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Silent scream - Chapitre 6

Dimanche 10 mai 2009

Chapitre 6 écrit par Lybertys

Londres, 15 mars 1800

Le jour n’allait pas tarder à se lever et je fixais encore le jeune homme dont je venais d’ôter la vie au bénéfice de la mienne. Il gisait là, à quelques mètres de moi, inerte, deux trous béants à la gorge attestant de la faim qui m’avait violemment consumé au moment où mes lèvres avaient effleurées son cou. Il avait eu la malchance de traîner dans cette ruelle à une heure avancée de la nuit et surtout avec le manque qui me terrassait. J’attendais à chaque fois le plus longtemps possible, mais je me retrouvais toujours face à ce résultat qui me dévastait. Après toutes ces années, je n’arrivais toujours pas à supporter de donner la mort et le deuil m’alourdissait un peu plus. Une seule chose me tenait encore et me pousser à survivre. Ce n’était même pas une question d’instinct, mais une haine sans nom envers celui qui m’avait créé et que je nourrissais chaque fois un peu plus à chaque gorgée de sang avalée. J’avais côtoyé plusieurs autres vampires, en groupe ou solitaire comme moi, mais jamais je ne restais longtemps avec eux. A chaque relation, c’était moi qui finissais par m’en aller une fois que j’avais appris d’eux suffisamment et que ma présence leur pesait amplement. Ils n’avaient pas besoin de me le demander, je partais tout simplement lorsqu’il était temps. Jamais je n’avais retrouvé pareil relation que celle que j’avais vécu avec mon créateur, jamais je ne m’étais fait d’amis, simplement des connaissances ou des compagnons temporaires de route.

J’étais la plupart du temps livide du à la malnutrition que je m’infligeais et ne connaissais jamais la paix, Elisabeth continuant de hanter mes rêves. Mais je savais que tout cela prendrait fin un jour, à l’instant même où j’ôterais la vie d’Ezekiel, je rejoindrais Elisabeth.

Je finis par me redresser, plus puissant, revigoré par ce sang frais coulant dans mes veines. Je ne pouvais pas dire que je n’aimais pas cette sensation, mes sens plus aiguisés que jamais, cette sensation de remplir ce vide, et cette force infinie. Cela était plus prudent pour faire ce que j’avais à faire. On m’avait indiqué ce repère il y a de cela quelques semaines, et j’avais fait le chemin jusqu’ici dans le but de rencontrer ce groupe de vampires plus anciens que tous ceux que j’avais rencontré. Il fallait se méfier d’eux, et la plupart du temps les éviter, régnant sur le monde, c’était eux qui avaient créé certaines règles…

On les surnommait les Anciens et il m’avait fallut tant d’années pour les trouver depuis que j’avais appris leur existence. Je n’étais même pas sur de mon information, mais c’était le seul élément que j’avais réussi à récupérer.

Pas une seule fois je n’avais croisé la route de mon créateur, pourtant, j’avais souvent entendu son nom et les carnages qu’il faisait à chaque ville, manquant plus d’une fois de trahir notre existence. Le souvenir de ma première conversation à son propos me revint tandis que je défilais dans les rues les plus reculées de Londres.

- Comment ? Qu’est ce que tu as dit ? Me demanda Louis, un vampire que j’avais rencontré depuis maintenant quelques semaines.

Nous étions dans un bar mal fréquenté, du moins, majoritairement fréquenté par les vampires de la région. Je venais de me lancer à le questioner sur Ezekhiel, mais il n’avait apparement pas compris son nom. Je me risquais à le répéter, un peu plus fort cette fois, tentant d’éviter que la musique et le bruit de la fête ne couvre mes paroles :

- Est-ce que tu as déjà rencontré Ezekhiel ? Criais-je.

Le silence se fit aussitôt. Tout le monde s’immobilisa, tournant brusquement la tête vers moi, me foudroyant du regard. Plutôt mal à l’aise, je déglutis, ne sachant trop quoi faire, ni ce que j’avais fait pour créer une telle situation.

Plutôt mal à l’aise, je déglutis, ne sachant trop quoi faire, ni ce que j’avais fait pour créer une telle situation. Même les musiciens et les serveurs s’étaient arrêté, même le vampire le plus éloigné semblait m’avoir entendu. La tension était insuportable, et ce fut à ce moment là que Louis vint à mon secours :

- Excusez-le, c’est un jeune vampire… Il ne sait pas.

Je me tournais vers Louis interrogateur, qui me fit comprendre de me taire pour le moment. A mon plus grand soulagement, après quelques murmures, la musique repris, et les vampires détournèrent peu à peu leur attention de moi. Lorsque plus un seul vampire ne nous prêta attention, Louis daigna enfin me parler. Il me demanda d’une voix si faible qu’elle ne pouvait être perçut que par moi :

- Ou as-tu entendu ce nom ?

Comprenant qu’il valait mieux ne pas dire la vérité et ayant peur de saisir que c’était le nom de mon créateur qui avait provoquer cette scène, je répondis évasif sur le même ton :

- Je ne sais plus trop…

Louis siffla entre ses dents, sachant que je mentais, mais à mon plus grand soulagement, il n’insista pas.

- Mieux vaut ne jamais avoir fait à ce vampire Alakhiel, me confia-t-il. Oublie ce nom.

- Pourquoi ? Lui demandais-je, intrigué et impatient d’en apprendre un peu plus sur lui que ce que notre cohabitation ne m’avait appris.

Louis fit une grimace, peut enclin à me parler de ce sujet. Jamais je ne l’avais vu avec une telle expression.

- Après tout, mieux vaut que tu saches… Finit-il par dire en soupirant.


Totalement attentif, j’attendis le plus patiemment possible qu’il me raconte.


- Ton créateur ne t’as décidément pas appris grand chose. Dit-il en bougonnant, semblant encore hésiter à me parler. Tu es au courant qu’il existe un règlement qui nous est propre, écrit par les Anciens bien avant l’existence de tous ceux présent dans cette salle.


Face à mon silence, il jura quelques mots, maugréant une nouvelle fois contre mon ignorance.


- Une des règles primordiales est que nous ne devons à aucun prix porter atteinte à la vie ou à la santé d’un vampire.


Je fronçais les sourcils, avant de murmurer, ayant peur de comprendre :


- Il a tué un vampire ?

- Pire que ça ! Il a eut le privilège d’être créé par un Ancien. C’est lui qu’il a tué. Ce vampire est fuit par notre communauté. Personne ne parle de lui ouvertement, chacun le craint. S’il est parvenu à tuer un Ancien alors quel poids faisons-nous contre lui… Cela fait tellement longtemps qu’il est recherché pour être tué à son tour. Peu de monde l’on déjà rencontré, seuls ses massacrent humains parlent de lui. Ces derniers temps, les rumeurs parlent d’une cruauté sans pareille.

- Et il n’a jamais créé de vampires à son tour ? Demandais-je, en tentant de cacher comme je le pouvais mes mains qui tremblaient.

- Je n’en ai jamais eu vent, mais il est dit que ses créatures subiront le même sort que lui…

Un frisson parcourut mon corps à ce souvenir. J’accélérai le pas, me sentant désagréablement observé. Je n’étais plus qu’à une centaine de mètre du lieu indiqué. Redressant la tête, il me sembla voir une frêle silhouette au bout de la rue. Le vent soufflant vers moi, je n’eus qu’à inspirer légèrement pour comprendre qu’il s’agissait d’un vampire. M’approchant de manière plus hésitante, jetant de brefs coup d’œil à droite et à gauche de temps en temps, je pus mieux discerner le vampire se tenant devant moi. C’était un jeune garçon, qui devait avoir quinze ans à peine. Son regard étrange, attestant des nombreuses années qu’il avait du passé dans ce corps paralysé dans le temps, reflétait le clair de lune de manière inquiétante. Arrivé à quelques mètres de lui, je m’arrêtais incapable de faire un pas de plus. Un sourire à peine perceptible se dessina sur ses lèvres. Nous n’étions pas seuls, et je n’avais pas besoin de tourner la tête pour savoir que plusieurs vampires étaient derrière moi, m’empêchant de faire demi-tour. Mon instinct me criait de fuir, en affrontant ce vampire, mais une chose indescriptible m’interdisait de faire de m’approcher. J’étais pris au piège, et j’y était rentré tout seul. Sur mes gardes, j’eus l’impression que cet instant dura un temps interminable, avant que le vampire à l’apparence d’un jeune garçon se mette à parler :

- Nous t’attendions Alakhiel, créature d’Ezekhiel…

Sa voix était tout aussi angoissante que son regard. La peur me vrilla les tempes. Il savait qui j’étais, et je savais ce qui m’attendait de leur part. J’avais prévu de masquer mon identité, comme je l’avais fait avec tous les autres de ma race. On m’avait pourtant prévenu, il valait mieux ne pas chercher les anciens. Alors que tout un clan de vampires m’entourait, le piège se refermait. Je m’étais jeté dans la gueule du loup, sans même avoir l’occasion d’obtenir ma vengeance. Le jeune vampire leva la main, et je me retrouvais à genoux, toujours contraint à l’immobilité.

Était-ce cela le pouvoir des Anciens ? En un clignement d’œil, le vampire se retrouvait devant moi. Avais-je peur ? Ce terme n’était pas assez fort, jamais je n’avais été aussi terrifié. Son regard pénétra le mien, et j’étais incapable de le lâcher, comme hypnotisé. Je ne vis pas sa main se poser sur mon épaule, mais un éclair violent m’aveugla alors que je me sentais sombrer dans l’inconscience, ma vie de vampire défilant devant mes yeux, nourissant la soif de connaissance du jeune. Cette sensation était encore pire que lorsque Ezekhiel m’avait arraché à ma vie d’humain. Soudain plus rien, mon arrivé ici et le noir…

Lorsque j’ouvris de nouveau les yeux, il faisait nuit noir. Allongé dans un lit, un vampire se tenait assis au pied du lit, éclairé par une bougie. Les murs épais en pierre et l’absence de fenêtre m’indiquait que j’étais sous terre.

- Je jalouse Ezekhiel, dit soudain le vampire d’une vois fluette tout en se levant avec une légèreté si particulière que j’avais l’impression d’être redevenu un humain lourdaud.
S’approchant de moi, il resta debout en me toisant de sa hauteur tandis que je n’osais pas bouger d’un millimètre.
- Tu es vraiment un vampire étrange. Différent des autres, dois-je dire. Quel dommage que tu te sois jeter dans la gueule du loup n’est-ce pas ? Je t’imaginais un peu plus rusé tout de même.
J’eus un bref mouvement de recul, et si mon cœur battait encore, j’étais sur qu’il aurait pris un rythme effreiné. Un rire cristallin envahi la pièce, rien à voir avec le rire sadique d’Ezekhiel.

- Ne t’inquiète pas, me dit-il en s’approchant en passant une main sur mon visage, tu es en sureté ici. Du moins pour le moment, dit-il aussi légèrement que s’il parlait du beau temps.
Passant son doigt sur les mèvres, je fus surpris de constater qu’il était plus chaud que mon corps. Je m’étais pourtant nourris avant de venir ici. J’avais pourtant terriblement faim à cet instant, et je dus violemment lutter contre l’envie de mordre son doigt. Comme s’il semblait lire en moi, il répondit à ma question muette :

- Tu dors dans ce lit depuis des jours, la faim doit commencer à te tirailler n’est-ce pas ? Cela ne doit pas particulièrement te changer. Jamais je n’aurais pensé qu’Ezekhiel choisisse un vampire avec une telle force de volonté. Dommage qu’elle soit si mal utilisée. D’ailleurs, je ne comprends pas, pourquoi venir ici pour mourir alors que tu veux le tuer depuis tant d’années. Tu nous cherches depuis si longtemps alors que tu sais que ton existence même est interdite.

Son ongle passa sur ma joue, l’entaillant de manière parfaite et maîtrisé. Avec une lenteur extrême, il porta son doigt rouge de mon sang et le lécha avec sensualité avant d’ajouter :
- Sache Alakhiel, que si tu es arrivé ici, jusqu’à moi, c’est uniquement parce que je l’ai voulu.
Se levant à nouveau sans que je ne vois ses déplacements, il murmura songeur sans me porter la moindre attention.

- J’aurais tant voulu goûter ton sang lorsque tu étais encore humain…
Tournant vivement la tête vers moi, avec un sourire malsain, plus que dérangeant sur son visage enfantin, entourée de mèches blondes, il ajouta à mon attention.
- Je suis sur qu’il était délicieux, pour faire perdre la tête ainsi à Ezekhiel. L’enveloppe était déjà tentante…
Marchant sans presque poser ses pieds sur le sol, il ajouta alors qu’il ouvrait la porte :
- Repose toi Alakhiel, le conseil ne va plus tarder à vouloir te voir…
Vivant cela tel un ordre, mes yeux se fermèrent d’eux même et je m’assoupis sans même en avoir conscience…

Ce fut une faim dévastatrice qui me réveilla, l’odeur du sang frais me tirant du sommeil. Une jeune femme, humaine, avait sa main posée sur mon épaule et me secouait légèrement. Lorsque j’ouvris les yeux, la première chose que je vis fut la veine pleine de vie qui palpitait dans son coup. Pourquoi fallait-il que ce fut une femme. Lâchant un gémissement de douleur et de frustration, la femme sursauta et s’écarta vivement de moi.

La faim l’emporta un instant sur ma raison, et ma propre interdiction de toucher au femme me semblait soudain futile. Alors que je me redressais vers elle, prêt à effleurer sa peau, je me contrains violemment à ne pas aller plus loin. Ce fut le souvenir du sang d’Élisabeth coulant dans ma gorge et le plaisir que j’y avais pris malgré moi qui me fit redescendre sur terre. M’écartant d’elle, je me mis à l’opposé sur lit, pour être sur de ne pas être tenté, portant une main contre mon nez pour marquer un peu son odeur. Elle me regardait surprise, apparemment peu habituée à ce genre de réaction. Un rire cristallin dont je connaissais maintenant l’existence, se fit alors entendre de l’autre bout de la pièce, son visage seulement éclairé d’une bougie dans un coin sombre.
- Fascinant… Souffla-t-il.

En un rien de temps il fut sur elle. Sa petite taille et sa silhouette frêle n’était qu’une illusion. Lorsque ses deux bras encerclèrent la femme, je sentis la puissance qu’il possédait. Ses crocs se plantèrent dans son cou et elle fut vidée de la totalité de son sang en une minute à peine, n’ayant apparemment pas de temps à perdre avec cette femme. Durant ce court laps de temps, ses yeux sombres étaient fixé sur moi, me narguant face au repas que je m’étais refusé de prendre. Lorsque le corps ne l’intéressa plus, approchant de trop près la mort, il le lâcha, la laissant tomber à ses pieds, comme une vulgaire poupée devenue inintéressante.
- Tu aurais du te nourrir Alakhiel, il fallait au moins cela pour se présenter devant le conseil. Lève-toi et suis-moi, nous t’attendons.
Docile, n’ayant de toute façon pas d’autre choix, je le suivis, le nez encore envahi par cette odeur de sang qui aggravait ma faim. Je décidais de porter mon attention sur autre chose, ne pouvant assouvir pour le moment ce besoin. Détaillant le vampire à l’apparence adolescente devant moi, je fus une nouvelle fois surpris par sa taille fluette. Ses cheveux blonds mi-longs ondulaient très légèrement retombant sur ses épaules. A deux pas derrière lui, j’avais toujours cette impression d’avoir une démarche lourde et pesante par rapport à la sienne. C’est à peine s’il posait les pieds sur le sol. Nous traversâmes un long couloir, éclairé par des torches accrochés à quelques mètres les unes des autres.

Nous tournâmes à gauche, longeant ensuite un couloir bordé d’une multitude de portes, avant de prendre un autre couloir bien plus large à droite. Au fond, une grande porte en bois taillée avec art était simplement entrouverte, et mon guide accéléra la cadence. C’était donc là que nous allions. J’avais beaucoup de mal à réaliser que je vivais peut-être mes dernières heures, pourtant, c’était ce qu’on me laissait présager.

Nous arrivâmes trop rapidement dans cette pièce. En un éclair, le jeune vampire poussa la porte et disparut de ma vue. Angoissé, je pénétrais dans cette pièce à mon tour. Si je n’avais croisé aucun vampire durant tout le trajet, c’est qu’ils étaient tous rassemblés ici. Environ dix vampires étaient assis sur des chaises, formant un cercle ou je devais certainement me placer. Derrière eux, des centaines de vampires avaient le regard figé sur moi. La plupart était dans l’ombre, mais la vision de nuit n’était pas un problème particulier pour notre race. Le vampire qui m’avait guidé jusqu’ici se trouvait sur la chaise la plus onéreuse, dénotant un rang différent des autres. C’était le seul à me fixer avec ce petit sourire en coin. Un vampire assis à côté de lui s’exclama soudain :

- Eh bien approche Alakhiel, nous n’avons pas toute la nuit…

Quelques rires ce firent entendre de la part des vampires venus en spectateur, mais je tentais de ne pas y prêter attention. Masquant mon hésitation et ma crainte, j’avançais la tête droite, regardant le seul vampire qui m’était plus familier que les autres, droit dans les yeux.

Lorsque celui-ci se redressa légèrement sur son siège, les murmures qui jusqu’alors fusaient, laissèrent la place à un silence dérangeant.
- Au nom du conseil ici présent, commença-t-il, nous te convoquons devant nous pour être jugé pour les crimes perpétué envers notre race par Ezekhiel. Bien que je n’en vois pas l’intérêt, nous allons commencer par les présentations. A ma droite, mon second, Melchior…
Melchior était d’une carrure imposante, contrastant de manière impressionnante avec celle de l’adolescent. Ses cheveux noirs, coupés assez courts n’en étaient pas pour le moins épais. C’était lui qui m’avait demandé d’approcher…
- … les suivant Marius, Héliodore, Rodrigue, Armand, Edward, Constant, Philandre, Aymar, Thélesphore, et enfin à ma gauche, Léandre.
Je ne les regardais que très brièvement à l’entente de leur prénom, mais une chose resortait à chaque fois : ils semblaient tous excessivement dangereux. Comment Ezekhiel était-il parvenu à tuer l’un d’entre eux ?
- Pour ma part, je me prénomme Shaolan, et ayant l’âge le plus avancé de tous ceux ici présent, je présiderais ce conseil. Alakhiel est arrivé à nous en cherchant des informations sur Ezekhiel, dont les routes se sont séparées depuis de nombreuses années. Melchior… Ajouta-t-il, l’invitant à prendre la parole.
Un vampire posté juste dernière eux était assis à une table et prenait des notes à l’aide d’une plume, sans un seul instant lever les yeux de son papier.

Melchior mit un temps avant de se mettre à parler, mais je ne sus déterminer la durée de celui-ci. Je n’avais qu’une envie que la décision soit enfin prise à mon sujet, au lieu de commencer cette supplique. Et pourtant, cela n’allait pas se passer comme je l’espérais. Melchior commença par établir un historique sur les crimes. Je ne pus m’empêcher d’écouter attentivement, en apprenant plus que jamais sur le vampire que j’avais si longtemps côtoyé mais qui avait aussi ruiné ma vie. Ezekhiel avait tué Darius au crépuscule, d’une manière violente et irréversible, ce qui ne m’étonnais pas au vu de la cruauté dont il avait souvent fait preuve avec moi.

Après lui avoir tranché la tête alors qu’il dormait encore, se glissant au crépuscule dans son cercueil, il lui avait arraché le cœur avant de bruler séparément l’entièreté de son corps. Il s’était ensuite enfui et avait échappé à toutes les tentatives qui allaient à l’encontre de sa vie. Toujours en vie malgré le jugement qui était tombé sur lui, il provoquait une certaine colère chez les anciens. J’appris aussi que Darius n’avait pas seulement été un ancien, il avait était le créateur de Shaolan, en plus d’avoir des siècles plus tard créé Ezekhiel qui l’avait amené à sa perte.

J’eus très peu de détail sur la raison qui avait poussé Ezekhiel a commettre un tel crime, mais après tout, l’acte restait le même selon eux. Melchior s’arrêta et les voix s’élevèrent d’un coup, fusant de toute part entre les vampires et le conseil des anciens. Seul Chaolan ne prenait que très peu la parole, ayant la plupart du temps les yeux posés sur moi. A part lui, tous m’ignoraient, comme si je n’existais pas. J’étais l’accusé mais totalement coupé des délibération de mon procès.

Ce brouhaha était tellement impressionnant que je ne parvins pas à suivre une seule des centaines de conversations à deux ou plus. Ma vie était pourtant en train de se décider, et bien qu’angoissé, je devais avouer que la peur de la mort n’était pas présente. N’étais-ce finalement pas ce que j’attendais depuis le début, avec l’accomplissement de ma vengeance ou sans.

J’avais l’impression que cela n’allait jamais prendre fin, pourtant, le silence se fit soudain, aussi vite qu’il avait été rompu et Melkhior repris la parole en me regardant :

- Le conseil estime qu’étant la créature d’Ezekhiel, Alakhiel est celui qui peut l’approcher le plus facilement. C’est bien évidemment sous-estimer les pouvoir d’Ezekhiel que de penser qu’Alakhiel y parviendrais si facilement, mais lui sera livré avant son départ de précieux conseils par Shaolan lui-même pour l’aider à parvenir à ses fins. Comme nous sommes cléments, et ayant pris connaissance de la haine que tu portes envers ton créateur, nous t’offrons une échappatoire à la mort. A toi de décider. Soit tu nous ramènes la tête de ce traitre, soit nous appliquerons ce qu’il convient de te faire à l’issu de ce conseil.
Avais-je vraiment envie de tuer Ezekhiel pour ses gens ? Je n’avais pourtant jamais été aussi près du but, mais c’était à cet instant que le doute s’immiscait en moi. J’avais aussi ma propre mort offerte sur un plateau.

Je me surpris alors à être incapable de donner une réponse. L’un ou l’autre m’était indifférent alors que j’avais tenu pendant plus de 40 ans dans le seul but d’arriver un jour à me venger. Pourquoi flancher maintenant ?! Me traitant mentalement de tous les noms, j’allais ouvrir la bouche pour répondre mais Shaolan me devança :
- Approche toi de moi Alakhiel.
Incapable de lui refuser quoi que ce soit, j’allais vers lui. Arrivé à sa hauteur, il n’eut même pas besoin de me demander de me mettre à genoux. C’est ce que je fis comme si c’était le geste le plus naturel du monde.

Sa main se posa sur mon épaule, provoquant chez moi le même effet que la veille. Il lisait en moi, mais cette fois-ci plus superficiellement, me laissant vivre cela avec moins de violence. Ce fut chancelant que je m’écartais de lui lorsqu’il eut finit. Il devait maintenant connaître mon hésitation. J’allais mourir avant même d’avoir réellement eut le temps de clarifier ce que je voulais vraiment, ruinant ces années d’errance, rejoindre Élisabeth… Enfin…
- Il accepte… Déclara froidement Shaolan. Le conseil est terminé. Alakhiel sera envoyé dès la nuit prochaine…
Lui lançant un regard, je me tentais de me redresser sur mes deux jambes, projet bien orgueilleux. J’avais envie de me lever et de crier que ce n’était pas vrai, que… Oubliant mon manque de nourriture, et ce que je venais de subir, me méprenant sur mes capacités, je m’effondrais sur la pierre aussi glaciale que ma peau avant de sombrer dans l’inconscience une fois de plus…

Je fis un rêve étrange cette nuit, un vieux souvenir de ma cohabitation avec Ezekhiel. Cette nuit si particulière sur ce banc… Ce baiser échangé, et ce sommeil partagé dans son cerceuil…

Lorsque j’ouvris les yeux, ce fut une faim comme rarement j’en avais ressentit qui tirailla mon être entier. Ouvrant vivement les yeux, c’est à peine si je pu redresser mon bras. Jamais je n’avais ressentis une telle fatigue en tant que vampire.

Je ne fus pas surpris de voir Shaolan, juste assis sur une chaise, regardant par la fenètre à quelques pas de mon lit.
- C’est étrange, dit-il, sachant apparemment que j’étais éveillé. Vous vous ressemblez tout autant que vous vous différenciez. En apparence du moins tu parais plus bon que lui, mais Ezekhiel n’a jamais été quelqu’un de mauvais. Vous en revenez pourtant tous deux au même point : le désir de tuer son créateur.
Il tourna la tête vers moi, et fut en un instant assis sur le lit, me dominant par sa verticalité.
- Tu te demandes pourquoi j’ai répondu à ta place ? Et pourquoi j’ai donné déformé ta réponse ?
Je grimaçais, la faim me rongeant douloureusement, incapable de me concentrer sur sa question.
- Idiot, soupira-t-il. Tu aurais du boire le sang de cette femme. Quelle impression tu as fait en t’évanouissant devant tout le monde. Tu parais peu crédible comme assassin. Tu ne peux pas m’écouter dans cet état, et je n’ai pas le temps de faire venir un beau jeune homme…
Se taisant, il portant son poignet à ses lèvres, qu’il mordit avec délicatesse. Le retirant, je vis ses lèvres teintées de ce rouge carmin qui me rendait fou. J’aurais voulu me jeter sur lui, réclamer ce liquide vitale de manière virulente, mais une force inconnue me contraint à l’immobilité. Il abaissa son visage jusqu’au mien, laissant ses lèvres tacher de sang simplement effleurer les miennes, me faisant vriller sous cette odeur la plus parfaite de toutes. Ma langue passa machinalement sur mes lèvres à la quête de la moindre goute de sang qu’il aurait laissé, réveillant une faim telle que je ne l’avais jamais ressentie : aussi puissante qu’effrayant. Lorsqu’il apporta enfin son poignet à mes lèvres, aucune retenue ne me fut possible.

A grande gorgée, j’avalais cette substance vitale, reprenant peu à peu mes forces. Shaolan semblait être une source inépuisable et à aucun instant il ne tenta de m’arrêter. Ce fut de moi-même que j’ôtais ma bouche de son poignet, repus comme rarement je l’avais été. Shaolan ne semblait en aucun cas souffrir de la quantité de sang que je lui avait subsitué. Il lécha son poignet sauvagement mordu, alors qu’il commençait déjà à cicatriser. J’essuyais maladroitement ma bouche sur les draps blanc avant de m’assoir à mon tour en tailleur en face de lui, prêt à écouter ce qu’il avait à me dire. Et cela ne tarda pas. Comme si rien ne s’était passé, il reprit la parole, donnant une ambiance étrange :
- Tu connais Ezekiel tout comme moi et tu sais ce dont il est capable. Mais ne t’es-tu jamais demandé pourquoi il agissait ainsi et pourquoi il a tué Darius ?
Je fronçais les sourcils, surpris par sa question. Et je n’eus pas le temps de répondre car il en ajouta une de plus :
- Tu ne t’es pas demandé non plus comment il a réussi à échapper pendant toutes ses années aux Anciens ? Qui me soupçonnerait après tout. Il a tué mon créateur, je devrais lui en vouloir à mort. Pourtant, c’est moi qui l’ai acceuilli après son meurtre, et qui me suis occupé de lui dans tous les sens du terme… Dit-il avec un sourire qui en disait lourd sur leur genre d’occupation.

Il prit une pause durant laquelle je ne dis pas un seul mot, trop abasourdi par ces révélations.
- Tu dois me prendre un fou de te raconter tout cela, mais qui te croirait si tu le répétais…

Shaolan ne pu s’empêcher de rire, un son cristallin sortant de ses lèvres, doux et enivrant… Il reprit soudain son sérieux, passant d’un extrême à l’autre avec une rapidité déconcertante.

- Tu sais, j’ai été le premier vampire créé par Darius, mais il y en eu beaucoup d’autres… Mais Ezekiel est celui qui a plus pâti de sa folie et de sa cruauté. Avant sa transformation, il n’aurait jamais levé la main sur qui que ce soit. C’est peut être cette innocence qui a attiré Darius… Il aurait pu se contenter de le mordre, de boire son sang et d’en faire l’un des nôtres. Mais Darius n’était de ce genre là. Un soir, il est venu chez lui, alors que toute sa famille était présente. Dans sa démesure habituelle, il a tué chacun d’eux sans le moindre ménagement, et bien sur Ezekiel y a assisté, impuissant. Il s’est pourtant débattu pour protéger sa mère et sa jeune soeur, mais on ne lutte pas contre un vampire. Sans ménagement, sans douceur, sans user de son pouvoir mental, ne se souciant que de son propre plaisir, il l’a violé alors que sa famille agonisait encore à côté de lui. Après l’avoir brisé, arraché à son innocence et détruit son semblant d’intégrité et de raison, il a fait de lui ce que tu connais. Il ne lui a fallut que quelques années durant lesquelles nous nous sommes seulement rencontré occasionnellement pour qu’il tue Darius avec une violence qu’il n’ait jamais parvenu à faire taire et qui gronde toujours en lui. Même avoir arraché son coeur n’a pas suffit à le venger. J’ai du faire appel à beaucoup de patience pour qu’il m’écoute et parvienne à se maîtriser.

Le visage de Shaolan s’était assombri, alors que des larmes de sang coulaient silencieusement de mes yeux. En plus de me raconter oralement son histoire, Shaolan me transmettait des images, me montrant le visage d’Ezekiel déchiré par la souffrance et la folie.

- Ce que je ne comprends pas, ajouta Shaolan dans un murmure, c’est pourquoi il t’a créé. Tu es sa seule créature Ezekiel, et malgré tout ce qu’il t’a fait subir, tu es particulier à ses yeux. J’ai du mal à voir cela comme un égarement, je le connais mieux que personne.

S’approchant un peu plus près de moi, bien que cela soit inutile pour m’observer, il me détailla précautionneusement, à la recherche d’une réponse. Agacé, ne voulant tout de même pas oublier ce qu’il m’avait fait et surtout ce que j’avais du faire à Elisabeth, je m’écartais un peu de lui, tentant de m’arracher à son emprise avant de répliquer :

- Je me moque de tout cela, cela ne change rien aux faits, cela ne change rien à ce qu’il m’a fait. Jamais je ne pourrais lui pardonner !
- Imbécile ! Déclara-t-il en haussant le ton. Tu t’accroches à une femme qui ne t’aurait de toute manière jamais porté aucun intérêt. Elisabeth se jouait de toi, jamais elle ne t’aurait apporté tout ce que t’a offert Ezekhiel.

- Que voulez-vous ? M’écriais-je, hors de moi alors qu’il touchait un sujet sensible. Que voulez vous que je fasse ? Que je lui pardonne, pire encore que je le remercie ? Il mérite d’être tué pour ce qu’il m’a fait !
- Dans ce cas Alakhiel, pourquoi as-tu hésité pendant le conseil ? Fait ce qu’il te plait de toute façon, dit-il en se levant, fatigué de notre échange. Tu devrais finir ta misérable existence au plus vite, tu ne vis plus Alakhiel… Surtout, ne fais pas la même erreur qu’Ezekhiel… Garde ton innocence, et emporte là avec toi, tu n’as rien à faire parmi nous, tu es trop humain pour porter le nom de vampire. Adieu…

Shaolan s’enfuis par la porte sans un mot de plus, sans me laisser le temps de répondre. Les larmes de sang coulaient toujours, se mêlant aux taches légèrement plus anciennes. Pour la première fois depuis le jour où je l’avais quitté, je me sentais perdu, laissant s’insinuer en moi le doute.

***

Paris, 7 avril 1800

Je l’avais trouvée rapidement, presque instinctivement. Je n’avais jamais osé venir sur la tombe d’Elisabeth, ne me sentant auparavant pas capable de poser les yeux sur sa sépulture. En étais-je capable maintenant ? Cela m’aiderait certainement à prendre ma décision. Longtemps j’avais médité sur les paroles de Shaolan durant le trajet qui m’avait mené jusqu’ici. Pas une fois je ne m’étais abreuvé de sang depuis qu’il m’avait offert le sien. Mais la faim n’était rien par rapport à la décision que j’avais prise.

