Mourir pour revivre - Chapitre 4

Chapitre 4 écrit par Lybertys

Cette nuit-là, juste après l’incident, juste après avoir quitté Raphaël et rejoint sa chambre, Daevlyn ne parvint pas à retrouver le sommeil. Étendu sur son lit, les yeux grands ouverts, il ne parvenait pas à trouver le minimum de paix intérieure afin de pouvoir s’endormir de nouveau. A l’intérieur de son esprit, bouillonnait une multitude de questions et de réflexions. Il finit par se lever, trouvant inutile de rester couché à observer son plafond.

Il fit un tour rapide des chambres, et constatant que tout le monde avait sombré dans un sommeil plus que profond, même les troubles fête, il attrapa un pull et sorti.

La fraîcheur de la nuit était plus qu’agréable et contrastait vraiment avec la chaleur de la journée qui venait de passer. Il admira pendant un instant la beauté de l’immensité du ciel étoilé sans aucune pollution lumineuse qui s’offrait à lui. Il marcha droit devant lui, sans faire vraiment attention à sa direction. Ses pas le menèrent inconsciemment à l’enclos des chevaux, chemin qu’il faisait si souvent. Il aperçut les chevaux brouter paisiblement au loin et se dirigea à petits pas vers eux. Comme à son habitude, ce fut sa monture qui redressa sa tête la première, lançant un hennissement de bienvenue, suivit de celui de ses congénères. Il continua sa route vers eux jusqu’à les rejoindre et se retrouver au milieu d’eux.

Comme il aimait se sentir près d’eux, être avec eux, faire parti de leur groupe. C’était un des seuls moments où il se sentait être pleinement. Son cheval s’approcha de lui, parcourant les quelques mètres qui les séparaient. Il passa sa main sur son encolure si parfaite, laissa aller sa tête contre celle-ci, l’enfouissant dans ses crins. Là, à cet instant seulement, il put se laisser aller. Il sentit un larme couler sur sa joue, ne parvenant plus à la retenir. Elle fut suivit par une centaines d’autres larmes. Daevlyn pleurait, tentant de se consoler avec le seul être qui parvenait à l’écouter. Son cheval ne bougea pas. Il restait parfaitement immobile. C’était comme si il avait pressenti la détresse de son ami, qui venait si souvent se confier à lui. Daevlyn resta un long moment ainsi, mettant un certain temps à réussir à se calmer. Il passa une dernière fois la main sur l’encolure si puissante qui venait de recueillir sa peine, et s’écarta de lui. Il profita encore un certain temps de leur présence et partit rejoindre sa chambre. Il ne pouvait pas se permettre de s’absenter trop longtemps. On ne savait jamais ce qu’il pouvait s’y produire. Il quitta le troupeau qui le regarda partir, et remonta dans sa chambre. Il se dévêtit et s’allongea sur son lit.

Cela faisait longtemps qu’il n’avait pas craqué ainsi. Il se demanda quel pouvait être le facteur déclencheur, mais trop épuisé, il n’eut pas le temps de trouver la réponse et il s’endormit presque aussitôt.

Le lendemain, malgré son réveil, il eut beaucoup de mal à se lever. Il s’étira, alla prendre un bonne douche afin de ne pas paraître trop mal en point devant les autres. Masquer ce qu’il ressentait, il savait parfaitement le faire.  S’ouvrir aux autres, révéler le mal et la souffrance qui l’habitait, voilà longtemps qu’il n’avait plus tenté de s’y risquer. Il s’habilla, et alla réveiller tous ces adolescents qui bien sur dormaient encore profondément. Il afficha le sourire qu’il savait si bien faire en entrant dans les chambres de ceux qui faisaient semblant de ne pas avoir entendu les coups qu’il avait préalablement frappé à leur porte.

La dernière chambre était celle de Raphaël étant au bout du couloir. Il porta seulement trois léger coup, étant à peu près sur que cela le sortirait de son sommeil et lui dit d’une voix douce :

- Raphaël ? Tu es réveillé ? C’est bientôt l’heure du petit déjeuné…

Puis n’attendant aucune réponse de sa part, il s’éloigna lorsqu’il entendit celui-ci s’agiter derrière la porte. Il se rendit directement au réfectoire, vérifiant au passage que tout le monde faisait de même. Il alla s’asseoir à côté des autres éducateurs.

Sébastien, un de ceux avec qui il était le plus proche, lui demanda :

- Alors ? Bien dormi ? Il n’ont pas trop fait les cons ?

