Archive pour octobre 2012

Mourir pour revivre - Chapitre 6

Mercredi 17 octobre 2012

Chapitre 6 écrit par Lybertys

Daevlyn se réveilla de multiples fois cette nuit là, le corps tout en sueur dû à l’agitation de son sommeil ponctué de cauchemars lui semblant si réel. C’est pourquoi, il eut énormément de mal à se lever tôt le lendemain matin. Il décida de se lever lorsqu’il entendit des petits foulées dans le couloir. A la manière dont cet enfant posait les pieds et se déplaçait, il ne douta pas de son identité. Pourquoi était-il aussi effrayé par le monde extérieur. La question “qu’avait-il vécu ?” n’avait de cesse de revenir hanté son esprit. A cette question, il n’avait pas de réponse. Même dans son dossier rien n’était marqué à ce sujet. Il s’étira avant de s’extirper de son lit non sans un dernier bâillement. Il se rendit dans sa douche personnelle, un des privilèges des moniteurs. Il se lava et prit soin de se passer plusieurs fois de l’eau fraîche sur le visage, voulant cacher au mieux la fatigue et l’agitation qui l’habitait à ce moment même.

Il se décida enfin à sortir, après avoir enfilé ce qui lui tombait sous la main en ouvrant son placard. Un simple jean/t-shirt ferait l’affaire. Il marcha dans les couloirs, s’avançant vers la dernière chambre au niveau des douches. Il allait devoir réveiller dix ados qui n’avaient aucune envie particulière de se lever. Alors qu’il passait devant la porte des douches, il se trouva nez à nez avec Raphaël. Celui-ci sursauta et émit un hoquet de surprise. Mais Daevlyn remarqua une nuance. Il ne paraissait pas aussi effrayé qu’au premier jour où il avait faillit le toucher en prenant son sac. C’était peut être une nuance minime, mais qui avait une importance très particulière au yeux de Daevlyn. Raphaël s’étant écarté de lui, comme à son habitude, Daevlyn pu l’observer à loisir.

Il portait toujours le même genre de vêtement noir, ne laissant pas apparaître au grand jour la moindre parcelle de peau, mais cette même beauté émanait de lui chaque jour.

Il ne put s’empêcher de lui faire son plus beau sourire, à la joie de cette agréable vision de bon matin. Il ne voulait surtout pas qu’il s’aperçoive de son malaise.

- Tiens ! Bonjour Raphaël ! Déjà levé ?

Comme à son habitude, le brun se contenta d’hocher affirmativement la tête en prenant soin d’éviter son regard. Ne s’en formalisant pas, Daevlyn s’écarta pour le laisser passer et le regarda s’enfuir, hypnotisé par sa longue natte qui suivait le moindre de ses mouvements.

Lorsque celui-ci disparut, Daevlyn se reprit, et fit ce qu’il devait faire : réveiller tout le monde.

Ayant fini cela, et voyant que Raphaël n’était pas ressorti de sa chambre, il frappa à sa porte.

- Raphaël, tu es là ? Nous devons aller prendre le petit déjeuner. Raphaël…

N’entendant aucune réaction, il s’inquiéta. S’était-il rendormi ? Ou… Ne voulant pas s’imaginer le pire il ouvrit la porte précipitamment. Il soupira de soulagement lorsqu’il vit sa petite silhouette assise en tailleur sur le sol.

Il resta sur le pas de la porte ne voulant pas pénétrer dans ce lieux trop personnel sans autorisation. Mais intrigué au sujet de son occupation, il lui demanda :

- Raphaël ? Qu’est-ce que tu fais assit par terre ?

L’adolescent sursauta et avec empressement, il cacha ce qu’il faisait sous son lit. Voyant la réaction de Raphaël, Daevlyn ajouta :

- Je t’ai appelé, mais comme tu ne répondait pas, je me suis dit que tu t’étais peu être rendormi. J’espère que je ne t’ai pas dérangé ?

L’adolescent hocha  négativement la tête et accompagna Daevlyn jusqu’au réfectoire. Sur le chemin, Daevlyn prit la parole n’aimant pas particulièrement les longues périodes de silence.

- Tu as bien dormi ?

Raphaël hocha la tête, et souri timidement. Arrivé au réfectoire, il durent se séparer, mais Daevlyn ne pu se retenir de lui dire :

- Dis Raphaël, mange un peu plus que d’habitude ce matin. Tu sais les journées sont fatigantes ici, et si tu t’alimentes pas plus tu ne tiendras pas le choc. Bon appétit.

Ils se séparèrent, sur ce dernier mot de l’adulte, et chacun regagna sa place.

Daevlyn n’avait pas pu s’en empêcher. Voir cet enfant déjà si frêle manger si peu lui était insupportable. Il espéra que celui-ci ne l’avait pas mal pris.

Alors qu’il allait se rendre dans le hall après avoir mangé, Sébastien lui barra la route. Il se contenta d’un simple :

- Dans mon bureau.

Daevlyn le suivit sans trop faire d’histoire, sachant que lorsqu’il affichait ce visage, il ne fallait pas trop discutailler.

- Assieds toi.

Daevlyn prit place en face de lui, seul le bureau les séparant.

- Qu’est ce que ne va pas Daevlyn. Tu as une tête à faire peur. C’est lié à ce Raphaël ?

- Non ! Pas du tout ! répondit Daevlyn immédiatement.

- Alors qu’est qui t’arrive.

- Une petite rechute… Mais ça va aller.

Dès le premier jour de son arrivée ici, Daevlyn avait eut de gros problème lié à la dépression. De petite rechutes lui arrivait de temps en temps, mais généralement, cela ne durait pas longtemps.

- C’est…

- Oui, se contenta-t-il de répondre simplement.

Cette tristesse, ce désespoir qui l’habitait et ne le quittait jamais, était toujours là, au plus profond de lui, menaçant de resurgir à chaque instant. Il luttait constamment contre celui-ci mais avait jusqu’à aujourd’hui toujours réussi à le vaincre.

Daevlyn se leva et quitta le bureau de Sébastien sans un mot. Il n’y avait plus rien à ajouter. Il savait que Sébastien s’inquiétait pour lui, mais il n’y pouvait rien.

Il partit directement rejoindre Raphaël. Il avait du retard, et il espéra que celui-ci n’ai pas trop attendu.

Le voyant tout seul de dos, il se maudit de l’avoir fait attendre. C’était entièrement sa faute.

- Je te prie de m’excuser pour mon retard, je devais finir quelque chose d’important, ajouta Daevlyn en se tournant vers le jeune garçon. Raphaël ? Quelque chose ne va pas ?

Il paniqua lorsqu’il vit les yeux embués de l’adolescent. Aussitôt il lui demanda devant son air d’incompréhension :

- Pourquoi pleures tu ?

Étonné, Raphaël porta ses doigts à ses joues. Du revers de sa manche, il essuya les perles d’eau salée qui coulaient sur ses joues pales et se sécha les yeux.

Daevlyn se sentait impuissant face à ces larmes, et il ne pouvait même pas le prendre dans ses bras pour le consoler. De plus, il ne savait pas vraiment pourquoi, mais il se sentait coupable de ces larmes…

- Ça va mieux ? Questionna Daevlyn en lui adressant un sourire bienveillant.

Raphaël hocha la tête en signe d’acquiescement et partit en direction des écuries, sous le regard amusé de Daevlyn qui lui emboîta le pas.

Ils passèrent une après midi très agréable, tous deux, isolés des autres. Daevlyn était impressionné par la rapidité avec laquelle Raphaël apprenait et retenait toutes les choses qu’il lui enseignait. Jamais il n’avait eu un élève aussi sérieux et assidu.

Il avait prévu de le faire monter à cheval ce jour là, mais le repoussa au lendemain, jugeant que cela serait préférable pour sa première fois.

Ils finirent leur journée plus tôt que l’autre jour, et Daevlyn décida de lui laisser du temps libre qu’il pouvait utiliser à loisir. Il le laissa partir.

Puis il alla chercher de nouveau son cheval et s’autorisa une petite balade calme. Il savait que c’était une des meilleures chose à faire lorsqu’il était dans cet état. Après une petite heure, il rentra à l’écurie, offrit un bon pansage à son cheval pour le remercier, le ramena, puis prit paisiblement la direction de sa chambre pour se prendre comme il l’avait conseillé précédemment à Raphaël : une bonne douche. Il fit cela assez rapidement et se rendit au réfectoire. Il vit avec un pincement au cœur Raphaël exclu des autres. Il aurait tant aimer aller s’asseoir près de lui et le sortir de cette solitude et de ce renfermement. Comme à son habitude, celui-ci toucha à peine à son repas et partit avant tout le monde.

Daevlyn finit son repas, et décida s’aller le rejoindre pour lui parler un peu, ou juste pour lui tenir compagnie s’il le souhaitait. Alors qu’il s’approchait de la porte d’entrée de la bibliothèque, il vit celle-ci s’ouvrir brusquement dévoilant un jeune garçon en pleurs.

Celui ci tenta de le retenir ; mais ces appels furent vains. Quel lui était-il encore arrivé ?

Il parti donc à sa poursuite, ne pouvant pas le laisser seul dans cet état. Il le vit s’effondrer à genoux dans le parc, et se dépêcha de parcourir les deniers mètres qui les séparait.

Voir ce petit corps en détresse si faible lui fendait le cœur. Comment diable pouvait-on faire souffrir un enfant comme cela. Il maudit celui qui l’avait rendu ainsi…

Ne sachant pas vraiment comme l’approcher, il dit simplement :

- Raphaël ?

L’interpellé ne réagit pas à l’annonce de son prénom. Noyé dans ses sanglots, il serrait les poings, arrachant l’herbe sous ses mains. Il se balançait d’avant en arrière, en une cadence régulière.

Daevlyn s’assit à quelques pas de Raphaël, il savait parfaitement que tant qu’il était dans cet état, il serait dans l’incapacité d’entendre la moindre parole. Il attendit donc patiemment qu’il se calme de lui-même. Cela pouvait durer quelques minutes ou même une heure, il attendrait le temps qu’il faudra, mais ne le laisserait pas seul.

Ce fut une vingtaines de minutes plus tard que l’adolescent commença à se calmer. Petit à petit, ses sanglots se calmèrent et sa respiration se fit moins saccadée, reprenant difficilement un rythme régulier.

Quand ses sanglots se tarirent pour laisser place à des larmes silencieuses, Daevlyn prit la parole. Il avait longuement réfléchi à ce qu’il allait lui dire, et choisit ses mots avec la plus grande précaution.

- La première chose que je tiens à te dire, est que tant que tu resteras là et que je serais à tes côtés, il ne t’arriveras rien. Tu es en sécurité ici, et rien ne pourra t’arriver. Je ne sais pas ce qui t’effraies autant, mais si tu as besoin de parler, même par écrit, je serais toujours là pour te lire ou t’écouter. Je ne te dit pas cela uniquement parce que c’est mon boulot. Ce que je te dis viens du plus profond de mon cœur. Je tiens à t’aider du mieux que je peux, et je suis prêt à tout pour ça. Il ne tiens qu’à toi de faire le premier pas. Je…

Daevlyn prit une profonde inspiration et poursuivit.

- Je n’ai pas eu une vie facile moi non plus, et je ne dis pas que la mienne est pire que la tienne, mais… il y a une jour où il faut redresser la tête et saisir le bras tendu qui s’offre à nous. Et c’est ce que je fais Raphaël, je te tends mon bras et il ne tiens qu’à toi de le saisir.

Daevlyn s’arrêta et vint s’asseoir prêt de lui, gardant une distance respectable.

- Quand j’avais ton âge, et encore aujourd’hui, j’adorais venir ici le soir. Je m’étend sur l’herbe et j’admire le ciel étoilé.

Daevlyn s’allongea et admira le ciel. Avec une légère appréhension Raphaël l’imita.

Daevlyn continua à lui dire quelques mots, mais le silence fini par s’imposer devant la beauté éblouissante de ce qui s’offrait à leur yeux.

Ce ne fut que bien plus tard qu’ils rentrèrent, le froid devenant trop saisissant.

Il rentrèrent au dortoir bien après que la nuit soit tombée. Un des moniteurs avait remplacé Daevlyn et les adolescents étaient tous couchés. Daevlyn envoya Raphaël prendre une douche chaude et alla lui préparer une tasse de chocolat.

Il resta avec lui jusqu’à ce qu’il soit couché. A peine l’adolescent s’était il entendu dans son lit, qu’il sombra dans un profond sommeil sans rêves. Le voyant ainsi dormir paisiblement, Daevlyn consentit à regagner sa chambre après un dernier tour de garde.

Le sommeil, il ne le trouva pas…  Dès qu’il fermait les yeux, il revoyait… Il sentit de nouveau cette boule d’angoisse lui enserrer le cœur si fort qu’il avait l’impression d’étouffer. Jamais il ne s’était sentit autant oppressé. Il fallait qu’il sorte, il ne pouvais pas restait dans cette pièce, il avait besoin d’espace et cet espace il ne le trouverai certainement pas à l’intérieur de cette chambre qu’il trouvait soudainement trop exiguë. Les larmes aux yeux, il se dirigea vers la porte de sa chambre. Seulement, sous la panique, il trébucha, perdit l’équilibre et tomba dans un fracas assourdissant. Mais cela ne l’arrete pas il se releva, saisit la poignet et s’extirpa de cette chambre. Seulement, il heurta de plein fouet un personne qui se mit à hurler et à le repousser violemment. Raphaël le regardait droit dans les yeux complètement perdu et affolé de voir Daevlyn dans cet état. Celui-ci ne s’occupa pas de lui, trop honteux qu’il le voit ainsi, il partit en courant. Il courut loin, toujours plus loin, voulant quittait ce lieu comme si sa propre vie était menacée.

Arrivé près d’un arbre au milieu du parc des chevaux, il s’y adossa et il hurla. Il hurla si fort qu’il eut l’impression qu’on l’entendait de l’autre côté des montagnes. C’était la seule manière d’évacuer sa peine. Puis, n’ayant plus aucune force, il s’adossa à l’arbre et glissa jusqu’à se retrouver assis sur le sol déjà humide de rosée. Totalement perdu, il se laissa aller à pleurer. Ce n’est qu’une heure plus tard, qu’à bout de force, il s’endormit.

Mourir pour revivre - Chapitre 5

Mercredi 17 octobre 2012

Chapitre 5 écrit par Shinigami

Lorsque Raphaël ouvrit les yeux, il fut étonné de voir que la pièce était toujours plongée dans la pénombre. Il se tourna dans son lit et par les volets laissés entrouverts, il regarda le ciel. Les ténèbres de la nuit laissaient doucement place à un nouveau jour tandis que la lune se mourrait lentement dans le ciel qui se teintait de rose.

Il jeta alors un coup d’œil à son réveil, et avisant l’heure, il jugea inutile de se rendormir pour si peu. Il s’étira longuement à la manière d’un félin, et d’un coup de pied, il repoussa ses draps au pied du lit. Avec paresse, il se prélassa encore quelques secondes dans son lit avant de s’extirper de cette agréable chaleur.

Raphaël se dirigea vers son armoire de laquelle il sortit un de ses éternels jeans noirs et un T-shirt à manche longue de la même couleur. Avant de quitter sa chambre, il attrapa sa serviette de bain et son nécessaire de douche.

Il s’enferma dans une des nombreuses cabines et commença à se laver, évitant un maximum de regarder ce corps qui était le sien, si répugnant à ses yeux.

Chaque jour, le passage à la douche représentait une corvée pour lui. Être obligé de supporter la vue de ce corps qui le dégoûtait devenait de plus en plus difficile. Devoir supporter quotidiennement de corps qui lui inspirait une profonde répulsion devenait de plus en plus difficile pour le jeune garçon. Ne pas pouvoir se mettre en T-shirt comme tout le monde, ou simplement torse nu lorsque la chaleur était trop élevée, ne faisait que renforcer l’état de mal être dans lequel il se trouvait. Mais le pire de tous, c’était les regards moqueurs des autres ados qui le traitaient alors de  « saint nitouche » ou de « pucelle effarouchée ».

Raphaël s’était construit une carapace, un masque impassible que son visage abordait chaque jour que Dieu fait, afin que personne ne puisse lire ce qu’il ressentait au fond de lui. C’était une manière comme une autre de se protéger contre les hommes et leur méchanceté.  Car même s’il n’en montrait rien, les insultes et les critiques qu’ils recevaient à longueur de journée le blessait profondément. Il se lava rapidement le corps ainsi que ses longs cheveux noirs. Puis, ne souhaitant pas s’attarder plus que ça, il s’essuya négligemment et enfila ses vêtements. Une fois habillé, il sortit de la cabine de douche et entreprit de se sécher les cheveux.

Il les démêla avec une attention toute particulière et les natta en vitesse. Après quoi, il rassembla ses affaires et se hâta de rejoindre sa chambre. Au moment de sortir, il tomba nez à nez avec Daevlyn.

Ne s’attendant pas à le voir débarquer, il sursauta et émit un hoquet de surprise avant de se reculer précipitamment à une distance qu’il jugea satisfaisante.

Daevlyn sembla aussi surprit que lui, mais n’en fit rien paraître. Il adressa un sourire resplendissant à l’adolescent :

- Tien ! Bonjour Raphaël ! Déjà levé ?

Comme à son habitude, le brun se contenta d’hocha affirmativement la tête en prenant soin d’éviter son regard. Ne s’en formalisant pas, Daevlyn s’écarta pour le laisser passer et le regarda s’enfuir, hypnotisé par sa longue natte qui suivait le moindre de ses mouvements.

De retour dans sa chambre, Raphaël ouvrit la fenêtre puis fit son lit. Ayant encore du temps devant lui avant d’aller prendre son petit déjeuner, il prit un carnet de feuilles blanches et un crayon puis s’assit en tailleur à même le sol. Inspiré, il commença à dessiner ce qui lui passait par la tête.

Il  fut sortit de sa concentration lorsqu’une voix retentit dans sa chambre :

- Raphaël ? Qu’est-ce que tu fais assit par terre ? Demanda Daevlyn intrigué.

L’adolescent sursauta et avec empressement, il cacha ce qu’il faisait sous son lit. Voyant la réaction de Raphaël, Daevlyn ajouta :

- Je t’ai appelé, mais comme tu ne répondait pas, je me suis dit que tu t’étais peu être rendormis. J’espère que je ne t’ai pas dérangé ?

L’adolescent hocha  négativement la tête et accompagna Daevlyn jusqu’au réfectoire. Là, ils se séparèrent, sur un dernier mot de l’adulte, et chacun regagna sa place.

Une demi heure plus tard, les adolescents se réunirent dans le hall d’entrée et partirent avec leur moniteur respectif. Raphaël resta seul, debout face à la porte. Ou était Daevlyn ? Pourquoi n’était il pas avec les autres ?

«  A-t-il finalement changé d’avis ? Il a du prendre conscience de ce à quoi il s’engageait et n’a finalement pas eu envie de s’occuper de moi… »

A ces pensées, les yeux de Raphaël se mirent à briller.

A ce moment, une voix qu’il reconnaîtrait n’importe ou s’éleva dans son dos :

- Je te prie de m’excuser pour mon retard, je devais finir quelque chose d’important, ajouta Daevlyn en se tournant vers le jeune garçon. Raphaël ? Quelque chose ne va pas ?

Devant l’air interrogatif de l’adolescent, il ajouta :

- Pourquoi pleures tu ?

Étonné, Raphaël porta ses doigts à ses joues. Il pleurait… Il ne s’en était même pas rendu compte…

Du revers de sa manche, il essuya les perles d’eau salée qui coulaient sur ses joues pales et se sécha les yeux.

- Ça va mieux ? Questionna Daevlyn en lui adressant un sourire bienveillant.

Raphaël hocha la tête en signe d’acquiescement et partit en direction des écuries, sous le regard amusé de Daevlyn qui lui emboîta le pas.

Arrivé aux écuries, Raphaël prit le licol de Diamond Dust et attendit que Daevlyn fasse de même puis ils se dirigèrent côtes à côtes vers le parc, non sans garder une certaine distance entre eux.

Les voyant arriver, les animaux levèrent la tête et Waterfalls se mit à hennir en arrivant au petit trot. Raphaël lança un regard intrigué à l’adulte qui lui expliqua les raisons de son comportement.

Lentement, la main tendue devant lui, Raphaël s’approcha de Diamond Dust. L’animal leva la tête lorsqu’il l’entendit approcher et fit quelques pas dans sa direction.

Les yeux pétillants de bonheur, Raphaël posa sa main sur le chanfrein de l’animal et le caressa longuement.

« Bonjour Diamond Dust. Tu vas bien ? Nous allons encore passer la journée ensemble aujourd’hui… J’espère que cela se passera bien,  toi aussi hein ? Tu m’as l’air bien pressé de sortir toi ! Dois-je penser que tu es satisfait de la façon dont je m’occupe de toi ? »

Le cheval se frotta contre sa main et Raphaël lui gratta derrière l’oreille.

«  Je suis ravis que l’on s’entende aussi bien toi et moi… J’aimerai bien devenir ton ami tu sais… tu serait mon premier ami… Tu es le seul avec Daevlyn qui semble m’accepter tel que je suis… je t’en remercie infiniment, ça me touche beaucoup… »

Raphaël lui passa le licol comme Daevlyn le lui avait apprit la veille et marcha devant son cheval jusqu’à l’entrée du parc ou l’attendait l’adulte.

Ils menèrent leur cheval à la barre d’attache près des écuries et Daevlyn partit chercher la caisse de brosse tandis que Raphaël leur donnait à chacun un tas de foin.

Quand il revient Daevlyn lui adressa un sourire qui fit comprendre à l’adolescent qu’il avait eut une bonne initiative.

Sans qu’il ne sache s’expliquer pourquoi, il voulait que Daevlyn soit fier de lui. Il voulait lui montrer qu’il était autant capable que les autres pour prendre des initiatives et les mettre en oeuvre. Voir les sourire approbateurs de Daevlyn était le leitmotiv de l’adolescent.

«  C’est bizarre, le voir me sourire comme il le fait en ce moment, empli mon cœur de joie…J’ai peur de le décevoir… Je dois déjà être bien bas dans son estime… je voudrais tellement qu’il soit fier de moi… me prouver que je peut être aussi bien que les autres… »

Ce fut la voix de Daevlyn qui sortit Raphaël de ses réflexions. Ce dernier, honteux, se mit à rougir et regarda ses pieds.

- Maintenant que tu sais faire, tu vas brosser ton cheval comme je t’ai appris hier et lui curer les pieds. Je t’expliquerai après le programme. D’accord ?

Comme à son habitude, Raphaël hocha la tête en guise d’approbation  et prit une étrille en fer dans la caisse.

Avec douceur mais fermeté, il commença à brosser son cheval. Il passa l’étrille sur toutes les parties charnues afin de décoller la poussière. Il éternua plusieurs fois face au nuage de poussière qui s’élevait de la robe noire et blanche de son cheval, sous le regard mi amusé, mi attendri de Daevlyn. Après quoi, il prit le bouchon et la passa dans le sens du poil afin d’enlever toute la poussière. Il s’accroupit près des genoux de l’animal et tenta de décoller la terre séchée au niveau du boulet. Il répéta les même geste sur chaque jambe puis lissa la robe noire avec la brosse douce de façon à la faire briller.

Une fois le cheval brossé, il entreprit de lui curer les pieds. Alors qu’il voulut soulever le deuxième pied de Diamond Dust, l’animal refusa de le lui donner. Avec douceur, il réitéra les mêmes geste, essayant d’analyser le pourquoi du refus. La deuxième fois, le cheval ne répondit pas non plus à sa demande.

« Pourquoi est-ce que ne veux pas me donner ton pied ? Ais-je fais quelque chose de mal ? Je ne comprend pas… j’ai pourtant fait exactement comme me l’a expliqué Daevlyn… » songea l’adolescent qui ne comprenait pas la raison du refus de l’animal.

Au même instant Daevlyn arriva à ses côtés et lui expliqua :

- Il faut que tu soit plus ferme dans ta demande, mais sans pour autant être brutal. Tu comprends ? Il faut qu’il sente que c’est toi qui commande. Continue à le lui demander jusqu’à ce qu’il te le donne en augmentant légèrement la pression sur son boulet à chaque fois. Tu vas voir qu’il va finir par te le donner.

Sous le regard de Daevlyn, Raphaël recommença encore et encore le même geste, en suivant les conseils du moniteur. Après quelques nouveaux refus, l’animal fini par céder. Fier de lui, Raphaël lança un regard reconnaissant à l’adulte, les yeux brillants d’une joie contenue.

Après avoir curer les pieds de son cheval, Raphaël démêla patiemment la crinière fournie de l’animal, prenant soin de ne pas trop tirer sur les nœud afin de ne pas casser les crins soyeux. Après la crinière, il fit de même avec la queue qu’il natta à la façon des chevaux des cow boys.

Il lui brossa le toupet, et prit d’une pulsion subite, déposa un bisou sur le chanfrein de l’animal avant de passer ses bras autour de son encolure.

- Raphaël ! Appela doucement l’adulte. Tu viens m’aider ?

L’adolescent desserra son étreinte de l’encolure du cheval et partit à la suite de Daevlyn.

- On va chercher le matériel et on va manger. Ensuite, cette après midi, je t’explique comment seller ton cheval. Ça te convient ?

Raphaël acquiesça et ils se rendirent dans la sellerie. Là, Daevlyn désigna la selle de Diamond Dust et lui montra comment la tenir, après avoir passé le filet sur son épaule.

Une fois de retour, Daevlyn lui montra comment poser la selle au sol sans l’abîmer, vérifia le nœud d’attache des chevaux et ils partirent rejoindre les autres au réfectoire.

Comme la veille, Raphaël ne mangea que le strict minimum, ce qui inquiéta l’adulte qui le surveillait sans en avoir l’air.

L’adolescent avala rapidement quelques bouchées de son plat principal et quitta la cantine d’un pas pressé.

Confortablement installé dans un fauteuil de la bibliothèque, Raphaël lisait le livre qu’il avait commencé à son arrivée, à l’écart des quelques adolescents présents dans la pièce. Lorsque ceux-ci devinrent trop bruyant au goût du jeune garçon,  il posa son livre et sortit, non sans lancer un regard désapprobateur face à l’irrespect de ses aînés.

Furieux, il marcha d’un pas rapide jusqu’au hall d’entré ou, décidant d’attendre Daevlyn, il s’assit contre le mur, lançant un regard noir à tous ceux qui passaient, se moquant de lui d’un air méprisant.

Lorsque Daevlyn arriva, sa mauvaise humeur s’envola rapidement. Inconsciemment ‘adulte avait le pouvoir de lui remonter le moral par sa seule présence et son sourire le faisait se sentir bien et en sécurité.

Il se leva prestement et accouru presque à la hauteur du châtain avant de repartir en direction des écuries.

Pendant plus d’une heure, Daevlyn lui expliqua, toute en lui montrant, comment placer le tapis et la selle américaine sur le dos du cheval, reprenant ses explications avec patience lorsque l’adolescent ne comprenait pas.

Ils recommencèrent plusieurs fois d’affilées, jusqu’à ce que Raphaël ait parfaitement intégré les gestes à éviter et l’emplacement de chaque accessoire.

Après quoi, Daevlyn lui montra comment demander à son cheval de baisser la tête afin de lui mettre le filet.

L’adolescent buvait les paroles de l’adulte avec passion. Daevlyn lui montra plusieurs fois et se recula de quelques pas afin de laisser la place à Raphaël.

Celui-ci galéra quelque peu et se tournant vers l’adulte, il lui lança un regard désespéré.