Je ne pouvais pas le tuer, plus maintenant. J’avais dévoué ma courte vie de vampire à cela, et je n’avais maintenant plus aucun but. Plus rien n’avait d’importance. Je revoyais le visage torturé et faible d’Ezekhiel que Shaolan m’avait transmis par la pensée, cela suffisait à m’en empêcher. Ma vie de vampire n’avait finalement été que l’attente instable de ma véritable mort. Plus rien pour me retenir ici… Ezekhiel pouvait sombrer dans sa folie, d’autres que moi le tueraient. Cela pourrait prendre un siècle ou même plusieurs, ce n’était plus mon histoire. Pourquoi s’en était-il pris à moi cette nuit là ? Cela resterait malheureusement une question sans réponse. Il en était de même au sujet de ma possible vie à ses côtés si je ne l’avais pas quitté. Me manquait-il ? Peut être un peu… J’aurais bien aimé le revoir une fois avant que les rayons du soleil ne viennent lécher ma peau. Assis en tailleur sur la tombe d’Elisabeth, je savais que ce n’était plus qu’une question de minutes pour que l’aube commence enfin.
C’était une nuit de pleine lune, personne n’était présent dans ce cimetière qui allait bientôt être mon tombeau, lieu tout à fait approprié finalement. Je ne pensais même plus à Elisabeth, même si son nom marqué en lettres dorées brillait sous la lune, mes yeux refusait maintenant de s‘y poser. La force me manquait pour rester debout. Je n’étais jamais resté aussi longtemps sans me nourrir, mais mon instinct était étouffé par ma résignation.
Le ciel commençait à s’éclaircir alors que ma vision se troublait. Cette dernière marche m’avait épuisé plus que je ne l’aurais imaginé.

Qu’aurais dit Ezekhiel en me voyant ainsi abandonner et baisser les bras ? Aurait-il préféré que je cherche à le tuer comme je m’y étais engagé, comme j’avais cherché à le faire depuis si longtemps ? Se souvenait-il seulement encore de moi ?
Lentement, je me laissais aller en arrière, ignorant le sol irrégulier et encore humide de cette nuit de printemps. Plus que quelques minutes… Mes yeux se fermèrent sans que j’en prenne réellement conscience. Je laissais un à un s’éteindre mes sens de vampires, pour n’être plus qu’un corps à l’abandon sur le buché. Une voix sembla alors me parvenir. Je connaissais cette voix, mais je ne savais plus à qui elle appartement. Elle murmurait mon prénom, avant de soupirer :

- Même après toute ces années tu ne sais toujours pas prendre soin de toi.

Je n’eus même pas la force d’entrouvrir les yeux, sombrant peu à peu. Je ne m’attendais pas à ce que cela se passe aussi facilement, aussi rapidement. Ma peau commençait à s’échauffer alors que je me sentais tirer du sol. Il n’en fallut pas plus, les ténèbres m’enveloppèrent. Plus rien, le néant, la fin que j’espérais libératrice. Allais-je enfin atteindre la paix ?

Once in a life time - Chapitre 4

Dimanche 10 mai 2009

Chapitre 4 écrit par Shinigami

C’est avec étonnement que je vis mon interlocuteur blêmir et s’étouffer à l’entente de ma supplication. Pourquoi réagissait-il ainsi ? Avais-je dis quelque chose de drôle ou qu’il ne fallait pas ? Sans chercher à cacher sa surprise, il s’exclama :

- Pardon ?!!

Face à cette question, je perdis toute mon assurance et avec hésitation, je reformulais ma demande, non sans craindre une seconde réaction de ce genre :

- Je… Est-ce que je peux venir avec vous ?

Ma question était-elle si invraisemblable que cela ? Sans savoir pourquoi, j’avais cette désagréable sensation d’être sur une balance qui vacillait de droite à gauche en attente de la réponse définitive. Son silence et son absence de réaction faisait naître le doute en moi et lentement, je voyais tout mon plan de fugue s’effondrer. Avec curiosité et scepticisme, il finit par demander, après un temps qui me parut interminable :

- Pourquoi ?

Ne m’attendant pas le moins du monde à cette question, je tentais de lui expliquer succinctement ma situation précaire, mais il ne sembla pas comprendre mes misérables tentatives d’explication. Après une longue inspiration afin de calmer les battements frénétiques de mon cœur, je déclarais d’une seule traite :

- Je ne peux pas rester ici, vous êtes ma seule solution.

Un sourire amusé étira ses lèvres il déclara avec amusement mais aussi sur un ton plus sérieux que je ne parvins pas à déterminer :

- Si tu as l’air si désespéré que cela alors… Je te préviens, ça ne sera pas la vie que tu mènes ici.

Je n’arrivais pas à croire qu’il ait cédé aussi facilement à ma requête, mais de ce fait, il me sauvait d’un enfer qui, jusqu’à maintenant, m’avait parut inévitable. Je lui en étais réellement reconnaissant et c’est du fond du cœur que je le remerciais :-

- Merci. Vraiment, merci beaucoup.

- Ne me remercie pas trop vite, déclara-t-il. Allez, amène toi, on s’en va avant qu’il ne fasse vraiment nuit.

Je ne compris pas le sens de sa première phrase, mais je ne m’en formalisais pas d’avantage et empoignant ma valise, prêt à partir, je déclarais :

- Oui, je vous suis.

Je devais avouer que malgré l’angoisse que je ressentais, je sentais l’excitation monter en moi. J’étais comme un enfant qui vivait sa première expérience en cachette de ses parents, qui apprenait la vie et qui pour la première fois, agissait de sa propre initiative sans que mes gestes soient surveillés ou dictés par quelconque règlement de bienséance. Alors que je m’apprêtais à lui emboiter le pas, il se retourna vivement vers moi, me faisant sursauter et déclara, mettant dès le départ, les choses au clair :

- Ne me vouvoie pas, ce n’est pas vraiment la peine. Appel-moi Hayden et toi ? Quel est ton nom ?

Pris au dépourvut par cette question, je bégayais une réponse plus ou moins audible :

- Je… Euh… Je m’appelle Gwendal.

- Très bien Gwen, fit-il en utilisant un diminutif, faisant preuve de familiarité avec moi, chose qui me choqua grandement. Allons-y, ajouta-t-il.

Je ne savais pas dans quoi j’étais en train de m’entrainer. Je n’avais jamais voyagé et de plus, je ne connaissais cet homme depuis quelques heures à peine. Cependant, au fond de moi, je sentais qu’il n’avait rien de méchant et que je pouvais lui faire confiance. C’était une seconde chance qui s’offrait à moi et je décidais de tenter l’expérience. De toute façon, cela ne pourrait pas être pire que chez moi…

Sans être vu, nous nous faufilâmes à l’extérieur de la propriété si chère au cœur de mes parents et qui m’avait vue grandir. Mon sac me pesait sur les bras mais je n’y prêtais guère d’attention. J’étais à la fois excité et je jubilais de satisfaction à imaginer la tête de mes géniteurs lorsqu’ils ne me verraient pas revenir. Mais pour le moment, je me faisais plus l’effet d’un voleur qui quittait discrètement le lieu de son méfait en emportant victorieusement son gain.

Croulant sous le poids de mon sac, je voyais la distance entre Hayden et moi augmenter à vue d’œil et semblant s’en apercevoir, il fit demi-tour et attrapa mon sac sans que je n’aie le temps de réagir. Je le remerciais et lui adressais un regard empli de reconnaissance et de gratitude.

- Ne t’inquiète pas, déclara-t-il alors, semblant déceler mon appréhension. Nous allons bientôt nous arrêter pour dormir.

- Vous… Tu, repris-je en me corrigeant, me souvenant de ces conditions, connais la région ?

- Un peu… Enfin pas énormément… Pourquoi ? Demanda-t-il.

Je le regardais un instant sans rien dire, sidéré par cette question des plus improbables avant de répondre sur le ton de l’évidence :

- Parce qu’il n’y a aucun hôtel dans cette direction.

Je le vis retenir avec difficulté un éclat de rire et lui adressais un regard sceptique, ne comprenant pas sa soudaine envie de rire bêtement. Etait-il plus niais qu’il ne paraissait à première vue ? Je n’avais pourtant rien dit qui puisse déclencher une telle hilarité.

- Un hôtel ?!!! S’esclaffa-t-il, comme sur le point de s’étouffer.

- Il faut bien que nous ayons un lit et un toit pour dormir, déclarais-je avec sérieux, ne supportant pas son petit air moqueur, comme s’il profitait de savoir quelque chose que j’ignorais pour me narguer.

- Oh ça oui tu les auras : un duvet pour lit et le ciel étoilé comme toit, répondit-il en retrouvant son sérieux.

Aussitôt, je sentis me sentis blêmir littéralement face à cette réponse des plus inattendues et je ne trouvais rien à répartir, encore sous le choc de cette nouvelle. Sans m’attendre, il reprit son chemin, empruntant un petit sentier qui s’enfonçait dans les bois. Puis, semblant réaliser quelque chose, il demanda :

- Dis-moi, qu’as-tu dans ton sac ? Tu as un duvet ?

Ne comprenant pas la raison d’une telle question et surtout ne m’y attendant pas, je répondis d’un simple hochement négatif de la tête qui aurait eut dont d’horripiler ma mère si elle m’aurait vu faire.

- De quoi manger ? Continua-t-il.

Je réitérais mon geste, de plus en plus surpris par ces questions inhabituelles.

- De l’argent ?

C’est alors que je réalisais que j’avais complètement oublié de prendre la chose la plus essentielle, de l’argent. Maudissant contre mon manque d’anticipation, je stoppais net en déclarant :

- Oh ! Je retourne tout de suite chercher tout cela !

Alors que j’esquissais un pas pour faire demi-tour, je le sentis me saisir fermement par le bras et déclarer calmement, de sa voix éternellement calme et posée :

- Je pense que c’est vraiment la dernière des choses à faire. Tu ne penses pas qu’ils sont en train de te chercher à l’heure actuelle, depuis le temps que tu es parti ? C’est trop tard maintenant, et ne t’inquiète pas, on peut très bien s’en sortir.

- Mais… Commençais-je complètement perdu, ne comprenant pas comment on pouvait survivre sans nourriture ou sans argent.

- Allez viens, ajouta-t-il d’une voix qui se voulait rassurante. Il faut qu’on trouve un coin pour dormir.

Nous reprîmes la route et je le suivi en pestant contre moi-même. Alors qu’il quittait le sentir, je lui demandais non sans appréhension :

- On va où là ? Vous êtes sûr que c’est une bonne idée ? Ajoutais-je de moins en moins rassuré.

Soudain, il se retourna vivement vers moi, me faisant sursauter et d’une voix presque agressive, il s’exclama :

- Ecoute, tu as voulu venir avec moi, sachant pertinemment que cela allait changer tes habitudes. Je sais ce que je fais, alors s’il te plait, fais moi confiance.

Sans me laisser le temps de répondre, il poursuivit sa route, me laissant derrière lui sans se soucier de moi le moins du monde. Le voyant s’éloigner et disparaître, happé par l’obscurité, je le rejoignais en trottinant. Nous ne tardâmes pas à arriver dans une petite clairière, protégée du vent. Au centre du petit espace vert, des pierres avaient été disposées de telle sorte à former un cercle dans lequel un feu avait apparemment déjà été allumé.

Hayden déposa  alors les sacs sur le sol et je m’arrêtais près de lui, regardant autour de moi avec méfiance et une once de crainte. Un oiseau s’envola dans mon dos et je sursautais de surprise, mon cœur s’emballant au moindre bruit bizarre ou inhabituel. En bientôt vingt-deux ans d’existence, je n’avais encore jamais été dans les bois en pleine nuit. Me coupant dans mon exploration du périmètre qui serait notre lieu de repos, Hayden déclara :

- Je vais chercher du bois, reste là.

- Tout seul ? Demandais-je d’une voix étouffée, soudain inquiet.

Se rendait-il compte de ce qu’il me demandait ? Et si un animal sauvage venait m’attaquer pendant qu’il était absent ?

- Tu vois quelqu’un d’autre ? Demanda-t-il d’une voix qui cachait mal son exaspération.

Non et c’est bien ce qui m’inquiète, pensais-je alors qu’il poursuivait :

- Je ne suis pas loin et j’en ai pas pour longtemps, tu peux garder les sacs.

Sans plus de cérémonie, il s’empara de deux cordes dont je ne compris pas l’usage et se détourna totalement de moi. N’appréciant pas du tout son attitude effrontée envers ma personne, je détournais mon attention de lui, bien décidé à ne plus me laisser toucher par ses sarcasmes et ses moqueries incessantes. Attendant le retour d’Hayden, j’allais m’asseoir près de mon sac et alors que je regardais autour de moi, tentant de me familiariser avec mon nouvel environnement, un hurlement lugubre s’éleva tout près de moi. Par réflexe, je levais les yeux et me tournais vers l’origine du bruit, mais l’obscurité étant trop prononcée, je ne pus distinguer l’auteur de ce bruit effrayant.

A mon plus grand malheur, celui-ci retenti une nouvelle fois et apeuré, je me recroquevillais contre mon sac. Soudain, une voix retentie dans mon dos, me faisant sursauter de terreur, alors que je reconnaissais Hayden :

- Dis-moi, tu crois croiser le grand méchant loup ?

Je lui adressais un regard meurtrier, lui faisant ainsi clairement comprendre que je n’appréciais pas du tout son humour et ses réflexions puériles.

Semblant comprendre que je n’appréciais pas du tout son humour, il cessa son petit jeu et déposa le bois avant de s’asseoir. C’est non sans inquiétude et avec interrogation que je le vis prendre sa tête entre ses mains, comme s’il souffrait. Ne savant pas comment réagir et me comporter vis-à-vis de lui et malgré le début de colère que j’avais pu ressentir à son égard, je lui demandais :

- Hayden ? Ca va ?

Je le vis prendre une profonde inspiration avant de se redresser et de m’adresser un petit sourire qui se voulait rassurant.

- Un petit coup de fatigue, répondit-il avec lassitude. Ca ira mieux demain…

Pour être honnête, je ne croyais pas un traître mot de ce qu’il prétendait. Il était pâle et semblait aller de plus en plus mal. Néanmoins inquiet pour lui, je m’approchais sans parvenir à masquer mon inquiétude. Intrigué, je posais main sur son front et à la chaleur anormale de celui-ci, j’en déduisais aisément qu’il était en train de tomber malade. Au contact de ma main, je le vis fermer les yeux comme s’il appréciait le contact et soupirer de lassitude et de bien être. Horrifié, je m’exclamais, complètement paniqué :

- Mais vous… Enfin tu es brûlant de fièvre. Il te faut un médecin.

- Ne dit pas n’importe quoi, râla-t-il. Et puis de toute façon, je le payerai avec quoi ? On m’a tout piqué ce matin…

- La blessure, c’était pour cela ? Demandais-je en pâlissant.

- Oui, répondit-il simplement, n’ayant visiblement aucune envie de s’appesantir sur le sujet.

Puis, voulant changer de sujet, il me demanda :

- Tu peux me passer mon sac, s’il te plait ?

Sans me faire prier, j’accédais à sa requête et lui tendis l’objet qu’il me demandait, avant de le fixer avec anxiété :

- Ca va, déclara-t-il avec agacement. Je ne suis pas mourant. Merci, ajouta-t-il en saisissant son sac.

Ouvrant ce dernier, il attrapa un petit sachet qui contenait ce qui semblait être des plantes séchées et réduites en poudre. Il en prit une petite poignée qu’il versa dans une tasse avant d’y ajouter de l’eau.

Je le regardais faire sceptique, et lorsqu’il porta sa tasse à ses lèvres, je ne pus retenir une grimace de dégoût. Une fois sa mixture de sorcière avalée, il rangea rapidement le tout avant t de se lever. Je le regardais faire, étonné et c’est seulement quand je le vis chercher dans le tas de bois que je compris qu’il s’apprêtait à allumer un feu.

Pendant bien quelques minutes, il s’activa à allumer les brindilles sèches qui finirent par s’enflammer, répandant autour de nous, une lumière diffuse, nos ombres se reflétant derrière nous.  A la lumière de la lampe de poche, il déploya une couverture qu’il posa sur le sol avant d’attraper son duvet et de l’ouvrir. Réitérant son geste, il étala son duvet au dessus de la couverture, après l’avoir ouvert, dans le but d’en faire un lit. Puis, prenant un gros pull, il le plia en quatre et le déposa à un des côtés du lit de fortune, en quelque chose qui semblait être un oreiller.

Assis devant le feu qui commençait à chauffer agréablement, je le regardais s’affairer, n’osant pas le déranger et me prendre encore quelques réflexions.  Pour le moment, j’avais plutôt l’impression de le déranger et d’être plus une source d’ennui qu’autre chose. S’asseyant en face de moi, il sorti la nourriture qu’il partagea équitablement avant de me tendre ma part. Nous mangeâmes en silence, chose qui même si j’en avais l’habitude, ne me rassurais guère car pleins de bruits bizarres naissaient dans la noirceur de la nuit, me faisant sursauter.  Si Hayden paraissait serein et apaisé, ce n’était certainement pas mon cas. Le moindre bruit suffisait à faire s’accélérer les battements frénétiques de mon cœur en un rythme endiablé. Malgré les coups d’œil que je lançais de droite à gauche au bruit le plus infime, je ne parvenais pas à en déceler l’origine de ce bruit et à en déterminer l’auteur.

Après le repas qui se termina dans le même silence monastique dans lequel il avait commencé, Hayden raviva le feu qui commençait à s’éteindre, en jetant des branches mortes dedans. Là dessus, il me proposa un thé que j’acceptais avec plaisir. Alors que l’eau chauffait sur les braises ardentes, je me retrouvais comme hypnotisé par les flammes rougeoyantes du feu qui crépitait dans le silence nocturne. Perdu dans mes pensées, je songeais à la soirée que je venais de vivre, à tous ce que j’avais volontairement perdu et laissé derrière moi ainsi qu’à tout ce qui m’attendait à présent. Demain, commencerait ma nouvelle vie… Je ne sais pas ce qui m’attendait et ce que me réservait l’avenir, mais une chose était certaine, c’est qu’à présent, je serais et resterais seul maître et arbitre de ma propre vie. Soudain, la voix d’Hayden retentie à mes oreilles, coupant court à mes réflexions :

- Tu as toujours vécu ici, Gwendal ? Tu as déjà voyagé, vu un peu le monde ?

- Non, répondis-je. Je suis né ici et je suis   toujours resté là.

- C’est un peu une grande première, déclara-t-il en souriant. Tu vas voir, c’est un peu dur au départ, mais on s’y fait très bien, même un peu trop.

- Depuis combien de temps tu vis comme ça ? Demandais-je, osant enfin poser la question qui piquait ma curiosité.

- J’erre sur les routes depuis presque dix ans.

Sous le choc de cet aveu, j’écarquillais les yeux de stupéfaction, ne croyant pas ce que je venais d’entendre.

- Dix ans !! M’exclamais-je. Mais vous, enfin tu as quel âge ? Si ce n’est pas trop indiscret… M’empressais-je d’ajouter.

- Vingt-cinq ans depuis peu. Et toi, un peu moins je pense ?

- Bientôt vingt et un, répondis-je en songeant qu’il me restait encore bien six mois avant mon prochain anniversaire.

Le silence retomba quelques secondes avant que je ne reprenne la parole :

- Et ta famille ? Ce n’est pas trop dur d’en être séparé ?

A cette question, je le vis se renfermer sur lui-même et je me doutais que je m’engageais sur un terrain glissant :

- Je… Commença-t-il avec hésitation.

Comprenant son malaise et le fait qu’il puisse ne pas avoir envie d’aborder le sujet,  je m’empressais de prendre la parole :

- Je suis désolé, je n’aurais pas du poser cette question…

Le silence retomba une nouvelle fois sur nous alors que je me replongeais dans la contemplation du feu. A vrai dire, je n’osais plus prendre la parole, de peur d’aborder de nouveau un sujet dérangeant ou mal venu. Hayden me fit passer ma tasse de thé fumante qui me réchauffa les mains avant de demander à son tour :

- Gwendal ?

- Oui ?

- Pourquoi as-tu voulu partir ?

Voilà la question que je redoutais un peu. Je pensais ma cause noble, mais qu’allait penser Hayden en apprenant ma motivation ? Allait-il rire et me renvoyer chez moi ? Avec hésitation, appréhendant sa réaction, je répondis :

- Je… J’ai appris ce matin que mes parents avaient pour projet de me marier à une fille que je n’avais jamais vu. Je… Je n’ai jamais vraiment trouvé ma place avec eux, mais me marier aurait été l’entrave de trop à ma liberté.

- Alors tu as bien fait de partir, me dit-il avec sérieux, me laissant perplexe quant à sa réaction. Peu ont le courage de e faire, ajouta-t-il.  Sache que tu peux rester avec moi tant que tu le souhaites. Demain nous irons chez un ami, en échange du gîte et du couvert, je travaille quelques jours chez lui. Là bas nous trouverons de quoi t’équiper un peu mieux. Enfin, si tu es d’accord.

A ces mots, je me sentis soulagé. Moi qui avais cru être un poids pour Hayden, voilà qu’il me donnait son accord pour rester avec lui.

- Oui, je veux bien, m’empressais-je de répondre avant qu’il ne change d’avis. Merci Hayden, ajoutais-je après un instant.

Nous finîmes notre thé avant de tout ranger et d’alimenter une dernière fois le feu. Une fois fait, nous allâmes dormir. Hayden me désigna la place près de lui et après une légère hésitation, je finis par céder et m’allonger. Je devais avouer que je n’étais guère enthousiaste à l’idée de dormir près d’Hayden, pas que cela me dérangeait outre mesure, mais pour tout dire, je n’avais jamais dormis en présence de quelqu’un. J’avais toujours eu mon propre lit et une chambre personnelle. Ce qui me tracassait le plus, c’était l’absence d’intimité que notre proximité engendrerait.

Lorsque je fus à peu près installé, Hayden vint se coller contre moi en nous recouvrant du duvet. Il soupira et me souhaita une bonne nuit avant de s’endormir quasi instantanément. Quant à moi, je me tournais sur le côté, tournant le dos à Hayden, je regardais le feu dont les flammes dansaient et s’élevaient dans la nuit. Je mis du temps à m’endormir, ne parvenant pas à trouver le sommeil. De plus, les bruits inquiétant de la nuit n’étaient pas des plus rassurant. A un moment, il me sembla distinguer l’ombre d’un animal et des yeux luire dans la pénombre, mais je ne parvins pas à l’identifier. Pas rassuré pour un sous, je me tournais vers Hayden et frigorifié, je me blotti contre lui pour un maximum de chaleur.

Lorsque j’ouvris les yeux, je papillonnais des paupières, aveuglé par l’afflux de lumière blanche. Après un temps pendant lequel je m’habituais à la clarté environnante, je regardais autour de moi, intrigué de ne voir personne. Après un court instant, alors que j’étais assis devant le feu pour chercher un maximum de chaleur, j’entendis des pas dans mon dos. Je sursautais de surprise et me retournais vivement pour rester bloquer de stupeur face au spectacle qui m’attendait. Hayden était là, face à moi, s’approchant dans une tenue indécente. A moitié nu, seule une serviette de bain nouée autour des hanches, il s’approchait du feu.  Aussitôt, je sentis le rouge me monter aux joues et atrocement gêné, je détournais le regard. Ne semblant pas s’apercevoir de mon malaise, il déclara :

- Alors ? Bien dormis ?

- Moui, répondis-je. J’ai connu mieux.

- Tu peux aller te laver si tu veux, déclara-t-il en me tournant le dos et en commençant à se dévêtir sans la moindre once de pudeur.

Voyant cela, je détournais les yeux et reportais mon attention sur le feu, tout en répondant :

- Je… Me laver où ? Demandais-je sceptique.

A présent torse nu,  il se tourna vers moi et répondit, comme si pour lui c’était tout à fait normal :

-A la rivière, tu vois une douche ici ? Je vais préparer le petit déjeuner en attendant.

A ces mots, il me tendit sa serviette et son savon et ajouta :

- Ne t’inquiète pas, ce soir on aura un vraie douche…

Je lui adressais un sourire un peu tendu et prit la direction de la rivière. Une fois seul, je me mis à pester contre moi-même, contre Hayden et son manque total de décence et son ignorance de la bienséance. Arrivé à la rivière, je regardais longuement autour de moi, m’assurant que j’étais bel et bien seul et une fois passablement rassuré, j’entrepris seulement de me dévêtir. Alors que j’entrais dans l’eau, je retins à grand peine un hurlement, sursautant de surprise avant de ressortir immédiatement de l’eau. Elle était glacée…

Avec difficultés, je rentrais dans l’eau jusqu’aux chevilles, ne parvenant pas à aller plus loin et plongeant à contrecœur les mains dans l’eau, j’entrepris de me laver succinctement le corps. Je crois que c’était la première fois de ma vie que je mis aussi peu de temps à me laver.

Lorsque je revins, lavé et habillé de propre, je restais figé de stupeur, n’osant croire ce que je voyais. Hayden était en train de vider mon sac, balançant derrière lui mes affaires qui formaient un tas sur le sol. Je restais un moment interdit, puis reprenant mes esprits, je m’exclamais en un cri horrifié face à cette violation de mon intimité :

- Mais… Hayden ??? Qu’est-ce que tu fais ?

A ma question, il se tourna vers moi et avec un petit sourire, cachant très mal son amusement, il répondit :

- Je trie ce qui est utile et ce qui ne l’est pas.

- Comment ça ? Demandais-je, n’étant pas certain de bien comprendre.

- Tu as vu tout ce que tu as prit ?? Je ne porte que ce dont tu as vraiment besoin, pour le reste, tu te débrouilles et tu le portes si tu le souhaites.

Je restais immobile, complètement figé, mais intérieurement, je bouillonnais de rage. De quel droit ce rustre se permettait-il de jeter ainsi mes affaires et de fouiner dans mon sac ? N’avait-il jamais appris la politesse et le respect ? Car pour être franc, ce n’était pas la politesse qui l’étouffait. Après avoir jeté négligemment les trois quart du contenu de mon sac à terre, il se tourna vers moi et déclara :

- Rassemble tes affaires et dépêches-toi. On mange et on y va si tu veux arriver ce soir avant la nuit.

Je retins à grand peine une réflexion cinglante, me contentant de le tuer du regard. Je n’appréciais pas du tout le petit air supérieur et hypocrite qu’il abordait à cet instant. A présent totalement énervé, je pestais mentalement contre Hayden, lui en voulant sérieusement, comme jamais je n’en avais voulu à quelqu’un.

La tête droite, ne souhaitant pas montrer à Hayden que son comportement et ses paroles me blessaient, je passais devant lui et attrapant rageusement mes affaires, j’entrepris de tout remettre dans mon sac.

S’il pensait que j’allais abandonner mes affaires aussi aisément, il se trompait lourdement. Un fois mon sac refait, j’allais manger ma part de petit déjeuner, snobant totalement Hayden. S’il pensait que j’allais lui pardonner, il se mettait le doigt dans l’œil…

Près d’un quart d’heure plus tard, nous étions de nouveau sur la route. Hayden marchait devant à une allure soutenue et tant bien que mal, je tentais de suivre le rythme qu’il imposait. Mais pour rien au monde je ne me serais rabaisser à lui demander son aide ou de ralentir. Se tournant finalement vers moi, il demanda :

- Alors, pas trop lourd ? Toujours envie d’en avoir autant ?

Je ne pris même pas la peine de le regarder et arrivé à sa hauteur, je le dépassais, préférant ignorer sa pique. Dans l’état d’énervement dans lequel je me trouvais, je préférais ne rien dire, gardant pour moi ce que je ressentais, mais le jour où j’arriverais à saturation, mieux valait pour lui qu’il ne se trouve pas en face.

Nous marchâmes ainsi en silence pendant près d’une bonne heure, jusqu’à ce qu’Hayden finisse par s’arrêter pour m’attendre. J’arrivais quelques minutes après, essoufflé et laissais tomber mon sac, comme l’avait fait Hayden avant de m’asseoir :

- C’est encore loin ? Demandais-je.

- Oh, soupira-t-il. A cette allure là, on risque d’arriver demain soir.

A ces mots, je me décomposais littéralement et visiblement amusé, il ajouta :

- Allez, donne-moi ton sac, on va t’alléger. Par contre, demain tu me feras le plaisir de trier tes affaires.

- Je… Merci, répondis-je simplement.

Rapidement, il déchargea une grosse partie de mes affaires dans son sac puis nous nous mîmes de nouveau en route. Je commençais à me sentir de moins en moins bien et la chaleur étouffante ne m’aidait pas à aller mieux.  Je jetais un coup d’œil  rapide à Hayden et tout comme moi, il semblait ne pas aller bien mieux. Je doutais que sa blessure le faisait souffrir en plus de la chaleur.

Ce ne fut que vers midi que nous nous arrêtâmes, complètement abattu par la chaleur. J’allais m’asseoir à une distance raisonnable d’Hayden et intrigué de le voir fermer les yeux, je demandais :

- Hayden… On ne mange pas ?

A vrai dire, je commençais à avoir vraiment très faim. Jamais je n’avais pensé avoir aussi faim un jour. C’était comme si je n’avais pas mangé depuis plusieurs jours. Sans pour autant me regarder, il répondit :

- Il doit me rester un peu de viande séchée dans mon sac, mais tout le reste, on me l’a prit. On mangera ce soir.

- Hn… Répondis-je simplement en m’allongeant, songeant que jamais je ne pourrais tenir jusqu’à ce soir sans rien dans le ventre.

Alors que je m’allongeais, je sentis quelque chose se poser sur moi. Intrigué, je regardais ce que c’était avant de pousser un hurlement de terreur. Hayden se redressa brusquement et m’interrogea du regard, ne comprenant pas ce qui se passait. Face à son interrogation muette, je m’exclamais, complètement paniqué :

- Là… Là… Là, sur mon épaule… Une… Une bête bizarre.

Cependant, au lieu de venir me secourir, il resta immobile, ne réagissant pas à ma terreur, si bien que je poursuivis :

- Hayden, enlève ce truc, s’il te plait…

J’étais tétanisée, n’osant plus bouger, alors qu’Hayden semblait être sur le point d’éclater de rire. Pour ma part, je ne trouvais pas cela drôle et si j’avais été en mesure de bouger, j’aurais bien envoyé cette hideuse bestiole sur Hayden, juste histoire de rire à mon tour. De plus en plus pâle, je gémis plus que je ne demandais :

- Hayden, s’il te plait…

C’est finalement à moitié mort de rire qu’il consentit à me venir en aide.

- Ne bouge pas, déclara-t-il. Ton sauveur est là, ajouta-t-il en se moquant ouvertement de moi.

Il prit l’horrible monstre entre ses mais et le jeta un peu plus loin tout en riant encore. Personnellement, cela ne me faisait pas rire du tout et l’attitude puérile d’Hayden commençait réellement à m’énerver.

- Dis-moi, demanda-t-il, tu es déjà sortit de ton château ? Elle n’allait pas te manger. Au fait, cette bête bizarre s’appelle une sauterelle et elle est totalement inoffensive.

Sur ces mots, le sourire aux lèvres, il se laissa aller en arrière avant de s’endormir. Quant à moi, je restais éveillé, tandis que mon ventre criait famine. Je laissais Hayden se reposer un moment, mais bien vite, je commençais à m’ennuyer. Je patientais encore un temps qui me parut interminable, puis, lassé, j’allais réveiller Hayden. Avec hésitation, je me penchais au dessus de lui et alors que j’esquissais un mouvement pour le secouer, il ouvrit les yeux. Honteux de me faire prendre en flagrant délit, le rouge me monta aux joues. Visiblement surpris, Hayden ne fit cependant aucun commentaire, se contentant de demander :

- On repart ?

