-t-il. Tu ferais mieux de sortir de l’eau avant d’attraper froid…
Sans me laisser le temps de répondre il m’attrapa par le poignet et me guida hors de l’eau. Là, il fouilla son sac à la recherche d’une serviette qu’il me posa sur la tête avant de me frotter vigoureusement les cheveux, ignorant mes protestations. Lassé d’être secoué, j’attrapais alors ses poignets, l’obligeant à arrêter ce qu’il était en train de faire. Surpris, il ancra son regard au mien. Je ne saurais dire combien de temps nous restâmes ainsi à nous fixer. Dans le regard d’Hayden je pus discerner plusieurs émotions que je n’arrivais cependant pas à interprêter. C’était comme s’il me voyait pour la première fois.
Au bout d’un moment, gêné par l’intensité du regard qu’il posait sur moi, je détournais les yeux. Cela sembla ramener Hayden à la réalité car, se libérant de mes mains qui le tenaient toujours, il reprit sa serviette avant de déclarer simplement :
- Tu ferais bien de ne pas garder tes vêtements trempés, tu claques des dents ! Change-toi avant de tomber à nouveau malade !
Puis sans un mot de plus, il se détourna brusquement de moi et s’éloigna rapidement, comme si ma simple présence le répugnait. Blessé d’être traîté de la sorte, je marchais jusqu’à mon sac et choisis des affaires propres. Puis, j’entrepris de partir à la recherche d’un endroit tranquille pour me changer.
- Ne t’éloignes pas trop ! Déclara simplement Hayden.
Soupirant, j’allais me cacher derrière un arbre qui, je l’espérais, me cacherait suffisament. Non sans difficultés, j’entrepris de retirer mes vêtements qui me collaient à la peau. Lorsque je fus entièrement nu, j’attrapais ma serviette et me séchais rapidement avant d’enfiler mes vêtements secs. Une fois décent, j’allais rejoindre Hayden qui s’était lui aussi rhabillé. Lorsqu’il me vit, il m’adressa un sourire auquel je répondis. Le dépassant j’allais alors m’asseoir au bord de la rivière. Jamais encore je ne m’étais senti aussi libre et moi-même que lorsque Hayden m’avait forcé à le suivre dans la rivière. Jamais je ne m’étais laissé aller de la sorte et bien que cela me troublait, j’avais eu, l’espace d’un instant, l’impression d’être quelqu’un d’autre. Quelqu’un sur qui le poids des responsabilités et de la culpabilité n’avait aucun emprise… Pour la première fois, j’avais eu l’impression de vivre, tout simplement.
Plongé dans mes pensées, regardant distraitement l’eau s’écouler paisiblement, je n’entendis ni ne vis Hayden venir s’asseoir à mes côtés. Cependant, apaisé par le calme de l’endroit, je ne sursautais pas lorsqu’il prit la parole :
- Ca va ?
- Mmhmm, répondis-je distraitement.
- A quoi tu penses ? Demanda-t-il d’une voix dans laquelle je perçu une pointe d’amusement.
- Oh… Pardon, je rêvais… Je ne pensais à rien de particulier, répondis-je en me tournant vers lui, lui adressant un petit sourire.
Pour toute réponse, Hayden me rendit mon sourire. De nouveau un silence apaisant nous enveloppa durant de longues minutes avant que je ne reprenne la parole.
- Hayden ? Soufflais-je.
- Oui ?
- Merci, murmurais-je en me tournant vers lui, plongeant mon regard dans le sien.
Comme précédement, Hayden ne répondit rien, me rendant seulement mon sourire, son regard ancré au mien. Et comme précédement, il me contempla avec une intensité telle, qu’elle me mit mal à l’aise. Comme la première fois, je fus le premier à détourner les yeux, sentant le rouge me monter aux joues. J’entendis Hayden esquisser un petit rire amusé avant que le silence ne revienne nous envelopper. Nous restâmes encore de longues minutes, immobiles, contemplant l’eau qui scintillait sous les rayons du soleil.
- Et si nous repartions ? Déclara Hayden après un temps.
- D’accord, répondis-je en me levant, bientôt imité par Hayden.
Après avoir rangé nos affaires nous nous remîmes en marche.
Durant les 15 jours qui suivirent, nous marchâmes sans nous arrêter, dormant à l’extérieur. Et chaque soir, lorsque nous nous arrêtions, j’étais plus qu’épuisé. Nous avancions à bon pas et je n’avais pas encore tout à fait prit le rythme. Hayden m’avait acheté une paire de basket et même si elles me faisaient moins mal que mes anciennes chaussures, ce n’était pas encore tout à fait ça. Alors que je traînais la patte, lessivé, Hayden se tourna vers moi et s’arrêtant pour m’attendre, il demanda :
- Est-ce que tu te sens de marcher encore une petite demi-heure ? Il y a une petite ville pas loin où nous pourrons trouver un hôtel. Tu l’as bien mérité ! Ajouta-t-il en m’adressant un petit sourire.
Sourire auquel je répondis avant de répondre :
- Au point où j’en suis, je ne suis plus à ça près…
- Demain tu pourra dormir si tu veux, déclara-t-il en reprenant la route alors que j’arrivais à son niveau. Je pensais que nous pourrions nous poser un moment pour trouver un travail, qu’en dis-tu ? Cela permettrais que tu te reposes un peu…
- C’est vrai ? Demandais-je, plein d’espoir.
- Oui, c’est vrai, sourit Hayden. Tu as été très courageux ces deux dernières semaines… Je ne t’ai presque pas entendu te plaindre…
- Hey ! Pourquoi on dirait que ça t’étonne ? M’offusquais-je.
- Disons que tu es quelqu’un d’assez caractériel et que tu m’avais habitué à une autre facette de ta personnalité, répondit-il simplement.
- Mais je peux être tout à fait charmant quand je veux, marmonnais-je.
- Je vois ça, répondit-il en m’adressant un sourire énigmatique.
Le reste du trajet se déroula dans la bonne humeur, si bien que nous arrivâmes avant que je ne m’en rende compte. Comme à chaque fois, Hayden alla réserver une chambre d’hôtel et lorsqu’il revint, il affichait une mine contrite.
- Qu’est-ce qui se passe ? Demandais-je, craignant le pire.
- Ils n’ont plus de chambre double disponible, j’ai du prendre une chambre avec un lit simple…
- Oh, tu sais, soupirais-je, je suis tellement épuisé que rien de ce que tu dira ne pourra affecter mon enthousiasme de dormir dans un vrai lit… Et c’est pas comme si c’était la première fois que nous partagions le même lit, ajoutais-je en attrapant mon sac.
Hayden m’adressa un regard soulagé et parti à ma suite, m’indiquant l’étage et le numéro de la chambre. Lorsque j’entrais, je découvrais une chambre modeste mais agréable. Aussitôt, je réservais mon côté du lit, sans demander son avis à Hayden et retirais mes chaussures. m’asseyant sur le lit, je soupirais de bien être au contact moelleux du matelas sous mes fesses endolories avant de commencer à vider mon sac à la recherche d’affaires propres. Ayant trouvé ce que je cherchais, je partais m’enfermer sous la douche.
Lorsque j’en ressorti, près d’une demi-heure plus tard, Hayden était allongé de son côté du lit. Tournant la tête vers moi, il déclara en souriant :
- Tu n’as pas utilisé toute l’eau chaude j’espère !
- J’aurais du ? Demandais-je innocement en me séchant les cheveux avec ma serviette.
- Essaye, et la prochaine fois, je me douche avec toi !
- Je te garderais de l’eau chaude ! M’empressais-je de répondre, sentant le rouge me monter aux joues à cette réflexions.
Connaissant Hayden, je savais qu’il en était parfaitement capable. Cet homme n’avait honte de rien et je le savais capable de relever n’importe quel défis. Autant de pas tenter le diable…
La semaine qui suivit, Hayden nous trouva un petit boulot dans le village voisin, qui consistait à vendre des légumes dans un petit marché. Après quelques erreurs, je m’étais finalement adapté et je m’en sortais plutôt bien. En réalité, heureusement qu’Hayden était avec moi, il m’avait plusieurs fois sorti des ennuis. Il faut dire, les vieilles dames ont du caractère !
Cela faisait maintenant quinze jours que l’on travaillait sur ce petit marché. Nous avions abandonné l’hôtel au bout de deux jours, sous les conseils d’Hayden qui craignait qu’au bout d’un temps, mon visage ne soit finalement reconnu. Nous l’avions échappé belle une fois, lorsqu’un matin, une femme d’une trentaine d’années avait faillit me reconnaître, prétextant avoir vu mon visage dans un avis de recherche télévisé. Après cet incident, Hayden avait insisté pour que je coupe et teigne mes cheveux, chose que j’avais catégoriquement refusée ! C’était tout bonnement hors de question. Par contre, je n’avais pas pu échappé aux lentilles de contact marrons pour dissimuler mes yeux vairons trop particuliers. Je détestais ces yeux qui faisaient que les gens me dévisageaient avec un peu trop d’insistance, me faisant me sentir mal à l’aise. Quand personne ne me traitait de sorcière, comme la vieille bique de l’autre jour…
Du coup, nous étions installés dans une vieille grange. C’est l’homme qui nous employait, un sexagénaire aussi sec que grand, qui nous avait permis de nous installer là le temps que l’on travaillerait pour lui. Du coup, cela nous permettait tout de même d’avoir un minimum de confort. Le soir, nous dormions en général à l’extérieur lorsque le temps nous le permettait. Je contemplais alors les étoiles, ne me lassant pas de les observer. Hayden m’avait surpris une fois et m’avait indiqué le nom de certaines d’entre elles. J’avais été impressionné par son savoir et depuis, chaque soir, allongés côtes à côtes, il m’apprenait le nom d’une nouvelle constellation, m’apprenant également à me repérer et retrouver mon chemin grâce aux étoiles.
A l’abris des regards indiscrêts, Hayden m’attendant patiemment à l’extérieur, j’achevais de me préparer. Ce soir, il y avait une fête au village et nous y avions été conviés. Du coup, après le travail, nous étions revenus à la grange histoire de faire un brin de toilette et de nous changer avant de nous y rendre.
Après avoir tant bien que mal attaché mes cheveux en demi-queue, n’ayant pas de mirroir pour vérifier l’état de ma coiffure, j’allais rejoindre Hayden. Lorsque je sortis, il eut un temps d’arrêt, me dévisageant avec surprise, comme s’il me voyait pour la première fois.
- Quoi ? Demandais-je, mal à l’aise sous son regard inquisiteur.
- Tu es beau ! Répondit-il simplement en me souriant tendrement.
Ne m’attendant pas le moins du monde à un tel compliment et encore moins venant de sa part, je ne pus m’empêcher de rougir, touché malgré moi par la sincérité exprimée par son regard et le son de sa voix.
- Je.. Euh… Merci, soufflais-je, gêné.
- Nous y allons ? Demanda-t-il alors, me tendant son bras, ignorant ma gêne.
Me prenant au jeu, j’attrapais son bras, marchant tout contre lui. Le trajet se fit en silence, les échos de la fête et les cris des enfants nous parvenant de loin dans la nuit qui tombait. Il nous fallut moins de cinq minutes pour arriver sur la petite place centrale du village. Un immense feu brûlait déjà, les enfants dansant autour en riant, au son d’une musique bien trop bruyante à mon goût.
Le début de la soirée se passa lentement et je commençais à m’ennuyer ferme. Un peu plus loin, Hayden discutait et riait avec des personnes dont il avait fait la connaissance un peu après notre arrivée et ne semblait que très peu se soucier de moi. Alors que je m’apprêtais à aller le retrouver pour l’informer de mon départ, un homme à la démarche houleuse et au rire gras, s’approcha de moi en titubant. S’asseyant à mes côtés, il demanda, me soufflant son haleine fortement imprégnée au visage, manquant de me faire vomir. Je risquais le coma éthylique rien qu’avec les vapeurs de son haleine…
- Salut ! Déclara-t-il en s’approchant un peu trop intimement de moi.
Ne souhaitant en aucun cas l’encourager, je me détournais de lui sans lui prêter la moindre attention. Seulement, au lieu de partir, il insita :
- Moi c’est Thomas ! Mais tu peux m’appeler Tom… Et tu es ?
- Pas intéressé ! Répliquais-je, cinglant, sans m’appercevoir qu’Hayden se trouvait dans mon dos.
- Allez mon mignon ! Minauda le pervers. Sois pas si farouche… Je suis certain que tu es beaucoup plus docile avec ton ami… Susurra-t-il, sa main se posant sur ma cuisse.
Le dégoût que je ressentis alors l’emporta sur mon indignation face à l’insulte qu’il venait de me faire. Alors que j’allais répliquer et repousser sa main, Hayden apparut brusquement devant moi, et attrapant mon prétendant indésiré par le col, il l’éloigna prestement de moi, déclarant d’une voix sourde et menaçante :
- Il t’a dit “non”, il me semble ! Alors tu n’insistes pas et tu dégages !
Tandis que le gros lourd allait répliquer quelque chose, Hayden le devança :
- Dégage je t’ai dis ! A moins que tu ne tiennes vraiment à m’énerver…
Avisant le regard hostile de mon garde du corps, le dénomé Thomas me toisa une dernière fois, comme pour me jauger, avant de finalement partir sans demander son reste. Se tournant alors vers moi, Hayden demanda, une trace d’inquiétude dépeinte sur le visage :
- Est-ce que ça va ? Il ne t’a pas touché ?
- Ca va ! Merci ! Le rassurais-je, touché par sa sollicitude. Dis, Hayden… Repris-je, un instant plus tard, hésitant.
- Tu veux danser avec moi ? Me coupa-t-il vivement, comme pour ne pas changer d’avis entre temps.
Ne m’attendant pas à une telle demande, je restais muet de surprise l’espace d’un instant. Puis, me reprenant, je lui adressais un sourire radieux, et lui tendis la main. Un sourire vint illuminer le regard de mon aîné et, à cet instant, le visage à moitié éclairé par les flammes, je ne pus m’empêcher de le trouver beau. Attrapant ma main, il m’aida à descendre de la table sur laquelle j’étais assis, et avec une courbette éléguante, il déposa ses lèvres sur la paume de ma main, me faisant rougir. Fier de son effet, il me sourit avant de me guider sur ce qui faisait office de piste de danse. Comme pour accueillir notre arrivée, la musique changea subitement, et un slow s’éleva dans les airs.
 Avec une certaine timidité, je plaçais ma main dans celle puissante d’Hayden, prenant sur moi pour ne pas rougir lorsqu’il passa son autre main au creux de mes hanches. Ancrant son regard au mien, il me sourit avec tendresse avant d’esquisser une premier pas. Gêné, je détournais les yeux, avant de me laisser entraîner par la danse.
- Tu es bien ? Murmura-t-il, après un temps indéterminé.
- Oui, soufflais-je en le regardant dans les yeux. Je suis bien…
Je reportais alors mon attention autour de moi, gêné de ma propre audace, observant les couples d’amoureux qui dansaient, tendrement enlacés. A mon plus grand embarras, je me surpris à les envier… Absorbé par mon observation, je ne vis pas Hayden approcher son visage du mien. Alors que je tournais la tête dans sa direction, je sentis subitement une douce chaleur humide se poser sur mes lèvres.
Surpris, j’esquissais un geste pour me reculer, ouvrant la bouche pour protester lorsque je sentis quelque chose se faufiler entre mes lèvres entrouvertes. Je réalisais alors entièrement ce qui se passait… Hayden me donnais mon premier baiser…
Jamais je n’aurai pu imaginer que cela puisse ressembler à ça. C’était doux, tiède et incroyablement tendre. Lorsque sa langue vint rencontrer la mienne et l’instant de surprise passé, je me laissais aller à fermer les yeux, galvanisé par la douceur dont il faisait preuve.
Bientôt, encouragé par sa tendresse et son autre main qui vint doucement se poser au creux de mes reins, j’abandonnais un peu de ma retenue. Timidement, ma langue se mit à répondre aux caresses délicates et sensuelles de mon aîné. Je me sentis alors envahi de sensations que je n’avais encore jamais éprouvées auparavant, ignorant même que de telles émotions puissent exister.
Ce ne fut que lorsque l’air vint à nous manquer qu’Hayden concentit à rompre notre échange. Le sentant s’éloigner de moi, je rouvris les yeux que je n’avais pas eu conscience de fermer et plongeais mon regard dans le sien, surpris de voir qu’il me souriait tendrement. Réalisant alors pleinement ce qui venait de se passer, je ne pus m’empêcher de rougir violemment. A cette vision, le sourire d’Hayden s’élargit et terriblement gêné, je détournais le regard. S’il fut amusé de mon comportement, il ne fit cependant aucun commentaire. Doucement, du bout des doigts, il m’effleura la joue avant de remettre une mèche de cheveux derrière mon oreille.
Prenant mon courage à deux mains, je lui fis de nouveau face avant de demander dans un souffle :
- Je… Je voudrais rentrer…
Pour toute réponse, Hayden me prit par la main et en silence, nous quittâmes la place où se déroulait la fête. Alors que le bruit de la musique s’éloignait, aucun de nous ne prononça le moindre mot et je finis par m’interrroger sur la raison qui avait poussée Hayden à m’embrasser. Pourquoi était-il aussi doux envers moi, me protégeant comme il l’avait fait, alors que quelques temps auparavant, il m’aurait tout simplement ignoré ? Pourquoi agissait-il ainsi avec moi ? Avant que je ne réalise entièrement ce que je m’apprêtais à faire, je demandais, brisant le silence apaisant de la nuit :
- Pourquoi est-ce que tu m’as embrassé ?
- Je… Commença-t-il, visiblement prit au dépourvu par ma question. J’en avais envie… Pourquoi ? Reprit-il après un court instant. Tu n’as pas aimé ?
A ces mots, je m’empourprais violemment, ne m’attendant pas à cette question :
- Je… Si, je… Euh…
- Tu veux réessayer ? Proposa-t-il, coulant sur moi un regard amusé dans lequel brillait une lueur que je ne parvint pas à identifier.
- Non ! Répondis-je, peut être un peu trop précipitamment, faisant rire mon vis à vis.
- Ne t’inquiète pas ! S’exclama Hayden entre deux éclats de rire. Je ne le referais pas si tu n’en a pas envie. Je suis désolé de t’avoir volé ce baiser, reprit-il en retrouvant son sérieux. Je sais que je n’aurai peut être pas du, mais…
- Mais ? Répétais-je, l’encourageant à poursuivre.
- Je me suis laissé emporté, je crois… Je ne te cacherais pas que je te trouve très beau, Gwendal ! Je n’ai pas résisté à l’envie de goûter tes lèvres…
Troublé par ces révélations, je m’empourprais violemment, le coeur battant à tout rompre dans ma poitrine. Pourquoi s’emballait-il ainsi ? N’osant pas le regarder, gardant délibérément les yeux rivés au sol, je déclarais dans un souffle :
- C’était…. C’était agréable…
- C’est le but recherché lorsque tu embrasses quelqu’un, sourit Hayden.