- Quelques uns sont allés emmerder Raphaël, comme je l’avait prédit, mais à mon avis il ne sont pas prêt de s’arrêter là.

- Ça commence. Il faut toujours qu’il y en ai un qui soit leur bouc émissaire.

- Oui, mais vu la fragilité psychologique de Raphaël, il vaudrait mieux minimiser au maximum les dégâts.

- Leur punition ?

- Je n’ai pas encore décidé, je me suis dis que leur responsable s’en chargerai ce matin.

- Oui, d’ailleurs à propos des groupes, tu m’as demandé de t’occuper de Raphaël hier soir…

- Ce n’est pas possible ?

- Si si… Mais tu fais gaffe. Normalement on ne te confie pas les cas comme celui-ci.

- Qu’a t-il de différent par rapports aux autres ados ?

- Tu le sais très bien Daevlyn… Fais juste attention de ne pas trop t’impliquer…

- …

Daevlyn ne répondit rien et entama son petit déjeuner. Il ne put réprimer un sourire lorsqu’il vit le jeune Raphaël pénétrer dans le réfectoire. Il le vit aller s’asseoir seul à une table, s’isolant du mieux qu’il pouvait. Soudain, il sentit un coude s’enfoncer dans son ventre, et failli faire tomber son café sous la surprise du choc.

- Seb’ tu saoules, pourquoi tu fais ça ?

Au sourire que celui-ci lui fit, il comprit et ne rajouta rien. Lorsqu’il tourna de nouveau la tête en direction de Raphaël, il vit que celui-ci était parti. Lorsqu’il eut fini de déjeuner il vit avec les quatre autres éducateur les groupes qu’ils allaient prendre, et l’organisation de la journée.

Daevlyn étant le seul à s’occuper de l’activité équestre, s’occuperait de chaque groupe en plus du sien. Pour la semaine, il familiariserait les enfants deux par deux avec leur monture prenant chaque jour un groupe différent afin qu’ils soient le plus autonome possible et ne plus s’occuper de manager par la suite les dix à la fois.

Les moniteurs rejoignirent le groupe d’adolescents dans le hall. Ce fut Daevlyn qui prit la parole après un coup d’œil furtif vers Raphaël.

- Très bien nous allons former cinq groupes de deux, déclara Daevlyn. Une fois les groupes formés, ils ne changeront plus, sauf sur demande des moniteurs. Vincent et Raphaël avec moi. Jérémy et Steven avec Sébastien…

Lorsqu’il vit Raphaël redresser la tête et lui lancer un regard empli de reconnaissance il eut chaud au cœur. Apparemment cet enfant semblait l’apprécier autant que lui. Il lui sourit et lui fit un léger clin d’œil le plus discrètement possible avant de finir répartir les autres adolescents dans les groupes.

Une fois tous les groupes répartis, Daevlyn se dirigea vers Raphaël et Vincent et leur demanda de le suivre. Les garçons obtempérèrent et ils partirent en direction des prés.

Daevlyn adorait ce moment là. Présenter ce qui lui était le plus cher au monde à des enfants qui en avait plus que besoin. Curieux, il se demanda quelle allait être la réaction de Raphaël face à un cheval. Allait-il accepter le contact avec l’animal ?

Arrivé au milieu du prêt, il leur expliqua :

- Vous garderez le cheval qui va vous être attribué jusqu’à la fin de votre séjour. Vous vous en occuperez comme s’il était le votre. Vous devrez le nourrir, le panser et subvenir au moindre de ses besoins.

Il ne réfléchit que quelques secondes au cheval qu’il allait donner à Raphaël. Un animal doux, gentil, calme. Il ne savait pas vraiment pourquoi, mais au fond de lui, il savait que c’était celui-ci qui s’accorderait le mieux avec lui.

- Raphaël, tu t’occupera de Diamond Dust c’est le noir avec les taches blanches là bas, désigna l’adulte en le montrant du doigt. Vincent quant à toi, tu aura Autumn’s Wind, c’est le cheval pie bai à côté de Diamond Dust.

- D’accord, il est gentil au moins ? Demanda l’adolescent visiblement pas très rassuré.

Daevlyn détestait cette question. Tous les chevaux étaient gentils et bons de nature. Un cheval ne devenait méchant qu’à cause de l’homme. Mais il n’allait pas s’enfoncer dans cette explication et s’obligea à le rassurer.

- Oui, ne t’inquiètes pas. C’est moi qui ai éduqué tous les chevaux du centre, tu ne risque absolument rien ! S’exclama Daevlyn.