- Soit plus ferme dans ta demande. Le cheval doit sentir que tu es sûr de ce que tu veux. Tu dois avoir le tempérament d’un dominant si tu veux que Diamond Dust fasse ce que tu lui demande. Ceci est aussi valable avec n’importe quel autre cheval. Si il ne t’obéit toujours pas, il faut que tu agisse de la même façon que tu l’as fait toute à l’heure quand tu lui a prit le pied. Vas y ! Réessaye !

Raphaël fit ce que Daevlyn lui demanda, et entreprit de lui mettre le filet. Après plusieurs tentatives infructueuses, l’animal fini par ouvrir la bouche.

L’adolescent acheva de lui mettre le filet et caressa longuement sa monture afin de le remercier.

Au vue de l’heure tardive, Daevlyn décida de terminer la journée sur cette réussite. Raphaël enleva l’harnachement de son cheval et alla le ranger là ou il l’avait prit.

Ensuite, il lui donna un rapide coup de brosse et ils ramenèrent les animaux au parc.

Ayant un peu de temps devant eux avant le repas du soir, Daevlyn proposa à Raphaël d’aller prendre sa douche. Chose que le garçon accepta avec plaisir.

Une heure après, ils se retrouvaient tous au réfectoire. Les groupes d’amis se reformant, chacun racontait ses déboires de la journée.

Seul Raphaël, dans son coin, restait silencieux comme à son habitude. Il avala une tranche de pain et  trois bouchées de pizza avant de quitte les lieux et de se rendre à la bibliothèque.

Mais comme la dernière fois, il fut vite rejoint par la bande de gêneur. Agacé, il prie une feuille décida d’aller voir la bibliothécaire. Arrivé devant elle, il prie une feuille de papier et écrivit :

«  Pourriez vous leur demander de fair moins de bruit s’il vous plait ? »

La femme lui lança un regard méprisant avant de lui cracher :

- Tu es à la même enseigne que les autres. Si tu veux quelque chose tu n’as qu’à parler.

Cette réponse fit l’effet d’un coup de poing à Raphaël. Les yeux brillants de larmes, il s’enfuit en courant à travers les bâtiments. Il passa devant Daevlyn sans le voir, les yeux voilés d’une tristesse infinie et les larmes inondant son visage.

Il n’entendit pas les appels désespérés de l’adulte et arrêta sa course une fois devant le parc des chevaux. Là, il tomba à genoux et laissa libre cours à ses sanglots.  Ses cheveux détachés,  tombaient devant ses yeux et se collaient sur ses joues.

Des spasmes violents parcouraient son corps. Il ne cherchait pas à les retenir, il laissait libre court à sa colère et sa tristesse, se maudissant et maudissant le monde entier.

« Pourquoi personne ne fait l’effort de me comprendre ? J’ai déjà donné beaucoup depuis que je suis arrivé… Je tente tant bien que mal de surmonter ces barrières… Pourquoi ne comprennent ils pas qu’il me faut du temps… Je ne peux pas… C’est trop dur… Je n’y arriverait pas seul… Pourquoi ne puis-je être accepter tel que je suis ? J’ai voulu être comme les autres, j’ai voulu que l’on soit fier de moi… Mais tout ceci s’avère inutile… personne ne sera jamais fier de moi… personne ne me regardera autrement qu’avec mépris… »

Les sanglots de Raphaël redoublèrent, si bien qu’il n’entendit pas que quelqu’un approchait.

- Raphaël ?

L’interpellé ne réagit pas à l’annonce de son prénom. Il noyé dans ses sanglots, il serrait les poings, arrachant l’herbe sous ses mains. Il se balançait d’avant en arrière, en une cadence régulière.

Daevlyn s’assit à quelques pas de Raphaël, il savait parfaitement que tant qu’il était dans cet état, il serait dans l’incapacité d’entendre la moindre parole. Il attendit donc patiemment qu’il se calme de lui-même. Cela pouvait durer quelques minutes ou même une heure, il attendrait le temps qu’il faudra, mais ne le laisserait pas seul.

Ce fut une vingtaines de minutes plus tard que l’adolescent commença à se calmer. Petit à petit, ses sanglots se calmèrent et sa respiration se fit moins saccadée, reprenant difficilement un rythme régulier.

Quand ses sanglots se tarirent pour laisser place à des larmes silencieuses, Daevlyn prit la parole.

Il lui parla longuement et calmement, faisant savoir à l’adolescent qu’il était là pour lui, pour l’écouter.

Il rentrèrent au dortoir bien après que la nuit soit tombée. Un des moniteurs avait remplacé Daevlyn et les adolescents étaient tous couchés. Daevlyn envoya Raphaël prendre une douche chaude et alla lui préparer une tasse de chocolat.

Il resta avec lui jusqu’à ce qu’il soit couché. A peine l’adolescent s’était il entendu dans son lit, qu’il sombra dans un profond sommeil sans rêves. Le voyant ainsi dormir paisiblement, Daevlyn consentit à regagner sa chambre après un dernier tour de garde.

Mourir pour revivre - Chapitre 4

Mercredi 17 octobre 2012

Chapitre 4 écrit par Lybertys

Cette nuit-là, juste après l’incident, juste après avoir quitté Raphaël et rejoint sa chambre, Daevlyn ne parvint pas à retrouver le sommeil. Étendu sur son lit, les yeux grands ouverts, il ne parvenait pas à trouver le minimum de paix intérieure afin de pouvoir s’endormir de nouveau. A l’intérieur de son esprit, bouillonnait une multitude de questions et de réflexions. Il finit par se lever, trouvant inutile de rester couché à observer son plafond.

Il fit un tour rapide des chambres, et constatant que tout le monde avait sombré dans un sommeil plus que profond, même les troubles fête, il attrapa un pull et sorti.

La fraîcheur de la nuit était plus qu’agréable et contrastait vraiment avec la chaleur de la journée qui venait de passer. Il admira pendant un instant la beauté de l’immensité du ciel étoilé sans aucune pollution lumineuse qui s’offrait à lui. Il marcha droit devant lui, sans faire vraiment attention à sa direction. Ses pas le menèrent inconsciemment à l’enclos des chevaux, chemin qu’il faisait si souvent. Il aperçut les chevaux brouter paisiblement au loin et se dirigea à petits pas vers eux. Comme à son habitude, ce fut sa monture qui redressa sa tête la première, lançant un hennissement de bienvenue, suivit de celui de ses congénères. Il continua sa route vers eux jusqu’à les rejoindre et se retrouver au milieu d’eux.

Comme il aimait se sentir près d’eux, être avec eux, faire parti de leur groupe. C’était un des seuls moments où il se sentait être pleinement. Son cheval s’approcha de lui, parcourant les quelques mètres qui les séparaient. Il passa sa main sur son encolure si parfaite, laissa aller sa tête contre celle-ci, l’enfouissant dans ses crins. Là, à cet instant seulement, il put se laisser aller. Il sentit un larme couler sur sa joue, ne parvenant plus à la retenir. Elle fut suivit par une centaines d’autres larmes. Daevlyn pleurait, tentant de se consoler avec le seul être qui parvenait à l’écouter. Son cheval ne bougea pas. Il restait parfaitement immobile. C’était comme si il avait pressenti la détresse de son ami, qui venait si souvent se confier à lui. Daevlyn resta un long moment ainsi, mettant un certain temps à réussir à se calmer. Il passa une dernière fois la main sur l’encolure si puissante qui venait de recueillir sa peine, et s’écarta de lui. Il profita encore un certain temps de leur présence et partit rejoindre sa chambre. Il ne pouvait pas se permettre de s’absenter trop longtemps. On ne savait jamais ce qu’il pouvait s’y produire. Il quitta le troupeau qui le regarda partir, et remonta dans sa chambre. Il se dévêtit et s’allongea sur son lit.

Cela faisait longtemps qu’il n’avait pas craqué ainsi. Il se demanda quel pouvait être le facteur déclencheur, mais trop épuisé, il n’eut pas le temps de trouver la réponse et il s’endormit presque aussitôt.

Le lendemain, malgré son réveil, il eut beaucoup de mal à se lever. Il s’étira, alla prendre un bonne douche afin de ne pas paraître trop mal en point devant les autres. Masquer ce qu’il ressentait, il savait parfaitement le faire.  S’ouvrir aux autres, révéler le mal et la souffrance qui l’habitait, voilà longtemps qu’il n’avait plus tenté de s’y risquer. Il s’habilla, et alla réveiller tous ces adolescents qui bien sur dormaient encore profondément. Il afficha le sourire qu’il savait si bien faire en entrant dans les chambres de ceux qui faisaient semblant de ne pas avoir entendu les coups qu’il avait préalablement frappé à leur porte.

La dernière chambre était celle de Raphaël étant au bout du couloir. Il porta seulement trois léger coup, étant à peu près sur que cela le sortirait de son sommeil et lui dit d’une voix douce :

- Raphaël ? Tu es réveillé ? C’est bientôt l’heure du petit déjeuné…

Puis n’attendant aucune réponse de sa part, il s’éloigna lorsqu’il entendit celui-ci s’agiter derrière la porte. Il se rendit directement au réfectoire, vérifiant au passage que tout le monde faisait de même. Il alla s’asseoir à côté des autres éducateurs.

Sébastien, un de ceux avec qui il était le plus proche, lui demanda :

- Alors ? Bien dormi ? Il n’ont pas trop fait les cons ?

- Quelques uns sont allés emmerder Raphaël, comme je l’avait prédit, mais à mon avis il ne sont pas prêt de s’arrêter là.

- Ça commence. Il faut toujours qu’il y en ai un qui soit leur bouc émissaire.

- Oui, mais vu la fragilité psychologique de Raphaël, il vaudrait mieux minimiser au maximum les dégâts.

- Leur punition ?

- Je n’ai pas encore décidé, je me suis dis que leur responsable s’en chargerai ce matin.

- Oui, d’ailleurs à propos des groupes, tu m’as demandé de t’occuper de Raphaël hier soir…

- Ce n’est pas possible ?

- Si si… Mais tu fais gaffe. Normalement on ne te confie pas les cas comme celui-ci.

- Qu’a t-il de différent par rapports aux autres ados ?

- Tu le sais très bien Daevlyn… Fais juste attention de ne pas trop t’impliquer…

- …

Daevlyn ne répondit rien et entama son petit déjeuner. Il ne put réprimer un sourire lorsqu’il vit le jeune Raphaël pénétrer dans le réfectoire. Il le vit aller s’asseoir seul à une table, s’isolant du mieux qu’il pouvait. Soudain, il sentit un coude s’enfoncer dans son ventre, et failli faire tomber son café sous la surprise du choc.

- Seb’ tu saoules, pourquoi tu fais ça ?

Au sourire que celui-ci lui fit, il comprit et ne rajouta rien. Lorsqu’il tourna de nouveau la tête en direction de Raphaël, il vit que celui-ci était parti. Lorsqu’il eut fini de déjeuner il vit avec les quatre autres éducateur les groupes qu’ils allaient prendre, et l’organisation de la journée.

Daevlyn étant le seul à s’occuper de l’activité équestre, s’occuperait de chaque groupe en plus du sien. Pour la semaine, il familiariserait les enfants deux par deux avec leur monture prenant chaque jour un groupe différent afin qu’ils soient le plus autonome possible et ne plus s’occuper de manager par la suite les dix à la fois.

Les moniteurs rejoignirent le groupe d’adolescents dans le hall. Ce fut Daevlyn qui prit la parole après un coup d’œil furtif vers Raphaël.

- Très bien nous allons former cinq groupes de deux, déclara Daevlyn. Une fois les groupes formés, ils ne changeront plus, sauf sur demande des moniteurs. Vincent et Raphaël avec moi. Jérémy et Steven avec Sébastien…

Lorsqu’il vit Raphaël redresser la tête et lui lancer un regard empli de reconnaissance il eut chaud au cœur. Apparemment cet enfant semblait l’apprécier autant que lui. Il lui sourit et lui fit un léger clin d’œil le plus discrètement possible avant de finir répartir les autres adolescents dans les groupes.

Une fois tous les groupes répartis, Daevlyn se dirigea vers Raphaël et Vincent et leur demanda de le suivre. Les garçons obtempérèrent et ils partirent en direction des prés.

Daevlyn adorait ce moment là. Présenter ce qui lui était le plus cher au monde à des enfants qui en avait plus que besoin. Curieux, il se demanda quelle allait être la réaction de Raphaël face à un cheval. Allait-il accepter le contact avec l’animal ?

Arrivé au milieu du prêt, il leur expliqua :

- Vous garderez le cheval qui va vous être attribué jusqu’à la fin de votre séjour. Vous vous en occuperez comme s’il était le votre. Vous devrez le nourrir, le panser et subvenir au moindre de ses besoins.

Il ne réfléchit que quelques secondes au cheval qu’il allait donner à Raphaël. Un animal doux, gentil, calme. Il ne savait pas vraiment pourquoi, mais au fond de lui, il savait que c’était celui-ci qui s’accorderait le mieux avec lui.

- Raphaël, tu t’occupera de Diamond Dust c’est le noir avec les taches blanches là bas, désigna l’adulte en le montrant du doigt. Vincent quant à toi, tu aura Autumn’s Wind, c’est le cheval pie bai à côté de Diamond Dust.

- D’accord, il est gentil au moins ? Demanda l’adolescent visiblement pas très rassuré.

Daevlyn détestait cette question. Tous les chevaux étaient gentils et bons de nature. Un cheval ne devenait méchant qu’à cause de l’homme. Mais il n’allait pas s’enfoncer dans cette explication et s’obligea à le rassurer.

- Oui, ne t’inquiètes pas. C’est moi qui ai éduqué tous les chevaux du centre, tu ne risque absolument rien ! S’exclama Daevlyn.

Raphaël lui lança un regard interrogateur et Daevlyn ajouta :

- Mon cheval s’appelle Waterfalls, c’est l’appaloosa léopard avec la longue crinière blanche.

Par la suite, Daevlyn expliqua aux deux adolescents comment approcher leur monture sans les effrayer et leur montra comment leur passer le licol. Il savait parfaitement comment leur expliquer, l’ayant déjà fait de multiples fois. Le regard attentif et intéressé de Raphaël le fit sourire intérieurement. Ce gamin avait énormément de potentiel pour apprendre.

Lorsque celui-ci s’approcha de son cheval, Daevlyn ne put se retenir d’appréhender cette rencontre, qui se passa parfaitement bien, même mieux qu’il n’aurait plus l’imaginer. Au lieu de s’inquiéter de l’appréhension de Raphaël, sa monture resta parfaitement calme, comme pour lui montrer qu’il ne craignait rien.

Voyant que tout ce passait bien il le laissa faire connaissance seul avec lui, et alla s’occuper de Vincent. Un peu trop brutal, Vincent avait du mal à approcher son cheval. Daevlyn lui expliqua le plus pédagogiquement possible comment s’y prendre et Vincent mit cela à exécution. Il semblait réellement impressionné par la taille de son cheval.

Lorsque les présentations furent terminées, il passa rapidement le licol à son cheval qui était venu à sa rencontre, lui fit une légère caresse et sortit du parc avec les trois animaux et les deux adolescents.

Le regard illuminé de bonheur de Raphaël lui fit chaud au cœur. Il était content que sa passion plaise aussi à cet enfant. Il n’aurait jamais penser le voir aussi heureux en si peu de temps.

La leçon se poursuivit paisiblement. Le seul incident fut lorsque Vincent et Raphaël s’effleurèrent et le cri que celui-ci poussa. Il tenta de ne pas y faire attention, choisissant de le laisser se débrouiller tout seul. Après tout, il ne serait pas toujours là pour lui, et le surprotéger n’était pas non plus la solution.

Après le repas de midi, ils poursuivrent la leçon, Daevlyn leur apprenant le maximum et le nécessaire à savoir pour être le plus autonome possible. Il surveilla tout de même l’état de Raphaël qui n’avait encore un fois que très peu manger au déjeuner. Vu l’effort physique qu’il leur demandait de fournir, il fut presque étonné de ne pas le voir tomber.

Le soir venu, ils ramenèrent leur cheval dans le parc. Alors qu’ils sortaient du parc et que Daevlyn était parti devant, il entendit de nouveau un cri de détresse ne pouvant que provenir de la bouche de Raphaël. Même si ce n’était que des cris qu’il pouvait percevoir, il aimait beaucoup le son de sa voix. Raphaël devait avoir une voix magnifique.

Il vit alors Raphaël courir devant lui, s’enfuyant le plus loin possible. Il tenta de le retenir par des appels, mais rien n’y fit. Il se tourna alors vers Vincent qui ne savait plus où se mettre.

- Que s’est il passait ? demanda presque agressivement Daevlyn.

- Rien, nos mains se sont juste effleurées. On aurait cru que ma main était de l’acide. Non sérieux, il est trop bizarre ce mec. Je ne veux pas rester avec lui…

Daevlyn n’écouta pas la suite, il lui imposa de rentrer et de rejoindre les autres, et courut à la suite de Raphaël. L’ayant vu prendre cette direction, il sut que celui-ci était allé se réfugier dans sa chambre. Il frappa quelques coups et ouvrit la porte, sans pour autant pénétrer dans la pièce.

- Je peux entrer ? Demanda Daevlyn.

Raphaël hocha la tête en guise d’acquiescement et l’adulte entra dans la chambre, prenant soin de refermer la porte derrière lui.

- Je n’ai pas vu ce qu’il s’est passé toute à l’heure. C’est Vincent qui m’a raconté. Il m’a dit qu’il souhaitait changer de groupe.

Raphaël releva des yeux inondés de larmes et Daevlyn s’empressa d’ajouter :

- Je ne pense pas qu’il pensait à mal en demandant une telle chose. Tu sais Raphaël, je pense qu’il serait préférable que tu sois seul dans un groupe. Qu’en dis tu ?

Le voir si triste, voir cette tête si désespérée lui retourna le cœur. Il avait toujours détesté voir les autres souffrir et surtout voir un enfant pleurer comme cela.

- Ainsi, tu pourrais évoluer tranquillement sans crainte que quelqu’un ne te touches par mégarde. C’est à toi de choisir, je ne souhaite aucunement influencer ta décision.

A la surprise de Daevlyn, Raphaël se leva et se dirigea vers son armoire. Il en revient quelques secondes plus tard avec un bloc note sur lequel il écrivit quelque chose que l’adulte n’arriva pas à déchiffrer.

Puis, L’adolescent posa le bloc note entre lui et Daevlyn qui lut :

«  J’accepte d’être seul dans un groupe, je vous remercie de la proposition. Cependant, j’ai une faveur à vous demander… »

Raphaël avait baissé la tête et regardait fixement son carnet, ne souhaitant pas croiser le regard de Daevlyn.

- Je t’écoutes, répondit ce dernier intrigué.

Raphaël s’empara à nouveau du calepin et écrivit :

«  J’aimerai être dans votre groupe »

Après avoir lu la requête de l’adolescent, un court silence s’installa entre eux avant que Daevlyn ne réponde. Cette simple phrase le bouleversa. Cet enfant lui faisait confiance et l’appelait à l’aide. C’était merveilleux, car il ne resterait pas refermé sur lui même, c’était un grand pas en avant. Il se calma, ne voulant surtout pas exploser de joie devant lui et l’effrayer.

- Je n’y vois aucun problème, et je te remercie de la confiance que tu places en moi.

Daevlyn fut attendrit par les joues rougies de Raphaël.

« Merci »

- Aller viens, s’exclama Daevlyn en se levant, c’est l’heure d’aller manger.

Le repas se passa sans encombre. Mais, ce ne fut pas le cas de la réunion du soir entre les moniteurs.

- Tu lui as dit quoi ?!!!!!! Non mais on ne me l’avait jamais fait ça. Un moniteur particulier ! Et pourquoi pas un chacun tant qu’on y est. Et qui va se charger de Vincent.

- On peut le mettre dans un groupe plutôt calme. Deux ou trois ça ne change pas trop, répondit froidement Daevlyn sans ciller. Il en allait de la santé de Raphaël et il ne changerait pas de décision.

- S’il y a un seul problème, je dis bien un seul, aussi mineur soit-il, je ne réfléchirai pas une seule seconde et ce sera la porte, tu m’as bien compris. Alors toujours partant ?

Le renvois. La seule chose qui pouvait lui arriver de pire. Quitter ce monde, ce lieu, ses amis… Non il n’y survivrait pas. C’était ici chez lui et pour rien au monde il ne partirait. Il était alors idiot de se lancer dans cet enjeu irréalisable. Des problèmes, il y en avait plusieurs par jours. Mais remettre Raphaël avec Vincent, c’était le faire sombrer un peu plus dans sa détresse.

- Oui. Répondit simplement Daevlyn. Il se leva et parti en claquant la porte.

Il se dirigea immédiatement dehors, attrapa un licol dans l’écurie et partit dans le près. Là il rejoignit son cheval, passa une main sur sa tête, flatta sa puissante encolure, et lui enfila son licol. Il attacha les deux extrémités de la longe à celui-ci de manière à se fabriquer des rênes. Puis d’un bon léger, il l’enfourcha. Une simple pression de jambe sur ses flans, et celui-ci comprit automatiquement. Il s’élança dans un galop léger en direction de la forêt. Parcourir ces plaines, sentir cette puissante musculature s’actionner sous lui, prendre autant de plaisir que son cheval à parcourir cette vaste étendue, avoir l’impression de voler  : voilà ce qui lui donner une impression de liberté. Longtemps il parcourut cette immensité, ne s’arrêtant que lorsque sa monture le décida. Arrivé près d’un ruisseau, il mit pied à terre et s’aspergea le visage pendant que son cheval s’abreuvait. Puis il prit la décision de rejoindre la pension, ayant déjà été absent trop longtemps. Il ne remonta pas sur son cheval, lui ayant déjà demandé beaucoup, il marcha devant lui.

Une fois rentré, il le débarrassa de son licol et le laissa rejoindre les autres. Il fit de même. Il devait aller vérifier que tout le monde était prêt à dormir.

Après son petit rituel et un passage un peu plus long dans la chambre de Raphaël paisiblement endormit avec un sourire indéfinissable aux lèvres, il alla se laver.

Il ne tarda pas à s’endormir une fois qu’il s’entendit sur son lit. Fatigués par leurs journées, les adolescents ne risqueront pas de faire les imbéciles cette nuit là. Daevlyn pouvait dormir en paix.

Cette nuit là, son sommeil fut agité… Il semblait revivre ce qu’il n’aurait jamais voulu revivre.

Mourir pour revivre - Chapitre 3

Mercredi 17 octobre 2012

Chapitre 3 écrit par Shinigami

Dans son sommeil, Raphaël entendit une porte s’ouvrir. Aussitôt, il se réveilla mais resta dans son lit, immobile, faisant semblant de dormir. Alors que l’intrus s’avançait vers lui, les battements de cœur de Raphaël se firent de plus en plus violents. Son cœur battait tellement fort, qu’il craignait que l’inconnu ne l’entende de là ou il se trouvait.

Il sentit alors une main effleurer son bras posé sur le draps du lit. Par réflexe, il sauta hors de son lit en hurlant et alla se recroqueviller dans l’angle de la pièce le plus proche.

Dans la pénombre de la chambre, il distingua plusieurs silhouettes qui s’approchaient de lui. Terrifié, il se mit à hurler de plus belle, se terrant un peu plus contre le mur, souhaitant disparaître à cet instant précis.

« Non… nooooon… quelqu’un… venez m’aider… s’il vous plait… je ne veux pas que ça recommence…. Nooooonn…. »

Alors qu’une main étrangère allait le toucher à nouveau, la porte de la chambre s’ouvrit violemment et la lumière illumina la pièce.

Tous se tournèrent surpris, ne s’attendant pas a voir quelqu’un débarquer, et encore moins Daevlyn.

- Je peux savoir ce que vous aviez l’intention de faire !!! Hurla ce dernier.

- Nous étions venus faire sa connaissance. Et comme il ne répondait pas à nos questions, nous avons voulut le secouer un peu, mais à peine avons-nous posé une main sur lui, qu’il s’est mis à hurler à la mort, répondit insolement un des garçons, que Raphaël reconnut en la personne de Steven.

- Regagnez vos chambres immédiatement, que je ne vous y reprenne pas. Vous aurez connaissance de votre punition dès le levé demain matin, s’exclama Daevlyn d’un ton glacial.

Le groupe de garçon ne se fit pas prier pour sortir. Sur le pas de la porte, alors que Deavlyn ne  pouvait le voir, Steven envoya un regard à Raphaël  qui comprit que celui-ci se vengerait d’une façon ou d’une autre.

Un frisson parcourut le jeune garçon et Daevlyn s’approcha lentement de lui.

« Pourquoi il avance ? Pourquoi il ne reste pas ou il était ? Non… je ne veux pas… laissez moi tranquille… par pitié… »

Soudain, Daevlyn sembla lire dans les regard de Raphaël car il s’arrêta à quelques mètres de lui et déclara d’une voix qui se voulait calme et rassurante :

- C’est fini Raphaël, ils ne te feront plus rien. Ils n’avaient pas pensé à mal tu sais.

Les muscles de Raphaël se relâchèrent faiblement et les frissons qui parcouraient son corps finirent pas disparaître.

La présence de Daevlyn rassurait le brun. Il ne le connaissait seulement depuis quelques heures, et pourtant, il avait l’impression d’être en sécurité à ses côtés, que tant qu’il serait près de lui, il ne pourrait rien lui arriver.

Daevlyn lui proposa un chocolat chaud que Raphaël s’empressa d’accepter. En silence, il le suivit à la cuisine et s’installa à table pendant qu’il lui préparait la boisson.

Raphaël regardait Daevlyn s’affairer à sa  tache, captant le moindre de ses mouvements, enregistrant chacun de ses gestes.

Puis, lorsqu’il s’installa en face de lui, il se surprit à l’observer à la dérobée.

La beauté de Daevlyn le troubla profondément. Comment avait il put ne pas s’apercevoir avant à quel point il était beau ?

Son regard s’attarda sur son torse parfaitement dessiné ou ses muscles saillaient sous sa peau bronzée. Un torse digne des statues grecques en marbre blanc.

Raphaël rougit face à de telles pensées et reporta son attention sur sa tasse de chocolat. Il ne vit pas le regard de Daevlyn posé sur lui.

Lorsqu’ils eurent terminé leur boisson chaude, Daevlyn raccompagna Raphaël jusqu’à sa chambre, lui souhaitant une bonne nuit, puis retourna dans la sienne.

Allongé dans son lit, Raphaël songeait aux  événements survenus récemment.

« Pourquoi ne peuvent ils pas comprendre ? N’ont-ils pas eux aussi un passé douloureux ? J’ai l’impression que seul Daevlyn me comprend et me respect… il est le seul à ne pas tenter quoi que se soit à mon égard… il est vraiment gentil… peut être je me trompe, mais j’ai l’impression qu’il veille sur moi… est-ce seulement une illusion ? Je n’en sais trop rien… mais mon cœur se réconforte à cette unique pensée… Je ne sais de quoi sera fait demain… mais j’ai la certitude que tant qu’il sera près de moi… »

Raphaël fit par s’endormir sur cette pensée, le cœur léger. Pour la première fois depuis de longues années, il sombra dans un sommeil profond et sans rêves.

Il se réveilla en sursaut lorsque trois petits coups furent frappés à sa porte, suivit par la voix  de Daevlyn qui l’appelait :

- Raphaël ? Tu es réveillé ? C’est bientôt l’heure du petit déjeuné…

Complètement réveillé, l’adolescent regarda son réveil et s’affola lorsqu’il se rendit compte de l’heure.

En moins de temps qu’il ne faut pour le dire, il avait rassembler ses affaires et courut sous la douche.

Il en ressortit dix minutes plus tard, coiffé et habillé retourna poser ses affaires dans sa chambre puis, prenant son courage à deux mains, il rejoignit les autres au réfectoire.