Je sentis son regard se poser sur moi, mais je ne relevais pas la tête, bien trop gêné.
- C’était ton premier baiser, n’est-ce pas ? Déclara Hayden en une phrase qui sonnait plus comme une affirmation que comme une interrogation.
- Oui, murmurais-je écarlate. C’était le premier…
- Alors tu m’en vois ravi ! Déclara-t-il, tout simplement. Et si tu as aimé, alors c’est encore mieux…
Au clin d’oeil entendu qu’il me lança, je ne pus m’empêcher de rougir davantage. Semblant deviner mon malaise, il mit un terme à la conversation et c’est en silence que nous arrivâmes à la grange. Une fois à l’intérieur, Hayden alluma la petite lampe à huile que notre employeur nous avait prêtée, illuminant la couchette de fortune que nous nous étions fait dans la paille, d’une faible lueur. Me débarassant de ma veste, j’attrapais mes affaires de toilette et mon pyjama avant d’aller me cacher derrière le parvent improvisé installé là pour notre intimité.
Une fois prêt, j’allais me coucher, m’allongeant sur le lit de fortune que nous utilisions de temps en temps. Avec le duvet d’Hayden, nous avions fait un matelas sur la paille et le mien nous servait de couverture.
Comme je m’y attendais un peu, Hayden ne prit pas la peine d’aller jusqu’au parvent, se changeant devant moi sans la moindre once de pudeur. A peine eut-il commencé à retirer son t-shirt que je me tournais de l’autre côté, lui tournant le dos. Il ne fallut pas longtemps à Hayden pour venir me rejoindre.
Là, contre toute attente, il vint se coller tout contre moi, me prenant dans ses bras, son corps puissant épousant les formes du mien. Etrangement, je ne cherchais pas à me défaire de son étreinte, profitant de la chaleur de son corps contre le mien, un étrange sentiment de sécurité s’emparant de moi. De bien être, je poussais un soupir de contentement et Hayden raffermit son étreinte autour de moi, collant davantage nos deux corps.
Je ne saurais dire combien de temps nous restâmes ainsi enlacés sans rien dire. Bientôt, je sentis le sommeil m’envahir et fermais les yeux lorsque je sentis quelque chose de dur dans mon dos.
- Hayden, soufflais-je en me tortillant, tu as quelque chose dans la poche qui me gêne…
- Arrête de bouger ! Gronda Hayden d’une voix étrangement rauque que je ne lui connaissais pas et qui me surpris.
- Mais… Protestais-je.
- Ca n’est pas dans ma poche ! S’exclama-t-il d’une voix sourde. Maintenant arrête de bouger !
Lorsque je compris ce qui se passait, je cessais aussitôt de me déhancher, mortifié, les joues brûlantes de gêne. Jamais encore je n’avais vécu pareille situation et je ne savais pas comment me comporter vis à vis de lui. D’où lui venait cette réaction ? Etait-ce moi qui l’avait provoquée ? Je ne savais que penser, ni que croire. Cette réaction… Etait-ce parce qu’il me désirait, comme il avait désiré Max et Julien ?
- Hayden… Appelais-je doucement.
- Dors, Gwen, soupira-t-il en se collant plus fermement contre moi. Ca va passer…
Le coeur battant, je me laissais cependant aller à fermer les yeux, tentant d’ignorer ma gêne. Finalement, je finis par m’endormir, bercé par la respiration calme et régulière d’Hayden, son souffle caressant délicatement ma nuque.
Le lendemain matin, je me réveillais en sursaut au son de la voix d’Hayden qui me secouait vivement :
- Gwen ! Réveille-toi ! Dépêche-toi, nous devons partir !
C’est le ton empressé de sa voix qui acheva de me réveiller. Lorsque j’ouvris les yeux, je pus voir Hayden penché au dessus de moi.
- Hmm… Marmonnais-je en étouffant un bâillement.
- Allez lève-toi, Gwen, nous devons partir…
- Partir ? Répétais-je, surpris, la voix enrouée par le sommeil.
- William vient de repartir… Selon lui, Margaret t’aurai reconnu… Elle a appeler la police…
- Oh non, soufflais-je, effrayé à l’idée de devoir retourner chez mon père. Je… Je ne veux pas y retourner Hayden…
- Je sais, déclara-t-il en me souriant. Allez, habille-toi, on s’en va ! J’ai déjà rassemblé toutes nos affaires…
D’un bon, je me redressais et attrapant les affaires qu’Hayden me tendait, je courais me changer. Cinq minutes plus tard, j’étais prêt. Hayden avai/span>

A suivre…

Silent scream - chapitre 12

3 décembre 2012

Chapitre 12 par Lybertys

 

Ce fut la première fois que je me nourrissais presque avec envie. Peut-être étais-ce du au fait que je ne devais plus simplement le faire pour moi-même mais pour quelqu’un d’autre, quelqu’un qui en avait vraiment besoin. 
Je me sentais étrange. C’était pourtant l’homme que je détestais. Je venais de lui sauver la vie, alors que j’avais si souvent voulu le tuer. Je n’oubliais pourtant pas la douleur qu’il m’avait causée : traumatisme qui resterait à jamais gravé en moi. Et pourtant, il avait tout risqué pour venir me chercher. Il était allé là où tout le monde voulait sa vie. La douleur de la torture fraîchement vécue irradiait encore mon corps entier et pourtant, j’avais cette cruelle impression de me sentir plus fort. C’était comme si je commençais à peine une nouvelle vie.

Pour la première fois depuis le début de ma vie de vampire, je laissais aller tous mes sens, comme pour la première fois en éveil. Je me laissais enfin à être pleinement. Je courais de plus en plus vite, appréciant la douceur de l’air glissant sur mes joues. J’avais toujours faim, avec l’impression que la satiété ne m’était pas accessible. Je devais manger pour deux cette nuit là, et la culpabilité d’ôter des vies me semblait lointaine.
Elle me m’étreignait plus comme elle l’avait si souvent fait. Ils n’étaient à mes yeux que des sources de nourriture, un moyen de rester en vie au prix de la leur. C’était bien cela, pour la première fois, je ne me sentais plus attaché au genre humain et n’avait donc pas l’impression de trahir les miens. Mais je n’allais cependant pas jusqu’à dire que je prenais du plaisir à ôter une vie. Mais c’était minime par rapport au fait de sentir ce sang délicieusement chaud couler dans ma propre gorge. 
Ce ne fut qu’une fois nourrit bien plus que nécessaire, que je me décidais à rentrer, ayant cet heureux sentiment de savoir que quelqu’un m’y attendait. Certes, je le craignais toujours, et une once de haine habitait toujours mon cœur. Mais pour la première fois, j’avais presque une mince forme d’affection pour lui. 
Lorsque je rentrais, Ezekiel était dans un sommeil profond mais agité. Ses sourcils froncés, trahissaient la douleur qu’il ressentait. Me sentant légèrement coupable, j’allais m’asseoire près de lui, et posait délicatement ma main sur sa joue, l’effleurant à peine, comme pour tenter de l’apaiser. Mais Ezekiel réagit violemment. Il m’attrapa d’un geste brusque, se redressant plus vivement que je n’en l’aurais cru capable, les canines à découvert comme prêt à me sauter à la gorge. Je tentais de ne pas céder à la torpeur dans laquelle il me mettait, et pourtant, j’avais terriblement peur. Me ressaisissant plus vite que je ne l’aurais cru, je pris la parole afin qu’il réalise qui il était en train d’agresser : 
- C’est moi, soufflais-je d’une voix qui se voulait douce et apaisante. Tien, cela t’aidera à reprendre des forces, ajoutais-je en lui tentant mon poignet entaillé d’où perlait déjà quelques gouttes de liquide carmin si précieux.
C’était la première fois que j’occupais cette place. Je prenais soin de lui. Qu’étais-je en train de réellement faire. Avais-je simplement conscience de mon geste ? Pourquoi prendre soin de lui avec autant de précaution ? Jamais je ne m’étais occupé d’une autre personne que moi-même. Jusqu’à maintenant, je n’avais qu’à compter sur moi, et personne d’autre n’était réellement entré dans ma vie. Aujourd’hui, je prenais quelqu’un à charge. Sans moi, il n’aurait sûrement pas tenu longtemps… Mais sans moi, il n’aurait jamais été dans un tel état.
D’une manière fébrile que je n’avais jamais connu chez lui, il s’empara de mon poignet offert avec des tremblements du à sa souffrance et à son manque. Il le porta à ses lèvres d’un geste hésitant. Le contact de ses lèvres sur ma peau me fit frissonner d’une sensation que je ne savais nommer. Trop occupé à se délecter des premières gouttes, il ne perçut pas mon trouble. Mais ce fut bientôt une faim féroce qui s’empara de lui. Comme hypnotisé par l’appétit qu’il découvrait, il entailla plus profondément ma chair et je réprimais une grimace de douleur. Mes sens étaient beaucoup plus en alerte et j’avais l’impression de sentir chaque fibre de ma peau se déchirer sous sa puissante mâchoire. Lorsque mon poignet s’engourdit, je me laissais aller à ce que je ressentais.
Cette sensation était étrange. Sentir comme une vie qui s’échappait de moi sous le fait de ma volonté. Il l’aspirait avec une vigueur qui me faisait presque trembler, me donnant des vertiges.
Il semblait ne jamais vouloir s’arrêter. Ce trop plein bénéfique que j’avais ressentit jusqu’à présent, se transformait trop rapidement à mon goût en vide à combler. Je n’étais pas au meilleur de ma forme, pas après ce que j’avais subit et il me faudrait plusieurs jours pour m’en remettre. Je ne pouvais pas me permettre de ne pas avoir suffisamment de sang ou alors nous ne serions que deux bons à rien, cible pitoyablement facile. Et pourtant, au fond de moi, la tentation était grande de le laisser me vider entièrement. Peu à peu, je me sentais comme engourdi. J’avais l’impression de me fondre en lui. Je tentais de reprendre la raison, alors qu’un gémissement m’échappa, tinté de douleur et d’un plaisir que je n’aurais pas cru y prendre. Je retirais mon poignet subitement, comme pour revenir pleinement à moi. Il en avait eu assez, plus qu’il ne le fallait pour le moment. Je m’attirais alors un grondement de mécontentement de sa part. Il n’était pas rassasié, mais je ne pouvais lui donner plus.
- Cela suffit, Ezekiel, soufflais-je d’une vois tremblotante qui trahissait ma faiblesse et mon trouble.
Docile, mais à contrecoeur, il relâcha mon poignet, soupirant de soulagement. Alors qu’il se rallongeait, je remarquais qu’il avait repris quelques couleurs. Cependant, la douleur semblait l’épuiser et il fermait déjà les yeux, rejoignant les limbes sur sommeil et me laissant seul.
Je posais alors mon regard sur son visage. La douleur contractait ses traits, mais il était plus détendu. Profitant de son état de relâchement, je me mis à détailler son visage, admirant la beauté froide qu’il dégageait. La fatigue commença à m’atteindre plus durement que je ne l’aurais cru et sans vraiment contrôler mon geste, comme pour tenter de le détendre, je posais ma paume sur son visage, épousant parfaitement la forme de son visage.
Ezekiel ouvrit alors difficilement les yeux, et sursauta légèrement en remarquant ma présence au dessus de lui. Mon visage était seulement à quelques centimètres du sien, et j’avais du mal à me souvenir du moment où je m’étais approché de lui, comme envoûté. Sans m’arrêter, je déposer mes lèvres sur les siennes, avec une douceur et une délicatesse dont je ne me connaissais pas capable. Prenant son visage en coupe, j’accentuai la pression de ma bouche sur la sienne, ayant envie de son contact plus que tout. C’était un baiser assez prude, mais il n’en était pas pour autant désempli de tendresse.
Comme déboussolé, Ezekiel ne répondit pas tout de suite, tout autant surpris que moi d’un tel comportement. Rares étaient les fois ou j’avais esquissé un tel geste vers lui. Progressivement, Ezekiel finit par répondre à mon baiser, entrouvrant ses lèvres en un accord silencieux à ce que j’approfondisse notre échange. Fermant les yeux, je me laissais investir par toutes les sensations nouvelles qu’il éveillait en moi. J’avais failli ne plus jamais connaître cela. J’avais failli mourir, j’avais voulu me donner la mort et maintenant… Et maintenant qu’allais-je devenir ? Qu’allions-nous devenir ? Car je n’étais plus seul maintenant, nous étions deux.
Ce baiser nous laissa tous deux pantelants. Ezekiel relâcha mes lèvres, semblant avoir du mal à rester conscient. Contre toute attente, il murmura alors dans un souffle :
- Merci…
Puis, sans me laisser le temps de réagir ou de répondre quoi que ce soit, il s’endormi profondément, me laissant seul à nouveau. Investi par la fatigue, je m’étendis près de lui, n’osant tout de même pas me coller trop près, je laissais simplement ma main effleurer son corps. C’était comme au début, lorsque j’allais le rejoindre dans son cercueil. Etrangement serein, épuisé, je le rejoins dans le sommeil…
Je me réveillais après plusieurs heures de sommeil, le corps en sueur et la peau de mon torse et de mon ventre cuisante. J’avais mal et j’avais surtout faim. Ma guérison demandait plus de sang que je ne l’aurai cru. Laissant Ezekiel dormir d’un sommeil juste, je me levais discrètement et m’évanouissais dans la nuit sombre qui avait déjà envahi la forêt. J’entamais un pas de course soutenu, car nous étions loin de toute civilisation. Je n’allais cependant pas trop vite, souhaitant économiser mes forces pour une guérison plus rapide. Presque essoufflé, je m’arrêtais à la lisière de la forêt, un rayon de lune berçant la plaine. J’avais l’impression que ma peau était en train de se consumer. Profitant de ce peu de lumière, j’ouvris ma chemise, frémissant face au vent qui lécha instantanément ma peau. Ce n’était pas beau à voir. Loin d’être cicatrisés, les plaies dues à l’eau bénite parsemaient ma peau comme mutilée à jamais. Frissonnant de dégoût, je refermais brutalement ma chemise, ne voulais plus me soumettre à cette vue emplie de souvenir trop frais. J’humais l’air, me concentrant sur ce que j’avais à faire : chasser. Deux hommes enivrés n’étaient qu’à quelques centaines de mètres, comme égarés, loin de leur villes. Deux proies parfaites pour un début de chasse…
Je rentrais plus que rassasié, espérant cette fois en avoir pris assez pour nous nourrir tous les deux. Ezekiel était toujours endormi lorsque je rentrais. La douleur de mon torse me cuisait moins, entamant à nouveau une forme de guérison lente et périlleuse. J’osais à peine imaginer la souffrance que Ezekiel devait ressentir dans son épaule. 
Je m’assis près de lui alors qu’un questionnement revint m’assaillir. Quelle vie allions nous avoir ? Shaolan nous avez clairement menacé… J’avais peur, peur d’être à l’aube de ma naissance de vampire, de découvrir mes capacités et finalement me retrouver l’herbe coupée sous les pieds, la vie ôtée.
C’est à ce moment-là qu’Ezekiel choisit pour ouvrir les yeux. Reprenant mes esprits, je mordis mon poignet et le lui présentais : 
- Tiens, soufflais-je, heureux de me délester un peu de ce trop plein. 
Sans se faire prier, il attrapa délicatement mon poignet qu’il mordit, aspirant mon sang avec moins de précipitation que la première fois. De lui même, il s’arrêta, semblant rassasié. Il cicatrisa la plaie d’un coup de lange et me rendis ma liberté. N’ayant aucune envie de m’écarter de lui, je m’allongeais à ses côtés, et délicatement, ne voulant pas rompre le contact, en un geste tendre, je posais ma main sur son torse dénudé, qui avait repris une certaine chaleur rassurante.
Puis, les questions devenant trop nombreuses, les ayant trop ressassées dans ma solitude, je profitais de son instant d’éveil pour les partager avec lui.
- Qu’allons nous devenir ? Demandai-je dans un murmure.
Ezekiel ne répondit rien, ne semblant pas comprendre mon comportement ou simplement ma question. Sans attendre, maintenant lancé, j’allais jusqu’au bout de mon raisonnement, m’étonnant moi-même de la détermination que j’y mettais :
- Je veux que tu m’apprennes à me battre. Je ne t’abandonnerais plus…
Je ne voulais plus être un poids mort. Je ne voulais pas qu’il lui arrive la même chose par ma faute. Je voulais être capable de me défendre seul et ne plus jamais me retrouver dans une telle situation. Je venais à peine de découvrir mes réelles capacités et je voulais en découvrir beaucoup plus sur elles.
Ezekiel resta interdit l’espace d’un instant et après un long silence, il me demanda avec hésitation, comme choqué par ce que je venais de lui dire :
- Pourquoi ?
- Pourquoi quoi ? Répétais-je, perdu par sa réaction.
- Pourquoi ce brusque changement d’avis ? Reprit-il, comme s’il venait de retrouver son sens de la répartie.
Je ne répondis pas à sa question, soudain très mal à l’aise. Comment pouvait-il me prendre au sérieux après le tel passé qu’il me connaissait. Eludant volontaire et maladroitement sa question, je me redressais et m’assis à sa hauteur : 
- Co… Comment va ton épaule ?
A son tour, il ne répondit pas à ma question, n’aimant pas ma façon de faire. Agacé, il se releva brusquement, ne grimaçant que très légèrement face à la douleur qu’il devait s’imposer. Il se tourna vers moi et me demanda avec hargne : 
- Quand cesseras-tu de te voiler la face, Alakhiel.
J’esquissais un sursaut de surprise. J’avais presque oublié ses sautes d’humeur et la véritable peur presque animale qu’il m’avait toujours inspirée. Rassemblant mon courage, ne voulant pas me plier vulgairement face à lui, j’ancrais mon regard embrasé d’une lueur de défis dans le sien, et éludant une nouvelle fois sa question, je murmurai : 
- Pourquoi m’as-tu sauvé, Ezekiel ? S’il te plait, ajoutais-je en le voyant ouvrir la bouche pour me répondre. Ne me sert pas encore une de tes répliques sarcastiques… Je… J’ai besoin de savoir…
Je le suppliais presque, j’avais besoin de savoir, besoin de savoir pourquoi il me gardait ainsi en vie à ses côtés, jusqu’à risquer la sienne… Semblant être touché, sans que je comprenne vraiment pourquoi, Ezekiel soupira longtemps avant de murmurer dans un souflle : 
- Je croyais que tu l’avais compris…
Ne comprenant pas sa réponse, ayant beaucoup de mal à imaginer ce qu’il voulait dire par là, je lui demandais déboussolé :
- Quoi ? Qu’aurais-je du comprendre ? 
Soudain, cela me parut évident. Qu’étais-je aller m’imaginer. Qu’il tenait à moi indépendamment du fait que je lui appartenais. J’ajoutais alors d’une petite voix tremblante, sachant que la réponse serait durement douloureuse : 
- C’est parce que je suis ta chose, n’est ce pas…
A l’entente de mes derniers mots, Ezekiel poussa un soupire d’exaspération. 
