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déc

Silent scream - chapitre 12

   Ecrit par : admin   in Silent scream

Chapitre 12 par Lybertys

 

Ce fut la première fois que je me nourrissais presque avec envie. Peut-être étais-ce du au fait que je ne devais plus simplement le faire pour moi-même mais pour quelqu’un d’autre, quelqu’un qui en avait vraiment besoin. 
Je me sentais étrange. C’était pourtant l’homme que je détestais. Je venais de lui sauver la vie, alors que j’avais si souvent voulu le tuer. Je n’oubliais pourtant pas la douleur qu’il m’avait causée : traumatisme qui resterait à jamais gravé en moi. Et pourtant, il avait tout risqué pour venir me chercher. Il était allé là où tout le monde voulait sa vie. La douleur de la torture fraîchement vécue irradiait encore mon corps entier et pourtant, j’avais cette cruelle impression de me sentir plus fort. C’était comme si je commençais à peine une nouvelle vie.

Pour la première fois depuis le début de ma vie de vampire, je laissais aller tous mes sens, comme pour la première fois en éveil. Je me laissais enfin à être pleinement. Je courais de plus en plus vite, appréciant la douceur de l’air glissant sur mes joues. J’avais toujours faim, avec l’impression que la satiété ne m’était pas accessible. Je devais manger pour deux cette nuit là, et la culpabilité d’ôter des vies me semblait lointaine.
Elle me m’étreignait plus comme elle l’avait si souvent fait. Ils n’étaient à mes yeux que des sources de nourriture, un moyen de rester en vie au prix de la leur. C’était bien cela, pour la première fois, je ne me sentais plus attaché au genre humain et n’avait donc pas l’impression de trahir les miens. Mais je n’allais cependant pas jusqu’à dire que je prenais du plaisir à ôter une vie. Mais c’était minime par rapport au fait de sentir ce sang délicieusement chaud couler dans ma propre gorge. 
Ce ne fut qu’une fois nourrit bien plus que nécessaire, que je me décidais à rentrer, ayant cet heureux sentiment de savoir que quelqu’un m’y attendait. Certes, je le craignais toujours, et une once de haine habitait toujours mon cœur. Mais pour la première fois, j’avais presque une mince forme d’affection pour lui. 
Lorsque je rentrais, Ezekiel était dans un sommeil profond mais agité. Ses sourcils froncés, trahissaient la douleur qu’il ressentait. Me sentant légèrement coupable, j’allais m’asseoire près de lui, et posait délicatement ma main sur sa joue, l’effleurant à peine, comme pour tenter de l’apaiser. Mais Ezekiel réagit violemment. Il m’attrapa d’un geste brusque, se redressant plus vivement que je n’en l’aurais cru capable, les canines à découvert comme prêt à me sauter à la gorge. Je tentais de ne pas céder à la torpeur dans laquelle il me mettait, et pourtant, j’avais terriblement peur. Me ressaisissant plus vite que je ne l’aurais cru, je pris la parole afin qu’il réalise qui il était en train d’agresser : 
- C’est moi, soufflais-je d’une voix qui se voulait douce et apaisante. Tien, cela t’aidera à reprendre des forces, ajoutais-je en lui tentant mon poignet entaillé d’où perlait déjà quelques gouttes de liquide carmin si précieux.
C’était la première fois que j’occupais cette place. Je prenais soin de lui. Qu’étais-je en train de réellement faire. Avais-je simplement conscience de mon geste ? Pourquoi prendre soin de lui avec autant de précaution ? Jamais je ne m’étais occupé d’une autre personne que moi-même. Jusqu’à maintenant, je n’avais qu’à compter sur moi, et personne d’autre n’était réellement entré dans ma vie. Aujourd’hui, je prenais quelqu’un à charge. Sans moi, il n’aurait sûrement pas tenu longtemps… Mais sans moi, il n’aurait jamais été dans un tel état.
D’une manière fébrile que je n’avais jamais connu chez lui, il s’empara de mon poignet offert avec des tremblements du à sa souffrance et à son manque. Il le porta à ses lèvres d’un geste hésitant. Le contact de ses lèvres sur ma peau me fit frissonner d’une sensation que je ne savais nommer. Trop occupé à se délecter des premières gouttes, il ne perçut pas mon trouble. Mais ce fut bientôt une faim féroce qui s’empara de lui. Comme hypnotisé par l’appétit qu’il découvrait, il entailla plus profondément ma chair et je réprimais une grimace de douleur. Mes sens étaient beaucoup plus en alerte et j’avais l’impression de sentir chaque fibre de ma peau se déchirer sous sa puissante mâchoire. Lorsque mon poignet s’engourdit, je me laissais aller à ce que je ressentais.
Cette sensation était étrange. Sentir comme une vie qui s’échappait de moi sous le fait de ma volonté. Il l’aspirait avec une vigueur qui me faisait presque trembler, me donnant des vertiges.
Il semblait ne jamais vouloir s’arrêter. Ce trop plein bénéfique que j’avais ressentit jusqu’à présent, se transformait trop rapidement à mon goût en vide à combler. Je n’étais pas au meilleur de ma forme, pas après ce que j’avais subit et il me faudrait plusieurs jours pour m’en remettre. Je ne pouvais pas me permettre de ne pas avoir suffisamment de sang ou alors nous ne serions que deux bons à rien, cible pitoyablement facile. Et pourtant, au fond de moi, la tentation était grande de le laisser me vider entièrement. Peu à peu, je me sentais comme engourdi. J’avais l’impression de me fondre en lui. Je tentais de reprendre la raison, alors qu’un gémissement m’échappa, tinté de douleur et d’un plaisir que je n’aurais pas cru y prendre. Je retirais mon poignet subitement, comme pour revenir pleinement à moi. Il en avait eu assez, plus qu’il ne le fallait pour le moment. Je m’attirais alors un grondement de mécontentement de sa part. Il n’était pas rassasié, mais je ne pouvais lui donner plus.
- Cela suffit, Ezekiel, soufflais-je d’une vois tremblotante qui trahissait ma faiblesse et mon trouble.
Docile, mais à contrecoeur, il relâcha mon poignet, soupirant de soulagement. Alors qu’il se rallongeait, je remarquais qu’il avait repris quelques couleurs. Cependant, la douleur semblait l’épuiser et il fermait déjà les yeux, rejoignant les limbes sur sommeil et me laissant seul.
Je posais alors mon regard sur son visage. La douleur contractait ses traits, mais il était plus détendu. Profitant de son état de relâchement, je me mis à détailler son visage, admirant la beauté froide qu’il dégageait. La fatigue commença à m’atteindre plus durement que je ne l’aurais cru et sans vraiment contrôler mon geste, comme pour tenter de le détendre, je posais ma paume sur son visage, épousant parfaitement la forme de son visage.
Ezekiel ouvrit alors difficilement les yeux, et sursauta légèrement en remarquant ma présence au dessus de lui. Mon visage était seulement à quelques centimètres du sien, et j’avais du mal à me souvenir du moment où je m’étais approché de lui, comme envoûté. Sans m’arrêter, je déposer mes lèvres sur les siennes, avec une douceur et une délicatesse dont je ne me connaissais pas capable. Prenant son visage en coupe, j’accentuai la pression de ma bouche sur la sienne, ayant envie de son contact plus que tout. C’était un baiser assez prude, mais il n’en était pas pour autant désempli de tendresse.
Comme déboussolé, Ezekiel ne répondit pas tout de suite, tout autant surpris que moi d’un tel comportement. Rares étaient les fois ou j’avais esquissé un tel geste vers lui. Progressivement, Ezekiel finit par répondre à mon baiser, entrouvrant ses lèvres en un accord silencieux à ce que j’approfondisse notre échange. Fermant les yeux, je me laissais investir par toutes les sensations nouvelles qu’il éveillait en moi. J’avais failli ne plus jamais connaître cela. J’avais failli mourir, j’avais voulu me donner la mort et maintenant… Et maintenant qu’allais-je devenir ? Qu’allions-nous devenir ? Car je n’étais plus seul maintenant, nous étions deux.