Comme la veille, il s’installa seul à sa table et grignota rapidement un pain au chocolat.

Une fois qu’il eut terminé de manger, il fit ce que Daevlyn lui avait expliqué la veille et alla attendre les autres dans le hall d’entré.

Un long quart d’heure passa avant qu’il ne soit rejoint par le reste du groupe. Volontairement, il resta à l’écart, la tête baissée sous les regards moqueurs et les réflexions désobligeantes.

Les moniteurs arrivèrent et demandèrent le silence. Regardant toujours le sol, Raphaël ne remarqua pas que Daevlyn l’observait de là ou il se trouvait.

- Très bien nous allons former cinq groupes de deux, déclara Daevlyn. Une fois les groupes formés, ils ne changeront plus, sauf sur demande des moniteurs. Vincent et Raphaël avec moi. Jérémy et Steven avec Sébastien…

A l’entente du groupe dans lequel il serait, Raphaël releva les yeux et adressa à Daevlyn un regard rempli de reconnaissance. L’adulte lui renvoya son sourire accompagné de clin d’œil discret et poursuivit son discours.

Une fois tous les groupes répartis, Daevlyn se dirigea vers Raphaël et Vincent et leur demanda de le suivre. Les garçons obtempérèrent et ils partirent en direction des prés.

Extérieurement, Raphaël abordait un visage calme et renfermé. Intérieurement, il bouillait d’excitation. Bien qu’il aimait énormément les chevaux, jamais encore il n’avait eu l’occasion d’en approcher un et encore moins de les toucher. « Il » ne le lui aurait jamais permit.

Arrivé dans le pré, Daevlyn déclara :

- Vous garderez le cheval qui va vous être attribué jusqu’à la fin de votre séjour. Vous vous en occuperez comme s’il était le votre. Vous devrez le nourrir, le panser et subvenir au moindre de ses besoins.

Raphaël hocha la tête en signe d’acquiescement et Daevlyn poursuivit :

- Raphaël, tu t’occupera de Diamond Dust c’est le noir avec les taches blanches là bas, désigna l’adulte en le montrant du doigt. Vincent quant à toi, tu aura Autumn’s Wind, c’est le cheval pie bai à côté de Diamond Dust.

- D’accord, il est gentil au moins ? Demanda l’adolescent visiblement pas très rassuré.

- Oui, ne t’inquiètes pas. C’est moi qui ai éduqué tous les chevaux du centre, tu ne risque absolument rien ! S’exclama Daevlyn.

Raphaël lui lança un regard interrogateur et Daevlyn ajouta :

- Mon cheval s’appelle Waterfalls, c’est l’appaloosa léopard avec la longue crinière blanche.

Par la suite, Daevlyn expliqua aux deux adolescents comme approcher leur monture sans les effrayer et leur montra comment leur passer le licol.

Raphaël s’approcha doucement sous le regard attentif de Daevlyn et c’est non sans appréhension qu’il effleura la robe noire de sa monture. Lorsque celui-ci releva la tête vers lui, Raphaël eut un sursaut de surprise mais ne bougea pas. instinctivement, il approcha sa main du nez de l’animal qui le renifla bruyamment avant de la lui lécher à la recherche d’une quelconque friandise.

« Bonjour Diamond Dust. Je m’appelle Raphaël, c’est moi qui vais m’occuper de toi maintenant. Comme tu le vois je suis pas très doué… J’espère que tu sera patient avec moi… Tu sais, c’est la première fois que je touche un cheval… Mais tu as l’air d’être un gentil garçon… j’espère que l’on s’entendra bien toi et moi… M’en veut pas hein si je suis un peu maladroit, il faut que je m’habitue… Mais tu m‘apprendra hein ? Tu me dira les fautes que je fais… j‘aimerai bien que l‘on devienne ami toi et moi…» pensa l’adolescent.

La main de Raphaël glissa lentement sur le poil soyeux de l’animal, le long de son encolure puissante.

Une fois le premier contact établi, l’adolescent entreprit de lui passer le licol comme le lui avait expliqué Daevlyn, qui n’avait pas perdu une seule miette de ce qui venait de se passer sous ses yeux.

Raphaël y arriva du premier coup, et fier de lui, il se tenait droit comme un arbre devant son cheval, les yeux pétillants de bonheur. Il attendit les instructions de Daevlyn occupé à aider Vincent.

Ils sortirent les chevaux du parc et allèrent les attacher un peu plus loin, près des écuries. Daevlyn leur expliqua comment faire le nœud d’attache ainsi que le rôle de chaque brosse et la façon de s’en servir.

Raphaël buvait les paroles de l’adulte. Il aimait apprendre et ces cours particuliers et originaux augmentaient sa soif de savoir.

Il reproduisait sur sa monture les mêmes gestes que Daevlyn avec un soin et une attention toute particulière. Si son visage restait impassible, ses yeux quant à eux, pétillaient de bonheur.

Alors qu’il s’apprêtait à prendre une brosse dans la caisse, Vincent fit de même au même moment, et lui effleura la main. Raphaël retient de justesse un cri de surprise mais sursauta violement. Il lança un coup d’œil apeuré à l’adolescent avant de s’éloigner rapidement à une distance respectable.

Daevlyn leur montra comment prendre les pieds de leur monture  et les curer, tout en leur faisant une leçon sur l’anatomie du cheval.

A midi, ils donnèrent chacun une fourche de foins à leur animal respectif et allèrent manger. Raphaël se rendit à la place qu’il s’était appropriée la veille, tandis que Vincent rejoignait ses amis qui étaient déjà arrivés. Les yeux rivés sur son assiette, Raphaël ne remarqua pas le regard de Daevlyn posé sur lui. Comme le matin, il toucha à peine sa nourriture, se contentant de jouer distraitement avec.

Après le repas, avant de reprendre leurs activités, l’adolescent s’isola dans la bibliothèque.

A 14 heures, Raphaël alla attendre Daevlyn dans le hall d’entré. celui-ci arriva accompagné de Vincent quelques minutes après lui et il repartirent en direction des écuries.

Là, Daevlyn leur attribua a chacun tout le matériel nécessaire dont-ils auraient besoin au cours de leur séjour, et pendant plusieurs heures, il leur expliqua comment entretenir les cuirs, comment entretenir les box et tout ce qu’ils avaient besoin de savoir.

Le soir venu, ils ramenèrent leur cheval dans le parc. Raphaël tendit la main pour attraper la poignée et ainsi fermer le pré quand, à nouveau,  sa main effleura par mégarde, celle de Vincent. Il émit un cri de surprise et s’enfuit en courant,  faisant fit des appels de Daevlyn.

Il traversa les bâtiments et alla s’enfermer dans sa chambre. La, il s’assit sur son lit, et ramena ses genoux contre son torse, se balançant d‘avant en arrière..

«  Je peux pas… c’est trop dur… je ne tiendrais jamais si cela continue comme ça… je sais bien qu’il l’a pas fait exprès… mais je peux plus le supporter… je souhaite juste être seul… je veux que l’on me laisse tranquille… »

Perdu dans se pensées, Raphaël n’entendit pas que l’on frappait à sa porte et sursauta lorsque qu’une vois résonna dans la pièce :

- Je peux entrer ? Demanda Daevlyn.

Raphaël hocha la tête en guise d’acquiescement et l’adulte entra dans la chambre, prenant soin de refermer la porte derrière lui.

- Je n’ai pas vu ce qu’il s’est passé toute à l’heure. C’est Vincent qui m’a raconté. Il m’a dit qu’il souhaitait changer de groupe.

Raphaël releva des yeux inondés de larmes et Daevlyn s’empressa d’ajouter :

- Je ne pense pas qu’il pensait à mal en demandant une telle chose. Tu sais Raphaël, je pense qu’il serait préférable que tu sois seul dans un groupe. Qu’en dis tu ?

L’adolescent resta impassible, et Daevlyn ajouta :

- Ainsi; tu pourrais évoluer tranquillement sans crainte que quelqu’un ne te touches par mégarde. C’est à toi de choisir, je ne souhaite aucunement influencer ta décision.

A la surprise de Daevlyn, Raphaël se leva et se dirigea vers son armoire. Il en revient quelques secondes plus tard avec un bloc note sur lequel il écrivit quelque chose que l’adulte n’arriva pas à déchiffrer.

Puis, L’adolescent posa le bloc note entre lui et Daevlyn qui lut :

«  J’accepte d’être seul dans un groupe, je vous remercie de la proposition. Cependant, j’ai une faveur à vous demander… »

Raphaël avait baissé la tête et regardait fixement son carnet, ne souhaitant pas croiser le regard de Daevlyn.

- Je t’écoutes, répondit ce dernier intrigué.

Raphaël s’empara à nouveau du calepin et écrivit :

«  J’aimerai être dans votre groupe »

Après avoir lu la requête de l’adolescent, un court silence s’installa entre eux avant que Daevlyn ne réponde :

- Je n’y vois aucun problème, et je te remercie de la confiance que tu places en moi.

Raphaël sentit le rouge lui monter aux joues.

« Merci »

- Aller viens, s’exclama Daevlyn en se levant, c’est l’heure d’aller manger.

Aucun élément perturbateur ne vient troubler le calme de cette soirée. Le repas du soir et les heures qui suivirent se déroulèrent dans la tranquillité et Raphaël apprécia ce moment de calme après la journée éprouvante qu’il avait eut.

Après le repas, il se rendit à la bibliothèque et y resta jusqu’à ce qu’il tombe de sommeil. Il alla prendre sa douche et s’endormit quelques minutes seulement après s’être couché.

Mourir pour revivre - Chapitre 2

Mercredi 17 octobre 2012

Chapitre 2 écrit par Lybertys

Adossé à un arbre, étendu sur l’herbe en plein milieu d’une nature luxuriante, Daevlyn observait le vent souffler dans la crinière de son cheval à ses côtés, venu chercher le refuge qu’apporter l’ombre face au rude soleil de juillet. En face de lui se tenait un terrain immense, vierge de toute construction humaine. Il pouvait passer ainsi des heures à admirer chaque montage, chaque arbre, chaque nuage parcourant le ciel, et l’eau coulant dans la rivière aussi rapidement que se consumait la vie. En cette chaude après-midi, il profitait des quelques heures de répits avant l’arrivé des nouveaux pensionnaires de ce lieux : des jeunes à problème venu réapprendre à vivre aux côtés des chevaux et de la nature.

Les taches de lumières parvenant à passer à travers les feuilles de ce vieil arbre jouaient avec les multiples  petites taches blanches de la robe noire de sa monture. C’était un appaloosa, un cheval d’indien qui correspondait parfaitement avec cette nature sauvage.

Daevlyn se laissa doucement aller à fermer les yeux et à se laisser bercer par le bruit de l’eau du ruisseau et le vent soufflant dans les feuilles. Sérénité, plénitude, paix, c’est ce qu’il ressentait à cet instant présent. Il n’en avait pas toujours était ainsi et il le savait. A l’instant même ou il avait atterri dans ce lieu, il n’en était plus jamais parti. Certes il n’y avait pas que de bons souvenirs, mais ceux ci étaient assez important pour amoindrir les mauvais. Il suffisait d’ouvrir les yeux et d’admirer cette beauté pour tout oublier. Tout, même les souvenirs les plus sombres pouvaient disparaître dans ce lieu.

Alors qu’il allait sombrer dans un doux sommeil serein, la sonnerie de son portable vint tout interrompre. Son cheval leva la tête, se demandant ce qui venait gêner leur instant de paix partagé.

-          Oui, dit Daevlyn agacé après avoir décroché.

-          Le dernier pensionnaire est arrivé, on n’a vraiment pas le temps d’aller le cherché, nous sommes déjà débordé, tu peux t’en charger.

-          Ok, pas de problème.

-          Merci beaucoup Daevlyn.

Celui-ci n’eut pas le temps de répondre quoique ce soit, son interlocuteur avait déjà raccroché. Ils devaient vraiment être débordés, pensa alors Daevlyn.

Il se leva non sans regret, s’étira, renfila son t-shirt qu’il avait enlevé à cause de la chaleur insupportable et se mis en route. Son cheval le suivit sans que Daevlyn n’ai rien à lui demander. Une grande complicité existait entre eux, ils étaient comme dépendant l’un de l’autre.

Daevlyn pressa le pas, il ne fallait pas qu’il traîne, il savait que le bus l’avait déposait sans attendre que la moindre personne ne vienne le réceptionner. Mais en même, ou pourrait-il aller ? La moindre habitation était à des centaines de kilomètres et sans eau ni nourriture personne ne pourrait survivre bien longtemps et encore moins un gosse.

Il sortit du parc des chevaux, le laissant seul hennire quelques instants avant d’aller rejoindre ses semblables broutant un peu plus loin, et il emprunta la route qui menait à l’arrêt du car.

Curieux du gamin dont il allait devoir s’occuper, il se demanda à quoi il pouvait ressembler. Il appréciait énormément ce moment des rencontres. Un moment ou tout se jouait. S’il ne parvenait pas à établir un premier contact à peu près comme il fallait, le futur laissait envisager le pire.

Lorsqu’il s’approcha de l’arrêt de car, il distingua une silhouette noire assise sur son sac. Il avança avec précaution, ne voulant surtout pas l’effrayer. S’avançant un peu plus il put mieux l’observer. Jamais il n’avait vu un garçon ressemblant à celui-ci. Sa beauté androgyne l’éblouissait. Ses cheveux long noirs rassemblé en queue de cheval haute contrasté avec la pâleur de sa peau blanche semblant si douce et vierge de toute imperfection. Ses vêtements noirs recouvrant chaque parcelle pouvant être cachée de son corps devait lui tenir bien chaud.

Comment pouvait-on être vêtu d’une telle façon en plein mois de juillet ? pensa Daevlyn, lui qui était torse nu sous un arbre quelques dizaines de minutes plus tôt.

Le gamin ne semblait pas l’entendre ni le voir s’approchait de lui, semblant être perdu dans ses pensés, il sursauta lorsqu’il vit Daevlyn en face de lui.

Daevlyn fut partagé par plusieurs sentiment lorsqu’il croisa enfin le regard de cet adolescent. Tout d’abord il fut surprit par leurs couleurs améthyste donnant un petit quelque chose de particulier à son expression. Puis, le regard effrayé qu’il lui lança, lui fit l’effet d’un pincement au cœur. Comment un enfant pouvait-il abhorrai cette expression de frayeur ? Il frissonna rien qu’à l’idée de ce qu’il avait du vivre.

Voulant le rassurer le plus rapidement possible et effacé de ce visage cet air si apeuré de ce jeune garçon, il prit la parole :

-          Je suis désolé de t’avoir effrayé. Je m’appelle Daevlyn. Tu dois être Raphaël je me trompe ?

Joignant le geste à la parole, il lui tendit la main en signe de bienvenu. Voyant celui-ci reculer sa main et hoché simplement la tête, il comprit que celui-ci ne souhaitait aucun contact et ne voulait pas parler. Ce genre de comportement était assez rare dans ce lieu. Daevlyn était plutôt habitué à des enfants turbulents et impolis, voir violents. Il espéra que cet adolescent s’acclimaterait au mieux dans ce lieu. Il ferait tout son possible pour cela.

Il lui adressa alors un sourire bienveillant, lui montrant que cela n’était pas grave et qu’il acceptait de ne pas le toucher. Après tout, il n’était pas obligé de parler, lui seul pouvait décider de cela. Il prit de nouveau la parole surprit par le petit sac qu’il transportait.

-          C’est tout ce que tu as comme affaires ?

Le voyant attraper son sac et hocher la tête, Daevlyn voulut venir à son aide. Mais lorsqu’il fit un mouvement vers lui, il fut déconcerté par la réaction de Raphaël. Celui-ci s’écarta violemment et baissa la tête comme s’il se soumettait. Daevlyn l’avait déjà supposé, mais maintenant il en était sur, cet enfant avait dû être battu pour réagir comme cela, et il ne connaissait que trop bien cette réaction. Le regard fuyant, la tête baisser, c’était comme s’il attendait un cou et il semblait en crever de honte. Le rassurer, lui apprendre qu’il ne craignait rien avec lui, c’était la même chose que l’on faisait avec les chevaux. Il y a des années son cheval était inapprochable. Mais les humains étaient beaucoup plus complexes. Ils pensaient beaucoup trop.

-          Très bien, murmura-t-il à lui-même. Raphaël, ajouta-t-il à l’intention du jeune garçon. Je ne te veux aucun mal, je veux juste prendre ton sac, d’accord ?

Honteux, Raphaël s’obstinait à garder la tête baissée. Il se contenta d’acquiescer silencieusement et déposa son sac à ses pieds avant de reculer de quelques pas.

Daevlyn s’empara du sac et adressa un sourire le plus amical possible à l’adolescent.

- Allez viens, ne restons pas là, fit-il en commençant à marcher.

Daevlyn l’accompagna jusqu’au lieu de vie de ce centre. Il lui expliqua comment tout aller se passer, ce qu’il y faisait, tentant toujours de le rassurer au mieux. C’était étrange, mais c’était la première fois qu’il se sentait aussi proche de ce que pouvait ressentir un des enfants. Par son attitude, il avait l’impression de le comprendre. Durant le trajet, il fit bien attention de garder une distance respectable prenant garde à respecter l’espace personnel de Raphaël qui marchait à ses côtés silencieux buvant les paroles de Daevlyn.

Il lui fit visiter les lieux et le laissa seul s’acclimater dans sa chambre avant la séance de présentation qui précédé le repas dans la salle commune.

Il appréhenda cet instant pour Raphaël. C’est pourquoi quand vint son tour, il prit la parole à sa place sachant que celui-ci ne prononcerait aucun mot.

Il dit simplement :

- Voici Raphaël Des Marais. Il a 16 ans.

Bien entendu, il fallut qu’un des adolescents fasse un commentaire.

-          Et pas de langue !! Ironisa un des adolescents.

Il savait que Raphaël allait pâtir de cela, et il ne pourrait rien y faire. Mais il tenta quand même de mettre en garde afin de minimiser les dégâts.

-          Steven ! Raphaël est le plus jeune d’entre vous. Je vous demande donc de l’accepter tel qu’il est, s’exclama Daevlyn d’une voix qui n’acceptait aucun refus.

-          Hum… grogna ledit Steven en tuant Raphaël du regard.

Ensuite, chaque moniteur se présenta, indiquant par la même occasion leur rôle au sein de l’équipe.

Lors du repas,  Daevlyn ne cessa de jeter des coups d’œil le plus discrètement possible en direction de Raphaël. Jamais un adolescent ne l’avait autant intrigué.

Puis , les dix adolescents furent libérés. Alors que les autres voulurent se rendre dans la salle commune, il vit Raphaël se rendre directement dans sa chambre, souhaitant apparemment passer le reste de la soirée seul.

Daevlyn respecta sa décision et ne chercha pas à aller le voir. Il tenta de se concentré sur la discussion que les éducateurs avaient entre eux, mais il n’en retint aucun mot et se contenta la suivre d’une oreille distraite. Même si la journée n’avait pas été spécialement éprouvante, il était fatigué. Le stress lié à l’arrivé de tous ces pensionnaires devait y être pour beaucoup. Cependant il était surveillant de nuit, et il savait qu’il serait le dernier de tous à aller se coucher. Ils mirent un temps fou à coucher tous les adolescents.

Ayant enfin fini, il fit son dernier tour de des chambres en prenant soin de commencer par celle de Raphaël, se demandant ce qu’il était en train de faire. Lorsqu’il le vit paisiblement endormi dans son lit, il ne put s’empêcher de sourire tendrement. Ce sommeil semblait lui faire un bien fou.

Il sortit et fit rapidement le tour des chambres vérifiant que tout le monde dormait, du faire quelques remontrance et alla prendre une douche et se coucher à son tour. Sa chambre se trouvait face à celle de Raphaël et ce choix n’avait pas été innocent.

Après avoir mi un simple boxer pour dormir au cas ou un adolescent rentrerai, il s’étendis sur les draps, ne prenant pas la peine de les défaire vu la chaleur qu’il faisait encore malgré la nuit tombait.

Il ne sombra que dans un demi-sommeil sachant pertinemment que la nuit ne serait pas calme le premier soir. Il allait s’agir d’affirmer son autorité et de ne pas se laisser marcher sur les pieds.

Et il n’eut pas tort, car environ une heure après cet assoupis, il fut alerté par des cris provenant de la chambre voisine. Jamais il n’avait entendu le son de cette voix, mais il sut instinctivement à qui elle appartenait. Il se leva enfila son jean jeté négligemment sur le sol et se précipita dans la chambre de Raphaël espérant ne pas arriver trop tard.

La scène qu’il vit lui souleva le corps. Plaqué contre le mur dans un coin de la pièce, le regard terrifié, il ne bougeait pas d’un pouce.

Daevlyn ne pu se retenir de hurler :

-          Je peux savoir ce que vous aviez l’intention de faire !!!!

Il reconnut immédiatement Steven dans le lot des quelques adolescents présents dans la chambre de Raphaël. Ce fut d’ailleurs celui-ci qui prit la parole très insolemment.

-          Nous étions venus faire sa connaissance. Et comme il ne répondait pas à nos questions, nous avons voulut le secouer un peu, mais à peine avons-nous posé une main sur lui, qu’il s’est mis à hurler à la mort.

-          Regagnez vos chambres immédiatement, que je ne vous y reprenne pas. Vous aurez connaissance de votre punition dès le levé demain matin.

Daevlyn voulait en réalité sortir au plus vite ces adolescents de cette chambre. Raphaël n’avait pas bougé d’un pouce, et affiché toujours la même expression. Sa tête était légèrement baisser, comme pour se soumettre de nouveau face à l’agression. Il s’approcha alors de lui, mais s’arrêta à une distance qu’il jugea respectable.

-          C’est fini Raphaël, ils ne te feront plus rien. Ils n’avaient pas pensé à mal tu sais.

Raphaël se détendit légèrement et reprit une expression plus sereine. Certes il restait toujours sur ses gardes, mais il semblait rassuré par la présence de Daevlyn et par ce qu’il venait de lui dire.

-          Viens, suis-moi, tu aimes le chocolat chaud ou tu préfères autre chose ?

Raphaël acquiesça pour le chocolat chaud. Il suivit Daevlyn jusqu’à la cuisine. Celui-ci lui prépara rapidement la boisson promise et s’en servit une tasse pour l’accompagner. Tout cela se fit en silence et ils se contentèrent de s’observer l’un l’autre. Plus Daevlyn admirait Raphaël, plus celui-ci le trouvait d’une beauté envoûtante.

Lorsqu’ils eurent fini, Daevlyn le raccompagna dans sa chambre et partit rejoindre la sienne.

Demain serait une longue journée, et ils avaient tous deux besoins de reprendre des forces…

Mourir pour revivre - Chapitre 1

Mercredi 17 octobre 2012

Chapitre 1 écrit par Shinigami

En cette après midi du mois de Juillet, la chaleur était étouffante.  Assit à l’arrière de l’autobus,  la tête rejetée en arrière sous l’arrivée de la clim, son lecteur mp3 sur les oreilles Raphaël écoutait la musique.

Les yeux fermés, il appréciait la fraîcheur de l’air conditionné, tandis que les gouttes de sueur ruisselait dans  sur son visage pour aller se prendre dans son cou.

Sa peau d’une pâleur extrême luisait de transpiration. Ses cheveux d’un noir de jais, étaient rassemblés en une queue de cheval haute, dévoilant une nuque rasée. Ses oreilles étaient ornées de nombreux bijoux argentés et sa lèvre inférieure était cernée d’un anneau d’agent également.

Malgré la chaleur, Raphaël était vêtu d’un T-shirt noir à manches longues et un jean de la même couleur.

Lorsque Raphaël sentit que le car ralentissait, il ouvrit lentement les yeux. Deux pupilles améthystes illuminèrent la beauté androgyne de Raphaël. Pourtant, un voile de tristesse cachait la véritable beauté de ces prunelles d’une couleur unique au monde. Ses cils papillonnèrent afin de s’habituer à la lumière éblouissante et il regarda à travers la vitre.

Le paysage qui s’offrait a ses yeux le laissa bouche bée.  Les montagnes formaient un amphithéâtre autour de la plaine et la forêt recouvrait une grande partie de cette immense étendue. Une rivière traversait la plaine dans toute sa longueur. Un paysage semblable à ceux que l’ont voit si souvent dans les films western. Le paysage qui s’offrait a ses yeux le laissa bouche bée.  Les montagnes formaient un amphithéâtre autour de la pleine et la forêt recouvrait une grande partie de cette immense étendue. Une rivière traversait la pleine dans toute sa longueur. Un paysage semblable à ceux que l’ont voit si souvent dans les films western. Un paysage de rêve, ou l’on s’attendait à tout moment de voir apparaître un guerrier indien lancé en plein galop sur sa fidèle monture ou un chasseur à l‘affût de sa proie.

Le car s’immobilisa et les portes s’ouvrirent. Raphaël attrapa son sac et descendit du car.

Il regarda autour de lui, et ne voyant personne, il s’assit et attendit.

A cet instant, il aurait pu s’échapper. Sans personne pour le surveiller, il aurait pu s’enfuir, partir loin d’ici, loin de cette vie qu’il avait si souvent tenté de quitter. Cependant il n’en fit rien. Il se contenta d’attendre patiemment, assit sur son sac, que quelqu’un vienne le chercher.

« De toute façon, cela ne peut pas être pire que là bas… Et puis, si c’est le cas, je pourrais toujours m’échapper. Avec ces montagnes, cela doit être aisé de ce cacher… C’est troublant… pour la première fois de ma vie je me sens bien… je n’ai jamais connu  un tel sentiment… Est-ce le fait que je sois loin de lui ? Je ne sais pas… mais… je… c’est comme si j’étais en sécurité ici… »

Raphaël ne saurait dire combien de temps il est resté là, assit au bord de la route, attendant que quelqu’un vienne le chercher.

Perdu dans ses pensées, il n’entendit pas la personne s’approcher et quand une ombre de dessina sous ses yeux, il sursauta violemment et releva un regard effrayé vers l’homme qui lui faisait face.

- Je suis désolé de t’avoir effrayé. Je m’appelle Daevlyn. Tu dois être Raphaël je me trompe ?

Ledit Daevlyn lui tendit la main que Raphaël se contenta de regarder, hochant simplement la tête en signe d‘acquiescement. L’homme sembla comprendre et lui adressa un sourire bienveillant avant de lui dire :

- C’est tout ce que tu as comme affaires ?

Raphaël hocha de nouveau la tête et attrapa son sac. Lorsqu’il vit Daevlyn faire un mouvement dans sa direction, il s’écarta violemment en baissant la tête. Surpris, Daevlyn essaya de capter son regard que Raphaël semblait fuir.

- Très bien, murmura-t-il à lui-même. Raphaël, ajouta-t-il à l’intention du jeune garçon. Je ne te veux aucun mal, je veux juste prendre ton sac, d’accord ?

Honteux, Raphaël s’obstinait à garder la tête baissée. Il se contenta d’acquiescer silencieusement et déposa son sac à ses pieds avant de reculer de quelques pas.

Daevlyn s’empara du sac et adressa un sourire a l’adolescent.

- Allez viens, ne restons pas là, fit il en commençant à marcher.