- Quand cesseras-tu de prendre au pied de la lettre chaque mot que je prononce, soupira-t-il. Tu crois vraiment tout ce qu’on te dis, c’est pas croyable !
Ezekiel esquissa un léger sourire alors que j’étais encore plus perdu qu’auparavant. Il n’ajouta rien, peu enclin à me donner plus d’explication. Il déposa cependant un délicat et chaste baiser sur mes lèvres, qui me troubla encore plus. Sans attendre de réaction de ma part, il se détourna de moi et s’allongea sur le sol de terre battue, mettant fin à cette discussion. Me sentant soudain violemment seul, je m’allongeais à mon tour, laissant une distance entre nous. Cette distance me donnait l’impression d’être un mur impénétrable.
Ce fut sans la moindre réponse face à notre avenir, que je tentais de fermer les yeux et de trouver le sommeil. Il me fallut un certain temps et finalement, l’épuisement physique eut raison de moi. J’avais mal, terriblement mal. Je ressentais une douleur tellement puissante que la mort me semblait elle même trop douce pour m’en soustraire. J’ai seul, entouré d’ennemis. Leurs regards posés sur ma nudité étaient eux aussi une véritable torture. Je voulais crier, les supplier de mettre fin à tout cela, promettant de faire n’importe quoi, mais aucun son ne sortait de ma bouche. J’en venais presque à souhaiter ne jamais avoir été mis au monde. 

Je ne voyais aucune échappatoire et bouger, ne serait-ce que d’un millimètre, rendait le supplice encore plus insurmontable. Le rire de Shaolan brûlait mes oreilles et cette fiole qui se vidait sur mon corps semblait ne jamais se désemplir. Chaque seconde me semblait durer une vie de mortel entière. Rien ne pouvait me soustraire à cette torture et sombrer dans l’inconscience me semblait interdit. 
Mais soudain, alors que ne serait-ce que le souhaiter m’avait sembler inimaginable, je me sentit envahi par une chaleur réconfortante qui repoussa peu à peu toute sensation de douleur possible. Des larmes de soulagement mélées de terreur m’envahir, alors que je m’enfonçais dans un espace noir et dénuée de toute vie. Je me sentais soudain, comme dans un cocon protecteur, là ou jamais personne ne pourrait m’atteindre, comme protégé par une puissance dont j’ignorais la source. Je me laissais aller, comme bercé par des bras puissant, irradié par une chaleur qui n’était pas la mienne. Je ne pouvais cesser de pleurer, tentant d’évacuer tout ce que je venais de ressentir, ce trop plein qui avait pris possession de mon être et de mon esprit. Suffocant, je repris peu à peu une respiration normale. 
Il me sembla alors entendre quelque chose qui me tira de mon sommeil. Dans un entre deux, je réalisais à peine que j’étais dans les bras d’Ezekiel. Rassuré, je me laissais à nouveau aller, me sentant protégé et prêt à affronter à nouveau le sommeil et ses dangers.
Lorsque je me réveillais, la nuit allait presque tomber. Ezekiel avait sa main posée négligemment sur mon torse, et sa tête était enfouie dans mon cou. La peau de mon torse était toujours aussi douloureuse, bien que la cicatrisation ait enfin été entamée. Avec délicatesse, lui laissant encore quelques minutes de sommeil, je me dégageai de son étreinte et me redressais, étirant mes muscles endoloris. Me rappelant 
de ce qui s’était passé durant mon sommeil, j’étais certain que je ne devais mon salut qu’à cet homme, tout comme je le lui devais dans la réalité. C’était avec douceur et bienveillance que je le fixais, le sentant proche du réveil. Cela ne manqua pas. Quelques minutes plus tard, il ouvrit les yeux, et une fois qu’il fut réellement là, je déclarais posément : 
- La nuit va bientôt tomber. Nous ferions mieux de ne pas traîner ici… Tu te sens de te lever ? 
Ezekiel ne répondit rien, mais lentememt, il se redressa sur ses coudes afin de me faire face.
- Allons-y, déclara-t-il d’une voix rauque, comme s’il avait la gorge asséchée.
Rassemblant le peu de force qu’il avait, il se leva avec difficultés, ses jambes tremblantes le maintenant à grand peine. Jamais je ne l’avais vu dans un tel état de faiblesse, si bien que je ne savais pas comment réagir. Je ne savais même pas si je devais l’aider ou non.
Pour toute réponse, Ezekiel s’appuya sur moi plus lourdement que je ne l’aurais cru. D’un geste maladroit, ne sachant jamais vraiment comment me comporter avec lui, je posais ma main sur sa hanche afin de le soutenir et l’aida à marcher.
Lentement, sans un regard en arrière, nous reprîmes notre route, nous éloignant progressivement du lieu où siégait le conseil. Il était d’ailleurs étrange que celui-ci ne se soit pas mis à nos trousses. Shaolan y était-il pour quelque chose ? Je ne le voyais maintenant plus que comme un abject manipulateur. Ce n’était plus un allié mais une menace pour notre vie. Il me faisait peur, peut être même plus qu’Ezekiel qui au moins était un être entier. Mais je savais ce qu’il voulait : le vampire que je tenais précisément. Sentant malgré moi le trouble d’Ezekiel, étant trop proche de lui, je déclarais d’une voix grave :
- Si je n’avais déjà pas confiance en ce Shaolan, à présent mes doutes se sont confirmés. C’est toi qu’il veut, Ezekiel.
- Je sais. Répondit-il. Du moins, ajouta-t-il face à mon regard interrogateur, c’est ce que j’ai cru comprendre. Ce qui m’échappe cependant, c’est la raison pour laquelle il s’acharne ainsi…
- Tu sais, osais-je timidement, je… Je crois que Shaolan n’est plus celui qu’il était où qu’il a pu être… J’ai l’impression qu’il joue un double jeu…
Ezekiel ne répondit rien. Il semblait m’inciter à continuer, ce que je fis.
- Je me trompe peut être, mais j’ai l’impression que Shaolan à des projets bien plus ambitieux qu’il n’y paraît… Et s’il n’était pas celui qu’il semble être…
- Tu sais quelque chose ? Me demanda-t-il soudain, presque trop brusquement.
Après une seconde d’hésitation, je lui fis véritablement part de ce que je pensais.
- Je… C’est toi qu’il veut. Je veux dire… Il te veut pour lui seul
- Je n’appartiens à personne, grommela-t-il.
Sa réaction me fit sourire légèrement. Ezekiel était toujours fidèle à lui même, et j’avais de nombreux doutes quant à la possibilité que Shaolan exécute véritablement ce qu’il voulait ou du moins y parvienne. S’il arrivait à son but, cela voudrait dire que je ne serais plus là. Je n’étais plus qu’un vulgaire obstacle. Un frisson me parcourut l’échine. Mais parviendrait-il réellement à posséder Ezekiel comme il le désirait ? Je n’avais pas de réponse tranchée à cette question.
- Qu’allons-nous devenir ? Lui demandais-je au bout d’un moment, reposant la question laquelle il n’avait finalement pas répondu la première fois.
- Ce que j’ai toujours été, répondit-il dans une voix sans timbre qui me glaça d’effroi. Des fugitifs…
Je m’arrêtais subitement. Ce n’était pas une telle réponse que j’attendais. Lui adressant un regard furieux, je m’exclamai :
- Alors c’est tout ? C’est tout ce que tu sais faire ? Quand vas-tu cesser de fuir, Ezekiel ? M’exclamais-je la voix tremblante qui reflétait toute la rage qui m’habitait.
- Que veux-tu que je fasse de plus ? S’exclama-t-il à son tour, la colère montant en lui. Quoi que je fasse, qu’importe le nombre de soldat du conseil que je tuerais, il nous poursuivront sans relâche… Ne parle pas de ce que tu ne connais pas, Alakhiel, ajouta-t-il avec un sourire sans joie aucune.
Je ne répondis pas tout de suite. Mais soudain, une lueur de folie vint m’éclairer, le même genre de folie qui aurait pu habiter Ezekiel. Un étrange sourire étira mes lèvres. Guidé par la vengeance de ce qu’ils m’avaient fait, je déclarai avec une voix cruelle que je ne me connaissais pas :
- Alors tu n’as qu’à tuer celui qui est à leur tête…
- T’es complètement cinglé, cracha-t-il d’un ton méprisant, reprenant seul sa marche sans un regard pour moi.
Blessé par une telle réaction, je répondis à mon tour, méprisant :
- Je ne te savais pas si lâche !
Mais à peine eussè-je fini ma phrase et sans avoir le temps de réaliser ce qui se passait, Ezekiel me saisit par la gorge et me plaqua violemment contre l’arbre derrière moi. La douleur irradia ma colonne vertébrale sous le choc et même si je le savais faible, il n’y avais aucun moyen pour moi de me libérer de son étreinte. Le seul fait d’être ainsi piégé me rendait fou de terreur. J’avais l’impression de me retrouver dans ce cachot, totalement impuissant. Alors que la rage bouillonnait dans mes veines par pur réflexe de défense, Ezekiel me souffla d’une voix dangereusement basse tout contre mon visage :
- Dis-moi, qui de nous deux est le plus lâche ? Qui de nous deux suppliait Shaolan de l’achever, il y a encore quelques heures de cela à peine ? Qui de nous deux ressent toujours cette culpabilité à prendre une vie ? Entre toi et moi, ajouta-t-il après un court silence, le lâche, ce n’est certainement pas celui qu’on pense !
Sur ces mots, il me relâcha aussi vivement qu’il m’avais saisi. Désiquilibré, je m’effondrais lamentablement sur le sol alors qu’Ezekiel se détournais de moi, sans un regard de plus. Alors que les larmes me montaient aux yeux sans raison, humilié, je les ravalais et m’exclamais :
- Je me demande vraiment pourquoi je m’obstine à te suivre et à vouloir rester avec toi…
- Ta lâcheté et ta peur du conseil, répondit-il.
Vexé par si peu de considération, je répliquais en m’engageant à sa suite :
- Je crois au contraire qu’il me faut du courage et beaucoup de patience pour rester avec quelqu’un d’aussi lunatique que toi… Et la mort ne me fait pas peur… Je ne l’ai que trop souvent frôlée…
J’avais même passé tant d’année à la désirer… Ezekiel se retourna vivement, manquant de me faire sursauter. Il me demanda d’une voix traînante, comme en colère :
- La mort t’effraie si peu que ça ? Dans ce cas, qu’attends-tu pour mettre fin au plus vite à ta misérable existence ? Cracha-t-il avec dédain.
Blessé par une telle réaction de sa part, mais au combien habituel, je ne rétorquais rien alors qu’il continuait :
- Si tu veux, dans mon infinie clémence, je peux même t’y aider… Je t’assures que tu ne sentiras rien… Ajouta-t-il avec un sourire malsain qui me fit frissonner.
Malgré toutes mes bonnes résolutions de prendre ma vie en main, Ezekiel m’ouvrait une nouvelle fois la porte de ce que j’avais fini par croire être une libération. Ne serait-ce finalement pas plus facile ?
Mais n’aimant pas la façon dont il se jouait de moi, je m’écartais de son chemin en sifflant :
- Je ne veux pas de ta pitié.
- Il ne s’agit pas de pitié Alakhiel, rétorqua-t-il en me bloquant la route, ne confond pas tout. Contrairement à toi, je ne ressens pas l’envie de mourir et si je te propose cela c’est uniquement pour sauver ma peau. J’en ai plus qu’assez d’avoir à supporter et à traîner un suicidaire. Alors dis moi une fois pour toute que tu veux mourir et on en finit à l’instant même !
Il n’y avait plus de trace de colère dans sa voix, seulement une profonde lassitude.
Je ressentis une douleur à l’intérieur de moi. J’avais peur d’en connaître la raison. Je semblais être blessé du fait qu’il porte finalement si peu de considération quant à mon cas. Mais après tout il avait raison. S’il me tuait maintenant, s’il mettait fin à mes jours, il se débarrasserait de tous ses problèmes et aurait sûrement une chance de survivre au conseil. Tout serait tellement plus facile pour nous deux. Il retrouverait sa paix et je tenterais de trouver la mienne dans la mort. Un seul mot, et tout serait finit. Plus de faux semblant, j’aurais enfin ce à quoi il m’avait arraché deux fois déjà. Mais pourtant, je ne m’en sentais plus le droit. Finalement, après tout ce temps à désirer la mort, et à être passif, je goûtais à peine à la force qui dormait en moi. Depuis ma naissance en tant qu’humain et jusqu’à maintenant, j’avais été uniquement acteur de ma vie, sans jamais faire de véritable choix, ayant un destin tout tracé devant moi. Elisabeth ne m’aurait même pas regardé. J’aurais fini ma vie monotone, tout comme elle l’avait commencé. Mais j’avais aujourd’hui une autre possibilité. Celle de prouver de quoi je pouvais être capable. Peut importe si je n’étais qu’une chose pour Ezekiel, je voulais être moi-même. Et tant que je ne serais pas allé au bout de tout cela, je ne pouvais et ne voulais pas mourir. Plus maintenant… Ou alors, tout cela aurait finalement été vain.
Dans un souffle, baissant la tête, ne supportant pas le regard inquisiteur qu’Ezekiel posait sur moi, je murmurais :
- Je… Je ne veux pas mourir…
- Il serait grand temps que tu saches réellement ce que tu veux, Alakhiel, rétorqua-til d’un ton cinglant.
Allant jusqu’au bout de ma décision, ne me laissant pas faire, je repris, plein d’assurance et de défit dans les yeux, lui faisant face :
- Je… Je veux que tu m’apprennes à me défendre.
- Tiens donc, ironisa-t-il. En quel honneur ?
Je décidais d’être franc avec lui.
- Je veux être capable de me défendre par moi-même… Je ne veux plus être un poids pour toi… Je ne veux plus que tu risques ta vie une fois de plus pour me sauver… Avouais-je dans un souffle, n’osant plus lever les yeux vers lui.
Après un long silence qui me parut interminable, il finit par reporter son attention sur moi et déclara à son tour :
- Soit ! Mais ne me déçoit pas…
Je ne pus m’empêcher de sourire, heureux malgré moi. Notre nouvelle vie était scellée et c’était tous les deux que nous allions la partager. Je n’avais aucune idée du futur qui nous attendait et si nos chemins continueraient de suivre le même parcours. Tout ce que je savais c’est que pour le moment, nous continuerions tous les deux, liéspar la même malédiction : celle d’être poursuivi à jamais par des êtres puissants voulant notre mort. Peu de chance de survie dans un futur lointain et pourtant pour la première fois, je pouvais ne serais-ce que songer au futur et me sentir le droit de prononcer ce mot. 
Nous marchâmes toute la nuit, Ezekiel légèrement en avant. J’étais derrière lui, le surveillant au cas où il aurait un coup de faiblesse. S’il voulait donner l’impression que tout allait bien, je savais pertinemment que son équilibre ne tenait qu’à un fil. Nous étions à travers les bois, rendant notre progression plus difficile. 
Si les soldats du conseil avaient voulu nous suivre et nous éliminer, nous étions au moment actuel à leur merci la plus totale, affaibli comme jamais. Soudain, en moins de temps qu’il ne fallut pour le dire, je vis Ezekiel commencer à vaciller. J’eus à peine de le temps de le rattraper alors qu’il s’effondrait sur le sol. Il avait perdu connaissance. 
Si j’avais assez de force pour me déplacer et chasser, la chose était complètement différente lorsqu’il s’agissait de porter Ezekiel. En temps normal, il n’aurait presque rien pesé, mais dans mon état, il me semblait terriblement lourd. Pourtant quelque chose me poussait à continuer notre route. L’aube n’était pas encore là, et je connaissais un lieu sur pour nous deux. Avec un peu de chance, si je me hâtais, j’aurais le temps d’aller chasser, car la faim commençait à me tirailler de manière déraisonnable. 
Je revenais de la chasse. J’avais juste eu le temps d’attraper quelques proies avant que le soleil ne commence à poindre à l’horizon. Je connaissais cet endroit mieux que personne, cette maison maintenant abandonnée avait été celle dans laquelle j’avais grandis. Je ne me sentais pourtant plus attaché comme avant à ce lieu. Je m’y sentais juste en sécurité. Finissant de masquer les fenêtres afin que la lumière ne nous atteigne pas. Il n’y avait plus personne dans l’entourage, et je savais que personne ne viendrait jusqu’à ce coin reculé.  
Attendant que Ezekiel se réveille en proie à la fièvre, j’allais dans la chambre de ma mère. Peut-être s’y trouvait-il toujours, son petit trésor, un luxe pour notre famille. Je savais précisément où elle le cachait à l’époque. Soulevant précautionneusement une latte de bois, c’est avec un sourire triomphant que je le trouvais. C’était un petit morceau de miroir qui n’était pas bien grand, mais qui suffisait pour s’y voir. À la lueur d’une bougie, je le posais sur le petit meuble en bois en face de moi. Cela faisait longtemps que je n’avais pas vu à quoi je ressemblais. Étonnamment, j’avais plutôt bonne mine, les joues légèrement rosie par l’afflux de sang qui coulait en moi suite à mon récent repas. Avec hésitation, j’ouvris un à un les boutons de ma chemise, les mains tremblantes. 
Une vision d’horreur s’offrit à moi. Je n’avais pas pu clairement le voir jusqu’à maintenant, mais une vilaine cicatrice barrait mon torse et mon ventre déjà couvert d’autres, plus minimes. La cicatrisation avait déjà bien été entamée, mais cela restait vilain. D’un mouvement violent de la main, j’envoyais valser le miroir dans la pièce, ne supportant plus de voir mon corps comme à jamais bafoué et sacrifié. Ces cicatrices seraient toujours là pour me rappelait ce que j’avais subi et cela uniquement par ma faute. Qui oserait ne serait ce que poser le regard sur moi maintenant. Je me sentis oppressé rien qu’à l’idée de la réaction d’Ezekiel. Une fois son jouet abîmé, voudrait-il encore de moi à ses côtés ? Refermant nerveusement ma chemise, je quittais cette pièce, laissant éparpillé en mille morceaux derrière moi, le trésor de ma mère à jamais détruit. 
Mes sombres pensées furent interrompues lorsque je vis Ezekiel et la souffrance qui se dégageait de lui. Il était temps de le réveiller pour qu’il se nourrisse. Il avait perdu beaucoup trop de sang. Alors qu’il émergeait peu à peu, semblant complètement déboussolé, je tentais de l’appeler calmement pas son prénom. Inquiet de son temps de réaction, je passais délicatement une main sur son visage et ce ne fut qu’à ce moment-là qu’il ouvrit les yeux. Il était brûlant. Se redressant légèrement, il regarda autour de lui. Avec douceur, je posais délicatement ma main sur son torse pour l’inciter à rester allongée tout en murmurant d’une voix douce aspirant au calme : 
- Reste couché… Tu as perdu beaucoup de sang… Tu dois reprendre des forces…
- Ou… Sommes… Nous… Articula-t-il avec difficulté. 