- Je… Oui, répondis-je, toujours gêné.

Nous reprîmes la route et marchâmes un long moment, coupant parfois à travers les bois, profitant de l’agréable fraîcheur qu’ils nous offraient. Finalement, nous arrivâmes avant la nuit.

- C’est ici, dit-il en pointant une vieille ferme du bout du doigt. On y est presque.

- C’est pas trop tôt, soufflais-je épuisé.

- Ne t’inquiète pas, répondit Hayden. Demain tu pourras te reposer.

Nous parcourûmes les dernières dizaines de mètres qui nous séparaient de l’ancienne maison. Arrivés devant la porte, Hayden frappa quelques coups avant de reculer de deux pas, attendant que l’on vienne nous ouvrir.

Apparemment, il ne semblait y avoir personne. Hayden posa son sac et s’assis sur les marches du perron. Trouvant l’idée plutôt bonne, je l’imitais en soupirant de lassitude.

- Ca va ? Me demanda-t-il.

- Oui, répondis-je. Je ne sens plus mes pieds, mes jambes et mon dos mais, appart cela, ça va.

A vrai dire, j’étais éreinté  et je découvrais l’existence de muscles qui m’étaient jusqu’à présent, totalement inconnus tellement mon corps entier était endolori et courbaturé.

- Met-toi devant moi, déclara-t-il subitement sans plus de cérémonie.

Surpris par son ordre, je lui adressais un coup d’œil sceptique, mais ne décelant rien d’anormal chez lui, je m’exécutais. Cependant, je ne pus retenir un tressaillement de surprise lorsque ses mains se posèrent sur mes épaules et entamèrent un lent et doux massage. Si au départ je grimaçais sous la douleur qui me vrillait les épaules au moindre effleurement, je finis bien vite par me détendre et me laisser aller à fermer les yeux, perdant toute notion du temps. Tout ce que je savais c’était que jamais je ne m’étais sentit aussi détendu. Je ne réagi même pas lorsqu’Hayden déclara :

- Il ne vaut mieux pas que tu prennes goût, parce que je ne vais pas te faire cela tous les soirs !

Je ne répondis rien, me contentant de soupirer de bien être. Soudain, une voix inconnue s’éleva à quelques mètres de nous, me faisant ouvrir les yeux :

- Salut Hayden, alors on vient chez moi en couple maintenant ?

Aussitôt, je sautais sur mes pieds et m’exclamais, indigné :

- Pardon ? En couple ? Je ne suis pas homosexuel !

Pas dérangé le moins du monde par ma réponse, il s’esclaffa en riant :

- Si ce n’est pas ton cas, c’est le cas d’Hayden. Méfie-toi !

Puis, se tournant vers Hayden, il s’exclama :

- Putain Hayden, ça fait plaisir de te revoir !

Très vite, Hayden se retrouva dans les bras de son ami qui mesurait à peu près la même taille que lui. Je les regardais faire avec suspicion, Hayden et son ami ayant, je trouvais, des gestes bien intimes pour de simples amis. Je connaissais à présent les préférences sexuelles d’Hayden et se pourrait-il qu’ils aient été amants ?

- Alors maintenant tu ne voyages plus seul ? Je croyais que tu y étais bien trop attaché à ta solitude.

- Les gens changent, répondit Hayden. Tout comme toi tu t’es marié avec une femme. D’ailleurs, elle n’est pas là ?

- Non, elle est partie avec le petit chez sa mère pour quelques jours.

- Des tensions ? Demanda Hayden, une pointe d’inquiétude dans la voix.

- Disons que nous avions chacun besoin d’air…

Un silence suivit cette déclaration, confirmant ce que nous pensions tous, avant que l’ami d’Hayden ne reprenne :

- Tu arrives à pic en tout cas, il y a beaucoup de boulot et en plus, tu me ramènes deux bras supplémentaires.

A ces mots, Hayden éclata de rire, se foutant ouvertement de moi. Je lui adressais un regard meurtrier alors que l’ami d’Hayden qui, soit dit au passage, ne m’avait toujours pas été présenté, nous regardait avec incompréhension :

- On verra cela, déclara Hayden en reprenant son souffle.

- Allez venez, déclara l’ami d’Hayden. On va faire un bon chocolat avec le lait que j’ai trais toute à l’heure.

Nous le suivîmes dans la maison et je posais négligemment mon sac dans l’entrée tout en regardant autour de moi. La décoration était simple et chaleureuse et bien que je n’étais pas habitué à quelque chose d’aussi modeste, cela n’en était pas moins accueillant. L’homme nous conduit à la cuisine et nous invita à prendre place à table, avant de se mettre aux fourneaux.

- Au fait, déclara-t-il en se tournant vers moi. Comment tu t’appelles ?

- Je… Gwendal, répondis-je intimidé qu’il m’adresse ainsi la parole comme si nous nous connaissions depuis toujours.

- Enchanté, moi c’est Julien.

Au moins un qui avait le sens des convenances… Je jetais un furtif regard meurtrier à Hayden qui ne le releva pas et après un temps, Julien reprit :

- Alors, depuis quand tu voyages avec lui ? Tu as vraiment du courage pour supporter son sale caractère. La solitude n’a vraiment rien arrangé en plus, je suppose.

- Je t’emmerde Julien, répondit Hayden sans me laisser le temps d’ouvrir la bouche pour répondre. Hier j’ai eu une mésaventure avec des voleurs qui se sont mis à trois contre moi. L’un d’eux était armé d’un couteau et s’en est servi au dernier moment. Ils m’ont pris tout ce que j’avais gagné en faisant les vendanges. Gwendal m’a trouvé en piteux états près d’une rivière et m’a ramener chez lui pour me soigner. Il m’a demandé par la suite de l’emmener avec moi… Et nous voilà ici.
- Bon dieu, dit Julien en riant. Tu ne sais pas dans quoi tu t’es engagé petit…

Petit… Petit… Je n’étais tout de même pas si petit que ça et il devait avoir quoi ? L’âge d’Hayden à peine moins peu être… Puis changeant totalement d’attitude, retrouvant tout son sérieux, il demanda à Hayden :

- Et ça va toi ?

- Un peu de fièvre, répondit l’interrogé. Mais un bon lit et un bon repas cette nuit et tout ira mieux.

- Tu sais que tu peux rester tant que tu veux ici, reprit Julien en nous servant une tasse de chocolat chaud.

- Tenez, buvez-moi ça, je vais préparer un bon repas qui va vous remettre sur pieds, puis vous irez vous coucher. Vous semblez tous les deux tomber de fatigue.

Affamé, je portais la tasse à mes lèvres et me régalais de la boisson chaude qu’elle contenait. Jamais encore je n’avais eu l’occasion de goûter un chocolat aussi bon. Julien parti, Hayden et moi échangeâmes quelques mots puis Julien revint avec deux assiettes de soupe. Nous mangeâmes avec appétit et lorsque nous eûmes terminé, Julien nous montra la chambre qu’Hayden et moi allions devoir partager. Pendant qu’Hayden se lavais, je déballais mes affaires et rangeais le tout dans la penderie. Quand il revint, je me précipitais à mon tour sous la douche, sous laquelle je restais bien une demi-heure, savourant le plaisir d’une vraie douche après une journée de sueur collée à la peau. Une fois propre, j’enfilais mon pyjama et alla me coucher. Je fermais les yeux en poussant un soupir de bien être. Le matelas n’était pas des plus confortables, mais contrairement à la nuit dernière, c’était limite du grand luxe.

- Tu es bien installé ? Ca va ? Demanda alors Hayden. Tu as passé une bonne soirée ?

- Hn, soufflais-je à moitié endormis, trop épuisé pour répondre autre chose.

- Bonne nuit, Gwendal, souffla Hayden.

- ‘nuit, soufflais-je à mon tour.

Epuisé, je m’endormis sans demander mon reste. Moi qui en général mettais du temps à trouver le sommeil lorsque je n’étais pas chez moi, je m’endormis comme une masse.

A un moment, j’eu la sensation que quelqu’un m’enlaçait, mais trop éreinté, je n’y prêtais pas attention.  Lorsque je me réveillais le lendemain matin, je fus ébloui par les rayons de soleil qui passaient à travers les volets entrouverts. Je m’étirais avec grâce avant de me lever. Cherchant dans mes affaires, j’attrapais des vêtements propres et allais m’enfermer dans la salle de bain. La douche que je pris acheva de me réveiller et une fois prêt, je descendis au ré de chaussé.

Sur la table, un bol et du lait étaient disposés, prêt à l’emploi. Apparemment, Hayden et Julien avaient déjà déjeuné. Je me hâtais de manger et quand j’eu terminé, je sortais à leur recherche. Je ne mis pas longtemps à les trouver, ils étaient au milieu des vaches, chacun en train d’en traire une.

Alors que j’approchais, la voix d’Hayden me parvint. Apparemment, il semblerait qu’ils étaient en plein milieu d’une conversation plutôt intime :

- Dis -moi Julien, tu ne m’as jamais dit si ta femme savait pour nous deux, pour la relation que nous avons eu…

Il y eut un silence puis Julien répondit :

- Tu sais… A l’époque ou nous étions ensemble, je ne connaissais pas encore Marie. C’est quand tu es parti que je l’ai rencontrée, un peu comme si le destin ou dieu voulait me faire oublier la douleur de t’avoir perdu… Pour répondre à ta question, Marie et moi n’avons aucun secret l’un pour l’autre. Elle sait et elle l’a bien prit. Elle dit qu’elle a confiance en moi et que le passé est le passé. Elle sait que je l’aime et que même si au fond de moi je ne parviendrais jamais à t’effacer entièrement, jamais je ne la tromperais. J’aime ma femme…

- Cela t’honore, répondit Hayden avec un grand sourire. Donc ça veut dire que si jamais elle arrive, elle ne risque pas de me chasser à grands coups de rouleau à pâtisserie ? S’exclama-t-il en riant.

- Tu n’as pas à t’en faire… A moins que tu ne tentes quoi que ce soit… Renchérit Julien en riant à son tour.

- Alors là, tu ne risques absolument rien… Je n’aime pas partager…

Sur ces mots, ils rirent de bon cœur et alors que je pensais pouvoir me montrer à eux, Julien reprit :

- Et ce jeune là… Gwendal… Il n’est pas un peu trop jeune pour toi ? Tu les prends encore au berceau maintenant ?

- T’es con, Ju ! Souffla Hayden en perdant son sourire en lui envoyant un objet non identifié à la figure.

- Rho allez, insista Julien. Ne m’dit pas qu’il n’est pas à ton goût !!

Pour ma part, je commençais à me sentir mal à l’aise. Je n’aimais pas que l’on parle de moi, de plus, ce genre de propos me révulsait. Me voyaient-ils ainsi ? Comme une vulgaire chose dont on pouvait disposer comme bon leur semblait ?

- Il a un beau visage fin et délicat, des cheveux soyeux, poursuivit-il, parlant de moi comme si je n’étais rien de plus qu’une simple marchandise dont on vantait les mérites. Et je suis sûr qu’il est battis comme une statue de dieu grec.

- C’est vrai qu’il est mignon, répondit Hayden, même si je ne l’ais jamais vu nu. Mais le seul truc qui pèche, c’est son côté bourgeois… Un peu trop aristo pour moi, si tu vois ce que je veux dire…

Je n’entendis pas la suite de cette conversation. Je quittais les lieux en courant, écœuré par ce que je venais d’entendre et le comportement hypocrite d’Hayden. Oui, j’étais un petit bourgeois de sang noble, un fils à papa bien élevé, mais je préférais être ce que j’étais plutôt qu’un rustre comme Hayden. Un goujat mal poli et sans aucune éducation ni savoir vivre. Oui, j’avais été un de ses enfants que l’on ne laisse jamais rien faire, jamais rien toucher. Oui, j’avais toujours eut des personnes à disposition pour répondre au moindre de mes désirs, mais Hayden s’était-il déjà demandé comment est-ce que j’avais vécu tout cela ?

Rageusement, je retournais dans la maison où, pour me calmer, j’attrapais un livre et m’installais dans le fauteuil du salon, les genoux sur l’accoudoir. Je ne sus combien de temps je restais à lire avant d’être tiré de ma lecture par les éclats de rire d’Hayden et Julien.

Cependant, je ne prêtais aucune guère plus d’attention à eux et repris ma lecture. Mais apparemment, Hayden semblait en avoir décidé autrement car presque immédiatement après, il entrait  bruyamment dans le salon et à ma vue, il s’exclama :

- Hey, Gwendal ! Enfin réveillé ?

Je ne lui adressais pas le moindre regard et posais mon livre avant de me lever et de quitter la pièce. Je sentis son regard intrigué et posé sur moi tout le temps qu’il me fallut pour disparaître de sa vue. Semblant comprendre que je n’avais aucune envie de le voir, il n’insista pas et j’en profitais pour sortir de la maison où l’air devenait oppressant et irrespirable. Je pris une direction au hasard et c’est non sans contentement que j’arrivais aux écuries. Un hennissement sur ma gauche attira mon attention et tournant la tête, j’aperçus un imposant cheval de labour qui m’observait depuis son box. Je m’en approchais et néanmoins impressionné par sa taille imposante, je le caressais longuement jusqu’à ce que la voix de Julien me signifie que le repas était prêt. A contrecœur, je quittais l’animal et allais manger. Je restais silencieux tout le temps que dura le repas, me contentant d’écouter d’une oreille distraite, les conversations auxquelles je n’étais pas convié à participer. A vrai dire, j’avais plus qu’impression d’être totalement inutile. Alors que je pensais être devenu plus que transparent, j’entendis Hayden me demander :

- Dis Gwendal, tu peux me passer le plat de patates, s’il te plait ?

Je lui passais le plat sans un regard pour lui et continuais mon repas alors qu’Hayden s’exclamais :

- Mais qu’est-ce que tu as depuis ce matin ? T’as tes règles ou quoi ?

Je lui adressais un regard offusqué avant de me lever brusquement et de quitter la table. Je ne parvenais pas à pardonner à Hayden ce qu’il avait dit tout à l’heure. Plus je le voyais, et plus il me répugnait et m’inspirait du dégoût. J’avais conscience que cette attitude était des plus puériles, mais elle égalait celle d’Hayden. Assis sur le lit, je restais un moment immobile jusqu’à ce que quelques coups frappés à la porte, me tirent de mes réflexions :

- Gwendal ? C’est Julien… Hayden voudrait te parler… Sort, s’il te plait…

Pas disposé le moins du monde à lui répondre, je m’exclamais, prenant exprès un air hautain et méprisable :

- Et bien tu lui feras savoir qu’il ne me sied guère d’accéder à sa requête…

Alors que Julien commençait une phrase pour tenter de me raisonner, j’entendis Hayden l’interrompre et prendre la parole à sa place :

- Et si tu m’expliquais ce que tu me reproches au lieu de t’enfermer dans la chambre. T’as vraiment une réaction de gamin, c’est pas croyable…

- Tu sais ce qu’il te dit le gamin ?

Je n’entendis plus rien hormis les pas résonner dans les escaliers, me laissant seul. Je me laissais tomber sur le lit et les larmes s’échappèrent de mes yeux clos. Tout compte fait, je me demandais si je n’avais pas fait une erreur en demandant à Hayden de m’emmener avec lui… Pourquoi était-il si odieux avec moi ? Epuisé, je finis par m’endormir. Lorsque je me réveillais,  l’après-midi était déjà bien entamé et le soleil commençait à décliner.

Calmé, je quittais la chambre et avisant l’heure plus tardive que ce que je n’avais pu estimer et ne sachant pas à quelle heure rentreraient Julien et Hayden, je commençais à chercher de quoi préparer un repas. Découvrant une salade sur la table, je la lavais et ouvrais le frigo à la recherche de quelque chose à manger. Je sortis la charcuterie et le fromage avant de mettre la table. Une fois fait, je lavais les légumes qui traînaient dans un panier près de l’évier et les fit cuire.

Pendant ce temps, j’allais au salon reprendre la lecture que j’avais interrompue toute à l’heure. Je ne sais combien de temps s’écoula ainsi, mais je fus tiré de ma lecture par une horrible odeur de brûlé. M’imaginant le pire, je sautais sur mes pieds et partais à la recherche de l’origine de cette odeur. Je n’avais pourtant rien fait brûler… C’est alors que je me souviens des légumes que j’avais fait cuire. Horrifié, je me précipitais à la cuisine et en entrant, je fus entouré par une épaisse fumée qui s’échappait de la gazinière. Tant bien que mal, je coupais l’arrivée de gaz et ouvris les fenêtres. Accablé, je jetais un regard sur le premier repas que je faisais de ma vie et qui était encore loin d’être concluant.

Alors que je m’asseyais sur la chaise, découragé, la porte d’entrée s’ouvrit sur Julien et Hayden. Aussitôt, la voix de Julien me parut aux oreilles :

- Wow ! Qu’est-ce qui se passe ici ?

Ils entrèrent en trombe dans la cuisine et Hayden s’exclama :

- Gwendal ? Mais qu’est-ce que tu fous ? T’essaye de mettre le feu à la maison ou quoi ?

Remonté, je me levais et me tournant vers lui je m’exclamais, énervé :

- J’ai tenté de préparer le repas figure-toi !

- Tu appelles ça un repas ? S’esclaffa Julien en riant, faisant sourire Hayden.

- Pour la première fois de ma vie que je m’approche d’une cuisine je pense m’être pas trop mal débrouillé figure-toi ! Lui crachais-je au visage. Mais puis qu’apparemment personne ne semble apprécier et prendre en compte ce que j’essaye de faire pour vous, vous n’avez cas vous démerder tout seul, je démissionne !

Sur ses mots, les yeux brûlés par la fumée et les larmes que je tentais de refouler, je quittais précipitamment la cuisine, laissant les deux amis seuls à seuls. Inconsciemment, mes pas me guidèrent à l’extérieur. Alors que je m’engageais sur un petit chantier, j’entendis Hayden m’appeler :

- Gwendal, attend !

Je n’écoutais pas et continuais mon chemin et c’est à bout de souffle qu’il finit par me rattraper. Il posa sa main sur mon épaule, mais je me dégageais vivement :

- Lâche-moi ! Ordonnais-je. Retourne voir ton ami avec lequel tu t’entends si bien et laisse-moi tranquille.

Cependant, il feignit de ne pas m’entendre et demanda :

- Ecoutes, je m’excuse pour ce que je t’ais dit toute à l’heure. C’est gentil de ta part d’avoir prit l’initiative de préparer le repas. Tu sais, j’ai du mal à comprendre comment quelqu’un peu ne pas savoir faire des choses aussi simple que faire à manger…

- Serais-tu en train d’insinuer que je suis manchot ? Demandais-je avec toujours cette colère en moi. Je n’ai pas besoin de ta compassion, je veux juste que tu me foutes la paix !

Sur ce, je repris mon chemin, mais à mon plus grand désespoir, Hayden ne semblait pas vouloir lâcher prise :

- Mais tu vas t’arrêter ?

Enervé, je me retournais et criais :

- Quel mot dans “fiche-moi la paix” n’as-tu pas compris ?

- Je m’excuse ok ! S’exclama à son tour Hayden. Qu’est-ce que tu veux de plus ? Qu’est-ce que tu as depuis ce matin ? Tu es carrément invivable ! La moindre petite remarque on dirait que c’est la fin du monde !

- Tu veux vraiment savoir ce qu’il y a ? Criais-je, sans plus parvenir à retenir mes larmes. Il y a que j’en ai marre de tes réflexions et de tes moqueries permanentes. Oui on n’a pas eut la même éducation, oui ton enfance à certainement été plus compliquée que la mienne mais ce n’est pas une raison pour me rabaisser et te moquer de moi à la première occasion ! As-tu seulement remarqué que le peu de fois ou tu m’as adressé la parole en deux jours c’était pour te moquer de moi ou me reprocher telle ou telle chose ? As-tu seulement songé à ce que je pouvais ressentir à être constamment rabaissé de la sorte ? Je fais de mon mieux pour satisfaire à tes exigences, mais jamais tu ne me montre la moindre reconnaissance, comme si tout t’étais dû ! Tu n’es qu’un égoïste ! M’exclamais-je.

Hayden resta silencieux, semblant réfléchir à ce qu’il se prenait en pleine figure et face à son manque de réaction, j’en profitais pour ajouter :

- Depuis deux que nous sommes arrivés, tu parles avec ton ami en m’ignorant totalement, comme si je n’existais pas ! Je ne te demande pas de m’inclure dans vos conversations, mais un minimum d’intérêt pour ma personne ce serait trop demandé ? Depuis que je t’ai demandé si je pouvais venir avec toi, c’est comme si tu avais toi-même sceller le boulet à tes chaînes ! Mais au risque de t’apprendre un scoop, c’est toi qui as accepté que je vienne avec toi ! Alors prend en les responsabilités ! Si vraiment c’était une charge pour toi de m’avoir avec toi, tu n’avais cas tout simplement me dire “non”. Je ne suis pas stupide non plus, j’aurais compris et me serais débrouillé autrement, mais voilà, tu as dit “oui” !! Alors assume !

- Tu crois pas que t’exagères un peu ? Demanda Hayden dont le calme contrastait avec ma colère.

Je ne répondis rien mais lui adressais un regard qui en disait amplement sur ce que je pensais de sa réflexion.

- Pourquoi attaches-tu tant d’importance au regard des autres ? Me demanda Hayden, me prenant par surprise.

Ne m’attendant pas du tout à cette question, je répondis :

- Je…Parce que… Cela ne te regarde pas…

Hayden soupira longuement avant de reprendre :

- Ecoutes, si vraiment tu veux apprendre à faire des choses par toi-même, je suis prêt à t’aider, même si j’ai parfois des problèmes de patience.

A travers mes larmes, je lui adressais un regard sceptique empli de méfiance, ne croyant pas un traitre mot de ce qu’il venait de dire. Cependant, ne décelant aucune trace de moquerie dans son regard, j’étais bien forcé d’admettre qu’il ne semblait pas vouloir se moquer de moi une énième fois.

- Alors ? Demanda-t-il en me tendant la main. Marché conclu ?

Après un moment d’hésitation, j’attrapais la main qu’il me tendait et satisfait, il m’adressa un sourire de réconciliation.

Je répondis timidement à son sourire, séchant du revers de la main les dernières larmes qui perlaient encore au coin de mes yeux. Pour, sur cet accord, nous prîmes le chemin du retour. A mon grand soulagement, Julien ne fit aucune réflexion lorsque nous entrâmes dans la pièce et je vis avec bonheur qu’il avait préparé un repas plus mangeable que celui que j’avais tenté de faire plus tôt.

Nous passâmes à table et le repas se déroula dans un silence monastique. Lorsque nous eûmes terminé de mangé, nous nous posâmes un moment devant la télévision, mais n’y trouvant rien d’intéressant, j’attrapais mon livre et montais dans la chambre que je partageais avec Hayden, les laissant seuls. Dans la chambre, je posais le livre sur le lit avant d’attraper mon pyjama et de prendre la direction de la salle de bain.

Je restais un long moment sous l’eau, la chaleur excessive de celle-ci aidant à me décrisper les muscles des épaules. Lorsque je fus propre, je m’installais confortablement dans le lit, et me callant le dos avant l’oreiller d’Hayden, je repris mon livre là où je l’avais arrêté. Je lus ainsi un long moment, et ce ne fus que lorsque je me rendis compte que je relisais la même ligne depuis plusieurs fois déjà que je consentis à poser mon livre. Etouffant un bâillement, j’éteignis la lumière et rendis l’oreiller à Hayden avant de m’enfouir sous les couvertures, les nuits à la campagne étant plutôt fraiches. Je ne mis pas longtemps à m’endormir tant et si bien que je ne m’aperçus pas quand Hayden vint se coucher.

Je me réveillais le lendemain matin avec la désagréable impression d’être observé. A contrecœur, je finis par ouvrir les yeux et éblouis par l’afflux de lumière, je distinguais faiblement le visage d’Hayden qui m’observait. Je poussais un soupir de lassitude et passais ma main sur mon visage dans le but d’achever de me réveiller. Le regard fixe d’Hayden posé sur moi me troublait malgré moi et je ne pus m’empêcher de rougir, un petit sourire de gêne étirant mes lèvres.

- Bonjour, chuchota Hayden en souriant également.

- Bonjour, répondis-je en un murmure.

- Bien dormis ? Demanda-t-il non sans se départir de son sourire.

- Oui, mais pas encore assez, soufflais-je en refermant les yeux et en étouffant un bâillement.

- Allez ! Debout ! S’exclama Hayden en joignant le geste à la parole. Tu peux aller prendre ta douche, je l’ai déjà prise, mais ne traîne pas, aujourd’hui, on va avoir besoin de toi…

Sur ces mots, il quitta la pièce et c’est seulement à ce moment là que je me rendis compte qu’en effet, il était déjà habillé. Paresseusement, je me levais après avoir attrapé des affaires propres, j’allais prendre ma douche.

Vingt minutes plus tard, mon propre record battu, j’étais fin prêt et assis devant mon petit déjeuner, pendant qu’Hayden et Julien préparaient le programme de la journée.

Je ne fis aucun commentaire, mais au son de la voix d’Hayden, je m’aperçus bien vite qu’il ne semblait pas dans son état normal. Il avait l’air fatigué, plus qu’hier…  Cependant, il ne sembla pas y prêter attention ou l’ignora complètement et lorsque j’eus terminé mon petit déjeuner, nous partîmes tous les trois en direction de l’écurie. Là, Julien me montra comment harnacher le cheval de trait que j’avais vu hier, m’expliquant ou placer le collier afin qu’il ne blesse pas l’animal et comment attacher le tout. Au fur et à mesure qu’il m’expliquait, j’enregistrais mentalement ses indications, de façon à m’en souvenir et à être capable de le faire moi-même si l’occasion se présentait. Pendant ce temps, Hayden s’affairait à nourrir  et abreuver les chevaux qui occupaient les autres box.

Alors que j’achevais de boucler la sangle comme Julien m’avait demandé de le faire, il me demanda :

- Tu sais monter à cheval ?

Surpris par cette question des plus déplacées, je répondis :

- Je euh… Oui, bien sûr… Pourquoi cette question ?

- Très bien, répondit-il sans prendre la peine de me répondre. Tu monteras Linoa pendant qu’Hayden et moi nous occuperons de la herse. Cela sera beaucoup plus simple pour nous si nous n’avons pas à guider la jument en plus de tenir la herse.

- Euh… D’ac… D’accord, répondis-je simplement, déboussolé par cette réponse.

Sur ce, néanmoins ravi de monter à cheval même si je n’étais jusqu’à présent jamais monté sur un cheval de labour, je sautais lestement sur le dos de l’animal qui serait ma monture pour les prochaines heures à venir. Puis reportant mon attention sur Hayden qui venait d’entrer dans le box, je le surpris en train de me regarder avec surprise, les mains croisées, comme s’il s’attendait à devoir me faire la courte échelle pour m’aider à monter. Satisfait de moi-même et remerciant mon habileté féline que j’avais acquise tout au long de ma jeunesse, je lui adressais un regard victorieux accompagné d’un petit sourire malicieux.

Hayden répondit à mon sourire et notre petit groupe se mit en marche. Surplombant Hayden et Julien, je passais devant, ouvrant la marche, guidé cependant par Julien qui m’indiquait la direction à prendre. Très vite, nous arrivâmes au champ à travailler et Hayden et Julien s’affairèrent à attacher la herse derrière l’animal. Puis, sur l’ordre de Julien, je mis la jument en marche.

Nous travaillâmes ainsi sous la chaleur étouffante du soleil d’avril pendant près de trois heures, jusqu’à ce que Julien finisse par sonner la fin de la demi-journée.

- Allez, déclara-t-il. On arrête là pour aujourd’hui, il commence à faire vraiment trop chaud. On reprendra demain. Allez, ajouta-t-il à mon attention après un court silence, fait lui se dégourdir les jambes, elle a bien travaillé.

Comprenant le sous entendu, j’adressais à Julien un sourire de remerciement et avant qu’il n’ait le temps de répondre, je lançais la jument au galop à travers le champ. Dans mon dos, je sentais le regard de Julien et Hayden posés sur moi, mais je n’y prêtais pas attention.

Après un petit tour, je fis repasser la jument au pas et lentement, je pris la direction du retour, rattrapant au passage Julien et Hayden qui avaient déjà prit le chemin du retour. Arrivé à leur hauteur, je remarquais immédiatement que quelque chose n’allait pas. Hayden commençait à vaciller dangereusement et avant que je n’aie le temps de l’appeler par son prénom, il s’effondra sur le sol.

Effrayé, je sautais de cheval et me précipitais vers Hayden en criant son prénom. Avec délicatesse, je le prenais par les épaules et le retournais de façon à voir son visage, posant sa tête sur mes genoux pendant que Julien s’emparait de la gourde pour le faire boire.

- Ca va ? Demandais-je sans parvenir à masquer mon inquiétude.

- Je… Mal au ventre, gémit Hayden.

- Au ventre ? Répétais-je surpris avant de comprendre. Tu veux dire à ta blessure ?

Hayden se contenta d’hocher la tête en guise d’affirmation et je lançais un regard désespéré à Julien, ne sachant pas du tout quoi faire, n’ayant encore jamais été confronté à ce genre de situation. Prenant la situation en main, il releva Hayden et l’aida à marcher, tout en me demandant d’aller ramener la jument au plus vite et d’aller chercher les clés de sa voiture. Après m’avoir expliqué où elles se trouvaient, je repartis au galop en direction des écuries et allais chercher les clés dans l’entrée. Une fois fait, je retournais à l’écurie pour enlever l’harnachement de la jument, en attendant de voir Julien arriver.

Moins de dix minutes plus tard, ils étaient enfin de retour et je me précipitais à leur rencontre. Sans attendre, Julien m’arracha pratiquement les clés que je lui tendais et après avoir ouvert la voiture, il aida Hayden à prendre place à l’arrière pendant que je montais devant. A présent, Hayden était brûlant et délirait sous l’effet de la fièvre, marmonnant des paroles incompréhensibles et sans aucun sens.

Sur la route qui menait à l’hôpital, des paroles d’Hayden attirèrent mon attention :

- Pardon maman… Je suis désolé… Je recommencerais pas… Pardonne-moi…

Je fus vraiment surpris par ses paroles, mais je n’en laissais rien paraître. Hayden devait vraiment avoir beaucoup de fièvre s’il commençait à parler ainsi de son passé, lui qui n’aimait pas y faire allusion en temps normal.

Cependant, je n’eu pas le temps d’approfondir mes réflexions car nous arrivâmes sur le parking de l’hôpital. Après avoir aidé Hayden à sortir de la voiture, nous prîmes la direction de l’entrée des urgences où nous fûmes rapidement pris en charge. Alors que le médecin venait chercher Hayden, Julien se tourna vers moi et déclara :

- Va avec lui, je reste le temps de m’occuper des papiers d’administration et je vous rejoins.

Je me contentais d’hocher la tête, un peu dépassé par les évènements. Déboussolé, je me rendis dans la chambre où ils avaient emmené Hayden et alors que je m’apprêtais à entrer, je fus  violemment éconduit par une infirmière des plus hautaines :

- Vous ne pouvez pas rester là, Monsieur. Je vous prie d’aller attendre dans la salle d’attente comme tout le monde.