Raphaël marchait en silence à ses côtés, gardant une certaine distance entre eux. Daevlyn brisa le silence qui s’était installé et déclara d’un air enjoué :

- Tu verra, je suis sur que tu te plaira ici. Tous les autres sont déjà arrivés, tu es le dernier. Vous êtes  dix ados avec toi. Nous sommes cinq moniteurs. Je gère principalement des activités avec les chevaux et c’est moi qui surveille les dortoirs la nuit. Si tu as un quelconque problème, n’hésite pas à m’en informer moi ou mes collègues. D’accord ? En arrivant, je te ferais visiter les locaux et tu prendra possession de ta chambre. Le repas du soir est servit à 19 heures 30. Ensuite, vous avez quartier libre jusqu’à 22 heures. Il y a une télé, des jeux et une bibliothèque à votre disposition. A 22 heures 30 au plus tard, tout le monde doit être couché. Le matin, le petit déjeuné est servit à 8 heures jusqu’à 8 heures 30. Dès que vous avez fini de manger, vous vous regroupez dans le hall et les groupes sont repartis. Tu verra, tu prendra vite le rythme, ajouta Daevlyn en voyant l’air contrit de l’adolescent.

Comme promit, lorsqu’ils arrivèrent, Daevlyn conduisit Raphaël dans sa chambre ou il posa son sac au pied de son lit avant de suivre le moniteur à travers les bâtiments.

Avant le repas, les moniteurs rassemblèrent les adolescents dans la salle commune et chacun se présenta.

Lorsque vint le tour de Raphaël, celui-ci se contenta de baisser les yeux. Daevlyn prit alors la parole à la place de l’adolescent :

- Voici Raphaël Des Marais. Il a 16 ans.

- Et pas de langue !! Ironisa un des adolescents.

- Steven ! Raphaël est le plus jeune d’entre vous. Je vous demande donc de l’accepter tel qu’il est, s’exclama Daevlyn d’une voix qui n’acceptait aucun refus.

- Hum… grogna ledit Steven en tuant Raphaël du regard.

Ensuite, chaque moniteur se présenta, indiquant par la même occasion leur rôle au sein de l’équipe.

Puis, après le repas, les dix adolescents furent libérés et Raphaël se rendit dans sa chambre, souhaitant passé le reste de la soirée seul.

Depuis qu’il était arrivé, il avait prit sur soit pour ne pas paniquer. Cela faisait bien longtemps qu’il n’avait pas été en compagnie d’autant de personnes et cela le mettait mal à l’aise.

Combien de fois il avait sursauté alors qu’un courant d’air l’effleurait, croyant que quelque un essayait de le toucher.

Devant les regards que lui lançait les autres garçons, il avait parfois l’impression que tous se moquaient de lui, le regardant comme s’il était fou ou taré.

« Pourquoi ne puis-je pas être accepté comme les autres ? Pourquoi est-ce que tout le monde me regarde comme si j’étais différent d’eux ? J’ai pourtant fait attention… on ne voit rien… pourtant il me

regardent comme si ils savaient… Même les moniteurs m’ont regardé rarement… Suis-je en train de devenir paranoïaque ? Stop !! Il faut que j’arrête de penser à ça… comment auraient ils pu voir ? » se gifla mentalement le brun.

Il mit fin a son monologue intérieur, prit une serviette et son pyjama et sortit de sa chambre. Une fois dans le couloir, il vérifia que personne ne le regardait et fila à toute vitesse dans la douche ou il s’enferma à double tour.

Lentement, il se déshabilla et entra dans la douche ou il sentit avec délice l’eau brûlante couler sur son  corps.

Il ressortit une demi heure plus tard de la salle de bain, et fatigué, il se coucha dans les draps frais et s’endormit immédiatement.

Plongé dans un sommeil réparateur comme il n’en avait pas eu depuis longtemps, il n’entendit pas la porte de sa chambre s’ouvrir sur la silhouette de Daevlyn. L’adulte le regarda un moment en souriant tendrement, puis quitta la pièce. Il fit rapidement le tour des chambres avant de regagner la sienne, située en face de celle de Raphaël.

Beyond the invisible - Chapitre 6

Mercredi 17 octobre 2012

Chapitre 6 écrit par Shinigami

Allongé dans la neige, je sentais petit à petit le froid prendre possession de mon corps, m’empêchant de faire le moindre mouvement. Je ne pouvais plus bouger, et même respirer devenait de plus en plus difficile. Les yeux fermés, n’ayant pas la force de les ouvrir, je me sentais aspiré dans les ténèbres. J’avais froid, mon corps entier me faisait souffrir, comme si on me plantait des milliers d’aiguilles dans le corps. Cependant, je savais que je n’étais pas seul. Il y avait cette présence près de moi, une présence réconfortante et apaisante.

Une voix s’éleva alors, tremblante de peur et d’angoisse. Je connaissais cette voix, je l’avais déjà entendu, mais déformées par mon cerveau endormit par le froid, je ne parvenais pas à mettre un nom dessus. Ni même un visage d’ailleurs.

Chaque seconde qui passait semblait aussi longue qu’un jour entier. Et mes paupières se faisaient de plus en plus lourde, le froid de plus en plus présent.

C’est alors que je sentis une douce chaleur envelopper ma main et se propager dans tout mon corps, me réchauffant lentement. Je connaissais la texture de cette peau, je l’avais déjà touchée, mais comme la voix précédemment, je ne parvenais pas à l’identifier.

La chaleur quitta alors ma main et se déplaça pour se poser sur mon front gelé, mais pourtant luisant de transpiration. J’avais chaud, j’avais froid, je ne ressentais plus rien hormis la douceur de cette main posée sur mon front. Mon corps me refusait le moindre mouvement. Je voulais ouvrir les yeux, prendre dans la mienne, cette main qui m’apaisait de mes souffrances. Mais j’étais paralysé, engourdit par le froid qui continuait de baisser inlassablement, je devais me contenter d’être spectateur, de recevoir de cette personne, sans rien pouvoir lui donner en échange. Pas même un signe de vie qui diminuerais certainement la peur palpable que je pouvais sentir dans l’intonation de sa voix et l’hésitation de ses gestes.

De nouveau, sa main quitta mon front brûlant de transpiration pour reprendre la mienne. Il la sera très fort, comme si par ce geste, il tentait de me maintenir éveillé, comme s’il tentait de me sauver. Lentement, je me sentais quitter ce monde, inexorablement, emporté par le froid qui prenait possession de moi, pour finalement se faire chaleur. La douleur physique que je ressentais disparaissait lentement, pour faire place à une sensation de bien être que je n’avais encore jamais ressentie auparavant. Comme si plus rien autour de moi n’existait.

Alors que je me laissais entraîner sur ses rivages lointains, j’entendis une voix dans ma tête qui hurlait mon prénom, une voix emplie de détresse. Cette même voix qui résonnait à mes oreilles tout à l’heure. Qui était donc cet homme qui m’appelait ? Etait-il sorcier pour pénétrer ainsi mon esprit ?

Et toujours cette voix qui hurlait, qui m’intimait de rester auprès de lui, m’ordonnant de me battre et de poursuivre se combat intérieur contre moi-même, de repousser au loin la tentation de suivre la douce chaleur bienfaitrice qui m’attirait vers cet univers inconnu mais tellement attrayant. Je sentais les dernières volontés qui me restaient s’affaiblir sous l’action cumulée du froids, de la fatigue et de la douleur que je ressentais, autant physiquement, mais aussi mentalement. L’hypothermie me gagnait et à présent, une seule pensée m’obsédait. J’allais mourir de froid si personne ne faisait rien… Mes dernières forces diminuaient inexorablement sans que je ne puisse l’en empêcher.

Juste avant que je ne sombre définitivement dans l’inconscience, le hurlement d’une sirène me vrilla les tympans, et sans pouvoir esquisser le moindre geste, je sombrais dans l’inconscience.

Je fus réveillé par le “bip” régulier qui sonnait à mes oreilles. Avec difficultés, j’ouvris les yeux pour les refermer aussitôt, aveuglé par l’afflux de lumière blanche produite par les allogènes qui éclairaient la pièce. La position allongée me faisant souffrir, je tentais de me redresser avec beaucoup de peine, mon corps endolori, me faisant souffrir au moindre de mes mouvements. Alors que je me redressais, ma tête se mit à tourner, et prit de vertiges, je me vis contraint de me rallonger. Je poussais un soupire d’exaspération et d’énervement pour la forme, et de nouveau gagné par la fatigue, je n’avais même plus la force de râler.

C’est alors que la porte de ma chambre s’ouvrit et je vit Philippe se précipiter sur moi avec empressement, si bien que je ne remarquais pas la seconde personne qui resta un peu en retrait dans la salle. Philippe m’attrapa la main et me demanda comment j’allais. L’inquiétude le faisait parler avec précipitation, si bien que je ne comprenais pas la moitié de ce qu’il me disait. J’avais l’impression d’être un demeuré, mais mon esprit embué de fatigue avait du mal à se connecter à la réalité, et mes neurones semblaient plus vouloir se reposer que tenter d’établir une connexion, ne serait-ce que partielle.

- Tu m’as foutu une sacrée trouille, gamin ! Déclara Phillipe. Ne me refais jamais une peur pareille compris ! Sinon c’est moi qui risque de crever d’une crise cardiaque avant l’heure !

- Hey ! Doucement s’teuplé ! J’ai le cerveau qui va exploser entre la lumière et tes hurlement ! J’aurais mieux fait de rester dans les vapes ! Murmurais-je, incapable de parler à haute voix.

C’est alors que je me rendis compte d’une présence dans le fond de la salle. Je tournais la tête en sa direction, et mon cœur failli louper un battement lorsque je reconnu Juha.

- Qu’est-ce qu’il fout ici lui ?

Inconsciemment, je dus exprimer tout haute ce que je pensais tout bas, car je sentis deux paires d’yeux se poser sur moi et me regarder fixement.

- Enfin Gabriel ! C’est grâce à lui que tu es ici. On peut même dire qu’il t’a sauvé la vie, déclara Philippe.

Abasourdi par la révélation que venait de me faire Philippe, j’en oubliais totalement la présence de Juha. Assommé par une telle nouvelle, je reportais lentement mon attention sur l’homme qui me faisait face et le regardais sans pouvoir prononcer le moindre mot.

Alors comme ça, c’était lui… La voix qui résonnait dans ma tête et m’appelait, me forçant à rester conscient, n’était autre que la sienne… Comment n’ais-je pas pu la reconnaître ? Et surtout, pourquoi s’est-il donné tant de mal pour moi ?

- Pardon ? Répondis-je, prenant confirmation de l’information que je venais de recevoir, pensant avoir été victime d’un mauvais tour de mon cerveau dérangé.

- Ne me fais pas répéter ce que tu as très bien entendu Gabriel ! Sévit Philippe.

Je ne répondit rien, me contentant de soupirer de façon exagérée, montrant bien ainsi mon mécontentement.

C’est alors qu’un détail surgit à mon esprit, et paniqué, je demandais d’une voix tremblante de peur :

- Et Orphée ? Philippe ! Comment va mon cheval ?

- Calme toi Gabriel, me répondit Philippe, Juha s’en ait très bien occupé. Il l’a ramené et la remis dans son box, après l’avoir desseller et panser. Rassure-toi. Orphée va très bien !

Je poussais un soupir de soulagement audible, ne relevant même pas lorsque Philippe m’apprit que Juha s’était lui-même occupé de ma monture.

Soudain, un mouvement dans le fond de la pièce attira notre attention, et à mon grand étonnement, je vis Juha, blanc comme un linge, tenter de reprendre constance, sans pour autant y parvenir. Son teinte livide, lui donnait un air maladif, si bien que je me demandais si ce n’étais pas plutôt lui qui avait sa place dans le lit dans lequel je me trouvais.

D’une petite voix que je ne lui connaissais pas, il déclara :

- Je crois que je vais rentrer, je…

Il ne termina jamais sa phrase, mais j’en devinais aisément la fin…

Face à l’atmosphère étouffant qui régnait dans la pièce, Philippe déclara d’un ton enjoué, tentant d’apaiser les tensions :

- Oh, excuse moi, je n’avais pas vu ton état, j’étais tellement inquiet pour Gabriel. C’est vrai que tu semble avoir besoin de repos. On est pas habitué au travail ici hein ? dit Philipe tentant de détendre l’atmosphère.

Repoussant la fatigue que je sentais poindre, je posais mon regard sur Juha pour ne plus le lâcher. J’avais l’impression qu’il me cachait quelque chose, mais je n’aurais sut dire quoi. Son regard fuyant ne faisait que renforcer cette impression, et inconsciement, je me fis la promesse de découvrir ce qu’il cachait avec tant de ferveur.

Son visage d’une pâleur maladive reflétait son manque de sommeil et la fatigue qu’il avait accumulée et on pouvait y déchiffrer toute la rancœur et la déception qu’il éprouvait en cet instant. Semblant se rendre compte également de l’état comateux de Juha, Philippe se leva, m’informant qu’il ramenait Juha chez lui, et repassait ensuite une dernière fois à l’hôpital.

Alors qu’il s’apprêtait à quitter la pièce, Juha m’adressa un dernier regard que je soutiens sans problème, sans parvenir pour autant à déchiffrer le message silencieux qu’il m’envoyait.

Même après qu’il ait quitté la pièce, je restais un long moment à fixer sans même la voir, la porte par laquelle il avait disparut de ma vue. Le regard dans le vide, je songeais sans cesse au dernier regard que m’avait adressé Juha.