- En lieu sûr, le rassurais-je, en passant ma main sur son front. 
A ce contact, Ezekiel poussa un soupire de bien être et semblant rassurer, il se laissa complètement aller. Il se rendormit plus vite qu’il ne fallut pour le dire. Inquiet, j’allais m’étendre un peu plus loin, ayant moi aussi besoin d’un peu de sommeil. 
Je me réveillais alors que la nuit était déjà bien avancée. Ne perdant pas de temps, jetant un bref regard à Ezekiel toujours profondément endormis, je partis chasser. Lorsque je revins, je me trouvais nez à nez avec Ezekiel à moitié dévêtu devant la porte. Rassuré de le voir debout, je ne pus m’empêcher de sourire légèrement.
- Tu es réveillé… Je suppose que tu dois avoir faim… Va te recoucher, je t’apporte de quoi te nourrir.
Trop faible pour protester, il obéit docilement et retourna s’asseoir sur le lit. Il se mit alors à observer la petite pièce qui avait autrefois été ma chambre. Un portrait attira son attention et il se leva pour aller voir le dessin qui représentait la femme que je ne verrais plus jamais. Pendant ce temps, j’attrapais un grand verre, et avec rapidité, j’entaillais la veine de mon poignet et remplissais le verre de ce liquide carmin si précieux. Une fois fait, je léchais rapidement les gouttes qui continuaient de perler et j’allais vers Ezekiel, debout face au dessin.
Alors qu’il semblait l’admirer, il demanda d’une voix rauque :
- Qui est-ce ?
- Ma mère, répondis-je simplement, avant d’ajouter, nous sommes dans la maison dans laquelle j’ai grandis… Tu ne devrais pas rester debout Ezekiel, ajoutais-je changeant délibérément de sujet.
Je n’avais aucune envie de parler de ma famille, celle à qui j’avait été arraché contre mon gré et par le vampire qui se tenait à mes côtés.
- Tiens, je t’ai apporté de quoi te nourrir un peu, ajoutai-je en lui tendant le verre.
Ezekiel l’attrapa et le but d’une traite avant de m’en demander un second que je lui offrais sans rechigner. Je sourris face à l’attitude presque enfantine qui avait en ce moment précis. Puis brisant le silence gênant entre nous, je déclarais :
- Nous pourrons rester ici le temps que tu retrouves tes forces. J’ai condamné les fenêtres, donc il n’y a pas de risque de ce côté là…
Ezekiel acquiesça en silence. Épuisé, il retourna s’allonger dans le lit et ne tarda pas à s’endormir. M’installant à mon tour une petite heure après, après m’être assuré que tout allait bien je fis de même.
Ce fut l’impression que quelque chose n’allait pas qui me tira du sommeil. Ezekiel ne semblait pas aller bien, me réveillant, je me tournais vers lui :
- Ezekiel.. Qu’est ce qui se passe ?
Lentement, il tourna la tête vers moi, une lueur étrange dans les yeux qui me fit presque peur. Son regard glissa vers ma gorge alors que je déglutissais. Soudain, sans que j’ai le temps de réagir, il fondit sur moi, et avec une vélocité étonnante. Allongé sur moi de tout son poids, les jambes passées de chaque côté de moi pour m’empêcher de fuir, il planta voracement ses canines dans la peau de mon cou. Il mordit sans ménagement dans ma gorge. La violence que ce geste dégagait fut tellement vive que je me retint de crier. Le sang me quittait à une vitesse inquiétante, aspirant la vie qui m’habitait si vivement qu’on aurait dit qu’elle n’avait aucune valeur à ses yeux. Un gémissement de plaisir s’échappa de ses lèvres, tandis que la peur m’oppressait. Mon séjour dans la salle de torture du conseil m’avait laissé des séquelles. Même s’il s’agissait d’Ezekiel au-dessus de moi qui me retenait prisonnier, je haïssais cette sensation d’impuissance. Mais celle-ci fut tout de même remplacée par une autre dont je n’aurais pas soupçonné la possibilité. Retrouvant ses forces, Ezekiel se mit à onduler lentement et sensuellement contre mon corps, frottant son bas-ventre comme le mien, m’arrachant à ma plus grande surprise un gémissement de bien être.
A chaque gorgée de sang aspiré, je me sentais plus faible et plus fébrile, à chaque fois un peu plus à sa merci. Allait-il seulement s’arrêter ou me laisser mourir si simplement. Mon corps semblait bel et bien s’en moquer car sans pouvoir me contrôler, j’ondulais déjà légèrement à mon tour sous lui. Ezekiel passa une main entre nos deux corps, sous ma chemise de soie blanche. Le reflet que j’avais vu dans le miroir la nuit précédente me frappa violemment. Je ne voulais pas qu’il me voie. Je ne voulais pas qu’il me rejette maintenant. La peur d’une telle chose fut à ma plus grande surprise encore plus forte que celle de mourir. Les deux craintes mélangées, je récupérais de justesse assez de force et le repoussais violemment, m’exclamant d’une voix effrayée :
- Arrête ! Ezekiel ! Mais enfin… Qu’est ce qui te prend ?
Je portais une main à mon cou et essuyai le sang qui perlait de ma plaie encore fraîche avant de regarder ma main sanguinolente, horrifié de l’acte qu’il venait de commettre. Ezekiel ne répondit rien, alors qu’un sourire satisfait étirait ses lèvres. Il semblait avoir retrouvé sa forme, mais ce n’était pas mon cas. Vidé à la limite du supportable, ma tête tournait et devenait presque douloureuse. Constatant l’état de ma chemise tachée de sang, je décidais de me changer avant de sortir. Il était plus facile de chasser sans être couvert de sang. Me retournant pour éviter à tout prix de lui montrer l’état de mon torse et de mon ventre, je changeais soignement et rapidement de chemise.
- Tu n’as guère besoin de te précipiter ainsi, déclara-t-il avec arrogance. La vue plongeante sur ton corps est de toute beauté…
Sentant son regard posé sur moi, je finis de boutonner ma chemise.
- Je sors, dis-je d’une voix hésitante, craignant que cette situation ne dérape. J’ai faim…
Je ne me retournais pas pour le regarder, même si son regard était lourdement posé sur moi. Quittant la chambre, je le sentis tenter de sonder mon âme, mais je lui avais bloqué le passage. Mais cet imbécile tenta de se lever pour aller à ma rencontre. Étourdit par la trop grande quantité de sang qu’il avait consommé, je l’entendit vaciller. Il esquissa un nouveau mouvement pour aller à ma rencontre alors que j’ouvrais la porte, me tenant à l’embrasure.
- Tu ne devrais pas te lever maintenant, tu es encore faible, cédais-je finalement en lui attrapant le bras.
Non sans une certaine force malgré mon état de faiblesse du au manque de sang, je le forçais à se rallongé.
Docile, encore faible, il m’obéit. Son regard se posa alors sur mon cou et je crus voir brièvement dans ses yeux de la culpabilité. Détourant le regard, il murmura alors à ma plus grande surprise :
- Désolé…
D’une voix étonnée et emprunte d’une touche de douceur quant à ce qu’il venait de me dire, je lui demandais :
- Désolé ? Désolé de quoi ?
- De t’avoir sauté dessus, répondit-il en me tournant obstinément le dos comme honteux de son comportement, sans oser affronter mon regard.
- Ce n’est rien, répondis-je touché par ses excuses.
Il ne répondit rien. Ne pouvant pas le laisser ainsi après le pas vers moi qu’il venait de faire, je m’allongeais derrière lui, cédant à la tentation. Ezekiel se retourna et nos regard se croisèrent. Sa simple excuse avait suffit à faire taire cette légère colère et crainte en moi. Mais cela n’enlevait rien au fait qu’il ne devait pas voir ce qu’il y avait en dessous de ma chemise. Cependant, la tentation était trop forte. Malgré moi, j’avais envie d’être contre lui et de sa douceur dans une moindre mesure. Je me sentais si différent et j’aurais aimé qu’il le remarque.
J’avais l’impression d’avoir mûrit, d’être plus fort. Je ne sentais certes pas comme son égal et encore moins supérieur, mais j’arrivais à le regarder droit dans les yeux. Sans esquisser aucun mouvement, j’étais comme hypnotisé par ses deux pupilles. En le regardant ainsi, j’essayais de le comprendre, mais cela me semblait impossible, aussi impossible que de vaincre Shaolan en combat singulier. Progressivement, il s’approcha davantage de moi, collant son corps contre le mien. Une chaleur étrange m’envahie, m’engourdissant de bien être. Sans en avoir conscience, nos lèvres se joignirent l’une l’autre. Ses lèvres étaient tièdes, sûrement du au fait du repas vorace qu’il venait de prendre et de la vie qu’il m’avait volé sans mon consentement. Me laissant bercer, je me déconnectais de la réalité et me laissais tout comme lui aller entre ses bras.
Sans me maîtriser vraiment, ma langue vint demander l’accès de la sienne et il me l’accorda sans la moindre hésitation. Lorsque qu’elles se rencontrèrent, ce fut avec une tendresse jusqu’alors jamais espérée entre nous. Toute force semblait l’avoir déserté et ce fut avec une passion teintée de désespoir qu’il me rendit mon baiser, engourdissant tout autre sensation possible que le bien être qui m’envahissait. 
Je me laissais entrainer peu à peu par son ballet tendre et langoureux, le sentant se presser d’avantage contre moi, rassuré de sentir son corps tout contre le mien. Son ardeur était sans pareille, et sans pouvoir véritablement me contrôler ou réaliser mes gestes, je passais sensuellement mes mains sur ses fesses. L’excitation que je n’avais jamais ressentit jusqu’alors me brûla les reins. La douceur et la tendresse firent place à quelque chose de plus empressé au fur et à mesure que le désir montait entre nous. Fébrilement, il lâcha mes cheveux, relachant un peu la pression, et ses mains allèrent se poser sur ma chemise. Ce fut ce qui me fit brusquement redescendre sur terre. Qu’espérais-je ? Une fois qu’il aurait vu mon corps, il me repousserait comme un mal propre, indigne d’être dans sa couche. Alors qu’il esquissait un mouvement pour me la retirer, je mis brusquement fin à notre baiser et m’éloignais de lui. Je me relevais et m’éloignais de quelques pas, cachant le peu d’envie que j’avais à faire cela. Ezekiel me regarda interloqué face à mon brusque changement de comportement. Sous l’effet de la surprise, il m’appela d’une vois hésitante, ne comprenant naturellement pas ma réaction.
- Al… Alakhiel ?
Le voyant dans la plus totale incompréhension, et partant dans des pensées trop sombres, je finis par prendre la parole et prétextais lamentablement :
- Tu es encore faible… Il faut que tu te reposes…
- Que je me repose ? Répéta-t-il, abasourdi parce qu’il venait d’entendre. Je ne suis pas faible ! Rétorqua-t-il vivement.
- Tu as perdu beaucoup de sang Ezekiel, insistais-je, cachant mon petit jeu au mieux. C’est pas prudent de… Enfin, tu vois… Eludais-je en m’empourprant violemment.
A ces mots, Ezekiel ricana de manière cinglante.
- Pourquoi n’appelles-tu pas un chat un chat, Alakhiel ? Et à ce que j’ai pu sentir contre ma jambe, tu semblais plutôt en forme aussi.
Après une courte pause, il reprit :
- Maintenant, regarde moi dans les yeux et dis-moi que tu n’as pas envie de moi !
- Repose-toi ! Répétais-je avant lui tourner le dos, n’ayant aucune envie d’éterniser cette conversation. 
Je quittais la pièce, bien décidé à l’éviter le plus possible. Je craignais mon envie et la sienne, mais ce que je craignais surtout c’était sa réaction lorsqu’il verrait mon corps à jamais mutilé. Repoussant rageusement cette envie de pleurer, j’allais plus près de la ville. Je n’étais plus ce Alakiel faible. Cette nuit, je fis un massacre en ville qui n’avait rien à envier aux manières d’Ezekiel. Je tuais avec une cruauté qui en aurait fait frémir plus d’un. J’étais complètement froid et désintéressé face à leurs expressions d’horreur. Seul comptait le sang et la manière la plus abjecte de l’avoir. Je me surpris à prendre plaisir de la terreur qui s’affichait sur leur visage. Je ne finissais même pas mes proies, leur laissant juste assez de sang pour qu’il succombe à une mort lente et douloureuse. 
Je me demandais un bref instant comment Ezekiel aurait réagi en me voyant agir ainsi. Comme dans un état second, je n’arrivais pas à m’arrêter. Je n’avais comme seule limite que le matin qui allait se lever. Tuer et encore tuer. Voler la vie que je n’avais jamais véritablement eue à toutes ces proies si pathétiques. Fermant les yeux, la chemise couverte de sang qui coulait de mon menton, je localisais le prochain humain qui passerait sous mes crocs. Je ne revins véritablement à moi, que lorsque l’aube n’allait pas tarder à se lever. Ce fut avec horreur que je remarquais l’état dans lequel je me trouvais. Un envie de vomir me saisi si rapidement, que je rendais plus de la moitié de ce que j’avais avalé dans une ruelle sordide. Essuyant le sang et les larmes qui maculait mon visage, je me débrouillais pour trouver d’autres vêtements avant de rentrer et me laver. Je ne voulais jamais qu’Ezekiel découvre ce qui venait de se passer. Jamais il ne devait savoir, et jamais je ne devais recommencer. Je ne savais pas ce qui m’avait pris et je comprenais encore moins pourquoi j’en été arrivé là.
Durant les jours qui suivirent, pareille crise ne se reproduit pas. Ezekiel prenait un malin plaisir à me titiller sur la tension sexuelle plus que palpable qui régnait entre nous. Si au début il s’en amusait, je savais qu’il commençait à saturer. Cependant, en rien je ne voulais lui céder, même si cela devait me coûter. Chaque nuit, nous nous éloignons de l’endroit où était caché Shaolan, et pendant ce temps, nous chassions chacun de notre côté, nous donnant rendez-vous à un endroit convenu deux heures avant l’aube. Je sentais la folie meurtrière toujours présente, mais elle ne prit plus le dessus et je redevins le vampire raisonnable. 
Cette nuit, nous embarquions à bord d’un navire qui nous conduirait en Inde. Ezekiel tenait à mettre le plus en plus de distance entre nous et le conseil. Nous étions en attendant, coincé dans la calle miteuse d’un navire. Je n’avais de cesse que de l’éviter, ne désirant en aucun cas un quelconque affrontement, bien que je sente Ezekiel près à craquer. Le navire était encore désert, l’équipage profitant de leur dernière nuit au port pour aller écumer les bordels de la ville à la recherche d’une compagnie galante pour la nuit. 
Poussant un énième soupire de lassitude, Ezekiel finit par rompre le silence qui s’était installé entre nous depuis plusieurs jours :
- Bon alors, si tu me disais ce qui ne va pas !
Ne m’attendant pas à une telle demande de sa part, je le regardais un instant hébété avant de répondre en bégéyant, peu enclin à une telle conversation :
- Je… Mais rien du tout… Qu’est ce qui te fait croire ça…
- Ne me prend pas pour un imbécile, Alakhiel ! Répliqua-t-il cinglant, perdant définitivement patience. Je te trouve bizarre depuis quelques jours, et ne me dit pas le contraire ! Tu m’embrasses, puis tu me repousse et finalement, tu m’ignores complètement depuis ce jour. Alors je te le demande, qu’as-tu à me dire ?
- Rien… Rien du tout, soufflais-je, plus que mal à l’aise.
- Menteur ! Répondit-il sur le même ton. Tu me caches quelque chose… Et je veux savoir ce que c’est ! Ajouta-t-il sur un ton qui n’acceptait aucun refus.
Terrifié, je me précipitais vers la porte, tentant de fuir. Mais Ezekiel semblait avoir prévu cette éventualité et il m’en empêcha. M’attrapant par le bras, il me repoussa violemment de l’autre côté de la pièce. Il n’était plus du tout faible. En l’espace d’un clignement de paupière, il se retrouva face à moi, m’emprisonnant entre son corps et le bois du mur humide, ses deux mains posées chacune d’un côté de mon visage. La douleur et la terreur déformaient mes traits, mais il l’ignora. Il attrapa mon menton entre ses doigts et me força à le regarder dans les yeux, me demandant une nouvelle fois, d’une voix menaçante :
- Pour la dernière fois, dis-moi ce que tu me caches !
Mes yeux se mirent à briller alors que je m’empêchais de pleurer. Je détestais plus que tout être piégé ainsi et j’avais plus que peur qu’il découvre mon véritable état physique. J’avais beau tenter de me soustraire à sa poigne de fer qui m’enserrait le menton, rien n’y faisait.
- Je n’ai rien à te dire ! Crachais-je en tentant de le repousser. Lâche-moi ! Tu me fais mal !
Cependant, au lieu d’accéder à ma demande, il se rapprocha de moi, glissant une jambe entre les mienne de façon à rapprocher davantage nos deux corps. C’était pour moi une véritable torture alors qu’un frisson d’excitation me parcourut l’échine lorsque mon bassin entra en contact avec son haine. Ezekiel semblait dans le même état que moi, car il s’empara de mes lèvres avec une avidité non feinte. S’il savait… Il me rejetterait tel un malpropre le plus loin possible de lui. Non sans douceur, il mordit ma lèvre inférieure, m’obligeant à ouvrir la bouche. Lorsqu’il sentit mes lèvres s’entrouvrir, il ne perdit pas de temps et laissa sa langue partir à la conquête de sa jumelle. Lorsque nos deux langues se rencontrèrent, je ne pus m’empêcher de frissonner violemment contre lui, possédé par l’excitation que lui seul savait faire naître en moi. Ezekiel gémit de plaisir alors que je pouvais sentir son désir violent plus que palpable. Mettant fin au baiser, il murmura tout contre mes lèvres :
- Ne me dis pas que tu ne me désires pas, Alakhiel… Je peux le sentir… Tu suintes la concupiscence par tous les pores de ta peau…
Sans me laisser le temps de répondre quoi que ce soit, il s’empara une nouvelle fois de mes lèvres pour un baiser des plus passionnés. Peu à peu, je me laissais aller, incapable de le repousser, me laissant envoûter. J’allais même jusqu’à répondre à son baiser avec ardeur, ayant du mal à discerner ce que je faisais vraiment. Il pressa davantage nos bassins, enhardis par le désir. Puis il entrepris de déboutonner ma chemise. Alors qu’il enlevait le premier bouton, je retombais brusquement sur terre. Il ne devait pas voir… Je le repoussais avec une force insoupçonnée, le faisant reculer de plusieurs pas. Ezekiel resta un instant immobile, surpris par ce soudain retournement de situation. Je ne perdis pas de temps et commençais à reboutonner ma chemise avec soin. Ezekiel poussa alors un cri de rage et se précipita à nouveau vers moi. D’un geste rageur, il arracha ma chemise et la déchira en lambeaux, sans me laisser une seule chance de l’en empêcher. De manière pitoyable, j’essayais de cacher tant mien que mal mon torse et mon ventre de sa vue, mais c’était trop tard. Ezekiel attrapa mes poignets et me força à écarter mes bras, de façon à ce que j’expose mon corps à son regard. Ayant l’impression que le monde tombait sous mes pieds, aveuglé par ma détresse, j’osais à peine regarder sa réaction. Il avait tout loisir de voir ce que le conseil m’avait fait, me ternissant à jamais. Avec hargne, je lui crachais, les larmes aux yeux :
- Regarde bien, Ezekiel, car c’est la dernière fois que tu verras ce spectacle ! Alors profite bien de ta victoire !
