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28
fév

Beyond the invisible - chapitre 11 part 01

   Ecrit par : admin   in Beyond the invisible

Chapitre 11 par Lybertys

Shanenja aboya bruyamment lorsqu’il rencontra Cobalt, courant joyeusement vers lui. Cependant, je l’occultais de mon monde, toute mon attention étant prise par l’homme qui était en train de regarder Gabriel trahissant une familiarité déconcertante, comme s’il le connaissait parfaitement.

- Bonjour petit prince, ajouta le jeune homme avec un sourire.

C’est à ces derniers mots que Gabriel changea du tout au tout. Comme figé, il le regardait alors que celui-ci se contentait de l’admirer avec cette lueur dans le regard qui me déplaisait. Il connaissait Gabriel, et j’avais peur de comprendre de qui il s’agissait. Amusé par la réaction de Gabriel que je ne pouvais percevoir étant dos à moi, l’homme finit par dire à Gabriel :

- Et bien, tu ne dis plus bonjour ?

Alors que Gabriel portait toute son attention sur lui, un large sourire vint se dépeindre sur le visage de son vis-à-vis alors qu’il le regardait avec tendresse et amusement. Mon cœur s’emballa, créant une douleur plus sensible dans ma poitrine, j’avais compris… Si l’homme que j’avais aimé était mort, ce n’était pas le cas de l’ami d’enfance de Gabriel qui avait fini par le retrouver. Gabriel accourut vers lui pour se jeter dans ses bras tendus vers lui, en sanglotant bruyamment :

- Oh mon Dieu… C’est toi… C’est bien toi, sanglota-t-il sans parvenir à se contrôler. Tu m’as tellement manqué.

Le jeune homme se pencha vers l’oreille de Gabriel et lui murmura des paroles similaires. J’assistais impuissant à leur retrouvailles, coupant de ce que nous étions en train de vivre avec Gabriel. De plus, voir ainsi Gabriel dans les bras d’un autre était plus dur que je ne l’aurais cru. Ce Kay arrivait au mauvais moment, l’éloignant de moi plus qu’il n’était déjà le cas ; le pire étant que j’étais impuissant face à ma propre défaite. Je réalisais trop tard l’ampleur de mon geste et la portée de ce que je n’avais pas fait hier soir. J’aurais du le prendre dans mes bras, réagir…

Au lieu de cela, j’avais laissé Gabriel s’éloigner de moi comme je l’avais fait ces derniers jours, et il semblait que j’allais à mon tour en payer le prix. La main de Kay frottait le dos de Gabriel avec une familiarité déconcertante. Son regard croisa le mien un court instant, je ne pus que le fixer avec un air glacial.

Il lui murmura de nouveau quelque chose à l’oreille et Gabriel s’empressa de lui répondre entre deux sanglots.

Leur échange de murmures non audible dura un moment que je jugeais trop long, mais je n’avais pas mon mot à dire, surtout maintenant, après ce qui venait de se passer. Ce fut certainement le baiser dans les cheveux de Gabriel de la part de Kay qui me parut de trop et qui me fit craquer, déjà honteux de la réaction que je pourrais avoir lors de notre échange.

- Gabriel ? Tu ne nous présentes pas ? Demandais-je, sans parvenir à faire taire la pointe de reproche au milieu de laquelle ma jalousie transparaissait.

C’est à contrecœur que Gabriel sembla s’arracher à l’étreinte de Kay, et n’osant croiser mon regard, il entreprit de nous présenter bien que nous sachions tous deux parfaitement à qui j’avais affaire :

- Juha, je te présente Kay, mon ami d’enfance dont je t’ai déjà parlé… Kay, voici Juha, mon… Mon.. ?

- Son amant, répondis-je froidement à sa place sans parvenir à me contrôler.

La tension monta lourdement lorsque nous échangeâmes une poignée de main courtoise mais extrêmement froide. Mais cela ne m’empêcha pas de ressentir ce que j’avais trop peur de m’imaginer quelques instants auparavant. Kay débordait d’amour pour Gabriel. Un amour si pur qu’il me désarçonnait, m’envoyant en plein visage ce que Gabriel recherchait désespérément de ma part.

Même la jalousie qu’il éprouvait pour moi était masquée par ce sentiment. Les larmes faillirent me monter aux yeux, mais furent chassées par une colère froide envers ma personne, chose dans laquelle j’avais toujours excellé. Je ne pouvais pas rester, ou j’allais déraper pour de vrai, ou me mettre à pleurer bêtement pour montrer une fois de plus mon mauvais côté à Gabriel. J’étais déjà assez faible à ses yeux pour en rajouter.

- J’vous laisse, j’ai du travail. Ravi d’avoir fait ta connaissance, Kay…

- Moi de même, répondis-Kay, en saisissant la main que je lui tendais, alors que j’avais déjà redressé mes barrières mentales, loin de vouloir retenter l’expérience.

Leur tournant rapidement le dos, je pris le chemin de l’écurie, j’avais du travail en retard, et ce ne serait que dans l’activité physique que je ne penserais pas à tout cela. Cela n’empêcha pas à mes larmes de commencer à rouler sur mes joues, ayant l’impression de le perdre pour de bon en le laissant à cet homme qui l’aimait à ce point. Jamais je n’aurais cru qu’un tel sentiment soit possible.

J’avais retrouvé le même que Killian éprouvait pour moi. Je n’avais jamais cherché à sonder Gabriel à ce sujet, m’obligeant à dresser une barrière descente pour ne pas empiéter sur son âme, et c’était peut être pour cela que j’avais été sourd à sa détresse lorsqu’il m’avait déclaré ses sentiments. Trop concentré sur moi, je m’étais éloigné de lui à l’instant le plus important, oubliant que c’était une étape cruciale pour lui, et l’abandonnant au pire moment. Cela ne faisait que prouver une fois de plus ma faiblesse…

Entrant dans l’un des box qui méritait le plus d’être nettoyé après avoir pris le nécessaire pour le faire, j’entamais mon travail, ravalant mes larmes, me refusant à pleurer pour de bon. Royale for You était une jument assez calme, qui s’écarta pour me laisser la place. Refermant consciencieusement la porte derrière moi, je profitais du silence qui régnait dans l’écurie, les autres devant être devant être occupés ailleurs. Les mains tremblantes, je saisis la fourche et entamais mon travail.

Seulement, mon répits fut de courte durée, deux voix dont une que je ne connaissais que trop bien, me prévenait que Kay et Gabriel n’allaient pas tarder à arriver. Curieux malgré moi, continuant tout de même mon travail, je tendis l’oreille.

- Lorsque j’ai quitté l’orphelinat, le jour de mes dix-huit ans… Ou plutôt, devrais-je dire, quand ils m’ont mi à la porte, j’ai tenté désespérément de savoir où tu étais, mais… Tu semblais avoir… Disparu… Comme si tu n’avais jamais existé que dans mon imagination.

Gabriel fit une pause. J’étais en train d’assister aux retrouvailles de deux hommes qui s’étaient aimés par le passé. Assistant en retrait à cette scène, j’avais l’impression de perdre ma place. J’entendais la voix tremblante de Gabriel et la douleur qui émanait de lui. Mais j’y restais sourd. Depuis que j’avais touché la main de Kay, j’avais eu bien trop peur de sonder à mon tour Gabriel pour découvrir le même genre de sentiments. La voix brisée par l’émotion, Gabriel poursuivit :

-  Je t’ai cherché pendant des jours entiers… Où étais-tu ? Pourquoi ne m’as-tu pas attendu ? Après ça, j’en suis arrivé à te haïr pendant un temps. Je pensais que tu m’avais abandonné toi aussi, que ce que nous avions vécu ensemble tout au long de ses années n’était rien pour toi… Et… Du jour au lendemain, tu réapparais dans ma vie sans que je ne sache ni pourquoi ni comment… Poursuivit-il alors que sa voix se brisait en un sanglot incontrôlable.

Je ne les voyais pas, mais j’étais presque sur que Kay était en train de le prendre dans ses bras en ce moment. D’une voix douce, il commença à parler, me donnant cette désagréable impression d’être maintenant l’ombre noire du tableau :

- J’ai pensé t’attendre, Petit Prince… Je ne vivais que pour le jour où l’on se retrouverait enfin… Mais, plus le temps passait plus je me disais que si nous en étions arrivé là, c’était par ma faute, que tu avais suffisamment souffert à cause de moi… Je voulais que tu puisses avoir une vie normale pour un enfant de ton âge, que tu sois heureux…

- Comment peux-tu dire cela ? Demanda alors Gabriel indigné. Je n’ai jamais été aussi heureux que lorsque tu étais près de moi… Tu étais mon seul ami, Kay… Le seul à avoir prit soin de moi et à m’avoir apporté l’amour que tout le monde me refusait…

- Arrêtes de m’idéaliser, Gabriel ! S’exclama-t-il à son tour. Aurais-tu oublié ce qu’ils t’ont fait subir ? Trois jours… Trois putains de jour ils t’ont laissé enfermer dans cette cave…

Mon cœur se serra, sa douleur et sa souffrance passée, je ne la connaissais que trop bien. C’était celle-là même qui m’avait cruellement déstabilisé et bouleversé lors de notre première rencontre.

En les écoutant, j’en apprenais d’avantage sur le passé de Gabriel, passé qu’aucun homme n’aurait du vivre…

- Comment veux-tu que je l’oubli ? S’emporta Gabriel, blessé. J’en fais constamment des cauchemars… Tu ignores tout de cet enfer que j’ai vécu après ton départ, ajouta-t-il bien plus bas.

- Tu n’avais pas à subir les conséquences de mes actes, reprit Kay, lui aussi, plus calmement.

- J’étais tout aussi coupable que toi, répondit Gabriel.

- Pardonne-moi, souffla alors Kay.

J’avais l’impression d’être le spectateur d’un film qui n’acceptait pas ma présence en tant qu’acteur. J’avais même cessé totalement mon travail pour écouter. Après un silence, Kay ajouta sur un ton plus léger :

- A peine nous nous retrouvons que déjà nous nous crions dessus.

- Comme au bon vieux temps, répondit Gabriel.

Comment aurait réagit Gabriel si Kilian était encore vivant et m’avait retrouvé après toute ses années. Aurait-il sentit cette jalousie le ronger à chaque parole échangé ? Mais surtout, comment aurais-je réagis à sa place… Après un instant de silence, Gabriel repris la parole, me coupant dans mes réflexions :

- Mais ça ne répond pas à ma question.

- Je t’ai vu par hasard à la télévision…Finit par répondre Kay. Je ne savais pas que tu aimais les chevaux.

Ils étaient maintenant assez proches de mon box, mais s’arrêtèrent devant celui d’Orphée.

- Alors c’est lui le fameux Orphée ? Demanda Kay.

Rongeant mon mal en patience, je restais parfaitement immobile, comme si je ne voulais pas trahir ma présence. Après un temps qui me parut interminable, j’entendis Kay :

- Tout à l’heure, tu disais que ce n’étais pas à l’orphelinat qu’ils t’avaient nommé ainsi…

Kay ne termina pas sa phrase. Il en savait plus sur Gabriel et celui-ci se dévoilait à lui comme dans un livre ouvert, rien qui n’arrangeait ma jalousie et ma peine.

- Tu sais mieux que quiconque la manière dont ils m’appelaient là-bas, me hélant ou m’appelant d’une façon dont je n’oserais même pas appeler mon chien… Ca a empiré après que tu sois parti et pas seulement de la part des adultes… Lorsque je suis arrivé ici, naturellement, Philippe m’a demandé mon prénom. Evidement, je suis resté muet, n’en ayant jamais reçu ou si c’est le cas, ne l’ayant jamais entendu… Je te laisse imaginer l’humiliation que j’ai pu ressentir à ce moment… Mais Philippe est vraiment quelqu’un d’extraordinaire… Après m’avoir longuement détaillé, il a décrété qu’il m’appellerait Gabriel parce qu’il trouvait, je cite, “que je ressemblais à un ange avec mes longs cheveux blond platine et mes yeux bleus”…

Après une pause il poursuivit :

- Sans même me connaître, il m’a tout donné… Il m’a offert un nom, ainsi qu’un endroit ou vivre et un travail, le tout en moins d’une heure… Je ne le remercierais jamais assez pour tout ce qu’il a fait pour moi… Je lui dois ce que je suis…

- Tu as l’air de beaucoup tenir à lui, fit remarqué Kay. Et vue la façon dont il parle de toi, c’est réciproque…

- C’est vrai que je tiens à lui, c’est l’un des êtres le plus cher à mon cœur… D’une certaine manière, je vois en lui l’image paternelle que je n’ai jamais eu…

- Oui, je comprends, murmura Kay.

Un nouveau silence s’installa et un profond malaise me prit. Si je connaissais la douleur de Gabriel, si je la ressentais comme si elle était mienne, la partageant à son insu, je n’avais aucune idée précise de tout ce qui l’avait causée.

Pire encore, je m’étais coupé de lui ces derniers jours, me concentrant sur moi, et ignorant ce qu’il avait finit par me dévoiler hier soir en pleine détresse. J’avais eus tellement peur d’aimer quelqu’un à nouveau, et de le clamer haut et fort que j’étais resté sourd et aveugle, me cachant la vérité, et laissant Gabriel à ses tourments.

- Tu veux boire ou manger quelque chose ?

- Je veux bien un verre d’eau, s’il te plait, Gabriel, répondit-il en insistant sur son prénom.

C’est en sortant de l’écurie qu’il m’aperçut, réalisant alors que j’avais été témoin d’une scène qu’il n’aurait souhaité me faire voir. Nos regards se croisèrent un bref instant, avant que Gabriel baisse les yeux honteux. Je venais d’en apprendre sur lui plus qu’il n’avait jamais voulu me réveiller. Le regrettait-il ? Les yeux rivés sur le sol, il finit par poursuivre sa route, suivit de près par Kay qui me toisa d’un regard qui me déplaisait. Ils quittèrent l’écurie sans un bruit, me laissant seul. Déjà maintenant, je me sentais mis à l’écart, alors que je savais en être pour une grande partie responsable…

Mes jambes devinrent soudain très faibles. Sentant que je ne tiendrais plus très longtemps debout affaibli par ses derniers jours, je sortis du box avec les outils, et les laissaient devant, après avoir refermé la porte. Sans faire un pas de plus, je m’adossais contre le mur et m’assis sur la botte de paille. J’étais en train de le perdre… J’étais en train de perdre le seul homme qui comptait pour moi… Fermant les yeux et callant la tête contre le mur, je pris une profonde inspiration pour tenter de me calmer et surtout de ne pas me mettre à pleurer.

- Juha? Qu’est ce qui t’arrive ?

Je sursautais violemment, n’ayant pas du tout entendu Dorian m’approcher et encore moins s’arrêter à quelques mètres de moi. Ouvrant les yeux, je tombais nez à nez sur son visage emplie d’inquiétude réelle à mon égard, le même visage qu’il avait eut lors de notre première rencontre.

- Rien… répondis-je simplement las et fatigué.

S’agenouillant pour être à ma hauteur, il posa ses deux mains sur ses genoux pour se maintenir avant de me dire :

- Je ne t’ai pas vu ces derniers jours, tu étais malade ?

Troublé par ce soudain regain d’intérêt à mon égard, je lui demandais suspicieux :

- Depuis quand tu t’inquiètes pour moi Dorian ?

Baissant les yeux, Dorian répondit après un temps :

- Je tiens à m’excuser pour ce qui j’ai fait ces derniers mois Juha. Je n’ai jamais porté Gabriel dans mon cœur, et quand je t’ai vu aller vers lui, j’ai été… J’ai bêtement été…

- Jaloux ? Poursuivis-je à sa place, comprenant son sentiment plus que tout maintenant.

- Oui… Me confessa Dorian. Aujourd’hui je le regrette sincèrement. Nous aurions pu devenir de bons amis.

Ayant plus que toute peur de la solitude qui allait me peser un peu plus que d’habitude et surtout en ces circonstances, je répliquais :

- Il n’est peut être pas trop tard…

Dorian redressa le visage, m’offrant un sourire qui m’apaisa. J’y répondis faiblement, mais le cœur n’y était pas. Nous nous fixâmes un moment, je pouvais ressentir les sentiments de Dorian et ils attestaient la vérité de ses propos. Puis, semblant se rappeler que nous avions du travail, je me redressais alors que Dorian me demandait :

- Tu as beaucoup de box à faire, et je n’ai rien à faire pour le moment, que dis-tu d’un coup de main ?

- Ce n’est pas de refus, répondis-je en le remerciant.

C’est ainsi que nous abattîmes tous deux une quantité monstre de travail. Ayant retrouvé un peu de force à son contact, je concentrais mon énergie dans le travail, ne voulant penser à ce que m’avait dit Gabriel ce matin, à ce que j’avais appris et surtout à Kay qui était avec lui.

Nous trouvâmes largement de quoi nous occuper ensuite dans le manège couvert, devant remettre en état une partie du bois abimé et qui laissait passer le vent glacé. Le manque de nourriture de ces derniers jours se fit sentir, et je luttais contre la fatigue. Lorsque vers midi et demi passé Dorian me vit vaciller en descendant de l’échelle, Dorian déclara :

- Que dis-tu d’aller manger un bout avec moi, tu sembles en avoir vraiment besoin.

- Oui… Ca ne serait pas refus soufflais-je. Je vais voir si Shanenja va bien et je te rejoins.

- D’accord Juha ! Répondit Dorian. Je suis content de travailler de nouveau avec toi, avoua-t-il avant de me tourner le dos et d’aller au réfectoire.

Une fois dans la cour, Shanenja se jeta sur moi, me poussant déjà avec la force de sa vitalité. Lui offrant de nombreuses caresses et jouant un moment avec lui, je finis par le laisser et pris la direction du réfectoire. Après un détour pour aller me laver les mains, je me rendis dans le réfectoire déjà plein de monde. Je vis aussitôt Gabriel, qui m’invita à aller les rejoindre. Ayant peur de ma réaction face à Kay, mais ne voulant surtout pas le montrer, je me contentais de ne pas y répondre, et j’allais m’asseoir seul à une table. Dorian n’était pas encore là, mais il n’allait pas tarder à me rejoindre. S’il n’avait pas été là, j’aurais de toute façon préféré manger seul. Je préférais éviter de rendre leur repas désagréable, et les laisser à leurs retrouvailles où je n’avais plus ma place.

Dorian ne tarda pas à venir s’asseoir en face de moi avec un sourire. S’il vit ma jalousie, il ne fit aucun commentaire, n’observant que d’un bref regard Kay et Gabriel, comprenant peut être un peu mieux mon malaise. Ce fut certainement pour cela qu’il tenta de me faire rire par tous les moyens, et il y parvint je ne savais trop comment. J’étais à dix-mille lieux de penser pouvoir rire aujourd’hui. Rien de mauvais n’émanait de lui, et loin de mes problèmes, je prenais un bol d’air frais afin d’acquérir une certaine distance face à ces évènements.

Je ne pus pas manquer Gabriel qui sortait précipitamment du réfectoire et je savais que j’étais responsable.

- Il y a de l’eau dans le gaz ? Me demanda soudain Dorian.

Face à la mine fermée laissant transparaître uniquement un voile de tristesse sur mon regard, il n’attendit pas de réponse de ma part. Qu’étions-nous en train de faire ? Croyait-il vraiment que j’aurais pu être capable de m’asseoir à leur côté et de manger comme si de rien était. Après la dispute que nous avions eue ce matin, il était nécessaire que nous nous retrouvions uniquement tous les deux pour parler, mais cela était impossible pour le moment et je me demandais quand ce Kay partirait enfin. Dans d’autres circonstances, j’aurais adoré le rencontrer, mais maintenant j’avais trop honte de ma réaction. J’avais peur que Gabriel ne m’échappe, peur qu’il réalise que l’amour de Kay  était là et qu’il le compare au mien, me trouvant des épaules trop peu fortes pour l’accompagner tout au long de notre vie.

Kay partit le rejoindre après avoir rangé leur deux plateaux, j’en était pour ma part totalement incapable. Plongé dans mon mutisme, Dorian tenta de me faire réagir :

- Hé, Juha, qu’est ce qui se passe ?

Les larmes commençaient à me brûler les yeux et pourtant je le contenais. Je ne méritais pas de pleurer, j’étais loin d’en avoir le droit… Tout était en train de filer entre mes doigts comme un liquide insaisissable.

- Juha ! Déclara un peu plus fort Dorian.

Je sursautais presque, revenant à moi. Mal à l’aise face à mon état, Dorian déclara :

- Dépêche-toi de finir de manger.

Je jetais un coup d’œil sur son assiette, si la sienne était vide, la mienne ne l’était qu’à moitié.

- Nous avons encore pas mal de chose à faire. La carrière à gelée, tu m’aideras à casser un peu la glace et à enlever le plus gros de la neige afin que son état ne s’empire pas. Heureusement que nous avons un manège. Ensuite tu donneras du foin aux chevaux et tu iras graisser les selles pendant que j’irais acheter ce que Philippe m’a demandé.
J’acquiesçais simplement, n’ayant pas la tête à refuser des ordres qu’il n’avait pas à me donner. Je n’étais de toute façon pas en état de prendre des initiatives et ce long programme qui allait me prendre jusqu’à tard était finalement loin de me déranger. Cela m’occuperait l’esprit et m’éviterait de ressasser ce qui c’était passé ces derniers jours. Je sentis la main de Dorian poser sur mon épaule. Il était inquiet pour moi, même s’il ne le montrait pas. Sa jalousie vis-à-vis de Gabriel restait tel un vestige, mais était masqué par le remord de ses derniers agissements.

- A tout de suite dans la carrière, finit par dire Dorian.

Je répondis par un faible hochement de la tête et un sourire. Ayant perdu tout appétit, je mis tout de même du temps à venir à bout de la fin de mon assiette. Une fois celle-ci terminée, je me levais et après avoir enfilé mon manteau, je partis en direction de la carrière.

Mon cœur se serra vivement à la vue de Gabriel et de Kay marchant côte à côte en direction de la forêt. La force qui habitait normalement Gabriel et qui l’illuminait semblait s’être brutalement flétrie. Il était dans un état pire que le premier jour où je l’avais vu. Jamais je n’aurais dû me laisser aller à tenter de l’aider. Je n’avais finalement fait que l’enfoncer d’avantage, le rendant encore plus vulnérable et abimé qu’il ne l’était avant ma rencontre.

Etait-ce cela mon destin, blesser ceux qui devenait trop proche de moi. Mon don d’empathie prenait ce goût amer de malédiction, de barrage vers les autres. Finalement, trop en savoir sur leurs pensées les plus profondes m’éloignait d’eux. La mort de Killian avaient était la seule relation exclusive ou je m’étais laissé aller, et qui l’avait mené irrémédiablement vers la plus terrible des fins. Ne fallait-il pas que je m’éloigne de Gabriel et que je le laisse avec ce Kay qui saurait lui offrir bien plus que moi et surtout bien plus rapidement que j’en étais capable…

J’avais sondé son amour et j’avais était effrayé par cette pureté. Sans ma venue ici, un couple heureux aurait pu naître. Je n’étais plus qu’une ombre au tableau, un empêcheur de tourner en rond… Il fallait un homme plus sain d’esprit pour Gabriel, une épaule plus forte, quelqu’un capable d’aller de l’avant, et c’est en Kay qu’il pourrait trouver cela…Cependant, l’unique idée de renoncer à Gabriel, de retrouver ma vie solitaire et de me refuser notre amour m’était insurmontable. J’avais goûté à quelque chose de nouveau avec Gabriel, une chose si précieuse que c’était elle qui me poussait à poursuivre mon chemin chaque jour. J’étais très loin d’être prêt à l’abandonner.

Ce fut Shanenja me mordillant les doigts qui me sorti de mes sombres pensées. Je me rendis compte que j’étais là, immobile, planté au milieu de la cours à fixer la forêt où Kay et Gabriel avaient disparut depuis longtemps. Je m’abaissais vers cet animal plein de vie qui déjà attendait sur le dos des caresses sur son ventre. Je lui en fit sans hésiter, avant de me mettre en marche, suivant Shanenja qui s’était déjà élancé devant moi en courant. Ses gestes étaient beaucoup moins pataud, il grandissait à vue d’œil.

Shanenja resta avec Dorian et moi, s’amusant avec tout ce qui pouvait faire office de jouet, puis finissant par se coucher sous le petit abri en bois qui servait à regarder les reprises. Nous finîmes assez tard, la nuit commençait à tomber. La glace était profonde, et il nous fallut un temps interminable. Je ne sentais presque plus mes bras, et Dorian ne semblait pas dans un meilleur état que moi. Il me laissa ranger les outils pendant qu’il allait faire ses courses avant que tout ne ferme. Une fois cela fait, accompagné de Shanenja qui alla se coucher dans un tas de paille dans la sellerie, je distribuais le foin aux pensionnaires, profitant de mes muscles encore chauds, avant que les courbatures ne les saisissent, le froid n’aidant pas. Ce fut évidement à ce moment là que Kay et Gabriel entrèrent dans l’écurie. Gabriel passa devant moi sans un regard, comme je m’y attendais. Malgré moi, je fus obligé de suivre leur conversation.

- Tu as quelques par où dormir, demanda soudain Gabriel.

- Je prendrais une chambre d’hôtel près d’ici.

Je me tendis, à peu près sûr de la proposition de Gabriel qui suivrait cette réponse. Si une chose était sur, c’était que je n’avais aucune envie que nous nous retrouvions tous les trois dans ce petit appartement. Evidement, Gabriel ne perdit pas de temps pour s’exclamer :

- Ca va pas non ! Viens à la maison. Ce n’est pas grand mais ce sera sûrement mieux que l’hôtel. Et puis c’est hors de question que tu payes la peau du cul une chambre d’hôtel miteuse.

Kay croisa mon regard qui en disait long sur ce que je pensais de cette invitation et que je ne parvenais pas à cacher.

- Je ne voudrais pas causer de problème entre vous…

- Il n’y a aucun problème, répondit Gabriel, un peu trop hâtivement pour être crédible.

Le fait même qu’il ne me demande pas mon avis me mis hors de moi. Certes je n’aurais pas refusé et cet appartement était aussi bien à Gabriel qu’à moi. Mais justement, j’avais le droit d’être concerté. Surtout après ce qu’il se passait entre nous, le fait que Kay vienne chez nous ne ferait qu’envenimer la situation. Evitant mon regard, Gabriel reprit calmement après un temps :

- Je vais voir Philippe, j’ai deux trois choses à régler avec lui, je reviens vite…

- D’accord je t’attends.

Gabriel adressa un sourire de remerciement à Kay qui me hérissa les poils et nous quitta. Il ne m’en fallut pas plus pour me débarrasser des deux fourches qui restaient à donner et sans un mot pour Kay qui resta planté dans l’écurie, je me rendis dans la sellerie pour finir ce qui me restait à faire. Je pris rageusement tous les filets en cuir et les posais sur la table avant d’attraper une selle. Il fallait que je me calme, c’était de la jalousie qui était en train de ronger.

Après avoir pris le gros pot de graisse, je m’assis sur le banc et entamais mon travail. Shanenja ne tarda pas à venir se coucher à mes pieds, s’allongeant sans aucun gène sur ceux-ci. Même nerveux, je m’appliquais à réaliser ma tache. J’avais encore à faire toute les selles et à ce rythme là j’en avais pour toute la nuit. C’est à ce moment là que Gabriel entra dans l’écurie, s’approchant de moi, je l’avais sentit avant qu’il n’arrive. Je me contins, attendant qu’il parle de lui-même, peu près à coopérer.

- Je… Nous n’allons pas tarder à rentrer… Tu viens ?

Je ne pus me retenir de répondre sèchement, sans le moindre regard pour lui, contenant tout de même ma colère :

- Je suis occupé, tu ne vois pas ? J’ai du travail, alors rentre avec ton Kay, je rentrerais à pied avec Shanenja lorsque j’aurais terminé.

Je vis tout de même Gabriel serrer les poings avant de murmurer un « va te faire foutre » rageur. Me laissant seul, je jetais mon pinceau dans le pot, mes mains tremblaient de ce mélange de sentiments que je ne parvenais à dissocier. Je n’étais plus très loin des larmes, mais j’entendis une voix me souffler :

- Et si tu me racontais Juha ce qui est en train de se passer, même si je commence à comprendre.
Je redressais la tête pour croiser le regard de Dorian, certainement entré par l’autre porte. Il ne faisait aucun doute sur le fait qu’il ait assisté à notre court échange. Il tenait deux tasses de café brulants.

- Laisse-ça pour le moment. Tu mérites une pause. A deux on finira plus vite. Bois déjà ça.

Il me tendit une des deux tasses, puis poussant tout le matériel à graisser, il s’assit en face de moi.

- Je ne sais pas ce qui est en train de se passer entre vous deux, mais ça m’a tout l’air d’un beau paquet de nœuds. J’ai aussi l’impression que Kay n’y est finalement pas pour grand-chose, mais qu’il n’est qu’une couche de plus à vos problèmes…

Je bus une gorgée de café, profitant de sa chaleur se répandant en moi.

- Peut être que je ne suis pas fait pour les relations durables, soupirais-je amèrement.

- Tu es donné pour bien d’autres choses me fit Dorian avec un petit sourire pervers en coin.

Je ne pus m’empêcher de sourire légèrement face à son sous entendu douteux, sachant qu’il ne cherchait qu’à dédramatiser la situation. Inspirant légèrement, je décidais de me confier un peu à lui, ayant besoin de me soulager.

- Je ne peux pas lui donner ce qu’il attend de moi, et je ne sais même pas recevoir ce qu’il me donne …

Perplexe, Dorian me demanda :

- Tu peux m’expliquer un peu plus en détail ?

- Je… Tentais-je, lamentablement.

Mais une boule à la gorge monta en moi, et je fus incapable de lui expliquer.

- Juha ? S’inquiéta Dorian.

- Je suis complètement  perdu, lâchais-je, commençant à trembler.

J’étais dans un tel état, que même les larmes ne semblaient pas appropriées à la situation. Se rendant compte de ma détresse, Dorian se leva presque aussitôt, et venant à côté de moi, il me hissa pour me prendre simplement dans ses bras. Dans cette simple étreinte, un flot de réconfort sincère m’envahie. J’en avais réellement besoin, le serrant simplement en répondant à son étreinte. Pas de larmes, juste un moment dans ses bras pour profiter un instant de l’épaule qu’il m’offrait. J’avais l’impression de puiser mes forces en lui, de me sentir un peu mieux, alors que je n’y croyais plus.

Dorian ne s’éloigna de moi que lorsqu’il m’en sentait capable. Un bref regard fut échangé et il me sourit tendrement. M’asseyant de nouveau, je reposais mes mains sur le cuir pour poursuivre mon travail, honteux de m’être montrer ainsi face à lui. Une main ferme se posa sur mon épaule et Dorian déclara :

- On fera tout ça demain Juha, ça pourra bien attendre un jour de plus.

Sans me laissait le temps de répondre, il entreprit de tout ranger. Une fois cela fait, Dorian se tourna vers moi et me demanda :

- Si j’ai bien compris Gabriel habite chez toi maintenant ?

- Il habite avec moi, rectifiais-je en me levant. Jusqu’à ce matin nous étions ce qui se rapproche le plus d’un couple.

Dorian ne dit rien, semblant réaliser combien notre relation avait évoluée, bien plus qu’il ne le soupçonnait.

- Et il vient d’inviter Kay chez t… Chez vous se reprit-il.

Un silence pesant suivit ses quelques mots. Dorian soupira avant de demander plus clairement :

- Juha, qu’est-ce qui se passe réellement entre toi et Gabriel ?

Une colère monta subitement en moi. Elle n’était pas tournée contre Dorian, mais contre moi-même et vers le chemin que nous étions en train de prendre avec Gabriel.

- Il m’a simplement dit qu’il m’aimait hier et je n’ai rien su lui répondre. Il a très mal pris la chose et je ne lui reproche pas. Seulement il a du mal à comprendre que ce n’est pas si facile que cela pour moi. Déclarais-je sèchement. Je passe pour un monstre et c’est comme cela que je me vois. Je lui demande tant et je suis incapable de lui en donner ne serais-ce que la moitié. Et maintenant il y a ce Kay si parfait… Si tu savais comme il l’aime Dorian…

Baissant les yeux, un voile de tristesse me masqua la vue, et j’ajoutais plus bas :

- Ce n’est pas moi dont Gabriel a besoin, c’est de Kay… Mais bon Dieu que ça fait mal…

- Alors tu vas baisser les bras si j’ai bien compris ? S’exclama Dorian. Si tu abandonnes, alors tu donneras une valeur de vérité à ce que tu viens de dire. Tu es mieux que tu ne le penses Juha, ne te laisse pas souffler à la moindre difficulté. Prouve lui autrement que par des mots, prouve-lui que tu mérites son amour ! Crois-moi, je sais ce que cela fait d’aimer quelqu’un à sens unique. Mais Gabriel n’est pas dans ce cas n’est-ce pas !? Car si ce n’est pas le cas, va lui dire dès ce soir !

- Si je ne ressentais rien pour lui, crois-tu vraiment que nous en serions là ! Il me faut juste du temps, et pouvoir parler seul avec lui. J’ai voulu le faire toute la journée, comptant sur ce soir, mais Kay est chez nous…

- Alors rentre, et comporte toi en adulte. Ravale ta jalousie et patiente encore. Vous trouverez bien un moment pour vous expliquer, même si ce n’est pas ce soir.

J’acquiesçais simplement, la gorge serrée.

- Aller je te ramène chez toi, comme avant ! S’exclama-t-il avec un petit sourire plein de sous entendu.

Shanenja se redressa subitement, comprenant que nous allions rentrer. Alors que je partais à la suite de Dorian, celui-ci se tourna brusquement vers moi :

- Juha, si jamais ça se passait mal, si jamais tu as besoin de parler ou quoi que ce soit, sache que ma porte t’est toujours ouverte, et je parle sérieusement. J’ai merdé par le passé, mais c’était parce que…

Son regard se fit fuyant puis en reprenant la route à mes côtés pendant qu’une petite boule de  poil partait en éclaireuse, il ajouta plus bas :

- J’ai changé maintenant.

Une meurtrissure liée à ma propre personne m’apparut alors que sa main effleura la mienne. Un sentiment qu’il s’était efforcé d’enfouir à mon égard, un sentiment que j’ignorais ce soir là, ayant déjà mon lot de problèmes…

Nous montâmes en voiture et Dorian me ramena chez moi. Shanenja était assis à mes pieds, de mieux en mieux habitué à la voiture. Lorsque Dorian me déposa devant chez moi, je ne pus que le remercier et lui souhaiter une meilleure soirée que la mienne. Constatant que la pâtisserie à l’autre bout de la rue était encore ouverte, je décidais d’aller acheter un gâteau pour faire un pas en avant et tenter d’excuser mon attitude.

Lorsque je rentrais, Shanenja alla directement s’allonger, fatigué par sa journée mouvementée de chiot. J’allais dans la cuisine et en y découvrant Kay je compris que Gabriel devait être dans la salle de bain entendant l’eau couler.

- Tu as pu finir ton travail ? Me demanda poliment Kay.

- Oui… Me contentais-je de répondre.

Je posais le gâteau sur le plan de travail, avant d’aller me servir un verre d’eau et de m’asseoir à la table de la cuisine, pendant que Kay continuait assez mal à l’aise sa préparation du repas.

- Vos casseroles sont rangées où ? Me demanda-t-il alors que je me perdais dans l’observation de la nuit par la fenêtre.

Pour toute réponse, je me levais et lui tendis la casserole qui me semblait appropriée après l’avoir prise dans le placard. Restant à côté de lui, las de ce silence gêné, je me décidais à entamer la conversation.

- Nous… Nous avons mal commencé les présentations.

Kay s’arrêta et me lança un petit sourire. La jalousie de le voir ainsi aussi charmeur me vrillait les tempes pourtant je me forçais à lui rendre son sourire. Je lui tendis la main, et il fit de même. Ce fut après un bref échange que je lui proposais mon aide, qu’il accepta avec joie.

Alors que je mettais la table pour trois, il m’interrogea :

- Tu travailles ici depuis quelques mois, qu’est ce que tu faisais avant ?

- Rien de bien intéressant. J’ai voulu changer d’air et j’ai trouvé une place ici. Répondis-je évasif.

Je détestais ce regard posé sur moi. J’avais l’impression qu’il me jugeait. De plus il était indéniable qu’il ne m’appréciait de son côté pas plus que cela, je n’avais pas besoin de le toucher pour le savoir, je le sentais de là où j’étais.

Pourtant il poursuivit la conversation, me posant plusieurs questions de manière détournée sur moi et ma relation avec Gabriel, sans jamais me le demander franchement. Je dus faire appel à tout mon sang froid pour rester courtois et polis. A vrai dire, je n’avais qu’une seule envie, me retrouver seul à seul avec Gabriel pour parler sérieusement. Ce ne serait certainement pas possible ce soir.

Ce fut à ce moment là que Gabriel entra dans la cuisine. Je n’avais pas besoin de faire appel à mon don pour savoir qu’il était au plus mal. Ses yeux rouges et ses traits tirés parlaient pour lui. Non sans un certain effort, il finit par me demander :

- Tu… Tu es arrivé il y a longtemps ?

- Près d’une demi-heure, répondis-je ne pouvant m’empêcher de le dévisager longuement.

Honteux, Gabriel détourna le regard et pris place en bout de table entre Kay et moi. Tout comme moi, il n’avait pas particulièrement faim. Si je me forçais, il ne faisait que grignoter. Un silence monastique et désagréable régnait dans la pièce. Kay ne cessait de lancer des regards à Gabriel et croiser le mien avec froideur. Il était jaloux, tout comme je l’étais de lui, mais l’amour qu’il ressentait pour Gabriel m’oppressait et me donnait encore plus de raison de l’être. Lui aurait eut la réponse que je n’avais pu lui donner hier soir… Une petite voix ne cessait de dire dans ma tête : c’est avec Kay que Gabriel serait réellement heureux.

Plusieurs minutes s’écoulèrent ainsi dans un silence qui pesait sur chacun de nous. N’en pouvant plus, et voulant abréger l’angoisse qui pointait vivement chez Gabriel, je me forçais à prendre la parole :

- Sinon, tu fais quoi dans la vie ?

Kay me répondis d’un ton détaché, après un regard dans la direction de Gabriel :

- Je suis ostéopathe, et peintre amateur à mes heures perdues.

- Peintre ? Répéta Gabriel surpris. Aurais-tu une quelconque notion de ce que le mot « art » signifie ? Demanda-t-il en se moquant gentiment de lui. Car si mes souvenirs sont bons, on ne peut pas vraiment dire que tu étais un fervent admirateur des tableaux accrochés aux murs de l’église… Ajouta-t-il.

Un sourire narquois étira ses lèvres, qui disparut bien vite lorsque Kay rétorqua :

- Et qu’est devenu ton don pour le théâtre ?

Gabriel ouvris de grands yeux à cette question.

- Je… Je ne vois pas du tout de quoi tu parles… Tenta-t-il de nier.

En un rien de temps, je me sentais exclu de la conversation. Je n’avais plus ma place dans leur passé commun. Je n’écoutais plus. Je n’avais de toute façon  pas la tête à cela ce soir. Je regardais simplement Gabriel, heureux de retrouver des souvenirs avec un homme qu’il croyait avoir perdu. Mon cœur battait douloureusement en comprenant qu’il l’aimait encore plus que je ne l’aurais cru. Je me refusais à sonder ses sentiments à mon égard. Kay éclata soudain de rire, et n’en connaissant pas le sujet, je me contentais de sourire pour masquer mes tourment. Gabriel avait cette chance que je n’aurais jamais avec Killian. Une question de plus en plus vive commençait à naître en moi : devrais-je finir par m’effacer de sa vie et laisser ma place pour son bonheur ?

La conversation animée qui se déroulait sous mes yeux entre ces deux hommes faisait pourtant bouillir la jalousie en moi, mais derrière se cachait une certaine forme de résignation.

Jamais je n’aurais pensé que l’éclat de rire de Gabriel me serait un jour à ce point insupportable. Combien de fois avions nous partagé un simple fou rire tous les deux ? Las, je finis par me lever et apportais le gâteau sur la table. Je servis Kay, puis Gabriel qui commença par refuser et céda au regard empli de reproche de Kay qui ne me passa pas inaperçu. J’en pris une part à mon tour, n’y touchant même pas, ce qui ne fut remarqué ni par l’un ni par l’autre.

Après quoi, Gabriel servit un café à Kay avant de passer au salon. Kay prit place à côté de moi dans le canapé alors que Gabriel déplaça le fauteuil pour se mettre en face de nous.

Leur conversation reprit de plus belle, Gabriel ne posant à aucun instant les yeux sur moi, enfermé dans sa bulle avec Kay. Il faut dire aussi que je ne faisais rien pour m’intégrer. Jugeant avoir suffisamment fait office de présence, ne supportant plus leurs éclats de rire et leur complicité, et encore moins leurs sentiments réciproques qui débordaient, je décidais d’aller me coucher.

Après une douche plus que succincte, j’allais dans la chambre, tentant de rester sourd à la suite de leur discussion. Je m’installais d’abord sur le milieu du lit, ne pouvant m’empêcher de respirer à plein poumons l’odeur si particulière de Gabriel, seule chose que j’aurais aujourd’hui. Puis épuisé de cette journée qui avait plus l’apparence d’un cauchemar, voulant fuir un court instant la réalité, j’allais me coller contre le mur inconsciemment, fuyant le vide laissé par Gabriel qui n’était cette nuit pas à côté de moi. Ce ne fut qu’après un temps qui me parut interminable que je finis par m’endormir, replié sur moi-même et indéniablement seul.

Je me réveillais assez tôt le matin et à la fatigue qui se lisait sur les traits de Gabriel encore endormis, je sus qu’il s’était couché peut de temps avant le lever du soleil. Ne désirant plus être dans ce lit, je choisis de me lever. Attrapant mes vêtements, j’allais dans la salle de bain. Après m’être rasé et débarbouillé, je m’habillais assez rapidement. Entrant dans la cuisine, Shanenja déboula dans mes jambes attendant son repas avec une envie non dissimulée. Après quelques caresses, j’accédais à sa demande. N’ayant pas faim, je me fis un simple café, et me décidais à ranger et à nettoyer notre repas de la veille.

Lorsque j’eus finis, Kay et Gabriel dormaient encore profondément. Avant de partir, je tentais de réveiller Gabriel, mais ce fut sans succès, me heurtant à quelques grognements avant qu’il ne me tourne carrément le dos. Peu enclin à insister, je choisis de partir seul. Il était encore tôt, mais une bonne promenade avec Shanenja avant d’aller travailler me ferait le plus grand bien. J’avais besoin de solitude.

Et je l’obtins toute la journée. Gabriel ne vint pas travailler, et Dorian était trop occupé pour avoir le temps de discuter avec moi. J’abattis de mon côté une quantité monstre de travail, m’octroyant quelques pauses pour jouer avec mon jeune chiot. En fin de journée, n’ayant plus grand chose à faire, je choisis de rentrer. Je fis cependant un détour par la forêt, profitant de cette fin de journée ensoleillée. Shanenja alla directement se coucher lorsque nous rentrâmes, épuisé de sa journée remplie. Kay et Gabriel n’étaient pas là. Évitant soigneusement de me poser trop de questions sur leur journée, j’allais me prendre un bain bien mérité.

Une fois finis, j’allais m’installer dans le canapé devant la télévision, réfléchissant à un moment ou je pourrais être seul à seul avec Gabriel pour parler sérieusement. J’ignorais mon mal-être, comme je l’avais fait toute la journée, et me concentrais sur ce téléfilm inintéressant. Ce ne fut qu’une fois l’heure du repas bien dépassée que je commençais à m’inquiéter et à me poser des questions. A quelle heure comptait-il rentrer ?

La moindre des choses aurait été de me laisser un mot ou de me passer un coup de téléphone. Mais peut être était-il trop occupé avec Kay pour y penser. La colère monta d’un cran. M’exclure pour une soirée de retrouvailles soit, mais il ne fallait pas que cela dure indéfiniment. Les minutes continuèrent à défiler, puis une heure et une deuxième. Je n’avais pas bougé de ma place, il faisait maintenant nuit et je n’avais allumé aucune lumière. J’avais même éteint la télévision n’en supportant plus les images et le son. Plus le temps passait, plus la colère mêlée d’inquiétude grandissait en moi. Lui était-il arrivé quelque chose ? Le doute ne me permettait pas de m’abandonner à la fureur. Un simple coup de téléphone aurait pourtant réduit mon état au calme.

L’angoisse était de plus en plus oppressante, m’imaginant mille et une possibilités d’ennui ou d’accident pour Gabriel. Une pression monstre que je ne parvenais pas à calmer.

C’est alors que j’entendis leur voix dans le couloir. Ils semblaient aller bien. Entrant dans l’appartement, j’allumais la lumière alors qu’ils pénétraient dans le salon. Me redressant et constatant qu’ils allaient parfaitement bien tout les deux, je ne pus m’empêcher de lui demander furieux :

- Tu étais où ?

Malheureusement, ce ton ne plut pas du tout à Gabriel, qui répondit avec colère et sarcasmes :

- Je suis allé m’envoyer en l’air ! Je n’existe pas à tes yeux alors je suis allé chercher un peu de réconfort ailleurs…

A peine eut-il terminé sa phrase que ma main s’abattit sur sa joue avec une telle violence qu’il chancelait sur le coup. Je n’avais pas pu me retenir. J’avais flanché sous la colère nourrie depuis des heures d’attente et d’angoisse. Je regrettais ce geste à l’instant même ou j’avais élevé ma main, mais je ne pouvais revenir en arrière. Le voir la main sur sa joue meurtrie et surtout son regard blessé et emplie de larmes par ma faute fut une des pires choses qui m’est été donné de vivre, surtout en repensant au passé de Gabriel. Sans me laisser le temps de réagir, de m’excuser lamentablement ou de faire quoi que ce soir, Kay s’interposa entre nous et d’une voix froide, il déclara :

- Ne relève plus jamais la main sur lui…

Gabriel posa sa main sur le bras de Kay, alors que je contemplais dès lors le fossé qui nous séparait et que j’avais moi-même creusé.

- Laisse, c’est rien ! T’es vraiment trop con, ajouta-t-il en se tournant vers moi, avec un regard qui me fit froid dans le dos. Et puis même si c’était le cas, je ne te dois rien ! Nous ne sommes pas mariés, ça ne te regarde pas ce que je fais de mon cul !

J’accusais le coup sans broncher, je l’avais bien mérité après tout. La jalousie me rongeait de l’intérieur plus que je ne me l’étais imaginé. Je n’étais pas uniquement jaloux de leurs sentiments partagés, j’étais jaloux qu’il me donne cette impression de souffrir moins que moi, et qu’il est retrouvé l’homme qu’il avait aimé par le passé. Et moi qui restais toujours accroché à mon amant décédé, laissant fuir Gabriel.

Je restais planté dans le salon alors que Kay me lançait un regard dédaigneux. Alors qu’il allait m’adresser la parole, je lui tournais le dos et allais m’enfermer dans la chambre, suivit de près par Shanenja qui se coucha au pied du lit. Broyant du noir, je restais debout, ne parvenant pas à me calmer. Qu’avais-je fait ? Qu’étions-nous en train de devenir ? Les réponses me prenaient à la gorge de manière douloureuse. Ce fut un couinement du jeune chiot qui me fit revenir sur terre. M’asseyant sur le sol à ses côtés, Shanenja vint s’allonger sur mes jambes, tandis que les premières larmes se mettaient à couler.

Malheureusement, les murs n’étaient pas assez épais pour me cacher la conversation de Gabriel et de Kay lorsque celui-ci sortit de la salle de bain.

- J’ai tellement honte Kay… Je… Même les coups de ceinture étaient moins humiliants que cette gifle qu’il m’a donnée…

J’étais au pied du mur, j’avais l’impression d’avoir fait quelque chose d’irréparable, les rapprochant encore un peu plus et m’excluant d’une possible vie à deux avec Gabriel. Me bouchant les oreilles, je fuis le reste de la conversation, priant pour qu’ils se taisent le plus vite possible. Mais je ne pouvais me couper à la détresse de Gabriel qui était si vive qu’une migraine ne tarda pas à s’y ajouter.

Ce ne fut qu’après un long moment que je compris que Gabriel s’était endormi et qu’il ne me rejoindrait pas. Ne pouvant me résoudre à sortir, j’allais m’étendre dans le lit, emprunt d’une douloureuse tristesse.

Je ne fermais l’œil que quelques heures cette nuit-là, la culpabilité et la douleur me tiraillant sans me laisser de répit.

Le lendemain matin, je me levais avec l’impression qu’un tank était passé sur mon corps. L’esprit dans le même état, il me fallut faire preuve d’énormément de courage pour oser sortir de la chambre, habillé de propre. Gabriel dormait sur le canapé avec Kay, et je détournais les yeux de cette vision qui se révélait surement être leur avenir. Surmontant la boule qui se formait dans ma gorge, j’allais dans la cuisine pour préparer à chacun un petit déjeuner. Kay ne tarda pas à me rejoindre, me renvoyant toujours ce regard maintenant presque haineux que je ne pus soutenir. Pas un mot ne fut échangé tandis que je nourrissais Shanenja. Lorsque le café fut prêt, ce fut au tour de Gabriel de nous rejoindre. Le silence était de plus en plus oppressants, sans compter les regards évités et ceux qu’ils ressentaient tous deux à mon égard : du mépris et de la rancœur.

Une fois le petit déjeuner terminé, nous nous préparâmes pour nous rendre au ranch. La journée et la semaine se déroulèrent ainsi, dans un silence monastique alors que notre relation se dégradait de jour en jour. Pas un instant je ne pus me retrouver seul avec Gabriel qui fuyait une confrontation. Pas un seul moment, je ne pus m’expliquer ou tout simplement m’excuser, me refermant chaque jour un peu plus.

Nous étions maintenant mercredi soir et Dorian était venu me prévenir que le directeur voulait s’entretenir avec moi. Intrigué, je choisis de finir ma tache avant d’aller à son bureau. Lorsque j’arrivais la porte était ouverte, et en tournant le dos, je pus voir la voiture de Kay partir en direction de notre studio.

- Te voilà Juha, dit Philippe dans mon dos, d’une voix qui me fit sursauter.

- Je… Oui…Répondis-je en lui faisant face. Vous vouliez me voir ?

- Viens dans mon bureau. J’ai quelques papiers à te faire signer et deux trois choses plus personnelles dont j’aimerais que nous parlions.

Docile, je le suivis, prenant place en face lui. Il commença par me faire signer quelques papiers concernant la prison et ma réinsertion dans la vie professionnelle. Mon contrat fut lui aussi remis à jour, me prenant définitivement comme palefrenier, satisfait de mon travail. Une fois que tout le côté administratif fut terminé, Philippe s’enfonça dans son fauteuil voulant maintenant abordé les choses « personnelles ». 

- Qu’est ce qu’il se passe entre vous deux en ce moment Juha ? Me demanda-t-il de façon très directe.

- Il n’y a pas besoin d’être devin pour voir que nous sommes en froid en ce moment, répliquais-je.

- C’est à cause de la présence de Kay ? Ajouta-t-il.

- Pas vraiment, tentais-je d’élucider, disons que sa présence n’améliore pas la situation, dis-je en détournant le regard.

- Juha, tu sais très bien que c’est son ami d’enfance, c’est normal que tu sois jaloux. Mais mets-toi sa place, il le croyait mort.

Alors que j’allais répondre, Philippe ajouta :

- Attention, ce n’est pas pour autant que je donne raison à Gabriel, je ne suis du côté ni de l’un, ni de l’autre. Mais je ne supporte pas de vous voir ainsi. Tu es quelqu’un de bien Juha, et c’est tout à fait normal que tu sois jaloux. Laisse-lui un peu de temps… Mais bon Dieu, réagissez avant qu’il ne soit trop tard, vous êtes en train de vous détruire.

Philippe soupira avant de se lever et de déclarer, marquant la fin de la conversation :

- Bon, rentrons Juha, je te ramène.

- Vous n’êtes pas obliger…

- J’y tiens, je t’ai fait rester plus tard.

C’est ainsi que nous montâmes dans la voiture et qu’il me ramena, me donnant encore quelques conseils, et me priant d’arranger la situation au plus vite lorsqu’il me déposa devant chez moi. N’ayant pas la moindre envie de retourner chez moi pour retrouver cette ambiance lourde qui régnait depuis une bonne semaine, ayant un seul but en tête, me retrouver seul à seul avec Gabriel ne serais-ce qu’une petite heure pour enfin pouvoir parler.

Shanenja venu avec nous alla comme à son habitude se lover avec un jouet sur sa petite couverture, tandis que j’allais dans le salon. La lumière était allumée, mais il n’y avait personne. C’est alors que j’entendis une discussion étouffée dans la salle de bain. Curieux, j’allais y jeter un œil et la vision qui s’offrit à moi me glaça d’effroi. Kay était agenouillé aux pieds de Gabriel, qui, le pantalon légèrement baissé, le laissait toucher sans rien faire. Le soupire de bien-être que Gabriel lâcha fut de trop, et d’une voix froide, je laissais échapper :

- On s’amuse bien à s’que j’vois !

Gabriel ouvrit les yeux, s’apercevant de ma présence dans l’encadrement de la porte. Je ne savais plus que penser, incapable de cacher ma fureur d’avoir vu de mes propres yeux ce que j’avais toujours craint. Etant incapable de soutenir cette vision, Gabriel le torse nu, le pantalon à moitié déboutonné comme offert à Kay, je fis demi-tour, me retenant pour ne pas casser la première chose qui me tombait sous la main. Gabriel se précipita à ma suite, m’attrapant par le bras alors que je traversais le salon. Me forçant à me retourner, il m’adressa un regard meurtrier. Sans comprendre sa colère, je restais figé, sans pouvoir faire un seul geste.

Rageusement, il s’exclama :

- Non mais tu m’fais quoi là ? Ta pseudo crise de jalousie tu peux te la foutre au cul, Juha !

Priant pour que je me sois trompé, mais ne voyant pas ce qui pourrait expliquer une telle pose, je scrutais attentivement son torse à la recherche d’une quelconque trace de suçon ou de trahison de sa part. Était-ce seulement la première fois ? Je ne trouvais rien, descendant mon regard plus bas. Lorsque mes yeux se posèrent sur son bas ventre, je sursautais violemment alors que je vis un tatouage assez récent en train de cicatriser.

Rassuré, ma colère ne me quitta pas pour autant. Ma réaction avait été absurde, mais j’avais cru voir se dérouler devant mes yeux ce que je craignais le plus. Est-ce que tout cela n’était finalement pas qu’une question de temps ? Comment cela aurait-il progressé si je n’étais pas arrivé ? La distance imposée entre nous me semblait éternelle. Depuis combien de temps ne nous étions pas pris dans les bras. Je n’étais même pas au courant de ce nouveau tatouage à la différence de Kay. Je n’en pouvais plus de ressentir son mépris à mon égard et sa jalousie faisant échos à la mienne. J’étouffais, et n’osais même plus toucher Gabriel par peur d’y découvrir un amour plus fort pour son ami d’enfance. Celui-ci enfonça le couteau dans la plaie, en colère mais satisfait :

- Je ne suis pas une pute, Juha. Je ne déclare pas mon amour à un homme pour aller voir ailleurs à la première dispute entre nous ! Si tu n’as pas confiance en moi, c’est qu’on n’a rien à faire ensemble.

Sur ces mots, il me tourna le dos et retourna dans la salle de bain. Ne pouvant en supporter d’avantage, je pris la direction de la sortie, claquant violemment la porte, en colère contre notre relation qui semblait ne plus pouvoir se raccrocher à quoi que ce soit. Alors que j’arrivais dehors, je fus saisi par le froid, étant sortit sans manteau. Je décidais de marcher, allant droit devant moi sans choisir ma direction. Les larmes ruisselaient de nouveau, sans pouvoir les retenir, je trébuchais et manquaient de tomber, mais cela n’arrêta pas ma course. Une voiture s’arrêta soudain à ma hauteur. La vitre se baissa et je vis Dorian les traits tirés pas l’inquiétude.

- Juha ? Mais qu’est ce que tu fais dehors à cette heure là ? Sans une veste en plus ?

- J’avais besoin de prendre l’air, répondis-je en essuyant mes larmes d’un geste bref.

Les traits tirés, je sentis soudain une grande fatigue et une grande lassitude concernant le chemin que prenait ma vie. Étais-je uniquement fait pour vivre seul ?

- Attends-moi ici, je vais me garer. Tu vas boire truc chaud chez moi, tu ne peux pas rester dehors avec si peu sur le dos.

Je restais là, sans bouger tandis qu’il avançait pour trouver une place pas très loin d’ici. Je savais très bien de quel mauvais œil Gabriel verrait ce que j’étais en train de faire, mais j’avais besoin de quelqu’un sur qui me reposer un peu ce soir. Gabriel avait toujours eu Kay avec lui, contrairement à moi qui n’avait personne. Je n’enviais cependant pas sa place non plus.

Dorian me rejoignis au pas de course. Une fois arrivé à ma hauteur, il me jeta son manteau sur le dos avant de m’attirer jusque chez lui. Posant ses affaires une fois chez lui, il m’invita à prendre place dans le salon, tandis qu’il allait faire chauffer l’eau pour un thé. De légères rougeurs vinrent tinter mes joues en repensant à ce que nous avions fait tous les deux ici, mais ce souvenir fut bien vite inondé par mon accablement et mon désespoir.

Il rangea quelques affaires dans la cuisine et revint avec une tasse de thé fumante. S’asseyant près de moi, il me dévisagea quelques secondes lorsqu’il croisa mon regard : mon mal-être se voyait-il à ce point sur mon visage ?

- Ca ne s’est toujours pas arrangé ? Me demanda-t-il le regard peiné.

Portant la tasse à mes lèvres, j’avalais avec difficulté une maigre gorgée de thé brûlante.

- Je suis fatigué Dorian… Fatigué de cette jalousie qui me rend un peu plus fou chaque jour. J’ai… J’ai l’impression de ne plus avoir ma place près de lui. On ne se parle plus, on ne s’approche plus à part pour nous disputer. On étouffe depuis plus d’une semaine et je ne peux plus voir en peinture ce Kay. Gabriel m’évite, et je ne peux jamais avoir un moment seul à seul avec lui. Kay est toujours à ses côtés.

Je fis une pause, avalant une deuxième gorgée semblable à la première avant de poursuivre :

- Le pire Dorian, c’est que si j’avais maintenant l’occasion de lui parler, je ne saurais même pas quoi lui dire… Au fur et à mesure du temps, les raisons qui le pousseraient à aller vers Kay au lieu d’aller vers moi se multiplient. Seulement, je ne peux pas me résigner à baisser les bras. Je… je tiens trop à lui…

Je finis par craquer littéralement, m’effondrant en larmes après avoir dit :

- Je sais pourtant que ce serait la meilleure des choses à faire pour lui, je n’ai fait que l’enfoncer avec moi.

Dorian ne résista pas et me pris dans ses bras, tandis que je posais ma tête sur son épaule pleurant silencieusement, le corps secoué de léger spasmes. D’une petite voix, il me demanda alors :

-Tu l’aimes… ?

Restant contre lui, manquant cruellement d’un peu de chaleur, je mis beaucoup de temps avant de répondre entre deux sanglots minable :

- Je ne sais pas…

Dorian soupira avant de répondre, d’une voix sérieuse :

- J’ai franchement du mal à croire que ce n’est pas le cas Juha. Tu as décidément beaucoup de mal à faire confiance aux autres et à te faire confiance. Mais une chose et sûre, si vous ne faites rien, vous allez droit dans le mur. Vous vous détruisez l’un l’autre.

Me repoussant afin de me regarder droit dans les yeux, il ajouta le plus sérieusement du monde :

- Promets-moi que tu va faire quelque chose dans les jours qui viennent !

Me tenant par les deux épaules, il me serra de nouveau contre lui une fois que j’eus acquiescé faiblement. Je restais ainsi, contre lui un long moment, et il respecta mon besoin de silence et de soutient. Ce ne fut que lorsque que je sentis capable de me retenir de pleurer que je m’écartais de lui. Il était temps que je rentre et Dorian le comprit. Les deux tasses de thé étaient trop froides pour être bues et ce fut après une dernière étreinte et des remerciements que je le laissais dans le but de rentrer chez moi.

Tout était éteint, les deux hommes semblant dormir. N’ayant plus qu’à faire de même, remettant au lendemain ma résolution de parler, je me rendis silencieusement dans la chambre. Refermant délicatement la porte derrière moi, je me mis en pyjama sans faire de bruit. Gabriel semblait dormir. Mon regard se posa sur lui. Combien de temps pourrais-je encore tenir avec cette distance ? Combien de temps devrais-je encore tenir avant de pouvoir le prendre dans mes bras tout contre moi, et inspirer son odeur tout en profitant de sa présence qui m’était devenue nécessaire ? Question bien plus cruelle qui me saisit alors : combien de temps aurais-je encore pour avoir le privilège de le regarder dormir ?

Emprunt d’une grande lassitude et d’une douleur profonde, je finis par aller m’allonger à côté de lui, résistant à l’envie plus forte que jamais de le prendre dans mes bras, tout contre moi : une simple étreinte qui me faisais cruellement défaut à chaque seconde de plus passée loin de lui.

Je mis un temps infini à seulement réussir à fermer les yeux, mais le sommeil se refusa à moi cette nuit là. Je sentais Gabriel remuer dans tout les sens, et lorsqu’il se leva alors que la nuit était loin d’être fini, je ne sus ce qui me retint de prononcer son nom. Depuis combien de temps n’osais-je même plus lui adresser la parole, à simplement lui effleurer la main ? J’avais cette cruelle impression de m’être coupé de lui, ne parvenant même plus à saisir de ce qu’il ressentait vraiment. Peut-être étais-ce pour me protéger, par peur et crainte de ce que je pourrais y découvrir. N’étais-ce finalement pas moi qui m’étais coupé de Killian ?

Une boule dans la gorge me saisit, la culpabilité de son assassinat me prenait en traitre à un moment de faiblesse. Si je perdais Gabriel, j’aurais définitivement tout perdu. Il m’avait beaucoup plus aidé que ce dont j’avais désiré faire pour lui. En fixant le lit vide à côté de moi, la simple idée que Gabriel n’occuperait plus cette place m’était insoutenable. Me redressant, je tirais légèrement le rideau pour regarder la nuit étoilée. Perdu dans ma contemplation, je ne cessais de réfléchir à la situation, tentant d’y trouver une issue. Il fallait à tout prix que je trouve l’occasion de lui parler dans la journée. Comme le disait Dorian et Philippe, nous ne pouvions continuer très longtemps comme cela. 

Gabriel n’était toujours pas rentré lorsque je sortais de la chambre, me décidant à me lever bien déterminé à entamer cette discussion. Allant me préparer un petit déjeuner sans oublier Shanenja, Kay ne tarda pas à me rejoindre, sans un mot, toujours avec ce regard méprisant et dédaigneux. Je ne savais même plus comment je pouvais supporter sa présence, et ce matin là je ne pus que l’ignorer, m’abstenant tout comme lui des salutations matinales de politesses.

Ce fut non sans un certain soulagement que j’entendis Gabriel rentrer, et celui ne tarda pas à arriver dans la cuisine. Il ne s’aperçut pas de ma présence, saluant simplement Kay avant de se préparer une tasse de chocolat chaud. Il semblait si faible moralement, que je me demandais comment il trouvait encore la volonté de tenir sur ces deux jambes. Frigorifié, je savais que cela était loin d’être uniquement du au temps extérieur. Mon envie de faire un premier geste me prit à la gorge, mais alors que j’allais me lever, Kay demanda :

- Où tu étais ?

- Je suis allé prendre l’air, répondit-il. Je… J’avais besoin de réfléchir… J’en peux plus, j’ai l’impression d’étouffer ici…

Se retournant après avoir mis sa tasse au micro-onde, il sursauta en s’apercevant enfin de ma présence. Fuyant automatiquement mon regard, je fis de même, définitivement coupé dans mon élan.

Lorsqu’il revint à table avec de quoi déjeuner, ses mains bleues ne l’aidèrent pas à faire ses tartines. Nous déjeunâmes en silence, mangeant plus par automatisme que par appétit. Finissant ensuite de nous préparer, nous sortîmes, Gabriel suivit de près par Shanenja, trop heureux qu’il lui prête un peu d’attention. Gabriel s’assit devant avec Shanenja à ses pieds, Kay conduisant, tandis que je montais à l’arrière.

Une fois arrivé, je sortis de la voiture, laissant Kay et Gabriel passer leur journée ensemble, et partant de mon côté. J’avais toute la journée pour trouver un moment à discuter seul à seul avec lui, mais je ne comptais pas le faire ce matin.

Je n’eus même pas besoin de rentrer dans l’écurie pour comprendre que quelque chose n’allait pas, et ce pressentiment s’accentua lorsque je vis tous les regards posés sur moi alors que j’allais chercher mon matériel dans la sellerie. Peur, moquerie, écœurement, dégout, dédain : c’était ce que tous ressentais pour moi. C’était tellement puissant que je dus sortir m’adosser quelques minutes contre le mur de la sellerie, pièce heureusement déserte.

Prenant sur moi, j’inspirais un bon coup, tentant de me dire que cela était plus du à la fatigue qu’autre chose, me rendant malgré moi plus sensible, comme je l’avais vécu dans ma jeunesse. Renforçant comme je le pouvais mes barrières mentales, je m’éloignais du mur et allait prendre ce dont j’avais besoin pour travailler.

Hésitant, je sortis de la sellerie pour me diriger dans le box le plus proche qui était heureusement un de ceux que j’avais à faire ce matin. Cela n’empêcha cependant pas de me faire envahir de nouveau par tous leur ressentis et il était indéniable qu’ils le vivaient par rapport à moi. J’avais beau réfléchir, je ne trouvais pas de raison à tous leurs regards et à leur haine mêlée de peur à mon égard. Fébrile, je saisis la fourche en tentant de les ignorer, me fermant comme une huitre, sans cesse tiraillé.

Jamais je ne mis autant de temps à remplir une simple brouette, et je remerciais l’habitant de ce box pour son calme. Posé, l’animal ne bronchait pas, les yeux à demi-clos, trop vieux pour se soucier des humains et de leurs problèmes. Je devais maintenant aller vider la brouette à l’extérieur, ce qui impliquait de repasser devant eux. Ce fut donc ce que je dus faire, à contrecœur et angoissé. Sortant du box, en prenant soin de bien refermer la porte derrière moi bien que le cheval ne semblait avoir aucune envie de sortir, je redressais la tête vers le couloir qui m’apparaissait interminable. Je sursautais presque en m’apercevant que tous ceux présents ici me fixaient avec un air malsain. Déglutissant, je fis un premier pas et à cet instant seulement que j’entendis un mot chuchoté brièvement : « prison ». Perdant pied, mes murailles s’effondrèrent, et leurs émotions me parurent soudain plus violentes et brutales.

Dévasté, je laissais la brouette avant de marcher d’un pas rapide vers la sortie la plus proche. La tête basse, je devais me faire violence pour ne pas me mettre à courir, et c’est pourtant ce que je fis une fois sorti de leur champ de vision. Me précipitant vers la vielle carrière, j’allais encore plus loin et du m’arrêter chancelant les premiers arbres de la forêt passée.

M’appuyant à un arbre, je ne pus retenir le haut le coeur qui me saisit et me penchant brusquement en avant je rendis le peu que j’avais avalé à mon petit déjeuner, le corps parcourut de violents spasmes de rejet : rejet éprouvé par les autres qui connaissaient maintenant mon passé. C’était une chose que deux personnes le sache ici, s’en était une autre qu’une découverte brutale par tout ceux qui venaient ici, les seules personnes qui faisait partit de mon monde, de ma nouvelle vie…

Alors que je me forçais à oublier mon passé et aller de l’avant, celui-ci revenait me heurter de plein fouet, ravivant ma culpabilité et ma plus grande honte. Qui aurait pu me faire cela, à part le seul qui m’en voulait de ne pas oublier Killian. Une colère irraisonnée coula brusquement dans mes veines, m’aveuglant et m’offrant de nouvelles forces.

Me redressant vivement, j’allais vers l’homme qui m’avait trahi. N’était-ce pas finalement une forme de punition méritée selon lui. Furieux, je pris le chemin de la carrière où je savais qu’il donnait un cours à l’heure actuelle. Les tremblements qui jusqu’alors me parcouraient violemment furent non plus guidés par ma peur, mais par ma colère contre Gabriel. Sans réfléchir une seule seconde et méditer sur la possible vérité de cette idée, j’arrivais bientôt près de lui. Il était en train de parler avec Kay, ce qui redoubla ma colère, m’empêchant de maîtriser cette jalousie. Tel un animal blessé livrant son dernier combat, je puisais dans mes dernières forces et m’exclamais une fois arrivé à sa hauteur :

- Tu étais le seul à savoir… Comment as tu pu me trahir ainsi, Gabriel ?

Gabriel resta sans réaction, et je n’eus pas besoin de m’approcher plus de lui pour comprendre mon erreur. Ce n’était pas lui, il venait d’apprendre la nouvelle en même temps que moi. Incapable de m’excuser, encore sous l’effet de la haine, je préférais m’éloigner d’eux sans un regard. Comment avais-je pu croire un seul instant que c’était lui. Maintenant c’était certain, je ne le méritais pas, je venais de briser la dernière chose qui nous liait encore, je venais de perdre Gabriel…

Cette révélation manqua de me faire chuter, mais je sentis une main se poser sur mon épaule. Me retournant violemment, je m’exclamais la défensive en rompant ce contact qui me vidait de mes dernière forces :

- Ne me touche pas !

Kay me regardait droit dans les yeux, l’air mauvais. Ce qui était le plus douloureux, c’est que j’abandonnais Gabriel à cet homme que je n’avais jamais appris à ne serait-ce qu’apprécier.

- Je savais que quelque chose n’était pas normal chez toi. Tu es différent des autres, et la prison l’explique ! Et ce que tu viens de faire subir à Gabriel, je ne peux pas le laisser passer !

Mon silence et mon absence de réponse, le rendis fou de colère et il ajouta :

- Tu crois que tu ne l’as pas assez fait souffrir pour en plus l’accuser d’une chose qu’il n’a pas faite ? Si tu connaissais un peu plus Gabriel tu n’ignorerais pas que trahir un secret c’est quelque chose qu’il est incapable de faire.

J’attendais qu’il finisse sans broncher, n’ayant tout de façon pas la force ni le courage de répliquer quoi ce soit, le laissant enfoncer le couteau dans la plaie comme je le méritais.

- Si tu n’as pas confiance en lui, comment peux-tu espérer garder son amour ? Tu ne le mérites pas !!

Nous allions y arriver, il allait enfin me dire ce qu’il avait sur le cœur depuis la première fois que nous avions échangé un regard :

- Ne joue pas au con Juha, parce que quand Gabriel décidera de te quitter, moi je serais là pour lui et n’oublie pas qu’on a beaucoup de choses en commun ! Déclama-t-il en insistant sur le « beaucoup » de manière volontaire. Je sais qu’il éprouve des sentiments à mon égard…

C’était maintenant clair, il sous-entendait qu’il pouvait avoir Gabriel quand il le voulait, et qu’il ne me laissait que par soi-disant clémence. Je n’aimais pas la manière dont il parlait de Gabriel, comme un simple objet qu’il consentait à me laisser en attendant que je le casse pour venir le réparer et me le reprendre. Je n’hésitais pas à lui en faire par, ce qui le fit craquer. Il éleva sa main sur moi : grossière erreur. L’attrapant au vol, changeant du tout au tout, je retrouvais le masque d’autorité et de puissance que j’avais acquis pendant ces dix dernières années et déclarais d’une voix glaciale :

- J’ai fait dix ans de prison Kay, ne crois pas que je ne sais pas me défendre. Il vaudrait mieux pour toi ne pas entamer de bagarre.

Kay me lança un dernier regard avant de me tourner le dos et de rejoindre son cher Gabriel. Savait-il seulement que j’étais en train de baisser les bras, et qu’il était maintenant bien plus proche de lui que je ne l’étais ? Je l’avais perdu, et Kay était bien plus proche de la vérité que ce qu’il ne pensait. Pourrais-je seulement supporter de voir Gabriel dans ses bras ? La réponse négative me serre douloureusement le cœur. Si Gabriel n’était plus avec moi, je n’avais plus rien qui me retenait ici. Je le savais depuis mon arrivée ici, je ne sortirais pas indemne de cette relation avec Gabriel. J’espérais l’avoir aider un peu à surmonter la souffrance passée, et ce serait avec Kay qu’il pourrait réellement se reconstruire. J’étais trop instable et nocif pour celui qui s’approchait trop près de moi. Cela avait coûté la vie de Killian et jamais je ne permettrais que cela arrive à Gabriel.

Redressant la tête, je n’avais pas remarqué que j’avais avancé. Près de la vielle carrière, je m’assis sur le tronc d’arbre posé sur le bord, sans me rendre compte de la présence de Dorian qui approchait de moi à grand pas.

Je ne m’aperçus de sa présence que lorsqu’il s’assit à côté de moi. Il gardait une certaine distance qu’il n’avait jamais instaurée entre nous. Ses sentiments étaient confus, et tout comme lui, je ne parvenais pas bien à les discerner. A vrai dire, je ne cherchais pas à le faire.

Ce fut seulement après un soupire qu’il se mit à parler :

- Je pense que tu es au courant de la nouvelle de ce matin à ton sujet…

Il fit une pause, cherchant apparemment ses mots avant de reprendre :

- J’aurais préféré l’apprendre de ta bouche que de celle des autres…

Je lui lançais un simple regard. J’étais fatigué, en deuil de cette vie qui n’avait finalement été que le mirage d’un possible bonheur. Mon visage cerné trahissait ma douleur, et Dorian semblait plus peiné que je ne l’aurais imaginé à mon égard.

- Est-ce que Gabriel était au courant ? Se risqua-t-il à me demander.

- Oui, il savait…

- Je… J’ai croisé Gabriel, il était avec Kay… Il pleurait. Est ce que je peux connaître la rai…

- C’est de ma faute, le coupais-je. Je l’ai accusé à tord.

Un silence s’instaura entre nous, mais ce n’était heureusement pas un silence lourd et pesant. Dorian respectait à sa façon mon besoin de solitude, bien qu’il reste à mes côtés. Il ne me jugeait pas comme tous les autres. Cela cachait bien évidemment une raison plus profonde, mais je m’en moquais pour le moment. A vrai dire, j’étais finalement légèrement soulagé qu’il soit une fois de plus à mes côtés lorsque j’en avais besoin. Dorian aussi me manquerait lorsque je partirais d’ici, mais pas autant que Gabriel. A cette pensée, ma poitrine se comprima si fort que j’eus du mal à respirer.

Dorian s’en apercevant m’appela par mon prénom avant de poser sa main sur moi, hésitant, ne sachant plus trop comment se comporter. Ce contact, je ne le supportais pas, m’écartant de lui le moins brusquement possible, je m’excusais et mon regard suffit à lui faire comprendre. Je n’avais pas besoin qu’il me touche pour savoir qu’il me craignait et ne savait plus trop comment faire avec moi. Je sortais de prison après tout… Évitant son regard peiné, je décidais de me confier un peu, voulant à tout pris alléger en surface le poids qui m’opprimait. Et Dorian m’y aida en me demandant :

- Ca va aller… Laisse-leur le temps de se faire à l’idée que tu sors de prison. Rassure-moi, tu ne vas pas partir d’ici parce qu’ils savent tous ? 

- Qui vous a mis au courant ? Demandais-je en évitant sa question.

- Je ne sais pas… Quand je suis arrivé ce matin, la nouvelle circulait déjà entre eux… Qu’est ce que tu vas faire Juha ? Insista Dorian.

- Je n’en peux plus…Je suis en train de le détruire. Je fais tous de travers… Je… Je crois que je l’ai définitivement perdu. Kay est mieux pour lui. Mais je ne pourrais supporter de les voir ensemble.

- Alors tu baisses tout simplement les bras ?

- Oui, répondis-je catégorique. Pour le bien de Gabriel, c’est ce que j’aurais du faire depuis le début. C’est fini de toute façon, ce n’est plus qu’une question de temps…

- Je ne te savais pas si lâche Juha ! Qui te dis qu’il sera plus heureux avec Kay ?!!

- Kay l’aime et ne traine pas un meurtre derrière lui, dis-je en me redressant. Leur relation sera plus saine !

- Le coup du sacrifice ne marchera pas avec moi Juha. Enfin tu l’aimes ça crève les yeux !

Perdu, je ne répondis pas tout de suite, je ne savais plus que penser. Qu’en savait-il ? Je tenais énormément à Gabriel, mais j’avais peur. Peur de tout perdre et surtout de le perdre. Peur d’accorder une confiance irraisonnée en quelqu’un, comme je l’avais fait avec Killian qui avait fini par me trahir en m’imposant de le tuer. Car finalement c’était sur cela que reposait pour moi une relation amoureuse : la confiance en l’autre. Je n’avais déjà pas confiance en moi…

- Je ne sais pas, dis-je dans un souffle.

Dorian n’en supporta pas plu. Se levant, il se planta devant moi et me dit, le ton légèrement plus haut qu’à son habitude :

- C’est sur que c’est tellement plus simple que de chercher la réponse au fond de toi ! Tu l’aimes, et il n’y a pas que moi qui le pense. Quand vas-tu te l’avouer ! Ça ne se commande pas Juha, crois-moi…

Un silence s’instaura une fois de plus entre nous, jusqu’à ce que Dorian me dise :

- Tu devrais aller manger un peu Juha, tu es pâle à faire peur. Allez viens…

Docile, je le suivis, bien que l’idée de retrouver tout le monde réunis dans cet espace clos ne m’enchantait guère.

Je marchais quelques pas derrière lui, remarquant qu’effectivement, il valait mieux que j’avale quelque chose si je ne voulais pas tomber dans les pommes. Le fait que Dorian m’accompagne me rassurait un peu, mais ce ne fut malheureusement pas le cas. Un collège l’appela à l’aide et il me dit de partir devant et qu’il me rejoindrait après. N’ayant pas d’autre choix que d’y aller, je me rendis donc au réfectoire. Celui-ci était plein, et autant dire que tous les regards furent rivés sur moi lorsque j’attrapais un plateau. Déglutissant, et me coupant d’eux, je commençais à me servir raisonnablement en nourriture, seulement ce que je me sentais capable d’avaler.

C’est alors que je me sentis poussé de manière brusque. Ce n’était autre que Marion qui trouvait que je n’allais pas assez vite.

Ce simple contact la trahis. C’était elle qui était à la source de cette révélation. D’où elle tirait ses informations ? Je n’en avais pas la moindre idée. Elle me lança un regard narquois alors que je lui tournais le dos et finissais de me servir. Je réglerais mes comptes avec elle plus tard.

Choisissant la table la plus éloignée et la plus calme possible, j’allais m’installer seul, soupirant face à la lourdeur de la tension qui régnait dans cette pièce. Les regards furtifs et les messes basses commentant chacun de mes faits et gestes étaient déjà difficiles à supporter, mais ce n’était rien à côté de ce qu’ils ressentaient à mon égard.

Gabriel et Kay n’étaient pas encore là. Baissant les yeux et m’enfermant dans ma bulle pour être capable d’avaler ne serait-ce qu’une bouchée, je ne les vis pas arriver. Ce fut seulement au moment où tout le monde se tut que je redressais la tête, voyant Marion s’approcher de Gabriel, un sourire malsain dépeint sur le visage, Kay étant un peu plus loin.

- Alors Gabriel, ça t’excite les taulards ?

Gabriel sursauta violemment, tout autant surpris que moi par ses propos et sa question. Déjà blême, il devint livide. Satisfaite d’elle et de la réaction de Gabriel, elle se tourna vers l’assemblée et s’exclama :

- Faits une ovation au nouveau couple de l’année.

Un brouhaha inintelligible se fit entendre, tandis que je serrais les poings sous la colère. C’était une chose qu’elle s’en prenne à moi et à ma vie privée, s’en était une autre qu’elle s’en prenne à Gabriel. Lorsque le silence revint, Marion reporta son attention sur Gabriel et reprit :

- Quelle tragique histoire que celle du misérable petit orphelin entiché d’un assassin qui ne veut pas de lui… Et oui je sais tout de toi… Quel effet ça fait de se faire baiser et jeter par la suite ? Regarde dans quel état lamentable tu es… Mon pauvre garçon, tu es pitoyable, tu ne vaux vraiment rien… Tu ne t’es jamais demandé pourquoi ton père et ta mère n’ont jamais voulu de toi…

Ce fut plus que je ne pouvais en supporter. Les larmes de Gabriel inondaient ses joues, et Kay le regardait trop ahurie pour faire quoi que ce soit. Me levant, je me précipitais sur Gabriel qui vacillait. Je l’attrapais au dernier moment, juste avant qu’il ne tombe dans l’inconscience. M’assurant qu’il était bien tout contre moi protégé, ignorant pour l’instant le bien que cela faisait de l’avoir de nouveau dans mes bras, je fis face à Marion, la toisant de toute ma hauteur.

Malheureusement pour elle, elle était allé trop loin. J’aurais pu supporter bien plus à mon égard, mais la colère qu’elle avait déclenché chez moi en s’en prenant à Gabriel en faisait frémir plus d’un dans la salle.

 D’une voix glaciale, rentrant parfaitement dans la peau du personnage que tout le monde semblait s’imaginer : le dangereux criminel, je déclarais en la regardant droit dans les yeux :

- Que tu t’en prennes à moi c’est une chose Marion, mais Gabriel n’a rien à voir là dedans.

- Oh comme c’est touchant ! S’exclama-t-elle en se moquant ouvertement de moi. C’est pour ça qu’il t’a choisit ? Pour que tu le protège comme il savait que tu ne reculais même pas devant le meurtre ? Non mais regarde le, endormi dans tes bras, si beau… On pourrait croire à un ange. Mais toi ! Tu t’es regardé, tu ne fais que le salir rien qu’en l’ayant trainé dans ton lit.

- Dis-moi Marion, répliquais-je, tu aurais un problème avec l’homosexualité ?

- Non ! S’emporta-t-elle. Mais avec les meurtriers oui ! Qu’est-ce que tu croyais ? Nous le cacher éternellement ! Il est important que tout le monde sache, dit-elle en se tournant vers les autres. J’estime que nous devons être au courant du risque que nous courrons à te côtoyer.

- Tu t’imagines les risques que tu prends à me provoquer ainsi ?

- Je n’ai fait que dévoiler la vérité ! Se défendit-elle en faisant un pas en arrière.

- Et t’en prendre à Gabriel ! Il n’a rien à voir là dedans. Pourquoi est-ce que tu t’acharnes ainsi sur lui ? Par jalousie ? Tu n’as pas su le garder… C’est plausible !

- Mais je n’en ai rien à foutre de lui, au contraire, au moins je n’ai plus à le supporter. Un gamin pleurnicheur arrogant et bourré de défaut.

Marion avait vraiment beaucoup de chance que Gabriel soit dans mes bras. Il m’empêchait de déverser réellement ma colère sur elle physiquement.

- Dis-moi Juha, dit-elle en reprenant de l’assurance, est-ce qu’au moins tu as pris ton pied avec lui ? J’espère pour toi qu’il est plus doué avec les hommes… Remarque, se faire baiser, ça doit être plus facile pour lui. Honnêtement, de toi à moi, qu’est-ce que tu lui trouve pour avoir ne serait-ce que l’envie de te le faire ?

- Tu te rends compte à quel point tu es pathétique ! Attaquer aussi bassement, devant tout le monde. Gabriel vaut mille fois mieux que vous tous réunis dans cette salle. Dis-je en les toisant sévèrement. S’il n’était pas là, rien ne m’aurait poussé à rester parmi vous. Vous êtes tous à le jalouser alors que vous n’avez pas vécu ni fait la moitié de ce qu’il a enduré pour parvenir jusqu’ici. Vous devriez le respecter au lieu de le dénigrer. Et n’allez pas en plus lui rajouter mes problèmes sur le dos.

Prenant une courte pause, je toisais Marion de toute ma hauteur et mon mépris, sans cacher la rage qui faisait vibrer mon âme :

- Ta vie ne doit pas vraiment être passionnante si tu prends autant de temps à pourrir celle des autres. Notre vie privée n’est pas une pièce de théâtre ! Ne t’avise plus jamais de t’en prendre à Gabriel… La menaçais-je. Ou je te promets que tu le regretteras.

- Tu crois vraiment que tu me fais peur ! Je…

Marion fut soudain arrêtée, la main de son père atterrissant violemment sur sa joue. Depuis combien de temps était-il ici ? Je n’en avais pas la moindre idée. Kay vint se placer à côté de moi, fixant Gabriel anxieux.

- Disparais de ma vue ! Je ne veux plus te voir jusqu’à nouvel ordre. Tu me fais honte Marion. Tu n’es qu’une salle petite garce égoïste et cruelle.             

L’attrapant d’une poigne ferme par le bras, il l’entraîna hors d’ici loin de nous. C’est à ce moment là seulement que je réalisais mon état. Fébrile, je tremblais encore sous la colère, presque trop faible pour maintenir Gabriel. Kay sembla s’en apercevoir car il le prit de mes bras, pour le porter tout contre lui, m’arrachant à ce que je savais être notre dernière étreinte.

- Je vais l’emmener dans sa chambre, m’expliqua-t-il, sans me laisser vraiment le temps de réagir.

Je ne dis rien, je ne fis rien, simple spectateur de la fin de notre couple. Gabriel, emporté par celui qu’il lui fallait. Je m’étais déjà mille fois imaginé cette scène, mais la vivre réellement était autre chose. Marion avait malheureusement dit vrai : j’étais dangereux, dangereux pour quiconque s’approchait trop de moi.

Cette fois-ci, je me serais au moins arrêté à temps. Tournant les yeux vers la salle qui me fixait encore, muette, je jetais un dernier regard avant de sortir. J’avais pris ma décision, dès que tout serait fini avec Gabriel, je partirais d’ici. Je ne survivrais pas à le voir dans les bras d’un autre, incertain de savoir comment ma vie serait sans lui. A cette question, je préférais ne même pas penser à la réponse. Comprendrait-il seulement un jour mon choix ? N’en avait-il tout simplement pas assez ? Tiraillé entre deux hommes, je l’aidais à faire le meilleur choix possible…

- Juha ? M’interpella Philippe alors que je sortais du bâtiment. Je suis vraiment désolé pour ce qui vient de se passer. Je… Je te donne ton après-midi, repose-toi et nous parlerons de tout cela demain.

Je ne répondis même pas, lui offrant simplement un léger acquiescement de la tête. Me détournant de lui, j’allais droit devant moi. J’avais tellement mal au cœur que pleurer me semblait impossible. Me répéter sans cesse que c’était la bonne décision me faisait pourtant tenir encore debout.

Sans trop m’en rendre compte, je me retrouvais assis sur le banc de la vielle carrière, regardant un poulain et sa mère se dégourdir les pattes dans la neige.

Inspirant profondément, je me sentais vide. La colère me quittait peu à peu. Je repensais à la chaleur de Gabriel collé tout contre moi, inconscient et au bien que cela m’avait fait. C’était en lui que j’avais puisé mes forces et pour lui que j’avais tenu tête à Marion. Fermant les yeux un court instant, je me perdis dans les souvenirs heureux que nous avions pu partager, me remémorant nos étreintes, notre première fois… Le souvenir de notre première rencontre m’aurait presque fait sourire si mon cœur n’était pas aussi meurtri.

Perdu dans toutes ses pensées pendant je ne sais combien de temps, je ne m’aperçus de la présence de Gabriel que lorsqu’il s’assit près de moi. Il gardait une distance respectueuse, étant bien loin du temps où l’on aurait pu se qualifier d’intimes. Il n’avait même pas besoin de commencer à parler, je savais et sentais pourquoi il était ici. Mon cœur tonnait dans ma poitrine, et je tentais laborieusement de me dire qu’il faisait le bon choix.

- Il est beau notre couple, tiens… Souffla-t-il avec amertume et une pointe de faux amusement dans la voix après un cours silence gêné.

Ne pouvant me retenir, je lâchais dans un murmure qui m’était plutôt adressé mais que Gabriel pris pour lui :

- Comment en est-on arrivés là ?

Choqué par ma question, il se tourna face à moi en s’exclamant :

- C’est à moi que tu demande ça ?!

Je ne répondis rien, un silence pesant et angoissant nous enveloppa. Une question finit par me brûler les lèvres, au souvenir de ce qui avait tout déclenché. Jamais je ne l’avais sondé à ce sujet, désirant au moins le savoir avant de définitivement le quitter pour le laisser se reconstruire avec un homme plus sain que moi.

- Pensais-tu réellement ce que tu as dit ?

Gabriel savait pertinemment ce à quoi je faisais allusion. S’il avait connu mon secret, il aurait trouvé ma question ridicule. Je n’avais qu’à le sonder, ouvrir les barrières que je m’imposais depuis qu’il m’avait prononcé ces deux mots… Mais je me refusais de savoir ce qu’il ressentait véritablement pour moi. Lui demander était finalement plus simple.

Gabriel me répondit avec cynisme sans même me regarder :

- Non, j’adore me taper la honte !!

Le silence se fit alors que Gabriel cherchait ses mots pour me dire que notre relation était terminée. Je savais que nous devions passer par là, et c’était tout aussi périlleux pour l’un et l’autre. Je n’étais pas fait pour lui…Ce fus après une attente interminable qu’il consentit enfin à se lancer.

- Ecoute Juha, je n’ai plus envie de me battre avec toi pour que tu daigne m’adresser la parole et que tu acceptes de me faire confiance. Je suis fatigué de tout cela… On a essayé, ça n’a pas marché, mais je ne regrette rien… Je t’aime Juha, c’est indéniable, cependant, tu n’es pas prêt à oublier Kilian et à passer à autre chose, et moi je ne peux pas attendre toute ma vie un amour que je ne recevrais jamais…

Gabriel se tut un instant. Si seulement il savait qu’il était le seul à occuper mes pensées…

Avait-il seulement conscience de la douleur que je partageais avec lui pour cette séparation. Je me retins de lui dire. Je n’en avais pas le droit, et je devais me tenir à mes résolutions.

- Moi qui croyais que… Continua-t-il après un court silence. Que tu t’intéressais à moi pour ce que j’étais et pas comme substitut de ton défunt amant… J’aurais du m’en douter que je n’étais qu’un passe temps pour toi, que tu n’envisagerais jamais rien avec moi parce que tu l’aimes toujours lui…

Je ne le contredis pas. Mieux valait qu’il croit cela, ce serait certainement plus facile pour lui de tourner la page sans regretter un possible avenir avec moi.

- Et tu sais ce qu’est le pire dans tout ça ? Demanda-t-il avec une pointe d’ironie désespérée et d’amertume dans la voix. C’est que j’ai repoussé Kay pour toi… J’ai renoncé à l’amour qu’il m’offrait pour tenter de construire quelque chose avec toi… Mais encore une fois, j’ai été trop con… Tout ça pour dire que je pense qu’il est préférable que je retourne vivre chez Philippe et qu’on reste simplement des amis, rien de plus… Enfin… si tu veux toujours de mon amitié…

J’aurais pu lui hurler comme me l’intimait mon cœur que tout cela était faux. Que sa simple amitié ne me suffirait jamais, qu’il comptait pour moi plus que tout. J’aurais pu le prendre dans mes bras, démentir ses propos, lui demander de me laisser du temps. Mais n’aurais-je pas été égoïste ? Serais-je seulement un jour capable de dire à nouveau « Je t’aime » ? Je devais lui rendre sa liberté, et rester dans la prison que je m’étais forgée et dont je ne parvenais pas à sortir. J’aurais pu me battre, ne pas accepter avec autant de résignation cette séparation. Je ne sus grâce à quelle force je restais immobile et silencieux.

Gabriel finit par se lever, et commença à partir, tandis que je redoublais d’effort pour lutter contre mon envie de l’attraper par le bras et de le retenir… Mais le retenir pour quoi ? Pour le détruire d’avantage ?

Gabriel s’arrêta au bout de quelques pas, et sans pour autant se retourner, il déclara :

- Je passerais ce soir chercher quelques affaires pour la semaine…

Sans attendre de réponse, il reprit sa route, s’éloignant définitivement de moi. S’il avait tourné la tête à ce moment là, il aurait vu alors mon visage inondé de larmes…

 Je ne fis rien pour les retenir, j’en aurais été de toute façon incapable. Je restais là, le regard dans le vide, pleurant silencieusement, passif quant à ma douleur, aveugle du monde extérieur.

- Je me doutais que tu serais là… Me dit Dorian, en s’asseyant près de moi. J’ai vu Gabriel…

Je ne lui lançais même pas un regard, ni la moindre attention, murmurant plus pour moi que pour lui, formalisant à voix haute ce qui venait de nous arriver :

- C’est fini…

Les larmes redoublèrent, tandis que la main de Dorian se posa sur mon épaule. Un regard vers lui, sa compassion, ce silence, la douleur poignante me firent craquer pour de bon. La main de Dorian serra plus fort mon épaule, alors qu’il prononçait mon nom avec une voix emprunte de tristesse, avant de me demander :

- Tu lui as parlé ? Dis ce que tu avais sur le coeur ?

Je fis « non » de la tête, et Dorian répliqua aussitôt :

- Mais enfin ? Pourquoi ? Tu m’as dit hier que tu tenterais de lui parler ! Qu’est-ce qui te prend Juha ?

- Si j’avais parlé, cela aurait été trop dur pour Gabriel. Je préfère qu’il m’en veuille… C’est la meilleure solution. Je ne suis pas fait pour lui, ce qui s’est passé avec Marion en est la preuve.

Dorian ne répondit rien, me fixant en attendant que je poursuive :

- Je savais que ça devait arriver Dorian, mais je ne m’attendais pas à ce que ça fasse aussi mal…

Dorian ne résista plus. En un rien de temps, je me retrouvais dans ses bras. Ma tête se posa naturellement sur son épaule, tandis que je pleurais une fois de plus dans ses bras, sans savoir si je parviendrais un jour à m’arrêter.

Dorian me murmura quelques mots de réconfort, mais j’y restais sourd, ne tentant même pas de les entendre. Jamais je ne saurais le remercier assez pour tout ce qu’il faisait pour moi, et pour le soutient qu’il m’avait apporté pendant ces deux semaines. Lui rendant son étreinte, je le serrais contre moi, redressant légèrement la tête. Je croisais le regard du directeur qui passa de la colère à de la peine à mon égard. Il ne vint pas vers nous, poursuivant son chemin vers le parking avant de disparaître de ma vue.

Je ne sus combien de temps je restais dans les bras de Dorian avant de le quitter ayant besoin d’être seul. Dorian me proposa de me ramener chez moi, mais je lui expliquais que je préférais marcher. Il me fit promettre de l’appeler ce soir si jamais j’en avais besoin. C’est ainsi que je rentrais seul, quittant ce centre peut-être pour la dernière fois. Shanenja me suivit, docile et peu joueur, et sans un regard en arrière je rentrais chez moi… Sans Gabriel et avec ce rejet collectif quand à mon passé, je n’avais plus ma place ici.

Assis sur le canapé face à l’entrée depuis que j’étais arrivé ici, je n’avais pas fait un seul geste, me replongeant dans tout mes souvenirs : ceux avec Killian, mais surtout ceux avec Gabriel. Immobile, j’étais maintenant plongé dans le noir, sans trop en avoir conscience. Gabriel n’allait pas tarder à venir chercher ses affaires, et je savais pertinemment que ce serait véritablement la dernière fois que nous nous verrions. M’en voudrait-il d’être partit ainsi ? Certainement énormément, mais j’espérais qu’avec le temps il comprendrait. Je préférais une rupture nette et franche, que de le voir chaque jour un peu plus proche de Kay jusqu’à la concrétisation de leur couple et de leur union. Je préférais me l’imaginer simplement que de le voir de mes propres yeux. De même plus pour Gabriel, mieux valait qu’il m’oublie vite pour se reconstruire avec Kay, que je reste ainsi sous ses yeux.

La porte s’ouvrit, Shanenja se ruant vers Gabriel pour l’accueillir comme il se devait. Allumant la lumière de l’entrée, sans se douter que je le regardais, il s’agenouilla auprès de l’animal avant de le caresser longuement, me laissant imprimer en mon esprit les dernières images de lui que je pourrais emporter.

Après quoi, il se redressa et alluma la lumière. Il ne cacha pas sa surprise de me voir seul dans le salon, dans le noir. Ne supportant pas mon regard, il détourna les yeux en murmurant :

- Je… Je reste pas longtemps…

Sans un mot de plus, il se dirigea dans la chambre. Même vivre dans cet appartement sans lui me serait impossible. Peut-être partirais-je juste après lui, incapable de dormir, mieux valait que je commence à m’éloigner dès maintenant.

Une fois qu’il eut récupéré tout ce dont il avait besoin dans la chambre, il prit la direction de la salle de bain avec son sac. J’avais l’impression que cet instant n’allait jamais prendre fin. De plus, quelque chose tiraillait en moi, comme une envie de sonder Gabriel en profondeur pour vérifier la véracité de ses propos. Pourtant, je m’y refusais depuis qu’il m’avait dit m’aimer. Je m’étais coupé de lui, plus que je ne l’aurais cru, ne sachant plus comment m’y prendre. Seule la peur m’en empêchait… Saurais-je seulement m’en tenir à ce que j’avais décidé si ses sentiments correspondaient et que je me laissais envahir par eux ?

Gabriel arriva dans le salon, ravivant cette tentation à laquelle je résistais sans trop savoir comment. Plus il s’approchait de moi, et plus je sentais ma volonté s’effriter.

- Bon ben… Je… On se voit demain…

Gabriel resta un instant immobile, attendant une quelconque réponse ou réaction de ma part. Ce fut seulement au moment ou il me tourna le dos, prenant la direction de la sortie, lassé de mon comportement, que je ne pus tenir. Je ne pouvais pas partir sans savoir, et c’était maintenant ou jamais. Libérant mon don, celui-ci se déversa aussi vivement que l’eau s’échappant d’un barrage pour aller sonder Gabriel. Pas besoin de contact pour l’atteindre aussi intimement, j’avais été si proche de lui par le passé que nous étions liés.

Passant outre sa douleur actuelle, fuyant son amour pour Kay, évitant ses peurs profondes, je fis le tri à une vitesse que je n’avais jamais expérimentée. Et je parvins enfin à la dénicher, cet amour sincère et si pur. Il n’était pas caché, il était juste là sous mes yeux. Aveuglé par ma peur et ma douleur, je réalisais seulement maintenant l’ampleur du désastre qu’une séparation lui causait. Il m’aimait si profondément, que j’en fus déboussolé mais ravivé de nouvelles forces. Mes résolutions s’effondrèrent tel un château de carte. Impossible de le laisser, impossible de continuer à me taire, impossible de le laisser à un autre.

- Gabriel ! Dis-je alors qu’il venait juste de disparaître du salon.

Marchant vers lui, je me retrouvais debout devant lui, alors qu’il se retournait pour me faire face. Gabriel m’envoya simplement un regard interrogateur. J’avais l’impression d’entendre les battements frénétiques de son cœur, de sentir l’espoir et la peur qu’il ressentait. Me retirant de lui, ayant ce que je voulais, je chutais brusquement dans mon corps, déstabilisé. Si je m’étais écouté après une telle expérience qui avait ruiné toute mon énergie, je me serais effondré. Mais je ne pouvais pas, j’avais entre mes doigts une dernière chance de le récupérer, un dernier espoir, aussi faible qu’une flamme éprouvée par le vent.

Je mis apparemment trop longtemps avant de parler, ne sachant par ou commencer, car il soupira, horriblement déçu, me cachant au mieux son envie de pleurer.

- Ouais… Allez… Salut…

Son sac sur l’épaule, il esquissa un pas vers la porte. Il ne m’en fallut pas plus. Je l’attrapais par le poignet, l’empêchant de fuir.

- Gabriel… Je t’en prie…

Me cédant, Gabriel consenti à se tourner une dernière fois vers moi, m’offrant cette unique chance. Cherchant mes mots, Gabriel attendait patiemment que me lance enfin. Après une longue inspiration, je me décidais enfin à lui dévoiler ce que j’avais sur le cœur. Sans trop savoir ou j’allais, je repris d’une petite voix :

- Jusqu’à maintenant j’ai toujours fait passer Killian avant toi… Je… Je me suis enfermé dans ma douleur et la prison ne m’a certainement pas aidé à oublier et à dépasser ce cap…

- C’est l’impression que j’ai eu aussi, répliqua-t-il.

Ignorant son sarcasme, je poursuivis, laissant les mots traverser mes lèvres sans les retenir :

- Je sais que je suis bourré de défauts, que je t’ai ignoré au moment ou tu avais le plus besoin de moi… J’ai agis comme un égoïste et que toute la douleur que je ressens ne me pardonne pas de mes actes… A présent, je sais ce que ça fait de vivre loin de toi, et je peux désormais affirmer qu’il est certain que je ne peux plus vivre sans toi parce que je ne conçois pas la vie sans toi à mes côtés…

Des larmes coulèrent alors sur les joues de Gabriel. Ne cherchant pas à les interpréter, je fis une courte pause avant de reprendre ma confession :

- Plongé dans ma propre douleur, j’en ai ignoré la tienne, je n’ai pas su écouter ta détresse quand tu as avoué m’aimer… J’ai été trop orgueilleux pour avouer mes fautes tout de suite… Mais je compte bien faire un effort et aller de l’avant, mais pour cela, j’aurais besoin de ton aide car ne j’y arriverais pas tout seul, Gabriel…

Après une seconde durant laquelle il resta silencieux, certainement trop ému pour rajouter quoi que ce soit, j’ajoutais :

- J’espère sincèrement qu’un jour je n’aurais plus besoin de m’appuyer sur toi, et ce jour là seulement, je pourrais être honnête avec moi, mais surtout envers toi…

Voilà pourquoi je ne pouvais pas lui dire « Je t’aime »… Enhardi par une envie que je ne pus retenir, je m’approchais de lui, et m’emparais de ses lèvres pour un baiser violent. Pris d’une pulsion incontrôlable, comme un drogué cédant à sa dose, je forçais le barrage de ses lèvres alors qu’il restait immobile et stupéfié. Insinuant ma langue dans sa bouche, ce ne fut qu’au contact de ma langue contre la sienne que Gabriel répondit enfin au baiser à mon plus grand plaisir.