Raphaël lui lança un regard interrogateur et Daevlyn ajouta :

- Mon cheval s’appelle Waterfalls, c’est l’appaloosa léopard avec la longue crinière blanche.

Par la suite, Daevlyn expliqua aux deux adolescents comment approcher leur monture sans les effrayer et leur montra comment leur passer le licol. Il savait parfaitement comment leur expliquer, l’ayant déjà fait de multiples fois. Le regard attentif et intéressé de Raphaël le fit sourire intérieurement. Ce gamin avait énormément de potentiel pour apprendre.

Lorsque celui-ci s’approcha de son cheval, Daevlyn ne put se retenir d’appréhender cette rencontre, qui se passa parfaitement bien, même mieux qu’il n’aurait plus l’imaginer. Au lieu de s’inquiéter de l’appréhension de Raphaël, sa monture resta parfaitement calme, comme pour lui montrer qu’il ne craignait rien.

Voyant que tout ce passait bien il le laissa faire connaissance seul avec lui, et alla s’occuper de Vincent. Un peu trop brutal, Vincent avait du mal à approcher son cheval. Daevlyn lui expliqua le plus pédagogiquement possible comment s’y prendre et Vincent mit cela à exécution. Il semblait réellement impressionné par la taille de son cheval.

Lorsque les présentations furent terminées, il passa rapidement le licol à son cheval qui était venu à sa rencontre, lui fit une légère caresse et sortit du parc avec les trois animaux et les deux adolescents.

Le regard illuminé de bonheur de Raphaël lui fit chaud au cœur. Il était content que sa passion plaise aussi à cet enfant. Il n’aurait jamais penser le voir aussi heureux en si peu de temps.

La leçon se poursuivit paisiblement. Le seul incident fut lorsque Vincent et Raphaël s’effleurèrent et le cri que celui-ci poussa. Il tenta de ne pas y faire attention, choisissant de le laisser se débrouiller tout seul. Après tout, il ne serait pas toujours là pour lui, et le surprotéger n’était pas non plus la solution.

Après le repas de midi, ils poursuivrent la leçon, Daevlyn leur apprenant le maximum et le nécessaire à savoir pour être le plus autonome possible. Il surveilla tout de même l’état de Raphaël qui n’avait encore un fois que très peu manger au déjeuner. Vu l’effort physique qu’il leur demandait de fournir, il fut presque étonné de ne pas le voir tomber.

Le soir venu, ils ramenèrent leur cheval dans le parc. Alors qu’ils sortaient du parc et que Daevlyn était parti devant, il entendit de nouveau un cri de détresse ne pouvant que provenir de la bouche de Raphaël. Même si ce n’était que des cris qu’il pouvait percevoir, il aimait beaucoup le son de sa voix. Raphaël devait avoir une voix magnifique.

Il vit alors Raphaël courir devant lui, s’enfuyant le plus loin possible. Il tenta de le retenir par des appels, mais rien n’y fit. Il se tourna alors vers Vincent qui ne savait plus où se mettre.

- Que s’est il passait ? demanda presque agressivement Daevlyn.

- Rien, nos mains se sont juste effleurées. On aurait cru que ma main était de l’acide. Non sérieux, il est trop bizarre ce mec. Je ne veux pas rester avec lui…

Daevlyn n’écouta pas la suite, il lui imposa de rentrer et de rejoindre les autres, et courut à la suite de Raphaël. L’ayant vu prendre cette direction, il sut que celui-ci était allé se réfugier dans sa chambre. Il frappa quelques coups et ouvrit la porte, sans pour autant pénétrer dans la pièce.

- Je peux entrer ? Demanda Daevlyn.

Raphaël hocha la tête en guise d’acquiescement et l’adulte entra dans la chambre, prenant soin de refermer la porte derrière lui.

- Je n’ai pas vu ce qu’il s’est passé toute à l’heure. C’est Vincent qui m’a raconté. Il m’a dit qu’il souhaitait changer de groupe.

Raphaël releva des yeux inondés de larmes et Daevlyn s’empressa d’ajouter :

- Je ne pense pas qu’il pensait à mal en demandant une telle chose. Tu sais Raphaël, je pense qu’il serait préférable que tu sois seul dans un groupe. Qu’en dis tu ?

Le voir si triste, voir cette tête si désespérée lui retourna le cœur. Il avait toujours détesté voir les autres souffrir et surtout voir un enfant pleurer comme cela.

- Ainsi, tu pourrais évoluer tranquillement sans crainte que quelqu’un ne te touches par mégarde. C’est à toi de choisir, je ne souhaite aucunement influencer ta décision.