Mais alors que je m’attendais à un rire de dégoût, contre toute attente, il me répondit doucement, toute colère s’étant comme évanouie :
- Il n’y a aucune victoire. Pas plus qu’il n’y a de honte à avoir, ajouta-t-il.
Ne le comprenant pas, j’osais poser mon regard sur lui et vit qu’il esquissait un geste pour enlever sa propre chemise. L’instant plus tard, il était torse nu, exposant son corps à mon regard. Je n’avais jamais fait attention, ou du moins cela ne m’avait jamais dérangé : des traces de cicatrices zébraient sa peau. Jamais cela ne m’avait semblé repoussant. Pour moi, cela avait toujours fait partit de lui…
- Nous sommes pareils, reprit-il après un court silence. Et tes cicatrices ne m’empêcheront pas de te désirer, Alakhiel, déclara-t-il. Tu es beau, Alakhiel, poursuivit-il en embrassant délicatement mon visage.
Il évita soigneusement mes lèvres.
- J’ai envie de toi, et ce ne sont pas ces cicatrices qui vont me repousser, murmura-t-il au creux de mon oreille, avant de me mordiller délicatement le lobe, m’arrachant un gémissement de plaisir malgré moi.
Jamais je n’aurais pensé pareille réaction de sa part. Plus rien ne m’entravais dès maintenant. Ezekiel m’acceptait tel que j’étais, je n’avais plus aucune raison de me soustraire à son étreinte. A ma plus grande satisfaction, il s’empara à nouveau de mes lèvres pour un baiser langoureux. La passion se déchaînait entre nos deux langues d’une manière tellement naturelle que cela en était déconcertant. Les gémissements de désir impatient fusaient, alors que nos bassins se frottaient avec plus d’énergie. La frustration sexuelle nous électrisait entièrement, étant à son comble. N’ayant plus aucun frein, aucun obstacle, seul comptait à présent le besoin d’assouvir ce désir qui nous vrillait les reins. Le désir était l’unique chose qui régissait nos gestes, les rendant précipités et maladroits. Déjà, Ezekiel déboutonnait mon pantalon et le faisait tomber au sol, entraînant en même temps mon sous-vêtement et dévoilant mon érection grandissante. Un gémissement de plaisir s’échappa de mes lèvres entrouvertes, tandis qu’Ezekiel se frottait davantage contre moi, ses lèvres quittant ma bouche pour partir à l’aventure dans mon cou, mordillant délicatement ma peau. L’excitation qu’il provoquait en moi était sans pareille.
Mes gémissements ne tardèrent pas à se muer en petits cris de plaisir, ne faisant rien pour les retenir, me moquant de l’endroit où nous nous trouvions. L’érotisme et le savoir-faire d’Ezekiel étaient au-delà du supportable. Abandonnant mon cou pour descendre toujours plus bas, je sentis passer sa langue sur tout mon corps. Au niveau de mes cicatrices, ma peau était mille fois plus sensible. Délicatement, il pinça un de mes boutons de chair durcis par le plaisir entre ses dents, le mordillant délicatement avant de le lécher avec avidité. Je gémissais sous le flot de ce que je ressentais, et me jambes étaient de plus en plus fébriles, ayant de plus en plus de mal à me soutenir.
Ne désirant pas être uniquement passif, je posais mes mains sur ses fesses et l’attirais contre lui, réduisant au maximum la distance qui séparait nos deux corps, celle-ci étant devenu insupportable. Lorsque nos érections se frôlèrent, Ezekiel gémit de désir à son tour avant de se laisser finalement tomber à genoux devant moi. 
Comprenant précisément ce qu’il voulait faire, et n’en ressentant aucune honte, je glissais mes mains dans ses cheveux et le guidais vers mon sexe qui n’attendait que cela. Un éclair de malice illumina son regard. Impatient, je ne fis rien pour freiner son action. Prenant mon intimité entre ses doigts, lentement, il entama un doux va et vient, me masturbant avec délectation. Je ne pus retenir un cri et d’un mouvement incontrôlable de bassin, je lui montrais que je voulais bien plus que cela. Cependant, loin d’accéder à ma requête, il garda le même rythme langoureux un temps encore et je me promis de me venger. Il finit par céder, et pris soudainement mon sexe entre ses lèvres. Le soudain afflux de plaisir m’arracha un cri de plaisir alors que je me cambrais violemment, m’enfonçant plus profondément dans sa bouche. 
A ma plus grande satisfaction, il entama un mouvement de succion cadencé, me faisant voir les étoiles. Pendant un temps dont je ne parvenais pas à déterminer la durée, il me proccura un plaisir poussé au summum, sa langue caressant mon sexe avec un savoir faire inégalable.
Lorsque que je fus proche de la libération, il abandonna mon érection avant de se relever. Je n’eu pas le temps d’exprimer ma frustration. Déjà, Ezekiel fondait sur mes lèvres, s’emparant avec avidité de ma langue, l’entraînant dans un ballet farouche et endiablé.
Sans mettre fin à notre échange, il inversa nos positions, se retrouvant dos au mur. Surpris, je mis fin au baiser et plantais mon regard empli de l’incompréhension qui m’habitait dans le sien. Pour me faire comprendre ce qu’il voulait, il posa ses mains sur mes épaules et me fit m’agenouiller devant lui. Saisissant enfin ou il voulait en venir, je souris. Évidemment, il voulait la même chose. Et je comptais bien me venger pour tout à l’heure, surtout sur le fait qu’il m’avait arrêté quelques secondes juste avant le moment ultime tant attendu, me refusant la libération. Délicatement, je pris son sexe entre mes doigts, imprimant un va et vient atrocement lent, oubliant tant bien que mal ma propre érection douloureuse.
Au comble de la frustration, il poussa un gémissement plaintif et peu viril, me suppliant de mettre fin à cette torture. Mais je ne comptais pas le satisfaire aussi facilement. Prenant un malin plaisir à le regarder se languir et se tordre de désir sous mes caresses, je n’esquissais pas le moindre mouvement, caressant son érection avec ce même mouvement nonchalant. Puis, jugeant l’avoir assez fait patienter, du bout de la langue, je léchais son sexe sur toute la longueur avant de l’engloutir avidement entre mes lèvres. Le feulement qu’il avait déjà poussé se transforma en cri alors que son corps tout entier semblait parcouru de violents frissons.
Ma langue s’enroulait autour de son intimité, tentant de lui procurer un maximum de plaisir, espérant être à la hauteur. Après un certain temps de ce traitement, je libérais son intimité pour la lécher sur toute sa longueur avant de m’attarder longuement sur son extrémité. Ezekiel se cambra violemment. Le sentant proche de la jouissance et moins cruel que lui, je le repris entièrement en bouche. J’imprimais alors un rapide mouvement de succion qui eut raison de ses dernières résistances. Ses doigts crispés sur mes cheveux, il se libéra en criant mon prénom, me faisant vibrer de désir.
Satisfait d’avoir été l’espace d’un instant maître de son plaisir et voulant plus, je me relevais et lui fit face, une lueur de défi dans le regard. Profitant de son état, encore comateux après l’orgasme qu’il venait de ressentir et dont il m’avait privé égoïstement, je pris son menton avec douceur entre mes doigts et l’embrassait avec violence, lui transmettant ma propre impatience. Mes crocs mordillant sa lèvre inférieure suffirent cependant à réveiller à nouveau son désir et répondant au baiser, il inversa de nouveau nos positions, me planquant sans douceur contre la paroi du navire.
À la hâte, il porta deux doigts à ses lèvres et les lécha succinctement avant de les glisser entre nos deux corps jusqu’à mon intimité. Là, délicatement, il insinua un doigt en moi. Le plaisir fut tel que je ne pus me retenir de pousser un gémissement, me cambrant d’avantage contre lui. Les frissons n’avaient de cesse de parcourir mon corps, tandis que mes lèvres mordillaient son cou avec sensualité, élimant définitivement toute once de patience. Semblant plus qu’hâtif, il inséra alors sans prévenir, un deuxième doigt en moi. Si le premier ne fut pas douloureux, ce ne fut pas le cas du second. La douleur irradia brusquement ma colonne, une douleur amère, une douleur que j’avais du mal à supporter. Me tenant contre lui, je ne pus m’empêcher de planter mes crocs dans son cou.
Prenant son mal en patience, Ezekiel me prépara avec soin. Il ne fallut pas beaucoup de temps pour que je finisse par me détendre, et dans un murmure des plus indécents qui m’étonna moi-même et qui me donna le rouge aux joues, je murmurais au creux de son oreille :
- Allez vient… Ne te fait pas prier davantage, Ezekiel.
Mon amant perdit tout contrôle. Habillement, comme si je ne pesais rien, il me souleva par les hanches. Comprenant le message, j’enroulais mes jambes autour de ses hanches, rapprochant nos deux corps plus qu’ils ne l’étaient déjà. Le plaisir fut poussé à son comble alors qu’il pénétrais entre mes chairs et de violents frissons me parcoururent lorsqu’un qu’un grognement gutural s’échappait de sa gorge alors qu’il me prenait entièrement.
Sans attendre, j’entamais un lent déhanchement qui acheva ses dernières résistances. A son tour, il entama un va et vient plus cadencé, me pénétrant au rythme de mes cris de plaisir. Son visage enfoui dans mon cou, son souffle haletant me caressait la peau avec délice. Je me surpris à réaliser que j’avais tellement eut peur de ne plus pouvoir vivre cela… La manière possessive qui l’avait de me prendre me grisait, laissant mon être tout entier se fondre en lui, être sien…
Soudain, Ezekiel tomba à genou, m’emportant dans sa chute. À bout de souffle, il resta immobile, semblant tenter de retrouver sa respiration régulière. Comprenant qu’il n’était pas raisonnable de le laisser fournir un tel effort, n’étant pas tout à fait remit de ses blessures, je retins ma frustration. D’un geste d’une infinie douceur, je glissais ma main sur sa joue et l’embrassais avec une réelle tendresse.
Puis, plongeant mon regard dans le sien, j’esquissais un sourire mi-amusé mi attendrit. Il était ainsi. Par orgueil, il se mettait dans un état lamentable. Je déclarais alors dans un souffle, la respiration haletante :
- Ne gaspille pas tes forces… Laisse-moi faire…
Avant qu’il ne réalise ce que je venais de lui dire, d’un habile coup de rein, je le fis s’allonger sur le sol, le chevauchant. Le toisant de toute ma hauteur, faisant taire la gène, je lui addressais un regard triomphant et partit dans un déhanchement vigoureux qui lui arracha un gémissement de plaisir. Etonnamment, Ezekiel me laissa les commandes de notre plaisir, les mains posées sur mes hanches, se contentant de m’aider à garder le rythme cadencé de mes vas et vient.
Puis, l’orgasme déferla sur nous avec une violence jamais vue. Dans un ultime déhanchement, Ezekiel se libéra en moi, les ongles plantaient dans la chair de mes hanches, me marquant à jamais, alors que que je me libérais sur son ventre.
A bout de souffle, épuisé, je me laissais retomber sur lui, le visage enfoui dans son cou, inspirant à plein poumon son odeur si particulière. Avec surprise, les bras de mon amant se refermèrent autour de ma taille, m’enserrant dans une étreinte possessive, comme s’il ne voulait pas que je m’éloigne. J’eus du mal à comprendre le pourquoi d’un tel geste, mais je ne cherchais pas à m’y soustraire. Ma tête reposait maintenant sur son torse, encore envahi de ce sentiment de plénitude. Je caressais sa poitrine d’un geste distrait. Qu’allions-nous devenir ? Cette question n’avait pas sa place dans un pareil instant…

Inde, 2 décembre 1800

Le trajet fut terriblement long et avait pris du retard. L’ennui avait été entrecoupé de scènes qui me donnaient encore le rouge aux joues, et qui avaient manqué plus d’une fois de nous faire prendre. Ezekiel avait comme promis commencé mon entraînement. C’était un professeur plus qu’exigent et rarement satisfait, malgré tous les efforts que je fournissais, mais cela n’avait rien à voir avec ce qui c’était produit dans le passé, moment où je n’avais eu aucune envie d’apprendre. La nourriture avait été succincte et Ezekiel et moi étions presque en état de famine. Nous étions resté dans la calle du bateau, attendant que la nuit tombe. Nous décidâmes de partir chacun de notre côté chassé et de nous retrouver quelques heures avant l’aube avant. 
Guidée par la fin, cette nuit-là, une deuxième crise se déchaîna. À peine nourrit de ma première proie que le désir incontrôlable d’en vouloir plus l’emporta. Il fallait que je boive encore et encore. Pire ! J’étais possédé par cette cruelle envie de tuer, de sentir leur vie quitter leur corps petit à petit ou plus violemment. Je voulais sentir ce pouvoir que j’avais sur ces humains. Je les haïssais et au plus profond, les enviais de pouvoir être ce que je n’étais pas. Un à un, tous ceux que je rencontrais tombaient sous mes crocs pour une mort affreuse. Mais je ne gaspillais cette fois pas une goutte de sang, les laissant vidé de ce liquide précieux, vidés de toute vie. J’eus du mal à me souvenir du nombre de personne que j’assassinais sauvagement. J’étais réduit à l’état de bête, tel un chien abandonné et sauvage sacrifiant tout un troupeau de moutons. La haine qui m’habitait m’aveuglait et je n’avais aucun contrôle sur celle-ci. Ce fut uniquement lorsque je sentis le soleil prêt à poindre que je revins à moi. Je fus possédé par cette même envie de vomir, mais je me retins. Avec horreur, je réalisais que je n’avais pas le temps de rejoindre Ezekiel au lieu de rendez-vous. J’étais allé bien trop loin, et déjà les premiers rayons commençaient à poindre à l’horizon. J’avais honte, terriblement honte. Mon corps entier était douloureux, trop plein de ce liquide qui m’écoeurait dès à présent. Ce fut inextremis que
je trouvais un lieu où me cacher, me coupant volontairement de tout lien possible avec Ezekiel. Pour le moment, je n’aspirais qu’à dormir et oublier. Demain, j’affronterais la colère de mon créateur…
Replié sur moi-même dans le coin d’une cave miteuse, je tremblais nerveusement, incapable de me calmer. Éveillé, je m’écoeurais au sujet de ce que je venais de faire ; endormi je me retrouvais dans les horribles salles de tortures du conseil. Ce ne fut que peux d’heures avant la tombée de la nuit, vaincu par l’épuisement que je parvins à fermer l’œil. Je me réveillais en sursaut. Il devait faire nuit depuis quelques heures déjà. Ezekiel devait être à ma recherche. Sortant de mon trou, je tentais de défroisser un peu mes vêtements. Je devais avoir l’air minable. M’étirant, les muscles comme courbaturés, je sortais de mon trou à rat. Il fallait que je me rapproche du lieu de rendez vous, et je préférais attendre avant de renouer le contact avec lui. Le connaissant, il devait être hors de lui, et je préférais retarder la confrontation. Courant d’un pas léger, dénouant progressivement mes muscles, je fus surpris de la puissance qui m’habitait. La faim s’était tue, et rien que l’idée de tuer quelqu’un de plus me semblait impensable.
Une fois arrivé au lieu de rendez-vous fixé la veille, ne pouvant plus retarder cet instant, j’ouvrais à nouveau le contact avec Ezekiel. A peine l’eussè-je effleuré mentalement, qu’il était en face de moi. En un rien de temps, après m’avoir rapidement toisé et constatant que j’étais en un seul morceau, il me saisit par la gorge et me plaqua contre le vieux mur de pierre sans la moindre douceur. Ses mains me serraient trop fort, j’avais l’impression d’étouffer, mais je ne pouvais rien faire pour me dégager.
- Dans mon infinie clémence, je te laisse deux minutes pour m’expliquer ce que tu as fais !
Desserant brutalement son étreinte, je tombais pathétiquement sur le sol, ayant beaucoup de mal à me réceptionner sur mes pieds et à tenir droit. Massant ma gorge, je mis surement trop de temps à son goût pour réagir, car sa voix autoritaire claqua, ne cachant pas sa colère :
- Dépèche-toi Alakhiel ! Et ton excuse a intérêt d’être bonne, sinon tu vas regretter de ne pas être mort la nuit dernière.
Je sortis alors, l’excuse la plus minable qui me vint à l’esprit dans la précipitation, baissant le regard :
- Je… Je me suis… Je me suis perdu… Et… Et il était trop tard pour venir jusqu’ici.
Mon excuse n’eut aucun effet direct sur Ezekiel qui ajouta aussitôt :
- Bien essayé, mais ça n’explique pas pourquoi tu as coupé le contact ! Je te laisse une dernière chance !
Ce fut à mon tour de m’emporter. En quoi cela le regardait ! Pris d’un excès de zèle, sans vraiment réfléchir, je le défiais du regard et je déclarais avec insolence :
- Ce ne sont pas tes affaires !
Je sentis plus que je ne la vis venir une gifle si sèche qu’il m’écorcha violemment le visage, m’envoyant par terre sous la violence du choc.
- Ne refait plus jamais cela Alakhiel. Je laisse passer pour cette fois dans mon infinie clémence, mais ce ne sera pas la même chose pour la prochaine fois.
Il me tourna le dos et commença à s’éloigner. Massant ma joue douloureuse et bougeant tant bien que mal la mâchoire, je ne partais pas à sa suite et j’entendis alors sa voix gronder :
- Dépêche toi ! Nous devons quitter cette ville. Dorénavant, tu ne me quittes plus d’une semelle sans mon accord, que ça te plaise ou non !
Je le suivis sans broncher.  Au vu de la crise que je venais d’avoir sans être avec lui, il vallait peut être mieux que je ne sois plus seul pendant un moment. Loin de lui expliquer ma docilité, je partis à sa suite. Ezekiel se retourna brièvement et je cru lire de l’étonnement dans son regard. Et c’est ainsi que nous entamèrent notre voyage en Inde.
Plusieurs semaines se passèrent ainsi, mêlant entraînements et chasse. À aucun moment Ezekiel ne me laissait le quitter. Et dès que je m’écartais un peu trop, je le retrouvais sur mes talons. Nous étions sans cesse en fuite, allant toujours plus loin, et je commençais à en être terriblement lassé.  Mais je prenais mon mal en patience. Je mangeais peu, le strict minimum, ce qui avait parfois le don d’exaspérer mon créateur. Je me cachais bien de lui dire que je voulais plus, et que je le craignais. Je m’aidais de son regard tel un garde-fou. Jamais je ne voulais vivre à nouveau une de ces crises si tentantes qui me mettaient dans un état de semi conscience. Pourtant, je pouvais sentir gronder au fond de moi ce désir animal de prédateur. Je ne faisais que l’étouffer, mais j’avais peur d’être bien incapable de le faire disparaître. 