- Je… Ecoutez, répondis-je avec lassitude. Mon… mon ami vient d’être admis en urgence, je voudrais juste savoir comment il va…

- S’il vient d’être admis alors on s’occupe de lui. Je ne peux rien vous dire d’autre pour le moment. Allez attendre dans la salle prévue à cet effet, le médecin viendra vous chercher.

Agacé d’être traité ainsi, j’allais faire demi-tour lorsque j’entendis Julien m’appeler :

- Gwendal !!

Je me retournais et fis face à Julien qui me demanda :

- Comment va Hayden ?

- Je ne sais pas répondis-je en lançant un regard meurtrier à l’infirmière. Cette personne ne veut rien me dire à son sujet…

- Vous êtes… Commença l’infirmière en pâlissant subitement. Vous êtes Gwendal de Montaudry ?

- Euh… Oui, répondis-je hésitant, ne comprenant pas son soudain changement de comportement.

- Vous pouvez venir avec moi, reprit l’infirmière avec un air étrange que je ne parviens cependant pas à déterminer.

Suivis de Julien qui, lui aussi me regardait bizarrement, j’entrais dans la chambre d’Hayden, dont le médecin à son chevet achevait de perfuser. Avec hésitation je m’approchais lentement d’Hayden et lui prit la main pour lui faire part de ma présence. Cependant, endormis, il ne releva pas ma présence et me tournant vers le médecin, je demandais :

- Comment va-t-il ?

- Vous êtes de la famille ? Demanda le médecin.

- Je… Hésitais-je. Oui, repris-je sous le regard insistant de Julien.

- Bien, il fait de la fièvre due à l’infection d’une plaie mal soignée. Rassurez-vous, il est hors de danger, cependant, j’aimerais le garder cette nuit en observation. Vous pourrez revenir le voir demain et on avisera à ce moment là.

- Merci docteur, répondit Julien visiblement aussi soulagé que moi.

Après un dernier regard à Hayden, Julien et moi allâmes nous restaurer à la cafétéria de l’hôpital et lorsque nous retournâmes voir Hayden vers le milieu de l’après-midi, c’est avec soulagement que nous constatâmes qu’il était enfin réveillé.

- Comment vas-tu ? Demanda Julien en s’approchant de son chevet alors que je restais en arrière. Tu nous à foutu une sacrée trouille tu sais !

- Désolé, s’excusa Hayden en riant faiblement, encore épuisé par son excès de fièvre. Ca va déjà mieux. Merci pour ton aide, murmura-t-il.

Nous restâmes près d’une heure en compagnie d’Hayden, jusqu’à ce que le médecin vienne nous dire qu’il était tant que nous partions, qu’Hayden avait besoin de repos pour retrouver la forme. Après lui avoir dit que nous revenions le voir demain dans la journée, Julien et moi prîmes le chemin du retour. Celui-ci se déroula dans un silence mortuaire.

Lorsque nous arrivâmes, Julien prépara un repas rapide pendant que je dressais la table et alors que nous mangions, cédant à la curiosité, je commençais, non sans hésitation :

- Tu… Enfin… Tout à l’heure Hayden parlait de sa mère… Il disait qu’il s’excusait…

- Hayden n’aime pas parler de son passer, mais la fièvre l’a fait délirer et il ne savait plus ce qu’il disait…

- Pourquoi n’aime-t-il pas parler de son passé ? Demandais-je ma curiosité à présent piquée à vif.

- Ce que je vais te dire dois rester entre nous. Surtout, tu n’en parles jamais à Hayden…

J’hochais la tête en guise d’acquiescement et satisfait, Julien reprit :

- Je sais juste qu’Hayden n’a pas eut une enfance des plus heureuses. Il n’a jamais connu son père et sa mère fréquentait des personnes pas très recommandables… Il à du apprendre à se débrouiller par lui-même très jeune…

- Mais pourquoi s’excusait-il auprès d’elle ? Demandais-je, dans l’incompréhension la plus totale.

- Je ne sais pas, répondit Julien. Tout ce que je sais c’est que sa mère est décédée l’année de ses seize ans… Mais évite de lui en parler si tu ne veux pas t’en faire un ennemi. Hayden déteste vraiment aborder ce sujet… Même lorsque nous étions ensemble, il ne m’a jamais rien dévoilé sur lui. Ce que je sais, je l’ai appris par le biais de conversations et de détails dont il me faisait part sans réellement s’appesantir d’avantage sur la question…

Aussitôt, je me remémorais les paroles d’Hayden. Seize ans, c’était l’année où il avait commencé à vivre sur la route… Cela avait-il finalement un rapport avec la disparition de sa mère ? Taisant mes interrogations, je terminais mon repas en silence non sans songer à tout ce mystère qui planait autour d’Hayden. Lorsque la soirée fut un peu plus annoncée, je pris congé de Julien et allais me coucher. Je ne saurais dire pourquoi, mais le manque de la présence d’Hayden me troublait plus que je ne l’aurais cru. A tout instant, je m’attendais à le voir entrer dans la chambre et venir prendre place à mes côtés, réchauffant les draps et me tenant chaud par sa simple présence à côté de moi. Finalement, sur cette pensée, je finis par m’endormir.

Once in a life time - Chapitre 3

Dimanche 10 mai 2009

Chapitre 3 écrit par Lybertys

J’eus la désagréable surprise de me faire réveiller par de l’eau glacée sur mon visage. Sans trop savoir ce qu’il se passait, ayant l’esprit complètement embrouillé, je me redressais vivement, voulant être capable de faire face à toute attaque. Une douleur vive me ramena très vite à la réalité : le coup de couteau, la rivière et cet imbécile. Alors que je portais ma main sur ma hanche blessée, je tournais la tête vers celui qui venait de m’arroser avec l’eau de la rivière, et au vu de son petit sourire honteux qui m’agaça je le foudroyais du regard en lâchant :
-              Putain mais t’es dingue !

- Je suis désolé, répondit-t-il d’une petite voix, comme un enfant prit en faute. Mais je ne peux pas vous aider si vous êtes inconscient…

Sans me laisser le temps de lui répondre, il alla chercher son cheval et le ramena vers moi. Je ne savais pas vraiment ce qu’il cherchait à faire, mes j’avais l’esprit beaucoup trop embrumé pour y réfléchir. Ma tête tournait vivement, me laissant le cœur au bord des lèvres. D’un regard il m’invita à monter. Si j’étais au départ suspicieux de ce qu’il me proposait de faire, je n’avais pas la force de l’être bien longtemps. Je cédais, me levant finalement avec difficulté et m’approchant du cheval. C’était fou comme cette petite blessure pouvait être en train de prendre le dessus sur moi. Rares étaient les fois où j’avais pu me sentir aussi faible. Heureusement pour moi, j’avais déjà appris à monter à cheval et ce serait plus simple pour moi, surtout sans cet état. Cela allait être douloureux, mais certainement moins pénible que la marche qui m’attendait. Entre la douleur courte et longue, je choisis la plus vive et la moins longue. Empoignant le pommeau de la selle d’une main et le troussequin de l’autre, je me hissais à cheval, le visage déformé par la douleur. Il fallait sérieusement que je m’occupe de cette plaie et que je me repose. Ma tête tournait violemment, et je devais faire appel à toute mon attention pour ne pas perdre l’équilibre. Une fois en scelle, je laissais cet homme décider de tout. Il prit les rênes et pris une direction connue seulement de lui. Alors que je sentis la monture se mettre en marche, je me sentais de nouveau partir. Je voyais le paysage défiler sous mes yeux, jusqu’à ce qu’il s’assombrisse de nouveau et que je sombre de nouveau dans le noir…
Une fois de plus je fus très désagréablement réveillé : une gifle assez brutale qui me ramena sur terre. J’avas mal et j’étais de très mauvaise humeur. J’exprimais très clairement mon mécontentement :
-               Mais t’as fini de me frapper oui ? T’es complètement dingue ou quoi ?
Outré, il s’exclama :
-               Vous étiez inconscient figurez-vous ! De plus, je vous signale que sans moi vous seriez mort à l’heure qu’il est ! A présent, silence ! Je vais chercher de quoi vous soigner, attendez moi là et tâchez de rester éveillé !

Sur ces mots, il se leva et sans un regard pour moi, il attrapa la bride de sa monture et quitta l’écurie, me laissant seul. Je passais la main sur mon visage, tentant de me remettre les idées en place. Après une profonde inspiration, je tentais de voir l’endroit ou je me trouvais. J’étais assis sur un lit de paille, certainement dans ce qui devait être une ancienne écurie tout de même bien entretenue. Je jetais un rapide coup d’œil à l’origine de ma douleur, soulevant lentement ma chemine compressée dessus. Le sang continuais de couler, il fallait que je mette fin à cela au plus vite ou je finirais par sérieusement y rester. Heureusement, le jeune homme qui m’avait amené ici ne tarda pas à revenir avec une serviette remplies de diverses choses. Aux manières qu’il avait depuis le début, je devinais qu’il avait eut une tout autre éduction que moi et devait certainement avoir pas mal d’argent. Il sembla soulager de me voir et me tendit avec un peu trop de précipitation ce qu’il avait ramené à mon intention. Il lâcha avant que je n’ai eu le temps de saisir la serviette et tout s’éparpilla sur le sol dans un bruit étouffé. Apparemment gêné par ce simple geste qui n’était qu’un peu de maladresse, il s’agenouilla aussitôt et entreprit de tout rassembler en bredouillant :
- Je suis désolé… Je pensais que vous l’aviez…
Je ne répondis rien, étant de toute façon trop épuisé pour faire ou dire quoi que ce soit. J’économisais uniquement mes forces afin de pouvoir me soigner. Une fois qu’il eut tout ramassé, il s’adossa contre une balle de foin et me regarder commencer à panser ma plaie. Je ne cherchais pas particulièrement à engager la conversation. S’il avait envie de parler, je lui laisser sans aucun souci l’initiative. Et je ne m’y trompais pas car quelques seconde plus tard, je l’entendis me demander avec hésitation :
-               Co… Comment est-ce que vous vous êtes fait cela ?
Agacé par sa question, et n’ayant aucune envie d’aborder ce sujet, je choisis de répondre par une autre question, ignorant la sienne :
-               Où j’suis d’abord ?

-               Euh… Vous… Je vous ais ramené chez moi, répondit-il, apparemment déconcerté.

-               Tu crèches ici ? Demandais-je en regardant suspicieusement autour de moi.

-               Oui… Enfin, à côté, répondit-il, de plus en plus mal à l’aise. Une fois que vous irez mieux, je vous ferais reconduire chez vous.

Si je ne répondis rien sur le moment, je n’en étais pas moins amusé à l’avance. J’imaginais déjà la tête qu’il ferait lorsqu’il en apprendrait un peu plus sur mon mode de vie. Occupé à me soigner, je pris un temps avant de relever les yeux vers lui et lui dire tout simplement :

-               C’est gentil mais inutile. Je n’ai pas de maison.

-               Hein ? S’exclama-t-il en confirmant mon hypothèse. Comment est-ce possible ? Bien sur que si vous avez une maison, vous ne vous en rappelez pas, c’est tout.

-               Insinuerais-tu que je perds la boule ? M’exclamais-je vivement en me lançant un regard meurtrier. Et maintenant silence !
J’avais en réalité vraiment besoin de silence. J’étais épuisé et chaque geste me demandait bien trop. Je n’avais pas vraiment de temps à perdre avec lui. Il m’avait aidé et cela s’arrêtait là. J’avais maintenant quelque chose de bien plus pénible à faire : me recoudre. L’aiguille étant désinfectée, je l’approchais de ma plaie et lentement en prenant sur moi, je commençais à me recoudre. Je sentis le regard du jeune homme posait sur moi, mais n’y prêtais pas attention, ayant besoin de concentration. Et c’est arrivé au milieu que je l’entendis tomber lourdement sur le sol. Je relevais les yeux vers lui et vit qu’il s’était évanouis. Je compris assez rapidement que cela était du au fait qu’il n’ait pas supporté de me voir me faire mes points de sutures. Décidément, il n’était vraiment pas fait pour la vie à l’extérieur de son petit château. Lentement, j’entrepris de finir moins points, profitant du calme qu’il m’accordait. Une fois terminé, je désinfectais une dernière fois et appliquais une compresse que je scotchais tant bien que mal.

Lentement, je m’approchais de lui, lorsqu’une idée me vint en tête, une idée de légère vengeance. Ma main atterrie sur sa joue, aussi brusquement qu’il l’avait fait avec moi, le réveillant instantanément. Il ouvrit les yeux, les plongeant dans les miens, ne semblant pas vraiment savoir où il en était. C’est à ce moment là que je vis un détail que je n’avais pas pu voir de loin. Ses deux yeux étaient de couleur différente. L’un était vert et l’autre bleu. Un rayon de soleil passait juste sur son visage, les illuminant. Si cela aurait pu paraître étrange, je pouvais affirmer que c’était de toute beauté. Ses cheveux blonds semblaient être très fin et particulièrement doux, attestant des soins qu’il devait leur prodiguer. Jamais je n’aurais eu cette patience. Ce jeune homme avait beau être très différent de moi, je ne pouvais nier sa beauté, presque fragile. Soudain, il sembla revenir totalement à lui, car il poussa un hurlement de terreur avant de se reculer maladroitement comme pour mettre plus de distance entre lui et moi. Sans trop comprendre la raison de cette réaction, je me contentais de rester immobile, le regardant étrangement. Avait-il un problème psychologique ? Je devais vraiment être tombé sur un cas. Plus vite je partirais d’ici, mieux ce serait… Inquiet tout de même je lui demandais :
-               Hey ! Ca va ?
-               Vous… Vous m’avez frappé ? S’exclama-t-il indigné.
Alors ce n’était que cela… Cachant tant bien que mal mon amusement, je lui répondis :
-               Je n’ai fais que te rendre la pareille ! A présent nous sommes quittes !

Il ne répondit rien, reportant son attention sur ma blessure. Il fallait à présent que je me lève et que je parte. J’avais largement assez abusé de son hospitalité et ce n’était pas mon genre. Seulement, alors que j’allais me lever,  je chutais lourdement ; ayant perdu trop de sang, mes forces s’étaient amenuisées plus que je ne le pensais.

-               Vous devriez vous reposer un peu !

Sur ces mots, il se leva et ajouta avant de s’éloigner :
-              Restez la, je vais chercher de quoi vous nourrir.

Je vis sa fine silhouette disparaître sous mes yeux. Je lui étais finalement reconnaissant de m’aider ainsi. Après tout il ne me connaissait pas et pourtant il m’avait amené jusque chez lui et m’avait donné de quoi  me soigner et aller m’apporter de quoi manger. J’avais rencontré beaucoup de personnes au cours de ma vie, et rares étaient celles qui donnait plus qu’un simple bonjour. Je pouvais le dire maintenant, il semblait vraiment différent. Un poil naïf et quelque chose d’attachant… Cependant, je ne pense pas que j’aurais été capable de rester plus d’une journée avec lui. Nous étions vraiment trop différents.

Il revint très peu de temps plus tard, avec un paquet rempli de nourriture semblant bien plus savoureuse que celle que j’avais l’habitude de manger. Sans un mot, après l’avoir remercié du regard, je commençais à manger, me rendant compte que j’avais véritablement faim. Manger me permettrait de reprendre des forces et avec un petit peu de repos, je serais apte à partir ce soir. Il me détailla un moment, puis il finit par s’asseoir face à moi et entama la conversation une fois de plus :

-               Alors c’est vrai ? Vous… Vous n’avez pas de maison ?

-               Non, répondis-je. Je suis chez moi partout.

-               Vous voulez dire que vous vivez de… Dehors ? S’exclama-t-il, ne cachant pas sa surprise, semblant sous le choc de ma révélation.

-               Oui ! Pourquoi me regardes-tu ainsi ? Dis-je agacé.

-               Je ne vous regarde pas ! S’indigna-t-il. Vous voyagez comme ca depuis longtemps ? Ajouta-t-il après quelques secondes de silence.

-               Depuis mon adolescence, mais pourquoi tu me poses toutes ces questions ? Lui demandais-je surpris.
En réalité je n’aimais pas bien parler de cette période là de ma vie. Vivre le présent et avancer vers le futur, en tournant le dos à ce qui avait été mon passé qui finalement me poursuivait sans cesse.

J’avais encore moins envie d’en parler. En réalité, il était rare que je parle à quiconque de mon passé. Pour tous ceux que j’avais croisés sur ma route, j’étais l’homme qui errait depuis toujours, l’homme sans maison qui vivait sur la terre et qui avait une philosophie de vie peu particulière.

Alors qu’il allait répondre, une voix s’éleva de l’extérieur :

-               Monsieur, vous êtes là ? Les invités sont arrivés, votre père vous fait mander ! Monsieur ?!

Je vis alors le visage de ce jeune homme blêmir et je du avouer que cela m’intrigua un peu. Ma curiosité augmenta d’autant plus lorsqu’il se leva d’un bond. Une chose était sûre, il avait beau avoir tout le luxe qu’il voulait, je n’enviais certainement sa vie par rapport à la mienne. Il déclara soudain à voix basse alors que l’autre homme se rapprochais de nous :
-               Cachez vous ! Personne ne doit vous voir ! Je repasserais un peu plus tard ! Profitez-en pour vous reposer :
Et sans un mot de plus, il s’éclipsa de l’écurie, me laissant seul une fois de plus. J’entendis des bribes de conversations mais n’y prêtais pas particulièrement attention. Il avait raison, je devais me reposer. Une petite heure de sommeil me ferait du bien. J’allais au fond de l’écurie en rassemblant mes affaires, emballant soigneusement toute la nourriture qui restait. Je m’étendis un peu sur la paille, trouvant assez rapidement le sommeil malgré la douleur.

Je me réveillais lorsque la nuit était en train de tomber. Il était plus que temps que je parte. Je pris toutes mes affaires, les mettant dans mon sac de toile. Je ne reverrais certainement pas celui qui m’avait aidé, mais c’était peut être mieux ainsi. Alors que j’étais à la porte de l’écurie, je vis le jeune homme courir vers moi, portant avec difficulté un énorme sac. Tout essoufflé, semblant satisfait de me trouver, il me supplia alors de sa petite voix, la plus improbable des demandes à laquelle je m’attendais :
-               Emmenez moi avec vous…
Je crus m’étouffer, croyant avoir mal compris sa demander. Jamais on ne m’avait demandé une chose pareille. D’habitude, on me suppliait de rester pas de partir avec moi. Sans parvenir à cacher ma surprise, je m’exclamais simplement :
-               Pardon ?!!!

-               Je… Est-ce que je peux venir avec vous, dit-il plus hésitant cette fois-ci.
J’avais donc bien compris, cependant avant de lui donner une réponse, je me décidais de satisfaire ma curiosité et lui demandais :

-               Pourquoi ?
Je semblais à mon tour le prendre de court, car il commença à bégayer des choses incompréhensibles avant de déclarer d’une seule traite :

-              Je ne peux pas rester ici, vous êtes ma seule solution.
Amusé par le côté dramatique qu’il donnait à la chose, mais tout de même inquiet je me décidais alors à lui répondre :
-               Si tu as l’air si désespéré que cela alors… Je te préviens, ça ne sera pas la vie que tu mènes ici.
-               Merci, s’empressa-t-il de répondre. Vraiment, merci beaucoup.
-               Ne me remercie pas trop vite. Allez amène toi, on s’en va avant qu’il ne fasse vraiment nuit.
-               Oui, je vous suis.
Aussitôt, je me tournais vers lui. Si nous allions voyager ensemble pendant un temps indéterminé, autant mettre tout de suite les choses au clair :
-               Ne me vouvoie pas, ce n’est vraiment pas la peine. Appelle-moi Hayden, et toi ? Quel est ton nom ?
-               Je… Euh. Je m’appelle Gwendal.
-               Très bien Gwen, dis-je, employant déjà un diminutif, allons-y.
Je ne savais vraiment pas dans quoi j’étais en train de m’embarquer. J’avais toujours voyagé seul. Cependant, j’étais prêt à mettre un peu de piment dans mon voyage et ce que j’avais vécu aujourd’hui ne faisait que confirmer que c’était une bonne chose. Nous nous faufilâmes à l’extérieur de sa propriété, Gwendal croulant déjà sous le poids de son gros sac. Bien que blessé, nous étions tout de même pressés. Je fis demi-tour, parcourant les quelques mètres qui nous séparez déjà et attrapais son sac sans qu’il n’ait eu le temps de réagir.
Il me déclara simplement merci, me lançant un regard empli de reconnaissance.

-               Ne t’inquiète pas, nous allons bientôt nous arrêter pour dormir.
-               Vous… Tu connais la région ? se reprit-il.
-               Un peu… Enfin pas énormément… Pourquoi ?
-               Parce qu’il n’y a aucun hôtel dans cette direction.
Je me retins difficilement d’éclater de rire, avant de m’esclaffer :
-               Un hôtel ?!!!

-               Il faut bien que nous ayons un lit et un toit pour dormir… déclara-t-il, très sérieusement.
-               Oh ça oui tu les auras : un duvet pour lit e le ciel étoilé comme toit.
Son visage se décomposa littéralement mais je ne lui laissais pas le temps de se plaindre. Je repris la route tournant sur un petit sentier qui s’enfonçait dans les bois. En chemin, je lui demandais tout de même :
-               Dis-moi, qu’as-tu pris dans ton sac ? Tu as un duvet ?
Il me fit non de la tête.
-               De quoi manger ? Continuais-je alors, éberlué.
Même geste de la tête.
-               De l’argent ?
-               Oh ! Je retourne tout de suite chercher tout cela !

Alors qu’il était sérieusement en train de faire demi tout, je le saisi fermement par le bras et lui dit calemement , la voix posée ;

-               Je pense que c’est vraiment la dernière des choses à faire. Tu ne penses pas qu’ils sont en train de te chercher à l’heure actuelle, depuis le temps que tu es parti ? C’est trop tard maintenant, et ne t’inquiète pas, on peut très bien s’en sortir.
-               Mais…
-               Allez vins, il faut qu’on trouve un coin pour dormir.
Je me remis en route, ne lui laissant pas le temps de répliquer quoi que ce soit. Il finit par me suivre en continuant à se plaindre pour je ne sais quoi. J’entendis bientôt la rivière et quittais le chemin.

-               On va où là ? me dit Gwendal d’une voix de moins en moins rassurée. Vous êtes sur que c’est une bonne idée ?

Agacé par son petit air naïf et peureux, je me tournais vers lui voulant mettre les choses au clair. Je n’étais pas vraiment patient et il commençait à m’irriter :
-               Ecoute, tu as voulu venir avec moi, sachant pertinemment que cela allait changer tes habitudes. Je sais ce que je fais alors s’il te plait, fais moi confiance.
Sans lui laisser une énième fois le temps de répondre, je poursuivis ma route. La douleur n’améliorait en rien la patience dont je pouvais faire preuve.
Nous ne tardâmes pas à arriver au lieu où je pensais. Il y avait moins d’arbre, offrant un petit cercle de verdure à l’abri du vent ? Un feu avait déjà était fait et au vu du duvet que nous allions avoir à partager, il était judicieux d’en faire un. De plus la petite rivière n’était pas loin ? Je déposais les sacs sur le sol, et Gwen s’arrêta à côté de moi, regardant partout autour de lui.

Je commençais sérieusement à me poser de plus en plus de questions à son sujet. D’où sortait-il et quelle vie menait-il jusqu’à maintenant  pour être aussi ignorant du monde extérieur. Se contentait-il de le parcourir sur son cheval à chaque promenade du dimanche ?…

Il était déjà tard et ne voulant pas perdre de temps, je me tournais vers lui et déclarais :
-               Je vais chercher du bois, reste là.
-               Tout seul ? me demanda-t-il, sans cacher son inquiétude.
-               Tu vois quelqu’un d’autre ? lui demandais-je à la limite de l’exaspération. Je ne suis pas loin et je n’en ai pas pour longtemps, tu peux garder les sacs.
J’attrapais deux cordes avant de partir et me mis en route pour chercher de quoi alimenter le feu. Nous avions de la chance, cette forêt avait beaucoup de bois mort. Je nouais les branches que je ramassais, prenant de quoi tenir une bonne partie de la nuit. Lorsque je revins vers Gwendal, je le trouvais assis, recroquevillé à côté de son sac, comme apeuré. Amusé de le voir ainsi avoir des réactions aussi enfantines,  je déclarai en le faisant sursauter :

-               Dis-moi ? Tu crois croiser le grand méchant loup ?
Il me lança alors un regard meurtrier, me faisant clairement comprendre qu’il ne trouvait pas cela très drôle. Cessant mon petit jeu, je déposais le bois et en profitait pour m’asseoir un peu. Ma tête tournait et j’étais loin d’avoir retrouver mes forces. Alors que je prenais ma tête entre mes mains, j’entendis la petite voix inquiète et attendrissante de Gwendal, empli de cette légère maladresse qui lui donnait ce côté attachant :
-               Hayden ? Ca va ?
Après avoir pris une profonde inspiration pour tenter de me ressaisir, je me redressais et lui offrant un petit sourire, je lui répondis :

-               Un petit coup de fatigue, ça ira mieux demain…
A vrai dire, je me sentais de moins en moins bien. J’ais mal au cœur et ma tête tournait de plus en plus violemment. Cela ne passa pas inaperçu aux yeux de Gwendal qui s’approcha de moi sans cacher son inquiétude. Il posa soudain sa main sur mon front, comme pour confirmer l’hypothèse qu’il était en train d’émettre. Sa main était étonnamment fraîche,  et d’une douceur que j’avais peu eu l’habitude de connaitre. On sentait vraiment qu’il ne devait pas s’en servir pour travailler, de vraies mains de bourgeois… Cependant, je ne pouvais nier que ce contact était des plus agréables. Après un temps qui me parut à la fois terriblement long et bien trop court, il s’exclama :
-               Mais vous… enfin tu es brûlant de fièvre. Il te faut un médecin.

-               Ne dis pas n’importe quoi, et puis de toute façon je le payerai avec quoi ? On m’a tout piqué ce matin…
-               La blessure c’est pour cela ? dit-il en devenant extrêmement pâle.

-               Oui… répondis-je simplement, n’ayant aucune envie de m’appesantir sur le sujet.
Puis, voulant en changer totalement, j’ajoutais :
-               Tu peux me passer mon sac s’il te plait ?
Sans se faire prier, Gwendal attrapa mon sac et me le tendis, puis me fixa avec anxiété.

-               Ca va, je ne suis pas mourant non plus ! dis-je agacé. Merci.
Etre dans cet état me rendait finalement de mauvais poil et irritable. Sans ajouter un seul mot, je pris mon sac, et me servis du sac de plante qui par plusieurs reprises m’avais miraculeusement soigné. J’en attrapais une petite poignée que je mélangeais à un autre. Puis saisissant ma tasse et une gourde, j’y mélangeais la poudre et l’eau, formant une mixture assez liquide et je devais l’avouer peu appétissante. Sous l’œil assez dégouté de Gwendal, je la bu d’une seule traite. Heureusement, c’était une nuit de pleine lune et la luminosité était assez forte pour me permettre de voir. Je rangeais rapidement mes plantes réduites en poudre puis passant le gobelet à côté je me redressais prenant sur moi : j’avais un feu à allumer.
Assez rapidement, j’allumais le feu qui par chance prit assez vite. J’attrapais un lampe de poche et commençais à installer le lit. Après avoir mis une grande couverture sur le sol, j’ouvris le duvet afin d’en faire une seconde couverture qui nous couvrirais. Puis, prenant un gros pull, je formais un gros oreiller pour Gwendal, afin de le ménager un minimum. Il ne faisait pas très froid la nuit dans cette région, il n’y avait aucune raison de s’inquiéter. Je retournais vers mon sac, et en sorti la nourriture qu’il me restait de tout à l’heure. Je la partageais équitablement, gardant un bon morceau de pain pour demain matin.
Je tendis sa part à Gwendal qui ne la refusa ps. Nous mangeâmes en silence tout les deux, savourant les bruits de la nuit. Si je les trouvais agréables et reposants, cela ne semblait pas être le cas pour Gwendal.  Il n’avait de cesse de jeter des coups d’œil de droite à gauche, surveillant les alentours au moindre bruit. Amusé de cette réaction, je ne fis cependant pas le moindre commentaire. Nous finîmes de manger en silence, puis après avoir rangé, je revivais un peu le feu qui commençait à s’éteindre l’alimentant. Je proposais un thé à Gwendal qui l’accepta volontiers. Je mis de l’eau à chauffer dans une casserole sur les braises, puis me perdit de nouveau bien vite dans ma contemplation du feu. Gwendal aussi semblait être un peu plus rassurait et ne détachait pas ses yeux du feu comme hypnotisé, perdu dans ses pensés. Les plantes que j’avais bu commençaient à faire leur effet, et je me sentais un peu mieux, assez pour engager la conversation.
-               Tu as toujours vécu ici Gwendal ? Tu as déjà voyagé, vu un peu le monde ?
-               Non, je suis né ici et je suis toujours resté là.
-               C’est un peu une grande première alors. Tu vas voir, c’est un peu dur au départ, mais on s’y fait très bien, même un peu trop.
-               Depuis combien de temps tu vis comme ça ?

-               J’erre sur les routes depuis presque dix ans.
Je pu voir à la lumière du eu ses yeux s’écarquiller.

-               Dix ans !! Mais vous, enfin tu as quel âge ? Si ce n’est pas indiscret… me demanda-t-il alors.
-               Vingt-cinq depuis peu. Et toi, un peu moins je pense ?
-               Bientôt vingt et un.
Le silence retomba quelque seconde avant qu’il me pose une question à laquelle je n’avais aucune envie de répondre et encore moin de m’étendre sur le sujet :
-               Et ta famille ? Ce n’est pas trop dure d’en être séparer.
Comment lui dire que je n’avais plus de famille. Que ma mère avait été morte d’un overdose par ma propre faute et que mon père m’avait toujours été inconnu. Fils d’une prostitué droguée, rien de bien glorieux et j’avais toujours eu honte de l’assumer, et encore plus honte d’avoir honte de ma propre mère défunte.
Jamais je n’en avais parler à personne et je gardais en moi tout cela, n’ayant aucune envie de m’exprimer ce que j’en ressentais réellement.
-               Je…, commençais-je à dire avant que ma voix ne meurt dans un silence.
Heureusement Gwendal comprit et dit rapidement gêné :
-               Je suis désolée, je n’aurais pas du poser cette question…
Le silence retomba de nouveau, nous deux regards plongés dans la contemplation du feu. J’attrapais un chiffon pour sortir l’eau des brasses suffisamment chaude  pour le thé et en servie une tasse à Gwendal.
Puis commençant à le boire, je décidais à mon tour de lui poser une question qui me titillait depuis un moment :
-               Gwendal ?

-               Oui ?
-               Pourquoi tu as voulu partir ?
-               Je… J’ai appris ce matin que mes parents avaient pour projet de me marier avec une fille que je n’avais jamais vu. Je… Je n’ai jamais vraiment trouvé ma place avec eux, mais me marier aurait été l’entrave de trop à ma liberté.
-               Alors tu as bien fait de partir, dis-je. Peu on le courage de le faire. Sache que tu peux rester avec moi tant que tu le souhaites. Demain nous irons chez un ami, en échange du gîtes et du couvert, je travaille quelques jours chez lui. Là-bas on trouvera de quoi t’équiper un peu mieux. Enfin si tu es d’accord.
-               Oui je veux bien s’empressa-t-il de répondre.
Puis il ajouta après un temps :
-               Merci Hayden…
J’aimais la cause pour laquelle il se battait. Pour moi rien n’était plus important que la liberté. Je prenais maintenant la décision de l’aider, sachant pertinemment qu’il ne s’en sortirait jamais tout seul. Nous finîmes notre thé avant de ronger et d’alimenter une dernière fois le feu.