L’ardeur qu’il y mettait déchaîna un désir insoupçonné dans tout mon être. Nous étions restés tous deux bien trop longtemps loin de l’autre, pour être capable de nous retenir. Si l’empressement que Gabriel mettait dans ce baiser m’étonnait tout autant que cela me ravissait, je ne fis aucun commentaire.

Lorsque je mis fin au baiser, loin d’être rassasié, je déclarai d’une voix étrangement rauque :

- En attendant, je peux déjà te prouver d’une autre façon ce que je ne peux exprimer par des mots…

Sans pour autant lui dévoiler que je comptais m’offrir à lui, je déboutonnais sa chemise avec empressement avant de la laisser tomber sur le sol, incapable de réprimer mes envies. Ma bouche explorait déjà son cou, mordillant sa peau avant de la lécher longuement comme pour effacer la douleur causée par mes dents. Je n’aurais su décrire le plaisir que j’éprouvais à me délecter à nouveau de la saveur si particulière et légèrement sucrée de sa peau.

- Non… Juha… A… Arrête… Tenta-t-il vainement de me repousser, sachant tout comme moi qu’il ne résisterait pas longtemps.

Ne prenant pas attention à ses faibles protestations, je posais délicatement mes mains sur son torse dénudé, galvanisé par ce contact qui m’avait cruellement fait défaut, avide de faire frémir à nouveau sa peau sous mes attentions. Titillant ses tétons qui durcissaient au contact de mes doigts, Gabriel lâcha un soupir de contentement. Prenant cela comme une invitation à aller plus loin, je ne pus que descendre mes mains. Ma virilité commençait déjà à pulser contre sa cuisse, réclamant ce qui lui avait été interdit pendant ces deux semaines. Déboutonnant son jean, passant une main à l’intérieur, Gabriel sembla reprendre ses esprits, car il sursauta violemment en me repoussant. Baissant les yeux, comme honteux, il murmura :

- Je… Nous ne pouvons pas… Ce n’est pas raisonnable… Tout… Tout n’est pas encore pardonné…

- Arrête de réfléchir, Gabriel, murmurais-je d’une voix rauque qui ne cachait pas mon désir. Laisse-toi vivre… Tu n’as qu’une vie, profites-en…

Nous en avions besoin, tous les deux, et pas pour un simple besoin purement physique. J’avais besoin de sentir son corps contre le mien, tout comme c’était nécessaire pour lui. Sans lui laisser le temps de répondre, je l’embrassais de nouveau avec passion et avidité dans le but de le débrider. Réagissant à mon plus grand plaisir à mon injonction, il répondit vivement à mon baiser, glissant une main sur ma nuque et une autre dans mes cheveux afin d’approfondir notre échange.

Un frisson me parcourut l’échine, telle une décharge électrique. N’étant plus maître de moi-même, je mordis sa lèvre inférieure alors que mes mains se posaient sur ses fesses, l’attirant vivement à moi, ne supportant plus cette distance. Nos bassins se rencontrèrent alors que nos lèvres étaient toujours soudées. Soudain, Gabriel poussa un gémissement de douleur et de plaisir mêlés qui mourut dans ma bouche.

Ne lui laissant pas le temps de réfléchir aux raisons qui le pousseraient à refuser, j’investissais son corps, laissant ses résolutions fondre comme la neige au soleil. Il m’avait manqué, terriblement manqué. Aucun de mes gestes n’était dénué de tendresse ou de délicatesse, désirant seulement le retrouver, agissant comme je l’avais toujours fait avec lui dans ce genre de moment. J’avais trop besoin de lui, et je me demandais maintenant comment j’avais fait pour me résoudre à l’abandonner. Aurais-je seulement survécu à une journée sans le voir, en sachant qu’il ne serait plus jamais mien ? Comment avais-je supporté cet éloignement de deux semaines ? J’avais l’impression que cela avait duré une éternité, les secondes se comptant en années.

Gabriel semblait être dans le même état que moi, et il sursauta violemment lorsque je mordillais délicatement le lobe de son oreille, un bras passé avec possessivité autour de sa taille. A ce contact, Gabriel se cambra violemment, nous arrachant à tous deux un gémissement de plaisir lorsque nos virilités entrèrent en contact.

Galvanisé par mon désir plus qu’évident qui battait contre sa cuisse, Gabriel se mit à onduler du bassin, attisant son propre désir tout autant que le mien. A mon plus grand plaisir, il se désinhiba à son tour, me montrant le Gabriel que moi seul connaissait. Entreprenant de me toucher, il mit fin au baiser, explorant de ses lèvres mon visage avant de descendre jusqu’à mon cou, tandis que ses mains se frayaient un chemin sous sa chemise.

Un frisson bien plus violent que le précédent parcourut à nouveau mon échine à cet effleurement, et la seconde qui suivie, Gabriel se retrouvait vivement plaqué contre le mur de l’entrée, alors que je maintenais fermement ses mains au dessus de sa tête, le mettant à ma merci.

Un sourire amusé étira ses lèvres face à la réaction que je venais d’avoir et que je n’avais pu contrôler. Je ne cherchais d’ailleurs en rien à me retenir. Je dévorais son cou et son torse avec une avidité et une gourmandise non feintes. A chaque instant, je savourais sa le gout de sa peau, unique et exaltant. Soudain, un couinement d’impatience s’échappa de ses lèvres entrouvertes lorsque ma langue vint jouer avec ces tétons durcis par le plaisir en même temps que mon genou venait écarter ses cuisses, rapprochant ainsi plus qu’il n’était possible, nos bassins et nos virilités douloureusement tendues. Je n’avais dès lors plus le moindre doute sur l’envie de Gabriel et sur mon propre désir. Les joues et le corps en feu, Gabriel s’abandonnait totalement à moi, m’offrant cette fameuse confiance qui m’effrayait…

Ses mains étaient toujours retenues prisonnières par ma poigne de fer, et il ne pouvait me toucher et me caresser à sa guise, alors que je sentais cette envie lui bruler les doigts. Pleins de ressources, Gabriel pris appuis contre le mur avant de passer ses jambes autour de mes hanches, le pantalon ouvert. Esquissant un lent déhanchement tout en gémissant sans retenue aucune, Gabriel accroissait mon désir déjà plus que conséquent. Fier de l’effet considérable qu’il avait sur moi, il esquissa un sourire ravi, tandis que mes mains venaient se poser sur ses fesses. Les jambes fermement entourées sur ma taille, Gabriel ne pesais presque rien. Il passa un bras autour de mon cou pour m’attirer à lui et ravis mes lèvres d’un baiser enflammé. Se laisser vivre : Gabriel avait pris mon invective au pied de la lettre.

Nos langues se rencontraient ardemment, en manque l’un de l’autre, entraînant sa jumelle dans un ballait érotique et sensuel, toujours plus endiablé, toujours plus profond. Nos corps soudés l’un contre l’autre s’emboitaient à la perfection. Maintenant libre, les mains de Gabriel vinrent vagabonder sur mon corps laissant cours à la passion qui le consumait. Mes vêtements m’empêchaient de véritablement sentir le toucher direct de ses doigts sur ma peau, et cela semblait le troubler tout autant. Bientôt, je laissais sa langue abandonner la mienne, et Gabriel alla se perdre dans la peau de mon cou. Celui-ci prit un mail plaisir à titiller les zones érogènes qu’il y trouva. Le plaisir apporté m’obligeant à laissé échapper des gémissements qui semblait ravir les oreilles de mon amant. Totalement attentif, mon attention toute entière tendu vers ce qu’il me faisait, j’étais tout entier soumis à la moindre de ses caresses et de son bon vouloir.

J’acceptais cette douce torture qu’il fit durer encore un instant, puis lassé de ce petit jeu, il entreprit de passer à autre chose. Non sans difficulté, il déboutonna mon jean. Au contact aérien de ses doigts effleurant ma virilité, je ne pus m’empêcher de me cambrer afin d’approfondir ce contact jugé trop succin, tout en étouffant dans son cou un gémissement rauque incontrôlable. En position d’infériorité face à moi, je ne lui concédais pas moins qu’il était maître de mon plaisir.

Se démenant, il parvint à glisser sa main dans mon boxer et du bout des doigts, il effleura avec hésitation mon érection alors qu’ondulant du bassin, les dents plantées dans son cou, je me laissais complètement aller au plaisir qu’il me faisait ressentir. Les petits cris que je poussais aidèrent Gabriel à prendre confiance en lui et il raffermit sa prise sur ma virilité.

Lentement, il entama un lent va et vient ponctuer de baisers frénétiques déposés dans mon cou. Ivre de plaisir, je tentais d’atteindre le plus rapidement possible les sommets du plaisir en de vigoureux déhanchement, savourant à chaque instant ce que m’offrait mon amant. Cependant, Gabriel gardait obstinément le même rythme horriblement lent dans le but d’attisé au maximum mon désir, cessant parfois tout mouvement ce qui lui valait de ma part un grognement rauque de mécontentement. Jouant de ma patience et de ma capacité à tenir, il accéléra enfin la cadence de ses va et vient, cessant sa torture, m’arrachant un cri d’exaltation à l’état pur. Alors que j’étais sur le point de me libérer, me retenant au maximum, Gabriel finit par accélérer d’avantage. Un instant plus tard, je me libérais dans sa main en un cri de jouissance, irradié par ce plaisir irrationnel et dévastateur.

Il fallut un moment avant que je reprenne mes esprits, restant la tête posée sur son épaule et le visage enfoui dans son cou. La respiration saccadée, je pris le temps de me remettre de cet orgasme violent qui avait déferlé sur moi.

Lorsque ma respiration fut redevenue à peu près régulière, je plongeais mon regard dans le sien, un petit sourire satisfait encore dépeint sur ses lèvres. Avec une avidité sans cesse renouvelée, je m’emparais de ses lèvres tout en entamant un langoureux mouvement de bassin qui réveilla instantanément son désir, bien décidé à lui rendre la pareille. Ravis, j’entendis un gémissement étouffé naître dans sa gorge alors que je me frottais lascivement contre son intimité, lui rendant la monnaie de sa pièce de la manière la plus agréable possible.

Puis, je retirais mes mains de sous ses fesses, et les posais sur ses hanches nue, désirant une position plus convenable pour ce qui allait suivre. L’esprit embué, Gabriel se contenta de me libérer de ses jambes et repris appuis sur ses pieds. Ravi, je laissais glisser mes mains jusque sur ses fesses, m’insinuant sans pudeur mais sans brusquement aucune dans son boxer que je fis lentement glisser le long de ses cuisses en même temps que son jean et ses chaussettes, le voulant entièrement nu sous mes yeux.

Jamais je ne me lasserais de cette vue qui s’offrait maintenant à moi. Je le vis fermer les yeux, et il retint à grand peine un gémissement de plaisir lorsque mes doigts s’enroulèrent délicatement et avec savoir faire sur sa virilité tendue que je savais douloureuse.

M’agenouillant face à lui, je ne tardais pas à laisser ma langue s’enrouler autour de son érection alors que je le prenais en bouche. A mon tour avec une lenteur exagérée, j’entamai un doux va et vient le long de son intimité, lui arrachant un profond soupir de bien être que je désirais entendre encore et encore. Me concentrant sur ma tache, je sentis tout de même les doigts de mon amant se glisser dans mes cheveux. Après un instant de ce traitement, je cessais tout mouvement, lui arrachant un sanglot de protestation qui mourut dans ma bouche après que je me sois relevé afin de lui voler un baiser fiévreux, déjà en manque de ses lèvres.

Puis, libérant ses lèvres après avoir léché le sang séché de ma morsure, ma langue explora son corps comme pour la première fois, le faisant frissonner de plaisir. Il était indéniable que je prenais autant de plaisir que lui à agir ainsi. Le voir se languir ainsi valait tout les trésors du monde. Reprenant ma descente, je m’arrêtais sur son tout nouveau tatouage, prenant cette fois véritablement le temps de l’observer. Avec une extrême délicatesse, j’effleurais de mes doigts cette zone encore sensible, qui eu pour effet de lui déclencher un violent frisson.

Je l’étudiais longuement, l’impriment en ma mémoire comme une chose faisant maintenant partie de mon amant, avant de prendre de nouveau entièrement son sexe en bouche. Les yeux clos, Gabriel cria de plaisir, m’invitant à aller bien plus loin et à cesser de me faire languir. Ma langue experte s’enroulait en un mouvement irrégulier autour de son intimité, le guidant irrémédiablement aux portes de la jouissance. Je sentais Gabriel se noyer dans le plaisir qu’il ressentait, perdant peu à peu conscience de l’espace et du temps. Nous étions tous deux uniquement concentré sur le plaisir que je lui offrais.

Ce fut après une caresse plus poussée que je sentis Gabriel vaciller. Le comprenant proche de la libération, j’accélérais la cadence. Allant toujours plus loin, ce fut après une dernière caresse profonde et bien plus poussée que Gabriel se libéra dans un cri de jouissance qui tinta harmonieusement à mes oreilles. Ses jambes ne supportant plus son poids, il s’écroula sur le sol, le souffle erratique. Sautant sur l’occasion, je vins immédiatement lui voler un baiser passionné.

Agenouillé entre ses cuisses, je déposais des milliers de baisers papillons sur son visage, et son corps moite de sueur, le laissant lentement se remettre de ses émotions et qu’il stabilise sa respiration.

Levant la main, il la posa avec tendresse sur ma joue rugueuse et mal rasé, me forçant à relever la tête et planta son regard dans le mien. Dans ses pupilles, je pu y lire les mots qu’il n’avait pas la force de prononcer. Après une longue minute à nous fixer ainsi, il m’attira à moi et avec une extrême délicatesse, il prit possession de mes lèvres, dans un baiser débordant d’amour, un baiser emprunt d’une douceur qui m’avait fait défaut depuis des années.

Ce baiser n’avait rien à voir avec les précédents baisers enflammés que nous avions partagés. Non, celui-ci scellait enfin notre réconciliation et le pacte que nous venions d’échanger silencieusement. Nous nous promettions tous deux, que plus jamais une crise comme celle que nous venions de vivre n’arrive à nouveau. Jamais nous n’oublierons ces deux dernières semaines, les gardant en mémoire pour ne plus jamais en arriver là…

Dans ce baiser, je sentis Gabriel mettre tout son amour et son désir pour moi, alors que ses bras se refermaient sur moi, me laissant dans une étreinte qui faisait battre mon cœur.

Lorsque nos lèvres ses séparèrent, Gabriel glissa son visage dans mon cou, inspirant profondément avant de murmurer au creux de mon oreille dans un souffle :

- J’ai envie de toi… Mais pas ici… Pas comme ça…

Sa demande me surpris, jamais Gabriel ne s’était montré aussi direct et avenant. Plantant mon regard dans le sien, je cherchais ce qui pouvait être la cause d’un tel changement. Je ne pouvais pas dire que je n’appréciais pas Gabriel ainsi, plus débridé, au contraire, mais je n’étais pas habitué. Celui-ci se mit à rougir, sans détourner les yeux, me montrant à quel point il était déterminé. Il en avait autant envie que moi, mais s’offrait de manière différente. Etait-ce du au fait qu’il m’avait révélé m’aimer, ne voyant plus de limite entre nous deux. Mon regard s’illumina, heureux de connaître à nouveau ce sentiment, heureux de sentir Gabriel plus proche de moi comme jamais il ne l’avait été.

Un sourire vint se dépeindre sur mes lèvres et m’arrachant à son étreinte, je me levais pour accéder à sa requête. Debout face à lui, je ne pus m’empêcher de le contempler sa nudité, avant de lui tendre la main, jugeant l’avoir suffisamment admiré. Gabriel m’adressa un sourire et attrapa la main que je lui tendais avec cette confiance en cet instant ne m’effrayais pas.

D’un geste vif, mais emprunt de tendresse, je l’aidais à se relever, l’attirant contre moi, entourant sa taille d’un bras possessif, ne désirant pour rien au monde le laisser fuir. Un léger sourire dépeint sur les lèvres, Gabriel soutint mon regard. Il s’avança lentement vers moi afin de ravir mes lèvres, à mon plus grand plaisir. Ne pouvant cependant pas supporter sa progression volontairement hésitante, je comblais l’espace qui nous séparait encore avec un empressement non dissimulé.

Bientôt, ma main alla se perdre sur ses fesses, très vite rejointe par sa jumelle. Sans jamais rompre le contact de nos lèvres soudées, je le guidais à travers le salon. Au passage, il fallut bien évidemment que je trébuche sur un objet non identifié, qui faillit nous faire chuter tous les deux. Cramponnés l’un à l’autre, Gabriel esquissa un sourire amusé, tandis que je reprenais ses lèvres en otage. Jamais je ne me lasserais de leur gout, jamais je ne voulais les laisser à quelqu’un d’autre.

Une fois arrivés dans la chambre, je laissais à peine le temps à Gabriel de fermer la porte sur notre passage, la poussant simplement du pied. Sans faire attention, je buttais contre le pied du lit. Chutant sur le matelas, je m’agrippais à lui, l’entrainant dans ma chute.  Gabriel se retrouva allongé sur moi, le visage enfoui dans mon cou. Je ne pu retenir un sourire, amusé par cette chute, mais je fus bien vite emporté par la bouche de Gabriel se déposant sur ma peau. Il était indéniable qu’il gagnait en savoir faire…

Il finit par se redresser, s’agenouillant sur mon bas ventre. Me chevauchant sans la moindre honte, il ondula du bassin, provoquant chez moi une réaction qu’il fut obligé de sentir. Comme si rien n’avait été fait jusqu’à maintenant, mon excitation revenait au point de départ, avide de toujours plus. Les deux mains posées à plat sur mon torse, Gabriel ferma les yeux, mordant sa lèvre inférieure en retenant un gémissement la tête légèrement penché sur le côté. Cette vue me rendait encore plus fou.

Le souffle erratique, il reporta son attention sur moi, me fixant d’un regard à moitié voilé par le plaisir qu’il partageait avec moi. Mes mains posées sur ses hanches, je le guidais au mieux dans son déhanchement, ne le quittant pour  rien au monde du regard. Je n’arrivais cependant pas à cacher ma surprise de le voir ainsi, poussant toujours les limites qu’il s’était inconsciemment fixé. C’était parfait pour ce que je prévoyais pour la suite. Rien que l’idée que je sois sien faisait battre mon cœur encore plus vite, vibrant à cette simple pensée.

Comprenant mon étonnement, Gabriel esquissa un petit sourire en coin, et dans un geste narquois, il pressa plus vivement son intimité contre la mienne, déjà douloureuse, m’arrachant un cri de plaisir à l’état pur.

Dans un état second, je le sentis tout de même se pencher vers moi. Il entreprit de gouter la peau de mon cou, alors que ses doigts se faufilaient habilement sous mon t-shirt. Comment avions nous pu nous passer de cela pendant deux semaines ? Je me rendais compte à chaque instant à quel point Gabriel était devenu vital pour moi, sa présence, son odeur, son corps, son être tout entier… Oh comme il m’avait manqué…

Lentement, il remonta mon vêtement, découvrant la peau de mon ventre sans se gêner pour la regarder et la caresser. Je me laissais faire, trop heureux de lui laisser prendre des initiatives. Attiré par mon corps, Gabriel finit par y poser ses lèvres. A ce contact, mon ventre se contracta alors qu’un gémissement rauque s’échappa de ma gorge. Avec une lenteur exagérée, il redessina la courbe de mes muscles, remontant vers mes tétons durcis par le plaisir qu’il me procurait. Je pouvais sentir mon corps entier bouillir de désir, me vrillant les reins, me coupant du monde extérieur, pour ne vivre qu’avec mon amant.

D’humeur taquine, celui-ci se contenta d’en effleurer un du bout de la langue avant de faire le même avec le second, me laissant en plus la caresse de son souffle chaud irradiant l’entièreté de mon corps. Gabriel réitéra son action plusieurs fois et je ne pus retenir un grondement sourd d’impatience, lui faisant comprendre qu’il était temps de passer à autre chose.

Un sourire satisfait étira ses lèvres alors qu’il se redressait pour dévorer avec avidité mes lèvres, baiser auquel je souhaitais répondre avec la même envie.  Mais alors que j’entrouvrais la bouche, Gabriel s’écarta de moi, m’adressant un regard menaçant et cessant tout mouvement du bassin. Ne comprenant pas ce qu’il voulait, je rongeais mon frein, alors qu’il se penchait vers moi. Mordillant le lobe de mon oreille, il me souffla de manière suave :

- Tu es bien pressé, honey… N’était-ce pas toi qui me disais que nous avions tout notre temps ?

A ces mots, il me lécha l’oreille, me faisant frissonner avant de se redresser. Je ne pu m’empêcher de lui adresser un regard meurtrier, faussement agacé par sa réplique, alors qu’il avait tout fait pour me mettre dans cet état. Son sourire s’accentua, et après m’avoir volé un énième baiser, il commença à jouer avec mon téton droit de manière plus franche, le mordillant délicatement avant de le suçoter longuement. Je me cambrais alors violemment sous l’afflux de plaisir et ne tenant plus, j’inversais nos positions d’un habile cou de rien. Son petit jeu avait assez duré et j’allais lui rendre la monnaie de sa pièce.

A présent totalement à merci, je ne surplombais de toute ma hauteur, le contemplant tout en réfléchissant à ce que j’allais pouvoir lui faire. Une lueur victorieuse illuminait mon regard, tandis que Gabriel acceptait sans broncher le changement de situation.

Comme il l’avait fait précédemment, j’entamais un lent et langoureux déhanchement qui lui arracha un gémissement muet, sa voix se bloquant dans sa gorge. Puis, sans cesser d’attiser son désir, je retirais mon t-shirt, le laissant tomber au pied du lit d’une manière sensuelle.

Gabriel ne sembla pas se gêner pour me contempler comme je l’avais fait. Mais bien vite en manque de nos baisers, il m’attira pas la ceinture qui ne maintenait plus vraiment mon jean, et dans un mouvement brusque, il m’attira à lui avant de ravir mes lèvres avec toute la passion qui grandissait en lui. Amusé, je me retins de lui donner la même réplique. Pas le moins du monde décontenancé par sa son excès de désir, je répondis avec fougue à son baiser alors qu’il tentait, avec une certaine maladresse due à la hâte de retirer mon jean et mon boxer, dans un désir d’égalité.

Une fois cela fait, j’entendis Gabriel soupirer de contentement lorsque je collais mon corps tout contre le sien, sentant sa peau brûlante, m’électriser un peu plus. Il laissa ses mains caresser ma peau luisante de sueur. Soudées, nos lèvres s’emboitaient parfaitement, ne désirant pour rien au monde se séparer. Avide l’un de l’autre, nous nous faisions mutuellement savoir à quel point nous nous étions manqué et l’importance de notre frustration. Dévorant ses lèvres avec avidité, j’entrainais sa langue dans une chorégraphie complexe et tumultueuse, à laquelle il répondit sans se faire prier, me montrant un désir de plus en plus pressent.

Après ce baiser qui nous laissa tout deux pantelant, j’imprimais un rapide déhanchement sur son intimité durcie, lui arrachant un cri de pur plaisir charnel. Glissant dans son cou dont des frissons parcouraient la peau, je décidais qu’il était plus que temps de passer à autre chose. Hésitant tout de même, et appréhendant sa réaction, je finis par me lancer, murmurant à son oreille :

- Gabriel… S’il te plait… Prend-moi…

Ce n’était qu’un murmure à peine soufflé, telle une supplique, agrémenté d’un langoureux déhanchement. Gabriel réagit aussitôt, se redressant sur un coudre, l’autre main posée sur ma poitrine, me repoussant à une distance raisonnable. Il semblait peu certain d’avoir compris le sens de ma supplication et il me demanda d’une voix tremblante de surprise et d’appréhension mêlés :

- Qu… Quoi ?

Je déposais ensuite mes lèvres sur les siennes, l’aidant à prendre sa décision, mais Gabriel me repoussa une seconde fois :

- Je… Non… Juha, je peux pas… Je ne sais pas… Ne me demande pas de…

Alors qu’il était en train de se perdre dans des explications impossibles, ses yeux s’humidifièrent de larmes, retrouvant alors le Gabriel sensible et pétri de timidité. Posant mon index sur ses lèvres, je lui intimais de se taire silencieusement. Je ne pouvais décemment pas le laisser ainsi.

- Qui aurait cru que derrière ses poses sensuelles se cacherait le plus grand timide que cette terre ait jamais vue ? Soufflais-je avec un sourire tendre. Je comprends ta peur pour l’avoir déjà ressentie, Gabriel, repris-je en retrouvant mon sérieux. Tu en es capable, je le sais et si cela te rassure, je te guiderais…

Honteux, Gabriel n’osait me regarder. Prenant son visage en coupe, je le forçais à me faire face, avant de m’emparer violemment de ses lèvres. Ce n’étais pas un de mes caprices, je voulais réellement que Gabriel me fasse sien. Si je ne pouvais encore lui ouvrir mon cœur totalement, je voulais qu’il sache combien il comptait pour moi. Dans mon baiser, je mis toute la passion et le désir dont j’étais capable. L’invitant à aller plus loin, le tentant, je fis preuve de savoir faire et d’érotisme, ma langue entrainant la sienne dans un ballet endiablé. Cela eu l’effet escompté, augmentant considérablement son désir jusque là entre-parenthèse.

Un gémissement de plaisir naquit bientôt dans sa gorge pour aller mourir dans ma bouche. Prenant cela comme une réponse muette, trop heureux, j’accentuais mes déhanchements, parachevant son désir pour moi. Mes lèvres se collèrent aux siennes et un cri de volupté s’échappa alors de ses lèvres entrouvertes, berçant mes oreilles avec douceur. Les mains posées sur son torse, j’ondulais sur son imitée, gémissant érotiquement son prénom, cherchant à le pousser au bout de ses limites pour ne pas laisser place à l’hésitation. J’obtins l’effet escompté. Alors que j’haletais son nom entre deux gémissements, Gabriel sembla perdre la tête et d’un mouvement brusque, il inversa nos positions.

Un sourire carnassier étira mes lèvres, le désirant à l’instant même tel que je n’avais jamais désiré un autre homme. J’oubliais Killian, ne désirant pour rien au monde comparer. Il n’y avait que Gabriel dans ce monde là, un monde qui n’était pas fait pour plus de deux personnes. Juste Gabriel et moi…

Avidement, Gabriel s’empara de mes lèvres pour un baiser ardent comme rarement encore il en avait été l’auteur. Alors que nos langues se caressaient avec sensualité, je sentis ses doigts s’immiscer entre nos lèvres.

Aussitôt, comprenant ce qu’il voulait, je délaissais sa langue, pour me concentrer sur ma nouvelle tache avec un plaisir que je ne cherchais pas à lui dissimuler.

Pendant un long moment, j’humidifiais abondamment ses doigts, Gabriel mêlant parfois sa salive à la mienne lorsqu’il était trop en manque de nos baisers. Un instant plus tard, je consentis à les libérer, et après un énième baiser, désirant lui laisser tout le temps dont il avait besoin pour se lancer, Gabriel laissa ses doigts courir lentement sur mon corps luisant de transpiration. Je ne pus retenir un gémissement rauque lorsque sa main arriva au niveau de mon intimité, luttant contre un désir terrible d’être possédé à l’instant. J’écartais mes cuisses, en une invitation plus qu’explicite. Gabriel sembla rougir, mais il ne me laissa pas le temps de voir ses joues, car il s’empara de mes lèvres, certainement pour se donner du courage.

Avec une lenteur un peu trop exagérée qui trahissait son anxiété de mal s’y prendre, il insinua un premier doit en moi avec délicatesse. Avec inquiétude, il fixa mon visage, comme prêt à tout arrêter au premier signe de douleur. Savait-il seulement la torture qu’il me faisait vivre ? Un sourire amusé étira mes lèvres et passant un bras autour de son cou, je l’attirais à moi et murmurais à son oreille :

- Je ne suis pas en sucre, tu sais…

- Te moques pas, gémit-il honteux. J’ai tellement peur de te faire mal…

- Je ne moque pas Gabriel, soufflais-je avant de l’embrasser tendrement afin de le rassurer. Continue comme tu fais, c’est parfait…

Gabriel esquissa un sourire timide et repris à ma plus grande joie, un lent va et vient, entreprenant de me préparer avec un peu plus de conviction. Je n’hésitais pas à le guider à l’aide de soupirs et de gémissements. Ce début de préparation était fait avec tellement de douceur et de tendresse que je ne ressentis aucune douleur. L’excitation était de toute façon trop forte et j’étais parfaitement détendu dans ses bras. Étrangement, c’était une forme de confiance que je commençais déjà à lui offrir…

Après un temps, rassuré de ne pas me faire mal, Gabriel me pénétra d’un deuxième doigt, l’insérant en moi avec la même délicatesse. Si celui-ci fut au départ gênant, il n’était pas douloureux. Sans se départir de sa douceur, il entama un lent mouvement de va et vient, alors que je m’emparais de nouveau de ses lèvres. Une fois le baiser rompu, Gabriel se redressa, observant avec attention mon visage. Gémissant sans retenu, m’empalant de moi-même sur ses doigts, je lui donnais une réponse plus qu’explicite.

Une lueur de désir à l’état pur éclaira ses prunelles alors qu’il inséra un dernier doigt en moi. Celui-ci fut légèrement douloureux, mais je fis tout pour m’habituer à cette intrusion. Gabriel cessa tout mouvement, déposant des dizaines de baiser papillons sur mon visage, souhaitant me faire oublier… Un sourire de remerciement naquit sur mes lèvres, entièrement satisfait de Gabriel et de ses attentions.

Gabriel me vola un baiser, comme dépendant de ma bouche, tout comme je l’étais avec ses lèvres. La douleur finit par n’être plus qu’un vague souvenir, mais Gabriel continua de longues minutes à me préparer. Je n’avais pas besoin de me servir de mon don pour comprendre qu’il avait du mal à se retenir, ressentant la même envie pressante. M’empalant toujours plus profondément sur ses doigts, mon corps entier réclamait bien plus. Lorsque je ne pus plus tenir une minute de plus, je murmurais entre deux gémissements, l’esprit dans le vague, perdu dans mon désir, enivré par mon plaisir :

- Gabriel… Maintenant… Prend-moi… S’il te plait…

Tétanisé par ma demande empressée, Gabriel stoppa net tout mouvement avant de plonger son regard dans le mien. Je ne pouvais rien faire pour lui cacher mon désir puissant et enflammé. M’apercevant de son hésitation, je me redressais sur mes coudes, et le fixant dans les yeux, je déclarais le plus sérieusement du monde :

- Je te veux Gabriel… Viens…

Sans lui laisser le temps de répondre, je l’embrassais avais voracité, tandis qu’il prenait place avec hésitation entre mes cuisses. De fine gouttes de sueur perlaient sur ses tempes, collant ses cheveux à son front. A aucun instant je ne quittais ses yeux, le suppliant de venir enfin…

Ce ne fut heureusement qu’après un dernier instant d’hésitation qu’il finit par s’insinuer extrêmement lentement en moi. Un soupire de satisfaction traversa mes lèvres alors que Gabriel découvrait l’inconnu.

Toujours trop précautionneux, Gabriel ne se laissait malheureusement pas totalement aller. Tout deux satisfait de manière incomplète, je pris les choses en main, ne pouvant plus attendre pour le sentir entièrement en moi, lui livrant mon corps… Je lui arrachais un cri de surprise et de plaisir mêlés lorsque je m’empalais brusquement sur son érection, d’un habile coup de rein. Un cri de pur plaisir enfin assouvi s’échappa de mes lèvres, faisant écho au sien. Sans attendre, en voulant toujours plus, j’entamais un rapide va et vient, ignorant la douleur qui, je le sentais, passerait très vite…

Gabriel me laissa faire un instant, trop envahi par ce nouveau plaisir, le regard perdu sur mon corps. M’enveloppant dans cette luxure, je me laissais totalement aller à notre plaisir, me mouvant sur lui, dans un état second. Mais mon amant finit par reprendre le contrôle de notre union, et je le laissais faire sans la moindre résistance. Les mains posées sur mes hanches, il nous imposa un tout autre rythme, bien plus langoureux, qui je le savais était destiné à attiser notre plaisir.

Ivre, je laissais cours à mes gémissements, qui finirent par avoir raison de Gabriel qui accéléra sa cadence, me pénétrant toujours plus profondément. Je n’avais connu pareille intensité qu’avec une seule personne, mais c’était à Gabriel uniquement que je m’offrais cette nuit-là, comme toutes celles qui suivraient. Je n’appartenais qu’à lui et à son amour…

Les yeux rivés sur mon visage ravagé par le plaisir, Gabriel ajouta encore à mon plaisir en prenant mon sexe en main, calquant sur celui-ci le même rythme régulier de ses déhanchements. Je ne pus qu’ouvrir la bouche en un cri muet de plaisir, et passant mes bras autour de son cou, je l’attirais à moi pour un baiser ardent, le remerciant ainsi silencieusement.

Puis, sentant que j’arrivais au point de non-retour, Gabriel accéléra astucieusement la cadence, menant la danse à la perfection. Dans un ultime coup de rein, bien plus amble et plus profond que les précédents, Gabriel m’envoya dans les bras d’un orgasme foudroyant, d’une intensité sans pareille. Je me libérais entre nos deux corps enlacés, criant son prénom. Gabriel ne tarda pas à me rejoindre alors que je cambrais mon corps tout entier, effleurant la chute de ses reins. Il se libéra en moi dans un cri de jouissance qui me combla plus qu’il n’était possible.

Le corps luisant de sueur et parsemé de tremblements, mon amant se laissa retomber entre mes bras, enfouissant son visage dans mon cou. Sa respiration était encore saccadée et de mon côté, je me remettais lentement de mon orgasme, mes doigts effleurant lentement le creux de ses reins en un apaisant mouvement qui le fit frissonner.

- Je ne te savais pas si sensible à cet endroit, soufflais-je en esquissant un sourire.

- Je t’aime, souffla-t-il sans relever ma remarque précédente.

Au lieu de me faire peur, de me paralyser, un sourire tendre se dessina sur mes lèvres alors qu’il se redressait pour me voir. Je ne pouvais encore lui donner de réponse orale, mais alors qu’il répondait à mon sourire, je m’emparais de ses lèvres pour un baiser des plus doux, lui montrant que j’étais loin d’y être indifférent, acceptant ces quelques mots et ses sentiments. Gabriel finit par se retirer de moi, et se blotti amoureusement entre mes bras. Je l’embrassais sur la tempe tandis que du bout des doigts, je décollais les mèches de cheveux collées sur son front.

La tête callée au creux de mon épaule, mon amant effleura délicatement du bout des doigts la peau de mon torse, engourdi par la fatigue.

Il finit par s’endormir alors que je veillais encore quelques instant, ne me laçant pas de passer lentement mon bras dans son dos, enivré par son souffle chaud dans mon cou. J’avais du mal à croire que tout cela était réel, et pourtant… Emporté à mon tour, bercé par sa respiration calme et régulière, j’allais le rejoindre dans les bras de Morphée…

Je me réveillais seul dans le lit le lendemain matin. Ouvrant les yeux, le cœur battant, j’eus peur d’avoir simplement vécu un rêve cette nuit là, même si mon corps légèrement courbaturé semblait me prouver le contraire. Tendant l’oreille, je n’aurais su décrire le soulagement que je ressentis lorsque j’entendis du bruit dans la cuisine. Un sourire se dessina alors sur mes lèvres au souvenir de cette nuit partagée… Certes, une discussion allait être nécessaire, mais un espoir nouveau prenait naissance en moi.

Après quelques minutes, je décidais de me lever pour aller le rejoindre, craignant malgré moi sa réaction. Tentant de ne pas y penser d’avantage, j’attrapais mon boxer et mon jean négligemment jeté sur le sol la veille avant de les mettre, n’ayant rien d’autre sous la main à me mettre. Une douche serait de toute façon nécessaire.

Je retrouvais Gabriel dans la cuisine, mais je ne m’attendais certainement pas à le voir ainsi, nu, avec une simple serviette autour de la taille, dos à moi, en train de faire la vaisselle. D’ici, je pouvais voir sa fine cicatrice, mais rien n’aurait pu enlever à mes yeux la beauté de son corps. Elle faisait partie de lui, simple pointe de l’iceberg, cachant bien plus de souffrance qu’on ne pouvait se l’imaginer. Aurais-je un jour le courage de lui dire comment je pouvais le comprendre ?

M’approchant légèrement de lui, un désir à nouveau  insatiable s’empara de moi, et d’une voix rauque, je déclarais avec une pointe d’amusement :

- Quelle agréable vision divine qui s’offre à moi au réveil. J’espère avoir droit plus souvent à des visions de rêves comme celle là…

Sursautant, Gabriel marmonna ensuite en râlant :

- Oui, dans tes rêves.

Loin d’être arrêté, je réduisis la distance entre nos deux corps avant de l’enlacer jalousement par la taille une fois arrivé à sa hauteur. Mes lèvres se déposèrent presque instinctivement sur sa nuque en un frôlement à peine prononcé. Loin d’être satisfait, je l’attirais d’avantage à moi, collant volontairement mon intimité contre ses fesses pour lui montrer l’effet que la vue de son corps aussi peu vêtu produisait chez moi.

Prenant plaisir à le voir perdre ses moyens, déjà fébrile à mon contact, je déposais une nouvelle fois mes lèvres dans son cou avant de les laisser dériver jusqu’à son oreille au creux de laquelle je murmurais après l’avoir léchée avec sensualité :

- Tu disais ?

Pour toute réponse, Gabriel pencha légèrement la tête en arrière afin de m’offrir son cou, laissant à ma langue un plus grand champ d’action. Cédant avec plaisir à sa demande muette, je m’empressais de le combler. Dans un soupire qui ressemblait plus à un gémissement, Gabriel finit par souffler :

- Tu es insatiable, mon amour…

- Comment l’être, répondis-je ayant du mal à cacher mon trouble au sujet du dernier mot qu’il avait employé. Tu es tellement désirable… Surtout quand tu te promènes nu dans l’appartement, ajoutais-je avec une pointe de moquerie, afin de dissimuler au mieux le sentiment étrange qu’il faisait naître en moi à m’appeler ainsi.

S’arrachant à mon étreinte, il se retourna vivement, les joues rouges cramoisies. Il s’exclama, protestant :

- Je ne suis pas nu !!

D’un air mi amusé mi sceptique, je me reculais et d’un air appréciateur qui ne fis qu’accentuer sa gène, je le détaillais de la tête aux pieds sans la moindre pudeur avant de déclarer :

- C’est tout comme… Répondis-je, un sourire intentionnellement vicieux étirant mes lèvres.

Sur ces mots, je m’approchais à nouveau de lui et l’embrassais avec passion, tandis que sans la moindre résistance, mes mains se posèrent sur ses fesses. Le soulevant, je le fis s’asseoir sur le plan de travail. Gabriel s’empressa de m’emprisonner entre ses jambes, les mains posées sur mes hanches alors que les miennes caressaient lentement ses cuisses avec une envie non dissimulée.

- Bonjour, murmurais-je entre deux baisers déposés à la base de son cou.

- Bonjour, souffla-t-il à son tour, semblant avoir beaucoup de difficulté à retenir un gémissement de satisfaction.

Je ne pouvais m’empêcher de repenser au terme qu’il avait employé et au plaisir que j’en avais ressentis. Si bien qu’au bout d’un moment, je finis par craquer :

- Et si… Tu me redisais… Ce que tu as dit tout à l’heure, soufflais-je tout en embrassant son cou, le faisant frissonner de plaisir alors que ma langue explorait cette zone que je savais particulièrement sensible.

- Ce que j’ai dit tout à l’heure ? Répéta-t-il, semblant surpris par ma demande et ne voyant pas là où je voulais en venir.

- Oui, ce que tu as dit, repris-je en lui faisant face, le fixant avec insistance, déterminé. Rappel-toi…

Après quelques secondes de réflexion, il répondit :

- J’ai dit que tu étais insatiable…

- Non, le coupais-je sans méchanceté, d’une voix douce. Après…

- J’ai dit que je n’étais pas nu, murmura-t-il en rougissant légèrement.

- Avant, le corrigeais-je avec une pointe d’amusement dans la voix, prenant plaisir à le voir chercher, ayant du mal à ne pas se laisser déconcentrer par mes doigts qui se faufilaient sans la moindre honte sous sa serviette pour effleurer l’intérieur de ses cuisses.

L’esprit embrouillé, loin d’être aidé par mes attouchements, Gabriel finit par déclarer d’une petite voix penaude :

- Je… Je suis désolé… Hummm… Je ne vois pas, gémit-il après une caresse plus poussée prodigué de ma part par sadisme.

- Tu vas devoir te faire pardonner alors… Soufflais-je avant de laisser ma langue suivre la courbe de sa clavicule gauche, savourant comme à chaque fois le goût suave de sa peau, lui arrachant un couinement de plaisir.

- Pourquoi ? Haleta-t-il. Qu’est ce que j’ai dit ?

- Tu m’a appelé « mon amour », murmurais-je à son oreille, comprenant qu’il ne trouverait pas de lui-même.

Je sentis Gabriel frémir sous mon corps. Savait-il seulement l’effet qu’il me faisait, ainsi dénudé, à ma merci, et empli de tous ces sentiments à mon égard. Après ces dix années jamais je n’aurais imaginé connaître à nouveau ce bonheur. Je ne l’avais pas encore pleinement atteint, privant malgré moi Gabriel d’un sentiment semblable.

- Oh… Répondit-il, me cachant assez mal son malaise. Et… Ça ne te plait pas ? Ajouta-t-il, appréhendant à tort ma réponse.

- J’ai jamais dis ça, susurrais-je avant de dévorer ses lèvres avec avidité, l’entrainant dans un baiser fougueux.

Dans un mouvement brusque, ne pouvant contenir mon désir plus longtemps, je glissais mes mains sous ses fesses et le décollais de son siège de fortune. Je sentis Gabriel raffermir la prise de ses jambes autour de mon bassin, frottant son intimité contre la mienne. Avait-il seulement conscience de la douce torture qu’il m’infligeait ?

Gémissant sous ce contact brûlant, aveuglé par mon désir et la passion qui me consumait, je le posais brutalement sur la table, ne pouvant décemment pas le porter plus loin. Le forçant à s’allonger, je me couchais sur lui pour atteindre sa bouche, saisis par le manque.  Dans un geste maladroit de par ma précipitation, je dénouais sa serviette qui faisait rempart à sa nudité. Lorsqu’il fut nu, je me redressais et posais sur lui un regard brillant de désir et de fierté. Il n’y avait pas de mot pour décrire sa beauté et ce qu’il représentait pour moi…

Je finis par fondre sur lui pour m’emparer à nouveau de ses lèvres pendant que mes mains dansaient sur son corps en ébullition. En un contact aérien, mes doigts frôlèrent sa peau sensible, lui arrachant des gémissements de plaisir à l’état pur. Sans la moindre honte, il s’abandonnait au plaisir que je lui offrais…

Mu par mes envies, ma langue redessinait maintenant les traits ses abdominaux, tandis que plus entreprenante, ma main remontait lentement l’intérieure de sa cuisse, le faisait se tordre de plaisir sous moi. Sa peau était d’une douceur sans pareille, et son corps ainsi exposé : une véritable invitation à la luxure. Mon bassin collé au sien trahissait mon désir qui augmentait à chaque minute, semblant attiser le sien de façon plus que certaine.

Une sonnerie de téléphone sembla parvenir à mes oreilles, mais je n’y prêtais guère attention, bien trop occupé avec Gabriel.

- Tu… Tu devrais aller répondre… Me murmura alors mon amant.

- … Rappellerons… Soufflais-je en m’emparant de ses lèvres afin de le faire taire.

- Non… Reprit-il en mettant fin au baiser. C’est… C’est peut être important.

J’émis un gémissement de frustration, et soupirant pour la forme, je lui volais un baiser avant de l’abandonner à contrecœur. Quittant la cuisine, je décrochais le téléphone d’un geste rageur, offrant un « allo » peu aimable.

- Bonjour, je désirerais parler à Hugo s’il vous plait.

Ne pouvant me retenir de lâcher un soupire, comprenant qu’il s’agissait d’un faux numéro, je finis par répondre qu’il n’y avait aucun  Hugo ici. Mon interlocuteur n’insista heureusement pas, et raccrocha après s’être excusé. Dès que j’eus reposé le combinais, je retournais directement dans la cuisine. Gabriel était toujours assis sur la table de la cuisine, et je ne pus faire autrement qu’arriver en face de lui, la mine renfrognée. Gabriel me demanda, inquiet :

- C’était qui ?

Lui lançant un regard assassin, je répondis :

-Un faux numéro…

Face à ma mine frustrée et rageuse, Gabriel finit par éclater de rire. Me prenant à son petit jeu, je le stoppais d’une voix glaciale en déclarant, le visage à seulement quelques centimètres du sien :

- « C’était peut être important », hein ?

Un peu effrayé par mon comportement et ma voix froide, Gabriel m’appela :

- Euh… Juha ?

Un sourire en coin étira mes lèvres. Je lui demandais alors en le plaquant de nouveau contre la table avec une violence emprunte de douceur :

- Qu’y-a-t-il ? Tu as peu ? Demandais-je amusé et surpris par l’effet que j’avais produit. Tu as peur ou tu me désires ? Tu trembles tellement…

Ma voix susurrée à son oreille sembla attiser son désir.

Ma voix susurrée à son oreille sembla attiser son désir. Pour toute réponse, Gabriel m’emprisonna de ses jambes avant d’onduler éhonteusement contre mon inimité tendue sous mon jean. M’attrapant par les cheveux dans un geste doué de douceur, il m’attira contre lui :

- Cela répond à ta question ?

A ces mots, il m’embrassa franchement, dévorant mes lèvres tandis que sa langue franchissait sans difficulté le barrage de mes dents. Après ce baiser qui nous laissa tout deux à bout de souffle, ne pouvant plus me contenir bien longtemps, j’humidifiais rapidement mes doigts. A bout de patience et avec empressement mais non sans douceur, j’entrepris de le préparer. Un gémissement de plaisir s’échappa de sa gorge alors que mon premier doigt entrait en lui.

Ne négligent pas son érection déjà conséquente, mon autre main s’activa sur celle-ci, lui arrachant des gémissements non contenus. Ne sachant plus vraiment par quelle force de volonté je parvenais à me contenir, un second doigt ne tarda par à rejoindre le premier. Celui-ci ne fut presque pas douloureux, mais Gabriel gémis de douleur lorsque j’entamais un mouvement de ciseau avec mes doigts. Mais cela ne fut bientôt qu’un lointain souvenir, et Gabriel finit par ne ressentir plus que du plaisir. Galvanisé, Gabriel finit par entamer un langoureux déhanchement, s’empalant de lui même sur mes doigts. Retenant de justesse un cri de surprise, je craquais, déclarant d’une voix rauque :

- Gabriel…. Je n’en peux plus… Je te veux…

A mon plus grand soulagement, Gabriel répondit à ma supplication, un sanglot de plaisir se brisant dans sa gorge : 

- Viens… Juha, viens… Maintenant….

Répondant au quart de tour à son injonction, je déboutonnais mon jean et le baissais en même temps que mon boxer libérant mon intimité de son étau. Me présentant à l’entrée de son intimité, un violent frisson de désir me parcourut alors que mon sexe effleurait son orifice. Lui volant un baiser, je me penchais à son oreille et d’une voix pleine de remord sachant pertinemment qu’il n’était pas suffisamment préparé, je murmurais :

- Pardonne-moi…

Sans tenir une seconde de plus, je m’enfonçais vivement en lui, le pénétrant entièrement cédant enfin à ma pulsion. Comme je l’avais craint, Gabriel se cambra violemment, un cri de douleur lui arrachant la gorge. Je connaissais que trop bien ce qu’il devait ressentir. Des larmes coulèrent silencieusement le long de ses joues tandis que ses ongles étaient plantés dans mes épaules. Oubliant le plaisir vif que je ressentais de mon côté, je le laissais s’habituer à ma présence. Mes lèvres parsemaient son visage de baisers papillons, en un pardon qui avait pour but de le détourner de sa souffrance.

Puis, ne pouvant rester ainsi, dans un lent mouvement, je commençais à me mouvoir en lui, tout en lui murmurant des mots doux et apaisant. Me servant de mon empathie, je mettais totalement de côté mes propres ressentis, l’accompagnant au mieux. Soudain, la douleur fit place à un plaisir insoupçonné lorsque, d’un mouvement plus puissant et plus profond, je semblais toucher quelque chose en lui qui lui vrilla les reins. Chutant dans mon corps, je fus saisi à mon tour par mon propre plaisir. Je ne perdis pas une seconde avant de réitérer mon action, accélérant la cadence de mes va et vient.

Alors que je gémissais de plaisir, Gabriel était emporté par un plaisir puissant. Plantant violemment ses ongles dans mes épaules, il m’emprisonna entre ses jambes. Laissant libre court à notre passion et l’amour qui le consumait, Gabriel cria sans la moindre retenu. Il criait à s’en briser la voix, comme jamais je ne l’avais entendu, me dévoilant une expression dépeinte sur le visage qu’il n’offrait qu’à moi. Je ne me lassais pas d’admirer les traits tirés et déformés par le plaisir que ressentais mon amant ; cet homme que j’étais le seul à connaître ainsi…

Gabriel étant bien trop proche de la jouissance à mon goût, je cessais subitement tout mouvement et avec une lenteur infinie, emprunte de sadisme, je me retirais de lui. Frustré au plus haut point, Gabriel entrouvris les yeux qu’il avait fermés depuis le début de son plaisir. J’étais dans le même état que lui, nous désirions tous deux cette libération, et pourtant, je voulais plus ! Quasiment couché sur lui, je le fixais de mon regard perçant et pétillant de désir et d’autres sentiments qui ne portaient pas encore de noms définis. Un sourire narquois étira mes lèvres, n’ayant pas oublié notre conversation matinale.

Sous moi, il se tortillait désespérément en sanglotant de frustration tandis qu’il tentait par tous les moyens d’accéder à la jouissance que je lui refusais sans savoir pourquoi je le faisais. Entre deux sanglots, il déclara, la voix brisée :

- Juha… S’il te plait… Ne… Ne me laisse pas ainsi…

Me penchant vers lui, je murmurais à son oreille, un large sourire étirant mes lèvres :

- Dis le mot magique… Je ne te laisserais pas venir avant de l’avoir entendu… Tu sais que tu as une voix magnifique quand tu es sur le point de jouir ? Et la vue me plait tout autant…

Ponctuant mes mots d’une caresse intime des plus poussée qui lui arracha un cri de plaisir, j’happais ses lèvres entrouverte pour un baiser endiablé. Je n’étais pas prêt à lui céder.

- Allez… Dis le moi… Susurrais-je après l’avoir libérer de ses lèvres, désirant l’encourager.

- Je… Je t’en prie… Sanglota-t-il après qu’un nouveau cri de plaisir lui ait arraché la gorge. Viens… Viens…

- Tss… Tsss… Pas avant que tu n’aies dis ce que je veux entendre, répondis-je la voix rauque du au désir et à la frustration que je m’infligeais aussi.

Un nouveau hoquet de sanglot déchira sa gorge alors que son corps était prit de violents tremblements, réclamant lui aussi d’être comblé. 

- Allez, dis-le… Insistais-je avant de laisser ma langue lécher ses larmes qui maculaient ses joues, m’offrant un étrange goût salé.

L’esprit apparemment trop embrumé, Gabriel se mit à gémir quelques mots :

- Je… Juha… Je t’…

- Oui… Allez mon ange… Dis-le… Dis-je en l’encourageant, la voix brisée par le plaisir.

- Je t’… Aime Juha… J’ai envie… Amour… S’il te…

Il n’eut pas le temps de finir sa phrase qu’un cri de pur extase s’échappa de ses lèvres entrouvertes alors que d’un ample mouvement de bassin, je le pénétrais de nouveau entièrement. Il venait de me combler, bien plus encore que je ne l’avais espérer. Non, ce moment ne pouvait pas être plus parfait.

En lui, je restais immobile l’espace d’un instant avant de reprendre un déhanchement encore plus déchaîné qu’avant l’interruption. Submergé par le plaisir, il ne fallut pas bien longtemps avant que je ne craque. Envahi, dévasté par une jouissance fulgurante, je me répandis en Gabriel dans un ultime coup de rien plus profond et plus puissant que les précédents, gémissant son nom. Mon amant me suivit de près, criant mon prénom qui tinta à mes oreilles avec douceur pour parfaire cet instant…

Haletant, le corps recouvert d’une fine pellicule de sueur, Gabriel ouvrit les bras pour m’accueillir. Dans le même état que lui, épuisé mais comblé, je me laissais aller contre lui, enfouissant mon visage dans son cou, inspirant son odeur à plein poumon, celle que j’avais failli ne plus jamais connaître pour la laisser à un autre…

Je pouvais sentir ses doigts jouer avec les petits cheveux de ma nuque, tandis que je l’embrassais du bout des lèvres dans le cou. Dans un souffle, je murmurais au creux de son oreille, le faisant frissonner :

- J’aime quand tu m’appelles avec des petits mots doux comme tu l’as fait tout à l’heure…

- Ouais ben n’y prend pas trop goût non plus, marmonna-t-il vexé, ne faisant pas preuve d’humour.

- … Ce petit côté fleur bleue, ça me donne envie de te faire l’amour encore et encore… Poursuivis-je sans tenir compte de sa remarque.

Je sentis Gabriel troublé et honteux mais tentant de me le cacher, il posa ses mains sur mes épaules et faisant mine de me repoussé il marmonna :

- T’es lourd…

Sans tenir compte de sa remarque, une fois de plus, je repris, une pointe d’amusement dans la voix :

- On est pas bien là, toi et moi ?

Exaspéré face à mon comportement, il déclara d’une voix blasée sans parvenir néanmoins à me cacher son amusement :

- Tu es d’un romantisme… Je pense qu’il y a quand même mieux qu’une table de cuisine pour ce genre… D’activités, non ?

Me redressant sur mes coudes, je plantais mon regard dans le sien, un sourire vicieux étirant mes lèvres, n’ayant pas dit mon dernier mot, je déclarais :

- Oh mais on peut arranger ça tu sais… Il nous reste la salle de bain, la voiture, le…

- Stop ! S’exclama-t-il.

Me repoussant avec plus de conviction cette fois-ci, il reprit :

- Je vais prendre ma douche…

Face à mon regard lubrique en rapport à cette phrase, Gabriel crut bon d’ajouter :

- Seul !!

Sans me laisser le temps de répondre, il m’embrassa furtivement avant de s’éclipser.

 A suivre…

Baissant les yeux, honteux de moi-même, je murmurais :

- Je… Nous ne pouvons pas… Ce n’est pas raisonnable… Tout… Tout n’est pas encore pardonné…

- Arrête de réfléchir, Gabriel, murmura Juha de sa voix rauque de désir. Laisse toi vivre… Tu n’as qu’une vie, profites-en…

Sans me laisser le temps de répondre, il m’embrassa de nouveau avec passion et avidité, et réagissant à cette injonction, je répondis vivement à son baiser, glissant une main sur sa nuque et l’autre dans ses cheveux afin d’approfondir notre échange. Semblant ne plus être maître de lui-même, Juha me mordit la lèvre inférieure alors que ses mains se posaient sur mes fesses et m’attiraient vivement à lui, faisant se rencontrer nos bassins. Les lèvres toujours soudées à celles de Juha, je poussais un gémissement de douleur et de plaisir mêlés qui mourut dans la bouche de mon amant.

Au fur et à mesure que Juha investissait mon corps, je sentais mes résolutions fondre comme neige au soleil. A sentir sa chaleur m’irradier, je me rendis enfin compte à quel point il m’avait manqué, pas seulement lui mais aussi son odeur, sa tendresse, sa délicatesse, tout ce qui faisait que je l’aimais lui, pour ce qu’il était. Je réalisais enfin à quel point les jours passés loin de lui avaient été douloureux et à présent, une chose était certaine en moi, je ne survivrais pas à un second éloignement… Si j’avais besoin de Kay à mes côtés, Juha, lui, m’était devenu indispensable… Il était mon oxygène et j’avais besoin de lui pour vivre.

Je reprenais mes esprits en sursautant violemment lorsque Juha mordilla délicatement le lobe de mon oreille, un bras passé avec possessivité autour de ma taille. A ce contact, je me cambrais violemment, nous arrachant à tous deux un gémissement de plaisir lorsque nos virilités entrèrent en contact.

Galvanisé par le désir plus qu’évident de Juha que je sentais battre contre mon bas ventre, j’ondulais du bassin, attisant mon propre désir alors qu’enivré par l’odeur de Juha, je me désinhibais et à mon tour, entrepris de le toucher. Mettant fin au baiser, j’explorais de mes lèvres le visage de mon amant avant de descendre jusqu’à son cou tandis que mes mains se frayaient un chemin sous sa chemise.

Un frisson parcourut l’échine de Juha à cet effleurement et la seconde qui suivie, je me retrouvais vivement plaqué contre le mur de l’entrée, alors que Juha maintenait fermement mes mains au dessus de ma tête. Un sourire amusé étira mes lèvres à cette réaction des plus inattendues alors que Juha dévorait mon cou et mon torse avec une avidité et une gourmandise non feintes. Soudain, mes yeux se voilèrent de plaisir et un couinement d’impatience s’échappa de mes lèvres entrouvertes lorsque la langue de mon amant vint jouer avec mes tétons durcis par le plaisir en même temps que son genou venait écarter mes cuisses, rapprochant ainsi nos bassins et nos virilités douloureusement tendues. Les joues et le corps en feu, je m’abandonnais totalement à lui, entièrement confiant entre ses bras. Le souffle court et les reins en feu, je n’avais qu’une envie, me perdre entre les bras de l’homme que j’aimais.

Les mains toujours retenues prisonnières par la poigne de fer de mon amant, je ne pouvais le toucher et le caresser à ma guise alors que cette envie me brûlait les doigts. Je trouvais alors une alternative, ayant d’autres idées sur la façon dont je pourrais rendre Juha fou de désir.

Prenant appui contre le mur dans mon dos, je passais mes jambes autour des hanches de Juha et, le pantalon ouvert, j’esquissais un lent déhanchement tout en gémissant sans retenue aucune, sentant contre moi le désir de Juha croître considérablement. Fier de moi-même, j’esquissais un sourire ravi alors que les mains de Juha venaient se poser sur mes fesses. Les jambes fermement entourées sur la taille de mon amant, je passais un bras autour de son cou pour l’attirer à moi et ravir ses lèvres pour un baiser enflammé.

Nos langues se rencontraient ardemment, comme en manque l’une de l’autre, entraînant sa jumelle dans un ballet érotique et sensuel toujours plus endiablé. Nos corps soudés l’un à l’autre s’emboitaient à la perfection et laissant libre cour à la passion qui me consumait, je laissais mes mains vagabonder sur le corps de Juha dont les vêtements me troublaient dans mon exploration. Bientôt, ma langue abandonna sa moitié pour aller se perdre sur la peau halée de son cou. Là, j’y découvris plusieurs zones érogènes que je pris un malin plaisir à titiller, les gémissements de Juha résonnant à mes oreilles comme une douce mélodie dont je me repaissais avec délectation. J’aimais à le savoir ainsi à ma merci, soumis à la moindre de mes caresses.

Je fis durer cette douce torture encore un instant puis, également lassé de ce petit jeu, j’entrepris de passer à autre chose et non sans difficultés, je déboutonnais le jean de Juha. Au contact aérien de mes doigts effleurant sa virilité, Juha se cambra afin d’approfondir le contact tout en étouffant dans mon cou un gémissement rauque. En position d’infériorité face à lui, je n’en étais pas moins maître de son plaisir…

Me démenant, je parvins à glisser ma main dans son boxer et du bout des doigts, j’effleurais avec hésitation son érection alors qu’ondulant du bassin, les dents plantées dans mon cou, il se laissait complètement aller au plaisir qu’il ressentait. Enhardi par les petits cris que poussait Juha, je finis par prendre confiance en moi et raffermis m a prise sur sa virilité.

Lentement, j’entamais un lent va et vient ponctués de baisers frénétiques déposés dans son cou, seul endroit qui m’était encore accessible, tandis que Juha tentait d’atteindre plus rapidement les sommets du plaisir en de vigoureux déhanchements. Cependant, je gardais obstinément le même rythme horriblement lent dans le but d’attiser au maximum son plaisir, cessant parfois tout mouvement ce qui me valait un grognement rauque de mécontentement.

Au bout d’un moment que je jugeais suffisamment long et sentant les muscles dorsaux de Juha se contracter sous ma main, j’accélérais la cadence de mes va et vient, arrachant à mon amant un cri d’exaltation à l’état pur. Le sentant sur le point de se libérer, j’accélérais d’avantage le rythme et un instant plus tard, il se libérait dans ma main en un cri de jouissance.

Ravi de l’effet que je lui faisais, un sourire satisfait vint étirer mes lèvres alors que la respiration saccadée, la tête posé sur mon épaule et le visage enfoui dans mon cou, il se remettait lentement de l’orgasme qui venait de déferler sur lui.

Lorsque sa respiration fut redevenue à peu près régulière, il plongea son regard d’ébène dans le mien et avec une avidité déconcertante, il s’empara de mes lèvres tout en entamant un langoureux mouvement du bassin qui réveilla instantanément mon propre désir. Un gémissement étouffé naquit dans ma gorge alors que Juha se frottait lascivement contre mon intimité douloureuse, me rendant la monnaie de ma pièce de la plus agréable façon qui soit.

Puis, il retira ses mains de sous mes fesses et les posa sur mes hanches nues. Etonné mais l’esprit trop embué pour formuler une question, je le libérais de mes jambes et repris appuis sur mes pieds. Les mains de Juha glissèrent alors jusque sur mes fesses, s’insinuant dans mon boxer qu’il fit lentement glisser le long de mes cuisses en même temps que mon jean et mes chaussettes.

Complètement nu et abandonné sous son regard inquisiteur, je fermais les yeux et retenais à grand peine un gémissement de plaisir lorsque ses doigts s’enroulèrent délicatement et avec savoir faire autour de ma virilité douloureusement tendue.

Je ne pris conscience que Juha s’était agenouillé face à moi que lorsque je sentis sa langue délicieusement chaude s’enrouler autour de mon érection alors qu’il me prenait en bouche.

Avec une lenteur exagérée, il entama un doux va et vient le long de mon intimité, m’arrachant un profond soupir de bien être. Galvanisé par cette chaleur qui irradiait dans mes reins et faisait bouillonner mon sang dans mes veines, je glissais mes doigts dans la chevelure brune de mon amant. Après un instant de ce traitement, Juha cessa tout mouvement, m’arrachant un sanglot de protestation qui mourut dans sa bouche après qu’il se soit relevé afin de me voler un baiser fiévreux.

Puis, libérant mes lèvres après avoir léché le sang séché de sa morsure, sa langue explora mon corps, me faisant frissonner de plaisir. Je pouvais sentir dans la façon qu’il avait de me toucher qu’il prenait plaisir à me voir me languir de lui. Un frisson parcourut mon corps dans son entièreté lorsque je sentis les doigts fins et agiles de Juha effleurer la zone encore sensible où se situait mon tatouage, l’étudiant longuement avant de le frôler d’un baiser aérien. Les yeux toujours clos, je criais de plaisir lorsque Juha me prit de nouveau entièrement en bouche. Sa langue experte qui s’enroulait en un mouvement irrégulier autour de mon intimité me guidait irrémédiablement aux portes de la jouissance. Noyé dans le plaisir que je ressentais, je n’avais plus conscience de l’endroit où nous nous trouvions ni même de la position qui était la notre. Seul comptait le plaisir que m’offrait Juha.

Après une caresse plus poussée que les précédentes, je me sentis vaciller, proche de la libération alors que Juha accélérait la cadence de ses va et vient. Soudain, après une caresse plus osée de Juha que je n’aurais su décrire tant l’effet escompté me vrilla les reins, je me libérais dans un cri de jouissance à l’état pur. Les jambes vacillantes ne supportant plus mon poids, je m’écroulais sur le sol, le souffle erratique tandis que Juha venait me voler un baiser passionné.

Agenouillé entre mes cuisses, Juha déposait des milliers de baisers papillons sur mon visage et mon corps moite de sueur tandis que lentement, je me remettais de mes émotions et tentais de retrouver une respiration à peu près calme et régulière.

Levant la main, je la posais avec tendresse sur la joue rugueuse et mal rasée de Juha, le forçant à relever la tête et plantais mon regard dans le sien, lui permettant ainsi d’y lire tout les mots  que je n’avais pas la force de prononcer. Après une longue minute à nous fixer ainsi, je l’attirais à moi et avec toute la délicatesse dont j’étais capable et l’amour que je ressentais pour Juha, je pris possession de ses lèvres pour un baiser des plus doux. Il n’avait rien à voir avec les précédents baisers enflammés que nous avions partagés. Non, celui-ci scellait notre réconciliation et le pacte que nous venions d’échanger silencieusement, c’est à dire la promesse que plus jamais une crise comme celle que nous venions de vivre n’arrive. La promesse d’un nouveau départ en gardant en mémoire ces quinze derniers jours pour ne plus jamais en arriver là…

Dans ce baiser, j’y mis tout l’amour et le désir que j’éprouvais pour Juha, alors que mes bras se refermaient autour de lui, par peur inconsciente de le voir s’éloigner de moi à nouveau…

Lorsque nos lèvres se séparèrent, je glissais mon visage dans le cou de mon amant, respirant son odeur à plein nez et dans un souffle, je murmurais au creux de son oreille :

- J’ai  envie de toi… Mais pas ici… Pas comme ça…

Ma demande parut surprendre Juha car aussitôt, il se redressa et planta son regard dans le mien à la recherche de je ne sais quoi. Me sentant rougir sous son regard inquisiteur, je ne détournais pourtant pas les yeux, qu’il sache à quel point je le voulais. A l’idée qu’il me prenne et me fasse sien, un frisson parcourut mon corps et une flamme s’illumina dans mon regard. Je pouvais voir celui de Juha s’illuminer également d’une lueur que je n’avais encore jamais vue et que je ne parvins pas à interpréter.

La lueur étrange fit place à un sourire et s’arrachant à mon étreinte, il se leva. Debout face à moi, il me contempla un instant, admirant ma nudité, avant de me tendre la main. Je lui adressais un sourire et attrapais en toute confiance la main qu’il me tendait.

D’un geste vif mais emprunt de délicatesse, il m’aida à me relever et m’attira tout contre lui, entourant ma taille d’un bras possessif. Ce geste me fit sourire et soutenant son regard, je m’avançais lentement vers lui dans le but de ravir ses lèvres si attrayantes. Mon amusement augmenta d’un cran lorsque Juha combla l’espace qui nous séparait encore avec un empressement non dissimulé.

Bientôt, sa main alla se perdre sur mes fesses, très vite rejoint par sa jumelle et sans pour autant rompre le contact de nos lèvres soudées, il me guida à travers le salon. Au passage, il trébucha sur un objet non identifié qui faillit nous faire chuter tous les deux. Cramponnés l’un à l’autre, j’esquissais un rire amusé tandis que Juha sourit avant de reprendre mes lèvres en otage.

Une fois arrivés dans la chambre, c’est à peine si je pris le temps de fermer la porte sur notre passage, la poussant simplement du pied histoire qu’elle ne reste pas grande ouverte. Buttant contre le pied du lit, Juha chuta sur le matelas et s’agrippant à moi, il m’entraina dans sa chute. Allongé sur lui, le visage enfoui dans son cou, j’esquissais un sourire amusé et enivré par l’odeur suave que dégageait la peau halée de mon amant, je laissais ma bouche partir à la découverte de sa peau délicate.

Puis, me redressant, je m’agenouillais sur le bas ventre de Juha, le chevauchant éhonteusement tout en ondulant langoureusement du bassin, le sentant avec satisfaction se durcir sous mes fesses. Les deux mains posées à plat sur ses pectoraux, je fermais les yeux de plaisir, me mordant la lèvre inférieure en retenant un gémissement de plaisir, la tête légèrement penchées sur le côté.

Le souffle erratique, je reportais mon attention sur Juha, le fixant d’un regard à moitié voilé par le plaisir. Les mains sur mes hanches, me guidant dans mon déhanchement, il ne me quittait pas du regard, m’observant avec ce qui me semblait être une lueur d’étonnement. Je me contentais de lui adresser un petit sourire en coin, comprenant son étonnement et dans un geste narquois, je pressais plus vivement mon intimité douloureuse contre la sienne, lui arrachant un cri de pur plaisir. Profitant de son état à demi comateux, je me penchais vers lui et entrepris de goûter la peau légèrement brune de son cou alors que mes doigts se faufillaient habillement sous son t-shirt.

Lentement, je le remontais, découvrant la peau satinée de son ventre aux abdominaux bien sculptés. Irrémédiablement attiré par sa peau soyeuse, je déposais mes lèvres sur son ventre qui se contracta à cet effleurement alors qu’un gémissement rauque s’échappait de sa gorge. Avec une lenteur exagérée, je redessinais du bout de la langue la courbe parfaite de ses muscles, remontant lentement vers ses tétons durcis par le plaisir.

D’humeur taquine, je me contentais d’en effleurer un du bout de la langue avant de faire de même avec le second. Je réitérais mon action plusieurs fois et lorsqu’un grondement sourd naquit dans sa gorge, je sentis qu’il était tant que je passe à autre chose.

Un sourire satisfait étirant mes lèvres, je me redressais pour dévorer avec avidité les lèvres rougies et gonflées de désir de mon amant. Alors que celui-ci ouvrait la bouche pour répondre à mon baiser, je m’écartais de lui, lui adressant un regard menaçant et cessant tout mouvement du bassin. Me penchant vers lui, je lui mordillait le lobe de l’oreille avant de lui souffler suavement :

- Tu es bien pressé, honey… N’était-ce pas toi qui me disait que nous avions tout notre temps ?

A ces mots, je lui léchais l’oreille, faisant frissonner Juha et me redressais vivement pour le voir m’adresser un regard meurtrier. Mon sourire s’accentua à cette vision et après lui avoir volé un énième baiser, je commençais à jouer avec son téton droit, le mordillant délicatement avant de le suçoter longuement. Juha se cambra violemment sous l’afflux de plaisir qu’il ressentit et dans un brusque et habile coup de rein, il inversa nos positions.

A présent totalement à sa merci, Juha me surplombant de toute sa hauteur, me contemplait, une lueur victorieuse illuminant son regard. Comme je l’avais fait précédemment, il entama un lent et langoureux déhanchement qui m’arracha un gémissement muet, ma voix se bloquant dans ma gorge sous l’afflux de plaisir. Puis, sans cesser d’attiser mon désir, il retira son t-shirt qu’il laissa tomber au pied du lit.

Malgré ma vue quelque peu troublée, je restais un instant à contempler la vue que m’offrait le corps à moitié nu de Juha. Puis, déjà en manque du goût enivrant de ses lèvres, je l’attrapais par sa ceinture qui ne maintenait plus vraiment son jean, et dans un mouvement brusque, je l’attirais à moi avant de ravir ses lèvres avec toute la passion qui me consumait et me vrillait les reins.

Pas décontenancé le moins du monde par mon excès de désir, Juha répondit avec fougue à mon baiser alors qu’hâtivement, en mouvements maladroit, j’entrepris de lui retirer son jean et son boxer, voulant le sentir nu contre moi. Une fois à égalité, je soupirais de contentement en sentant sa chaleur m’irradier et brûlant de désir, je laissais mes mains caresser sa peau luisante de sueur.

Soudées les unes aux autres en un emboitement parfait, nos lèvres semblaient ne plus vouloir se séparer. Avide l’un de l’autre, nous nous faisions mutuellement savoir à quel point nous nous étions manqué et l’importance de notre frustration. Juha dévorait mes lèvres avec avidité, entrainant ma langue dans une chorégraphie complexe et tumultueuse à laquelle je répondais sans me faire prier, sentant mon désir se faire de plus en plus pressant.

Après ce baiser qui nous laissa tout deux pantelants, Juha imprima un rapide déhanchement sur mon intimité douloureusement tendue, m’arrachant un cri de pur plaisir charnel. Je frissonnais en sentant son souffle chaud dans mon cou et une fraction de seconde plus tard, j’entendais Juha murmurer à mon oreille :

- Gabriel… S’il te plait… Prend-moi…

Ce n’était qu’un murmure à peine soufflé agrémenté d’un langoureux déhanchement et malgré le plaisir que je ressentis, je me redressais sur un coude, l’autre main posée sur la poitrine de Juha, je le repoussais à une distance raisonnable, pas certain d’avoir bien compris le sens de sa supplication. D’une voix tremblante de surprise et d’appréhension mêlés, je demandais :

- Qu… Quoi ?

- Je te l’ai dit, Gabriel, reprit-il d’une voix sensuelle en s’approchant de nouveau vers moi, ignorant ma main toujours posée sur son torse, laisse moi te prouver d’une autre façon combien tu es important pour moi… Prend-moi, ajouta-t-il d’une voix rauque. Je te veux… S’il te plait…

Alors que ses lèvres allaient se poser sur les miennes, je réalisais entièrement l’ampleur de ses mots et le repoussais une seconde fois :

- Je… non… Juha, je peux pas… Je ne sais pas… Ne me demande pas de…

Alors que je me perdais dans des explications impossibles, mes yeux s’humidifièrent de larmes de peur et de honte de ne pouvoir répondre aux attentes de mon amant, je sentis l’index de Juha se poser sur mes lèvres, m’intimant silencieusement de me taire :

- Qui aurait cru que derrière ses poses sensuelles se cacherait le plus grand timide que cette terre ait jamais vue ? Souffla Juha avec un sourire tendre. Je comprend ta peur pour l’avoir déjà ressentie, Gabriel, reprit-il en retrouvant tout son sérieux. Tu en es capable, je le sais et si cela te rassure, je te guiderais…

Honteux, je n’osais regarder Juha qui, prenant mon visage en coupe, me força à me faire face alors qu’il s’emparait violemment de mes lèvres, mettant dans son baiser toute la passion et le désir dont il était capable. Faisant preuve d’un érotisme exaltant,  sa langue entraîna la mienne dans un ballet endiablé qui eut pour effet d’attiser mon désir à son paroxysme. Un gémissement de plaisir naquit dans ma gorge pour aller mourir dans la bouche de Juha qui, prenant cela comme une réponse muette, accentua ses déhanchements.

Ses lèvres se décollèrent des miennes et un cri de volupté s’échappa alors de mes lèvres entrouvertes.

Les mains posées sur mon torse, Juha ondulait sur mon intimité douloureuse en gémissant mon prénom de la façon la plus érotique qui soit, comme s’il cherchait à me pousser à bout de mes limites, sans la moindre once de culpabilité. Mon nom si sensuellement haleté entre deux gémissements acheva de me faire perdre la tête et dans un mouvement brusque, j’inversais nos positions.

Un sourire carnassier étira les lèvres de Juha et l’étincelle de désir que je décelais alors dans son regard décupla le mien. Avidement, je m’emparais de ses lèvres pour un baiser ardent comme rarement encore j’avais été l’auteur, et alors que nos langues se caressaient avec sensualité, mes doigts s’immiscèrent entre nos lèvres. Aussitôt, Juha délaissa ma langue, me faisant gémir de frustration, pour se concentrer sur sa nouvelle tâche avec un plaisir non dissimulé.

Pendant un temps qui me parut interminable, je laissais Juha humidifier abondement mes doigts, mêlant parfois ma salive à la sienne lorsque j’étais trop en manque de ses baisers. Un instant plus tard, il consentit enfin à les libérer et après un énième baiser, suivant mon instinct et m’aidant du souvenir un peu troublé par le plaisir que j’avais ressentit lorsque Juha m’avait préparé lors de notre première fois, je laissais mes doigts courir lentement sur son corps luisant de transpiration. Un gémissement rauque me répondit et alors que ma main arrivait au niveau de son intimité, Juha écarta les cuisses en une invitation plus qu’explicite. Malgré moi, je me sentis rougir, priant pour que la pénombre le dissimule aux yeux de Juha tandis que je m’emparais de ses lèvres pour ne pas laisser transparaître ma gêne et mon mal aise.

Avec une lenteur peu être un peut trop exagérée mais tellement anxieux à l’idée de blesser Juha, j’insinuais un premier doigt en lui avec toute la délicatesse dont j’étais capable. Avec inquiétude, je fixais le visage de Juha, prêt à m’arrêter au premier signe de douleur. Un sourire amusé étira ses lèvres et passant un bras autour de mon cou, il m’attira à lui et murmura à mon oreille :

- Je ne suis pas en sucre, tu sais…

- Te moques pas, gémis-je lamentablement, honteux de mon manque flagrant d’expérience. J’ai tellement peur de te faire mal…

- Je ne me moque pas, Gabriel, souffla-t-il avant de m’embrasser tendrement. Continue comme tu fais, c’est parfait…

J’esquissais un sourire timide et reprenant un lent va et vient, j’entrepris de préparer Juha avec un peu plus de conviction, me laissant guider par ses soupirs et ses gémissements.

Rassuré de ne déceler aucun signe de douleur sur son si beau visage, j’approchais le second doigt et avec la même délicatesse qu’au préalable, je l’insérais en lui.

Sans me départir de ma douceur, j’entamais un lent mouvement de va et vient alors que de nouveau, Juha s’emparait mes lèvres. Une fois le baiser rompu, je me redressais pour observer avec attention le visage de mon amant. Le front légèrement plissé, la bouche entrouverte, il gémissait sans retenue en s’empalant de lui-même sur mes doigts.

Les reins douloureusement échauffés à cette vision, j’entrepris d’insérer un troisième et dernier doigt en lui. Les rides sur son front se creusèrent d’avantage et voyant en cela un signe de douleur, je cessais immédiatement tout mouvement, tout en déposant des dizaines de baisers papillons sur son visage, souhaitant voir disparaître la douleur qui ternissait sa beauté.  Un sourire de remerciement naquit sur les lèvres de mon vis à vis et ne résistant pas à la tentation, je m’en emparais pour la énième fois, ne parvenant pas à m’en passer. J’étais devenu totalement accro à leur texture délicate et leur saveur si enivrante. Après un temps, je reportais mon attention sur Juha et ne décelant plus trace de douleur, je commençais un lent va et vient.

Pendant de longues minutes, je continuais à le préparer, sentant mes nerfs commencer à lâcher à le voir gémir et se tortiller sous moi alors qu’il s’empalait toujours plus profondément sur mes doigts. Entre deux gémissements, il murmura quelques mots qui m’électrisèrent en même temps qu’ils me terrifièrent :

- Gabriel… Maintenant… Prend-moi… S’il te plait…

Tétanisé par cette demande empressée, je stoppais net tout mouvement pour plonger mon regard dans celui enflammé de Juha. Celui-ci sembla s’apercevoir de mon hésitation car il se redressa sur les coudes et me fixant dans les yeux, il déclara le plus sérieusement du monde :

- Je te veux Gabriel… Viens…

Puis, sans me laisser le temps de répondre, il m’embrassa avec voracité tandis qu’avec hésitation, je prenais place entre ses cuisses. Des gouttes de sueur ruisselaient sur mes tempes, collant mes cheveux à mon front, mais je n’y prêtais guère attention, les yeux plongés dans le regard ébène suppliant de mon amant.

Ce ne fut qu’après un dernier instant d’hésitation que je finis par m’insinuer extrêmement lentement en Juha qui soupira de satisfaction. Pour ma part, l’appréhension avait fait place à la surprise suivit d’un violent plaisir. Je découvrais une toute nouvelle forme de plaisir et jamais je n’aurais pu imaginer que cela puisse être aussi bon. C’était si terriblement chaud et humide à l’intérieur de Juha que je devais me faire violence pour ne pas entamer tout de suite mes déhanchements.

Cependant, je ne pu retenir un cri de surprise et de plaisir mêlés lorsque d’un habile coup de rein, Juha s’empala brusquement sur mon érection douloureuse. Un cri de pur plaisir enfin assouvi s’échappa de ses lèvres, faisant écho au mien tandis que sans attendre, il entama un rapide va et vient.

Je le laissais faire un instant, enivré par le plaisir que me faisais ressentir Juha à se mouvoir ainsi sur moi et hypnotisé par l’image de pur débauche qu’il me renvoyait avant de finalement reprendre mes esprits et reprendre le contrôle de notre union. Les mains posées sur les hanches de Juha, je nous imposais un rythme langoureux destiné à attiser le plaisir de Juha à son paroxysme avant de le mener à la jouissance.

Galvanisé par les gémissements que poussait Juha, j’accélérais la cadence de mes va et vient, pénétrant toujours plus profondément en Juha. Les yeux rivés sur son visage ravagé par le plaisir qu’il ressentait, je pris son sexe en main et calquais sur celui-ci le même rythme régulier de mes déhanchements. Juha ouvrit la bouche en un cri muet de plaisir et passant ses bras autour de mon cou, il m’attira à lui pour un baiser ardent.

Puis, sentant qu’il arrivait au stade de non retour, j’accélérais d’avantage la cadence, et dans un ultime coup de rein plus ample et plus profond que les précédents, Juha se libéra entre nos deux corps enlacés en criant mon prénom. Son cri combiné au cambrement de son corps sur mon intimité et à l’effleurement de ses doigts sur la chute de mes reins acheva mes dernières résistances et dans un cri de jouissance, je me libérais en lui.

Le corps luisant de sueur et parsemé de tremblements, je me laissais retomber entre les bras de mon amant, tout en prenant garde de ne pas l’écraser et le visage enfoui dans son cou, je tentais tant bien que mal de retrouver une respiration calme et régulière. Sous moi, Juha se remettait lentement de son orgasme, ses doigts effleurant le creux de mes reins en un apaisant mouvement qui me fit frissonner.

- Je ne te savais pas si sensible à cet endroit, souffla Juha en esquissant un sourire que je devinais plus que je ne vis.

- Je t’aime, soufflais-je sans relever sa remarque précédente, ressentant le besoin de le dire, n’attendant cette fois-ci aucune réponse de sa part.

Prononçant ces mots, je me redressais pour voir Juha me sourire tendrement. Sourire auquel je répondis avant que Juha ne s’empare de mes lèvres pour un baiser des plus doux. Puis, je me retirais de lui et me blottissais amoureusement entre les bras de Juha qui m’embrassait sur la tempe tandis que du bout des doigts, il décollait les mèches de cheveux de mon front.

La tête callée au creux de son épaule, du bout des doigts, j’effleurais délicatement la peau lisse du torse de mon amant, étouffant à grand peine un bâillement. Je finis par m’endormir assez rapidement, bercé par les doux et réguliers battements du coeur de mon amant.

Lorsque je me réveillais le lendemain matin après une nuit de repos bien méritée, le soleil était déjà levé. Allongé sur le côté, je sentis un poids reposer sur ma hanche et une douce chaleur comme je ne l’avais pas sentie depuis trop longtemps à mon goût, provenant de dans mon dos, se propager dans tout mon corps. Un sourire étirant mes lèvres, je tournais la tête pour tomber nez à nez avec le doux visage endormi de mon homme collé tout contre mon dos, son corps épousant mes formes à la perfection, le poids mort n’étant autre que son bras passé jalousement sur ma hanche en un geste possessif comme pour me retenir à lui.

Mon sourire s’élargit à cette vision tandis que mon coeur se gonflait d’un amour toujours plus fort et plus sincère pour l’homme dont je partageais le lit. Je restais un instant immobile, profitant encore de sa chaleur et de ce moment intime, mes doigts effleurant inconsciemment son bras en une caresse régulière avant de finalement consentir à me lever. Puisant toute ma bonne volonté, je m’arrachais à son étreinte possessive et allais directement prendre une douche. J’en ressortais une dizaine de minutes plus tard, complètement détendu et serein et alors que je me séchais, je réalisais que je n’avais pas pris de vêtements. Ne souhaitant pas retourner dans la chambre au risque de réveiller Juha, je me contentais de nouer la serviette autour de ma taille, même si je n’aimais pas traîner ainsi torse nu. Certes Juha connaissait l’existence de cette hideuse cicatrice, mais moins il la voyait, mieux c’était.

Sortant de la salle de bain, j’eu à peine le temps de mettre un pied dans le salon que je fus accosté par Shanenja qui me fit la fête, se couchant à mes pieds, le ventre offert à moi, dans l’attente de caresses. Sans hésitation, je m’agenouillais et répondis à sa demande, l’ayant quelque peu délaissé ces derniers temps. Durant de longues minutes, je caressais longuement le chiot qui avait bien grandit, puis je finis par me relever. A cet instant, mon regard se posa sur mon sac lâchement abandonné à l’entrée du salon.

A cette vision, mon coeur fit un bond dans ma poitrine avant de repartir dans une course effrénée. Pris dans l’enchaînement des évènements, j’en avais complètement oublié ma décision. Je me dégoutais… Quel genre d’homme étais-je ? Hier soir, Juha était officiellement mon ex, mais aujourd’hui… Pouvais-je encore affirmer cela après ce qui venait de se passer cette nuit ? Et surtout, comment Juha allait-il réagir ?

Face à toutes ces questions qui se bousculaient dans mon esprit, je quittais précipitamment le salon et allais me réfugier dans la cuisine. Là, je m’assis sur une chaise et pendant de longues minutes, je réfléchis à tout cela. Finalement, je décidais de ne pas me prendre la tête mais que quoi qu’il en soit, nous devions avoir une sérieuse discussion…

Souhaitant attendre Juha pour avoir le plaisir de prendre mon petit déjeuner avec lui, je commençais à laver la vaisselle qui traînait dans l’évier. Perdu dans mes pensées, je sursautais en entendant la voix rauque de Juha s’élever dans mon dos :

- Quelle agréable vision divine qui s’offre à moi au réveil, déclara-t-il avec une pointe de d’amusement dans la voix. J’espère avoir droit plus souvent à des visions de rêves comme celle là…

 - Oui, dans tes rêves, marmonnais-je, râlant contre la dépravation dont faisait preuve mon amant.

C’est alors que je sentis une paire de bras m’enlacer jalousement par la taille et des lèvres chaudes et humides de poser sur ma nuque en un frôlement à peine prononcé. Juha m’attira d’avantage à lui et je ne pu m’empêcher de rougir tout en frissonnant d’exaltation en sentant son désir palpiter contre mes fesses.

Semblant prendre plaisir à me voir perdre tout mes moyens et m’abandonner totalement à ses caresses, Juha déposa une nouvelle fois ses lèvres dans mon cou avant de les laisser dériver jusqu’à mon oreille au creux de laquelle il murmura après l’avoir léchée avec sensualité :

- Tu disais ?

Les yeux  fermés sous l’afflux de plaisir, je penchais légèrement la tête en arrière afin d’offrir  mon cou à Juha, laissant à sa langue un plus grand champ d’action. Dans un soupir qui ressemblait plus à un gémissement, je soufflais :

- Tu es insatiable, mon amour…

- Comment l’être, répondit Juha visiblement troublé. Tu es tellement désirable… Surtout quand tu te promènes nu dans l’appartement, ajouta-t-il avec une pointe de moquerie.

M’arrachant à son étreinte, je me retournais vivement et le rouge de mes joues ayant fait place à une belle couleur carmine, je protestais :

- Je ne suis pas nu !!

D’un air mi amusé mi sceptique, Juha se recula et d’un air appréciateur, qui m’empourpra définitivement,  il me détailla de la tête aux pieds avant de déclarer :

- C’est tout comme… Répondit-il, un sourire vicieux étirant ses lèvres.

Sur ses mots, il s’approcha de nouveau de moi et m’embrassa avec passion tandis que, posant ses mains sur mes fesses, il me souleva pour me faire asseoir sur le plan de travail. Je l’emprisonnais alors entre mes jambes, les mains posées sur ses hanches alors que celles de Juha caressaient lentement mes cuisses.

- Bonjour, murmura-t-il entre deux baisers déposés à la base de mon cou.

- Bonjour, soufflais-je à mon tour, retenant à grand peine un gémissement de satisfaction.

- Et si… Tu me redisais… Ce que tu as dit toute à l’heure, souffla-t-il après un moment, tout en embrassant mon cou, me faisant frissonner de plaisir alors que sa langue explorait cette zone si sensible de mon anatomie.

- Ce que j’ai dit toute à l’heure ? Répétais-je, ouvrant les yeux sous la surprise, ne me rapelant pas avoir dit quelque chose de si spécial qui méritait d’être répété.

- Oui, ce que tu as dit, reprit Juha en me faisant face, me fixant d’un regard insistant. Rappel-toi…

Après quelques secondes de réflexion, je répondis :

- J’ai dit que tu étais insatiable…

- Non, me coupa Juha sans méchanceté, d’une voix douce. Après…

- J’ai dit que je n’étais pas nu, murmurais-je en rougissant légèrement.

- Avant, me corrigea Juha avec une pointe d’amusement dans la voix, semblant prendre plaisir à me voir me retourner le cerveau, ayant du mal à ne pas me laisser déconcentrer par ses doigts qui se faufilaient éhonteusement sous ma serviette, pour effleurer l’intérieur de mes cuisses.

L’esprit un peu embrouillé et à moitié déconnecté de la réalité par les attouchements de Juha, je déclarais d’une petite voix penaude :

- Je… Je suis désolé… Huumm…. Je ne vois pas, gémis-je après une caresse plus poussée de mon amant sadique.

- Tu vas devoir te faire pardonner alors… Souffla Juha avant de laisser sa langue suivre la courbe de ma clavicule gauche, m’arrachant un couinement de plaisir.

- Pourquoi ? Haletais-je. Qu’est-ce… Qu’est-ce que j’ai dit ?

- Tu m’as appelé “mon amour”, murmura-t-il à mon oreille.

Même si je savais parfaitement qu’il ne faisait que répéter mes propres mots, ces mots dans sa bouche, soufflés de façon si sensuelle au creux de mon oreille, me firent frémir violemment.

- Oh… Répondis-je, tentant de cacher mon malaise. Et… Ca ne te plait pas ? Ajoutais-je, appréhendant, malgré moi, sa réponse.

- J’ai jamais dis ça, susurra-t-il avant de dévorer mes lèvres avec avidité, m’entrainant dans un baiser fougueux. Dans un mouvement brusque, trahissant son désir, Juha glissa ses mains sous mes fesses et me décolla de mon siège de fortune. Instinctivement, je raffermis la prise de mes jambes autour de son bassin, frottant ainsi mon intimité contre la sienne que je sentais dure et chaude à travers la serviette qui me servait de vêtement.

Ce contact brûlant fit gémir Juha qui, aveuglé par le désir et la passion me posa presque brutalement sur la table avant de me forcer à m’allonger, se couchant sur moi pour atteindre ma bouche. Dans un geste maladroit de par sa précipitation, Juha dénoua la serviette qui faisait rempart à ma nudité. Lorsque je fus nu, il se redressa et posa sur moi un regard brillant de désir et de fierté.

Puis, il fondit vers moi pour s’emparer de nouveau de mes lèvres pendant que ses mains dansaient sur mon corps en ébullition. Ses doigts frôlant ma peau hypersensible en un courant d’air m’arrachèrent des gémissements de plaisir à l’état pur. Sans aucune honte, je m’abandonnais au plaisir que m’offrait Juha.

A présent, sa langue redessinait les traits de mes abdominaux tandis que plus entreprenante, sa main remontait lentement l’intérieur de ma cuisse, me faisant me tordre de plaisir sous lui.

Son bassin collé au mien, je pouvais sentir son désir grandir à chaque minute, attisant le mien de façon plus que certaine.

A demi noyé dans les limbes du plaisir, j’entendis vaguement la sonnerie du téléphone retentir à mes oreilles. Face à l’insistance de la personne qui cherchait à nous joindre, je murmurais à Juha qui semblait ne pas s’en préoccuper le moins du monde :

- Tu… Tu devrais aller répondre…

- … rappèleront… Souffla-t-il en s’emparant de mes lèvres comme s’il souhaitait me faire taire.

- Non… Repris-je en mettant fin au baiser. C’est… C’est peu être important…

Juha émit un gémissement de frustration et soupirant pour la forme, il me vola un dernier baiser avant de m’abandonner. Alors qu’il quittait la cuisine, je me redressais, quelques peu gêné par la position indécente qui était la mienne. Plus frustré que jamais, je n’essayais même pas d’écouter la conversation de Juha.

Une petite minute, qui me parut interminable, plus tard, il était de retour. Face à sa mine renfrogniée, je lui demandais, tout de même inquiet :

- Qui c’était ?

Me lançant un regard assassin, il répondit :

- Un faux numéro…

Je restais un moment interdit puis face à son expression mi frustrée mi rageuse, j’éclatais de rire. Cependant, je me repris bien vite lorsque d’une voix glaciale, le visage à seulement quelques centimètres du mien, il déclara :

- “C’est peu être important”, hein ?

Un peu effrayé par son comportement et sa voix froide, je l’appelais :

- Euh… Juha ?

Un sourire en coin étirant ses lèvres, il me demanda en me plaquant de nouveau contre  la table avec une violence emprunte de douceur :

- Qu’y a-t-il ? Tu as peur ? Demanda-t-il visiblement amusé. Tu as peur ou tu me désires ? Tu trembles tellement…

Sa voix susurrée à mon oreille attisa mon désir déjà douloureux et l’emprisonnant de mes jambes, j’ondulais éhonteusement contre son intimité tendue sous son jean et entrant dans son jeu, je l’attrapais par les cheveux, prenant tout de même soin de ne pas lui faire mal et l’attirais contre moi :

- Cela répond t-il à ta question ?

A ces mots, je l’embrassais franchement, dévorant ses lèvres tandis que ma langue franchissait le barrage de ses dents. Après ce baiser qui nous laissa à bout de souffle, Juha humidifia rapidement ses doigts, visiblement à bout de patience et avec empressement mais non sans douceur, il entreprit de me préparer. Un gémissement de plaisir s’échappa de ma gorge alors que le premier doigt entrait en moi. Noyé dans le plaisir de sa main qui s’activait sur mon érection, je ne ressentis aucune douleur et très vite, un second doigt vint rejoindre le premier.

Comme pour le précédent, celui-ci ne fut presque pas douloureux. Cependant, je gémissais de douleur lorsqu’il entama un mouvement de ciseaux avec ses doigts. Très vite, je ne ressentis plus que le plaisir et galvanisé par la présence des doigts de Juha en moi, j’entamais un langoureux déhanchement, m’empalant de moi-même sur les doigts de mon amant. Celui-ci retint de justesse un cri de surprise et d’une voix rauque, il déclara :

- Gabriel… Je n’en peux plus… Je te veux…

Enivré par sa voix si sensuelle, et avide de le sentir se mouvoir en moi, je répondis à sa supplication, un sanglot de plaisir se brisant dans ma gorge :

- Viens… Juha, viens… Maintenant…

Répondant au quart de tour à mon injonction, il déboutonna son jean et le baissa en même temps que son boxer avant de se présenter à l’entrée de mon intimité. Un violent frisson de plaisir me parcourut l’échine lorsque je sentis son sexe se présenter entre mes fesses et me volant un baiser, Juha se pencha à mon oreille et d’une voix dans laquelle je décelais des remords, il murmura :

- Pardonne-moi…

Et avant que je n’ai le temps de réaliser le sens de ses mots, il s’enfonça vivement en moi, me pénétrant entièrement d’un brusque coup de rein. Je me cambrais violemment, un cri de douleur m’arrachant la gorge sous l’intrusion qui me donnait l’impression que mes entrailles se déchiraient. Des larmes coulèrent silencieusement  le long de mes joues tandis que les ongles plantés dans les épaules de Juha, je tentais de m’habituer à sa présence imposante en moi.

Aveuglé par la douleur c’est à peine si je me rendais compte des lèvres de mon amant qui parsemaient  mon visage de dizaines de baisers papillons, dans le but de me détourner de ma souffrance.

Dans un lent mouvement, il commença à se mouvoir en moi tout en me murmurant des mots doux et apaisants. Soudain, la douleur fit place à un plaisir insoupçonné lorsque, d’un mouvement plus puissant et plus profond, il toucha quelque chose en moi qui me vrilla les reins. Interprétant mon cri de surprise et de plaisir mêlés comme une demande à renouveler son action, Juha ne se fit pas prier et accéléra la cadence de ses va et vient.

Galvanisé par le plaisir dévastateur qui déferlait sur moi, je plantais violemment mes ongles dans les épaules de mon amant tandis qu’instinctivement, je l’emprisonnais entre mes jambes, par peur irrationnelle de le voir partir. Laissant libre court à la passion et à l’amour qui me consumaient bien trop lentement à mon goût, me faisant languir du moment de ma libération qui, paradoxalement, se rapprochait irrémédiablement alors que Juha me pénétrait avec toujours plus de fougue, je criais sans retenue aucune. Je criais à m’en briser la voix le plaisir que m’offrait Juha en me faisant sien, laissant en moi son sceau invisible mais pourtant aussi ardent qu’un fer chauffé à blanc.

Alors que j’étais sur le point de jouir, terrassé par cette petite mort, Juha cassa subitement tout mouvement et avec une lenteur infinie, il se retira de moi. Frustré au plus haut point, j’entrouvris les yeux que je n’avais pas eu conscience de fermer pour plonger dans une mer en furie. Si j’avais crains un quelconque regret de la part de Juha, cette pensée s’envola aussitôt lorsque je plongeais mon regard dans la profondeur de ses yeux noirs et brillant de désir. Quasiment couché sur moi, Juha me fixait de son regard perçant et pétillant de désir et d’autres sentiments plus flous que je n’aurais su décrire, un sourire narquois étirant ses lèvres.

Sous lui, je me tortillais désespérément en sanglotant de frustration tandis que je tentais par tous les moyens d’accéder à la jouissance que mon amant me refusait pour une raison que j’ignorais. Entre deux sanglots, je déclarais, la voix brisée :

- Juha… S’il te plait… Ne… Ne me laisse pas ainsi…

Se penchant vers moi, il murmura à mon oreille, un large sourire étirant ses lèvres :

- Dis le mot magique… Je ne te laisserais pas venir avant de l’avoir entendu… Tu sais que tu as une voix magnifique quand tu es sur le point de jouir ? Et la vue me plait tout autant…

Ponctuant ses mots d’une caresse intime des plus poussée qui m’arracha un cri de plaisir, il happa mes lèvres entrouvertes pour un baiser endiablé.

- Allez… Dis le moi… Susurra-t-il après avoir libéré mes lèvres.

- Je… Je t’en prie… Sanglotais-je après qu’un nouveau cri de plaisir m’ait arraché la gorge. Viens… Viens…

- Tss… Tsss… Pas avant que tu n’ai dit ce que je veux entendre, répondit-il d’une voix rendue étrangement rauque par le désir.

Un nouveau hoquet de sanglot déchira ma gorge alors que mon corps était prit de violents tremblements tandis que Juha me faisait entrapercevoir le paradis tout en m’empêchant de l’atteindre par je ne sais quel moyen.

- Allez, dis-le… Insista Juha avant de laisser sa langue lécher les larmes qui maculaient mes joues.

L’esprit trop embrumé pour réfléchir de façon cohérente, je gémissais une suite de mots inintelligibles, ne comprenant pas moi-même ce que je disais :

- Je… Juha… Je t’…

- Oui… Allez mon ange…Dis le…

- Je t’… T’aime Juha… J’ai envie… Amour… S’il te…

Je n’eu pas le temps de finir ma phrase qu’un cri de pur extase s’échappa de mes lèvres entrouvertes alors que d’un ample mouvement du bassin Juha me pénétrait de nouveau entièrement. En moi, il resta immobile l’espace d’un instant avant de reprendre un déhanchement déchainé. Submergé par le plaisir qui embrasait mon corps tout entier, j’atteignis enfin la libération tant attendue en sentant Juha se répandre en moi après un ultime coup de rein plus profond et plus puissant que les précédents. Entendre mon prénom gémit de la façon la plus érotique qui soit dans la bouche de l’homme que j’aimais acheva mes dernières résistances et je me libérais à mon tour en criant le prénom de mon amant.

Haletant, le corps recouvert d’une fine pellicule de sueur, j’ouvris les bras pour accueillir Juha qui, dans le même état que moi, épuisé mais comblé, se laissa aller contre moi et enfoui son visage dans mon cou. Dans un geste à demi conscient, je laissais mes doigts jouer avec les petits cheveux de la nuque de Juha qui m’embrassait le cou du bout des lèvres. Dans un souffle, il murmura au creux de mon oreille, son souffle chaud me faisant frissonner :

- J’aime quand tu m’appelles avec des petits mots doux comme tu l’as fait tout à l’heure…

- Ouais ben n’y prend pas trop goût non plus, marmonnais-je, vexé que Juha se moque ainsi de moi.

- … Ce petit côté fleur bleue, ça me donne envie de te faire l’amour encore et encore… Poursuivit-il sans tenir compte de ma remarque.

A ces mots, je sentis mes joues s’enflammer et prendre une belle teinte carmine. Tentant de masquer mon trouble, je posais mes mains sur les épaules de Juha et faisant mine de le repousser, je marmonnais :

- T’es lourd…

Sans tenir compte de ma remarque, une fois de plus, Juha reprit, une pointe d’amusement dans la voix :

- On est pas bien là, toi et moi ?

Exaspéré face à tant d’indifférence, ne prenant même pas la peine de faire attention à l’endroit où nous nous trouvions, je déclarais d’une voix blasée mais ne pouvant néanmoins pas cacher mon amusement :

- Tu es d’un romantisme… Je pense qu’il y a quand même mieux qu’une table de cuisine pour ce genre… D’activités, non ?

Juha se redressa sur ses coudes et plantant son regard dans le mien, un sourire vicieux étirant ses lèvres, il déclara :

- Oh mais on peut arranger ça tu sais… Il nous reste la salle de bain, la voiture, le…

- Stop ! M’exclamais-je, m’étonnant toujours de cette face cachée de mon amant.