Ce baiser nous laissa tous deux pantelants. Ezekiel relâcha mes lèvres, semblant avoir du mal à rester conscient. Contre toute attente, il murmura alors dans un souffle :
- Merci…
Puis, sans me laisser le temps de réagir ou de répondre quoi que ce soit, il s’endormi profondément, me laissant seul à nouveau. Investi par la fatigue, je m’étendis près de lui, n’osant tout de même pas me coller trop près, je laissais simplement ma main effleurer son corps. C’était comme au début, lorsque j’allais le rejoindre dans son cercueil. Etrangement serein, épuisé, je le rejoins dans le sommeil…
Je me réveillais après plusieurs heures de sommeil, le corps en sueur et la peau de mon torse et de mon ventre cuisante. J’avais mal et j’avais surtout faim. Ma guérison demandait plus de sang que je ne l’aurai cru. Laissant Ezekiel dormir d’un sommeil juste, je me levais discrètement et m’évanouissais dans la nuit sombre qui avait déjà envahi la forêt. J’entamais un pas de course soutenu, car nous étions loin de toute civilisation. Je n’allais cependant pas trop vite, souhaitant économiser mes forces pour une guérison plus rapide. Presque essoufflé, je m’arrêtais à la lisière de la forêt, un rayon de lune berçant la plaine. J’avais l’impression que ma peau était en train de se consumer. Profitant de ce peu de lumière, j’ouvris ma chemise, frémissant face au vent qui lécha instantanément ma peau. Ce n’était pas beau à voir. Loin d’être cicatrisés, les plaies dues à l’eau bénite parsemaient ma peau comme mutilée à jamais. Frissonnant de dégoût, je refermais brutalement ma chemise, ne voulais plus me soumettre à cette vue emplie de souvenir trop frais. J’humais l’air, me concentrant sur ce que j’avais à faire : chasser. Deux hommes enivrés n’étaient qu’à quelques centaines de mètres, comme égarés, loin de leur villes. Deux proies parfaites pour un début de chasse…
Je rentrais plus que rassasié, espérant cette fois en avoir pris assez pour nous nourrir tous les deux. Ezekiel était toujours endormi lorsque je rentrais. La douleur de mon torse me cuisait moins, entamant à nouveau une forme de guérison lente et périlleuse. J’osais à peine imaginer la souffrance que Ezekiel devait ressentir dans son épaule. 
Je m’assis près de lui alors qu’un questionnement revint m’assaillir. Quelle vie allions nous avoir ? Shaolan nous avez clairement menacé… J’avais peur, peur d’être à l’aube de ma naissance de vampire, de découvrir mes capacités et finalement me retrouver l’herbe coupée sous les pieds, la vie ôtée.
C’est à ce moment-là qu’Ezekiel choisit pour ouvrir les yeux. Reprenant mes esprits, je mordis mon poignet et le lui présentais : 
- Tiens, soufflais-je, heureux de me délester un peu de ce trop plein. 
Sans se faire prier, il attrapa délicatement mon poignet qu’il mordit, aspirant mon sang avec moins de précipitation que la première fois. De lui même, il s’arrêta, semblant rassasié. Il cicatrisa la plaie d’un coup de lange et me rendis ma liberté. N’ayant aucune envie de m’écarter de lui, je m’allongeais à ses côtés, et délicatement, ne voulant pas rompre le contact, en un geste tendre, je posais ma main sur son torse dénudé, qui avait repris une certaine chaleur rassurante.
Puis, les questions devenant trop nombreuses, les ayant trop ressassées dans ma solitude, je profitais de son instant d’éveil pour les partager avec lui.
- Qu’allons nous devenir ? Demandai-je dans un murmure.
Ezekiel ne répondit rien, ne semblant pas comprendre mon comportement ou simplement ma question. Sans attendre, maintenant lancé, j’allais jusqu’au bout de mon raisonnement, m’étonnant moi-même de la détermination que j’y mettais :
- Je veux que tu m’apprennes à me battre. Je ne t’abandonnerais plus…
Je ne voulais plus être un poids mort. Je ne voulais pas qu’il lui arrive la même chose par ma faute. Je voulais être capable de me défendre seul et ne plus jamais me retrouver dans une telle situation. Je venais à peine de découvrir mes réelles capacités et je voulais en découvrir beaucoup plus sur elles.
Ezekiel resta interdit l’espace d’un instant et après un long silence, il me demanda avec hésitation, comme choqué par ce que je venais de lui dire :
- Pourquoi ?
- Pourquoi quoi ? Répétais-je, perdu par sa réaction.
- Pourquoi ce brusque changement d’avis ? Reprit-il, comme s’il venait de retrouver son sens de la répartie.
Je ne répondis pas à sa question, soudain très mal à l’aise. Comment pouvait-il me prendre au sérieux après le tel passé qu’il me connaissait. Eludant volontaire et maladroitement sa question, je me redressais et m’assis à sa hauteur : 
- Co… Comment va ton épaule ?
A son tour, il ne répondit pas à ma question, n’aimant pas ma façon de faire. Agacé, il se releva brusquement, ne grimaçant que très légèrement face à la douleur qu’il devait s’imposer. Il se tourna vers moi et me demanda avec hargne : 
- Quand cesseras-tu de te voiler la face, Alakhiel.
J’esquissais un sursaut de surprise. J’avais presque oublié ses sautes d’humeur et la véritable peur presque animale qu’il m’avait toujours inspirée. Rassemblant mon courage, ne voulant pas me plier vulgairement face à lui, j’ancrais mon regard embrasé d’une lueur de défis dans le sien, et éludant une nouvelle fois sa question, je murmurai : 
- Pourquoi m’as-tu sauvé, Ezekiel ? S’il te plait, ajoutais-je en le voyant ouvrir la bouche pour me répondre. Ne me sert pas encore une de tes répliques sarcastiques… Je… J’ai besoin de savoir…
Je le suppliais presque, j’avais besoin de savoir, besoin de savoir pourquoi il me gardait ainsi en vie à ses côtés, jusqu’à risquer la sienne… Semblant être touché, sans que je comprenne vraiment pourquoi, Ezekiel soupira longtemps avant de murmurer dans un souflle : 
- Je croyais que tu l’avais compris…
Ne comprenant pas sa réponse, ayant beaucoup de mal à imaginer ce qu’il voulait dire par là, je lui demandais déboussolé :
- Quoi ? Qu’aurais-je du comprendre ? 
Soudain, cela me parut évident. Qu’étais-je aller m’imaginer. Qu’il tenait à moi indépendamment du fait que je lui appartenais. J’ajoutais alors d’une petite voix tremblante, sachant que la réponse serait durement douloureuse : 
- C’est parce que je suis ta chose, n’est ce pas…
A l’entente de mes derniers mots, Ezekiel poussa un soupire d’exaspération. 
- Quand cesseras-tu de prendre au pied de la lettre chaque mot que je prononce, soupira-t-il. Tu crois vraiment tout ce qu’on te dis, c’est pas croyable !
Ezekiel esquissa un léger sourire alors que j’étais encore plus perdu qu’auparavant. Il n’ajouta rien, peu enclin à me donner plus d’explication. Il déposa cependant un délicat et chaste baiser sur mes lèvres, qui me troubla encore plus. Sans attendre de réaction de ma part, il se détourna de moi et s’allongea sur le sol de terre battue, mettant fin à cette discussion. Me sentant soudain violemment seul, je m’allongeais à mon tour, laissant une distance entre nous. Cette distance me donnait l’impression d’être un mur impénétrable.
Ce fut sans la moindre réponse face à notre avenir, que je tentais de fermer les yeux et de trouver le sommeil. Il me fallut un certain temps et finalement, l’épuisement physique eut raison de moi. J’avais mal, terriblement mal. Je ressentais une douleur tellement puissante que la mort me semblait elle même trop douce pour m’en soustraire. J’ai seul, entouré d’ennemis. Leurs regards posés sur ma nudité étaient eux aussi une véritable torture. Je voulais crier, les supplier de mettre fin à tout cela, promettant de faire n’importe quoi, mais aucun son ne sortait de ma bouche. J’en venais presque à souhaiter ne jamais avoir été mis au monde. 