L’aube n’allait pas tarder et nous étions dans une cave aménagée suffisamment grande et confortable. Ezekiel avait choisi ce moment pour un entraînement. Il ne semblait pas particulièrement satisfait de la manière dont je me battais, et ses petits commentaires cinglants avaient le donc de m’agacer. Pourtant, je donnais tout ce que j’avais, ne lésinant pas sur les efforts. Voilà plus de trois heures que nous nous battions, et si Ezekiel commençait tout juste à transpirer légèrement, j’étais en nage. Mes muscles étaient douloureux et je savais qu’une simple gorgée de sang me redonnerait des forces. Mais pour cela il faudrait que j’attende le lendemain. 
Je venais encore une fois de rencontrer le sol et je me levais avec difficultés.
- Est-ce qu’on peut faire une pause ? Demandais-je haletant.
- Espèce de femmelette ! Tu crois vraiment que tes ennemies vont s’arrêter de vouloir te tuer juste parce que tu veux faire une pause ? Tu es déjà épuisé alors que je retiens mes coups pour ne pas te faire mal ! Tu es d’un pathé…
Il n’eut pas le temps de finir sa phrase. La colère l’avait emporté. Jamais un compliment, toujours à me rabaisser. Rassemblant toutes mes forces, même celles dont j’ignorais l’existence, je fondis sur lui le faisant voler jusqu’à l’autre bout de la pièce où il atterrit misérablement sur le sol après avoir rebondit sur le mur. Voyant rouge, j’étais déjà au-dessus de lui, mes mains enserrant sa gorge, l’empêchant tout mouvement. Ezekiel esquissa un mouvement pour se soustraire à ma prise, mais je ne fis que serrer plus fort. Sentant cependant que je ne tiendrais pas indéfiniment ainsi et que cette victoire serait trop courte, je décidais d’utiliser une arme qu’il ne m’avait pas encore apprise : la manipulation.
Un éclair traversa mon regard. Il était ainsi sous moi, à ma merci, depuis notre trajet en bateau, nous n’avions rien fait. J’y avais pris goût bien plus que je ne l’aurais cru. Un petit sourire se dessinait sur son visage, ayant passé le stade de la surprise, comme s’il était satisfait.
Avec toute la sensualité dont je pouvais faire preuve, je m’abaissais au dessus de lui, effleurait à peine ses lèvres, laissant mon souffle encore saccadé effleuré sa peau, et glissais vers son oreille pour susurrer :
- Et si nous passions à quelque chose pour laquelle nous sommes tous les deux doués…
Mes joues s’empourprèrent légèrement, surpris par ma propre audace. Puis, je m’écartais légèrement de lui, laissant mon visage à quelques centimètres à peine du sien. Pour toute réponse, la main d’Ezekiel passa derrière ma nuque et m’attira vers lui. Nous ne perdîmes pas de temps, nos lèvres déjà entrouvertes, nos langues se mêlaient déjà avec passion. Ses mains glissaient déjà sous ma chemise, caressant mon dos, non sans douceur, mais le griffant presque. Enhardi, je cessais plusieurs fois notre échange pour quelques secondes, lui mordillant la lèvre inférieure. Son corps se déhanchait sous le mien, frottant nos deux bassins déjà gorgés de désir. La fatigue qui m’avait paru insurmontable quelques minutes auparavant me semblait déjà lointaine, investie d’une nouvelle force. Quittant ses lèvres un court instant, m’attirant un gémissement de frustration, alors que ses mains se promenant sur ma colonne m’incitaient à revenir, je déboutonnais sa chemise. Comprenant où je voulais en venir, voulant sentir sa peau brûlante contre la mienne, il déboutonna sa propre chemise avec un tel empressement qu’il l’arracha presque. Sa main passa alors sur la cicatrice qui passait du haut de mon torse sur mon ventre et je ne pus réprimer un frisson alors qu’une décharge électrique foudroyait ma colonne. Sans plus attendre, nous bouches se retrouvèrent et le contact de nos deux torses bouillants de désir nous fis tous deux pousser un gémissement de satisfaction. Nos intimités comprimées réclamaient plus. A chaque frottement, celle-ci devenait bien plus douloureuse. Trop empressé pour perdre du temps, je quittais ses lèvres pour glisser dans son cou, entamant ma descente vers le sud.
Léchant son cou tout en résistant à la pulsion d’y planter mes crocs, je le quittais à contrecœur et me retrouvais sur son torse et plus précisément sur sa cicatrice qui n’était maintenant plus qu’un souvenir. Passant sur chacune d’elle avec pour unique volonté : réveiller plus qu’il ne l’était déjà son désir, j’arrivais bientôt à son pantalon. Celui-ci n’offrit que peu de résistance. Avec le savoir faire que j’avais finit par acquérir, je le lui enlevais le jetant loin de nous dans la pièce. Ezekiel était maintenant complètement nu, son sexe fièrement dressé, prouvant son désir pour moi. Flatté, je l’effleurais plusieurs fois avec mes mains, souriant avec provocation à Ezekiel qui grognait de plaisir et de frustration mêlé, attendant bien plus de ma part. Saisissant avec plus de vigueur son érection, je vis son corps entier s’arquer sous moi.
N’arrivant pas à me maîtriser plus longtemps, comme trop pressé, ma bouche vint porter aide à mes caresses manuelle.
Ezekiel cria presque mon nom. Grisé d’être ainsi maître de son désir, je ne lésinais pas sur les efforts, cherchant à chaque fois ce qui lui apporterait encore plus. J’ignorais ma propre intimité douloureusement coincé dans mon pantalon, j’étais uniquement là pour apporter du plaisir à mon amant. Mais quelque chose de plus me vint à l’esprit. Une chose à laquelle je n’avais jamais songé réellement. Et cette petite chose à laquelle je venais de penser se mit à prendre rapidement de l’ampleur. Ma conscience me disait que c’était une mauvaise idée, et pourtant, je ne voyais pas en quoi cela pouvait l’être. J’avais gagné après tout. Je méritais bien cela. Je méritais bien de goûter à ce genre de plaisir moi aussi. Laissant Ezekiel envoûté par mes attentions, il ne protesta pas alors que je commençais à lui masser les fesses de ma main libre. Il n’eut pas non plus conscience du moment où j’humidifiais deux doigts. Il semblait trop perdu dans son plaisir pour s’en rendre compte. Il m’avait au moins initié à une chose à laquelle j’étais doué. Tentant ma chance, j’effleurais doucement son orifice, et presque aussitôt, je m’attirais un grognement sourd, presque animal de protestation. Me retirant vite, je ne cédais pas pour autant. Gardant mon idée en tête, je ralentis mon rythme jusqu’à arrêter presque. Le laissant dans un état de frustration pure, je tentais alors une chose que je n’aurais jamais dû. Je ne réalisais que trop tard que cela serait peut-être vécu pour lui comme une forme de trahison. Alors que ma bouche reprenait entièrement son sexe pour une caresse intense, j’insérais entièrement un doigt en lui. J’aurais sûrement du le prévenir, mais aurait-il seulement accepté la moindre discussion avec moi à ce sujet… J’eus alors la plus terrible leçon de ma vie. Ezekiel était un dominant et je resterais à jamais le dominé. Qu’avais-je cru ? Qu’avais-je espéré ?…
Sans vraiment comprendre ce qui m’arrivait, je me retrouvais projeté à quelques mettre de son corps. Mon torse heurta la pierre froide, et j’eus à peine le temps de retrouver ma respiration que je pouvais déjà le sentir fondre sur mon dos. Mon pantalon fut baissé jusqu’à mes chevilles, à moitié arraché. Je ne le vis pas venir. J’étais juste prisonnier et impuissant, plaqué sur le ventre par une créature qui voulait se venger de ce que j’avais seulement osé faire. Toute excitation était partie, ainsi que ma fierté alors que je tentais de gémir pitoyablement :
- Ezekiel, qu’est ce que…Qu’est ce que tu fais… Non arrête ! S’il te plait !
Mais c’était trop tard ? Au même moment où il mordit dans mon cou avec une violence inouïe, il me prit sans la moindre douceur, comme une bête, comme jamais il n’avait osé le faire. Je voulu hurler, mais aucun son ne sortie de ma bouche ouverte. Jamais je n’avais connu pareille douleur, même dans une salle de torture. C’était parce que ce n’était pas une douleur uniquement physique. Je lui avais donné ma confiance, j’avais fini par accepter de partager sa vie et de continuer la mienne à ses côtés. Je lui avais pardonné silencieusement pour Elisabeth. Rien ne justifiait le fait qu’il me fasse subir une telle chose. Aucune excuse valable pour passer l’éponge.
Ses coups de butoirs n’avaient pas de fin, et rien ne semblait pouvoir m’aider à me débarrasser de cette douleur. Les larmes voulaient monter, mais pour rien au monde, je ne voulais lui faire ce cadeau. Les ravalant, j’endurais en silence. Je me sentais bafoué, rabaissé plus bas que terre. Je n’étais plus rien.
Ses gémissements de plaisir faisaient monter en moi une haine sourde, une colère sans nom et bien trop profonde. Tel un tsunami, cette haine détruisit tous les barrages que je m’étais efforcé de construire après cette fameuse première nuit en Inde. Aller me perdre dans cette violence ferait sûrement taire cette souffrance.
Mais ce qui était le plus difficile à encaisser était la violence du sentiment de trahison que je ressentais en moi. Je réalisais uniquement maintenant, que si j’avais choisis de vivre à ses côtés ainsi, même dans la fuite, c’était qu’au fond de mon cœur, bien caché, vivait quelque chose qui battait pour lui et qui sans avoir le temps d’éclore, venait de se briser en milliers de petits morceaux. Cette force qu’Ezekiel avait réussie à faire naître moi, il venait juste de me la voler, la soufflant en quelques minutes seulement. 
Il se répandit en moi, me déversant son venin. Mais ce qui fut le plus dur à supporter fut de l’entendre crier mon nom. Il finit par se retirer, et s’étendis à côté de moi, essoufflé, les yeux dans le vague, emporté par l’orgasme qu’il venait d’avoir à mes dépends. Je me sentais sale comme jamais je ne l’avais été. Je n’osais pas bouger, et pourtant tout mon corps me criait de fuir. Mais nous étions en plein milieu de la journée et j’étais coincé ici avec lui. Je fus pris d’un tremblement de dégoût lorsqu’il approcha son bras pour m’attirer contre lui. Ce fut uniquement lorsqu’il voulut m’embrasser, comme si rien ne s’était passé que je le repoussais avec la même violence qu’il venait de dégager sur moi. D’un bon, je fus à l’autre bout de la pièce, dans un coin, le fixant avec une haine non dissimulée, surveillant et craignant le moindre de ses gestes. Je respirais rapidement, pris de violent tremblement que je ne parvenais pas à calmer. Nu comme un ver, je me sentais misérable. 
Ce ne fut qu’à ce moment-là qu’Ezekiel sembla quelque peu revenir à lui. Il semblait déboussolé, mais je n’en avais cure. Quelque que soit l’état second dans lequel il s’était trouvé, rien n’y changerait.
Il se redressa et avança lentement vers moi. Mais il s’arrêta aussitôt lorsqu’il me vit me coller plus qu’il n’était possible contre le mur.
- Alakhiel… Murmura-t-il la voix basse dans laquelle je pouvais discerner du remord.
- Ne t’approche pas ! Sifflais-je, d’une voix froide.
Ezekiel resta figé et après un temps, il me répondit alors :
- Je… je suis désolé, Alakhiel.
Je ne répondis pas. Mon regard parlait pour moi. Il pouvait même se jeter à mes pieds, me supplier de son regard, trouver une excuse pitoyable, rien n’enlèverait ce que je ressentais à l’instant même. J’étais piégé dans le coin de cette pièce avec lui jusqu’à la tombée de la nuit. Mais dès que celle-ci arriverait, il n’entendrait plus jamais parler de moi. Il pourrait me poursuivre, m’obliger à le suivre, je préférais trouver la mort que de partager le même espace que lui quelques secondes de plus. La haine illuminait mon regard si violemment, qu’elle contrastait avec le remord très net que je pouvais voir dans le sien.
Mais je me moquais de son regard. Une faim guidée par la folie commençait à m’envahir et je ne faisais rien pour l’arrêter. Je préférais avoir désespérément faim que simplement repenser à ce qu’il venait de me faire.
Comprenant qu’il n’y avait rien à faire, Ezekiel rassembla ses vêtements et s’installa dans le lit de fortune que nous avions préparé quelques heures auparavant. L’aurions-nous partagé si rien de cela ne serait produit ? Aurais-je passé la nuit dans ses bras possessifs et protecteurs ? Un frisson violent de dégout me parcourut. Cette vie là était terminé. Mon créateur s’installa dans le lit de manière à me laisser assez de place. Je ne pu retenir un rire nerveux. Croyait-il vraiment que j’allais le rejoindre ?
Il se tourna vers moi. Nos regards se croisèrent et ne se quittèrent plus. Je le sentis tenter de lire en moi et je le laissais volontairement entrer. Qu’il voit l’étendu de ce que je ressentais pour lui et surtout qu’il voit ce qu’il venait de me faire subir. Puis lorsque je jugeais qu’il allait trop loin, je le rejetais avec une violence guidée par la haine qui le fit sursauter. Je ne le quittais pas du regard, et pour la première fois, ce fut Ezekiel qui détourna le sien. J’avais gagné une bataille contre lui avant ce drame, et cette bataille venait de prendre fin.
Je restais toute la nuit à le fixer. Il avait fini par me tourner le dos. J’étais à l’affût de la tombée de la nuit. Je pourrais enfin me laisser aller à oublier tout cela. Adieu Ezekiel, adieu le conseil : ce n’était plus mon problème. Lorsque je sentis la nuit arriver, je me redressais vivement. Attrapant mes vêtements, sans un dernier regard vers Ezekiel, je partais à la recherche du premier malheureux qui serait en face de moi. 
Durant les jours qui suivirent, je perdis toute notion du temps, oubliant progressivement qui j’avais été. La seule chose qui comptait maintenant à mes yeux était de prendre mon pied et surtout de tuer. Comme si
tuer était la seule manière d’évacuer ma haine. Je me laissais embarquer par cette danse funèbre si envoûtante.
D’Ezekiel, je n’avais aucune nouvelle et ne cherchais pas à en avoir. Je m’étais coupé de lui mentalement et je doutais qu’il veuille ne serait-ce que me retrouver. Je m’en moquais. Son nom n’était plus qu’un mauvais souvenir. J’avais rayé tout cela de ma vie. Je continuais à m’en éloigner le plus possible. Je fréquentais les endroits les plus glauques et les plus sombres. Je gardais même des proies pour m’amuser pendant mes longues journées. Chaque jour, j’attendais la nuit. Je vivais uniquement pour cela. 
Je perdais peu à peu toute conscience du monde extérieur. Je vivais simplement pour ce que je ressentais physiquement. Je devenais comme piégé par ses ressentis oubliant ce que j’avais appelé une émotion. Je ne voulais plus de ceux-ci. Dès que je m’en approchais à nouveau d’un peu trop prêt, je n’avais que de mauvais souvenirs. La douleur physique n’était finalement rien face à la douleur mentale. Plus je buvais de sang, plus j’avais l’impression d’oublier. Je ne valais pas mieux qu’un alcoolique.
Je m’enfermais dans une vie de violence, de sexe, et d’oubli…
Il était une heure avancée de la nuit et je n’avais pas trouvé meilleur lieu qu’une maison de prostitution. Plusieurs cadavres jonchaient le sol, mais les autres ne semblaient même pas les voir, totalement hypnotisés par mon pouvoir. J’étais étendus sur un lit de soie, le corps offert. Un jeune homme m’offrait une fellation qui en aurait fait rougir d’envie plus d’un, tandis qu’une femme caressait lascivement mon corps. Un autre jeune homme, ayant déjà une trace de morsure dans le cou, ne devait ses quelques heures de vie supplémentaire que parce qu’il embrassait divinement bien.
Une autre jeune femme, en face de moi, européenne, qui ressemblait cruellement à Elisabeth, dansait et se déshabillait avec savoir faire sur la musique qu’une autre femme plus vielle jouait dans un coin de la pièce. Ce fut à ce moment précis, en face de ce tableau de luxure, que l’unique vampire que je ne voulais plus jamais voir entra dans la pièce.
Ezekiel resta figé un court instant. Ses poings se serrèrent, et une colère que je ne lui avais jamais vu envahi son regard. Sans que j’ai le temps de réagir, il saisit une à une chacune de mes victimes et les égorgea avec violence, faisant gicler une mer de sang partout. 
Il termina cependant par trancher la gorge de l’Européenne en face de moi en me fixant d’un regard glacial. Elle tomba lourdement sur le sol.
Il ne restait plus que lui et moi dans la pièce, dans une pièce baignée de sang…
- Rhabille-toi, dit-il en me balançant mes vêtements étrangement propres.
Le ton sur lequel il me donna son ordre ne laissait aucune place pour le contrer. Ce fut en écoutant mon instinct de survis que je m’exécutais. 
- Suis-moi ! Claqua-t-il avec une fureur que je ne lui connaissais pas. 
Je l’écoutais sans broncher et ce ne fut qu’au moment où nous fûmes dehors que je réalisais ce que j’étais en train de faire. Croyait-il vraiment que tout allait revenir comme avant ? Que j’allais rester éternellement son jouet avec lequel il s’amusait. Croyait-il que j’allais lui pardonner ce qu’il m’avait fait une fois de plus. Non, ce moi docile n’était plus, il l’avait définitivement brisé. Ezekiel marchait devant, d’un pas désespérément rapide qu’il était difficile à suivre. Il était toujours aussi furieux, même pire que cela ! Certes, il m’inspirait la peur, aujourd’hui plus encore que jamais. Mais, avec défis, je déclarais alors que nous marchions dans une ruelle sombre :
- Qu’est ce qui t’as pris ! Je ne suis pas un gamin ! Je ne t’ai rien demandé ! J’ai le droit de mener ma vie comme je l’entends. Et quoi ! Tu as peur d’être seul ?