Je n’étais moi-même pas certain, mais il me semblait y avoir décelé, l’espace d’un instant, un éclair de tristesse. Mais face à l’incertitude de ce qui m’avait semblé être une illusion, je décidais de n’y prêter aucune importance. Et puis, dans l’état dans lequel j’étais, je préférais largement me reposer que de me prendre la tête avec les problèmes des autres. J’en avais suffisamment moi-même pour jouer les Saints Bernard. Puis, éreinté, le corps endoloris et la tête pleine de questions, je finis par m’endormir sans me sentir plonger.
Lorsque je me réveillais, la pièce était plongée dans l’obscurité, et alors que j’ouvrais lentement les yeux, afin de ne pas vivifier mon mal de tête déjà présent, j’entendis le bruit caractéristique d’une poignée de porte, et aussitôt après, celle-ci s’ouvrait, laissant entrer un halo de lumière blanche. Dans l’entrebâillement de la porte, je reconnu Philippe. Celui-ci semblait hésiter entre entrer et repartir, n’étant pas certain de mon état. Face à son doute, je déclarais d’une voix éraillée :
- Tu peux entrer… Je ne dors pas…
Obéissant à ma demande, Philippe entra dans la pièce et referma la porte derrière lui. Se laissant guider par les rayons de la lune, il tâtonna à la recherche de la lampe de chevet posée sur le petit meuble près de mon lit et prit place sur la chaise qu’il occupait tout à l’heure.
- Comment te sens-tu ? Me demanda Phillipe d’une voix qui trahissait son inquiétude.
- Comme quelqu’un qui est tombé de cheval, répondis-je avec un rire qui sonnait faux.
Contre toute attente, Philippe posa délicatement sa main sur mon front, en un geste de réconfort, et d’une voix douce, il demanda :
- Que s’est-il passé, Gabriel ? Tu te souviens de quelque chose ?
Bien sûr que je me souvenais de ce qu’il s’était passé, mais pouvais-je réellement le raconter à Philippe ? J’étais pris au pied du mur, et pour la première fois depuis longtemps, je ne sus que faire. Alors, malgré ma réticence, je décidais de lui cacher la vérité… Puis, d’une voix mal assurée, je répondis :
- Oui, je… Je me souviens avoir été perturbé. Je n’étais pas assez concentré et avant que je ne comprenne ce qui se passait, je sentais ma tête cogner violemment contre quelque chose de dur, puis le trou noir…
J’omettais volontairement quelques détails, comme la raison de mon manque de concentration ou la voix de Juha dans ma tête qui m’ordonnait de me battre pour survivre. Cela ne me mettais certes pas très à l’aise, mais je ne me sentais pas le courage d’avouer mes faiblesses à Philippe.
S’il ne crut pas à mes paroles douteuses, il n’en laissa rien paraître et ne chercha pas à essayer de me faire parler, ce dont je lui remerciais. Comme je m’y attendais un peu, Philippe engagea la conversation sur un terrain un peu plus glissant, et sans se départir de sa voix douce, dans laquelle je décelais pourtant une once de reproche, il déclara :
- Par contre, je ne comprend vraiment pas ton attitude envers Juha… Qu’est-ce qui te dérange tant que cela en lui ? Dis-toi que s’il n’avait pas été là, tu serais peut être mort de froid à l’heure qu’il est… Franchement Gabriel, je ne te comprend vraiment pas…
- Et il n’y a rien à comprendre, m’exclamais-je un peu trop vivement à mon goût. Je ne sais pas, c’est physique ! Sa seule présence m’insupporte ! Il a quelque chose de pas clair ce gars !
- Je conçois très bien que l’on puisse ne pas aimer une personne, cela m’arrive à moi aussi, mais même si c’est le cas, il à quand même droit à un minimum de respect ! Me répondit Philippe, un peu plus vivement toutefois. Je ne te demande pas de te mettre à genoux devant lui, Gabriel, souffla-t-il dans un soupir, mais un merci aurait été le bienvenue !
Je restais silencieux, faisant ainsi clairement comprendre que je ne désirais aucunement m’attarder sur le sujet, et après quelques minutes de silence un peu gêné, il faut l’avouer, Philippe reprit :
- J’ai appris pour toi et Marion… Que comptes-tu faire à présent ?
- Je… Je n’y ai pas encore réfléchis, répondis-je sincèrement. Mais je pense qu’il serait mieux d’arrêter là avant que cela ne soit trop tard…
Je devais avouer que j’étais extrêmement nerveux. Marion était la fille de Philippe, et je craignais qu’elle joua de son statut pour convaincre son père de me renvoyer, mais au regard compatissant et empli de tendresse que me lança Philippe, je compris qu’il n’en serait rien. A ma grande surprise, il déclara :
- Je comprend ce que tu ressens, et je respecte ton choix. J’avais bien remarqué que cela n’allait pas très bien entre vous depuis quelques temps, mais le comportement de Marion est inadmissible.
Sentant la fatigue me gagner, je n’écoutais qu’à moitié les paroles de Philippe qui, semblant se rendre compte finit par déclarer :
- Je vais te laisser te reposer, je repasserais te voir demain dans la journée.
- D’accord ! Murmurais-je en étouffant tant bien que mal un bâillement. Merci Philippe, ajoutais-je.
L’interpellé ne répondit rien, se contentant de m’adresser un sourire bienveillant avant d’éteindre la lumière et quitter la pièce. Ereinté, je ne mis que quelques minutes à trouver le sommeil.
Lorsque je me réveillais le lendemain, le soleil était déjà haut dans le ciel et se reflétait sur la colline enneigée que je pouvais apercevoir de la fenêtre de ma chambre. Tournant la tête vers le radio réveil, je constatais qu’il était plus de dix heures passées et avisait le plateau contenant mon petit déjeuner posé sur la chaise près de mon lit. Intrigué, je me demandais qui avait bien put me laisser dormir ainsi, et songeait alors à Philippe. L’initiative venait certainement de lui, car en temps normal, tous les patients de l’hôpital étaient réveillés en même temps que les infirmières, c’est à dire tôt le matin.
Mentalement, je remerciais cet homme prévoyant et en accord avec mon estomac qui se manifesta bruyamment, j’entamais mon petit déjeuner. Celui-ci n’était guère fameux, remarque, il ne fallait pas s’attendre à du grand art en ce lieu, mais lorsque j’aperçus très vite, le petit sachet contenant un pain au chocolat. Intérieurement, je bénis cet homme que je considérais comme mon père et, de bonne humeur, un sourire étirant mes lèvres, je dévorais mon petit plaisir matinal.
Lorsque j’eus terminé, une infirmière vint prendre de mes nouvelles, et changea ma perfusion. Puis, rassurée par mon état de santé, elle quitta la pièce, me laissant à ma solitude. C’est alors que contre toute attente, la conversation que j’avais eut hier soir avec Philippe me revint en mémoire… D’accord, il est vrai que j’y avais été un peu fort avec Juha, mais d’un autre côté, lui non plus ne cachait pas ses ressentiments à mon égard. Comme je l’avais dit plus tôt à Philippe, je n’arrivais pas à cerner Juha. pour moi, il était quelqu’un à éviter si l’on ne voulait pas avoir de problèmes. D’ailleurs, qui était-il ? D’où venait-il ? Pourquoi ne savons nous rien sur lui ? Tant de questions auxquelles il me faudrait apporter des réponses, car je ne supportais pas rester ainsi dans l’inconnu et dans l’ignorance. Si certaines choses pouvaient encore passer, ce n’était pas le cas de celles-ci. Il ne faut pas prendre les gens pour des cons non plus.
C’est un peu cela qui était la cause de ma méchanceté envers Juha. J’avais l’impression qu’il me prenait pour un con et je ne pouvais le supporter. Quitte à aller lui faire des excuses pour mon comportement et le remercier de son geste, j’étais encore sceptique sur la question… Bon d’accord, Philippe avait raison lorsqu’il disait que tout le monde à droit au respect, mais en attendant, il me faut mettre ma fierté de côté et aller me ridiculiser face à l’autre bleu.
Finalement, je restais un long moment à me prendre la tête au sujet de ma némésis. puis, au bout d’une heure, ravalant ma fierté, je pris la décision d’aller le voir lorsque je sortirais d’ici. Je ne savais pas encore ce que je lui dirais, mais j’avais encore aujourd’hui et demain pour y réfléchir.
Je fus tiré de mes pensées par une des aides soignantes qui frappa doucement à la porte, avant de l’ouvrir timidement avec un petit sourire. Etonnamment, je n’eu pas envie de la remballer. Dans la vingtaine, elle avait quelque chose d’apaisant dans son sourire et la façon discrète qu’elle avait de se déplacer. Lorsqu’elle s’adressa à moi d’une petite voix douce, me demandant comment j’allais, je lui répondit avec toute la gentillesse dont j’étais capable. Nous plaisantâmes un instant, puis elle quitta la pièce, devant finir sa tournée avant de quitter son service.
Puis, sentant un mal de tête arriver, je fermais le volet électrique de la baie vitrée et fermais les yeux. Il n’y avait rien de tel que le noir total et le silence pour faire passer un mal de tête. De plus, mon corps encore courbaturé me faisait toujours un peu souffrir, si bien que je préférais dormir pour oublier momentanément la douleur et l’ennui qui s’emparait de moi. Je n’avais pas l’habitude de rester inactif aussi longtemps et cela me déplaisait grandement. Je n’aimais pas rester immobile, allongé dans un lit. Cela me donnais l’impression d’être inutile et de ne servir à rien. Je finis par m’endormir quelques minutes plus tard, bercé par le bruit étouffé des pas des infirmières qui résonnaient dans le couloir.
Je me réveillais bien plus tard, la pièce toujours plongée dans le noir, mais une petite lumière allumée à mon chevet. Les yeux encore embués de sommeil, je tournais la tête vers la source de lumière et papillonnais des yeux pour m’habituer à la lueur qui m’éblouissait. Semblant s’en rendre compte, mon visiteur tourna la lumière de façon à ce qu’elle ne m’arrive plus dans les yeux. Je murmurais un faible “merci” d’une toute éraillée. Contre toute attente, mon mal de tête ne s’était pas dissipé et avait, au contraire, gagné en intensité, si bien que, ne pouvaient supporter la lumière, je tournais la tête de l’autre côté.
Une voix que je ne connaissais que trop bien résonna à mes oreilles tandis que Philippe déclarait :
- Je ne reste pas longtemps, je suis juste venu prendre de tes nouvelles. Les médecins ont dit que tu pouvais sortir demain ! Je viendrais te chercher demain dans l’après-midi. En attendant, je veux que tu te reposes, mon garçon. Cela ne peut te faire que du bien ! murmura Philippe en posant sa main sur mon épaule en un signe d’encouragement.
- Merci, Philippe, murmurais-je à mon tour en un soupir audible.
Philippe sortit de la pièce sans un mot, mais me lança une petit sourire d’encouragement qui me mit le baume au cœur.
Comme il l’avait promit, il vient me chercher en début d’après-midi. La route qui nous reconduisait au centre se fit en silence. Les yeux rivés sur la fenêtre, je regardais défiler devant moi, le paysage hivernal nappé d’un épais drap d’un blanc immaculé qui luisait de mille feux sous les rayons de soleil. Une fois arrivé, je sautais de la voiture sans attendre l’arrêt complet de celle-ci et me précipitais en courant vers le box d’Orphée, oubliant toutes les recommandations du médecins qui m’avait fait promettre, à force de menaces et de chantage, de rester tranquille quelques temps et de ne pas faire d’effort physiques inutiles.
Lorsqu’il m’entendit arriver, Orphée sortit la tête de son box et avec u petit hennissement, il accueillit ma venue. Cela me fit chaud au cœur, et je me précipitais vers ma monture. A la hâte, j’ouvrais la porte du box et entrais. Après quelques caresse à mon meilleur ami, je commençais une inspection rigoureuse, à la recherche de la moindre blessure.
Après plus d’une bonne quinzaine de minutes passées à inspecter la moindre parcelle de pelage d’Orphée, j’en arrivais avec soulagement à la conclusion qu’il n’avait pas été blessé. Avec précaution, je lui prit quand même les pieds et examinais ceux-ci avec autant de minutie, vérifiant sa ferrure par la même occasion.
C’est avec un soulagement non feint que constatais qu’Orphée était sain. Je restais encore un moment avec lui jusqu’à ce que je sente la fatigue s’emparer de moi. Je quittais alors le box d’Orphée, après une dernière caresse et prenait la direction de l’écurie. Je passais devant le box de Tenbu Horin et décidais de m’arrêter un instant. J’appréciais énormément ce cheval et restais un peu de temps avec lui. Puis, lorsque mes yeux commencèrent à se fermer sur leur propre initiative, je décidais qu’il était grand temps que j’aille me reposer.
D’un pas chancelant, je me dirigeais jusqu’à ma chambre et une fois dans celle-ci, je trouvais le courage de fermer les volets électriques de la fenêtre. Sans prendre le temps de me déshabiller, je tombais sur le lit et m’endormais immédiatement sans le moindre effort.
Lorsque j’ouvris les yeux, je fus tout d’abord surpris de constater que la pièce était plongée dans le noir, et ce n’est que quelques secondes plus tard que je parviens à me restituer.  Avec difficulté, due au courbatures qui me meurtrissaient le cou, je tournais la tête vers mon réveil et je constatais avec surprise que j’avais dormi pendant plus de quatre heures. Tel un félin, je m’étirais longuement en bâillant à m’en décrocher la mâchoire  et prenant mon courage à deux mains, je me levais.
Je pris la direction de la salle de bain et jetant mes vêtements à même le sol, j’entrais dans la douche et réglais l’eau sur la température maximale que ma peau pouvait supporter. Peut de temps après, la salle de bain toute entière était inondée de vapeur d’eau, si bien que c’est à peine si je parvenais à voir à l’autre bout de la petite pièce. Cependant, pour rien au monde je n’aurais coupé l’eau. La chaleur de celle-ci me procurait un bien fou et petit à petit, je sentais la douleur de mes muscles de dissiper.
Je restais encore un long moment sous la douche, le temps d’apprécier la bienfaisance de celle-ci et de me laver les cheveux. J’attrapais ensuite une serviette que je nouais autour de la taille et une deuxième dans laquelle j’essorais mes cheveux afin de les sécher au maximum. J’avais un sèche cheveux à disposition, mais je vouais une haine farouche à cet objet qui, d’une, faisait un bruit pas possible, de deux, vous brûlait le cuir chevelu et de trois, abîmait les cheveux.
Une fois les cheveux secs, je retournais dans ma chambre et alla choisir des vêtements propres. J’optais pour un jean noir et une chemise bordeaux par dessus laquelle j’enfilais un pull noir à col roulé. Je venais de prendre une décision, et allais m’y tenir jusqu’au bout, même si à tout instant, ma détermination menaçait de s’envolée comme elle était venue. Je me maintiendrais à cette décision, même si elle me coûtais. Je savais parfaitement que Philippe avait raison, et ce que je m’apprêtais à faire, pour que l’homme qui m’a quasiment élevé n’ait pas un jour à regretter son geste…
J’enfilais mes rangers et mon long manteau noir, attrapais mes papiers et mon trousseau de clés et quittais la pièce. J’allais faire chauffer la voiture, et avant de partir, je passais voir Philippe que je soupçonnais être dans son bureau. Je frappais quelques coups et ouvrait la porte avant même d’attendre une réponse. Je remarquais immédiatement la présence de Marion. Elle-ci, se retourna en m’entendant entrer, mais sans un regard pour elle, je m’adressais à Philippe :
- Je prend la voiture, j’ai une course à faire… Je ne devrais pas en avoir pour bien longtemps.
- Très bien, déclara le vieil homme en m’adressant un sourire en coin et un clin d’œil. A tout à l’heure mon garçon, sois prudent sur la route !
- Hn, répondis-je simplement avant de refermer la porte.
Au clin d’oeil que Philippe venait de m’adresser, je le soupçonnais de savoir la nature de la course que j’avais à accomplir. J’haussais les épaules et montais dans la voiture.
Je roulais une dizaine de minutes sous la neige qui tombait intensément avant d’arriver. Je n’étais pas certain de l’exactitude de l’endroit, mais lorsque j’aperçut sa silhouette un peu plus loin, je sus que je ne m’étais pas trompé. Cependant, un détail attira mon attention, et sans vraiment savoir le pourquoi de mon geste, j’arrêtais le contact et quittais précipitamment la voiture. Discrètement, je pris la direction part laquelle il avait disparut et le suivit.
Le spectacle qui m’attendait alors me mit hors de moi, et je dus faire appel à tout mon sang froid pour ne pas perdre le contrôle de mes actes. Juha était allongé au sol dans l’entrée de son appartement, et un homme prenait plaisir à le ruer de coups. Mais le pire dans tout cela, c’était que Juha semblait accepter le traitement reçu. Allongé au sol, les yeux fermés, il attendait les coups, replié sur lui-même. Une colère sourde m’envahit alors. Comment pouvait-on accepter de recevoir des coups de cette manière sans même se rebeller ? N’avait-il donc aucun honneur, aucune dignité ? Quel homme peut-il accepter de se faire rabaisser ainsi par un autre ?
Lorsqu’un gémissement de douleur s’échappa des lèvres de Juha, je ne pus contenir ma fureur et celle-ci explosa violemment. Je me jetais sur l’inconnu qui, déstabilisé, tomba à terre, et à mon tour, je lui décrochais un violent coup de poing dans la mâchoire.
Le moment de surprise passé, l’homme se redressa, et me jeta un regard dédaigneux qui ne me fit ni chaud ni froid. Puis, il reporta son attention sur Juha qui tentait de se redresser avec difficultés et lui cracha au visage :
- A peine sortit et tu as déjà trouvé une nouvelle victime… Tu me dégoûtes Juha ! Où est donc passé l’amour incommensurable que tu disais vouer à Killian ? Tu n’es qu’une enflure, sale petite pédale…
- Hey ! M’écriais-je alors, bien que je ne comprenait pas un traître mot de la conversation à sens unique à laquelle j’assistais malgré moi. c’est finit oui ? Tu n’es pas le bienvenue ici ! Alors tu vas être bien sage et tu vas repartir de là où tu es arrivé ! Et que je ne te reprennes pas dans les parages ou cette fois-ci tu ne t’en sortiras pas aussi bien !
Alors que l’inconnu allait pour protester, je le devançais et déclarais :
- Tu comprends le français ou il faut te faire un dessin ?
J’eu droit à un nouveau regard meurtrier, et jeta un “fais bien attention à toi Juha, tu ne sera pas accompagné indéfiniment !”, avant de quitter l’appartement en claquant violemment la porte d’entrée. Je restais un moment immobile, fixant Juha d’un regard impénétrable, puis, je m’approchais de lui et lui tendit la main pour l’aider à se relever.
Je le vis hésiter un instant avant de la saisir timidement. Je l’aidais à se relever avant d’aller prendre place dans le canapé qui meublait la petite pièce principale.
- Je ne savais pas que tu étais adepte du masochisme ! Déclarais-je, un sourire ironique étirant le coin de mes lèvres.
Cette remarque le fis sourire légèrement, et étrangement, je m’en félicitais intérieurement. Il vient s’asseoir dans le canapé à une distance raisonnable de moi, et devinant qu’il n’avait pas l’intention de parler, j’engageais les hostilités :
- Je suppose que tu n’as pas l’intention de me dire qui était cet homme je me trompe ?
Comme je m’y attendais, seul le silence me répondit, mais je ne me laissais pas abattre et poursuivit :
- Si j’ai bien compris, tu étais l’amant de ce Killian ? Que lui est-il arrivé ? Pourquoi a-t-il parlé de victime ?
De nouveau, seul le silence me répondit, seulement interrompu par les bruits du village. Face à tant d’éloquence de la part de mon vis à vis, je me levais et déclarais :
- Bon, ben puisque tu ne veut rien me dire, je n’ai plus rien à faire ici…
- Attend ! S’exclama Juha dans mon dos.
Surpris, je me retournais pour voir Juha, debout, une main tendue dans ma direction, comme pour me retenir. Je lui lançais un regard interloqué, et semblant gêné il bredouilla timidement :
- Je… Tu peux… Ru peux rester ici… Cette nuit… S’il te plait ?
Je ne cachais pas ma surprise face à la requête de Juha, et restais un moment silencieux, face à cette demande. Puis, m’étonnant moi-même, je demandais :
- Tu répondras à mes questions ?
- Ou… Oui, murmura-t-il en baissant les yeux.
- Bien, répondis-je en refermant la porte. Tu as un téléphone s’il te plait ?
Il me jeta un regard interrogateur, et sans savoir pourquoi, je me sentais obligé de me justifier :
- J’ai dis à Philippe que je ne rentrerais pas tard, je ne veux pas qu’il s’inquiète inutilement.
- Oh, je… Le téléphone est là, déclara-t-il en me le montrant du doigt.
- Merci, déclarais-je simplement.
Du coin de l’oeil, je vis Juha disparaître dans la pièce voisine, et je le rejoignais quelques minutes plus tard, après avoir brièvement expliqué la situation à Philippe. Accoudé à l’encadrement de la porte de la cuisine, j’observais Juha s’activer à faire chauffer de l’eau :
- Tu devrais soigné ça, déclarais-je alors en m’approchant et en touchant délicatement du doigt, la plaie sur sa tempe de laquelle s’échappait du sang qui maculait sa joue.
- Oh… Oui, j’y vais, répondit-il d’une petite voix hagarde.
Je reportais mon attention sur lui et constatais qu’il était encore plus pâle qu’un cachet d’aspirine. Je lui pris alors la main et le guida jusqu’au canapé ou je le forçais à s’asseoir en lui arrachant un hoquet de surprise.
- Reste là, lui ordonnais-je d’une voix ferme avant d’aller chercher la trousse à pharmacie dans la salle de bain.
Je reviens quelques secondes plus tard, et m’assis en face de Juha. Délicatement, j’entrepris de nettoyer la plaie. Puis, brisant le silence, je demandais d’une voix étrangement douce :
- Alors, qui était-ce ? Apparemment, il avait l’air de bien te connaître !
- C’était le… le frère de Killian…
- C’était ? Demandais-je intrigué. Puis, face aux larmes qui inondaient à présent les joues de Juha, j’ajoutais, il est mort ?
J’eu droit à un hochement de tête silencieux en guise de réponse et à mon tour, je me tus, ne sachant trop comment me comporter face à la douleur qui émanait de Juha. Après plusieurs minutes de silence gêné, ce fut finalement Juha qui prit la parole et demanda, changeant radicalement de sujet :
- Pourquoi es-tu ici ?
Je sentis alors mes joues s’empourprer violemment face à la question qui m’était posée, et perdant toute constance, je murmurais en bredouillant :
- Je… J’étais venu m’excuser pour mon comportement… L’autre jour, à l’hôpital… Donc voilà, je… Je m’excuse…
- J’apprécie ton geste, répondit Juha. Et puisque le moment en est aux remerciements et au pardon, je voudrais te remercier pour ce que tu as fait tout à l’heure. Tu n’y étais pas obligé et pourtant, malgré nos différents, tu l’as fait quand même. De plus, tu as accepter de passer la nuit ici… alors merci, merci pour tout…
Inconsciemment, je laissais aller mon regard sur le visage de Juha que je percevais de profile. Ses cheveux bruns qui lui arrivaient au niveau des épaules faisaient ressortir le noir intense de ses yeux. Ses traits fins, mais néanmoins masculins lui confiaient une certaine grâce. Je ne savais pas si j’avais volontairement évité de telles pensées ou non, mais ce n’est que maintenant que je me rendais compte de la réelle beauté de Juha… Son corps semblait être sculpté dans un bloc de marbre, telle les statues anciennes des dieux grecs, avec un corps à faire pâlir d’envie n’importe qui. Bien qu’un peut trop fin, ses muscles saillaient  impeccablement sous son habit, juste ce qu’il fallait pour laisser deviner les formes de son corps.
Réalisant alors les pensées qui étaient les miennes, je me giflais mentalement et me reculais peut être un peu trop brusquement pour paraître naturel. Juha s’en rendit compte car il m’adressa un regard interrogateur que je ne pus supporter. Je détournais les yeux, trop honteux des pensées qui m’avaient effleuré l’esprit. Troublé par le regard que Juha posait sur moi, je me levais et déclarais d’une voix mal assurée :
- Je vais faire à manger, tu devrais te reposer pendant ce temps…
Et sans attendre de réponse de sa part, je pris la direction de la cuisine. Tout en cherchant les ustensiles dont j’avais besoin, je tentais désespérément de calmer les tremblements qui agitaient mes mains. Je sentais la nervosité grandir en moi, sans réellement savoir d’où elle provenait, ni ce qui pouvait m’angoisser ainsi de la sorte. Je m’impliquais consciencieusement dans la tache que je m’étais impartie, tachant d’oublier les pensées honteuses qui s’étaient imposées à moi. Pourquoi avais-je eu de telles pensées ? Pourquoi revenaient-elles me hanter après tout ce temps ? Qu’est-ce que cela signifiait-il ?
Moi qui pensais avoir définitivement tiré un trait sur mon passé, voila qu’il revenait au galop sans crier gare… Un passé honteux que j’étais difficilement parvenu à enfouir au plus profond de moi, à exorciser de mon présent pour ne finalement plus y penser que dans de mauvais rêves qui revenaient lorsque mon sommeil était agité…
Lorsque j’eu dressé la table pour deux et terminé de préparer un petit repas simple, j’allais chercher Juha au salon. En m’entendant arriver, il se redressa et posa sur moi son regard noir intense qui me mettait si mal à l’aise depuis que ces images s’étaient imposées à moi.
- Tu viens manger ? Le repas est prêt, déclarais-je simplement tentant de masquer mon trouble à Juha.
Cette simple phrase me fit un drôle d’effet. Vu de l’extérieur, nous semblions avoir tout l’air d’un jeune couple. Cette image me fit monter le rouge aux joues et je détournais le regard pour ne pas avoir à supporter une fois de plus celui de Juha posé sur moi. Son regard avait quelque chose que je ne parvenais à définir, un je ne sais quoi qui avait le don de me mettre mal à l’aise.
J’avais préparé un repas simple, le frigo étant vide, j’avais du me contenter de boîtes de conserve. Ce n’était certes pas fameux, mais nous nous en contenterions pour ce soir. De toute façon, je doutais que Juha ait l’envie et le courage d’aller remplir son frigo à cette heure-ci, et moi, j’avais tout bonnement horreur de faire cela. Et puis je veux bien être gentil un moment, mais fallait pas pousser le bouchon trop loin non plus.
Nous mangeâmes dans un silence religieux, seulement brisé par le bruit des couverts. J’avais trop de questions et de doute en tête pour me préoccuper du sort de Juha. Et puis, il était suffisamment adulte pour se débrouiller seul, sans avoir toujours auprès de lui quelqu’un pour le materner.
A la fin du repas, j’aidais Juha à débarrasser la table puis, alors qu’il faisait la vaisselle, j’allais m’affaler dans le canapé et allumais la télévision. Je zappais jusqu’à ce que je tombe sur une émission sur les peuples nomades. Intéressé, je posais la télécommande à côté de moi et me plongeais dans le récit du narrateur, émerveillé par les images de paysages qui s’offraient à moi par écran interposé. Plongé dans l’écoute du documentaire, je n’entendis pas Juha venir prendre place à mes côtés, et ne réalisais sa présence que lorsque je sentis le canapé s’affaisser sous son poids.  Cependant, je ne lui jetais qu’un fugace coup d’oeil, avant de reporter mon attention sur l’écran.
Deux heures plus tard, lorsque je reportais mon attention sur Juha à la fin de l’émission, je constatais qu’il s’était endormis. La tête reposant sur son épaule, je me demandais bien comment il pouvait arriver à dormir dans une telle position. Ne craignant pas de le voir se réveiller, je laissais mon regard s’attarder sur la courbe de son visage et la douceur de ses traits. Une mèche de cheveux s’échappa de derrière son oreille, et sans réaliser mon geste, j’avançais lentement une main pour la replacer. Alors que je m’apprêtais à le faire, je suspendis mon geste, glacé d’horreur par ce mouvement qui avait était le mien.
Ce qui m’effrayais le plus, ce n’étais pas le geste en lui même, mais la facilité avec laquelle je m’apprêtais à le réaliser… Je compris alors que cette soirée allais être l’une des plus éprouvantes que j’ai jamais eu à passer, et que finalement, accepter de passer la nuit ici en compagnie de Juha n’était peu être pas une si bonne idée. D’ailleurs, je ne savais toujours pas ce qui m’avais pousser à accepter une telle requête. J’étais venu ici dans l’intention de lui présenter mes excuses au plus vite et de repartir comme j’étais venu, et je me retrouvais coincé ici avec un ronfleur sur les bras.
Bien que fatigué, je ne parvenais pas à trouver le sommeil, si bien que j’attrapais la télécommande, baissais le son pour ne pas réveiller Juha, et recommençait mon manège de zapper les chaînes jusqu’à ce que je trouve un film qui me plaisait. Je tombais par hasard sur un film d’enquête policière et restait un moment à regarder les personnages évoluer sur le petit écran. Plus les minutes défilaient et plus je me sentais absorbé par cette histoire qui ressemblait étrangement à la mienne… Au fur et à mesure que le temps passait, je sentais les larmes me piquer les yeux et les essuyais du revers de la main en reniflant bruyamment. Cependant, je ne parviens pas à les contenir plus longtemps, et lorsque l’émotion fut trop forte, j’éclatais en sanglots. La fatigue additionnée à la douleur que je ressentais autant physiquement que moralement eut raison de moi. Mes sanglots retentissaient étrangement dans la pièce, brisant le silence de la nuit.
Noyé dans mes larmes, je ne vis pas Juha se réveiller et sursautais lorsqu’il me demanda d’une voix ensommeillée qui trahissait son inquiétude :
- Gabriel ? Que ce passe-t-il ?
D’un geste hésitant, il posa sa main sur mon épaule pour la retirer vivement, comme s’il venait de recevoir une décharge électrique, ou comme s’il était dégoûter de toucher quelqu’un comme moi… Ce geste m’interpella, mais pour le moment, je n’avais pas la tête à m’interroger sur la raison de ce mouvement brusque. Tout ce que je souhaitais à cet instant, c’était disparaître à jamais de la surface de la terre… De nouveau, Juha posa sa main sur mon épaule, mais cette fois-ci, il ne la retira pas.