Je ne voyais aucune échappatoire et bouger, ne serait-ce que d’un millimètre, rendait le supplice encore plus insurmontable. Le rire de Shaolan brûlait mes oreilles et cette fiole qui se vidait sur mon corps semblait ne jamais se désemplir. Chaque seconde me semblait durer une vie de mortel entière. Rien ne pouvait me soustraire à cette torture et sombrer dans l’inconscience me semblait interdit. 
Mais soudain, alors que ne serait-ce que le souhaiter m’avait sembler inimaginable, je me sentit envahi par une chaleur réconfortante qui repoussa peu à peu toute sensation de douleur possible. Des larmes de soulagement mélées de terreur m’envahir, alors que je m’enfonçais dans un espace noir et dénuée de toute vie. Je me sentais soudain, comme dans un cocon protecteur, là ou jamais personne ne pourrait m’atteindre, comme protégé par une puissance dont j’ignorais la source. Je me laissais aller, comme bercé par des bras puissant, irradié par une chaleur qui n’était pas la mienne. Je ne pouvais cesser de pleurer, tentant d’évacuer tout ce que je venais de ressentir, ce trop plein qui avait pris possession de mon être et de mon esprit. Suffocant, je repris peu à peu une respiration normale. 
Il me sembla alors entendre quelque chose qui me tira de mon sommeil. Dans un entre deux, je réalisais à peine que j’étais dans les bras d’Ezekiel. Rassuré, je me laissais à nouveau aller, me sentant protégé et prêt à affronter à nouveau le sommeil et ses dangers.
Lorsque je me réveillais, la nuit allait presque tomber. Ezekiel avait sa main posée négligemment sur mon torse, et sa tête était enfouie dans mon cou. La peau de mon torse était toujours aussi douloureuse, bien que la cicatrisation ait enfin été entamée. Avec délicatesse, lui laissant encore quelques minutes de sommeil, je me dégageai de son étreinte et me redressais, étirant mes muscles endoloris. Me rappelant 
de ce qui s’était passé durant mon sommeil, j’étais certain que je ne devais mon salut qu’à cet homme, tout comme je le lui devais dans la réalité. C’était avec douceur et bienveillance que je le fixais, le sentant proche du réveil. Cela ne manqua pas. Quelques minutes plus tard, il ouvrit les yeux, et une fois qu’il fut réellement là, je déclarais posément : 
- La nuit va bientôt tomber. Nous ferions mieux de ne pas traîner ici… Tu te sens de te lever ? 
Ezekiel ne répondit rien, mais lentememt, il se redressa sur ses coudes afin de me faire face.
- Allons-y, déclara-t-il d’une voix rauque, comme s’il avait la gorge asséchée.
Rassemblant le peu de force qu’il avait, il se leva avec difficultés, ses jambes tremblantes le maintenant à grand peine. Jamais je ne l’avais vu dans un tel état de faiblesse, si bien que je ne savais pas comment réagir. Je ne savais même pas si je devais l’aider ou non.
Pour toute réponse, Ezekiel s’appuya sur moi plus lourdement que je ne l’aurais cru. D’un geste maladroit, ne sachant jamais vraiment comment me comporter avec lui, je posais ma main sur sa hanche afin de le soutenir et l’aida à marcher.
Lentement, sans un regard en arrière, nous reprîmes notre route, nous éloignant progressivement du lieu où siégait le conseil. Il était d’ailleurs étrange que celui-ci ne se soit pas mis à nos trousses. Shaolan y était-il pour quelque chose ? Je ne le voyais maintenant plus que comme un abject manipulateur. Ce n’était plus un allié mais une menace pour notre vie. Il me faisait peur, peut être même plus qu’Ezekiel qui au moins était un être entier. Mais je savais ce qu’il voulait : le vampire que je tenais précisément. Sentant malgré moi le trouble d’Ezekiel, étant trop proche de lui, je déclarais d’une voix grave :
- Si je n’avais déjà pas confiance en ce Shaolan, à présent mes doutes se sont confirmés. C’est toi qu’il veut, Ezekiel.
- Je sais. Répondit-il. Du moins, ajouta-t-il face à mon regard interrogateur, c’est ce que j’ai cru comprendre. Ce qui m’échappe cependant, c’est la raison pour laquelle il s’acharne ainsi…
- Tu sais, osais-je timidement, je… Je crois que Shaolan n’est plus celui qu’il était où qu’il a pu être… J’ai l’impression qu’il joue un double jeu…
Ezekiel ne répondit rien. Il semblait m’inciter à continuer, ce que je fis.
- Je me trompe peut être, mais j’ai l’impression que Shaolan à des projets bien plus ambitieux qu’il n’y paraît… Et s’il n’était pas celui qu’il semble être…
- Tu sais quelque chose ? Me demanda-t-il soudain, presque trop brusquement.
Après une seconde d’hésitation, je lui fis véritablement part de ce que je pensais.
- Je… C’est toi qu’il veut. Je veux dire… Il te veut pour lui seul
- Je n’appartiens à personne, grommela-t-il.
Sa réaction me fit sourire légèrement. Ezekiel était toujours fidèle à lui même, et j’avais de nombreux doutes quant à la possibilité que Shaolan exécute véritablement ce qu’il voulait ou du moins y parvienne. S’il arrivait à son but, cela voudrait dire que je ne serais plus là. Je n’étais plus qu’un vulgaire obstacle. Un frisson me parcourut l’échine. Mais parviendrait-il réellement à posséder Ezekiel comme il le désirait ? Je n’avais pas de réponse tranchée à cette question.
- Qu’allons-nous devenir ? Lui demandais-je au bout d’un moment, reposant la question laquelle il n’avait finalement pas répondu la première fois.
- Ce que j’ai toujours été, répondit-il dans une voix sans timbre qui me glaça d’effroi. Des fugitifs…
Je m’arrêtais subitement. Ce n’était pas une telle réponse que j’attendais. Lui adressant un regard furieux, je m’exclamai :
- Alors c’est tout ? C’est tout ce que tu sais faire ? Quand vas-tu cesser de fuir, Ezekiel ? M’exclamais-je la voix tremblante qui reflétait toute la rage qui m’habitait.
- Que veux-tu que je fasse de plus ? S’exclama-t-il à son tour, la colère montant en lui. Quoi que je fasse, qu’importe le nombre de soldat du conseil que je tuerais, il nous poursuivront sans relâche… Ne parle pas de ce que tu ne connais pas, Alakhiel, ajouta-t-il avec un sourire sans joie aucune.
Je ne répondis pas tout de suite. Mais soudain, une lueur de folie vint m’éclairer, le même genre de folie qui aurait pu habiter Ezekiel. Un étrange sourire étira mes lèvres. Guidé par la vengeance de ce qu’ils m’avaient fait, je déclarai avec une voix cruelle que je ne me connaissais pas :
- Alors tu n’as qu’à tuer celui qui est à leur tête…
- T’es complètement cinglé, cracha-t-il d’un ton méprisant, reprenant seul sa marche sans un regard pour moi.
Blessé par une telle réaction, je répondis à mon tour, méprisant :
- Je ne te savais pas si lâche !
Mais à peine eussè-je fini ma phrase et sans avoir le temps de réaliser ce qui se passait, Ezekiel me saisit par la gorge et me plaqua violemment contre l’arbre derrière moi. La douleur irradia ma colonne vertébrale sous le choc et même si je le savais faible, il n’y avais aucun moyen pour moi de me libérer de son étreinte. Le seul fait d’être ainsi piégé me rendait fou de terreur. J’avais l’impression de me retrouver dans ce cachot, totalement impuissant. Alors que la rage bouillonnait dans mes veines par pur réflexe de défense, Ezekiel me souffla d’une voix dangereusement basse tout contre mon visage :
- Dis-moi, qui de nous deux est le plus lâche ? Qui de nous deux suppliait Shaolan de l’achever, il y a encore quelques heures de cela à peine ? Qui de nous deux ressent toujours cette culpabilité à prendre une vie ? Entre toi et moi, ajouta-t-il après un court silence, le lâche, ce n’est certainement pas celui qu’on pense !