Puis, je le repoussais pour de bon cette fois avant de reprendre :

- Je vais prendre ma douche…

Face au regard lubrique que m’adressait Juha à cette phrase, je crus bon d’ajouter :

- Seul !!

Sans laisser à Juha le temps de répondre, je l’embrassais furtivement avant de m’éclipser. Une vingtaine de minutes plus tard, j’étais lavé et habillé de propre. Sortant de la salle de bain, je fus surpris de trouver Juha, torse nu, assis sur le canapé, l’air pensif. M’approchant de lui par derrière, je me penchais vers lui alors qu’il levait les yeux vers moi. Une main posée sur sa joue rugueuse, je demandais, inquiet :

- Tout va bien ?

- Oui, ne t’inquiète pas…

A moitié rassuré, je me penchais vers lui afin de capturer ses lèvres pour un baiser furtif et lui offrant un sourire tendre, je soufflais, tout contre ses lèvres :

- Allez, va te laver… Et rases-toi… J’ai l’impression d’embrasser Philippe…

Je mimais une expression dégoûtée qui fit rire Juha et heureux, je m’emparais de nouveau de ses lèvres pour un baiser plus prononcé que le précédent. Ce ne fut qu’une fois rassasié de ses lèvres que je me redressais, je laissant ainsi aller se doucher. Alors que Juha s’enfermait à son tour dans la salle de bain, j’entrepris de vider le sac que j’avais préparé hier soir…

 A suivre…

Chapitre 10 par Shinigami

 

Je me réveillais en sentant le lit s’affaisser à côté de moi alors que Juha s’engouffrait entre les couvertures. A demi somnolant, encore à moitié dans les limbes profonds du sommeil, je murmurais d’une voix endormie :

- T’étais où ?

- Dehors, répondit Juha avec une pointe d’amusement dans la voix. Mon cadeau avait besoin de sortir.

Je ne répondis rien et sans ouvrir les yeux, souhaitant encore profiter de la chaleur de la couette, j’attirais Juha à moi, sa présence m’ayant inconsciemment manquée durant son absence. Réprimant un frisson glacé, je murmurais :

- Tu es glacé…

Sans lui laisser le temps de répondre, je déposais mes lèvres à la commissure de ses lèvres avant d’enfouir mon visage dans son cou, tout en soupirant de bien être. Jamais depuis aussi loin que remontait mes souvenirs je ne m’étais sentis aussi bien et en sécurité entre les bras de quelqu’un.

Cependant, cela ne sembla pas satisfaire Juha car visiblement frustré, il murmura à son tour :

- Tu crois vraiment qu’un simple baiser sur le coin des lèvres va me réchauffer.

Ouvrant les yeux, à présent totalement réveillé, je me redressais sur mes coudes et surplombant Juha de toute ma hauteur, un sourire étirant mes lèvres, je demandais innocemment :

- Alors qu’est-ce que monsieur désir ?

- Je ne sais pas, répondit-il sur le même ton innocent et énigmatique.

D’une lenteur exagérée et toute calculée, j’entamais mon ascension vers ses lèvres, le regard pétillant de malice, sachant pertinemment ce que je voulais. Frustrant un peu plus Juha, fier de moi-même, je m’arrêtais à quelques centimètres seulement de lui, de façon à ce que mon souffle caresse son visage et, une pointe d’amusement et de moquerie dans la voix, je déclarais dans un souffle :

- Dommage que tu ne saches pas…

A bout de patience, il passa brusquement ses bras autour de moi et m’attira à lui, capturant mes lèvres pour ce baiser tant attendu. Avec une avidité non feinte, il prit possession de mes lèvres, attendant que je prenne moi-même l’initiative de lui faire entrouvrir les siennes. Dans un soupir de désir enfin satisfait, il accéda à ma requête muette et nous entraina dans un baiser des plus passionnés. Dans la volonté de me fondre en lui,  j’amenuisais la distance qui nous séparait encore, me collant tout contre lui tandis que de son côté, Juha faisait de même.

Après cet échange qui nous laissa tous les deux fébriles et repu, je posais ma tête sur son torse et me laissant aller à apprécier la tendresse du moment, je fermais les yeux, soupirant de bien être alors que Juha caressant doucement mon épaule. Après quelques minutes de ce traitement, je sombrais de nouveau dans les limbes du sommeil.

Lorsque j’ouvris de nouveau les yeux, le jour était maintenant bien entamé. Sous moi, Juha dormait encore profondément, une main possessivement posée sur la chute de mes reins et l’autre sur mon épaule. Je sourire tendrement face à tant de possessivité de sa part, comme s’il craignait de me voir partir, puis après un instant, je m’extirpais délicatement des draps, m’arrachant à son étreinte en faisant de mon mieux pour ne pas le réveiller.

Sans bruit, j’attrapais des affaires propres et allais m’enfermer dans la salle de bain. La chaleur de l’eau me fit un bien fou et  ainsi seul, je pouvais réfléchir à tête reposée à tous les derniers évènements de ma vie. Il était indiscutable que ma relation avec Juha avait prit un nouveau tournant et même si je m’obstinais à ne pas vouloir ouvrir les yeux, les faits étaient là et je ne pouvais les nier et faire comme si rien ne s’était passé. Et surtout, je n’en avais pas envie…

De plus, mon emménagement prochain avec lui n’était pas non plus anodin. L’un comme l’autre,  nous ressentions une évolution dans notre amitié sans pour autant parvenir à en définir les changements.

Pour ma part, je sentais naître en moi des sentiments inconnus, plus qu’une attirance, un réel besoin de sentir Juha près de moi, de l’avoir à mes côtés chaque jour que Dieu fait. Je ne comprenais rien à ce qui m’arrivait. Juste en moi, l’impression d’avoir déjà ressenti une fois cet étrange sentiment oublié et d’en avoir atrocement souffert par la suite… Rien de plus, juste… du flou. Un souvenir vague et indéfini, une sensation éthérée par le temps, immatérielle, une impression de déjà vue désuète et intemporelle… Après un temps à réfléchir sans parvenir  au moindre résultat, j’abandonnais cette idée dans l’espoir qu’elle me reviendrait d’elle-même. Je détestais cette sensation de savoir sans parvenir  à l’exprimer et restituer un nom sur cette sensation de déjà vécu.

Reportant mon attention sur l’instant présent, je finis de me laver les cheveux puis les rinçais longuement, retardant au maximum le moment de quitter ce petit sauna que je m’étais fait dans la cabine de douche envahie de buée. La chaleur bienfaitrice environnante détendait mes muscles et je me sentais me décontracter et atteindre un niveau de bien être à la limite de la béatitude. Jugeant avoir fait suffisamment durer le plaisir, je me décidais finalement à sortir de la douche. Je m’habillais à la hâte, détestant ce moment durant lequel il fallait se sécher et durant lequel le froid s’emparait de moi, puis quittais la salle de bain. J’eu la surprise de voir Juha réveiller en train de jouer avec Shanenja.

A son tour, Juha se leva et alla se doucher pendant que je jouais avec le chiot. Lorsqu’il revint, Juha alla se poser à mes côtés ans le canapé et à peine fut-il assis que je l’attirais contre moi afin de lui voler un baiser. Lorsque je consentis enfin à lui rendre sa liberté, Juha calla sa tête contre mon épaule en soupirant de contentement. Pour ma part, je me laissais aller à fermer les yeux de bien être, appréciant par dessus tout la proximité de Juha et la chaleur apaisante qui émanait de lui.

La journée se déroula aussi simplement qu’elle avait commencé et mis à part pour sortir Shanenja, nous ne quittâmes pas l’appartement. Le lendemain, nous étions allé travailler et pour ma part, j’avais sorti Orphée le temps d’une reprise, histoire qu’il se défoule un peu, lui qui supportait mal l’inactivité. Le jour sui suivit, nous avions recruté l’aide de Philippe pour déménager les quelques meubles qui meublaient ma petite chambre, n’ayant pas de moyen de locomotion. Là, nous étions tous les trois réunis dans le petit studio de Juha qui était à présent le notre et assis en face de Philippe, je n’osais le regarder, tout de même gêné, même s’il avait bien prit la chose. De plus, je pouvais sentir son regard posé sur moi et le petit sourire que je devinais suspendu à ses lèvres me perturbait affreusement. Je ne dû mon salut qu’à l’intervention de Juha qui fit irruption dans le salon avec le plateau de rafraichissement. Lorsqu’il s’assit en face de nous, Philippe prit la parole :

- Alors ? De qui est venue cette idée de cohabitation ?

Sentant le rouge me monter aux joues, j’adressais un regard à Juha pour l’inciter à répondre. Ce qu’il fit à mon plus grand soulagement :

- C’est… C’est moi qui lui aie proposé, répondit-il visiblement aussi gêné que moi.

- Et Gabriel a accepté… Termina Philippe en souriant avec bienveillance. En tout cas, ajouta-t-il après un court silence, je ne peux que vous souhaiter bonne chance. Gabriel, reprit-il en se tournant vers moi, je suis sincèrement heureux de te voir comme ça. Autant dire que je ne t’ai jamais vu aussi épanoui.

Puis, il reporta son attention sur Juha et avec tout le sérieux dont il était capable, il déclara :

- Sincèrement, merci Juha… Je suis content pour vous deux.

Autant Juha que moi étions profondément touché par les paroles de Philippe et sentant le regard de Juha posé sur moi, je levais les yeux pour le voir me sourire. Timidement, je le lui rendis, sous le regard bienveillant de Philippe. Quand je pensais à lui, il me faisait l’effet d’un ange gardien qui veillait sur moi et cela me touchait en plein cœur. Pour la seconde fois de ma vie, j’avais l’impression que ma solitude n’était plus qu’un souvenir. A présent, j’avais deux hommes merveilleux pour veiller sur moi et prendre soin de moi comme une seule personne l’avait fait par le passé.

Cependant, coupant court à notre œillade, Philippe demanda avec le plus grand intérêt et sans la moindre once de gêne ou de pudeur quelconque :

- Et où en est votre relation à tous les deux ?

Prenant mon courage à deux mains, et pour être honnête, appréhendant quelque peu la réponse de Juha, je déclarais :

- Disons que nous sommes des amis… De très bons amis… intimes, mais ça s’arrête là.

- Oh, je vois… Souffla Philippe. De très bons amis intimes, répéta-t-il la voix lourde de sous entendus.

Mentalement, je prestais contre moi-même, lui ayant inconsciemment moi-même tendu la perche, tandis que Philippe nous scrutait tour à tour, le regard lourd de sens et un petit sourire entendu en coin. Il nous observa ainsi durant un temps qui me parut une éternité avant de reprendre avec gravité :

- Tu sais Gabriel, plus le temps passe et plus je pense que d’être sorti avec Marion était la plus grosse erreur de ta vie. C’est ma fille, certes, mais elle n’était pas faite pour toi, tout comme tu n’étais pas fait pour elle. Tu es bien plus heureux avec Juha actuellement, c’est indéniable. Je trouve que… Je trouve que tu te laisses enfin aller à être toi-même.

- Je… Commençais-je sans parvenir à aller plus loin, ma voix se bloquant dans ma gorge.

Honnêtement, je me sentais à deux doigts de pleurer comme rarement il m’arrivait de le faire. Ma gorge se serait et mes yeux me brûlaient. C’est au prix d’un effort demandant toute ma volonté que je parvins à refouler mes larmes. Contre toute attente, je vis Juha se lever et venir s’asseoir près de moi,  posant sa main sur la mienne en un geste qui se voulait réconfortant. Je ne dis rien, me contentant d’adresser à Juha un petit sourire dans lequel s’il regardait correctement, il aurait pu lire tous les “merci” du monde. Puis, après un court instant, je me tournais vers Philippe et déclarais simplement :

- Je… Merci, Philippe.

- Gabriel… Sache que je te considère comme mon propre fils, ce fils que je n’ai jamais eu. Alors il est normal que je me fasse du souci pour toi. Tu es en tout cas entre de bonnes mains. De plus, tu t’ouvres de plus en plus aux autres. Tu te laisses aller à t’ouvrir aux autres et rien ne peut me rendre plus heureux.

Je ne trouvais rien à répondre à cela et un silence s’installa entre nous. Après un temps, Philippe déclara, détendant l’atmosphère :

- En tout cas, je sais pas ce qu’il t’a fait, mais tu as maintenant une sensibilité à fleur de peau.

Je sentis le rouge me monter aux joues alors que Philippe se levait en riant, s’excusant auprès de nous. Plongé dans mes pensés, je songeais à la dernière phrase de Philippe. Cette sensibilité dont il faisait allusion, était-ce Juha qui l’avait fait naitre en moi ? Au fond de moi, je sentais que ce n’était pas le cas… Je la possédais depuis bien avant que je ne fasse la connaissance de Juha… A bien y réfléchir, depuis toujours en fait… Seulement, je l’avais enfouie au plus profond de moi, au même endroit que mes souvenirs pour bâtir autour de mon coeur un rempart de glace que personne n’était parvenu à briser. Personne depuis le départ de Kay et jusqu’à maintenant… Pourtant, je le sentais, depuis quelque temps, celui-ci commençait à se fissurer…

Je n’eu pas le loisir d’approfondir d’avantage mes réflexions, que je sentis Juha m’attirer vivement contre lui. Avec avidité, il s’empara de mes lèvres et m’enlaça plus fortement encore. Déstabilisé, je répondis instinctivement au baiser de Juha, entrouvrant les lèvres suite à sa demande muette. Depuis quelques temps, nos baisers avaient une saveur nouvelle, se faisaient de plus en plus ardents et empressés, comme s’ils cherchaient quelque chose. Dérouté par la passion et la fougue que Juha mettait dans son baiser, je finis par m’agripper à lui comme pour me raccrocher à la réalité, me sentant perdre pieds. Nos langues se mêlaient avec un désir non feint et une passion dévorante et ce fut un toussotement de la part de Philippe qui nous ramena brutalement à la réalité.

Cramoisi, nous nous séparâmes peut être un peu trop vivement, honteux de nous faire surprendre dans cette position des plus intimes par Philippe qui revint prendre place à nos côtés, Shanenja  dans les bras, un sourire énigmatique étirant ses lèvres.

- Au fait, déclara-t-il, changeant complètement de sujet, je voulais vous demander si vous aviez quelque chose de prévu pour le réveillon du jour de l’an. Marion n’est pas là alors j’ai pensé vous inviter tous les deux.

- Avec plaisir, répondit Juha.

- Oui, avec plaisir, confirmais-je en le remerciant d’un sourire.

C’est alors que la sonnette retentie dans l’appartement. Je lançais un regard étonné à Juha alors que Philippe demandait :

- Tu attends quelqu’un ?

Je vis Juha réfuter d’un hochement négatif de la tête avait de se lever et de déclarer :

- Je reviens.

Je le suivais du regard jusqu’à ce qu’il disparaisse de mon champ de vision. Après un instant de silence, j’entendis avec horreur Juha pousser un cri de douleur, comme s’il venait de se blesser  alors une voix que je ne connaissais que trop bien s’élevait depuis le hall d’entrée :

- Je vais te crever pour de bon cette fois-ci.

Mon sang ne fit qu’un tour et je me précipitais sans attendre dans l’entrée. Avec horreur, je vis le frère de Killian lever une arme blanche sur Juha qui, paralysé d’effroi, ne pouvait plus bouger. Avec toute la fureur qui m’habitais, je me jetais sur l’étranger et le plaquais violemment contre le mur, en le désarmant d’un geste vif. Je jetais un rapide coup d’oeil à Juha afin de voir comment il allait et fit un signe de tête à Philippe qui était au téléphone, lui faisant comprendre de garder un oeil sur Juha pendant que je m’occupais du frère de Killian. Je lui adressais un regard meurtrier, lui faisant comprendre la fureur qui m’habitais à l’idée qu’il ait voulut s’en prendre à Juha, mais plus téméraire que je ne l’aurais cru, il déclara à mon attention :

- Il est en train de faire la même chose avec toi. il te manipule. Il déménage avec toi, il te baise, il t’embobine et bientôt, il te tirera une balle dans la tête…

Je tressaillais à l’entente de ses mots, mais mon attention fut vite reportées sur Juha alors que du coin de l’oeil, je le vis mettre ses mais sur ses oreilles avant de, lentement, se laisser glisser contre le mur. L’espace d’une seconde, j’hésitais entre le prendre dans mes bras et maintenir hors d’état de nuire l’agresseur de Juha. Cependant lorsque je vis Philippe venir vers lui et lui poser la main sur l’épaule, je décidais de le laisser faire. Juha était en état de choc et énervé comme je l’étais, j’avais peur d’être un peu trop brusque avec lui, sans pour autant le vouloir.

Délicatement, Philippe souleva Juha, l’aidant à se lever et le guida hors de porter de son agresseur. Je n’y avais pas vraiment prêté attention jusqu’à maintenant, plus préoccupé par sa santé mentale que physique, mais le bras de Juha semblait visiblement bien entaillé, car je pus voir le sang goutter de sa plaie et tâcher le parquet.

Avant qu’il ne disparaisse dans la pièce voisine, Philippe se tourna vers moi et déclara :

- Je reviens ! Et si jamais il y a un souci avec lui, ajouta-t-il en désignant le frère de Killian d’un mouvement de la tête, assomme-le ! La police ne devrait pas tarder à arriver.

Un sourire étira mes lèvres face au comportement étonnant de Philippe et reportant mon attention sur l’agresseur, je déclarais d’une voix menaçante en le poussant devant moi :

- Avance ! Et si jamais tu tentes quoi que ce soit, j’te démoli ta gueule de play-boy !

Semblant prendre ma menace au sérieux, il obéit docilement à mon ordre et alla s’asseoir sur une chaise dans la cuisine tandis que je refermais d’un coup de pied la porte derrière moi. Cependant, reprenant du poil de la bête, il s’exclama :

- T’es en train de faire une connerie ! T’as toujours pas compris qu’il se joue de toi ?

Je restais un instant silencieux, médusé par la vigueur avec laquelle il se persuadait lui-même de la véracité de ses paroles. Profitant de mon silence et de mon absence de réaction, il poursuivit :

- Ne te fis pas aux apparences ! Elles sont plus trompeuses qu’on ne le croit !

- Tais toi ! Sifflais-je.

- Quoi ? Tu as peur d’entendre la vérité ?

- Je connais la vérité ! M’exclamais-je vivement, agacé par son petit air supérieur.

- Laquelle ? Celle dans laquelle il passe pour la victime ? Il t’a raconté quoi ? Qu’il avait tué Killian parce qu’il était condamné ? Mais est-ce une raison suffisante pour ôter la vie à un homme ? Détrompe-toi ! Ce mec ment comme il respire… Tu veux savoir la vérité ? La seule, l’unique…

- Cela suffit ! M’exclamais-je, sentant malgré moi, un début de peur nouer mes entrailles.

Au fond de moi, je sentais que cet homme était dangereux. Cette façon qu’il avait d’exprimer ses convictions, la fougue et la passion qu’il mettait dans ses mots avait quelque chose de véritablement inquiétant. A la façon des fanatiques, il plaidait sa cause, prêchant sa version des faits, sachant très bien comment semer le trouble dans mon esprit.

- Quoi ? Demanda-t-il, un sourire en coin étirant ses lèvres. Tu doutes ? Et tu as raison ! Tu veux savoir la vérité ? Mon frère n’était pas malade ! C’est des conneries tout ça, ce n’est que pure invention de son esprit malade ! Même les médecins légistes n’ont rien pu démontrer… Si tu veux mon avis, tu devrais foutre le camp d’ici avant de finir la cervelle explosée contre les murs de cet appartement ! Cela ferait désordre… Ce gars n’est rien de plus qu’un assassin… Il choisit sa victime, de préférence un jeune homme un peu perdu, il profite des avantages qu’il peut en tirer, il le baise, comme il l’a fait avec Killian et une fois lassé, il le tue avant de recommencer de nouveau… C’est un cercle vicieux… Tu es pris dans l’engrenage du destin et je suis venu pour t’en libérer…

- Silence ! M’exclamais-je avec plus de conviction alors que je prenais entièrement conscience de l’ampleur de la folie qui consumait son âme.

un sourire satisfait naquit sur ses lèvres, comme s’il prenait pour une victoire le fait d’être parvenu à me troubler l’espace d’un instant. Je lui lançais un regard assassin, mais au fond de moi, je devais avouer qu’il me faisait de plus en plus peur. Heureusement, on ne tarda pas à sonner à la porte et c’est avec un certain soulagement que je vis les policiers entrer dans l’appartement.

Sans un mot, je les conduis vers l’homme pour lequel ils avaient fait le déplacement et m’excusant auprès des deux hommes, j’allais chercher Philippe. Sans prendre la peine de frapper, j’entrouvris la porte de la salle de bain et aussitôt, je cherchais Juha du regard, inquiet. Quand je le vis, je fus soulagé de voir qu’il allait bien même si visiblement il était encore sous le choc. En venant directement aux faits, je déclarais, reportant mon attention sur Philippe :

- Les flics sont là, je te laisse t’en…

- Oh oui, me coupa-t-il, je m’en occupe.

Sur ces mots, il se leva et quitta la pièce, nous laissant seuls. A peine ais-je eu le temps de m’approcher de lui et de m’asseoir à ses côtés que ses larmes se mirent à couler le long de ses joues. Sans réfléchir, ne supportant pas de le voir sans un tel état de faiblesse, lui d’habitude si fort, je le pris dans mes bras, l’attirant vivement  contre moi. Assis à même le sol, dans une position qui laissait à désirer, je sentais mon dos en patir mais je n’en avais cure. Pour le moment, tout mon univers se résumait à Juha. Du mieux que je pouvais, je tentais de le réconforter, le serrant fermement contre moi, tout en lui caressant tendrement le dos.

Au bout d’un temps qui me parut interminable, je sentis Juha se faire de plus en plus lourd contre moi tandis que sa respiration se faisait plus lente et plus régulière. Il poussa un profond soupir et je compris qu’il venait de s’endormir, épuisé autant physiquement que mentalement par les larmes qu’il avait versé.

Je restais un instant immobile, attendant qu’il s’endorme suffisamment profondément pour ne pas le réveiller et, ne me voyant pas revenir, Philippe frappa quelques coups discrets à la porte avant d’entrer. Nous voyant ainsi enlacé, Juha endormi tout contre mon épaule, un de ses éternels sourires paternel étira ses lèvres alors qu’il murmurait :

- Tu ne devrais pas rester là, tu vas finir par attraper froid en restant assis par terre. Viens, tu seras bien mieux dans le salon.

Venant m’aider, il soutint Juha le temps que je me lève et m’étire, le corps endolori par la pose que j’avais gardée trop longtemps. Après quoi, Philippe m’aida à le soutenir jusqu’au salon, sachant pertinemment que seul, je n’arriverais pas à le porter, n’étant pas aussi bien bâti que Juha. Une fois devant le canapé, nous allongeâmes délicatement Juha sur celui-ci et alors que je m’apprêtais à aller chercher une couverture dans notre chambre, Philippe me posa une main sur l’épaule et déclara, me souriant tendrement :

- Assied-toi, j’y vais.

Docilement, j’obéis sans protester et soulevant la tête de Juha, je pris place sur le canapé avant de reposer sa tête sur ma cuisse. Quelques secondes plus tard, Philippe revint et son sourire s’élargit face au spectacle qu’il découvrait et devant son air malicieux, je ne pus que détourner le regard, sentant mes joues s’empourprer sous son regard lourd de sous-entendus.

Constatant ma gêne, son sourire s’accentua puis changeant radicalement de comportement, il demanda :

- Tu veux boire quelque chose ?

- Je prendrais bien un coca s’il te plait. Tu les trouveras dans le bas de la porte du frigo, expliquais-je.

- Je t’apporte ça, reprit-il avant d’ajouter gravement, nous devons parler toi et moi…

A ces mots, je sentis mon coeur s’emballer dans ma poitrine, redoutant malgré moi une révélation qui pourrait ne pas me plaire. Je n’aimais pas du tout l’air sérieux qu’avait Philippe en cet instant et pour moi, cela laissait présager le pire. Je l’avais rarement vu aussi sérieux et j’en étais venu à redouter cette expression, ne sachant que trop bien ce qu’elle signifiait. Lorsque Philippe revint, il me tendit mon coca avant d’aller prendre place dans le fauteuil qui me faisait face. Après un lourd silence angoissant, il finit par prendre la parole :

- Au risque de me répéter, je tiens énormément à toi Gabriel. Juha est un garçon très bien, adorable, gentil et pourvut de bien d’autres qualités, mais il traîne derrière lui un lourd passé… Que tu t’engages avec lui ne me pose aucun problème et tu le sais parfaitement. Cependant, tu dois savoir qu’en acceptant cette relation, tu acceptes également les problèmes de Juha comme lui accepte les tiens. Cela ne sera pas facile et tout rose tous les jours… C’est pourquoi je te demande de bien réfléchir… Vous êtes encore jeunes et vous avez du temps devant vous. il est inutile de précipiter les choses si l’un comme l’autre vous ne vous sentez pas prêt… Votre relation est encore fragile et je ne veux pas te voir souffrir…

- Je… Je sais, soufflais-je en reportant un instant mon attention sur Juha qui dormait toujours profondément.

Je laissais mes doigts courir le long de son visage en une caresse aérienne, rassemblant mon courage afin de dévoiler à Philippe ce que je cachais au plus profond de moi depuis quelques temps déjà. Inspirant profondément, je finis par déclarer, la voix un peu rauque, brisée par l’émotion :

- Je… Chaque jour je ressens de plus en plus fortement le besoin d’avoir Juha à mes côtés… Ca en devient presque oppressant… Il m’est devenu indispensable… Soufflais-je non sans gêne, néanmoins un peu honteux et gêné d’exposer ainsi ma vie sentimentale à Philippe qui m’écoutait religieusement et avec attention. J’ai déjà beaucoup réfléchi à la question et je veux vraiment tenter de construire quelque chose avec lui. Je ne sais pas ce que l’avenir nous réserve, mais je me sens prêt à essayer.

Après un court silence, j’ajoutais dans un murmure, craignant que Juha n’entende ce que je m’apprêtais à dévoiler à Philippe :

- Je… Je l’aime…

- Je sais, répondit Philippe, un sourire sincère dépeint sur son visage. Je l’avais deviné, peut être même bien avant toi.

Je ne répondis rien, détournant simplement le regard en sentant le rouge me monter aux joues.

- Je suis à la fois fier et heureux de te voir aussi rayonnant, poursuivit-il après un court silence. Le sait-il ?

Je secouais négativement la tête en guise de réponse et ne semblant pas surpris de ma réponse, il demanda :

- Pourquoi ?

- Par peur sans doute, répondis-je. J’ai peur que cela soit trop tôt, qu’il ne soit pas prêt à l’entendre… Et puis, je ne suis pas convaincu qu’il partage les mêmes sentiments que moi à mon égard…

- Tu sais, seul lui pourra te le dire, mais au vue des regards enflammés qu’il t’adresse, je mettrais ma main à couper que tu ne le laisse pas indifférent…

Je m’empourprais à ces mots, sans pour autant oser trop y croire. Après cela, nous restâmes silencieux un instant, mais le front plissé de Philippe m’incita à lui demander :

- Tu parais soucieux, il y a un problème ?

- Je m’interroge en effet, répondit Philippe sur un ton grave. Ne trouves-tu pas étrange les réactions excessives que peut parfois avoir Juha ?

- Que veux-tu dire ? Demandais-je, ne comprenant pas où il voulait en venir.

- Tout à l’heure, entreprit-il de m’expliquer, quand j’ai voulu soigner sa plaie, tout à fait bénigne soit dit au passage, il à sursauté violemment lorsque j’ai posé ma main sur son bras. Un peu comme… Un peu comme s’il venait de se brûler… As-tu déjà eu cette impression qu’il fuyait ton contact, ou même sans aller jusque là, qu’il l’évitait ou l’appréhendait ?

Je réfléchis un instant à la question de mon vis à vis avant de répondre avec hésitation :

- Maintenant que tu le dis, c’est vrai que parfois j’ai l’impression qu’il est… Pas dégoûté, mais… Plus comme surpris… Enfin, je sais pas trop comment l’expliquer, mais c’est comme s’il ressentait quelque chose quand je le touche… Tu as une idée de ce que cela peut être ?

- Aucune, répondit Philippe. Mais je me renseignerais sur la question…

Nous restâmes encore bien une demi-heure à parler ainsi et pour la première fois de ma vie, je parlais à coeur ouvert à Philippe, lui confiant sans crainte mes doutes et mes peurs, mes espoirs et mes illusions. Avant de partir, Philippe m’aida à changer Juha, puis attrapant la laisse de Shanenja, j’accompagnais Philippe jusqu’à sa voiture. Je restais un instant dehors, attendant que Shanenja finisse ses besoins avant de remonter à l’appartement. Puis, en attendant que Juha daigne enfin se réveiller, j’allumais la télévision histoire de faire passer le temps. Je n’eu pas à attendre indéfiniment car moins d’un quart d’heure après, je fus pris par la très désagréable sensation d’être observé. Je reportais mon attention sur Juha qui me regardait en souriant. Je répondis à son sourire, heureux de le voir ainsi, et avant que je n’aie le temps de réaliser mon acte, agissant sous l’impulsivité, je me penchais vers lui pour l’embrasser délicatement sur le front.

L’instant suivant, Juha s’asseyait et déposait sa tête tout contre mon épaule.  Malgré son silence, je pouvais sentir que quelque chose le tracassait. Mes doutes se confirmèrent lorsque subitement, il prit la parole, se libérant d’un poids qui semblait lui peser sur le coeur :

- Je suis désolé pour tout ça, Gabriel. A peine tu emménages ici que…

Sachant très bien où il voulait en venir, je le fis taire instantanément, avant qu’il ne prononce un mot de plus, d’une légère pression de mon index sur ses lèvres. Puis, pour donner plus de poids à mon injonction muette, je déclarais posément :

- Mieux vaux que tu te taises et que tu continues de te reposer si c’est pour dire de telles âneries. C’est fini Juha, ajoutais-je après quelques secondes. Il ne t’embêtera plus.

La sensibilité à fleur de peau,  c’est au bord des larmes et la voix brisée par des sanglots contenus qu’il déclara :

- Je… Pour tout ce qu’il t’a dit… Ne… Ne t’inquiète pas Gabriel. A la différence du frère de Killian, tu connais les circonstances et pourquoi je l’ai tué… Je… Jamais… Jamais je ne te ferais de mal, Gabriel…

Comprenant que sa crainte était réelle, je me tournais vers lui, plantant mon regard dans le sien et déclarais, toujours avec ce même ton calme et posé :

- Je le sais parfaitement Juha. Même si je ne sais pas tout, je te fais confiance.

Sans lui laisser le temps de répondre, je l’attirais à moi pour une tendre étreinte. Je sentis mon coeur se serrer douloureusement à la vue de la larme qui coulait sur sa joue. Je n’aimais décidemment pas le voir aussi faible. D’une voix brisée par l’émotion, il murmura à mon oreille, me faisant frissonner de tout mon être :

- Merci Gabriel… Merci d’être là… Merci pour tout ce que tu as fait…

La gratitude et la reconnaissance que je pouvais déceler dans sa voix me toucha profondément. S’il savait… S’il sait tout ce que je serais capable de faire juste pour le voir sourire… Maintenant que j’avais ouvert les yeux sur mes sentiments pour lui, ceux-ci me sautaient comme une bombe au visage. Je l’aimais… Je l’aimais comme une seule fois auparavant il m’avait été donné de le faire…

Nous restâmes un long moment ainsi et lorsque nous finîmes par nous séparer, j’insistais auprès de Juha afin qu’il aille prendre un bain qui lui ferait le plus grand bien. Ce soir, c’est moi qui préparerais le repas, même si je dois avouer que je ne suis pas très doué pour cela.

- Je n’ai pas vraiment faim, répondit simplement Juha.

Si je ne le connaissais pas, ces mots m’auraient sûrement vexés, mais je savais pertinemment qu’il n’y avait pas d’arrière pensées dans cette phrase. Juste une grande lassitude.

- Et bien tu te forceras un peu, insistais-je sur un ton qui n’acceptait aucun refus. Tu es tout pâle et fébrile et je pense sérieusement que te nourrir te fera le plus grand bien.

C’est avec soulagement que je vis Juha se détourner de moi pour se rendre à la salle de bain. Une fois seul, je me rendis à la cuisine et posais mes mains sur le plan de travail, fermant les yeux histoire de décompresser un peu de l’angoisse et de la fatigue qui se faisait ressentir. Après quoi, j’entrepris de préparer un repas rapide qui conviendrait très bien pour ce soir. Un moment plus tard, Juha vint me rejoindre à la cuisine.

- Ca va un peu mieux ? M’empressais-je de lui demander, satisfait de voir qu’il avait reprit quelques couleurs. Ne reste pas là, ajoutais-je, je t’amène ton assiette dans le salon.

Docilement, je le vis obéir sans protester. Je le rejoignis quelques secondes plus tard, une assiette dans chaque main. Je lui tendis la sienne avant de m’asseoir. Entamant la conversation, je déclarais :

- J’ai sortis Shanenja tout à l’heure, je l’ai nourris, il ne va pas tarder à nous rejoindre. J’irais le sortir une dernière fois tout à l’heure.

- Merci, se contenta-t-il de répondre.

Nous mangeâmes dans un silence monastique puis après avoir débarrassé le peu de vaisselle, je sortis Shanenja. A vrai dire, j’avais besoin de prendre l’air, de changer d’oxygène et de m’aérer l’esprit. Inconsciemment, Juha avait créé une certaine tension et malgré les efforts que je déployais, je n’aurais pas pu rester impassible ne serais-ce que quelques minutes de plus. Je comprenais parfaitement qu’il soit encore un peu déstabilisé par son expérience de cet après-midi, et j’étais là pour lui de façon la plus naturelle qui soit. J’aimais prendre soin de lui, lui montrer qu’il comptait pour moi, mais l’indifférence dont il faisait preuve depuis son réveil me blessait malgré moi.

J’avais l’impression de ne lui être d’aucune utilité… Mon coeur se serra douloureusement à cette pensée. De plus, j’étais partagé encre le désir de lui avouer enfin mes sentiments à son égard et cette petite voix intérieure qui m’intimait de me taire, de garder tout cela en moi au risque de le perdre. Jamais auparavant je n’avais été aussi indécis et tiraillé de la sorte et cela n’améliorait pas mon état actuel. J’étais sur les nerfs et à bout de patience, j’avais envie d’hurler ma frustration et mon désespoir au monde entier. Je voulais crier mon amour à Juha mais la peur de le perdre était trop forte, alors je me taisais… Etonnement, je sentis les larmes me monter aux yeux et d’un geste rageur, je les essuyais vivement. Je ne devais pas pleurer, pas pour lui… J’avais déjà versé trop de larmes par le passé et je ne voulais pas redevenir cet être faible et minable que j’avais été.

Finalement, je trainais un peu à l’extérieur malgré le froid qui m’engourdissait le corps, le temps de retrouver un air à peu près serein. Après une bonne vingtaine de minutes durant lesquelle Shanenja s’amusa à courir partout, je me décidais enfin à rentrer et puis, je ne voulais pas que Juha s’inquiète inutilement en ne me voyant pas revenir. Lorsque j’entrais dans l’appartement, je fus surpris de le trouver plongé dans le noir. D’une voix douce, j’appelais Juha, mais n’obtenant aucune réponse de sa part, j’en déduis qu’il avait dû aller se de coucher. Cela se confirma lorsque j’allumais la lumière dans notre petit salon et ne vis personne. Après avoir souhaité une bonne nuit à Shanenja en lui offrant un câlin, je fis un saut rapide à la salle de bain. Puis, sans bruit,  le plus discrêtement possible afin de ne pas réveiller Juha, je me glissais entre les couvertures.

Cependant, malgré ma discrétion, je le vis ouvrir les yeux et me sourire tendrement. Sourire auquel je répondis en sentant mon coeur se gonfflé d’amour pour cet homme qui venait illuminer ma vie. Ne résistant pas à la tentation de ses lèvres, je déposais délicatement les miennes sur sa bouche pour un baiser simple mais non démuni de sentiments. Après quoi, je m’allongeais à mon tour, me blottissant tout contre lui, à la recherche de sa chaleur et sa présence rassurante. Soupirant d’aisance et de bien être, je murmurais un simple “bonne nuit” avant de fermer les yeux et calquer ma respiration à celle calme et régulière de Juha.

Les jours qui suivirent passèrent à une vitesse surprenante. Des jours durant lesquels mon amour pour Juha ne cessait de croître, amour que je gardais enfoui au plus profond de moi. Habillé d’une chemise noir et d’un jean de la même couleur, nous nous apprêtions à nous rendre chez Philippe pour le réveillon du jour de l’an. Cependant, le bonheur que je ressentais en cet instant était entaché par la conversation que nous tenions. Nous savions pertinement que nous nous engagions sur un terrain glissant, mais ni l’un ni l’autre n’étions prêt à nous avouer vaincu en mettant un terme à cette conversation. Je voulais essayer de mettre un peu de plomb dans la cervelle de Juha, tenter de lui fair ecomprendre mon point de vue sur un sujet qui nous séprarait complètement.

- Ce que je veux dire, m’exclamais-je à bout de patience, c’est que tu pourrais profiter de cette nouvelle année qui commence pour aller voir ta famille. Si tu as peur d’y aller seul, je t’accompagnerais, ce n’est vraiment pas le souci.

Aussitôt que je prononçais ses mots, j’en vins à les regretter amèrement… Comment allait réagir Juha à cette intrusion de ma part dans sa vie privée ? J’étais lassé de cette conversation qui ne menait à rien, lassé de nos disputes répétitives pour des raisons qui n’en vallaient vraiment pas la peine. Visiblement irritté, Juha répondit sèchement :

- Tu ne comprend rien, Gabiel. Tu te places uniquement de ton point de vue pour analyser la chose. Ca te paraît si simple…

Blessé malgré moi par ces mots durs, je tentais tout de même de ne pas lui montrer à quel point ça m’avait touché et contre attaquais tout aussi vivement :

- C’est vraiment idiot, Juha. Tu as une famille, tu as de la chance et qu’est-ce que tu fais ? Tu gâches cette chance.

Comment pouvait-il être aussi buté ? Pourquoi n’essayait-il pas de comprendre mon point de vue, de s’imaginer à ma place ? Pourquoi devait-il à tout prix me convaincre qu’il avait raison et moi tors ? Tiendrait-il les mêmes propos s’il n’avait, comme moi, pas eut la chance d’avoir une famille et un foyer ?

- Ne juge pas sans savoir, s’exclama-t-il. Ce n’est pas parce que tu n’en as pas eu que j’ai eu, moi, une famille merveilleuse.

Retenant à grand peine des larmes de colère, de  douleur et de frustration, je m’exclamais un peu trop violemment peu être :

- Alors comment veux-tu que je comprennes si tu ne me dit rien ? Je ne connais presque rien de toi, poursuivis-je dans mon élan, emporté par le désespoir de voir que Juha semblait avoir si peu confiance en moi, sauf que tu as passé dix ans de ta vie en prison parce que tu as tué Killian…

Je me tus brusquement en réalisant ce que je venais de dire, sachat pertinement que j’avais été trop loin. Sur un ton calme qui ne laissait rien présager de bon, Juha déclara alors :

-Peu être que je ne te dis rien parce qu’il n’y a rien à savoir. Dix ans de ma putain de vie ont été gâchés en prison mais celle que j’avais avant n’était que très banale. Pourquoi je ne tiens pas à voir mes parents ? Tu veux vraiment le savoir ? ALors que je venais de leur annoncer mon homosexualité en leur présentant Killian, ils l’ont, face à nous deux, très bien prit. Nous avons passé une merveilleuse soirée.

Au fur et à mesure qu’il prononçait ces mots, Je sentais la colère de Juha se faire de plus en plus oppressante. Prenant un temps pour se calmer, il finit par reprendre :

- Quand j’y repense, quels hypocrites ! Toujours est-il que lorsque nous sommes allés nous coucher, j’avais oublié un truc dans le salon. Et c’est là que je les ai vu, ma mère pleurant dans les bras de mon père en se demandant ce qu’elle avait fait pour mériter cela. Il ne vaux mieux pas que je te raconte le reste parce que ça n’en vaux vraiment pas la peine. Ils avaient placé la barre très haute pour moi, alors que se sont-il dit lorsque leur fils qui plus est homosexuel est devenu un meurtrier ? Non, je n’irais pas les voir, c’est vraiment au dessus de mes forces.

Sur ces mots, je finit par me taire et prenant pleinement conscience des paroles de Juha, je restais silencieux. Ce ne fut qu’un moment plus tard que , m’avouant finalement vaincu, je posais ma main sur sa cuisse en un geste qui se voulait à la fois réconfortant et à la fois une demande de pardon. D’une petite voix, je murmurais :

- Je suis désolé, Juha…

Il m’adressa alors un regard que je ne parvins pas à analyser et honteux, je retirais ma main de sa cuisse. Quelques secondes plus tard, je me garais dans la cours, et sans un mot ni un regard pour Juha, je sortis de la voiture. Je devais avouer que j’étais terribelement honteux et gêné de mon comportement des plus égoïstes. Sans attendre Juha, jem’engouffrait sur le petit chemin pavé qui menait à la maison de Philippe. Soudain, je sentis Juha m’attraper par le bras avec douceur et fermeté, me forçant à lui faire face :

- Je suis désolé de m’être emporté ainsi… Murmura-t-il, une lueur de tristesse dans le regard.

Sans plus attendre, il m’attira en douceur contre lui et totalement envoûté, je me laissais faire docilement. La lueur dans ses yeux étant suffisament claire et explicite pour que je comprennne ce qu’il souhaitait et attendait de moi.

Cédant à cet amour qu’il faisait vibrer en moi, je parcourus en même temps que lui la distance qui séparait nos lèvres. Sentant un élan de bien être m’envahir, je me laissais complètement aller entre les bras de Juha, m’abandonnant à lui sans la moindre résistance. nous nous séparâmes un long moment plus tard, le souffle erratique suite à ce baiser des plus ardents que nous venions d’échanger. Ce baiser était pour moi signe de réconciliation, que tout ce qui venait de s’être dit appartenait au passé et ne devrait plus interférer dans le moment que nous nous apprétions à vivre avec Philippe. En aucun cas je voulais que cela ne vienne gâcher notre soirée à tous les trois. C’est côtes à côtes, étroitement proches que nous parcourûmes les derniers mètres qui nous restait à parcourir pour arriver chez Philippe.

A peine ce dernier eut-il sonné que Philippe nous ouvrait avec un grand sourire, comme s’il savait que nous étions sur le point de sonner.

- Bonsoir, déclara-t-il en se décalant de façon à nous laisser entrer. Comment allez-vous depuis tout à l’heure ?

- Très bien, répondis-je en lui tendant une bouteille de champagne achtée la veille, omettant délibérément d’évoquer notre récent différent.

- Merci, déclara Philippe. Débarrassez-vous de vos affaires, faites comme chez vous. Je vais la mettre au frais.

Sur l’invitation de Philippe, nous nous dévêtîmes puis je guidais Juha jusqu’au salon, connaissant parfaitement la maison. Nous prîmes place sur le canapé, à une distance raisonnable l’un de l’autre. Philippe ne tarda pas à nous rejoindre avec un petit appéritif. Très vite, la conversation dévia sur le domaine professionnel et les chevaux qui, étant pour Philippe comme pour moi, une véritable passion, ne nous lassait pas le moins du monde. Juha écoutait avec attention, prenant par de temps en temps à la conversation, semblant véritéblement interressé, même si je devais avouer qu’il n’y connaissait pas grand chose, bien qu’il apprenait de jour en jour. Après une petite heure, nous passâmes à table et c’est avec un véritable plaisir que nous dégustâmes le repas que Philippe, en fin cuisinier, avait préparé.

Durant le repas, nous parlâmes des sujets des plus variés et ce ne fut qu’au moment du dessert que finalement, je me décidais à poser la question qui me travaillait depuis un moment, mù’engageant inconsciement vers une conversation des plus innatendues :

- Et tu n’as jamais envisagé de rencontrer quelqu’un ? Demandais-je non sans hésitation. Je veux dire à nouveau ?

- Oh tu sais, répondit Philippe avec un sourire amusé, le ranch me prend beaucoup de temps. Je ne sors presque pas d’ici, ajouta-t-il en retrouvant son sérieux, sauf pour quelques courses et j’habite sur mon lieu de travail. Mais je pense bientôt trouver un successeur. D’ailleurs, j’ai ma petite idée, ajouta-t-il en me lançant un petit sourire que je ne parvins pas à déterminer.

- Qui ça ? Demandais-je surpris et intéressé.

Philippe me regarda avec plus s’insistance et après un temps durant lequel je réalisais soudain le sous entendu, je déclarais, incrédule :

- Qui ça ? Moi ?

Philippe ne répondit rien, se contentant d’un simple hochement de tête agrémenté d’un sourire victorieux. C’est affreusement gêné et mal à l’aise que je poursuivis avec hésitation, mais avec toute ma reconnaissance :

- Merci… Vraiment… Je… Je suis touché que tu penses à moi, mais tu devrais choisir quelqu’un d’autre.

Baissant la tête, honteux de moi-même, je poursuivis :

- Je n’ai pas assez d’expérience et je suis loin d’abattre ton travail, je…

- Quand est-ce que tu vas te faire un peu plus confiance Gabriel, me coupa vivement Juha. Si Philippe t’a choisit, poursuivit-il avec fougue et conviction, je pense qu’il le fait en connaissance de cause et qu’il sait que tu en es capable.

- Juha a rison, renchérit Philippe sans me laisser le temps de rétorquer. Ne t’inquiète pas, je ne vais pas partir du jour au lendemain. Mais si tu acceptes, je veux bien te former et te céder de plus en plus de tâches importantes. Si je t’ai choisis c’est parce que je te fais entièrement confiance.

Sous le compliment, je sentis mes joues s’empourprer violemment tandis qu’un sourire gêné étirait mes lèvres. Emu, je ne parvins qu’à remercier Philippe. Reconnaissant envers lui, je me fis mentalement la promesse de considérer sérieusement sa proposition qui remettait en doute mes projets d’avenir. Mais peut-être pourrais-je tenter de concillier les deux… Je me promis d’y réfléchir, mais pas maintenant. Je voulais par dessus tout passer une fin de soirée tranquille et sans prise de tête, à me torturer l’esprit à pese le pour et le contre de sa proposition.

Après la fin du repas, Philippe nous invita à passer au salon pour prendre un dernier verre en attendant les douze coups de minuit. Timidement, je jetais un coup d’oeil à Juha avant de m’approcher de lui. Aussitôt, il passa un bras derière ma nuque, sous le regard de Philippe que je sentais et savais posé sur nous avec bienveillance.

La suite de la soirée se déroula dans la même ambiance chaleureuse et détendue comme j’avais rarement eu l’occasion de connaître, même avec Marion. Lorsque les douze coups de minuit sonnèrent enfin, je me tournais vers Juha, m’écartant légèrement de lui afin de pouvoir lui faire face. Avec un souirre néanmoins gêné, je murmurais :

- Bonne année, Juha.

Puis, sans attendre de réponse, je m’approchais lentement de lui et déposais mes lèvre sur les siennes en un baiser passionné, faisant fi du regard de Philippe posé sur nous. Avidement, je laissais partir à la recherche de celle de Juha et lorsqu’enfin elles se rencontrèrent, mon corps entier frissonna de plaisir mal contenu. Avec fougue, nos langues se mêlaient en un ballet sensuel qui fit naître une étrange chaleur au creux de mes reins.

Ce baiser était pour moi synonyme d’un nouveau départ, souhaitant oublier nos disputes et repartir à zéro pour la nouvelle année qui se présentait. Souhaitant lui faire comprendre que je lui appaartenais à présent totalement, je m’abandonnais comme jamais entre ses bras, lui rendant fiévreusement son baiser dont il avait finit par prendre le contrôle. Accroché à lui comme à une bouée de sauvetage, je tentais de ne pas me laisser dériver vers ce sentiment inconnu qui brûlait en moi. C’est à bout de souffle que nous finîmes par nous séparer.Hypnotisé, je plantais mno regard dans le sien alors qu’il murmurait à son tour, un doux sourire dépeint sur le visage :

- Bonne année, Gabriel…

Rougissant, je me tournais ensite vers Philippe, dont j’avais honteusement momentanément oublié la présence, qui nous observait avec toujours dans ces yeux cette immense bonté qui le qualifiait. D’une voix emplie d’émotions, il déclara :

- Bonne année à vous deux.

Nous lui rendîmes en choeur son voeux de bonne année et après avoir passé les premières heures de l’année en compagnie de notre hôte, nous finîmes par nous décider à rentrer, ne serait-ce que pour ne pas laisser Shanenja seul trop longtemps. Après de chaleureuses salutations et le renouvellement de nos voeux de bonheur, ,pus nous apprêtions à sortir quand Philippe demanda à Juha :

- Au fait, comment va ton bras ?

- Beaucoup mieux, merci, répondit Juha.

- Bien ! Répondit Philippe avant d’ajouter un moment après, je vous souhaite une excellente fin de soiréeet merci d’être venus. soyez prudents sur la route.

Sur ses mots, Philippe et Juha se serrèrent la main et alors que Philippe s’apprêtait à faire de même avec moi, je le pris dans mes bras, le serrant contre moi afin de lui exprimer ma reconnaissance et ma gratitude pour tout ce uq’il avait fait et continuait à faire pour moi.Dans un murmure, me sachnt trop ému pour émettre le moindre son, je lui exprimais mes remerciement et l’amour paternel que je lui vouais. Semblant lui aussi plus touché qu’il semblait vouloir le laisser paraître, il me rendit mon étreinte.

Après un dernier “au revoir”, nous retournâmes en silence à la voiture. Ce ne fut que lorsque nous fûmes sur le chemin du retour que Juha prononca les premiers mots, brisant le sielnce qui nous entourait :

- Vraiment, nous avons passé une très bonne soirée.

- Oui, répondis-je simlement.

Contre toute attente, du coin de l’oeil, je vis Juha se pencher vers moi et c’est non sans rougir que le le sentis déposer ses lèvres sur ma joue, à la limite de la commissure de mes lèvres avant de murmurer :

- Je suis content d’avoir passé ces premières heures de l’année avec toi.

Le coeur battant à tout rompre, un sourire niais étirant mes lèvres, je déclarais, maitrisant mal la joie qui m’habitait :

- Moi aussi.

Le reste du trajet s’effectua dans un silence monastique. Bientôt, nous arrivâmes à notre appartement. Malgré les jours passés, cela me faisait toujours un drôle d’effet cette désignation, de dire “notre” comme si nous étions un… couple à part entière. Cete simple idée remplissait mon coeur d”une joie indescriptible.

A peine étions nous entrés dans le hall que Shanenja se précipita vers nous en glapissant joyeusement et sauta dans les bras de Juha lorsque celui-ci s’agenouilla pour être à sa hauteur.

- On l’a sorti tôt ce soir, je vais lui faire faire une toute petite ballade, j’en ai pas pour longtemps, dit-il en se redressant.

- A tout de suite, répondis-je simplement, n’ayant pas le courage de l’accompagner.

Alors que je regardais Juha quitter l’appartement, un pincement au coeur me contracta la poitrine. J’avais la désagréable impression qu’il cherchait à m’éviter. Avais-je inconsciemment fait quelque chose qui l’aurait dérangé ? Ce qui me troublait avec Juha, c’était la façon qu’il avait de se comporter. Il pouvait être tellement tendre et attentif à moi presque soucieux de mon bien être et l’instant d’après, tellement froid et distant… Cela en était déroutant, je ne savais jamais vraiment comment me comporter avec lui.

Mettant fin à mes interrogations, j’allais me changer. Une fois mon jogging et mon vieux t-shirt enfilés, j’allais me poser devant la télévision en attendant le retour de Juha. Plongé dans mes songes, c’est à peine si j’entendais et voyais ce qui se déroulait à l’écran. Intérieurement, j’angoissais à l’idée de la manière dont allait se terminer cette soirée. Sans savoir pourquoi ni comment, je sentais que quelque chose était en train d’évoluer entre Juha et moi. Notre relation était inconsciemment passée au stade supérieur. Peu être que l’acceptation de mes sentiments pour lui y était pour quelque chose… Je n’en savais trop rien. De plus, depuis quelques temps, je sentais une certaine tension chez Juha, tension que je n’aurais su expliquer. De mon côté, je pouvais difficilement nier que quelque chose en moi changeait et évoluait. J’avais l’impression qu’il me manquait quelque chose mais je n’aurais su dire quoi.

Depuis quelques jours, je ressentais cette étrange chaleur au niveau des reins, comme un brasier qui naissait en moi pour se propager lentement mais sûrement dans mes veines, embrasant la totalité de mon corps. Cette chaleur, je m’étais vite aperçu que c’était Juha qui la faisait naître en moi et qui l’attisait, consciemment ou non, à chacun de nos baisers. Ceux-ci aussi avaient gagnés en intensité. A chacun de nos baisers, a langue qui explorait ma bouche et dansait avec ma langue m’enfiévrait prodigieusement et à présent ne me suffisaient plus.

J’avais besoin de plus, j’avais besoin de sentir Juha toujours plus près de moi, de sentir sa chaleur m’irradier entièrement… Etait-ce cela le feu qui brûlait en moi et portait le nom de désir ? Est-ce que je… Désirais Juha de façon charnelle ?

A cette simple pensée, je sentis le rouge me monter aux joues et me giflais mentalement et tant bien que mal, je tentais de penser à autre chose qu’à cette chaleur qui s’immisçait en moi à l’évocation de Juha. Cependant, malgré toue la bonne volonté, mon imagination finit par prendre le dessus et c’est non sans honte que mon esprit s’empli d’images de Juha toutes plus sensuelles les unes que les autres. Les joues en feu, j’étouffais une gémissement de honte et de frustration mêlés et me précipitais à la salle de bain. Là, je me passais le visage sous l’eau froide, évitant soigneusement de poser mes yeux sur le reflet que me renvoyait le miroir, trop honteux parce que je venais de découvrir sur moi-même.

Que dirait Juha s’il se rendait compte que je pensais à lui de manière aussi impudique et éhontée ? Cependant malgré moi, mon esprit se focalisa sur cette fameuse nuit de Noël, cette soirée durant laquelle il m’avait fait découvrir que le plaisir entre homme pouvait être possible. Cette nuit là, si comme lui, j’avais été plus sûr de moi, aurions nous été plus loin ? Juha me désirait-il comme je… Comme je le désirais ?

De nouveau, le rouge me monta aux joues et maudissant cette gêne excessive qui me faisait rougir, je me repassais le visage sous l’eau glacée avant de m’essuyer succinctement et de regagner le salon. A la télé, monsieur Jack se complaignait de son malheur et de son existence dont il se lassait. Reportant toute mon attention sur ce film que j’adorais, je fini par occulter de mon esprit les pensées érotiques de j’avais eu. Peu à peu, mon coeur retrouva un rythme régulier et la température de mon corps baissa de plusieurs degrés.

Finalement, après un temps indéfini, Juha poussa la porte de l’appartement. Je l’entendis s’affairer un moment dans le couloir avant de venir me rejoindre dans le salon, tout en se débarrassant de sa veste et de son pull.

Sans pudeur aucune, je détournais mon regard de l’écran pour reporter mon attention sur Juha torse nu un peu plus loin, se changeant sans la moindre gêne face à moi. A la vue des bras puissants et du torse admirablement bien sculpté de Juha, je sentis de nouveau cette chaleur s’immiscer en moi et m’envahir et embraser lentement mes reins. C’était plus fort que moi, je me sentais irrémédiablement attiré par les courbes gracieuses de son corps. Juha sembla sentir mon regard posé sur lui car il tourna la tête vers moi. Honteux de me faire surprendre en flagrant délit de matage, je détournais aussitôt la tête tandis que le rouge me montait aux joues. J’entendis plus que je ne vis Juha venir vers moi, se plaçant entre moi et la télévision.

- Alors comme ça, tu te rinces l’œil quand j’ai le dos tourné ? Demanda-t-il un sourire victorieux en coin, visiblement satisfait de me voir aussi mal à l’aise. Et en plus tu rougis…  Ajouta-t-il moqueur.

Quelque peut vexé par son attitude, je répliquais, me défendant comme je pouvais :

- Moi au moins je ne m’exhibe pas !

C’était certainement la réplique la plus pitoyable que je trouvais, mais Juha me faisait décidemment perdre tous mes moyens. Etonnement, contrairement à ce que je m’attendais, il ne se moqua pas de moi, mais déclara d’une voix soudainement rauque, une lueur inconnue brillant dans son regard vert profond :

- C’est d’ailleurs vraiment dommage…

Je réprimais un sursaut de surprise face à cette réponse des plus improbables. Devais-je y comprendre là un sous entendu ? Je me levais après le temps de surprise passé et lui fit face. Plongeant mes yeux dans les siens, je tentais de dissimuler le trouble que sa réponse avait provoqué en moi, murmurant d’une voix étrangement basse :

- Je crois qu’il vaut mieux trouver un moyen de te faire taire.

- Ah oui ? Demanda-t-il innocemment.

Entrant de son jeu, plus troublé que jamais par l’étincelle qui brûlait dans ses prunelles émeraude, je l’attrapais par le col de son pyjama et l’attirais à moi pour un baiser des plus intenses. Je sentais la température de mon corps augmenter considérablement, faisant bouillonner mon sang dans mes veines au fur et à mesure que le baiser s’intensifiait.

Afin de ne pas montrer à Juha les sentiments inavouables qu’il me faisait ressentir, je mis toute l’ardeur et la sensualité dont j’étais capable dans ce simple baiser. Nos langues se mêlaient en une fougueuse chorégraphie et mon coeur s’emballa lorsque finalement, grisé par la passion que nous mettions dans notre baiser, Juha laissa ses mains glisser dans le bas de mon dos, au creux de la chute de mes reins, m’attirant presque violemment contre lui. Etonnement, l’exaltation qu’il mit dans ce simple geste ne m’effraya pas comme la première fois. Au contraire, je me sentais étrangement bien et à ma place entre ses bras et sous ses baisers. En moi, je sentais que quelque chose avait changé dans la façon que Juha avait de m’embrasser. Ses gestes étaient avides et empressés mais avaient aussi quelque chose de fébrile, quelque chose que je ne parvenais pas à déterminer.

Cependant, tout s’éclaira dans mon esprit lorsqu’il mit subitement un terme à notre échange et bredouilla, tout penaud :

- Je suis désolé Gabriel, mais si on va plus loin, je ne saurais plus me retenir.

Alors c’était cela ? Juha me… Désirait autant que je le désirais ? Plongeant mon regard dans le sien, l’étincelle de désir que je décelais fit bondir mon cœur dans ma poitrine alors qu’il s’emballait brusquement sous l’effet de la joie que je ressentais. A présent, je savais ce que je voulais. Et je le voulais lui… Un sourire radieux étirant mes lèvres, dans un murmure, je lui soufflais :

- Je ne te demande pas de te retenir…

Je le vis tressaillir sous l’effet de la surprise et rester muet de stupéfaction, ne s’attendant visiblement pas à cette réponse de ma part. Pourtant, j’y avais mûrement réfléchi et mes sentiments à l’égard de Juha étaient bels et bien réels. Cette nuit, je voulais m’offrir à lui, je voulais être à lui et lui appartenir jusqu’à ma mort… Bégayant, il me demanda :

- Je… Enfin… Tu es sûr ?

Je souris, amusé de le voir perdre tous ses moyens sous l’effet d’une simple phrase, mais néanmoins reconnaissance de sa considération à mon égard. Puis retrouvant tout mon sérieux, je répondis :

- Je suis prêt, Juha… Et je t’aime, ajoutais-je mentalement.

Je souris de nouveau face à l’air perdu et déboussolé qu’arborait Juha et souhaitant mettre des gestes sur mes mots, je l’attirais délicatement à moi. Cependant, à ma grande surprise, ce fut lui qui prit possession de mes lèvres, m’entrainant dans un baiser toujours plus passionnel, me faisant clairement ressentir le désir qu’il éprouve pour moi. En moi, je sentais mon désir pour Juha augmenter considérablement au fil de notre baiser torride. Attisé par ses sensations nouvelles qu’il faisait naître en moi, je me collais indécemment contre lui alors que dans ma poitrine, mon rythme cardiaque augmentait à chaque seconde. Je pouvais entendre mon coeur battre à mes oreilles alors que mon sang affluait irrémédiablement vers la partie la plus intime de mon anatomie. Malgré moi je rougis de cette réaction physique des plus naturelles pourtant, n’ayant jamais éprouvé cette sensation de mon propre gré.

Un peu perdu et néanmoins effrayé par la pente inconnue que prenait ma vie, je glissais mes mains sous le t-shirt de Juha alors que nos langues se rencontraient. Répondant à mon étreinte, Juha m’enlaça à son tour, passant sa main sur ma nuque afin d’approfondir d’avantage notre échange tandis que la seconde allait se perdre au creux de mes reins, glissant sensuellement le long de ma colonne vertébrale. A cet effleurement, mon corps entier fut prit d’un violent frisson de plaisir que je ne parvins pas à réprimer.

Dans la volonté de rendre à Juha le même plaisir qu’il me procurait, je laissais ma main descendre de son torse jusqu’à son bas ventre. J’étais maladroit dans mes gestes et je ne savais pas quoi faire pour rendre à Juha le même plaisir qu’il m’offrait. A ma plus grande honte, Juha m’attrapa le poignet, m’empêchant d’aller plus loin et mettant fin à nos baiser avant d’abandonner mes lèvres rougies et gonflées par nos baisers, il glissa lentement jusque dans mon cou et murmura au creux de mon oreille :

- Ne va pas trop vite, Gabriel. Nous avons tout notre temps…

A la réaction de surprise de Juha, je compris que je venais de faire une erreur. Rougissant de honte et de malaise, je retirais précipitamment mes mains de son corps, honteux de mon propre comportement. Sentant les larmes inonder les yeux, je souhaitais par dessus tout que Juha ne me tienne pas rigueur de cet empressement. Jamais je n’avais pour ainsi dire fait l’amour avec la personne que j’aimais, la relation que j’entretenais avec Marion relevant plus du simple désir charnel qu’elle semblait éprouver pour moi. Jamais tout au long de notre relation je n’avais été à l’initiative, Marion prenant toujours le dessus. Il faut dire, que je n’avais été attiré par elle, même sexuellement parlant… A cet instant, je n’avais qu’une envie, celle de disparaître, de me cacher de Juha, de cacher ma honte et mon manque flagrant d’expérience. Cependant, bien loin de me rejeter, Juha retint mon poignet et m’attira près de lui dans un mélange de tendresse et de fermeté. De sa main libre, il me força délicatement à relever la tête et captant finalement mon regard fuyant, il ajouta d’une voix étrangement rauque :

- Je suis loin de t’avoir dit de tout arrêter…

Prenant ma main, il la posa doucement sur son torse, me faisant m’empourprer d’avantage avant d’ajouter dans un murmure :

- Je disais juste qu’il ne sert à rien de se précipiter…

Sans me laisser le temps de répondre, il prit possession de mes lèvres pour un baiser dans lequel il fit passer toute sa douceur en un rythme désespérément lent et sensuel. Lentement, je finis par me détendre avant de m’abandonner au plaisir que Juha m’offrait. Délicatement, sans rompre pour autant le contact délicieux de nos lèvres soudées entre elles, Juha me fit reculer de quelques pas et entièrement en confiance entre ses bras, je me laissais docilement guider.

Sur un dernier baiser, il me poussa lentement, m’obligeant ainsi à m’asseoir sur le canapé. Je m’exécutais et au lieu de venir me rejoindre, Juha resta debout face à moi, hors de portée. Etrangement, à ne plus sentir sa chaleur m’envahir, je ressentis un frisson glacé parcourir mon corps. Inaccessible, Juha me contemplait, me surplombant de toute sa hauteur alors qu’en moi, un manque de lui se faisait douloureusement ressentir.

Je plongeais alors mon regard dans le sien, souhaitant lui faire comprendre à quel point j’avais besoin de lui et quelle ne fut pas ma surprise lorsque je le vis se caresser éhonteusement, me faisant rougir de son absence totale de pudeur. Cependant, hypnotisé par le spectacle qu’il m’offrait et la grâce féline avec laquelle il se mouvait, je ne parvenais pas à détourner le regard de lui. Avec savoir faire caractérisant son expérience, il attrapa chaque côté de son t-shirt et l’enleva avec une lenteur déconcertante, dénudant sans précipitation son torse admirablement bien sculpté. Captivé par ce spectacle es plus attrayant, le rouge aux joues et le souffle court, je ne pouvais détacher mon regard du corps indécent de Juha.

Lorsqu’il eut retiré son t-shirt, il le laissa tomber sur le sol et plantant son regard enflammé dans le mien, il s’avança jusqu’à moi dans une démarche féline des plus sensuelles. Lentement, il se pencha au dessus de moi, posant un genou entre mes cuisses en une position plus qu’explicite, alors que ses lèvres venaient à la rencontre des mienne. Je fermais les yeux dans l’attente de ce délicieux contact qui, à mon plus grand désespoir n’arriva pas. Son souffle chaud caressait mon visage en un doux effleurement aérien, me faisant vibrer de tout mon être. Sous le plaisir ressenti, je cessais un instant de respirer, galvanisé par ce feu qui embrasait mon corps. Les yeux toujours clos, je retenais à grand peine un gémissement de frustration, sentant ma patience s’effiler de secondes en secondes alors que j’attendais toujours ce baiser qui ne venait pas.

A présent, je pouvais sentir mon désir augmenter irrémédiablement au contact impudique mais terriblement agréable du genou de Juha qui frottait éhonteusement contre mon intimité. Finalement, je sentis que je ne vis Juha s’approcher de moi et alors que j’entrouvrais les lèvres pour enfin savourer ce baiser tant attendu, Juha se contenta d’effleurer sensiblement ma bouche avant de changer de trajectoire et de déposer ses lèvres si tentatrices dans mon cou.

Enivré par les frissons de plaisir qui contractaient violemment les muscles de mon corps, je m’accrochais inconsciemment aux épaules de Juha comme à un rocher alors que des vagues de plaisir à l’état pur déferlaient sur moi. Dans mon cou, la langue de Juha partait à la découverte de ce terrain qui lui était encore inconnu, attisant le brasier qui m’enflammait.

Lorsque ses mains brûlantes se faufilèrent sous mon t-shirt, je raffermis ma prise sur ses épaules, plantant mes ongles dans sa chair alors que je me sentais partir, emporté par les vagues d’un plaisir trop grand. Tout en redessinant mes abdominaux du bout des doigts,  Juha me murmura à l’oreille combien il me trouvait beau. Je tressaillais violemment et malgré l’engourdissement qui s’emparait lentement mais sûrement de mon esprit, ses mots se frayèrent un chemin jusqu’à mon cerveau, m’arrachant un soupir de bien être. Tout compte fait, y avait-il une infime chance pour que mes sentiments soient partagés ?

Je me giflais mentalement… L’entendre dire qu’il me trouvait beau ne signifiait pas qu’il éprouvait quelconque sentiment à mon égard. Pourtant, en cette nuit du jour de l’an, je me surprenais à espérer que cela fus possible un jour…

Enhardi par cette simple idée, je laissais mes doigts courir lentement sur sa peau, descendant le long de sa colonne vertébrale. Tout contre mon cou ultrasensible, je sentis Juha ouvrir la bouche alors que sa respiration se bloquait le temps d’une fraction de seconde. Sa peau sur laquelle une fine pellicule de sueur était en train de se former tressaillie sous ma caresse pourtant des plus innocentes.

Lentement, les doigts de Juha se mirent en œuvre et remontèrent mn t-shirt alors que sa bouche et sa langue dansaient sur mes épaules et dans mon cou, laissant au passage des traînées de lave en fusion. Stimulé de par ses mains et sa bouche, je vibrais de tout mon corps, complètement abandonné au plaisir charnel que me procurait Juha, gardant cependant ce qu’il fallait de lucidité pour laisser mes mains vagabonder librement sur son dos nu en gestes toujours quelque  peu hésitants.

Subitement, ses lèvres quittèrent mon cou pour aller se poser en douceur sur mes abdominaux à présent dénudés et entièrement exposés à son regard. Je rougis à cette constatation, néanmoins honteux d’exposer mon corps imparfait au regard impudique de Juha. Cependant, sous ses attentions, j’avais le sentiment d’être pour lui un objet d’art, fragile et précieux qu’il fallait manipuler avec la plus grande douceur et une délicatesse extrême. Sous son regard de braise, pour la première fois de ma vie, je me sentais beau…

Soudain, ses doigts caressèrent, sans pudeur aucune, mes tétons qui s’érigèrent d’avantage sous le plaisir que m’apporta cet attouchement. Juha semblait savoir exactement où me toucher pour faire naître en moi un plaisir violent qui électrisait mon corps dans son entièreté et déconnectait mon esprit du moment présent et de la réalité, ne me laissant plus que les mains de Juha sur mon corps incandescent comme seuls repères.

Alors que ses doigts habiles et experts jouaient avec mes tétons hypersensibles, sa langue triturait mon nombril, mimant ce que je perçus comme être l’acte ultime. A ce contact, un tout nouveau plaisir me vrilla les reins en entrouvrant les lèvres, je laissais s’échapper mon premier gémissement de plaisir alors que mes ongles se plantaient violemment dans la peau de ses épaules. Comme spectateur de ce que je vivais, je sentais mon corps trembler sans en avoir réellement conscience, comme si ce corps dont je ressentais les moindres réactions ne m’appartenait pas.

De sa main libre, Juha remonta mon t-shirt plus qu’il ne l’était déjà, dévoilant mon torse imberbe à son regard tandis que sa bouche suivait le même chemin, léchant et goûtant chaque nouvelle parcelle de ma peau, comme s’il voulait le goûter. Un nouveau gémissement franchit les barrières de mes lèvres lorsque sa langue remplaça ses doigts et vint titiller mes boutons de chair durcis et gonflés par le plaisir. Galvanisé par ce plaisir toujours plus fort qui embrasait mes sens, je m’agrippais de nouveau aux épaules de Juha qui sursauta sous la douleur que je lui causais sans vraiment en avoir conscience.

Soudain, une de ses mains quitta ma peau, me laissant un sentiment de froid et d’abandon qui fut vite remplacé par une fournaise incandescente qui inonda mon corps lorsqu’elle se posa à l’intérieur de ma cuisse, m’effleurant du bout des doigts, avant d’aller finir sa course sur mon intimité douloureusement tendue. Je me cambrais brusquement sous l’afflux de plaisir que ce simple geste fit naître en moi. Cette fois-ci, je ne pus retenir un son entre cri et gémissement qui s’éleva dans le silence de la pièce, seulement brisé par le bruit de nos respirations erratiques.

Noyé dans les limbes du plaisir, c’est à peine si je pris conscience que Juha m’ôtais définitivement mon t-shirt. Seuls mes abdominaux se contractèrent lorsque de nouveau, ses mains se posèrent dessus en un contact ferme mais infiniment doux. Un éclair de lucidité traversa mon regard vitreux lorsque je sentis le regard pierre précieuse de Juha chercher le mien. Je ne parvins pas à déchiffrer l’intensité qui illuminait ses iris, mais je pressentais que quelque chose d’important se jouait en lui. Cette pensée me ramena sur terre et tentant de retrouver mes esprits, je me focalisais sur Juha, une boule à l’estomac. A nouveau cette envie, ce besoin de lui faire par de mes sentiments s’imposait à moi… Je n’y tenais plus, il fallait que je lui dise…

Plongeant mon regard embrumé dans le sien, je murmurais d’une voix brisée par l’émotion et le plaisir qui me consumait lentement :

- Juha… Juha je t’…

Cependant, alors que j’allais m’ouvrir à lui, lui dévoiler mes sentiments les plus profonds et les plus secrets dans leur intégralité, Juha me fit taire d’un baiser. Un peu déboussolé par cette soudaine interruption, je n’y répondis pas immédiatement. Je ne comprenais pas l’empressement avec lequel il m’avait fait taire. Se doutait-il de ce que je m’apprêtais à dire ? Intérieurement, je suspectais que oui, il savait pertinemment la signification de mes mots. Mais alors pourquoi m’avoir arrêté ? N’était-il pas prêt à les entendre ou bien refusait-il simplement de s’impliquer d’avantage ? Croyait-il que je m’apprêtais à prononcer ces mots sur un coup de tête, l’ambiance et notre soudaine proximité aidant ? Ou alors, mais cette pensée me serra douloureusement le coeur, ne me voyait-il que comme un coup d’un soir ? Je n’en savais que trop rien et je ne parvenais pas à réfléchir convenablement, la langue de Juha dansant avec la mienne me déconnectant de la réalité.

 Finalement, je finis par répondre à son baiser, faisant passer tout l’amour et le désir que j’éprouvais pour lui, ne pouvant le lui faire comprendre et accepter de cette unique façon.

Je me sentais perdre pieds sous ses baisers, alors que nos langues se mêlaient en un ballet des plus érotiques, me grisant entièrement. C’est le souffle court que nous finîmes par nous séparer et je retenais  mal un frisson d’exaltation en sentant les mains de Juha migrer inexorablement vers mon bas ventre, attisant dangereusement ce feu qui brûlait mes reins et m’électrisait.

A présent, je n’étais plus que gémissements et sensations de plaisir extrêmes réunies en un corps qui ne m’appartenait plus. Je me sentais littéralement fondre sous ses attentions particulières, de ses lèvres et sa langue jouant impudemment avec mes boutons de chair pointant sous le plaisir. Un énième gémissement mourut dans ma gorge avant d’avoir pu éclore alors que Juha me donnait un aperçu des étoiles. Noyé entre la réalité et les limbes du plaisir, je tentais de me raccrocher au moment présent, les épaules de Juha étant le point le plus sûr. J’étais partagé entre un double plaisir procuré à la fois par la langue de Juha sur ma peau incandescente et sa main qui s’activait vivement au niveau de mon entrejambe, à défaire les boutons de mon jean avec un empressement non feint.

Souhaitant me libérer au plus vite de ce vêtement devenu inutile qui me compressait désagréablement, je soulevais légèrement mon bassin, aidant ainsi Juha à me dévêtir. Chose qu’il exécuta à la hâte, prenant bien soin d’effleurer au passage mon intimité sensible et douloureusement gonflée de désir. Sous la vague de plaisir qui me vrilla les reins à cet attouchement, j’ouvris subitement les yeux que je n’avais pas eu conscience de fermer et mon regard se posa directement sur Juha qui, agenouillé entre mes cuisses en une position des plus suggestives effleurait lentement de la main mon érection conséquente, me fixant avec un regard qui en disait long sur ses intentions, un sourire gourmand étirant ses lèvres. Ce simple geste eut pour effet de m’arracher un sanglot de frustration. Mon corps se consumait à petit feu d’un désir qui ne demandait qu’à être assouvi et en ce moment même, j’avais besoin de plus qu’un simple effleurement terriblement frustrant. Je voulais sentir Juha contre moi, sentir ses doigts caresser ma peau en un effleurement sensuel. Je voulais sentir sa chaleur m’irradier et me repaître du goût salé de sa peau et de son odeur tellement sensuelle et excitante.

Un rapide coup d’oeil à Juha me confirma ce que je pensais. Les yeux flamboyant, il semblait fier du pouvoir qu’il exerçait sur moi, satisfait de m’avoir à sa merci et profiter de mon abandon pour me torturer de la plus douce des façons qui soient. Mettant fin à ma douce torture, il fit suivre à mon boxer le même chemin avant de se redresser fièrement et de m’observer comme un artiste contemple son œuvre après l’avoir terminée. Mal à l’aise et honteux de sentir son regard empli de désir observer avec envie et gourmandise mon corps entièrement nu offert à sa vue, je détournais la tête, atrocement gêné. Jamais encore je n’avais été admiré de la sorte et cela me perturbait grandement. Je sentais le regard lubrique de Juha posé sur moi, me brûler la peau à force de me dévorer des yeux.

Un nouveau gémissement franchit la barrière de mes lèvres lorsqu’une de ses mains se posa sur mon intimité et m’offrit une caresse bien plus poussée que toutes les précédentes. Semblant satisfait de l’effet qu’il me faisait, il réitéra son geste plusieurs fois d’affilé, m’arrachant des gémissements de plaisir, alors que je n’avais plus conscience du bruit que je faisais. Seul comptait désormais, les mains de Juha sur mon intimité en feu.

Submergé par le plaisir que me donnait Juha, je me cambrais brusquement, crispant mes doigts sur ses épaules alors qu’il me procurait une toute nouvelle caresse des plus intimes alors que sa main redoublait d’efforts. Un cri de plaisir à l’état pur franchit mes lèvres entrouvertes au contact chaud et humide de la langue de Juha sur mon intimité. Dans une demande inconsciente de renouveler cette sensation des plus exquises, je laissais une de mes mains se perdre dans sa chevelure, l’autre toujours fermement maintenue sur son épaule.

Accédant sans se faire prier à ma requête muette, Juha me prit entièrement en bouche, provoquant chez moi de violents frissons de plaisir alors qu’un nouveau cri accueillait cette initiative. La caresse ardente de la langue de Juha allant et venant à un rythme irrégulier sur mon intimité me fit oublier tout ce qui n’était pas lui. Je découvrais un tout autre univers. Jamais je n’aurais cru que ressentir un tel plaisir fut un jour possible.

Galvanisé par les milliers de sensations que faisait naître en moi la langue experte de Juha, je ne cherchais même plus à retenir mes cris de plaisir, faisant fi de la décence, toute honte m’ayant définitivement quittée. Plusieurs fois durant lesquelles je crus mourir de frustration, Juha cessa tout mouvement et retira sa bouche m’arrachant des sanglots de protestation. Je ne contrôlais décidément plus rien, abandonné à Juha comme jamais je ne l’avais été avec qui que ce soit auparavant.

En dépit du malin plaisir qu’il semblait prendre à me torturer de la sorte, il répondait favorablement à chacune de mes demandes muettes, comme pour se faire pardonner. A chacun de mes gémissements de frustration, il revenait avec empressement enrouler avidement sa langue expérimentée autour de mon intimité douloureusement tendue. Lentement mais sûrement, j’atteignais le chemin de non retour, alors que mes doigts glissaient dans sa chevelure et s’enroulait autour de ses mèches noires. Murmurant inlassablement son prénom en une litanie incessante, je me sentais partir, emporté par les vagues d’un plaisir trop intense.

Soudain, mes doigts se crispèrent sur ses cheveux alors que Juha accélérait la cadence de ses va et vient et brusquement, tout mon corps se cambra violemment sous la puissance de la jouissance qui déferla sur moi et dans un long gémissement plaintif, je me libérais dans sa bouche. Haletant, l’esprit encore embrumé par le violent plaisir qui venait de me consumer, je reportais mon attention sur Juha et murmurais :

- Juha… Je… C’est… Ce que tu…

Ma voix mourut dans ma gorge et incapable de prononcer un mot de plus, je me taisais. De toute manière, j’avais oublié ce que je voulais lui dire, mes pensées étant encore trop incohérentes. Je voulais le remercier pour ce qu’il venait de m’offrir, pour tout ce qu’il représentait pour moi, pour être la personne que j’aimais… Je voulais lui dire combien je l’aimais, mais tout s’embrouillait dans mon esprit.

- J’espère que ça t’a plus, me demanda Juha d’une voix rauque, un sourire ravi et satisfait étirant ses lèvres.

Je m’empourprais d’avantage à cette question et avant que je n’ai le temps de prononcer un mot, il me ravi mes lèvres avec une avidité déconcertante. Nos langues se mêlaient avec ardeur mais aussi langoureusement et sensuellement et nos mains caressaient librement le corps de l’autre. Honnêtement, je n’aurais su dire combien de temps nous restâmes ainsi, appréciant simplement la proximité de l’autre. Ce ne fut qu’au bout d’un instant qui me parut à la fois bien trop court et à la fois interminable que je sentis Juha bouger tout contre moi. Ouvrant les yeux que j’avais dû fermer inconsciemment, je m’empourprais violemment en sentant la virilité de Juha pulser contre la peau nue de ma cuisse à travers son jean plus que tendu.

Finalement, il finit par se lever et s’écarter de moi. Ne comprenant pas ce soudain recul, je lui adressais un regard empli d’incompréhension et semblant lire mon trouble, il déclara d’une voix inhabituellement basse :

- Pour ta première fois, nous serons bien mieux sur le lit…

Je ne répondis rien à cela, me contentant de lui adresser un petit sourire gêné non sans rougir.  A vrai dire, j’avais complètement oublié que nous étions encore sur le canapé… Sans aucune hésitation, j’attrapais la main que me tendais Juha. Satisfait, il m’attira vivement à lui et me vola un baiser enfiévré tout en me guidant jusqu’à la chambre, les mains éhonteusement posées sur mes fesses. Puis, lorsque nous atteignîmes le lit, il nous fit basculer tout les deux. Allongé sur le dos, complètement nu et offert à lui, j’observais non sans une certaine gêne, Juha prendre place légèrement au dessus de moi, accoudé sur le côté de son corps. Très vite, ses lèvres vinrent à la rencontre de mon cou et remontèrent jusqu’à mon oreille, en un effleurement sensuel qui raviva mon désir. Là, il murmura d’une voix rauque :

- Je suis vraiment heureux d’être ton premier homme, Gabriel…

Un sourire naquit sur mes lèvres à l’entente de ces mots. Ainsi Juha était touché par le fait que je lui fasse don de ma virginité ? Me serais-je trompé ? Eprouverait-il une quelconque forme de sentiments pour moi ? Galvanisé par son aveu, je l’entourais de mes bras et le serais fort contre mon coeur. En cet instant, le désir n’existait plus, juste cet amour pour lui qui faisait battre mon coeur. A Mon plus grand bonheur, Juha finit par me rendre mon étreinte, comme s’il craignait de me voir lui échapper. Mais s’il y avait bien une chose dont j’étais à présent sûr et certain, c’était qu’il était absolument hors de question que je mette un frein à la passion qui se déchainait dans ses yeux. Ce soir, je serais sien… Ma décision était prise et rien ni personne ne me ferait changer d’avis. Je voulais aller jusqu’au bout de mon amour pour lui, combler ses attentes et son désir ainsi que le mien.

Finalement, succombant au désir et la passion qui le consumait, Juha ouvrit les hostilités. Lentement, sa main se mouvait sur mon corps, descendant bien plus bas au niveau de mon intimité avant de se glisser entre mes fesses, vers mon intimité encore inviolée. Ce simple geste m’électrisa comme jamais, ravivant la flamme intérieure et mon désir pour Juha. Sans brutalité aucune, d’une douceur insoupçonnée chez lui, sa main caressait mes fesses tandis qu’il s’emparait de mes lèvres, semblant avoir sentit la crainte qui grandissait en moi. C’était plus fort que moi, je ne pouvais m’empêcher d’appréhender ce qui allait suivre, et ce, malgré la confiance que je vouais à Juha. C’était… Irrationnel.

Pourtant, je ne pouvais nier la tendresse et la patience dont Juha avait fait preuve depuis le début et jusqu’à maintenant, stimulant mon plaisir, refoulant le sien pour privilégier le mien.

Après un baiser sulfureux, il rompit le contact de nos lèvres et c’est non sans rougir violemment que je le vis porter deux doigts à sa bouche et les humidifier à l’aide de sa salive. Mimant le geste de succion, Juha ne me quittait pas du regard, prenant visiblement un malin plaisir à me voir m’empourprer. Dans ses yeux, la flamme vivace de désir qui dansait me prouvait une fois de plus son désir pour moi. Cette vision attisa d’avantage mon désir et je du me faire violence pour ne pas laisser s’échapper un gémissement de plaisir face à l’excitation conséquente de Juha.

Après un temps passé à lubrifier ses doigts, Juha revint s’emparer de mes lèvres alors que sa main glissait entre mes cuisses, jusqu’à mes fesses avec une immense délicatesse, signe irréfutable de son expérience passée. Lorsque ses doigts atteignirent mon intimité, je ne pu réprimer un sursaut de surprise et me tendis imperceptiblement. Loin

de s’en formaliser, Juha redoubla de tendresse et quittant mes lèvres, il se redressa légèrement au dessus de moi. Les yeux plantés dans les miens, il me murmura, le plus sérieusement possible :

- Ne t’inquiète pas, je vais y aller tout en douceur…

Emu par tant de considération de sa part, je murmurais :

- Je… Je te fais confiance Juha. Et je veux aller jusqu’au bout… Ajoutais-je avec conviction, preuve de plus de l’amour que je portais à Juha.

Pour confirmer mes dires, je l’attirais à moi et pris possession de ses lèvres. Soudain, je sursautais légèrement en sentant le doigt de Juha s’insinuer en moi avec une délicatesse extrême. Bien préparé au préalable, je ne ressenti presque aucune douleur, la gêne et la sensation étrange que je ressentais sous cette intrusion diminuant la douleur. Mon front se déplissa totalement lorsque Juha cessa tout mouvement. Je n’aurais su décrire avec exactitude ce que je ressentais à le voir ainsi me préparer, mais une chose était certaine, cela m’excitait au plus haut point.

Ravissant une nouvelle fois mes lèvres, Juha m’embrassa langoureusement attisant la passion qui nous dévorait tout deux alors que délicatement, il commençait à mouvoir son doigt en moi, en un lent va et vient. Peu à peu, la faible douleur que je ressentais jusqu’à maintenant finit par disparaître entièrement grâce aux attentions de Juha qui me faisait ressentir de nouvelles sensations encore inconnues et une toute nouvelle forme de plaisir. Une fois habitué à sa présent en moi, j’entamais de moi-même quelques mouvement de bassin, ondulant sur son doigt désireux approfondir le plaisir qui grandissait en moi.

Très vite, un deuxième doigt vint rejoindre le premier et bien que son arrivée fût plus douloureuse que celle du précédent, la douleur ne dura pas.

Les yeux mi-clos, j’observais sans vraiment le voir, Juha qui, de son côté avait son regard rivé sur moi. Cela je le savais car il me contemplait avec une telle intensité que la flamme qui luisait dans ses yeux me brûlait la peau. Après un instant, gagné par un plaisir de plus en plus important, je me laissais aller à onduler de moi-même sur les doigts de Juha, alors que des gémissements félins s’échappaient de mes lèvres entrouvertes. Après un temps qui me paru interminable, Juha consentit enfin à passer à l’étape suivante et inséra un troisième et dernier doigt en moi. Si le deuxième n’avait été que peu douloureux, celui-ci me paralysa. Une douleur insoupçonnée s’empara de moi alors que j’avais l’impression d’être déchiré en deux tellement la douleur était vive. Sans que je puisse les refouler, des larmes jaillirent au coin de mes yeux alors que mes lèvres s’ouvraient sur un cri muet.

A mon plus grand soulagement, Juha cessa instantanément tout mouvement, me laissant le temps de m’habituer à cette intrusion alors que la douleur diminuait peu à peu. Obnubilé par le déchirement qui me vrillait les entrailles, c’est à peine si je remarquais la multitude de baiser dont Juha inondait mon visage crispé sous la douleur. C’est au bout d’un temps indéterminable que je finis enfin par me détendre entièrement, allant même jusqu’à reprendre doucement une légère ondulation du bassin, attisant de nouveau mon désir.

Un gémissement plus prononcé que les précédents franchi la barrière de mes lèvres lorsque Juha frotta éhonteusement son intimité tendue à l’extrême contre mon bas ventre tandis qu’il happait mes lèvres avec une avidité déconcertante. Très vite, je fini par m’empaler de ma propre initiative sur les doigts de Juha, voulant le sentir d’avantage près de moi. Un brasier ardent me consumait à présent et j’avais besoin de bien plus. Je voulais assouvir ce désir violent qui incendiait mon corps tout entier.

Abandonné au plaisir, je plaçais toute ma confiance en Juha, déposant mon corps, mon coeur et mon âme entre ses mains… Semblant sentir que cela ne me suffisait plus, Juha cessa tout mouvement, me frustrant d’avantage alors que l’absence de ses doigts en moi me laissait une désagréable impression de vide. Bientôt, même la chaleur de son corps disparut et retenant une plainte de mécontentement, j’ouvris les yeux pour voir Juha se dévêtir à la hate. Cependant, alors que j’attendais avec impatience sa venue en moi, Juha s’écarta subitement de moi et s’allongea sur le dos à mes côtés, murmurant d’une voix à peine audible :

- Je… Désolé, Gabriel… Je…

La surprise passée mais ne comprenant toujours pas ce soudain revirement de situation, je m’allongeais sur le côté, faisant face à Juha et mi intrigué mi inquiet, je lui demandais :

- Qu’est-ce qui ne va pas, Juha ?

C’est avec un étonnement non feint que je le vis détourner le regard, visiblement mal à l’aise :

- Je… Commença-t-il hésitant. J’ai peur de mal faire… J’ai… J’ai peur de te faire mal…

Touché par ses mots et aussi frustré par un arrêt aussi brutal dû au manque de confiance que Juha avait en lui-même, je déposais avec douceur mais fermeté ma main sur sa joue et le forçais à me regarder. Mon regard fixement planté dans le sien, je déclarais alors :

- Je t’ai dit que je voulais aller jusqu’au bout. J’ai confiance en toi, Juha, et je veux plus que tout m’unir à toi.

De part ses mots, je lui déclarais mon amour avec subtilité, noyé dans les sous entendu. De cette façon, il ne pourrait me faire taire et ainsi je pouvais lui faire part de ces sentiments qui faisaient battre mon coeur. Puis, sans lui laisser le temps de répondre, ne voulant surtout pas le voir partir dans ses réflexions sans queue ni tête à un tel moment, je passais ma jambe par dessus son bassin, le chevauchant lestement. Attisé par le contact érotique de nos virilités entre elles, d’une main quelque peu hésitante, je saisis celle de Juha et la guidais jusqu’à mon intimité. D’un mouvement ample et rapide, je m’empalais alors sur Juha jusqu’à ce qu’il fût entièrement en moi, faisant fi de la douleur qui me déchirait les entrailles et du cri de douleur qui m’arracha la gorge.

Cependant, les yeux plantés dans ceux de Juha malgré les perles d’eau salées qui inondaient mes joues, je restais immobile, ne pouvant esquisser le moindre geste tant la douleur me paralysait. J’avais été témoin de la flamme de plaisir qui avait illuminé le regard de Juha et le cri muet de plaisir qui lui avait fait ouvrir la bouche lorsque je l’avais pris en moi et bien qu’à nouveau je voulais lui offrir ce plaisir, j’en étais pour l’instant, tout simplement incapable, ressentant l’envie de me retirer immédiatement. Envie que je réprimais à force de volonté. C’était à présent trop tard pour faire marche arrière.

Et cette patience eut raison de moi. Lentement la douleur commençait à diminuer mais néanmoins gêné de mon audace et de la position dans laquelle je me trouvais, je restais toujours immobile. Semblant se rendre compte de ma gêne, d’un habile coup de rein, Juha inversa nos positions, sans jamais se retirer de moi. A présent allongé sur le dos, Juha me dominant de toute sa hauteur, il s’empara de mes lèvres, alors qu’ému d’être ainsi à lui, je murmurais son prénom.

D’une main, il caressa longuement mon intimité alors que la lueur sauvage que je pouvais déceler dans son regard de braise et son corps tendu, m’indiquaient qu’il se faisait violence pour ne pas succomber à son propre plaisir. Lentement, je me décontractais, la présence de Juha en moi, n’occasionnant plus qu’une simple gêne et prenant cela comme un signale, il entama une lente série de va et vient alors que sa main imprimait le même mouvement sur mon intimité.

Contrairement à Juha qui se faisait violence pour ne pas accélérer le rythme de ses déhanchements, le front plissé sous la concentration, je ne ressentais qu’une sensation étrange et indescriptible à le sentir ainsi se mouvoir en moi. Cependant, après quelques minutes de ce traitement, à présent totalement détendu et habitué à la présence imposante de Juha en moi, le feu du désir se raviva dans mes reins alors que laissant libre court à son propre plaisir, à bout de patience, Juha laissa s’échapper un gémissement rauque tandis qu’il me pénétrait plus profondément.

Galvanisé par le plaisir que je ressentis à cette pénétration, je laissais s’échapper à mon tour un gémissement de plaisir, ondulant du bassin  pour approfondir cette sensation, m’agrippant de toutes mes forces à Juha. Interprétant mon geste comme un signe pour renouveler son geste, Juha entama alors un lent et régulier déhanchement, entrainant nos deux corps enlacés en une danse vieille comme le monde. Tous les sens en éveil, submergé par un plaisir insoupçonné en indicible, je me mordais violemment la lèvre inférieure pour ne pas laisser mes gémissements de plaisir envahir la pièce, après que Juha ait mi fin à notre baiser enflammé.

Alanguis entre les bras de Juha, je me sentais mourir à petit feu sous l’effet du plaisir tandis que Juha gardait un rythme cadencé, me pénétrant toujours plus profondément. Un brasier ardent me vrillait presque douloureusement les reins, sa chaleur se propageant dans mes veines, faisant bouillonner mon sang d’un plaisir jusqu’alors jamais imaginé. C’est à ce moment que Juha cessa subitement tout mouvement. Au comble de la frustration, je laissais s’échapper un sanglot de frustration à l’état pur.

Alors que Juha se penchait vers moi pour prendre possession de mes lèvres, je tournais la tête sur le côté, histoire de lui faire comprendre qu’il ne devait pas jouer ainsi avec moi et que j’étais tout aussi capable que lui de le faire languir. Ne pouvant voir Juha, je frissonnais violemment de tout mon être lorsqu’il déposa délicatement ses lèvres dans mon cou en même temps que sa main s’activait à nouveau sur ma virilité.

Exalté par ce double plaisir, je tournais la tête vers Juha qui en profita pour happer mes lèvres tout en reprenant un langoureux déhanchement qui gagna très vite en intensité. Le souffle erratique, je sentais lentement mais sûrement un plaisir des plus indécents consumer mon corps. Nos déhanchements de plus en plus profonds nous unissant à jamais me déconnectèrent de la réalité. Cramponné à Juha, je criais sans retenue le plaisir qui me vrillait les reins, sentant la jouissance se rapprocher inexorablement. A ce stade, cela dépassait le simple plaisir, c’était de la débauche, de la luxure à l’état pur. J’étais tellement dépendant de cette sensation…

Du bout des doigts, je reconstituais ses traits à l’aveuglette en les caressant doucement. Son nez, ses yeux, sa bouche… Nos lèvres qui s’effleuraient en un baiser indicible. Après un ultime et habile coup de rein qui me fit crier à m’en briser la voix, je me libérais dans sa main en sentant Juha se répandre en moi en un gémissement rauque, me marquant de son sceau invisible et indélébile.

Lentement, il retomba sur moi, haletant et le corps luisant de sueur. Dans le même état que lui, je passais mes bras autour de lui et le serrais fortement contre mon coeur, la respiration encore trop erratique pour espérer prononcer le moindre mot. Immobile, je tentais de retrouver un rythme de respiration à peu près normal alors que les brumes du plaisir s’effaçaient peu à peu pour me ramener bien trop tôt à la réalité. Dans mes veines, l’incendie qu’avait déclaré le plaisir dans mon corps s’éteignait lentement après l’orgasme foudroyant que m’avait offert Juha. J’avais du mal à réaliser pleinement ce que nous venions de vivre et de partager, nous donnant à fond l’un à l’autre. Passant outre les interdits qui avaient régit mon adolescence et ma vie avant l’arrivée opportune de Juha, je venais de sombrer dans le péché en faisant l’amour avec un homme. Mais si les Enfers étaient aussi doux que les bras de Juha, je me damnerais ma vie durant pour avoir le plaisir d’y rester et d’y goûter à nouveau.

Juha toujours en moi, son coeur et le mien battant à l’unisson, je me sentais enfin complet, ressentant une sérénité et un bien être encore jamais atteint. Pour la première fois de ma vie, j’avais enfin l’impression d’être à ma place… Souhaitant graver à jamais cet instant dans ma mémoire, j’enregistrais tout jusqu’au plus insignifiant détail. Je respirais à plein nez l’odeur suave de Juha pour m’imprégner de son odeur.

Parfaisant cet instant de tendresse après l’acte, Juha déposa délicatement ses lèvres dans mon cou, me faisant frissonner de bien être. De mon côté, je caressais lentement son dos du bout des doigts, effleurant sa colonne vertébrale et la chute de ses reins tout en douceur.

Après un temps qui me parut bien trop court, Juha finit par se retirer de moi tout en m’offrant un baiser enfiévré en guise de compensation. Le baiser achevé, il s’allongea à mes côtés, et sitôt fut-il installé que je me collais tout contre lui, en manque de sa chaleur et de sa présence apaisante. La tête reposant sur son torse dénudé, je lui murmurais, rompant le silence de la nuit :

- Juha… Je…

- Tu quoi ? Demanda-t-il visiblement amusé de me voir chercher mes mots, ne voulant surtout pas le braquer en lui déclarant une nouvelle fois mon amour.

Aussi, comme précédemment, je choisis un moyen détourné pour tenter de lui faire comprendre :

- Je suis heureux d’avoir vécu cet instant avec toi… Soufflais-je en enfouissant d’avantage mon visage dans son cou.

Je sentis Juha frissonner à ces mots et dans un murmure à peine audible, il répondit la même chose, me remerciant par la même occasion. Dans un demi-sommeil, je le sentis nous recouvrir de la couette avant de finalement m’endormir comme une masse, épuisé par notre étreinte passionnée.

Les jours qui suivirent se déroulèrent à une vitesse affolante. Nous avions beaucoup de travail et rentrions donc tard le soir à l’appartement. Malgré cela, tout ce passait pour le mieux entre Juha et moi bien que je n’osais pas retenter de lui faire part de mes sentiments. En le faisant, je craignais d’être à l’origine d’un changement d’ambiance entre nous.

Cependant, depuis quelques jours, je voyais Juha aller de moins en moins bien et je le soupçonnais d’être malade mais de ne pas vouloir aller voir le médecin. C’était typiquement lui, à toujours vouloir se débrouiller par lui-même, même si cela ne faisait pas partie de ses compétences.

Depuis quelques jours, j’avais pris en main la désensibilisation et le débourrage de Niladhevan que j’avais quelque peu négligée ces derniers temps. Je restais bien une bonne heure et demie avec elle, puis jugeant en avoir fait assez, je la ramenais à l’écurie. Alors que je la dessellais dans son box, je souris en voyant Juha me rejoindre. Une fois la jument bichonnée et nourrit, nous rentrâmes à l’appartement. Sur ordre de Juha, j’allais prendre ma douche alors qu’il se chargeait de préparer le repas. Quelle ne fut pas ma surprise lorsque j’entrais dans la cuisine et ne vis qu’un couvert sur la table. Je lui exprimais alors mon étonnement auquel il répondit simplement :

- Je viens de grignoter, je n’ai pas très faim. Je vais me laver, ajouta-t-il avant de disparaître sous mon regard suspicieux.

N’ayant aucune envie de me retrouver seul à table comme un imbécile, j’attrapais mon assiette et allais manger devant la télévision. Après sa douche, Juha ne tarder pas à aller se coucher, m’adressant tout juste un simple “bonne nuit” lancé sur une porte qui se fermait.

Pour être honnête, je ne comprenais absolument pas le comportement de Juha. Il n’avait même pas sorti Shanenja, chose que je m’empressais alors de faire. Qu’avait donc Juha ? Depuis ce matin, c’est à peine s’il m’avait adressé plus de trois phrases… Avais-je inconsciemment fait ou dit quelque chose de mal ? Je connaissais tout de même Juha, il me l’aurait sûrement reproché si c’était le cas… Finalement, ce ne fus que bien plus tard que j’allais me coucher, m’endormant rapidement, collé tout contre lui.

Le lendemain, je me réveillais en sursaut au son du réveil qui atterrit contre le mur. Encore à moitié endormis, je m’étirais longuement avant de me tourner vers Juha. Le voyant toujours endormis, j’entrepris de le réveiller délicatement, mais rien n’y fit. Il dormait à poings fermés. Je décidais alors de le laisser se reposer encore un peu et allais me préparer. Puis, jugeant l’avoir suffisamment récupérer son sommeil, je le secouais par les épaules, un peu trop vivement peu être. Quand enfin il ouvrit les yeux, je déclarais :

- Debout fainéant, tu te réveilles enfin. Dépêches-toi, on part dans dix minutes.

Juha se passa une main sur le visage avec lassitude et d’une voix vaseuse, il déclara :

- J’ai vu avec Philippe, j’ai oublié de te dire. Je suis un peu malade, je ne travaille pas aujourd’hui.

Je sursautais à ces mots et m’écartais de Juha, ayant du mal à digérer cette excuse qu’il venait de pondre. J’étais peu être naïf mais loin d’être complètement con. Et puis, pourquoi ne m’en avait-il pas parlé hier soir ? Cela avait-il un rapport avec la distance qu’il mettant entre nous depuis quelques jours ? L’effet de la surprise passé, je m’exclamais sèchement, en colère contre Juha qui, visiblement, me prenait pour un idiot finit :

- T’aurais pu me le dire avant ! Je vais arriver en retard maintenant. Merci de m’avoir prévenu.

Sans un mot de plus, je me détournais de lui et quittais la pièce. Plus vite je m’éloignerais de lui, mieux ce serait. J’attrapais Shanenja au passage, tout en espérant intérieurement que Juha vienne me présenter ses excuses avant que je ne parte. Mais il n’en fit rien et c’est déçu et énervé que je quittais l’appartement en claquant violemment la porte, lui faisant ainsi clairement comprendre qu’il m’exaspérait.

Rancunier, je ne pardonnais pas à Juha de ne pas m’avoir fait part de ce détail, après tout, c’était quand même la moindre des choses : Je posais Shanenja au pied du siège passager avant de démarrer la voiture et la faire tourner le temps de dégivrer le pare-brise.

J’arrivais au ranch avec un quart d’heure de retard et allais directement poser les clés dans le bureau de Philippe qui, me voyant débarquer comme une furie dans son bureau se douta que quelque chose n’allait pas. Aussi avec la patience légendaire dont il était doté, il se leva et s’approcha de moi, en me demandant :

- Tu me parais bien énervé, mon garçon. Il y a un problème ?