Puis, sans attendre sa réaction, je lui tournais le dos et prenait une nouvelle direction.  Qu’avais-je cru ? Qu’il était aussi facile que cela de tourner le dos à Ezekiel et de lui tenir tête. J’allais payer le prix fort pour cette leçon. Je ne le sentis pas arriver et j’étais déjà projeté avec une vitesse incroyable sur le mur à ma gauche. Je m’effondrais sur le sol. Mon créateur me redressa en me tirant par les cheveux contre le mur, et son poing rencontra ma joue. J’encaissais ce deuxième coup plus que douloureux, mais rassemblant mes forces, je me redressais aussitôt, ne lui laissant pas le temps de revenir sur moi, et bondis sans réfléchir sur lui. Je pus à peine griffer sa joue, qu’il m’envoya voler à nouveau contre le mur. Ce fut ma tête qui heurta trop fort le mur. Je m’étalais sur le sol à moitié inconscient. Je vis sa silhouette bondir au-dessus de moi, mais ma vision se troublait. Il me griffa, criant sa rage, me martelant de coups. Puis il fondit sur moi, mordant mon cou en le déchiquetant presque. Il but à une vitesse qui me donnait le vertige, m’ôtant littéralement la vie qui coulait en moi. J’eus beau tenter de me débattre, rien n’y faisait. Plus je tentais de bouger, plus les forces me quittaient. Ma respiration s’arrêta peu à peu.
J’entendais de moins en moins, jusqu’à totalement perdre l’ouie. Ma vision commença à s’obscurcir, jusqu’à ne plus rien voir. La seule sensation qui me restait était de sentir ma vie partir. Je partais peu à peu, et sans pouvoir rien y faire. Ezekiel m’avait pris ma vie d’humain, et il faisait de même avec ma vie de vampire. L’inconscience m’emporta avec la terrible idée que cela serait sûrement définitif…
Lorsque j’ouvris les yeux, il faisais désespérément noir et j’étais incapable de définir le lieu ou je me trouvais. Je repoussais l’hypothèse de la mort, car une faim inhumaine me déchirait les entrailles. Je n’avais que très peu de sang dans mon organisme et les coups que j’avais reçu n’avaient pas guéris. Une migraine me vrillait les tempes et lorsque je voulu lever ma main pour la passer sur mon visage, j’en fus bien incapable. Toute force m’avait quittée. Je ne valais plus rien. J’étais étendu à même le sol humide dont une odeur nauséabonde se dégageait et me donnait envie de vomir. Je sondais la pièce et il me semblait que j’étais seul. Alors que je voulus tourner la tête, j’en fus une douleur aiguë me fit presque crier. Elle provenait de l’endroit où ma tête avait dû heurter le mur. Une chose était sure, je n’étais plus dans cette sinistre ruelle. J’étais dans cette pièce sans lumière, et je n’avais pas la moindre idée de comment j’avais fini ici. Je fermais les yeux, tentant de maîtriser comme je le pouvais cette faim dévorante et ce fut une odeur de sang qui précéda l’arrivée d’un vampire qui n’était autre qu’Ezekiel.
J’ouvris les yeux alors qu’il rentrait dans la pièce et la simple lumière du chandelier qu’il tenait m’aveugla. Je ne sentais que le sang dont il était rempli. J’avais faim et je rêvais de planter mes crocs dans sa gorge. Mais cela, je savais que c’était impossible… j’étais complètement à sa merci et plié à son bon vouloir, rien que cela me donna un frisson de répulsion.
- J’espère que tu as compris la leçon, misérable raclure. Si tu te voyais, tu es comme à ton habitude : pitoyable et pathétique, claqua-t-il avec froideur et supériorité.
Ne voulant pas gaspiller mes forces à me battre verbalement avec lui, je tentais de me redresser lentement tout en lui demandant :
- Qu’est ce que tu m’as fait ? Ou est ce que je suis ?
- Dans un lieu dont tu ne pourras pas t’échapper ! Et ce n’est pas à toi de poser des questions Alakhiel ! Cracha-t-il avec colère.
Je n’arrivais même pas à me mettre en position assise. J’étais trop faible, j’avais besoin de sang, mais jamais je ne m’abaisserais à le lui demander. Je ne contrôlais cependant pas cette petite voix en moi qui criait famine. Pour la première fois, alors que je l’avais si souvent battue et maîtrisée, j’étais à la merci de cette faim infinie.
Ezekiel s’approcha de moi, et contre toute attente, je me redressais vivement, comme les dernières forces d’une survie, me plaquais contre le mur, les jambes tremblantes, et montrais mes crocs dans un geste agressif et visant à me protéger après un grognement sourd :
- Ne t’approche pas de moi ! Criais-je, sentant à défaut du sang, la haine couler dans mes veines.
Ezekiel s’arrêta interdit et me regarda de la tête au pied avant de me demander dans un ton neutre que je n’aurais su définir, beaucoup plus doux que quelques minutes auparavant :
- Qu’est ce qui t’arrive Ezekiel ? Pourquoi est-tu devenu comme ça ?…
Je ne pus pas répondre. Une crampe me saisit brusquement me forçant à m’accroupir et me tenir le ventre. J’avais faim. Tremblant, je redressais la tête vers lui et lui lançait un regard insolent.
Ezekiel soupira, esquissa un geste vers moi, puis s’arrêta au milieu avant de me tourner le dos et de dire :
- Je te laisse le temps de réfléchir à ce que tu es devenu Alakhiel. N’essaye pas de fuir, c’est impossible.
La porte claqua. Les tremblements que j’avais tenté de contrôler revinrent plus fort, plus violent, m’arrachant un sanglot du à la souffrance qu’ils m’infligeaient. J’avais faim, terriblement faim. J’étais arrivé à un état de faiblesse et de famine tel, que je ne l’avais jamais connu. Un rat puant eut la malencontreuse idée de passer à portée de ma main.
Ce fut le peu de sang qu’il m’apporta qui m’aida à trouver un peu de sommeil…
 Les nuits qui suivirent se passèrent ainsi. Ezekiel venait me demander si j’avais une réponse à sa question, me rabaissant un peu par la même occasion et jamais je n’ouvrais la bouche. Il partait comme il était venu, respirant la bonne santé. Je ne savais pas si le plus dur n’était finalement pas de sentir tout ce sang émanant de lui. La faim était de plus en plus terrible à supporter. Je me réveillais en hurlant dans les crampes qui saisissaient tout mon corps étaient insoutenable. Je passais par des moments de folie, ne revenant à moi que plus épuisé encore. Je voulais manger, je voulais tuer, je voulais libérer cette haine qui me consumait. 
Ezekiel revint une nuit. Je n’avais aucune conscience du temps qui passait, ni du nombre de fois où il était revenu me poser cette question à laquelle je ne voyais pas de réponse. Cette fois cependant, une odeur m’attira terriblement. Là, sur sa chemise, il y avait une goutte de sang encore fraîche. L’odeur était insoutenable. Je ne pouvais me focaliser que sur cela, aussi, je n’entendis même pas ce qu’il me disait. Avec le peu de force qui me restait, comme un dernier mouvement, un dernier espoir de satisfaire ma faim, je me jetais sur lui, crocs découverts, guidé par la haine et la folie. 
Ezekiel sembla s’apercevoir ce qui guida ma folie et comme pour le vérifier, il arracha d’un geste sa chemise et la jeta à sa droite. Déviant ma trajectoire, je la saisis en plein vol et cherchais comme un drogué en manque la tache de sang. Pitoyablement, je me mis à lécher la chemise. Mais ne faire que sentir le goût du sang sur ma langue ne fit que faire redoubler mes tremblements d’état de manque. 
Je n’avais presque pas conscience qu’Ezekiel approchait vers moi et je ne le réalisais que lorsqu’il passa sa main dans mes cheveux, ôtant une mèche collée sur mon front. Ayant définitivement gaspillé mes dernières forces je vacillais. Mais au lieu de tomber sur le sol froid et humide, ce fut la chaleur des bras d’Ezekiel qui me réceptionnèrent.
Avec douceur, il m’enleva la chemise des mains. Un air grave s’affichait sur son visage, un air gravement triste que je n’arrivais pas à interpréter. Sa main caressa mon visage, et ce ne fut que lorsqu’il sortit ses crocs, que je compris son attention. Il allait mettre fin à ma souffrance. C’était terminé, il n’y avait plus aucun espoir à ses yeux. Je redressais les yeux et croisais son regard pour ne plus le quitter.
Je me surpris à penser que j’étais au fond de moi, heureux de finir dans ses bras. Cet endroit m’avait ramolli, rongeant ma solitude, ma faim, mon désespoir. Pourquoi étais-je devenu ainsi ? Par faiblesse ? N’y avait-il aucune échappatoire ? Au regard décidé d’Ezekhiel, je compris que non. Son étreinte se raffermit autour de mon corps, comme s’il voulait me serrer dans ses bras une dernière fois. Ma gorge se serra douloureusement. Je me mis alors à me demander : qu’allait-il devenir sans moi ? Poursuivrait-il son chemin d’errance ? Ne serait-ce finalement pas une vie plus facile pour lui avec un poids mort comme moi ? Peut-être aurait-il dut mettre fin à ma vie humaine et ne jamais m’offrir cette vie de vampire. Des milliers de personnes aurait pu mourir de vieillesse au lieu de finir sous mes crocs. 
Plus jamais je ne connaîtrais son étreinte. Plus jamais je n’aurais droit à ces quelques instants de douceur et de tendresse qu’il m’offrait parfois et qui était devenu si cher à mes yeux. Un frisson de crainte me saisit en repensant au moment où il m’avait pris de force. J’espérais qu’il serait doux lorsqu’il planterait une dernière fois ses crocs dans ma gorge. 
Il entama avec une lenteur interminable son ascension vers mon cou. Ca y est ! C’était le moment, c’était fini. Alors qu’il n’était qu’à quelques centimètres, je pouvais sentir son souffle effleurait ma peau. Et c’est à ce moment-là qu’une émotion me saisit plus durement que tout le reste. C’était la dernière fois que j’allais le sentir ainsi contre moi. Ce n’était pas uniquement lui qui allait me perdre. J’allais aussi le perdre. Cette dernière pensée eut raison de mon dernier barrage. Une seule et unique larme coula le long de ma joue alors qu’Ezekiel était à deux millimètres de ma gorge, et cette goutte d’eau salé finit sa chute sur la joue de mon créateur. Je sentis ses crocs sur ma peau, mais rien de plus ne se produisit. Au lieu de les planter dans ma peau, il se redressa comme surpris. Son doigt passa sur ma joue, sur le sillon qu’avait laissé ma larme.
- Alakhiel ?… Murmura-t-il.
D’autres larmes suivirent alors la première à l’entente de mon prénom. Je ne pus alors m’empêcher de repondre, la gorge sèche et la voix rauque :
- Sauve moi Ezekiel…
Le regard d’Ezekiel se tinta de douleur. Doucement, avec précaution comme par peur de me faire mal, il se baissa à nouveau vers moi. La seule façon de m’aider était donc de me tuer…
Contre toute attente, Ezekiel ne dévia pas dans mon cou, mais ce fut mes lèvres qu’il recouvrit d’un baiser d’une tendresse dont il n’avait jamais fait preuve. C’était un simple et chaste baiser, qui ne dura pas longtemps mais qui me fit plus de bien que je ne l’aurais cru. Etait-ce un baiser d’adieu ? La douceur et la chaleur de ses lèvres me quitta trop vite. Et lorsqu’il se redressa, il me dit alors :
- Ne m’abandonne pas Alakhiel…
Puis prenant une respiration profonde, il m’attira contre lui, me redressant, laissant ma tête se poser sur son épaule.
- Je suis désolé Alakhiel… Désolé pour ce que je t’ai fait…
Bercé par son étreinte, attendrit et enrobé d’un sentiment que je n’avais jamais connu, je sombrais dans l’inconscience malgré moi…
Lorsque j’ouvris à nouveau les yeux, nous étions dans un endroit différent. J’étais dans un lit, seul. Je me redressais plus que difficilement, et vit avec surprise Ezekiel assis sur un fauteuil en face de moi en train de dormir. 
Fronçant les sourcils, mon attention se porta ensuite sur mon corps. Mes vêtements étaient différents et j’étais propre. Ezekiel avait du me laver et procéder au reste. Mais s’il avait pu enlever la crasse sur mon corps, il n’avait cependant pas réussi à ôter cette faim sourdre qui prenait à nouveau possession de mon esprit.
- Tu te réveilles enfin ! Déclara soudain Ezekiel en me faisant sursauter.
Reportant mon attention sur lui, je le vis s’entailler le poignet.
- Il faut que tu manges Ezekiel et j’ai trouvé une solution, dit-il avec malice et satisfaction.
- Je… Je ne veux plus de sang… Bafouillais-je la voix rauqua, alors que tout mon être criait le contraire.
- Ne dis pas de bêtise. Trancha-t-il.
Sans me laisser le choix, il fut en un éclair à côté de moi et me colla son poignet sur la bouche. Le goût du sang m’électrisa. Balançant au loin ma protestation, j’avalais presque immédiatement une première gorgée dont l’effet fut tellement bénéfique que je lâchais un gémissement de plaisir. Mes mains s’agrippèrent sur son avant bras, comme par peur qu’il ne s’écarte lorsque j’eu avaler cette deuxième gorgée de sang qui me brûlait presque. La troisième gorgée fut un délice pur, qui me redonna enfin quelques forces. Mais je n’eus pas le droit à plus. Ezekiel m’arracha son poignet et le lécha, cicatrisant ma morsure. Rageusement, je grognais en claquant des dents.
- Cela suffit pour le moment Alakhiel. Dans ton état, il ne t’en faut pas plus.
Puis, se moquant de mes protestations, il s’assit sur le lit à côté de moi, et déclara :
- Voici les nouvelles règles ! Premièrement, tu ne sors pas d’ici sans moi et crois-moi, même si je ne suis pas là, je le saurais. Deuxièmement, tu ne te nourris plus seul. Comme tu ne sais plus te maîtriser, je te donnerais tes repas jusqu’à ce que je te juge capable de te débrouiller sans moi. Des protestations ? Finit-il avec un sourire moqueur et supérieur.
Je baissais le regard, humilié d’être ainsi infantilisé. Je sentais déjà la chaleur du sang s’infiltrer en moi, bénéfique. Certes ce n’était pas assez, mais je n’allais pas me plaindre. Je posais alors une question qui me brûlais les lèvres : 
- Pourquoi tu ne m’as pas tué ? 
Ezekiel me toisa, sourit, mais ne répondit rien. J’aurais sûrement préféré une réplique cinglante de sa part. Ezekiel se leva et quitta alors la pièce, sans un mot, me laissant seul. Je n’aimais plus être seul. Pas maintenant, pas dans mon état. Quand il était là, présent à mes cotés, je me sentais apaisé, parce que je savais qu’il pouvait m’arrêter. Mais seul, je me retrouvais face à mes angoisses. 
Cependant, épuisé comme je l’étais, engourdi par la petite dose de sang qu’Ezekiel m’avait accordée, je m’endormis profondément, dans un sommeil sans rêve…
Lorsque j’ouvris à nouveau les yeux, Ezekiel était assis à côté de moi sur le lit. Me frottant les yeux, je le vis porter son poignet à ses lèvres, m’offrant une nouvelle fois quelques gorgées. Comme la première fois, il me fit cesser bien trop tôt et il du lire dans mon regard le gouffre infini de ma faim insatiable.  Il ne fit aucun commentaire, se leva, et alla s’installer dans un autre lit. Surpris de cet éloignement qui était pourtant naturel au vu de ce qui c’était passé entre nous. 
Et pourtant, ayant plus que besoin d’une présence physique à mes côtés, je me levais dicrètement pour aller le rejoindre. Loin d’avoir récupérer toutes mes forces, je vacillais avant d’atteindre le lit. J’avais l’impression d’être malade, et cette impression était assez proche de la réalité. Sans un mot, sans même lui demander, je me glissais sous les couvertures et allais me coller contre lui. 
Ezekiel parut surpris, mais il fut loin de me rejeter. Au contraire, il se tourna et se mit plus confortablement afin d’avoir son visage en face du mien. Un sourire que je n’aurais su décrire étira ses lèvres alors qu’il m’observait. Puis, sans dire quoi que ce soit, son bras passa autour de mon corps, et il m’attira plus près de lui, déposant ses lèvres sur les miennes. Leur goût était toujours aussi particulier, me grisant au plus profond de moi. Me laissant envahir par sa tendresse, qui avait ce goût unique de rareté.
Mais trop vite, alors que sa main caressait ma nuque, son baiser gagna en passion. Cette passion m’effraya malgré moi, sentant une bosse contre ma hanche alors qu’il collait encore plus à moi. Je ne voulais pas de cela. C’était encore trop frais. Si l’envie de lui était toujours présente, elle était passée en second plan, remplacée par la peur et la crainte qu’il m’inspirait. Il était allé trop loin avec moi. Il avait brisé la confiance mutuelle que ce genre de relation impliquait.
Effrayé en repensant à ce qu’il m’avait fait, je le repoussais et tombais à moitié du lit. Quittant celui-ci, j’allais me réfugier dans le mien, recroquevillé, ne sachant plus quoi faire. Je ne pouvais pas lui demander simplement un peu de chaleur, c’était égoïste de ma part et la tendresse ne faisait pas partit d’une des qualités d’Ezekiel. Je ne pouvais pas non plus trop lui en demander…
Je n’osais pas me tourner vers lui pour simplement voir ce qu’il faisait. Certainement m’avait-il trouvé pitoyable, et s’était endormi aussitôt, oubliant mes états d’âmes. Mais il me donna soudain tort. Je sentis le lit s’affaisser dans mon dos, et soudain hissé dans l’étreinte d’Ezekiel. Il m’attrapa dans ses bras comme si j’étais une chose précieuse et fragile, si bien que je ne savais pas comment l’interpréter. Je me laissais faire, tout en restant tout de même sur mes gardes. Que me voulait-il ? Revenait-il à la charge maintenant que j’avais réveillé malgré moi son appétit ?
Mais rien ne se produisit et peu à peu, je me laissais aller dans cette étreinte. Ce ne fut que lorsque je fus complètement détendu, qu’il m’étendit à nouveau dans mon lit et vint se coller tout contre moi. Ma tête était posée sur sa poitrine, et je me callais ma respiration sur la sienne, me laissant bercer. C’est alors que je l’entendis me dire dans un murmure à peine audible, mais empli d’une sincérité que je lui avais rarement connue :
- Je suis désolé Alakhiel… Je suis désolé que tu sois devenu ainsi à cause de moi…
Je mis beaucoup de temps avant de répondre avec sincérité à mon tour.
- Ce… C’est à cause de moi Ezekiel. Je… j’ai peur… Dis-je la voix tremblante.
Je sentis les deux mains de mon créateur se poser sur mes épaules afin de m’inciter à me reculer et de le regarder en face.
- Tu as peur de moi ? Me demanda-t-il comme s’il était inquiet.
Il devait pourtant le savoir : bien sur qu’il inspirait la crainte. Mais cela n’avait rien à voir avec ce que je voulais dire à l’instant présent. C’est pourquoi déglutissant, je répliquais :
- Non… J’ai peur de moi… De ce que je suis devenu… Dis-je alors que les larmes me montaient aux yeux, comme dans un instant de réelle lucidité.
C’est alors qu’Ezekiel me repris à nouveau tout contre lui, me serrant encore plus fort.