Une fois que tout cela fut fait, je lui proposais d’aller dormir, chose qu’il accepta avec plaisir. Je lui montrait sa place et après une hésitation qu’il accepta avec plaisir. Je lui montrait sa place et après une hésitation qu’il me cacha il commença à s’allonger le premier. Apparemment, l’idée de dormir tout contre moi, ne l’enchantait guère ; et pourtant, il devait faire avec.
Une fois qu’il fut à peu près installé, je vins me coller tout contre lui, nous recouvrant tout deux du duvet. Après un soupire, puis prenant soin de ne pas me faire plus mal à la hanche que je ne l’avais déjà, je lui souhaitais bonne nuit et partit rejoindre le pays des songes.

Je n’ouvris les yeux qu’à l’aube. Le soleil venait à peine de se lever et alors que j’allais me tourner, je sentis quelque chose tout contre moi. Je tournais la tête soulevant un peu le duvet, et vis Gwendal roulé en boule la tête enfouis contre moi. Il n’avait pas du être bien vaillant cette nuit là… amusé, je me levais choisissant de le laisser dormir. Je rallumais un petit feu suffisant pour ce matin puis  attrapais mon savon et une serviette afin d’aller me laver à la rivière. Cela m’aiderait peut être à vraiment me réveiller. Je me mis en route et une fois arrivé là bas, je me dévêtis rapidement et en profitait pour me laver entièrement. Au vu de la température peu élevée, je ne passais cependant pas bien longtemps dans l’eau. Une fois fini, j’enroulais simplement la serviette autour de ma taille après m’être séché, et retournais au campement.
Je ne pensais qu’au moment ou j’arrivais, à la pudeur maladive de Gwendal. J’aurais pu m’habiller près de la rivière, mais c’était maintenant trop tard. Gwendal était réveillé et je le retrouvais assis près du feu, tentant de se réchauffer  un peu. Arrivant dans son dos, il sursauta et vira au rouge lorsqu’il vit ma tenue, détournant aussitôt le regard.
Ne rentrant pas dans le petit jeu, je choisis de feindre l’ignorance.
-               Alors, bien dormis ?
J’eus ma réponse en m’approchant de lui, et en voyant les cernes qui soulignaient ses yeux.
-               Moui, répondit-il, j’ai connu mieux.
-               Tu peux aller te laver si tu veux, dis-je en lui tournant le dos et faisant descendre ma serviette afin de me vêtir sans la moindre pudeur.
-               Je… dit-il en bégayant. Me laver où ? poursuivit-il.
Maintenant simplement vêtu d’un boxer et d’un jean, je me tournais vers lui, et lui répondis :
-               A la rivière, tu vois une douche ici ? Je vais préparer le petit déjeuner en attendais.
Je lui tendis ma serviette et mon savon, puis souhaitant le rassurer, j’ajoutais :
-               Ne t’inquiète pas, ce soir on aura une vrai douche…
Après un sourire un peu crispé, il prit la direction de la rivière, me laissant seul. Avant de faire quoi que ce soit, je devais m’occuper de ma blessure. Délicatement, je soulevais la compresse imbibée de sang, la décollant avec douceur. La plaie était belle et mes points avaient tenus. Avec soin, je désinfectais et remettais des plantes aux vertus cicatrisantes. Je refis rapidement mon pansement, puis enfilait un t-shirt au vu de l’air matinal assez frais. Gwendal était parti se laver, laissant malheureusement son sac ouvert qui n’échappa pas à mon regard. Je m’approchais lentement pour me rendre vraiment compte de ce que je voyais. Le sac m’avait semblait lourd hier et je l’avais mis sur le compte d’une trop grande fatigue… Je m’abaissais pour voir ce qu’il contenait. Il semblait avoir prit toute sa maison.  Rageusement, j’attrapais alors mon propre sac et le mettais à côté du sien. Je voulais bien porter ses affaires, mais uniquement celles qui étaient utiles. Une à une je prenais ses affaires, faisant un gros tas de ce qui était totalement inutile et mettant quelques affaires utiles dans mon sac. Jamais je n’avais vu autant de vêtements et d’objets, ou alors seulement dans les grand magasins. Affairé à mon œuvre, je ne vis pas arrivé Gwendal, mais je l’entendis :
-               Mais… Hayden ??? Qu’est ce que tu fais ?
Amusé, je me tournais vers lui et avec un sourire contenu je déclarais :
-               Je trie ce qui est utile et ce qui ne l’est pas.
-               Comment ça ? me dit-il éberlué.
-               Tu as vu tout ce que tu as pris ?? Je ne porte que ce dont tu as vraiment besoin, pour le reste tu te débrouilles et tu le portes si tu le souhaite.
Je finis assez rapidement mon tri, puis fermant mon sac, je me tournais vers Gwendal qui n’avait pas bougé d’un pouce avant d’ajouter :
-               Rassemble tes affaires et dépêche toi. On mange et on y va si on veut arriver ce soir avant la nuit.

Gwendal ne dit rien, mais je sentais qu’il m’en voulait sérieusement. J’allais servir le thé et partageais le pain qui restait. Ce ne serait pas du grand luxe mais nous ferions avec. Je vis Gwendal remettre tout dans son sac. Je savais que ce n’était qu’une question de temps avant qu’il ne fasse à son tour le grand tri.
Nous mangeâmes en silence, Gwen semblant me bouder un peu de ce traitement à la dure. Ne m’en occupant pas vraiment, je repris une seconde fois mes plantes, me sentant encore un peu faible. Ce soir je pourrais me faire un soin plus décent. Une fois terminé, je fourrais mes dernières affaires dans mon sac et éteignis le feu. Gwendal hissa son gros sac sur son dos et nous nous mîmes en route.
Je choisis une allure soutenue mais tout de même assez lente pour que Gwendal puisse me suivre sans trop de difficultés. A peine un petit quart d’heure plus tard, je me tournais vers lui et bit qu’il avait déjà du mal avec son gros sac. En même temps cela était tout à fait normal avec la charge qu’il avait.
Cependant, ce n’était pas pour autant que je l’aidais, voulant lui faire comprendre l’inutilité d’autant d’affaire sur la route. Pour appuyer un peu sur ce fait, je lui dits :

-               Alors, pas trop lourd ? Toujours envie d’en avoir autant ?
Il ne prit même pas la peine de me regarder et arrivé à ma hauteur, il me dépassa ignorant ma pique.
Nous marchâmes ainsi en silence, pendant une bonne petite heure. Gwendal prenait de plus en plus de retard, même si je ralentissais progressivement le rythme. Agacé, mais tout de même embêté de le voir ainsi, je m’assis sur le rebord du chemin, attendant qu’il arrive. Cinq minutes plus tard, il arrivé, un peu essoufflé, laissant lourdement son sac tomber son sac à mes côtés, avant de s’asseoir à son tour.

-               C’est encore loin ?
-               Oh, soupirais-je, à cette allure là, on risque d’arriver demain soir.
je vis sa mine se décomposer. Amusé, j’ajoutais :

-               Allez donne moi ton sac, on va t’allégé. Par contre, demain tu me feras le plaisir de trier tes affaires.
-               Je… Merci me répondit-il.

Rapidement, je fis basculer une grosse partie de ses affaires dans mon sac, puis nous nous remîmes en route ? J’avais beau faire le fier à maintenir mon allure, je me sentais en réalité de moins en moins bien.
Le manque de nourriture et ma récente blessure n’arrangeait rien. Il faisait en plus de cela particulièrement chaud, et aucun petit brin d’air. Nous poursuivîmes pourtant notre route, ne nous arrêtant que vers midi. Ce fut à mon tour de faire tomber lourdement mon sac et de m’étendre de tout mon long dans l’herbe. Nous avion bien progressé et une petite pause ne ferait pas de mal.
Gwendal vint m’asseoir à côté de moi gardant tout de même une distance respectable. Alors que je me laissais aller à fermer les yeux, j’entendis :
-               Hayden… on ne mange pas ?
-               Il doit me rester un peu de viande séchée dans mon sac, mais tout le reste, on me l’a pris. On mangera ce soir.

-               Hn… répondit-il simplement, avant de se laisser aller à s’allonger à son tour.
Alors que je me laissais aller à fermer les yeux, j’entendis un hurlement de terreur. Je me redressais le cœur battant, tournant la tête vers Gwendal qui était l’auteur de ce cri, réprimant une grimace de douleur suite à ce mouvement brusque.
Il semblait totalement paniqué mais je n’en voyais pas la raison. Il se mit à dire, totalement paniqué :
-               Là… Là… Là, sur mon épaule… une… Une bête bizarre.

Je cherchais des yeux l’affreux monstre qui le terrorisait pour m’apercevoir que ce n’était qu’une grosse sauterelle. Ne me voyant pas réagir, du moins pas assez vite à son gout, il poursuivit :

-               Hayden, enlève moi ce truc s’il te plait…
il était de plus en plus pâles et j’avais de plus en plus de mal à ne pas éclater de rire, affichant déjà un large sourire sur mon visage.
-               Hayden, s’il te plait…
Gwendal devenait de plus en plus pâle et était totalement paralysé.  Je finis par me décider à intervenir, ne me retenant plus, à moitié mort de rire.
-               Ne bouge pas… Ton sauveur est là ! Déclarais-je, me moquant ouvertement de lui.
Je pris la sauterelle entre mes mains et la jetais un peu plus loin. J’en riais encore et Gwendal semblait particulièrement énervé par mon attitude.

-               Dis-moi, tu es déjà sortis de son château ? Elle n’allait pas te manger… Au fait, cette bête bizarre s’appelle une sauterelle, et elle est totalement inoffensive.
Sur ces dernières paroles, le sourire aux lèvres, je me laissais aller de nouveau en arrière, profitant de l’ombre des arbres et du silence de la nature. Sans trop m’en rendre compte, je m’assoupis.

Un moment plus tard, j’ouvris les yeux pour tomber nez à nez avec Gwendal, légèrement penché au dessus de moi. S’apercevant de mon réveil, il vira aussitôt au rouge cramoisis. Je me redressais, légèrement étonné de cette attitude, mais je ne fis cependant aucun commentaire.
-               On repars ? lui demandais-je ?
-               Je… Oui… répondit-il sans se départir de sa gêne.
Nous reprîmes nos sacs et moins de cinq minutes plus tard, nous étions de nouveau sur la route. Nous marchâmes un bon moment, coupant parfois à travers les bois, profitant de la fraicheur qu’ils nous offraient. Finalement, nous arrivâmes avant la nuit. Je pouvais voir au loin la ferme de mon ami. Pendant plusieurs moi, il y  des années, nous avions été amants ; une relation assez forte qui m’avait sédentarisé quelques temps. Il avait maintenant trouvé une femme qu’il aimait plus que tout et s’était marré avec elle deux années auparavant. Elle lui avait offert un enfant. Cela faisait presque un an que je n’étais pas allé le voir. Il m’avait toujours accueilli dans sa ferme à bras ouvert, un lieu que j’avais toujours trouvé serein et reposant et auquel  j’étais peu habitué…

-               C’est ici, dis-je en pointant la ferme du doigt. On y est presque.
-               C’est pas trop tôt, souffla-t-il, apparemment totalement épuisé.
-               Ne t’inquiète pas , demain tu pourras te reposer.
Nous parcourûmes les dernières dizaines de mètres qui nous séparaient de la maison de Julien, mon ami. Il ne devait pas être loin de six heures du soit et il ne tarderait pas à rentrer. Sa femme devait être à la maison. Assez vite, nous nous retrouvâmes à frapper devant la porte.
Personne ne semblait être là. Je déposais mon sac sur les marches, m’asseyant à côté, suivit de près par Gwendal.

-               Ca va ? lui demandais-je ?
-               Oui, je ne sens plus mes pieds, mes jambes et mon dos, mais à part cela, ça va ???
-               Met toi devant moi, lui dis-je alors.
Surpris, par mon ordre, il s’exécuta cependant, sans demander pourquoi. Je posais mes mains sur ses épaules, et commençais un massage qui avait pour but de le détendre et de relaxer ses muscles. S’il semblait d’abord tendu et résistant à ce genre d’attouchement, il finit bien vite par se laisser aller. C’était impressionnant comme ses épaules pourtant musclées, semblaient fines et délicates.
Après à peine dix minutes de massage offert par mes soins, Gwendal était totalement détendu et se laissa faire en fermant les yeux. Je lui dis alors, amusé de sa réaction :

-               Il ne vaut mieux pas que tu y prennes gout, parce que je ne vais pas te faire cela tous les soirs.
Gwendal ne répondit rien, se contentant de pousser un soupire de bien être. Je continuais un peu mon massage, sentant peu à peu la fatigue monter en moi. Alors que j’esquissais un geste afin de mettre ma main devant ma bouche pour masquer mon bâillement, j’entendis la voix de Julien à quelques mètres de nous :
-               Salut Hayden, alors on vient chez moi en couple maintenant.
Aussitôt Gwendal s’écarta de moi et s’exclama indigné à Julien :
-               Pardon ? En couple ? Je ne suis pas homosexuel !
-               Si ce n’est pas ton cas, c’est le cas de Hayden. Méfie toi, dit-il en riant.
Puis, retournant son attention vers mo, il s’exclama :

-               Putain Hayden,  ça fait plaisir de te revoir :
Très vite, je me retrouvais debout dans ses bras. C’est vrai, cela faisait vraiment plaisir de le revoir. Julien avait à peu près la même taille, et était légèrement plus fin que moi. Ses cheveux courts et bruns le vieillissait un peu, lui donnant un air sérieux, mais ses yeux bleus avaient ce côté rieur et enchanteur. Après une longue embrassade, nous nous séparâmes devant le regard méfiant de Gwen.
-               Alors maintenant tu ne voyages plus seul ? Je croyais que tu y était bien trop attaché à ta solitude.

-               Les gens changent, répliquais-je, tout comme toit tu t’es marié avec une femme. D’ailleurs elle n’est pas là ?
-               Non, elle est partie avec le petit chez sa mère pour quelques jours.

-               Des tensions ? Demandais-je, inquiet.

-               Disons que nous avions chacun besoin d’air…
-               Un silence suivit cette déclaration, avant que Julien ne dise.
-               Tu arrive à pic en tout cas, il y a beaucoup de boulot et en plus, tu me ramène deux bras supplémentaires.
A la fin de cette phrase, je ne pus m’empêcher d’éclater de rire, chose qui déplut fortement à Gwendal et qui laissa Julien dans l’incompréhension la plus totale.
-               On verra cela… dis-je simplement, reprenant ma respiration.
-               Allez venez, dit-il, on va faire un bon chocolat avec le lait que j’ai trait tout à l’heure.
Nous pénétrâmes chez lui, posant nos sac à l’entrée, puis le suivant jusqu’à la cuisine. Julien nous invita à prendre place à table, puis s’affaira à nous préparer ce qu’il avait promis.
-               Au fait, s’exclama-t-il. Comment tu t’appelles ?demanda-t-il à l’adresse de Gwendal.
-               Je… Gwendal, répondit-il timidement.
-               Enchanté, moi c’est Julien.
Après un temps, il poursuivit :
-               Alors, depuis quand tu voyage avec lui ? Tu as vraiment du courage pour supporter son sale caractère. La solitude n’a vraiment rien arrangé en plus je suppose.
-               Je t’emmerde Julien ! Lâchais-je, avant de répondre à sa place. Hier j’ai eu une mésaventure avec des voleurs qui se sont mis à trois contre moi. L’un d’eux était armé d’un couteau et s’en est servi au dernier moment. Ils m’ont pris tout ce que j’avais gagné en faisant les vendanges. Gwendal m’a trouvé en piteux états près d’une rivière et m’a ramener chez lui pour me soigner. Il m’a demandé par la suite de partir de chez lui l’emmener avec lui… Et nous voilà ici.
-               Bon dieu, tu ne sais pas dans quoi tu t’es engagé petit… dit Julien en riant.
Puis il changea soudainement d’attitude et me demanda :
-               Et ça va toi ?
-               Un peu de fièvre… Mais un bon lit et un bon repas cette nuit et tout ira mieux.
-               Tu sais que tu peux rester tant que tu veux ici…
Sur ces dernière paroles, Julien nous servit deux tasses bien remplies et fumantes, dégageant une odeur qui caressait voluptueusement les narines.
-               Tenez, buvez moi ça, je vais préparer un bon repas qui va vous remettre sur pied, puis vous irez vous coucher. Vous semblez tous les deux tomber de fatigue. Sans la moindre hésitation, Gwendal et moi portèrent notre bol de chocolat chaud à la bouche, en salivant d’avance rien qu’à l’odeur. Nous nous délectâmes de son chocolat, n’hésitant pas à le complimenter.
Nous échangeâmes quelques mots avec Gwendal avant que Julien ne revienne avec deux bonnes assiettes de soupes, de la charcuterie, du pain et du fromage. Nous mangeâmes avec appétit, et au milieu du repas, je me levais pour prendre mes herbes afin de me soigner. Avec soin, je préparais ma décoction puis la bu d’une seul traite avant de reprendre le repas. Une fois celui-ci finit, Julian nous montrant la chambre que Gwen et moi allions partager, puis je laissais à Gwendal le temps de déballer ses affaires, pendant que j’allais me laver. Je savourais le plaisir de pouvoir prendre une vrai douche chaude, ayant de me frictionner vigoureusement avec une serviette. Je refis mon pansement, puis après avoir enfilé un bas de pyjama que Julien m’avait prêté, je filais dans la chambre prévenir Gwen que la salle de bain était libre. Sans hésiter, une fois qu’il fut partit, je pris place sous les draps, afin de me réchauffer. Le sommeil ne tarderait pas à me gagner ce soir. Ce ne fut qu’au bout d’une bonne demi-heure que Gwendal revint avec un pyjama complet et éteignant la lumière, il vint se coucher dans le même lit que moi, bien à l’opposé de peur que je ne l’approche.
-               Tu est bien installé ? Ca va ? Tu a passé une bonne soirée ? Me risquais-je à lui demander.
-               Hn, me répondit-il simplement, apparemment trop fatigué pour en dire plus.
-               Bonne nuit Gwen, soufflais-je alors.
-               ‘nuit, ne dit-il.
A peine eussè-je fermé les yeux que je m’endormis, sachant pertinemment qu’une journée chargée m’attendais demain. Heureusement, le sommeil fut cette fois bien trop lourd pour parvenir à me ramener dans le passé, passé que chaque jour je tentais de quitter à jamais.

Once in a life time - Chapitre 2

Dimanche 10 mai 2009

Chapitre 2 écrit par Shinigami

Les rayons du soleil matinal filtraient à travers les rideaux, inondant la pièce d’une aveuglante lumière blanche. Ebloui par tant de luminosité, je refermais instantanément les yeux avant de papillonner des paupières pour m’habituer progressivement à la clarté environnante. Encore à moitié dans les limbes du sommeil, je me sentais envahit d’une chaleur étouffante. J’avais l’impression que mon sang bouillonnait dans mes veines, tel de la lave en fusion. D’un geste nonchalant, je repoussais aux pieds du lit ma couverture, avant de mourir déshydraté. Portant ma main à mon front dans un geste lent et dénué de toute grâce, je constatais qu’il était moite de sueur. Je soupirais bruyamment, n’ayant pas le courage de me lever, complètement abattu par la chaleur accablante qui régnait dans ma chambre.

Je restais un moment encore, avachi dans mon lit, roulant d’un côté à l’autre à la recherche d’une position confortable et d’un maximum de fraîcheur. Alors que le soleil atteignait mon lit dont les rideaux n’avaient pas été fermés pour me procurer un maximum de fraîcheur durant la nuit, je roulais sur le côté opposé et emporté par mon élan, je faillis tomber au sol, me rattrapant de justesse au matelas. Je lâchais un juron qui m’aurait valut les remontrances de ma mère si elle avait été présente à cet instant, et alors que je m’asseyais sur le rebord de mon lit, j’entendis trois petits coups discrets frappés à la porte :

- Vous êtes levé, Monsieur ? Demanda la petite voix fluette de ma femme de chambre.

Aussitôt, j’attrapais ma robe de chambre et je l’enfilais malgré la fournaise de ma chambre. Une fois en tenue décente, je lui répondis :

- Oui, Béatrice, tu peux entrer.

Répondant timidement à mon invitation, elle entrouvrit la porte comme à son habitude, vérifiant par elle-même la véracité de mes propos. Je ne pus m’empêcher de sourire face à la timidité et à la gêne apparente qu’elle avait du mal à dissimuler. A vrai dire, elle agissait ainsi depuis que, par mégarde, elle m’avait surprit à la sortie de mon bain avec pour seule tenue, une serviette nouée négligemment autour des reins. A ce souvenir, je sentis mes joues s’empourprer violemment, ayant moi aussi, été affreusement gêné. A présent, j’en souriais mais cela n’avait pas toujours été le cas. Autant dire que cette anecdote n’avait pas été ébruitée, restant entre nous, chacun de nous y trouvant un même intérêt.

Lorsqu’elle m’aperçut, elle m’adressa un sourire radieux mais non sans une certaine retenue, et me demanda :

- Vous avez passé une bonne nuit, Monsieur ?

- Oui, merci Béatrice, répondis-je en lui rendant son sourire.

- Vous désirez quelque chose, Monsieur ? ajouta-t-elle en s’arrêtant dans son action pour commencer à changer les draps de mon lit.

- Pourrais-tu me préparer un bain s’il te plait ? J’irais prendre mon petit déjeuner un peu plus tard, lui demandais-je poliment et avec courtoisie, chose qui aurait le don d’agacer prodigieusement mon géniteur.

- Tout de suite, Monsieur, déclara la jeune fille en s’éclipsant dans un bruit d’étoffe légèrement froissée.

- Béatrice ! Appelais-je alors qu’elle s’apprêtait à disparaître dans la salle de bain attenante à la chambre.

- Oui, Monsieur ?

- Quelle heure est-il s’il te plait ?

- Presque dix heures et demie, Monsieur, répondit-elle.

- Je te remercie, répondis-je distraitement.

Attendant patiemment que mon bain soit prêt, je me plantais sur le balcon à ma fenêtre qui donnait sur les jardins et surplombait la véranda. Quelques minutes plus tard, Béatrice revint dans la chambre et je me dirigeais dans la salle de bain. A peine la porte fut-elle verrouillée derrière moi que je me déshabillais prestement et entrais dans l’eau dont la température était idéale et enlevais de mon corps la fine pellicule de sueur qui le recouvrait.

Une fois entièrement submergé, je poussais un soupir de bien être tout en rejetant ma tête en arrière. Je restais un long moment ainsi, appréciant la fraîcheur de l’eau qui contrastait avec la chaleur environnante. Après en avoir bien profité, j’entrepris de me laver. Lentement, avec douceur, je me massais le cuir chevelu avant de me frotter le corps avec savon qui embaumait la noix de coco, mon parfum préféré et le seul que j’utilisais, trouvant les autres trop forts et agressifs pour ma délicate peau de nourrisson. Après m’être rincé, je me séchais succinctement et retournais dans ma chambre à la recherche d’une tenue convenable et adéquate pour cette journée qui s’annonçait particulièrement chaude.

Je restais de longues minutes immobile face à ma penderie ouverte, une simple serviette nouée négligemment autour des reins et une autre posée sur mes épaules, jusqu’à ce que je finisse par opter pour une chemise blanche d’époque et un pantalon de toile bleu nuit. Quant à mes cheveux, après les avoir séché rapidement, je les rassemblais en une demi queue qui me dégageait le visage.

Après avoir vérifié dans le miroir que je n’étais pas trop mal vêtu, je consenti seulement à quitter ma chambre, confiant le ménage et la réfection de mon lit à ma femme de chambre. Là, je traversais le corridor et saluais au passage les employés que je croisais et me dirigeais directement dans la pièce où j’aimais prendre tranquillement mon petit déjeuner, loin des commérages de ma mère et des réflexions désobligeantes de mon père. Je n’aurais pu dire que j’aimais mes parents. Je les appréciais certes, mais de la à les aimer, il y avait tout un fossé. Je ne pouvais nier que j’avais eu une enfance tranquille. Pas forcément heureuse, entre un père presque toujours absent et une mère qui se souciait plus de sa future robe que de son enfant, mais j’avais toujours été à l’abri du besoin. Peu être même trop, mais ayant été élevé dans cet état d’esprit, tout cela me semblait parfaitement normal. Il me suffisait de lever la main, pour être exaucé.

Cependant, à l’aube de mes vingt et un ans, je n’étais pas heureux. La seule source de réconfort que je possédais encore était que, trop préoccupé par son argent, mon père n’avais pas encore fait de moi la nouvelle coqueluche des ses dames sur le marché du célibat. A défaut d’autre chose, je possédais toujours cette liberté à laquelle je me refusais de renoncer, même pour l’honneur et la postérité de notre famille. Contrairement à mes géniteurs, je n’avais que faire de mon nom qui résonnait froid et conquérant à mes oreilles et qui faisait la fierté de mes parents.

C’est avec un certain soulagement que je ne croisais ni mon père, ni ma mère jusqu’à ce que j’entre dans le petit salon. C’était une pièce d’une taille raisonnable dont les murs étaient recouverts d’une tapisserie bleue de Prusse. Au centre, trônait une magnifique petite table ronde en bois massif, finement sculptée. Un fauteuil assorti avait sa place à côté. Je m’y installais et alors que je me permettais d’émettre un soupir de satisfaction, mêlé au soulagement, la servante entra dans la pièce, portant avec agilité un plateau d’argent qui contenait mon petit déjeuner.

- Votre petit déjeuner, Monsieur, déclara la servante en déposant le plateau sur la table et se retirant dans une petite courbette respectueuse.

- Merci Marguerite, répondis-je en me tournant vers elle. Dis-moi, est-ce que Monsieur le Comte est au manoir ?

- Non, Monsieur. Monsieur le Comte est parti tôt ce matin. Il a dit qu’il rentrerait dans l’après-midi.

- Et la Comtesse ?

- Madame la Comtesse est au marché, répondit la jeune femme. Elle choisit une nouvelle étoffe pour la réception de ce soir.

- Réception ? Répétais-je intrigué, n’ayant pas entendu parler d’une quelconque réception.

- Oh, Monsieur n’avait pas été informé ? Je vous prie de me pardonner, mais malgré tout le respect que je vous dois, Monsieur le Comte m’a fait promettre de ne rien dire, déclara la servante qui commençait à montrer des signes de mailais, appréhendant sans doute une quelconque punition.

- Ne vous en faites pas Marguerite, je n’irais rien dévoiler de cette conversation au Comte. Je te remercie. Tu peux disposer, ajoutais-je en l’invitant à prendre congé.

- Bien. Merci Monsieur.

Sur ce, elle sortie sans demander son reste tandis que je me creusais l’esprit à la recherche de l’annonce d’une réception qui devait avoir lieu au manoir ou dans les alentours. Cependant, j’avais beau tenter de me souvenir, rien ne me revenait. Perdu dans mes pensées, j’attrapais ma tasse de thé et la portais à mes lèvres. Avalant une gorgée sans prendre le temps de vérifier la température, je me brûlais la langue et retiens à grand peine un cri de douleur. Reposant vivement ma tasse, je portais mes mains à ma bouche, les plaquant contre, en un geste parfaitement inutile.

Je retenais difficilement un juron, me traitant mentalement d’idiot. La révélation de Marguerite m’avait troublée, et à présent, j’étais plus qu’intrigué. En quel honneur une réception était-elle donnée ? Par qui ? Malheureusement, pour avoir la réponse à mes questions, il me fallait attendre le retour de mes parents. Et Dieu seul sait combien de temps encore, cela pouvait prendre. J’étais condamné à rester dans l’ignorance pour les prochaines heures à venir.

Contraint, je pris mon mal en patience et terminais tranquillement mon thé, faisant attention à ne pas me brûler une seconde fois.

Puis, une fois restauré, j’allais me poser dans la bibliothèque et attrapais le livre que j’avais commencé l’avant-veille et qui narrait l’histoire d’un homme qui, au Moyen Age, avec vécu centenaire. Je restais près d’une heure à lire avant que des bruits dans le corridor n’attirent mon attention. Je tendais l’oreille intrigué et ainsi, j’apprenais que la Comte venait de rentrer. Ses gloussements étaient reconnaissables entre milles. Refermant mon ouvrage, je reposais mes pieds au sol et me levais lestement, prenant la direction des appartements privés de ma mère, situés dans l’aile est, me préparant mentalement à affronter cette furie. Une fois devant les portes closes, je frappais quelques coups discrets comme on m’avait apprit à le faire et attendais patiemment que l’on me donne l’autorisation d’entrer, ce qui ne tarda pas à arriver.

Droit et fier comme mon père exigeait que je sois, je pénétrais dans le salon démesuré alors que tous les regards convergeaient vers moi. Lassé d’être le centre d’intérêt de la gente féminine qui peuplait la pièce, je leur adressais un regard hautain et méprisant comme rarement il m’arrivait de le faire. Arrivant face à ma mère, j’adoptais une voix neutre et dénuée d’un quelconque sentiment et demandais plus par usage que par réel intérêt :

- Bonjour mère ! Vous portez-vous bien aujourd’hui ?

- Bonjour, répondit-elle simplement sans même me porter un minimum d’intérêt, plus obnubilée par sa nouvelle toilette que par son propre fils.

- Quelle ravissante toilette que voilà ! M’exclamais-je avec hypocrisie, m’attirant un regard noir de la par de ma génitrice qui n’ignorait rien de mon dégoût pour de telles futilités. Que nous vaut l’honneur d’une telle acquisition ? Ajoutais-je avec insolence, agacé par son impassibilité à mon égard, en reportant mon attention sur l’étoffe vert menthe à l’eau absolument hideuse à mes yeux.

- Cessez donc cette mesquinerie puérile, cracha-t-elle. Vous n’êtes plus un enfant, comportez-vous en adulte responsable.

Je ne répondis rien à cela, me contentant de lui adresser un regard meurtrier avant de reprendre froidement :

- Père n’est toujours pas rentré ?

- Parce que vous croyez peut être que je le sais ? Me répondit-elle avec mépris. A présent sortez, votre présence m’indispose !

Je sortais sans réclamer mon reste, enrageant contre cette femme horripilante qui, à l’occasion, me servait de mère. Croisant un employé, je lui demandais s’il savait si le Comte était arrivée et face à sa réponse négative, je lui demandais d’informer le Comte, dès son arrivée, de mon désir urgent de m’entretenir avec lui.

Gagné par l’ennui, je retournais à la bibliothèque où je poursuivis mon roman, poussant régulièrement des soupirs d’ennui et de lassitude en levant les yeux au ciel. Je haïssais des journées comme celle-ci, durant lesquelles la chaleur m’accablait et amenuisait mes moindres forces, me coupant toute motivation.

Pris par l’histoire, je ne vis pas le temps passer et ne me rendis compte de l’heure tardive que lorsque mon ventre se mit à protester bruyamment. C’est à ce moment que je m’aperçus alors que j’étais affamé. Je levais les yeux sur l’horloge murale et avisant l’heure effectivement tardive, je refermais mon livre et me levais après m’être longuement étiré, les jambes engourdies par le manque de mouvement.

Je quittais le petit salon dans lequel je m’étais replié depuis quelques heures déjà et allais directement aux cuisines, demander à ce que l’on apporte un petit repas froid que je mangerais à l’ombre du saule pleureur. Moins d’un quart d’heure plus tard, j’étais paisiblement installé à la fraîcheur du feuillage de l’arbre, dégustant ma salade composée. Alors que je mangeais, je ne cessais de penser à cette maudite réception qui me tracassait depuis ce matin. D’un côté, je m’empressais de savoir la raison de telles festivités, mais d’un autre côté, j’avais comme un mauvais pressentiment. Pourquoi ne m’avoir rien dit à propos de cette soirée ? Etait-ce parce que je n’étais pas convié et que l’on craignait ma réaction ? J’avais beau me torturer l’esprit, je n’arrivais pas à trouver une explication plausible à cette mise à l’écart.