- Hn… Non, c’est rien, t’en fait pas, répondis-je, n’aimant pas étaler ma vie privée et mes sentiments.

Cependant, ma réponse ne sembla pas satisfaire Philippe car il insista :

- Ne dit pas “rien” alors que je vois très bien que ce n’est pas le cas, Gabriel. Alors, reprit-il d’une voix redevenue douce. Raconte-moi ce qui te rend aussi agressif. Il y a bien longtemps que je ne t’avais pas vu ainsi, et il a forcément une raison à un tel changement de comportement de ta part.

A ces mots et ne souhaitant pas faire subir à Philippe mes sautes d’humeur ni le blesser par mon comportement, je me laissais lourdement tomber sur la chaise qui faisait face à son bureau et cédant sous le poids de la tristesse qui contractait mon coeur, je déclarais, des larmes de frustration et de colère contenue perlant au coin de mes yeux :

- A ton avis, qui à le don inné de m’exaspérer autant ? Est-ce moi qui suis trop exigeant ou alors est-ce trop compliqué pour lui de me dire trois mots ? Je ne lui demande tout de même pas la lune, bordel ! M’exclamais-je. Etait-ce vraiment au dessus de ses forces de me dire qu’il ne venait pas travailler aujourd’hui ?

Philippe m’adressa un sourire compatissant et déclara, avec toujours cette patience emprunte de tendresse :

- Ce n’est pas la raison principale de ta colère, n’est-ce pas ? Je te connais Gabriel, pour que tu craques ainsi, c’est qu’il y a forcément quelque chose de caché que tu gardes en toi depuis trop longtemps.

Malgré moi, je souriais à ces paroles. Philippe me connaissais vraiment comme personne… Cependant, ne souhaitant pas l’importuner avec mes histoires de coeur, je déclarais :

- Je ne veux pas t’embêter avec ça… C’est… Me repris-je en avisant le regard assassin que me lançait Philippe. C’est Juha… Depuis quelques jours, je le trouve distant vis à vis de moi sans raison apparente… C’est… C’est à peine s’il m’adresse la parole, avouais-je.

- Il traverse peut être une phase de remise en question, supposa Philippe que je soupçonnais d’en savoir plus qu’il ne le prétendait.

- Je ne sais pas avouais-je, honteux. Il ne me dit rien. Je peux pas continuer à le voir s’éloigner de moi comme il le fait, c’est trop dur à supporter. Pourquoi ne m’explique-t-il pas tout simplement ce qui ne va pas ?

- Ce n’est pas toujours aussi simple qu’on le pense, Gabriel. Attention, je ne prends pas sa défense pour autant, je dis juste qu’il n’ose peut être tout simplement pas t’en parler.

Après un court silence, il ajouta :

- Tu ne le sais peu être pas, mais demain c’est le jour de la mort de Killian, cela peut se comprendre qu’il ne soit pas bien…

Je sursautais à cette révélation, me sentant trahis par Juha qui avait préféré garder le secret et taire son mal être plutôt que de m’en faire part. Pourquoi avoir agit ainsi ? Avait-il quelque chose à se reprocher, consciemment ou inconsciemment ? Avait-il seulement réalisé à quel point il me faisait souffrir en agissant de la sorte ?

Je ne répondis rien à Philippe, bien trop préoccupé à ruminer ma contrariété.

- Ne te prend pas la tête pour cela, Gabriel, déclara alors Philippe. Pense à autre chose et ce soir, tu lui demanderas les explications que tu es en droit de recevoir.

- Hn… Me contentais-je de répondre distraitement, doutant intérieurement que Philippe puisse deviner à quel point j’avais mal et combien le Juha doux et attentionné me manquait. Depuis ces derniers temps, j’avais l’impression de partager le toit et le quotidien d’un parfait étranger.

- Vous avez besoin de vous retrouver tous les deux, reprit Philippe. Demain, tu prendras ta journée, je te l’offre et tu resteras avec lui. Cela vous fera le plus grand bien à tous les deux.

- Merci d’être là, Philippe, murmurais-je profondément ému, en le prenant dans mes bras, posant ma tête sur son épaule puissante et rassurante.

Philippe me rendit mon étreinte, semblant comprendre le besoin que je ressentais de me sentir aimé et rassuré. Lorsque je songeais à ce que j’étais entrain de vivre avec Juha, je ne pouvais empêcher les larmes de me monter aux yeux et je devais me faire violence pour les refouler. Pourquoi mon bonheur n’était-il qu’éphémère ? Etais-je né pour ne jamais connaître un bonheur durable ? Je fus tiré de mes pensées par Philippe qui, comme s’il m’avait sentit dérivé, déclara d’une voix amusée, en dépit de la situation :

- Heureusement que je sers à quelque chose…

A mon tour, j’esquissais un sourire, Philippe réussissant presque toujours à me déridé et après un moment, je lui rendis sa liberté :

- Excuse-moi…

- Il n’y a rien à pardonner, Gabriel, répondit-il en souriant. Cela fait bien longtemps que personne ne m’avait réclamé de câlin…

De nouveau, je remerciais Philippe, non sans rougir légèrement à sa réflexion avant d’aller travailler, le coeur allégé d’un poids. Etonnement, la journée se déroula plus rapidement que ce que j’avais imaginé. Cependant, si j’étais content d’avoir terminé ma journée, je ne pouvais empêcher une boule d’angoisse se former dans ma gorge. J’appréhendais cruellement ma confrontation future avec Juha. Mais ne souhaitant pas me défiler, cette confrontation s’avérant inévitable, je décidais de ne pas reculer d’avantage l’échéance et après avoir récupéré les clés, je prenais la direction de l’appartement.

Alors que j’ouvrais la porte d’entrée, j’entendis une porte claquer et un bruit de course brusquement stoppée, ponctuée par le bruit caractéristique d’un haut le coeur. Inquiet, je demandais, ne comprenant pas ce qui se passait, tout en allant à sa rencontre :

- Juha ?

Ne recevant aucune réponse de sa part, je posais une main fébrile sur son épaule, le coeur douloureux de le voir dans cet état. A genoux devant la cuvette des toilettes, une main contre le mur pour acquérir un minimum d’équilibre, il rendait le contenu de son estomac.

Cependant, la réaction de Juha à mon geste me blessa grandement. Se redressant d’un coup et me faisant face, Juha repoussa brutalement ma main, comme si mon simple contact le dégoûtait. Face à ce geste des plus inattendu et surprenant, je restais un instant pétrifié de stupeur et Juha profita de mon immobilité pour se glisser hors de ma portée et aller dans la salle de bain.

Cependant, ce geste me ramena à  moi et sentant la colère naître en moi, ne supportant pas d’être ainsi rejeté puis ignoré, je me rendis à mon tour dans la salle de bain. Lui faisant face, ne parvenant pas à maitriser la colère et la frustration qu’engendrait en moi le comportement incompréhensible de Juha, je déclarais d’une voix froide qui ne m’était pas revenue depuis un long moment déjà :

- Je pense qu’à ce stade on est quand même assez intime et proche pour ne pas se cacher ce genre de chose.

Je peux tout entendre et tout comprendre, j’ai le droit de savoir, tout autant que tu en a parlé à Philippe, déclarais-je sous l’effet d’une jalousie injustifiée. Pourquoi tu ne m’en a pas parlé ? Tu ne crois qu’en même pas qu’en vivant avec toi je n’allais pas me poser de questions ? Ca veut dire quoi de me cacher cela ? Comment est ce que je peux être là pour toi, si tu ne m’en parles pas ?

Juha se tourna alors vers moi et répondit, sur ses gardes :

- Tu me reproches de vouloir être seul le jour de la mort de Killian ?

Je restais quelques secondes interdit face à cette réplique aberrante avant de déclarer, lassé de faire face à un mur :

- Tu comprends rien, t’es vraiment trop con !

Sur ces mots, je lui tournais le dos et refermais la porte derrière moi. La colère avait fait place à une grande lassitude. J’étais blessé du manque de confiance et de l’absence de respect que Juha avait pour moi et fatigué de toujours devoir lui arracher les mots de la bouche pour arriver à recevoir trois mots de sa part. Pourquoi ne faisait-il pas l’effort de se mettre à ma place et d’imaginer ne serait-ce qu’une minute, ce que je pouvais ressentir à être ainsi constamment rejeté à chacune de mes tentatives pour lui venir en aide. Ou peut être que le problème venait de moi en fait ? Après tout, je n’avais jamais été très doué pour les relations humaines…

Dans l’espoir de me calmer, j’allais m’allonger sur le canapé, un live à la main dans l’optique de me changer les idées. Je ne le posais que lorsque la voix de Juha m’invitant à passer à table me sortis de ma lecture. J’allais alors m’asseoir à table, Juha prenant place en face de moi.

- Tu ne manges pas ? Demandais-je blasé, connaissant déjà la réponse.

- Je n’ai pas vraiment faim, répondit simplement Juha.

- Je ne vais pas te forcer, répondis-je avec sarcasmes, tu es libre de mener ta vie comme tu l’entends. Tu n’as vraiment pas besoin de moi.

Juha ne releva pas le sous entendu flagrant que je lui lançais et du coin de l’oeil, je le vis se lever et se servir un verre d’eau. Je terminais mon repas en silence, sans la moindre attention pour Juha. Puis, n’y tenant plus, ne supportant plus la tension de se silence oppressant entre nous, je finis par demander :

- Killian est enterré loin d’ici ?

Finalement, je craquais. Si Juha ne voulait rien faire de son côté pour tenter d’arranger la situation, moi je me battrais…

- Pourquoi cette question ? Demanda-t-il avec méfiance et curiosité mêlés.

- J’ai pris deux jours de congés, demain je peux te déposer si tu souhaites te recueillir…

- Tu… Tu n’es vraiment pas obligé, répondit-il.

Je ne répondis rien et déposais mon assiette dans l’évier avant de déclarer simplement :

- Je vais me laver…

Et je sortis de la cuisine sans un regard pour Juha, déçu et dégoûté. Pourquoi réagissait-il ainsi ? Pourquoi faisait-il preuve d’autant de méfiance et de réserve envers moi ? De quoi avait-il peur ? Je lui proposais simplement de l’emmener se recueillir, pourquoi m’avait-il répondit cela au lieu d’accepter tout bêtement ? Ce n’est pas parce que je lui proposais quelque chose que cela impliquait forcément que je m’incruste. Je ne voulais en aucun cas m’immiscer dans sa vie privée, ce n’était pas mon objectif, loin de là, je voulais simplement l’aider, lui faire comprendre qu’il n’était pas seul, que j’étais là pour lui, pour l’aider à supporter sa douleur. Etait-ce trop compliqué à comprendre ?

Je restais sous l’eau brûlante jusqu’à ce que tous les muscles de mon corps soient complètement détendus. Je ne sais combien de temps s’était écoulé depuis que j’étais sous la chaleur bienfaitrice de l’eau, mais lorsque je sortis de la salle de bain, je sus au silence qui régnait et l’obscurité dans laquelle était plongé l’appartement que Juha dormait.

J’allais me poser un moment devant la télévision n’ayant pas envie de rejoindre Juha dans l’immédiat. Bien que calmé, je n’avais pas encore digéré notre conversation. De plus, mes soupçons étaient confirmés… Juha me fuyait…

Lorsque la fatigue commença à se faire ressentir, j’éteignis la télévision et allais me coucher. Cependant, lorsque j’entrais dans la chambre, je sus que Juha ne dormait pas et ce, malgré ce qu’il tentait de me faire croire en gardant les yeux obstinément clos. Je me couchais alors en silence, après avoir éteins la lumière. De mon côté du  lit, je restais à une distance exagérée de lui, n’ayant pas envie de passer pour la sangsue de service, bien qu’au fond de moi, sa douceur et sa chaleur me manquaient affreusement. Mais faible par nature, je finis par rompre le silence, le désir de comprendre étant plus fort :

- Pourquoi crois-tu être capable de supporter ta douleur tout seul… Ne puis-je pas t’aider ? Tu me crois trop faible pour le faire ? Demandais-je la voix brisée par des sanglots que je m’efforçais de retenir. Ou alors, tu culpabilises sur le fait que ce soit Killian qui te mette dans cet état ? Au fond de lui, Juha semblait savoir ces paroles criantes de vérité car à peine me suis-je tu qu’il répliquait sèchement :

- De toute façon, tu ne sais pas ce que cela fait !

- Non je ne sais pas, et alors ! M’exclamais-je blessé avant de lui tourner le dos afin qu’il ne voie pas les larmes silencieuses qui, à présent, coulaient librement sur mes joues.

Dans l’instant qui suivit, je sentis Juha se coller tout contre moi et m’enlacer de ses bras. Savourant ce contact devenu trop rare ces derniers temps, je ne le repoussais pas, n’en ayant ni la force ni le courage. Dans l’obscurité, je sentis sa bouche se frayer un chemin jusqu’à mon oreille au creux de laquelle il murmura :

- Pardon…

C’était tellement facile… Croyait-il réellement que je pouvais lui pardonner son comportement des plus odieux avec un simple “pardon” ? Un mot prononcé parmi tant d’autres et qui contrairement à ce que l’on pouvait penser, n’effaçait pas la douleur causée… Face à mon absence de réaction, Juha raffermit sa prise autour de moi, collant un peu plus son corps chaud contre le mien, m’enivrant de son odeur alors que ses larmes silencieuses coulaient dans mon cou. Rompant finalement le silence, je finis par demander avec lassitude, n’osant même plus espérer une réponse de sa part :

- Pourquoi tu ne me fais pas confiance, Juha ? Après tout, je suis adulte et apte à comprendre…

Contre toute attente, après quelques secondes, Juha consentit à prendre la parole :

- Je… Commença-t-il la voix enrouée. Je suis désolé… A cette période de l’année depuis plus de dix ans maintenant, je réagis toujours comme cela. Je m’isole, je m’éloigne… Et je tombe dans un état lamentable. A chaque fois, en prison, je finis à l’infirmerie. Je sais que ça peut paraître idiot… Après plus de dix ans, ne pas avoir fait son deuil, c’est… Mais comment oublier le fait qu’il n’est plus là par ma faute… C’est aussi dur pour moi de t’infliger cela. Je… Je ne sais pas comment réagir, ni quelle doit être la bonne manière de se conduire face à ça. Je m’excuse Gabriel, mais je t’en supplie, retourne toi et prends moi dans tes bras…

La voix de Juha se noua dans sa gorge alors que j’étais en proie à un conflit intérieur. D’un côté, me retourner serait m’avouer vaincu, mais de toute façon, ce n’était pas comme si c’était la première fois… Et j’en voulais à Juha de me faire me sentir aussi faible… Je finis par céder, le coeur en vrille et avec douceur, je l’entourais de mes bras et l’attirais contre moi, respirant son odeur à plein nez. Les sanglots de Juha me déchiraient le coeur. En un geste qui se voulait apaisant, je caressais lentement le dos de Juha, tentant de lui faire comprendre une fois pour toute que j’étais et serais toujours là pour lui. Après un long moment durant lequel nous restâmes ainsi étroitement enlacés, je finis par murmurer :

- Tu sais Juha, tu n’as pas à craindre de me parler de tes problèmes ou quoi que ce soit d’autre. Je suis là pour cela non ?

Après un court silence, je finis par ajouter, cachant mal mon hésitation, appréhendant la réaction de Juha à ce que j’allais dire :

- Dans un… Enfin dans… Un couple, il faut savoir parler de ce genre de chose…

Je me sentis envahi d’une crainte sourde lorsque je le sentis s’écarter de moi, regrettant déjà les mots que je venais de prononcer. Cependant, le voyant me sourire, ma crainte s’envola, laissant place à l’interrogation alors qu’avec un amusement non feint, il répéta :

- Un couple ?

Face à l’audace de mes propres paroles et ne sachant comment interpréter sa remarque, je m’empourprais violemment de honte tout en tentant de rattraper ma connerie. Mais à mon plus grand étonnement, Juha s’approcha de moi et avant que je n’aie le temps de réaliser ce qui se passait, il me vola un baiser. Retrouvant vite mes esprits au contact de ses lèvres sur les miennes, je m’empressais de répondre avec avidité à son baiser ayant été privé trop longtemps de ses lèvres. Nous échangeâmes un très long baiser qui nous laissa tout les deux pantelant tandis que mes mains migraient sur le bas de son dos dans l’unique but de le rapprocher toujours plus de moi. Après un instant durant lequel nous nous contentâmes de rester tendrement enlacer, Juha s’écarta légèrement de moi et déclara d’une voix visiblement émue :

- C’est la première fois que tu qualifies ainsi notre relation…C’est comme cela que tu nous vois ? Comme un couple ? Tu ne peux pas imaginer à quel point ça me touche et me fait plaisir…

Pendant un instant, j’avais eu peur que Juha ne refuse une telle qualification de notre relation, mais sa dernière phrase acheva de me rassurer. Nous considérait-il lui aussi, comme tel ? Souhaitant néanmoins justifier ce qualificatif, je repris :

- A ce stade de notre relation nous sommes peu être plus que de simples amis intimes…

- J’espère bien… Répondit-il. Dans ce cas, apparaissons comme tel devant les autres, afin d’aller encore plus loin…

Je restais muet face à cette réponse, ne m’attendant pas un seul instant que Juha ait pour souhait d’officialiser notre relation… Nous voyait-il réellement comme un couple ? Envisageait-il un futur pour nous deux, en tant qu’amis mais aussi et surtout, en tant qu’amants ? J’entendis vaguement Juha inspirer profondément, et le senti à peine poser sa tête contre mon torse, plongé dans mes pensées. Je finis par m’endormir, d’un sommeil profond et sans rêves.

Un frisson glacé me tira de mon sommeil et dans un geste demi-conscient, je me tournais pour me blottir d’avantage contre Juha. Cependant, j’ouvris subitement les yeux, à présent totalement réveillé, lorsque je ne sentis que les draps froids là où, normalement, Juha aurait dû se trouver. Intrigué, je tendis l’oreille à la recherche de sa présence dans l’appartement, mais au silence angoissant qui régnait dans celui-ci, je ne pu m’empêcher de craindre le pire…

Aussitôt, je sautais hors du lit et quittais précipitamment la chambre. Cependant, je stoppais net en le voyant allongé sur le sol, Shanenja littéralement vautré sur lui. Oubliant instantanément la crainte qui avait été mienne quelques secondes plus tôt; j’éclatais de rire face à cette vision des plus attendrissantes. Juha ouvrit alors les yeux et je demandais amusé :

- On dort mieux sur le sol ?

Juha m’adressa une mine boudeuse tandis que Shanenja courait joyeusement vers moi pour réclamer ses caresses du matin. C’st avec bon coeur que je les lui offris, le coeur léger, heureux d’avoir retrouvé cette bonne ambiance entre nous et priant intérieurement que celle-ci perdure le plus longtemps possible, espérant la crise enfin passée… Par la suite, je tendis la main à Juha pour l’aider à se relever avant de lui voler un furtif baiser pour finalement m’emparer avidement de ses lèvres qui m’avaient cruellement fait défaut. Lorsque nous nous séparâmes, j’allais à la cuisine préparer le petit déjeuner pendant que Juha sortait Shanenja, ne l’ayant pas fait ces derniers jours.

Aujourd’hui, j’avais proposé à Juha de l’emmener au cimetière et même s’il ne m’avait pas encore donné sa réponse, j’étais intimement convaincu qu’il accepterait ma proposition. Et égoïstement, j’espérais qu’après cela, il redeviendrait le Juha que j’aimais, le Juha rieur et tendre, qu’il daignerait enfin passer à autre chose et laisser son passé derrière lui. Juha revint un court instant plus tard et vint prendre place en face de moi. Nous déjeunâmes dans un silence monastique et devinant aisément que je n’obtiendrais aucune réponse spontanée de sa part, je demandais :

- Tu souhaites toujours y aller ? C’est ce que tu veux vraiment ?

- Je… Je n’ai jamais eu l’occasion de m’y rendre. Je n’ai jamais pu aller sur sa tombe… Si tu veux bien m’y emmener… Répondit-il avec hésitation.

- J’espère que ce n’est pas une question ! J’irais juste nourrir et voir mon oiseau et nous irons cet après-midi. J’ai deux trois choses à voir au ranch avant…

- Je t’attendrais là, si ça ne te dérange pas. Je suis désolé, mais je…

- Tu préfères ne pas voir trop de monde, oui je sais. Je commence à te connaître, le coupais-je en souriant avec une pointe de tristesse à ces derniers mots, sachant pertinemment à quel point le “commence” était on ne peut plus vrai.

- Encore une fois, merci Gabriel, répondit-il après un instant de silence.

A la fin du petit déjeuné, j’allais m’habiller et après avoir volé un baiser à Juha, je me rendis au ranch. Avant toute chose, j’allais rapidement saluer Philippe et lui expliquais succinctement la situation puis passais voir mon aigle qui grandissait de jour en jour. Je passais un moment avec lui, n’ayant pas prit le temps de le faire ces derniers jours puis je finis par aller voir Orphée et Niladhëvan afin de vérifier leur état de santé et m’assurer qu’ils ne manquaient de rien. Une fois fait, je retournais à l’appartement et trouvais Juha assis dans le canapé, Shanenja à ses pieds. Se tournant vers moi, il me demanda :

- Tu as faim ? Il y a de quoi manger dans la cuisine, je t’ai préparé un repas.

- Tu ne manges pas ? Demandais-j surpris avant d’ajouter d’un air réprobateur, ça fait pas mal de repas que tu sautes…

Cependant, je n’insistais pas. Il était suffisamment adulte pour savoir ce qu’il faisait. C’est donc sans un mot de plus que je pris la direction de la cuisine. Là, j’attrapais mon assiette et allais me poser à côté de Juha dans le canapé. Je mangeais en vitesse et lorsque jeu terminé, nous nous préparâmes à partir. Cependant, ayant, d’après les dires de Juha, quand même pas mal de route à parcourir, nous laissâmes Shanenja à l’appartement.

Le trajet se déroula dans un silence monastique. Au fur et à mesure que les kilomètres défilaient, je sentais la détresse et la tristesse de Juha devenir de plus en plus oppressantes et je ne savais que faire ni que dire pour l’apaiser. Je me sentais étranger à sa douleur et me retrouver confronter à un mort et au passé de Juha me mettait mal à l’aise.  Semblant se rendre compte de la tension qu’il créait lui-même, Juha finit par entrouvrir sa fenêtre et malgré le froid de ce début de janvier, cela nous fit à tout deux le plus grand bien. Tentant de ne pas me laisser aller au stress qui grandissait en moi, je me concentrais sur la route afin de m’occuper l’esprit et ne pas le laisser envahir par des pensées désagréables.

Malgré cela, voir Juha tendu me stressait et dans l’espoir de le calmer un peu, je posais ma main sur sa cuisse en signe d’apaisement. C’est avec soulagement que je le vis n’esquisser aucun mouvement pour la retirer. A vrai dire, je ne savais plus comment me comporter avec Juha et j’avais toujours un instant d’hésitation avant de le toucher, ayant toujours peur de me voir repoussé, sachant plus que quiconque à quel point il pouvait être blessant. Mais par dessus tout, j’avais peur de le voir s’éloigner de moi, car indéniablement, c’est ce qui était en train de se passer… A ma plus grande surprise, Juha posa sa main sur la mienne, semblant accepter celle-ci. Heureux de ce petit signe d’intérêt de sa part, je lui offris un sourire. Sourire qui s’effaça bien vite lorsque je vis une larme rouler sr sa joue alors qu’un panneau indiquait sa ville natale à une dizaine de kilomètres.

Lorsque nous franchîmes le panneau indiquant l’entrée de l’agglomération, je le vis baisser les yeux et se renfermer sur lui-même et cela me fit mal au coeur… Je me haïssais de ne pouvoir rien faire pour lui apporter mon soutien, mais parallèlement, je savais pertinemment que ce n’était pas de moi dont il avait besoin… Contrairement à moi, Juha avait la force et le courage de revenir dans la ville qui l’avait vue grandir et bien qu’il ne me dise rien, je savais très bien que ses souvenirs, heureux ou non, lui revenaient en mémoire….

Machinalement, il m’indiqua la route à suivre et je le rassurais en lui disant que le chemin était indiqué. Alors que j’empruntais une rue dans laquelle les maisons ressemblaient plus à des villas, je vis Juha se redresser vivement. Visiblement, il semblait connaître ce quartier… Son regard se posa sur l’un d’entre elle avec insistance et automatiquement, je suivis son regard, non sans interrogation. Etait-ce la maison où avait grandit Juha ? Ou Killian ? Le voyant fixer la maison avec toujours plus d’insistance, je finis par m’arrêter et lui demandais doucement :

- Juha ? Tu veux aller voir ? Tu regardes cet endroit avec tellement d’insistance. C’était là où il habitait ? Ajoutais-je alors qu’une boule d’angoisse se formait dans ma gorge à l’idée qu’un disparut puisse le rendre si mélancolique au point de m’ignorer totalement…

Mais je lui avais fait cette promesse de le conduire jusqu’au cimetière et je la tiendrais quoi qu’il advienne, cela dut-il me faire souffrir.

- Non, répondit Juha. Je ne veux pas aller voir. C’était là que… C’était là que nous habitions avec mes parents avant que je… Ils sont partis apparemment…

Je ne répondis rien et de nouveau, le silence nous engloba jusqu’à ce que, détachant finalement son regard de la bâtisse, Juha se tourne vers moi et déclare d’une petite voix :

- On continue ?

Souhaitant par dessus tout que Juha sache que j’étais là pour lui, je me penchais vers lui et effleurais tendrement ses lèvres en un baiser aérien. Je me sentais impuissant face à tout cela, mais si par ma présence Juha arrivait à mieux supporter sa peine alors cela me satisfaisait amplement, bien que j’aurais aimé faire tellement plus pour lui, pour lui prouver à quel point de tenais à lui…

Nous reprîmes la route en silence. Je ne savais pas quoi dire pour tenter de remonter le moral à Juha et je détestais parler pour ne rien dire. Alors je me taisais. Et puis je me doutais aussi que Juha préférait rester seul avec ses souvenirs que plutôt m’entendre parler  histoire de briser le silence. Quand je garais la voiture sur le parking devant le cimetière, je m’autorisais un regard vers Juha et ce que je vis me toucha profondément. Je me doutais bien que Juha était en train de vivre une épreuve difficile de sa vie, mais je m’inquiétais réellement de son état de santé. Il semblait vraiment épuisé moralement et ne parvenait plus à maitriser le tremblement de ses mains. Après un temps où j’attendais de le voir se ressaisir, je finis par lui demander, m’attendant à tout instant à un rejet plus ou moins brutal de sa part :

- Tu veux que je vienne avec toi ? Ou tu préfères que je t’attende ici ?

- Je… Je vais y aller seul, répondit-il sans grande conviction.

Il m’adressa un dernier regard que je ne parvins pas à déchiffrer puis sortit lentement de la voiture. Préoccupé, je ne le quittais pas des yeux et c’est avec un point au coeur que je le regardais s’éloigner en chancelant. Arrivé aux grilles à quelques mètres de la voiture, je vis Juha s’arrêter subitement, comme incapable d’aller plus loin. Cependant, pour lui comme pour moi, je voulais le voir confronter à la tombe de Killian, dut-il en souffrir, qu’il fasse enfin son deuil en acceptant ce qui, pour lui, était inacceptable, la mort de Killian… Notre relation en dépendait… Tant que Juha vivrait dans le passé, nous ne pourrions jamais rien faire de notre avenir commun et n’arriverions rien à construire ensemble. Mais Juha avait-il seulement conscience de cela ? J’étais prêt à tout pour l’aider, il le savait, mais je n’y parviendrais pas seul, il devait aussi y mettre du sien et de la bonne volonté. Et aussi douloureux que c’était, je pouvais impartialement clamer que ce n’était pas le cas. Il se laissait porter par sa douleur et d’une certaine manière, se complaisait dans son malheur sans jamais penser ne serait-ce qu’une seconde à moi. Egoïstement, j’avais envie et besoin qu’il fasse plus que me voir, qu’il me regarde enfin comme ce que j’étais vraiment, un homme amoureux de lui et qui tentait désespérément d’exister à ses yeux.

Au risque de me voir repoussé, j’allais à la rencontre de Juha. Devant la grille du cimetière, il semblait plongé dans ses pensées et ne s’était visiblement pas rendu compte de ma présence. Non sans hésitation, je posais ma main sur son épaule et comprenant sa peur, je déclarais d’une voix douce qui se voulait calme et rassurante :

- Tu n’es plus seul Juha… Je suis là et je ne te laisserais plus affronter cela tout seul.

Immédiatement, je le saisis par la main et l’entraîna à ma suite, franchissant les grilles du cimetière sans qu’il ne dise quoi que ce soit. Je le guidais jusqu’au local du gardien avant de l’abandonner momentanément pour aller demander l’emplacement de la tombe de Killian, ayant retenu son nom de famille lorsque Philippe avait fait la déposition contre son frère. Après quelques minutes, je retournais auprès de Juha et le saisi de nouveau par la main, ignorant totalement le regard du gardien que je sentais dans mon dos.

Nous parcourrions les allées silencieuses et apaisantes un peu trop rapidement, mais je craignais que Juha ne se désiste au dernier moment. Intérieurement, moi aussi j’avais mal… Certes, pas la même douleur que Juha, mais je souffrais de voir l’homme que j’aimais dans un tel état d’abattement.

Je m’arrêtais subitement, ayant enfin trouvé ce que je cherchais. Mon regard s’attarda longuement sur la tombe qui faisait partie des plus fleuries et des mieux entretenues pour finalement se poser sur la photo de Killian jaunie par le temps.  Je finis par lui lâcher la main… J’avais fait ce que je pouvais pour lui et maintenant, c’était à lui de continuer seul.

Pendant un temps qui me parut interminable, je regardais Juha rester parfaitement immobile, les yeux rivés sur la photo de Killian.  Gardant une distance respectueuse, quelques pas en arrière, je ne me sentais pas à ma place ici… J’avais cette impression de n’être qu’un étranger qui s’adonnait au voyeurisme. Soudain, Juha tomba à genoux sur les graviers, comme s’il n’arrivait plus à supporter le poids de son chagrin et de sa culpabilité. A cette vision, mon coeur se contracta plus violemment encore tandis que des larmes me montaient aux yeux alors que la réalité me sautait brutalement au visage. Je n’aurais jamais que la seconde place dans le coeur de Juha… J’aurais certainement pu me contenter de cela mais ce n’était pas le cas… Je ne comprenais pas qu’il puisse ainsi continuer à aimer un mort comme on aimait une personne belle et bien vivante… Pourquoi n’acceptait-il pas le fait qu’il soit mort ? Pourquoi refusait-il de faire son deuil ? La vie était ce qu’elle était et rien ni personne ne pourrait changer le fait que Killian était mort et qu’à présent il ne vivait plus que dans le coeur et la mémoire de Juha…

Lorsque je retournais enfin auprès de Juha, la nuit était tombée depuis un long moment. D’une voix qui se voulait sûre d’elle, je déclarais doucement afin de ne pas briser le silence respectueux qui nous entourait :

- Juha ? Il est assez tard, le cimetière va bientôt fermer… Nous partons dans peu de temps.

A côté de Juha, je n’osais le toucher, ne m’en sentant pas le droit. Cet instant “lui” appartenait et je n’avais pas à interférer, ma seule présence étant déjà de trop… Il mit encore quelques minutes avant de finalement daigner se lever. Le voyant se redresser avec difficultés, je lui apportais mon soutien avant de l’enlacer, n’ayant rien trouvé d’autre pour lui apporter un peu de réconfort. Il n’en fallut pas plus à Juha qui éclata en sanglot, se libérant ainsi du trop plein de la douleur qui étreignait son coeur.

Lentement, je passais ma main dans son dos, cherchant à l’apaiser avant de le guider jusqu’à la voiture. Quand il fut installé, je refermais la portière et allais prendre place côté conducteur. Juha me souffla alors un “merci” qui me réchauffa le coeur et je lui offris un faible sourire accompagné d’un simple effleurement de mes lèvres sur les siennes.

Le trajet du retour s’effectua dans le silence le plus complet, tous deux perdu dans nos pensées respectives. Nous arrivâmes assez tard à l’appartement et bien que connaissant déjà la réponse, je demandais à Juha s’il désirait manger quelque chose. Compte tenu des circonstances, je n’insistais pas à sa réponse négative. Tel un automate, Juha alla prendre une douche rapide pendant que je m’occupais de Shanenja. Je ne tardais pas à le rejoindre, après un passage à la salle de bain, me blottissant tout contre lui, en manque cruel de son contact et de sa chaleur.

Je savais que derrière ses yeux clos, Juha était réveillé et cette attitude, bien que compréhensible, me blessa. Je laissais ma main aller se perdre sur son torse, le rapprochant un peu plus de moi tandis que de mon côté je faisais de même, ma peur de le perdre se faisant de plus en plus oppressante. Une détresse sans nom s’empara alors de moi et mû par une volonté de jouer franc jeux, ma bouche dévia lentement jusqu’à son oreille au creux de laquelle je lui dévoilais enfin mon amour en un murmure à peine perceptible :

- Je t’aime, Juha…

Quatre mots qui mettaient entièrement mon âme et mon coeur à nu, me dévoilant à lui comme jamais à quiconque auparavant… Juha se tourna alors brusquement vers moi, comme choqué par ces mots qui avaient été les miens. Les yeux plongés dans les siens, de façon à ce qu’il puisse y lire par lui-même l’ampleur de mes sentiments pour lui, j’attendais une réaction de sa part à défaut d’une réponse.

Cependant, il resta obstinément muet et finit même par détourner le regard. A cet instant, je compris que mon amour n’était pas réciproque et une douleur aigüe me vrilla leur coeur, comme un couteau chauffé à blanc, alors qu’un torrent de larme affluait à mes yeux. Honteux et ne voulant pas qu’il voit à quel point son absence de réaction m’avait blessé et humilié, je m’éloignais de lui et lui tourna le dos pour laisser libre court à mes sanglots silencieux. Pourquoi cette absence de réaction de sa part ? Etait-ce si aberrant que cela que je puisse être amoureux de lui ? Cette absence de réaction que je voyais comme un rejet pur et simplement confirma dans mes doutes… J’étais quelqu’un que l’on pouvait désirer mais pas aimer…

Mes larmes redoublèrent d’intensité à cette constatation et j’en voulais à Juha de rester aussi impassible face à ma détresse et ma douleur. N’avait-il donc aucun coeur ? Comment avait-il pu me répudier ainsi ? Malgré mon passé dont il connaissait le secret, je m’étais ouvert à lui, non sans difficultés et en dépit de cela, il agissait avec moi sans la moindre considération.

J’avais honte à le dire, mais au plus profond de moi, j’en arrivais à haïr ce Killian qui, même mort, me volait le coeur de mon amour et je désespérais de voir Juha se raccrocher autant à un mort et ne vivre que par le passé. Juha, mon sauveur qui avait tant fait pour moi, mais aussi le bourreau qui me faisait sombrer encore plus profondément que jamais.

Je passais la pire nuit de ma misérable existence alors que les heures défilaient, aussi interminables que si elles duraient des siècles, sans que je parvienne à maitriser mes sanglots. Finalement, ne supportant plus la présence de Juha près de moi qui ne faisait à chaque fois que raviver ma douleur, je quittais la pièce et allais me poser dans le canapé. Intrigué, Shanenja ne tarda pas à venir vers moi et semblant sentir ma peine, il se mit à couiner. Je le pris aussitôt dans mes bras et le serais contre mon coeur tout en le caressant délicatement.

Je du finir par m’endormir car lorsque j’ouvris de nouveau les yeux, je fus surpris de ne pas sentir la chaleur de Juha contre moi. A cette pensée, les événements de la veille me revinrent en mémoire et mon coeur se compressa douloureusement dans ma poitrine, alors que de nouveau, des larmes que je pensais enfin taries, franchirent la barrière de mes paupières pour rouler silencieusement sur mes joues.

Je me précipitais alors sous la douche, ne souhaitant pas que Juha me surprenne dans cet état pitoyable, ne pouvant endurer sa pitié en plus de son rejet. Entrant dans la cabine de douche, je réglais la température de l’eau au maximum de sa chaleur, ne réagissant même pas à la violente brûlure de l’eau sur ma peau.  Je n’en sortis que lorsque mes larmes furent enfin asséchées. A l’odeur de café qui flottait dans l’air, je sus que Juha était réveillé et mon coeur s’emballa à cette constatation. Je n’avais aucune envie de le voir, mais d’un autre côté, je ne pouvais le fuir indéfiniment…

A contrecœur, je me séchais rapidement et nouais la serviette sur mes hanches avant de me rendre dans la chambre pour me changer. Là, je pris le temps de me recomposer un masque froid et impassible avant de rejoindre Juha à la cuisine. Sans un mot ni même un regard pour lui, je pris place à table. Je n’avais pas faim, l’estomac douloureusement contracté, mais je me forçais à manger un minimum, ne pouvant rester le ventre vide avec le travail physique que je faisais. Je restais silencieux durant les premières minutes et lorsque Juha me passa le pot de confiture, prenant mon courage à deux mains, je demandais alors :

- Tu n’as toujours rien à dire à propos de ce que je t’ai dis hier soir ?

Je savais que je me faisais volontairement du mal, mais je ne pouvais rester dans l’incertitude et intérieurement, je ne pouvais m’empêcher d’espérer. Mais lorsque je le vis détourner le regard, gêné, je sentis mon coeur se briser et voler en éclat. Dissimulant ma douleur et mon envie de pleurer derrière ma froideur, je déclarais simplement :

- Je crois que la moindre des choses c’est de répondre quelque chose. Je ne demande pas grand chose, juste une réponse positive ou négative. Ou alors, ajoutais-je, tentant de garder mon calme, tu aurais pu me demander du temps… Mais rester comme cela, sans aucune réaction, comment peux-tu me faire cela Juha ? Finis-je pas m’emporter sur ces derniers mots, les yeux brillants de larmes mal contenues.

- Tu dis m’aimer uniquement par peur de me perdre…

Je restais un moment interdit face à cette réponse des plus inattendues avant de répondre, sarcastique :

- Parce qu’avoir peur de te perdre n’est pas, justement, une preuve d’amour ?

- Pourquoi juste après le cimetière ? Pourquoi ce jour là ? Demanda-t-il la voix tremblante.

- Cela fait longtemps que je veux te le dire, repris-je plus calmement, et tu as même empêché plus d’une tentative, consciemment ou inconsciemment, ajoutais-je en me remémorant  la fois où j’avais tenté de lui ouvrir mon coeur la nuit ou je m’étais offert à lui. Oui, j’ai peur de te perdre, parce que tu es en train de t’éloigner de moi.

- Juste pour ces deux jours, Gabriel… Excuse-moi de ne pouvoir répondre à tes attentes le jour de la mort de Killian ! Répliqua-t-il avec énervement.

Intérieurement, je riais jaune face à ces pitoyables excuses. En réalité, Juha refusait de regarder la vérité en face car celle-ci lui faisait peur. J’étais mieux placé que quiconque pour le savoir, m’étant moi aussi voilé la face pendant bon nombre d’années.

- Ah parce qu’il y a des jours opportuns pour te dire que je t’aime ? M’exclamais-je, sarcastique. Je ne suis pas un putain de jouet, craquais-je et libérant le poids qui étreignait mon coeur. Tu ne peux pas m’utiliser à ta guise. Moi je suis là, je reste comme un con à te regarder t’éloigner de moi… Parce que tu l’aimes toujours n’est ce pas ? Ajoutais-je après une seconde d’hésitation. Choisis Juha… Je ne peux pas rester comme cela, à attendre que tu daignes enfin faire ton deuil… Je suis humain bordel, et là tout ce que je vois, c’est l’amour que je te porte et que tu bafoues. Tu joues avec mes sentiments pour toi… Si tu ne réagis pas Juha, tu me perdras, car je n’ai pas l’intention de t’attendre indéfiniment….

Sur ces mots, sans attendre une réponse de Juha, j’attrapais ma veste et quittais l’appartement, souhaitant qu’il réfléchisse sérieusement à ce que je venais de lui dire. C’était loin d’être des paroles en l’air prononcées sur le coup de la colère et la rancoeur. Je le pensais sincèrement. Malgré l’amour que je lui portais, je ne pouvais ni n’avais l’envie de l’attendre indéfiniment. Il devait faire un choix… Soit il décidait de vivre dans ses souvenirs et de rester auprès de son Killian, soit il décidait de repartir à zéro et ensemble nous pourrions tenter de construire quelque chose de notre avenir commun.

Arrivé à la voiture, je démarrais rapidement et pris la direction du centre. Durant les quelques minutes que dura le trajet, mes larmes remportèrent la victoire et se mirent à rouler lentement sur mes joues, me brouillant la vue. Je me garais négligemment dans la cour, remarquant à peine la voiture inconnue qui était là. A peine eussais-je coupé le contact que j’éclatais en sanglots.  Je ne faisais que cela depuis hier, pourtant mon chagrin et ma douleur étaient toujours aussi vivaces…

Je n’aurais su dire combien de temps je restais ainsi à pleurer toutes les larmes de mon corps et lorsqu’enfin celles-ci se tarirent, je reniflais bruyamment tout en séchant mes larmes du revers de la main. Après un instant durant lequel je tentais de redevenir maître de mes émotions, je me décidais enfin à sortir du véhicule.

Alors que je fermais la portière, je vis Juha arriver à quelques mètres de moi et lui adressais un bref coup d’oeil, sans plus d’attention, sa simple vue m’étant atrocement douloureuse.

Soudain, une voix retentie dans mon dos :

- Bonjour, Gabriel…

Le coeur battant à tout rompre, je me retournais vivement pour tomber nez à nez avec une personne que je n’aurais jamais cru revoir un jour…

- Bonjour, Petit Prince, répéta-t-il.

Si la voix m’était parfaitement inconnue, ce n’était pas le cas de l’appellation… Je restais figé de stupeur face à cette apparition divine, dans l’incapacité totale d’esquisser le moindre geste. Je n’arrivais pas à croire ce que je voyais, me croyant victime d’une illusion… Comment était-ce possible ? Ce fut de nouveau la voix amusée de l’homme en face de moi qui me tira de mes pensées :

- Et bien, tu ne dis plus bonjour ?

Reportant mon attention sur lui, je vis un large sourire illuminer son visage alors qu’il me regardait avec tendresse et amusement. Il ne m’en fallut pas plus pour accourir vers lui et me jeter dans ses bras tendus vers moi, en sanglotant bruyamment.

- Oh mon Dieu… C’est toi… C’est bien toi, sanglotais-je sans parvenir à me contrôler. Tu m’as tellement manqué…

- Tu m’as manqué aussi Petit Prince, souffla Kay à son tour au creux de mon oreille.

Autour de moi, plus rien n’existait hormis Kay et le doux frottement de sa main dans mon dos. Noyé dans les larmes, je ne vis pas Philippe nous regarder en souriant tendrement depuis la fenêtre de son bureau, ni Juha adresser à Kay un regard glacial.

- Gabriel… Murmura Kay en raffermissant son étreinte autour de moi. Alors c’est ainsi qu’ils t’ont nommé ?

- Par vraiment, parvins-je à articuler entre deux sanglots. Mais je t’expliquerais ça…

Je restais un moment silencieux, la voix trop brisée par l’émotion pour espérer prononcer le moindre mot. C’est dans un murmure trahissant ma tristesse que je finis par reprendre :

- Tu m’as tellement manqué… J’ai pas arrêté de penser à toi… J’ai cru devenir fou après ton départ…

- Moi aussi Petit Prince… Moi aussi, souffla Kay en m’embrassant tendrement sur les cheveux. Nous avons tant à nous dire… Tellement d’années de séparation à rattraper…

- Gabriel ? M’appela alors Juha que j’avais honteusement occulté de mon esprit depuis mes retrouvailles avec mon ami de toujours. Tu nous présentes pas ? Demanda-t-il avec une pointe de reproche au milieu de laquelle je pus déceler une once de jalousie.

A contrecœur, je m’arrachais à l’étreinte de Kay et n’osant croiser le regard de Juha, honteux, j’entrepris de les présenter, bien que je me doutais parfaitement que Juha savait déjà à qui il avait affaire :

- Juha, je te présente Kay, mon ami d’enfance dont je t’ai déjà parlé… Kay, voici Juha, mon… Mon…

- Son amant, répondit froidement Juha à ma place, alors que je réfléchissais sur le qualificatif à employer pour désigner Juha, ami, amant, je ne savais plus trop…

C’est non sans une gêne certaine que je sentis la tension monter lourdement alors que les deux hommes de ma vie échangeaient une poignée de main courtoise mais extrêmement froide, Kay répondant sans aucune hésitation à la provocation de Juha. Après un temps qui me parut interminable et durant lequel j’aurais voulu m’enfuir six pieds sous terre pour ne pas avoir à supporter la froideur impersonnelle de Juha et la honte que je ressentais à le voir aussi dédaigneux envers Kay, Juha finit par déclarer sans se départir de sa froideur :

- J’vous laisse, j’ai du travail. Ravi d’avoir fait ta connaissance, Kay…

- Moi de même, répondit Kay en saisissant la main que Juha lui tendait.

Ne sachant que faire, je gardais obstinément les yeux rivés sur le sol, n’osant pas croiser le regard tumultueux de Kay et encore moins celui froid et perçant de Juha, me sentant comme un enfant prit en faute. Juha partit et un étrange silence s’installa entre nous. Je pouvais finis par relever la tête, sentant le regard pénétrant et inquisiteur de Kay sur ma nuque. Je croisais son regard d’un bleu tirant sur le gris non sans rougir et demandais, ne comprenant pas cette fixation sur ma personne et souhaitant surtout masquer mon trouble :

- Quoi ?

- Rien, répondit simplement mon vis à vis en me souriant avec cette tendresse particulière qui le qualifiait. Tu es heureux au moins ?

- Je… Oui, répondis-je après une seconde d’hésitation. C’est… C’est juste une mauvaise passe… Ca va s’arranger, me justifiais-je face au silence sceptique de Kay.

 Reportant mon attention sur Kay, je ne pus m’empêcher de le dévisager et cela le fit sourire. En dix ans, il n’avait pas changé. Il avait gardé cette arrogance qui le caractérisait et son visage avait perdu ses rondeurs d’adolescence pour laisser place à un visage d’homme dans la pleine puissance de l’âge. A vingt-sept ans, Kay était devenu un homme magnifique. Ses cheveux étaient un peu plus longs que dans mes souvenirs, mais c’était loin d’être choquant et cela lui seyait plutôt bien.

Semblant sentir le mal aise qui s’était emparé de moi à l’évocation implicite de ma relation avec Juha et le terrain glissant sur lequel il s’aventurait dangereusement, il changea de sujet et retrouvant son sourire qui m’avait tant manqué, il demanda :

- Alors c’est ici que tu travailles ? Tu me fais visiter ?

Retrouvant le sourire, j’invitais Kay à me suivre. Au passage, je saluais convenablement Shanenja qui tentait patiemment d’entraîner un Cobalt comateux dans son jeu. Nous entrâmes dans la sellerie où les employés buvaient leur café avant de commencer leur journée de travail, et sans un regard pour eux, j’entraînais Kay dans les écuries. Une fois seuls, ne me doutant pas un seul instant de la présence de Juha dans un des box, je demandais, laissant libre court à ma curiosité et souhaitant éclaircir ce qui, pour moi, était encore un mystère :

- Lorsque j’ai quitté l’orphelinat, le jour de mes dix-huit ans… Ou plutôt, devrais-je dire, quand ils m’ont mi à la porte, j’ai tenté désespérément de savoir où tu étais, mais… Tu semblais avoir… Disparu… Comme si tu n’avais jamais existé que dans mon imagination…

Je fis une pause, mon coeur douloureusement contracté à devoir ressasser ses souvenirs que je croyais avoir oublié, enfouis au plus profond de ma mémoire. Prenant une grande inspiration, je poursuivis, la voix brisée par l’émotion :

- Je t’ai cherché pendant des jours entiers… Où étais-tu ? Pourquoi ne m’as-tu pas attendu ? Après ça, j’en suis arrivé à te haïr pendant un temps, avouais-je honteux. Je pensais que tu m’avais abandonné toi aussi, que ce que nous avions vécu ensemble tout au long de ses années n’était rien pour toi… Et… Du jour au lendemain, tu réapparais dans ma vie sans que je ne sache ni pourquoi ni comment… Poursuivis-je alors que ma voix se brisait en un nouveau sanglot incontrôlable.

Instantanément, les bras puissant de Kay m’enlacèrent en une étreinte protectrice et rassurante. D’une voix douce, il commença à parler :

- J’ai pensé t’attendre, Petit Prince… Je ne vivais que pour le jour où l’on se retrouverait enfin… Mais, plus le temps passait plus je me disais que si nous en étions arrivé là, c’était par ma faute, que tu avais suffisamment souffert à cause de moi… Je voulais que tu puisses avoir une vie normale pour un enfant de ton âge, que tu sois heureux…

- Comment peux-tu dire cela ? Demandais-je indigné en m’arrachant à l’étreinte de Kay. Je n’ai jamais été aussi heureux que lorsque tu étais près de moi… Tu étais mon seul ami, Kay… Le seul à avoir prit soin de moi et à m’avoir apporté l’amour que tout le monde me refusait…

- Arrêtes de m’idéaliser, Gabriel ! S’exclama-t-il à son tour en me faisant sursauter. Aurais-tu oublié ce qu’ils t’ont fait subir ? Trois jours… Trois putain de jours ils t’ont laissé enfermer dans cette cave…

- Comment veux-tu que je l’oubli ? M’emportais-je, blessé. J’en fais constamment des cauchemars… Tu ignores tout de l’enfer que j’ai vécu après ton départ, ajoutais-je dans un murmure.

- Tu n’avais pas à subir les conséquences de mes actes, reprit-il, lui aussi, plus calmement.

- J’étais tout aussi coupable que toi, répondis-je en m’empourprant violemment en faisant allusion au fait que je ne l’avais pas repoussé lorsqu’il m’avait embrassé et au baiser que le lui avait même délibérément rendu.

- Pardonne-moi, souffla alors Kay.

Etonné, je relevais la tête vers lui et pus voir qu’il souriait, non sans une certaine mélancolie, pourtant.

- A peine nous nous retrouvons que déjà nous nous crions dessus, ajouta-t-il sans se départir de son sourire.

- Comme au bon vieux temps, répondis-je, en souriant également, toute ma rancœur et ma colère s’étant subitement volatilisées, alors que des souvenirs de nos disputes me revenaient en mémoire.

Le pire dans tout cela, c’était qu’à chaque fois, cela partait de raisons plus puériles les unes que les autres, comme savoir qui était arrivé le premier à la course alors que la plupart du temps nous étions ex aequo, qui avait finit le dernier bout de pain à la cantine ou encore l’équitabilité lorsqu’il était question de partage. Mais comme maintenant, nous finissions toujours par nous réconcilier en sourires timides alors que nous réalisions l’absurdité de notre emportement.

Sans se départir de mon sourire, j’observais attentivement Kay. Les yeux dans le vague, perdu dans ses pensées, il semblait lui aussi se souvenir de tous nos bons moment passés ensemble au vue du petit sourire qui étirait ses lèvres.

- Mais ça ne répond pas à ma question, repris-je après un instant de silence.

Si le regard de mon vis à vis se teinta d’incompréhension, celle-ci se dissipa bien vite lorsqu’il comprit le sens de ma phrase. Son sourire s’élargit d’avantage lorsqu’il répondit :

- Je t’ai vu par hasard à la télévision… Je ne savais pas que tu aimais les chevaux, ajouta-t-il face à mon étonnement.

Comprenant qu’il faisait allusion au concours auquel j’avais participé, je baissais les yeux en rougissant alors que nous arrivions au box d’Orphée. Inconsciemment, par pur réflex, je m’arrêtais et Kay fit de même.

- Alors c’est lui le fameux Orphée ? Demanda-t-il en tendant la main pour le caresser.

Je ne répondis rien, me contentant d’hocher simplement la tête en guise d’acquiescement tandis que Kay faisait connaissance avec ma monture, lui flattant doucement l’encolure alors qu’Orphée le reniflait bruyamment. Après un temps qui parut durer une éternité, Kay me fit de nouveau face, et retrouvant son sérieux, il déclara :

- Tout à l’heure, tu disais que ce n’était pas à l’orphelinat qu’ils t’avaient nommé ainsi…

Il ne termina pas sa phrase, mais je savais pertinemment le sens de sa demande implicite. D’une petite voix, j’entrepris de lui expliquer :

- Tu sais mieux que quiconque la manière dont ils m’appelaient là bas, me hélant ou m’appelant d’une façon dont je n’oserais même pas appeler mon chien… Ca à empiré après que tu sois parti et pas seulement de la part des adultes… Lorsque je suis arrivé ici, naturellement, Philippe m’a demandé mon prénom. Evidement, je suis resté muet, n’en ayant jamais reçu ou si c’est le cas, ne l’ayant jamais entendu… Je te laisse imaginer l’humiliation que j’ai pu ressentir à ce moment… Mais Philippe est vraiment quelqu’un d’extraordinaire… Après m’avoir longuement détaillé, il a décrété qu’il m’appellerait Gabriel parce qu’il trouvait, je cite, “que je ressemblais à un ange avec mes longs cheveux blond platine et mes yeux bleus”…

Je fis une pause, un sourire tendre étirant mes lèvres à ce souvenir avant de reprendre :

- Sans même me connaître, il m’a tout donné… Il m’a offert un nom, ainsi qu’un endroit ou vivre et un travail, le tout en moins d’une heure… Je ne le remercierais jamais assez pour tout ce qu’il à fait pour moi… Je lui dois ce que je suis…

- Tu as l’air de beaucoup tenir à lui, fit remarquer Kay. Et vue la façon dont il parle de toi, c’est réciproque…

- C’est vrai que je tien à lui, c’est l’un des êtres le plus cher à mon coeur… D’une certaine manière, lui expliquais-je, je vois en lui l’image paternelle que je n’ai jamais eu…

- Oui, je comprends, murmura Kay.

Un nouveau silence s’installa entre nous et après un temps, je demandais :

- Tu veux boire ou manger quelque chose ?

- Je veux bien un verre d’eau, s’il te plait, Gabriel, répondit-il en insistant sur mon prénom, comme si cela lui faisait bizarre de m’appeler ainsi et qu’il se familiarisait avec mon prénom.

Je lui adressais un sourire et alors que je me détournais pour quitter l’écurie après une dernière caresse à Orphée, je sursautais violemment à la vue de Juha. Dans le box de Royale for You, il me regardait d’un air indéchiffrable et au regard qu’il me lança, je sus qu’il avait été témoin de ma conversation avec Kay. Honteux de ce qu’il venait d’apprendre sur moi à mon insu, n’ayant jamais trouvé le courage de lui révéler cette façade de mon passé, je détournais le regard, ne supportant pas celui qu’il m’adressait et passais devant lui les yeux rivés sur le sol, suivit de près par Kay. Alors que nous quittions l’écurie et prenions la direction de l’appendice de la maison où était située ma chambre avant que je n’emménage avec Juha, Kay prit la parole :

- Tu le connais depuis longtemps ?

- Seulement depuis quelques mois, répondis-je mal à l’aise face au sujet abordé, n’aimant pas étaler ma vie privée et encore moins en ce moment. Mais nous sommes en… Couple depuis peu, avouais-je.

- Oh, se contenta-t-il de répondre. Et la raison de votre différent ?

- Disons simplement que nous n’avons pas la même conception des mots “couple” et “confiance”, répondis-je, réticent à dévoiler ma vie privée même à Kay, ne voulant pas qu’il s’aperçoive à quel point j’étais misérable et pathétique.

Nous arrivâmes dans la chambre et j’invitais Kay à s’asseoir sur le lit tandis que j’allais lui chercher un verre d’eau. Je lui tendis avant de prendre place à ses côtés, les poings serrés sur les genoux.

- Je comprend que tu sois tombé sous son charme, c’est un bel homme bien qu’il ait l’air d’avoir un sacré caractère…

J’esquissais un faible sourire à cette remarque. Il ne pouvait pas savoir à quel point il était proche de la vérité… Juha avait vraiment un caractère lunatique, pouvant être adorable un instant et exécrable la seconde suivante. Et pour parler crument, un caractère de merde était le mot le plus approprié qui me venait à l’esprit.

Après une courte pause, il reprit, sur un ton beaucoup plus grave :

- Je suis tellement fier de toi, Petit Prince…Tu es devenu un homme extraordinaire… J’ai laissé derrière moi un enfant à l’aube de sa vie et je retrouve un magnifique jeune homme, ajouta-t-il en passant une main dans mes cheveux détachés. Tu es resté tel que dans mes souvenirs. Et je dois t’avouer que je suis un peu jaloux…

Je tiquais à ces mots et relevais subitement les yeux vers Kay, attendant une explication qui ne tarda pas à arriver :

- Je ne m’attendais pas à te voir en couple, mais d’un autre côté, beau comme tu es devenu, le contraire m’aurait étonné… En tout cas, je suis heureux pour toi, vraiment, et j’espère sincèrement que cela s’arrangera entre vous…

Profondément touché par les paroles de Kay, je m’effondrais en sanglot dans ses bras. S’il parut surpris de ce brusque changement de comportement, il n’en laissa rien paraître et m’accueilli à bras ouvert, me consolant tendrement comme lorsque nous étions enfants. J’étais tellement bien au creux de ses bras, réconforté par sa chaleur et sa présence, alors qu’il m’offrait l’amour et la tendresse qui me faisait tant défaut depuis quelques jours. Respectant ma tristesse, Kay ne me demanda aucune explication sur cette soudaine crise de larme, se contentant de me serrer dans ses bras.

- Pleure… Pleure autant que tu veux, murmura-t-il. Je suis là… Je ne te laisserais plus Gabriel, plus jamais… Je t’aime…

Noyé dans mes sanglots, j’entendis vaguement Kay murmurer à mon oreille, mais trop prit par la douleur que je ressentais au plus profond de moi, je ne compris pas le sens de ses mots, me laissant bercer par sa voix grave et apaisante. Je restais bien une vingtaine de minutes à pleurer toutes les larmes de mon corps appréciant le sentiment de réconfort à sentir Kay si près de moi. J’avais vraiment l’impression d’être revenu dix ans en arrière alors que nous étions encore enfants et qu’il me consolait après que je me sois fait réprimander par le père Colman ou les sœurs qui s’occupaient de nous. Quand mes larmes s’asséchèrent, je restais encore quelques minutes dans les bras de Kay avant de me reculer et murmurer un faible “pardon”, honteux. Il me rassura d’un sourire mais je pus déceler dans ses yeux un éclair fugace de tristesse. Un sentiment de honte s’empara de moi, j’avais honte de ne parvenir à maitriser mes émotions en présence de mon ami d’enfance et n’osais imaginer ce qu’il devait penser de moi.

Séchant mes larmes du revers de la main, j’allais me passer  rapidement le visage sous l’eau froide et lorsque je revins, j’adressais un large sourire à Kay qui me demanda :

- Alors, tu me montres comment tu montes à cheval ?

Mon sourire s’élargit et enfilant ma polaire sans manche, je suivis Kay qui quitta la pièce. Prenant la direction de la sellerie, j’engageais la conversation sur Kay, n’ayant parlé que de mon depuis son arrivée :

- Parle-moi un peu de toi…

- Que veux-tu savoir ? Demanda-t-il, amusé.

- Tout… Répondis-je en attrapant ma selle et mon filet. Je veux tout savoir… Ce que tu as fait ces dix dernières années, ton métier, où tu vis…

- Une question à la fois, répondit-il en riant. Commençons par le début… Lorsqu’ils t’ont emmené le jour de mon départ, une voiture est passée me chercher. Comme j’étais mineur, ils n’avaient pas l’autorisation de me laisser dans la nature, bien qu’à mon avis ce n’était pas l’envie qui leur manquait. Alors le vieux Colman m’a fait transférer dans un autre établissement loin de celui où tu étais. J’y suis resté pendant deux ans puis j’ai finis par fuguer un mois avant ma majorité. Là, j’ai traîné dans les environs et amassé des petits boulots payés au black. Je me faisais loger chez les paysans qui m’employaient. J’ai vécu comme ça pendant près de six mois. Je voulais t’attendre, j’étais prêt à vivre ainsi le temps qu’il fallait pour pouvoir enfin être de nouveau avec toi. Puis, un jour, j’ai rencontré un vieil homme un peu fou qui m’a enseigné son don. Il était ostéopathe. J’ai vu là une opportunité alors je l’ai suivis. J’avais dans l’idée de gagner assez d’argent pour pouvoir  vivre avec toi quand tu quitterais l’orphelinat. Cela a prit plus de temps que je ne croyais et lorsque je suis allé voir Colman pour lui demander où tu étais, il n’en avait aucune idée. Personne ne savait ce que tu étais devenu… Je t’ai cherché partout mais sans parvenir à te trouver… Alors j’ai prit un appartement et j’ai ouvert mon cabinet. Mais je ne t’avais toujours pas oublié. J’étais même prêt à faire appel à un détective privé. Et puis je t’ai vu à la télévision, tout à fait par hasard…. Je t’ai immédiatement reconnu. Après cet épisode, je suis allé me renseigner auprès des organisateurs du concours pour avoir des informations sur toi. C’est ainsi que je t’ai retrouvé…

Après ces révélations, il se tu avant de reprendre légèrement hésitant :

- J’ai longtemps hésité avant de me présenter à toi… J’avais peur que tu m’ai oublié et de la réaction que tu aurais en me voyant réapparaître dans ta vie après dix ans…

- Imbécile, soufflais-je en lâchant ma brosse pour le prendre dans mes bras. Comment veux-tu que je t’oublie ?

Dans ma poitrine, mon coeur battait à tout rompre. Alors comme ça, Kay ne m’avait pas oublié et avait même caressé le rêve que l’on vive ensemble à ma majorité ? Cela signifiait-il qu’il éprouvait des sentiments pour moi ? Pourquoi la vie était-elle aussi cruelle ? Pourquoi nous avait-elle séparé alors que l’on aurait pu vivre heureux ensemble depuis le début pour nous faire nous retrouver dix ans plus tard alors que j’aimais Juha… Car au fond de moi, j’aimais toujours Kay, c’était indéniable et rien ne changera cela, mais maintenant, il y avait Juha que j’aimais sincèrement aussi…

Des larmes de colère et de frustration contenue roulèrent silencieusement sur mes joues alors que je serrais Kay toujours plus fort contre moi. Nous restâmes un long moment ainsi enlacés, tentant par cela d’apaiser les blessures de nos coeurs, car même s’il ne le montrait pas, je savais que Kay souffrait. Je le voyais dans ses yeux… Nous nous séparâmes lorsque la cloche annonça l’heure du déjeuner et séchant mes larmes, je refermais le box d’Orphée avant de guider Kay jusqu’au réfectoire. Là, je l’invitais à prendre place à la table que j’avais l’habitude de prendre et nous commençâmes à manger en silence. Inconsciemment, je guettais l’arrivée de Juha et lorsque je le vis, d’un regard, je l’invitais à venir nous rejoindre. Il me toisa de toute sa supériorité et après quelques secondes durant lesquelles je cessais de respirer, le coeur douloureux, je le vis se détourner pour aller s’installer seul à une table, bientôt rejoint par Dorian.

Perdant l’appétit face à ce spectacle, je repoussais mon assiette, dégoûté, ne comprenant pas le comportement de Juha. Ne souhaitant pas qu’il voit à quel point j’avais mal et me sentais blessé, je reportais mon attention sur la fenêtre, le menton callé dans ma main gauche, sous le regard intrigué de Kay. Les yeux humides de larmes, je me faisais violence pour ne pas me mettre à hurler d’indignation et de colère. Comment osait-il seulement s’afficher avec lui en face de moi sans la moindre honte ? N’étais-je qu’un jouet pour lui ? Allait-il me jeter comme il l’avait fait avec Dorian, maintenant qu’il m’avait eu dans son lit ?

Ne supportant plus de l’entendre rire avec Dorian comme s’ils étaient les meilleurs amis du monde, je quittais précipitamment le réfectoire, restant sourd aux appels désespérés de Kay. Instinctivement, mes pas me conduirent auprès du seul ami qui me trahirait jamais et je m’enfermais dans le box d’Orphée avant de me laisser glisser contre la paroi en bois.

Mes yeux inondés de larmes me piquaient affreusement, mais ce n’était rien à comparer de la douleur qui me poignardait le coeur. Ruminant mes sombres pensées, je n’entendis pas Kay entrer à son tour dans le box et ne me rendis compte de sa présence que lorsque ses bras puissants m’enlacèrent jalousement en une étreinte possessive.

Pendant un temps qui me parut interminable, je me libérais momentanément du poids de la douleur qui étreignait mon coeur. Quand mes pleurs cessèrent, Kay inspira longuement avant de me demander sur un ton qui n’acceptait aucun refus :

- Et si tu me racontais ce qui ne va pas ? Tu ne crois pas que cela te soulagerais un peu ? Je ne te crois pas quand tu dis que ce n’est rien, Gabriel, ne me prend pas pour plus stupide que j’en ai l’air. Ce n’est pas possible que tu te mettes dans un tel état pour une simple querelle de couple. Je pense que c’est beaucoup plus grave et profond que cela…

- Je… D’accord, cédais-je, soupirant de lassitude. Mais pas ici…

Sans un mot supplémentaire, je me levais et passais le licol à Orphée avant de quitter l’écurie. Je ne me sentais pas en état de monter à cheval, trop bouleversé moralement par les récents incidents, mais j’avais besoin de souffler et changer d’air. Malgré le froid de ce mois de janvier, je pris la direction des bois.

Lorsque nous fûmes suffisamment éloignés du ranch, seuls au milieu de la nature sauvage, je ralentis l’allure pour aller m’asseoir au pied d’un arbre à la lisière d’une petite prairie, laissant ma monture brouter les quelques brins d’herbe qu’il trouvait. Kay prit place à mes côtés dans un silence le plus total et attendit patiemment que je daigne prendre la parole. J’hésitais longuement, ne sachant par ou commencer avant de finalement me lancer :

- Que veux-tu savoir ? Demandais-je d’une voix monotone trahissant toute ma lassitude. Le fait que j’aime un homme qui jamais ne me le rendra, trop obnubilé par la mémoire d’un mort ? Qu’il soit resté sans la moindre réaction lorsque je lui ai avoué mon amour pour lui ? Ou encore que je me sens minable et pathétique ?

- Qu’est-ce que… Commença Kay. Il est resté sans réaction ? S’indigna-t-il face à mon aveu.

- Je… Ne le blâme pas, répondis-je, prenant malgré moi, la défense de Juha. C’est… C’est de ma faute, je n’aurais pas dû le lui dire… Il avait eu une journée éprouvante moralement et je… Je n’ai rien trouvé de mieux à faire que de lui avouer mes sentiments pour lui. Je pensais bien faire, me justifiais-je, me sentant le besoin de le faire. Je voulais qu’il sorte de l’état léthargique dans lequel il était plongé depuis quelques jours. Je… Je pensais que lui avouer mon amour lui ferait comprendre à quel point j’aimerais le voir regarder vers l’avenir, pour lui faire comprendre qu’il n’est plus seul…

- Je comprends mieux, souffla Kay pour lui-même. Peut être ne l’a-t-il pas comprit de cette manière, mais quoi qu’il en soit, je trouve son comportement inadmissible. Comment a-t-il osé te faire subir cela à toi ? Mon petit Prince… Murmura-t-il en me prenant dans ses bras.

Callant ma tête contre son torse, une main agrippant fermement son bras, je me laissais aller à cette douce étreinte, me sentant protégé et en sécurité entre ses bras. Pendant un instant, j’eu l’impression que Kay pleurait, mais je chassais immédiatement cette idée de mon esprit. Kay n’était pas le genre d’homme à se laisser aller à ses émotions. Nous finîmes par prendre le chemin du retour lorsqu’il commença à faire nuit et que le froid nous engourdissait les membres. Je rentrais Orphée au box, sans même un regard pour Juha qui distribuait le foin aux pensionnaires et lui offrit un bon pansage sans m’attarder pourtant. Puis, réalisant subitement un détail qui ne m’avait pas effleuré l’esprit jusqu’à maintenant, je me tournais vers Kay et lui demandais :

- Tu as quelque par où dormir ?

- Je prendrais une chambre d’hôtel près d’ici, répondit-il en me rassurant d’un sourire.

- Ca va pas non ! M’exclamais-je. Viens à la maison. C’est pas grand mais ce sera sûrement mieux que l’hôtel. Et puis c’est hors de question que tu payes la peau du cul une chambre d’hôtel miteuse.

Visiblement gêné, il regarda furtivement derrière moi avant de répondre :

- Je ne voudrais pas causer de problème entre vous…

- Il n’y a aucune problème, répondis-je peu être un peu trop hâtivement pour être crédible.

Evitant le regard de Juha, je repris plus calmement après un temps :

- Je vais voir Philippe, j’ai deux trois choses à régler avec lui, je reviens vite…

- D’accord, je t’attends…

J’adressais à Kay un sourire de remerciement et allais retrouver Philippe dans son bureau. Alors que je m’apprêtais à entrer, j’entendis la voix de Marion s’élever derrière la porte. Mon réflexe premier fut de faire demi-tour, mais je me ravisais. Après tout, je ne lui devais rien…

Je frappais quelques coups à la porte et attendis qu’il m’invita à enter. Ce faisant, je n’adressais qu’un furtif coup d’oeil à Marion et après avoir salué Philippe, je lui demandais :

- Puis-je te parler… En privé ?

- Bien sûr mon garçon, s’empressa-t-il de répondre avec un sourire chaleureux. Nous reprendrons cette conversation plus tard, ajouta-t-il à l’intention de sa fille. Mais sache que sur le principe je suis contre, c’est un centre équestre, pas le club Med !

- Bien, se contenta-t-elle de répondre avant de sortir en claquant la porte.

- Quelle enfant pourrie gâtée, soupira Philippe en se massant les tempes. Cela ne fait aucun doute qu’elle ait été élevée par sa mère… Alors, qu’est-ce qui t’amènes ? Cela se passe-t-il bien avec ton ami ?

- Oui, répondis-je en souriant. Cela se passe à merveilles, je te remercie.

Malgré tout, Philippe sembla sentir que si la forme y était, ce n’était certainement pas le cas du reste, car subitement soucieux, il demanda :

- Il y a un problème ?

- Pas vraiment, répondis-je en éludant la question. Ce soir Kay dormira à l’appartement, mais je… Enfin j’aurais aimé savoir si c’était possible qu’il puisse dormir dans ma chambre les jours suivants…

- Je n’y vois pas d’inconvénients, assura-t-il avec un large sourire.

- Merci, soufflais-je en lui adressant dans lequel il pouvait lire toute la gratitude et la reconnaissance que j’éprouvais pour lui.

Après un court silence durant lequel je pus voir Philippe hésiter, il prit la parole :

- Qu’est-ce qui ne va pas avec Juha ? C’est à peine si vous vous adressez la parole depuis quelques jours…

- Ce n’est rien, le rassurais-je, juste un petit différent. Ca va bien finir par s’arranger, ajoutais-je alors que je tentais de me convaincre moi-même.

- Tu es certain ? Insista-t-il visiblement inquiet. Tu n’hésites pas à venir me voir si vraiment ça va pas d’accord ?

- Je te promets,… Merci Philippe, soufflais-je ému.

- Viens là, sourit-il en me tendant les bras entre lesquels j’allais me réfugier sans me faire prier.

J’aimais la sensation de réconfort que je ressentais à me savoir ainsi entouré de son aura protectrice et paternelle qu’il avait envers moi. A l’instant où il m’avait vu, il m’avait pris sous son aile et continuait de m’apporter son  aide et son amour encore aujourd’hui. Il était toujours là lorsque j’avais besoin de lui. il était en quelques sorte mon ange gardien…

- Merci Philippe…

Nous nous séparâmes et je souhaitais une bonne soirée à Philippe. Alors que je m’apprêtais à fermer la porte derrière moi, je me stoppais, réalisant que j’oubliais quelque chose :

- Oh et tu me diras combien je te dois pour la chambre !

- Non mais ça va pas non ?! S’exclama-t-il, choqué. Je ne t’ai jamais fait payer quoi que ce soit, ce n’est pas aujourd’hui que ça va commencer !

- Merci Philippe, répétais-je. Merci pour tout… du fond du coeur, soufflais-je avant de partir pour de bon sur un ultime sourire de sa part.

Entrant dans l’écurie, je trouvais Kay en train de caresser Orphée d’une main et Niladhevan de l’autre. Je souris amusé à cette vision et balayant le bâtiment du regard, je ne trouvais aucune trace de Juha. Je m’approchais alors de Kay qui me sourit en me voyant arriver :

- Tu as pu voir ce que tu voulais ?

- Oui, tout est réglé, répondis-je. Désolé de t’avoir fait attendre…

- Ce n’est rien, ne t’inquiète pas. Je conçois tout à fait que tu ais des choses à faire…

- Où… Où est Juha ? Demandais-je après un court silence.

- Il est partit par là il y a une dizaine de minutes, répondit-il en pointant le bout de l’écurie du doigt.

- Merci… Je reviens, déclarais-je avec un petit sourire contrit avant de partir à la recherche de Juha.

Suivant les indications de Kay, je trouvais Juha seul dans la sellerie en train de graisser une selle. Stressant à l’idée de m’entretenir avec lui, je m’approchais hésitant puis prenant mon courage à deux mains, je commençais à parler :

- Je… Nous n’allons pas tarder à rentrer… Tu viens ?

- Je suis occupé tu ne vois pas ? Répondit-il sèchement sans le moindre regard pour moi. J’ai du travail, alors rentre avec ton Kay, je rentrerais à pieds avec Shanenja lorsque j’aurais terminé.

Je serais les poings dans le but de contenir ma colère et murmurais un “vas te faire foutre” rageux. Avant de rejoindre Kay. Revenant vers lui, je lançais :

- On s’en va !

- Tu n’attends pas ton ami ? Demanda-t-il visiblement surpris.

- Qu’il se démerde ! Répondis-je simplement, contenant mal la fureur qui m’habitait.

D’un accord commun, je laissais la voiture de Philippe au centre et nous prîmes celle de Kay. Je restais silencieux tout le temps que dura le trajet, ne parlant que pour lui indiquer la route à suivre. Si Kay s’interrogeait sur mon mutisme soudain, il eut le tact de ne me demander aucune explication et je lui en étais grandement reconnaissant, ayant honte de lui avouer que je venais de me faire jeter une nouvelle fois. Kay gara la voiture sur le petit parking en face de l’appartement et me suivi alors que je le précédais jusqu’à chez nous. Lorsqu’il entra, il observa attentivement autour de lui, intrigué, alors que j’ôtais ma veste et récupérais la sienne. Je lui fis rapidement visiter les quatre pièces de notre petit logement et lui proposais à boire ou à manger. Il refusa poliment et je poursuivis :

- Si tu veux prendre ta douche, je peux te prêter ce dont tu as besoin…

- Je te remercie, répondit-il avec un sourire.

Je me rendis alors à la salle de bain et lui sortais ce dont il avait besoin et avant de le laisser, je lui indiquais que je déposais sur le lit, un tas de vêtement propres pour lui. D’une carrure un peu plus imposante que la mienne, je lui prêtais une chemise à Juha en espérant qu’il ne m’en tiendrait pas rigueur.

Après quoi, je retournais à la cuisine et entrepris de préparer le repas du soir. Seul, je me laissais enfin à repenser au comportement odieux que Juha avait eut avec moi un peu plus tôt. Pourquoi devait-il être si froid avec moi ? Ne voyait-il pas les efforts que je faisais pour tenter d’arranger les choses ? Pourquoi n’en faisait-il pas de son côté ? Etait-ce sa façon de me dire qu’il ne voulait plus de moi ? Toutes ces belles paroles n’étaient-elles destinées qu’à m’attirer à lui et me mettre dans son lit ? Malgré la douleur que je  ressentis à cette supposition, je ne pus m’empêcher d’y penser. Si c’était le cas, maintenant qu’il m’avait eu, qu’attendait-il pour me jeter au lieu de me laisser là, à attendre quelque chose de lui ?

Pas du tout concentré à ce que je faisais, je sursautais violemment avant de laisser tomber le couteau que je tenais après m’être profondément entaillé la main. Perdu dans mes sombres pensées, je n’avais pas entendu Kay arrivé et sursautais en entendant sa voix s’élever dans mon dos :

- Laisse, je vais le faire… Va te doucher, ça te détendra…

Je restais un instant sans réaction, contemplant ma main ensanglantée alors que je me sentais de moins en moins bien, ne supportant pas la vue du sang. Face à mon absence de réaction, Kay me força à me retourner et posant délicatement sa main sur ma joue dans le but de me faire lever les yeux vers lui, il demanda d’une voix qui ne cachait rien de son inquiétude :

- Tu es sûr que ça va ? Je te trouve bien pâle…

A ses mots, je baissais automatiquement les yeux sur ma main blessée et Kay suivit le mouvement.

- Il faut soigner ça… Viens !

M’attrapant pas le bras, il me traîna jusqu’à la salle de bain alors que dans un état second, je me laissais faire sans protester. Me faisant m’asseoir sur le rebord de la baignoire, il chercha la boite à pharmacie. Je n’eu pas la moindre réaction lorsqu’il désinfecta méticuleusement la plaie et la banda avec soin.

- Maintenant, déclara-t-il lorsqu’il eut fini, je veux que tu te détendes. Tu es tout contracté, pas étonnant que tu te sois blessé. Alors tu vas me faire plaisir et prendre une bonne douche de façon à te relaxer, d’accord ?

J’hochais simplement la tête pour lui faire savoir que j’avais compris et après avoir déposé un baiser sur ma tempe, il me laissa seul. Obéissant instinctivement à l’ordre de l’homme que je considérais comme mon deuxième ange gardien, je fermais la porte à clé et me déshabillais lentement. J’entrais dans la cabine de douche et réglais la température au maximum de sa chaleur avant de me glisser sous l’eau, tentant de maîtriser la tempête tumultueuse que mes sentiments déclenchaient en moi. Mais lorsque pour la énième fois, je me remémorais mon entretien avec Juha, je finis par craquer et ma douleur explosa en de bruyant sanglots, les ayant retenu toute la journée.

Abattu, je me laissais glisser contre la paroi glacée de la cabine qui contrastait avec la chaleur environnante. Je m’en voulais de faire subir cela à Kay et je n’osais imaginer ce qu’il devait ressentir à être ainsi spectateur de ma détresse. Et dire que tout cela avait commencé à cause d’une simple phrase prononcée… Si j’avais su où cela nous mènerait, jamais je n’aurais prononcé ces trois mots maudits. Pourquoi devais-je en souffrir alors que je les prononçais pour la première fois de ma vie ? L’hypothèse que j’avais émise toute à l’heure me reviens en mémoire, faisant redoubler la violence de mes sanglots. Malgré ma douleur, je tentais de les refouler mais en vain. Tout ce que j’espérais c’était que le bruit de l’eau couvrirait celui de mes pleurs.

Durant un temps qui me parut interminable, je restais ainsi recroquevillé sur moi-même en une position d’autoprotection. Lorsque toutes les larmes de mon corps se furent asséchées, je consentis à me relever et à me laver. Une fois sortis de la cabine de douche, je me séchais et fis face au miroir qui me renvoyait une image des plus horribles. Les yeux rougis pas les larmes et mes traits tirés ne passaient pas inaperçu et n’aidaient pas à améliorer les choses.

Une serviette nouée sur les hanches, je sortis de la salle de bain après m’avoir négligemment séché les cheveux. Aux voix qui résonnaient dans l’appartement, je sus que Juha était rentré. Mon coeur se serra à cette pensée… Depuis combien de temps était-il arrivé ? Quel genre de soirée allions nous passer ? Une fois changé, je pris sur moi pour afficher un air détendu et allais rejoindre Kay et Juha dans la cuisine. La table avait été mise et sur le plan de travail était posé un gâteau pâtissier. Alors que j’entrais dans la cuisine, Juha et Kay reportèrent leur attention sur moi. Faisant un effort, je me tournais alors vers Juha et demandais :

- Tu… Tu es arrivé il y à longtemps ?

- Près d’une demi-heure, répondit-il en me dévisageant longuement.

Honteux qu’il me voit ainsi je détournais le regard et pris place en bout de table entre Kay et Juha. L’estomac noué, je grignotais plus que je ne mangeais. Un silence monastique régnait dans la pièce. Je ne savais pas ce qu’il s’était passé ou dit entre eux, mais je n’étais pas insensible à la tension qui émanait de chacun. Et intérieurement, cela me fit mal de voir les deux hommes que j’aimais d’un amour différent mais tout aussi intense et sincère s’ignorer et se jalouser ainsi. Je me retrouvais au milieu d’eux, incapable d’en préférer un à l’autre, avec la désagréable impression d’être un prix qui reviendrait au vainqueur du duel…

Plusieurs minutes s’écoulèrent ainsi dans un silence limite angoissant avant que Juha finisse par prendre la parole, à mon plus grand étonnement :

- Sinon, tu fais quoi dans la vie ?

S’il parut surprit par le soudain intérêt que lui portait Juha, Kay n’en laissa rien paraître et répondit d’un ton détaché après un regard dans ma direction :

- Je suis ostéopathe, et peintre amateur à mes heures perdues.

- Peintre ? Répétais-je surpris, ne lui connaissant pas cette passion. Aurais-tu une quelconque notion de ce que le mot “art” signifie ? Demandais-je en me moquant gentiment de lui. Car si mes souvenirs sont bons, on ne peut pas vraiment dire que tu étais un fervent admirateur des tableaux accrochés aux murs de l’église… Ajoutais-je, me rappelant l’horreur de Kay pour les scènes bibliques représentées sur les toiles.

Un sourire narquois étirait mes lèvres, sourire qui disparut bien vite alors que Kay rétorquait :

- Et qu’est devenu ton don pour le théâtre ?

J’ouvris de grands yeux à cette question et voyant très bien où il voulait en venir, je tentais pourtant de nier :

- Je… Je ne vois pas du tout de quoi tu parles…

- Vraiment ? Dans ce cas, laisse-moi te rafraichir la mémoire, répondit-il avec un sourire victorieux, visiblement fier de lui.

- C’est gentil, mais ça n’en vaut vraiment pas la peine, insistais-je, honteux.

- Attend, que je me souvienne… C’était quel tableau déjà ?

- C’est celui du banquet, répondis-je à contrecoeur sans oser relever les yeux de mon assiette encore pleine.

- Ah oui ! « Eh, Judas, z’y va pass’moi l’sel ? » Commença Kay en imitant l’accent des jeunes de banlieue.

- Kay… Gémis-je, le suppliant de se taire.

Compatissant, il se contenta d’ajouter entre deux éclats de rire :

- Je me souviendrais toujours de la tête du père Colman quand il t’a entendu… C’était à mourir de rire…

- Et moi, rétorquais-je boudeur, mon poignet se souvient encore du passage de la Bible que j’ai du recopier cent fois en guise de punition…

Les éclats de rire de Kay redoublèrent d’intensité et levant les yeux, amusé malgré moi, je fus surpris de voir Juha sourire, visiblement amusé lui aussi.

- Et si au lieu de vanter mes prouesses on parlait des tiennes ! Déclarais-je en râlant. Parce qu’il n’y a pas à dire, mais tu restes quand même le moins bien placé pour te permettre de la ramener…

- Moi ? S’exclama-t-il faussement indigné.

- Oui toi, confirmais-je avec un regard accusateur.

Kay émit un petit rire satisfait avant de déclarer, une lueur de malice et de provocation brillant dans les yeux :

- Mais je ne faisais que répondre à tes provocations…

- Ah ouais ? Répondis-je plus que sceptique. Et si on reparlait du jour où t’as explosé le vitrail de l’église…

- Peut-être, rétorqua-t-il instantanément, mais en attendant, celui qui a pousser Colman dans le ruisseau c’est pas moi !

Je restais muet de stupeur face à cette accusation déloyale, Kay m’ayant forcé de le faire après que j’eu perdu un pari que nous avions fait. Retrouvant mon sens de la répartie, je répliquais :

- Non, toi tu es celui qui à éventrer les balles de foin du paysan en faisant du toboggan dedans…

Un sourire victorieux étirant ses lèvres, Kay déclara :

- Si je me souviens bien, tu ne t’es pas privé pour sauter dedans la tête la première…

Je ne répondis rien à cela, sachant pertinemment que, comme lorsque nous étions plus jeunes, je n’aurais jamais le dernier mot avec lui. Dans un geste purement puéril, je lui tirais la langue avant d’esquisser un sourire qu’il me rendit. Notre joute verbale n’était que pure taquinerie, les mêmes que dix ans auparavant, le naturel revenant au galop. Nous finîmes par éclater de rire aux souvenirs évoqués et à tous les autres qui nous revenaient en mémoire.

Je me doutais bien que Juha devait se sentir un peu délaissé, mais égoïstement j’avais besoin de rire avec Kay. J’avais besoin de décompresser après la journée éprouvante émotionnellement que je venais de vivre et rire avec mon ami d’enfance était pour moi, la meilleure des choses. Juha finit par se lever et déposa le gâteau sur la table. Il servit Kay et alors que venais mon tour, je commençais par refuser, l’estomac toujours noué, mais face au regard empli de reproches de Kay, je finis par accepter.

Après quoi, je servis un café à Kay avant de passer au salon. Il prit place à côté de Juha dans le canapé alors que déplaçant le fauteuil, je m’installais face à eux. Pendant un long moment, nous nous racontâmes nos souvenirs communs, riant aux éclats en se remémorant les moments inoubliables de notre enfance, évitant pourtant soigneusement d’aborder un sujet qui nous mettait tout deux mal à l’aise, surtout en présence de Juha. De son côté, Juha avait l’air de s’ennuyer ferme, tant et si bien qu’il ne tarda pas à aller se coucher. Malgré moi je me sentais un peu coupable de se départ précipité.

Quand Juha fut parti, j’allais m’installer auprès de Kay, n’arrivant toujours pas à me faire à l’idée qu’il était bel et bien là, craignant de le voir disparaître à tout moment. Durant de longues heures encore, nous discutâmes de tout et de rien, échangeant nos passions et nos centres d’intérêt, partageant nos espoirs et nos rêves. Nous nous dévoilions l’un à l’autre sans aucun secret, réapprenant à nous connaître après cette trop longue séparation…

Plongés dans notre conversation, Kay ayant passé son bras autour de mon épaule en un geste amical, ce ne fut que sur les coups de quatre heures du matin, les yeux brillants de larmes de fatigue que je daignais enfin aller me coucher. Alors que Kay dépliait le canapé, j’allais chercher des draps propres et une couverture dans la chambre. Sans bruit, afin de ne pas réveiller Juha, je me dirigeais à tâtons vers ma table de chevet et allumais la lumière. Par habitude, je lançais un bref coup d’oeil à Juha et la vision qu’il m’offrit me serra le coeur.

Replié sur lui-même, il était terré contre le bord du lit à l’endroit le plus reculé de là où je dormais. Blessé, je reportais mon attention sur ce que j’étais venu faire et rejoignis Kay. Il dut s’apercevoir de ma petite mine car inquiet, il me demanda si j’allais bien. Je le rassurais d’un sourire et l’aida à préparer son lit de fortune. Lorsque celui-ci fut prêt, nous nous souhaitâmes une bonne nuit. C’est non sans rougir que je vis Kay s’avancer lentement vers moi et poser délicatement sa main sur ma joue gauche avant de m’embrasser tendrement sur l’autre, me murmurant un “bonne nuit, Petit Prince” au creux de l’oreille. L’instant de surprise passé, je me penchais à mon tour vers lui et déposais mes lèvres sur sa joue mal rasée avant de lui souhaiter une bonne fin de nuit et de regagner ma chambre. Alors que je parcourais les quelques mètres qui me séparaient de la porte, je pus sentir le regard intense de Kay me piquer la nuque.

Dans la chambre, je me changeais rapidement et me couchais également le plus prêt possible du bord du lit, tournant le dos à Juha pour ne pas souffrir d’avantage de son éloignement et du dégoût que je semblais lui inspirer pour qu’il s’éloigne ainsi de moi. Epuisé, je ne tardais pas à m’endormir d’un sommeil agité et peuplé de souvenirs qui se mêlaient à l’instant présent, me faisant douter de la réalité.

Je me réveillais en sursaut le lendemain matin après un cauchemar plus vrai que nature. Ouvrant les yeux, je tombais nez à nez avec un lit vide. Je soupirais de lassitude en me passant la main sur le visage avant de tourner la tête vers le réveil. Celui-ci affichait  sept heures quarante cinq, l’heure à laquelle je partais habituellement travailler. Je n’avais dormi que quelques heures mais j’avais l’impression que cela faisait bien plus longtemps, malgré mon état de fatigue avancé.

Tendant l’oreille, je tentais de déceler la présence de Juha dans l’appartement, mais face au silence qui me répondit, j’en déduis qu’il devait être sorti. Etait-il allé travailler ? Pourquoi ne m’avait-il pas réveillé ?

Attrapant mon portable posé sur la table de chevet, je composais le numéro personnel de Philippe et l’informais que j’arriverais sûrement en fin de matinée, lui résumant brièvement la situation. Je l’entendis rire à l’autre bout du fil lorsque je lui expliquais que j’étais encore dans mon lit, n’ayant pas entendu le réveil sonner. Visiblement pas contrarié le moins du monde, il m’offrit ma journée, me proposant d’en profiter pour faire découvrir le coin à Kay. Je le remerciais et lui souhaitais une bonne journée avant de raccrocher et de balancer le téléphone à l’autre bout de la pièce. Bâillant à m’en décrocher la mâchoire, je remontais la couverture sur moi en  me couchant sur le côté et entrepris de me rendormir.

Lorsque je me réveillais de nouveau, le soleil était déjà haut dans le ciel. Après m’être longuement étiré, je reportais mon attention sur le réveil qui affichait déjà midi vingt. Je m’étirais une nouvelle fois et me motivant, je sortais du lit. J’enfilais à la hâte un bas de jogging et sans bruit afin de ne pas réveiller Kay, je quittais la chambre. Je réprimais un sursaut à le voir me fixer en souriant, ne m’attendant pas à le voir déjà levé. S’approchant de moi, il m’embrassa tendrement sur la joue avant de déclarer :

- Bonjour toi… Tu as bien dormis ?

- Bonjour, répondis-je affreusement gêné. Oui mais je… Ca fait longtemps que tu es levé ?

- Depuis dix heures, me répondit-il.

- Je… Tu… Tu aurais dû me réveiller, soufflais-je, honteux.

- Pourquoi ? Demanda-t-il visiblement surpris. Tu avais besoin de dormir et puis comme ça, j’ai eu le temps de te préparer un petit déjeuner digne de ce nom. Tu as faim j’espère?

- T’imagine même pas ! Répondis-je en lui offrant un immense sourire.

- Et bien dans ce cas, à table ! S’exclama-t-il en me prenant par la main et en m’entrainant à sa suite.

Nous prîmes place l’un en face de l’autre devant une table plus que garnie et commençâmes à manger en silence. Après un temps, je lui demandais :

- Tu veux faire quelque chose de spéciale aujourd’hui ?

- Ce que tu voudras, répondit-il. Etre avec toi me suffit amplement…

Je lui adressais un petit sourire reconnaissant mais néanmoins gêné avant de répondre :

- Je voudrais aller voir quelque chose en ville, après on fait ce que tu veux !

- Ca me convient, répondit-il en souriant.

Nous terminâmes notre petit déjeuner et après nous être préparés, nous nous rendîmes en ville. Un sourire amusé étira mes lèvres lorsque je vis la surprise se dépeindre sur le visage de Kay alors que j’allais me renseigner pour le futur tatouage qui me faisait envie depuis longtemps déjà.

Alors que nous entrions dans le salon et que j’expliquais succinctement ce que je voulais à Kay, nous fûmes accueilli par une femme d’une quarantaine d’années à peine qui nous reçu poliment.  Je lui montrais le motif que je voulais et l’endroit où je le voulais et nous fixâmes le rendez-vous en fin d’après-midi, celle-ci ayant eu un désistement. C’est fou de joie que je quittais la boutique, entrainant Kay à ma suite et l’emmenant visiter les environs. Pendant plusieurs heures d’affilées, nous nous promenâmes en ville et dans les environs et à ma plus grande honte, je ne pensais pas une seule fois à Juha, oubliant momentanément ma peine et mon angoisse pesante.

C’est vers dix-huit heures trente, comme convenu, que nous franchîmes de nouveau la porte du salon de tatouage. Me faisant l’effet d’une adolescente qui rêve de sa première robe de soirée, c’est le coeur battant et trépignant intérieurement d’impatience que je m’installais sur la table de chirurgien aseptisée alors que Kay s’installait sur une chaise à mes côtés et que Coralie, préparait son matériel.

Pendant près de deux heures, elle réalisa mon tatouage dans une ambiance conviviale. Une fois celui-ci achevé,  j’allais l’admirer dans le miroir qui meublait la pièce. Je restais plusieurs minutes à contempler le dessin qui à présent, ornais mon aine gauche dans la continuité de celui que j’avais déjà. Après m’avoir réexpliqué les soins à apporter que je connaissais déjà, nous retournâmes dans la pièce principale. Alors que je reboutonnais ma chemise, je vis Kay sortir son portefeuille. Ayant peur de comprendre, je lui demandais, un peu trop sèchement peut être :

- Tu me fais quoi là ?

- Je t’offre ton tatouage, répondit Kay, me laissant bouche bée. Prend le comme un cadeau d’anniversaire en retard…

- Mais… Tentais-je de protester.

- Il n’y a pas de “mais”… S’il te plait, Gabriel… Cela me fait plaisir…

D’abord réticent, horriblement gêné, je finis par céder en lui faisant promettre de ne plus jamais faire de telles folies pour moi. Un sourire énigmatique étira ses lèvres et après avoir réglé, nous prîmes congé de Coralie.

- Je ne te savais pas adepte aux tatouages, déclara Kay après un moment alors que nous marchions côte à côte.

- Et pourtant ! Répondis-je en souriant. Cela faisait longtemps que je rêvais de continuer celui que j’avais déjà. Je… Merci Kay… Merci pour tout, soufflais-je en l’embrassant sur la joue.

- Je t’en prie. Je suis heureux de pouvoir te faire plaisir…

Je lui rendis son sourire et après un instant, je repris :

- Et toi ? Cela ne t’a jamais tenté ?

- A vrai dire, je n’y ai jamais vraiment réfléchi… Mais pourquoi pas un jour peu être.

Je ne répondis rien, me contentant de sourire et Kay poursuivit :

- C’est ton seul tatouage ? Ou tu en as d’autres ? Demanda-t-il, intrigué.

- C’est le seul pour le moment, répondis-je.

- Pour le moment ? Répéta Kay en levant un sourcil d’étonnement.

- Oui, je compte m’en faire faire un autre d’ici l’année prochaine…

- C’est à dire ?

- Un bracelet indien  avec deux plumes qui s’entrelacent autour du bras gauche, répondis-je en souriant.

Après cet échange, nous restâmes silencieux un moment et alors que nous passions devant la devanture d’un restaurant indien, Kay me demanda :

- Ca te tente ?

Je lui adressais un regard sceptique et démasqué, il ajouta en riant :

- Oui, bon d’accord. Laisse-moi juste t’offrir cela… S’il te plait…

- Mais, je… Ca me gène, répondis-je en baissant les yeux.

- Et moi ça me fait plaisir, insista-t-il sans me quitter des yeux.

Sans me laisser le temps de répondre quoi que ce soit, il m’attrapa par le poignet et m’entraîna à sa suite dans le petit restaurant. Nous passâmes une soirée tranquille et ce ne fut que sur les coups de minuit que nous rentrâmes à l’appartement. Il était tard et j’avais catégoriquement refusé que Kay rentre au centre, même si celui-ci n’était qu’a à peine quelques minutes en voiture. C’est non sans honte que je me rendis alors compte que j’aurais au moins pu téléphoner à Juha pour lui dire que je ne rentrais pas immédiatement. Enfin… A présent c’était trop tard, le mal était fait…

J’entrais alors sans bruit dans l’appartement plongé dans l’obscurité, suivit par Kay. A peine mettions-nous un pied dans le salon que la lumière s’allumait, me dévoilant un Juha plus que furieux.

- Tu étais où ? Demanda-t-il sur un ton qui ne me plus pas du tout.

Certes j’étais en faute, mais ce n’était certainement pas une raison pour me parler sur ce ton. Je n’étais pas son chien. Sentant la colère grandir en moi, je répondis, sarcastique :

- Je suis allé m’envoyer en l’air ! Je n’existe pas à tes yeux alors je suis allé chercher un peut de réconfort ailleurs…

A peine eussais-je terminé ma phrase que la main de Juha s’abattis sur ma joue avec une telle violence que je chancelais sous le coup. La main sur ma joue meurtrie, j’adressais un regard blessé à Juha alors que des larmes d’humiliation perlaient aux coins de mes yeux. Sans me laisser le temps de réagir, Kay s’interposa entre nous et d’une voix froide que je ne lui connaissais pas, il déclara :

- Ne relève plus jamais la main sur lui…

Reprenant mes esprits, je posais une main apaisante sur le bras de Kay :

- Laisse, c’est rien ! T’es vraiment trop con, ajoutais-je en me tournant vers Juha. Et puis même si c’était le cas, je ne te dois rien ! Nous ne sommes pas mariés, ça ne te regarde pas ce que je fais de mon cul !

Sur ces mots, j’allais m’enfermer dans la salle de bain et laissais libre cour à mes larmes d’humiliation et de colère. Pourquoi devait-il venir gâcher ma journée avec sa pseudo crise de jalousie ? Quelle estime avait-il de moi pour ne serait-ce que supposer un seul instant que je puisse l’avoir trompé ? Après un temps, mes larmes finir par se tarir et ce n’est qu’à ce moment que je me décidais à faire mes soins. Délicatement, j’enlevais la compresse imbibée de pommade et nettoyais mon tatouage avec le savon antiseptique avant de l’enduire à nouveau de pommade. Quittant mon jean, je le mettais au sale et fit tourner la machine avant de daigner sortir de la salle de bain. Je trouvais Kay assis en tailleur sur le lit fait, il semblait m’attendre. Face à mes yeux rougis, il tendit les bras vers moi, en une invitation à venir le rejoindre, chose que je fis sans me faire prier. A genou à côté de lui, la tête enfouie dans son cou, je gémis plus que je ne murmurais alors que les larmes affluaient de nouveau à mes yeux :

- J’ai tellement honte, Kay… Je… Même les coups de ceinture étaient moins humiliants que cette gifle qu’il m’a donnée…

- Chuut, souffla Kay en me massant tendrement le dos en un geste qui se voulait apaisant. Je sais Petit Prince, je sais… Je suis absolument contre le fait qu’il t’ait frappé, il n’avait pas à lever la main sur toi et si je n’ai pas riposté c’est bien pour toi…

Il se tut un instant avant de reprendre :

- Mais s’il l’a fait, cela prouve bien une chose, il tien à toi… Crois-tu qu’il aurait réagit aussi violemment s’il ne te portait pas un minimum d’intérêt ?

Je ne répondis rien, méditant sur les paroles de Kay. C’est dans cette position, bercé par la respiration calme et régulière de Kay que je finis par m’endormir. Je fus réveillé le lendemain par une forte odeur de café. Je m’étirais longuement avant d’ouvrir lentement les yeux afin de m’habituer progressivement à la clarté environnante. Tournant la tête vers l’endroit où aurait normalement dû se trouver mon réveil, je tombais nez à nez avec le poste de télévision. Je me redressais en sursaut avant que les évènements de la veille ne me reviennent en mémoire. J’avais dû dormir avec Kay après m’être endormis entre ses bras. Tout ce que j’espérais, c’est que Juha ne me ferais pas une crise de nerf…

M’armant de mon courage, j’allais les rejoindre dans la cuisine. Face au silence oppressant qui y régnait, je pris place à table en silence et commençais à manger. Après quoi, nous nous préparâmes pour nous rendre au ranch. La journée et la semaine se déroulèrent ainsi, dans un silence monastique alors que notre relation se dégradait de jour en jour. N’osant affronter Juha seul à seul, je repoussais sans cesse la discussion avec Kay au sujet de ma petite chambre chez Philippe. C’est donc à trois que nous arrivions et repartions chaque matin et soir.

 En ce mercredi soir, alors que je cherchais Juha pour le prévenir que nous rentrions, je tombais nez à nez avec Philippe. Celui-ci m’adressa un sourire chaleureux comme lui seul en avait le secret et me demanda :

- Tu as perdu quelque chose, mon garçon ?

- Je… Je cherche Juha, hésitais-je.

- Je l’ai convoqué dans mon bureau, j’ai quelques points à voir avec lui. Je le ramènerais plus tard.

Philippe sembla croiser mon regard anxieux car il ajouta d’un ton rassurant :

- Ne t’inquiète pas, ce n’est pas méchant… Gabriel, ajouta-t-il après une seconde d’hésitation. Qu’est-ce qui ne va pas avec Juha ? Tu dépéris de jour en jour, comment veux-tu que je t’aide si tu ne me dis rien ?

- Je… Je te dirais tout ce que tu veux savoir demain, répondis-je avec lassitude. Là, je suis fatigué, je voudrais juste rentrer…

- Bien. C’est vrai que tu as une petite mine depuis quelques jours. Tu sembles épuisé. Rentre et repose-toi bien. On se voit demain, ajouta-t-il en me posant une main réconfortante sur l’épaule.

Je lui adressais un sourire de remerciement avant de déclarer :

- Merci Philippe. Passe une bonne soirée.

- Merci mon garçon. A demain.