A la surprise de Daevlyn, Raphaël se leva et se dirigea vers son armoire. Il en revient quelques secondes plus tard avec un bloc note sur lequel il écrivit quelque chose que l’adulte n’arriva pas à déchiffrer.

Puis, L’adolescent posa le bloc note entre lui et Daevlyn qui lut :

«  J’accepte d’être seul dans un groupe, je vous remercie de la proposition. Cependant, j’ai une faveur à vous demander… »

Raphaël avait baissé la tête et regardait fixement son carnet, ne souhaitant pas croiser le regard de Daevlyn.

- Je t’écoutes, répondit ce dernier intrigué.

Raphaël s’empara à nouveau du calepin et écrivit :

«  J’aimerai être dans votre groupe »

Après avoir lu la requête de l’adolescent, un court silence s’installa entre eux avant que Daevlyn ne réponde. Cette simple phrase le bouleversa. Cet enfant lui faisait confiance et l’appelait à l’aide. C’était merveilleux, car il ne resterait pas refermé sur lui même, c’était un grand pas en avant. Il se calma, ne voulant surtout pas exploser de joie devant lui et l’effrayer.

- Je n’y vois aucun problème, et je te remercie de la confiance que tu places en moi.

Daevlyn fut attendrit par les joues rougies de Raphaël.

« Merci »

- Aller viens, s’exclama Daevlyn en se levant, c’est l’heure d’aller manger.

Le repas se passa sans encombre. Mais, ce ne fut pas le cas de la réunion du soir entre les moniteurs.

- Tu lui as dit quoi ?!!!!!! Non mais on ne me l’avait jamais fait ça. Un moniteur particulier ! Et pourquoi pas un chacun tant qu’on y est. Et qui va se charger de Vincent.

- On peut le mettre dans un groupe plutôt calme. Deux ou trois ça ne change pas trop, répondit froidement Daevlyn sans ciller. Il en allait de la santé de Raphaël et il ne changerait pas de décision.

- S’il y a un seul problème, je dis bien un seul, aussi mineur soit-il, je ne réfléchirai pas une seule seconde et ce sera la porte, tu m’as bien compris. Alors toujours partant ?

Le renvois. La seule chose qui pouvait lui arriver de pire. Quitter ce monde, ce lieu, ses amis… Non il n’y survivrait pas. C’était ici chez lui et pour rien au monde il ne partirait. Il était alors idiot de se lancer dans cet enjeu irréalisable. Des problèmes, il y en avait plusieurs par jours. Mais remettre Raphaël avec Vincent, c’était le faire sombrer un peu plus dans sa détresse.

- Oui. Répondit simplement Daevlyn. Il se leva et parti en claquant la porte.

Il se dirigea immédiatement dehors, attrapa un licol dans l’écurie et partit dans le près. Là il rejoignit son cheval, passa une main sur sa tête, flatta sa puissante encolure, et lui enfila son licol. Il attacha les deux extrémités de la longe à celui-ci de manière à se fabriquer des rênes. Puis d’un bon léger, il l’enfourcha. Une simple pression de jambe sur ses flans, et celui-ci comprit automatiquement. Il s’élança dans un galop léger en direction de la forêt. Parcourir ces plaines, sentir cette puissante musculature s’actionner sous lui, prendre autant de plaisir que son cheval à parcourir cette vaste étendue, avoir l’impression de voler  : voilà ce qui lui donner une impression de liberté. Longtemps il parcourut cette immensité, ne s’arrêtant que lorsque sa monture le décida. Arrivé près d’un ruisseau, il mit pied à terre et s’aspergea le visage pendant que son cheval s’abreuvait. Puis il prit la décision de rejoindre la pension, ayant déjà été absent trop longtemps. Il ne remonta pas sur son cheval, lui ayant déjà demandé beaucoup, il marcha devant lui.

Une fois rentré, il le débarrassa de son licol et le laissa rejoindre les autres. Il fit de même. Il devait aller vérifier que tout le monde était prêt à dormir.

Après son petit rituel et un passage un peu plus long dans la chambre de Raphaël paisiblement endormit avec un sourire indéfinissable aux lèvres, il alla se laver.

Il ne tarda pas à s’endormir une fois qu’il s’entendit sur son lit. Fatigués par leurs journées, les adolescents ne risqueront pas de faire les imbéciles cette nuit là. Daevlyn pouvait dormir en paix.

Cette nuit là, son sommeil fut agité… Il semblait revivre ce qu’il n’aurait jamais voulu revivre.

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