Je ne sais pas combien de temps nous restâmes ainsi, tout ce que je savais, c’était que la main de Juha qui allait et venait dans mon dos d’une façon étrangement réconfortante m’apaisa partiellement, si bien que je finis par me laisser aller. Je m’endormis que bien plus tard, les yeux rougis par les larmes et la fatigue.
Je me réveillais avec l’impression de mettre endormis au pied d’un radiateur, tellement j’avais chaud. En plus de cela, j’avais mal au coup, comme si ma tête était surélevée par rapport à l’alignement de mon dos. Intrigué, j’ouvris difficilement un oeil pour le refermer aussitôt, aveuglé par l’afflux de lumière blanche qui inondait la pièce. Un murmure régulier attira alors mon attention et m’intriguais de plus en plus. C’était comme si l’on parlais à voix basse à côté de moi, ou le murmure incessant d’une télévision. Etrange… je n’avais pas de télévision dans ma chambre…
Sans plus de cérémonie, j’ouvris alors les yeux, et tentait alors de me redresser. Lorsque je posait la main sur ce qui aurait dû être normalement mon matelas, je rencontrais à la place une peau lisse et soyeuse. Je la retirais alors précipitamment et alors que je posais le regard sur la pièce, je tout me reviens en mémoire. Je n’étais pas chez moi, mais chez Juha. Ce nom fit tilt dans ma tête et je reportais mon attention sur mon curieux matelas. Et là, je me figeais littéralement d’effrois.
Mon matelas n’était autre que Juha, et la raison de mon mal de cou était à présent plus que translucide. Au vue de nos positions respectives, mon oreiller n’avait été autre que le torse de Juha… Et le pire dans tout cela, c’est qu’il me regardait avec un sourire amusé étirant ses lèvres et une lueur espiègles qui illuminait ses pupilles noires. Pris de panique, je tentais de me relever. Cette tentative échoua lamentablement, et avisant nos jambes entrelacées, je sentis le rouge me monter brusquement au joues.
Lorsque je vis Juha ouvrir la bouche, je redoutais qu’il me lance une réflexion acerbe, mais à ma plus grande surprise, sa voix était douce et calme :
- Ca va mieux ?
Je lui lançais un regard intrigué, ne comprenant pas où il voulait en venir et il déclara :
- Tu ne te souviens pas ? Cette nuit, tu t’es endormis dans mes bras après avoir pleuré…
A l’entente de ces mots, je cru mourir de honte. A tout moment, je m’attendais à voir Juha éclater de rire, mais il n’en fit rien, à mon plus grand étonnement. Au contraire, il sembla même prendre la situation à la rigolade, car, un sourire amusé étirant ses lèvres, il s’exclama :
- Tu comptes te lever un jour ?
Réalisant alors notre position, je m’empourprais pour la seconde fois consécutive, et me hâtais de me lever. Juha en fit de même et s’étira longuement dans un bâillement prononcé qu’il me transmis. Cela sembla l’amuser car il me sourit avant de prendre la parole :
- Tu veux manger quelque chose ?
J’hochais silencieusement la tête en signe d’acquiescement et lui emboîta le pas à la cuisine. Il fit chauffer de l’eau dans la bouilloire et  posa sur la table un reste de pain et trois pots de confiture à moitié vides. Sur l’invitation de Juha, je me sortis un bol et fouillais de le placard à la recherche de quelque chose à me mettre sous la dent, ayant horreur de la confiture. Par chance, je trouvais un fond de pot de Nutella. Satisfait, je pris place à table, en face de Juha et me préparais ma tartine de Nutella. Concentré dans ma tache méticuleuse de ne laisser aucun bout de brioche vierge de chocolat, je ne vis pas le sourire amusé de Juha qui me regardait faire avec un amusement non dissimuler.
Une fois fais, je léchais consciencieusement la petite cuillère avant de la reposer toute propre à côté de mon bol.
Je commençais à manger silencieusement, me remettant doucement de la surprise de ce matin, lorsque la voix de Juha retentie douce et mélodieuse, dans la pièce :
- Alors, cela fait longtemps que tu travailles avec les chevaux ?
Surprit de cette question, je relevais la tête de mon bol et posait sur l’homme qui me faisait face, un regard sceptique. Cependant, je dus bien me rendre à l’évidence qu’il n’y avait aucune moquerie ou quoi que ce soit d’autre dans le regard de Juha. Comprenant alors qu’il n’y avait que de la simple curiosité dans sa question, je décidais de jouer le jeu et répondis franchement :
- Je monte depuis que j’ai fait la connaissance de Phillipe, soit un peu moins de sept ans. C’est grâce à lui que j’en suis là aujourd’hui, répondis-je un peu mélancolique, les questions de Juha faisant ressurgir mon passé du tréfonds de ma mémoire.
- En tout cas, je suis impressionné par ton savoir faire. Tu as l’air tellement à l’aise en leur compagnie…
Sa réflexion me fit sourire malgré moi. Sur ce point, il ne pouvait pas savoir à quel point il était dans le vrai. J’ai toujours sentis que je n’avais pas ma place au milieu des hommes, que le seul endroit ou j’avais l’impression d’être utile, c’était auprès des chevaux. Lorsque j’étais arrivé au centre, j’étais une loque humaine. C’est grâce aux chevaux et à l’aide précieuse de Philippe que je suis parvenu à remonter la pente. Sans leur soutien et leur affection, il y a bien longtemps que je ne serais plus de ce monde.
Me prenant à la conversation, je demandais à mon tour, bien décider à en finir avec les embrouilles quotidiennes. Si cela avait été marrant au départ, cela le devenait de moins en moins.
- Et toi ? Tu n’as pas l’air de t’y connaître beaucoup avec les chevaux, fis-je remarquer. Tu faisais quoi avant ? Pourquoi avoir décider de te lancer dans quelque chose dont tu ignores tout ?
- Je… Je travaillais dans une entreprise d’informatique, répondit-il avec une hésitation qui ne m’échappa pas. Quant à savoir pourquoi je me suis lancé dans le domaine du cheval, je… C’est un peu une sorte de défit que je me suis lancé, de… De repartir à zéro et recommencer une nouvelle vie…
Mettant de côtés mes interrogations, je souriais tout en déclarant :
- Si toi tu ne t’y connais rien en matière de cheval, moi c’est bien l’informatique et la technologie qui me font défaut ! C’est à peine si je sais comment fonctionne mon téléphone portable !!
Ma remarque le fit sourire, puis nous terminâmes notre petit déjeuner en silence. Puis, sur son invitation, j’allais prendre une douche rapide. Lorsque je sortis, j’eu la surprise de trouver des vêtements propres posés au pied du lit. Je les enfilais rapidement, et rejoignis Juha. Je pris place à ses côtés sur le canapé et déclarais :
- Merci pour les vêtements.
- Je t’en prie, me répondit-il en m’adressant un sourire resplendissant. bon, je vais me doucher, ajoutat-il.
Je ne répondis rien et attrapais la télécommande de la télévision tandis que Juha allait s’enfermer dans la salle de bain. Je tombais sur une émission pour les enfants qui diffusait un manga et amusé, je décidais de regarder un moment. Juha sortit de la douche quelques minutes plus tard, et posant distraitement mon regard sur lui, j’aperçus un détail qui me surprit. Sur son omoplate droite, un dessin à l’encre représentant un phénix y était incrusté. Pas que cela me choquait, je possédais également un tatouage, mais je n’aurais jamais pensé en découvrir un chez ma némésis. Certes, il ne fallait pas se fier aux apparences, mais cela m’étonnait tout de même.
Lorsqu’il fut prêt, nous quittâmes l’appartement et partîmes en voiture jusqu’au centre. Le trajet s’effectua dans le silence le plus total. Arrivé au centre, je garais la voiture dans la cours, et alors que j’allais descendre, Juha m’interpella :
- Gabriel !
Intrigué, je me retournais et lui lançait un regard interrogateur, et il poursuivit :
- Merci !
Je ne répondis rien, ne lui adressant qu’un hochement de tête, et quittais la voiture. A la fenêtre de son bureau, je vis Philippe me sourire. Je lui rendis son sourire et le saluais d’un signe de tête. Puis, après avoir fermé la voiture, j’allais le rejoindre pour lui rendre les clefs du véhicule, abandonnant Juha derrière moi.
Lorsque j’entrais dans le bureau, Philippe m’accueillit chaleureusement :
- Bonjour mon garçon ! s’exclama-t-il. Vu l’heure tardive, je n’espérais plus ta venue, ajouta-t-il avec un sourire énigmatique étirant ses lèvres.
- Hn… Je suis désolé, répondis-je, ne sachant que dire d’autre. Il y a eu… un incident hier soir, ajoutais-je avec hésitation en faisant attention de bien choisir mes mots.
Alors que Philippe s’apprêtait à à ouvrir la bouche pour répondre, je le devançais et lui posait la question qui me brûlait les lèvres depuis un moment déjà :
- Dis moi, Juha… Il faisait quoi avant d’arriver ici ?
- Pourquoi me poses-tu cette question ? Demanda-t-il visiblement intrigué.
- Je ne sais pas, avouais-je. Il y a quelques chose qui me paraît pas clair chez lui, mais je n’arrive pas à cerner ce que c’est… Lorsque je lui ai posé la question tout à l’heure,, il a semblé hésiter avant de répondre… Comme s’il ne savait pas quoi dire…
- Le passé n’a pas d’importance, ce qui compte c’est le moment présent, me répondit Philippe avec un sourire qui se voulait convainquant. Et en parlant de moment présent, n’as-tu pas un concours à préparer ?
- Oui, répondis-je distraitement, un peu déçu du maque de confiance dont Philippe faisait preuve à mon égard. Certes, je comprenais sa réaction suite à nos débuts quelques peu intempestifs, mais j’étais tout de même adulte et suffisamment mature pour me comporter comme tel, malgré quelques petits accrochages avec Juha.
Sans un mot de plus, je quittais le bureau et me rendis dans ma chambre, où je me changeais. J’avais l’intention de monter Orphée ce matin, et enfilais donc une chemise en coton, un vieux jean et mes chaussures en cuir, avant de me rendre à la sellerie.
Je pris mon filet et ma selle et me rendis au box de ma monture. J’attrapais au passage des brosses et un cure-pieds. Je traversais l’écurie, chargé comme un mulet, sans même répondre aux salutations que l’on m’adressait. A vrai dire, je ne les entendais même pas. J’étais encore plongé dans ma récente discussion avec Philippe. Plus cela allait, plus j’avais l’impression que l’on me cachait des choses, à agir dans mon dos sans même m’en informer. Et s’il y avait bien une chose que je détestais pas dessus tout, c’était les mensonges et être prit pour un con.
L’impression que j’avais et qui ne voulait pas me quitter, semblant ce confirmer un peu plus à chaque instant qui passait, était que Juha et Philippe semblaient être liés par un secret connu d’eux seuls, comme s’il en découlait quelque chose de vital.
Ravalant la colère que je sentais commencer à poindre en moi, j’entrais dans le box d’Orphée et le caressais longuement en guise de bonjour. Alors que je commençais à le brosser, j’entendis la voix de Philippe retentir de la porte. Surprit, je me retournais brusquement et face à l’air sérieux et inquiet que reflétait son visage, je ne dis dire, lui laissant prendre l’initiative de la parole, ce qu’il ne tarda pas à faire :
- Tout va bien mon garçon ?
- Oui, répondis-je un peu trop prestement à son goût, ce qui suscita chez lui un levé de sourcil sceptique.
- Tu es certain ? Tu me paraît fatigué en ce moment, tu te surmenage trop, peu être devrais-tu prendre quelques jours de repos…
- Non ! Ca va, je t’assures ! C’est inutile de t’inquiéter, je vais bien, le coupais-je précipitamment. C’est juste un peu de fatigue, cela va passer, tentais-je de me rattraper, en prenant un ton plus calme.
- Justement, reprit Philippe, je… Je pense que tu devrais annuler ta participation à ce concours…
- C’est hors de question, m’écriais-je à présent envahit d’une colère froide. Je ne m’arrêterais pas aussi prêt du but ! J’ai bosser comme un dingue pour en arriver là, ne me demande pas de faire demi-tour maintenant.
- Je ne te demande pas de tout arrêter Gabriel, ne déforme pas mes paroles. Je te conseil juste d’annuler ce concours ! Tu auras d’autres occasions, de faire tes preuves.
- N’insiste pas Philippe, tu sais très bien que c’est inutile avec moi. J’ai pris ma décision et je ne reviendrais pas dessus, répondis-je intransigeant, tout en sellant ma monture qui, sentant ma colère, s’impatientait de plus en plus.
Je savais que je devais me calmer, mais pour le moment, c’était totalement impossible. Je me forçais à penser à autre chose, ne voulant pas que Orphée se blesse par mon manque de concentration. Je lui mit son filet, et sans un regard de plus pour Philippe, je quittais l’écurie. Je passais devant Juha sans même le voir, pestant intérieurement contre Philippe et son attitude trop protectrice.
Je n’étais quand même pas en sucre, j’étais parfaitement capable de savoir ou étaient mes limites et quand je lui assurais que je pouvais participer au concours, c’était que je m’en sentais capable.
Un peu calmé, j’entrais dans la carrière de compétition qui avait été construite un peu plus loin, derrière l’écurie principale et refermais derrière moi. Je menais ma monture au centre de lu carré de sable et mettais le pied à l’étrier après avoir vérifier le sanglage et que tout était correcte. Une fois en selle, je demandais à ma monture d’avancer. Je baissais légèrement mes mains et d’un effleurement des mollets sur ses flancs, celle-ci obéit avec, semblait-il, une certaine impatience.
Je l’échauffais un long moment, souhaitant minimiser au maximum les risques de blessures et c’est seulement au bout d’une petite heure que je commençais le programme officiel de l’entraînement. Ce qui me toucha le plus, ce fut le plaisir et la bonne volonté avec lesquels Orphée exécuta les figures que je lui demandais. J’enchaînais les slides et les spincs à une allure incroyable. Moi-même je n’en revenais pas de l’énergie que ma monture déployait pour cet exercice. Elle aimait faire ce travail et cela se sentait. J’en ressentais moi-même une fierté et une joie sans nom.
Une heure plus tard, je décidais d’offrir à ma monture, un repos bien mérité. Je mis pied à terre et après multiples caresses amplement méritées, je prenais la sortie de la carrière. Alors que je détachais la corde qui fermais l’accès, j’eu lal surprise de trouver Juha. Assit sur un banc, il m’observait en souriant.
- Quoi ? lui demandais-je.
- Rien, je regard juste ce que tu fais, répondis Juha sans se départir de son petit sourire qui avait le don de me mettre mal à l’aise.
Je ne répondis rien, ne sachant que dire et prenais la direction de l’écurie. Juha m’emboîta le pas et c’est côtes à côtes que nous arrivâmes au box d’Orphée, pour la plus grande surprise des palefreniers et des moniteurs qui avaient plus d’une fois, assistés à nos récurrentes prises de bec.
Alors que je dessellais Orphée et lui offrais un bon pansage, Juha, accoudé contre la porte brisa enfin le silence qui s’était installé entre nous :
- Alors comme ça, tu prépares un concours ? Demanda-t-il. Je… Je t’ai entendu en parler avec Philippe toute à l’heure, avoua-t-il, face au regard que je lui lançais.
- Hn… Oui, me forçais-je à répondre, bien que je n’en ai pas vraiment l’envie. Il est dans quinze jours.
- C’est un concours de quoi ? C’est ce que tu faisais toute à l’heure avec Orphée ?
- Oui, je lui faisait revoir les figures qui sont évaluées lors du concours…
- Tu as peur ?
- Un peu avouais-je. Je m’entraînes depuis longtemps et ce concours c’est vraiment la chance de ma vie. Le remporter c’est un peu prouver à tous que je suis capable autant qu’eux de faire quelque chose et de parvenir au bout de mes ambitions. Je ne suis pas particulièrement intéressé par le prix du concours pour l’argent à proprement dit, mais il est vrai que la somme promise me permettrais de me lancer dans mon projet. C’est pour cela qu’il me tien tant à cœur… Tu vas peut être trouver ça bête mais…
- Non, s’exclama alors Juha, je ne trouve pas ça bête, au contraire. Tu as de l’ambition c’est bien, cela prouve que tu sais ce que tu veux faire de ta vie, tu es acteur et non spectateur de ta vie comme beaucoup le sont.
- Hn, répondis-je simplement, méditant sur les paroles philosophiques de mon vis à vis.
- Quel est ton projet ?
- Hein ? demandais-je, n’ayant pas écouté sa question.
- Tu parlais d’un projet toute à l’heure. C’est quoi ce projet ?
- Je voudrais faire un élevage de chevaux américains comme Orphée et les entraîner pour devenir des champions… J’aimerais avoir mon propre ranch, être mon propre patron et ne pas avoir à travailler pour les autres. Je ne dis pas que Philippe est un mauvais patron, au contraire, mais ce n’est pas pareil. Travailler pour soi c’est en quelque sorte un défis que l’on se lance… Et pis, c’est aussi une preuve que les rêves peuvent parfois devenir réalité… Et toi, demandais-je, après un instant de silence, tu as un rêve que tu aimerais réaliser ? Un projet d’avenir ?
- Moi ? Euh… Si tu as un but précis, moi contrairement à toi, à défaut bien sur, je me laisse porter par la vie pour le moment. Il me faut un peu de temps pour m’en re… pour aller de l’avant.
Je notais la légère hésitation et la tristesse dans la voix de Juha. Une question me traversa l’esprit, mais j’hésitais à la lui poser, cependant, la tentation étant trop forte, je demandais non sans hésitation :
- C’est… C’est à cause de Killian ?
Face au silence de Juha et à la douleur qui émanait de lui, je me repris :
- Désolé, je ne voulais pas te blesser. Cela ne me regarde pas…
- Ce n’est rien, répondit Juha d’une petite voix tremblante. Oui… C’est lié à… à Killian…
- Cela va sûrement te paraître indiscret comme question, tu n’es pas obligé de répondre, mais il est mort depuis combien de temps Killian ?
- Cela va faire onze ans le mois prochain, répondit Juha après quelques secondes de silence.
- Il serait peut être temps de passer à autre chose, tu ne crois pas ?
- Je… Je sais, mais c’est toujours plus facile à dire qu’à faire… Il y a parfois des circonstances qui font que même si je souhaitais oublier, je ne peux pas…
Alors que j’allais répondre quelque chose, une voix m’appela de l’autre côté de l’écurie :
- Gabriel ?
- Je suis là, répondis-je sans pour autant sortir du box.
- Dis, tu as du temps libre devant toi ? Me demanda Dorian.
- Je peux arranger ça pourquoi ?
- Il faudrait que tu pares les pieds de Kadaj ! On part en promenade cette après midi et il manque un cheval…
- Hn… Je m’occupe de ça après avoir fini avec Orphée…
- Merci c’est super sympa ! s’exclama-t-il. Hey, mais vous vous êtes toujours pas entretués ? Ajouta-t-il avec un air cynique qui ne me plus pas du tout. J’aurais dû me douter qu’avec sa gueule d’ange et son cul de dieu, je ne le garderais pas longtemps…
- Ce n’est pas parce que tu collectionnes les conquêtes d’un soir et les culs des mecs qu’on est tous comme toi ! Heureusement qu’il reste encore quelques mecs bien qui ont encore une morale et savent l’utiliser et l’appliquer à bon essaient.
Dorian ne répondit rien, mais se tourna vers Juha et demanda :
- Tu veux que je te ramène ce soir ?
- Oui, je veux bien, merci.
- Tu es bien arrivé ce matin ? Pas trop long la route ?
- Non, c’est… Gabriel m’a amené…
C’est alors qu’il sembla remarquer un détail car il s’approcha de Juha et l’observa longuement :
- Mais, vous vous êtes battus ? Demanda-t-il surprit.
- Non, ce… C’est rien, je… Je me suis prit l’angle d’un placard… Répondit Juha.
Je vis alors Dorian me lancer un regard sceptique et accusateur que je soutins sans sourciller. Je n’avais rien à me reprocher dans cette histoire, et ce n’est pas son air de paon blessé dans sa fierté qui me fera baisser les yeux devant lui.
Cependant, il n’insista pas plus et je l’en remerciais mentalement. Puis, après un dernier regard à Juha qui ne me plus pas, il tourna les talons et quitta les lieux. Ayant finit de prendre soin de ma monture, j’allais lui chercher quelques morceaux de pain que je lui donnais. Puis, j’attrapais un licol et allais chercher Kadaj au pré. J’eu la surprise de voir Juha me suivre, mais ne fit aucun commentaire.
Dix minutes plus tard, Kadaj était attaché et mangeais tranquillement dans son filet à foin tandis que j’enfilais mes chaps de maréchalerie. Je vis Juha prendre place à quelques pas de là. Assis sur une balle de paille, il observait les moindres de mes gestes. Cela me mettait mal à l’aise, mais au bout d’un moent, je finis par faire abstraction de sa présence et commençais à limer le pied de l’animal.
Au bout de quelques minutes, la voix de Juha retentie dans mon dos :
- Qu’est-ce que tu fais ?
- Je lui pare les pieds, afin de pouvoir le ferrer.
- Tu peux pas poser le fer tout de suite ?
- Non, il faut vérifier les aplombs avant…
- Et ça lui fait pas mal ?
- Non, pourquoi veux-tu que cela lui fasse mal ? Cela te fait mal toi quand tu te coupes les ongles ?
- Euh… non…
- Et bien pour lui c’est la même chose, répondis-je patiemment.
Le silence s’installa une nouvelle fois, mais comme précédemment, il ne dura pas :
- Cela fait longtemps que tu sais faire ça ?
- Plus ou moins… Trois ou quatre ans pas plus…
- Oh… Tu as besoin d’aide ?
Fatigué par ses questions incessantes et pires qu’un gosse, j’arrêtais ce que j’étais en train de faire pour me redresser et lui faire face :
- Tu as pas du boulot à terminer ?
- Euh…excuse moi de t’avoir dérangé…
Alors qu’il commençait à s’éloigner, je poussais un soupir d’exaspération et de lassitude et avant que je ne réalise entièrement ce que je faisais, je déclarais :
- Tu peux rester… mais tais-toi !
- Promis ! Répondit Juha en retournant s’asseoir sur la balle de paille.
Une heure et demi plus tard, j’avais enfin finis de ferrer Kadaj. Après de longues caresses pour le remercier de sa patience et de sa gentillesse, je le ramenais au pré, toujours suivit de Juha, avant d’aller manger. Dans le réfectoire, je croisais Marion, mais je ne lui adressais qu’un regard désintéressé. Par contre, au regard qu’elle posa sur moi, je compris immédiatement que quelque chose n’allait pas pour elle. Cependant, je décidais de ne pas y prêter attention, après tout, je n’avais plus rien à voir avec elle. Si bien que je continuais mon chemin et alla m’asseoir à ma table. Juha prit place en face de moi, et je commençais à manger silencieusement.
Dans l’après midi, Juha retourna à son travail et j’en profitais ainsi pour sortir Niladhëvan. Cela faisait quelques jours que je ne m’étais pas occupé d’elle et comme j’avais un moment de temps libre, j’en profitais. Je la fis travailler deux bonnes heures, et lorsque j’obtenais d’elle la réaction que j’attendais depuis le début, je cessais la séance. Je lui offris un bon pansage et la ramenais au pré.
Ayant encore deux bonnes heures avant la tombée de la nuit, je décidais de graisser ma selle et mon filet. J’entrais dans la sellerie, attrapa ce dont j’avais besoin, et allait m’installer sur la table dans la cours. Le soleil radieux avait fait fondre la neige qui le tapissait jusqu’à présent. Minutieusement, j’entrepris mon travail, me laissant bercer par les bruits de l’écurie. Le renaclement des chevaux, le bruit des gouttes d’eau qui tombaient du toit étaient les seuls troubles au silence reposant qui régnait sur le centre. Concentré dans ma tache, je n’entendis pas Juha arriver et sursauta lorsqu’une ombre prit place en face de moi. Je relevais brusquement les yeux et reconnut aussitôt le sourire moqueur de Juha. Je lui lançais un regard meurtrier pour la forme avant de reprendre mon travail.
- Il faut le faire souvent ?
Reposant mon pinceau sur la table en soupirant de lassitude, je demandais sans répondre à sa question :
- T’en as pas marre avec tes questions ?
Puis, après un nouveau soupir, je répondis :
- Environ une fois par moi.
Semblant satisfait de ma réponse, il n’ajouta rien d’autre à mon plus grand soulagement. Il resta là, jusqu’à ce que Dorian vienne le chercher :
- J’y vais, si tu veux que je te ramène c’est tout de suite ! déclara-t-il.
- J’arrive, répondit Juha.
Il m’adressa un sourire et après un rapide “à demain”, il partit en compagnie de Dorian.
Je terminais ce que je faisais, puis lorsqu’il commença à faire vraiment trop froid, j’allais nourrir Orphée avant de m’exiler dans ma chambre. Je pris une douche brûlante afin de me réchauffer et ne quitta ma chambre juste pour aller manger.
Ce soir là, je m’endormis de bonne heure, épuisé par la journée éprouvante émotionnellement que je venais de passer.
Dans mon sommeil, j’entendais vaguement un téléphone sonner. Je me retournais dans mon lit, entre l’éveil et le sommeil, lorsque je redressais brusquement… Ce n’était pas un rêve, mon téléphone sonnait bel et bien. L’esprit encore embrumé, j’allumais la lumière et regardais l’heure avant de tendre le bras et d’attraper le téléphone posé sur ma table de chevet. D’une voix encore pleine de sommeil, je déclarais sans plus de cérémonie :
- Qui que vous soyez, savez-vous qu’il est plus de trois heures du matin ?
Cependant, lorsque j’entendis à l’autre bout du fil, une voix que je reconnaîtrais parmis des milliers, m’appeler en sanglotant, je sentis mon sang se glacer d’effroi… D’une voix tremblante, je demandais :
- Juha ?
- Gabriel… Ne… Ne me laisse pas seul…
- Juha !? Répétais-je abasourdi. Qu’est-ce qui t’arrive ?
A vrai dire, j’étais d’autant plus déboussolé par son appel que par le fait qu’il décide de m’appeler moi plutôt qu’un autre. D’ailleurs, pourquoi m’appelait-il à une heure aussi tardive ? Que lui était-il arrivé ? C’est ce que je tentais de lui demander, mais noyé dans ses sanglots, il était incapable d’aligner trois mots cohérents. A présent totalement réveillé, je sautais hors de mon lit et m’exclamais, tentant de me faire entendre par Juha :
- J’arrive, ne bouge pas !!
A vrai dire, je ne savais pas pourquoi j’agissais de la sorte. Après tout, cela faisait même pas un mois que nous nous connaissions, une journée que nous parlions autrement que pour nous lancer des vannes à longueur de journée, et voila que depuis vingt-quatre heures, je me retrouvais impliqué dans une histoire dont j’ignorais toute la trame et qui me dépassait totalement…
Cinq minutes plus tard, montre en main, je roulais en direction du studio de Juha. Et moins de cinq autres minutes après, je me garais sur la petite place publique devant chez lui. Je déboulais dans l’appartement sans prendre le temps de frapper, m’attendant au pire, et le spectacle qui s’offrait à moi me serra le cœur, sans que je ne sache pourquoi. Juha était là, assis à même le sol, recroquevillé dans un coin de la pièce, adosser contre le mur, serrant contre lui, le combiné de téléphone qui sonnait toujours… Lorsqu’il m’entendis arriver, il releva vers moi un visage trempé de larmes.
Sans réfléchir une seule seconde à la conséquence future de mes actes, je me précipitais vers lui et le prenant dans mes bras, je le serrais contre moi en lui murmurant à l’oreille des paroles qui se voulaient rassurantes et réconfortante, malgré ma voix tremblante d’émotions :
- Chut… Je suis là… Tout va bien…
Je ne sus combien de temps nous restâmes ainsi, mais lorsque je sentis un poids mort sur mon épaule, je compris que Juha s’était finalement endormis. Avec précaution, je me levais et le portais jusque dans son lit où je l’allongeais avant de rabattre les couvertures sur lui.
Une fois fais, j’allais à la cuisine et me préparais un thé à la menthe que j’allais boire, avachis dans le canapé où je finis par m’endormir à mon tour. Lorsque j’ouvris les yeux le lendemain matin, le ciel était nuageux et la neige virevoltait dans l’air froid du matin. Prit d’un frisson, je me roulais en chien de fusil et fermais les yeux, déprimé par le temps pourris de dehors. Finalement, je finis par me rendormir et lorsque je me réveillais de nouveau, je fus assaillit par une forte odeur de café.
J’en déduit que Juha devait être levé. Je pris cependant le temps de m’étirer longuement, en bâillant aux corneilles. J’ouvris les yeux pour tomber nez à nez avec Juha qui me souriait mais qui semblait néanmoins assez nerveux et gêné.
- Tu… Tu as bien dormis ?
- Hn…répondis-je agacé par sa question.
- Je… Je m’excuse…
- Hn…
- Je comprend que tu m’en veuilles, mais je… Merci d’être venu…
- Hn… Ouais…
- Tu… Tu veux manger quelque chose ? Demanda-t-il visiblement mal à l’aise.
- Hn… Oui, s’il te plait.
Je vis alors Juha m’adresser un petit sourire d’excuse et repartir comme il était venu à la cuisine, pendant que je me laissais retomber dans le canapé. Il revient quelques minutes plus tard avec une tasse de thé fumante qu’il posa sur la petite table à côté de moi.
- Merci, déclarais-je simplement en me redressant.
Je déjeunais en silence, et restais encore un moment avant de rentrer au centre.
Une fois arrivé, je m’enfermais dans ma chambre et me laissais tomber sur le lit, dans le but de rattraper ma nuit de sommeil.

Les semaines qui suivirent passèrent à une allure folle. Si bien que je me retrouvais la veille du concours avant même d’avoir réalisé. Et je stressais à mort. Debout à côté d’Orphée, je nattais sa crinière à la façon des étalons américains afin de ne pas avoir à passer trop de temps à lui la démêler demain matin. Les préparatifs du concours chamboulaient déjà toute l’organisation de l’écurie et tout le monde était à cran. Il régnait une atmosphère lourde et pesante, chargée de l’inquiétude et de l’angoisse de chacun.
Seul Philippe semblait ne pas être touché par cette agitation collective qui régnait au centre. Abordant constamment son air sûr de lui, nous réglions ensemble les derniers détails pour demain. Le départ était prévu à neuf heures trente d’ici et nous devions arriver tôt le matin afin de charger les chevaux dans le van et préparer tout le matériel nécessaire.
Une fois les derniers détails réglés, Philippe repartit, ayant une réunion dans la sellerie avec les moniteurs et palefreniers qui resteraient là durant notre absence.
Lorsque j’eu terminer de préparer Orphée pour la nuit, lui glissant une couverture sur le dos, j’eu la surprise de trouver Juha qui m’observait, accoudé contre la porte du box. Il m’adressa un sourire auquel je répondis et il demanda de sa voix douce et calme :
- Tu veux venir boire un verre à la maison, histoire de te changer les idées avant demain ?
- Hn… Ouais, pourquoi pas, répondis-je, remerciant mentalement Juha pour sa proposition.
Car il est vrai que si j’étais rester là, seul ce soir, j’aurais certainement passé la nuit à me torturer l’esprit. Reconnaissant envers Juha, je quittais le box d’Orphée après une dernière caresse et suivit Juha, faisant une halte dans la sellerie afin de préparer mon matériel pour demain et être sûr de ne rien oublier, puis je pris la direction du bureau de Philippe afin d’aller chercher les clefs de la voiture.
Nous montâmes dans la voiture et je pris la direction du studio de Juha. Le trajet se fit dans un silence monastique, seulement interrompu par les chants brutaux qui s’échappaient des enceintes.
un petit quart d’heure plus tard, nous étions installé dans le canapé, une tasse de chocolat chaud à la main. Aucun de nous ne semblait vouloir prononcer la première phrase. Depuis deux semaines, Juha et moi étions en meilleurs termes. Certes, ce n’était pas encore tout à fait ça, mais cela commençait à aller déjà mieux. Nous arrivions à avoir des conversations sérieuses, même s’il refusait encore et toujours de me révéler la raison de ses peurs irraisonnées qui le poussaient à m’appeler la nuit.
A vrai dire, j’étais plus dans l’angoisse de demain que réellement concentré sur le moment présent. Finalement, ce fus Juha qui brisa le silence en demandant :
- Tu veux manger quelque chose ?
- non, cela ira merci. Là tu vois, j’ai plus envie de me vider l’estomac que de le remplir.
Juha émit un petit rire amusé et ajouta :
- Je m’en doute bien, mais il faut que tu manges si tu ne veux pas t’écrouler demain… Un plat de pâtes ça te dit ?
- Hn… répondis-je à contrecœur.
Cependant, je me levais avec lui et le suivit dans la cuisine où je mis la table pendant qu’il mettait de l’eau à chauffer.
Dix minutes plus tard, nous étions assit à table l’un en face de l’autre, à parler du concours et de l’organisation de demain. Juha faisait partit des personnes qui restaient là demain et j’en profitais pour lui demander un petit service :
- Je, hésitais-je, ne sachant pas vraiment par où commencer. J’aimerais te demander un service en fait…
- Je t’écoute, répondit Juha.
- Je mettrais Niladhëvan dans un box dans de partir demain et j’aimerais que tu t’occupes d’elle pendant mon absence… Enfin, seulement si tu es d’accord… Si tu veux pas je te force pas hien ! Tu fais comme tu veux…
- C’est d’accord… Je m’occuperais d’elle, répondit mon vis à vis.
Je lui adressais un sourire soulagé chargé de remerciements que je lui murmurais tout bas :
- Merci…
Seul un sourire radieux me répondit, et sans savoir pourquoi, je me sentis rougir. Je détournais les yeux et reportais mon attention sur mon assiette. Le repas se termina en silence et à la fin de celui-ci, nous retournâmes au salon, une tasse de thé dans la main. Assis côtes à côtes, aucun de nous n’osait briser le silence qui régnait dans la pièce. Je fus finallement sortis de mes pensées par la voix de Juha dans laquelle je décelais un certain amusement :
- Alors ? Stressé ?
- Plus que tu ne l’imagines, répondis-je, terrifié malgré moi à l’idée de n’arriver à rien.
- Pourquoi ? Il n’y à pas de raisons…
- Et si je me plantais demain ? L’interrompis-je.
- Et si tu arrêtais de dire des conneries… Je ne m’y connais pas beaucoup dans ce milieu, mais j’ai vu depuis que je suis arrivé combien tu as travaillé, et il n’y a aucune raison que tu te plantes.
- Mais tu comprends pas ! Il y aura vraiment des cracks demain ! J’aurais l’air de quoi moi, pauvre petit clampin tout droit sortit d’ma campagne…La seule chance que j’ai c’est d’assurer un max demain, et vu comme s’est partit, je suis plutôt mal barré…
- C’est bon, détresse ! Et puis, même si tu te plantais, tu auras d’autres occasions… Franchement, pourquoi tiens-tu absolument à ce que tu te plantes demain ? Prend confiance en toi, Gabriel… Tu à les capacités pour y arriver et je sais que tu y arriveras… Si toi tu n’as pas confiance en toi, moi si…
Je ne répondis rien, mais ancrais mon regard au sien. Plus je l’observais, plus je trouvais son regard envoûtant et hypnotisant. Puis, avant que je ne réalise vraiment ce qui se passait, je sentis deux lèvres se poser délicatement sur les miennes. Tétanisé, je restais un moment immobile, et ne retrouvais mes esprits que lorsque la langue de Juha vient quémander l’entrée de mes lèvres. Retrouvant l’utilité de mes mouvements, je le repoussais brusquement.
- Quelque chose ne va pas ? Demanda alors Juha surprit.
- Ah parce qu’en plus t’as pas comprit ! Tu viens de m’embrasser, bien sûr que ça va pas ! m’exclamais-je hors de moi.
- Tu avais l’air d’en avoir tout autant envie que moi.
- Est ce que j’ai l’air d’aimer embrasser les hommes ! Tu pourrais au moins t’excuser !
- M’excuser ? Je ne vois pas pourquoi… C’était à ce point désagréable ? Est ce que ça t’a dégoûté ? Est ce que je te dégoûte ?
- Je…
- Tu ?
- Rah ! Laisse tomber, m’exclamais-je avant d’aller m’enfermer dans la salle de bain en claquant violemment la porte.
J’avais parfaitement conscience que ma réaction était démesurée par rapport à l’acte lui-même, mais en réalité, j’étais plus en colère contre moi que contre Juha. En colère parce que non seulement j’avais aimé le contact de ses lèvres sur les miennes, mais j’avais aussi eut envie qu’il poursuive. Que nos langues fassent connaissance…
En quelques secondes, mon esprit s’était retrouvé assaillit de souvenirs remontés du plus profond de ma mémoire, là où je pensais les avoir enfoui pour toujours… Des souvenirs dont j’aurais préféré oublier même jusqu’à leur existence, et dont je gardais encore la trace dans le dos… Des images s’imposaient à moi, réveillant de vieux fantômes que j’aurais préféré ne jamais me souvenir…
Apeuré, je me laissais tomber contre la porte de la salle de bain et prenant ma tête entre mes mains, je fermais les yeux, tentant de repousser ces images qui revenaient me hanter. Sur mes lèvres, je sentais encore la chaleur de celles de Juha, je sentais encore leur douceur et leur goût sucré… J’avais aimé cette esquisse de baiser, et je me haïssais pour cela…  Pourtant, pour rien au monde Juha ne devait savoir… Personne ne devais jamais savoir… Je commençais à croire que finalement, tout ce qu’on m’avait dit durant toutes ces années n’était peut être pas si fausses que cela, que c’était peu être ma nature et que le monstre en moi finirait par refaire surface un jour…
Une voix inquiète de l’autre côté de la porte me sortit brusquement de mes pensées :
- Gabriel… Sort de la salle de bain… S’il te plait…
- Laisse moi ! Je ne veux pas te voir ! Répondis-je d’une voix tremblante.
C’est alors que je me rendis compte que je pleurais. Mes joues étaient inondées de larmes que je n’avais pas eu conscience de laisser s’échapper.
- Je m’excuse Gabriel, je ne savais pas que cela te mettrait dans un tel état, reprit Juha dont la voix cachait de moins en moins son inquiétude. Je m’excuse, répéta-t-il, mais je t’en supplie, sort de cette pièce…
Après un moment de réflexion, je finis par consentir à lui obéir. Lentement, je me relevais et ouvrais la porte. Je sortis sans même lui adresser ne serait-ce qu’un coup d’oeil. J’allais dans le coin qui faisait office de chambre et ouvris le placard afin d’en sortir une couverture. Puis, je retournais sur le canapé et m’y allonger, remontant la couverture sur ma tête, ignorant totalement les minables tentatives d’excuses de Juha :
- Je suis sincèrement désolé Gabriel… Je… Je ne pensais pas que tu le prendrais aussi mal… Je te promet que c’était la seule et unique fois… Je ne tenterais plus rien, je t’en donne ma parole… Je suis désolé… Gabriel… Dis quelque chose…
- Pourquoi ? Demandais-je en me retournant, plongeant mon regard dans le sien.
- Pourquoi quoi ?
- Pourquoi tu m’as embrassé ?
- Je sais pas, je…
- Tu ?
- Ca m’est venu comme ça… Je sais pas pourquoi… Peut être que j’en avais envie…
- Et ça te prend comme ça ? Tu embrasses beaucoup de monde sans leur demander leur avis ? Répondis-je avec une point de cynisme que je ne cherchais pas à dissimuler.
Et avant qu’il n’ait le temps de répondre, je me retournais de nouveau, lui tournant le dos.
- Je…
- Bonne nuit, le coupais-je, n’ayant aucune envie d’entendre une seconde de plus ses désastreuses tentatives d’explications.
Dans mon dos, je sentis Juha rester immobile un moment. Je sentais son regard posé sur ma nuque, me brûlant la peau comme si l’on y avait apposé de l’acide. Puis, au bout d’un temps qui me parut interminable, il consentis enfin à s’éloigner. Je l’entendis s’affairer encore un moment dans l’appartement jusqu’à ce qu’il finisse par aller se coucher à son tour.