Sur ces mots, je pris congé de lui et allais rejoindre Kay qui m’attendait dans la voiture. Face à son regard interrogateur en me voyant arriver seul, je lui expliquais que Philippe désirait s’entretenir avec Juha et donc qu’il rentrerait plus tard. Sans demander plus d’explications que cela, il démarra. Moins de dix minutes plus tard, nous étions à l’appartement. Alors que Kay allait prendre sa douche, j’attrapais mon album de musique d’ambiance et le mit dans la chaîne en augmentant raisonnablement le volume, avant de me vautrer dans le canapé, les yeux fermés. Concentré sur la musique, je tentais occulter de mon esprit mon tatouage qui me démangeait depuis trois jours. Je n’avais pas le droit d’y toucher et j’en arrivais à la limite du supportable.

Lorsque Kay sortis de la douche, je me rendis dans ma chambre pour aller chercher des vêtements propres puis allais m’enfermer à mon tour dans la salle de bain. Là, je quittais précipitamment mon pantalon, ne le supportant plus  et enlevais la compresse imbibée de pommade qui protégeait le tatouage. Une fois entièrement nu, je me glissais avec volupté sous l’eau brûlante qui me fit le plus grand bien, décontractant mes muscles endoloris.

Je me lavais les cheveux et le corps et une fois propre, je sortis de la cabine de douche dont les parois étaient recouvertes de buée. Attrapant une première serviette, je la nouais sur mes hanches, avant de m’emparer de la deuxième dans laquelle j’emprisonnais mes cheveux afin de les essorer au maximum. Reprenant la première serviette, j’entrepris de me sécher avant d’enfiler mon boxer et mon jogging. Une fois habillé, j’attrapais ma brosse et entrepris de me coiffer, ne l’ayant pas fait ce matin. Délicatement, je démêlais les cheveux qui avaient drôlement poussés en l’espace de quelques mois, m’arrivant à présent entre les omoplates, un peu avant le milieu du dos.

Un sourire satisfait étira mes lèvres à cette constatation et c’est non sans fierté que je les nouais en une natte maladroite, n’ayant pas encore le coup de main. Les mèches plus courtes de devant encadraient mon visage dont les traits tirés me donnaient un air limite maladif. Je sursautais de frayeur en entendant frapper à la porte alors que de l’autre côté, Kay m’appelait :

- Gabriel, tout va bien ?

Me retournant, j’allais lui ouvrir, intrigué. Il sembla sentir mon interrogation car il déclara :

- Cela fait un moment que l’eau ne coule plus et comme je ne te voyais pas sortir, je craignais qu’il ne te soit arrivé quelque chose.

Je lui adressais un petit sourire contrit et me détournant de lui, j’entrepris de faire mes soins, évitant soigneusement de lever les yeux vers le miroir au dessus du lavabo, dans lequel je voyais du coin de l’oeil, Kay me contempler depuis la porte.

Lentement, il s’approcha alors que je désinfectais le tatouage et me regardant faire, il demanda :

- Ca fait mal ?

- Non, ça démange horriblement, c’est tout, répondis-je amusé.

S’agenouillant face à moi, il demanda :

- Je peux ?

Comprenant le sens implicite de sa question, j’acquiesçais d’un hochement de tête et retenais à grand peine un frisson lorsque ses doigts entrèrent en contact avec la peau sensible de mon aine. Lentement, ses doigts caressèrent mon tatouage, m’offrant une exquise sensation de bien être alors que la démangeaison s’atténuait peu à peu sous les effleurements de Kay.

- C’est normal ? Demanda-t-il en désignant une zone pas encore cicatrisée, recouverte d’une fine croute noire.

- Oui, répondis-je, c’est signe de cicatrisation.

Les doigts de Kay reprirent leur course et je lâchais un soupire de bien être.

- On s’amuse bien à s’que j’vois ! Déclara alors une voix que j’aurais pu reconnaître entre mille.

J’ouvris brusquement les yeux que je n’avais pas eut conscience de fermer et reportais mon attention sur Juha. Dans l’encadrement de la porte, il nous fixait d’un regard furieux qui me fit frissonner malgré moi. De là où il se trouvait, il ne pouvait voir l’objet de l’attention de Kay et il était vrai que la position dans laquelle nous nous trouvions était plus que suggestive. Cependant, je n’osais croire que Juha puisse supposer de telle chose, c’était totalement absurde. Sans attendre son reste, il fit demi-tour et réagissant au quart de tour, je me précipitais à sa suite, l’attrapant par le bras alors qu’il traversait le salon. Le forçant à se retourner, je lui adressais un regard meurtrier, et en colère et profondément blessé par ses sous entendu qui me montraient le peu de confiance qu’il avait en moi, je m’exclamais rageusement :

- Non mais tu m’fais quoi là ? Ta pseudo crise de jalousie tu peux te la foutre au cul, Juha !

Je vis Juha scruter attentivement mon torse dénudé, comme s’il recherchait une quelconque trace de suçon ou une trahison de ma part. Lorsque ses yeux se posèrent sur mon bas ventre, je le vis sursauter violemment et je compris qu’il devait avoir vu mon tatouage et réaliser l’absurdité de ses accusations infondées. Enfonçant le couteau dans la plaie, toujours en colère mais néanmoins satisfait, je repris :

- Je ne suis pas une pute, Juha. Je ne déclare pas mon amour à un homme pour ensuite aller voir ailleurs à la première dispute entre nous ! Si tu n’as pas confiance en moi, c’est qu’on à rien à faire ensemble !

Sur ses mots, je lui tournais le dos et retournais à la salle de bain, le laissant en plan. En entendant la porte d’entrée claquer, je compris qu’il était sorti. Je poussais un soupire de soulagement, n’ayant pas la moindre envie de le voir et dans un ultime accès de colère, j’envoyais mon poing dans le miroir qui vola en éclat.

Alerté par le bruit, Kay se précipita vers moi. De mon côté, les mains crispées sur le lavabo, la tête baissée, je serais les dents pour ne pas laisser éclater ma rage, dégoûté plus que jamais par le comportement de Juha.

Sentant la main de Kay se poser en douceur sur mon épaule, je me dégageais vivement, souhaitant par dessus tout être seul. J’avais besoin de réfléchir à tout cela et pour une fois, Kay ne pouvait rien pour moi, malgré toute sa bonne volonté. Relevant la tête, je le fixais dans le morceau de miroir resté accroché au mur, lui adressant un regard empli d’excuses. Semblant comprendre mon désir de solitude, il hocha simplement la tête en signe de compréhension avant de me laisser à ma solitude.

A mon tour, je quittais la salle de bain pour aller m’enfermer dans la chambre. Attrapant un vieux t-shirt de pyjama, je l’enfilais avant de me glisser entre les couvertures. Recroquevillé sur moi-même, je me faisais violence pour refouler les larmes de frustrations qui menaçaient de franchir la barrière de mes yeux. Cela ne pouvait plus continuer ainsi… Je ne pouvais continuer d’attendre Juha indéfiniment alors qu’il ne semblait pas enclin à faire le premier pas. Quitte à en souffrir d’avantage, il me fallait faire un choix… Mon Dieu que c’était dur…

Finalement, ne parvenant pas à maîtriser mes larmes, celles-ci se mirent à couler sur mes joues, inondant mon oreiller, alors que j’étais confronté à un cruel dilemme.

Noyé dans mes sanglots, je sursautais en entendant la porte de la chambre s’ouvrir avant de se refermer. Retenant ma respiration, les doigts crispés sur les draps, je reconnus aisément la démarche lente et hésitante de Juha. Inspirant profondément, je tentais de refouler mes sanglots, ne souhaitant pas m’attirer par dessus tout, la pitié de Juha. De plus, j’avais la désagréable sensation de me sentir observé, le regard de Juha posé sur moi avec insistance, me brûlant la peau de la nuque.

Au bout d’un temps qui me parut interminable, je sentis le lit s’affaisser dans mon dos, signe que Juha venait d’y prendre place. N’arrivant pas à trouver le sommeil malgré la fatigue qui me piquait les yeux, je restais immobile, les yeux rivés dans le vide, l’esprit encombré. Je venais de prendre ma décision et j’avais l’impression que mon coeur se brisait en milliers d’éclats.

Je dormis très mal cette nuit là, ne trouvant le sommeil que par intermittence et les quelques heures durant lesquelles je pus me reposer un minimum étant parsemées de cauchemars. Sur les coups de quatre heures, ne parvenant pas à me rendormir, je me levais et m’habillais le plus discrètement possible. Quittant l’appartement, j’allais marcher dans l’air glacé de cette fin de nuit. M’enfonçant dans les bois, je pris la direction du lac, ayant besoin de prendre l’air, me sentant étouffé par la tension et l’ambiance pesante qui régnait à l’appartement. Cependant, je n’arrivais pas à me débarrasser de ce sentiment de malaise qui m’habitait. Au fond de moi, je me sentais coupable, mais coupable de quoi ? Etait-ce un crime d’aimer Juha ?

Mon coeur se compressa à cette simple pensée et sentant ma douleur se raviver, je m’empressais de penser à autre chose. Dans la nuit, un hululement se fit entendre et fermant les yeux je me laissais envahir par la sérénité de la forêt, me repaissant de son calme. Bientôt j’arrivais au lac après un bon quart d’heure de marche et m’asseyant sur la rive, je contemplais non sans une certaine mélancolie, le reflet de la lune dans les eaux sombres. Silencieux et immobile, j’eu même le privilège d’apercevoir un cerf venu se désaltérer à quelques mètres à peine de moi. Hypnotisé par tant de beauté et de noblesse, j’observais avec respect et admiration les gestes gracieux de ce grand animal. Envoûté par la beauté de la nuit, je finis par en oublier momentanément mes soucis et ma tristesse.

Je n’aurais su dire combien de temps je restais ainsi avant de finalement retrouver mes esprits, sentant alors mon coeur s’alourdir tandis que j’étais de nouveau assailli par mes doutes et mes peurs. Ce ne fus que lorsque je ne sentis plus mes doigts que je consentis à prendre le chemin du retour. Le ciel commençait à se teinter d’une douce couleur rosée, signe que l’aube était là et qu’il était temps pour moi de rentrer. Lorsque j’arrivais à l’appartement, j’eu la surprise de voir que Kay était réveillé, le lit étant vide. Je me dirigeais vers la cuisine et saluant Kay, je me préparais une tasse de chocolat chaud.

- Où tu étais ? Demanda Kay visiblement surpris de me voir frigorifié.

- Je suis allé prendre l’air, répondis-je. Je… J’avais besoin de réfléchir… J’en peu plus, j’ai l’impression d’étouffer ici…

Me retournant après avoir mis ma tasse au micro-onde, je sursautais en m’apercevant de la présence de Juha dans mon dos. Assis à table, il prenait son petit déjeuner. Ne lui adressant qu’un rapide coup d’oeil, j’allais chercher dans le frigo le beurre et la confiture avant de récupérer ma tasse et de prendre place à table.

Les doigts bleus et raidis par le froid, c’est à peine si je pouvais tenir le couteau. Parvenant tant bien que mal à faire mes tartines, je déjeunais en silence, n’ayant de toute façon, rien à dire.

Après m’être forcé à manger un minimum, j’allais me préparer pour ma journée de travail. J’avais un cours prévu à dix heures et si je voulais voir Philippe avant, je n’avais pas intérêt à trainer. Une fois prêt, j’allais attendre Kay et Juha dans le salon. Agenouillé sur le sol, je jouais avec Shanenja, l’ayant un peu ignoré ces derniers temps. Semblant ravi de cette initiative de ma part, Shanenja se mit à couiner et s’allongea sur le dos en une demande explicite pour que je lui caresse le ventre. Lorsque nous fûmes prêt, j’attrapais la laisse de Shanenja, au cas où nous en aurions besoin, mais ne l’attachais pas. A l’appel de son nom, il se précipita vers moi et c’est ainsi que nous allâmes jusqu’à la voiture.

Je pris place côté passager, Shanenja à mes pieds alors que Juha montait à l’arrière. Comme d’habitude, personne ne prononça un mot durant tout le trajet. Une fois arrivé, j’abandonnais Kay momentanément à après m’être excusé avant d’aller voir Philippe chez lui. Respirant un bon coup, je frappais à la porte et attendit dehors qu’il m’invite à entrer, chose qui ne tarda pas à faire.

- Tien, bonjour mon garçon, S’exclama-t-il en me voyant entrer dans la cuisine.

- Bonjour Philippe, répondis-je simplement.

- Oh, toi ça ne va pas du tout ! Fit-il remarquer sur un ton grave. Allez, viens t’asseoir et raconte moi tout…

Docile, j’obéis et alla m’asseoir en face de lui.

- Alors, qu’est-ce qui ne va pas avec Juha ? Demanda-t-il après un temps, face à mon silence obstiné.

- Je… Je crois que tu avais raison Philippe… Je crois que… Que nous ne sommes pas prêt à vivre ensemble, soufflais-je avec hésitation. Je… Depuis que je suis parti d’ici il n’y a rien qui va entre nous… Et maintenant qu’il y a Kay, c’est encore pire… Ca fait une semaine que l’on ne s’est pas adressé la parole autrement que pour se crier dessus, avouais-je honteux.

- Il est tout simplement jaloux de devoir te partager avec un autre, répondit Philippe en souriant tendrement.

- Si tout était aussi simple, murmurais-je pour moi-même. Il n’a aucune raison d’être jaloux, Philippe, répondis-je. Et il le sait parfaitement.

- Alors tu lui as enfin dit ? Demanda-t-il alors que son sourire s’élargissait. Que t’a-t-il dit ?

Horriblement gêné, je détournais le regard alors que perdant son sourire, Philippe insistait :

- Qu’a-t-il répondu, Gabriel ?

- Il… Il n’a rien répondu, avouais-je sans oser croiser son regard. Il n’a même pas réagit…

 Philippe resta silencieux un moment, comme s’il enregistrait ce que je venais de lui dévoiler avant de déclarer :

- Alors voilà pourquoi il n’a pas voulu me dire la raison de votre différent. Ecoute Gabriel, reprit-il gravement. Je crois sincèrement qu’il faut que vous parliez. Tu dépéris de jour en jour, sans parler de Juha. Vous êtes entrain de vous détruire. J’ai dit la même chose à Juha hier, réagissez avant qu’il ne soit trop tard…

- Mais j’ai déjà essayé ! Que veux-tu que je fasse de plus ? M’exclamais-je. Après tout, soufflais-je, calmé, puisse-t-il vivre heureux avec son Killian.

- Alors là je te trouve injuste, répondit Philippe. Imagine ce qu’il a du ressentir… Il y a des choses qui ne trompent pas, Gabriel. Juha tien à toi…

- Non ! M’écriais-je en éclatant en sanglots. Pourquoi me dites-vous tous ça alors que je sais parfaitement que c’est faut !

- Parce que c’est la vérité ! S’exclama à son tour Philippe en haussant la voix. Pourquoi t’obstines-tu à ne pas le voir ?

- Quel genre d’amant resterait impassible face à un “je t’aime” ? M’exclamais-je, les larmes inondant mes joues.

Philippe ne répondit rien, se contentant de se lever et de me prendre dans ses bras. Je restais  un long moment à pleurer sur son épaule. Une fois calmé, je m’essuyais les yeux du revers de la main avant de m’arracher à son étreinte :

- Pardonne-moi… Je n’avais pas à te crier dessus… Je… Je suis un peu à cran en se moment…

- C’est tout pardonné, ne t’en fait pas. Tu rentreras plus tôt ce soir, tu as besoin de te reposer.

- Je… Je sais pas si c’est une bonne idée… J’ai tendance à déprimer quand je suis seul, avouais-je. J’ai besoin de m’occuper l’esprit…

- Juha rentrera avec toi. Et ne m’obligez pas à vous enfermer dans une pièce pour que vous daigniez enfin vous parler.

- Je tâcherais de faire au mieux, répondis-je avant de prendre congé de Philippe sous peine d’arriver en retard à mon cours.

Finalement, j’arrivais à l’heure et rejoignant mes élèves à la sellerie, je leur attribuais à chacun un cheval. Une petite demi-heure plus tard,  je me retrouvais au milieu de la carrière à corriger les erreurs des jeunes cavaliers.

- Julia, combien de fois devrais-je te répéter de trotter sur le bon diagonal ? M’exclamais-je fatigué de devoir répéter sans arrêt la même chose aux mêmes élèves. Bon Damien, tu le sautes cet obstacle ou tu veux que j’le fasse à ta place ?

- Mais j’y arrive pas, s’exclama-t-il. Rain ne veut pas sauter…

Je poussais un soupire d’exaspération et après avoir fait descendre Damien, j’enfourchais Rain of Melody et le lançais au petit galop. Arrivé face à l’obstacle, ma monture se déroba et parti en coups de cul dans la carrière. Réagissant au quart de tour, je l’arrêtais et le fit reculer avant de lui faire ré aborder l’obstacle. Après un second refus qui m’agaça profondément, il finit par sauter.

Je le lui fis franchir une seconde fois avant de mettre pied à terre et de rendre les rênes à Damien. Reportant mon attention sur Ophélie à qui j’avais donné Cantarella des Galas, une petite jument calme et posée, j’aperçus Kay qui m’observait depuis l’entrée de la carrière. A son air grave, je compris que quelque chose n’allait pas, mais ne pouvant quitter mes élèves du regard, je pris mon mal en patience.

Après un temps qui me parut interminable, c’est avec soulagement que j’annonçais la fin de la reprise. Lentement, je me dirigeais alors vers Kay, appréhendant malgré moi ce qu’il avait à me dire. Tentant de ne pas lui faire part de mon inquiétude, je lui demandais d’une voix plus tremblante que je ne l’aurais voulu :

- Il y a quelque chose qui ne va pas ?

Ne répondant pas immédiatement à ma question, Kay glissa sa main sur ma joue et du pouce, il caressa ma paupière, me montrant par ce geste qu’il avait vu à mes yeux rougis que j’avais pleuré récemment. Honteux, je me contentais de le fixer sans rien dire.

- Je voudrais que tu fasses attention à toi… Ta relation avec Juha n’est pas saine….

Attendant que le dernier élève fût remonté aux écuries, il déclara alors :

- Juha n’est pas celui que tu crois… Il… Il sort de prison…

Je blêmis à ces mots, et alors que je tentais de parler, les mots se coincèrent dans ma gorge. Trop abasourdi, je n’arrivais pas à prononcer le moindre son. Comment… Comment avait-il su ? L’instant d’horreur passé, je lui demandais dans un souffle :

- Co… Comment tu as su ?

- Mais enfin, tout le monde le sait… Ils n’arrêtent pas d’en parler là haut… Alors quand je l’ai su j’ai voulu te mettre en garde… Je ne veux pas qu’il t’arrive quelque chose Gabriel…

Mes yeux s’agrandirent d’effroi alors que dans mon esprit des milliers de questions se bousculaient. Comment avaient-ils su ? Qui le leur avait dit ? Alors que je m’apprêtais à détromper Kay, je fus interrompu par Juha qui s’exclama rageusement :

- Tu étais le seul à savoir… Comment as-tu pu me trahir ainsi, Gabriel ?

Blessé par l’accusation injuste et infondée de Juha, je restais sans réaction, le regard perdu dans le vide, alors que dans mon esprit, résonnait encore la preuve de l’absence de confiance qu’il avait en moi… Comment pouvait-il seulement oser m’accuser de la sorte ? Les larmes aux yeux, j’entendis à peine Kay me demander :

- Tu savais ?

Effondré, je me contentais d’hocher positivement la tête. Sans plus attendre, Kay se précipita à la poursuite de Juha, tandis que je restais immobile, n’arrivant pas à me remettre du coup de l’accusation. Soudain, mes jambes ne me soutinrent plus et je tombais à genoux sur le sol, alors que des larmes silencieuses venaient prendre mes joues d’assaut. Ces larmes qui provenaient de la fonte de la glace qui emprisonnait mon coeur…

Si jusqu’à maintenant j’hésitais encore, à présent, il n’avait plus aucun doute… Pourquoi s’évertuer à continuer alors qu’il n’y avait plus aucun espoir ? Etais-je le seul à devoir faire tous les efforts ?

Perdu dans mes pensées, je ne me rendis compte de la présence de Kay que lorsqu’il m’aida à me relever avant de me prendre dans ses bras et de me serrer fortement contre lui :

- Ne reste pas là, tu vas attraper la mort… Viens avec moi…

Patiemment, il me guida jusqu’à mon ancienne chambre et dans un état second, je me laissais faire.

- Vient, dit-il alors qu’il entrait dans la pièce. Assied-toi, je reviens.

Docilement, je m’assis sur le bord du lit alors qu’il disparaissait dans la salle de bain, pour en revenir quelques secondes plus tard, un gant de toilette humide dans les mains. Comme à un enfant, il m’essuya le visage et la fraîcheur du gant me fit un bien fou. Après un moment durant lequel je tentais de me ressaisir alors que Kay tentait tant bien que mal de me remonter le moral, il m’incita à aller manger un bout, midi étant passé depuis une bonne demi-heure. Bien que, n’ayant presque rien avalé ce matin, je n’avais pas faim du tout, l’estomac encore trop noué, je suivais docilement Kay jusqu’au réfectoire.

Alors que j’entrais précédé par Kay, je ne vis pas immédiatement Juha installé au fond de la salle, ni les regards inquisiteurs posés sur moi. Autour de moi, les murmures fusaient, mais je n’y prêtais pas attention. C’est alors que le silence se fit et sortant de ma torpeur, je relevais la tête pour tomber nez à nez avec Marion qui, un sourire malsain dépeint sur le visage, me demanda :

- Alors Gabriel, ça t’excite les taulards ?

Je sursautais violemment, plus surpris par ses propos que par la question en elle-même. Déjà blême, je devins livide et visiblement satisfaite d’elle et de ma réaction, elle se tourna vers l’assemblée et s’exclama :

- Faites une ovation au nouveau couple de l’année !

Un brouhaha inintelligible se fit entendre et lorsque le silence revint, Marion reporta son attention sur moi et reprit :

- Quelle tragique histoire que celle du misérable petit orphelin entiché d’un assassin qui ne veut pas de lui… Et oui, je sais tout de toi… Quel effet ça fait de se faire baiser et jeter par la suite ? Regarde dans quel état lamentable tu es… Mon pauvre garçon, tu es pitoyable, tu ne vaux vraiment rien… Tu ne t’es jamais demandé pourquoi ton père et ta mère n’ont jamais voulu de toi ?

Les larmes inondant mes joues, plus rien n’existait autour de moi hormis les paroles blessantes de Marion qui résonnaient dans mon esprit en une litanie incessante. Soudain, le brouhaha se fit de plus en plus oppressant et une vive lumière blanche s’imposa à moi et je me sentis défaillir alors qu’à mes oreilles retentissait la voix rageuse de Juha. Ce fut de trop pour moi et alors que mes jambes me lâchaient, je perdis connaissance, le manque de nourriture n’aidant pas.

Lorsque je repris conscience, j’étais allongé sur un lit dans un endroit qui me paraissait étrangement familier. Regardant autour de moi, je reconnu alors mon ancienne chambre. Dans un geste maladroit, j’essayais de me redresser et aussitôt, deux paires d’yeux se posèrent sur moi, me fixant avec inquiétude :

- Comment te sens-tu ? Demanda alors Philippe. C’est que tu nous as fait une sacrée peur…

- Que… Que s’est-il passé ? Demandais-je, l’esprit encore un peu vaporeux.

- Tu ne te souviens pas ? Demanda Kay, étonné.

J’hochais simplement la tête en signe de négation de retenant un soupire, Philippe prit place sur le bord du lit tandis que Kay allais me chercher un verre d’eau à la salle de bain.

- Quand vous êtes entrés dans le réfectoire, tu as été assailli par Marion. Ne sachant que faire, Kay est venue me chercher. Quand nous sommes revenus, tu étais inconscient dans les bras de Juha qui se disputait violemment avec Marion à ton sujet… Je n’arrive pas à comprendre d’où lui vient cette haine qu’elle vous porte à tout les deux. Quoi qu’il en soit, je lui ai clairement fait comprendre qu’elle n’était plus la bienvenue ici tant qu’elle resterait dans cet état d’esprit belliqueux… Je suis désolé pour tout cela Gabriel… Elle n’avait pas à dévoiler votre vie privée à tout le monde…

- Et si tout ce qu’elle a dit était vrai ? Soufflais-je alors que les paroles haineuses de Marion me revenaient en mémoire.

- Je t’interdis de dire cela, Gabriel, tu m’entends ? S’exclama Philippe furieux. Il y a plein de raison qui pousse une femme à abandonner son enfant, bien que je ne le conçoive pas toujours. Mais tu n’as en aucun cas le droit de cautionner ce qu’à dit Marion. Elle l’a fait par pure méchanceté, dans l’unique but de te blesser…

- Mais si cela me blesse, soufflais-je, c’est bien qu’il y a une part de vérité…

- Ne joue pas avec les mots, veux-tu ! Rétorqua Philippe, intransigeant. Tu as très bien compris ce que je voulais dire.

Je restais encore allongé un moment puis, me sentant mieux, je me relevais et abandonnais Kay et Philippe, après les avoir remerciés, ayant besoin d’être seul un moment, histoire de faire le point. Il fallait absolument que je trouve Juha, cette situation ne pouvait plus durer. Cela commençait à me peser affreusement et je devais y mettre un terme. Je partis à la recherche de Juha, le coeur cognant dangereusement dans ma poitrine, et après avoir exploré chaque recoin de l’écurie, je le trouvais quinze minutes plus tard, assis sur un banc près de l’ancienne carrière. S’il s’aperçut de ma présence, il n’en laissa rien paraître et lentement, j’allais m’asseoir à côté de lui, gardant tout de même une distance respectueuse, étant bien loin du temps où l’on aurait pu se qualifier d’intimes. Après un court silence gêné, je me lançais à prendre la parole :

- Il est beau notre couple, tien… Soufflais-je avec amertume et une pointe de faux amusement dans la voix.

- Comment en est-on arrivés là ? Demanda Juha dans un murmure que je perçus pourtant.

Choqué et scandalisé par une telle question, je me tournais face à lui en m’exclamant :

- C’est à moi que tu demande ça ?!

Comment osait-il poser cette question ? Tout ceci ne lui avait donc rien apprit ? N’avait-il donc pas ouvert les yeux ? Se sentait-il aussi innocent que sa question voulait le faire paraître ? Avait-il oublié son comportement des plus odieux et la froideur dont il faisait preuve envers moi depuis près de deux semaines ? Semblant se rendre compte de l’absurdité de sa question, Juha ne répondit rien et un silence pesant et angoissant nous enveloppa jusqu’à ce que d’une petite voix, il finisse par demander, comme s’il n’osait pas y croire :

- Pensais-tu réellement ce que tu as dit ?

Sachant pertinemment ce à quoi il faisait allusion, je répondis avec cynisme, sans même le regarder :

- Non, j’adore me taper la honte !!

De nouveau le silence se fit alors que je réfléchissais à une façon de lui annoncer que Philippe avait raison, que je n’étais pas assez fort et pas prêt à supporter les problèmes de Juha et les répercutions que cela avait sur notre vie de couple… Après un temps interminable, je finis par déclarer après avoir pris une profonde inspiration :

- Ecoute Juha, je n’ai plus envie de me battre avec toi pour que tu daignes m’adresser la parole et que tu acceptes de me faire confiance. Je suis fatigué de tout cela… On a essayé, ça n’a pas marché, mais je ne regrette rien… Je t’aime Juha, c’est indéniable, cependant, tu n’es pas prêt à oublier Killian et à passer à autre chose, et moi je ne peux attendre toute ma vie un amour que je ne recevrais jamais…

Je me tus un instant, et après un court silence, je poursuivis :

- Moi qui croyais que… Que tu t’intéressais à moi pour ce que j’étais et pas comme substitut de ton défunt amant… J’aurais du m’en douter que je n’étais qu’un passe-temps pour toi, que tu n’envisagerais jamais rien avec moi parce que tu l’aimes toujours “lui”… Et tu sais ce que c’est le pire dans tout ça ? Demandais-je avec une pointe d’ironie désespérée et d’amertume dans la voix. C’est que j’ai repoussé Kay pour toi… J’ai renoncé à l’amour qu’il m’offrait pour tenter de construire quelque chose avec toi… Mais encore une fois j’ai été trop con… Tout ça pour dire que je pense qu’il est préférable qu’on arrête là avant que ça n’aille plus loin… On s’est déjà suffisamment fait souffrir… Je… Je pense qu’il serrait préférable que je retourne vivre chez Philippe et qu’on reste simplement des amis, rien de plus… Enfin… Si tu veux toujours de mon amitié…

Impassible face à ce que je lui disais, Juha resta immobile et silencieux. M’attendant un peu à ce genre de réaction mais néanmoins déçu qu’il l’accepte avec tant de résignation, je me levais et commençais à partir. Je m’arrêtais au bout de quelques pas et sans pour autant me retourner, je déclarais :

- Je passerais ce soir chercher quelques affaires pour la semaine…

Sans attendre de réponse, sachant très bien que je n’en recevrai aucune, je partis, laissant Juha à la solitude qu’il semblait tant apprécier. Seulement, cela était plus éprouvant que je ne l’avais imaginé et si j’avais su retenir mes larmes jusqu’à maintenant, celles-ci finirent par couler à flot de mes yeux, cascadant sur mes joues sans que je ne puisse les arrêter.

Machinalement, mes pas me conduirent jusqu’aux écuries. Là, je passais devant Kay sans le voir. J’avais besoin d’être seul… Sachant que l’on me retrouverait facilement si je me réfugiais dans le box d’Orphée, je pris la direction du parc et après avoir franchi la barrière, j’allais rejoindre le troupeau afin de m’isoler.

Assis sous un arbre, j’observais distraitement la horde brouter non loin de là, alors que Ramage de l’Abbaye venait réclamer quelques caresses. Les yeux humides de larmes, je ne cessais de repenser à mon entretien avec Juha. Plus j’y songeais et plus je me persuadais d’avoir fait le bon choix, malgré la douleur qui me poignardait le coeur. Son absence de réaction confirmant cette décision. S’il m’avait apprécié rien qu’un peu à défaut de m’aimer, serait-il resté aussi froid et impassible ? Son comportement était bien la preuve du peu d’intérêt qu’il me portait réellement…

Plongé dans mes tristes pensées, je ne me rendis compte de la présence de Philippe à mes côtés que lorsqu’il prit la parole :

- Alors c’est là que tu te caches ?

Je ne répondis pas à sa question, mais déclarais d’une voix plate et tremblante :

- Tu avais raison, Philippe… Tu avais raison depuis le début… Je n’étais pas prêt à vivre avec Juha… Je ne m’attendais pas à ce que cela se passe ainsi…

- Vous ne vous attendiez pas à ce que bien des choses arrivent, Gabriel…

- Je… Je l’ai quitté, murmurais-je. J’ai tellement mal, Philippe, repris-je en éclatant en sanglots alors que Philippe m’attirait à lui. C’est horrible la souffrance que je ressens… Je voudrais que tout ceci ne soit jamais arrivé, que rien de tout cela ne ce soit passé…

- Tu as fait ce qui te semblait juste… Ce n’est pas à moi de te dire si tu as bien fait ou non… Si en ton coeur tu juges que c’était la meilleure solution alors soit. Je ne te jugerais pas pour cela, Gabriel… Comment a-t-il réagit ?

- Apparemment très bien puisqu’il n’a rien dit, m’exclamais-je avec colère malgré mes pleurs. A croire que c’est une habitude chez lui…

- Je ne comprends pas ce garçon, souffla Philippe désemparé. Il a pourtant violemment réagit en prenant ta défense auprès de Marion…

- J’ai franchement du mal à y croire, soufflais-je à mon tour avec une pointe de cynisme.

- C’est pourtant ce qu’il y a de plus vrai… Dis, reprit-il après un moment, j’ai donné son après-midi à Juha pour qu’il se repose, tu devrais faire de même, tu as une mine affreuse…

- Merci, c’est gentil mais je… Je vais rester là…

- Très bien, tu es libre, mais sache que tu en as le droit si jamais tu décides de partir.

- Merci, répétai-je.

- Allez, je te laisse, j’ai encore une course à faire. Repose-toi et prend soin de toi.

- Toi aussi. A demain, Philippe.

- A demain mon grand, répondit Philippe en s’éloignant.

Je restais encore seul un instant avant de finalement me lever et aller voir Sharakandy, mon aigle. Celui-ci avait bien grandit et n’avait, à présent, plus peur de moi, me laissant le caresser. J’avais mis longtemps avant de me décider, mais cet été, lorsqu’il fera plus chaud, j’irais le relâcher dans les bois afin qu’il puisse avoir une vie décente. Malgré tout, je tentais tout de même de lui apprendre à revenir à mon appel, de façon à ce que je puisse l’attraper facilement lorsque je le rentrerais pour l’hiver. Je passais un long moment avec l’aigle et alors que je sortais de la volière, je sursautais en voyant Kay me regarder en souriant.

Nous passâmes une fin d’après-midi tranquille et en fin de soirée, je me décidais à faire un saut à l’appartement.

- Tu veux que je t’emmène ? Demanda Kay. Je ne suis pas rassuré à l’idée de te laisser partir seul…

- Ne t’en fait pas, répondis-je avec un sourire qui se voulais rassurant. Ca ira, marcher un peu me fera du bien. Tien, je te passe les clés de la chambre. Je risque d’en avoir pour un moment alors ne m’attend pas. Bonne nuit, à demain.

- A demain, répondit Kay en m’embrassant sur la joue. Sois prudent et si jamais il y a un problème, tu m’appelles d’accord ?

- Promis, répondis-je avant de prendre la direction de l’appartement.

Longeant la route, je marchais lentement jusqu’à l’appartement, stressant malgré moi. Dans mon esprit, je m’imaginais mille et un scénarios qui pourraient se dérouler à mon arrivée. Je ne pouvais m’empêcher d’appréhender mon entrevue avec Juha… Comment celui-ci allait-il réagir ?

Bien trop tôt à mon goût j’arrivais à l’appartement et alors que j’entrais, Shanenja se précipita vers moi en aboyant joyeusement. Allumant la lumière dans l’entrée, je m’agenouillais auprès de l’animal avant de le caresser longuement. Après quoi, je me redressais et c’est seulement que je me rendis compte que l’appartement était plongé dans le noir. Un peu surpris, j’entrais dans le salon pour trouver Juha assis sur le canapé, en train de me fixer bizarrement. Frissonnant sous son regard perçant, je détournais les yeux en murmurant :

- Je… Je reste pas longtemps…

Sans un mot de plus, je me dirigeais dans la chambre et ouvrant l’armoire, j’attrapais rapidement quelques affaires que je jetais négligemment dans un sac avant de me rendre à la salle de bain. Là, faisant de même, j’attrapais ma brosse à dent ainsi qu’un tube de dentifrice et ma brosse à cheveux et une fois le tout dans le sac, je sortais de la pièce après un dernier tour dans la chambre pour vérifier que je n’avais rien oublié. Puis, avec un pincement au coeur, mais sans pour autant me retourner, ayant trop de souvenirs dans cet endroit, je quittais la pièce, refermant la porte derrière moi comme on tournait la page d’un livre. Arrivant dans le salon, je remarquais que Juha avait à peine bougé depuis mon arrivée. Alors que j’arrivais à sa hauteur, je commençais, hésitant :

- Bon ben… Je… On se voit demain…

Je restais un instant immobile, attendant vainement une quelconque réponse de sa part, puis lassé d’être toujours aussi transparent à ses yeux, je me détournais de lui, prenant la direction de la sortie. Au moment où je disparaissais du salon, je sursautais presque en entendant la voix de Juha :

- Gabriel !

Mon coeur fit un bon dans ma poitrine à l’entente de mon nom dans sa bouche et tentant de réprimer le tremblement de mes mains, je me retournais pour faire face à Juha qui, à présent, était debout devant moi.

Ne faisant pas confiance à ma voix, je me contentais de lui adresser un regard interrogateur, mon coeur battant à tout rompre, alors qu’intérieurement, j’espérais qu’il réalisait enfin qu’il était sur le point de me perdre définitivement… S’il voulait avoir une chance de rattraper ses erreurs passées, c’était maintenant qu’il fallait en profiter, après il serait trop tard..

Je restais un instant immobile, attendant patiemment qu’il daigne m’adresser la parole, mais après quelques minutes, je commençais à perdre patience. Finalement, le coeur douloureux à force d’espoirs vains, je soufflais, horriblement déçu  et retenant à grand peine une envie de pleurer, ne voulant pas faire se plaisir à Juha :

- Ouais… Allez… Salut…

Mon sac sur une épaule, j’esquissais un pas vers la porte lorsque je sentis un main se refermer violemment autour de mon poignet. Pendant un lapse de temps durant lequel je cessais de respirer, je restais sans réaction et c’est à l’entente de la voix tremblante de Juha que je me tournais vers lui :

- Gabriel… Je t’en prie…

Il se tut, semblant chercher ses mots alors que, ma curiosité et l’espoir l’emportant sur ma peur, je restais là à attendre la suite. Après une longue inspiration, il reprit d’une petite voix :

- Jusqu’à maintenant, j’ai toujours fait passer Killian avant toi… Je… Je me suis enfermé dans ma douleur et la prison ne m’a certainement pas aidé à oublier et à dépasser ce cap…

- C’est l’impression que j’ai eu aussi, répliquais-je, sarcastique.

- Je sais que je suis bourré de défauts, reprit-il sans relever sa pique, que je t’ai ignoré au moment ou tu avais le plus besoin de moi… J’ai agis comme un égoïste et que toute la douleur que je ressens ne me pardonne pas de mes actes… A présent, je sais ce que ça fait de vivre loin de toi et je peux désormais affirmer qu’il est certain que je ne peux plus vivre sans toi parce que je ne conçois pas la vie sans toi à mes côtés…

A ces mots, mon cœur cessa de battre un instant avant de repartir à vive allure… Je n’arrivais pas à croire que je venais d’entendre… Mon esprit me jouait-il un mauvais tour ? Puis, lentement, je commençais à prendre conscience des paroles de Juha et des larmes de joie et de soulagement se mirent à couler lentement le long de mes joues.

Semblant ne pas tenir compte de ma réaction, il poursuivit :

- Plongé dans ma propre douleur, j’en ai ignoré la tienne, je n’ai pas su écouter ta détresse quand tu as avoué m’aimer… J’ai été trop orgueilleux pour avouer mes fautes tout de suite… Mais je compte bien faire un effort et aller de l’avant, mais pour cela, j’aurais besoin de ton aide car je n’y arriverais pas tout seul, Gabriel…

Après une seconde durant laquelle je restais silencieux, trop ému pour dire quoi que ce soit, il ajouta :

- J’espère sincèrement qu’un jour je n’aurais plus besoin de m’appuyer sur toi, et ce jour là seulement, je pourrais être honnête avec moi, mais surtout envers toi…

S’approchant dangereusement de moi, il s’empara alors de mes lèvres pour un baiser violent. Ne m’attendant pas à cela, je restais immobile de stupeur et forçant le barrage de mes lèvres, Juha insinua sa langue dans ma bouche. Au contact doux et chaud de sa langue avec la mienne, je repris mes esprits et répondis ardemment au baiser de Juha. J’étais resté trop longtemps sans sentir sa chaleur et sa tendresse et l’empressement que je mettais dans ce baiser m’étonnait moi-même.

Lorsqu’il mit fin au baiser, Juha déclara d’une voix étrangement rauque :

- En attendant, je peux déjà te prouver d’une autre façon ce que je ne peux exprimer par des mots…

Avec empressement, il commença à déboutonner ma chemise et la laissa tomber au sol alors que sa bouche explorait mon cou, mordant ma peau avant de la lécher longuement comme pour effacer la douleur causée par ses dents.

- Non… Juha… A… Arrête… Tentais-je de la repousser, sachant très bien que je ne résisterais pas longtemps à ses avances.

Cependant, Juha ne prêta pas attention à mes faibles protestations et délicatement, ses mains se posèrent sur mon torse dénudé, titillant mes tétons qui durcissaient au contact habile de ses doigts. Je lâchais un soupir de contentement et prenant cela comme une invitation à aller plus loin, Juha descendit ses mains. Je sentais sa virilité pulser contre ma cuisse et lorsqu’il déboutonna mon jean et passa une main à l’intérieur, je repris aussitôt mes esprits et sursautais violemment en repoussant Juha.

Suite dans la partie 02

10
fév

Beyond the invisible - chapitre 09

   Ecrit par : admin   in Beyond the invisible

chapitre 09 par Lybertys

 

Je lui lançais alors un regard qui lui fit clairement comprendre que j’avais compris son geste et sa portée. Le sourire que je lui adressais alors lui fis monter le rouge aux joues, créant chaque fois chez moi ce petit pétillement au creux de mon ventre. Atrocement gêné, il détourna le regard et sorti de la carrière et amena sa monture près de l’arbre ou sa selle était posée. C’est à ce moment là clairement que je réalisais ce qu’il allait me faire faire, c’est-à-dire monter à cheval pour la première fois de ma vie. Orphée se mit à brouter tranquillement, tandis que Gabriel commençait à le préparer. Il m’envoya chercher le licol et la longe posés un peu plus loin, et lorsque je lui tendis, il le passa à Orphée.

Une fois prêt, je le suivis dans la carrière. J’avais beau abhorrait un air serein, je ne pouvais m’empêcher de ressentir une certaine crainte et appréhension. Gabriel s’arrêta un peu plus loin et me fis signe d’approcher. Timidement, je tendis la main vers le nasaux de l’animal et commençais à le caresser, comme pour tenter de me rassurer. Sur ce, Gabriel m’invita à monter, un sourire se dépeignant sur ses lèvres.

Avec patience, il m’expliqua comment faire, ne cachant pas son amusement, allant parfois jusqu’à ce foutre ouvertement de ma gueule. Lorsque je fus en selle, il régla mes étriers et m’expliqua brièvement les bases. Puis, il attrapa la longue et me fit faire quelques tours de piste afin de m’habituer de sensations ressenties et aux mouvements du cheval. Je n’aurais su décrire avec précision ce que cela faisait naître en moi. Je sentais les muscles de l’animal se mettre en marche sous moi, acceptant ma présence sur son dos alors qu’il pouvait si facilement se débarrasser de moi. Jamais je n’aurais pensé que cela faisait cet effet.
Après une courte période d’adaptation, il choisit de lâcher la longe et la noua au licol en corde, de façon à en faire deux rênes. Je le regardais œuvrer, ne sachant pas vraiment ce qu’il me préparait. Comptait-il sérieusement que je me débrouille tout seul ?

Les lèvres pincées, je me retenais de lui poser mille et une questions, sachant combien cela l’agaçait et ne voulant surtout pas paraître ridicule à ses yeux. Il tenta de me rassurer, m’expliquant calmement comment tourner à droite et à gauche, à avancer, s’arrêter et faire reculer le cheval. Je ne pouvais cependant empêcher la boule qui naissait au creux de mon ventre.

Cependant, après une légère anxiété, je finis par me détendre, décrispant mes épaules et prenant de plus en plus d’assurance, je commençais à faire faire à Orphée, les figures de manège que je l’avais vu faire de nombreuses fois au cours de ses reprises. Je trouvais impressionnante l’écoute et la sensibilité de cet animal. Cependant, au bout d’un moment, Orphée commença à n’en faire qu’à sa tête, me rappelant que je n’étais qu’un cavalier débutant. Perdant mon assurance, je demandais d’une voix mal assurée et légèrement tremblante :

- Gabriel… Je… Je fais quoi ? Il… Il veut pas aller à droite…

Cachant assez mal son amusement, il répondit :

- Raccourci tes rênes elles sont trop longues et déplace tes deux mains vers la droite, il ne comprend pas ce que tu attends de lui.

M’exécutant sur le champ, je corrigeais mon erreur et Orphée, calme et attentif, fit ce que je lui demandais à mon plus grand soulagement. Je continuais ainsi un moment, totalement concentré dans ma tache. Au bout d’un moment, Gabriel me dit qu’il était temps d’arrêter, et alors que je le faisais en suivant ses instructions, Orphée se mit à reculer. Surpris, j’écarquillais les yeux et tirais d’avantage, ne sachant plus vraiment quoi faire. Orphée ne fis qu’accélérer. En plein milieu d’un fou rire, Gabriel ne semblait pas prêt à venir m’aider et c’est vexé que je lui demandais :

- Tu ne crois pas que tu pourrais m’aider au lieu de rire ?
- Attend… Je reprends mon souffle, souffla-t-il entre deux éclats de rire. Pose… Pose tes mains…
Je m’exécutais et à peine eussè-je fait ce qu’il me disait, qu’Orphée stoppait net, en un arrêt précis et volontaire.

Gabriel s’approcha de moi et saisis les rênes, défaisant le nœud qu’il avait fait précédemment, et c’est ainsi qu’il me ramena jusqu’à l’écurie, marchant paisiblement devant moi, sans précipitation aucune, me laissant encore un peu sur le dos de sa monture. Cependant, curieux, Gabriel finit par me demander :
- Alors ? Comment tu as trouvé ?
- J’adore ! M’exclamais-je d’une voix enjouée avec enthousiasme. Je n’aurais jamais imaginé que l’on puisse ressentir autant de chose à cheval….
- C’est vrai, fit-il remarquer. Et plus l’on progresse, plus on ressent des choses différentes. Ce n’est pas évident à expliquer…
- Oui, j’imagine, renchéris-je. D’autant plus qu’Orphée est très bien dressé. Je suppose que cela y est pour beaucoup aussi.

- Disons que ce n’est pas pareil. On ressent aussi beaucoup de choses à monter un cheval moins bien dressé. C’est pas toujours facile, mais c’est aussi très intéressant de leur apprendre quelque chose de nouveau et les aider à se perfectionner dans un domaine ou une discipline dans laquelle ils possèdent déjà un potentiel par nature. On ne peut pas comparer. L’un comme l’autre apporte beaucoup de plaisir que ce soit dans la finesse du cheval et sa sensibilité autant que dans le but de lui apprendre et le mener dans cet état d’acceptation ou, lorsque cette phase est atteinte, comme aujourd’hui avec Orphée, on peut arriver à leur faire faire des choses incroyables.

- Comme aujourd’hui ? Tu veux dire qu’il n’est pas toujours aussi acceptant ? Demandais-je intrigué.
- Tu sais, commença-t-il. Le cheval n’est pas une machine. Il demande un travail quotidien et parfois, il arrive qu’en effet, il se refuse à se laisser céder à mon autorité. Rien n’est jamais acquis avec un cheval. Ce que tu lui apprends, il s’en souvient mais que ce tu fais mal aussi. C’est pour cela qu’il faut toujours être vigilant et attentif à ce que l’on fait, pour ne pas l’induire en erreur et lui apprendre n’importe quoi. Car même si l’on peut « formater » la mémoire du cheval et lui apprendre à chaque fois de nouvelles choses, cela représente un travail long et fastidieux.

Ne tenant plus face à tout ce qu’il me faisait ressentir à travers mon empathie, je déclarais d’une voix rêveuse ne cachant pas le charme qu’il exerçait sur moi :
- J’aime t’entendre parler d’équitation ou de tout ce qui a un rapport avec les chevaux. Tu y mets vraiment une telle passion, tes yeux pétillent de fierté et de bonheur, ça en est fascinant. Tu es animé par la passion et cela se ressent lorsque tu parles. Cela donne vraiment envie d’aller dans ta direction et d’en connaître toujours plus sur cet univers attrayant.
Ces mots lui firent montrer le rouge aux joues et ne supportant pas mon regard, il détourna les yeux et répondit simplement atrocement gêné :
- Euh… Merci, me répondit-il simplement, trop profondément toucher pour en dire plus.
La fin du trajet se fit en silence, et alors qu’on arrivait aux écuries, je sentais les regards se poser sur nous et les messes basses parvenir à nos oreilles. En plus de ce que voyait Gabriel, je pouvais ressentir ce que chacun pensait de nous, préférant les rejeter que de m’y attarder. Seul Philippe nous observait depuis la fenêtre de son bureau, un immense sourire étirant ses lèvres. Gabriel s’arrêta avant d’entrée dans les bâtiments, et m’invita à descendre de cheval, avant de ramener Orphée dans son box. Avec mon aide, nous dessellâmes Orphée et Gabriel lui offrit un pansage bien mérité et un morceau de pain pour le récompenser de son travail et de sa gentillesse. J’aimais la douceur et le respect qu’il mettait dans son ouvrage.
Une fois que tout fut terminé et que les soins à Orphée furent donnés, nous prîmes la direction du réfectoire, commençant tous deux à avoir particulièrement faim.
Alors que nous entrions dans la salle de cantine, j’entendis Dorian pleins de mauvaises intentions que j’avais préalablement senti avant qu’il ne se mette à s’exclamer dans notre dos :
- Alors ça y est ? Si Gabriel te laisse monter Orphée c’est qu’il a du se passer quelque chose non ? Tu as enfin réussit à le mettre dans ton lit ?
Sans laisser me laisser le temps de répondre, Gabriel déclara :
- Quoi, t’es jaloux ? C’est ça hein ? T’as besoin de rabaisser les autres pour te sentir supérieur car au fond de toi, tu sais bien que tu n’arriveras jamais à t’élever aussi haut que je l’ai fais. Toute ta vie tu ne resteras qu’un minable petit palefrenier, à médire sur les autres et leur réussite.
- Jaloux de quoi ? Cracha Dorian. De ton cheval ou de Juha ?
Je n’aimais pas du tout le ton que prenait la conversation et surtout les sujets qui y étaient abordé.
- Des deux, répondit Gabriel, sans se départir de son calme et de son assurance, employant ce même ton froid et impersonnel que je n’avais pas entendu depuis longtemps. Avec audace et égocentrisme, j’irais même jusqu’à dire que tu es jaloux de moi. Tu pus la jalousie à des kilomètres à la ronde. Tu crèves d’envie d’avoir Juha et de monter un cheval comme Orphée mais au fond de toi, tu sais parfaitement que jamais tu n’atteindras mon niveau. Cesses de te bercer d’illusions et redescend sur terre avant qu’il ne soit trop tard et que tu ne chutes de trop haut. L’atterrissage risque sinon d’être très douloureux pour toi et tu risques de ne pas t’en relever.
- Pff n’importe quoi ! S’exclama Dorian, hors de lui, ne parvenant pas à maîtriser l’élan de haine qui l’habitait, mais néanmoins bouillant de honte face à l’introspection intempestive de sa part. Je ne connais personne de plus arrogant et prétentieux que toi ! S’exclama-t-il furieux. Et puis Juha, je l’ai déjà eu…
N’en supportant pas plus, et voulant mettre un terme à tout cela au plus vite, je m’exclamais vivement avec vivacité :
- Oui et c’était une erreur ! C’est inutile de t’acharner Dorian, plus jamais je ne te cèderais.
Sur ces mots, je l’attrapais par le bras et l’entraînais à ma suite. Puis les bras chargés de notre plateau, nous prîmes place à notre table dans un silence monastique. Tous les regards se posaient sur nous, nous dévisageant avec indiscrétion et je sentais l’énervement de Gabriel monter en flèche. Il avait d’ailleurs de plus en plus de mal à le cacher.
Nous mangeâmes dans le silence le plus complet, jusqu’à ce qu’un garçon que j’avais déjà vu près de Gabriel s’approcha de nous. Gabriel choisis de feindre l’ignorance et plongeant la tête dans son assiette, mais c’était peine perdue.
Arrivé à notre table, il s’exclama de sa voix mielleuse qui sonnait faux :
- Bonjour Gabriel.
Je n’aimais pas particulièrement la façon qu’il avait d’insister lourdement sur son prénom. Il ne lui répondit rien, afin de lui faire clairement comprendre qu’il n’avait pas envie de lui parler. Seulement, n’y prêtant pas attention, celui-ci se tourna vers et déclara :
- Tiens, tu es de retour ? On commençait vraiment à se faire du souci à ne pas avoir de tes nouvelles depuis deux jours. Cela aurait-il un rapport avec la disparition de Gabriel, il y a deux jours aussi ? C’est étrange. Mais en tout cas, quel retour en force que voila ! Gabriel doit bien tenir à toi s’il te fait confiance au point de te faire monter Orphée… Personne n’a jamais eut droit à ce privilège tu sais… Pas même Marion…
Trop troublé par ce qu’il venait de me dire, je sus rien répondre et heureusement Gabriel déclara, laissant libre court à sa colère :
- Mais vous avez fini de me les briser avec ça, bordel ! C’est encore mon cheval jusqu’à preuve du contraire ! S’exclama-t-il à présent hors de lui. J’ai le droit de faire monter qui je veux dessus merde, alors arrêtez de tous vous offusquer parce que Juha a monté Orphée ! Vous êtes jaloux ou quoi ? Vous ne vous êtes jamais dis que peut être vous étiez trop nul pour pouvoir espérer le monter un jour ? Vraiment cette façon de toujours tout commenter et observer mes moindres faits et gestes avec mon cheval c’est n’importe quoi ! on n’est pas dans une série télévisée à ce que je sache, alors occupez-vous de votre cul !!
A présent, il ne dissimulait plus ma colère et tous les regards convergèrent vers nous. Cependant, il ne sembla pas y prêter attention et poursuivit :
- De toute façon, avec la mentalité que vous avez, vous ne ferez rien de votre vie.
Sur ses mots il se leva et quitta vivement la salle à manger, me laissant seul avec ce jeune homme. Alors que je me levais pour aller le rejoindre, celui-ci m’attrapa par le bras. En un instant, je fus submergé par les différents sentiments qui habitaient cet homme. Ils étaient tellement violents que je ne parvenais pas à les discerner, me soulevant le cœur, et me faisant perdre pied.
- Dis moi tu vas le consoler à ta manière ? me demanda-t-il d’une voix lourde de sous entendu.
N’ayant aucune envie de répondre à sa provocation et n’étant tout de façon pas en état, j’arrachais mon bras de son emprise et suivit les traces de Gabriel. Lorsque j’arrivais dans la chambre de Gabriel, j’entendis qu’il était dans la douche, et choisit de m’asseoir un peu afin de me ressaisir avant qu’il ne revienne. Jamais je n’aurais pensé qu’un contact avec cet homme me mettrait dans cet état. Peut être étais-je encore trop affaibli…
Gabriel revint quelques minutes plus tard, simplement vêtu d’un jean propre et d’une serviette sur les épaules, et sursauta de surprise en me voyant. Alors que je tentais de paraître normal et de cacher ma petite faiblesse, c’est inquiet que Gabriel me demanda :
- Juha ? Quelque chose ne va pas ? Tu es tout pâle.
- Ca va, me répondis-je avec un sourire qui se voulait rassurant. Tu es sur que tu veuilles que je dorme ici ce soir ? Les autres pourraient parler… dis-je en me remémorant les dernières paroles que j’avais pu entendre.
- Je m’en fiche, s’exclama-t-il. Ils ne savent rien, je n’ai rien à cacher et puis, ce n’est pas comme si nous étions en couple.
Si j’avais été heureux de son début de réplique, la suite en était toute autre. Il était vrai que notre relation était ambigu et pourtant, ce que je ressentais malgré moi pour lui, s’approchait plus du couple qu’autre chose. Mais après tout, qu’étais-je à ses yeux, alors que je ne savais même pas définir ce qu’il était pour moi. Notre relation était très forte, mais ne portait pour le moment pas de nom. Je choisis de ne rien répondre à cela et me laissant porter par mes désirs, je m’approchais de lui d’une manière qui ne laissait présager aucun doute sur mes intentions. Avec la même douceur dont je faisais toujours preuve avec lui, je déposais mes lèvres sur les siennes, tout en l’enlaçant tendrement. A son tour, il posa ses mains sur mes hanches, se laissant guider par moi, qui lui demandais déjà l’accès de ses lèvres pour permettre à ma langue de rejoindre sa jumelle. Plus le temps passait et plus nos baisers gagnaient en intensités, faisant, je le sentais, grandir en Gabriel un manque de plus en plus important dont il n’avait même pas conscience. Après un baiser fiévreux des plus ardent, je me reculais lentement avant de happer ses lèvres une dernière fois et de demander :
- Je peux emprunter ta douche s’il te plait ?
- Hm ? Oui, fais comme chez toi, répondit-il discrètement, encore sous le charme de nos échanges.
Avec son accord, j’allais rapidement prendre une douche, souhaitant plus que tout aller me coucher, épuisé par les récents évènements. Moins de dix minutes plus tard, je rejoignis Gabriel dans la chambre, le voyant blotti dans les couvertures. Simplement vêtu d’une serviette nouée autour des reins, je m’approchais de Gabriel et lui demandais :
- Gabriel ? Tu n’aurais pas des vêtements à me prêter ?
- Cherche dans mon armoire, sur la gauche, répondit-il à moitié endormis.
Quelques secondes plus tard, je me glissais dans le lit après avoir soulevé les couvertures afin d’y prendre place. Une fois installé, j’éteignis les lumières et ne bougeais plus. Un long silence s’en suivit et une question s’imposa à moi. Je ne me l’étais pas posé jusqu’à maintenant et pourtant, elle était bientôt de circonstances. Noël approchait et j’allais bientôt pouvoir vivre mon premier Noël depuis dix ans. Seulement, je n’avais personne à qui le passer. Je demandais alors hésitant, ne tenant plus :
- Gabriel… Tu vas aller retrouver ta famille pour les fêtes de Noël ?
A cette question, je le sentis se tendre brusquement touchant malgré moi un point sensible. Finalement, il répondit après un court silence :
- Non… Je ne fêterais pas Noël cette année… De toute façon, ajouta-t-il avec mélancolie, cette fête n’a aucune signification pour moi… Et toi ? Tu vas le passer avec ta famille ?
- Non, je… Je n’ai plus de contact avec eux depuis la prison…
J’ajoutais alors, hésitant et anxieux de sa réponse :
- Tu veux bien le passer avec moi ?
Il se tourna vers moi, apparemment surpris, puis un sourire étira ses lèvres. Il se pencha vers moi et m’embrassa sur la joue avant de répondre :
- Avec plaisir…
De nouveau le silence nous engloba, jusqu’à ce que Gabriel finisse par demander, semblant se retenir depuis un moment, cachant assez mal son hésitation :
- Juha ?
- Oui ? Répondis-je d’une petite voix, appréhendant malgré moi la suite.
Combien de temps tu y es resté ? En prison je veux dire…
Je pris une profonde respiration, m’attendant à une question de ce genre. Il avait le droit à une répondre et je finis par parler, la voix enrouée d’émotions :
- J’ai passé dix ans de ma vie là bas…J’y suis rentré à dix sept ans et j’en ai vingt-sept aujourd’hui…
A chaque fois que j’y repensais, je constatais avec amertume tout ce temps gâché par ma propre faute.
- Juha ? Demanda-t-il de nouveau. Pourquoi tu as fais de la prison ? Ajouta-t-il non sans hésitation et crainte de ma réaction.
Si j’avais pu répondre à sa première question, il m’étais impossible d’ouvrir la bouche pour celle-ci. Je n’y arrivais pas alors que plus que tout je voulais être honnête avec lui. Face à mon silence gêné, il poursuivis heureusement :
- C’est… C’est à cause de Killian, n’est pas ?
Me déliant la langue, je pris sur moi pour répondre au mieux à sa question tout en restant tout de même évasif :
- Oui… Enfin, ce n’est pas à cause de lui, mais cela à un rapport avec lui…
Il resta à mon plus grand soulagement silencieux. Je n’aimais pas la tournure que prenait la conversation. J’étais loin d’être prêt et je lui avais demandé du temps, bien plus que ce qu’il était en train de m’offrir. C’est alors que Gabriel repris la parole et me demanda :
- Il était ton… Ton amant ?
- Oui, répondis-je simplement, n’ayant rien à dire de plus.
- Alors c’est vrai ce qu’il disait ? Tu… Tu l’as vraiment tu… Tué ? Pardon, ajouta-t-il précipitamment en me voyant me crisper sous les draps. Je vais trop loin, excuses moi. Je n’aurais pas du te demander cela…
Détournant complètement la conversation, faisant comme si cet instant fort désagréable n’avait pas eus lieu, je lui demandais, surpris :
- Tu as dis que tu ne fêterais pas Noël cette année, pourquoi ? Tu le fêtais avant ? Avec qui ?
- Ben… Comme j’étais avec Marion les autres années, je le fêtais avec Philippe, mais à présent, je me vois mal débarquer là bas… Répondit-il mi amusé, mi mélancolique.
- Et avant que tu sois avec Marion, tu le fêtais avec quelqu’un non ?
Aussitôt Gabriel sembla partir loin d’ici, plongé dans ses souvenirs passés. Je lui laissais le temps, n’étant pas pressé, mais au bout d’un temps jugé trop long, je me risquais :
- Gabriel ?
- Hm ?
Puis, se souvenant de ma question, il répondit d’une voix tremblante d’émotions :
- Oui, je… Je le fêtais avec mon… mon meilleur ami…
- Et tu ne le vois plus ? Lui demandais-je intrigué.
- Je n’ai plus eut de nouvelles de lui depuis mes quatorze ans, soit bientôt onze ans.
- Bientôt ? C’est bientôt ton anniversaire ?
Il se tourna vers moi, un sourire dépeint sur le visage, et répondit :
- Le vingt-cinq…
- Décembre ? M’exclamais-je surpris.
- Oui, répondit-il simplement.
- Tu es la première personne que je rencontre qui soit née à cette date. Et tu vas avoir vingt-cinq ans ?
- Oui, répéta-t-il.
- Tu te rends compte ? Un quart de siècle ! Fis-je remarquer en éclatant de rire.
- Hey ! Je ne permettrais pas une telle réflexion d’un homme qui aura trente ans d’ici peu ! S’exclama-t-il à son tour, prenant un air faussement indigné, rentrant dans le jeu.
Après un court silence durant lequel Gabriel bâillait à s’en décrocher la mâchoire, il se tourna sur le côté et d’une voix éraillée, il murmura :
- Bonne nuit, Juha.
Lentement, je me penchais vers lui et avant qu’il ne réalise ce qu’il se passais, mes lèvres s’emparèrent des siennes en un doux effleurement aérien avant de murmurer tout bras contre ma bouche :
- Bonne nuit Gabriel.
C’est blotti tout contre moi qu’il finit par s’endormir. Je le rejoignis peu de temps après, me plongeant dans un rêve que je n’avais pas fait depuis des années, un rêve emprunt du passé qui chaque jour me faisait culpabiliser.

Voilà maintenant une heure que je marchais dans le froid, maudissant le mois de janvier. Cela faisait deux mois que je n’avais presque pas mis le nez dehors, restant au chevet de l’homme que j’aimais. Parcourant les rues, je sentais mon cœur se serre à l’idée que je ne pourrais plus les parcourir main dans la main avec Killian. Condamner à rester chez lui, à se déplacer du lit au fauteuil et du fauteuil au lit, n’étant même plus capable de se déplacer seul. J’avais beau lui offrir toute l’énergie que je possédais, absorbant sa souffrance mentale, j’étais maintenant aussi à bout que lui. Il n’avait que vingt-cinq ans et demain maintenant quatre ans nous idéalisions tous les deux notre avenir commun qui maintenant se résumait à la mort de l’un de nous.
Les larmes me brulèrent les yeux, sans pour autant couler le long de mes joues, les retenant une énième fois. J’avais mal pour ce qu’il venait de me dire. Ses mots cassants et blessants résonnaient dans ma tête. « Si tu ne m’aides pas, cela veut dire que ton amour pour moi n’est pas si fort que tu le prétends. Tu n’es qu’un sale égoïste ! ». J’avais ressentis sa haine pour moi, bien plus dur que les mots et il le savait. Il avait fait exprès de me saisir violemment par le poignet, me suppliant une fois de plus d’abréger ses souffrances. Comment pouvait-il me demander cela ? N’étais-ce pas lui l’égoïste ? Etais-ce de ma faute après tout, de vouloir encore gagner une seconde près de lui vivant. On dit que savoir donner la mort à la personne que l’on aimait était la plus belle preuve d’amour. C’était l’argument qu’il me donnait si souvent. S’était-il seulement mit une fois à ma place ? Il faisait parfaitement que j’absorbais sa douleur, aussi bien physique que mentale. J’étais prêt à la partager, pour gagner un peu de temps. Nombre de dois, je lui avais proposé ou même tenter de le faire à son insu et il m’avait plus d’une fois violemment repoussé, prétendant que je n’avais pas à subir cela. Il n’avait cessé de me dire que je ne faisais que rejeter l’inévitable et tourner le dos à la vérité de sa mort. Mais n’avais-je pas droit à un peu de répit, vivre encore un moment dans cette illusion qui soulageait mon cœur. Qu’allait être ma vie sans lui ? Jamais je ne l’avais envisagée et je ne voulais surtout pas le faire.
Je marchais encore droit devant moi, sans trop savoir ou aller, ne me sentant bien qu’auprès de Killian. Je m’en voulais de cette relation si passionnelle qui m’avait rendu si dépendant de lui. Depuis que j’avais treize ans, je passais les trois quart de mon temps avec lui, et la solitude qui m’attendait après sa mort me terrifiait. Le vide qu’il allait me laisser ne portait pas de nom. Kilian était et serait mon premier et mon dernier amour et pour moi, il en avait toujours était ainsi. Jamais je ne m’étais permis de penser autrement. Je lâchais un soupir, redressant la tête. Les larmes coulaient toutes seules et je les essuyais d’un revers de la manche. J’étais devant chez moi. Je n’avais pas du y mettre les pieds depuis deux ou trois semaines et mes parents devaient s’en moquer éperdument. Je les avais trop déçut et cela un nombre trop important de fois pour qu’ils daignent me porter une quelconque attention ; mais je m’en moquais, j’avais Killian.
D’ailleurs que faisais-je ici ? Ma place était aux côté de Kilian, pas chez moi. C’était lui qui avait besoin de moi. Je n’avais de toute façon aucune envie de revoir ma famille, surtout dans cet état. J’étais resté assez longtemps loin de celui que j’étais et je me devais de retourner le voir. Il me restait si peu de temps à vivre à ses côtés que j’étais bête de ne pas en profiter. C’est tout contre lui que je voulais être et non seul dehors à me morfondre. D’un pas peu sur, je repris le chemin du retour, appréhendant une nouvelle confrontation et languissant à la fois le moment ou je pourrais le revoir. J’espère qu’il pardonnerait notre dispute, tout comme je l’avais oublié. A la fois bien trop vite et bien trop lentement, je me retrouvais devant la porte de son petit studio. Je grelottais de froid, étant sorti simplement en pull léger. Rapidement je cherchais le double de la clef qu’il m’avait donné il y a deux ans, me proposant de venir chez lui autant que je le voulais. C’est à partir de cette période là que ma relation avec mes parents déjà bancale s’était dégradée de plus en plus.
Lentement je tournais la clef dans la porte, ne voulant surtout pas le réveiller s’il s’était endormi. J’ouvris la porte, posant les clés sur la petite table à l’entrée puis longeais le couloir avant d’arriver dans la pièce qui faisait office de chambre et de pièce de vie. Le spectacle qui s’offrit alors à mes yeux me glaça d’effroi. Seul mon cœur battait extrêmement vite. Kilian se tenait là, assis dans le canapé, une arme à feu dans la main droite, en larmes… Il sembla s’apercevoir de ma présence car il releva les yeux vers moi et s’exprima dans un sanglot me voyant parfaitement immobile :
- Ce que je te demande de me faire, je n’en suis même pas capable moi-même… Aide-moi, je t’en supplie…
Sa voix était tellement faible… Sans réfléchir une seconde de plus, je me jetais littéralement sur lui.
Une fois tout contre lui, je le serrais tout contre moi de plus en plus fort, comme s’il allait m’échapper à jamais. Nous pleurions de concert, sans trop même s’en apercevoir. Il avait failli partir, et je n’avais pas été là pour l’en empêcher. Dire que cette étreinte ne m’aurait pas été permise… Je sentais ses sentiments venir envahir mon cœur, mêlant douleur et culpabilité de mes laisser ainsi. Nous partagions tellement de choses… Lui seul avait jamais eu le droit de lire au plus profond de mon cœur, m’ouvrant à lui et me laissant à sa merci. Je le connaissais par cœur et n’avais même plus besoin de le toucher pour être lié à lui. Jamais je n’avais usé de mon don pour vérifier ses sentiments pour moi, sachant leur valeur réelle.
Au milieu de ses sanglots, alors qu’il était au creux de mes bras, je l’entendis gémir, telle une litanie incessante me déchirant le cœur à jamais :
- Je voulais au moins te dire au revoir, te voir une dernière fois… Je t’aime Juha… Si tu savais comme je t’aime… Tu sais… Je suis jaloux, jaloux des autres hommes qui seront dans ta vie et que tu aimeras, jaloux de ne plus appartenir à la tienne… Je m’en veux tellement et j’en veux de pouvoir encore vivre sans moi.
Je me retins alors difficilement de lui répondre ce que je pensais de ce qu’il venait de me dire. Comment pouvait-il penser cela, en sachant combien j’en souffrais. Ne voulant pas en entendre plus, je recouvrais ses lèvres d’un baiser plus désespéré que jamais. A chaque fois que je l’embrassais, j’avais cette cruelle impression que ce serait le dernier. Il répondit avec douceur à mon baiser, entrouvrant délicatement les lèvres. J’aimais leur gout plus que tout et ne passais pas un seul instant sans vouloir m’en repaître encore et encore. Leur saveur si particulière et unique me donnait des frissons de plaisir. La chaleur de ses baisers allait bientôt m’être enlevé. Lentement, bien que perdu dans notre échange passionnel, je pris l’arme qu’il avait dans les mains afin de lui ôter toute possibilité d’écouter sa vie de lui-même. Les seules fois ou nos lèvres ses séparaient quand l’être venait à manquer, nous murmurions nos sentiments réciproque, ne nous laçant pas de déclamer notre amour. Je pleurais, et ses larmes venaient se mêler aux miennes dans notre baiser qui avait ce goût amer d’adieu. Son corps tout contre moi, je mourais de peur à l’idée qu’un jour bien trop proche, il devienne raide et froid.
C’est à ce moment là que je sentis sa main attrapais la mienne, la faisant lentement glisser sous son t-shirt. Depuis combien de temps ne nous étions pas touché ainsi. Sa peau était toujours aussi douce et il était impossible de ne pas se rendre compte de son amaigrissement ; lui qui portait tellement d’importance à son apparence… Encore une fois, quittant mes lèvres, il me murmura à l’oreille combien il m’aimait, faisant remonter lentement ma main de ses abdominaux jusqu’à son torse imberbe, avant de s’arrêter à un endroit stratégique que je ne compris que trop tard. Alors qu’il bloquait ma main sur son cœur, siège de tous ses sentiments et sa souffrance, il continua de murmurer à mon oreille, comme un adieu :
- Je suis le plus heureux des hommes car je meure dans les bras de celui que j’aime. Merci Juha…
A peine eut-il finit sa phrase qu’il sembla relâcher tout ce qu’il m’avait dissimulé jusqu’à maintenant ; un flot de ressentis si fort qu’ils me rendirent comme presque fou. Comment avait-il pu me cacher tout cela ? la puissance de sa douleur et de son envie de mourir était si forte qu’elle compressait mon cœur jusqu’à presque l’arrêter. J’avais cette impression de suffoquer et de ne jamais pouvoir m’en sortir. Il venait de me mettre face à un gouffre béant qui m’attiraient dans sa chute et mon instinct de survie fini par prendre le dessus. Malgré moi, je m’arrachais plus que violemment à son étreinte alors que mon cœur me hurlait de ne surtout pas m’éloigner. Il fallait que tout cela cesse où j’allais y laisser ma peau. Je n’avais qu’une seule solution et celle-ci se trouvait dans ma main droite. Tout se passa tellement vite que ce fut dans la moindre réflexion que je pointais mon arme sur son cœur, source de tout les maux. La folie m’avait maintenant totalement atteint et il m’était impossible de différencier ses sentiments des miens. Il fallait que j’y mette fin et c’est un cri d’animal à l’agonie qui s’échappa des mes lèvres au moment où le coup parti, figeant à jamais le sourire de Kilian sur ses lèvres. J’avais visé en plein cœur et à peine eut-il expiré son dernier souffle que je fus libéré de ses ressentis, qui étaient mort en même temps que celui à qui je venais d’ôter la vie. Killian n’était plus qu’un corps inerte sur le sol, baigantn sans son propre sang. Si sa douleur n’était plus en moi, elle laissa alors place à la mienne qui me pris si brusquement à la gorge au moment ou je réalisais ce que je venais de faire : mettre fin à la vie de l’homme que j’aimais le plus au monde. Mes jambes cédèrent sous mon propre poids et je me retrouvais agenouillé à quelque mètre de lui, voulant hurler ma douleur mais ne laissant uniquement s’échapper que des larmes silencieuses, coulant sur mes joues. La porte d’entrée s’ouvrit derrière moi, une seule autre personne possédait la clef de ce studio, le frère de Killian. Immobile, je me sentais chuter à une allure vertigineuse vers ce qu’on appelait la fin de toute chose : le néant.

Mes yeux s’ouvrirent d’un coup, me ramenant dans le présent mais encore trop emprunt du passé, je m’exclamais en une litanie incessante dans un sanglot :
- Je l’ai tué… Je l’ai tué…
J’avais tellement mal que je ne pouvais dire que cela, comme pour réaliser et me faire souffrir un peu plus comme je le méritais. Je ne me retenais même pas de laisser ma peine s’échapper, la laissant envahir Gabriel. Celui-ci, profondément touché par mon état, me pris tout contre lui, et commença à me rassurer, d’une voix calme et rassurante, mais pourtant chargée d’incompréhension. Ce n’est que lorsque je fus à peu près calmé, qu’il osa me demander :
- Et si tu me racontais ? Tu ne crois pas que cela pourrait te soulager ?
Je ne parvins qu’à gémir :
- Je ne suis qu’un montre. J’ai tué Kilian… Je l’ai tué… J’aurais du passer ma vie à croupir en prison…
Je ne savais même plus ce que je racontais, ni à qui j’étais entrain de parler, trop meurtri. Je n’avais pas fait ce rêve depuis des années, et c’était le moment le plus douloureux de toute mon existance.
- Calme-toi… Je ne comprends rien à ce que tu dis… Explique-moi calmement, d’accord ? Me demandait-il en raffermissant son étreinte autour de moi.
Reconnaissant de la patience et de la douceur dont il faisait preuve pour moi, je me lançais, ayant de toute façon besoin d’en parler à quelqu’un, de confesser pour la première fois ce qu’il s’était réellement passé à Gabriel :
- J’ai connu Kilian à l’âge de treize ans. Très vite, nous nous sommes rendu compte que nos sentiments respectifs allaient bien au delà qu’une profonde amitié. Nous vivions une relation que l’on aurait pu qualifier de passionnelle. Tout allait pour le mieux, c’était vraiment merveilleux, jusqu’à ce qu’un jour, quatre ans plus tard, je…
Je fis une pause, soupirant longuement, afin de me donner du courage. J’arrivais à la partie la plus délicatement et c’est avec hésitation, la voix tremblante de sanglots contenues que je repris :
- J’ai appris qu’il était atteint d’une maladie incurable qui le tuait à petit feu dans une douleur insupportable. Plus la maladie évoluait, plus son corps et son mental étaient atteint de dégénérescence. Il n’en avait plus pour longtemps à vivre et Kilian le savait lui aussi. Je ne sais combien de fois il m’a supplié de le délivrer de cette souffrance, n’ayant pas le courage de le faire lui-même. Je passais tout mon temps à son chevet, me refusant à cette idée de li donner la mort. Mais toujours il me suppliait, me demandant de le faire avant qu’il ne m’oublie définitivement et que je ne garde de lui que des souvenirs d’un corps inerte et d’un esprit défaillant. Puis un jour j’ai cédé… Je l’ai tué… Je m’en veut tellement d’avoir été aussi lâche… C’est le frère de Kilian qui m’a dénoncé. Il n’a jamais accepté ce qui me liait à lui et ne comprenait pas l’envie que Kilian avait de vouloir mourir. Il aurait préféré le voir se battre contre la maladie et n’acceptait pas le fait qu’elle puisse être plus forte que lui… Si seulement j’avais su… Jamais je n’aurais appuyé sur la gâchette…
Je me tu, ne pouvant en dire plus. Blessé, je ne savais pas comment allait réagir Gabriel. Allait-il être dégoûté et me rejeter ? J’allais avoir ma réponse, car il commença à parler :
- Tu sais, je ne sais pas ce que tu as pu ressentir, mais je peux l’imaginer et je pense qu’au contraire, même si tu as perdu dix ans de ta vie en prison, tu peux être fier de toi. Peu de personnes auraient été capables d’offrir cette ultime preuve d’amour à la personne qu’elles aiment.
Après un court instant, il ajouta, s’engageant sur un terrain plus que glissant :
- Tu sais, à la place de Kilian, j’aurais fait la même chose…
- Non ! M’exclamais-je alors vivement Juha en me redressant et en lui faisant face. Plus jamais je ne veux revivre cela… Plus jamais je ne veux ressentir la douleur de perdre un être qui m’est cher… Comment peux-tu dire cela ? Comment peux-tu ignorer ma douleur ? T’es tu seulement demandé ce que j’ai pu ressentir ? Tu ignores tout de cette culpabilité qui me ronge depuis dix ans…
J’avais parlé avec mon cœur, peut être un peu trop virulemment, mais il avait touché directement un point bien trop sensible. Le voyant dans le désarroi le plus total, je déclarais alors doucement, me reprenant :
- Je suis désolé Gabriel, je n’aurais pas du m’emporter contre toi. Mais je… Je tiens à toi tu sais… Je ne veux pas qu’il t’arrive quelque chose…
Je sus que mes paroles avaient touché Gabriel, mais je ne l’avais pas dis pour lui faire plaisir, mais j’avais laisser mon cœur parler à ma place.
En effet je tenais à lui et bien plus qu’il ne voulait le croire. C’était d’ailleurs pour cette raison que je m’étais confessé à lui, et cela m’avais malgré tout fait beaucoup de bien. Gabriel lâcha un soupir de contentement tout en se laissant aller contre moi. J’aimais nos étreintes, j’aimais être tout contre lui, même si je continuais à ressentir sa douleur. J’espérais qu’un jour il finirait par lui aussi me parler. Gabriel finir par me répondre :
-  Moi aussi je tiens à toi Juha… Ne m’abandonne pas s’il te plait…
Si j’étais surpris par sa supplication, je n’en laissais rien paraître et bientôt nous plongions de nouveau dans le sommeil, tendrement enlacés.
Le lendemain, je me réveillais un peu avant Gabriel, dans la même position que la veille. Jamais je n’aurais imaginé, quelques temps auparavant, connaitre ce bonheur de nouveau. Lentement, je me redressais pour admirer le visage de Gabriel endormi, qui avait tout d’un ange. Il sembla s’en apercevoir, car il se tourna de  l’autre côté. Simplement, j’en avais décidé autrement, et sans aucune pudeur, je laissais ma main s’aventurer sous son t-shirt, remontant sur son ventre. Ceci eut l’effet escompté et aussitôt, il sursauta à présent totalement réveillé. Il ouvrit les yeux, pour se noyer dans les miens. Un sourire étira mes lèvres et d’une voix qui ne cherchait pas à cacher mon amusement, je chuchotais :
- Je ne te savais pas aussi fainéant le matin ! Serais-je en train de découvrir une autre facette de ta personnalité ?
- Mmf… Fatigué, grogna-t-il en se laissant lourdement tomber dans le matelas.
Accoudé au dessus de lui, je ne pouvais m’empêcher de le regarder avec un désir évident qui malheureusement le mettait mal à l’aise. Plus le temps passait et plus mon désir pour lui montait en flèche. Anéantissant la distance qui séparait encore nos lèvres, je me penchais au dessus de lui, et m’emparais de ses lèvres avec une passion non feinte. Très vite, ma langue vint quémander avec gourmandise l’accès à ses lèvres, comme en manque total de ses baisers. Avec sensualité, j’investissais sa bouche. Nos langues se mêlaient en un ballet farouche et emprunt de sensualité, se faisant de plus en plus gourmand et possessifs. Complètement abandonné à moi, il me laissait le guider, l’entraînant toujours plus loin dans notre baiser, le guidant avec savoir faire. Docile, il se laissait entraîner dans cette danse à la limite de l’érotisme, me laissant  maître de la situation. Je le sentais, il prenait de plus en plus de plaisir à ses baisers, y répondant sans se faire prier. J’aimais les baisers que nous échangions et la timidité qu’il ne pouvait me cacher dans ce genre d’échange.
Après un baiser des plus ardents, nous nous séparâmes à contrecœur, le souffle court et Gabriel se leva pour aller prendre sa douche. Soudain, il se tourna vers moi, semblant penser à quelque chose, il déclara :
- Je vais à un concert ce soir… Tu… Enfin… Tu veux venir avec moi ?
- Je… Oui, pourquoi pas… Mais je n’ai pas de billet…
- J’en ai… J’avais l’intention d’y emmener Marion car on était encore ensemble quand j’ai acheté les places, mais à vrai dire, je n’ai aucune envie d’y aller avec elle… En fait, moins je la vois, mieux je me porte…
- Oh… Bien, tu me diras combien je te dois, alors…
- Non… C’est cadeau, ajoutais-je en le voyant ouvrir la bouche pour protester.
- Mais… D’accord… Merci, Gabriel… répondis-je, touché par son invitation.
Lorsqu’il revint de sa douche, j’allais prendre la mienne. La journée passa très vite, et vers dix sept heures, Gabriel vint me chercher et nous allâmes prendre une douche afin de ne pas arriver là bas et sentir le cheval et la sueur. Gabriel me prêta des affaires propres. Une demi-heure plus tard, nous prenions la route. La circulation était plutôt bonne, nous arrivâmes en avance et du coup, je nous payais à chacun une pizza. Une fois celle-ci terminée, nous prîmes le chemin de la salle de concert, marchant côte à côte.
Alors que nous marchions tranquillement, nous croisâmes un homme, vêtu d’une soutane qui, je le sentis, troubla aussitôt Gabriel. Je ne le touchais pas, mais la douleur qui m’avait profondément affectée à notre premier contact était en train de ressurgir sans que je sache pourquoi. Je pris sur moi pour la renflouée, alors que cet homme aux cheveux grisonnant s’approcha de nous avant de s’exclamer avec haine :
- Je savais bien que c’était toi… C’est difficile d’oublier un visage comme le tien, morveux !
Il le détailla de la tête aux pieds, et le scruta avec dégoût et répugnance avant de reprendre :
- A ce que je vois, tu sembles avoir réussit dans ta vie… Me serais-je trompé ? Ou voles-tu toujours ce dont tu as besoin pour subvenir à ta misérable existence ?
Plus il déblatérait ses paroles, plus je sentais Gabriel aller de plus en plus mal. Je dévisageais Gabriel avec incompréhension, ne comprenant pas ce qui était en train de lui arriver. C’est alors que cet homme dont je ne ressentais rien de bon s’aperçut de ma présence à ses côté avant de poursuivre avec toujours ce mépris dans sa voix, comme s’il parlait à un chien :
- Je l’avais prédit… Tu es le fils du Malin, le mal et la perversion ont eut raison de toi… Le péché de la luxure coule dans tes veines…
Si je n’avais rien dit jusque là, c’était parce que j’étais sous le choc. Mais maintenant je ne pouvais en supporter d’avantage et je pris la parole, le coupant dans son réquisitoire, sachant que l’état de Gabriel en dépendait :
- Excusez-moi, mais vous vous trompez de personnes. Nous n’avons pas le temps de vous écouter déblatérer vos conneries, vieux fou…
Puis, le prenant par la main, je l’entrainais à ma suite, voulant l’éloigner au  plus vite pour nos propres santés. Docilement, il se laissa faire. Il était comme tétanisé et ne pas savoir pourquoi me rendait furieux contre moi-même.
Docilement, il se laissa faire. Il était comme tétanisé et ne pas savoir pourquoi, me rendait furieux contre moi-même. Voyant cela, le vieil homme s’exclama :
- De toute façon, vous êtes de la même espèce ! Un jour les animaux dans votre genre finiront sur le bûcher…
- Ouais, si tu veux, répondis-je en m’éloignant rapidement.
Quant à Gabriel, il semblait de plus en plus mal et son visage était d’une pâleur à faire peur. Il irradiait sa douleur, et je ne pouvais faire autrement que la recevoir en moi. Le pire était que je ne savais même pas quoi faire pour l’aider. Il s’arrêta soudain dans une petite ruelle et rendis le contenu de son estomac, ne faisant même pas attention aux larmes qui inondaient ses joues et aux sanglots qui secouaient ses épaules. A côté de lui, je lui massais le dos, cherchant à l’apaiser comme je le pouvais, tout en cherchant les mots qui pourraient lui remonter le moral :
- Ne fais pas attention à lui Gabriel. Ne laisse pas ses mots t’atteindre. Tu vaux beaucoup mieux que ce qu’il veut faire croire. Pauvre fou ! Cet homme est est un dément, il ne sait pas ce qu’il dit… Et puis, il ne t’a pas appelé par ton prénom, il ne savait même pas à qui il parlait…
Il marmonna entre deux sanglots quelques mots mais je ne les compris pas, si bien qu’il déclara :
- Si je… Je connais cet homme…
- Ah bon ? Demandais-je surpris. Qui était-ce ?

- Un cauchemar, répondit-il, sans s’appesantir sur la question.

Je compris qu’il ne voulait pas m’en dire plus, et je respectais son choix, sachant qu’un jour peut être il aurait le courage de m’en parler. Je continuais à masser son dos qui irradiait sa souffrance pendant encore quelques minutes jusqu’à ce que je finisse par dire :

- Allez viens, ne gâche pas ta soirée pour un type comme lui.

Obéissant, il se leva et me suivit en silence jusqu’à la salle de concert. C’est au moment seulement ou nous arrivâmes devant l’entrée que je commençais à réaliser ce que je venais d’accepter. Moi qui fuyais le monde afin d’éviter tout contact, je me préparais à vivre un bain de foule pour ce qui allait être mon premier concert.

L’entrée était blindée et il nous fallut attendre bien une quinzaine de minutes avant de finalement pouvoir entrer. Une fois dans la salle, je me laissais guider par Gabriel dans la fosse, juste devant la scène et ignorant les autres, nous patientâmes échangeant parfois quelques mots. Intérieurement, j’essayais de faire le vide moi, afin de ne pas céder à la pressions des ressentis de tout le monde. Pour le moment j’arrivais à n’avoir de contact avec personne. Je lui demandais quelques précisions sur le groupe que nous allions voir, tentant de me changer les idées. Près d’une demi-heure plus tard, le groupe monta sur scène et la salle fut envahie par le son des guitares électrique de la batterie. Aussitôt la foule entra en mouvement, nous entrainant de un mouvement de masse déferlant sur nous aux rythmes de la musique. Pendant la première minute, je parvins à retenir des barrages plutôt bancale, mais ne pouvant empêcher un contact avec toutes ces personnes, je fus bientôt assaillis par chacun de leur sentiments, m’offrant une migraine intenable.

J’avais de plus en plus de mal à gérer toute cette subite agitation autour de moi. C’est alors que je sentis des ressentis particuliers que je ne connaissais que trop bien et que je trouvais pour une fois reposant. Ils provenaient de la main de Gabriel posée sur mon épaule.
Se penchant vers moi, il me cria à l’oreille, dans le but de se faire entendre :
- Ca va ?
- Oui… T’en fait pas, répondis-je.
Certes, je disais cela pour le rassurer, mais je ne voulais surtout pas gâcher sa soirée. Gabriel reporta son attention sur la scène, me jetant parfois de petit coup d’œil. Je tentais de me maîtriser au mieux, mais c’était de plus en plus dur. Je finis par craquer, ne tenant plus sur mes deux jambes, sur le point de défaillir avec ce mal de tête horrible qui me martelait le crâne et qui me soulevait le cœur. Gabriel me pris alors par la main et m’entraîna sans ménagement à sa suite. Il m’emmena dans les toilettes et une fois à l’écart de la foule, il me demanda :
- Que se passe-t-il ? Et ne me ment pas en disant que tout va bien, je vois à ta mine que ce n’est pas vrai.
Je n’allais certainement pas lui dire la vérité, car il m’aurait pris pour un fou. Je choisis d’en dire peu mais suffisamment.
- Je… Excuse-moi… Je… Je ne suis pas habitué à avoir autant de monde autour de moi…
- Oh… Oui, je comprends… Pardonne-moi, j’aurai dû y penser avant de t’entraîner là dedans… Je suis désolé.
- Ce n’est rien, ne t’en fait pas. Ca va déjà beaucoup mieux, mais je ne peux pas y retourner… Vas-y sans moi… Dis-je extrêmement gêné que ce don me bouffait encore la vie.
- Tu plaisantes j’espère ! S’exclama-t-il indigné. Si on rentre, c’est ensemble. Allez viens, partons d’ici…
- Merci… Je suis désolé de gâcher ta soirée…
- Ne t’excuse pas. De toute façon, je n’avais pas vraiment la tête à m’amuser… Je crois plutôt qu’une bonne nuit de sommeil sera le mieux…
Le chemin du retour s’effectua dans un silence monastique et c’est près d’une heure plus tard que Gabriel garait la voiture sur le petit parking en bas de chez moi. Nous entrâmes dans le studio et il jeta les clés sur la petite table à l’entrée avant d’aller se chercher un verre d’eau et une pomme. Il me demanda si je voulais quelque chose de spécial et recevant une réponse négative de ma part, il alla me rejoindre au salon. A vrai dire, pour aussi une bonne nuit de sommeil me ferait le plus grand bien, car je ne ressortais pas indemne de ce concert, affaibli plus que je ne l’aurais du. Il resta à mes côtés le temps de manger sa pomme, puis après s’être excusé, il alla s’allonger dans le lit pris d’un soudain coup de fatigue.
Je m’affairais quelque temps dans le petit appartement et vint le rejoindre un peu plus tard, décidant d’aller me coucher à mon tour. Je me glissais discrètement entre les couvertures, et Gabriel vint à mon plus grand bonheur se lover tout contre moi, semblant avoir besoin et envie de sentir ma chaleur contre lui. Comprenant tout à fait son désir de protection et afin de le rassurer, je l’enlaçais tendrement. Soupirant de bien-être, Gabriel se laissa aller à poser sa tête sur mon torse. Sa souffrance irradiait encore autour de lui, et je savais qu’il fallait qu’il parle. Seulement, n’étant pas du genre à le faire de lui-même, alors qu’il allait s’endormir, je me risquais à lui demander :
- Gabriel ?
- Hn ? Répondit-il à moitié endormi.
- Je peux te poser quelques questions ?
- Je… Hésita-t-il avant de finir par céder. D’accord… Je t’écoute.
- Cet homme, toute à l’heure, tu disais le connaître… Où l’as-tu connu ? Dans quelle circonstance ?
Il resta un moment silencieux, semblant peser le pour et le contre de tout m’avouer et il sembla finir par céder. Je pouvais ressentir sa peur, sa crainte et sa honte de me parler, mais il finit par commencer :
- Je… Je n’ai jamais connu la douceur et la chaleur d’une mère et j’ai compris le rôle que pouvait avoir un père lorsque j’ai rencontré Philippe. C’est lui qui m’a offert mon premier foyer…
Je ne pus cacher l’expression horrifiée qui s’affichais sur mon visage, et Gabriel sur que j’avais compris, confirmant mes pensées :
- Oui, j’ai passé toute ma vie à l’orphelinat. Je suis ce que l’on appel un pupille de la nation. J’ai été trouvé à l’âge de quelques jours sur le perron de l’église du père Colman, l’homme que nous avons croisé toute à l’heure… Je ne connais rien de mes origines et lorsque j’ai voulu faire des recherches, pour comprendre qui j’étais et d’où je venais, on m’a informé que c’était tout simplement impossible… Ma mère avait accouché sous X et n’a jamais dévoilé qui était mon père…
Il se tu un instant, la voix brisée par la multitude de sentiments qui s’imposaient à lui et qu’il me faisait malgré lui ressentir. Profitant de son silence, je déclarais tout en raffermissant ma prise autour de lui :
- Je suis désolé, Gabriel…
- Tu n’as pas à l’être… Cela ne changerait rien de toute façon… C’est… Poursuivit-il. C’est à l’âge de trois ans que j’ai fait la connaissance de Kay. Il est arrivé là suite à la mort de ses parents lors d’un accident d’avion. Je me suis immédiatement attaché à lui et de son côté, il m’a prit sous son aile. Il avait alors cinq ans et il prenait toujours ma défense contre les autres… Nous avons grandis ensemble, il était comme un frère pour moi, mon meilleur ami, le seul que j’ai jamais eu… Cependant, plus je grandissais et plus… Plus je me rendais compte que l’amour que j’avais pour Kay allait au delà de l’amour fraternel… C’était… C’était bien plus profond… L’année de mes quatorze ans, je… Kay et moi avions vo… Volé quelques cerises au paysan du coin et pour ne pas nous faire prendre, nous nous sommes séparés… Je me souviens de la peur que j’ai ressentie à ne pas le voir arriver… Finalement quand il est revenu, c’est là… C’est là qu’il m’a donné mon premier baiser… Le… Le père Colman nous a surprit… Je… Je ne me souviens pas vraiment de ce qui s’est passé ensuite… Je me rappelle juste des insultes et de l’humidité et des ténèbres d’une vieille cave… Je ne sais pas combien de temps j’y suis resté, seul, affamé et tremblant de froid et de peur, mais je…J’en garde à présent une trace indélébile…
Comprenant le sous entendu, je glissais ma main dans son dos, et alors qu’il se tendait, je lui demandais :
- Je peux la voir ?
Il me lança un regard apeuré, mais ne décelant aucune trace de moquerie ou autre, il se redressa et retirant son t-shirt, il me présentait son dos, me montrant la marque physique de sa douleur mentale. Touchant en plein cœur de sa souffrance, il frissonna lorsqu’il sentit mes doigts glisser le long de sa cicatrice qui zébrait son dos dans toute sa longueur, de son omoplate gauche jusqu’à sa fesse droite. Ce que je m’apprêtrais à lui faire, je l’avais déjà fait tellement de fois à Kilian pour le soulager un peur. Certes, je n’allais qu’atténuer un peur sa douleur, la diminuant sans pour autant la faire disparaitre, pour seulement un temps. Mais je voulais au moins lui offrir cela à son insu. Je passais et repassais dessus, inlassablement, comme si je tentais de l’effacer, aspirant en moi cette douleur avant de la rejeter comme je le pouvais. Gabriel finit par se détendre totalement, se laissant aller sous la douceur de mes caresses et de mon doigté qui se voulait habile et agréable. Nous restâmes un moment ainsi, moi lui caressant le dos, et Gabriel soupirant de bien être sous mes attouchements. Puis, dans un soupir à peine murmuré, sentant qu’il pouvait maintenant aller plus loin, je demandais :
- Que s’est-il passé ? Après je veux dire… Pour toi et Kay…
- Je… Je me suis réveillé à l’infirmerie. Kay était là, à mon chevet. Il est resté un moment puis est parti avant qu’on ne le trouve. Quand je suis sorti quelques jours plus tard, je… Kay était sur le point de partir… Depuis ce jour là, je… Je ne l’ai plus jamais revu…
Il se tu un instant, la voix brisée par les sanglots qu’il ne parvenait plus à contenir. Mon cœur se serrait douloureusement.
- Le plus dur dans tout cela, reprit-il malgré ses pleurs, c’est que… Je… Je n’ai jamais rien su de ses sentiments pour moi. Je ne sais pas pourquoi il m’a embrassé ce jour là… Ressentait-il réellement quelque chose pour moi? Je… Je n’en sais rien et cela me tue… Je suis hanté par ce souvenir… Je n’en peux plus Juha, je voudrais tellement que cela s’arrête… Sanglota-t-il. Il me manque… Il me manque tellement…
Inconsciemment, il se laissa aller dans mes bras. D’une voix douce, profondément touché par sa confiance je pris la parole :
- Je sais, Gabriel… Je sais. Mais tu n’es plus seul… Je suis là et je tien à toi… Plus que tu ne l’imagines… Songe maintenant que tu m’as moi… C’est difficile à le dire et encore plus à le faire, mais à présent, il faut que tu penses à Kay comme à une personne qui à fait partie de ta vie, que tu as aimée et que tu aimeras sûrement toujours et pour laquelle tu garderas toujours une place privilégiée dans ton cœur, mais il ne doit plus t’empêcher d’avancer et de refaire ta vie…
Je savais que ce que je venais de lui conseiller, je n’arrivais même pas à l’appliquer à moi-même, mais peut être serait il plus fort que moi…
- J’ai besoin de toi, Juha, sanglota-t-il en enfouissant son visage dans mon cou et en me serrant de toutes mes forces contre lui. Ne m’abandonne pas toi non plus… J’ai besoin de toi…
- Je suis là Gabriel, murmurais-je. Je ne pars pas, je ne t’abandonnerais jamais… Pleure… Pleure autant que tu veux, cela te soulagera…
Epuisé par ses larmes, aussi bien physiquement que mentalement, il finit par s’endormir entre mes bras. Distraitement, j’effleurais son dos du bout des doigts en une caresse apaisante, l’accompagnant dans des rêves plus cléments. Je finis par le rejoindre dans le sommeil peu de temps après, fatigué par la journée que nous venions de mener, me sentant bien aux côtés de cet homme.
La semaine qui suivie se déroula à une allure affolante. Noël et l’anniversaire de Gabriel approchaient à grand pas et j’étais avec Philippe aux caisses afin de régler mon premier cadeau. Il m’avait aidé à la choisir et je lui en étais grandement reconnaissant. Nous sortîmes tous deux du magasin et alors que je remerciais Philippe, une boutique attira mon attention, et plutôt un bijoux en vitrine. Je venais de trouver son cadeau d’anniversaire…
Le soir de Noël était enfin arrivé, à la fois bien trop rapidement et trop lentement. J’étais impatient à l’idée que Gabriel n’allait pas tarder à arriver. J’avais presque tout finis à temps et mon cœur s’emballa lorsque j’entendis sonner à la porte. A peine eussè-je ouvert à Gabriel que je l’attirais à lui pour un baiser passionné, étant de plus en plus souvent en manque de sa présence lorsque je n’étais pas à ses côtés. Après quoi nous prîmes un verre et parlâmes un moment de tout et de rien, lui demandant des nouvelles du rapace. Il m’expliqua qu’il avait vu le vétérinaire quelques jours plus tôt et qu’il lui avait fait les vaccins. Il lui avait demandé s’il correspondait au profil des dernières disparitions d’oiseaux, mais apparemment, aucun rapace de cette espèce ne manquait à l’appel. Il avait dont deux possibilité, soit il le donnait à un parc animalier, soit il le gardait ici. Il avait choisit la deuxième solution, car il s’était malgré lui énormément attaché à ce rapace en l’espace de deux semaines. J’aimais la lueur dans ses yeux lorsqu’il me parlait ainsi.
Vers vingt-deux heures, nous passâmes à table et Gabriel fus surpris d’apprendre que j’avais tout préparé moi-même. Même si j’avais eu du mal, j’étais parvenu à quelque chose d’acceptable. Le repas terminé, nous avons pris place dans le canapé, lui posant des questions sur ses projets pour cette année à venir. A son tour, il me demanda avec hésitation :
- Et toi ? Tu… Tu as quelque chose qui te tien particulièrement à cœur ?
Sa question me mit assez mal à l’aise, car je ne voyais pas de réponse. Après un court silence, je répondis non sans cacher ma gêne :
- Non… Rien de spécial…
- Et… Ta famille… Tu… Tu ne veux pas tenter de renouer avec eux ? Ils ne te manquent pas ?
- Je… Tu sais, je n’ai jamais eu de grosses affinités avec mes parents et nos relations se sont détériorées lorsque j’ai rencontré Kilian. Ils n’ont jamais accepté mon homosexualité et j’ai préféré couper les ponts avec eux. Kilian était tout pour moi… A l’époque, je me fichais totalement de ne plus avoir de parents, au contraire, j’étais libre d’être avec Kilian, nous pouvions nous aimer librement…
Je savais qu’au vu de son statut, Gabriel aurait du mal à me comprendre, mais c’était pourtant la réalité des choses. Jamais ils ne m’avaient rendu visite en prison, et c’était mieux ainsi. Nous avions tous deux un point de vue différent des choses, mais ce n’était pas pour autant que nous allions nous disputer. Gabriel avait envie d’aller plus avant dans le sujet, et je le laissais faire attentif à son point de vue :
- Tu sais, j’ai toujours eut du mal à comprendre comment des personnes peuvent être en froid avec des membres de leurs familles ou leurs propres parents. C’n’est pas contre toi hein, s’empressa-t-il d’ajouter en me voyant me tendre. C’est juste que vous avez de la chance d’avoir des parents, des personnes qui vous aimes autour de vous et c’est vous qui les rejetez. Mais en fait, personne ne sait réellement ce que c’est que de passer toute sa vie sans recevoir la moindre preuve d’affection et de se sentir protéger par des personnes que l’on aime et qui nous aiment en retour. Tu sais, je me suis toujours demandé ce que l’on pouvait ressentir à s’entendre fièrement appelé “mon fils” par son père ou simplement prononcer le mot “maman”.
Après ça, il resta silencieux, touché par ses propres paroles. Je pouvais tout à fait comprendre ce qu’il voulait dire, et c’est avec calme que je répliquais :
- Je comprends que ce soit dur pour toi Gabriel, mais tu sais, ce n’est pas parce que ce sont mes parents ou autre qu’il y a forcément une affinité et des liens affectifs qui se créés. Mes parents sont des gens très exigeants et ils n’ont pas acceptés que je sois différent de ce qu’ils attendaient de moi.
Il médita un instant sur mes paroles avant de répondre :
- Oui, je vois ce que tu veux dire. Kilian, ajouta-t-il un moment plus tard. Il était comment ?
Je fermais alors les yeux, cherchant à me faire une image mentale de mon ancien amant. Prenant une grande inspiration, je répondis, un doux sourire étirant mes lèvres à sa mémoire :
- Il était grand pour son âge et avait une carrure d’athlète. Il avait un visage sévère et était très mature, même si parfois il pouvait partir dans des délires débiles dont lui seul avait le secret. Il avait les cheveux aussi courts que tu les as longs et d’un noir d’ébène, comme son regard… Niveau caractère, il était posé et supportait très mal les autres. Il était calme, gentil, doux, drôle, sérieux, possessif, très jaloux et parfois, il savait être fier et particulièrement arrogant et prétentieux.
J’aurais pu parler de lui pendant des heures, mais je décidais de m’arrêter là. Son souvenir était toujours aussi douloureux et cette image que j’avais de lui ne restait pas éternellement, prenant l’amer couleur de son corps inerte étendu sur le sol.Peu de temps après, Gabriel me demanda :
- Quel âge avait-il ?
- Vingt ans… Il avait vingt ans… Il en aurait eu trente au mois d’avril. En parlant d’anniversaire, c’est le tien dans… Dix minutes, ajoutai-je après un rapide coup d’œil à l’horloge de la télévision, un immense sourire étirant mes lèvres.
Comprenant que je souhaitais changer de sujet, il entra heureusement dans mon jeu et demandais :
- Pourquoi tu souris bêtement comme ça ? Me demanda-t-il sceptique, n’étant pas dupe quand à mes intentions.
- Moi ? Mais pour rien ! M’exclamais-je prenant un air faussement indigné. Vingt-cinq ans… Ca y est… Tu es grand maintenant… Ajoutais-je un immense sourire étirant ses lèvres, en me retenant de ne pas rire de ma propre connerie.
- Haha ! Fit-il faussement vexé. Va donc me faire un thé au lieu de dire des conneries, déclarais-je en me levant. J’arrive.
Sur ce, il se levait et attrapant les clés de la voiture, il sortit de l’appartement. Après m’être demandé ce qu’il pouvait bien aller chercher, j’allais dans la cuisine afin de préparer un thé. Une fois l’eau sur le feu, j’allais éteindre les lumières et illuminer le sapin. Cela faisait dix ans que je n’avais pas eu de vrai Noël, et mon dernier avait été aux côtés d’un homme qui voulait mourir. Je secouais la tête, tentant de ne pas gâcher ce Noël avec de tels souvenirs, voulant en profiter jusqu’au bout avec Gabriel. Je retournais dans la cuisine et servit le thé une fois qu’il fut près. C’est à ce moment là que j’entendis Gabriel revenir, entrant peu de temps après dans la cuisine. Je lui tendis sa tasse te thé qu’il attrapa en m’adressant un sourire de remerciement. Nous restâmes silencieux jusqu’à ce qu’au clocher, résonnent les douze coups de minuit. Bondissant sur mes pieds, j’attrapais le bras de Gabriel et l’entraînait à ma suite en m’exclamant :
- Vient !
Sur ces mots, je me précipitais vers la pièce qui faisait office de salon et alors que je m’apprêtais à allumer la lumière, il m’arrêta :
- Non, n’allume pas !
Je lui lançais un regard intrigué, lui posant une question muette à laquelle il ne prit évidemment pas la peine de répondre :
- Assieds-toi par terre et ne bouge pas.
Sur ce, je lui obéis non sans une certaine appréhension tandis qu’il allait allumer la petite lampe située près du sapin. J’attendis patiemment, jusqu’à ce qu’il me dise :
- C’est bon, tu peux ouvrir les yeux… Désolé de ne pas avoir fait cela dans les formes… Enfin, je… Voilà…
C’est alors que je vis un chiot adorable posé à mes pieds. Pris sous l’émotion, je commençais à dire, ému :
- Gabriel, je… Je ne sais pas quoi dire. Il… Il est magnifique, ajoutais-je en le prenant délicatement dans mes bras et en le caressant avec tendresse. Merci… Merci infiniment…
- C’est vrai ? Il te plait ? Demanda-t-il anxieusement.
- Oui, il est adorable… Merci encore…
Le chiot se pelotonna dans mes bras, ne pouvant m’empêcher de le regarder attendris, observé consciencieusement par Gabriel. Assis à mes côtés, il me regarda jouer avec le jeune chien qui à mon plus grand plaisir, semblait déjà m’avoir adopté. Jamais je ne m’étais attendu à un tel cadeau, et celui-ci était le plus merveilleux de tous.
De plus c’était mon premier cadeau de la part de Gabriel et il avait une valeur particulière à mes yeux. Je ne pouvais que le regarder avec des yeux scintillants de joie, sentant à côté de moi Gabriel heureux d’avoir réussi à me faire plaisir. Ne résistant plus à l’avoir si près de moi, et voulant le remercier comme il se devait, je l’agrippais soudain vivement par le col de sa chemise, et l’attirais à moi en un geste brusque. Mes lèvres se soudèrent aux siennes en un fougueux baiser auquel il répondit aussitôt avec empressement. Gabriel prenait de plus en plus d’assurance, et la passion commençait à gagner du terrain, sans pour autant négliger la douceur.
Fiévreusement, ma langue demanda l’accès de la sienne et ce fut sans hésitation qu’il me céda le passage, entrouvrant les lèvres. Je caressais alors la sienne avec volupté en un ballet érotique, et avec ferveur, en un échange des plus ardents qui augmenta nos rythmes cardiaques et notre chaleur corporelle. Jamais encore je ne l’avais embrassé ainsi, laissant pour la première fois  aller à crier mon désir pour lui. Mes mains s’aventuraient sur sa nuque et dans les cheveux avant de redescendre avec empressement et s’infiltrer fébrilement et sans aucune honte sous sa chemise, le laissant dans un état second. Jamais encore je n’avais ressentis un désir aussi fort pour lui.
Ce ne fut que lorsque l’air vint à nous manquer que je consentis à lui rendre sa liberté. Au sourire que je lui adressais par la suite, il ne put que rougir par la suite. Son désir pour moi le trahissait et augmentait le mien. Je sentais ce petit quelque chose naître au fond de mon cœur, chose que je m’étais résigné à ne plus jamais ressentir.
- Merci, répétais-je en un souffle, peinant à briser l’intensité du moment. Moi aussi j’ai des cadeaux pour toi…
- Il ne fallait pas, répondit-il mal à l’aise, ne semblant plus savoir ou se mettre.
Voulant mettre les choses au clair, et éviter cette gêne inutile de sa part, je m’exclamais :
- Pourquoi il ne fallait pas ? Je te préviens tout de suite, tu vas avoir intérêt à t’habituer car tant que je serais là, tu y auras droit à chaque fois ! Gamin va !!
Sur ces mots j’éclatais de dire, prenant plaisir à le charrier à propos de son âge. Entrant dans mon jeu, il saisit le pull qu’il avait donné pour le chiot et me le balança au visage, prenant un air dramatique et outré.
- Non mais dit !! Tu vas voir ce qu’il te dit le gamin !!
Nous chahutâmes un moment, riant aux éclats comme rarement il m’arrivait de le faire. Il y avait à peine un mois, jamais je n’aurais imaginé avoir cette chance, ou parvenir à retrouver le sourire. Je me voyais juste vivre pour vivre car je n’avais pas le choix. Cette impression de se sentir bien pour la première fois depuis longtemps, s’en était presque effrayant.
Lorsque nous fûmes calmés, j’attrapais deux paquets dont l’un était plus imposant. Il s’en empara après un moment d’hésitation et commença par ouvrir le plus gros, celui que j’avais choisit avec Philippe. C’est avec émotion qu’il découvrit un tapis comme il avait pour sa selle de couleur noir avec dessus le nom d’Orphée brodé  en lettre blanche et avec cela un filet américain de présentation. J’espérais de tout cœur que le cadeau serait à son goût, ayant longuement hésité malgré les conseils de Philippe. Cependant, je sentais qu’il était profondément touché, et ses sentiments ne pouvaient me mentir. Certes cela était un très beau cadeau, mais je voulais quelque chose qui le touche vraiment. Fier de sa réaction, je le vis me jeter un coup d’œil, les yeux brillants de larmes d’émotions :
- Je… Je…
La voix tremblante de sanglots de bonheur mal contenus, il n’arrivait même pas à parler. Ce cadeau avait véritablement touché son but, et je ne pouvais m’empêcher de me sentir profondément heureux. Il remarqua enfin le petit bout de carton qui voletait, accroché au filet, sur lequel j’avais écrit un petit mot dans la volonté de lui donner du courage : « Pour être les plus beaux sur toutes les premières places du podium ». Il esquissa un sourire, amusé par mon petit commentaire et déclara d’une voix rauque :
- Juha je… Je ne sais vraiment quoi dire… C’est… C’est vraiment magnifique… Merci… Du fond du cœur, merci…
- Tu n’as pas à dire quoi que ce soit, répondis-je en souriant tendrement. Ton regard me suffit amplement… Allez ouvre le second ! Déclarais-je plus impatient que lui.
Fébrilement, il s’empara du deuxième paquet et avec délicatesse, il entreprit de le déballer à son tour. Celui là était un peu plus personnel, l’ayant choisit seul. C’était une gourmette en argent sur laquelle était gravée son prénom en lettre attachée et de chaque côté était  gravée la tête d’un cheval qui ressemblait je le trouvais à Orphée. La plaque d’argent était retenue de chaque côté à la chaîne, dont les maillons formaient une corde, par deux mors.
- Juha, répéta-t-il, incapable de dire quoi que ce soit d’autre.
C’est alors que contre toute attention, il posa le tout devant lui avait le plus grand soin et sous mon regard intrigué, il se leva et vint s’agenouiller face à moi. Ne sachant pas ce qu’il était en train de faire, je ne pus que le regarder avec incompréhension. Sans faillir, et semblant déterminé, il s’approcha de moi, et malgré une légère hésitation, il s’empara timidement de mes lèvres. Je ne pus cacher mon étonnement. C’était la première fois qu’il m’embrassait ainsi de sa propre initiative, et mon cœur se gonfla d’orgueil et de contentement dans ma poitrine.
Je finis par prendre le contrôle de ce baiser, y répondant avec avidité, souhaitant le remercier et l’encourager dans son initiative. Nos langues se mêlaient avec fougue en une danse terriblement sensuelle.
Le désir montait en flèche dans nos deux corps, me rendant à la fois fébrile et enfiévré. Gabriel se colla un peu plus contre moi, grisé par notre baiser. Assis sur mes genoux, il passa ses bras autour de mon cou, dans le but de m’attirer toujours plus prêt, ressentant ce même besoin de me sentir tout contre lui.
Une nouvelle forme de désir montait en lui, quelque chose de totalement nouveau qui l’effrayait malgré lui. Cet enchantement disparut lorsque le manque d’air fut trop important et c’est à ce moment seulement que Gabriel réalisa l’ampleur de son audace, détournant le regard, comme atrocement gêné. Alors qu’il commençait à trop penser, je glissais tendrement ma mais sur sa joue dans le but de le forcer à me regarder. Puis un sourire étirant mes lèvres, je déclarais :
- J’aime ta façon de me remercier…
Honteux, Gabriel ne put que rougir avant d’enfouir son visage dans mon cou, inspirant mon odeur à plein poumon. Je l’enlaçais, lui rendant son étreinte et savourant le simple plaisir de l’avoir tout contre moi.  Nous restâmes un moment ainsi enlacés, appréciant d’être ainsi, l’un tout contre l’autre, profitant de la paix qui m’avait été enlevée depuis longtemps. Je sentis Gabriel m’embrasser du bout des lèvres dans le cou avant de murmurer au creux de mon oreille :
- Merci… Merci pour tout Juha… Merci pour ce que tu représentes pour moi…
Sans me laisser le temps de répondre, il s’empara une nouvelle fois de mes lèvres pour un furtif baiser volé, goûtant aux joies de me surprendre. Il semblait aimer particulièrement être source de surprise continuelle pour moi. J’aurais souhaité rester le plus longtemps possible, simplement enlacés, collés l’un contre l’autre. Je connaissais la valeur du bonheur et avait parfaitement conscience de la courté de vie de celui-ci.
Gabriel finit par abandonner mes genoux et alla se servir un verre d’eau pendant que je m’occupais d’installer confortablement le chiot qui s’était endormi. Puis nous commençâmes à ranger, et lorsque le studio fut à peu près remis en état et la vaisselle faite, Gabriel alla prendre une douche rapide pendant que je m’amusais avec mon jeune chiot. Quelques minutes plus tard, tremblant de froid, Gabriel alla se glisser sous les couvertures, pendant qu’à mon tour, après avoir veillé à ce que le chiot soit installé pour la nuit, j’allais me laver.
Une fois propre et simplement vêtu d’un pantalon pour la nuit, je me rendis dans la pièce qui faisait office de chambre. Gabriel était emmitouflé dans les couvertures, mais je sentis son regard se poser sur moi, un peu plus longtemps que d’habitude.  Je tournais la tête vers lui, lui adressant un sourire qui illumina mon visage. Il me répondit timidement, sans pour autant détacher mon regard du sien. Ses yeux bleus avec ce petit quelque chose indescriptible, trahissant avec le temps le changement de notre relation et l’intensité qui en découlait. Après un moment à nous fixer, Gabriel détourna son regard, mal à l’aise, puis je vins le rejoindre sous les draps.
J’écartais mes bras en une invitation à venir y prendre et place et c’est ce qu’il fit, sans se faire prier. La tête callée au creux de mon épaule, il poussa un soupir de bien être tandis que je refermais mon bras autour de son épaule. Nous restâmes un moment silencieux, appréciant la sérénité qui nous entourait. Quoi de mieux pour parfaire cette soirée… C’est alors que Gabriel releva la tête vers moi, et prit la parole sans pour autant s’éloigner de moi :
- Merci Juha… Merci pour cette soirée…
- Je t’en prie, répondis-je simplement. Merci à toi d’avoir accepté de la passer avec moi… Tu sais, c’est le premier Noël que je passe en dix ans… Je suis heureux d’avoir pu le passer avec toi…
De nouveau le silence se fit, puis curieux de savoir, Gabriel me demanda :
- Comment tu vas l’appeler ton chien ?
Voilà une question à laquelle je cherchais une réponse depuis un petit moment déjà. Je ne répondit pas immédiatement, voulant être sur. Je finis tout de même par répondre :
- Mhh… Que penses-tu de Shanenja ?
- Oui, c’est joli, répondit-il avec enthousiasme.
Je lui adressais un sourire radieux et me penchais vers lui avec la ferme intention de l’embrasser. Alors que je me penchais vers lui, je ne pouvais cacher mon envie et mon désir de cet homme, les sentant plus fort à chaque instant. Cependant, un seul baiser me suffirait largement, et je saurais attendre le temps qu’il faudrait. Il resta un moment à soutenir mon regard, non sans rougir. Mais quelque chose semblait changer, même se décider en lui, comme s’il ne voulait plus fuir. Mettant ce que j’avais remarqué à exécution, il passa sa main sur ma nuque et m’attira à lui en une invitation explicite et avec avidité, il s’empara de mes lèvres.