Sur ces mots, il me relâcha aussi vivement qu’il m’avais saisi. Désiquilibré, je m’effondrais lamentablement sur le sol alors qu’Ezekiel se détournais de moi, sans un regard de plus. Alors que les larmes me montaient aux yeux sans raison, humilié, je les ravalais et m’exclamais :
- Je me demande vraiment pourquoi je m’obstine à te suivre et à vouloir rester avec toi…
- Ta lâcheté et ta peur du conseil, répondit-il.
Vexé par si peu de considération, je répliquais en m’engageant à sa suite :
- Je crois au contraire qu’il me faut du courage et beaucoup de patience pour rester avec quelqu’un d’aussi lunatique que toi… Et la mort ne me fait pas peur… Je ne l’ai que trop souvent frôlée…
J’avais même passé tant d’année à la désirer… Ezekiel se retourna vivement, manquant de me faire sursauter. Il me demanda d’une voix traînante, comme en colère :
- La mort t’effraie si peu que ça ? Dans ce cas, qu’attends-tu pour mettre fin au plus vite à ta misérable existence ? Cracha-t-il avec dédain.
Blessé par une telle réaction de sa part, mais au combien habituel, je ne rétorquais rien alors qu’il continuait :
- Si tu veux, dans mon infinie clémence, je peux même t’y aider… Je t’assures que tu ne sentiras rien… Ajouta-t-il avec un sourire malsain qui me fit frissonner.
Malgré toutes mes bonnes résolutions de prendre ma vie en main, Ezekiel m’ouvrait une nouvelle fois la porte de ce que j’avais fini par croire être une libération. Ne serait-ce finalement pas plus facile ?
Mais n’aimant pas la façon dont il se jouait de moi, je m’écartais de son chemin en sifflant :
- Je ne veux pas de ta pitié.
- Il ne s’agit pas de pitié Alakhiel, rétorqua-t-il en me bloquant la route, ne confond pas tout. Contrairement à toi, je ne ressens pas l’envie de mourir et si je te propose cela c’est uniquement pour sauver ma peau. J’en ai plus qu’assez d’avoir à supporter et à traîner un suicidaire. Alors dis moi une fois pour toute que tu veux mourir et on en finit à l’instant même !
Il n’y avait plus de trace de colère dans sa voix, seulement une profonde lassitude.
Je ressentis une douleur à l’intérieur de moi. J’avais peur d’en connaître la raison. Je semblais être blessé du fait qu’il porte finalement si peu de considération quant à mon cas. Mais après tout il avait raison. S’il me tuait maintenant, s’il mettait fin à mes jours, il se débarrasserait de tous ses problèmes et aurait sûrement une chance de survivre au conseil. Tout serait tellement plus facile pour nous deux. Il retrouverait sa paix et je tenterais de trouver la mienne dans la mort. Un seul mot, et tout serait finit. Plus de faux semblant, j’aurais enfin ce à quoi il m’avait arraché deux fois déjà. Mais pourtant, je ne m’en sentais plus le droit. Finalement, après tout ce temps à désirer la mort, et à être passif, je goûtais à peine à la force qui dormait en moi. Depuis ma naissance en tant qu’humain et jusqu’à maintenant, j’avais été uniquement acteur de ma vie, sans jamais faire de véritable choix, ayant un destin tout tracé devant moi. Elisabeth ne m’aurait même pas regardé. J’aurais fini ma vie monotone, tout comme elle l’avait commencé. Mais j’avais aujourd’hui une autre possibilité. Celle de prouver de quoi je pouvais être capable. Peut importe si je n’étais qu’une chose pour Ezekiel, je voulais être moi-même. Et tant que je ne serais pas allé au bout de tout cela, je ne pouvais et ne voulais pas mourir. Plus maintenant… Ou alors, tout cela aurait finalement été vain.
Dans un souffle, baissant la tête, ne supportant pas le regard inquisiteur qu’Ezekiel posait sur moi, je murmurais :
- Je… Je ne veux pas mourir…
- Il serait grand temps que tu saches réellement ce que tu veux, Alakhiel, rétorqua-til d’un ton cinglant.
Allant jusqu’au bout de ma décision, ne me laissant pas faire, je repris, plein d’assurance et de défit dans les yeux, lui faisant face :
- Je… Je veux que tu m’apprennes à me défendre.
- Tiens donc, ironisa-t-il. En quel honneur ?
Je décidais d’être franc avec lui.
- Je veux être capable de me défendre par moi-même… Je ne veux plus être un poids pour toi… Je ne veux plus que tu risques ta vie une fois de plus pour me sauver… Avouais-je dans un souffle, n’osant plus lever les yeux vers lui.
Après un long silence qui me parut interminable, il finit par reporter son attention sur moi et déclara à son tour :
- Soit ! Mais ne me déçoit pas…
Je ne pus m’empêcher de sourire, heureux malgré moi. Notre nouvelle vie était scellée et c’était tous les deux que nous allions la partager. Je n’avais aucune idée du futur qui nous attendait et si nos chemins continueraient de suivre le même parcours. Tout ce que je savais c’est que pour le moment, nous continuerions tous les deux, liéspar la même malédiction : celle d’être poursuivi à jamais par des êtres puissants voulant notre mort. Peu de chance de survie dans un futur lointain et pourtant pour la première fois, je pouvais ne serais-ce que songer au futur et me sentir le droit de prononcer ce mot. 
Nous marchâmes toute la nuit, Ezekiel légèrement en avant. J’étais derrière lui, le surveillant au cas où il aurait un coup de faiblesse. S’il voulait donner l’impression que tout allait bien, je savais pertinemment que son équilibre ne tenait qu’à un fil. Nous étions à travers les bois, rendant notre progression plus difficile. 
Si les soldats du conseil avaient voulu nous suivre et nous éliminer, nous étions au moment actuel à leur merci la plus totale, affaibli comme jamais. Soudain, en moins de temps qu’il ne fallut pour le dire, je vis Ezekiel commencer à vaciller. J’eus à peine de le temps de le rattraper alors qu’il s’effondrait sur le sol. Il avait perdu connaissance. 
Si j’avais assez de force pour me déplacer et chasser, la chose était complètement différente lorsqu’il s’agissait de porter Ezekiel. En temps normal, il n’aurait presque rien pesé, mais dans mon état, il me semblait terriblement lourd. Pourtant quelque chose me poussait à continuer notre route. L’aube n’était pas encore là, et je connaissais un lieu sur pour nous deux. Avec un peu de chance, si je me hâtais, j’aurais le temps d’aller chasser, car la faim commençait à me tirailler de manière déraisonnable. 
Je revenais de la chasse. J’avais juste eu le temps d’attraper quelques proies avant que le soleil ne commence à poindre à l’horizon. Je connaissais cet endroit mieux que personne, cette maison maintenant abandonnée avait été celle dans laquelle j’avais grandis. Je ne me sentais pourtant plus attaché comme avant à ce lieu. Je m’y sentais juste en sécurité. Finissant de masquer les fenêtres afin que la lumière ne nous atteigne pas. Il n’y avait plus personne dans l’entourage, et je savais que personne ne viendrait jusqu’à ce coin reculé.  
Attendant que Ezekiel se réveille en proie à la fièvre, j’allais dans la chambre de ma mère. Peut-être s’y trouvait-il toujours, son petit trésor, un luxe pour notre famille. Je savais précisément où elle le cachait à l’époque. Soulevant précautionneusement une latte de bois, c’est avec un sourire triomphant que je le trouvais. C’était un petit morceau de miroir qui n’était pas bien grand, mais qui suffisait pour s’y voir. À la lueur d’une bougie, je le posais sur le petit meuble en bois en face de moi. Cela faisait longtemps que je n’avais pas vu à quoi je ressemblais. Étonnamment, j’avais plutôt bonne mine, les joues légèrement rosie par l’afflux de sang qui coulait en moi suite à mon récent repas. Avec hésitation, j’ouvris un à un les boutons de ma chemise, les mains tremblantes. 