Beyond the invisible - Chapitre 5

Mercredi 17 octobre 2012

Chapitre 5 écrit par Lybertys

Je finis par me laisser totalement aller, nos respirations étaient maintenant devenues plus que calme et nos cœurs avaient retrouvés leur rythme habituel. Je ne sais au bout de combien de temps je finis par me retirer et m’asseoir à côté de lui, posant ma tête contre son épaule. Mes yeux étaient de nouveau en train de se fermer, nous amenant tous  deux dans un état de mi-sommeil.

C’est au moment où je me sentais sombrer que j’entendis sa voix me murmurer :

- On va se coucher, tu viens dans mon lit… Tu vas pas rester sur le canapé.

J’acquiesçais sans prendre la peine de répondre, trop fatigué pour ne serait-ce que prononcer un mot. Nous nous rendîmes donc jusqu’à sa chambre, tirions les draps et en moins de temps qu’il fallu pour le dire, nous étions déjà allongés côté à côté, tendant les bras à Morphée qui nous saisi au moment même ou nous fermions les yeux.

Malgré toute ma fatigue, ma nuit fut extrêmement mouvementée et torturée. Je ne cessais de mêler passé et présent dans des images qui s’approchaient plus du cauchemar que du rêve. Je me réveillais aux mêmes heures des visites des gardiens lorsque j’étais en prison, et toujours cette peur de la nuit et cette ambiance qui y régnait m’imprégnait continuellement. La présence de Dorian à mes côtés avait quelque chose d’à la fois très rassurant et de dérangeant.

Le rêve le plus étrange que je fis fut très tard dans la nuit. J’embrassais un homme à pleine bouche, me sentant envahi d’un désir insatiable et d’un plaisir que je n’avais jamais ressentir auparavant. Je pouvais ressentir la même chose provenant de cet être dont je ne connaissais pour l’instant toujours pas l’identité. Je me délectais de ses lèvres, de son cou, le sentant glisser ses mains jusqu’au bas de mes reins. Enivrer d’un plaisir inconnu, la curiosité me poussa à ouvrir les yeux qui dans mon rêve étaient clos. A peine découvrais-je l’identité de l’inconnu que mes yeux s’ouvrirent pour de vrai pour cette fois, me plongeant dans la pénombre de la pièce. J’en ressortais avec des sueurs froides. Même si ce n’était qu’un rêve, il ne fallait jamais que ce genre de chose se produise. Non pas parce que c’était Gabriel, mais par l’interaction qu’il y avait en nous. Je l’avais assez payé. Je portais ma main à mon omoplate, touchant inconsciemment le tatouage que je m’étais fait faire en prison. Ne plus jamais recommencer les erreurs du passé, c’était ce que cet oiseau mythique me rappeler sans cesse. Ce phœnix symbolisait aussi ce qui m’était arrivé, ce qui était censé me faire aller de l’avant. Il renaît de ses cendres pour commencer une nouvelle vie, et c’est ce que je tentais de faire depuis dix ans. J’étais comme mort en même temps que lui, et je tentais de renaître.

Assis au bord du lit, je mis longtemps avant de m’en remettre, prenant ma tête entre mes mains pour tenter de calmer en moi l’angoisse grandissante et les souvenirs grouillant, pensant surtout à ce jour qui avait changé ma vie et clos la sienne.

Je finis par m’allonger, n’ayant rien d’autre à faire que dormir et en ayant surtout besoin. Je ne fis que somnoler, ne parvenant pas à trouver la paix en moi. Ce n’est que vers l’aube que je parvins réellement à m’endormir. Et c’est à peine une heure plus tard que je sentais Dorian me secouer légèrement par l’épaule pour me réveiller.

Je sursautais violemment, vieille habitude héritée de prison qui n’était pas prête de me quitter. Il me regarda surpris et me dis assez rapidement :

- On a une demi-heure et on décolle.

Je mis un temps à habituer mes yeux à la lumière, il avait ouvert les volets sans que je m’en aperçoive. Il se tenait là à côté de moi en serviette, sortant apparemment de la douche.

- J’vais faire le petit déjeuner, je te laisse te préparer.

Il me laissa sur ces derniers mots. Au pied du lit étaient pliés mes vêtements d’hier, ainsi que ceux qu’il m’avait prêtés la veille. Je me redressais, grimaçant sous les courbatures dues au travail de la journée d’hier ainsi que de la soirée assez mouvementée. Je rougis à ce souvenir, et me dirigeais d’un pas rapide jusqu’à la salle de bain, sachant que seule une bonne douche achèverait de me réveiller.

Une fois prêt, propre et habillé, je me rendis jusqu’à la cuisine où les souvenirs de la veille me revinrent en un instant. Heureusement qu’il fallait se dépêcher, car je sentis presque le rouge me monter aux joues. Un petit sourire complice fut tout de même échangé, lorsque nous mettions nos vestes pour sortir. Les courbatures étaient tout aussi violentes que la veille et je savais que j’allais devoir les supporter toute la journée.

Durant tout le trajet en voiture, nous échangeâmes une petite conversation tranquille, finissant par parler de l’organisation de ce soir. A l’idée que j’allais enfin pouvoir avoir un “chez moi”, je sentais mon cœur s’emballer dans ma poitrine. J’appréhendais assez cependant, le fait de me retrouver à vivre seul. Jamais cela ne m’était arrivé avant la prison et les dix années que j’avais vécues en prison était bien sur à l’encontre d’une telle possibilité.

Durant tout le trajet en voiture, nous échangeâmes une petite conversation tranquille, finissant par parler de l’organisation de ce soir. A l’idée que j’allais enfin pouvoir avoir un “chez moi”, je sentais mon cœur s’emballer dans ma poitrine. J’appréhendais assez cependant, le fait de me retrouver à vivre seul. Jamais cela ne m’était arrivé avant la prison et les dix années que j’avais vécues en prison étaient bien sûr à l’encontre d’une telle possibilité. Lorsque nous arrivâmes au centre, Dorian m’indiqua directement ce que j’avais à faire, et dit rapidement qu’il allait me rejoindre plus tard. Je me dirigeais donc vers le premier box et commençait à accomplir le même travail qu’hier. Le premier box que je nettoyais contenais un animal bien plus agité que tous ceux que j’avais pu faire jusqu’à aujourd’hui. Je le sentais particulièrement agacé et surtout impressionné par la puissance qu’il dégageait. Jamais je n’aurais pu imaginer être impressionné par un tel animal, mais j’étais, je devais l’avouer presque intimider par la prestance et la force qu’il dégageait. Je continuais malgré tout mon travail, ayant beaucoup de mal à garder mon sang froid et à quitter des yeux ce cheval qui je le présentais, était en train de préparer quelque chose. Je sursautais lorsque j’entendis la voix de Dorian provenant de l’entrée du box. Je lui souris, tentant tant bien que mal de cacher mon malaise. Je dus très mal m’y prendre car il me conseilla aussitôt :
- Ne t’enferme jamais avec un cheval, laisse toujours ouvert. C’est une sécurité à prendre, surtout avec celui-ci, dit-il en me le pointant d’un bref mouvement de tête.
J’acquiesçais avec un sourire de remerciement et me remis au travail aussitôt. Dorian ouvrit la porte du box et repartit à ses occupations. Seulement, depuis qu’il était partit, l’occupant de ce box, avait tout à fait compris que la porte était maintenant ouverte. Il commença vicieusement à se déplacer vers moi, empiétant au fur et à mesure sur mon territoire, si bien que je me retrouvais presque plaqué contre la porte. Je me mis alors à faire ce que je ne devais précisément pas faire : je paniquais. Il le remarqua immédiatement, et ne m’offrant pas la moindre faveur, il me bourra sans plus de cérémonie afin de sortir. Autant dire que je ne faisais pas le poids face à lui et que je ne savais pas du tout comment réagir dans pareille situation. Sans trop réaliser ce qu’il se passait, l’animal était était déjà partit au petit galop dans l’écurie, se dirigeant vers la sortie de celle-ci. Maintenant totalement paniqué, je partis à sa poursuite, n’ayant pas la moindre idée de la manière avec laquelle j’allais m’y prendre pour le faire rentrer de nouveau dans son box et pire encore pour ne serait-ce que je le rattraper. Dorian n’étais même pas là. Alors que je sortais de l’écurie en courant je tombais sur la dernière personne que j’avais envie de voir. Je lui lançais un regard apeuré, ne sachant ni que dire, ni quoi faire dans une telle situation. Gabriel m’aperçu rapidement et sans une attention pour moi, il se précipita à la poursuite du cheval échappé. Heureusement, son estomac eut une plus forte intensité que son envie d’évasion, car le cheval s’arrêta à la réserve à grain. J’observais avec attention, malgré le fait que j’était extrêmement embêté, la manière dont Gabriel s’y prenait avec cet animal. Lentement, il s’approcha de lui, avant de la contourner pour l’intercepter, se plaçant de manière stratégique. Tout en s’approchant, il l’appela par son nom, bien que le cheval était très occupé à manger. Il saisit le cheval par les crin situés au sommet de sa tête, et le força à relever la tête pour le suivre. L’animal était totalement soumis et n’avait pas du tout le même comportement avec lui qu’avec moi. Anxieusement, je le suivis jusqu’au box, ne sachant pas trop à quoi m’attendre, me mettant cette fois-ci à le craindre vraiment. Il semblait furieux, mais il me demanda d’une voix calme, une fois l’animal dans le box :
- Que s’est-il passé ?
- Je… Commençais-je timidement.
- Tu ?
J’avais l’impression d’être un enfant que l’on était en train de réprimander et d’interroger sur sa bêtise. Rentrant malgré moi dans le jeu, je me lançais et lui racontais tout :
- J’étais en train de faire son box et il… Il m’a bourré pour sortir… Au départ j’avais fermé la porte, mais on m’a dit de ne jamais m’enfermer dans le box, alors j’ai rouvert…

- Hn…
Gabriel se désintéressa alors totalement de moi, pour porter pleinement son attention sur le fameux cheval qui m’avait causé des problèmes. Je décidais de prendre du temps pour le regarder faire, soulagé du fait de ne plus ressentir sa souffrance. Ma colère m’avait vraiment coupé de tous ressentiments le concernant, du moins pour un temps. J’avouais me sentir encore extrêmement honteux de ce qui venait de se passé. Il entra donc de nouveau dans le box, laissant apparemment volontairement la porte grande ouverte. Alors que l’animal faisait un pas en direction de la sortie, je vis Gabriel l’arrêter d’une légère pression du doigt sur le poitrail et lui dire d’une voix douce et ferme de reculer. Il recommença ce manège jusqu’à ce qu’il lui laisse la porte ouverte sans qu’il ne soit tenté de la franchir. Cela dû prendre une bonne vingtaine de minute mais jamais ce spectacle ne me parut ennuyant. C’était fascinant de voir cet homme travailler avec ce cheval. Rien que son comportement était tout autre et l’animal finissait par lui renvoyer une certaine forme de respect. Ce Gabriel là devait être extrêmement agréable à vivre, tout le contraire de ce qu’il m’avait montré jusque là. Je sentais ma colère envers lui s’estomper au fil des secondes. Cet homme avait tout simplement besoin d’aide pour accoucher sa souffrance. Il ne supportait plus les hommes, et trouvait refuge vers d’autres être vivant. Mais comment atteindre le bonheur en s’isolant totalement ? Je connaissais parfaitement l’isolement. Ce n’était certes pas les mêmes circonstances, mais la véritable solitude, je la connais parfaitement, je le vis depuis tellement longtemps. Le contact avec autrui et bien trop dangereux pour moi. J’avais payé mon envie de me lier à quelqu’un.
Après une dernière caresse, il se décida à sortir du box et me surpris en train de l’observer accoudé à la porte du box d’en face. A vrai dire, il semblait tout aussi surpris que moi. Je lui adressais un petit sourire, ne voulant pas donner suite aux hostilités. Evidement, il n’y répondit pas et retourna vaquer à ses occupations.
Je me remis au travail, ayant fait une pause suffisamment grande. Un frisson me parcourut, il faisait bien plus froid que la veille.
Dorian revint une petite heure plus tard, apparemment préoccupé par une chose dont j’ignorais la nature.
- Tu t’en sors ?
- Oui, répondis-je simplement, n’ayant pas envie de raconter tout de suite ce qu’il s’était passé avant.
- Je ne pourrais pas te raccompagner ce soir, ma sœur a un problème et je partirais un peu plus tôt. J’ai appelé mon ami, il t’attendra là bas pour signer les papiers, et ce soir tu as ton chez toi. Tu n’as pas trop d’affaires à transporter ? Tu t’en sortiras ?
- Oui, ne t’inquiète pas, merci beaucoup en tout cas…
Nous échangeâmes un regard comprenant tout deux parfaitement ce qu’il signifiait, nous replongeant dans le souvenir de la nuit dernière. Ne voulant cependant pas aller plus loin que de simples pensées, je décidais de changer de sujet :
- Rien de grave pour ta sœur ? Demandais-je légèrement inquiet.
- Non, un petit souci rien de plus.
Dorian m’aida à faire les box, ce qui nous pris toute la matinée. C’était impressionnant comme ce travail était long et pénible. Mais à aucun moment je ne m’en plaignais. Vers onze heures et demi, il m’expliqua comment donner du foin aux chevaux, me montrant la quantité à donner à chacun. Pendant que je m’occupais de cette tache, il alla dans la sellerie réparer une sangle qui s’était cassée la veille. Une heure plus tard, nous nous rendîmes au réfectoire, prenant une pause pour manger bien méritée.
Nous nous installâmes à une table après être allé cherché à manger, avec les autres employés bien plus agréable que Gabriel, ou du moins polis. Dorian m’avait montré discrètement la copine de Gabriel qui se prénommait Marion. Elle était très belle, mais quelque chose gâchait cette beauté. Il y avait quelque chose qui me gênait chez elle. Nous en étions vers la fin du plat principal lorsque je vis Gabriel entrer dans le réfectoire. Il marcha directement jusqu’à sa place habituelle, celle où je l’avais vu hier midi, sans un seule regard pour Marion, assise un peu plus loin. Dorian se pencha et me souffla à l’oreille :
- Il y a de l’eau dans le gaz. Je serais sa copine je l’aurais déjà largué… Peut être qu’il reste avec elle parce que c’est la fille du patron…
Il continua à me parler, mais je ne l’écoutais plus vraiment. Les commérages commençaient à fuser. Tout le monde avait un petit mot pour cette scène. Gabriel semblait totalement étranger à tout cela. Il vivait dans son petit monde, comme enfermé dans sa bulle. Une seule chose émanait simplement de lui et il ne cherchait pas à le cacher. Elle signifiait clairement : foutez-moi la paix. Je ne pouvais nier que j’étais de nouveau intrigué par cet homme. Malgré ce qui s’était passé hier, je ne pouvais jouer à l’indifférent. Cela aurait était uniquement se mentir à soi-même. Un par un les employés quittaient le réfectoire, il ne restait plus que Dorian, Marion, Gabriel, quelques autres personne et moi. Dorian se leva et me dit de prendre mon temps pour finir de manger, il n’avait pas besoin de moi pour le moment. J’allais donc à la cuisine me chercher un café que je décidais de boire là-bas, profitant d’un peu de calme. J’avais beau tenter de me forcer un peu, je n’étais pas habitué à côtoyer autant de personnes et à ne plus avoir mes moments de solitude.

Alors que je retournais au réfectoire pour aller chercher ma veste et retourner travailler, je tombais en plein milieu d’un échange houleux entre Marion et Gabriel.
- Tu peux m’expliquer ce qui t’as prit hier soir ? demanda Marion.
- Y’a rien à expliquer, répondit-il très sèchement.
Je sentais soudain à la manière dont Marion se planta devant lui, que je n’avais vraiment pas à assister à cette conversation. Elle lui demanda alors :
- Tu me trompes ?
Aussitôt, Gabriel répondit stupéfait :
- Hein ? Mais qu’est-ce que tu racontes ? S’exclama-t-il après avoir retrouvé un minimum de sérieux. Arrêtes tes conneries, et lâches moi un peu, tu veux !
- J’ai quand même le droit de me poser la question figures-toi, ajouta-t-elle en haussant le ton. On s’est pas vu depuis une semaine et alors que je viens te voir, tu trouves le moyen de me foutre à la porte !
Je n’étais même pas étonné de ce que lui disait Marion et des choses intimes que j’étais en train d’apprendre. Il suffisait de se pencher un peu sur son cas pour s’apercevoir que tout dans la vie de Gabriel n’allait pas comme il le fallait. Je restais tout de même choqué par sa réponse, même si je savais qu’il n’allait pas être tendre dans sa réponse.
- Oui et alors ? Il ne t’est pas venu à l’esprit que je n’avais peu être pas envie de te voir justement ?
Je vis Marion encaisser le coup sans trop vraiment réaliser ce qu’elle venait d’entendre. Dans un état de choc proche de celui de Marion, je ne fis pas attention et ne vis pas que Gabriel était en train de partir et étant sur son chemin, il me bouscula, ne m’ayant pas vu. Aussitôt le contact qui s’était rompu hier revint plus violemment que jamais. Ce qu’il ressentait à l’instant, en plus de ce qu’il se cachait à lui-même, je le vivais multiplié par dix. Je crus ne jamais réussir à respirer de nouveau. Toutes mes forces venaient de m’être enlevées. Mon corps maintenant totalement meurtri, me donnait l’impression d’avoir était roué de coups. La migraine que j’avais connue la veille était revenue de plus belle. Et toujours cette question, comment faisait-il pour ne pas s’effondrer. J’en avais la certitude, ce n’était maintenant qu’une question de temps avant la fin. Gabriel avait besoin d’aide ou bien il craquerait à jamais. Malgré toute la colère que j’avais pu ressentir pour lui et que je ressentais encore, je ne pouvais pas ne pas venir à son aide. J’étais le seul qui avait eut un véritable aperçut de cette souffrance à l’état brut. Ne m’en remettant pas je le fixais d’un air apeuré. Cet homme m’effrayait de part notre liaison. Ressentir tout de lui, sans aucune limite était terriblement angoissant. Apparemment, il n’apprécia pas que je le regarde comme cela, peut être que mon regard était en train de lui renvoyer un seul instant l’image de sa souffrance, ou peut être, inconsciemment, pouvait-il y lire ma peur face à sa douleur.
C’est sa voix emplie de hargne qui me ramena à la réalité :
- Tu peux pas regarder où tu vas non ? T’es miro ou quoi ?
Tout ce cinéma d’arrogance et d’apparence m’agaçait énormément. Il ne faisait que se mentir à lui même. Dans l’état actuel ou j’étais, étant loin de m’en remettre, je n’étais pas près à affronter sa colère contre le monde entier et son caractère exécrable. J’avais l’impression de ne jamais parvenir à me débarrasser de ce mal qui habitait Gabriel et qui avait maintenant prit possession de chaque partie de mon être, attirant mon âme vers la chute ultime. Sachant cela, je répondais rapidement sans trop réfléchir, ayant surtout besoin d’être seul et de m’éloigner de lui :
- Oh, commence pas à m’emmerder hein !
Evidemment, cela ne lui plu vraiment pas et il répondit aussitôt :
- Pardon ? Moi je t’emmerde ?
Pour me défendre, je décidais d’attaquer, c’était la seule manière de m’en sortir :
- Oui tu m’emmerdes, toujours avec ton air supérieur et arrogant ! Tu peux pas t’empêcher de faire chier les autres, c’est maladif ou quoi ? T’as besoin de faire chier le monde pour te sentir bien ?
- Tu commences vraiment à me les briser, de plus, je t’ai rien demandé alors retourne curer tes box et fou moi la paix !
Autant dire que je m’attendais à tout sauf à cela. Je savais qu’il l’avait dit sous la colère, mais je ne pouvais m’empêcher d’en être indigné. Heureusement, il s’en alla. Marion me regarda un instant, puis passa devant moi sans un seul mot. Je me retrouvais seul dans le réfectoire, les jambes tremblantes, ayant l’impression qu’un ouragan m’était passé dessus. Comment aider un homme qui souhaitait tout sauf cela ? Tout à coup ce que j’étais en train d’entreprendre me semblait inutile, et surtout vain. Je n’avais aucune chance. Je dus m’asseoir, me remettant doucement de la douleur quasi inhumaine que j’avais ressentie quand il m’avait heurté. Un voile de solitude s’empara de moi, depuis ce jour, il y a plus de dix ans, je ne l’avais jamais autant ressentit. La prison me l’avait caché, le retour à la liberté me le dévoilait de nouveau, sans prendre de gant. Je me souvins de lui, je portais un regard détaché sur ma vie, me posant toujours cette même question : « A quoi bon ? »…
Je venais d’être projeté dans un monde où j’avais maintenant l’impression de ne pas avoir le droit d’en faire parti, ou peut être de ne jamais en être capable. Les bonnes résolutions que j’avais prises en prison étaient en train de s’effilocher. J’avais soudain envie de partir, de fuir comme je l’avais pensé la veille, mais fuir pour aller où. La seule échappatoire qui s’offrait à moi, celui de la solitude ultime, celui de ma fin, celui que je ne pouvais envisager réellement. Pourquoi ? Qu’est-ce qui me retenait ici ? Peut-être le besoin de me racheter…Peut être que je n’avais pas le courage de le faire, et surtout qu’au fond de moi je n’avais pas envie de réellement quitter cette vie.
Seulement, quel avenir ? Quel futur s’offrait à moi ? Allais-je vivre seul et faire ce boulot toute ma vie ? Le seul but qui m’était fixé maintenant était d’aider cet homme. Il s’était imposé à moi et je n’avais pas vraiment eu le choix. Même si cela était extrêmement douloureux, même si cela était loin d’être une solution de facilité, je savais que c’était l’unique chose qui me tenait encore debout, qui me maintenait au bord du précipice à l’aide d’un fil que je savais très fin.
Trouvant que mes pensées devenaient bien trop sombres et surtout très dangereuses, je pris sur moi et décidais de me lever. Un mal de tête violent s’était maintenant saisi de moi et je savais que je devrais passer au meilleure des cas toute ma journée avec. Alors que je me dirigeais vers la sortie je tombais nez à nez avec une scène que je n’aurais jamais du voir. Je ne m’arrêtais pas et poursuivi mon chemin, réalisant à peine ce que je venais de voir : Marion, tendrement enlacée dans les bras d’un autre homme, en train de l’embrasser à pleine bouche, trahissant son amour pour Gabriel.

C’était étrange à dire, mais j’avais l’impression d’être tout aussi trahis que Gabriel ne l’était. Alors que j’aurais simplement pu ressentir un léger malaise, je me retrouvais investi dans cette histoire qui n’était pas la mienne. C’était la dernière des choses à faire subir à Gabriel en ce moment. J’avais la certitude qu’il n’avait pas connaissance de cela.
Heureusement, c’est ce moment-là que choisit Dorian pour m’appeler. Il était à l’entrée de la sellerie et m’indiquait clairement de le rejoindre. J’entrais dans cette pièce assez mal éclairée et l’écoutais m’indiquer le travail à faire qui consisté à graisser les cuirs des selles. Alors que je lui tournais le dos pour accomplir ma tâche, prenant garde à ne surtout pas le toucher, vu ma sensibilité accrue, je sentis son regard posé sur moi, et l’envie qui émanait de lui. Je choisis de me retourner vers lui, lui faisant face et sautant sur l’occasion. Ce que j’allais faire, j’en avais plus que tout besoin en cet instant. Je devais évacuer le trop plein, je devais sentir ce contact physique pour me rattacher à la réalité.

De manière féline, je m’approchais de lui, lui lançant un regard provocateur. Dorian ne mis pas bien longtemps à comprendre mon intention et pris de court, il ne pu que répondre à mon baiser passionné. Nos langues ne mirent que peu de secondes à se rencontrer et à se mêler dans un esprit de fusion totale.

Je me laissais fondre en lui, me débarrassant de ce poids qui était de trop pour mes épaules. Je pouvais sentir son rythme cardiaque s’accélérer, faisant écho au mien et me rappelant que je vivais moi aussi. Sentir ses lèvres sur les miennes, sa langue caresser la mienne avec envie consolidait le fil si fin qui me maintenait en vie.
Je laissais glisser mes mains sur son corps que je connaissais maintenant intimement, l’attirant plus près de moi, pour approfondir notre échange. Je serais bien resté des heures ainsi, m’unissant simplement de cette manière à son être, mais cela aurait pu être risqué pour lui comme pour moi. Je finis par m’arracher à contre cœur à son étreinte et après un sourire échangé, je me tournais pour accomplir mon travail. Si je restais face à lui, je savais très bien que je n’y résisterais pas. Je finis par me plonger totalement dans mon travail, y mettant tout le soin et l’attention dont j’étais capable, les joues encore rosies par la chaleur du baiser échangé. Dorian était parti vaquer à d’autres tâches, me laissant seul accomplir mon travail, avec l’ordre de nourrir les chevaux une fois ces deux selles terminées. Une bonne heure plus tard, j’avais eu le temps de finir et je me dirigeais vers le lieu où étaient rangées les fourches. Au retour, je tombais nez à nez avec celui que j’avais le moins envie de croiser aujourd’hui. Il se tenait accroupis dans la sellerie, cherchant apparemment une brosse. Lorsqu’il se redressa nous tombâmes nez à nez. Je n’avais pas besoin de me servir de mon don pour deviner qu’il n’avait pas envie de me voir. L’image de Marion le trompant me revint en mémoire et sa souffrance vint de nouveau s’infiltrer en moi. Je ne pouvais pas le laisser comme cela et la première des choses que j’avais à faire était de tenter d’établir de meilleurs liens entre nous. La chose était loin d’être évidente, car sans un regard de plus pour moi, il me dépassa et se dirigea vers le box de sa montre. Je n’avais pas d’autre choix que de le suivre, sachant que je prenais sur moi pour faire cela. Arrivé au box, je parvins à capter son attention un instant, et voulu prendre la parole. Cependant, il me devança en me demanda froidement :
- Qu’est ce que tu veux ?
- Je…commençais hésitant, ne sachant pas comment le prendre. Je tenais à m’excuser pour tout à l’heure…
- Hn, et alors ? Qu’est ce que tu veux que cela me foute ?
J’avais de plus en plus de mal à me concentrer face à ce qui émanait de lui, si bien que sa réponse me mit presque hors de moi, bien que je ne le laissais pas paraître pour le moment. N’appréciant tout de même pas sa remarque, trouvant qu’il dépassait les bornes, je répliquais :
- Dis moi, tu es toujours comme ça avec tout le monde ou c’est juste parce que c’est moi ?
- Rassures-toi, tu n’as rien d’exceptionnel !
Certes le chemin de la réelle discussion était très lointain, mais j’en profitais tout de même pour en apprendre un peu plus sur lui. Je décidai de ne pas m’emballer et de répondre calmement :
- Tu es toujours comme ça ? A balancer des vannes à longueur de journée ?
Cette fois-ci, ce fut à son tour de soupire, apparemment plus qu’agacé. Je tentais continuellement de garder cette distance entre nous, ne sachant pas vraiment comme je réagirais s’il était trop près. Stoppant toute action, il se retourna vers moi et avec un sourire qui était totalement hypocrite, il me déclara :
- Non, je me suis levé du pied gauche ce matin ! Ca te va comme réponse ?
Je perdis patience, ne parvenant plus à me contrôler, sa colère venant se mêler à la mienne, je ne fis pas attention aux mots blessants que je lui jetais à la figure.
- J’y crois pas ! Il faut toujours que t’ais le dernier mot hein ? C’est pas croyable d’être aussi gamin ! T’es vraiment aigri comme type ! Pas étonnant que ta copine aille voir ailleurs…
Je vis aussitôt son visage se décomposé, pâlir sous la nouvelle cruelle je venais de lui apprendre. Une douleur à l’état brut, un sentiment de trahison profonde envahi son cœur et le mien. Ne pouvant supporter cela, j’esquissais un mouvement vers lui, ce qui eut pour effet de le faire s’exclamer furieux :
- Ne t’approche pas de moi !
Je me maudissais tellement de lui avoir dit cela. Je stoppai mon geste, ne sachant plus vraiment que faire ou que dire.