Pour la première fois, je le sentais se laisser totalement aller dans ses envies, comme si ce que j’avais ressenti jusqu’à maintenant le paralysant, à chaque fois,  s’amoindrissait jusqu’à disparaitre. Je sentais pourtant sa peur, mais sa volonté d’aller plus loin et de s’engager était plus forte. Nous allions peut être enfin pourvoir réellement approfondir notre relation ambiguë. Si je ne laissais rien paraitre, c’était pour moi aussi un cap très important. Si je couchais avec Gabriel, je savais que ce serait totalement différent que lorsque j’avais couché avec Dorian. En ce moment même, j’engageais une part extrêmement importante de moi-même alors que je n’y aurais jamais cru. Le pas que j’étais en train de faire était tout aussi important et périlleux que celui que s’apprêtait à faire Gabriel.

Celui-ci m’attira encore plus à lui, me faisant clairement comprendre qu’il savait dans quoi il s’engageait, bien qu’il n’avait certainement pas du s’y préparer, se laissant emporté par l’ambiance de l’instant. Tout comme Gabriel, jamais je n’aurais pensé  un seul instant que nous passerions le cap soir, et tendrement, je le fis rouler sous moi, prenant de ce fait, la position de dominant. Je ne savais pas vraiment pourquoi j’endossais ce rôle, pouvant endosser les deux, mais j’avais cette impression que cela ne pouvait être autrement. Recevoir Gabriel en moi m’aurait de toute façon était impossible, il souffrait trop et cela était bien trop dangereux. Cela m’avait emmené bien trop loin avec Killian…

Gabriel s’abandonnait totalement à moi, me laissant prendre ainsi la position du protecteur. A chacun de mes attouchements, je le sentais tressaillir, comme si sa perception du toucher s’était décuplée indéfiniment.

Déconnecté de la réalité, je me perdais dans ma contemplation du corps de Gabriel à demi-nu, juste sous moi, que je pouvais caresser à ma guise. La chaleur de son corps augmentait à une vitesse impressionnante  et je pouvais presque entendre les battements de son cœur battre à un rythme impressionnant. Mes mains parcouraient son corps, de son torse jusqu’à son ventre, mettant toute ma dextérité et mon savoir-faire à l’œuvre. Je n’avais pour le moment pas cette même peur de mal faire avec Gabriel, que j’avais pu ressentir avec Dorian. Ce que je vivais maintenant était mille fois plus fort. J’explorais son corps, sans la moindre pudeur, enregistrant sans ma mémoire les moindres tressaillements de sa peau.

A bout de souffle, mes lèvres se séparèrent des siennes, et prenant appuis sur mes coudes, je plantais mon regard brillant de désir dans le sien. Je voulais être sûr… Sûr qu’il ne regrette rien et qu’il soit totalement consentant alors que j’allais plus loin. Du genou, j’écartais ses cuisses, sans jamais le lâcher des yeux, me permettant ainsi de ne jamais me tromper sur ce qu’il ressentait. Non sans gêne mais sans hésitation pour autant, il céda à ma demande muette et ses joues s’empourprèrent violemment à la vue du sourire que je lui adressais alors. Je fis augmenter considérablement son désir lorsque j’ondulais langoureusement des hanches, frottant éhonteusement, mon intimité déjà gonflée de désir contre son bassin.  Le plaisir que je lui offrais à ce simple contact sembla l’électriser au plus haut point, et j’eus le plaisir de l’entendre haleter de plaisir sous mes déhanchements. Puis, ne tenant plus, je me redressais, m’agenouillant au dessus de lui, le surplombant de toute ma hauteur, je plongeais mon regard dans le sien. J’aimais me perdre dans ses prunelles bleues océan…

Avec une lenteur extrême, afin de ne surtout pas le brusquer, je me penchais vers lui et du bout des lèvres, j’effleurais les siennes en un contact aérien qui le frustra grandement. J’adorais jouer avec ses nerfs, surtout dans ce genre de situation. Je devais avouer que je voulais aussi voir combien de temps il pourrait tenir ainsi.

Sans cesser pour autant mon lent déhanchement qui me rendait tout aussi fou que lui, je retins ses poignets prisonniers, lui empêchant tout mouvement afin de lui créer un manque qu’il souhaiterait assouvir par la suite.

De ma main libre, je redessinais la sculpture de son torse, tandis que ma langue arpentait son cou avec avidité, laissant derrière elle des coulées de lave en fusion. J’avais l’impression d’éveiller Gabriel à un plaisir totalement nouveau. Certes, il n’était pas totalement vierge, ayant certainement couché avec des femmes, mais avec un homme, il ne l’avait jamais fait. Il m’offrait sa première fois, et je ne pouvais en être que profondément touché.

Alors que ma langue venait retracer les contours de ses lèvres, il la happa avec ardeur pour un baiser des plus passionnés. C’est alors qu’il chercha à se libérer de mon étreinte, souhaitant certainement être un peu moins passif. Je le laissais faire, le lâchant avec quelques difficultés. Il finit par ôter ses mains de leur entrave et après une très légère hésitation, il posa ses mains sur mes épaules, s’agrippant à moi comme à une bouée de sauvetage qui le maintiendrait à la réalité. Je ne pus que tressaillir au contact de ses mains sur ma peau et subitement, je cessais mon déhanchement, lui arrachant à cette occasion un cri de mécontentement. Je venais de prendre de plein fouet son excitation et son envie d’aller encore plus loin. Fier et ravi de mon petit effet et de ses ressentis pour moi, je me redressais et lui adressais un sourire ravi et satisfait, auquel il ne répondit pas, semblant noyé de plus en plus sous les vagues de plaisir qui affluaient sur lui. Les yeux dans le vague, la respiration haletante, Gabriel  semblait avoir de plus en plus de mal à se retenir. Il voulait plus même si cela l’effrayait. De mon côté, je ne me lassais pas de voir ce corps alanguis sous mes caresses. Cela me grisait au plus haut point.

Je finis par reprendre mon activité précédente, avec plus d’ardeur encore, répondant à sa demande implicite. Galvanisé par la douce torture que je lui faisais vivre en redessinant du bout de la langue un à un les sillons de mes abdominaux, il se laissa aller à émettre à mon plus grand bonheur, son premier gémissement de plaisir. De nouveau, satisfait de moi-même, je lui adressais un énième sourire, avant de souffler, d’une voix rauque emprunte de désir :

- Gabriel… Tu es tellement beau…

Il ne répondit rien à cela, la voix brisée par l’émotion. Ces simples paroles que j’avais prononcées provenant du fond de mon cœur, l’avaient touché bien plus que je ne l’aurait cru. En pourtant c’était vrai, Gabriel était un homme sublime… En guise de réponse, il s’empara avidement de mes lèvres pour un échange qui nous laissa tous deux pantelant. Gabriel prenait de plus en plus d’assurance, et semblait prendre de plus en plus de plaisir à être l’auteur de nos baisers, me surprenant à chaque fois.

Quittant son vendre, ma langue alla se perdre sur les boutons de chair durcis par la plaisir qui pointaient sur son torse tandis que mes doigts glissaient le long de ses côtes. J’aimais toucher sa peau d’une texture si douce, et sentir ses sens se mettre en éveil. L’intensité de notre échange s’amplifiait à chaque seconde. Soudain, Gabriel gémis sans trop s’en rendre compte :

- Hn… Juha…

Galvanisé par ce gémissement qu’il venait de pousser, j’accentuais mes caresses et reprit lentement un langoureux déhanchement qui réveilla considérablement son propre désir ainsi que le mien qui pulsait douloureusement sur sa cuisse.

Je continuais ainsi un temps puis avec une extrême lenteur, mes mains quittèrent son ventre pour aller se perdre sous l’élastique de son jogging qui faisait office de pantalon de pyjama, sentant qu’il était temps de passer à autre chose.  Gabriel se raidit, et le sentant, totalement à l’écoute de ses moindres réaction, je plongeais mes yeux embrumés de désir et de plaisir dans les sien, souhaitant le rassurer. Sans me départir de ma douceur habituelle, je lui susurrais :

- Détend-toi… Je ne ferais rien sans ton accord… Je veux juste… Je veux juste te donner du plaisir… M’en donnes-tu l’autorisation ?

J’avais murmuré tout cela sans honte aucune, sans chercher une seule fois à détourner les yeux. En faisant de  même, il hocha simplement la tête en guise d’acquiescement. Après un sourire, je repris ma course le long de son torse, jusqu’à ses hanches avant que nos langue se lient en un nouveau ballet sensuel et érotique. Lorsqu’il senti que je me débattais avec son pantalon, il souleva son bassin afin de m’aider et je le remerciais à ma façon. Avec une lenteur excessive, je fis glisser le pantalon le long de ses jambes et lorsqu’il fut totalement nu, offert à mon regard qui ne pouvait être qu’appréciateur,  mon désir augmentant de plus en plus, ses joues s’empourprèrent violemment. Ce petit côté timide lui donnait un charme fou, et il ne le dévoilait que dans ce genre de circonstance très intime. Je pouvais remarquer avec surprise une patte de loup tatouée sur l’aine de sa hanche, ne m’attendant pas à ce genre de pratique de sa part. J’aimais sa localisation… Au lieu de s’estomper, sa gêne ne fit qu’augmenter et n’en supportant pas plus, il cacha son visage derrière ses bras.

- Tu rougis ?  Lui demandais-je d’une voix qui cachait mal mon amusement. Pourquoi ?

Sans se découvrir pour autant le visage, il marmonna rapidement sa honte. Surpris, je m’exclamais :

- Honte ? Mais de quoi ? Parce que tu es toujours puceau ?

Il opina de la tête et ce fut avec tout le sérieux dont je pouvais faire preuve que je lui répondis :

- Tu n’as pas  à avoir honte. Au contraire… Tu sais, je trouve cela mignon. C’est que tu attendais pour être sûr de toi… Tu es certain que tu ne regretteras pas par la suite si tu t’offres à moi ? Demandais-je après un instant de réflexion.

A cette question, il se découvrit le visage et plongea son regard dans le mien, brûlant de désir pour lui. D’une voix assurée, il répondit sans aucune hésitation.

- Certain…

Un sourire illumina mon visage, ayant craint une réponse négative. Après un baiser ardent et fiévreux, j’ondulais le long de son corps, telle une anguille, et avant qu’il ne réalise entièrement ce qui se passait, je m’emparais de sa virilité, et d’un geste ample, j’entamais un langoureux va et vient qui lui arracha un cri de surprise et de plaisir mêlés.  Je gardais ce même rythme un long moment, puis après l’avoir ravi d’un autre baiser qui lui fit perdre la tête, sans préavis, je pris en bouche son intimité douloureusement gonflée de désir. Si j’avais eu une certaine appréhension pour le faire à Dorian, je ne ressentais aucun frein pour le faire avec Gabriel. J’étais prêt à tout pour lui, même si j’étais dans la crainte de mal faire.

De nouveau, il laissa s’échapper un cri de plaisir à l’était brut, tandis que je variais la cadence, alternant entre des va et vient amples et lents, et rapides et irréguliés. Je devais avouer que je me servais un peu de mon don pour savoir ce qui lui plaisait vraiment, à un degré moindre.

Je gardais ce rythme irrégulier pendant un temps, profitant d’avoir tout pouvoir sur lui, réduisant la cadence lorsque je sentais qu’il approchait point de non retour. Soudain, je cessais tout mouvement, et Gabriel poussa un cri de protestation qui me fit sourire. Pour l’apaiser un peu, je l’embrassais langoureusement avant de retourner à mon occupation première. Du bout de la langue, je titillais son intimité douloureuse et galvanisé par cet attouchement des plus érotique, il gémit mon prénom tout en plongeant ses mains dans mes cheveux, en une demande implicite d’approfondir mes caresses. Accédant à sa requête, j’accélérais la cadence de mes va et vient et lorsque je sentis qu’il atteignait le point de non retour, je ralentis considérablement mon action, lui arrachant un cri de frustration qui m’incita sadiquement à conserver ce rythme atrocement lent alors qu’à présent, il ne demandait plus que l’autorisation de se libérer enfin.

Puis, ayant envie de le prendre par surprise, je repris son sexe entièrement en bouche, lui arrachant cette fois-ci un sanglot de plaisir à l’état pur. Sous l’afflux toujours plus intense de plaisir que je lui offris, je le sentis se cambrer violemment et après un énième aller retour sur son intimité, il se libéra sans un cri plaisir brut.

Un sourire satisfait étira mes lèvres, satisfait de ce que je venais de lui prodiguer et de ce qu’il avait pu ressentir. Je finis par venir quémander l’ouverture de ses lèvres, chose à laquelle il accéda sans aucune hésitation, plus par automatisme que par réelle réponse, l’esprit apparemment embrumé par la vague de jouissance qui venait de déferler sur lui.

Le souffle erratique, il m’attira à lui, me forçant à m’allonger sur lui. Il enfouit sa tête dans mon cou, inspirant mon odeur et me donnant des frissons de bien être. Nous venions de passer une étape importante, et je ne pouvais en être que plus heureux. Cependant, mon érection était de plus en plus douloureuse, pulsant contre la cuisse de Gabriel, m’obligeant à aller encore plus loin. Alors que notre baiser se faisait de plus en plus ardent, je laissais ma main reprendre l’exploration de son corps pour aller se perdre entre ses cuisses et s’arrêter longuement et explicitement entre ses fesses. Contre toute attention, je le sentis se raidir et resserrer les jambes.

Il semblait avoir subitement peur de ce qui allait suivre. Je le sentais commencer à paniquer et je me sentais impuissant face à cette peur qui le saisissait.

Après une seconde d’hésitation, je laissais ma main poursuivre sa course avec plus de conviction, mais Gabriel se tendis de nouveau. Son cœur battait à une allure inquiétante et je ne savais plus vraiment quoi faire. Je le sentais là, en dessous de moi comme paralysé  d’effrois. Ne pouvant aller plus loin, je retirais précipitamment ma main et d’une voix qui ne cachait pas mon inquiétude je lui demandais :

- Gabriel ? Ca ne va pas ? Tu… Tu veux que j’arrête ?

Il ne répondit rien, étant à la fois honteux et apeuré. Sans trop réfléchir, je poursuivais, toujours d’une voix douce et apaisante :

- Tu peux le dire tu sais… Je… Je sais ce que cela fait quand on ne veut pas… Jamais je ne te forcerais… Je… Je reviens, excuse-moi…

Je n’avais pas vraiment réalisé que je venais d’en dire peut être un peu trop et j’espérais que Gabriel ne relèverait pas. Sur ces mots, je me relevais et après avoir déposé un rapide baiser à la commissure de ses lèvres, j’allais m’enfermer dans la salle de bain. Je fis ce que j’avais à faire, tentant de calmer cette érection maintenant douloureuse et inutile, essayant de faire le moins de bruit possible.

Je comprenais la réaction de Gabriel et j’étais tout à fait capable d’attendre le temps qu’il faudrait. Il avait déjà fait un énorme pas en avant, s’engageant plus loin que je ne l’aurais pensé avec moi. C’était pour moi aussi beaucoup, et attendre encore ne serait que bénéfique pour nous deux. Quelques minutes plus tard, je sortis de la salle de bain, puis m’approchais du lit, trouvant Gabriel roulé en boule sous les draps, apparemment en train de pleurer. Regrettait-il ce que nous venions de faire ? En était-il dégouté. Ce fut le cœur battant que je lui demandais, la voix tremblante d’inquiétude :

- Gabriel ? Quelque chose ne va pas ?

Il ne répondit rien. Me doutant qu’il souhaitait me cacher son état, je m’approchais du lit et m’assis sur le bord avant de soulever lentement de drap qui le recouvrait. Du mieux qu’il put, il tenta de dissimuler ses larmes qui inondaient ses yeux et maculaient ses joues. Il gardait les yeux obstinément clos. Il ne me fallut pas très

longtemps pour comprendre ce qu’il ressentait, sans même le toucher, étant lié à lui plus que je ne l’aurais du. Alors que du bout du pouce j’essuyais ses larmes, le faisant tressaillir, je lui murmurais d’une voie douce :

- Tu n’es qu’un imbécile. T’ai-je déjà reproché quoi que ce soit ? ajoutais-je avec sérieux. Je comprends parfaitement ta peur, j’étais comme toi la première fois. Et si tu veux mon avis, je préfère tout arrêter maintenant plutôt que de te voir le regretter par la suite… Je te l’ai dit et je te le redis, jamais je ne ferais quelque chose sans ton accord…

 Il ne répondit rien, apparemment honteux de son comportement de la peur qui l’avait saisi. Cependant, il se redressa et passant ses bras autour de mon cou, il m’attira à lui, en une étreinte désespérée. Entre deux sanglots, il murmura d’une voix éraillée :

- Je te demande pardon… Je…

- Chut, répondis-je, en lui massant lentement le dos. Ne dit rien…

Nous restâmes un long moment ainsi enlacés, puis je finis par m’allonger à ses côtés. Il posa sa tête au creux de mon épaule et je lui caressais tendrement le dos, suivant sa colonne de haut en bas, dans un geste dont je n’avais plus vraiment conscience. Après de longues minutes de silence, Gabriel le brisa en me posant la question que j’avais redoutée :

- Juha ?

- Hmhm… Soufflais-je.

- Qu’est-ce que tu sous entendais tout à l’heure quand tu as dit que jamais tu ne me forcerais parce que tu savais ce que cela faisait ?

Je ne pus répondre immédiatement à sa question. Je n’en avais jamais parlé à personne, et le dire à Gabriel était encore moins facile. Je finis par prendre une profonde inspiration avant de prendre la parole d’une voix rauque, plongeant toujours avec cette même difficulté dans mes souvenirs :

- Je… Lors de mon arrivée en prison il y avait ce gardien…. Il… Je t’ai dit cela parce que j’ai été violé… Une fois par un des gardiens et une… Une seconde fois par celui qui partageait ma cellule… Heureusement, après cela, ils… Ils m’ont changé de cellule…
C’était la première fois que je mettais des mots sur ces évènements, et cela avait était bien plus dur que je ne le pensais. Mine de rien, je me sentais sali, mais cela, je n’étais pas encore prêt à le partager avec lui. D’une voix emprunte d’émotion, Gabriel murmura :
- Je suis désolé, Juha…
- Désolé de quoi ? Demandais-je avec un petit rire qui sonnait faux. Tu n’as pas à être désolé, tu n’y es pour rien… Et puis, ajoutais-je, je l’ai mérité…
Gabriel sursauta à l’entendre de mes dernière paroles, et il se redressa vivement sur ses coudes, afin de pouvoir me faire face.
- Personne ne mérite ce genre de traitement Juha, personne ! Répéta-t-il pour donner plus de poids à ses convictions… Et puis pourquoi crois-tu que tu le mérites ?
- Parce que je… J’ai tué Kilian, je ne suis qu’un assassin…. Je mérite bien pire qu’un simple viol, déclarais-je, la voix enrouée par une pointe de colère et de dégout.
- Tu en as encore beaucoup des conneries comme celle là ? Demanda-t-il avec sarcasme et fermeté, passablement énervé par ce que je venais de dire. Non mais sérieusement, tu te rends compte ce que tu viens de dire ? Plus jamais je ne veux t’entendre dire des choses aussi horribles. Tu me le promets ?
- Je… Commençais-je avec hésitation.
- Dis-le, Juha ! S’exclama-t-il, voulant l’entendre dire.
- Je… Je te promets, murmurais-je finalement, sans vraiment croire à ce qu’il me faisait promettre.
Penser que je le méritais depuis le début, avait été ma manière de tenir jusque là et de surmonter ces viols. Ne plus y croire, c’était chuter bien trop profondément. Toutefois rassuré par ma promesse, il se recala tout contre moi, une mains posée sur mon torse, tandis que du bout des doigts j’effleurais inconsciemment son épaule, à la base de sa cicatrice. Nous restâmes un moment silencieux, appréciant simplement le fait d’être l’un prêt de l’autre. Petit à petit, je sentais Gabriel être tiré vers le sommeil. Avant qu’il ne s’endorme, je me décidais à lui demander ce qui me trottait dans la tête depuis quelques jours :
- Gabriel ?
- Mh…
- Tu voudrais venir habiter ici avec moi ? Demandais-je avec incertitude.
A présent réveillé, mais n’étant apparemment pas certain d’avoir bien saisis le sens de ma phrase, il me demanda, incrédule :
- Pardon ?
- Tu serais d’accord pour venir vivre ici, avec moi ? Répétais-je de plus en plus mal à l’aise.
Il resta un moment interdit face à cette demande assez inattendu, semblant peser le pour et le contre de ce cette proposition. Je ne m’attendais pas à avoir une réponse cette nuit, je voulais juste qu’il y réfléchisse tout comme moi je l’avais fait avant de lui proposer. C’est alors qu’un sourire radieux étira ses lèvres et qu’il déclara simplement :
- D’accord…
Surpris de sa réponse, ne m’attendant vraiment pas à celle-ci, je me redressais et plongeant mon regard dans le sein, je lui répondis avec la voix de quelqu’un qui ne croyait pas à ce qu’il entendait :
- C’est vrai ?
- Oui…
Les yeux pétillants et un large sourire étirant mes lèvres, je fondis sur lui et ravi ses lèvres avec empressement. Ardemment, ma langue vint quémander l’ouverture de ses lèvres, et il y répondit avec la même fougue. Aussitôt que nos langues se rencontrèrent, elles se mêlèrent en un ballet érotique qui nous laissa tout deux pantelants. Plus nous nous embrassions et plus Gabriel semblait y prendre du plaisir, ravissant son cœur de cette douce chaleur bienfaisante. Lorsque l’air vint à nous manquer, nous nous séparâmes à contrecœur, et il se blottis contre moi. C’est tendrement enlacés que nous finîmes par nous endormir pour de bon, heureux de cette soirée de réveillon riches en émotions.
Le lendemain matin, j’eus la désagréable impression de me faire mordiller les doigts. Sans trop comprendre ce qui m’arrivait, je la décalais légèrement, souhaitant profiter un peu de grasse matinée qui m’était offerte. Gabriel bougea lui aussi légèrement, se rapprochant un peu plus de moi, à la recherche du plus de chaleur possible. Alors que j’allais regagner le sommeil, cette impression de se faire mordiller la main reprit de plus belle suivit d’un couinement à peine inaudible. Il ne m’en fallut pas plus pour me rappeler de qui il provenait. Ce n’était autre que Shanenja, mon cadeau de noël. Comprenant qu’il avait besoin de sortir, je me levais sans un bruit, avisant l’heure  et trouvant inutile de réveiller Gabriel.
Une fois extirpé du lit, j’amenais le chiot à la cuisine, puis après avoir mit un café en route, je retournais chercher de quoi m’habiller. J’allais vite m’habiller, puis après avoir rapidement avalé mon café, je cherchais dans un de mes placards de quoi l’attacher. Je trouvais un bout de corde assez long qui conviendrait très bien pour le moment.

Je portais le chiot dans mes bras jusqu’à la sortie, et une fois dehors, je remarquais que celui-ci s’était pelotonné dans ma veste.  Après quelques caresses, je le posais sur le sol fraichement déneigé, et attachais avec précaution le bout de corde avant de le lâcher.

Shanenja ne perdit pas de temps  et de manière assez pataude, il commença à marcher à la découverte de son nouveau territoire. Lentement, je suivis son rythme, attendant patiemment qu’il fasse ses besoins. Je n’avais jamais eu de chien et je me rappelais en avoir rêvé petit. Je restais un moment ainsi dehors, puis lorsqu’il eut finit par faire ses besoins, je me décidais à remonter, frigorifié par ce temps. Une fois à l’appartement, je cherchais de quoi nourrir le chiot. Demain il faudrait que je demande à Gabriel de m’amener en voiture faire des courses pour Shanenja. Après lui avoir déposé un bol d’eau et de nourriture, je me dévêtis rapidement et après avoir remis mon bas de pyjama, je fonçais me remettre sous la couette afin de finir ma nuit.

Je me glissais dans le lit peut être un peu trop brusquement, car Gabriel se réveilla et dans un demi-sommeil il me demanda :

- T’étais où ?

- Dehors, mon cadeau avait besoin de sortir, répondis-je sur un ton d’amusement.

Gabriel m’attira à lui, comme si ma présence lui avait cruellement manquée, et une fois au creux de ses bras, il me murmura :

- Tu es glacé…

Il déposa alors un simple baiser sur la commissure de mes lèvres avant d’enfouir son visage dans mon cou, poussant un profond soupir de bien-être. Frustré par ce simple geste, je murmurais à mon tour :

- Tu crois vraiment qu’un simple baiser sur le coin des lèvres va me réchauffer ?

Gabriel se redressa, me dominant de sa hauteur, un sourire dessiné sur ses lèvres.

- Alors qu’est ce que monsieur désire ?

- Je ne sais pas… dis-je innocent.

Avec une lenteur exagérer, Gabriel entama son ascension vers mes lèvres, une lueur de malice illuminant son regard.

Pour me frustrer, il s’arrêta à peine quelques centimètres et d’humeur taquine, il déclara :

- Dommage que tu ne saches pas…

N’en supportant pas d’avantage, je passais mes deux bras autour de lui, et l’attirais à moi pour un baiser des plus désiré. Avidement, je pris possession de ses lèvres, le laissant venir quémander l’ouverture de ma bouche. J’y accédais avec un plaisir non feint, échangeant ensuite un baiser des plus passionnés. Gabriel se colla tout contre moi, pendant que mes mains l’attiraient toujours plus près dans une volonté de me fondre en lui. Après cet échange qui nous laissa tous deux fébriles, Gabriel vint poser sa tête sur mon torse, se laissant aller à fermer les yeux alors que ma main caressait son épaule avec douceur.

En très peu de temps je sombrais avec Gabriel dans les limbes du sommeil. 

Lorsque j’ouvris de nouveau les yeux, j’étais seul dans le lit, et je pouvais entendre l’eau de la douche couler dans la salle de bain. Après m’être étiré, je me décidais à me lever à mon tour. A peine eussè-je posé les pieds sur le sol que Shanenja se rua sur moi. Amusé je la soulevais, profitant de son poids plume qui ne durerait pas.

J’allais me poser dans le canapé, allumant la télévision. Gabriel ne tarda pas à venir me rejoindre et s’occupa du chiot le temps que j’aille prendre ma douche.

Lorsque je revins, j’allais m’asseoir à côté de Gabriel qui m’attira de lui-même contre lui afin de me voler un baiser. J’avais l’impression de vivre sur un petit nuage… Je déposais ensuite ma tête sur son épaule, profitant du bonheur qui m’était pour une fois accordé. Nous passâmes une journée paisible, ne sortant que pour Shanenja.

Les jours suivant défilèrent assez vite. Le lendemain nous étions allés acheter le nécessaire pour Shanenja et nous étions allés travaillés au centre, et aujourd’hui, nous étions en train de déménager les quelques meubles de Gabriel et ses affaires dans mon appartement qui devenait maintenant le notre. 

Lorsque que je revins, je m’assis en face d’eux sur un coussin, après leur avoir servis de quoi boire.

- Alors ? De qui est venue cette idée de cohabitation ? Demanda soudain Philippe avec un sourire.

Gabriel me lança aussitôt un regard qui ne passa pas inaperçu à Philippe et je répondis légèrement gêné :

- C’est… C’est moi qui lui ait proposé.

- Et Gabriel a accepté… Ajouta-t-il avec un sourire à son attention. 

Après un temps il poursuivit :

- En tout cas je ne peux que vous souhaiter bonne chance. Gabriel, je suis sincèrement heureux de te voir comme ça. Autant te dire que je ne t’ai jamais vu aussi épanoui.

Puis retournant son attention vers moi, il me dit avec sérieux :

- Sincèrement merci Juha… Je suis content pour vous deux.

Je fus profondément touché par ce que nous disait Philippe et je ne pus que regarder Gabriel en lui offrant un petit sourire timide. Il me rendit le même sourire, encore plus gêné que moi, sous le regard bien veillant de Philippe. Mais il ne semblait pas en avoir fini, car sans aucune gêne, il demanda :

- Et où en est votre relation à tout les deux ?

Ce fut heureusement Gabriel qui pris la parole et qui répondit :

- Disons que nous sommes des amis… De très bons amis… Intime… Mais ça s’arrête là, ajouta-t-il.

- Oh… Je vois… Dis Philippe, comprenant le sous-entendu. De très bons amis intimes.

Il nous regarda tout deux, avec un regard lourd de sens et un petit sourire en coin, avant de reprendre la parole :

- Tu sais Gabriel, plus le temps passe et plus je pense que d’être sorti avec Marion était la plus grosse erreur de ta vie. C’est ma fille, certes, mais elle n’était pas faite pour toi, tout comme tu n’étais pas fait pour elle. Tu es bien plus heureux avec Juha actuellement, c’est indéniable. Je trouve que… Je trouve que tu te laisses enfin aller à être toi-même.

- Je… Commença à dire Gabriel, profondément touché, peut être un peu trop.

Je le vis, à deux doigts de pleurer, peut être un peu trop sensible ces derniers temps. Sans trop réfléchir, je me levais et vins m’asseoir près de lui, posant ma main sur la sienne. Gabriel me regarda en le lançant un sourire qui voulait dire « merci ». Puis il tourna la tête vers Philippe et la voix nouée d’émotion, il lui déclara :

- Je… Merci Philippe.

- Gabriel… Sache que je te considère comme mon propre fils, le fils que je n’ai jamais eus. Alors il est normal que je me fasse du souci pour toi. Tu es en tout cas entre de bonnes mains. De plus, ajouta-t-il, tu t’ouvres de plus en plus aux autres. Tu te laisses aller à t’ouvrir aux autres et rien ne peut me rendre plus heureux.

Le silence dura quelques temps et Philippe ajouta pour détendre l’atmosphère :

- En tout cas, je ne sais pas ce qu’il t’a fait, mais tu as maintenant une sensibilité à fleur de peau.

Gabriel rougit de plus belle, alors que Philippe se levait en riant. Il s’excusa un instant, avant de nous laisser seul pour aller aux toilettes. Sans attendre plus longtemps, j’attirais Gabriel à moi dans le but de lui voler un baiser. Avidement, je m’emparais de ses lèvres en l’enlaçant pour le sentir encore plus près. Gabriel répondit avec fièvre à ce baiser. Depuis le soir du réveillon de Noël, nous n’avions échangé que ce genre de chose, mais chacun de nos baisers étaient plus envieux d’une nouvelle expérience. Ses mains finirent par s’agripper à moi, alors que notre baiser gagnait en intensité. Nos langues se mêlaient maintenant, nous faisant perdre toute notion du temps, et ce fut un toussotement de Philipe qui nous fit nous séparer un peu vivement. Gabriel vira au rouge cramoisi et je devais avouer que je n’étais pas très à l’aise non plus. Philippe vint s’asseoir à nos côtés avec un petit sourire, Shanenja dans ses bras.

- Au fait, commença-t-il, en changeant totalement de sujet, je voulais vous demander si vous aviez quelque chose de prévu pour le réveillon du jour de l’an. Marion n’est pas là, alors j’ai pensé vous inviter tous les deux…

- Avec plaisir, répondis-je.

- Oui, avec plaisir, répéta Gabriel avec le sourire.

C’est alors que quelqu’un sonna à la porte. Surpris, je me levais, alors que Philippe me demandait :

- Tu attends quelqu’un ?

Je fis non de la tête avant de dire avec un sourire qui cachait mal mon appréhension :

- Je reviens.

Je me dirigeais vers la porte, me demandant vraiment qui pouvait venir à l’appartement. A peine eus-je ouvert la porte que je n’eus pas le temps de vraiment réagir, le frère de Kilian se jeta sur moi avec un objet tranchant à la main. Je m’écartais un peu trop tard, sentant une douleur vive au dessous de l’épaule, sur le bras. Je laissais échapper un cri de douleur et de surprise alors qu’il commençait à dire à deux doigts de se jeter sur moi :

- Je vais te crever pour de bon cette fois-ci.

Alors qu’il brandissait à nouveau son couteau sur moi, paralysé par les émotions qu’il me faisait ressentir à cause de mon don, il fut très violemment plaqué contre le mur par Gabriel qui déjà lui ôtait son arme des mains. Le cœur battant, je tournais la tête vers Philippe au téléphone avec la police. Tout se passait tellement vite. Ma tête me lançait, j’avais l’impression qu’elle allait imploser sous la pression de haine qu’il ressentait pour moi, et son envie meurtrière. Alors que mes oreilles commençaient à bourdonner, je pouvais entendre le frère de Killian s’adresser à Gabriel.

- Il est en train de faire la même chose avec toi. Il te  manipule. Il déménage avec toi, il te baise, il t’embobine et bientôt, il te tirera une balle dans la tête…

Les larmes commençaient à ruisseler sur mes joues, je plaquais mes deux mains sur mes oreilles, ne pouvant en entendre plus. Je me laissais glisser contre le mur alors que je voyais Gabriel hésiter entre venir me prendre dans ses bras et maintenir le frère de Killian. Après un dernier regard apeuré, je fermais les yeux, la pression étant trop forte. C’est alors que je me sentis soulevé et amené ailleurs. Je n’eus pas besoin d’ouvrir les yeux pour comprendre qu’il s’agissait de Philippe. Il respirait la bonté et le père protecteur.
Je pus entendre quelques mots, comprenant que Philippe demandais à Gabriel de surveiller le frère de Killian pendant qu’il s’occupait de moi. Il me porta sans difficulté dans la salle de bain, sentant intuitivement qu’il fallait à tout pris m’éloigner de cet homme. Je pouvais sentir son inquiétude et son incompréhension face à mon état. Tremblant, pâle, en larme, j’ouvris les yeux alors que je sentais peu à peu la haine du frère de Killian s’estomper. Philippe me posa sur la chaise de la salle de bain, et ferma la porte comme pour me couper de la scène d’horreur qui se déroulait dans mon salon. Alors que Philippe se penchait vers moi pour attraper mon bras et voir son état, je réagis un peu trop brusquement en reculant, dans la crainte d’un contact humain, trop apeuré pour aire la part des choses. De sa voix calme et posée, il tenta de me ramener à la raison.
- Calme-toi Juha. Je veux juste soigner ta plaie, et surtout voir son état.
Passablement rassuré, et tentant de me ressaisir, je lui tendis mon bras, le laissant l’observer et me préparant mentalement à résister à ce contact. Avec douceur et fermeté, Philippe leva ma manche du t-shirt, déjà imbibée de sang. Je remarquais qu’il en avait aussi sur ses vêtements. Après avoir observé ma plaie, Philippe se leva en disant :
- Ce n’est rien de grave. Heureusement la coupure n’est pas profonde.
Il chercha dans mes affaires de quoi me soigner puis revint à mes côtés et désinfecta avec soin ma plaie. Je ne ressentais pas vraiment la douleur, trop concentré sur la migraine qui commençait à me marteler les tempes. Avec soin et patience, Philippe s’occupa de mon bras, finissant par le bander. C’est alors que Gabriel entra dans la salle de bain, me jetant directement un regard inquiet avec de dire à Philippe :
- Les flics sont là, je te laisse t’en…
- Oh oui, dit Philippe, je m’en occupe.
Philippe se redressa et nous laissa seul. Gabriel eut à peine le temps de s’approcher de moi que mes larmes reprirent de plus belle sans que je sache pourquoi. Sans réfléchir plus longtemps, il parcourut les dernies pas qui nous séparaient et me pris dans ses bras, m’attirant à lui. C’est ainsi que nous finîmes par nous retrouver tous les deux assis sur e sol, moi au creux de ses bras et Gabriel me réconfortant du mieux qu’il pouvait, me serrant très fort contre lui. J’entendais sa voir, caressais mes oreilles, s’estompant de plus en plus, oubliant ce qui nous entourait, oublient où j’étais, oubliant ce que je faisais ainsi, dans cet état aux creux de ses bras, littéralement épuisé. Pour la première fois depuis une éternité, je me sentais protégé et serein dans les bras de quelqu’un.
Lorsque j’ouvris de nouveaux les yeux, j’étais allongé sur mon canapé, la tête posé sur les cuisses de Gabriel. Celui-ci regardait la télévision, sans trop y prêté attention, et passait plusieurs fois sa main sans mes cheveux en une douce caresse. Je le regardais en souriant légèrement, jusqu’à ce qu’il finisse par s’apercevoir de mon éveil. Il répondit à mon sourire et s’abaissa pour déposer un chaste baiser sur mon front. Après un temps passé ainsi, je me décidais à me redresser, m’asseyant à ses côtés. Je portais simplement un bas de pyjama et il m’avais mis une couverture. Je choisis de m’emmitoufler dedans, collant ma tête sur son épaule afin de regarder la télévision avec lui. Seulement, plus le temps avançait, plus je sentais cette boule étrange se former dans mon estomac. Ce ne fut que lorsque la pression fut trop forte que je craquais :
- Je suis désolé pour tout ça Gabriel. A peine tu emménages ici que…
Je fus couper par sa main sur mes lèvres, et sa voix qui ne laissais entendre aucune discussion possible quand à ce qu’il allait me dire.
- Mieux vaut que tu te taises et que tu continues de te reposer si c’est pour dire de telles âneries. C’est fini Juha, il ne t’embêtera plus, ajouta-t-il après un temps.
Alors que les larmes me montaient aux yeux, je déclarais la voix enrouée :
- Je… Pour ce qu’il t’a dit… Ne… ne t’inquiète pas Gabriel. A la différence du frère de Killian, tu connais les circonstances et pourquoi je l’ai tué. Je… Jamais… Jamais je ne te ferais du mal Gabriel….
Gabriel se tourna ver moi, alors que ma voix se noua dans ma gorge et que je ne pouvais dire un mot de plus. D’une voix posée, il me répondit :
- Je le sais parfaitement Juha. Même si je ne sais pas tout, je te fais confiance.
Lentement, il m’attira à lui dans une étreinte nécessaire, alors qu’une larme roulait sur ma joue. J’avais eu si peur de perdre le peu de bonheur que j’avais enfin pu reconstruire avec une autre personne, si peur de le perdre comme la dernière fois. Une chose était sûre je n’y aurais jamais survécu.
Je finis par murmurer à son oreille, la voix brisée d’émotion :
- Merci Gabriel… Merci d’être là… Merci pour tout ce que tu as fais.
Ignorant la douleur lancinante que je pouvais ressentir au bras, je répondis à son étreinte, le serrant de nouveau contre moi, respirant son odeur à plein poumon. Nous restâmes un long moment ainsi, un moment pendant lequel je tentais de me ressourcer. La haine était vraiment un des ressentis les plus dur à surmonter et celle qu’il avait ressentis à mon était la pire de toute en ce qu’elle voulait ma mort et mon annihilation totale. Je n’imaginais même pas ce que j’aurais ressentis s’il m’avait touché. ..
Nous finîmes par nous écarter et Gabriel me conseilla d’aller prendre une bonne douche chaude pendant qu’il allait préparer un petit quelque chose à manger.
- Je n’ai pas vraiment faim, lui répondis-je.
- Et bien, tu te forceras un peu. Tu es tout pâle et fébrile et je pense sérieusement que te nourrir te fera le plus grand bien.
Je ne répondis rien, me rendant simplement à la sale de bain avec un pantalon propre. Ce fut finalement chancelant que j’arrivais jusqu’à la baignoire. Une migraine affreuse s’était maintenant très clairement installée et tout ce qu’il me fallait était du silence, du calme et du repos. Une fois dévêtis, je pris une douche assez rapide, prenant soin de na pas mouiller le bandage que m’avait fait Philippe. Lorsque je fus propre, je sortis de la douche, m’habillais assez rapidement, du mieux que je pus, et allait rejoindre Gabriel dans la cuisine.
- Ca va un peu mieux ? me demanda-t-il inquiet. Ne reste pas là, je t’amène ton assiette dans le salon.
Amusé par son attitude papa-poule, depuis mon éveil, je ne répondis rien et allait m’asseoir. Gabriel ne tarda pas à revenir avec deux bonnes assiettes. Il m’en tendit une et me dit avant de s’asseoir :
- J’ai sorti Shanenja tout à l’heure, je l’ai nourrir, il ne va pas tarder à nous rejoindre. J’irai le sortir une dernière fois.
- Merci…
Je me forçais à manger au moins la moitié de mon assiette que je finis par déposer sur la table basse. Gabriel ne fit aucun commentaire et se leva une fois qu’il eut finit son assiette afin d’aller promener mon chiot qui revenait le ventre plein de son repas fraîchement terminé.
Alors que j’entendis la porte d’entrée se fermer, ne tenant plus, j’allais me glisser sous les couvertures dans le lit. Je laissais mes yeux se fermer sans trop les contrôler et m’assoupis sans même m’en rendre compte. Je m’éveillais seulement un court instant lorsque je sentis Gabriel venir se glisser dans les couvertures. J’ouvris les yeux et nous échangeâmes un sourire avant qu’il ne vienne recouvrir mes lèvres d’un baiser simple qui fit gonfler mon cœur de bien être. Après quoi, nous nous blottîmes l’un contre l’autre, et après un simple « bonne nuit », je ne tardais pas à me rendormir, rassurer de l’avoir encore une nuit à mes côtés.
Les jours suivant avaient défilés assez vite et nous nous retrouvions propres et bien habillés pour aller dîner chez Philippe pour le réveillon du jour de l’an. La conversation que nous étions en train d’avoir était en train de s’engager sur un terrain glissant et pourtant nous continuions.
- Ce que je veux dire, s’exclama Gabriel, c’est que tu pourrais profiter de cette nouvelle année qui va commencer pour aller voir ta famille. Si tu as peur d’y aller seul, je t’accompagnerais, ce n’est vraiment pas le souci.
Agacé, je répondis :
- Tu ne comprends rien Gabriel. Tu te place uniquement de ton point de vu pour analyser la chose. Ca te parait si simple…
- C’est vraiment idiot Juha. Tu as une famille, tu as de la chance : Et qu’est ce que tu fais ? Tu gâches cette chance.
- Ne juge pas sans savoir. Ce n’est pas parce que tu n’en a pas eu, que j’ai eu moi une famille merveilleuse.
- Alors comment veux-tu que je comprenne si tu ne me dit rien ? Je ne connais presque rien de toi, sauf que tu as passé dix ans en prison parce que tu as tué Killian. Gabriel se tut immédiatement, mais trop tard, réalisant qu’il avait peut être été un peu trop loin. Gardant mon calme, mais sur un ton tout de même un peu élevé, je lui répondis après un temps :
- Peut être que je ne te dis rien parce qu’il n’y a rien à savoir. Dix ans de ma putain de vie ont était gâché en prison, mais celle que j’avais avant n’était que très banale. Pourquoi je ne tiens pas à voir mes parents ? Tu veux vraiment le savoir ? Alors que je venais de leur annoncé mon homosexualité en leur présentant Killian, il l’on face à nous deux très bien pris. Nous avons passé une merveilleuse soirée.
Je marquais un temps, sentant que je m’énervais plus que nécessaire et que cette colère n’était pas tourné contre Gabriel. Prenant une profonde inspiration, je repris :
- Quand j’y repense, quels hypocrites ! Toujours est-t-il que lorsque nous sommes allés nous coucher, j’avais oublié un truc dans le salon. Et c’est là que je les ai vus : ma mère pleurant dans les bras de mon père en se demandant ce qu’elle avait fait pour mériter cela. Il ne vaut mieux pas que je te raconte le reste, parce que cela n’en vaut vraiment pas la peine. Il avait placé la barre très haute pour moi alors que se sont-il dit lorsque leur unique fils qui plus est homosexuel est devenu un meurtrier ?! Non je n’irai par les voir, c’est vraiment au dessus de mes forces.
Je me tu, alors que nous continuions de rouler, tournant la tête vers le côté de ma fenêtre, observant le paysage s’assombrir à l’arrivée de la nuit. Un petit moment après, je sentis la main de Gabriel se poser sur ma cuisse, m’indiquant immédiatement le remord et la peine qu’il ressentait à mon égard.
- Je suis désolé Juha…
Il ôta sa main de ma cuisse après un regard que je lui lançais et se gara sur le parking du ranch. Nous sortîmes tous les deux en silence. Gabriel semblant de plus en plus gêné. Alors qu’il marchait un peu devant moi, je l’attrapai par le bras, le forçant à se retourner. A mon tour, je lui dis tout bas :
- Je suis désolé de m’être emporté ainsi…
Sans plus attendre, je l’attirais un peu plus à moi, afin que ses lèvres me soit accessibles. En un court instant, nous parcourûmes tous les deux la distances qui nous séparait avant que ses lèvres jumelles ne rejoignent les miennes. Gabriel se laissa totalement aller dans mes bras, et nous échangeâmes un baiser qui nous laissa tous deux pantelants. Nous nous rendîmes jusqu’à chez Philippe, côte à côte, oubliant la ressente dispute au fil des secondes.
A peine avions nous sonné à sa porte, que Philippe nous ouvrait avec un grand sourire.
- Bonsoir, comment allez-vous depuis tout à l’heure ?
- Très bien, dit Gabriel en lui tendant une bouteille de champagne que nous avions acheté la veille.
- Merci, répondis Philippe. Débarrassez-vous de vos affaires, faîtes comme chez vous. Je vais la mettre au frais.
Après avoir enlevé nos manteaux, je suivis Gabriel jusqu’au salon où nous primes place. Philippe ne tarda pas à nous rejoindre avec un petit apéritif. Nous parlâmes un peu du travail, des chevaux et d’Orphée, ainsi que la jument que Gabriel avait récemment acheté. Après une petite heure, nous passâmes à table pour déguster le festin que Philippe nous avait préparé. Nous parlâmes de tout et de rien, et ce ne fut qu’au moment du dessert que Philippe aborda un sujet important avec Gabriel.
- Et tu n’as jamais envisagé de rencontrer quelqu’un ? Je veux dire à nouveau ? demanda Gabriel hésitant.
- Oh tu sais, le ranch me prend beaucoup trop de temps. Je ne sors presque pas d’ici, sauf pour quelques courses et j’habite sur mon lieu de travail. Mais je pense bientôt trouver un successeur. D’ailleurs j’ai déjà ma petite idée, ajouta-t-il en lançant un petit sourire à Gabriel.
- Qui ça ? demanda l’intéressé, à dix mille lieux d’avoir saisi le sous entendu.
Philippe le regarda alors avec plus d’insistance, lui faisant clairement comprendre qu’il s’agissait de lui.
- Qui ça ? répéta-t-il. Moi ?
Philippe acquiesça avec un grand sourire, et Gabriel maintenant extrêmement gêné, poursuivit :
- Merci… Vraiment… je… je suis touché que tu penses à moi, mais tu devrais choisir quelqu’un d’autre. Je n’ai pas assez d’expérience et je suis loin d’être capable d’abattre ton travail, je…
Ne tenant plus, je lâchais, le coupant dans son monologue :
- Quand est ce que tu vas te faire un peu confiance Gabriel. Si Philippe t’a choisit, je pense qu’il le fait en connaissance de cause et qu’il sait que tu en es capable.
- Juha a raison ajouta Philippe. Ne t’inquiète pas, je ne vais pas partir du jour au lendemain. Mais si tu acceptes, je veux bien te former et te céder de plus en plus de tâches importantes. Si je t’ai choisi, c’est parce que je te fais entièrement confiance.
Les joues de Gabriel s’empourprèrent, et la voix nouée par l’émotion, il ne put simplement que remercier Philippe. Après un temps, celui-ci nous invita à aller boire un verre dans le salon. Il n’était pas loin de minuit et il ne nous restait plus qu’à patienter jusqu’au moment fatidique ou nous nous souhaiterions « bonne année ». Gabriel assis prêt de moi, me regarda avant de se rapprocher alors que je levais mon bras pour le passer derrière son cou. Philipe nous regarda attendris, mais ne fit pas le moindre commentaire. La suite de la soirée se passa dans la même ambiance légère et détendu comme ‘j’avais rarement eut l’occasion d’en connaître même avant la prison. Gabriel se plaignait de ne pas avoir eut de famille, mais Philippe semblait être le meilleur père qu’il n’ait jamais eut, veillant su lui avec amour. Lorsque les douze coups de minuit sonnèrent, Gabriel se tourna directement vers moi, en s’écartant un peu. Avec un sourire, il murmura avant de me voler un baiser des plus passionné sans se soucier du regard de Philippe posé sur nous.
- Bonne année Juha.
Avidement sa langue vint à la recherche de la mienne, à peine eussè-je entrouvert les lèvres. Une envie puissante était en train de naître aux creux de ses reins et dans un tout autre lieu, sans personne autour, les choses auraient pu très rapidement dévier. Notre baiser gagna en intensité lorsque nos langues se rencontrèrent enfin, et ce fut à contrecœur que je m’écartais de lui après un temps, sentant que nous avancions sur un terrain glissant et me rappelant de la présence de Philippe. Jamais je n’avais vu et sentir Gabriel se laisser autant aller que cela. Le souffle court, nos lèvres se séparèrent et alors qu’il me regardait droit dans les yeux, je murmurais à mon tour :
- Bonne année Gabriel.
Nous finîmes par nous tourner vers Philippe qui avec un sourire radieux, déclara à notre attention :
- Bonne années à vous deux…
Nous lui répondîmes en cœur la même chose, puis nous passâmes encore quelques temps avec lui, avant de se décider à rentrer. Nous avions Shanenja chez nous. On trouvait qu’il n’était pas vraiment en forme et un peu de clame lui ferait certainement le plus grand bien, ce fut pourquoi nous l’avions laissais là-bas.
Avant de partir, Philippe me demanda :
- Au fait, comment va ton bras ?
- Beaucoup mieux, merci.
- Bien, s’exclama-t-il avant d’ajouter après un temps. Je vous souhaite une excellente fin de soirée et merci d’être venu. Soyez prudent sur la route.
Après m’avoir serré la main, Gabriel et lui s’enlacèrent, dans une étreinte paternelle. Il souffla quelques mots de remerciement à Philippe qui gardait toujours ce même sourire bienveillant. Gabriel n’avait pas idée de l’amour que lui portait Philippe.
Après un dernier au revoir, nous marchâmes jusqu’à la voiture avant de monter silencieusement dedans. Une fois qu’il eut démarré le moteur et que nous fûmes en route, je lui dis :
- Vraiment, nous avons passé une très bonne soirée.
- Oui…
Je me penchais alors vers lui et déposais un baiser sur le coin de sa joue, avant de lui murmurer :
- Je suis content d’avoir passé ces premières heures de l’année avec toi.
Je vis Gabriel sourire, avant de répondre « moi aussi ». Nous terminâmes le voyage en silence jusqu’à arriver devant chez nous. Rien que penser que nous habitons ensemble me faisait voler sur un petit nuage. Arrivé à l’appartement, Shanenja se jeta sur nous et fonça dans mes bras alors que je m’accroupissais pour être à sa hauteur.
- On l’a sortit tôt ce soir, je vais lui faire faire une toute petite ballade, je n’en ai pas pour longtemps, dis-je en me redressant pour attraper sa laisse que je fixais par la suite à son collier.
- A tout de suite, me répondit-til.
Alors que je sortais de nouveau dehors, je me rendais compte que je venais de prendre la sortie de Shanenja plutôt comme un prétexte pour ne pas me retrouver tout de suite seul à seul avec Gabriel que réellement pour le chiot. J’avais chaque soir un peu plus envie de Gabriel. Désireux de son corps et d’aller bien plus loin, j’avais beaucoup de difficultés à rester de marbre surtout lorsqu’il m’embrassait de lui-même comme il l’avait fait la dernière fois.

Je rentrais au bout d’un quart d’heure, lorsque le froid fut trop saisissant. Shanenja ne se fit pas prier et gentiment, je le pris dans mon pull, l’enroulant dans ma veste pour le chemin du retour. Arrivé à l’appartement je le déposais sur le petit lit de fortune que je lui avais préparé dans le couloir. Shanenja s’y pelotonna et j’allais rejoindre Gabriel assis sur le canapé en train de regarder la télévision certainement pour m’attendre. Je me débarrassais de ma veste et de mon pull avant de traverser le salon, grelottant légèrement dans le but d’attraper des vêtements faisant office de pyjama. J’enlevais rapidement mon t-shirt, sentant le regard de Gabriel posé sur moi, puis le remplaçais par mon t-shirt à manches longues pour la nuit. J’en fis de même pour le pantalon, toujours dos à Gabriel, sentant toujours son regard posé sur moi. Amusé par son attitude, je tournais la tête vers lui. Celui-ci tourna vivement la tête, ne parvenant pas à me cacher le rouge qui lui montait aux joues. Je marchais jusqu’à lui, me mettant debout entre lui et la télévision :

- Alors comme ça, tu te rinces l’œil quand j’ai le dos tourné ? Et en plus tu en rougis… Déclarais-je avec un sourire moqueur.

- Moi au moins je ne m’exhibe pas, répliqua Gabriel, comme vexé.

- C’est d’ailleurs vraiment dommage…

Gabriel se redressa et une fois à ma hauteur, il me dit d’un ton bien plus bas.

- Je crois qu’il vaut mieux trouver un moyen de te faire taire.

- Ah oui ? Dis-je innocemment.

M’attrapant par le t-shirt au niveau du torse, il m’attira à lui pour un baiser des plus intenses. S’il avait déjà prit l’initiative, cette fois-ci, c’était la première fois qu’il y mettait autant de vigueur et d’avidité sans retenue aucune. Gabriel se laissait aller à faire preuve d’autant de sensualité et d’érotisme rien qu’à sa manière de faire danser sa langue.

Fébrile, grisé par ce baiser, j’y répondis avec la même intensité, emporté par sa propre envie. Je mis du temps pour revenir à moi, réalisant que mes mains avaient glissées sur le bas de son dos sans trop en être conscient, emporté par l’envie et le désir de Gabriel. Je m’écartais aussitôt de lui, bredouillant :

- Je suis désolé Gabriel, mais si on va plus loin, je ne saurais plus me retenir…

- Je ne te demande pas de te retenir, fit-il avec un sourire qui en disait long sur ses intentions.

Sous l’effet de la surprise, je restais muet, totalement étonné de ce qu’il venait de me dire. Je me mis à bégayer sous son regard amusé :

- Je… Enfin… Tu es sûr ?

- Je suis prêt, Juha, me dit-il avec sérieux.

Constatant que j’étais quelque peu abasourdi par ce qu’il venait de me dire, il m’attira à lui pour une seconde fois. Cependant, ce fut moi qui pris possession de ses lèvres. J’avais encore du mal à réaliser ce qu’il venait de me dire et pourtant, nos deux désirs mêlés ne faisaient que monter en puissance, s’emparant de nos êtres.

Collé contre moi, je pouvais sentir le rythme cardiaque de Gabriel s’accélérer de secondes en secondes. Il glissa ses mains sous mon t-shirt alors que nos langues venaient à peine de se rencontrer à nouveau. Surpris par cette rapidité, je n’en laissais cependant rien paraître, me contentant de passer mes bras autour de lui, laissant une main sur sa nuque et une autre glisser le long de son dos. Je n’aurais jamais pensé que nous commencerions l’année ainsi et cela était loin de me déplaire. Passer le cap avec Gabriel était pour lui comme pour moi, un pas énorme à franchir. C’était loin d’être le même acte que j’avais assouvi avec Dorian. Cette nuit avec Gabriel engageait bien plus de choses. Je m’autorisais ce que je m’étais interdit à la mort de Kilian et j’avais cette cruelle impression de franchir un interdit.

C’est alors que perdu dans notre baiser, je sentis la main de Gabriel descendre de mon torse jusqu’à mon bas ventre avec un empressement qu’il ne savait cacher. J’attrapais alors sa main et quittant ses lèvres, je me glissais dans son cou, lui murmurant :

- Ne va pas trop vite, Gabriel. Nous avons tout notre temps…

Aussitôt, je sentis Gabriel se raidir avant de s’écarter légèrement, rouge et affreusement gêné. Sans lui laisser le temps de s’éloigner d’avantage de moi, je le saisis de nouveau par le poignet et m’approchais de lui afin d’amenuiser cette nouvelle distance qui nous séparait. De ma main libre, je le forçais à redresser la tête afin de me regarder droit dans les yeux avant de lui dire :

- Je suis loin de t’avoir dit de tout arrêter…

Posant sa main que je tenais sur mon torse, j’ajoutais :

- Je disais juste qu’il ne sert à rien de se précipiter…

Sans un mot de plus, je déposais mes lèvres sur les siennes lui volant un très doux baiser qui le fit frissonner de part sa lenteur et sa sensualité. Gabriel se détendit, se laissant aller peu à peu, retrouvant très vite son désir d’aller bien plus loin. Calculant rapidement nos positions respectives dans le salon, je finis par faire reculer Gabriel qui, à mon écoute, s’exécuta avec lenteur. Lestement, je le fis s’asseoir sur le canapé après lui avoir volé un dernier baiser. Cependant, au lieu de le rejoindre, je restais debout face à lui, inaccessible. Le désir brûlait dans ses yeux alors que j’étais hors de sa portée. Avec la même sensualité que j’exerçais avec lui, je passais éhonteusement mes mains sur mon corps, le surprenant par mon manque de pudeur.

Attrapant avec savoir faire chaque côté de mon t-shirt, je l’enlevais très doucement, découvrant petit à petit, sans précipitation aucune, chaque parcelle de peau du haut de mon corps. Gabriel ne pouvais s’empêcher de me regarder, non sans rougir. Une fois enlevé, je le laissais tombé sur le sol ; ce bout de tissus ayant maintenant perdu tout intérêt pour nous deux. Plongeant mon regard de braise au plus profond du sien, d’une démarche féline maintenant tors nu, je m’approchais de lui. Arrivé à sa hauteur, je m’abaissais lentement au dessus de lui, posant un genou entre ses jambes légèrement écartées afin de prendre un appui. Mes lèvres s’abaissèrent jusqu’aux siennes, s’arrêtant à a peine un centimètre des siennes, ne lui laissant comme contact, que celui de mon souffle sur son visage.

Un sourire illuminait mon regard brillant. Gabriel, juste au dessous de moi, semblait se languir dans l’attente la plus totale, que je daigne enfin faire quelque chose. Pourtant, je restais là, immobile, savourant ce moment d’attente ou tout pouvait basculer en un seul instant. Mon genoux placé tout contre son intimité, je pouvais sentir son excitation commencer à sérieusement augmenter.

M’approchant encore un peu de ses lèvres, je les effleurais à peine avant de dévier dans son cou, le grisant au contact de mes lèvres et de ma langue sur sa peau. S’il s’était retenu jusqu’à maintenant, je sentis ses deux mains se poser sur les épaules crispant les doigts sous l’afflux de sensations que je lui faisais ressentir. Mes mains se glissèrent avec savoir faire sous son t-shirt, savourant la texture de sa peau et la chaleur qui s’en dégageait. Je murmurais une fois de plus combien il était beau, alors que ses mains commençaient à glisser le long de ma colonne vertébrale.

Un premier gémissement muet s’échappa de mes lèvres, du aux frissons qu’il m’avait fait ressentir. Alors que ma bouche glissait le long de son épaule, revenant sur son cou, mes mains remontaient déjà son t-shirt, ressentant une forte envie de pouvoir dévoiler sa peau à mon regard. Gabriel vibra sous mes attentions, semblant déjà tomber dans un état second. Ses mains continuaient à partir à la découverte de mon dos.

S’il avait commencé à me toucher avec hésitation, ce n’était maintenant plus le cas. De seconde en seconde, il gagnait en assurance, mais elle trahissait toujours une certaine timidité de sa part. Alors que son t-shirt ne cachait plus son ventre, je choisis d’entamer une descente sans effleurer ses lèvres, le laissant encore dans l’attente d’un baiser. Ma bouche se déposa sur la peau nue de ses abdominaux, alors qu’une de mes mains commençait une ascension vers ses tétons de chair durcies, zone que je savais maintenant érogène.

Gabriel laissa s’échapper à son tour son premier gémissement alors que je jouais de ma langue avec son nombril, miment l’acte ultime. Ses ongles se plantèrent dans la peau de mes épaules. De ma main libre, je remontais son t-shirt afin de le découvrir encore plus qu’il ne l’était déjà. Ma bouche suivit le trajet de ma première main, goûtant chaque parcelle de peau découverte. Lorsque j’arrivais sur ses tétons durcis par l’excitation, avec ma langue, Gabriel gémit une fois de plus, crispant ses mains. Souhaitant soudain le surprendre, je libérais une main qui choisit de prendre le chemin inverse, volant au dessus de lui, elle se posa à l’intérieur de sa cuisse, pour finir sa course sur son intimité déjà durcie, l’effleurant à peine. Tout le corps de Gabriel s’arqua sous l’effet que je réussis à produire sur lui. Un cri à peine audible traversa ses lèvres alors que je redressais les yeux pour regarder son expression. Une mèche de cheveux blonds défaite de sa queue de cheval, retombait légèrement sur son visage, bougeant légèrement au rythme de sa respiration. Ses yeux bleus mi clos et ses lèvres rosies étaient une véritable invitation à la luxure. Maintenant un peu écarté de lui, j’en profitais pour lui ôter définitivement son t-shirt, ne supportant pas que ce morceau de tissus entrave mes actes et ma vision.

Alors que mes mains se posaient à nouveau sur son torse, je vis ses abdominaux se contracter. Gabriel ne contrôlait apparemment plus grand-chose. Je plongeais alors mes yeux verts dans les siens. Je ne savais pas s’il pouvait lire en eux combien j’étais heureux, et tout ce que je ressentais à ce moment précis. C’est alors que Gabriel me regarda différemment ;  une foule de ressentis semblaient s’imposer à lui. Les yeux plongés dans les miens, il commença à dire :

- Juha… Juha, je t’…

Ce ne fut pas lui qui s’arrêta dans sa phrase, même s’il avait parut hésitant. Je pensais savoir ce qu’il allait me dire. Mais peut être n’étais-je pas encore prêt à l’entendre, peut être n’aurais-je su lui donner de réponse, peut être que cela me faisait peur.

Mes lèvres s’emparèrent des siennes, le faisant taire et lui offrant ce baiser qu’il voulait depuis le début. Peut être aussi, avais-je sentis son hésitation et je ne souhaitais l’entendre que lorsqu’il en serait sûr. Mon baiser était en train de le mener bien plus loin, mettant de plus en plus d’avidité et de passion dans celui-ci. Nos langues menaient un ballet des plus érotiques, grisant entièrement mon être. Lorsque nos lèvres se séparèrent, fiévreux, j’entamais un tout autre chemin. Mes mains partirent en éclaireuses, massant déjà son bas ventre. Attentif à la moindre de ses réactions, je le sentais fondre sous mes attentions. Ma langue avait maintenant atteint ses boutons de chair durcie, provoquant un léger gémissement chez Gabriel. Ses mains me caressaient inconsciemment les épaules.

Je continuais après un temps mon chemin, prolongeant mon passage sur ses abdominaux pendant que mes mains s’attaquaient à le défaire de son pantalon. Gabriel leva légèrement le bassin, afin de m’aider lorsque je voulu le débarrasser définitivement de ce morceau de tissu. Celui-ci alla rejoindre les autres alors que je reportais mon attention sur Gabriel. D’une main, maintenant agenouillé sur le sol entre ses jambes, j’effleurais à peine son intimité, provoquant chez lui un sanglot de frustration.

Amusé et fier de l’avoir ainsi à ma merci, dans l’attente de mes attentions, je fis lentement glisser son boxer, lui faisant suivre la même course que le précédent vêtement. Je me redressais un peu afin d’admirer le corps de Gabriel alanguis sous mes caresses. Il était sublime… Ses joues s’empourprèrent, et il détourna le regard, encore atrocement gêné du mien désireux. Avec délicatesse, je lui offris une caresse bien plus poussée sur son intimité à l’aide de ma main, ne me lassant pas d’entendre un nouveau gémissement de sa part. Après un temps passé à lui prodiguer plusieurs caresses du même genre, j’abaissais enfin ma bouche pour lui procurer une caresse des plus intime qui le mènerait irrémédiablement jusqu’aux portes de la jouissance.

Du bout de la langue, je touchais à peine l’extrémité de son sexe, ajoutant à cela une caresse bien plus poussée de ma main. Le corps entier de Gabriel s’arqua alors qu’un cri de plaisir s’échappa de ses lèvres entrouvertes. Alors qu’une de ses mains se perdait dans ma chevelure, l’autre se crispait toujours sur mon épaule. Quant à ma main libre, celle-ci massait sensuellement son bas ventre, afin d’augmenter les sensations ressenties. Ma langue s’enroulait maintenant sur son intimité, avec plus de vigueur, grisant son être entier. Je pouvais vivre chacun de ses ressentis, comme si s’était les miens.

Au fur et à mesure, j’augmentais l’intensité de mes caresses, arrivant jusqu’à prendre en bouche l’entièreté de son intimité, faisant des va et vient irréguliers en commençant progressivement. Prenant moi-même de plus en plus d’assurance, je lui offris une fellation qu’il ne serait pas prêt d’oublier. Plusieurs fois je retirais totalement ma bouche, lui arrachant des sanglots de frustration pour mieux revenir enrouler ma langue, avidement sur son intimité.

Progressivement, je l’emmenais sur le chemin de non retour. Sa main posée sur ma tête m’intimait d’aller plus vite, et j’accédais à sa requête muette alors qu’il murmurait mon prénom sous l’extase que je lui faisais vivre à l’aide de ma bouche et de mes deux mains.

Lorsque tout son corps de contracta, signe d’une jouissance très proche, j’accélérais la succion, l’accompagnant au mieux jusqu’à la fin. Il finit par se libérer dans ma bouche dans un gémissement rauque, submergé par la vague de plaisir intense déferlant sur lui. Haletant, il redressa la tête vers moi tandis que je remontais jusqu’à ses lèvres t murmura encore dans un état second :

- Juha… Je… C’est… Ce que tu…

Sa voix mourut dans sa gorge, semblant incapable de dire un mot de plus.

- J’espère que ça t’as plus, demandais-je avec un petit sourire avant de regagner ses lèvres qui m’avaient cruellement manquées.

Nos langues se mêlèrent pour un baiser des plus langoureux, nos mains caressant lentement le corps de l’autre, le temps que Gabriel se remette. Après un temps, ayant maintenant besoin de m’occuper de mon cas, mon intimité douloureusement durcie me le rappelant, je me redressais, allant jusqu’à me mettre debout sous le regard empli d’incompréhension de Gabriel. En lui tendant la main, je lui dis tout bas :

- Pour ta première fois, nous serons bien mieux sur le lit…

Gabriel m’offrit un petit sourire timide en rougissant avant d’acquiescer et de saisir la main que je lui tendais. M’emparant de ses lèvres, je le guidais en même temps jusqu’au lit où je nous fis basculer tous les deux. Me plaçant sur le côté, légèrement au dessus de lui, je m’abaissais jusqu’à son cou avant de remonter jusqu’à son oreille, et de lui murmurer, le cœur battant :

- Je suis vraiment heureux d’être ton premier homme, Gabriel.

Gabriel sembla sourire, même si je ne voyais pas son visage, je le sentais. Il passa ses deux bras autour de moi, et me sera fort comme jamais. Très vite, je lui rendis son étreinte. Nous restâmes un temps ainsi, avant que ma main ne prenne un tout autre chemin, et descende bien plus bas, de l’autre côté de son intimité qui déjà, de nouveau, s’éveillait.

Lentement, ma main s’aventura sur ses fesses en une douce caresse. Je m’emparais alors des lèvres de Gabriel pour tenter grâce à mon baiser, de lui faire oublier sa crainte. Grâce à mon don, je pouvais à peu près savoir ce qu’il fallait faire et aussi quand le faire. Quittant un instant ses lèvres, je portais deux doigts à ma bouche, les humidifiant afin de facilité ma préparation pour que Gabriel souffre le moins possible et le moins longtemps.

Mimant le geste de succion en le regardant droit dans les yeux, je vis ses joues s’empourprer une fois de plus, augmentant plus qu’il était possible mon excitation. Après un temps, jugeant les avoir suffisamment humidifiés, je retrouvais ses lèvres pendant que ma main se glissait entre ses fesses avec souplesse et délicatesse à la recherche de son orifice.

Gabriel se tendit légèrement mais ce ne fut rien de comparable à la dernière fois. Quittant ses lèvres, je lui susurrais en le regardant droit dans les yeux :

- Ne t’inquiète pas, je vais y aller tout en douceur…

- Je… Je te fais confiance, finit-il par me répondre. Et je veux aller jusqu’au bout…

Alors qu’il m’attirait à lui, pour un énième baiser j’insérais avec une lenteur extrême mon premier doigt en lui. Grâce à ma patience et à la douceur de ma préparation jusqu’ici, je sentis que Gabriel n’eut presque pas mal. Une simple grimace de douleur déforma quelques secondes ses traits, mais disparue bien vite lorsque je cessais tout mouvement une fois entièrement en lui. Après un temps ou j’embrassais avec langueur ses lèvres, mêlant ma langue à la sienne, faisant augmenter la passion et l’avidité progressivement, je commençais à mouvoir mon doigt en lui en un lent et désireux va et vient.

Peu à peu, Gabriel ne ressentis plus un seul soupçon de douleur, s’habituant aux nouvelles sensations que je lui faisais découvrir, entamant de lui-même quelques va et vient sur mon doigt en remuant légèrement le bassin. Il était même en train de prendre du plaisir. Sentant qu’il était tant, étant patient mais ayant tout de même mes limites, je décidais de passer à la suite. J’avais envie de lui et cette envie faisait brûler l’étincelle dans mon regard. Le deuxième doigt fut légèrement plus douloureux, mais cette douleur s’envola plus vite que la première fois. Plusieurs fois je quittais ses lèvres pour admirer sa beauté. Gabriel me regardait les yeux mi clos laissant parfois s’échapper quelques gémissements. Après un temps un peu plus court que le précédent, Gabriel fut dans le même état et j’insérais un troisième et dernier doigt en lui. Si le deuxième doigt avait été peu douloureux, ce n’était pas le cas du troisième qui paralysa presque Gabriel. Aussitôt, je cessais tout mouvement, et me refusant de céder à la panique, j’inondais son visage de baisers plus doux les uns que les autres.

A mon plus grand soulagement, je parvins à lui faire oublier la douleur avant qu’elle ne disparaisse complètement. Les gémissements reprirent de plus belle et il ne tarda pas à se mettre à onduler du bassin. Je finis par retirer mes doigts, sentant qu’il était plus que temps de passer à la suite. Ondulant volontairement du bassin, frottant mon intimité à la sienne tout aussi éveillée que la mienne, je me repaissais de ses lèvres voulant être sûr qu’il se lance de plein gré.

Il irradiait de confiance pour moi et de cet autre sentiment que je ne savais pas encore recevoir. Il était sérieusement prêt et décidé. Cependant, alors que je me décalais légèrement tout en ôtant mon pantalon et mon boxer, dévoilant mon intimité douloureusement gonflée, je sentis le doute s’insinuer en moi. Alors que j’étais maintenant dans la parfaite position pour nous emmener tous les deux au point de non retour, accomplissant l’acte ultime, alors que Gabriel était totalement consentant, je doutais. Ne pouvant aller plus loin, je m’écartais soudain de Gabriel m’allongeant sur le dos à ses côtés, murmurant :

- Je… Désolé Gabriel… Je…

Aussitôt, celui-ci surmonta son étonnement et se mettant sur le côté, il me demanda, intrigué et inquiet :

- Qu’est-ce qui ne va pas Juha ?

Détournant le regard, trop mal à l’aise pour le regarder dans les yeux, je bredouillais la voix nouée d’émotions :

- Je… J’ai peur de mal faire… J’ai… J’ai peur de te faire mal.

Gabriel me tourna la tête me forçant à le regarder et dit avec tout son sérieux :

- Je t’ai déjà dit que je voulais aller jusqu’au bout. J’ai confiance en toi, Juha et je veux plus que tout m’unir à toi.

Puis, sans me laisser le temps de vraiment réaliser ce qui se passait, il se mit au dessus de moi, me chevauchant lestement. S’aidant d’une main, il s’empala sur mon sexe, ne s’arrêtant que lorsque je fus entièrement en lui. L’afflux de plaisir me fit pousser un cri muet qui contrasta avec celui de Gabriel. Alors qu’il me regardait droit dans les yeux, je sentais qu’il était en train de se faire violence pour ne pas se retirer immédiatement. Sa douleur m’irradiait, et je ne savais plus quoi faire.

C’est en le voyant paralysé au dessus de moi, totalement perdu que je finis par me ressaisir. Reprenant mes esprits, je laissais glisser mes yeux sur son corps offert à moi. Puis jugeant que cette position le gênait, je repris le dessus, nous faisant tous les deux rouler habillement. Me retrouvant toujours en lui et le dominant maintenant de ma hauteur, je m’emparais de ses lèvres alors qu’il murmurait mon nom. Je laissais glisser une de mes mains sur son intimité.  Autant dire que je devais me faire violence pour ne pas entamer des déhanchements brutaux, ne tentant plus dans cette cavité chaude et humide.

Progressivement, Gabriel se décontracta, et je pus commencer à me mouvoir en lui. Je faisais passer mon propre plaisir après le sien, appréhendant de mal faire à chaque instant. Totalement focalisé sur ses ressentis, j’en oubliais les miens, ignorant le sang qui bouillonnait dans mes veines. Alors que je me déhanchais très lentement, ma main suivait le rythme sur son intimité. Ce ne fut que lorsque Gabriel fut totalement détendu et qu’il commença à prendre sérieusement du plaisir que je me laissais enfin aller à mes ressentis, laissant s’échapper un gémissement rauque alors que je m’enfonçais bien plus profondément en lui.

Celui-ci fit écho dans la gorge de Gabriel qui suivit mes mouvements de bassin, s’agrippant à moi comme à une bouée de sauvetage. Entamant une danse vieille comme le monde, j’écartais légèrement mon visage du sien, quittant ses lèvres, et plongeait mon regard dans le sien pour ne plus le quitter. Gabriel tombait peu à peu dans un état second, la lèvre inférieure pincée entre ses dents. Alors que je soutenais un rythme cadencé, j’arrêtais soudain tout mouvement, provoquant chez Gabriel un sanglot de frustration à l’état pur. Alors que je m’abaissais pour prendre possession de ses lèvres, il tourna la tête sur le côté, comme pour me punir d’avoir cesser tout mouvement. Amusé par sa réaction, j’en profitais pour déposer mes lèvres dans son cou offert à moi. Un violent frisson parcourut l’échine de mon vis-à-vis tandis que mes caresses manuelles reprirent de plus belle sur son intimité.

Alors qu’il tournait la tête vers moi, laissant s’échapper un petit gémissement, je m’emparais de ses lèvres en reprenant de nouveau un déhanchement langoureux montant vite en intensité, nous menant droit jusqu’à la jouissance.  Nos déhanchements de plus en plus profonds, nous unissant à jamais, me firent à mon tour perdre la tête. Gabriel, cramponné à moi comme jamais, semblait être très proche de l’extase. Après un ultime et habile coup de rein qui fit presque hurler Gabriel, je me libérais en lui dans un gémissement rauque tandis qu’il faisait de même dans ma main. Lentement, je retombais sur lui, haletant, et le corps parsemé de fines perles de sueur, tandis qu’il m’enlaçait en me serrant le plus fort possible. J’avais du mal à réaliser que nous l’avions enfin fait. Gabriel ne bougeait pas, se contentant de répondre à mon étreinte.

Je n’avais pas envie de me retirer tout de suite de lui, comme si le fait de rester ainsi me donnait l’illusion que ce moment intense pouvait durer encore un peu. Cela faisait tellement longtemps que je n’avais pas ressentis une telle sérénité. Jamais ne m’étais sentis aussi bien, ou du moins, cela remontait à si longtemps que je ne me rappelais plus ce qu’on pouvait ressentir dans ses moments là. Gabriel respirait mon odeur à plein poumon, tandis que je déposais encore une fois, mes lèvres dans son cou, le faisant frissonner. Ses mains massaient mon dos en effleurant à peine avec une douceur dont je ne l’aurais pas pensé capable.

Après un temps infini, je finis par le retirer totalement de lui, le quittant avec un baiser enfiévré. Une fois allongé à ses côtés, il ne lui en fallut pas plus pour venir se coller à moi, comme s’il était totalement dépendant de ma présence à ses côtés. C’est alors qu’il me murmura :

- Juha… Je…

- Tu quoi ? Demandais-je amusé.

- Je suis heureux d’avoir vécu cet instant avec toi… déclara-t-il en enfouissant encore plus qu’il n’était possible, son visage dans mon cou.

Un frisson étrange m’envahi instantanément, se mêlant subtilement à une chaleur qui m’enivra. Dans un murmure à peine audible, je lui répondis la même chose, le remerciant en même temps. Je tirais lentement la couverture sur nos deux corps, avant de sombrer avec lui dans un profond sommeil.

Ce début d’année passa à une vitesse affolante. Nous avions du travail à revendre et ne rentrions à l’appartement que très tard le soir alors que nous l’avions quitté à l’aube. L’ambiance était agréable et calme entre nous, mais une fois arrivé chez nous, nous ne faisions que nous laver, manger et dormir.

Pourtant depuis quelques jours, je me sentais de plus en plus mélancolique et je savais que cela n’était pas lié à la fatigue. La date qui me foutait en l’air chaque année approchait bien trop vite. Le soir approchait à grand pas, et je sentais au fond de moi que je ne pourrais affronter la journée suivante. Gabriel était en train de monter sa nouvelle jument et je décidais d’en profiter pour aller voir Philippe afin de lui parler en privé. Je frappais plusieurs coups à la porte de son bureau sachant qu’il s’y trouverait.

- Entrez, dit-il.

Je m’exécutais, et ce fut avec un grand sourire qu’il m’accueillit.

- Tiens Juha, comment vas-tu, je ne t’ai pas encore vu aujourd’hui ?

- Bonsoir Philippe, dis en prenant place en face de lui.

- Tu m’as l’air fatigué depuis quelques jours… Tu tiens le rythme ?

- Non, cela n’a rien à voir, m’empressais-je de répondre. C’est…

Je finis par prendre mon courage à deux mains et déclarais :

- Je sais que vous n’aimez pas mélanger les problèmes personnels et le travail, mais après demain c’est… C’est la date de décès d’une personne qui était très importante pour moi et je… Enfin, dans ces moments là, je ne vaux pas grand-chose et il vaudrait mieux que je prenne quelques jours de congé. Si cela ne vous dérange pas… Ajoutais-je hésitant.

- C’est Killian, c’est cela ? Me demanda-t-il compatissant et inquiet.

Je ne répondis pas, me contentant de baisser les yeux, jusqu’à ce que j’entende :

- Et bien, à dans trois jour Juha. Il y a beaucoup de travail en ce moment, je compte sur toi pour être entièrement disponible par la suite.

Je redressais la tête et acquiesçais avec un sourire empli de reconnaissance. Après quoi, je finis par sortir en lui souhaitant une bonne soirée, rejoignant Gabriel en train de desceller sa jument.

Nous ne tardâmes pas à rentrer et Gabriel alla se doucher pendant que je lui préparais à manger. Je n’avais pas vraiment faim ce soir. Gabriel vint me rejoindre et exprima son étonnement sur le fait qu’il n’y ait qu’une assiette de servie.

- Je viens de grignoter, je n’ai pas très faim, répondis-je simplement. Je vais me laver.

Gabriel me regarda d’un air suspicieux, et attrapa son assiette pour aller la manger devant la télévision. Après ma douche, j’allais directement me coucher, n’étant pas d’humeur à la compagnie ce soir là. Gabriel ne fit aucun commentaire, se contentant d’aller me rejoindre bien plus tard, se collant à moi.

Le lendemain, je fus réveiller par Gabriel qui me secouais légèrement par l’épaule, comme s’il était pressé. J’ouvris lentement les yeux et celui-ci déclara :

- Debout fainéant, tu te réveilles enfin. Dépêche toi on part dans dix minutes.

Gabriel était habillé et près à partir, ce qui prouvait qu’il n’en était pas à sa première tentative pour me réveiller.

Passant ma main sur mon visage, je déclarais, la voix vaseuse :

- J’ai vu avec Philippe, j’ai oublié de te dire. Je suis un peu malade, je ne travaille pas aujourd’hui.

Gabriel s’écarta de moi légèrement de moi sans un mot, semblant avoir du mal à digérer ce que je venais de lui dire. Je savais que mon mensonge était gros. Il devait déjà avoir du mal à avaler le fait que je ne lui en aie pas parlé hier soir, sans ajouter le fait que je sois aussi distant depuis quelques temps. Même cette nuit, j’avais finis par m’éloigner de lui. Mais ce n’était pas ma faute, je ne me sentais pas bien, et contre cela, je n’avais comme solution que de me replier sur moi-même.

L’effet de surprise passé, Gabriel s’exclama assez sèchement :

- T’aurais pu me le dire avant ! Je vais arriver en retard maintenant. Merci de m’avoir prévenu.

Sans un mot de plus, il me tourna le dos. Le plus étrange, fut que je n’eus même pas le courage de me lever et de le rattraper pour nous séparer dans de meilleurs termes. Je me sentais comme cloué sur mon propre lit. J’entendis la porte claquer brusquement.

Je ne bougeais pas de la journée, ne me levant que lorsque c’était nécessaire. Plusieurs fois, je me mettais à pleurer sans raison, tremblant légèrement. Je n’aimais vraiment pas être dans cet état, je me trouvais plus que pathétique. Le pire, qui contrastait avec les dix autres années, c’était que je me sentais coupable de me sentir ainsi vis-à-vis de Gabriel, coupable de me mourir d’amour pour un autre…

La journée me parut atrocement longue, revivant indéfiniment la même chose à chaque fois que je fermais les yeux : les derniers instants de Killian.  Gabriel avait emmené Shanenja avec lui, afin qu’il s’amuse avec le chien de Philippe. J’étais donc totalement seul et cela me convenait. Je ne voulais pas que Gabriel me trouve ainsi à son arrivée, toujours dans le lit. Je finis par me lever, mais à peine eussè-je mis un pied par terre que je fus saisis par une violente envie de vomir. J’eus à peine le temps de courir jusqu’aux toilettes, pour rendre le peu que contenait mon estomac. C’est évidemment à ce moment là que j’entendis Gabriel me demander inquiet :

- Juha ? 

J’étais tellement dans un état minable que je ne l’avais même pas sentit arriver. Pourtant maintenant, je sentais une colère mêlée d’inquiétude m’envahir. Je n’osais pas me retourner. Fébrile, ma main posée sur le mur, m’aidais à me maintenir, alors que j’étais accroupi. Je le sentis s’approcher de moi, et poser sa main sur mon épaule. Malgré moi, je ne supportai pas ce contact. Je me redressais assez brusquement en me tournant vers lui et repoussant sa main non sans une certaine violence. Profitant de son état d’hébètement, je me glissais hors de sa porté pour aller directement à la salle de bain. Je voulais être seul. Je ne supportais pas de le voir alors qu’avec contradiction, je ne voulais pas qu’il me laisse seul. Je devais avouer que j’avais aussi terriblement honte qu’il me voit dans cet état.

Gabriel ne l’entendait pas de cette oreille, car il ne tarda pas à débarquer dans la salle de bain et à quelques mètre de moi, il déclara froidement :

- Je pense qu’à ce stade, on est quand même intime et assez proche pour ne pas se cacher ce genre de chose… Je peux tout entendre et tout comprendre, j’ai le droit de savoir, tout autant que tu en a parlé à Philippe. Pourquoi tu ne m’en as pas parlé ? Tu ne crois qu’en même pas qu’en vivant avec toi je n’allais pas me poser de question ? Ca veut dire quoi de me cacher cela ? Comment est-ce que je peux être là pour toi, si tu ne m’en parles pas ?

- Tu comprends rien, t’es vraiment trop con ! Soupira Gabriel en me tournant le dos et en quittant la pièce avant de fermer la porte.

Me retrouvant seul dans la salle de bain, je choisis de prendre un bain pour réfléchir. Je comprenais la réaction de Gabriel, mais je ne parvenais pas à réagir autrement, me trouvant lâche.

Je finis par me plonger dans l’eau chaude, fixant le plafond une fois allongé, tentant de trouver une solution. Mais je n’en voyais aucune et je ne savais pas comment affronter Gabriel. Il m’en voulait et il avait raison de m’en vouloir… Je finis tout de même par en sortir, m’habillant en vitesse avec un pantalon et un t-shirt propre pour dormir, qui avait finit de sécher sur l’étendage. Une fois hors de la salle de bain, j’allais directement jusqu’à la cuisine afin de lui préparer un repas. Je savais que je ne faisais que reculer notre confrontation, mais je ne pouvais faire autrement. Gabriel ne vint me rejoindre qu’après un long moment, une fois que le repas fut prêt. Je posais son unique assiette sur la table, n’ayant vraiment pas faim. Cependant, je m’assis tout de même en face de lui.

- Tu ne manges pas ? me demanda-t-il, blasé.

- Je n’ai vraiment pas faim, répondis-je.

- Je ne vais pas te forcer, tu es libre de mener ta vie comme tu l’entends. Tu n’as vraiment pas besoin de moi.

Je ne répondit rien à sa pique, me contentant de me lever pour aller me servir un verre d’eau. Gabriel mangea en silence, sans me porter la moindre attention, jusqu’à ce qu’il me demande :

- Killian est enterré loin d’ici ?

- Pourquoi cette question, demandais-je intrigué et peu sur d’avoir la bonne réaction.

- J’ai pris deux jours de congé, demain je peux te déposer si tu souhaites te receuillir…

- Tu … Tu n’es vraiment pas obligé, dis-je touché malgré tout par son geste.

Gabriel se leva simplement avec son assiette et déclara d’une voix monocorde, tout en la posant dans l’évier :

- Je vais me laver…

Je ne répondis rien, me contentant de baisser les yeux. Ce fut seulement lorsque Gabriel fut dans la salle de bain que je me levais pour nourrir mon Shanenja. Je l’avait vu en train de dormir sur son coussin tout à l’heure et quelque chose me disait qu’il avait du passer sa journée à s’amuser avec Cobalt.

Précautionneusement, je lui préparais son repas, et lui apportais sa gamelle. Il se réveilla presque instantanément, au moment où j’arrivais près de lui, ayant certainement sentis l’odeur de son repas et la mienne. Après lui avoir offert une caresse, je déposais sa gamelle sur le sol et lui souhaitais bonne nuit. J’allais directement me coucher, n’ayant plus de force et ne trouvant qu’un semblant de repos dans le sommeil. Il était toutefois indéniable que je fuyais Gabriel…

Une fois étendu dans le lit, je rabattis la couverture sur moi, et fermais les yeux, sans pour autant trouver le sommeil. Peu de temps après, Gabriel sorti de la salle de bain et alla s’installer sur le canapé, après avoir allumé la télévision. Ce n’est que bien plus tard, qu’il me rejoignis. J’avais beau avoir les yeux fermés, il savait que  j’étais réveillé. Dans l’obscurité, j’entendis après un temps sa voix s’élever :

- Pourquoi crois-tu être capable de supporter ta douleur tout seul… Ne puis-je pas t’aider ? Tu me crois trop faible pour le faire ? Ou alors tu culpabilise sur le fait que ce soit Killian qui te met dans cet état ?

 Agacé par sa dernière phrase qui approchait trop prêt de la vérité, je répondis assez sèchement :

- De toute façon tu ne sais pas ce que cela fait !

- Non, je ne sais pas et alors ! S’exclama-t-il avant de me tourner le dos.

Sans lui répondre tout de suite, j’allais me coller tout contre lui, ne supportant pas cette distance que j’avais créé entre lui et moi. Celui-ci ne me repoussa pas, alors que je l’enlaçais de mes deux bras. Une fois ma bouche prêt de son oreille, je murmurais :

- Pardon…

 Les larmes commencèrent à mes monter aux yeux, sans que je puisse les retenir. Que Gabriel m’en veuille et s’éloigne de moi, c’était finalement pire que tout. Je le serrais encore un peu plus, pleurant silencieusement. Je le serrais encore un peu plus, pleurant silencieusement.