Une vision d’horreur s’offrit à moi. Je n’avais pas pu clairement le voir jusqu’à maintenant, mais une vilaine cicatrice barrait mon torse et mon ventre déjà couvert d’autres, plus minimes. La cicatrisation avait déjà bien été entamée, mais cela restait vilain. D’un mouvement violent de la main, j’envoyais valser le miroir dans la pièce, ne supportant plus de voir mon corps comme à jamais bafoué et sacrifié. Ces cicatrices seraient toujours là pour me rappelait ce que j’avais subi et cela uniquement par ma faute. Qui oserait ne serait ce que poser le regard sur moi maintenant. Je me sentis oppressé rien qu’à l’idée de la réaction d’Ezekiel. Une fois son jouet abîmé, voudrait-il encore de moi à ses côtés ? Refermant nerveusement ma chemise, je quittais cette pièce, laissant éparpillé en mille morceaux derrière moi, le trésor de ma mère à jamais détruit. 
Mes sombres pensées furent interrompues lorsque je vis Ezekiel et la souffrance qui se dégageait de lui. Il était temps de le réveiller pour qu’il se nourrisse. Il avait perdu beaucoup trop de sang. Alors qu’il émergeait peu à peu, semblant complètement déboussolé, je tentais de l’appeler calmement pas son prénom. Inquiet de son temps de réaction, je passais délicatement une main sur son visage et ce ne fut qu’à ce moment-là qu’il ouvrit les yeux. Il était brûlant. Se redressant légèrement, il regarda autour de lui. Avec douceur, je posais délicatement ma main sur son torse pour l’inciter à rester allongée tout en murmurant d’une voix douce aspirant au calme : 
- Reste couché… Tu as perdu beaucoup de sang… Tu dois reprendre des forces…
- Ou… Sommes… Nous… Articula-t-il avec difficulté. 
- En lieu sûr, le rassurais-je, en passant ma main sur son front. 
A ce contact, Ezekiel poussa un soupire de bien être et semblant rassurer, il se laissa complètement aller. Il se rendormit plus vite qu’il ne fallut pour le dire. Inquiet, j’allais m’étendre un peu plus loin, ayant moi aussi besoin d’un peu de sommeil. 
Je me réveillais alors que la nuit était déjà bien avancée. Ne perdant pas de temps, jetant un bref regard à Ezekiel toujours profondément endormis, je partis chasser. Lorsque je revins, je me trouvais nez à nez avec Ezekiel à moitié dévêtu devant la porte. Rassuré de le voir debout, je ne pus m’empêcher de sourire légèrement.
- Tu es réveillé… Je suppose que tu dois avoir faim… Va te recoucher, je t’apporte de quoi te nourrir.
Trop faible pour protester, il obéit docilement et retourna s’asseoir sur le lit. Il se mit alors à observer la petite pièce qui avait autrefois été ma chambre. Un portrait attira son attention et il se leva pour aller voir le dessin qui représentait la femme que je ne verrais plus jamais. Pendant ce temps, j’attrapais un grand verre, et avec rapidité, j’entaillais la veine de mon poignet et remplissais le verre de ce liquide carmin si précieux. Une fois fait, je léchais rapidement les gouttes qui continuaient de perler et j’allais vers Ezekiel, debout face au dessin.
Alors qu’il semblait l’admirer, il demanda d’une voix rauque :
- Qui est-ce ?
- Ma mère, répondis-je simplement, avant d’ajouter, nous sommes dans la maison dans laquelle j’ai grandis… Tu ne devrais pas rester debout Ezekiel, ajoutais-je changeant délibérément de sujet.
Je n’avais aucune envie de parler de ma famille, celle à qui j’avait été arraché contre mon gré et par le vampire qui se tenait à mes côtés.
- Tiens, je t’ai apporté de quoi te nourrir un peu, ajoutai-je en lui tendant le verre.
Ezekiel l’attrapa et le but d’une traite avant de m’en demander un second que je lui offrais sans rechigner. Je sourris face à l’attitude presque enfantine qui avait en ce moment précis. Puis brisant le silence gênant entre nous, je déclarais :
- Nous pourrons rester ici le temps que tu retrouves tes forces. J’ai condamné les fenêtres, donc il n’y a pas de risque de ce côté là…
Ezekiel acquiesça en silence. Épuisé, il retourna s’allonger dans le lit et ne tarda pas à s’endormir. M’installant à mon tour une petite heure après, après m’être assuré que tout allait bien je fis de même.
Ce fut l’impression que quelque chose n’allait pas qui me tira du sommeil. Ezekiel ne semblait pas aller bien, me réveillant, je me tournais vers lui :
- Ezekiel.. Qu’est ce qui se passe ?
Lentement, il tourna la tête vers moi, une lueur étrange dans les yeux qui me fit presque peur. Son regard glissa vers ma gorge alors que je déglutissais. Soudain, sans que j’ai le temps de réagir, il fondit sur moi, et avec une vélocité étonnante. Allongé sur moi de tout son poids, les jambes passées de chaque côté de moi pour m’empêcher de fuir, il planta voracement ses canines dans la peau de mon cou. Il mordit sans ménagement dans ma gorge. La violence que ce geste dégagait fut tellement vive que je me retint de crier. Le sang me quittait à une vitesse inquiétante, aspirant la vie qui m’habitait si vivement qu’on aurait dit qu’elle n’avait aucune valeur à ses yeux. Un gémissement de plaisir s’échappa de ses lèvres, tandis que la peur m’oppressait. Mon séjour dans la salle de torture du conseil m’avait laissé des séquelles. Même s’il s’agissait d’Ezekiel au-dessus de moi qui me retenait prisonnier, je haïssais cette sensation d’impuissance. Mais celle-ci fut tout de même remplacée par une autre dont je n’aurais pas soupçonné la possibilité. Retrouvant ses forces, Ezekiel se mit à onduler lentement et sensuellement contre mon corps, frottant son bas-ventre comme le mien, m’arrachant à ma plus grande surprise un gémissement de bien être.
A chaque gorgée de sang aspiré, je me sentais plus faible et plus fébrile, à chaque fois un peu plus à sa merci. Allait-il seulement s’arrêter ou me laisser mourir si simplement. Mon corps semblait bel et bien s’en moquer car sans pouvoir me contrôler, j’ondulais déjà légèrement à mon tour sous lui. Ezekiel passa une main entre nos deux corps, sous ma chemise de soie blanche. Le reflet que j’avais vu dans le miroir la nuit précédente me frappa violemment. Je ne voulais pas qu’il me voie. Je ne voulais pas qu’il me rejette maintenant. La peur d’une telle chose fut à ma plus grande surprise encore plus forte que celle de mourir. Les deux craintes mélangées, je récupérais de justesse assez de force et le repoussais violemment, m’exclamant d’une voix effrayée :
- Arrête ! Ezekiel ! Mais enfin… Qu’est ce qui te prend ?
Je portais une main à mon cou et essuyai le sang qui perlait de ma plaie encore fraîche avant de regarder ma main sanguinolente, horrifié de l’acte qu’il venait de commettre. Ezekiel ne répondit rien, alors qu’un sourire satisfait étirait ses lèvres. Il semblait avoir retrouvé sa forme, mais ce n’était pas mon cas. Vidé à la limite du supportable, ma tête tournait et devenait presque douloureuse. Constatant l’état de ma chemise tachée de sang, je décidais de me changer avant de sortir. Il était plus facile de chasser sans être couvert de sang. Me retournant pour éviter à tout prix de lui montrer l’état de mon torse et de mon ventre, je changeais soignement et rapidement de chemise.
- Tu n’as guère besoin de te précipiter ainsi, déclara-t-il avec arrogance. La vue plongeante sur ton corps est de toute beauté…
Sentant son regard posé sur moi, je finis de boutonner ma chemise.