- Alakiel… Murmura-t-il… Je suis là… Tu peux compter sur moi…
Je ne répondis rien. Je n’avais rien à répondre. Quelque part, Ezekiel avait toujours été là pour moi. Il était même allé me chercher dans le repère de ses ennemis au péril de sa vie. Je me laissais aller, en me sentant étrangement en sécurité et c’est alors que j’entendis mon créateur me demander non sans une certaine gêne :
- Qu’est ce qui t’a pris de coucher avec tes victimes ?
J’aurais pu rétorqué qu’il ne valait pas mieux. Mais je me reculais simplement et le regardais dans les yeux. Il ajouta alors :
- Et cette folie meurtrière… Qu’est ce qui t’a pris Alakhiel ?
J’inspirait profondément. Que pouvais-je lui répondre si ce n’est la vérité.
- Je… Je ne sais pas, répondis-je hésitant et mal à l’aise.
Baissant le regard, je finis par ajouter après un long silence :
- Je… J’ai du me laisser séduire par le sang… J’avais déjà eu ce genre de.. Crises… Avant que nous partions en Inde… Et une fois que nous sommes arrivés… Je… Je t’ai caché mon état Ezekiel…
- Pourquoi ? Pourquoi ne pas m’en avoir parlé au lieu d’en arriver à cet état ! S’empressa-t-il de me demander en se redressant, légèrement agacé.
Je déglutis. J’étais épuisé. Le peu de sang qui coulait dans mon organisme ne me suffisait pas et j’avais beaucoup de mal à rester avec les yeux ouverts et avoir une réelle concentration. Rassemblant mes forces et jouant toujours la carte de la sincérité avec lui, je dis dans un souffle :
- Je… j’avais honte… Alors que j’ai toujours excécré à tuer comme cela… J’ai fini par le faire le plus bassement possible.
- Imbécile, claqua Ezekiel. Tu aurais pu m’en parler plus tôt, je t’aurais aidé ! Tu n’en serais pas arrivé là !
Vexé, je me renfrognais. Croyait-il qu’il était aussi évident d’aller se confier à lui.
- Les choses ne sont pas si facile ! Je pensais pouvoir gérer mes propres problèmes, rétorquais en haussant un peu le ton tout comme lui. Je suis déjà assez un fardeau pour toi…
- Tu n’es pas un fardeau !
Ce fut à mon tour de me redresser et je répondis alors en m’esclaffant :
- Rien que maintenant je suis pire cela ! Je suis devenu incontrôlable ! J’en suis à un tel point que j’ai besoin d’être surveillé et enfermé ! Comme si nous n’avions pas assez de problème ! Ezekiel, dis-je en reprenant mon souffle. Si un humain était dans cette pièce, je serais fou…
Ezekiel soupira avant de répondre, las :
- Ce n’est que temporaire Alakhiel. Crois-moi, tu vas guérir… Si tu ne le peux pas, personne n’en est capable…
- J’espère… Dis-je peu convaincu.
Ezekiel m’attira alors contre lui et je me laissais à nouveau aller dans cette étreinte. Il déposa un baiser sur mon front. Depuis quand était-il devenu aussi doux ? Qu’est ce qui motivait une telle attitude ?
- Dors Alakhiel, tu en as grand besoin… Murmura-t-il.
Il ne m’en fallut pas plus. Perdant le fil de mes pensées, je m’endormis en quelques secondes, au creux de ses bras.
Lorsque j’ouvris à nouveau les yeux, Ezekiel n’était plus à mes côtés, et je pouvais sentir en moi cette faim déchirante. Je pris mon mal en patience, sachant que lorsqu’il reviendrait, j’aurais sûrement droit à une gorgée supplémentaire de sang. Je me recroquevillais dans le lit, trouvant mon état de plus en plus misérable. Je n’arrivais toujours pas à comprendre pourquoi Ezekiel s’embêtait tellement avec moi. Je ne voyais aucune raison rationnelle et l’hypothèse du jouet, de la chose qui lui appartenait, commençait à perdre de sa force. Personne ne perdait autant de temps avec un jouet aussi abîmé. Et sa tendresse de la veille me laissait perplexe. Etait-il uniquement ainsi avec moi pour m’aider à aller mieux. Si jamais je devenais normal, qu’en serait-il ? Que deviendraient alors nos rapports ?
Je fus brusquement interrompus dans mes pensées, lorsque je sentis une odeur de sang. Mon premier réflexe fut de m’éjecter loin du lit et aller me coller dans un coin de la pièce le plus éloigné de cette odeur. Malheureusement, je savais que lorsque cette proie se rapprocherait, il me serait impossible de résister, malgré toute ma force de volonté. L’odeur du sang devenait de plus en plus insoutenable, faisant trembler mes muscles que je tentais de contraindre. Mais lorsque que cette proie fut à l’entrée de la porte, tout semblant de raison disparut de mon esprit et je me jetais vers elle à crocs découvert.
Cependant, Ezekiel en avait décidé autrement. Il se tenait là, à quelques mètres de la proie qui s’était immobilisée d’horreur et alors que j’étais à moins de quelques centimètres d’elle, j’eus l’impression d’heurter mentalement quelque chose. Le choc fut si violent, que je m’effondrais sur le sol. Mais l’odeur du sang de cette pauvre malheureuse réussit à me faire me relever, et sans réfléchir, je me jetais une nouvelle fois sur elle, me heurtant à la barrière qu’Ezekiel m’avait imposée. Ce ne fut qu’après de très nombreux essais, épuisé, que je finis pas rendre les armes, me redressant tant bien que mal, les jambes tremblantes, me tentant à peine debout.
Ezekiel sourit, satisfait de lui. Puis, d’un mouvement à peine perceptible, il fut à côté de sa proie et la vida de son sang en un clin d’œil, révélant une odeur vive qui déchaîna en moi une fin sans pareille. Ezekiel reporta son attention vers moi, laissant tomber cette proie vidée de son sang et perdant tout mon intérêt. Il commença à me parler, mais je n’entendais pas ce qu’il me disait. Mes oreilles bourdonnaient. J’étais toujours en sous-alimentation et le combat physique et mental que je venais de mener avec Ezekiel m’avait repris le peu de force que j’avais acquis avec le sang qu’Ezekiel avait consentit à me donner. Alors que mes jambes lâchaient, Ezekiel me rattrapa et s’assit à même le sol en me gardant dans ses bras.
Je ne sentis plutôt que je ne vis son poignet entaillé. Il fut obligé de le porter à mes lèvres, n’ayant même pas la force de le tirer vers moi. Lorsque le sang encore frais effleura ma langue, je n’aurais su dire l’explosion de saveur qui se déchaîna en moi. Je bus cependant doucement, savourant par petite gorgée, ne voulant pas gâcher le peu qu’il m’accorderait. Même s’il ne me permit pas d’étancher ma soif, j’eus l’impression qu’il m’autorisa à beaucoup plus que les fois précédentes. Je ne cherchais pas à retenir son poignet, résigné à me soumettre à sa méthode.
Mes idées revinrent à peu près claires et gênées de ma position, je m’écartais un peu brusquement de lui, lui arrachant un petit rire amusé. C’est à ce moment-là qu’il repris la parole :
- Encore quelques exercices de ce genre et tu seras prêt à sortir Alakhiel. Comme je te l’ai dit hier, tant que tu restes à côté de moi, il ne se passera rien.
- Justement, rétorquais-je, c’est uniquement parce que tu es là. Sans toi, je ne suis qu’un monstre…
- Laisse-toi du temps Alakhiel. La guérison peut être un long processus… Soupira Ezekiel.
Je restais sceptique, mais n’en fit pas part à mon créateur. Celui-ci se redressa puis déclara :
- Je pense que tu t’es assez nourri, si nous passion à ton entraînement.
Cachant ma surprise, je me levais, lui faisant face. Ezekiel avait raison, cela m’aiderait sûrement à penser à autre chose.
Les jours défilèrent ainsi. Je ne sortais pas. Ezekiel ne s’absentait que pour aller chercher des proies. Il en ramenait toujours une et nous répétions encore et encore cet exercice. J’arrivais de mieux en mieux à résister, mais je ne devais cela qu’au fait qu’Ezekiel était présent pour me contraindre. Après cet exercice, il m’offrait un peu de sang et nous commencions l’entraînement. J’avais l’impression de m’en sortir de mieux en mieux, mais je n’avais toujours pas eu un seul compliment de la part d’Ezekiel qui se contentait de m’en demander encore et toujours plus. Nous allions ensuite prendre un bain mérité, avant de nous coucher dans le même lit. Là, je retrouvais l’étreinte de mon créateur qui sagement, et à ma plus grande surprise, ne tentais jamais rien. 
Ezekiel laissa tomber sa proie morte sur le palier de la porte. Pour la première fois, j’avais résisté. Certes, cela ne s’était pas fait sans douleur. Ezekiel affichait un sourire satisfait de son élève, et je lui rendis, à moitié vacillant de part l’effort que je venais de fournir. Se battre contre ses bas instincts était épuisant. Je commençais enfin à reprendre un peu confiance en moi. 
Je savourais ensuite, le sang qu’il m’offrait. Jamais je n’avais pris autant de temps pour boire, jamais je n’avais apprécié le sang à ce point, dégustant méticuleusement chaque goutte. 
Lorsque j’eus fini, je passais de moi-même un coup de langue sur le poignet d’Ezekiel. Les bonnes choses avaient une fin et c’était la première fois que je m’arrêtais de moi-même. Ce fut à ce moment qu’Ezekiel déclara : 
- Sortons ! Tu es prêt Alakhiel et la nuit n’est que brièvement entamée. 
Aussitôt, je paniquais, perdant toute cette belle assurance : 
- Je… Non… Je ne suis pas prêt… Pas si tôt. 
- Cesse de geindre. C’est à moi de décider si tu es prêt ou pas. Si ce choix t’incombait, tu serais encore un train de pourrir dans ce trou dans cent ans. 
Peu convaincu, je ne répliquais rien, vexé. Alors que je restais immobile, Ezekiel me poussa légèrement en disant :
- Passe devant moi, ne t’inquiète pas, je suis là pour te surveiller. 
Ne réalisant pas vraiment ce que je faisais, je me retournais face à lui. Intrigué, Ezekiel fronça les sourcils et alors qu’il voulut me sortir une réplique acerbe, je recouvris aussitôt ses lèvres d’un baiser. Je ne savais pas vraiment ce qui me prenait. Mais j’avais l’impression qu’en l’embrassant, je prendrais un peu de sa force. Passé l’effet de surprise, Ezekiel ne tarda pas à laisser sa langue rejoindre la mienne et nous échangeâmes un baiser passionné qui nous laissa tout les deux pantelants. Forcés de nous séparer lorsque l’air vint à manquer, j’admirais mon créateur, les yeux légèrement dans le vague et murmurais un simple « merci » avant de lui tourner le dos. Déglutissant, je me décidais à faire ce qu’il attendait de moi : sortir pour faire face à mes démons.
La première chose qui me frappa une fois que je fus dehors été la forte odeur de sang. L’endroit ne grouillait pas d’humains, mais je pouvais précisément localiser chacun d’eux. Tentant de me raisonner, remerciant le repas que m’avait offert Ezekiel, je ralentissais de façon à ce qu’il soit tout proche de moi. 
C’est alors qu’un humain arriva au détour d’une ruelle et marcha vers nous. Tout mon être me criait de lui sauter dessus. Je sentis la force mentale d’Ezekiel m’envahir, protégeant cet humain en m’enfermant dans une sorte de prison. L’odeur de son sang paraissait si esquisse. J’avais presque l’impression de voir la totalité de son sang circuler dans ses veines. Des gouttes de sueurs perlaient déjà sur mon front alors que je combattais ma propre folie. C’était trop dur. Plus il se rapprochait et plus c’était un véritable supplice. Mais alors qu’il arrivait à ma hauteur, je sentis une femme arrivée derrière moi.  S’en était trop. Je ne pouvais pas tenir ainsi. 
Il y avait trop de monde, trop de gens qui grouillaient dans tous les sens même très éloignés, même endormis paisiblement. Impossible de tenir plus longtemps, je rassemblais déjà mes forces, cherchant la faille dans la protection d’Ezekiel. J’avais suffisamment mangé pour arriver à le contrer. Je ne pourrais pas le vaincre, mais m’échapper était une possibilité. C’est alors que je sentis la main d’Ezekiel sur mon épaule ce qui me fit un court instant revenir à moi. 
- Rentrons Alakiel, ça suffit pour aujourd’hui. 
Il me traîna presque et je réalisais que nous n’avions à peine fait que quelques mètres dehors. Il n’était donc pas capable de me retenir. Le test d’aujourd’hui était un échec. Ce ne fut qu’une fois à l’intérieur, qu’un élan de défaitisme s’abattit sur moi. Alors qu’il fermait la porte derrière nous, je déclarais tandis qu’il était dos à moi : 
- Je n’y arriverais jamais.
- Ne dis pas de bêtises ! Claqua-t-il soudain, las et énervé. 
Je me retournais vers lui, lui faisant face. 
- Non ! Ca ne marchera jamais ! Tu aurais mieux fait de m’abattre ! 
Je vis la colère monter en Ezekiel, une colère sourde et je me mis à craindre ce qui allait m’arriver. Mais c’était pourtant vrai. Je n’étais plus capable d’aller dehors sans avoir l’envie incontrôlable de sauter à la gorge du premier venu. Ce test en était la preuve et si Ezekiel m’avait fait rentrer c’est que même son pouvoir de contrôle sur moi n’y pouvait rien. 
Ezekiel allait parler, mais il s’arrêta en plein milieu de son élan. Il me tourna brusquement le dos et claqua la porte en sortant, me laissant seul. C’était encore pire qu’une de ses insultes. Cela voulait dire que lui aussi baissait les bras. 
J’en avais assez. Assez d’être confiné dans cette pièce. J’avais besoin de sortir. Ce n’était pas la faim qui me guidait mais la colère face à mon état. Si j’avais été capable de me retenir de tuer avec un sang-froid aussi incroyable pendant mes premières années, comment cela se faisait-il que je ne le pouvais plus aujourd’hui. Qu’est ce qui faisait de moi un tel moins que rien. Je commençais à tourner en rond dans la pièce, me sentant de plus en plus claustrophobe. J’avais besoin de voir la lune, de sentir ses rayons sur ma peau. J’avais besoin des caresses du vent et de l’air libre. Je ne pouvais plus rester ici. Cela faisait trop longtemps. Cet enfermement me donnait l’impression d’être de plus en plus faible.
Sans vraiment réaliser ce que je faisais, comme hypnotisé, je poussais la porte que je n’avais jamais osé toucher depuis l’interdiction de mon créateur et sortais. Ce que je faisais était complètement fou. Mais peu m’importait. Si je restais une seconde de plus dans ce lieu, c’était la fin.
Une fois dehors, je retins ma respiration. Par chance, aucun humain n’était proche. Mais je ne voulais pas jouer plus longtemps avec ma bonne fortune. Je savais qu’il y avait une forêt pas très loin d’ici. Il était rare que les humains s’y promènent la nuit. Sans perdre plus de temps, je courus. Je courus si vite, que les humains que je croisais sur ma route ne sentirent qu’un souffle faire voler leurs cheveux et leurs vêtements. J’ignorais tout ce qui n’était pas ma course et mon but. Je voulais seulement, m’éloigner de cette ville et de toutes les tentations qu’elle représentait. Je voulais me sentir libre, loin de cette cage devenue si étroite. Je courrais sans jamais m’arrêter. La forêt était plus loin que je ne l’aurais crue et ce fut ne fut que lorsque j’arrivais essoufflé par ma course que je réalisais avec horreur que je n’aurais jamais le temps de rentrer. L’aube était presque là. Je n’avais qu’une petite heure pour trouver un abris. Mais cette nécessité vitale fut vite balayée, réalisant ce que je venais de faire. Je n’avais tué personne. J’étais sorti, j’avais croisé beaucoup d’humain, mais jamais je n’avais été possédé par l’envie de sang. Je ne comprenais plus rien. J’étais capable de ne plus tuer. Alors d’où venaient ses crises ? Comment être sur de les maîtriser. Je m’enfonçais dans la forêt épaisse, mais je pouvais déjà sentir l’aube proche. Ma découverte ne servirait sûrement à rien. J’allais pitoyablement mourir dès les premiers rayons du soleil. Mais je n’avais tué personne ! Un sourire se dessina sur mon visage, ayant l’impression d’avoir battu quelque chose en moi. Cette soif de liberté avait été bien plus forte que cette soif de sang bestiale.
- Alakhiel ! Combien de fois je devrais te tirer de la mort ! Je me demande pourquoi je m’acharne ainsi. Je devrais te laisser griller ici. Hurla Ezekiel, semblant être essoufflé.
Je me retournais, ne pouvant détacher ce sourire vainqueur. Je voulais lui dire. Lui expliquer que j’étais capable de ne tuer personne, qu’il fallait encore du temps, mais que maintenant j’y croyais. Mais je n’en eus pas le temps. D’abord tremblante, sa main se leva dans les airs. Ses yeux… Etait-il en train de pleurer ? Je n’eus pas le temps d’en avoir le cœur net. En un instant, le coup arriva et je fus plongé dans l’inconscience.
Lorsque je reviens à moi, la première chose que je ressentis fut une vive douleur au crâne. J’étais donc encore en vie. La seconde chose qui m’inquiéta était de savoir où j’étais. L’air sentait la terre et l’humidité. Il faisait sombre, mais il y avait une lumière aveuglante non loin de là. Je réalisais peu à peu que j’étais dans une sorte de grotte, dont l’ouverture était petite, mais l’intérieur assez haut de plafond. Je me redressais, me massant le dos endolori par les pierres sur lesquelles j’avais été couché. C’est alors que je sursautais violement. Ezekiel était assis là, à quelques mètres de moi. Il me fixait, l’air fatigué, mais la colère que je pouvais lire dans ses yeux ne me disais rien de bon.
Et pourtant, contre toute attente, il s’approcha doucement de moi. Il me tira contre lui, un peu brusquement, mais ce geste n’avait rien de violent. Une fois dans ses bras, il resserra doucement son étreinte. Passé la crainte, je me finis après un long moment par me laisser aller. Je poussais un soupire de soulagement. Et c’est alors qu’il murmura quelque chose, au milieu de cette étreinte de douceur que je ne sus interpréter : 
- Je t’en supplie Alakiel, quoi qu’il se passe, quoi que je fasse, quoi qu’il nous arrive, reste toujours à mes côtés… Ne t’éloigne plus. 
Dans son élan de possessivité, il me serra si fort, qu’un simple humain aurait été mort étouffé. Je ne pu m’empêcher de verser quelques larmes. Jamais quelqu’un n’avait tenu à ce point à moi. Timidement, et pour toute réponse, je laissais mes bras, jusque là restés le long de mon corps, passer autour de lui, l’étreignant à mon tour.  C’était ici qu’était ma place, peut importe la raison qui le poussait à me garder indéfiniment avec lui.

A suivre…