- Pourquoi tu ne me fais pas confiance Juha ? Après tout je suis adulte et apte à comprendre…

Touché par sa détresse et ses paroles, je décidais de me confier à lui :

- Je… Commençais-je, la voix enrouée par les larmes. Je suis désolé… A cette période de l’année depuis plus de dix ans maintenant, je réagis toujours comme cela. Je m’isole, je m’éloigne… Et je tombe dans un état lamentable. A chaque fois, en prison, je finis à l’infirmerie. Je sais que ça peut paraître idiot… Après plus de dix ans, ne pas avoir fait son deuil, c’est… Mais comment oublier le fait qu’il n’est plus là par ma faute… C’est aussi dur pour moi de t’infliger cela. Je… Je ne sais pas comment réagir, ni quelle doit être la bonne manière de se conduire face à ça. Je m’excuse Gabriel, mais je t’en supplie, retourne toi et prends moi dans tes bras…

Ma voix se noua dans un sanglot bruyant que je ne pu retenir cette fois-ci, et heureusement, Gabriel céda à ma requête. Après s’être retourné, ses deux bras m’enlacèrent et m’attirèrent tout contre son torse.  Cette fois-ci, plus aucune retenue ne fut possible, je pleurais comme rarement il m’arrivait de le faire, et Gabriel m’offrait ses bras sans concession aucune. Lentement sa main passait dans mon dos, me rassurant, me montrant qu’il était là. Pourtant, je ne parvenais pas à me défaire de cette culpabilité qui me rongeait depuis trop longtemps.

Gabriel me chuchotait des mots réconfortant, tandis que je me collais un peu plus contre lui. J’aimais sentir sa présence, son odeur, et sentir ce qu’il ressentait pour moi. Ainsi, au creux de ses bras, je sentais mon cœur s’emballer et revivre. Il finit par me murmurer, lorsque je me calmer enfin un peu :

- Tu sais Juha, tu n’as pas à craindre de me parler de tes problèmes, ou de quoi que ce soit d’autre. Je suis là pour cela non ?

Après un court silence, il ajouta, non sans hésitation :

- Dans un… Enfin dans… Un couple, il faut savoir parler de ce genre de chose…

Je ne restais pas indifférent à sa dernière phrase. Le mot qu’il venait d’employer, c’était la première fois… Je finis par m’écarter un peu de lui, et lui sourit avec les yeux rouges, en répétant légèrement amusé :

- Un couple ?

Gabriel se mit instantanément à rougir et commença à bégayer quelques mots incompréhensibles, totalement gêné. Ne souhaitant pas le laisser dans un tel état après ce genre de paroles, je m’approchais lentement de ses lèvres afin de quémander un baiser.

Gabriel ne perdit pas de temps à accéder à ma requête, et nous échangeâmes un très long baiser qui nous apportait tous les deux beaucoup. Je finis par quitter ses lèvres pantelant, me disant que cela faisait bien trop longtemps que nous n’avions pas partagé ce genre de chose. Ses mains étaient descendues bien trop vite sur le bas de mon dos… Seulement, nous savions tous deux que nous n’étions pas en état d’aller plus loin ; c’est pourquoi je m’écartais et déclarais, profondément touché, plus que je ne l’aurais cru :

- C’est la première fois que tu qualifie ainsi notre relation… C’est comme cela que tu nous vois ? Comme un couple ? Tu ne peux pas imaginer à quel point ça me touche et me fait plaisir…

- A ce stade de notre relation, nous sommes peut être plus que de simples amis intimes…

- J’espère bien… Répondis-je. Dans ce cas, apparaissons comme tel devant les autres, afin d’aller encore plus loin…

Je déposais ma tête contre son torse, inspirant profondément, avant de me laisser aller à fermer les yeux. Gabriel ne répondit rien, passant lentement sa main dans mon dos jusqu’à ce qu’il me rejoignit dans un sommeil profond. Je ne dormis pas beaucoup cette nuit là. Plusieurs fois je me réveillais, finissant par me lever très tôt le matin, ne voulant plus revivre le même cauchemar une fois de plus. Je m’installais sur le sol, au pied du canapé et allumais la télévision, sachant que dans moins de deux minutes une petite boule noir allait venir me réclamer un câlin. Et cela ne manqua pas. Shanenja me sauta presque dessus et s’assit lourdement sur mes jambes, sans gêne aucune. Ma main se posa sur son pelage duveteux, le caressant distraitement.

Gabriel se réveilla deux bonnes heures plus tard, me retrouvant endormi sur le sol, avec Shanenja étendu sur moi. Ce fut le bruit de son rire qui me réveilla, et je du faire face à une mine moqueuse.

- On dort mieux sur le sol ?

Me redressant un peu, je fis une moue boudeuse, tandis que Shanenja se levait pour lui offrir un bonjour digne de ce nom. Gabriel finit par me tendre la main afin de m’aider à me relever. Une fois à sa hauteur, il me prit par surprise et me vola un vif baiser, avant de s’emparer avidement de mes lèvres, m’offrant un bonjour tel que je les aimais. Nous finîmes par nous séparer et j’allais rapidement m’habiller afin de sortir Shanenja, pendant que Gabriel préparait le petit déjeuner. Je savais où nous allions aujourd’hui et je savais que Gabriel avait prit deux jours de congé pour m’aider à surmonter tout cela.

Je tenais debout sur mes deux jambes, redressant la tête, souhaitant pour la première fois faire face pour ne pas infliger cet image du moi misérable à Gabriel.

Après une courte ballade, je retrouvais mon café déposé sur la table et Gabriel qui m’y attendait. Je pris place en face de lui, sans trop savoir comment réagir. Nous ne décrochâmes pas un mot du repas, jusqu’à ce qu’il me demande :

- Tu souhaites toujours y aller ? C’est ce que tu veux vraiment ?

- Je… Je n’ai jamais eus l’occasion de m’y rendre. Je n’ai jamais pu aller sur sa tombe… Si tu veux bien m’y emmener… Répondis-je avec hésitation.

- J’espère que ce n’est pas une question ! J’irais juste nourrir et voir mon oiseau et nous irons cet après-midi. J’ai deux trois choses à voir au ranch avant…

- Je t’attendrais là, si ça ne te dérange pas. Je suis désolé, mais je…

- Tu préfères ne pas voir trop de monde, oui je sais. Je commence à te connaître. Me coupa-t-il avec un sourire.

Après un temps où je méditais sur ses paroles, je finis par dire :

- Encore une fois : merci Gabriel…

Après avoir fini notre petit déjeuner, Gabriel s’habilla et se rendit au ranch, non sans m’avoir volé un baiser.

Je profitais de la matinée qui m’était offerte pour sortir faire quelques courses avec Shanenja. A vrai dire, je me refuser à rester seul et retomber dans le même état dans lequel Gabriel m’avais trouvé hier soir. L’inactivité était ce qui me faisait plonger. Je commençais ma ballade en m’enfonçant dans la nature, quittant la petite ville. Une fois sur qu’il ne risquait rien, je lâchais Shanenja qui s’élança dans le champ de neige à toute vitesse. Quelques fois je le rappelais, m’occupant de son dressage comme j’en avais le temps. A mon plus grand bonheur, celui-ci écoutait de mieux en mieux.

Plus que tout je voulais oublier ce que j’avais fait ce jour là, des années auparavant, jours que j’aurais préféré ne plus vivre chaque nuit de cauchemar, jour qui m’avait fait perdre l’être que j’aimais…

Après un temps indéfini, je finis par rentré après avoir jouer un bon moment dans la neige, même si Shanenja  sentait que le cœur n’y était pas. J’allais faire quelques courses, puis rentrais pour me réchauffer. Une fois à l’entrée de l’appartement, j’enroulais Shanenja dans une serviette qui lui était destiné, afin de le sécher. Après m’être occupé de son cas, j’allais prendre une bonne douche chaude et commençait à préparer un repas pour Gabriel. Je savais que je ne pourrais rien avalé aujourd’hui, me rappelant que mon café était très mal passé. 

Gabriel ne tarda pas à rentrer et il me retrouva assis sur le canapé avec Shanenja à mes pieds.
- Tu as faim ? Lui demandais-je en tournant la tête vers lui. Il y de quoi manger dans la cuisine, je t’ai préparé à repas.
- Tu ne manges pas ? Ca fait pas mal de repas que tu sautes… Me dit-il d’un air réprobateur.

Cependant, il n’insista pas et alla dans la cuisine sans un mot de plus, pour revenir avec son assiette et manger à côté de moi. Une fois qu’il eut finit, nous nous préparâmes tous deux à partir, pendant que je lui donnais le nom de ma ville natale, là où tout s’était produit et où je pensais ne jamais remettre les pieds. Pourtant, tout comme Gabriel, je savais qu’il était nécessaire d’allait me recueillir au moins une fois sur sa tombe : une épreuve difficile à passer pour lui comme pour moi. Nous laissâmes Shanenja à l’appartement et nous nous retrouvâmes rapidement sur la route, n’ayant pas de temps à perdre au vu du trajet qui nous attendait.
Celui-ci ce fut en silence, et bien que Gabriel soit assez mal à l’aise face à mon état, j’avais de plus en plus de mal à le camoufler. Même s’il faisait assez froid, je finis par entrouvrir ma fenêtre, trouvant l’air de plus en plus irrespirable. J’avais cette boule dans la gorge qui se serrait au fur et à mesure, et je ne savais toujours pas comment j’allais réagir face à son nom gravé dans le marbre. Je trouvais le chemin à la fois terriblement long et bien trop court. Je finis par serrer mes poings, tentant vainement de cacher ma peur et ma nervosité. Je tournais la tête vers la fenêtre, après un bref coup d’œil jeté à Gabriel. Le paysage défilait devant mes yeux, mais je ne regardais pas vraiment.  Je sentis alors la main de Gabriel se poser sur ma cuisse, me faisant ressentir sa volonté de réconfort et son inquiétude pour moi. Il savait que mes réactions pouvaient à tout moment le blesser, et il craignait que je m’éloigne encore un peu plus de lui. Mais je ne parvenais pas à prendre le dessus sur moi-même pour tenter de le rassurer. Je n’en étais pas capable, du moins, pas aujourd’hui… Le seul geste que je pu faire fut de recouvrir ma main de la mienne. Je tournais la tête vers lui alors qu’il m’offrait un bref sourire. Aucun son ne sortit de nos lèvres, n’ayant rien à dire dans un tel instant.
Ma poitrine se serra douloureusement lorsque je vis le panneau qui indiquait ma ville à une dizaine de kilomètre. Les larmes me montèrent aux yeux, mais je les ravalais grâce à la puissance de mon orgueil. Mon regard se posa sur mes genoux une fois que nous pénétrâmes dans la ville. Je n’avais aucune envie de voir une personne que j’avais connue dix ans auparavant. J’imaginais encore moins revoir tous les lieux où j’avais vécu, et ceux où Killian et moi avions passé pas mal de temps. Je me contentais d’indiquer la route à Gabriel de mémoire qui me dit bien vite qu’il avait vu l’indication du cimetière. Mais je sus lorsque nous passâmes devant chez moi… Est-ce que mes parents habitaient toujours la ville ? Est-ce que cette maison était toujours la leur ? Sans trop réfléchir, je redressais vivement la tête, et mes yeux se posèrent sur la bonne maison, sous le regard plein d’interrogation de Gabriel. Je ne dis rien, me contentant de la fixer : elle était déserte et inhabitée. Depuis combien de temps étaient-ils partis ?
La voiture s’arrêta soudain, alors que mon regard n’avait pas décroché d’un pouce mon ancien lieu d’habitation.

- Juha ? Tu veux aller voir ? Tu regarde cet endroit avec tellement d’insistance. C’était là où il habitait ?
- Non, je ne veux pas aller voir. C’était là que… C’était là que nous habitions avec mes parents avant que je… Ils sont partis apparemment…
Le silence se fit quelques instants, jusqu’à ce que je lui dise, détachant mes yeux de ce lieu pour les plongé dans ceux de Gabriel :
- On continu ?

Gabriel s’approcha alors de moi et déposa simplement un baiser sur mes lèvres, les effleurant à peine, en un simple geste empli de tendresse, comme si c’était le seul moyen qu’il avait pour me montrait qu’il était là. Je savais qu’il se sentait totalement impuissant face à tout cela, mais je ne voyais pas vraiment quoi faire de mon côté. Certes, j’étais bien trop concentré sur mes propres problèmes aujourd’hui, mais il m’était impossible de faire autrement. Jamais je n’aurais pensé qu’après tout ce temps, j’appréhendais d’aller me recueillir sur sa tombe, de retrouver cette ville et cette vie passée que j’avais définitivement quitté. J’avais souvent rêvé pendant mes dix années de prison de ce moment là, mais je n’aurais jamais pensé qu’il arrive si tôt. Cela pouvait d’ailleurs paraître paradoxal…

Nous finîmes par reprendre la route, mon cœur battait de plus en plus vite et je me sentais de moins en moins bien. Un poids énorme m’oppressait : le poids de la culpabilité. Je n’avais pas jeté de dernier regard à mon ancienne maison. A vrai dire je l’avais oublié, j’étais maintenant trop concentré sur Killian qui comptait à mes  yeux bien plus que ma famille. Gabriel ne disait pas un mot, et je ne le comprenais que trop bien.

Lorsque nous arrivâmes sur le parking placé devant le cimetière, j’eus beaucoup de mal à contenir les tremblements qui saisissaient mes mains. Je sentais le regard de Gabriel posé sur moi et pourtant, je n’osais pas redresser la tête pour le regarder en face. Ce ne fut qu’après un temps bien trop long que Gabriel finit par dire :

- Tu veux que je vienne avec toi ? Ou tu préfères que je t’attende ici ?

- Je… Je vais y aller seul. Dis-je sans grande conviction.

Après un dernier regard qu’il n’arriva pas à déchiffrer, je sortis lentement de la voiture. Mon estomac se tordait dans tous les sens et ma poitrine était tellement comprimée qu’il m’était difficile de respirer. D’un pas peu sur et chancelant, je marchais jusqu’à l’entrée sur cimetière. Seulement arrivé devant les grilles, mes jambes refusèrent d’aller plus loin. Etait-ce du au fait que je commencais à apercevoir les tombes ? Ou alors était-ce à cause d’un problème bien plus profond… ? Voir sa tombe, c’était comme accepter sa mort, se receuillir sur celle-ci c’était aussi lui dire au revoir… Puisqu’un  adieu n’était pas possible, j’arrivais encore moins à me résoudre à lui dire cela.

J’étais là, devant le cimetière, je n’avais que quelques pas à faire, mais je n’arrivais pas à m’y contraindre. Les yeux dans le vague, le corps immobile, je ressemblais d’avantage à tous ceux qui étaient enterré ici qu’à ceux qui parcouraient encore cette terre sur leurs deux pieds. Pourtant il fallait que je m’éveille, je ne pouvais pas faire cela à Gabriel. Mais même le savoir ne m’aider pas à à le faire. Je ne voulais pas qu’il s’éloigne de moi, mais c’était moi qui était en train de le faire. Même si mon cœur s’emballait à chaque fois que je l’apercevais, que chacun de ses baisers m’irradiaient d’un bonheur que je n’avais pas connu depuis des années, et que sa présence m’était plus que bénéfique, je ne pouvais pas encore répondre à ses attentes.

Tout se rapportait toujours au même problème, centré sur une seule personne qui n’était plus là… La mort de Killian, mes années de prison et ce que j’y avais vécu m’avaient appris une chose : quoi qu’il arrive, nous sommes toujours seuls. Même si la vie avec Gabriel me faisait miroiter une vie à deux possible, j’avais du mal à y croire… Cette foi m’avait quittée le jour où j’avais ôté la vie de ma moitié…

Perdu dans des pensées que je ne cessais de ressasser, je ne sentis pas Gabriel approcher, et ne m’aperçus de sa présence que lorsqu’il posa sa main sur mon épaule. Je pouvais ressentir toujours ce même sentiment bénéfique à mon égard, mais aussi son inquiétude à mon sujet et sa peur au sujet de notre relation qui se fissurait. Juste derrière moi, d’une voix posée, comme s’il était en train de lire en moi, il déclara :

- Tu n’es plus seul Juha… Je suis là, et je ne te laisserai plus affronter cela tout seul.

Sans me laisser le temps de réagir et de réaliser ses paroles, il me saisit par la main et m’attira avec lui dans le cimetière, déterminé. Pris par surprise, je le suivais, sans rien dire, ni même protester. Arrivé devant le petit bâtiment du gardien, il me laissa seul et alla demander la localisation de la tombe de Kilian, avant de revenir me voir. Il saisit de nouveau ma main et m’amena rapidement devant le lieu qui m’effrayait. Nous parcourûmes les allées peut être un peu trop rapidement pour moi, mais il le fallait afin que je ne puisse faire marche arrière.

Je ne regardais aucune tombe, par peur d’y voir graver le nom de mon amant défunt. Gabriel s’arrêta soudain, et je fus contraint de faire de même. Il regarda la tombe qui ne devait être autre que celle de Killian tout en me lâchant maintenant la main. Ce n’était plus à lui de faire quoi que ce soit, il m’avait aidé jusqu’au bout et je lui en étais plus que reconnaissant. Il suffisait maintenant que je me tourne, et ce fut les yeux brillants de larmes que je m’exécutais enfin. La vue troublée, mon cœur se souleva lorsque je pu lire son nom et sa date de naissance et de mort. C’était une des tombes les plus fleuries, et je réalisais que je n’avais rien apporté. Une photo était déposée sur le côté de sa tombe. C’était une photo que j’avais prise de lui, certainement restée dans ses affaires. Je m’en rappelais comme si c’était hier, c’était quelques jours avant que nous apprenions qu’il était condamné. S’il m’avait parut plus âgé que moi pendant notre relation, ce n’était maintenant plus le cas. Il était comme resté figé dans le temps, ne faisant plus partit du mien. Alors que je continuais à avancer tant bien que mal, il s’était arrêté et je n’avais rien pu faire pour qu’il me suive…

 

Cela faisait quelques jours que je trouvais Killian plutôt distant. Je n’avais de cesse que de lui téléphoner afin de pouvoir le voir, mais il me disait qu’il était occupé et aurait du temps plus tard. Je savais qu’il me cachait quelque chose et j’avais du mal à supporter la distance qu’il nous imposait. Ce soir là, je m’étais violemment disputé avec mes parents et j’étais sortit, me dirigeant inconsciemment jusqu’à chez lui. J’avais besoin de sa présence et ses jours de séparation m’avait rendu irritable avec tout le monde. Je me retrouvais donc devant sa porte, et hésitais à frapper. Je pouvais entendre quelques bruits dans l’appartement, signe indéniable qu’il était ici. Après avoir pris une grande inspiration, je frappais quelques coups brefs. Killian ne tarda pas à venir m’ouvrir. Il avait une petite mine, mais tenta de le cacher dès qu’il me vit. Son regard sévère se posa sur moi et il déclara :

- Je t’avais dis que j’avais du boulot…

- Jamais le boulot t’as empêché de me voir, dis-je avec un petit sourire, ne souhaitant surtout pas une dispute.

Il se contenta de soupirer, s’écartant pour me laisser passer. Il n’avait même pas esquissé un geste tendre vers moi, et encore moins chercher à m’embrasser. Ravalant ma rancœur, je rentrais dans son appartement que je connaissais parfaitement et allais m’asseoir sur le canapé comme si j’étais chez moi. Remarquant la télévision allumée, je déclarais sur un ton moqueur :

- C’est comme cela que tu travailles ?

- Tu veux manger quelque chose ? me dit-il, sans relever ma moquerie.

- Mmm… Oui, répondis-je en me levant. Attends je vais t’aider.

- Non c’est bon, reste tranquille.

Je n’aimais pas du tout sa manière d’être. Docile, je m’assis sur le canapé, regardant simplement la télévision, blessé de ses rejets répétitifs. Il revint un bon quart d’heure plus tard avec deux assiettes bien remplie et s’assit à une distance qu’il n’avait jamais imposée entre nous. Je ne fis aucun commentaire, me contentant de manger. Une fois nos deux assiettes terminée, j’allais faire la vaisselle et revenais dans le salon pour le trouver endormi.

Lentement, je m’approchais de lui, m’asseyant à ses côtés, puis callant ma tête tout contre son épaule. Si je ne pouvais l’approcher lorsqu’il était éveillé, je pouvais au moins le faire maintenant. Il me manquait bien trop. Dans un semi sommeil, il passa son bras autour de mon cou, me faisant poser ma tête sur son torse. Je pouvais entendre les battements de son cœur et les mouvements de sa respiration me berçaient. Maintenant collé tout contre lui, je pouvais chercher des réponses à son attitude.

Je sentais qu’il me cachait quelque chose et par respect je ne cherchais pas à aller plus loin. Il parvenait à me résister, mais je savais que je pouvais savoir si je le voulais vraiment. C’était d’ailleurs le seul qui avait quelques résistances vis-à-vis de mon don. Nous restâmes un moment ainsi, jusqu’à ce que Killian se réveille et me propose d’aller dormir. Il me passa un des pyjamas que j’avais laissé ici, et alla se coucher simplement en boxer, se mettant sous les draps. Je ne mis pas longtemps à aller le rejoindre, me collant directement contre lui. Progressivement mes lèvres allèrent se déposer dans son cou et ma main parcourut son torse qui avait toujours la même douceur. Je n’avais pas envie de dormir tout de suite, et je tentais de lui faire comprendre. Seulement après à peine deux minutes, il attrapa ma main et déclara simplement :

- Pas ce soir Juha…

Aussitôt, je me redressais, me callant sur mon coude afin de pouvoir voir sa tête. Jamais il n’avait refuser ce genre de chose. Avec sérieux, et ne supportant plus les cachoteries, je déclarais à mon tour :

- Qu’est ce qui se passe Killian ? Tu es distant depuis plusieurs jours, tu agis comme si je n’existais plus, tu m’évites, et tu refuses presque tout contact… Nous ne nous sommes même pas embrassé depuis que je suis là.

- Qu’est ce que tu racontes Juha, je suis juste fatigué… J’ai…

- Tu as trouvé quelqu’un d’autre c’est ça ? Tu peux me le dire tu sais, au moins ça m’évitera d’être dans l’incertitude !

- N’importe quoi Juha, c’est la pire connerie que j’ai pu entendre !

- Alors dis-moi ce qui ne va pas où…

Je fus coupé par ses deux bras qui m’enlacèrent dans le but de m’embrasser, mais je ne me laissais pas faire. Je repoussais son étreinte et les yeux brillants de larmes, je poursuivis :

- Ne m’oblige pas à utiliser ce que tu sais pour savoir. Je veux l’entendre de ta propre bouche, ce sera moins douloureux. Mais je t’en pris… Dis-moi ce qui ne va pas, ne me laisse pas comme cela !

Ses yeux se baissèrent, fuyant mon regard. Il semblait soudain si triste. D’une voix grave et tremblante qui me laissait présager le pire, il me dit d’un seul coup :

- Je suis malade… Il ne me reste plus beaucoup de temps à vivre… Juha, je suis condamné…

 

Pourquoi fallait-il que je me souvienne de cela maintenant… Les  larmes continuaient de mouiller mes yeux en regardant cette tombe qui me paraissait si froide. Y faire face était finalement plus dur que tout. Ce n’étais qu’une pierre, son corps était enterré en dessous, mais j’étais en train de faire face à une bien plus cruel réalité : il n’était plus. Mes jambes lâchèrent, ne parvenant plus à supporter mon poids, et je me retrouvais à genoux devant sa tombe, ne parvenant à pleurer comme j’en aurais eut réellement besoin. Je restais là, face à sa tombe, sans bouger, me rappelant des derniers mois que j’avais vécu avec lui, de notre dernière fois, de notre dernier baiser, de ses dernières paroles…

Après un temps dont je n’aurais sur juger la durée, je sentis Gabriel, resté en retrait jusqu’à maintenant, se rapprocher de moi.

- Juha ? Il est assez tard, le cimetière va bientôt fermé… Nous partons dans peu de temps.

Je pris encore quelques minutes pour regarder une dernière fois sa tombe et lui dire au revoir. Gabriel se tenait juste à côté de moi, et je ne savais comment j’aurais pu faire s’il ne m’avait pas soutenu jusqu’ici. Je lui devais tant… Lorsque je sentis qu’il était temps, je me redressais, soutenu par Gabriel qui m’enlaça presque aussitôt. Il ne m’en fallut pas plus pour éclater en sanglot dans son cou. Sa main passait tendrement sur mon dos, dans la volonté de m’apaiser. Jamais je n’aurais pu affronter la tombe de Killian sans lui… Dans un état second, il me guida jusqu’à la voiture et une fois que je fus assis, il ferma ma porte et vint prendre place à mes côtés. Je ne pus que lui souffler un merci, et il m’offrit un simple baiser avec un sourire. Le trajet du retour se fit en silence, je me laissais aller à fermer les yeux, épuisé mentalement et désirant me couper du monde. Mes larmes s’étaient taries et je sentais cette fatigue m’envahir. Nous arrivâmes assez tard à la maison, Gabriel me demanda si je voulais manger quelque chose et devant ma réponse négative, il n’insista pas. Après une légère douche j’allais directement me coucher, laissant Gabriel s’occuper de Shanenja. Celui-ci me rejoignit après un temps, venant se coucher tout près de moi, comme en manque de mon contact. Je sentais qu’il me savait réveiller, pourtant, je gardais les yeux désespérément clos.

Sa main glissa sur mon torse en une caresse que je ne lui avais jamais connu. Il se colla  encore plus près, comme s’il avait peur de me perdre. Je pouvais sentir sa détresse, mais j’étais comme figé, incapable d’offrir quelque chose à l’autre. Sa bouche dévia lentement vers mon oreille, et son souffle dans mon cou m’irradia de frisson. Soudain, dans un murmure à peine perceptible, je pus entendre :

- Je t’aime Juha…

Mon cœur se serra et mes yeuxs’ouvrèrent, tournant la tête vers Gabriel sans pouvoir continuer à faire semblant de dormir. Le pire était de percevoir ses ressentis et de voir ses yeux posés sur moi dans l’attendre d’une réponse. Mais je n’arrivais pas à lui dire quoi que ce soit, pas même à esquisser un geste vers lui. La seule chose que je pu faire, fut de détourner les yeux. Gabriel n’en supporta pas plus et il s’éloigna de moi, me tournant tout simplement le dos. Pourquoi me le disait-il ce soir là ? Pourquoi maintenant ? Comment pouvait-il me demander de lui dire ces trois mots le jour la mort de Killian. J’en était tout simplement incapable, emprisonné, incapable de faire mon deuil.

Je passai une nuit atroce, ne cessant de revoir cette scène mêlée à celles avec Killian. Je m’en voulais de faire mal à Gabriel et encore plus de m’éloigner de lui ainsi. Que devait-il penser de moi… Ce n’est que très tôt le matin que je parvins à trouver le sommeil, supportant difficilement de ne pas l’avoir tout contre moi.

Le lendemain matin je me réveillais avec difficulté, Gabriel n’était plus dans le lit. Je pouvais entendre qu’il était en train de prendre sa douche. Difficilement, un mal de tête me martelant les tempes, je me dis qu’il était temps de se lever et d’aller travailler, même si j’avais demandé trois jours à Philippe. Cela ne servait à rien de me morfondre, surtout si cela m’éloignais encore plus de Gabriel. J’allais dans la cuisine et préparais un petit déjeuner pour nous deux. Gabriel ne tarda pas à me rejoindre, propre et habillé, et s’assit en face de moi sans un mot. Il m’en voulait énormément, et au moment où je lui passais le pot de confiture, il déclara froidement :

- Tu n’as toujours rien à dire à propos de ce que je t’ai dis hier soir ?

Je me contentais de baisser les yeux, sans trop savoir quoi faire. Je perdais mes moyens et je n’aimais vraiment pas cela.

- Je crois que la moindre des choses, c’est de répondre quelque chose, poursuivit-il agacé. Je ne demande pas grand-chose, juste une demande positive ou négative. Ou alors, tu aurais pu me demander du temps… Mais rester comme cela, sans aucune réaction, comment peux-tu me faire cela Juha ?

Je répondis alors, sans trop réfléchir, mais trahissant ma crainte :

- Tu as dis m’aimer uniquement par peur de me perdre…

- Parce qu’avoir peur de te perdre n’est pas justement une preuve d’amour ? Me répondit-il, toujours sur le même ton.

- Pourquoi juste après le cimetière ? Pourquoi ce jour-là ? lui demandais-je, la voix tremblante.

- Cela fait longtemps que je veux te le dire Juha, et tu as même empêché plus d’une tentative, consciemment ou inconsciemment. Oui j’ai peur de te perdre, parce que tu es en train de t’éloigner de moi.

- Juste pour ces deux jours Gabriel… Excuse-moi de ne pouvoir répondre à tes attentes les jours de la mort de Killian ! Répliquais-je énervé à mon tour, comme pris en faute.

- Ah parce qu’il a des jours opportun pour dire que je t’aime ! Je ne suis pas un putain de jouet. Tu ne peux pas m’utiliser à ta guise. Moi je suis là, je reste comme un con à te regarder t’éloigner de moi… Parce que tu l’aimes toujours n’est ce pas ? Choisis Juha… Je ne peux pas rester comme cela, à attendre que tu daignes enfin faire ton deuil… Je suis humain bordel, et là tout ce que je vois, c’est l’amour que je te porte et que tu bafoues. Tu joues de me sentiments pour toi… Si tu ne réagis pas Juha, tu me perdras, car je n’ai pas l’intention de t’attendre indéfiniment…

Sans un mot de plus, il se leva, attrapa sa veste et quitta l’appartement en claquant la porte. Shanenja choisit ce moment là pour débouler dans mes jambes. Il devait avoir finit de manger. Je posais ma main sur sa tête, sans avoir le cœur de faire plus. Les paroles de Gabriel transpiraient de vérité, et je retenais avec difficulté des larmes.

Tout ce bonheur était en train de s’effondrer, encore une fois à cause de moi. J’avais ôté la vie à mon premier amant, et je ne pouvais répondre aux attentes de l’autre. Je n’étais qu’un idiot. Après une douche, je m’habillais rapidement puis sorti de l’appartement avec Shanenja. Une bonne marche avant d’aller travailler me ferait beaucoup de bien.

Sur le chemin, je lâchais Shanenja qui s’élança dans les champs, me suivant à distance. Le vent frappait violemment mes joues et glaçait les quelques larmes qui échappaient à ma retenue. Je mis plus de temps que d’habitude à arriver au centre. Une fois que je l’aperçus, je vis la voiture de Gabriel garrée grossièrement sur le parking, mais une silhouette semblait toujours rester à l’intérieur. Gabriel sortit de la voiture, lorsque j’étais à quelques mètres. Il me jeta un bref coup d’œil, me laissant remarquer ses yeux rougis.

Mais une autre personne attira alors mon attention.  Un homme, un peu plus âgé que Gabriel, provenant du bureau de Philippe, regardais Gabriel avec insistance. Je n’aimais pas du tout son regard. Qui cela pouvait-il bien être ? Arrivé à quelques mètres de nous, il appela Gabriel par son prénom. Celui-ci se retourna, me tournant le dos, chose qui ne me laissait rien présager de bon…

 A suivre…

25
déc

Beyond the invisible - Chapitre 07

   Ecrit par : admin   in Beyond the invisible

 Chapitre 7 par Lybertys

Alors que j’avais perdu tout espoir de m’en sortir, alors que je m’étais abandonné à ses coups recroquevillé sur moi-même, je sentis une deuxième présence proche de nous. Il me semblait la connaître, mais dans mon état, je ne cherchais pas à faire d’effort particulier. J’étais bien trop abattu par les coups et la colère que cet homme versait sur moi. J’avais mal, bien plus intérieurement qu’extérieurement. J’avais fermé les yeux, ne voulant plus voir le visage de cet homme qui ressemblait tant à l’être aimé que j’avais maintenant perdu à jamais par ma faute. Soudain, je reçus un coup plus violent, et je ne pus réprimer un gémissement de douleur.

Peu de temps après, j’entendis un autre coup, mais ce n’était pas sur moi qu’il tombait. J’ouvris instantanément les yeux. Cette présence que j’avais ressenti n’était autre que Gabriel qui venait de me défendre, envoyant un terrible coup à mon bourreau, ne contenant lui non plus pas sa fureur. Celui-ci était étendu parterre, se remettant de la surprise et du coup qu’il venait de se prendre dans la mâchoire. Il lui jeta un air dédaigneux en se redressant, le haïssant de me protéger. Jamais je n’aurais imaginé être sauvé par Gabriel. Alors que je tentais de me redresser avec beaucoup de difficulté, affaibli par tout cet afflux de sentiments, l’homme reporta son agressivité sur moi, et me cracha au visage :

- A peine sorti et tu as déjà trouvé une nouvelle victime… Tu me dégoûtes Juha ! Où est donc passé l’amour incommensurable que tu disais vouer à Killian ? Tu n’es qu’une enflure, sale petite pédale…

Entendre son nom me fit aussitôt rechuter dix ans auparavant… Je n’aurais su quoi répliquer. Si j’avais entrouvert les lèvres, je n’aurais fait que hurler la douleur qui m’envahissait à l’instant présent. Une seconde fois, Gabriel vint à mon secours, car il s’écria :

- Hey ! C’est finit oui ? Tu n’es pas le bienvenue ici ! Alors tu vas être bien sage et tu vas repartir de là où tu es arrivé ! Et que je ne te reprenne pas dans les parages ou cette fois-ci tu ne t’en sortiras pas aussi bien !

Alors que l’homme allait pour protester, n’appréciant pas du tout d’être traité de la sorte, il le devança et déclara :

- Tu comprends le français ou il faut te faire un dessin ?

Il lui lança un regard meurtrier, avant de me dire avec la même haine.

- Fais bien attention à toi Juha, tu ne seras pas accompagné indéfiniment !

Je savais très bien qu’il n’allait pas me laisser en paix. Plus que tout il souhaitait ma mort. Voulant venger la vie de son frère qui n’était plus par ma faute. Il quitta enfin l’appartement en claquant violemment la porte d’entrée. J’étais maintenant vidé de toutes mes forces, et une proie facile à la souffrance qui continuait à émaner de Gabriel. Il resta un moment immobile à me fixer d’un regard impénétrable. Je sentais qu’il était en train de se poser un tas de questions à mon sujet, chose tout à fait normale après ce qu’il venait de voir.

Il finit par s’approcher de moi, et me tendit la main pour m’aider à me relever. J’hésitais un instant, ne sachant pas vraiment ce que ce contact allait provoquer chez moi. Mais vu l’état dans lequel je me trouvais, je ne voyais pas vraiment ce que cela allait pouvoir me faire de plus. Je finis par saisir sa main timidement. Il m’aida donc à me relever, avant d’aller prendre place dans le canapé qui meublait la petite pièce principale. Je n’aurais pas pu tenir debout très longtemps. Je tremblais encore légèrement de la confrontation que je venais de vivre. Je n’aurais pu lui dire combien je lui étais reconnaissant. Vidé de toutes mes forces, je m’étais fermé à tout ressentis, si bien que je ne sentis que très faiblement sa souffrance.

-  Je ne savais pas que tu étais adepte du masochisme ! Déclara-t-il, un sourire ironique étirant le coin de ses lèvres.

Cette remarque me détendit et me fit sourire légèrement. Sans vraiment le savoir, il venait de me tirer légèrement vers le haut. Dix ans que j’essayais d’oublier, et cet homme venait de me replonger dedans en quelques minutes de la manière la plus douloureuse qui soit. Ne tenant plus sur mes jambes, je vins m’asseoir dans le canapé à une distance tout de même raisonnable de lui. Je devinais qu’il n’allait pas se taire, et j’allais devoir lui rendre des comptes, ou du moins une réponse à la multitude de questions qui devait trotter dans sa tête. C’est très peu de temps après qu’il déclara :

- Je suppose que tu n’as pas l’intention de me dire qui était cet homme, je me trompe ?

Je n’avais aucune envie d’en parler, surtout avec quelqu’un d’étranger à toute cette histoire. Je ne voulais pas que ceux qui ignorent soit au courant. Pour moi c’était comme empreindre mon présent de ce passé qui me collait déjà assez à la peau. Seul mon silence lui répondit, et malheureusement il poursuivit :

- Si j’ai bien compris, tu étais l’amant de ce Killian ? Que lui est-il arrivé ? Pourquoi a-t-il  parlé de victime ?

Comment lui dire que j’étais un assassin ? Comment lui dire que j’avais tué l’homme que j’aimais le plus au monde il y a dix ans ? Jamais je n’avais pu le dire à voix haute ; cette simple phrase : « J’ai tué Killian »… A chaque fois que j’entendais son prénom, je me sentais doublement sombrer dans encore plus de douleur.

Il m’était impossible de lui répondre… C’était bien trop dur… Cela faisait bien trop mal ! Je ne voulais pas qu’il sache. Je ne voulais pas que les nouvelles personnes dont je venais à peine de faire connaissance, apprennent mon passé.

Face à temps d’éloquence de ma part, il se leva et déclara :

- Bon, ben puisque tu ne veux rien me dire, je n’ai plus rien à faire ici…

Je ne voulais pas qu’il parte. Sa présence était vraiment importante pour moi. A ses côtés, en cet instant, je me sentais vraiment rassuré. J’avais besoin d’être avec quelqu’un. Après ce que je venais de vivre je ne pouvais pas rester seul. Du moins, pas maintenant. Sans vraiment réfléchir, poussé par ma peur, je m’exclamais dans son dos :

- Attend !

Surpris, il se retourna pour me voir, debout, une main tendue vers dans sa direction. Tout mon être m’avait poussé à le retenir. Il me lança un regard interloqué, et gêné tout de même de cette situation, je bredouillais timidement :

 - Je… Tu peux… Tu peux rester ici… Cette nuit… S’il te plait ?

Il ne cacha pas sa surprise face à ma requête, et resta un moment silencieux, face à cette demande. A vrai dire, je trouvais maintenant ma demande ridicule. Qu’est ce qui le pousserait à rester là avec moi ? Il ne m’avait jamais apprécié. Mais il était celui qui venait de me sauver. Je priais pour qu’il ne soit pas indifférent à ma détresse. J’avais peur et je ne le cachais pas. Etonnement il me demanda :

- Tu répondras à mes questions ?

Je n’avais pas d’autre que choix que d’accepter.

- Ou… Oui lui murmurai-je en baissant les yeux. 

- Bien, répondit-il en refermant la porte. Tu as un téléphone s’il te plait ?

Je lui jetais un regard interrogateur, me demandant ce que cela venait faire dans la conversation. Il se justifia aussitôt :

- J’ai dis à Philippe que je ne rentrerais pas tard, je ne veux pas qu’il s’inquiète inutilement.

- Oh, je… Le téléphone est là, déclarais-je en le lui montrant du doigt.

- Merci, déclara-t-il simplement.

N’étant pas vraiment habitué à avoir quelqu’un chez moi, faisant appel à mon expérience datant de dix ans auparavant, je décidais de lui préparer quelque chose à boire. J’allais dans la cuisine, le laissant passer son coup de fil. Je lui étais vraiment reconnaissant de rester et me sentais déjà un peu mieux. Les coups que j’avais reçu étaient douloureux, mais la prison m’avait appris à les encaisser et à mieux les supporter. Alors que je m’activais à faire chauffer l’eau, je perçus Gabriel s’accouder à l’encadrement de la porte, ayant passé son coup de fil.

- Tu devrais soigner ça, déclara-t-il alors en s’approchant et en touchant délicatement du doigt la plaie que j’avais sur la tempe et de laquelle s’échappait du sang qui maculait ma joue.

- Oh… Oui, j’y vais, répondis-je d’une petite voix hagarde.

A vrai dire je ne me sentais pas très bien. Je m’étais vraiment forcé à aller lui préparer ce thé. La seule chose à laquelle j’aspirais, c’était m’asseoir et me remettre doucement. Il sembla s’en apercevoir, car il me prit la main et me guida jusqu’au canapé où il me força à m’asseoir, m’arrachant un hoquet de surprise.

- Reste là, m’ordonna t-il d’une voix ferme avant d’aller chercher la trousse à pharmacie dans la salle de bain.

Je me sentais encore plus gêné de lui imposer tout cela. Jamais je n’aurais pu me soigner seul dans mon état, et l’hôpital n’était pas une solution possible pour moi. Il revint quelques secondes plus tard, et s’assit en face de moi. Avec une délicatesse qui me surprit de sa part, il entreprit de nettoyer ma plaie. Puis brisant le silence, il me demanda d’une voix étrangement douce :

- Alors, qui était-ce ? Apparemment, il avait l’air de bien te connaître !

Je pris sur moi, je lui avais dit que je parlerais. C’est avec beaucoup de difficulté, me contenant déjà de pleurer que je disais :

- C’était le… le frère de Killian…

Prononcer son nom me faisait toujours le même effet. Les larmes coulèrent de mes yeux sans que je sache les retenir.

- C’était ? demanda-t-il intrigué.

Je ne pouvais me résigner à dire mort et Killian dans une même phrase. Après toutes ses années je n’avais toujours pas accepté sa mort, alors que c’était moi qui avait mis fin à ses jours. Peut-être que c’était ce qui rendait la chose plus difficile à accepter.

S’il y avait bien une chose que je voulais changer dans ma vie, une action sur laquelle revenir et la modifier intégralement, c’était bien celle-ci. Chaque jour je me sentais un peu plus coupable. Le frère de Killian n’avait fait que rendre apparente ma véritable peine. Si je pouvais sentir la souffrance des autres, la mienne était tout aussi pénible. Face aux larmes qui inondaient à présent mes joues, Gabriel ajouta :

- Il est mort ?

Je ne pus que hocher silencieusement ma tête, sentant mon âme hurlée à l’intérieur de mon corps à l’entente de ses mots. J’étais loin d’avoir fait mon deuil et rien ne m’avait aidé à le faire. Je traînais lamentablement mon passé avec moi. Gabriel n’avait rien ajouté après ça, et le silence devenait de plus en plus insupportable. Je me sentais plonger et si je ne voulais pas craquer devant lui, je devais à tous prix changer de sujet. Je pris la parole, après plusieurs minutes de silence gêné, changeant radicalement de sujet :

- Pourquoi es-tu ici ?

C’était vrai après tout, qu’est ce qui l’avait amené ici ? Ses joues s’empourprèrent violemment face à la question que je lui avais posé, et perdant toute consistance il murmura en bredouillant :

- Je… J’étais venu m’excuser pour mon comportement… L’autre jour, à l’hôpital… Donc voilà, je… Je m’excuse…

- J’apprécie ton geste, répondis-je, extrêmement touché par son geste. Et puisque le moment en est aux remerciements et au pardon, je voudrais te remercier pour ce que tu as fait tout à l’heure. Tu n’y étais pas obligé et pourtant, malgré nos différents, tu l’as fait quand même. De plus, tu as accepté de passer la nuit ici… alors merci, merci pour tout…

Le silence retomba. Je n’aurais pas été capable de tenir la conversation plus longtemps. Mes forces s’amenuisaient de seconde en seconde. Je le sentis alors porter son attention sur moi, me détaillant comme s’il me voyait pour la première fois. C’était peut être vraiment le cas, après tout, l’attention qu’il m’avait porté jusque là n’était pas extraordinaire. Ses yeux bleus foncés posés sur moi étaient finalement très agréables. Ce n’est pas en prison que j’avais connu ce genre d’attentions toutes simples. Je le sentais m’observer et pourtant il semblait être gêné de le faire, comme si la chose lui était interdite.

Cela commençait à me faire sérieusement douté de son orientation sexuelle, et me demandais si sa souffrance n’y était pas liée. J’avais encore le temps de trouver ce qui le rongeait, et ce n’était surtout pas le moment, j’étais loin d’être en état pour commencer à l’aider ou le faire parler.

A vrai dire, je n’étais pas dans un meilleur état que lui. Je ressentais maintenant un manque de Killian comme je n’en avais pas ressenti depuis longtemps. Dire que j’étais le seul responsable de sa disparition de cette absence mêlée de solitude que je ressentais chaque jour depuis qu’il nous avait quitté.

Alors qu’il continuait à me regarder, je le vis soudain s’écarter vivement comme s’il s’apercevait uniquement maintenant de ce qu’il venait de faire. Je lui adressais tout de même un regard interrogateur, me demandant pourquoi il réagissait de la sorte à sa propre attitude. Que cachait-il pour craindre de regarder les hommes ? Troublé par mon regard, il se leva et déclara d’une voix mal assurée :

- Je vais faire à manger, tu devrais te reposer pendant ce temps…

Sans attendre une réponse de ma part, il prit la direction de la cuisine. Je n’aurais jamais pensé qu’en si peu de temps il fasse autant de choses pour moi. Après tout, il ne me devait rien. Je profitais de son absence pour me laisser aller dans le fauteuil et fermer les yeux, profitant de ce temps pour me remettre les idées en place et éviter d’être totalement déstabilisé devant lui. Je n’arrivais cependant pas à ôter Killian de mon esprit. Se mourir d’amour pour quelqu’un plus de dix ans après sa mort, je m’en trouvais pathétique. Mais pouvais-je faire autrement ?

La prison m’avait laissé seul avec moi-même à ressasser l’événement le plus dur de toute ma vie. Jugé coupable de sa mort, je n’ai jamais cherché à le nier, car c’était réellement le cas. Je pris plusieurs fois de profondes inspirations, tentant de ramener en moi le calme. Peu à peu, j’arrivais à reprendre vraiment le contrôle de moi-même, me sentant un peu mieux. Mon corps meurtri allait être bien plus douloureux demain, mais ce n’était vraiment pas ce qui me gênait.

Ce qui m’inquiétais, c’était de savoir que maintenant le frère de Killian savait où je logeais, et reviendrait à l’attaque dans peu de temps. Vivre dans la crainte du lendemain n’était vraiment pas souhaitable. J’avais pourtant tout fait pour disparaître.

Lorsque j’entendis Gabriel revenir de la cuisine pour me chercher, je me redressais et le fixais, amusé de voir que mon regard le mettait mal à l’aise. S’il ne savait pas que je pouvais lire en lui, il sentait que quelque chose clochait et finissait par en être assez mal à l’aise.

- Tu viens manger ? Le repas est prêt, déclara-t-il simplement tentant de me masquer son trouble que je perçus bien évidemment sans aucun problème.

Il avait dressé la table, et préparé un petit repas simple. J’avais vraiment perdu l’habitude de cette vie à deux. Même si nous n’avions vécu que quelques années ensemble avec Killian, il me restait ce souvenir, cette impression…

Vu de l’extérieur en cet instant, nous semblions avoir l’air d’un jeune couple, et cela troubla tant Gabriel que le rouge lui monta aux joues. Je ne pus que sourire lorsque je le vis détourner le regard, il était en train de perdre toute crédibilité. Je découvrais une autre facette de lui, qui était très attendrissante, changeant de son air fier et arrogant. Seul avec moi, il ne semblait pas parvenir à garder son masque.

Inconsciemment il devait percevoir que j’en savais plus sur lui qu’il ne l’imaginait. Sa nourriture était très agréable, cela changeait de ce que j’avais pu manger en prison pendant toutes ses années. Seulement je devais avouer que je me sentais un peu mal à l’aise, n’ayant plus l’habitude de ce genre de repas assez intime.

Nous mangeâmes dans un silence religieux, seulement brisé par le bruit des couverts. Gabriel était plongé dans ses pensés, et ce silence me convenait parfaitement. A la fin du repas, il m’aida à débarrasser la table, et pendant que je faisais la vaisselle, il alla dans le canapé et regarda la télévision. Je le rejoignis peu de temps après, le trouvant absorbé devant une émission sur les peuples nomades. Sans bruit, je pris place à ses côtés. Il remarqua à peine ma présence, trop plongé dans son émission.

Je laissais aller à mon tour mon regard sur ces images de paysages qui semblaient faire rêver Gabriel. Peu à peu, sentant toute ma fatigue, mes paupières commencèrent à se fermer, et sans trop m’en rendre compte, je m’endormi, laissant tomber ma tête sur l’épaule de Gabriel. Le repos serait la seule chose qui pourrait m’aider dans le cas présent. Mon sommeil fut sans rêve particulier, mais ne fut pas d’un réel repos.

Couché ainsi en contact avec Gabriel, je ressentais même endormi, des émotions qui n’étaient pas les miennes, si bien que je restais finalement lié à la réalité, ne parvenant pas à atteindre le sommeil. Je ne connaissais pas vraiment le fond de sa pensée, mais je ressentais le profond trouble qui émanait de lui.

Peu à peu j’avais l’impression de me sentir tirer vers le fond de sa tristesse qui m’envahissait sans que je ne puisse rien faire pour l’arrêter. La tristesse était tellement forte que j’avais comme une envie de pleurer. Ce fut finalement par les sanglots bruyants de Gabriel que je fus tiré de mes songes. Je me réveillais donc en sursautant, faisant maintenant la nette séparation entre mes sentiments et les siens. D’une voix ensommeillée qui trahissait mon inquiétude je lui demandai :

- Gabriel ? Que se passe-t-il ?

Sans trop réfléchir, encore dans un demi-sommeil je posais ma main d’un geste hésitant sur son épaule, pour le retirer vivement. J’avais ressenti une douleur si vive qu’elle s’irradiait encore dans tout mon corps.

Je jurais intérieurement contre mon manque de prévoyance, et surtout contre l’hypersensibilité que je connaissais avec lui. J’étais une véritable éponge avec Gabriel. Un seul cas avait été similaire, et il était maintenant six pieds sous terre par ma faute. Prenant sur moi et instaurant cette fois-ci des barrières mentales plus solides, je posais ma main sur son épaule, résistant contre l’attaque de sa souffrance aux portes de ma conscience.

Nous restâmes très longtemps ainsi. Il pleura comme il devait rarement le faire et pourtant il en avait tellement besoin. Lentement ma main allait et venait dans son dos, dans une optique de réconfort, sentant que cela lui faisait le plus grand bien. Peu à peu il se laissa aller, jusqu’à s’endormir dans mes bras, les yeux rougis par les larmes et la fatigue bien plus tard dans la nuit. Même si la position était inconfortable au vu des coups que je m’étais pris, pour rien au monde je n’aurais mis fin à ce contact. Il m’était finalement tout aussi bénéfique que cela l’était pour lui. Tout contre lui, je devais avouer que je me sentais protégé.

Je ne dormis que très peu, passant une bonne partie de la nuit à aspirer sa douleur en moi et à la rejeter. Je savais que cela ne ferait que le soulager un temps, mais il aurait moins de poids sur les épaules et pourrait demain matin parvenir à se lever sans sombrer. Je savais que je le payerai demain mais quelque part, je préférais m’occuper de sa souffrance, cela me détournait de la mienne, m’offrant un peu de répit.

C’était quelque part une réaction assez lâche, aider l’autre pour avant tout s’aider soit même, mais le résultat nous arrangerait tous les deux. Je me rendais compte, plongeant au plus profond de lui même, que sa douleur était bien plus vielle que je n’aurais pu l’imaginer, et je me demandais comme il avait pu tenir jusqu’ici. Mon envie de l’aider bien plus fut augmentée en cette simple nuit passée l’un contre l’autre. Ce n’est que très tôt le matin que je finis par m’assoupir à mon tour.

Un peu plus tard je ressentis une pression sur mon torse, et un poids qui en fut enlevé. J’ouvris les yeux, émergeant assez vite de mon sommeil, vestige de la prison qui me resterait encore longtemps. Lorsqu’il était temps de se réveiller là-bas, il était fortement conseillé de ne pas s’amuser à traîner au lit. Je l’avais compris très vite, et cette habitude me resterait encore bien longtemps, tout comme le réveil assez tôt certain matin, m’attendant à entendre la sonnerie commune ou le bruit de la porte dans la nuit.

Tous les souvenirs de la veille me revinrent en mémoire, et c’est avec un amusement non-caché que je vis Gabriel horrifié de nos positions respectives. Etendu sur moi, mon torse lui avait servi d’oreiller. Devant son air hébété, un sourire amusé vint prendre naissance sur mes lèvres. Pris de panique, il tenta de se lever, mais sa tentative échoua lamentable. Nos jambes entrelacées l’en avaient empêché. Je faillis éclater de rire lorsqu’il se mit à rougir de plus belle.

Je tentais de reprendre mon sérieux, ne voulant pas le blesser dans sa fierté, trouvant en plus cela inutile vu son état de la veille. Nos rapports s’étaient largement améliorés et je ne voulais pas retourner en arrière. D’une voix douce et calme, je lui demandais :

- Ca va mieux ?

Il me lança un regard intrigué, ne semblant savoir où je voulais en venir. Voulant l’aider à se souvenir, je déclarais :

- Tu ne te souviens pas ? Cette nuit, tu t’es endormi dans mes bras après avoir pleuré…

Je n’avais pas besoin de mes aptitudes pour voir qu’il était en train de mourir de honte. Loin de moi cependant, l’idée de me moquer de lui, au contraire, mine de rien, je m’inquiétais pour lui. Un sourire amusé étirant mes lèvres je m’exclamais :

- Tu comptes te lever un jour ?

Réalisant alors notre position, il s’empourpra pour la seconde fois consécutive, et se hâta de se lever. J’en fis de même, en m’étirant longuement, dans un bâillement prononcé que je lui transmis. Amusé, je lui souris avant de prendre la parole :

- Tu veux manger quelque chose ?

Il hocha silencieusement la tête en signe d’acquiescement et il m’emboîta le pas à la cuisine. Comme je l’avais prédit la veille, mon corps était assez douloureux, mais l’habitude me permit de ne montrer aucun signe extérieur. Je survivrais très bien de toute façon.

Ce qui m’inquiétait c’était plutôt l’idée d’avoir à faire de nouveau au frère de Killian, et maintenant cette crainte serait à mes côtés chaque jour. Je fis chauffer l’eau dans la bouilloire, et posais sur la table le reste de pain et trois pots de confiture à moitié vides.

Sur mon invitation, il se sortit un bol et fouilla dans le placard. Bien que Dorian m’est un peu rempli le placard, il fallait à tout prix que j’aille faire les courses. Il revint à table avec un pot de Nutella à moitié vide et entreprit de se préparer sa tartine. Je ne mangeais pas beaucoup, n’ayant pas vraiment faim. Mine de rien, l’angoisse me coupait l’appétit. Je regardais Gabriel avec un sourire amusé s’appliquer à ne laisser aucun bout de brioche vierge de chocolat. Le voir tant appliqué dans sa tache, lui donnait un air enfantin qui changeait une fois de plus son image.

Une fois que cela fut fait, il lécha consciencieusement la petite cuillère avant de la reposer toute propre à côté de son bol. Nous mangeâmes silencieusement, jusqu’à ce que je lui demande :

- Alors cela fait combien de temps que tu travailles avec les chevaux ?

Apparemment surprit de ma question, il releva la tête de son bol et me fit face, affichant un regard assez sceptique. Pourquoi cherchait-il à ce point à ce que je moque de lui. Il mit un temps à comprendre qu’il n’y avait que de la simple curiosité dans ma question et il se décida enfin à me répondre :

- Je monte depuis que j’ai fait la connaissance de Philippe, soit un peu moins de sept ans. C’est grâce à lui que j’en suis là aujourd’hui, répondit-il.

- En tout cas, je suis impressionné par ton savoir-faire. Tu as l’air tellement à l’aise en leur compagnie…

Ma réflexion le fit sourire. Il semblait que j’avais visé juste. Je me remémorais Gabriel sur sa monture et la complicité qu’il avait avec ces animaux. Il sembla apprécier ma remarque, car cela le poussa à se prendre à la conversation. Il me demanda :

- Et toi ? Tu n’as pas l’air de t’y connaître beaucoup avec les chevaux. Tu faisais quoi avant ? Pourquoi avoir décidé de te lancer dans quelque chose dont tu ignores tout ?

Pris au piège par sa question, j’hésitais avant de répondre le premier mensonge qui me passa par la tête :

- Je… Je travaillais dans une entreprise d’informatique. Quant à savoir pourquoi je me suis lancé dans le domaine du cheval, je… C’est un peu une sorte de défis que je me suis lancé, de… De repartir à zéro et recommencer une nouvelle vie…

Je ne racontais pas que des histoires, il y avait du vrai dans ce que je disais. Repartir à zéro… Recommencer une nouvelle vie…C’était mon rêve le plus fou, et pourtant il me semblait depuis hier soir irréalisable. Je commençais à perdre l’étincelle d’espoir qui était né en moi depuis le premier jour où j’étais sorti de prison. Il ne sembla pas trop s’attarder sur mon hésitation et me sourit tout en déclarant :

- Si toi tu n’y connais rien en matière de cheval, moi c’est bien l’informatique et la technologie qui me font défaut ! C’est à peine si je sais comment fonctionne mon téléphone portable !!

Sa remarque me fit sourire, j’espérais tout de même qu’il ne vienne pas un jour me demander un conseil à ce sujet. Nous terminâmes notre petit déjeuner en silence. Puis, sur mon invitation, il alla prendre une douche rapide. J’allais lui chercher parmi les quelques vêtements que je possédais quelques uns et les lui posait au pied du lit.

Il me rejoignit peu de temps après, prenant place à mes côtés sur le canapé, et il déclara :

- Merci pour les vêtements.

- Je t’en prie, lui répondis-je en lui adressant un sourire qui se voulait le plus vrai possible. Bon, je vais me doucher, ajoutai-je.

Il ne répondit rien et alluma la télévision le temps que j’aille me laver. Je ne perdis pas mon temps, fermant les yeux sur les quelques bleus qui parcouraient mon corps. Certains endroits étaient plus douloureux que d’autres, mais pas au point de ne pouvoir bouger. Pour une fois j’étais redevable de mes années en prison, qui m’avait permis d’acquérir une certaine résistance.

Lorsque je fus prêt, nous quittâmes l’appartement et partîmes en voiture jusqu’au centre. Le trajet s’effectua dans le silence le plus total et pourtant, cela était loin d’être désagréable. Arrivé au centre, Gabriel gara sa voiture dans la cours, et alors qu’il allait descendre, je l’interpellais :

- Gabriel !

Il se retourna me lançant un regard interrogateur, me laissant le temps de poursuivre :

- Merci !

Il ne me répondit rien, ne m’adressant qu’un hochement de tête, et quitta la voiture. Après avoir fermé la porte de la voiture, il alla rejoindre Philipe qui lui avait sourit de la fenêtre de son bureau, me laissant seul. J’allais directement accomplir mon travail, saluant aux passages les autres employés. Je commençais donc, sachant que cela me permettrait de penser à autre chose et me ferait peut être oublier cette peur qui me prenait au ventre. Plongé dans mon travail, je n’entendis qu’après le deuxième appel, un autre employé :

- C’est bien toi Juha ?

Redressant la tête vers l’homme qui m’adressait la parole, je répondis simplement :

- Oui pourquoi ?

- Philipe veut te voir dans son bureau…

- Hn, merci de m’avoir prévenu.

- De rien, je n’ai fait que répondre aux ordres du patron.

Il repartit aussi vite qu’il était venu, sans un signe amical à mon égard. Il dégageait même quelque chose de plutôt négatif. Un frisson me parcourut le dos. Je lâchais donc ce que j’étais en train de faire, et me rendit directement jusqu’à son bureau. Je ne pus m’empêcher de m’inquiéter légèrement, ne sachant pas trop à quoi m’attendre. Arrivé à la porte, je frappais plusieurs petits coups secs. Ce fut lui qui m’ouvrit la porte, avec une voix chaleureuse qui fit baisser un peu mon stress :

- Et bien, rentre mon garçon…

Je pris place sur son invitation en face de son bureau. Il sortit un papier, qu’il posa sur son bureau, puis reporta toute son attention sur moi en me disant :

- Alors tu te plais ici ?

- Je… Oui… répondis-je surpris par la question.

- Tu as rencontré quelques soucis hier ?

Mon cœur s’emballa aussitôt, désirait-il me renvoyer ? Gabriel lui avait-il tout dévoilé ? Ma place ici était maintenant fortement compromise. Je dus devenir blanc comme un linge car il reprit la parole et me demanda :

- Ne t’inquiète pas, je veux juste savoir si tout va bien…

Je ne répondis qu’un petit oui, n’ayant pas le cœur de vraiment mentir. Je n’avais pas vraiment envie d’aborder ce sujet un fois de plus.

- Cette coupure sur la tempe… C’est lié à ton passé ?

Je hochais affirmativement la tête.

- Très bien Juha, je ne vais pas te dire ce que je pense de tout cela, ni émettre mon avis là-dessus. Je ne t’ai d’ailleurs pas convoqué pour cela. Je suis d’accord pour t’embaucher à plein temps, car je suis très satisfait de ton travail. Bien que tu n’y connaisses pas grand chose, tu apprends vite et tu es efficace. Du moment que tout ce qui est lié à ta vie personnelle n’interfère pas sur ton travail, alors je ne vois pas en quoi cela me gênerait. Es-tu d’accord pour signer ce contrat avec moi aujourd’hui ?

Je fus envahi d’un profond sentiment de reconnaissance vis à vis de ce que venait de faire Philipe pour moi. Rares étaient les hommes aussi bon, et j’étais content d’en avoir croisé un sur ma route. Grâce à lui, je pouvais tenter d’emprunter le chemin pour me reconstruire. Il m’offrait vraiment une seconde chance, et j’étais prêt à la saisir. Un sourire illumina mon visage et je lui répondis le seul mot qui me vint à l’esprit :

- Merci !

Il me tendit le papier à signer. Après une rapide lecture du contrat, faisait confiance à Philippe, je le signais. Je reposais le stylo et le papier sur le bureau. Le silence retomba entre nous deux jusqu’à ce que Philippe ne dise :

- Gabriel a dormi chez toi ? Vos rapports s’améliorent nettement. Je suis content. Je ne sais pas pourquoi, mais ta présence ne peut que lui être bénéfique.

Sa dernière remarque me laissa songeur et il le remarqua immédiatement, me demandant :

- Quelque chose ne va pas Juha ?

- Non c’est juste que…

- S’il y a un problème, n’hésite pas à m’en parler, qu’est ce qui te tracasse ?

Je décidais de ma lancer, après tout, je n’avais rien à perdre :

- C’est au sujet de Gabriel … Hier soir… Ou plutôt dans la nuit.

Je marquais une pause, hésitant un peu tout de même. Philipe m’invita du regard à poursuivre, chose que je fis après un légèrement inspiration :

- Il s’est mit à pleurer sans raison, pendant un bon moment… soufflais-je.

Je vis aussitôt Philipe pâlir devant moi. L’inquiétude qui émanait de lui était si forte que je ne pouvais la sentir sans même le toucher. Cela ne fit que me communiquer son inquiétude. Cela ne faisait que confirmer mes craintes. Je n’osais pas lui demander cette fois-ci l’origine de tout cela, bien que Philipe semblait connaître parfaitement Gabriel. Philippe se redressa et me dit assez rapidement :

- Merci de m’avoir prévenu Juha. Ne t’inquiète pas pour lui. Je vais aller le voir.

C’est ainsi que nous sortîmes du bureau côte à côte. Je m’arrêtais avant lui dans le box voisin, gardant avec moi une part de son angoisse à propos de Gabriel. Gabriel était dans le box voisin, si bien que je pus suivre la conversation discrètement. J’entendis Philippe lui demander :

- Tout va bien mon garçon ?

Gabriel se contenta de répondre un simple oui, qui ne convint pas à Philippe qui insista :

- Tu es certain ? Tu me parais fatigué en ce moment, tu te surmenages trop, peut être devrais-tu prendre quelques jours de repos…

- Non ! répondit-il assez sèchement. Ca va je t’assure ! C’est inutile de t’inquiéter, je vais bien le coupa-t-il précipitamment.

Je doutais clairement de ses paroles, tout comme Philippe devait le faire.

- Justement, je… Je pense que tu devrais annuler ta participation à ce concours…

Maintenant lié à Gabriel, je pus ressentir sa colère l’envahir. Il s’écria alors :

- C’est hors de question ! Je ne m’arrêterais pas aussi prêt du but ! J’ai bossé comme un dingue pour en arriver là, ne me demande pas de faire demi-tour maintenant.

Je savais à présent que rien ne l’arrêterait tant sa détermination était forte. Avec calme et patience, Philipe lui répondit :

- Je ne te demande pas de tout arrêter Gabriel, ne déforme pas mes paroles. Je te conseil juste d’annuler ce concours ! Tu auras d’autres occasions, de faire tes preuves.

- N’insiste pas Philippe, tu sais très bien que c’est inutile avec moi. J’ai pris ma décision et je ne reviendrais pas dessus, répondit-il intransigeant.

Il était maintenant très en colère, et ne faisait rien pour le cacher. Il quitta alors l’écurie, sans un regard pour moi lorsqu’il passa devant moi, pestant intérieurement. Philippe m’interpella alors, plus qu’agacé par l’entêtement de Gabriel :

- Juha ?

- Oui ?

- Je sais que ça va pouvoir te sembler bizarre que je demande cela mais peux-tu me rendre un grand service ?

- Bien sûr répondis-je aussitôt, comprenant qu’il s’agissait d’une chose liée à Gabriel.

- Est ce que tu peux faire attention à lui. Maintenant que vous vous êtes un peu rapproché, est ce que tu peux faire attention à ce qu’il n’aille pas au delà de ses limites et me prévenir s’il a vraiment un problème.

Je souris à sa demande. On aurait vraiment dit qu’il était en train de me confier son fils. Je répondis d’un hochement de tête, et il me rendit mon sourire avant de me remercier et de me souhaiter une bonne journée et de reprendre ses activités. N’ayant rien à faire de particulier, je décidais d’aller voir Gabriel monter son cheval dès que j’aurais fini ce box.

C’est ce que je fis, un quart d’heure plus tard, m’installant silencieusement sur le banc au bord de la carrière. Il ne s’aperçut pas vraiment de ma présence, trop concentré sur ce qu’il faisait. J’aurais pu le regarder monter pendant des heures. Je n’y connaissais rien et pourtant j’étais envoûté par ce spectacle. Ainsi, Gabriel était plus beau que jamais. Une heure plus tard, il mit fin à reprise, et descendit de cheval. Ce n’est que lorsqu’il sortit de la carrière qu’il s’aperçut de ma présence. Sans caché sa surprise, me voyant l’observer en souriant, il me demanda avec son tact habituel :

- Quoi ?

- Rien, je regarde juste ce que tu fais, répondis-je sans me départir de mon petit sourire qui, je le savais maintenant, avait le don de le mettre mal à l’aise.

Il me répondit rien, et prit la direction de l’écurie. Je lui emboîtais le pas, et c’est côte à côte que nous arrivâmes au box d’Orphée. Je pouvais ressentir, en plus de le regard, la surprise et l’étonnement des palefreniers et des moniteurs. Nous voir ainsi tous les deux, après avoir assisté à nos récurrentes prises de bec était effectivement surprenant. Je ne prêtais guère plus d’attention à eux.

 Alors que Gabriel était en train de s’occupé d’Orphée, j’étais accoudé contre le porte du box. Sa colère était encore là, mais elle était maintenant mêlée à pleins d’autres sentiments. Je finis par briser le silence qui s’était installé entre nous :

- Alors comme ça, tu prépares un concours ? Je… Je t’ai entendu en parler avec Philippe tout à l’heure, avouais-je, face au regard qu’il me lançait, omettant volontairement quelques détails.

- Hn… Oui, se força-t-il à répondre. Il est dans quinze jours.

J’étais moi-même étonné des progrès de notre relation. Il y avait à peine vingt-quatre heures nous nous ignorions encore. Prenant vraiment part à la conversation, je lui demandais :

- C’est un concours de quoi ? C’est ce que tu faisais toute à l’heure avec Orphée ?

- Oui, je lui faisais revoir les figures qui sont évaluées lors du concours…

- Tu as peur ? demandais-je sachant pertinemment que c’était le cas.

- Un peu m’avoua-t-il. Je m’entraîne depuis longtemps et ce concours c’est vraiment la chance de ma vie. Le remporter c’est un peu prouver à tous que je suis capable autant qu’eux de faire quelque chose et de parvenir au bout de mes ambitions. Je ne suis pas particulièrement intéressé par le prix du concours pour l’argent à proprement dit, mais il est vrai que la somme promise me permettrait de me lancer dans mon projet. C’est pour cela qu’il me tient tant à cœur… Tu vas peut être trouvé ça bête mais…

- Non, m’exclamais-je alors, je ne trouve pas ça bête, au contraire. Tu as de l’ambition c’est bien, cela prouve que tu sais ce que tu veux faire de ta vie, tu es acteur et non spectateur de ta vie comme beaucoup le sont.

Il représentait ce que je n’avais jamais eu le courage de faire depuis dix ans. Je ne faisais maintenant que me laisser porter. J’avais eu foi dans la vie avec Killian et maintenant je n’arrivais plus à retrouver ce qui pouvait me pousser à avancer par moi-même. Je ne pouvais donc qu’être admiratif de Gabriel.

- Hn, répondit-il simplement, méditant apparemment sur ce que je venais de lui dire.

- Quel est ton projet ? Demandais-je alors.

- Hein ? me demanda-t-il, semblant ne pas avoir écouté ma question.

- Tu parlais d’un projet toute à l’heure. C’est quoi ce projet ?

- Je voudrais faire un élevage de chevaux américains comme Orphée et les entraîner pour devenir des champions… J’aimerais avoir mon propre ranch, être mon propre patron et ne pas avoir à travailler pour les autres. Je ne dis pas que Philippe est un mauvais patron, au contraire, mais ce n’est pas pareil. Travailler pour soi c’est en quelque sorte un défi que l’on se lance… Et puis, c’est aussi une preuve que les rêves peuvent parfois devenir réalité… Et toi, me demanda t-il, après un instant de silence, tu as un rêve que tu aimerais réaliser ? Un projet d’avenir ?

L’avenir… Ce mot me semblait bien fermé. Le frère de Killian venait en plus de l’obscurcir encore plus. Et puis, au plus profond de moi-même, je m’interdisais de penser à quelque chose de joyeux pour le futur. J’avais ôté la vie de la personne que j’aimais plus que tout, plus que moi-même, et la culpabilité était bien trop forte pour relever la tête. De plus, je venais tout juste de sortir de prison, alors quel projet d’avenir envisager… Je répondis hésitant, en même temps que je pensais :

- Moi ? Euh… Si tu as un but précis, moi contrairement à toi, à défaut bien sur, je me laisse porter par la vie pour le moment. Il me faut un peu de temps pour m’en re… pour aller de l’avant. 

Nous aurions pu arrêter cette conversation ici, et tout serais allé, mais il fallut que Gabriel me demande, non sans une certaine hésitation :

- C’est… C’est à cause de Killian ?

Entendre son prénom me faisait l’effet d’un poignard planté en plein cœur. J’avais mal et je ne pouvais cacher cette douleur à Gabriel. Je ne pus répondre à sa question que par le silence. Je me trouvais ridicule d’être déjà en train de retenir mes larmes. Gabriel reprit alors la parole, semblant embêté de m’avoir posé cette question :

- Désolé, je ne voulais pas te blesser. Cela ne me regarde pas…

- Ce n’est rien, répondis-je d’une petite voix tremblante que je ne parvenais pas à contrôler. Oui… C’est lié à… à Killian…

- Cela va sûrement te paraître indiscret comme question, tu n’es pas obligé de répondre, mais il est mort depuis combien de temps Killian ?

- Cela va faire onze ans le mois prochain, répondis-je après quelques secondes de silence.

- Il serait peut être temps de passer à autre chose, tu ne crois pas ?

- Je… Je sais, mais c’est toujours plus facile à dire qu’à faire… Il y a parfois des circonstances qui font que même si je souhaitais oublier, je ne peux pas…

Je n’allais certainement pas lui donner la raison, mais comment oublier la mort de son amour alors même que c’était vous l’assassin. Je m’en voulais finalement de lui en cacher autant et de ne pouvoir être pleinement moi-même. La conversation commençait à glisser sur un terrain dangereux, et heureusement que nous entendîmes Dorian appeler Gabriel de l’autre côté de l’écurie :

- Gabriel ?

- Je suis là, répondit-il sans pour autant sortir du box.

- Dis, tu as du temps libre devant toi ? lui demanda Dorian.

- Je peux arranger ça pourquoi ?

- Il faudrait que tu pares les pieds de Kadaj ! On part en promenade cet après midi et il manque un cheval…

Je me sentais totalement étranger à la conversation, ne comprenant pas tout le vocabulaire que tous deux employaient. Gabriel répondit :

- Hn… Je m’occupe de ça après avoir fini avec Orphée…

- Merci c’est super sympa ! S’exclama-t-il. Hey, mais vous vous êtes toujours pas entretués ? Ajouta-t-il avec un air cynique qui je le sentis ne plut pas du tout à Gabriel. J’aurais dû me douter qu’avec sa gueule d’ange et son cul de dieu, je ne le garderais pas longtemps…

Je me sentais horriblement gêné qu’il dise cela devant Gabriel. A dire cela, Dorian venait de baisser dans mon estime. Heureusement Gabriel lui répliqua sèchement, prenant indirectement ma défense et la sienne.

- Ce n’est pas parce que tu collectionnes les conquêtes d’un soir et les culs des mecs qu’on est tous comme toi ! Heureusement qu’il reste encore quelques mecs bien qui ont encore une morale et savent l’utiliser et l’appliquer à bon escient.

J’aurais espéré me tromper et pourtant ce n’était pas le cas : la jalousie qui émanait de Dorian était assez forte pour que je la ressente de là où je me tenais. Ainsi, il était jaloux de la nouvelle relation que je débutais avec Gabriel. Il n’avait rien à craindre, je ne faisais que l’aider, je ne voulais pas m’investir sentimentalement, sachant les risques que cela entraînerait. Killian l’avait payé de sa vie.
Dorian ne répondit rien à Gabriel mais se tourna vers moi et demanda :

- Tu veux que je te ramène ce soir ?

- Oui, je veux bien, merci.

A vrai dire, avec ce qu’il s’était passé hier, je n’avais aucune envie de rentrer seul.

- Tu es bien arrivé ce matin ? Pas trop longue la route ?

- Non, c’est… Gabriel m’a amené… dis-je hésitant.

C’est alors qu’il sembla remarquer un détail car il s’approcha de moi et l’observa longuement, réussissant à me mettre mal à l’aise :

- Mais, vous vous êtes battus ? Demanda-t-il surpris.

Mon cœur s’emballa, je ne voulais surtout pas qu’il sache. Que Gabriel soit au courant, cela suffisait largement. Aussitôt, je cherchais une excuse, mais je ne parvenais pas à en trouver une plausible. C’est bredouillant que je finis par répondre :

- Non, ce… C’est rien, je… Je me suis prit l’angle d’un placard…

C’était l’excuse la plus nulle et ridicule que l’on pouvait trouver. Je vis Dorian lancer un regard sceptique et accusateur à Gabriel qui le soutint sans sourciller. Je lui étais grandement reconnaissant de ne pas dévoiler ce qui s’était passé hier et de garder le secret.

C’est avec soulagement que je vis que Dorian n’insista pas. Après un dernier regard à mon égard qui me mit encore plus mal à l’aise, il tourna les talons et quitta les lieux.

Je restais encore avec Gabriel, le regardant aller chercher un morceau de pain pour sa monture. Puis il attrapa un licol et alla chercher Kadaj au pré. Je le suivis, voulant profiter encore un peu de sa compagnie qui était depuis hier soir très agréable. Gabriel ne fit aucun commentaire. Il était toujours impressionnant de le voir évoluer avec les chevaux.

Dix minutes plus tard, Kadaj était attaché et mangeais tranquillement dans son filet à foin, tandis que Gabriel se préparait à le ferrer. Je pris place à quelques pas de là, pouvant ainsi l’observer sans le gêner. Assis sur une balle de paille, je restais attentif au moindre de ses gestes. Si Gabriel était d’abord mal à l’aise, il finit par ne plus faire attention à ma présence et commença à limier le pied de l’animal. Etonné, et voyant cela pour la première fois je craquais au bout de quelques minutes et lui demandai :

- Qu’est ce que tu fais ?

- Je lui pare les pieds, afin de pouvoir le ferrer.

- Tu peux pas poser le fer tout de suite ? Demandais-je.

- Non, il faut vérifier les aplombs avant…

Mes questions trahissaient mon manque de connaissance et je lui étais reconnaissant de me répondre. Profitant de sa bonne volonté je continuais :

- Et ça lui fait pas mal ?

- Non, pourquoi veux-tu que cela lui fasse mal ? Cela te fait mal toi quand tu te coupes les ongles ?

- Euh… non…

- Et bien pour lui c’est la même chose, répondit-il patiemment.

Le silence s’installa une nouvelle fois. Je savais que je posais beaucoup de questions, mettant les nerfs de Gabriel à rude épreuve. Mais pendant dix ans je n’avais rien vu du monde extérieur et ma curiosité était maintenant accrue. C’est pourquoi je ne résistais pas à demander encore :

- Cela fait longtemps que tu sais faire ça ?

- Plus ou moins… Trois ou quatre ans pas plus…

- Oh… Tu as besoin d’aide ?

Fatigué par mes questions incessantes Gabriel arrêta ce qu’il était en train de faire pour se redresser et me faire face :

- Tu as pas du boulot à terminer ?

Blessé, je répondis simplement :

- Euh…excuse moi de t’avoir dérangé…

Alors que je commençais à m’éloigner, j’entendis Gabriel pousser un soupir d’exaspération et de la lassitude avant de déclarer :

- Tu peux rester… mais tais-toi !

- Promis ! Répondis-je en retournant m’asseoir sur la balle de paille.

Une heure et demi plus tard, ou pas une seule fois je ne posais une question, il eut enfin fini de ferrer Kajad. Après de longues caresses pour le remercier de sa patience et de sa gentille, Gabriel le ramena au pré. Je le suivis, tout aussi sagement que je l’avais observé. Nous nous rendîmes ensuite côté à côté au réfectoire. J’avais de plus en plus de facilité à me faire à sa souffrance. Maintenant identifié à lui, j’arrivais à faire la très nette séparation entre mes sentiments et les siens.

Certes cela me demandait de l’énergie, mais cela valait le coup. Sa présence était en réalité très agréable. Assez solitaire, tout comme moi, nous passions de long moment sans échanger quoi que ce soit, se supportant l’un l’autre sans trop de difficulté. Dans le réfectoire, nous croisâmes Marion, mais Gabriel ne lui adressa qu’un regard désintéressé. Il continua son chemin et alla s’asseoir à table. Je pris place en face de lui. Nous mangeâmes silencieusement, échangeant de temps en temps quelques mots.
Dans l’après-midi, je retournais à mon travail, laissant Gabriel travailler seul.

La douleur était bien présente et était gênante au vu de mon travail physique, mais étant résistant, je parvins à la cacher aux yeux des autres palefreniers. Je ne vis à aucun moment Dorian, mais ne m’en formalisait pas davantage. 

Ce ne fut qu’en fin d’après-midi que je rejoignis Gabriel, le trouvant en train de graisser sa selle et son filet. Concentré sur sa tâche, il ne me vit pas arriver et sursauta lorsqu’il se rendit compte de ma présence. Il leva brusquement les yeux et vit le petit sourire moqueur que j’affichais. Il me lança un regard meurtrier pour la forme, qui ne me fit ni chaud ni froid, avant de reprendre son travail.

- Il faut le faire souvent, demandais-je par curiosité ?

Le voyant reposer son pinceau sur la table en soupirant de lassitude, je regrettais de lui avoir posé cette question. Il me demanda alors dans répondre à la mienne :

- T’en as pas marre avec tes questions ?

Puis, après un nouveau soupir, il répondit :

- Environ une fois par moi.

Satisfait de sa répondre, je n’ajoutais rien, sachant qu’il n’en supporterait pas plus et qu’il avait déjà fait beaucoup. Une chose était sur, je n’avais pas fini d’en baver avec son fort caractère. Je restais avec lui, jusqu’à ce que Dorian vienne me chercher :

- J’y vais, si tu veux que je te ramène c’est tout de suite ! déclara-t-il.

- J’arrive, répondis-je.

J’adressai un sourire à Gabriel et après un rapide « à demain », je partis en compagnie de Dorian. Nous montâmes dans la voiture, et partîmes en direction de nos appartements. Il y avait quelque chose qui clochait chez Dorian, et je n’aurais su dire quoi. Il me cachait quelque chose parmi sa foule de sentiments, et je n’arrivais pas à le desceller. Peut être était-ce aussi dû à ma fatigue…

J’inspirais profondément, tentant de faire le vide en moi pour recevoir ses émotions et les démêler les unes des autres. Il y avait d’abord la jalousie qu’il ressentait toujours envers Gabriel et notre relation naissance, et puis, cette attirance qu’il avait encore pour moi. Alors que j’étais concentré sur ses sentiments, Dorian me demanda :

- Alors, tu t’entends mieux avec Gabriel ?

- Oui, nos rapports se sont améliorés, me contentais-je de répondre.

Le silence retomba, laissant Dorian songeur, jusqu’à ce qu’il me demande :

- Ca te dit de passer boire un coup chez moi avant de rentrer chez toi ?

- Oui pourquoi pas, répondis-je sans trop réfléchir.

En réalité, j’avais surtout peur de rentrer chez moi. Je savais que son invitation n’était pas dénuée d’un certain intérêt caché, mais je pouvais très bien refuser. J’allais entrer dans son jeu, il voulait se jouer de moi, mais j’allais me servir de lui. Je savais que ce n’était pas bien, mais je ne voulais pas rentrer seul maintenant. La journée finie, Gabriel n’étant plus à mes côtés, je réalisais que ma peur de la veille ne m’avait pas quitté. J’avais l’impression d’être un condamné en sursis. J’en venais même à regretter d’être sorti de prison… Nous nous garâmes devant chez lui. Il me dit alors :

- J’ai quelques courses à faire, ça te dérange ?

- Non ça tombe bien, moi aussi, je n’ai toujours pas fait les miennes.

C’est ainsi que nous nous retrouvâmes dans le supermarché du coin une petite heure avant la fermeture à faire nos courses. Nous ne perdîmes pas de temps, tout aussi fatigué l’un que l’autre.

Rapidement nous nous retrouvâmes chez lui, en train de boire un verre, parlant de choses et d’autres, assis côte à côte dans son canapé. Je le sentais s’approcher au fur et à mesure de moi, mine de rien. Je faisais semblant de ne rien avoir remarqué. Une chose était sure, je ne lui céderai pas. J’avais passé une fois du bon temps avec lui, cela ne se reproduirait pas. De plus je n’étais vraiment pas en état, et n’avais aucune envie qu’il voit les hématomes qui parsemaient mon corps. 

Soudain, il me posa une question qui semblait lui trotter dans la tête depuis un moment :

- Comment ça se fait que Gabriel t’ai amené ce matin ? Que s’est-il passé en une nuit ? Tu lui as montré tes charmes.

Je répondis assez froidement :

- Ce qui s’est passé entre nous la dernière fois ne m’arrive pas tout le temps. Je ne couche pas avec n’importe qui, n’importe quand.

- Hum… C’est pas ce que j’aurais cru la dernière fois… D’ailleurs, je ne pense pas que je suis n’importe qui maintenant…

Il se rapprocha alors dangereusement de moi. Je n’aimais pas du tout sa manière de faire. J’en venais à me demander comment j’avais pu coucher avec cet homme. Je devais vraiment être en manque. Il glissa dans mon coup. Sentir son souffle chaud n’avait cette fois rien d’agréable, au contraire, je trouvais cela écœurant. Il me murmura, tentant de me chauffer, mais réussissant parfaitement à faire l’inverse :

- Ca ne te tenterait pas de…

Je m’écartais aussitôt, allant le plus loin possible de lui à l’autre bout du canapé.

- Non ça ne me tente pas ! Répliquais-je. Je suis venu boire amicalement un verre avec toi. Je ne suis pas uniquement là pour écarter les jambes quand tu en as envie !

Vexé, Dorian démarra au quart de tour et déclara :

- Que je sache, c’est toi qui t’es mis à poil devant moi la dernière fois !

Je ne répondis rien, sentant qu’il allait rajouter quelque chose dans peu de temps. Et c’est ce qu’il fit, laissant libre court à de la jalousie pure :

- Ca y est ?! Je ne te satisfais plus ? Tu as trouvé mieux ? Tu crois que tu va pouvoir baiser Gabriel ? Tu crois que ce petit con prétentieux vaut mieux que moi ?

- Tu délires complètement, dis-je très calme, ne répondant pas à son agressivité. Arrête de voir Gabriel partout, arrête de psychoter sur le sujet et surtout de juger Gabriel sans le connaître.

- Ah ça y est ! Parce que tu as passé un peu de temps avec lui, tu te prends pour son ami, son plus fidèle défenseur. Je vous souhaite tout le bonheur du monde tous les deux.

- Je te remercie Dorian. Jamais je ne t’aurais imaginé comme ça. Tu viens de me dévoiler ton vrai visage. Si je comprends bien, tout ce que tu as fait pour moi, c’était pour me baiser ? Tu croyais que j’allais continuer à coucher avec toi en échange de ton aide. Et bien je te souhaite une bonne nuit, tu peux cesser de faire tous ces efforts, maintenant que tu sais qu’ils sont inutiles.

Je me levais, attrapais mes courses dans la cuisine et sortit de chez lui sans un mot, le laissant méditer dans son salon à mes derniers mots. Je pensais rentrer chez moi, prendre une douche et aller me coucher après manger. J’avais beaucoup de sommeil en retard et je ne voulais surtout pas perdre bêtement mon travail pour de la fatigue. Je sortis donc dehors, saisi par le froid qui était arrivé en même temps que la nuit tombante.

Alors que je fis mes premiers pas à l’extérieur, je sentis comme une présence. Je ne mis pas longtemps à trouver qu’elle ressemblait étrangement à celle de la nuit derrière. Elle se trahit d’ailleurs d’elle même par la haine qui passait au delà de lui et que je ressentais. Pris d’un violent frison, je tournais vivement la tête pour ne voir que la rue vide dans la pénombre de la nuit. Les battements de mon cœur s’amplifièrent aussitôt. Sans réfléchir je me mis à courir aussi vite que je le pouvais, comme si ma vie en dépendait… C’était le cas…

J’entendis des pas derrière, je me risquais tourner la tête et vis le frère de Killian me courir après. Mon cœur battait tellement vite que j’avais l’impression qu’il allait sortir de ma poitrine. Terrifié, je rassemblais toutes mes forces et je courus encore plus vite comme jamais je ne l’avais fait. J’étais littéralement mort de peur, je tenais fermement mon sac de course, sans trop savoir pourquoi je m’acharnais à le garder. J’étais maintenant sur : je ne voulais pas mourir.

Si j’avais tenté une fois d’attenter à ma vie en prison au cours de la première année, ce n’était plus le cas. J’en gardais encore une très légère marque sur le poignet gauche. Et si on le regardait avec attention, on pouvait voir une très fine cicatrice que j’étais toujours parvenu à cacher aux yeux de tous. Après cette épreuve, j’avais compris que la seule manière de payer sa mort était de continuer à vivre avec cette culpabilité. Mourir serait fuir la réalité, fuir la mort de Killian et mes actes affreux.

Arrivé dans mon immeuble, je rentrais sans cesser mon allure, me ruant dans les escaliers. Je n’allais pas prendre le temps d’attendre l’ascenseur. J’entendais ses pas derrière moi, et surtout sa voix qui me hurlait des insultes. Arrivé à mon étage, essoufflé, je cherchais ma clef totalement paniqué. J’avais l’impression de mettre des heures. Lorsqu’enfin, je trouvais la clef, je me remerciais mentalement de ne pas avoir fermé le verrou le matin. J’eus du mal à ouvrir, saisis de tremblements plus violents les uns que les autres. Lorsque, enfin, la porte s’ouvrit, j’entendis qu’il était tout près. J’eus juste le temps de me faufiler chez moi et de refermer la porte, m’attaquant directement au verrou, que je l’entendais déjà frapper et hurler derrière la porte.

- Assassin !! Ouvre cette porte Juha ! Tu ne fais que fuir ce qui arrivera inévitablement.

Le sac me tomba des mains et je me ruais à l’opposé de la pièce. Je me collais contre le mur, m’asseyant par terre, rabattant mes jambes contre moi retrouvant une position fœtale qui était la plus rassurante. Mon cœur battait à tout rompre, comme s’il se battait pour sa vie. J’étais effrayé comme jamais, mes tremblements étaient incontrôlables.

A chaque coup frappé à la porte, j’enfonçais un peu plus la tête dans mes épaules. Je pleurais de terreur. Je sursautais violemment lorsque le téléphone à côté de moi sonna. Espérant que ce soit Gabriel, je le saisis et décrochait aussitôt pour entendre des insultes et des menaces. Chaque mot sorti de la bouche du frère de l’homme que j’avais tué m’enfonçait un peu plus dans ma panique et ma douleur. Je raccrochais, gardant dans mes mains le combiné qui se remit à sonner à peine deux secondes plus tard. J’appelais plusieurs fois vainement à l’aide. Il fallait que tout cela cesse, ou mes nerfs ne tiendraient pas.

Je ne sus combien d’heure dura cela, des heures bien plus terribles que mes dix années de prison, plongé dans la terreur la pire au monde. Je n’eus pas conscience de l’heure où il cessa enfin. Je n’avais pas bougé d’un pouce, totalement replié sur moi-même. Il fallait que quelqu’un vienne. Je ne pouvais pas rester comme ça. J’avais besoin d’aide et je me tournais vers l’unique personne qui allait pouvoir me l’offrir. Je composais son numéro, sans trop savoir comment, et attendit que Gabriel décroche, trouvant chaque tonalité plus longue à chaque fois. Lorsqu’il décrocha enfin, il me sembla l’entendre dire :

- Qui que vous soyez, savez-vous qu’il est plus de trois heures du matin ?

Je n’avais même pas conscience de l’heure. J’essayer de parler, mais les mots restèrent bloqués dans ma gorges, ne laissant échapper que des sanglots. D’une voix tremblante, Gabriel demanda alors :

- Juha ?

Ma langue se délia enfin et je pus seulement dire paralysé par l’angoisse :

- Gabriel… Ne… Ne me laisse pas seul…

- Juha !? Répéta-t-il, apparemment abasourdi. Qu’est-ce qui t’arrive ?

Noyé dans mes sanglots, j’étais incapable d’aligner trois mots cohérents. Comment lui expliquer ce qui venait de se passer. J’étais mort de peur, je souffrais et j’avais besoin de lui. Je n’avais personne sur qui comptait, et Gabriel était le seul à pouvoir m’aider. Je continuais malgré tout à tenter de lui faire comprendre quelque chose, mais il finit par s’exclamer :

- J’arrive ne bouge pas !!

Je tenais toujours fermement le combiné contre moi, ne bougeant pas et continuant de pleurer bruyamment. Je ne cessais de me répéter qu’il allait arriver dans peu de temps et pourtant chaque minute ne me semblait jamais trouver de fin. Heureusement, je lui avais donné le double de chez moi dans la matinée, au cas où. Je ne serais jamais parvenu à me lever pour aller lui ouvrir. Cloué au sol j’avais l’impression que tout cela ne prendrait jamais fin.

Lorsque je le vis arrivé enfin, il eut un temps d’arrêt lorsqu’il m’aperçut : là, recroquevillé à même le sol dans un coin de la pièce, serrant le combiné de téléphone qui sonnait toujours. Je relevais vers lui un visage trempé de larmes, l’implorant mentalement de m’aider. Gabriel se précipita vers moi et me pris dans ses bras. Trop inquiet et préoccupé par moi, sa souffrance était cachée et ne m’atteins pas directement. Je n’étais de toute manière pas en état d’être réceptif. Il me prit dans ses bras, et me sera contre lui en me murmurant à l’oreille des paroles rassurantes et réconfortantes, la voix tremblante d’émotions :

- Chut… Je suis là… Tout va bien…

Je n’aurais su décrire le bien que Gabriel me prodigua. Au creux de ses bras, je sentais la protection que j’avais désirée pendant ces heures de terreur. Mais plus encore, j’avais l’impression pour la première fois depuis dix ans d’être protégé. Voilà maintenant bientôt onze ans que je ne n’avais pas eu ce genre de contact tendre, alors que j’en avais eu plus que besoin durant toute cette période.

Ses bras m’enveloppaient et faisaient régner une atmosphère de douce chaleur. Je commençais à me laisser aller peu à peu. Ses pensées à mon sujet étaient tout aussi rassurantes que son étreinte. Je lui étais tellement reconnaissant de ce qu’il m’apportait. Il était en train de m’offrir bien plus que tout ce que j’avais pu avoir en plus de dix ans. 

Je me jurais alors intérieurement que j’apporterais toute mon aide à Gabriel et me promettais qu’un jour, sa douleur n’existerait plus dans son cœur. Epuisé, vidé de la moindre de mes forces, je me laissais tant aller dans ses bras que je finis par m’y endormir, fuyant un instant cette réalité, allant trouver le repos dans des cauchemars…

Lorsque j’ouvris les yeux, je me trouvais dans mon lit. Mes yeux papillonnèrent pour s’habiter à la lumière, jusqu’à ce que je réfléchisse aux événements de la veille, ne me rappelant pas m’être couché. Il ne me fallut pas longtemps pour me remémorer le tout : Dorian, le frère de Killian, l’appel au secours désespéré à Gabriel, son aide…

Je compris alors la boule que j’avais dans le ventre depuis ce matin. Je m’étirais, ménageant mes muscles encore meurtris pas les coups de l’avant veille, et me redressait avant de me lever vraiment. Je vis Gabriel allongé sur le canapé, dormant profondément. Je choisis de le laisse dormir, aujourd’hui était un jour de repos.

 En réalité, je n’étais vraiment pas envie de me retrouver tout de suite face à lui. J’avais terriblement honte qu’il m’ait vu dans l’état de la veille et aussi terriblement gêné de l’avoir fait venir en plein milieu de la nuit. Je me rendais donc discrètement à la cuisine, attrapant au passage, mon sac de course posé à l’entrée la vielle dans la panique. Heureusement, il n’y avait presque aucun produit frais. Je déballais rapidement les courses, et décidais de préparer un café. J’en avais tout autant besoin.

Mon programme de la journée allait être simple, j’allais surtout me reposer. Je regardais un moment par la fenêtre, le temps que le café chauffe. Il faisait un temps aussi maussade que ne l’était mon esprit. Les gros flocons de neiges virevoltaient dans le vent et le ciel était nuageux. Je frissonnais, de nature assez frileuse, rien qu’à l’idée de me retrouver dehors par ce temps.

Une fois le café prêt, je m’en servis une tasse généreuse et me rendais dans le salon. C’est au moment où je me mis devant lui qu’il ouvrit les yeux. Je tentais de lui sourire cachant ma gêne, plus que nerveux d’être face à lui. Maladroitement je lui demandais :

- Tu… Tu as bien dormi ?

- Hn… Répondit-il, agacé par ma question.

Je pouvais tout à fait le comprendre.

- Je… Je m’excuse…

- Hn… me répondit-il simplement, apparemment agacé.

- Je comprends que tu m’en veuilles, mais je… Merci d’être venu…

- Hn… Ouais…

Ne voulant pas m’appesantir plus longtemps sur le sujet, je lui demandais très mal à l’aise :

- Tu… Tu veux manger quelque chose ?

- Hn… Oui, s’il te plait.

Je lui adressais alors un petit sourire d’excuse et repartit dans la cuisine. Je revins quelques minutes plus tard avec une tasse de thé fumante que je posais sur la petite table à côté de lui.

- Merci, déclara-t-il simplement en se redressant.

Il déjeuna en silence, chose qui me convins tout à fait, je n’étais pas d’humeur à parler et était surtout trop fatigué. Il resta encore un moment avant de rentrer au centre et de me laisser seul. A peine eut-il fermé la porte que je partis m’étendre sur mon lit. Je fermais les yeux sans même m’en rendre compte et sombrais dans un profond sommeil. 

Les semaines qui suivirent passèrent à une allure folle. Je n’eus aucune nouvelle du frère de Killian à mon plus grand soulagement, sachant que ce n’était cependant qu’une question de temps. Je profitais au mieux de ce répit. Gabriel revint dormir plusieurs fois chez moi. Notre relation allait en s’améliorant. La dispute que j’avais eu avec Dorian nous avait éloignés et nous ne conservions plus qu’un simple rapport de collège de travail.

Nous étions maintenant la veille du concourt de Gabriel et il me communiquait son stress à chaque instant. Cependant, cela lui permettait d’oublier un peu sa douleur, m’offrant un répit de ce côté là. A son insu, je continuais lorsque j’en avais l’occasion à travailler en profondeur sur lui, tentant de rechercher l’origine de son mal, sachant maintenant qu’il ne se confesserait pas comme cela.

Je venais de finir une réunion avec Philipe et tous les employés pour l’organisation du centre demain, comme tous deux serait partit pour le concourt de Gabriel. Je faisais partit des personnes qui restaient là, à s’occuper du centre. Satisfait de mon travail, j’avais le droit à de plus en plus de responsabilités et aussi plus de liberté.

Mon travail étant lui aussi terminé, j’allais directement rejoindre Gabriel. Je le trouvais en train de finir de s’occuper d’Orphée, lui glissant consciencieusement une couverture sur le dos. Lorsqu’il me vit, accoudé à la porte du box en train de l’observé, il répondit à mon sourire. Je lui demandais alors d’une voix qui se voulait calme pour tenter d’éviter d’attiser son stress :

- Tu veux venir boire un verre à la maison, histoire de te changer les idées avant demain ?

Le laisser tout seul n’était pas vraiment une bonne idée, et j’étais sur qu’il passerait une meilleure soirée avec moi, qu’à se stresser tout seul dans son coin et à se torturer l’esprit. Heureusement il accepta ma proposition en répondant :

- Hn… Ouais, pourquoi pas.

Même s’il ne me le dit pas explicitement, je sentis qu’il était heureux de ma proposition et semblait me remercier mentalement. Il quitta le box d’Orphée après une dernière caresse et me suivit, faisant une halte dans la sellerie afin de préparer son matériel pour demain. Puis il prit la direction du bureau de Philippe et revint avec les clefs de la voiture.

Nous montâmes dans la voiture et nous prîmes la direction de mon studio. Le trajet se fit dans un silence monastique, seulement interrompu par les chants brutaux qui s’échappaient de ses enceintes. Plusieurs fois, je me surpris à jeter un coup d’œil vers lui. Je n’aurais su dire quoi, mais je lui trouvais quelque chose de très beau ce soir là. Peut être étais-ce dû à la tension qui tendait ses traits. Je me sentais étrangement envahie d’un sentiment que je n’avais pas connu depuis longtemps.

Un petit quart d’heure plus tard, nous étions installés dans le canapé, une tasse de chocolat chaud à la main.

Aucun de nous ne semblait vouloir prononcer la première phrase. Depuis deux semaines, Gabriel et moi étions en meilleurs termes et notre relation s’était renforcée. Certes nous n’étions pas encore les meilleurs amis du monde, mais c’était déjà cela. Nous arrivions à avoir des conversations sérieuses, bien que je restais totalement muet sur mes peurs qui me poussaient à l’appeler plusieurs fois la nuit. Il en savait déjà suffisamment. Pour rien au monde maintenant, je ne voulais briser l’amitié naissante entre nous. Car c’était ce que je pensais, une fois que Gabriel saurait, il ne serait plus jamais le même avec moi.

Comment réagir face à un homme qui vous révèle qu’il est allé en prison et pire encore pour un meurtre ? J’en avais mal rien qu’à l’idée de sa réaction si jamais il l’apprenait. Je préférais me taire sur ce sujet, qu’il ne découvre jamais ma vrai nature, qu’il ne voit que le Juha de surface, le Juha que je m’étais construit. Je savais ne faire que repousser l’échéance, et que la chute serait bien plus difficile à affronter, mais je n’avais pas le cœur à me priver encore de quelque chose. Malgré moi, je le sentais, je m’attachais de plus en plus à Gabriel, bien plus que je ne le voulais.

Heureusement, ce sujet n’avait pas pour projet d’être abordé ce soir, c’était plutôt l’épreuve de demain qui était au centre de ses préoccupations. Je finis par briser le silence, sentant que le stress était trop fort en lui demandant :

- Tu veux manger quelque chose ?

- Non, cela ira merci. Là tu vois, j’ai plus envie de me vider l’estomac que de le remplir.

J’émis un petit rire amusé et ajoutai :

- Je m’en doute bien, mais il faut que tu manges si tu ne veux pas t’écrouler demain… Un plat de pâtes ça te dit ?

- Hn… répondit-il à contrecœur, mais résigné.

Il se leva avec moi et me suivit dans la cuisine, mettant la table pendant que je mettais de l’eau à chauffer. Dix minutes plus tard, nous étions assis à table l’un en face de l’autre, à parler du concours et de l’organisation de demain. Un moment, hésitant, Gabriel déclara :

- Je… J’aimerais te demander un petit service.

- Je t’écoute, répondis-je, curieux de voir ce qu’il allait me demander.

- Je mettrais Niladhëvan dans un box avant de partir demain et j’aimerais que tu t’occupes d’elle pendant mon absence… Enfin, seulement si tu es d’accord… Si tu veux pas je te force pas hein ! Tu fais comme tu veux…

- C’est d’accord… Je m’occuperais d’elle, répondis-je, trop heureux de la confiance qu’il mettait en moi.
Mieux encore, il m’adressait un sourire soulagé chargé de remerciements qu’il me murmura tout bas :

- Merci…

Je ne pus que lui répondre par un sourire, sentant mon corps s’emballer étrangement. Il me sembla voir ses joues prendre une légère teinte rosée, et je le vis détourner les yeux et reporter son attention sur son assiette. Plus le temps passait et plus je constatais la beauté de Gabriel.