- Ma vie privée ne concerne que moi c’est clair ? Alors tu vas me faire le plaisir de te mêler de tes affaires et de rester en dehors de mes histoires ? Est-ce que je te pose des questions sur tes histoires de cul ? Non ? Alors fais-en de même !
La fureur qu’il déchaîna m’effrayait. L’idée qu’il me connaisse totalement, qu’il connaisse mon passé et mon don m’effrayait. Je me rendais soudain compte que j’avais extrêmement peur de me faire juger par cet homme. Sa colère me rappela celle de celui qui m’avait mené jusqu’ici dans ma vie. En une seule phrase, en une seconde seulement ou je ressentais tout, il m’avait fait replonger dans le passé et dans sa propre souffrance. Pâlissant à vue d’œil, ne parvenant plus à cacher quoi que ce soit, je bredouillais :
- Je… Tu ne sais rien de moi…
- Justement toi non plus !

Sur ces derniers mots, il attrapa la longe de son cheval et me bouscula, finissant d’achever en moi le peu de force mentale qu’il me restait. Je le suivis très difficilement et le vis enfourcher son cheval lestement une fois dehors, avant de s’élancer au galop afin de partir loin de moi, loin de ce qu’il ne supportait plus. Mon regard l’avait percé à jour, et ne plus pouvoir mentir comme il ne faisait avec tout le monde, ne plus pouvoir se protéger sous son arrogance était en train de fissurer le mur qu’il s’était construit. Je le vis disparaître à l’horizon, sachant que je ne pouvais rien faire pour lui pour le moment.
Je sentis à ce moment-là Dorian arriver derrière moi. Je me tournais pour lui faire face, tentant de sourire pour cacher le tout qui rongeait mon esprit, mon corps le supportant de moins en moins bien.
- Juha ?!!! Qu’est ce qui t’arrive ? Tu es tout pâle ! Ca t’arrive souvent les crises comme ça ? Tu avais la même tête hier…
- Non ça va, ne t’inquiète pas, dans quelques minutes ça va passer… lui mentais-je.
- J’étais venu te dire, il y a quelqu’un au téléphone pour toi, dans le bureau.
Intrigué et surtout très étonné je lui demandais :
- Tu es sur que tu ne t’es pas trompé ?
- Non, cet homme te cherche bien, je lui aie dis que je venais te chercher…
C’était totalement impossible que quelqu’un me cherche, n’ayant plus de contact avec personne depuis dix ans et n’ayant annoncé ma sortie à personne. Qui était-ce et comment cette personne m’avait trouvé ?
Retrouvant de nouvelle force en moi grâce à la curiosité, je me dirigeais jusqu’au bureau non sans une certaine appréhension et une angoisse grandissante. Alors que j’arrivais dans le bureau, je trouvais le combiné décroché posé sur la table. Les mains tremblantes je saisis le téléphone et le porta à mon oreille avant de dire fébrilement « Allô ». J’entendis une respiration un cours instant, avant d’entendre la tonalité classique me signifiant qu’il avait raccroché.

Le combiné me glissa des doigts, ne parvenant plus à le maintenir. La seule question qui avait emplie toute mes pensées était : qui était-ce ? Une peur sourde s’insinua en moi, sans que je puisse avoir de prise sur elle. J’étais effrayé par ce que ce coup de téléphone pouvait entraîner. Dorian avait bien dit que c’était un homme, et malgré moi je pensais connaître son identité. Préférant ne pas y penser et vivre cela uniquement comme un mauvais rêve, je sortais de ce bureau après avoir raccroché ce téléphone, n’essayant même plus de tenter de cacher mon mal-être. Je rejoins Dorian qui était en train de vérifier mon travail dans la sellerie, essayant de quitter cette sournoise idée que le passé allait revenir me hanter. Je fus sorti de mes pensées par Dorian qui me demanda :
- Tu as pu l’avoir ? Tu as fais vite.
- Oui… répondis-je simplement, ne sachant rien dire de plus.
- Juha ? Tu es sur que tu vas bien ? Tu ferais mieux de rentrer chez toi. De toute façon il n’y a plus rien que tu puisses faire aujourd’hui. Va te reposer tu seras plus efficace demain…
N’ayant même pas le courage de contester sa décision, j’acquiesçais faiblement.
- Je passe te chercher demain matin ?
- Oui, merci…
- L’ami qui te loue l’appartement habite sur la place, à deux maisons de chez moi, passe chez lui directement pour signer les papiers et avoir les clefs.
Il me griffonna l’adresse sur un bout de papier sortie de sa poche et me le tendit :
- Voilà, à demain Juha, passe une bonne soirée.
- Toi aussi, à demain, et encore merci.
Je le quittais me rendant dans la chambre que m’avais louée Philippe. J’attrapais mon vieux sac de toile et y mettais le peu d’affaire qui m’appartenait. Puis, emmitouflé dans mon manteau, je sortis et pris le chemin pour rentrer chez moi. Plus que tout j’avais besoin de repos, mais l’idée de me retrouver seul dans cet appartement m’angoissait légèrement, je ne pouvais le nier. Progressivement, il se mit à neiger et le soleil passait lentement derrière les montagnes pour faire place au froid hivernal.

Je marchais sans trop faire attention au monde qui m’entourait, ayant déjà assez de préoccupation avec moi-même. Un bruit pourtant me fit lever les yeux et je vis un cheval, légèrement affoler, dans le champ à côté de la route. Je ne mis pas longtemps à reconnaître le cheval de Gabriel et inquiet je m’approchais de lui tout doucement quittant la route. Je n’y connaissais rien en équitation, mais je savais qu’il était dangereux de laisser un cheval seul au bord d’une route. Il suffisait d’un minimum de jugeote pour le savoir. De la même manière dont j’avais vu Gabriel le faire avec le cheval de ce matin, je m’approchais de celui-ci. Lentement, je continuais ma progression vers lui, en étant attentif à chacune de ses réactions, m’arrêtant lorsque je sentais que ma présence le dérangeait. Je savais que je ne me rendais pas compte de cela uniquement grâce à mon observation, ayant parfaitement conscience que mon don y était pour quelque chose. Avoir l’intuition de ce que l’autre ressentait, même un animal était une chose que je faisais sans même en avoir conscience la plupart du temps. Je finis par arriver à sa hauteur, et m’arrêtais un instant le temps de le laisser m’acceptais à ses côtés. Docile, il ne bougea pas d’un pas et lentement je tendais ma main vers lui dans le but d’attraper sa longe qui traînait sur le sol. Je soupirais de soulagement lorsque je sus que j’avais réussis. La longue dans les mains, je continuais de m’aventurer dans le champ, constatant avec joie que la monture de Gabriel m’obéissait à peu près, me suivant en se plaçant à quelques pas derrière moi.

Lorsque je vis une tache bien plus loin, j’accélérais le pas, me doutant parfaitement de l’identité celle-ci. En avançant je pouvais et sentir et voir Gabriel étendu dans la neige inconscient. Je courais presque vers lui, ne lâchant surtout pas la longe, voyant que l’animal commençait à être impatient. Une fois arrivé à sa hauteur, je restais figé sur place, me rendant compte que j’étais dans l’incapacité de me baisser vers lui. Sa tête avait heurtais une pierre, et son sang commençait à imbiber la neige, ses yeux clos et sa peau rendue pâle par le froid lui donnais l’apparence d’un mort. Il me renvoyait une fois de plus bien trop loin, bien trop profondément dans mon passé. Je savais qu’il fallait que j’agisse vite, il était question de sa vie, mais j’étais comme paralysé. La souffrance psychique je pouvais la supporter, mais la souffrance physique violente, celle qui nous rend proche de la mort, c’était au dessus de mes forces. C’est en voyant son torse se soulever et s’abaisser, signifiant qu’il respirait encore, que je tentais de me reprendre.

Je dus me faire violence pour me pencher et prendre le portable qui dépassait un peu de sa poche. Appeler les secours, c’était la seule chose qui était en mon pouvoir. J’ôtais ma veste, lâchant un court instant la longe de son cheval qui restais là sans bouger à côté de nous, cherchant parmi la neige piétinée un petit brin d’herbe. Je lui posais dessus, frissonnant sous le vent qui commençait à se lever. J’appelais enfin les secours, leur indiquant ma position, et ce qu’il s’était passé. Dans dix minutes minimum me dirent-ils, ils seraient là. Je restais là, debout, le dominant de ma hauteur, ne sachant pas vraiment que faire. Je ne connaissais le numéro d’aucune personne au centre et n’aurait pas été capable de parler à qui que ce soit d’autre. Je sentis soudain mes jambes céder sous mon poids, me retrouvant agenouillé à ses côtés. Je me mis à trembler comme une feuille, sachant pertinemment que cela n’était pas du au froid. Je tenais fermement la longe de ma main droite, cela me permettait de m’aider à tenir. Je fixais le corps inerte sans jamais pouvoir esquisser un seul geste vers lui. J’étais en train de me perdre, mêlant ma frayeur à son inconscience et ma propre souffrance à la sienne. J’étais comme en état de choc. J’attendais que quelqu’un vienne nous aider. Dix minutes… Il fallait seulement attendre dix minutes… A l’instant, elles me paraissaient aussi longues que les dix ans que j’avais passés exclut de tout. Depuis plus de dix ans, je me retrouvais toujours paralysé devant un corps inerte, devant un corps proche de la mort ou l’étant déjà. Je revoyais son visage, je me retrouvais à ressentir ces choses que je m’efforçais chaque jour de cacher. Mon manque de lui était toujours aussi fort, comme une plaie béante à vif qui ne s’était jamais refermée après toutes ces années.
Je sentais peu à peu la souffrance mentale de Gabriel se faire de plus en plus lointaine. Je me rendais compte qu’il était en train de partir et je ne faisais rien pour le retenir ou pour l’aider. Plongé dans un profond désarroi, une larme coula le long de ma joue sans que je m’en aperçoive, laissant un sillon glacé par le vent. La main fébrile, je la tendis vers lui, sachant que si je ne le faisais pas, il ne tiendrait pas. Le soleil avait presque disparut et il risquait l’hypothermie, voir bien plus grave… Je la posais sur son front et constatais qu’il était brûlant de fièvre.

Je dû fermer les yeux un instant pour tenter de faire le point en moi, tout était bien trop en ébullition, tout bougeait dans tout les sens, je ne savais plus à quoi me rattacher. J’avais l’impression de perdre ce qui faisait mon unité. C’est au prix d’un effort immense que je parvins à rassembler toutes les parties de moi, les séparant de celles qui ne m’appartenaient pas. Je laissais glisser ma main jusqu’à la sienne et la serra très fort, tentant de le ramener parmi nous, sentant qu’il était en train de quitter ce monde. Mentalement, je lui hurlais de revenir, de ne pas partir, de rester ici. Il ne pouvait pas partir comme cela, c’était bien trop bête et cela n’avait aucun sens. Je serrais encore plus fort sa main, sa respiration était en train de s’accélérer légèrement. Bientôt, j’entendis les sirènes s’approcher, s’accompagnant d’un soulagement de ma part. La monture de Gabriel s’agita, semblant craindre le bruit du camion. Je finis par me redresser, lâchant la main de Gabriel afin d’être sur d’être capable de maîtriser cet animal. Deux ambulanciers sortirent du véhicule garé sur le bord de la route, et accoururent vers moi avec une civière. L’un vint me demander très rapidement ce qu’il s’était passé, tandis que l’autre prodiguait déjà les premiers soins et la première auscultation à Gabriel. Une fois qu’ils eurent finis de l’installer sur la civière, ils me donnèrent pour mission de prévenir le centre. Je me retrouvais donc seul dans la neige, en plein milieu de ce champ dans ma veste, avec ce cheval qui commençait à s’impatienter. Je me mis en marche, après un dernier regard sur l’ambulance, prenant la direction de l’écurie. Marcher rapidement me réchaufferait peut être un peu. L’épuisement qui s’était maintenant emparé de moi n’aidait en rien à réchauffer mon corps.
C’est frigorifié que j’arrivais dans les écuries, et que je croisais par chance Philippe en train de s’occuper d’un cheval. Intrigué de me voir ici, en prime avec le cheval de Gabriel, il sortit aussitôt du box et vint à ma rencontre.
- Qu’est ce que tu fais avec ce cheval ? me demanda-t-il aussitôt.
Puis étant plus près et voyant l’expression maladive et inquiète qui se dépeignait sur mon visage il me demanda d’un ton bien plus inquiet :
- Qu’est-ce que tu fais habillé comme ça ? Tu n’as pas l’air bien.
Malgré le froid qui paralysait mes mâchoires, je réussis à articuler quelques mots, lui expliquant la situation. A peine eut-il entendu « Gabriel, chute, hôpital » qu’il m’attrapa la longe des mains et ramena le cheval dans le box. Après l’avoir débarrassé de son matériel, il sortit et se redirigea vers moi qui n’avais pas bougé d’un pouce.
- Viens avec moi, tu m’expliqueras mieux en chemin, on va à l’hôpital.
Sans dire un mot je partis à sa suite, et montais dans la voiture avec lui. Il me laissa cinq minutes le temps de me réchauffer, avant de me demander ce que j’avais fait de ma veste, et de lui raconter précisément tout ce qu’il s’était passé et ce que j’avais fait. Il semblait terriblement angoissé et je perçus que leur relation n’était pas uniquement celle de patron à employé.

A l’intuition que l’on pouvait avoir, on aurait pu nommer cette relation de père à fils.
A peine garé sur le parking, nous sortîmes de la voiture et nous ruions vers l’accueil de l’hôpital. On nous indiqua qu’il était encore en observation et qu’il fallait attendre encore une petite demi-heure avant de se rendre à la chambre où il serait transféré.
Encore plus angoissé qu’avant, Philippe me proposa d’aller boire un café, disant que cela me réchaufferait. Je remarquais que j’étais toujours grelottant. Je mis double dose de sucre dans celui-ci, tentant de me donner un minimum de force. Lorsqu’une infirmière vint enfin nous chercher, elle nous expliqua que Gabriel n’avait rien eu de grave à part une petite commotion cérébrale, qu’il allait lui falloir un peu de repos, et que c’était une chance d’avoir réussi à l’aider aussi tôt, car cela aurait pu être bien plus grave. Soulagés, mais souhaitant tout de même constater son état par nous-mêmes, nous nous rendîmes dans sa chambre. Il était là, allongé dans son lit, légèrement redressé, la tête dans les vapes. Je restais un peu à l’écart, tandis que Philippe se jetait presque sur lui.

C’est à ce moment là que je m’aperçus en faisant un tour d’horizon de la pièce que ma veste avait été posée sur la chaise à côté de moi, placée à l’opposé du lit. Gabriel semblait être totalement dans les vapes, et mit du temps avant de parler à Philippe. Je ne fis pas vraiment attention à ce qu’ils échangèrent, trop occupé à tenter de me réchauffer. Je pris ma veste et m’y emmitouflait. Puis, voulant tout de même voir comment Gabriel allait, m’avouant que je m’inquiétais tout de même beaucoup pour lui, je m’approchais un peu, entrant dans l’intimité qui s’était installé entre les deux hommes. Lorsque Gabriel m’aperçut, il semblait avoir retrouvé assez de force pour s’exclamer assez fébrilement tout de même, mais sans cacher son agacement et son arrogance habituelle :
- Qu’est ce qu’il fou ici lui ?
- Enfin Gabriel ! C’est grâce à lui que tu es ici. On peut même dire qu’il t’a sauvé la vie.
Je ne fis pas attention à la suite de leur échange. Etant en train de me réchauffer progressivement, je sortais de mon engourdissement. Je réalisais soudain dans quel endroit je me trouvais : un lieu plus que dangereux pour moi, un lieu que j’avais toujours évité depuis la découverte de mes capacités. J’étais en train de prendre conscience de la véritable bataille qui se menait dans mon esprit, des barrières qui s’étaient dressées et qui tentaient en vain de résister contre la foule de sentiments extérieurs frappant sans relâche aux portes de mon esprit. J’étais inconsciemment en train de lutter contre la souffrance des autres…
Tout devint flou, et j’avais de plus en plus de mal à me concentrer sur ce qui se passait dans le mon extérieur. Une voix terriblement inquiète et trahissant toujours un certain agacement, me sortit cependant de mon état second :
- Et Orphée ? Philippe ! Comment va mon cheval ?
- Calme toi Gabriel, Juha s’en ai très bien occupé, il l’a ramené et…
Je n’entendis pas la suite, il m’était presque impossible de me concentrer plus de quelques instants sur une chose précise, telle que cette conversation. Philippe sembla enfin s’apercevoir de mon trouble et de mon mal-être car il se tourna verse moi, avec un regard interrogateur, suivit de celui méprisant de Gabriel. Bredouillant, je déclarais :
- Je crois que je vais rentrer, je…
- Oh, excuse moi, je n’avais pas vu ton état, j’étais tellement inquiet pour Gabriel. C’est vrai que tu semble avoir besoin de repos. On est pas habitué au travail ici hein ? dit Philipe tentant de détendre l’atmosphère.
Pour une fois, c’était le regard de Gabriel qui était posé sur moi et je ne parvenais pas à le soutenir, le fuyant par tous les moyens. Il était en train de me détailler, bien qu’encore dans un état semi-comateux. Mais j’avais la cruelle impression qu’il tentait de découvrir quelque chose en moi, en m’inspectant ainsi, quelque chose qui était en train de l’intriguer. Je lui en voulais d’être aussi peu reconnaissant de l’avoir sauvé, et supportais très difficilement son regard posé sur moi. Même pas un merci, mais cela n’était pas mon problème pour le moment. Pour l’heure, il fallait que je sorte d’ici. C’est heureusement ce que nous fîmes. Philipe allait me raccompagner, disant à Gabriel qu’il reviendrait après. Je jetais un dernier regard à Gabriel. Nos regards se croisèrent un instant, sa souffrance était plus forte que toutes celles que je pouvais ressentir, et il m’était impossible de tenir plus longtemps. Plus que cet hôpital, je devais m’éloigner de lui.
Nous quittâmes cet hôpital, nous dirigeant sur le parking. Dorian avait apparemment prévenu Philippe au sujet de mon emménagement, car il me demanda où il devait me déposer. Je sortis le papier que m’avait donné Dorian, sur lequel était marquée l’adresse. Philippe me fit alors un sourire bienveillant, avant de déclarer :
- Très bien, allons-y.
Heureusement, ce n’était pas très loin de l’hôpital et en un petit quart d’heure, nous arrivâmes à l’adresse donnée. J’étais resté silencieux tout le long du voyage, et ce n’est qu’au moment ou je sortais de la voiture, récupérant mon sac que je l’entendis me dire :
- Il ne te le dira peut être pas, ce n’étais vraiment son genre, mais merci pour ce que tu viens de faire pour lui…
Les coins de mes lèvres s’étirèrent un peu, lui offrant un sourire. Je finis par lui dire au revoir et Philipe repris le chemin de l’hôpital. Je me retrouvais maintenant devant la porte de mon locateur, sonnant à la porte. Il vint m’ouvrir très rapidement, et s’exclama dès qu’il me reconnut :
- Tiens Juha ! Je ne t’attendais plus…
Il me fit rentrer chez lui, disant qu’il n’avait pas beaucoup de temps. En une dizaine de minutes, je me retrouvais de nouveau dehors, les papiers signés en poche et les clefs de mon nouvel appartement dans la main. Il ne me restait plus que quelques dizaines de mètres à faire pour rentrer chez moi. Ayant un bon sens de l’orientation et une bonne mémoire, je retrouvais mon appartement assez rapidement.
Tourner la clef dans la serrure avait quelque chose d’excitant mais je n’avais pas le cœur à être heureux. Comme si ce lieu avait toujours était à moi, je jetais négligemment les clefs sur la table, déposais mon sac sur le sol. Je vis qu’il m’avait laissé des draps et le lit était fait. Dorian devait y être pour quelque chose. De la nourriture y avait aussi était amenée, de quoi tenir quelques jours, et le chauffage était mis en route, instaurant dans la pièce une sorte de cocon douillet, un refuge pour me ramener au calme et au repos.
Tel un zombie, je me dirigeais jusqu’à la petite salle de bain, hésitant entre un bain et une douche. J’optais pour une douche brûlante, et sans rien faire d’autre, n’ayant pas faim, ni envie de quoi que ce soit, je m’étendais sur le lit, rabattis les couvertures sur moi et m’endormis aussitôt, dans un sommeil lourd, sans rêves, me suffisant pour récupérer pleinement.
Ce fut une sonnerie de téléphone qui me réveilla en sursaut. Je me redressais et mis un temps avant de réaliser ou je me trouvais et ce qui s’était passé la veille. Je tournais la tête en direction du fameux téléphone que j’ignorais posséder. Je me levais donc à la hâte, décrochant le téléphone de justesse.
- Salut Juha, bien dormi ?
C’était la voix de Dorian.
- Je passe te prendre dans dix minutes ça te vas ? Au fait tant que j’y pense, ton ami à rappeler hier soir, je lui ai donné ton numéro de fixe, comme ça, ça sera plus simple. Aller à tout de suite.
- Oui, à tout de suite.
Si j’avais été calme jusqu’à maintenant ce n’était plus le cas. L’idée qu’une personne me cherchait avec tant de ténacité et ne me dévoilait pas son identité me faisait craindre le pire.
Je préférais ne pas y penser, et préférais me concentrer sur le fait que j’avais dix minutes pour me préparer.

La journée fut assez longue et pénible, je n’avais pas encore récupéré de la veille. J’appris de la part de Philipe que Gabriel ne rentrerait que le lendemain, et qu’il restait encore en observation à la clinique. Cela ne me gênait pas vraiment, au contraire, cela m’offrait un peu de répit. J’avais de plus en plus de mal à digérer le fait qu’il ne m’ait pas remercié ou ne serait-ce qu’esquisser autre chose que de la rancœur à mon égard et son air supérieur. Une sorte de mélancolie s’était maintenant installée dans mon cœur, certains psys disent qu’il est tout à fait normal de passer par une phase de dépression une fois sortie de prison. J’aspirais à me retrouver seul sans le vouloir vraiment. J’étais dans un état d’entre deux, ayant l’impression de ne pas être à ma place et de ne jamais pouvoir l’être un jour.
Ce fut la nuit qui fut la plus terrible pour moi. L’homme du téléphone avait mon numéro et m’appela plusieurs fois sans jamais dire un seul mot. L’angoisse qui m’habitait n’était plus du tout tenable. Je finis de rage par débrancher le téléphone, pour avoir la paix, même si ce n’était plus la peine maintenant. Impossible de fermer l’œil pas la suite. Qui cela pouvait-il être et que me voulait-il ?
Je restais là assis sur mon lit, les jambes rabattues sur ma poitrine, attendant que le temps passer et que ma peur me quitte. Ce fut des coups frappés à la porte qui me sortirent au petit matin de mon état second. Je sentis aussitôt mon cœur s’emballer à une vitesse folle. Je ne sais ou je trouvais les forces de me lever et de marcher jusqu’à la porte afin d’ouvrir à l’inconnu. Je ne pu que soupirer de soulagement lorsque je constatais que le visiteur n’était autre que Dorian.
- Juha ? Pourquoi tu ne réponds pas au téléphone ? Tu l’as débranché ? Eh ? Ca va ?
Il était vrai que l’expression que j’abhorrai était proche de quelqu’un qui venait de voir un fantôme. Je me préparais rapidement devant l’air de plus en plus suspicieux et inquiet de Dorian.
La journée fut semblable à la suivante, si ce n’est que j’étais constamment sur mes gardes, toujours à l’afflux. Je ne comptais pas le nombre de fois ou je sursautais ou lorsque mon cœur manquait un battement.
Lorsque j’appris en fin de journée que Dorian ne pouvais pas me raccompagner en voiture, je ne pu décrire la panique qui s’empara de moi, allant même jusqu’à être dure à cachée. Mais je n’eu pas le choix, et en fin de journée, alors que le soleil était déjà parti depuis un bon moment je pris le chemin pour rentrer chez moi. Durant tout le trajet, je ne pus me débarrasser de cette désagréable impression d’être suivi. Je me retournais plusieurs fois, pour constater toujours la même chose : j’étais le seul à marcher sur cette route et le reste n’était que le fruit de mon imagination.
Arrivé devant la porte de mon appartement, je me sentis légèrement soulager, mon cœur continuant de battre à toute allure. C’est au moment ou je tournais la clef dans la serrure que j’entendis des pas derrière moi. Je n’hésitais pas une seule seconde à me retourné, et vis avec le plus grand effroi qu’il n’y avait personne, sauf une sorte de sentiment de haine qui irradiait le couloir. Je commençais à me dire que je devenais complètement fou !
C’est au moment où j’entrouvris la porte que je sus que je ne l’étais pas. Quelqu’un se tenait vraiment derrière moi et je pouvais sentir son souffle chaud dans ma nuque. Je fis quelques pas pour rentrer chez moi, tentant de garder mon calme et de ne pas me mettre à crier de terreur. Puis je décidais de me tourné, n’ayant d’autre moyen que de faire face à ma peur.
Jamais je n’aurais imaginé me trouver en face de lui, ou pire encore j’avais l’intime conviction de son identité depuis le début, mais je me le dévoilais uniquement maintenant, ne voulant pas croire que j’avais raison.

D’une voix extrêmement froide j’entendis cet homme qui me faisait maintenant face avec toute sa haine tournée vers moi :
- Tu n’aurais jamais du sortir Juha ! Tu le sais tu mérites bien plus que ces dix petites années de prison ! Assassin, ordure…
Je n’eus pas le temps de réagir que déjà il s’était jeté sur moi, déversant toute sa haine, sa colère et sa brutalité sur moi… Les larmes coulaient de mes yeux… Il lui ressemblait tellement. Qu’est ce qui était le plus douloureux ? Les coups qui pleuvaient maintenant sur moi sans que je puisse rien faire, ou tous les ressentis haineux qu’il éprouvait à mon égard. Coup après coup, je sentais ma conviction et mes forces de vivre diminuer, anéanties par ce retour brutal dans le passé. Dire qu’il y a dix ans, cet homme était mon meilleur ami, celui sur qui j’avais pensé pouvoir compter toute ma vie.  Les insultes pleuvaient comme les coups, il ne s’arrêterait pas tant que de la rancœur à mon égard existait encore dans son cœur. Je savais que ma vie ne ferait pas le poids face à celle-ci, mais peut être était-ce la fin que je méritais. Après tout, cela était vrai, je n’étais qu’un meurtrier et je méritais le même sort…