Cependant, je n’eu pas le loisir de m’appesantir d’avantage sur mes réflexions car un des domestiques accourait vers moi d’un air totalement paniqué. Intrigué, je le suivais du regard jusqu’à ce qu’il arrive à moi, totalement essoufflé, articulant avec difficultés :

- Monsieur le Comte… Il vient d’arriver… Il veut vous voir… Immédiatement… Dans son bureau…

- Je te remercie Patrice ! Je m’y rends sur le champ, répondis-je en me levant. Pourrais-tu s’il te plait, ramener ce plateau aux cuisines ?

- Bien, Monsieur, répondit le vieil homme.

Sur ce, je me précipitais presque en courant vers les quartiers de mon père, impatient de recevoir les réponses à mes interrogations. Arrivant dans le manoir, je montais deux par deux les marches du hall qui menait à l’aile ouest, et traversais le couloir en courant, ralentissant quelques mètres avant d’arriver, histoire de reprendre mon souffle et retrouver un rythme cardiaque plus ou moins régulier.

Me jugeant suffisamment décent, je frappais quelques coups discrets à la porte et entrais sur l’invitation de mon père.

- Bonjour fils, s’exclama-t-il d’une voix inhabituellement enjouée qui me mit la puce à l’oreille.

- Bonjour père, répondis-je poliment.

- Assieds-toi, nous devons parler.

Obéissant docilement, je pris place face à lui, séparé uniquement par l’imposant bureau qui trônait au milieu de la pièce sur lequel étaient disposé des monticules de dossiers non classés. En silence, j’attendis patiemment qu’il daigne amorcer la conversation, bouillant intérieurement d’impatience. Je patientais ainsi bien cinq minutes, le temps qu’il termine ce qu’il faisait et repoussant enfin le dossier qu’il était en train d’étudier; il déclara :

- Gwendal, tu vas bientôt avoir vingt et un ans et il serait temps que tu penses à ton avenir. Tout le monde en ville parle de nous et nous montre du doigt car notre seul et unique fils vit toujours sous mon toit. Il est grand temps que tu te maries…

A ces mots, je sentis mon cœur louper un battement, mais j’encaissais le coup, ne montrant rien de mes émotions, bien qu’intérieurement, je hurlais de rage. Ou voulait-il en venir ? Je n’avais que faire des commérages des vieilles mégères de quartier. Je voulais que l’on me laisse vivre ma propre vie comme je l’entendais. Cependant, gardant tout cela pour moi, je ne dis rien et l’écoutais poursuivre :

- … l’immense honneur d’accepter de te donner la main de sa fille…

Je recevais la, en moins de deux minutes, mon deuxième choc de la journée. Ainsi il avait déjà choisit la fille qui serait bientôt ma femme… Je ne pouvais y croire… Je comprenais mieux à présent le secret de la réception de ce soir, et mon doute se confirma lorsque j’entendis mon père déclarer :

- Ce soir, nous organisons tes fiançailles avec Mademoiselle Virginie ! J’exige de toi un comportement exemplaire !

Réalisant subitement l’ampleur de ces révélations, je me levais brusquement et m’exclamais, absolument indigné et outragé par son comportement :

- Jamais je ne me marierais avec elle ! Père ! Je ne la connais même pas !

- Fait attention au ton que tu emplois avec moi, Gwendal ! Sévit-il ! Et justement, le but de cette soirée est d’officialiser vos fiançailles et de confirmer la date prochaine de votre mariage, et à cette occasion, tu auras tout le loisir de faire sa connaissance ! C’est une jeune fille tout à fait charmante ! Elle fera une bonne épouse…

- Oui, et me donnera de beaux enfants ! Répondis-je sarcastique, avec insolence, en foudroyant mon père du regard. Je ne reviendrais pas sur ma décision père ! Et si jamais vous voulez m’y contraindre tout de même, je m’enfuirais ! M’exclamais-je vivement avant de quitter rapidement le bureau.

Du couloir, j’entendis mon père vociférer depuis son bureau :

- Tu épouseras cette fille Gwendal, que tu le veuilles ou non !

Je ne répondis rien, et courant à travers les couloirs, je sortis précipitamment du manoir et pris la direction des écuries. Là, j’interpellais un palefrenier et lui demandais de préparer mon cheval. En un clin d’œil, je franchis au galop la grille en fer forgé qui délimitait notre domaine et fonçais droit devant moi sans faire attention ou j’allais, laissant ma monture libre de décider. Lorsque le manoir fut hors de vue et seulement à ce moment là, je laissais libre court à mes larmes que je m’étais efforcé de retenir jusqu’à présent.

Je sentais une haine farouche envers mes parents naître et grandir en moi, me brassant les entrailles comme de la lave en fusion. Je leur en voulais de toujours comploter derrière mon dos, de vouloir régir ma vie à ma place, de décider à ma place ce qui était bon ou non pour moi… Car je ne me faisais pas d’illusion, je savais pertinemment que si père décidait de me marier du jour au lendemain, c’est qu’il y avait derrière, une forte motivation financière ! Il y trouvait son compte et était loin d’y perdre au change.

J’avais l’horrible impression de n’être qu’un pantin entre leurs doigts crochus, dont ils se servaient à leur guise pour leur bien être et leur confort personnel. Certes, je savais tout cela, depuis un moment déjà, mais je n’avais rien dis. J’avais laissé faire, cela ne me portant pas préjudice, mais là, la réalité me frappait de plein fouet sans que je ne l’ai vu arriver.

Lorsque je jugeais avoir mit suffisamment de distance entre moi et cet endroit que je haïssais plus que tout, alors seulement je consentis à faire ralentir ma monture, la faisant repasser tranquillement au pas, jusqu’à arriver à un endroit de la forêt où j’aimais venir passer du temps et me ressourcer. Il s’agissait d’une petite clairière située au pied d’une cascade. Une fois arrivé, je descendis de cheval et l’attachais à une branche d’arbre, le laissant manger paisiblement tandis que j’allais m’asseoir un peu plus loin, à l’ombre des feuillages.

Je n’aurais su dire combien de temps de restais ainsi, adossé contre mon arbre, à méditer sur moi, sur ma vie et ce tournant déterminant qu’elle était en train de prendre. Je songeais à la menace que j’avais faite à mon père, celle de fuguer s’il ne reconsidérait pas sa décision.

J’avais agis sous le coup d’une impulsion, pour me rebeller contre l’autorité de mon père, mais plus j’y réfléchissais, plus je voyais là une hypothèse à exploiter. Peut être cela valait-il mieux m’enfuir, que de finir mes jours enchaîné à une femme que je ne connaissais pas et que je n’aimais pas. Mais si je partais, que ferais-je ? Que deviendrais-je ? Et surtout, pour aller où ? Je n’avais rien ni personne qui m’attendait nulle part. Peut être pourrais-je trouver un navire qui embarquait pour les Amériques, mais pareil, une fois là bas, seul et livré à moi-même, que ferais-je ?

Je passais un moment à peser le pour et le contre de cette idée folle, et après un long moment de délibération, je pris enfin ma décision… L’esprit tranquille et apaisé de ses tourments, je remontais à cheval et poursuivis ma route, longeant la rivière pour être un minimum au frais. Au bout de quelques minutes, mon cheval s’arrêta subitement au milieu du chemin, et surpris d’un tel arrêt, je reportais mon attention sur lui. Immobile, les oreilles dressées en avant, il fixait quelque chose devant lui et reniflait bruyamment. Avait-il sentit quelque chose ? Suivant son regard, j’émis un hurlement strident à la vue de ce qui se trouvait devant moi. A quelques mètres de là, un homme s’apprêtait à entrer dans la rivière et face à l’indécence de la tenue de ce mystérieux individu qui ne devais pas dépasser la trentaine, j’en restais muet de stupeur, alors qu’il s’écriait à son tour :

- Non mais ça va pas de crier comme ça !!!

Je devais avouer que j’étais outré par le comportement de cet homme qui, au lieu de se vêtir afin d’être un minimum décent, n’esquissait aucun geste pour dissimuler sa nudité, pas gêné le moins du monde d’être ainsi exposé. Aussitôt, je sentis mes joues chauffer, signe que je rougissais et affreusement gêné, n’osant pas poser mon regard sur lui, je tentais de lui faire remarquer :

- Vous… Vous… Vous êtes…

Cette fois-ci, ce fus lui qui sembla étonné par mon comportement et semblant comprendre à quoi je faisais allusion, il demanda d’un ton plutôt bourru :

- Quoi, tu n’as jamais vu un mec à poil ? Je te signale que tu es pareil que moi jusqu’à preuve du contraire.

J’émis un hoquet de surprise, indigné par son comportement et choqué par son langage grossier et ses manières de rustre. Alors que j’allais protester vivement, je le vis se détourner de moi et reprendre son action d’entrer dans l’eau. Cependant, un détail attira mon attention, alors qu’il s’enfonçait de plus en plus profondément dans la rivière, je le vis chanceler et trébucher. Intrigué par son comportement des plus étranges, je lui lançais quelques regards furtifs tentant de faire abstraction de sa nudité, cherchant à savoir ce qui lui arrivait, mais je ne décelais rien de particulier. Il se lava succinctement et alors qu’il revenait jusqu’à la rive, je me rendis compte qu’il semblait avoir de plus en plus de mal à se déplacer. Je le vis attraper quelque chose dans un sac, mais au vue de la distance, je ne parviens pas à déterminer l’origine de l’objet et après qu’il ait enfilé son pantalon, il planta son regard dans le mien. Pour être honnête, je commençais à avoir de sérieux doutes quand à son état de santé, et alors que j’allais lui poser la question de savoir s’il se sentait bien, je le vis perdre l’équilibre et s’effondrer. Sa tête heurta violemment le sol et effrayé, je descendais précipitamment de monture et me hâtais vers lui.

Je m’agenouillais à ses côtés et constatais avec soulagement qu’il s’était seulement évanoui. Lentement, je le retournais sur le dos, me faisant violence pour ne pas laisser mon regard vagabonder sur son torse imberbe, complètement hypnotisé par la douceur de sa peau halée et la sculpture de son corps. C’est alors qu’une tâche carmine sur sa hanche attira mon attention, et c’est à grand peine que je retiens un hurlement d’horreur lorsque je me rendis compte que cette tache était en réalité du sang qui s’échappait d’une plaie béante.

A cette vision, je faillis m’évanouir à mon tour, mais prenant sur moi, j’attrapais sa chemise pleine de sang et la posais contre sa plaie, la maintenant fermement compressée contre afin d’arrêter l’hémorragie, comme je l’avais vu faire lorsqu’un ouvrier s’était blessé la semaine dernière.

Toutefois, je me retrouvais vite coincé. Lâchant ma prise sur le garrot de fortune, je me levais et partais à la recherche d’un objet ou quelque chose qui pourrait m’être utile, mais ne trouvais rien de convenable. Je retournais alors au bord de la rivière et mettant mes mains en coupe, je les plongeais dans l’eau gelée afin de les remplir et retournais auprès du mystérieux inconnu. Arrivé au dessus de lui, je lui versais l’eau sur le visage. L’effet fut immédiat. Il se redressa en sursaut et son visage se décomposa sous l’effet de la douleur alors qu’il portait sa main à sa hanche blessée. Confus, je lui adressais un petit sourire d’excuse, honteux, alors qu’il me foudroyait du regard :

- Putain mais t’es dingue !

- Je suis désolé, répondis-je d’une petite voix, comme un enfant prit en faute. Mais je ne peux pas vous aider si vous êtes inconscient…

Sans lui laisser le temps de répondre, j’allais chercher ma monture et la ramenais vers lui. D’un regard, je l’invitais à monter. Il me lança un regard suspicieux avant de finalement se lever avec difficultés et s’approcher de mon cheval. Empoignant le pommeau de la selle d’une main et le troussequin de l’autre, il se hissa à cheval, le visage déformé par la douleur. Une fois qu’il fut en selle, je pris les rênes et marchant devant, je pris la direction du manoir, plutôt inquiet pour lui, son visage ayant prit une pâleur maladive. Je devais me dépêcher.

Connaissant par cœur cet endroit, je coupais à travers les bois, prenant tous les raccourcis que je connaissais, et moins d’une demi-heure plus tard, nous arrivions en vue du manoir. Un sourire étira mes lèvres et alors que je me retournais pour lui faire part de la bonne nouvelle, je m’aperçus avec horreur qu’il s’était de nouveau évanoui.

Je pressais alors l’allure et c’est avec soulagement que je ne croisais personne. Ils m’auraient sans aucun doute posé des questions sur cet homme dont je ne connaissais même pas le prénom. Traversant rapidement la cour, je me faufilais discrètement derrière le manoir, vers la vieille écurie abandonnée. Une fois à l’abri des regards indiscrets, je poussais un soupire de soulagement qui se transforma bien vite en un gémissement de désarrois alors qu’un nouveau problème s’imposa à moi… Comment allais-je faire pour le faire descendre de cheval ?

Je n’avais pas d’autre choix que de me débrouiller par moi-même. Rapidement, j’analysais la situation et émit un énième soupir de lassitude. Je ne voyais pas d’autre solution, à moins d’aller chercher de l’aide extérieure, mais cela, je ne pouvais prendre le risque de le faire découvrir.

Avec hésitation, je m’approchais de et l’attrapais par le bras. Lentement, je l’attirais à moi et alors que j’allais le rattraper, emporter par son propre poids, il me tomba dessus. Je retiens un cri et avant que je ne réalise entièrement ce qui venait de se passer, je me retrouvais plaqué au sol, prisonnier sous lui. Toujours inconscient, il ne sembla se rendre compte de rien alors que j’étouffais littéralement, écrasé par son poids Je tentais de me dépêtrer de cette situation des plus embarrassantes, mais c’était sans compter sur mes maigres forces et son poids mort.

Lorsqu’enfin je parviens à me délivrer, je le trainais dans la réserve à foin et l’allongeais sur le sol recouvert de fourrage. Là, je le giflais un peu trop violemment, dans le but de me réveiller, me vengeant doucement de ma précédente l’humiliation. Comme avec l’eau, l’effet fut immédiat, et comme toute à l’heure, il s’exclama vivement, à présent totalement conscient :

- Mais t’as fini de me frapper oui ? T’es complètement dingue ou quoi ?

- Vous étiez inconscient figurez-vous ! M’exclamais-je outré par son manque flagrant de reconnaissance. De plus, ajoutais-je, je vous signale que sans moi vous seriez mort à l’heure qu’il est ! A présent, silence ! Je vais chercher de quoi vous soigner, attendez moi là et tâchez de rester éveillé !

Sur ces mots, je me levais et sans un regard pour lui, j’attrapais la bride de ma monture et quittais l’écurie, le laissant seul.

Par chance, je croisais un palefrenier à qui je confis ma monture avant de me précipiter dans le hall d’entrée. Sans réfléchir, je courais à ma chambre et entrais précipitamment dans la salle de bain. J’attrapais une serviette et ouvrant l’armoire à pharmacie, je jetais tout ce qui me tombait sous la main. Moins de deux minutes plus tard, je courais dans la cours avec mon précieux chargement, en direction de l’ancienne écurie. Lorsque j’arrivais, je fus soulagé de voir qu’il était conscient. Sans un mot, je lui tendis timidement la serviette qui contentait le matériel dont il avait besoin et alors qu’il tendait la main pour la saisir, je la lâchais. Aussitôt, tout son contenu s’éparpilla sur le sol dans un bruit étouffé et honteux, je m’agenouillais et entrepris de tout rassembler :

- Je suis désolé… Je pensais que vous l’aviez…

Une fois tout ramassé, je m’adossais contre une balle de foin et le regarda commencer à panser sa plaie. Amorçant la conversation, je demandais avec hésitation :

- Co… Comment est-ce que vous vous êtes fait cela ?

- Où j’suis d’abord ? Demanda-t-il en ignorant totalement ma question.

- Euh… Vous… Je vous ais ramené chez moi, répondis-je décontenancé par son manque flagrant de savoir vivre.

- Tu crèches ici ? Demanda-t-il en regardant suspicieusement autour de lui.

- Oui… Enfin, à côté, répondis-je mal à l’aise. Une fois que vous irez mieux, je vous ferais reconduire chez vous.

L’inconnu ne répondit rien, occupé à se soigner avant de relever les yeux vers moi :

- C’est gentil mais inutile. Je n’ai pas de maison.

- Hein ? M’exclamais-je. Comment est-ce possible ? Bien sur que si vous avez une maison, vous ne vous en rappelez pas, c’est tout.

- Insinuerais-tu que je perds la boule ? S’exclama-t-il vivement en me lançant un regard meurtrier. Et maintenant silence !

Alors que je m’apprêtais à protester, indigné par la façon dont il avait de s’adresser à moi, me traitant comme un moins que rien, je le vis approcher une aiguille de sa plaie et lentement, il commença à se recoudre. A cette vision, je laissais s’échapper un gémissement de dégoût. Je me sentais de moins en moins bien, ma vue se troublait et mes oreilles bourdonnaient. Subitement, ce fus le trou noir, jambes ne me soutinrent plus et je m’écroulais sur le sol.

Je me réveillais brusquement alors qu’une vive douleur me lançait la joue. J’ouvris les yeux et mon regard tomba dans des yeux marron parsemé de touches de vert qui m’était inconnu, un visage à seulement quelques centimètres du mien. Un hurlement de terreur franchit mes lèvres tandis que, me reculant maladroitement, je tentais de mettre le plus de distance entre lui et moi.

A mon grand soulagement, il ne bougea pas, restant immobile en me regardant étrangement. Il me dévisageait avec une drôle d’expression et semblait se demander si j’allais bien :

- Hey ! Ca va ?

- Vous… Vous m’avez frappé ? M’exclamais-je indigné encore sous le choc de cette apparition.

- Je n’ai fais que te rendre la pareille ! A présent nous sommes quittes !

Je ne répondis rien et reporta son attention sur sa hanche. Il avait fini de se recoudre et avait mi une compresse dessus afin de protéger la blessure. L’inconnu tenta de se relever, mais ayant perdu trop de sang, ses forces s’étaient amenuisées et il chuta lourdement :

- Vous devriez vous reposer un peu !

Sur ces mots, je me levais et ajoutais avant de m’éloigner :

- Restez la, je vais chercher de quoi vous nourrir.

Je traversais une nouvelle fois la cours, et alors que je me rendais aux cuisines, je croisais mon père. Me voyant, celui-ci déclara :

- Ca y est, tu as fini ta crise ? Prépares-toi il est bientôt dix-sept heures, nos invités ne vont pas tarder…

Et sans plus de cérémonie, il quitta le hall d’entrée, remontant s’enfermer dans son bureau. Avec tout ce qui s’était passé, j’avais complètement oublié cette histoire de mariage et cette phrase de mon père, me fit l’effet d’un coup de poing.

Prenant sur moi, je serrais les poings et me rendis aux cuisines. Là, j’attrapais ce qui me tombait sous la main et l’apportais à l’inconnu de l’écurie. Je lui tendis le paquet et il l’ouvrit sans un mot après l’avoir remercié du regard. Le regardant manger comme s’il n’avait rien avalé depuis plusieurs jours je m’asseyais face à lui et entamais la conversation :

- Alors c’est vrai ? Vous… Vous n’avez pas de maison ?

- Non, répondit-il la bouche pleine. Je suis chez moi partout.

- Vous voulez dire que vous vivez de… Dehors ? M’exclamais-je, choqué par cet aveu.

- Oui ! Pourquoi me regardes-tu ainsi ?

- Je ne vous regarde pas ! M’indignais-je. Vous voyagez comme ca depuis longtemps ? Ajoutais-je après quelques secondes de silence.

- Depuis mon adolescence, mais pourquoi tu me poses toutes ces questions ? Me demanda-t-il surpris.

Mais alors que j’allais répondre, la voix de Patrice le majordome de mon père, s’éleva à l’extérieur :

- Monsieur, vous êtes là ? Les invités sont arrivés, votre père vous fait mander ! Monsieur ?!

Je blêmis à cette nouvelle et je me levais d’un bon. L’inconnu me regardait avec étonnement, visiblement intrigué et alors que Patrice approchais, je déclarais à voix basse :

- Cachez vous ! Personne ne doit vous voir ! Je repasserais un peu plus tard ! Profitez-en pour vous reposer !

Et sans un mot de plus, je le laissais seul une nouvelle fois et sortis avant que Patrice n’entre dans l’écurie.

- Oh ! Monsieur ! Vous étiez là ! S’exclama-t-il. Mon Dieu, mais vous n’êtes pas encore prêt ! Votre père va être furieux !

- Je sais Patrice, j’assumerais, répondis-je calmement. Peux-tu me faire préparer un bain, s’il te plait ?

- Tout de suite, Monsieur, répondit le domestique avant de s’éclipser en direction du manoir.

Je le suivais plus posément et entrais par l’une des portes de derrière afin de ne pas me faire remarquer par les convives.

Le plus discrètement possible, je regagnais mes appartements et entrais dans la salle d’eau ou un bain m’attendais. Je me lavais le plus rapidement possible avant d’enfiler la tenue qui avait été soigneusement déposée sur mon lit. Après m’être contemplé dans le miroir, satisfait de l’image que je renvoyais, je descendis rejoindre la salle de réception par l’escalier principal.

Lorsque j’arrivais dans la salle, tous les regards convergèrent vers moi et repérant mes parents au fond de la salle, je les rejoignais, non sans répondre aux multiples salutations et accolades de félicitation. Un sourire faux et crispé dépeint sur le visage, je tentais au mieux de masquer la colère qui grandissait en moi.

Une heure s’écoula ainsi. Une heure durant laquelle tous les invités défilèrent devant moi pour me présenter leurs vœux. Et à mon grand soulagement, il n’y avait toujours aucune trace de la future mariée. Une autre demi-heure s’écoula avant que son arrivée ne soit annoncée. Aussitôt, tous les invités se tournèrent vers l’entrée de la salle, en poussant des exclamations d’admiration à sa vue. J’étais le seul à rester de marbre.

Alors qu’elle arrivait face à moi au bras d’un homme que je devinais être son père, un sourire radieux étirant ses lèvre, elle s’inclina respectueusement avant de me présenter sa main que je baisais rapidement en fermant les yeux. Après quoi, relevant les yeux sur elle, je la dévisageais discrètement. Je ne pouvais nier qu’elle était plutôt jolie. Ses cheveux noirs retombant en anglaises encadraient son visage, et ses yeux verts en amande faisaient ressortir la pâleur de sa peau. Elle était plutôt grande et mince, proprement toilettée, une parfaite demoiselle de bonne famille.

C’est alors que mon père, droit et fier, prit la parole :

- Soyez la bienvenue, Mademoiselle. Nous nous faisions une joie de vous rencontrer !

Intimidée, elle s’empourpra avant de réponse poliment, comme on le lui avait appris à le faire :

- Tout l’honneur est pour moi, Monsieur le Comte !

Pendant la demi-heure qui suivit, sur l’ordre de mon père, j’entrepris de faire plus ample connaissance avec la fille qui serait bientôt ma femme. Je tentais de paraître intéressé par ce qu’elle me disait, mais en réalité, j’étais ailleurs. Je peaufinais mon plan, tout devait être parfait… Je n’arrivais pas à croire que la chance jouait en ma faveur. Alors que tous se préparaient à passer à table, je prétendais avoir oublié quelque chose et montais en courant dans ma chambre. Là, j’attrapais un stylo et une feuille de papier blanc sur laquelle j’écrivais un seul et unique mot, suivit de mon prénom pour l’authenticité et le posais bien en vue sur mon bureau. Après quoi, j’attrapais une valise et vidais ma penderie dedans. Une fois mes affaires récupérées, je passais à la salle de bain, attrapant mon nécessaire de toilette et comme les vêtements, je la déposais à l’intérieur de ma valise avant de la fermer après avoir vérifié que je n’avais rien oublié.

Moins de cinq minutes plus tard, je me faufilais par la porte de derrière, prenant bien garde de ne pas être vu et courais vers l’ancienne écurie. Là, je vis que l’inconnu était sur le point de partir, et me félicitant pour ma ponctualité, je m’approchais de lui. Essoufflé, je lui demandais d’une voix suppliante :

- Emmenez-moi avec vous…

Once in a lifetime - Chapitre 1

Dimanche 10 mai 2009

Chapitre 1 : par Lybertys

Errer, marcher sans savoir où aller, poursuivre son chemin car c’est ainsi que l’on avance, c’était le style de vie que je menais. Un but particulier qui tenait ma vie ? Vivre en profitant de chaque instant de bonheur qui m’était offert, des plus brefs aux plus longs, les inscrivant à jamais dans ma mémoire et les gardant comme mon seul et unique trésor. C’était bien simple, je ne possédais rien à je ne possédais rien à part ce sac que je portais sur mon épaule. Je n’avais pas de chez moi, ou alors on pouvait dire que la terre entière était mon lieu de vie. On me donnait souvent le nom de vagabond, c’était celui qui se rapprochait le plus de mon état.

Enrichi à ma manière par mon propre style de vie, souvent on me demandait ce que cela m’apportait, et comment vivre sans aucune attache et sans posséder la moindre chose. Je leur répondais que la possession n’était pas forcément dans l’avoir d’un objet ou d’une chose matérielle. Pour moi, mes deux seules richesses étaient ma vie et ma liberté sans cesse revendiquée. Cela avait presque toujours été ainsi pour moi. Depuis ma naissance, depuis vingt-cinq ans, je n’avais jamais rien eu d’autre. Comment pouvais-je mener un tel train de vie ? Je trouvais toujours assez d’argent pour m’alimenter et subvenir à mes besoins de pure nécessité. L’hiver, lorsqu’il faisait bien trop froid pour rester dehors, je marchais en direction du sud et de la chaleur. Aucune contrainte si ce n’est la lenteur de mes pas qui étaient mon seul moyen de locomotion. Mais n’avais-je pas justement tout le temps que je souhaitais…

L’autre question qui venait souvent, était au sujet de la solitude induite inévitablement de mon style de vie. Mais les rencontres que je faisais au court de mon errance étaient toutes plus riches les unes que les autres. Certe la séparation était toujours un moment difficile à vivre, mais je n’avais jamais connu de réelle attache et rien ne me prouvait qu’un jour je ne les reverrai pas. Du moins, ils vivaient maintenant tous dans mon cœur, prenant une place importante.

Depuis mon plus jeune âge, fils d’une prostitué qui avait autre chose à faire que de s’occuper d’un gosse qu’elle avait eut avec un client par accident, je devais me débrouiller seul. Quelque part, je ne souffrais pas de cette solitude car il en avait toujours était ainsi pour moi. Je ne m’en étais jamais plains, je n’avais eut aucune raison de le faire. La vie m’avait quelque part toujours sourit, m’offrant ce qu’elle avait de plus précieux et de plus naturel.

Je marchais sur un petit chemin de terre, l’ayant préféré à la nationale, même s’il rallongeait mon trajet. Je retournais pour la dernière fois à mon travail qui terminait ce soir et qui consistait simplement en la récolte de fruits. Cela me permettrait de poursuivre mon chemin bien plus tranquillement que sans le sous. M’étant réveillé d’assez bonne heure, je savais que j’arriverais un peu trop tôt, mais rien ne m’empêcherais de me m’asseoir sous un arbre et de profiter de ce temps de libre afin de lire le livre que j’avais trouver un fouinant un peu chez le bouquiniste du village que je quitterais ce soir ou demain matin.

J’avais vu juste, lorsque j’arrivais sur mon lieu de travail, j’étais le seul présent. Je n’avais pas de montre, mais au vue de la position du soleil à peine levé, il ne devait pas être loin de sept heures du matin. Nous commencions à huit heures. Je pris le plus grand soin à choisir l’arbre sous lequel j’allais passer un moment, puis me dirigeais vers celui-ci avant de m’asseoir en m’adossant contre son tronc.

L’heure passa finalement très vite, avant que d’autres employés  n’arrivent, suivis peut de temps après par le patron. Je rangeais mon livre dans mon sac et me levais lestement. J’attrapais dans ma poche une petite cordelette afin d’attacher mes cheveux afin qu’il ne me dérange pas pour mon travail. Une fois debout et présentable, je marchais vers le petit groupe qui s’était formé, se partageant déjà les tâches à accomplir.

- Salut Hayden, ça va ? Prêt pour ce dernier jour ? me demanda Bastien, un des hommes avec qui j’avais plus que sympathisé ses quelques jours.

Je n’avais jamais caché à quiconque depuis mon départ de la ville où j’avais vu le jour, mon homosexualité. Je n’avais jamais véritablement eu de relations longues et sérieuses. Mon style de vie devait y être pour beaucoup. Cependant, je ne me refusais pas quelques moments de plaisirs avec certains.

-  Oui, répondis-je. Ce soir je vais enfin pouvoir reprendre la route.

-  Tu changeras jamais, me répliqua-t-il. Profitons-en pour travailler ensemble aujourd’hui.

Etait-il triste de mon départ ? Le ton qu’il employait trahissait une certaine tristesse. Ne voulant pas de cela, je répondis simplement par un sourire, saisissant le tablier de travail qu’il me tendait afin que les fruits ramassés ne nous tachent pas.  Puis nous nous rendîmes sur la surface qui nous avait été attitrée, lui marchant devant et moi le suivant un peu derrière. Cet homme avait un petit quelque chose de plus et respirait la bonne humeur. C’était lui qui était venu me voir en premier et curieux, il n’avait eu de cesse de me poser des questions au sujet du style de vie peu ordinaire que je menais. Il subsistait dans son esprit cependant beaucoup d’incompréhension et quelques inquiétudes à mon sujet.

Pour lui, il était clair qu’il n’aurait pu faire la même chose que moi. Finement musclé, il n’en abattait pas moins une quantité impressionnante de travail. Ses cheveux châtains clairs brillaient au soleil, parsemés de quelques mèches blondes. Ses mains, malgré le travail que nous fournissions, restaient d’une extrême douceur.

Arrivé dans notre zone, il me tendit un des grands sacs et nous priment chacun place d’un côté des rangées de vigne afin de commencer notre cueillette. Après un dernier petit sourire échanger, nous commençâmes sérieusement à travailler, profitant du soleil frais du matin pour abattre le plus de travail, sachant ce qui nous attendait par  la suite de la journée. Nous ne parlâmes finalement pas beaucoup, s’aidant plusieurs fois pour aller vider nos sacs. Midi arriva finalement assez vite, et nous nous retrouvâmes sous le même arbre que celui où j’avais entamé ma lecture matinale. Bastien ne parlait pas beaucoup, et cela m’étonnait de sa part. Il était normalement d’un naturel bon vivant et joyeux. Inquiet, je posais alors ma main sur sa cuisse d’une manière qui trahissait ce que nous avions fait plusieurs fois.

-  Quelque chose ne va pas ?

Bastien ne me répondit pas. Ne faisant que poser timidement sa main sur la mienne.

- Bastien, si tu as quelque chose à me dire, fait le maintenant s’il te plait… Je n’aime pas te voir comme ça… déclarais-je sérieusement.

- Ne pars pas Hayden ! Je… J’éprouve plus pour toi que tu ne peux le penser et je sais que je ne te suis pas indifférent. Pourquoi est-ce que tu ne cherches pas à t’installer pour de bon.

Je souris, touché par ses paroles, mais très embêté par sa demande que je ne pouvais satisfaire.

Je plantais mon regard dans le sien, voulant le blesser le moins possible.

- Bastien… Cela fait à peine deux semaines que nous nous connaissons… Tu le savais depuis le début, je t’avais bien mis au courant, que j’allais partir.