Le repas se termina en silence et à la fin de celui-ci, nous retournâmes au salon, une tasse de thé dans la main. Assis côte à côte, aucun de nous n’osait briser le silence qui régnait dans la pièce. Tout proche de moi, je pouvais sentir le flot d’émotions en lui. Amusé, je finis par lui poser une question dont la réponse était évidente :

- Alors ? Stressé ?

- Plus que tu ne l’imagines, répondit-il.

- Pourquoi ? Il n’y a pas de raisons…

- Et si je me plantais demain ? M’interrompit-il.

- Et si tu arrêtais de dire des conneries… Je ne m’y connais pas beaucoup dans ce milieu, mais j’ai vu depuis que je suis arrivé combien tu as travaillé, et il n’y a aucune raison que tu te plantes, dis-je, tentant de le raisonner.

Et c’était vrai, je le pensais vraiment. A l’avoir vu évolué, pour moi Gabriel avait toutes ses chances de gagner. Pourtant, il répliqua :

- Mais tu comprends pas ! Il y aura vraiment des cracks demain ! J’aurais l’air de quoi moi, pauvre petit clampin tout droit sortit d’ma campagne…La seule chance que j’ai c’est d’assurer un max demain, et vu comme s’est partit, je suis plutôt mal barré…

Plus il parlait, plus j’avais du mal à détacher mes yeux de son visage. Ses cheveux châtain clair encadraient les traits fins de son visage, animés par sa détresse pour le concours de demain.

- C’est bon, déstresse ! Et puis, même si tu te plantais, tu auras d’autres occasions… Franchement, pourquoi tiens-tu absolument à ce que tu te plantes demain ? Prend confiance en toi, Gabriel… Tu as les capacités pour y arriver et je sais que tu y arriveras… Si toi tu n’as pas confiance en toi, moi si…

Je n’aurais jamais pensé en dire autant. J’avais dis plus que ce que je ne l’aurais voulu. Il ne répondit rien, mais ancra son regard au mien. Il était en train de se passer quelque chose, et j’étais incapable de l’arrêter. J’allais toujours plus profondément dans ses yeux bleu foncé qui avaient quelque chose de troublant. Je me laissais porter par l’action, ne prenant pas le temps de réfléchir sur l’acte que j’allais accomplir.

Et plus je le sentais, il semblait en avoir autant envie que moi. Lorsque mes deux lèvres se posèrent sur les siennes, un afflux d’émotions y transparut, avant que sa peur ne vienne prendre sa suprématie. Toujours porté par cet instant, je vins quémander l’entrée de ses lèvres, voulant malgré moi soudain bien plus. Soudain, Gabriel qui jusqu’alors n’avait pas bougé me repoussa brusquement.

- Quelque chose ne va pas ? Demandai-je alors, surpris et frustré malgré moi.

- Ah parce qu’en plus t’as pas compris ! Tu viens de m’embrasser, bien sûr que ça va pas ! S’exclama-il hors de lui.

- Tu avais l’air d’en avoir tout autant envie que moi, répondis-je, blessé.

Pire encore, je réalisais uniquement maintenant ce que je venais de faire. L’embrasser, c’était aller bien trop loin, surtout au vu de mes erreurs passées.

- Est ce que j’ai l’air d’aimer embrasser les hommes ! Tu pourrais au moins t’excuser ! Répliqua-t-il sur un ton qui ne me plu pas du tout.

- M’excuser ? Je ne vois pas pourquoi… C’était à ce point désagréable ? Est ce que ça t’a dégoûté ? Est ce que je te dégoûte ?

- Je…

- Tu ?

Comment pouvait-il se mettre dans un état pareil juste pour un baiser ?

- Rah ! Laisse tomber, s’exclama-t-il avant d’aller s’enfermer dans la salle de bain en claquant violemment la porte.

J’étais presque effrayé par cette réaction tellement démesurée par rapport à l’acte lui-même. J’en venais même à oublier tout ce qui était mes propres problèmes liés à ce qui venait d’être fait. Je venais de commencer à faire ce que je m’étais interdit depuis le début. Et pourtant, ce que je ressentais n’était pas que de la simple attirance purement sexuelle. Malgré toute ma volonté, je n’avais pu empêcher ces sentiments et les repoussaient maintenant de toutes mes forces.

J’accourais devant la porte de la salle de bain maintenant close. Je pouvais sentir cette même souffrance que j’avais connue depuis notre premier contact, décuplé par mille. Quel était ce mal qui le rongeait et quel lien pouvait-il avoir avec ce simple baiser ? Pourquoi cet acte le mettait dans un état pareil ? Que lui avait-on fait ?

Je l’avais ressenti pourtant cette envie lorsque nos lèvres s’étaient touchées. Il n’avait même pas retiré ses lèvres tout de suite, il était resté jusqu’à ce que je tente d’aller plus loin dans le baiser. Ce n’était qu’une esquisse de baiser et elle nous avait tous les deux bouleversé. Il semblait se dérouler un combat intérieur violent en Gabriel, et je ne pouvais rien faire pour l’aider.

De l’autre côté de la porte, je ne savais même pas quoi lui dire. Il semblait maintenant tellement apeuré, plongé dans cet état où il souffrait tant. J’avais de plus en plus de mal à faire la séparation de nos sentiments et pourtant je savais que c’était un terrain dangereux. Il fallait que cela cesse, il ne fallait pas qu’il tombe encore plus bas. Je lui demandais à travers la porte d’une voix très inquiète :

- Gabriel… Sors de la salle de bain… S’il te plait…

- Laisse-moi ! Je ne veux pas te voir ! me répondit-il d’une voix tremblante.

J’en avais maintenant la certitude, il pleurait. Je m’en voulais tellement de l’avoir mis dans cet état. J’étais totalement désemparé.

- Je m’excuse Gabriel, je ne savais pas que cela te mettrait dans un tel état, repris-je d’une voix qui cachait de moins en moins mon inquiétude. Je m’excuse, répétais-je, mais je t’en supplie, sort de cette pièce…

Après un moment de réflexion qui me parut durer des heures, il finit par consentir à m’obéir. Il ouvrit la porte lentement, et sortit sans même m’adresser ne serait-ce qu’un coup d’œil. Voir ses larmes me serra violemment le cœur. Il alla dans le coin qui faisait office de chambre et ouvrit le placard afin d’en sortir une couverture. Je n’osais pas bouger, ni esquisser un geste ver lui. Puis il retourna sur le canapé pour s’y allonger, remontant la couverture sur sa tête, ignorant mes tentatives d’excuses. J’étais tellement mal d’être fautif d’un tel état :

- Je suis sincèrement désolé Gabriel… Je… Je ne pensais pas que tu le prendrais aussi mal… Je te promets que c’était la seule et unique fois… Je ne tenterais plus rien, je t’en donne ma parole… Je suis désolé… Gabriel… Dis quelque chose…

Je n’en pouvais plus de ce silence. De plus il m’était impossible de sentir sa souffrance et de ne pouvoir rien y faire. Heureusement il se retourna enfin, plongeant son regard dans le mien.

- Pourquoi ? Me demanda-t-il.

- Pourquoi quoi ?

- Pourquoi tu m’as embrassé ?

Je ne m’attendais pas à cette question, et je ne savais pas quel pouvait être la meilleur réponse, hésitant je commençais :

- Je sais pas, je…

- Tu ?

- Ca m’est venu comme ça… Je sais pas pourquoi… Peut être que j’en avais envie…

Je ne voulais pas lui dire la vérité, tout était bien trop complexe, trop de choses à cacher…

- Et ça te prend comme ça ? Tu embrasses beaucoup de monde sans leur demander leur avis ? Répondit-il avec une pointe de cynisme qu’il ne cherchait pas à dissimuler.

Et avant que je n’ai le temps de répondre, il se retourna de nouveau, me tournant le dos.

- Je…

- Bonne nuit, me coupa-t-il, n’ayant plus aucun envie de parler avec moi.

Je restais totalement immobile. Je ne savais plus vraiment quoi faire. Le regard posé sur sa nuque, je tentais de voir plus clair en lui, de découvrir l’origine de son mal. Il en souffrait tellement, que j’en venais à douter qu’il se confesse un jour. Pourtant il devait parler, que ce soit à moi ou à une autre personne ; c’était la seule chose qui pourrait le tirer de là. Je n’arrivais à rien ainsi.

J’avais beau repousser au maximum les limites de son esprit, il était trop enfermé et protégé par la souffrance qui déferlait sur moi dès que je parvenais un peu trop loin. Je finis par m’éloigner, n’arrivant à rien. Je rangeais un peu avant d’aller me coucher à mon tour, pour ne trouver le sommeil que bien plus tard…

Le lendemain matin, je ne fus pas le premier à me réveiller. J’entendais du bruit dans la cuisine. Il ne me fallut que peu de temps pour me remémorer ce qui s’était passé la veille. Mon cœur se serra alors à ce souvenir.

Ce fut particulièrement gêné que je me levais et allais rejoindre Gabriel dans la cuisine. Un afflux de stress me saisit lorsque je pénétrais dans la pièce. Encore à moitié endormi, je n’avais pas fait attention à me protéger. Gabriel était assis en train de finir son thé et sa tartine de Nutella. Je lui adressais un « bonjour » timide auquel il ne prit pas la peine de répondre, annonçant ainsi tout de suite la couleur. A peine j’eus le temps de me préparer un café que Gabriel s’était déjà levé et déclarait le plus impersonnellement possible :

- Je vais me laver.

Je ne répondis rien et de toute manière, je n’aurais pas eu le temps de le faire. Je ne bus que ma tasse de café, n’ayant pas très faim. Une fois que Gabriel fut sortit de la douche, j’allais prendre la mienne. L’atmosphère qui régnait entre nous était insoutenable et j’étais finalement heureux qu’il ne soit pas là aujourd’hui étant le jour de sa compétition. Après une douche rapide, j’eus à peine le temps de m’habiller que déjà Gabriel m’attendait tout prêt, assis sur le canapé à regarder la télévision. Il l’éteignit lorsqu’il me vit arriver, et alla mettre son manteau. Je fis de même.

Une fois dans la voiture, le silence régna de plus belle. Il n’avait même pas mis sa musique habituelle pour le masquer. C’est ainsi que nous arrivâmes sur le parking et que Gabriel était en train de se garer. Je savais que c’était la dernière fois que j’allais le voir de la journée, et sachant l’épreuve qu’il allait bientôt passer, je ne voulais pas que l’on se quitte comme ça. C’est pourquoi je déclarai avant qu’il n’ait le temps d’ouvrir la portière afin de sortir :

- Gabriel attends.

- Quoi ?! dit-il très sèchement tournant alors sa tête vers moi.

- Ce que je vais te dire n’a rien à voir avec ce qui s’est passé hier soir. Je tiens juste à te souhaiter bonne chance pour ce concours. Je croiserais les doigts pour toi, et je suis sûr que tu gagneras la première place.

- Hn… déclara-t-il simplement, avant d’ouvrir cette fois-ci réellement la portière et de sortir de la voiture.

Je fis de même, blessé qu’il réagisse de cette manière pour une simple erreur de notre part. Car je n’étais pas le seul fautif. Notre relation qui s’était tellement améliorée était maintenant retombé en chute libre.
A contre cœur, je pris une autre direction que la sienne, allant accomplir mon travail. J’espérais vraiment de tout cœur qu’il réussisse ce concours, et mon propre stress était maintenant venu se mêler au sien. Je me rendais aux écuries lorsque j’entendis la voix de Philippe au loin m’appeler :

- Juha, viens par ici s’il te plait.

Intrigué, je m’exécutai, parcourant les quelques mètres qui nous séparait. 

- Qu’y-a-t-il ? Demandais-je, en remarquant aussitôt l’état semblable à celui de Gabriel dans lequel il se trouvait.

- L’employé qui devait faire le lad de Gabriel vient de m’appeler, il est malade et ne pourra pas venir. Tous les autres sont occupés, alors je n’ai que toi… Tu viens donc avec nous deux pour le concours. Je pense que tu en es tout à fait capable.

- Je… dis-je hésitant, ayant honte de mon ignorance. Je veux bien, mais en quoi cela consiste-t-il ?

- A l’aider à s’occuper de son cheval, le préparer… Et apporter toute l’aide nécessaire à Gabriel. Et puis comme tu es en de bons termes avec lui, je me suis dis que ce serait mieux pour Gabriel.

- C’est que…

Devais-je lui parler d’hier. Au fond de moi j’étais content de pouvoir l’aider, mais la situation était loin d’être propice à cela. Comment aller réagir Gabriel lorsqu’il serait au courant ? Allait-il redevenir le même qu’au début de notre rencontre ? Est ce que le début d’amitié qui s’était lié entre nous était définitivement terminé. Je m’en voulais tellement d’avoir cédé à ma pulsion… J’avais tout gâché. Mais Philipe me coupa dans mes réflexions et déclara :

- Bon si tu n’as rien me dire, on y va, tu vas nous aider à rassembler les affaires, nous on va mettre la monture de Gabriel dans le van.

Nous allâmes donc rejoindre Gabriel qui n’était apparemment pas au courant de la décision de Philipe car il me dévisagea lorsqu’il me vit arriver avec Philipe. J’étais très mal à l’aise, et je sentais parfaitement une sorte de haine vis à vis de moi. Gabriel était en train de finir de rassembler ses affaires pour le concours, si bien qu’après un regard meurtrier à mon égard, il reporta toute son attention sur ce qu’il était en train de faire. Ce fut Philipe qui prit la parole :

- J’ai trouvé le remplaçant de Tom.

- Ah ? Qui c’est ? demanda Gabriel sans prendre la peine de relever les yeux vers nous.

- Tu pourrais au moins me regarder quand je m’adresse à toi, ce n’est pas parce que tu stresses que tu dois en oublier la politesse.

Etonnamment Gabriel céda, lâchant un léger soupir. Il se tourna vers nous et déclara lorsqu’il s’aperçut que j’étais toujours là :

- Qu’est ce qu’il fout là lui ?

- Gabriel ! Dit Philippe en haussant le ton. Juha va venir avec nous, c’est ton lad, le remplaçant de Tom.

- Quoi ??! cria presque Gabriel.

- Gabriel, je ne le répèterai pas deux fois. Arrête tout de suite ce comportement. Juha va t’aider aider, c’est le seul qui est disponible pour le faire et je pense que cela sera bénéfique pour vous deux.

Gabriel marmonna quelque chose pour la forme, exprimant ainsi son mécontentement, mais ne vint pas contredire la décision de Philippe.

- Juha, apporte tout le matériel que vient de rassembler Gabriel à l’avant du van, nous devons partir ou alors nous serons en retard.

Je m’exécutais aussitôt pendant que Gabriel et Philippe allait chercher son cheval. Durant tous les préparatifs, Gabriel m’ignora superbement, plus que je ne pouvais le supporter. Cela ne pouvait pas durer, c’est pourquoi alors que Philippe nous attendait dans le van avec Orphée, je coinçais Gabriel un peu à part :

- Tu vas continuer longtemps comme ça ?

- De quoi tu parles ? demanda-t-il agacé, feignant l’ignorance.

- Gabriel, oublions ce qu’il s’est passé hier soir, nous allons travailler ensemble et je ne voudrais pas que tu rates ton concours pour un simple bais…

- C’est bon ! Me coupa Gabriel, comme s’il ne voulait pas entendre le dernier mot. Aller, viens, on est déjà en retard.

Je ne répondis rien, agacé par cette attitude tout de même capricieuse et enfantine de sa part. Nous nous retrouvâmes donc tous trois dans le van. Je ne savais pas combien de temps durerait le trajet. J’étais assis à côté de la fenêtre, Philipe conduisait et Gabriel prenait son mal en patience entre nous deux, fixant Orphée par le biais de la caméra de surveillance.

Je tentais au mieux de reporter toute mon attention sur le paysage qui défilait pour ne pas me synchroniser avec le stresse de Gabriel. Seuls quelques paroles furent échangées entre lui et Philippe, puis quelques ordres et conseils me furent donnés pour l’arrivée. Après deux bonnes heures de routes, je devinais à leur excitation que nous allions bientôt arriver. Jamais je n’avais connu ce genre d’ambiance.

Ce fut le cœur battant que nous arrivâmes enfin. Tout se déroula très vite. On amena Orphée dans un box préparé à son attention, portant toutes les affaires nécessaires. Il y avait beaucoup de monde, et la tension qui régnait entre chaque personne était épuisante. J’aidais Gabriel au mieux, tandis que Philippe allait régler les papiers avec les organisateurs du concours. Orphée aussi était passablement excité, mais en le comparant avec la plupart des autres montures il avait un tempérament assez calme et posé. Gabriel était silencieux, tentant de se concentrer au mieux pour l’événement qui allait suivre.

Philippe revint un moment après avec de quoi boire et manger un peu. Il força Gabriel à avaler un petit quelque chose, et je dus faire de même n’ayant finalement pas très faim non plus. Après un repas succin, nous finîmes de préparer Orphée et nous nous rendîmes dans une carrière qui était faite pour détendre les chevaux et les échauffer avant de passer devant tout le monde pour le concours. Je l’accompagnais en silence, Philippe était allé rejoindre les gradins après lui avoir donné les dernières recommandations.

Nous étions donc tous les deux et je savais que c’était la dernière occasion pour lui dire ce que j’avais sur le cœur. Jamais ne n’avais ressenti une personne stresser autant. Lentement, je posais ma main sur son bras, en un geste si doux qu’il ne se sentit pas le moins du moindre agressé. Il tourna alors la tête vers moi. Mentalement je tentais de le rassurer et d’absorber une partie de son agitation, puis je déclarais plantant mes yeux dans les siens :

- Au plus profond de moi, je sens que tu en es capable, plus que tous ceux présents ici, je crois en toi Gabriel, je n’ai qu’une seule chose à te dire : Fais toi confiance…

Si Gabriel ne me répondit rien, à travers mon contact avec lui et son regard, je sentais qu’il avait envers moi une profonde reconnaissance. Mes simples mots l’avaient-ils touché à ce point ? Aucun son ne sortait pourtant de sa bouche et je commençais à me sentir sérieusement mal à l’aise. C’est alors qu’il mit une fin étonnante à mon supplice, après un léger sourire il me dit tout simplement « merci », avant de déposer à ma plus grande surprise me désarçonnant totalement, un simple baiser sur la joue.

Totalement déstabilisé, je cessais de marcher, le laissant pénétrer seul dans la carrière. Que venait-il de faire ? Qu’est ce que voulait dire ce geste ? Malgré moi, le rouge me monta légèrement aux joues, me signifiant que je rougissais. Je ne m’attendais vraiment pas à ce geste venant de sa part, surtout après le scandale qu’il m’avait fait pour un simple baiser. Gabriel était déjà en train de monter lestement sur sa monture, et tentant de retrouver mes esprits, je vins me mettre sur la barrière et le regardait évoluer avec les autres.

Orphée semblait être parfaitement à l’écoute de Gabriel qui semblait maintenant avoir fait le vide en lui. La concentration que l’on pouvait lire sur son visage, lui donnait un air encore plus charmant et attirant. Je repensais au baiser, à la chaleur de ses lèvres sur les miennes et au bien que cela m’avait procuré. Puis ce baiser sur la joue m’avait finalement troublé, je ne savais pas vraiment ou cela allait nous menait.

Car, même si je me refusais à ressentir quoi que ce soit pour lui, quelque chose était bien là et présent, et je ne pouvais aller à l’encontre. Je tentais de me persuader que jamais je ne répèterais la même erreur, qu’il y avait des circonstances différentes avec Killian. La question qui venait alors, c’est où allait mener ce genre de relation avec Gabriel ?

Soudain, le son des haut-parleurs annonça le début du concours, donnant l’ordre de passage. Gabriel passait le dernier. Je ne savais pas si cela était bien ou non pour lui, et c’est à ce moment là qu’il vint me voir en me tendant son pull. Il semblait avoir trop chaud.

- Prêt ? Lui demandais-je en levant la tête afin de pouvoir le regarder droit dans les yeux.

Gabriel me sourit et me répondit très fermement :

- Plus que jamais !

Il fit virevolter son cheval, et repartit au petit galop, dans le but de l’échauffer et le détendre encore un peu. Il semblait enfin déterminé et avait trouvé toute son assurance et sa confiance. Ce ne fut qu’une heure après, une fois que je lui avais apporté un peu d’eau qu’on hurla son nom et celui de Orphée afin qu’il passe. Mon cœur semblait battre aussi fort que le sien. Je l’accompagnais jusqu’à la grande carrière de concours, voulant être présent jusqu’au bout. Au regard qu’il me lança avant d’y aller vraiment, je sentis qu’il m’en était reconnaissant.

Je me reculais un peu mais restais à peu près à la même place. Je n’avais pas vu les autres, mais il était impressionnant comme Gabriel et Orphée semblait être à l’écoute de l’un de l’autre. Orphée était tout aussi concentré que Gabriel. Il se plaça au milieu de la carrière, attendant qu’on lui dise de commencer.

J’avais tellement envie qu’il gagne. Tous ces sentiments, ces ambiances qui circulaient étaient totalement nouvelles pour moi, et pour une fois je me laissais porter par cette agitation. Cependant, je restais toujours en lien avec Gabriel. Mon regard posé sur lui ne le quittait pas un seul instant. Le signal du départ fut donné et Gabriel entama ce qu’il avait répété depuis des mois.

Mes doigts se croisèrent et j’espérais de toutes mes forces qu’il fasse le meilleur score. Je n’arrivais même pas vraiment à écouter les commentaires qui semblaient complimenter Gabriel. L’épreuve ne durait que quelques minutes et pourtant elle me semblait durer des heures. La grâce avec laquelle Orphée exécutait les demandes de Gabriel était d’une beauté à couper le souffle. Lorsque ce moment pris fin, je ressentais presque un regret que cela ne dure pas plus longtemps.

Je tournais alors ma tête vers tous les spectateurs et en particulier les jurys, ils semblaient tous être tombés sous le charme. Je ne savais pas encore les résultats il était en train de décompté ses points, mais je savais qu’il allait gagner, j’en avais même la certitude. Gabriel qui s’était arrêté au milieu de la carrière revint alors vers moi, un grand sourire sur ses lèvres qui cachaient un peu la tension qui l’habitait.

Lorsqu’il arriva à ma hauteur, il descendit de son cheval, les mains légèrement tremblantes. Je ne pus me retenir de m’exclamer :

- Tu étais superbe ! C’était …

La grosse voix coupa mes paroles, annonçant qu’il y avait une erreur dans le décompte des points et que les résultats seraient donnés d’ici une dizaine de minutes. Gabriel marmonna quelques mots, puis nous allâmes au box d’Orphée avant de le faire boire et de lui mettre une couverture. C’était tout de même l’hiver, et l’effort qu’il venait de fournir l’avait rendu légèrement transpirant, il ne fallait surtout pas qu’il attrape froid. Arrivé au box, nous lui laissâmes tout de même sa scelle et sa bride car Gabriel devrait repasser devant tout le monde avec tout les autres lors de l’annonce des résultats. Cette attente était vraiment insoutenable…

Gabriel me laissa m’approcher de sa monture et l’aider à lui prodiguer des soins, signifiant qu’il me portait de plus en plus de confiance. Au souvenir de notre première rencontre dans le box d’Orphée, je souris.
Soudain, l’homme reprit la parole dans le haut parleur, mon cœur se serra lorsqu’il prononça le premier mot annonçant le gagnant. Lorsque j’entendis le nom de Gabriel, je criais presque de joie et sans réfléchir le moindre instant, je lui sautai au cou en le serrant très fort.

- Je te l’avais dis Gabriel, je… félicitations !!!

Etrangement, il répondit à mon étreinte. La joie qui émanait de lui m’envahissait tout en me réjouissant totalement. Il avait gagnait… La première place… Je resserrais encore un peu plus mon étreinte, me lançant aller à profiter de ce contact. Voilà maintenant tellement longtemps que je n’avais pas senti deux bras puissants et masculins autour de ma taille. J’avais oublié le bien que cela prodiguait. C’est alors qu’une voix qui ne nous était pas étrangère retentie à l’entrée du box :

- Félicitation Gabriel ! déclara Philipe.

Gabriel s’écarta alors vivement de moi, comme s’il avait honte de ce contact. Philipe ne sembla pas y prêter d’importance, et déclara :

- Allez, vient recevoir ton prix.

Un sourire étirait ses lèvres. Il avait une sorte d’attitude paternelle vis à vis de Gabriel, car c’était bien là le sourire de quelqu’un de profondément fière de son fils qui était présent. Nous repartîmes en direction de la carrière, heureux comme jamais.

A quelques pas de la carrière, il remonta sur Orphée et se rendit seul récupérer son prix. Jamais je ne l’avais vu aussi débordant de joie. Ce concours était tellement important pour lui… Il avait tenu à aller jusqu’au bout malgré les difficultés et il y était parvenu.

Nous restâmes côte à côte avec Philipe qui avait déjà attrapé son téléphone et qui prévenait le centre de la victoire de Gabriel. La cérémonie de la remise des prix dura un moment, et jamais le sourire ne quitta les lèvres de Gabriel qui était plus que fier. Après bien des acclamations, Philipe alla régler les derniers papiers, pendant que j’allais m’occuper d’Orphée avec Gabriel. Pendant qu’il lui offrait un bon pansage plus que mérité, je m’occupais de ranger les affaires. Nous fîmes tous deux monter Orphée dans le van, il était déjà une heure avancée de l’après-midi, et il fallait partir si nous voulions arriver avant la nuit.

Gabriel tenait fermement son prix durant tout le trajet en voiture qui se fit dans la bonne humeur générale. Cette tension insoutenable qui avait été présente sur le chemin de l’allée, était remplacée par l’euphorie de la victoire. Lorsque nous arrivâmes enfin au centre, la tombée de la nuit était proche. Nous nous occupâmes en priorité avec Gabriel de son cheval, puis je finis de ranger le matériel pendant qu’il allait voir si sa jument allait bien.

Philippe était partit dans son bureau, et nous le rejoignîmes une vingtaine de minute plus tard. Lorsque nous frappâmes à la porte, personne ne répondit. La lumière était éteinte et constatant qu’il y avait de l’agitation dans le réfectoire, nous nous y rendîmes tous les deux. Les tables avaient été déplacées pour être disposées d’une toute autre manière. Des boissons y avaient été déposées ainsi que quelques petites choses à grignoter.

Presque tous était présent, et acclamèrent Gabriel lorsqu’il arriva. Beaucoup se ruèrent sur lui pour le saluer, et je préférais me mettre un peu à l’écart, ne supportant pas lorsqu’il y avait trop de monde. Trop de sentiments étrangers à repousser…. Gabriel s’aperçut de mon soudain éloignement, et me jeta un regard intrigué. Mais son attention fut vite accaparée par les autres. Je restais ainsi en retrait, spectateur du bonheur de Gabriel. Je savais que cela ne guérirait pas totalement sa douleur bien plus profonde, mais cela l’apaisait au moins un peu. Dorian vint alors me voir, je ne lui avais pas spécialement reparlé depuis ce fameux soir, et j’appréhendais un peu.

- Alors qu’as tu pensé de ce concours, c’est la première fois que tu en voyais un, non ?

- Oui, c’était très intéressant, dis-je avec le sourire, tentant de cacher mon léger malaise.

- Tu veux boire quelque chose ? me demanda-t-il.

- Oui pourquoi pas.

C’est ainsi que nous nous dirigeâmes jusqu’à la table des boissons. Je sentis posé sur moi un instant le regard de Gabriel. Amusé, je pris le verre que me tendis Dorian et allais discuter un peu plus loin avec lui. Il fallait de toute manière que je m’écarte un peu de toute cette agitation qui pompait mon énergie.

Nous parlâmes de tout et de rien, jusqu’à ce qu’il aille voir d’autres amis, me laissant seul. Je profitais donc de cet instant de calme, pour me retrouver un peu. Plusieurs fois je sentis le regard de Gabriel se poser sur moi. Je ne savais pas vraiment ce qu’il se passait, mais depuis que nous nous étions enlacé dans le box lorsque nous avions appris sa victoire, je ne pouvais m’empêcher de ressentir quelque chose d’étrange.

Je me remémorais la chaleur de son corps tout contre le mien… Et ce baiser qu’il avait déposé sur ma joue… Jamais je n’aurais pensé que Gabriel puisse être quelqu’un d’aussi doux et sensible. Jamais je ne l’avais détaillé avec ce regard. Il m’aurait été impossible de dire qu’il ne m’attirait pas. Gabriel était un homme très beau. Ce soir là, ces yeux bleus océans brillaient de joie, éblouissant quiconque s’y plongeait un peu trop longtemps.

C’est alors qu’une personne qui n’aurait pas due venir fit son entrée dans la pièce. Marion dédaigna tout le monde et alla directement jusqu’à Gabriel. Elle s’interposa devant tout le monde et lui offrit un grand sourire avant de déclarer d’une voix qui trahissait son hypocrisie :

- Félicitation Gabriel ! A croire que je me suis trompée ! Jamais je n’aurais pu imaginer qu’un type comme toi puisse arriver à gagner quoi que ce soit un jour. Ca doit cacher quelque chose, dit-elle en prenant une moue dubitative.

Voyant l’expression de Gabriel changer, je m’approchais un peu. Etonnamment il n’était pas en train de se mettre en colère ou du moins ne semblait pas y parvenir. Elle était en train d’appuyer là où cela faisait mal, et quelque chose me disait qu’elle avait connaissance d’une partie du passé de Gabriel et de la raison de sa douleur quotidienne. Comme pour l’enfoncer un peu plus elle ajouta :

- Ah je sais, tu as triché pour pouvoir gagner, il n’y a que cela. Quand on sait d’où tu viens on comprend qu’il est impossible que tu puisses faire quoi que ce soit de ta vie.

Le bonheur et la joie de Gabriel s’effilochaient à vue d’œil. Je le sentais, il était à deux doigts de pleurer. Comment cette femme pouvait-elle être aussi mauvaise ? Cette situation ne pouvait pas durer, Gabriel semblait tellement blessé qu’il ne répondait rien, ne cherchant même pas à se défendre. Jamais je ne l’avais vu aussi abattu. Malheureusement, Marion repassa à l’attaque :

- Dis moi Gabriel, c’est quoi ton secret ? T’es passé sous la table pour pouvoir gagner ? C’était des bons coups les jurys ?

S’en était trop, je ne pouvais pas supporter que Gabriel se fasse ainsi détruire. Cette femme était en train de ruiner tous les effets de sa victoire. Maintenant à côté de Gabriel, ma main partie toute seule avant d’atterrir sur sa joue.

Tout le monde se retourna suite au bruit de la gifle, me regardant ébahi. J’y étais peut être allé un peu fort, mais la colère avait été trop grande. Gabriel me regardait comme sous le choc, ne semblant pas s’attendre du tout à une réaction si imprévisible de ma part. Sans me départir de ma hargne je criais presque, défendant de toutes mes forces l’être qui m’était devenu très cher malgré moi :

- Tu n’as pas d’autres endroits pour aller cracher ton venin ! Espèce de petite garce, tu ne vaux vraiment pas la peine qu’on reste en ta compagnie, viens Gabriel, on s’en va ! Bonne soirée à tous et à demain.

J’attrapais Gabriel par le bras, l’attirant avec moi. Il était légèrement tremblant, et je dus faire appelle à toutes mes forces pour ne pas me faire envahir de sa peine ravivée comme jamais.

Une fois à l’extérieur, je tournais la tête vers Gabriel. Les larmes qu’il avait jusqu’à maintenant retenues commençaient à poindre au coin de ses yeux. Sans perdre un seul instant, je l’attirais jusqu’à moi, lui prêtant mon épaule pour qu’il se lâche enfin.

C’est un sanglot déchirant qui parvint à mon oreille, scindant douloureusement mon cœur en deux. Je sentais ses larmes couler dans mon cou, et ses deux bras venir me serrer très fort, comme pour me remercier d’être là. Lentement, je fis glisser ma main sur son dos dans un mouvement d’aller retour, dans le but de le consoler au mieux.

Sa tête était enfouie dans mon cou, légèrement reposée sur mon épaule et il pleurait évacuant sa peine du mieux qu’il pouvait. Mon autre main passa dans ses cheveux dans un geste très tendre qui l’apaisa un peu tout autant que cela sembla l’intriguer.

Nous restâmes un moment ainsi, tout deux enlacés. Plusieurs fois je lui murmurais quelques mots de réconfort, attendant patiemment qu’il se calme. Ce fut le froid qui nous força à nous écarter un peu lorsque ses larmes se tarirent enfin. Son regard était maintenant fuyant, gêné d’avoir craqué ainsi devant moi. Nos visages étaient tellement proche l’un de l’autre, et nos corps encore collés. Il me suffisait de parcourir quelques centimètres pour effleurer de nouveau ses lèvres, mais par force de volonté je fis, après un temps, le mouvement inverse.

A contre cœur, je me détachais de cette étreinte, quittant l’emprise qu’il venait d’avoir sur moi. Décidant de mettre totalement fin à cet instant si tentateur, je lui demandais alors, espérant une réponse positive de sa part.

- Tu viens chez moi ce soir ?

- Pourquoi pas, me répondit-il d’une petite voix faible et honteuse.

Il m’aurait dit non, je l’aurais forcé. Il était impossible qu’il reste seul dans cet état. Il alla chercher les clefs de la voiture dans le bureau, prenant soin de ne pas aller dans le réfectoire, pendant que j’allais prévenir Philipe de notre départ. Même si j’étais gêné de l’affronté alors que je venais de frapper et d’hausser le ton sur sa fille, je ne voulais surtout pas que Gabriel ait à affronter de nouveau tout le monde. Il était justement avec Marion et je priais pour qu’il me voit avant que je n’arrive à leur hauteur. Heureusement, il redressa la tête, et vint directement me voir :

- Comment va-t-il ?

Extrêmement gêné, je ne répondis pas tout de suite à sa question :

- Je suis désolé pour Marion, j’ai… Je…

- J’ai assisté à la scène Juha, tu n’as pas besoin de te justifier. N’abordons pas ce qu’elle a fait, je m’en chargerais avec elle. Comment va Gabriel ?

- Il… Il vient chez moi ce soir.
Philippe m’offrit alors un sourire, l’inquiétude quittant peu à peu son visage et il souffla en quelques mot :

- Merci Juha… Merci pour tout ce que tu fais pour lui.

Je répondis alors par un sourire gêné et nous nous séparâmes en nous souhaitant une bonne soirée. Je rejoignis Gabriel qui m’attendait dans la voiture. Il abhorrait une expression assez froide qui trahissait sa peine. Lorsque je fus dans la voiture, Gabriel démarra. Il ne mit même pas sa musique, laissant le silence s’installer entre nous. Ou était passé la joie qu’il avait encore il y avait à peine une heure ? Rapidement, nous nous retrouvâmes chez moi. Gabriel alla directement s’asseoir dans le canapé.

- Tu veux boire quelque chose ? Demandai-je alors.

- Non, je n’ai pas soif, merci…me dit-il la voix lasse.

- Je vais préparer à manger dans ce cas.

- Je n’ai pas très faim non plus…

Ne supportant plus cette attitude, je vins m’asseoir à côté de lui.

- Je sais que je suis assez mal placé pour te poser des questions sur ton passé, mais… Enfin voilà… Est ce que je peux t’en poser quelques unes ?

Gabriel tourna la tête vers moi surpris. Il ne semblait vraiment pas s’attendre à cela.

- Tu n’es pas obligé de me répondre, si c’est trop personnel, tu peux ne rien me dire. Mais je souhaiterais juste comprendre certaines choses, comme la réaction de Marion par exemple et l’effet qu’elle a eut sur toi.

Je choisissais mes mots avec difficulté, ayant très peur de le braquer totalement. Mais Gabriel me répondit simplement :

- Je t’écoute.

Je n’aimais pas le ton que prenait sa voix, elle était bien trop triste et trop grave. Rassemblant mon courage, je posais ma main sur la sienne et lui demandais :

- Marion a fait allusion à ton passé, en dénigrant d’où tu venais…

J’avais fait exprès de poser ma main sur la sienne. Grâce à cela, je pouvais en savoir plus que ce qu’il ne me transmettrait pas ses propres mots. Certes cette méthode n’était pas très loyale mais il n’y avait que comme cela que je pouvais l’aider.

- Je… C’est trop personnel désolé, je n’ai pas envie d’en parler.

Presque immédiatement, je décelais de la honte dans sa voix et dans son attitude, et toujours cette peur, la même qui l’avait glacé la dernière fois lors de notre baiser. Qu’avait-il vécu pour qu’il soit à ce point traumatisé et si profondément blessé. Sans trop réaliser que je parlais en même temps que je pensais, je déclarais :

- De quoi as-tu si peur et si honte ?

Ma question mourût dans un silence, les larmes commençaient de nouveau à perler sur le coin de ses yeux. J’avais envie de le prendre dans mes bras, et de sécher de mes doigts ses larmes, mais je sentais qu’il n’accepterait pas ce geste maintenant. C’est pourquoi je ne fis que resserrer l’étreinte de ma main sur la sienne.

Je finis par reprendre la parole, cessant ce silence qui était en train de l’oppresser :

- Ca fait combien de temps que tu étais avec Marion ?

Gabriel tenta de se ressaisir et me répondit :

- Six ans environ…

- Ah oui ? Tant que ça ? Comment en êtes vous venu à ce genre de rapport ?

Gabriel prit une profonde inspiration, bien décidé à me répondre et commença :

- A dix-huit ans je suis venu travailler dans ce centre. Marion comme tu le sais est la fille de Philippe. Personne ne faisait vraiment attention à moi, je n’étais qu’un petit nouveau qui avait à peine atteint sa majorité. Marion a été la seule à venir me parler, alors naturellement nous nous sommes rapprochés. Je.. Je pensais vraiment que je l’aimais, mais je peux t’avouer que je me suis vite rendu compte que ce n’était pas le cas. Et pourtant notre relation à continuer se détériorant jusqu’à maintenant.

- Est ce que c’est une question d’orientation sexuelle ? Me risquais-je à demander.

Gabriel tiqua et répliqua aussitôt :

- Pourquoi cette question ?

- Je… C’est que… Vis à vis des sous entendus qu’elle a fait… Désolé, je n’aurais pas du te demander cela.

J’allais même jusqu’à ôter ma main de la sienne, très mal à l’aise. Il me fallut un temps pour me reprendre. Cette fois-ci ma main se posa sur son épaule et je lui déclarais très sérieusement :

- Quoi que ce soit Gabriel, je suis mal placé pour te juger. Tu ne devrais pas avoir honte de toi, tu es quelqu’un de très bien au fond de toi, et tu l’as prouvé aujourd’hui lors du concours. Quoi que t’ai dis Marion, tu as mérité cette place à sa juste valeur plus que tout autre, alors ne gâche pas ta joie pour elle.

Gabriel tourna alors la tête vers moi, quelques larmes coulaient silencieusement de ses yeux. Il me demanda profondément intrigué :

- Pourquoi est ce que tu t’acharnes à vouloir m’aider comme ça ?

Surpris par sa question, je fus pris de court. Que répondre à cela ? Jamais je ne pourrais lui dévoiler la vérité.

- Je… Parce que… J’en ai envie tout simplement…

Je restais très elliptique. A cette question je ne savais finalement pas quoi répondre moi-même.

- Je ne te comprends pas… A quoi cela te sert-il ? Je n’en vaux vraiment pas la peine tu sais.

- Non ça c’est sur, si tu continue à te rabaisser ainsi ! Si j’ai envie de t’aider et bien je le ferais. Laisse les autres juger de ta valeur car s’il y a une chose dans laquelle tu n’excelles pas, c’est l’estime de toi.

Je parlais durement et je le savais, mais je ne supportais pas de le voir se rabaisser ainsi. Après un long silence ou Gabriel médita sur mes paroles, il finit par se lever et déclarer :

- Je vais me laver, j’en ai pas pour longtemps.

-  Très bien je vais faire à manger pendant ce temps.

Gabriel se leva, tentant au mieux de cacher son trouble. Ayant déjà passé plusieurs nuits chez moi, il avait laissé un bas de pyjama et un t-shirt tout simple chez moi. Il les attrapa au passage avant de se rendre directement jusqu’à la salle de bain.

Je me rendis donc dans la cuisine, préparant un repas simple, mais copieux au vu des efforts et des émotions intenses qu’il avait eu aujourd’hui. Il vint assez rapidement me rejoindre, et je lui demandais de mettre la table, pendant que j’allais à mon tour prendre une douche. Je profitais des bienfaits de l’eau et réfléchissais à notre conversation. Plus j’en apprenais sur lui, plus j’étais intrigué par cet homme.

Lorsque je sortis de la douche, je m’aperçus que j’avais oublié mon t-shirt dans le salon. Après m’être séché et avoir enfilé un simple pantalon, je me rendais dans le salon torse nu, où se trouvait Gabriel en train de regarder la télévision. Je passais devant lui, sentant très vite son regard posé sur moi. Il me fallut un temps pour comprendre qu’il regardait en réalité le tatouage que j’avais sur l’épaule.

- C’est un phénix, c’est ça ? me demanda-t-il.

- Oui, répondis-je simplement.

- Ce n’est pas un tatouage habituel. Ca fait longtemps que tu l’as ? Il a une signification particulière pour toi ?

- Je… oui… C’est lié à mon passé. Désolé… je…

- Tu n’as pas envie d’en parler, pas de soucis, me dit-il en souriant.

- Disons simplement, que je le prends pour modèle. Renaître de ses cendres… Enfin, je ne vois pas si tu saisis ce que je veux dire.

- Oui, je vois…

- Bon, je commence à avoir faim, on passe à table.

Nous nous rendîmes tous les deux à la cuisine, et mangeâmes sur un ton bien plus léger que lorsque nous étions arrivés. Gabriel me raconta son ressenti sur le concours, expliquant avec passion comment Orphée avait été à son écoute.

Nous finîmes la soirée côte à côte sur le fauteuil étonnement près, bien plus que d’habitude. Fatigué, je finis par laisser aller ma tête sur son épaule, enhardi par l’ambiance intime qu’il y avait soudain entre nous deux. Un point de vue extérieur aurait pu voir un jeune couple en nous voyant ainsi. Gabriel était parfaitement détendu, il tourna alors la tête vers moi, et au vu d’une mèche qui tombait sur mes yeux, il approcha sa main pour la remettre derrière mon oreille. Ce geste était effectué avec tellement de douceur.

 Nos regards se croisèrent alors pour ne plus se quitter. A ce moment là, je sus que toutes mes convictions de ne jamais aller plus loin dans notre relation étaient en train de partir en poussière. J’avais envie de bien plus avec lui, et ce genre de chose, je ne pouvais les contrôler.

Je me redressais légèrement, laissant mon visage tout aussi proche du sien. Nous ne nous lâchâmes pas du regard. Les battements de mon cœur s’accélérèrent comme s’il s’agissait de mon premier baiser.

J’avais tellement envie de parcourir les quelques centimètres qui séparaient nos lèvres. Je pouvais sentir sa respiration sur mon visage. Pourtant je me retenais, me souvenant de sa réaction de la veille. Pourtant je me souvenais aussi de son baiser sur ma joue et de la manière dont nous nous étions enlacés, et je pouvais ressentir son envie faire écho à la mienne.

C’est alors que Gabriel commença à avancer légèrement vers moi, comme une invitation. Cependant, son hésitation pris le dessus, car il s’arrêta à quelques millimètres seulement de mes lèvres. Il ne m’en fallut pas plus. Ce fut moi qui parcourus cette dernière distance qui nous séparait.

 Le contact de ses lèvres m’inonda de mille sensations que cela faisait naître en lui et en moi. La chaleur de ce simple contact désiré qui allait bien au delà d’une satisfaction sexuelle, me faisait perdre la tête. J’avais oublié combien cela était agréable. Gabriel ne se raidit pas comme la dernière fois.

Même s’il était hésitant et presque apeuré, il resta contre moi. Je passais mes bras autour de lui délicatement, dans le but de l’attirer un plus près. J’attendais patiemment que je le sente près pour venir quémander l’ouverture de ses lèvres.

Tout dans ce baiser se voulait rassurant. Un frisson me parcourut lorsque je fis glisser ma langue sur ses lèvres, en une caresse la plus douce et la plus délicate possible. Il semblait soudain si fragile et si sensible entre mes bras.

Après une hésitation, à mon plus grand bonheur, ses lèvres s’entrouvrirent me laissant aller plus avant dans la découverte de l’autre. Cependant, ce fut avec une lenteur exagéré que j’allais à la rencontre de sa langue, passant ma main sur sa nuque dans une caresse. Une douce chaleur m’envahie, une chaleur différente de celle que j’avais pu connaître avec Dorian, il y avait tellement plus dans ce baiser. Lorsque nos langues se rencontrèrent enfin, je sentis Gabriel défaillir, mais ce n’est pas pour autant qu’il s’écarta, non il lui fallait juste du temps pour s’habituer à mon contact.

Progressivement, un doux ballet commença, et pourtant, Gabriel était maintenant légèrement tremblant. Etait-ce une telle épreuve pour lui ? Je mis alors toute la délicatesse et la tendresse que je possédais en moi dans ce baiser, le rassurant et l’encourageant dès qu’il se laissait aller un peu plus… Ses bras finirent par venir timidement m’enlacer.

Jamais je ne me serais lassé de ce baiser. Il m’apportait tellement. En rien je ne regrettais ce que nous étions en train de faire. J’étais tout comme Gabriel à l’écoute de chacune de ses réactions, et je l’entraînais toujours un peu plus loin. Le baiser du tout de même prendre fin, lorsque l’air vint à manquer.

A nouveau à quelques centimètres de son visage, je rouvris les yeux pour les plonger dans les siens. Contre toute attente, il vint poser sa tête contre mon épaule, m’attirant à lui, dans une simple étreinte. Je laissais aller à mon tour à enfouir ma tête contre son cou, inspirant à plein poumons une odeur que je ne me lasserais de sentir, qui m’emplissait de bien-être.

Nous restâmes ainsi longtemps, simplement enlacés l’un à l’autre, sans un mot, profitant de cet instant de paix. Je sentais le poids de Gabriel s’alourdir sur mon épaule, signe que l’endormissement n’était plus très loin. Mais au vu de nos positions, s’endormir là n’était pas terrible. Pourtant, je n’avais aucune envie de mettre fin à ce contact. Une idée me vint alors, et je lui murmurais alors d’une voix clairement vide de tout sous-entendu :

- Viens…

Je me levais, le prenant par le bras et le tirant avec moi. Ensommeillé et encore sous le charme du premier moment intime que nous venions de partager, il se leva et me suivit jusqu’au lit. Sans lui laisser le temps de réfléchir, je l’aidais à s’allonger, tirant les couvertures. Il céda, mais commençait à se tendre lorsqu’il vit que je m’allongeais à côté de lui. Je m’approchais alors lentement, finissant pas me coller tout contre lui, venant poser ma tête contre son épaule.

Gabriel ne bougea pas d’un pouce, semblait craindre que je fasse plus. La seule chose que je fis, fut de poser ma main sur sa poitrine. Déjà sa chaleur venait inonder tout mon corps, me faisait frissonner de contentement. Je me laissais aller à fermer les yeux, sentant qu’il commençait à se détendre.

Sa respiration qui me berçait, commençait à se calmer. Lui aussi était en train de se laisser aller dans les bras de Morphée. La dernière chose que j’entendis sortir de ses lèvres fut un soupir de bien-être, avant de me laisser aller, tout contre lui, profitant de chaque instant, à sombrer dans un profond sommeil…

Ce fut dans la même position que je me réveillais le lendemain matin. Je me redressais légèrement, souriant en voyant qu’il dormait profondément. Jamais je ne l’avais vu avoir le sommeil aussi paisible. Sans pouvoir me retenir, mon regard dériva très vite sur les lèvres que j’avais pu toucher hier. A ce souvenir un sourire vint étirer mes lèvres, et sans réfléchir je posais mes lèvres de nouveau sur les siennes délicatement. Je ressentais leur goût avant même de les avoir effleuré. Jamais je ne me lasserais d’un tel contact et de cette douceur qui émanait de lui.

Seulement, ce fut de sombres pensées qui me poussèrent à ne pas aller plus loin et à me redresser. J’allais même jusqu’à m’écarter un peu de lui. Comment allait-il réagir ce matin ? Allait-il dire que c’était un instant de faiblesse qui avait causé sa réaction ? Pire encore, allait-il m’accuser d’en avoir profité ?

Mon cœur se serra et je préférais me lever, ne voulant pas connaître sa réaction au réveil s’il nous trouvait tous les deux enlacés. J’avais eu tellement peu d’instants de bonheur durant toutes ses années, qu’il m’était impossible de croire y avoir droit ne serait-ce que plus de quelques heures. Sans un bruit je me levais et me rendit directement dans la cuisine. Machinalement je commençais à préparer le café.

J’entendis quelques minutes après, alors que j’attendais que l’eau boue, Gabriel arriver derrière moi. Je tournais la tête alors même que je ressentais sa présence, et il déposa alors un léger baiser sur ma joue. Ce simple geste me rendit si heureux, que je l’enlaçais immédiatement, lui offrant un bonjour comme je les aimais.

Je pris possession de ses lèvres un peu plus fermement que la dernière fois, mais il n’en fut pas gêné. Nous nous enlaçâmes au moment où nos deux langues se rencontrèrent. Mon baiser trahissait ma joie profonde de sa réaction. Je m’étais imaginé le pire et finalement, c’était le mieux qui m’arrivait. Gabriel répondit tout aussi vite à mon baiser après une légère hésitation.

C’était fou comme ce genre d’attention m’avait manqué, moi qui en avais été tant dépendant à l’époque. Je me rendais compte de l’effet que ces dix années avaient eu sur moi. La vie avant la mort de Killian… J’avais tout enfoui en moi et je ne voulais pas m’en rappeler. Sa mort n’en était que plus dure. Peu à peu je me laissais aller dans ce baiser à la fois si tendre et passionné. Gabriel se laissait porter par mes envies, ne prenant pas encore l’initiative. Lorsque le baiser prit fin, je m’écartais légèrement de lui et déclarais avec un grand sourire :

- Bonjour Gabriel, bien dormi ?

Aussitôt il vira au rouge, semblant réaliser seulement maintenant tout ce qui venait de se passer, jusqu’au baiser que je venais de lui donner.

- Je… Oui, dit-il de plus en puis plus gêné.

Je ne pus retenir un petit rire, et lui dit :

- Assieds-toi, je t’apporte ce dont tu as besoin.

Rapidement nous nous mîmes à déjeuner dans une ambiance à la fois agréable et à la fois assez gênée. Je finis par me lever et j’allais m’habiller puis pendant que Gabriel était allé faire un tour dans la salle de bain, je rangeais un peu l’appartement.

Puis nous prîmes la voiture pour nous rendre au centre. Je sentais son cœur bien plus léger que la veille. Nous passâmes une bonne partie de la journée ensemble. Il me faisait de plus en plus confiance et me confiait des tâches plus importantes en plus de celles que j’avais à accomplir chaque jour.

Au repas de midi, nous mangeâmes ensemble, en ignorant superbement Marion qui chuchotait quelques mots à notre égard à son voisin de table. Au vu du lieu où nous nous trouvions et à la gêne toujours présente de Gabriel, je ne tentais à aucun moment de l’embrasser. En quelques jours je venais de découvrir une autre facette de sa personnalité bien plus fragile que ce qu’il laissait paraître. En aucun cas cependant je ne lui faisais remarquer ou le taquinait avec cela.

Le soir arriva très vite, et n’ayant aucune envie de me séparer de lui ce soir, j’allais le rejoindre alors qu’il était en train de réparer un filet. Marion et Dorian n’étaient pas très loin mais je ne leur prêtais pas la moindre attention.

- Je sais que tu es déjà venu hier, mais est-ce que ça te dis de dormir chez moi ce soir ?

J’appréhendais un peu sa réponse, et pourtant c’est avec un grand sourire qu’il me répondit avec tout le naturel du monde :

- Je finis ça et on y va.

Ayant soudain envie de le taquiner, je répliquais alors amusé de sa réaction :

- Je me trompe où tu as l’air de te sentir comme chez toi dans mon studio, mieux que dans ta petite chambre en tout cas.

Gabriel leva alors les yeux vers moi les planta dans les miens et dit avec tout le sérieux du monde quelque chose qui me toucha beaucoup malgré la maladresse de l’expression :

- J’en ai marre de la solitude, quand je peux être avec une personne que j’apprécie.

Je ne répondis que par un sourire et allait récupérer mes affaires avant de l’attendre à la voiture. Je passais devant Marion et Dorian qui avaient assisté à la scène les ignorants avec superbe.

Gabriel ne mit pas très longtemps à me rejoindre et nous partîmes jusqu’à mon studio. Nous fîmes quelques courses avant, n’ayant plus grand chose dans mon frigo. Je réalisais au moment de passer à la caisse que pleins de choses que j’avais prise étaient mangées uniquement par Gabriel.

Nous nous retrouvâmes finalement en train de manger un petit plat tout simple sur le canapé devant la télévision, tous deux fatigués par la journée. Nous parlions de tout et de rien. Je me levais un moment, demanda à Gabriel ce qu’il voulait comme dessert et débarrassais afin que nous soyons plus à l’aise. Je revins quelques minutes plus tard me mettre à ses côtés lui tendant la pomme qu’il m’avait demandée.

L’ambiance était détendue comme jamais, me permettant de me reposer comme rarement il m’en avait été possible. Je ne sus pas vraiment comment, quelques temps après que nous ayons fini notre dessert, nous nous retrouvâmes l’un tout contre l’autre, profitant de la présence et de la chaleur du corps de l’autre. Puis, à un instant, nous tournâmes lentement la tête l’un vers l’autre, nous fixant l’un l’autre d’un regard intense.

Progressivement et sans heurt aucun, nos lèvres se rapprochèrent avant de s’unir pour la deuxième fois de la journée. J’y avais à peine goûté, et j’étais déjà en manque. Toute la journée, je n’avais cessé de regarder ses lèvres et de me retenir. Gabriel avait déjà entrouvert ses lèvres, se tournant un peu plus vers moi afin de me prendre dans ses bras.

Nous nous enlaçâmes, laissant nos langues entamer une nouvelle danse très tendre apprenant encore à se connaître. Sans trop m’en rendre compte au fur à mesure dans le baiser, je laissais mes mains un peu plus libre de vagabonder sur le corps de Gabriel. Les siens étaient bien moins mobiles que les miennes, bien qu’au fur et à mesure dans le baiser, je tentais de lui communiquer un peu plus de passion et de désirs.

Mes mains finirent après beaucoup de patience à glisser sous son t-shirt, ayant plus que tout envie de sentir sa peau sous ma main. Je remontais tout le long de son dos, lui laissant un frisson. Mes mains partirent ensuite plus lentement et sensuellement à la découverte de cette peau nue qui leur était offerte.

Plusieurs fois je sentis Gabriel frémir. Il semblait se retenir constamment de se laisser aller lui aussi, comme s’il avait peur de quelque chose. Je commençais à supporter avec bien plus de difficultés le fait de ne rien savoir. Alors que je caressais son dos, mon doigt sembla passer sur un aspect différent de son dos.

Aussitôt, je fus comme envahi de cette douleur que j’avais ressentie la première fois où je l’avais touché. Elle était tellement violente, qu’elle dévastait tout en moi sur son passage. Il semblait soudain gêné que je pose ma main sur cet endroit précis de son dos, car il s’écarta soudain, quittant mes lèvres.

- Je vais me laver… commença-t-il par me dire gêné.

Puis s’apercevant de la pâleur soudaine de mon visage, tentant de me remettre de ce qui venait de s’écouler en moi, il déclara :

- Ca va Juha ?!

- Oui, juste un petit coup de fatigue…

- Hn… dit-il dubitatif, avant de se lever et de se rendre dans la salle de bain.

Je me laissais aller dans le fauteuil, laissant doucement l’énergie revenir en moi, tentant de me remettre. Je fermais les yeux un instant, ramenant la paix après la bataille qu’avait déclenché en moi la souffrance de Gabriel. Je les rouvris lorsque je sentis une présence à côté de moi. C’était Gabriel simplement en serviette qui, gêné, venait chercher ses vêtements qu’il avait oubliés dans sa précipitation.

Mon regard se posa alors directement sur son dos qui se trouvait face à moi. Une longue et fine cicatrice lui zébrait le dos. C’était bien cela que j’avais touché tout à l’heure. Une foule de questions vinrent dans ma tête. Pourquoi Gabriel avait-il cette cicatrice qui était indéniablement liée à son passé ? Qui et pourquoi lui avait-on fait cela ?

N’y tenant plus, je me redressais légèrement alors qu’il se retournait et lui demandais :

- Gabriel ? Qu’est que tu t’es fait au dos ?

Je vis aussitôt ses traits s’effondrer, comme s’il redoutait cette question tout autant que mes questions sur son passé. Alors qu’il allait ouvrir la bouche, la sonnerie de ma porte retentie.

- Je, je vais ouvrir. Je reviens.

Gabriel acquiesça et se dirigea directement jusqu’à ma salle de bain. Je me demandais qui cela pouvait être, mais je n’y prêtais pas grande importance, encore plongé dans les questions au sujet de Gabriel. A peine eu-je ouvert la porte qu’un frisson de terreur me pris. Le frère de Killian plus haineux que jamais se tenait à une mètre de moi. J’eus à peine le temps de crier le début du nom de Gabriel qu’il me sauta à la gorge, m’étranglant de ses deux mains.

Il me plaqua contre le mur. Pris de panique, ne pouvant même plus respirer, je tentais au mieux de me débattre, tentant en vain de repousser ses mains avec les miennes. Je priais pour que Gabriel arrive et c’est heureusement ce qui arriva. Il se rua derrière le frère de Killian avant de le tirer en arrière avec une force décuplée par la rage. Il lui envoya son poing dans la figure sans que le frère de Killian n’ait le temps de faire quoi que ce soit. Je portais mes mains à ma gorge, la massant un peu, après avoir repris une profonde inspiration. Après un regard inquiet pour moi, Gabriel déclara :

- Je crois que tu n’as pas très bien compris la dernière fois !!!

Le frère de Killian se redressa, en se massant la mâchoire après une grimace de douleur. Une fois debout, il se mit en face de Gabriel qui s’était placé devant moi dans une attitude protectrice. Toutefois, ce fut à moi que le frère de Killian s’adressa :

- Comment ça se fait qu’il te protège autant lui ? Tu l’as encore embobiné comme Killian ? Ca ne m’étonnerait pas de toi petite enflure ! Dis moi tu lui réserves la même fin ?

- Arrêtez ça tout de suite ! dit Gabriel, menaçant.

J’étais totalement tétanisé. Je ne savais pas pourquoi, mais je m’attendais au pire. Qu’allait-il se passer et surtout qu’allait répondre le frère de Killian à Gabriel qui ouvrait déjà la bouche.

- Je me méfierais si j’étais toi, je ne ferais pas confiance à un mec qui sort tout juste de prison.

Je vis Gabriel se raidir tout de suite, et il se tourna vers moi. 

- De prison ??? Juha tu sors de prison ?

Je ne pus que détourner le regard à sa question, les larmes venant déjà mouiller mes yeux.

- J’m’en doutais que cette petite merde t’ai rien dit.

Gabriel se retourna aussitôt, voulant se ruer sur lui pour maintenant déverser la colère qu’il ressentait aussi pour moi. Mais le frère de Killian esquiva et s’enfuit par la porte d’entrée encore ouverte. Gabriel ne bougea pas, il me tournait le dos et ses mains tremblaient de rage. A cet instant, je sus que le bonheur que j’avais effleuré venait d’être briser à jamais, détruit par mon passé qui me collerait toujours à la peau. Ne voulant pas que sa colère éclate et qu’il abatte sa haine trop violemment sur moi, je tentais en vain de l’apaiser :

- Je suis désolé Gabriel, j’aurais du te le…

- Tais-toi !! Me hurla-t-il en se retournant. Comment as-tu pu me faire ça ? Comment as-tu pu me cacher cela ? A ce stade de notre relation !

Je me laissais glisser le long du mur, n’ayant plus la force de rester sur mes deux jambes. Je tremblais de terreur et de souffrance, supportant avec extrêmement de difficulté les mots blessants et haineux de l’homme avec qui je m’étais attaché plus que je ne l’aurais du.

- Tu… Tu m’as trahis Juha, j’aurais mieux fait de te laisser seul avec le frère de Killian ! Tu… Je te déteste ! Ne m’approche plus jamais.

Gabriel pris un instant sa respiration avant de recommencer de plus belle :

- Tout ce qu’on a fait… Pendant tout ce temps… Ne m’adresse plus jamais la parole ! Ne viens plus jamais me voir et surtout ne pose plus jamais la main sur moi. Toutes ces belles paroles sur la confiance…
Assis, les genoux repliés sur moi, je tentais vainement de dire, voulant me défendre une dernière fois, la voix enrouée :

- Gabriel, je suis désolé… J’aurais du te le dire… Pardonne-moi… J’avais peur de ta réaction… Je ne voulais pas que tu me rejettes en sachant… Je…

- Est ce que tu avais au moins l’intention de me le dire un jour ?! Tu me dégoûtes ! Me cracha-t-il au visage d’une voix froide trahissant sa haine.

Plus une seule fois il ne reposa ses yeux sur moi. Il alla récupérer toutes ses affaires et sortit de mon studio en claquant la porte, me laissant seul avec ma peine.

Sans résister, j’éclatais littéralement en sanglots, posant ma tête entre mes bras contre mes genoux. Je pleurais de douleur face à ce rejet. Pourquoi avait-il du l’apprendre ? Face à sa réaction je savais que tout entre nous deux était fini à jamais, après même que cela est tout juste commencé.

Je me rappelais du goût de ses lèvres et de sa sensibilité qu’il m’avait plusieurs fois laissé entrapercevoir. Ma poitrine se serra si douloureusement que j’eus du mal à respirer, me repliant encore un peu plus sur moi-même. Avait-il parlé sous le coup de la colère ? J’en doutais… Je repensais à ses derniers moi « Tu me dégoûtes », et de la haine qui avait déferlé sur moi.

Des spasmes commencèrent à me saisir, il fallait que je me lève, que je fasse quelque chose, il ne fallait pas que je reste ainsi. J’étais littéralement épuisé, ma gorge me brulait. J’avais encore l’impression d’y sentir les mains du frère de Kilian. Les tremblements étaient de plus en plus violents et je ne cessais de pleurer. J’avais tellement mal au cœur…

Je ne sus comment je parvins à me lever et à marcher jusqu’au canapé où Gabriel avait si souvent dormi. Je n’arrivais pas à aller jusqu’à mon lit. Cela me rappelait encore la dernière nuit que nous avions passé tout contre l’autre. Recroquevillé, je tentais tant bien que mal de me calmer. Je restais ainsi à pleurer un temps interminablement long, jusqu’à fermer les yeux pour me couper du monde. Peut être n’aurais-je pas dus souhaiter dormir…

Flash back

J’eus à peine le temps d’ouvrir de nouveau les yeux, qu’un deuxième poing vint atterrir dans mon ventre, juste en dessous de mes côtes. J’étais totalement perdu.

- Alors comme ça on se prend pour un tueur ? Tu vas voir ce qu’on leur réserve nous aux mecs dans ton genre.

- Arrête Jack, c’est quand même qu’un gamin.

- Il a été émancipé, et puis à dix-sept ans on est plus un gamin ! Il ne mérite que ça.

A peine eut-il terminé sa phrase qu’il me cracha au visage. J’étais totalement paralysé et je n’osais esquisser un seul (il manque un mot « mouvement » « geste »). Je venais à peine d’entrer en prison que c’était déjà l’enfer. Mais le pire était que je n’avais pas encore rencontré les prisonniers… Pour le moment, j’étais seul face à la haine de ces deux gardiens, heureux d’avoir trouvé quelqu’un de plus faible.

Seulement, jamais je n’eus une quelconque réaction. J’étais trop emprisonné dans ma propre douleur. Un seul nom me venait à chaque fois à l’esprit… Killian. Depuis l’instant même où il avait fermé les yeux, mon cœur saignait de cette douleur vive et amère sans cesser un seul instant.

L’un d’eux attrapa alors un dossier posé sur le bureau. Un homme s’y tenait assis depuis le début et prenait un malin plaisir à voir ses deux acolytes faire ce qu’ils voulaient de moi. Je n’aimais pas son regard et la façon qu’il avait de poser ses yeux sur moi me donnait froid dans le dos.

J’avais l’impression qu’il me réservait bien pire que ce que ces deux hommes étaient en train de me faire. Je sentais la douleur de mon corps mais elle n’était en rien comparable avec celle de mon âme blessée et brisée à jamais. J’étais assis sur une chaise, les mains derrière le dos attachées par des menottes. J’étais totalement offert à eux. Après les claques, ils en étaient venus au poing souhaitant ne pas trop m’abîmer le visage. L’homme qui était maintenant en train de lire le dossier, leva un instant les yeux de ses feuilles et me regarda en me demandant :

- Alors quelle était ta victime salaud ?!

Il regarda un instant son cahier avant de reposer son regard sur moi :

- Killian… Pas la peine de te dire son nom, je pense que tu le connaissais… Alors comme ça, tu as assassiné Killian ! Il est mort par ta faute ! Et comment tu as fait ça ? Avec une balle dans la tête… Et bien on ne fait pas les choses à moitié.

Rien qu’entendre son nom me soulevait le cœur.  Alors en entendre autant était impensable. Je savais ce dont j’étais fautif, et ma culpabilité était bien assez grande.

- Maintenant, je t’en fais la promesse, à partir de ce jour tu regretteras à jamais ce que tu as fait…

Je culpabilisais depuis l’instant même où le coup était parti… Ce n’était même plus de la culpabilité. Ce que je ressentais n’avait pas de nom. Peur, peine, regrets, souffrance, douleur, rancœur contre mon être, terreur du futur, terreur du présent, angoisse de la vie que j’allais maintenant devoir affronter sans Killian dans un milieu des plus hostiles.

Ils continuèrent à mêler coups et remarques blessantes, allant jusqu’à me faire tomber lourdement sur le sol. J’avais envie de leur hurler ma douleur, j’avais envie d’extérioriser ce qui me rongeait pourtant aucun mot ne sortait de ma bouche, aucun son… Je ne savais même plus quoi faire, ni comment réagir. J’étais tombé dans un gouffre qui se refermait peu à peu sur moi…

Et cette image atroce de Killian, inerte sur le sol, baignant dans le sang qui ne cessait de couler. Le tapis s’en était imbibé peu à peu, me laissant une image terrifiante de l’homme que j’aimais, ma moitié que j’avais à jamais perdu. Pourquoi ? Pourquoi y avait-il eu une seule balle ?

Pourquoi m’avait-on interdit la mort ? N’étais-je pas ce que je méritais, ces quinze ans de prison. Mais même un an, un jour ou une seule seconde dans cet endroit étaient impensable dans ce lieu. Les coups de poing avaient laissé place au coup de pied, finissant leur course dans mon ventre et moins lourdement parfois dans mes côtes. J’avais l’impression que jamais cela n’allait prendre fin.

Les insultes, elles aussi pleuvaient de plus en plus durement. J’entendis des choses si rabaissantes, humiliantes et blessantes que cela faisait presque aussi mal que les coups. Tout pour m’enfoncer un peu plus la culpabilité gigantesque du meurtre que j’avais commis.

Soudain, les coups cessèrent et les deux hommes s’éloignèrent légèrement de moi ? J’avais de plus en plus de mal à garder les yeux ouverts, ma tête tournait si fort qu’il m’était de plus en plus difficiles de me situer dans la pièce. Ma respiration était elle aussi plus dure, à cause des coups. J’avais l’impression que la fin était proche, encore quelques coups et je me laisserais totalement détruit par cette haine.

u’importe ce que j’allais subir, le goût de la vie m’avait définitivement quitté. Seulement rien ne m’arrivait depuis plus d’une minute. Je finis résigné, comprenant que c’était ce qu’ils attendaient de moi, grâce à ce don qui m’avait amené à ma perte, à tourner la tête vers eux. Ils s’étaient installés à côté de l’homme appuyé sur le bureau, silencieux depuis le début, tels des gardes du corps. Dès que je croisais son regard, je frissonnais face au mal qu’il dégageait. Il déclara soudain après un rictus haineux :

- Tu as voulu jouer au plus malin et au plus fort. Tu vas payer pour le crime que tu as commis dans cette prison et de la plus horrible des façons qui soit. Nous allons juste t’offrir un petit aperçu…

Il fit signe à ces deux hommes et s’approcha de moi. J’avais le corps tellement meurtri que je ne cherchais même pas à fuir ou à me défendre. Allonger sur le côté, je continuais de fixer l’homme qui m’approchait lentement. Les deux autres étaient à ma hauteur et attendaient l’ordre de leur supérieur. Alors qu’il était maintenant à peine à quelques mètres de moi, il s’arrêta et déclara sans quitter mon regard :

- Relevez-le ! Mettez-le face au mur, collé contre !

Les hommes s’exécutèrent et je me laissais faire, totalement soumis. Quoi qu’allait me faire subir ces hommes, quoi que j’allais devoir supporter, rien n’égalerait la douleur que je ressentais depuis l’instant même où j’avais pressé sur la détente. J’aurais pu tout endurer, peut être que je voyais cela comme une punition…

Tout ce que l’on était en train de faire, plus que tout je trouvais que je le méritais, la culpabilité était trop forte pour que je ne subisse rien. Quelque part, je pensais que j’avais besoin de tout cela.
On me plaqua contre le mur, me soutenant par les épaules. Je ne pouvais rien faire, j’avais toujours les mains dans les menottes. Il m’était impossible d’espérer ne pas vivre ce que j’allais vivre. Je sentais l’haleine brûlante des hommes de chaque côté de mon visage, qui une fois de plus me rabaissait avec les mots.

Je sentis soudain le troisième homme passer ses mains sur mes fesses, me communiquant involontairement son envie. Je compris aussitôt, bien avant qu’il commence à ouvrir mon pantalon et à le baisser. Face au mur, je ne pouvais pas voir son visage, je ne pouvais pas voir ce qu’il faisait. Je ne pouvais nier que j’avais peur, mais je savais que je pouvais subir autant de viol qu’il le souhaitait, jamais cela ne réduirait ma douleur. Il le baissa jusqu’à mi jambe, entraînant mon boxer avec. Je fermais les yeux, souhaitant me concentrer pour que sa folie ne vienne pas se mêler à mon désespoir.

Après quelques instants, l’homme se colla tout contre moi, faisant exprès de coller son intimité déjà dévoilé sur mes fesses, m’offrant un frisson de dégoût. Il colla alors sa bouche tout près de mon oreille pour me murmurer :

- Tu sortais avec celui que tu as buté si j’ai bien lu ton dossier ? Ca doit te manquer de te faire défoncer depuis qu’il est mort. Ne t’inquiète pas, je vais t’aider.

A peine eut-il fini sa phrase qu’il s’écarta de moi et sans prévenir, me pénétra d’un coup sec. Jamais il ne sera possible de décrire une telle douleur, un tel rabaissement. Un hoquet de douleur me saisit, mais le son de ma voix mourut dans ma gorge. Je ne voulais pas crier. Je n’avais de cesse de me répéter que je le méritais.

Mon corps tremblait sous la douleur de cette présence imposée en moi. Il avait déjà entamé ses vas et viens, me laissant à chaque fois cette impression de déchirure un peu plus forte et bien plus douloureuse. Les deux hommes me maintenaient encore les bras ; sans cela de toute façon je n’aurais pas pu tenir debout. Mon corps était douloureux des coups que j’avais reçu, mais le plus douloureux était en moi pour le moment. Ses gémissements de plaisir prit à me violer heurtait violemment mes oreilles. Et le rire des deux autres hommes étaient insupportable. Il s’enfonçait à chaque fois un peu plus en moi, à chaque fois plus brusquement.

Aucun son ne sortait de ma bouche, je me refusais maintenant à crier ma souffrance qui ne demandait qu’à être extériorisée. J’avais de plus en plus de mal à bloquer ce qu’il ressentait à être ainsi en moi, au plaisir qu’il prenait. Cet instant qui était finalement très court, me parut durer des heures. Lorsque je sentis cet homme jouir en moi, la répulsion fut si forte que j’eus envie d’en finir tout de suite. Jamais je ne m’étais senti aussi sale et éloigné de Killian.

Les deux hommes me lâchèrent au même moment où l’homme se retira de moi. Fragilisé comme jamais, je m’effondrais sur le sol. Les larmes commencèrent à couler sans que je ne puisse rien faire pour les retenir. J’avais vécu une chose effrayante, mais je le méritais.

Le choc avec le sol dur avait été bien moins douloureux que tout ce que j’avais subit jusqu’à maintenant. Mon violeur sortit de la pièce après avoir donné un ordre aux deux autres hommes que je ne compris pas. L’un des deux hommes s’approcha de moi, et vint m’enlever les menottes, m’ordonnant de ne surtout pas bouger. J’en aurais été incapable. C’était l’homme qui m’avait fait le moins de choses, le seul qui semblait au vu de ce qu’il ressentait maintenant, être peiné de ce que j’avais subit.

 Ils finirent par sortir tous les deux, me laissant seul me remettre de ce que je venais de vivre. Je restais là, étendu, immobile sur le sol. J’aurais voulu enfouir ma tête dans mes bras, me cacher un instant, mais je ne le pouvais pas. Je n’arrivais même pas à bouger un seul doigt. J’étais totalement paralysé. Je ne sus combien de temps je restais ainsi à simplement sentir les larmes couler sur mes joues.

Je ne fus pas vraiment conscient de ce qui se passa ensuite, jusqu’au moment ou un autre homme vint me chercher. Mon pantalon encore au niveau des genoux, l’état de mon corps et ma posture criaient ce que j’avais vécu, et pourtant l’homme se contenta de fermer les yeux sur ce que j’avais subit et de déclarer simplement :

- Lève-toi… Il est trop tard pour espérer manger quoi que ce soit. Je t’amène à la douche et tu iras dans ta cellule.

Je tendis difficilement mes bras vers mon pantalon, tentant de le remonter, exécutant son ordre. Rien que le fait de bouger les bras, était douloureux. Je surmontais cependant celle-ci, et tentais de me redresser une fois mon pantalon remis. Je ne voulais surtout pas qu’il me touche. Je ne supporterais pas un contact de plus. C’est pourquoi je me hissais sur mes deux jambes, puisant dans des forces qui m’étaient inconnues, avant même qu’il n’ait l’idée de venir m’aider.

Une fois debout, je m’appuyais un instant contre le mur. La douleur du viol était aussi dur mentalement que physiquement. Je me sentais salis à jamais. Je finis par me décider à marcher vers lui, sentant son impatience. Chaque pas était un supplice, faisant renaître la souffrance que j’avais vécu pendant l’abus de l’homme sur mon corps.

C’est ainsi que je suivis cet homme, découvrant le lieu où j’allais passer une des parties les plus importantes de ma vie… Mais peu m’importait, ma vie sans Killian, il m’était impossible de la concevoir, et la vivre ici était ce que je méritais. Cela apaiserait peut être un peu ma culpabilité. Je ne cessais de me répéter ce genre de phrase.

Nous ne tardâmes pas à arriver à la douche. L’homme me tendit des vêtements et une serviette après s’être éclipsé un instant. Chaque prisonnier avait regagné sa cellule et j’étais le seul à l’extérieur. J’allais pouvoir prendre ma douche en paix, tenté de laver les souillures qui maculaient mon corps.
Je me dévêtis avec difficulté à cause de ce corps meurtri. J’ouvris le robinet d’eau brûlante, ajoutant un peu d’eau froide afin que cela reste dans le domaine du supportable. Sans hésiter un seul instant, je me glissais sous ce torrent d’eau, frissonnant au contact de l’eau sur mes muscles endolori
s. Soudain la vois du gardien retentie :

- On n’est pas à l’hôtel ici, tu as encore trois minutes.

J’attrapais alors le savon, me nettoyant le plus rapidement possible. Pour que l’eau soit réellement bénéfique pour mon corps, j’aurais du y rester bien plus longtemps. Mais comprenant que cela n’était pas de l’ordre du possible, je revins à sa fonction première : laver mon corps. Je finis à temps, me frictionnant ensuite avec la serviette avant d’enfiler mes nouveaux vêtements. L’homme qui m’attendait à l’entrée déclara lorsqu’il me vit arriver :

- Et bien, ce n’est pas trop tôt !

Je ne répondis rien, me contentant de baisser les yeux, sans prêter attention à lui et aux autres remarques qu’il ajouta. Je le suivis, ne souhaitant plus qu’une chose, m’étendre dans le lit qui allait m’être attribué et ne plus bouger. Nous marchâmes devant plusieurs cellules, les remarques fusèrent mais je n’y prêtais en aucun cas attention, plutôt concentré à réussir à mettre un pied devant l’autre. Nous nous arrêtâmes enfin devant une cellule.

Le gardien attrapa ses clefs et m’ouvrit la porte, m’invitant à entrer. L’homme couché en haut sur le lit superposé leva la tête afin de voir qui était l’intrus qui osait pénétrer dans sa cellule. J’avais l’impression d’avoir déjà sentit ce regard posé sur moi. Un frisson me parcourut lorsque la porte se referma derrière moi.

Les lumières de la prison s’éteignirent peu de temps après, laissant régner une ambiance qui ne me plaisait pas du tout. Je sentais l’autre prisonnier continuer à me regarder. N’aimant pas cela du tout, j’allais m’asseoir sur mon lit, me cachant ainsi de lui. Seulement, il ne semblait pas avoir décidé que cela se déroule de cette manière.

J’étais à ce moment là, assis sur mon lit, adossé au mur, les genoux remontés afin de trouver une position la plus rassurante possible, totalement replié sur moi-même. Le prisonnier descendit de son lit, et me fit face, restant debout pour le moment.

- La moindre des choses serait de te présenter non !

Je n’aimais pas du tout la façon dont il avait de m’adresser la parole.

- Comment tu t’appelles ?

- … Juha… articulais-je difficilement.

L’homme pris soudain une moue appréciatrice et déclara :

- Et bien ça change du vieux chnoque que j’avais avant. On peut dire que tu es sacrément bandant !
Il vint alors s’asseoir sur le lit, bien trop prêt de moi à mon goût. Mon rythme cardiaque doubla en quelques secondes.

- J’ai vraiment de la chance d’avoir une gueule d’ange comme toi dans ma cellule. Tu vas voir on ne va pas s’ennuyer…

Il commença alors à s’approcher de moi. Je sentis directement ses intentions. Seulement je savais que je ne supporterais pas deux fois. C’était impossible. Plus il s’approchait plus la peur me nouait les boyaux. L’idée même qu’une main se repose sur mon corps me soulevait le cœur et me serrait la poitrine à en crevée.

Il posa alors une main sur mon bras, m’attirant légèrement vers lui. Je retirais vivement ma main, me terrant alors le plus loin possible, bloqué par l’angle du mur. S’il pu lire la terreur dans mes yeux, il n’y prêta aucune attention. Il n’aimait d’ailleurs pas du tout ma réaction. Je savais que je n’allais faire que repousser le moment, mais n’avais-je pas droit à quelques secondes de répit ?

Il était bien plus fort que moi, et mon corps d’à peine dix sept ans ne me permettrait pas de me défendre contre cet homme qui devait en avoir facilement le double. Tout dans cet homme m’écœurait, jusqu’à ses pensées les plus profondes. Il me saisit cette fois-ci bien plus durement le bras, et j’eus beau tenter de me débattre, il ne lâcha pas prise.

Sans que je n’ais eu vraiment le temps de réaliser ce qui m’arrivait, je me retrouvais très vite plaqué contre le lit sur le ventre, avec cet homme au dessus de moi. Il s’abaissa alors et me murmura à l’oreille :

- Laisse-toi faire ! Tu verras ça va être sympas, on va prendre notre pied tous les deux.

Je tentais vainement de me débattre une fois de plus, bougeant le plus possible afin de me dégager de l’étreinte toujours plus puissante et écrasante de cet homme. Les larmes revinrent bientôt dans mes yeux. Je ne pouvais plus, je n’en pouvais plus. Je voulais quitter ce corps à jamais, mettre fin à l’enfer dans lequel j’étais plongé depuis la mort de Killian. Je l’implorais silencieusement de venir me chercher. L’homme devint bien plus brusque, m’empêchant cette fois-ci réellement de me débattre. Cette fois-ci c’était la fin… Agacé de ma rébellion minime, il déclara :

- Arrête de te débattre ! Plus tu fais cela, plus ça sera douloureux pour toi !

Il me révélait maintenant sa nature, ne cherchant plus à faire semblant de me séduire. Il voulait répondre à son besoin pire que bestial, se vider les couilles et j’étais malheureusement sa proie. Est ce que cela aussi je le méritais ? D’une voix extrêmement faible, je me surpris à le supplier alors qu’il commençait à baiser mon pantalon d’une main, tandis que l’autre tenait mes mains au dessus de ma tête :

-  S’il vous plait arrêtez… Pitié… Non… Ne me faites pas ça…

Les sanglots se mêlaient à mes paroles, les entrecoupant. J’avais de plus en plus de mal à respirer. Tout comme l’autre, il se plaça au dessus de moi, s’installant au mieux pour prendre son pied à mon détriment. Je ne pus réprimer les tremblements qui me saisirent. Ne voulant surtout pas qu’on entende mes cris, résigner à la suite, j’enfouis ma tête dans l’oreiller.

De la même façon que le gardien, il ne prévint pas lorsqu’il décida d’entrer en moi. J’hurlais toute la douleur que je ressentais, dont le son était arrêté par l’oreiller. J’avais le souffle coupé tellement cette fois-ci était bien plus douloureuse que la première fois. Mon cri fut suivit de sanglots qui furent loin d’arrêter mon bourreau. Mon corps était pris de spasmes de plus en plus douloureux. Jamais je n’aurais pensé qu’on puisse ressentir quelque chose d’aussi douloureux. Le prisonnier poussait des gémissements de plaisir qui écorchait mes oreilles à vif.

De tout mon être je priais pour que cela prenne fin. Je tentais lamentablement de bouger mes bras, mais il tenait trop fermement mes poignets. Je ne pouvais plus rien faire… Je ne voulais plus rien sauf une chose : en finir une bonne fois pour toute. Je ne supportais plus de sentir sa peau déjà ruisselante par l’effort se frotter contre la mienne, me donnant l’impression d’un papier de verre.

Le pire était de ressentir le plaisir qu’il prenait à être en moi. Trop affaibli, il m’était maintenant impossible de bloquer mon esprit. Tout pris fin après un temps que je jugeais infiniment trop long. Il se déversa en moi tout comme le gardien, me souillant à son tour. Il ne resta pas une minute de plus à mes côtés. Il se retira de moi, et remonta dans son lit, me laissant étendu dans la même position.

 Ma tête était toujours enfouie dans l’oreiller, mes pleurs toujours plus douloureux. Je me sentais détruit, anéanti à jamais. Mes mains se serrèrent sur draps qui s’étaient légèrement défaits par ce qu’il venait de se passer. Seulement, rester dans cette position était finalement pire que tout. Je finis par me redresser et me mettre assis en boule contre le coin du mur. Je fixais l’entrée de la cellule, laissant les larmes s’écouler. Mes yeux parcouraient la pièce à la recherche d’une issue, je n’étais pas très loin de la folie. Il fallait que je trouve une échappatoire, une solution pour que tout finisse maintenant.

Mes yeux furent alors attirer par quelque chose de brillant au dessus de ma tête. Je levais la tête afin de mieux voir, et m’aperçut qu’il s’agissait d’une larme de cutter coincé et cacher aux yeux des gardiens. Il ne fallut pas longtemps pour préparer ce que je voulais faire. Fébrilement je tendis mon bras vers cette lame, ne pensant plus qu’à une seule chose : en finir une fois pour toute et fuir cet endroit à l’aide de la seule méthode qui était en mon pouvoir.

J’avais assez payé, je pouvais partir. Mourir, c’était tout ce que je méritais. Je portais cette lame à mon poignet, et sans perdre un seul instant, j’incisais cette peau qui ne demandait qu’à l’être. La lame entra comme dans du beurre, laissant échapper aussitôt des flots couleur vermeille, la même couleur qui avait entouré Killian avant sa mort.

J’étais comme hypnotisé par ce sang qui s’échappait en même temps que ma vie. Plus rien ne me retenait dans ce monde. Je pouvais partir, cela ne ferait de peine à personne. Je ne ressentais même pas la douleur, seulement une légère gêne, l’impression qu’on m’enlevait quelque chose d’important. La vie me quittait, ma tête tournait. Mes yeux commençaient à se fermer… Je perdis conscience sans même m’en rendre vraiment compte…

Fin du flash back

J’ouvris soudain les yeux, tout tremblant et transpirant. Mon bras me lançait et il me fallut un temps pour réaliser que tout cela n’avait été qu’un rêve, ou du moins un souvenir revécu en rêve du passé. J’étais tout tremblant, recroquevillé dans le canapé. J’avais l’impression de venir de vivre ce traumatisme de mon passé. Ma cicatrice me brûlait comme si c’était une plaie ouverte. Je ne pouvais pas rester ainsi allongé, il fallait que je me lève. Je me redressais vacillant, faible comme jamais.

En plus de ce cauchemar, je me rappelais de ce qui s’était passé juste avant. Mon cœur se sera douloureusement. Je sentis soudain un haut le cœur, et j’eus à peine le temps de courir jusqu’au toilettes. Un second hoquet me prit, et il m’en fallut pas plus pour vomir. Les larmes vinrent en même temps.

Chaque spasme était de plus en plus violent, me prenant dans le ventre et provoquant des crampes. Rare était les fois où je me sentais aussi faible et aussi minable. J’avais vécu dix ans en prison, pourquoi fallait-il que je rêve du pire… Après ma tentative de suicide, on m’avait placé dans la même cellule pendant dix ans, et l’occupant m’avait pris sous son aile sans jamais rien me demander en échange.

Le temps m’avait aidé à oublier, à dépasser ce traumatisme que je voyais toujours comme une punition. Je ne sus pas vraiment combien de temps je restais là, à finir par vomir toute la bile que contenait mon estomac maintenant désespérément vide. Je finis par me relever et marcher à l’aide de mes jambes tremblantes jusqu’à la salle de bain.

Je me passais un peu d’eau sur le visage, faisant tout pour ne pas regarder mon teint livide dans la glace. Je retournais m’allonger en boule dans le canapé, attrapant une couverture car je frissonnais de froid, affaibli par mon état pitoyable. J’étais en train de craquer comme rarement cela m’était arrivé. L’idée même de n’avoir plus aucun lien avec Gabriel s’était revenir en arrière, me retrouver de nouveau terriblement seul.

Cette solitude me terrifiait de par ce que j’étais capable de faire. Pourquoi ce jour de prison… Je pensais l’avoir dépassé. J’avais pu coucher avec Dorian sans aucun problème, l’acte sexuel en lui même ne me faisait pas peur et j’aurais été tout à fait capable d’aller plus loin avec Gabriel. Non, c’était une toute autre forme de traumatisme que ces deux hommes avaient laissés en moi. Avoir réveillé cette souffrance en moi avait fait revenir à la surface des vieux démons autodestructeurs… Je souhaitais tout autant dormir que rester éveillé.

Ces deux états étaient tous deux maintenant similaires et douloureux. Le soleil s’était maintenant bien levé dans le ciel et je réalisais que la journée était maintenant bien avancée. Je n’étais pas allé travailler et jamais je n’en aurais été capable. Rester allongé là, dans un état de crise, c’était tout ce qui m’était permis de faire. Mon téléphone sonna plusieurs fois dans la journée, mais il m’était impossible de me lever pour répondre. Et puis je n’avais personne à qui j’avais envie de parler. Ce ne pouvait être que le frère de Kilian ou le centre et c’était hors de question.

Je finis par allumer la télévision, m’emmitouflant dans la couverture. Je n’avais pas faim, et l’idée même d’ingurgiter quelque chose me soulevait le cœur. Je tentais plusieurs fois désespérément de suivre le film, puis le suivant, mais rien n’y faisait. Je repensais à toutes ses années que j’avais passé depuis la mort de Killian jusqu’à la récente perte de Gabriel. Est-ce qu’en tuant Killian, j’avais anéanti tout bonheur possible ? Est ce qu’un jour ma culpabilité prendrait fin ? Je n’arrivais plus à y croire…

Je passais la nuit ainsi, dans un semi sommeil, pas assez profond pour rêver de nouveau de mon passé, m’enfonçant plus loin dans les cauchemars. Tout m’inspirait le dégoût de moi même et de mon corps. L’idée d’être souillé à jamais était ressorti de plus belle. Est ce que je ressentirais toujours cela ? La réponse qui me venait à l’instant était positive.

Plongé dans le pessimisme le plus sombre, je passais une seconde nuit des plus difficiles. La journée qui suivit fut encore pire. Les seules fois où je me levais était pour aller vomir. Une volonté sourde et autodestructrice s’était emparait de moi. Je ne savais ce qui me retenait. Plus je pensais au centre et plus je me disais que jamais je ne pourrais y retrouver et affronter Gabriel chaque jour.

Ce qui venait de m’être enlevé était bien trop rare et précieux pour constaté son manque chaque jour. Je dormis très peu la nuit qui suivit, mais elle m’aida à prendre ma décision. Je ne pouvais pas rester comme cela. Très tôt demain matin, j’irais donner ma démission. Je partirais d’ici. Je vivrais le plus seul et plus éloigner des autres. Je m’isolerais à jamais, et pour cela je trouverais la solution la plus radicale.

Ainsi, lorsque l’aube se leva, je me redressais, puisant dans mes dernières forces. J’avais l’impression que l’on m’avait roué de coups, tellement mon corps était courbaturé. J’allais directement dans la salle de bain, ne prenant pas la peine de voir mon visage tout de suite. Je fis couler l’eau sur mon corps, tentant de redresser un peu la tête, ne voulant pas montrer à tous lorsque je sortirais mon abattement. Lorsque je sortis, je me séchais les cheveux, défaisant les quelques nœud.

Une fois sec, j’allais m’habillé. Ce soir, je ferais mes valises et quitterais cet endroit pour aller errer dans un ailleurs où je ne me lierais avec personne. J’attrapais aussi quelque chose à manger pour la route, ayant besoin d’un peu de force, même si la vue de la nourriture ne me donnait pas du tout envie. Je sortis de chez moi, après avoir enfilé ma veste, comme un zombie. Il neigeait dehors, donnant à l’ambiance un ton tout à fait approprié. Dehors, le froid était saisissant et pourtant je continuais de marcher sans y prêter vraiment attention. Plus j’approchais du centre, et plus mon cœur se serrait. Plus j’avançais et plus je ralentissais.

Lorsque j’atteignis enfin le centre, je fus soulagé de constater que personne n’était encore arrivé ou n’avait véritablement commencé à travailler. J’allais directement jusqu’au bureau de Philippe et frappais à sa porte, inspirant un bon coup. Heureusement il était là, et dit simplement :

- Entrez…

Je m’exécutais, ne sachant pas trop comment celui-ci allait réagir à ma venue.

- Tiens, s’exclama Philippe sans cacher sa colère, je pensais ne plus jamais te revoir, qu’est ce que tu fiches ici ?

- Je… euh… Commençais-je à bredouiller. 

Je m’avançais un peu plus en même temps, voulant arriver à sa hauteur.

- Je t’avais prévenu Juha ! Tes problèmes ne devaient pas affecter ton travail ! Deux jours d’absences sans prévenir !! Non mais tu te prends pour qui ? J’espère que tu as une excuse en béton.

Je n’arrivais rien à répondre, j’étais comme paralysé face à sa colère qui m’envahissait et que je ne savais même plus repousser. Jamais je ne me serais imaginé aussi faible.

- Alors Juha j’écoute. Tu es en train de me faire perdre mon temps, déclara-t-il, s’impatientant de plus en plus.

Je ne trouvais qu’une chose à lui dire, prenant mon courage à deux mains, sachant que je ne pourrais pas tenir la tête haute très longtemps :

- Je m’excuse. Ce que j’ai fait un intolérable, c’est pourquoi je donne ma démission. Merci pour tout ce que vous avez fait.

Philippe semblait abasourdit parce que je venais de dire. C’était vraiment la dernière des choses à laquelle il s’attendait. Ce fut à son tour de bégayer quelques mots, mais je ne lui laissais pas le temps de reprendre ses esprits, et déclarait simplement « au revoir » avant de lui tourner le dos et de quitter la pièce. J’avais pris ma décision et c’était l’unique solution que je voyais. A l’instant même où je priais pour ne pas revoir Gabriel, je tombais face à lui en ouvrant la porte, et à voir l’expression qu’il affichait je compris qu’il avait assisté à une bonne partie de la scène. Maintenant qu’il était en face de moi, je ne pouvais plus faire marche arrière.

- Au revoir Gabriel…

A l’instant même où je prononçais ces mots, je les trouvais à la fois si ridicules et déplacés. Il me dévisageait, semblant peu à peu réalisé ce que je venais de dire. Ne pouvant supporter sa vue d’avantage et mon cœur saignait, je poursuivis ma route en le dépassant. Sa voix retendit soudain dans mon dos, mêlant froideur et colère :

- Tu ne fait que fuir !

Je me retournais aussitôt vers lui, presque choqué par ce qu’il venait de dire. Blessé de ces quelques mots, retenant tant bien que mal mes larmes, je déclarais d’une voix assez faible :

- Ne juge pas Gabriel… Tu ne sais rien.

- Non, je ne te juge pas, je ne que fait que constater ce que je vois !

Je détournais le regard, ne supportant plus de le voir. C’était bien trop douloureux. Malgré moi, je constatais que je m’étais attaché à lui bien plus que je ne le pensais.

- Pourquoi est ce que tu ne me regardes pas quand je te parle, reprit-il. De quoi as-tu peur ? De la vérité que je dis ? Tu n’es qu’un lâche Juha ! Tu fuis la queue entre les jambes à chaque problème que tu rencontres !

S’en était trop. Je ne pouvais pas en entendre plus. Une colère sourde m’envahie, faisant échos à la sienne. Je plantais mes yeux dans les siens et déclarais :

- Comment peux-tu dire que tu ne juges pas en me disant cela. Peut être que je fuis, mais que ferais-tu si tu étais dans ma situation. Tu as raison, je sors de prison et cela doit grandement te choquer. Je me doutais de la réaction que tu aurais. Mais as-tu imaginais un seul instant tout ce que j’ai vécu avant la prison et pendant les dix années qui ont suivi ? Je n’ai plus rien à faire ici. Je préfère partir parce que peut être qu’il m’est impossible de rester ! Fuir, n’est ce pas finalement ma seule solution ? J’ai assez souffert pour que tu viennes me juger aussi facilement.

Je pleurais et je tremblais, mais j’extériorisais un peu ma douleur.

- On a tous un passé certes plus ou moins douloureux Juha, mais ce qui compte maintenant c’est ce que l’on ait, et pas le passé ! me répondit-il.

- C’est tellement facile de dire cela ! S’il te plait épargne-moi ces grandes paroles ! J’en ai assez de ces discours moralisateurs.

- Peut être que c’est facile Juha, mais contrairement à toi j’ai plus ou moins réussis à surmonter mes démons.

J’inspirais alors profondément, ne voulant pas laisser échapper des paroles blessantes. Mais je finis par lâcher : 

- Le pire, c’est que tu crois ce que tu dis… Arrête de mentir.

Je réalisais trop tard que j’en disais peut être un peu trop. Sans me départir de ma volonté, je lui tournais subitement le dos, commençant à partir. Mais la main de Gabriel agrippa fermement mon poignet et j’eus à peine le temps de me retourner que je reçus une gifle puissante. Les coups, s’étaient bien la dernière chose que je pouvais encaisser maintenant. Je repris ma fuite, courant vers la porte. J’entendis plusieurs fois Gabriel m’appeler, mais je ne me retournais à aucun moment.

Je courus tout le long du trajet, trop blessé et trop meurtri pour avoir la résistance à quoi que ce soit. Je me retrouvais devant chez moi, montant les marches avec la même cadence. Arrivé devant ma porte, j’avais déjà saisi les clefs. Ma tête tournait à cause de l’effort fourni.

Fuir et cette fois-ci fuir pour de bon était ma seule solution. Je jetais un rapide coup d’œil une fois rentré chez moi dans la pièce, ne prenant même pas la peine de fermer la porte. N’avais-je pas déjà assez souffert et payé pour la mort de Killian ?

N’avais-je pas droit maintenant à cette libération. Je n’avais aucune raison de rester, rien qui me retenait. La seule personne qui me prêtait maintenant réellement attention était le frère de Killian qui souhaitait ma mort. Je saisis le couteau à l’instant même où je le vis. Il était suffisamment aiguisé pour abréger mes souffrances.

Mes jambes cédèrent sous mon poids. Mon poignet fut découvert et offert. Il suffisait d’un seul geste et tout cela était fini. J’avais assez donné, assez souffert, assez payé. J’allais pouvoir fuir pour de vrai et donné raison à Gabriel. Soudain, sa voix retentie, me faisant sursauter :

- Juha ! Putain qu’est ce que tu fous ! Cria-t-il

Il courut vers moi, totalement paniqué et essoufflé, m’arrachant le couteau des mains. Il attrapa alors le poignet que je m’apprêtais à tailladé une ultime fois, souhaitant regarder si je n’avais rien. Je n’eus même pas la force de lui résister et réalisais seulement maintenant ce qu’il allait voir. Il fixa mon ancienne cicatrice, la découvrant pour la première fois. Peut être était-il en train de prendre conscience de ma souffrance… Il plongea ses yeux dans les miens embués de larmes et me demanda au bord des larmes :

- Pourquoi Juha ?

- J’en peux plus Gabriel… répondis-je la voix vide de toute force…

Ce fut la phrase de trop qui le fit pleurer. Je ne comprenais pas pourquoi il se mettait dans cet état. Pourquoi pleurait-il ? Je détournais les yeux, ne supportant pas d’être la raison de ses larmes. Sa voix retentie de nouveau :

- Est ce que tu es toujours comme cela Juha ? Aussi égoïste ? Est ce que tu agis toujours en ne pensant qu’à toi sans te douter du mal que tes actes peuvent causer aux autres ?

Je relevais mes yeux, les plantant dans les siens, et déclarais, dans une plainte déchirante :

- A qui est ce que je causerais du mal si je partais ?

Une seconde gifle vint atterrir sur ma joue déjà endolorie par le précédent coup.

- As-tu vraiment conscience de ce que tu dis ?!

Je ne résistais plus. Toutes mes forces, toute ma volonté s’effondra comme un château de cartes. Je me jetais presque dans ses bras, me laissant aller à enfouir ma tête contre son épaule. Il ne me repoussa pas et au contraire, m’enlaça avant de me serrer très fort. Au milieu d’un sanglot, je lui soufflais alors simplement un mot :

- Pardon…

Gabriel m’écarta alors un peu de lui, ne mettant cependant pas fin à l’étreinte.

- Comment te faire confiance Juha ? Qu’est ce qui me prouve que tu as été clair et honnête avec moi ?

Tentant un instant de cesser de pleurer, je déclarais la vois enrouée :

- Laisse-moi du temps… Je te promets qu’un jour tu sauras tout… Mais je n’ai pas la force de te le dire maintenant…

Gabriel m’attira alors soudain à lui, me serrant si fort qu’il m’étouffait presque. J’aimais plus que tout être ainsi dans ses bras, sentir ce contact rassurant. Il murmura alors à mon oreille :

- Je t’en supplie, ne recommence jamais ça… Ne me refais jamais aussi peur…

Sa voix mourut dans nos sanglots. Je me laissais aller dans ses bras, m’apercevant de mon état de faiblesse physique dut à ces derniers jours. Me reposer un peu sur ses épaules, j’en avais plus que besoin. Mais j’avais surtout besoin de lui dire une autre chose, transmettant ainsi ma peur, au milieu d’un sanglot, la tête toujours enfouie tout contre lui :

- Ne me laisse pas seul Gabriel, s’il te plait… Je t’en supplie ne me laisse pas seul.

Inconsciemment, je resserrais l’étreinte de mes bras sur son corps. Je tremblais comme une feuille… Tout ce que j’avais emmagasiné jusque là était en train d’éclater sous ses yeux. Semblant percevoir la gravité de ma détresse, il raffermit lui aussi son étreinte et me dit :

- Je n’en ai pas l’intention Juha… Je suis là… Chut…. Calme-toi…

Il s’écarta de nouveau légèrement de moi, et déposa alors un baiser sur mon front. Il y avait tellement de douceur et de réconfort dans ce geste que je fus envahie d’une vague chaude et rassurante. Mes yeux rougis et embués se posèrent sur son visage, avant de croiser son regard pour ne plus le quitter.

Je m’apercevais que j’avais besoin de bien plus qu’un simple baiser sur le front. J’étais presque pris d’un vertige en constatant à quel point, en si peu de temps, j’étais devenu dépendant de lui. Sans penser aux conséquences ou même appréhender sa réaction, j’approchais mon visage du sien, et déposer délicatement mes lèvres sur les siennes.

J’avais besoin de ce baiser, comme pour me sentir vivre, comme pour ressentir quelque chose d’agréable qui me permette de croire que quelque chose me retient dans ce monde. C’était finalement par ce baiser désespéré que je tentais de me raccrocher à la vie. Je n’avais que cela, c’était ma dernière chose et heureusement Gabriel le compris. Je pouvais ressentir sa peine et son affection pour moi, lorsqu’il me céda l’entrée de sa bouche.

Je mis tout mon être dans ce baiser, me mettant comme rarement totalement à nu, lui dévoilant bien plus que mon âme. En cet instant, s’il y prêtait attention, il pouvait tout lire en moi, je m’abandonnais totalement à lui. Si je restais en vie, si je m’agrippais de nouveau à celle-ci, c’était uniquement grâce à lui. Perdu dans l’étreinte de ses bras et dans le baiser dont il était en train de prendre les rênes, je me laisser transporter, le laissant à sa guise me découvrir, me dévoiler…

Mon cœur était maintenant gonflé de ce sentiment précieux de réconfort et d’affection qui m’avait cruellement manqué pendant toutes ses années. Mon cœur battait extrêmement vite, je tremblais encore, mais au creux de ses bras, et en plein milieu de ce baiser, je me sentais protégé…

A suivre…