- Je sors, dis-je d’une voix hésitante, craignant que cette situation ne dérape. J’ai faim…
Je ne me retournais pas pour le regarder, même si son regard était lourdement posé sur moi. Quittant la chambre, je le sentis tenter de sonder mon âme, mais je lui avais bloqué le passage. Mais cet imbécile tenta de se lever pour aller à ma rencontre. Étourdit par la trop grande quantité de sang qu’il avait consommé, je l’entendit vaciller. Il esquissa un nouveau mouvement pour aller à ma rencontre alors que j’ouvrais la porte, me tenant à l’embrasure.
- Tu ne devrais pas te lever maintenant, tu es encore faible, cédais-je finalement en lui attrapant le bras.
Non sans une certaine force malgré mon état de faiblesse du au manque de sang, je le forçais à se rallongé.
Docile, encore faible, il m’obéit. Son regard se posa alors sur mon cou et je crus voir brièvement dans ses yeux de la culpabilité. Détourant le regard, il murmura alors à ma plus grande surprise :
- Désolé…
D’une voix étonnée et emprunte d’une touche de douceur quant à ce qu’il venait de me dire, je lui demandais :
- Désolé ? Désolé de quoi ?
- De t’avoir sauté dessus, répondit-il en me tournant obstinément le dos comme honteux de son comportement, sans oser affronter mon regard.
- Ce n’est rien, répondis-je touché par ses excuses.
Il ne répondit rien. Ne pouvant pas le laisser ainsi après le pas vers moi qu’il venait de faire, je m’allongeais derrière lui, cédant à la tentation. Ezekiel se retourna et nos regard se croisèrent. Sa simple excuse avait suffit à faire taire cette légère colère et crainte en moi. Mais cela n’enlevait rien au fait qu’il ne devait pas voir ce qu’il y avait en dessous de ma chemise. Cependant, la tentation était trop forte. Malgré moi, j’avais envie d’être contre lui et de sa douceur dans une moindre mesure. Je me sentais si différent et j’aurais aimé qu’il le remarque.
J’avais l’impression d’avoir mûrit, d’être plus fort. Je ne sentais certes pas comme son égal et encore moins supérieur, mais j’arrivais à le regarder droit dans les yeux. Sans esquisser aucun mouvement, j’étais comme hypnotisé par ses deux pupilles. En le regardant ainsi, j’essayais de le comprendre, mais cela me semblait impossible, aussi impossible que de vaincre Shaolan en combat singulier. Progressivement, il s’approcha davantage de moi, collant son corps contre le mien. Une chaleur étrange m’envahie, m’engourdissant de bien être. Sans en avoir conscience, nos lèvres se joignirent l’une l’autre. Ses lèvres étaient tièdes, sûrement du au fait du repas vorace qu’il venait de prendre et de la vie qu’il m’avait volé sans mon consentement. Me laissant bercer, je me déconnectais de la réalité et me laissais tout comme lui aller entre ses bras.
Sans me maîtriser vraiment, ma langue vint demander l’accès de la sienne et il me l’accorda sans la moindre hésitation. Lorsque qu’elles se rencontrèrent, ce fut avec une tendresse jusqu’alors jamais espérée entre nous. Toute force semblait l’avoir déserté et ce fut avec une passion teintée de désespoir qu’il me rendit mon baiser, engourdissant tout autre sensation possible que le bien être qui m’envahissait. 
Je me laissais entrainer peu à peu par son ballet tendre et langoureux, le sentant se presser d’avantage contre moi, rassuré de sentir son corps tout contre le mien. Son ardeur était sans pareille, et sans pouvoir véritablement me contrôler ou réaliser mes gestes, je passais sensuellement mes mains sur ses fesses. L’excitation que je n’avais jamais ressentit jusqu’alors me brûla les reins. La douceur et la tendresse firent place à quelque chose de plus empressé au fur et à mesure que le désir montait entre nous. Fébrilement, il lâcha mes cheveux, relachant un peu la pression, et ses mains allèrent se poser sur ma chemise. Ce fut ce qui me fit brusquement redescendre sur terre. Qu’espérais-je ? Une fois qu’il aurait vu mon corps, il me repousserait comme un mal propre, indigne d’être dans sa couche. Alors qu’il esquissait un mouvement pour me la retirer, je mis brusquement fin à notre baiser et m’éloignais de lui. Je me relevais et m’éloignais de quelques pas, cachant le peu d’envie que j’avais à faire cela. Ezekiel me regarda interloqué face à mon brusque changement de comportement. Sous l’effet de la surprise, il m’appela d’une vois hésitante, ne comprenant naturellement pas ma réaction.
- Al… Alakhiel ?
Le voyant dans la plus totale incompréhension, et partant dans des pensées trop sombres, je finis par prendre la parole et prétextais lamentablement :
- Tu es encore faible… Il faut que tu te reposes…
- Que je me repose ? Répéta-t-il, abasourdi parce qu’il venait d’entendre. Je ne suis pas faible ! Rétorqua-t-il vivement.
- Tu as perdu beaucoup de sang Ezekiel, insistais-je, cachant mon petit jeu au mieux. C’est pas prudent de… Enfin, tu vois… Eludais-je en m’empourprant violemment.
A ces mots, Ezekiel ricana de manière cinglante.
- Pourquoi n’appelles-tu pas un chat un chat, Alakhiel ? Et à ce que j’ai pu sentir contre ma jambe, tu semblais plutôt en forme aussi.
Après une courte pause, il reprit :
- Maintenant, regarde moi dans les yeux et dis-moi que tu n’as pas envie de moi !
- Repose-toi ! Répétais-je avant lui tourner le dos, n’ayant aucune envie d’éterniser cette conversation. 
Je quittais la pièce, bien décidé à l’éviter le plus possible. Je craignais mon envie et la sienne, mais ce que je craignais surtout c’était sa réaction lorsqu’il verrait mon corps à jamais mutilé. Repoussant rageusement cette envie de pleurer, j’allais plus près de la ville. Je n’étais plus ce Alakiel faible. Cette nuit, je fis un massacre en ville qui n’avait rien à envier aux manières d’Ezekiel. Je tuais avec une cruauté qui en aurait fait frémir plus d’un. J’étais complètement froid et désintéressé face à leurs expressions d’horreur. Seul comptait le sang et la manière la plus abjecte de l’avoir. Je me surpris à prendre plaisir de la terreur qui s’affichait sur leur visage. Je ne finissais même pas mes proies, leur laissant juste assez de sang pour qu’il succombe à une mort lente et douloureuse. 
Je me demandais un bref instant comment Ezekiel aurait réagi en me voyant agir ainsi. Comme dans un état second, je n’arrivais pas à m’arrêter. Je n’avais comme seule limite que le matin qui allait se lever. Tuer et encore tuer. Voler la vie que je n’avais jamais véritablement eue à toutes ces proies si pathétiques. Fermant les yeux, la chemise couverte de sang qui coulait de mon menton, je localisais le prochain humain qui passerait sous mes crocs. Je ne revins véritablement à moi, que lorsque l’aube n’allait pas tarder à se lever. Ce fut avec horreur que je remarquais l’état dans lequel je me trouvais. Un envie de vomir me saisi si rapidement, que je rendais plus de la moitié de ce que j’avais avalé dans une ruelle sordide. Essuyant le sang et les larmes qui maculait mon visage, je me débrouillais pour trouver d’autres vêtements avant de rentrer et me laver. Je ne voulais jamais qu’Ezekiel découvre ce qui venait de se passer. Jamais il ne devait savoir, et jamais je ne devais recommencer. Je ne savais pas ce qui m’avait pris et je comprenais encore moins pourquoi j’en été arrivé là.
Durant les jours qui suivirent, pareille crise ne se reproduit pas. Ezekiel prenait un malin plaisir à me titiller sur la tension sexuelle plus que palpable qui régnait entre nous. Si au début il s’en amusait, je savais qu’il commençait à saturer. Cependant, en rien je ne voulais lui céder, même si cela devait me coûter. Chaque nuit, nous nous éloignons de l’endroit où était caché Shaolan, et pendant ce temps, nous chassions chacun de notre côté, nous donnant rendez-vous à un endroit convenu deux heures avant l’aube. Je sentais la folie meurtrière toujours présente, mais elle ne prit plus le dessus et je redevins le vampire raisonnable. 