Les yeux mouillés de larmes, Bastien me demanda alors :

-  Qu’est ce que tu cherches Hayden, à voyager ainsi ? Tu penses que tu trouveras le bonheur en menant une telle vie ?

- Je suis libre Bastien, et cela me convient…

- Alors tu continueras de blesser d’autres personnes à chaque départ !

- Bastien… Je suis vraiment désolé…

Alors que j’allais poser ma main sur son épaule, Bastien me repoussa et déclara :

-  Arrête Hayden !

Un silence génant s’installa, jusqu’à ce qu’après de longues minutes Bastien reprenne la parole. Je n’avais pas bougé, dans l’attente de ce qu’il avait à dire :

- Tu connais le pire Hayden ? C’est que je ne regrette rien…

Nous échangeâmes un sourire. J’avais de la chance, il m’avait entendu et respectait mon choix. Je m’approchais alors un peu plus de lui et l’invitait à poser sa tête sur mon épaule après un petit baiser déposé sur le coin de ses lèvres. Nous restâmes ainsi un moment profitant de la chaleur du corps de l’autre et de la nos présences mutuelles, sachant que dans quelques heures tout prendrait fin. Me sédentariser était pour moi de l’ordre de l’inconcevable.

Nous nous remîmes ensuite au travail, avec le sourire, sachant que ce serait notre dernière journée. Les deux semaines avaient été pénibles et je ne pouvais nier que j’avais envie que cela prenne fin et que je puisse reprendre la route. La seule chose positive avait été ma rencontre avec Bastien.

Je sentis plusieurs fois son regard se poser sur moi, mais fis comme si je n’avais rien vu afin de ne pas attiser sa douleur. Car je le sentais, même si après notre discussion il n’aborderait plus ce sujet, il souffrait de mon départ.  Nous travaillâmes cependant plus tranquillement cet après-midi, au vu du peu de travail qui nous restait à faire. Ce fut vers cinq heures du soir, que nous nous dirigeâmes vers le patron qui, assis à une petite table improvisée, se préparait à distribuer les salaires.

Une fois mon enveloppe empochée, je me mis un peu à l’écart pour attendre Bastien qui  n’était pas encore passé près de la table afin de récupérer son gain. Une fois qu’il eut fini, il vint me rejoindre et déclara :

- Ma maison est dans la même direction que tu prends pour partir, nous pouvons faire ce chemin ensemble ?

- Oui, pourquoi pas, répondis-je.

Et c’est ainsi que nous nous retrouvâmes sur la route, côte à côte, marchant en silence. J’aimais ces moments-là. Parcourir la route, en sachant seulement qu’il fallait, sans trop savoir où aller. Cela faisait finalement étrange de ne pas être seul. Les pas de Bastien faisaient écho aux miens.

Soudain, sa voix brisa le silence :

- Tu comptes vivre ainsi encore combien de temps Hayden ? Il n’y a pas un jour ou tu souhaiterais t’arrêter, trouver un lieu où tu pourrais construire quelque chose ?

Je soupirais, ennuyé par cette question qu’on me posait si souvent.

- C’est ma vie Bastien, et pour l’instant je la conçois ainsi. Je suis jeune, mes jambes peuvent me porter encore pendant un bon bout de temps et je veux en profiter. Une fois que je m’arrêterai, je penserais alors à tout ce que j’aurais pu voir. C’est uniquement la liberté Bastien… Tu devrais essayer un jour, rien n’est plus riche et beau que la liberté.

- Excuse-moi, mais j’ai vraiment du mal à le concevoir… Comment peux-tu être heureux sans avoir quelqu’un à tes côtés.

- Je rencontre de nouvelles personnes tout le temps, répliquais-je.

- Oui, mais tu n’as aucun lien fort et sérieux que seul le temps peut t’offrir.

Le silence s’installa de nouveau entre nous, je n’avais rien à répondre à cela, et lui n’avait rien à ajouter.  Nous continuâmes à marcher, se rapprochant irrémédiablement de notre séparation. Je ressentais à mon tour un petit pincement au cœur  à l’idée que je n’allais plus le voir, mais j’étais habitué aux séparations, de plus je provoquais la plupart. Le soleil commençait à se faire moins chaud, les nuits allaient être de plus en plus froides. Nous finîmes par arriver irrémédiablement au croisement du chemin qui allait nous séparer pour un temps indéfini. Notre courte histoire prenait fin ici même.

Bastien s’arrêta, avant de se tourner vers moi. Je plongeais mon regard dans le sien, comme pour imprimer une dernière fois ce visage angélique dans ma mémoire. Sans un mot, je tins son menton entre deux doigts, relevant un peu sa tête, et avec une délicatesse dont je faisais rarement preuve, je couvris ses lèvres d’un baiser. Très vite, je le sentis entrouvrir ses lèvres, me laissant pénétrer dans sa bouche pour un dernier baiser d’adieu, à la fois fougueux et langoureux. Une de mes mains vint se perde sur sa nuque, tandis que la sienne vint dans mes cheveux, tirant sur la cordelette qui les retenait les laissant retomber sur mes épaules.

Nos lèvres se séparèrent uniquement lorsque le manque d’air fut trop important, afin de mieux se retrouver, ne résistant pas à un dernier baiser de plus. Ses mains s’aventuraient sur mon corps, me rapprochant toujours un peu plus près de lui. Je ne sus combien de temps cet échange de simple tendresse dura. Lorsque nous  nous séparâmes pour de bon, un petit sourire triste était affiché sur nos lèvres.

-  Fait attention à toi Hayden.

- Ne t’inquiète pas Bastien. Profite de ce que t’offre la vie. Tu verras, tu en trouveras un bien mieux que moi, dis-je sur le ton de la plaisanterie pour détendre l’atmosphère.

J’eus droit à un petit coup de poing dans le ventre, et à son air boudeur.

-  Au revoir Hayden, me dit-il en reprenant son sérieux.

- Au revoir Bastien.

Un dernier baiser, semblable à un effleurement fut échangé, puis nous nous tournâmes tous deux le dos, nous séparant pour de bon. Surtout, je fis tout pour ne pas me retourner. Aux petits bruits que je pu percevoir, je sus qu’il était en train de pleurer, mais aller le voir et le consoler ne ferait qu’attiser sa douleur. Elle passerait, comme toutes celles que j’avais subit… On finit tous par oublier.

C’est ainsi que je repris ma route seul, portant sur mon dos, les seules affaires que je possédais. Je n’irais pas très loin ce soir. J’allais trouver un petit coin abrité dans la forêt, afin de passer une nuit tranquille. A la vue du ciel, il n’y avait aucune averse de prévue. Je parvins à trouver un rythme, marchant paisiblement en direction de la forêt encore vierge de toute construction humaine qui s’étendais devant moi.

Ce n’est qu’aux environs de huit heures que je me décidais enfin à m’arrêter. Je sortis de mon sac un bout de pain qu’il me restait de midi, et sortit un peu de viande séchée que j’avais acheté ce matin. Assis au pied d’un arbre, je mangeais en silence, savourant la solitude qui m’avait finalement fait défaut pendant ces deux semaines.

Je n’avais pas eu le courage de faire un feu, et j’étais en train de le regretter au vue du peu de chaleur qui subsistait de cette journée chaude et ensoleillée. Je finis assez rapidement de manger, puis entrepris de me déshabiller avant de m’engouffrer dans mon duvet pour retrouver un peu de chaleur.

Fatigué par ma journée, et réchauffé après quelques minutes, je finis par m’endormir, rejoignant les limbes de mes souvenirs…

A cette époque, j’avais à peine huit ans. J’attendais dans le petit studio de ma mère que celle-ci ne daigne enfin rentré. Elle était partit assez tôt le soir et ne ramenait à manger que le matin. Je l’attendais avec impatiente car c’était le seul repas auquel j’avais le droit, lorsqu’elle avait le temps d’y penser. Pour ce qui était du reste, je devais me débrouiller. Je venais de me réveiller, il n’était pas loin de 6heure du matin, en général, elle arrivait vers six heures et demi et j’avais intérêt à être réveillé pour l’aider à diverse chose. Je me tenais donc, assis sur mon petit matelas, posé à même le sol dans un coin de la pièce, luttant pour ne pas me rendormir. Les gargouillements de mon ventre creux me rappelaient que je n’avais pas mangé hier. Ce n’étais pas grave en soit, c’était juste une habitude à prendre.
Lorsque j’entendis enfin le bruit caractéristique des clefs tournant dans la porte, je me mis aussitôt debout, déjà angoissé de la suite des événements. Mes mains s’entortillaient dans tout les sens ne sachant pas encore vraiment maîtriser mes émotions. J’avais peur de ma propre mère et je ne savais même plus le cacher. Je savais ce que j’avais à faire et pourtant mes jambes ne voulaient pas faire un seul pas. Ma mère entra dans la petite pièce, jetant ses clefs sur la petite table d’entrée, me montrant très clairement qu’elle avait passé une mauvaise soirée. Je n’eus pas le temps de faire quoi que ce soit qu’elle me cria :
- Qu’est ce que tu fous ! Tu ne me l’as toujours pas préparé. Bouges toi bon à rien.
J’eus juste le temps de me redresser qu’elle m’envoyait déjà dans la cuisine avec un coup de pied qui fini un peu trop haut dans mon dos, cela étant particulièrement douloureux. Je poussais un petit cri, tel un animal battu qui ne lui plu pas du tout.
-  Je ne veux pas t’entendre, tu as intérêt de te dépêcher, j’ai passé une très mauvaise soirée.
Je me retrouvais dans la petite cuisine, allumant le gaz afin de faire chauffer le produit par la suite. A l’âge de 6ans j’avais appris à préparer un fix pour ma mère chaque soir, et le geste en devenait répétitif. Tout de ce produit, même son odeur je ne pouvais le supporter. Elle détruisait ma mère à petit feu et l’idée même qu’elle ne soit plus là m’était impensable. Même si elle était loin de m’apporter tout ce qu’une mère devait apportait à son enfant, elle n’en restait pas moins ma mère et je l’aimais plus que tout. L’amour dans la crainte…
Je fis le plus vite possible pour préparer son poison et approchais d’elle. Elle était allongée dans son lit et regardait la télé le visage souffrant. J’éprouvais une certaine tristesse à la voir ainsi. J’attrapais le matériel pour faire un garrot et lui apportait la seringue avec le produit prêt à l’intérieur. Elle me l’arracha des mains, sans un merci, critiquant plutôt le fait que j’ai mis autant de temps. J’allais m’asseoir sur mon lit, attendant qu’elle ait fini de prendre sa dose avant de lui demande si elle avait pensé à m’amener quelque chose à manger. C’était ce qu’elle faisait après généralement, elle sortait quelque chose de consommable dans son sac et me le tendais avant de sombrer réellement. Seulement, cette fois-ci, elle ne me donna rien, comme la nuit dernière, du moins pas d’elle-même. Affamé, sans trop réfléchir à ce que pourrait induire mon acte, je me levais et marchais vers elle avant de lui attraper le bras et de lui demander d’une petite voix :
- Maman, j’ai faim… Est-ce que tu ?
Une main tomba violemment sur ma joue suivis d’insulte que je ne compris pas à mon âge. La joue rougie, je relevais lentement les yeux vers ma mère qui ne faisait maintenant plus de bruit. Une chose alors me brisa le cœur, bien plus douloureuse à huit ans et plus traumatisante : ma mère pleurait. S’apercevant que j’étais en train de la regarder, elle m’ordonna de sortir et d’aller à l’école ; chose que j’exécutais sans chercher à dire quoi que ce soit. Il était bien trop tôt pour partir à l’école maintenant, mais cela me laisserait le temps de me trouver quelque chose à manger et me débrouiller seul comme je l’avais toujours fait.

J’ouvris les yeux en sursaut, mettant du temps à me rappeler que j’avais maintenant vingt-cinq ans et que j’étais en train de dormir dans une forêt. Il était fréquent que je fasse des rêves liés au passé, et cela était toujours douloureux même à vingt-cinq ans. Lorsque ma mère fut morte d’une overdose suite à une prise plus forte qu’elle m’avait ordonné de lui préparer, j’étais parti de chez moi, quittant cette ville afin de quitter tout cela. Si j’étais resté, je me serais  enlisé indéniablement comme je l’avais fait jusqu’à mes seize ans.
Le jour de mon anniversaire j’avais tout quitté pour prendre la route, n’ayant de toute façon rien qui me retenait dans cette ville où j’avais vu malheureusement le jour. La seule chose que m’avait légué ma mère était l’autonomie et le fait de savoir se débrouiller seul et par ses propres moyens. Ainsi j’avais toujours fini par m’en sortir. Mon style de vie actuel me convenait et je n’avais pas à m’en plaindre. Je vivais chaque jour au jour le jour, sans savoir ce que demain me réserverait. L’avenir je ne le regardais même pas, pour moi peu m’importait.
Le soleil était maintenant haut dans le ciel, il fallait que je me mette en route. Je m’étirais en me levant, avant de rassembler mes affaires. Je sortis de mon sac un morceau de pain, n’ayant pas envie de plus. Avec mon argent gagné je pourrais aller faire des provisions pour la route en passant dans la petite ville qui était sur mon chemin. Une fois toutes mes affaires récupérées et mon petit déjeuner consommé, je me mis en route, chassant de mes pensées ce rêve du passé qui était en train de les assombrir.
Je choisis de poursuivre sur le petit chemin au lieu de rejoindre la route, n’ayant aucune envie de voir du monde maintenant, aspirant à la solitude retrouvé depuis peu.
Je ne sais combien de temps je marchais, profitant du bercement des bruits de la nature, ne pensant à rien, me laissant guider par le chemin. Vers midi, je commençais à me rapprocher de la civilisation, les constructions humaines se multipliant, et défigurant le paysage. A chaque fois j’éprouvais un léger pincement au cœur, mais je finissais par m’y faire. J’approchais bientôt d’un tunnel, et n’ayant pas d’autres choix que d’y passer, j’y pénétrais marchant assez rapidement. A peine fus-je rentré, que j’eu l’impression d’être suivis. Je me retournais, ébloui par l’afflux de lumière contrastant avec l’absence de celle du petit tunnel, et finis par réussir à voir une silhouette s’en détacher. Je réprimais un frisson sentant que tout cela ne présageait rien de bon. Je me tournais de l’autre côté pour voir deux autre silhouettes attendant ma venue, autant dire que j’étais fait comme un rat.

Après quelques coups de tête à gauche et à droite, je choisis de poursuivre mon chemin, allant affronter le plus dur au lieu de faire marche arrière. Les deux hommes en face de moi commencèrent eux aussi à marcher dans ma direction avant de me dire d’une voix qui cachait mal leur angoisse.

- Approche doucement et sort ton argent et tout ce que tu possèdes de valeur !

Calmement, je répondis :

- Je n’ais pas grand-chose, et rien qui ne soit de valeur.

Ils s’approchaient de moi, l’air de plus en plus menaçant. Je ne savais que faire. Tout cela pouvait très mal tourner, et mon intuition se confirma lorsque je vis l’un d’eux maintenant assez proche de moi, sortir un couteau. Si c’était mon argent qu’ils voulaient, alors j’allais le leur donner. A trois contre un je ne ferais pas le poids et me battre ne m’apporterait rien. Seulement, l’un des hommes mésinterpréta mon geste lorsque je glissais soudain ma main dans ma poche afin de saisir l’argent que j’avais gagné la veille.

Ils se ruèrent sur moi, sans que j’ai le temps de faire quoi que ce soit et de comprendre ce qui m’arrivait.  Tout se passa très vite. Je me pris un coup de poing en plein milieu du ventre, me tordant de douleur. L’homme au couteau s’approcha alors un peu trop près de moi, tandis que celui se tenant derrière moi me maintenait debout en me serrant le cou de son avant-bras, m’étranglant presque.

J’eu beau tenter de me débattre, il me tenait fermement, tandis que l’autre me menaçait toujours du couteau. Le troisième s’étaient emparé je ne sais trop comment de mon sac et fouillait à la recherche de quelque chose de valeur. Comme je leur avais dit, il n’y avait strictement rien. Agacé, le troisième homme se rua vers moi et commença à me fouiller, me faisant très clairement comprendre que je n’avais pas intérêt à bouger. Il trouva assez vite l’argent que j’avais voulu leur céder.

Je ne pouvais nier que j’avais peur, cependant je n’en  laissais rien paraître, ne voulant pas en plus leur offrir cette satisfaction. Soudain, je sentis une faille chez l’homme qui me tenait, et d’un coup de tête et de coude, j’assommais l’homme qui était derrière remerciant les quelques bagarres auxquelles je m’étais livré dans ma jeunesse. Alors que je tentais de courir pour leur échapper, leur offrant de bon cœur mon sac et mon argent contre ma vie, le second homme me fit un croche pied et je m’étalais lamentablement de tout mon long sur le sol. Maintenant paniqué, je me redressais et eu juste le temps de me retourner pour faire face à l’homme qui malheureusement possédais le couteau. Je ne vis pas le coup venir, et pourtant une douleur vive à la hanche me saisit, me faisant crisper les mâchoires de douleur. J’eus droit à un autre coup de poing qui fit éclater ma lèvre sous l’impact et qui m’envoya en arrière. Ils choisirent cet instant pour fuir avec tout mon argent, me laissant gracieusement mon sac de voyage.

Je portais lentement ma main à la blessure qu’il venait de m’infliger, déjà imbibée de sang. Il fallait que je fasse vite. J’avais de quoi me soigner dans mon sac. Je me trainais jusqu’à lui, comprimant déjà ma plaie afin d’éviter l’hémorragie.

J’enlevais à la hâte tout ce qui ne m’intéressait pas le jetant à côté de moi. Je serrais les dents sous la douleur. Comment une simple plaie pouvait être aussi désagréable et douloureuse.

Lorsque je trouvais enfin ma petite trousse à pharmacie, je sortis tout ce dont j’avais besoin, du désinfectant au fil à coudre et l’aiguille. Je n’avais pas de quoi me payer un médecin, et j’avais appris depuis bien longtemps à me soigner par moi-même. J’ôtais mon t-shirt, retenant une envie de crier à l’afflux de douleur. Cet homme ne m’avait pas loupé. Je pris un tissu que j’imbibais de désinfectant, et le posais sur ma plaie. Celui-ci se tinta très vite d’une couleur sang.

Heureusement, je n’étais pas très loin de l’entrée du tunnel et la lumière était assez affluente pour me permettre de voir ce que j’allais faire. Quelques points suffiraient à fermer la plaie. Je saisis mon t-shirt, et le pris entre mes dents afin de le mordre pour supporter la douleur. Heureusement que c’était sur la hanche et non sur d’autres parties du corps encore plus sensible.

Essuyant une dernière fois tout ce sang qui continuait de couler après avoir préparé le fil et l’aiguille préalablement désinfecté, j’entamais de recoudre ma propre plaie sans pousser un seul cri. Ce travail fut assez long et pénible, mais j’en vins à bout après six points. Fébrile, je coupais le fil et me redressais. Il m’avait semblé entendre le bruit d’une rivière et me laver de tout ce sang ne serait pas de refus. Je me relevais tremblant, et mis un temps fou à rassembler toutes mes affaires. Puis pantelant, je marchais vers la sortie, guidé par le bruit de l’eau.

Une fois sortie, je souris à la vue de la grande rivière. J’allais pouvoir me laver et l’eau froide me vivifierait. Sans perdre un instant, je me déshabillais entièrement, posant mes affaires tachées de sang à côté de mon sac. Je m’occuperais d’elles plus tard.

Finalement, j’aurais peut être du écouter Bastien et rester avec lui… Je chassais rapidement de mon esprit cette idée folle reportant toute mon attention sur la rivière. J’avais perdu tout de même pas mal de sang et ma tête tournait. L’eau était assez profonde, j’allais devoir y rentrer doucement. Je commençais par poser un pied dans l’eau glacée, puis un autre, prenant garde à avoir de bon appuis afin de ne pas tomber. Mais alors que l’eau m’arrivait à mi-genoux, j’entendis soudain un cri d’horreur qui me fis sursauter, provoquant chez moi une seconde vague de douleur.

Je me retournais aussitôt afin de voir qui était l’auteur de tout cela, et vit un homme aux cheveux long blond, à cheval, et visiblement effrayé et choqué à ma vue.

Je ne pouvais niais sa beauté, mais agressé par son cri et surtout énervé de mon état je criais à mon tour :

- Ca va pas non de crier comme ça !!!

Ma tête tournait de plus en plus, et j’avais du mal à résister au courant de l’eau. Pourtant je continuais de lui faire face, relevant la tête au vue de la hauteur qu’il avait sur son cheval. Je le vis alors rougir comme une pivoine et bégayer avec beaucoup de difficultés :

- Vous… Vous…. Vous êtes …

A la façon dont il détourna le regard, je compris alors ce à quoi il faisait référence, et exprimais tout haut ce que je pensais :

- Quoi tu n’as jamais vu un mec à poil ? Je te signale que tu es pareil que moi, jusqu’à preuve du contraire.

Ne voulant pas perdre de temps et sentant mes forces s’amenuiser, je m’abaissais afin de rincer mes mains et le reste de mon corps, nettoyant le sang qui se mêlait à l’eau de la rivière. De toute façon, j’avais très clairement compris que ce ne serait pas lui qui m’aiderait. S’il évitait de me regardait, il n’avait cependant pas bouger, semblant attendre que je finisse de me laver et que je me rhabille enfin.

Je marchais pantelant jusqu’à la rive, attrapant mon pantalon. Je me sentais de moins en moins bien, au point d’oublier totalement la présence du jeune homme sur son cheval qui ne venait toujours pas m’aider. J’attrapais une compresse puis la mettais sur ma hanche, les mains tremblantes et les gestes loin d’être précis. Je mis ensuite un pantalon propre que je sortis de mon sac, vacillant de plus en plus. Lorsque je me redressais, je plantais mes yeux dans ceux du jeune homme qui

étaient semblait-il en train de demander si j’allais bien. J’avais finalement perdu beaucoup trop de sang. Mes jambes s’affaissèrent sous mon poids, ne parvenant plus à me porter. Ma tête heurta le sol. Tout se brouilla jusqu’à devenir complètement noir…

Silent scream - Chapitre 2

Jeudi 7 mai 2009

Chapitre écrit par Lybertys

Paris, 12 avril 1752

Encore une soirée dans cette grande salle de réception au milieu de tout ce monde qui m’était totalement indifférent. Voilà une heure maintenant que je la cherchais des yeux et que je ne la trouvais pas. J’étais pourtant venu pour elle, choisissant avec méticulosité chacun de mes vêtements, jusqu’à mettre mon parfum préféré. Simplement une petite touche discrète, percevable s’il on s’approchait trop près de moi. Mon cœur s’emballait à chaque fois que je voyais une femme qui lui ressemblait, ayant l’espérance folle que ce soit elle. Malheureusement pour le moment, tout n’avait été que déception. Je m’étais démené pour obtenir cette invitation, sachant qu’elle y serait, et je priais ne pas avoir fait tout cela pour rien. Ce soir je me sentais enfin prêt à lui déclarer ma flamme, à lui dire combien elle comptait pour moi, lui murmurer des mots que je n’avais jamais susurré à personne, traduire par des mots ce qui embrassait mon cœur à chaque fois que je l’apercevais.

Cependant, malgré tous mes beaux projets, je ne parvenais toujours pas à la voir, n’osant pas demander à qui que ce soit si elle était présente. La soirée commençait à m’ennuyer, je n’aimais pas du tout ce genre d’ambiance auquel tout jeune aristocrate jusqu’à son plus vieil âge se devait d’adorer. Paraître parfait aux yeux de tous, vivre uniquement dans l’apparence, dans le regard de l’autre, cela me fascinait tout autant que cela me répugnait. La seule personne à qui je voulais plaire n’était pas là et j’avais de plus en plus de mal à cacher ma déception. Heureusement je portais un masque sur le haut du visage, dissimulant à tous mon ennuie et ma peine. J’étais encore jeune et du haut de mes dix neuf ans je me sentais totalement étranger à ce monde : différent. Etais-ce moi qui étais différent d’eux ou eux différent de moi. Tout ce que je savais c’est que j’attendais maintenant avec impatience que cette soirée se termine rapidement et qu’elle ne reste plus qu’un simple mauvais souvenir du jour où je n’avais pu voir Elisabeth. Son visage angélique venait sans cesse me hanter, me remémorant ses cheveux blonds et bouclés tombant délicatement sur ses fines épaules laiteuses. J’aurais donné n’importe quoi pour avoir le privilège de l’effleurer ne serait-ce qu’une seule fois et de lui voler un baiser. Je voulais passer l’éternité avec elle, être à ses côtés, vivre pour elle et ne plus être proche d’elle seulement dans mes songes. Tous dansaient autour de moi, et j’avais de plus en plus de mal à m’accrocher à leur rythme effréné et à l’euphorie qui les habitait. Je finis par me glisser jusqu’au buffet afin d’aller chercher de quoi me désaltérer. Il faisait une chaleur étouffante et le bruit que tous faisaient masquait presque le son mélodieux des violons. Je pris un verre de vin, produit par les vignobles de la maîtresse de maison qui avait une excellente réputation. Peut être que cela me permettrait d’oublier un peu et de devenir aussi insouciant que tous les autres hommes, afin de pouvoir me mêler à eux. Je me délectais de ce breuvage assez rapidement, finissant par le poser vide sur le buffet avant qu’un des domestiques ne se charge de le faire disparaitre.

Je retournais de nouveau dans cette masse humaine, n’ayant rien d’autre à faire que de me mêler à eux. Plus par désespoir que par espoir, je cherchais de nouveau Elisabeth du regard parcourant chaque parcelle de la grande salle, me glissant entre les personnes qui continuaient à danser dans un rythme effréné. La musique des violons était maintenant comme endiablée, embarquant chaque personne avec elle. Leur masque cachait leur identité aux yeux de tous et leur donnait des ailes. Soudain, mon regard se déposa sur un homme, installé un peu à l’écart, se détachant des autres. Je n’aurais su dire pourquoi, mais il me semblait différent. Je me figeais sur place, ne pouvant m’empêcher de le détailler. Ses longs cheveux noirs descendaient en cascade jusqu’au milieu de son dos, et son masque laissait entrapercevoir ses yeux gris scrutant la foule avec superbe de toute sa hauteur. Rare étaient les fois où j’avais pu voir un homme aussi beau. Sa veste, couleur cobalt, était parfaitement taillée et retombait tel un voile de soie sur sa taille fine. Il devait avoir un succès fou et sa beauté me semblait inégalable. Cet homme m’intriguait malgré moi, le spectacle qui s’offrait à moi semblait tellement irréel. Il semblait s’apercevoir je ne sais comment de ma présence, car il tourna  la tête vers moi d’un simple geste à peine perceptible.

Un sourire se dépeignit alors sur ses lèvres, m’offrant un frisson de peur mêlé de curiosité. Cet homme avait quelque chose de particulièrement intriguant et je n’aurais su dire pourquoi. Sans trop savoir comment ni de quelle façon, je me sentais comme mis à la place d’une proie que cet homme venait de choisir. Si j’avais voulu me détacher de son regard et me détourner de lui, je sentais que tout cela m’était impossible. Je ne pouvais pas bouger ne serait-ce que le petit doigt, et cette sensation s’accentua lorsqu’il s’approcha de moi, me rendant comme paralysé.

Arrivé à quelques pas de moi, il s’arrêta mais ne me quitta pas pour autant du regard. De mon côté, j’aurais bien été incapable de faire quoi que ce soit. Je n’arrivais même plus à aligner deux pensées cohérentes et je me sentais comme transparent à ses yeux. J’avais cette cruelle impression qu’il était en train de lire en moi… Tout cela semblait si irréel… Il avait dépeint sur son visage dont la perfection de ses traits pâles était plus intrigante et envoûtante, un petit air sadique qui renforçait son charme. Tout dans sa manière d’être faisait penser à un prédateur en chasse et je ne semblais pas réaliser qu’il venait de trouver en moi la proie idéale.

Perdu dans le gris de ses yeux, je n’aurais plus vraiment su dire ce qu’il se passait autour de moi, ni ce qui était en train de se passer en ce moment même. Si j’eus voulu faire quoi que ce soit, je m’en sentais à cet instant même incapable. J’avais cette atroce impression d’être dépossédé de mes droits sur mon corps et de n’être plus maître de rien.

Tous dansaient autour de moi, mais je ne les voyais même plus. La seule chose qui appartenait à mon monde en cet instant même était cet homme et son regard. Plus le temps passait, et plus je trouvais ses yeux brûlant d’une chose que je ne connaissais pas encore. Nous étions encore éloignés de quelques pas et pourtant je le sentais comme tout proche, bien plus proche que simplement collé à moi… Oui… Tout cela allait bien au-delà.

Je voulus me ressaisir, reprendre ce qui m’appartenait, reprendre possession de mon corps, mais je me rendis compte que j’en étais incapable et que la seule chose qui m’était permise était de prendre la place du spectateur, acteur malgré lui. J’étais réduit à un état de passivité que je n’avais jamais connu.

Il finit par s’approcher de moi, réduisant à néant l’infime distance qui nous séparait encore et qui ne me semblait que physique. Fébrilement, d’un geste à peine perceptible, il tendit sa main jusqu’à ma joue, laissant glisser ses doigts d’une manière subtile en une caresse délicate que je n’aurais jamais cru capable de sa part. Ce geste suffit à me mettre totalement à sa merci. Je perdis définitivement tout contrôle, me surprenant à souhaiter encore une fois ce genre de caresses. La peau délicate de ses doigts était étrangement froide, mais cela ne semblait pas m’inquiéter outre mesure…

Au contraire, mon cœur s’était comme emballé à ce contact, faisant fourmiller en moi mille sensations inconnues. Je n’étais plus moi-même, et ce que je ressentais en cet instant précis ne me ressemblait pas.

Sans se départir de son petit sourire satisfait et arrogant, il glissa son index sous mon menton, provoquant chez moi un violent frisson. S’il m’avait regardé fixement jusqu’à maintenant, le regard qu’il me lança alors fut totalement différent. Si j’avais pensé à m’en dégager auparavant, de celui-ci l’idée ne m’effleurait même pas.

La seule chose qui m’était maintenant possible de faire, était de me soumettre uniquement à sa volonté. Tout ce que je savais, c’était que je ne pouvais faire autrement, il désirait que je le suive, et c’est ce que je fis. Il commença à reculer, m’entraînant à sa suite, apparemment satisfait de l’effet d’attraction qu’il exerçait sur moi.

Comme emprisonné par son esprit, je ne pouvais que marcher tout près de lui, ne voulant surtout pas rompre le contact de ses doigts sur ma peau. C’était comme si ma vie en dépendait, j’avais besoin de sentir ses doigts sur moi pour que mon cœur batte. Rompre le contact ne serait-ce qu’une seule seconde était pour moi de l’ordre de l’inconcevable. Il en était de même pour son regard. Il m’était toujours impossible de m’en détacher, ses yeux semblaient si irréels, toujours aussi transperçant, semblant sonder la quelconque faille au plus profond de moi. Plus rien n’existait à part cet homme, j’en oubliais tout le reste, tous ceux que je connaissais, tout ce qui avait fait mon monde jusqu’à maintenant, totalement envouté par ce simple contact et ce regard si intense… Il m’entraina derrière un rideau, au fond de la pièce, loin de toute cette foule. Je ne pris même pas la peine de réfléchir à la raison qui le poussait à le mener jusqu’ici. Je perdais peu à peu tous mes repères, je ne savais plus rien.

Je ne savais pas ce qui m’attendait et mon rythme cardiaque ne parvenait à se calmer. La musique pourtant très forte ne parvenait plus à mes oreilles, je n’entendais plus rien. Une fois complètement caché des autres, je fus attiré assez brutalement vers cet homme et sans que j’ai eu le temps de faire quoi que ce soit ou même de réaliser ce qu’il voulait de moi, il s’empara avidement de mes lèvres, me transmettant une passion et un désir non feint. J’y répondis, sans savoir pourquoi, sans réaliser que j’étais en train d’embrasser un homme et qui plus est, lui donner mon premier baiser.

Pourtant, j’y répondais avec le même entrain, enivré par l’ardeur dont il faisait preuve et les mille sensations nouvelles qu’il m’offrait. Ce baiser était terriblement agréable, assouvissant une nouvelle envie née en moi, une pulsion bestiale qui faisait écho à la sienne et que je n’avais jamais ressentie.

Très vite, nos langues entamèrent un ballet farouche et sensuel, me laissant à chaque seconde un peu plus à sa merci. Le pouvoir qu’il avait sur moi était effrayant. Il pouvait faire ce qu’il voulait de moi, contrôlant la totalité de mon être, et de mes envies. Ce fut lui qui mit fin au baiser, me défrustrant en laissant sa langue redessiner avec volupté et aisance les traits de mon visage, alors que ses mains s’affairaient à je ne sais trop quoi dans mon cou. Immobile, je me contentais de recevoir ce qu’il m’offrait, sans pouvoir faire quelque chose en retour ou me détacher de son étreinte. Lorsqu’il glissa sa bouche dans mon cou, je perdis totalement pied. Grisé par toutes ses sensations qu’il provoquait en moi, rien qu’en passant sa langue sur cet zone de peau particulièrement sensible éveillée pour la première fois, je fus obligé de m’attacher fermement à lui comme je le pouvais, le serrant de toute mes forces pour ne pas chuter. J’étais totalement abandonné à lui, ne pouvant que vouloir plus…

Jamais je n’avais connu cela, jamais mon corps n’avait vibré ainsi pour quelqu’un. Le simple fait d’être coller ainsi à lui et de sentir sa bouche à la fois froide et terriblement chaude sur la peau de mon cou m’emmenait à dix mille lieux d’ici.

Pourtant, je le sentais au plus profond de moi, j’étais en train de jouer avec le feu. J’avais cette cruelle impression que ma vie était en jeu mais que je ne pouvais rien faire pour y mettre un frein et faire cesser tout cela. J’étais comme embarqué dans un labyrinthe qui me menait irrémédiablement vers ma fin, m’empêchant de faire demi-tour. La volonté de cet homme en train de se délecter de la peau de mon cou avec un savoir faire divin, dépassait largement celle de toutes volontés humaines. La mienne ployait sous la sienne jusqu’à s’effacer complètement, savourant la délicieuse torture qu’il exerçait sur moi. Engourdi, je perdais toute notion de bien ou de mal, je ne savais même plus vraiment ce que nous étions en train de faire, je me sentais partir…

Soudain, je le sentis raffermir sa prise sur moi, avant de m’attirer dans un lieu qui m’était inconnu. Il semblait avoir changé de plan et je l’acceptais sans siller. Je me contentais de m’accrocher fermement à lui, pendant qu’il me guidait à l’étage. Lui aussi m’attirait tout  contre lui, comme s’il avait peur de me perdre. Il dégageait une telle démonstration de possession que je ne pouvais m’y soustraire.

Il m’attira alors dans une pièce qui semblait être une chambre. Il s’écarta de moi un instant afin de refermer la porte, me tenant tout de même par le bras avec toujours cette même peur que je lui échappe. Il semblait terriblement empressé et semblait user d’une grande force de volonté pour ne pas se jeter sur moi. Il se mit alors à me détailler, laissant glisser ses yeux sur l’entièreté de mon corps sans la moindre pudeur. Si ce regard était terriblement dérangeant, il n’en était pas moins brûlant. A cet instant, je sentais que je n’étais pas le seul à être envoûté, il semblait que j’exerçais malgré moi sur cet homme un puissant pouvoir d’attraction. De mon côté, je ne pouvais être indifférent à sa beauté, même si celle d’un homme ne m’avait jamais attiré, celle -ci s’élevait au dessus de tout. Ses longs cheveux noirs étaient une invitation à laisser s’y perdre ses mains. Ses lèvres qui avaient déjà goûté aux miennes m’attiraient irrémédiablement. Je ne savais même pas si ce désir m’appartenait ou s’il venait de m’être imposé.

Lentement, il s’approcha de moi et me retira mon masque d’un geste vif mais néanmoins emprunt de douceur, dévoilant mon visage à cet inconnu. Il sembla alors comme hypnotisé, ne semblant pas parvenir à quitter mon visage du regard, enregistrant le moindre détail, comme si j’étais un objet d’art. Jamais je ne m’étais senti ainsi sous le regard de quelqu’un et encore moins d’un homme. Je me surpris à espérer un jour voir la même étincelle briller dans les yeux d’Elisabeth.

Nous restions là, sans bouger, l’un en face de l’autre, lui menant la danse et moi attendant le moindre signal. Je ne savais toujours pas ce qui allait m’arriver et pourtant je ne faisais rien pour en savoir plus ou pour changer les choses.

C’est alors qu’il prit de nouveau  mes lèvres en otage, faisant preuve d’une tendresse et d’une délicatesse que je n’aurais jamais cru capable de la part d’un homme, comblant un manque qu’il avait créé précédemment. Contrairement au précédent baiser qu’il m’avait offert, celui-ci semblait bien plus profond, nous menant tous les deux bien plus loin vers des terres qui m’étaient inconnues. Je répondis à son baiser, comme il me le demandait silencieusement cédant sans aucune difficulté à chacun de ses caprices. Alors que notre échange gagnait en intensité, je sentis ses mains passer entre nos deux corps, semblant vouloir s’aventurer bien plus loin. Il m’emmenait à chaque fois un peu plus loin, faisant ployer avec force et savoir faire chacun de mes remparts. Cependant, une toute autre forme de peur s’insinua en moi lorsqu’il entreprit de déboutonner ma veste. Même si dans ce geste empli de délicatesse, il fit glisser ma veste le long de mes bras avant de la laisser tomber sur le sol, je sentais que ce qui allait suivre allait bien trop loin et était bien trop tôt pour moi. Je n’étais pas prêt, et j’avais peur de deviner les intentions de cet homme. Son regard empli de désir fixait mon torse comme s’il eut voulu le dévorer. Jamais je n’avais vu quelqu’un me désirer ainsi, n’ayant de toute façon jamais connu le désir charnel. Je regrettais le choix de cette chemise blanche qui, un peu trop transparente, laissait entrapercevoir ma peau et semblait nourrir le désir insatiable de cet homme. Il m’était maintenant impossible de ne pas constater qu’il avait envie de moi.

Un combat dont j’ignorais l’enjeu semblait se jouer dans son esprit et il me semblait qu’il se faisait violence pour ne pas me sauter dessus.  Il prit alors une décision et laissa aller ses mains sous ma chemise ample, caressant ma peau vierge de tout attouchement. A mon plus grand soulagement, il vint encore ravir mes lèvres d’un baiser, s’emparant délicatement de ma bouche en une caresse aérienne. En moins d’une heure, il avait réussi à me rendre totalement dépendant de ses baisers alors que j’y goûtais pour la première fois. J’en venais même à me demander comment j’avais pu vivre jusqu’à présent sans jamais avoir goûté à de pareilles sensations et comment j’avais fait pour ne pas y avoir droit. Sa langue caressait mes lèvres m’invitant implicitement à les entrouvrir afin qu’il puisse de nouveau investir ma bouche, prenant possession de mon être.

Lorsque nos langues se rencontrèrent, je fus comme transporté dans un pays lointain, appartenant seulement à cet homme et ne vivant que grâce à lui. Enivré par son savoir faire, tous mes sens étaient maintenant en éveille dans l’attente du nouveau plaisir qu’il allait m’apporter.

Nos langues se caressaient et se liaient dans un ballet des plus sensuels, dont ce parfait inconnu menait la danse. Je me laissais simplement guider, ne pouvait faire plus que ressentir ce qu’il m’offrait. Ses mains ne cessaient de parcourir mon corps. Je ne savais pas vraiment ce qui m’arrivait, ni même quelle était cette chaleur brûlante qui embrasait à présent mes reins. Les yeux mi clos et le souffle erratique, j’étais comme en transe. La température de mon corps gagnait en degrés à chaque seconde.

Il finit par quitter mes lèvres avant de faire glisser sa langue le long de ma mâchoire, redessinant les contours de mon visage avant de redescendre dans mon cou, goûtant chaque parcelle de ma peau et m’offrant mille sensations. Du bout de ses doigts, il effleura ma colonne vertébrale, me faisant frissonner entre ses bras, me laissant totalement aller. Ma volonté n’était plus, c’était comme s’il avait eu raison de moi. Alors qu’il effleurait ma colonne vertébrale, un hoquet de surprise franchit mes lèvres bientôt suivit d’un profond soupir de satisfaction et de bien être.

Je fermais alors les yeux comme pour être encore plus attentif à ce qu’il me faisait. Je m’agrippais à ses épaules tentant désespérément de me raccrocher à une réalité qui n’existait déjà plus. Le pas venait d’être franchi pour de bon. Il venait de gagner plus que je ne le pensais. Après être descendu une énième fois le long de mon dos, il laissa ses doigts s’aventurer ailleurs, partant à la découverte du reste de mon corps.

Ses mains partirent à la découverte de mes reins avant de revenir sur mon ventre. Sa peau froide contrastait avec la chaleur de la mienne. Ses mains redessinaient amoureusement la sculpture délicate de mes abdominaux puis remontaient lentement vers les boutons de chair rose qui pointaient sous le plaisir qu’il m’offrait, sous la fine toile de ma chemise qui découvrait maintenant éhonteusement mon épaule gauche. Cet homme touchait avec un doigté sans pareil, me faisant oublier ce que nous étions en train de commettre.

Avec dextérité, il entreprit alors de dégrafer les premiers boutons de ma chemise qui semblait devenue de trop pour lui avant de la faire glisser sur mes épaules et dans mon dos, mettant à nu le haut de mon corps en proie à son regard.

Semblant galvanisé par la simple vue de mon corps offert à lui, il délaissa mon cou pour partir à la découverte de mon torse imberbe, léchant et goûtant à chaque parcelle de ma peau comme s’il me voulait entièrement. Jamais je n’avais connu pareilles sensations, jamais personne ne m’avait touché ainsi et encore moins à ce genre d’endroit. Du bout de la langue, il joua un moment avec mes boutons de chair, faisant naître une certaine forme d’excitation qui m’était totalement inconnue, les faisant durcir d’avantage sous ses lèvres. Ne tentant plus, je laissais un petit gémissement franchir la barrière de mes lèvres entrouvertes, ne pouvant en contenir d’avantage. Je me contrôlais de moins en moins pour ne pas dire plus rien.

Soudain, il me plaqua violemment contre lui, frottant lascivement son intimité gonflée de désir contre mon bassin, tandis que ses mains se glissaient sans honte aucune sous le tissu de mon pantalon en toile, caressant mes fesses avec un plaisir non feint. Je n’aimais pas bien que tout aille aussi vite me faisant lentement mais sûrement sortir de cet état second. Même si un râle rauque s’échappa de ma gorge alors que nos deux corps enlacés entamaient un langoureux déhanchement érotique dénué de tout sentiment de honte ou de gêne, la peur était en train de reprendre le dessus, m’aidant à réaliser pleinement ce que cet homme voulait de moi. Alors qu’il s’affairait à défaire les attaches de mon pantalon, le visage enfouis dans mon cou gracile, je me tendis brusquement ne voulant surtout pas que cela aille plus loin.

Alors que je commençais  à me débattre, je me demandais comment nous avions pu en arriver jusque là. Je voulais lui échapper, c’était comme s’il venait de relâcher l’emprise qu’il avait sur moi et que je revenais un peu trop abruptement à la réalité.

Me débattre, tenter de sauver ma peau, c’était maintenant la seule possibilité que j’entrapercevais. Cet homme m’effrayait de part ce qu’il était et de ce qu’il s’apprêtait à me faire. Alors que j’allais tenter de le frapper pour qu’il s’éloigne et me laisse en paix, il attrapa mes poignets d’un geste vif et précis, me démontrant en un seul instant que tout était peine perdue. Par ce simple geste, par cette démonstration de supériorité, il m’avait également immobilisé en un instant. Son regard de prédateur posé sur moi était bien plus effrayant et plus il me regardait, plus la peur montait en moi. Qu’allait-il me faire à présent ? Que voulait-il de moi ? Et surtout, qui était-il ? Une multitude de question se bousculaient dans ma tête.

Brusquement, avec une violence dont il n’avait jamais fait preuve jusqu’à maintenant, il me jeta sur le lit à baldaquin qui trônait au milieu de la pièce, m’arrachant un cri de stupeur. J’étais totalement  perdu et je ne voyais aucune issue. De manière vive et agile, il prit place à quatre pattes au dessus de moi, maintenant fermement mes mains au dessus de ma tête. J’étais comme pris au piège, totalement bloqué. Je n’étais plus que la simple proie sans défense pris dans la toile de son prédateur. Mon cœur battait à vive allure sans que je ne parvienne à faire quoi que ce soit. J’avais beau chercher à me soustraire de sa poigne de fer, le désespoir qui s’insinuait en moi devenait trop profond.

C’est alors qu’il plongea son regard dans le mien, un regard qui me glaça le sang jusqu’à m’immobiliser entièrement. Ma peur était toujours là mais comme atténuée, grouillant dans mes entrailles sans que je ne puisse l’exprimer. Je n’étais à présent plus qu’une masse inerte, telle une poupée de chiffon redevenue totalement à sa disposition, retrouvant peu à peu mon engourdissement de départ.

Du genou, il écarta mes cuisses tout en effleurant mon intimité, réveillant de nouveau en moi le désir que j’avais pu ressentir. Je ne savais plus raiment ce qui venait de se passer, ma seule connaissance était que je devais rester à sa disposition. Malgré tout cela, je ne pouvais m’empêcher de sentir grandir le désir en moi alors qu’il explorait mon corps, se penchant légèrement au dessus de moi. Puis, il sembla passer à autre chose, le désir brillant dans ses yeux. Tout en effleurant mon intimité, il retira mon pantalon et mes sous vêtements avec une lenteur exagérée, me faisant frémir d’impatience.

Une fois que je fus entièrement nu, il se recula comme pour m’admirer. Ma tête tournait sans que je sache pourquoi et son regard posé sur ma peau me brûlait. Etrangement, je ne ressentais aucune gêne à être totalement nu, ainsi exposé devant lui alors que c’était la première personne à avoir ce privilège. Perdu entre les draps blancs, je n’attendais plus qu’une chose, qu’il décide enfin à faire quelque chose de moi et de mon corps.

Il me contempla ainsi durant un temps qui me parut indéfini avant d’entreprendre enfin de passer à autre chose. Il commença par esquisser un mouvement pour retirer sa veste, souhaitant apparemment lui aussi gagner sa tenue d’Adam, mais stoppa son geste avant de plonger son regard gris profond dans le mien, m’intimant je ne sais comment, de me relever. N’ayant pas d’autre choix que d’obéir à cette injonction muette et avec une grâce féline que je ne me connaissais pas, je m’agenouillais face à lui et comme il l’avait précédemment fait, j’entrepris d’explorer sa bouche et sa peau d’une pâleur mortelle tout en défaisant un à un les boutons de sa veste.

Cependant, à la différence de ses gestes, les miens avaient beau être doux, je ne pouvais empêcher mon hésitation malgré le désir de bien faire. Cela ne semblait pas vraiment lui déplaire car il émit un gémissement de contentement lorsque mes doigts effleurèrent fébrilement son torse.

Craintif et surtout particulièrement intimidé, je me reculais. Dans un geste rassurant, l’homme caressa alors mon visage avant de se pencher vers moi et de ravir mes lèvres pour un long baiser empli de douceur qui eut pour effet de me détendre presque instantanément. Afin de m’aider un peu, il se débarrassa rapidement de sa veste qu’il jeta au pied du lit comme un vulgaire bout de tissu, ne portant son attention que sur mon unique personne. Sentant que je ne pouvais me permettre de le faire, j’entrepris de réitérer mon geste et de faire la même chose avec sa chemise, prenant un peu plus d’audace et d’initiative. Il se laissa faire, semblant être ravi de ce que je venais d’entreprendre, constatant qu’il frissonnait de plaisir au contact aérien de mes doigts sur sa peau apparemment plus que sensible. Jamais je n’avais ressentis pareilles sensations perdant peu à peu la tête et me laissant aller à assouvir la moindre de ses envies.

De nouveau, il s’empara de mes lèvres avec une avidité qui trahissait son désir de me posséder. Nos langues jouaient ensemble, se caressant et dansant au son d’une mélodie que nous étions les seuls à entendre, en une chorégraphie parfois langoureuse et sensuelle, parfois avide et passionnée. Mes mains gagnèrent en audace et commencèrent à descendre le long de son torse, caressant ses abdominaux au passage pour se rendre à un endroit bien précis, situé un peu plus en aval.

Toutefois, il saisit fermement mais tendrement mes poignets, stoppant cette action qui venait de ma propre initiative tout en me rassurant du regard quant à ses intentions. Sans me lâcher des yeux, il s’approcha de moi et après un énième baiser, il m’invita à m’allonger sur les draps immaculés.  Sans trop savoir comment, je sentais qu’il me demandait de lui faire confiance et de fermer les yeux sans tenter quoi que ce soit, me réduisant à un état de passivité total. Je ne pouvais cependant m’empêcher de craindre la suite, avançant à tâtons vers l’inconnu. Il tenta de me rassurer comme il le pouvait, m’offrant un baiser empli de tendresse que jamais je n’avais connu. Passablement rassuré sur ses intentions, je fermais les yeux tout en lâchant un soupir de bien être. J’attendis plusieurs secondes sans trop savoir ce qui allait m’arriver ni à quel moment cela allait se produire.

Soudain, je sentis une pluie de douceur tomber sur moi enivrant mon odorat d’un doux parfum floral. A ce contact, je plissais tout de même le front d’interrogation et mon corps frémis de part en part sans trop savoir ce qui m’arrivait. Lorsque cette pluie de caresses qui semblait être due à la caresse de pétales de fleurs cessa, je sentis ses lèvres effleurer à peine ma bouche entrouverte, laissant mon corps alanguis dans les draps. Toujours je gardais les yeux fermés, ne rompant pour rien au monde l’ordre silencieux qu’il m’avait donné. Je sentis soudain glisser sur moi, le long de mon visage, quelque chose d’étonnement doux. L’odeur qui envahi alors mes narines ne me laissa plus aucun doute quant à l’espèce de fleur dont il se servait. Cela devait être une des roses qui était posées dans le vase à côté du lit.

Lentement et en une caresse éthérée, telle un courant d’air, il explora mon visage, redessinant les traits fins de mon faciès, s’attardant d’avantage sur mes lèvres, m’offrant encore plus de sensations nouvelles. Ivre de ses caresses, je ne pouvais m’empêcher de me sentir transporté lorsqu’il entreprit d’effleurer la peau sensible et fragile de mon cou, encore vierge de tout autre attouchement de la part d’autres personnes.

A aucun moment, il ne me toucha de sa peau, ne m’offrant que des caresses à l’aide de sa rose. J’en éprouvais d’ailleurs une sorte de frustration, souhaitant des contacts un peu plus prononcés que la simple caresse d’une rose qui m’offrait beaucoup. Il était indéniable que je prenais du plaisir. Plusieurs fois des soupirs de contentement s’échappèrent de mes lèvres entrouvertes, prouvant que j’appréciais malgré tout le traitement reçu. Mon corps tressaillait et se cambrait violemment lorsque la rose venait effleurer une zone érogène de mon anatomie, la fine ligne verticale qui descendait jusqu’au nombril. Grisé par ses sensations et enivré par les effluves du parfum suaves des roses, je me sentais partir, subissant la plus douce et délicieuse de toute les tortures.

Il finit par abandonner mon torse pour amorcer une lente descente vers la partie la plus sensible de mon anatomie, le point culminant de mon plaisir et de mon désir encore vierge de caresses. Alors que les pétales de la rose effleuraient mon intimité, je me surprenais à laisser s’échapper un gémissement rauque et des grognements bestiaux qui grondaient dans ma gorge. Attisé par cet attouchement des plus intimes et brûlant, je me mis à onduler inconsciemment du bassin, dans l’espoir vain de renouveler et approfondir ce frôlement qui m’avait attisé au plus haut point.

Sous ses caresses interposées, je découvrais une passion et un feu nouveau que je n’avais encore jamais ressenti auparavant. Chaque sensation était décuplée, le moindre frôlement de la rose s’attirait de ma part un déhanchement dépourvu de toute honte dans une piètre croyance de se voir réitérer cette exquise chaleur. A mon plus grand bonheur, il accéda à ma requête, m’offrant mille plaisirs jamais connu. Le pire dans tout cela, était que j’étais comme envoûté et avide de bien plus à chaque instant.

Il me sembla alors qu’il m’intimait de me retourner afin d’exposer mon dos à son regard gourmand qui vrillait mes reins de désir tout aussi puissant. Sans ouvrir les yeux, comme il me le demandait, je me retournais accédant à sa requête sans la moindre hésitation et m’allongeais sur le ventre écartant légèrement les jambes pour satisfaire ses désirs. Ce ne fut que lorsque je fus confortablement installé qu’il reprit enfin son manège partant de ma nuque sur laquelle il ne s’attarda pas indéfiniment, pour se concentrer sur ma colonne vertébrale.

Un violent frisson me parcourut l’échine à ce doux frôlement. Jamais je n’avais ressenti pareilles sensations et encore moins prendre autant de plaisir. Cet homme m’offrait, contraint et forcé m’empêchant de faire quoi que ce soit, le plus doux viol qui n’ait jamais existé, le maquillant si parfaitement qu’il parvenait presque à me le faire oublier.

Mon corps, totalement à son écoute, réagissait au moindre effleurement, même le plus infime, trahissant le fait que j’étais encore ignorant des plaisirs charnels. Cet homme était en train de s’offrir mon corps inviolé et plusieurs fois je l’entendis gémir d’impatience, me laissant avancer à tâtons vers l’inconnu. Après un moment de ce traitement, lorsque mon corps ne réagit plus aussi intensément qu’aux premiers effleurement, il descendit à la découverte de la chute de mes reins et du haut de mes fesses, passant et repassant à cet endroit, poussant parfois le vice jusqu’à laisser la rose glisser entre mes fesses, me faisant instantanément pousser un gémissement étouffé par les draps. J’avais maintenant de plus en plus de mal à me retenir de me libérer et pourtant, je faisais comme je le pouvais, usant de toutes mes forces et de mon sang froid. L’homme sembla s’en apercevoir et choisit ce moment là pour stopper tout mouvement, m’arrachant un couinement de mécontentement qui semblait proche d’un éclat de sanglot. Mon corps ondulait éhonteusement, dans un mouvement qui m’était jusqu’alors inconnu, à la recherche d’une caresse plus poussée, de manière à la fois sensuelle et terriblement indécente.

Cette torture intenable d’être dans l’attente, prit fin à mon plus grand plaisir lorsque je sentis ses doigts humides glisser le long de ma colonne vertébrale, s’attardant sur la chute de mes reins, titillant mon intimité afin de me détendre. J’ignorais ce qui se passerait par la suite et une légère crainte ne pouvait s’empêcher de s’insinuer en moi. Alors que ses doigts jouaient avec mon intimité, détendant mes muscles à chaque fois un peu plus, je sentis quelque chose pénétrer en moi avec une lenteur infinie. Mon corps se tendit légèrement sous cette intrusion et mes doigts se crispèrent sur les draps. Je ne pouvais pas dire que j’avais mal mais pourtant il fallait laisser un peu de temps à mon corps et mon esprit pour se faire à cette présence et cette idée. Me pénétrant ainsi, cet homme touchait quelque chose de bien plus intime qu’avec ses simples caresses.

La suite se déroula cependant très bien, la chaleur montait de plus en plus en moi, grisant mon corps jusqu’à en demander toujours plus. Seulement lorsqu’il inséra un troisième et dernier doigt en moi, je laissais s’échapper un cri de douleur. Si le plaisir qu’il m’avait apporté jusque là était puissant, la douleur et la souffrance que je vivais à présent m’avaient trop violemment fait redescendre sur terre.

Aussitôt, l’homme cessa tout mouvement, se penchant au dessus de moi, il prit possession de mes lèvres, certainement pour me faire oublier la douleur qu’il était en train de m’infliger. Peu à peu, je finis par m’y habituer, finissant par onduler de moi-même en un lent déhanchement érotique alors que je croyais ne jamais prendre de plaisir avec cette douleur. Je m’empalais maintenant, toujours plus profondément sur ses doigts, voulant toujours plus, sans chercher à étouffer mes gémissements de plaisir.

C’est alors qu’il stoppa toute action et retira ses doigts de mon intimité, s’attirant de ma part un gémissement rauque de frustration. Je l’entendis s’affairer à je ne sais quoi dans mon dos et d’un simple coup d’œil, je vis qu’il venait de se dévêtir, cachant très mal son excitation de plus en plus imposante et puissante.

C’est alors qu’il esquissa un ample mouvement pour me pénétrer. Alors qu’il s’enfonçait lentement en moi, je fus assailli de sensations intenses que jamais je ne me serais cru capable de ressentir. Je pouvais sentir en moi sa peau tendue et brûlante me vrillant les reins de plaisir. Certes sa présence était imposante, mais avec sa préparation et la lenteur de sa pénétration, je ne ressentis au départ qu’une gêne et des sensations auxquelles je ne pouvais donner de nom. Le sentir ainsi en moi était le souhait ultime, le comble du manque que j’avais ressenti jusqu’à maintenant.

Il posa soudain ses mains sur mes hanches, m’incitant à écarter les cuisses et à relever les fesses, avant de me pénétrer d’un grand coup de bassin, ample mais profond, qui me fit voir les étoiles. Les mains crispées dans les draps, le dos cambré, je ne cherchais même plus à me raccrocher à la réalité, perdu dans les limbes du plaisir.

La chaleur de mon corps n’avait de cesse d’augmenter, ayant l’impression de lui appartenir totalement, grisé par le désir d’aller plus loin. Il sembla le sentir car il entama alors un ample et régulier mouvement de va et vient qui attisa cette passion qui prenait forme en moi. Jamais je n’aurais pu m’imaginer qu’il puisse m’offrir de telles sensations et alors que mon corps ondulait au même rythme que le sien, en une antique chorégraphie sensuelle et érotique, des petits cris d’animal sauvage s’échappaient de ma gorge se mêlant harmonieusement aux mélodies des violons qui jouaient à un rythme endiablé, alors que la réception atteignait son apogée.

Il garda un moment le même rythme ample et lent, semblant prendre sur lui pour ne pas accélérer. Sentir son corps brûlant se mouvoir ainsi au dessus de moi ne faisait que me rendre un peu plus fou d’ivresse.

Tout à coup, semblant avoir atteint les limites de sa patience, il esquissa un mouvement pour se retirer puis, me saisissant par les hanches, il m’attira violemment à lui, me pénétrant plus violemment et plus profondément en gémissant son plaisir, tandis que je me cambrais violemment en étouffant tant bien que mal un cri de plaisir, les yeux fermés et une expression extatique affichée sur mon visage.

A mon plus grand plaisir, il réitéra son geste encore et encore, jusqu’à m’arracher un cri de plaisir à l’état brut, frôlant de plus en plus le point de mon plaisir ultime. Ma peau luisait d’une fine pellicule de sueur, ne pouvant de cette chaleur envahissant mon corps. C’est alors que je sentis ses doigts passer finement le long de ma colonne vertébrale. Ce geste fut de trop et je dus me contracter violemment sous lui afin de ne pas venir si vite, voulant profiter encore et encore. S’en apercevant, il retira aussitôt sa main de mon dos et ralentit la cadence de ses déhanchements avant de se stopper totalement et de se retirer de moi. Un sanglot de mécontentement et de frustration accueillit son initiative mais cela ne le fit pas céder pour autant. Heureusement, il me vola un baiser ardent et fiévreux, me faisant oublier un instant ce manque, mêlant nos langue avec une ferveur dévorante. Il m’intima alors mentalement de me retourner et c’est ce que je fis sans chercher à comprendre d’où il sortait ce pouvoir et de quelle manière il s’y prenait depuis le début pour me faire céder.

Obéissant docilement à son ordre muet, je me retournais avec une grâce féline que je ne me connaissais pas. Ecartant les jambes, j’en passais une de chaque côté de lui en une invitation explicite et terriblement sensuelle. Il ravit une fois de plus mes lèvres, m’entraînant dans un baiser des plus passionnés tout en me pénétrant de nouveau. D’un ample et habile coup de reins, il fut de nouveau profondément en moi, touchant cette fois-ci du premier coup, le point le plus sensible de mon anatomie. Les lèvres entrouvertes en un cri muet, j’étais sur le point de me libérer, ne sachant cette fois-ci plus me retenir. Il accéléra la cadence, semblant être très proche de mon état. A ses gémissements, se mêlaient mes petits cris érotiques. Alors qu’il me pénétrait une ultime fois en un violent coup de bassin, je me libérais sur mon ventre dans un cri muet tandis que mon corps s’arquait brusquement et que je rejetais ma tête en arrière devant le trop plein de sensations. A son tour, il se libéra, sentant sa semence se répandre en moi, me marquant à jamais de son sceau invisible et indélébile.

C’est à ce moment là seulement que j’osais poser mon regard sur lui. Son esprit semblait tout comme le mien, encore embrumé de la jouissance que nous venions de vivre. Me fixant, il sembla se passer quelque chose en lui et une lueur que je ne n’aurais su décrire, n’appartenant pas au monde des hommes, illumina son regard.

Sans prévenir, il enfouit son visage dans mon cou, me faisant frissonner, curieux de ce qu’il allait encore me faire.

Pendant un temps qui me parut terriblement long et à la fois si court, il ne se passa strictement rien. Tout à coup, il se jeta bestialement sur mon cou, m’offrant la douleur vive d’une morsure de crocs acérés en plein dans la veine qui palpitait de vie. Si j’avais voulu me débattre, je savais que cela n’aurait pas été possible. Lentement, il aspirait ma vie, réalisant seulement maintenant que cet homme irréel n’était autre qu’un vampire. Cette morsure était tout autant douloureuse qu’étrange. Peu à peu, je me sentais partir, chacun de mes muscles s’engourdissant.

La mort était proche, bien trop proche et mon esprit embrumé perdait toute notion humaine. Lentement mais avec violence, ce vampire se nourrissait de ma vie après s’être servit de mon corps. L’emprise qu’il avait eu sur moi s’estompait en même temps que son appétit était satisfait.

Les yeux fermés, j’abandonnais mon instinct de survie, me laissant mourir et n’ayant pas d’autre choix, presque vidé de la totalité de mon sang alors qu’il écartait sa bouche de mon cou ensanglanté. Très peu de temps après, au bord du gouffre de la mort, je sentis un liquide chaud et visqueux qui manquait terriblement à mon corps couler sur mes lèvres. Sans réfléchir, par pur automatisme et par un instinct que je ne me connaissais pas, j’aspirais ce liquide avec une avidité telle, craignant de ne pas en avoir assez, ne répondant que par la nécessité de mon corps vidé.

Mon corps recouvert de sang, je sentais peu à peu l’idée de mort et de vie me quitter, sans trop savoir comment ni pourquoi. Le vampire me retira vivement son poignet sans que je n’en connaisse la raison. Une faim sourde prit naissance au plus profond de moi, une faim de ce sang auquel je venais de goûter, telle le premier lait qu’une mère offre à son nourrisson.