Cette nuit, nous embarquions à bord d’un navire qui nous conduirait en Inde. Ezekiel tenait à mettre le plus en plus de distance entre nous et le conseil. Nous étions en attendant, coincé dans la calle miteuse d’un navire. Je n’avais de cesse que de l’éviter, ne désirant en aucun cas un quelconque affrontement, bien que je sente Ezekiel près à craquer. Le navire était encore désert, l’équipage profitant de leur dernière nuit au port pour aller écumer les bordels de la ville à la recherche d’une compagnie galante pour la nuit. 
Poussant un énième soupire de lassitude, Ezekiel finit par rompre le silence qui s’était installé entre nous depuis plusieurs jours :
- Bon alors, si tu me disais ce qui ne va pas !
Ne m’attendant pas à une telle demande de sa part, je le regardais un instant hébété avant de répondre en bégéyant, peu enclin à une telle conversation :
- Je… Mais rien du tout… Qu’est ce qui te fait croire ça…
- Ne me prend pas pour un imbécile, Alakhiel ! Répliqua-t-il cinglant, perdant définitivement patience. Je te trouve bizarre depuis quelques jours, et ne me dit pas le contraire ! Tu m’embrasses, puis tu me repousse et finalement, tu m’ignores complètement depuis ce jour. Alors je te le demande, qu’as-tu à me dire ?
- Rien… Rien du tout, soufflais-je, plus que mal à l’aise.
- Menteur ! Répondit-il sur le même ton. Tu me caches quelque chose… Et je veux savoir ce que c’est ! Ajouta-t-il sur un ton qui n’acceptait aucun refus.
Terrifié, je me précipitais vers la porte, tentant de fuir. Mais Ezekiel semblait avoir prévu cette éventualité et il m’en empêcha. M’attrapant par le bras, il me repoussa violemment de l’autre côté de la pièce. Il n’était plus du tout faible. En l’espace d’un clignement de paupière, il se retrouva face à moi, m’emprisonnant entre son corps et le bois du mur humide, ses deux mains posées chacune d’un côté de mon visage. La douleur et la terreur déformaient mes traits, mais il l’ignora. Il attrapa mon menton entre ses doigts et me força à le regarder dans les yeux, me demandant une nouvelle fois, d’une voix menaçante :
- Pour la dernière fois, dis-moi ce que tu me caches !
Mes yeux se mirent à briller alors que je m’empêchais de pleurer. Je détestais plus que tout être piégé ainsi et j’avais plus que peur qu’il découvre mon véritable état physique. J’avais beau tenter de me soustraire à sa poigne de fer qui m’enserrait le menton, rien n’y faisait.
- Je n’ai rien à te dire ! Crachais-je en tentant de le repousser. Lâche-moi ! Tu me fais mal !
Cependant, au lieu d’accéder à ma demande, il se rapprocha de moi, glissant une jambe entre les mienne de façon à rapprocher davantage nos deux corps. C’était pour moi une véritable torture alors qu’un frisson d’excitation me parcourut l’échine lorsque mon bassin entra en contact avec son haine. Ezekiel semblait dans le même état que moi, car il s’empara de mes lèvres avec une avidité non feinte. S’il savait… Il me rejetterait tel un malpropre le plus loin possible de lui. Non sans douceur, il mordit ma lèvre inférieure, m’obligeant à ouvrir la bouche. Lorsqu’il sentit mes lèvres s’entrouvrir, il ne perdit pas de temps et laissa sa langue partir à la conquête de sa jumelle. Lorsque nos deux langues se rencontrèrent, je ne pus m’empêcher de frissonner violemment contre lui, possédé par l’excitation que lui seul savait faire naître en moi. Ezekiel gémit de plaisir alors que je pouvais sentir son désir violent plus que palpable. Mettant fin au baiser, il murmura tout contre mes lèvres :
- Ne me dis pas que tu ne me désires pas, Alakhiel… Je peux le sentir… Tu suintes la concupiscence par tous les pores de ta peau…
Sans me laisser le temps de répondre quoi que ce soit, il s’empara une nouvelle fois de mes lèvres pour un baiser des plus passionnés. Peu à peu, je me laissais aller, incapable de le repousser, me laissant envoûter. J’allais même jusqu’à répondre à son baiser avec ardeur, ayant du mal à discerner ce que je faisais vraiment. Il pressa davantage nos bassins, enhardis par le désir. Puis il entrepris de déboutonner ma chemise. Alors qu’il enlevait le premier bouton, je retombais brusquement sur terre. Il ne devait pas voir… Je le repoussais avec une force insoupçonnée, le faisant reculer de plusieurs pas. Ezekiel resta un instant immobile, surpris par ce soudain retournement de situation. Je ne perdis pas de temps et commençais à reboutonner ma chemise avec soin. Ezekiel poussa alors un cri de rage et se précipita à nouveau vers moi. D’un geste rageur, il arracha ma chemise et la déchira en lambeaux, sans me laisser une seule chance de l’en empêcher. De manière pitoyable, j’essayais de cacher tant mien que mal mon torse et mon ventre de sa vue, mais c’était trop tard. Ezekiel attrapa mes poignets et me força à écarter mes bras, de façon à ce que j’expose mon corps à son regard. Ayant l’impression que le monde tombait sous mes pieds, aveuglé par ma détresse, j’osais à peine regarder sa réaction. Il avait tout loisir de voir ce que le conseil m’avait fait, me ternissant à jamais. Avec hargne, je lui crachais, les larmes aux yeux :
- Regarde bien, Ezekiel, car c’est la dernière fois que tu verras ce spectacle ! Alors profite bien de ta victoire !
Mais alors que je m’attendais à un rire de dégoût, contre toute attente, il me répondit doucement, toute colère s’étant comme évanouie :
- Il n’y a aucune victoire. Pas plus qu’il n’y a de honte à avoir, ajouta-t-il.
Ne le comprenant pas, j’osais poser mon regard sur lui et vit qu’il esquissait un geste pour enlever sa propre chemise. L’instant plus tard, il était torse nu, exposant son corps à mon regard. Je n’avais jamais fait attention, ou du moins cela ne m’avait jamais dérangé : des traces de cicatrices zébraient sa peau. Jamais cela ne m’avait semblé repoussant. Pour moi, cela avait toujours fait partit de lui…
- Nous sommes pareils, reprit-il après un court silence. Et tes cicatrices ne m’empêcheront pas de te désirer, Alakhiel, déclara-t-il. Tu es beau, Alakhiel, poursuivit-il en embrassant délicatement mon visage.
Il évita soigneusement mes lèvres.
- J’ai envie de toi, et ce ne sont pas ces cicatrices qui vont me repousser, murmura-t-il au creux de mon oreille, avant de me mordiller délicatement le lobe, m’arrachant un gémissement de plaisir malgré moi.
Jamais je n’aurais pensé pareille réaction de sa part. Plus rien ne m’entravais dès maintenant. Ezekiel m’acceptait tel que j’étais, je n’avais plus aucune raison de me soustraire à son étreinte. A ma plus grande satisfaction, il s’empara à nouveau de mes lèvres pour un baiser langoureux. La passion se déchaînait entre nos deux langues d’une manière tellement naturelle que cela en était déconcertant. Les gémissements de désir impatient fusaient, alors que nos bassins se frottaient avec plus d’énergie. La frustration sexuelle nous électrisait entièrement, étant à son comble. N’ayant plus aucun frein, aucun obstacle, seul comptait à présent le besoin d’assouvir ce désir qui nous vrillait les reins. Le désir était l’unique chose qui régissait nos gestes, les rendant précipités et maladroits. Déjà, Ezekiel déboutonnait mon pantalon et le faisait tomber au sol, entraînant en même temps mon sous-vêtement et dévoilant mon érection grandissante. Un gémissement de plaisir s’échappa de mes lèvres entrouvertes, tandis qu’Ezekiel se frottait davantage contre moi, ses lèvres quittant ma bouche pour partir à l’aventure dans mon cou, mordillant délicatement ma peau. L’excitation qu’il provoquait en moi était sans pareille.
Mes gémissements ne tardèrent pas à se muer en petits cris de plaisir, ne faisant rien pour les retenir, me moquant de l’endroit où nous nous trouvions. L’érotisme et le savoir-faire d’Ezekiel étaient au-delà du supportable. Abandonnant mon cou pour descendre toujours plus bas, je sentis passer sa langue sur tout mon corps. Au niveau de mes cicatrices, ma peau était mille fois plus sensible. Délicatement, il pinça un de mes boutons de chair durcis par le plaisir entre ses dents, le mordillant délicatement avant de le lécher avec avidité. Je gémissais sous le flot de ce que je ressentais, et me jambes étaient de plus en plus fébriles, ayant de plus en plus de mal à me soutenir.
Ne désirant pas être uniquement passif, je posais mes mains sur ses fesses et l’attirais contre lui, réduisant au maximum la distance qui séparait nos deux corps, celle-ci étant devenu insupportable. Lorsque nos érections se frôlèrent, Ezekiel gémit de désir à son tour avant de se laisser finalement tomber à genoux devant moi. 
Comprenant précisément ce qu’il voulait faire, et n’en ressentant aucune honte, je glissais mes mains dans ses cheveux et le guidais vers mon sexe qui n’attendait que cela. Un éclair de malice illumina son regard. Impatient, je ne fis rien pour freiner son action. Prenant mon intimité entre ses doigts, lentement, il entama un doux va et vient, me masturbant avec délectation. Je ne pus retenir un cri et d’un mouvement incontrôlable de bassin, je lui montrais que je voulais bien plus que cela. Cependant, loin d’accéder à ma requête, il garda le même rythme langoureux un temps encore et je me promis de me venger. Il finit par céder, et pris soudainement mon sexe entre ses lèvres. Le soudain afflux de plaisir m’arracha un cri de plaisir alors que je me cambrais violemment, m’enfonçant plus profondément dans sa bouche. 
A ma plus grande satisfaction, il entama un mouvement de succion cadencé, me faisant voir les étoiles. Pendant un temps dont je ne parvenais pas à déterminer la durée, il me proccura un plaisir poussé au summum, sa langue caressant mon sexe avec un savoir faire inégalable.
Lorsque que je fus proche de la libération, il abandonna mon érection avant de se relever. Je n’eu pas le temps d’exprimer ma frustration. Déjà, Ezekiel fondait sur mes lèvres, s’emparant avec avidité de ma langue, l’entraînant dans un ballet farouche et endiablé.
Sans mettre fin à notre échange, il inversa nos positions, se retrouvant dos au mur. Surpris, je mis fin au baiser et plantais mon regard empli de l’incompréhension qui m’habitait dans le sien. Pour me faire comprendre ce qu’il voulait, il posa ses mains sur mes épaules et me fit m’agenouiller devant lui. Saisissant enfin ou il voulait en venir, je souris. Évidemment, il voulait la même chose. Et je comptais bien me venger pour tout à l’heure, surtout sur le fait qu’il m’avait arrêté quelques secondes juste avant le moment ultime tant attendu, me refusant la libération. Délicatement, je pris son sexe entre mes doigts, imprimant un va et vient atrocement lent, oubliant tant bien que mal ma propre érection douloureuse.
Au comble de la frustration, il poussa un gémissement plaintif et peu viril, me suppliant de mettre fin à cette torture. Mais je ne comptais pas le satisfaire aussi facilement. Prenant un malin plaisir à le regarder se languir et se tordre de désir sous mes caresses, je n’esquissais pas le moindre mouvement, caressant son érection avec ce même mouvement nonchalant. Puis, jugeant l’avoir assez fait patienter, du bout de la langue, je léchais son sexe sur toute la longueur avant de l’engloutir avidement entre mes lèvres. Le feulement qu’il avait déjà poussé se transforma en cri alors que son corps tout entier semblait parcouru de violents frissons.
Ma langue s’enroulait autour de son intimité, tentant de lui procurer un maximum de plaisir, espérant être à la hauteur. Après un certain temps de ce traitement, je libérais son intimité pour la lécher sur toute sa longueur avant de m’attarder longuement sur son extrémité. Ezekiel se cambra violemment. Le sentant proche de la jouissance et moins cruel que lui, je le repris entièrement en bouche. J’imprimais alors un rapide mouvement de succion qui eut raison de ses dernières résistances. Ses doigts crispés sur mes cheveux, il se libéra en criant mon prénom, me faisant vibrer de désir.
Satisfait d’avoir été l’espace d’un instant maître de son plaisir et voulant plus, je me relevais et lui fit face, une lueur de défi dans le regard. Profitant de son état, encore comateux après l’orgasme qu’il venait de ressentir et dont il m’avait privé égoïstement, je pris son menton avec douceur entre mes doigts et l’embrassait avec violence, lui transmettant ma propre impatience. Mes crocs mordillant sa lèvre inférieure suffirent cependant à réveiller à nouveau son désir et répondant au baiser, il inversa de nouveau nos positions, me planquant sans douceur contre la paroi du navire.
À la hâte, il porta deux doigts à ses lèvres et les lécha succinctement avant de les glisser entre nos deux corps jusqu’à mon intimité. Là, délicatement, il insinua un doigt en moi. Le plaisir fut tel que je ne pus me retenir de pousser un gémissement, me cambrant d’avantage contre lui. Les frissons n’avaient de cesse de parcourir mon corps, tandis que mes lèvres mordillaient son cou avec sensualité, élimant définitivement toute once de patience. Semblant plus qu’hâtif, il inséra alors sans prévenir, un deuxième doigt en moi. Si le premier ne fut pas douloureux, ce ne fut pas le cas du second. La douleur irradia brusquement ma colonne, une douleur amère, une douleur que j’avais du mal à supporter. Me tenant contre lui, je ne pus m’empêcher de planter mes crocs dans son cou.
Prenant son mal en patience, Ezekiel me prépara avec soin. Il ne fallut pas beaucoup de temps pour que je finisse par me détendre, et dans un murmure des plus indécents qui m’étonna moi-même et qui me donna le rouge aux joues, je murmurais au creux de son oreille :
- Allez vient… Ne te fait pas prier davantage, Ezekiel.
Mon amant perdit tout contrôle. Habillement, comme si je ne pesais rien, il me souleva par les hanches. Comprenant le message, j’enroulais mes jambes autour de ses hanches, rapprochant nos deux corps plus qu’ils ne l’étaient déjà. Le plaisir fut poussé à son comble alors qu’il pénétrais entre mes chairs et de violents frissons me parcoururent lorsqu’un qu’un grognement gutural s’échappait de sa gorge alors qu’il me prenait entièrement.
Sans attendre, j’entamais un lent déhanchement qui acheva ses dernières résistances. A son tour, il entama un va et vient plus cadencé, me pénétrant au rythme de mes cris de plaisir. Son visage enfoui dans mon cou, son souffle haletant me caressait la peau avec délice. Je me surpris à réaliser que j’avais tellement eut peur de ne plus pouvoir vivre cela… La manière possessive qui l’avait de me prendre me grisait, laissant mon être tout entier se fondre en lui, être sien…
Soudain, Ezekiel tomba à genou, m’emportant dans sa chute. À bout de souffle, il resta immobile, semblant tenter de retrouver sa respiration régulière. Comprenant qu’il n’était pas raisonnable de le laisser fournir un tel effort, n’étant pas tout à fait remit de ses blessures, je retins ma frustration. D’un geste d’une infinie douceur, je glissais ma main sur sa joue et l’embrassais avec une réelle tendresse.
Puis, plongeant mon regard dans le sien, j’esquissais un sourire mi-amusé mi attendrit. Il était ainsi. Par orgueil, il se mettait dans un état lamentable. Je déclarais alors dans un souffle, la respiration haletante :
- Ne gaspille pas tes forces… Laisse-moi faire…
Avant qu’il ne réalise ce que je venais de lui dire, d’un habile coup de rein, je le fis s’allonger sur le sol, le chevauchant. Le toisant de toute ma hauteur, faisant taire la gène, je lui addressais un regard triomphant et partit dans un déhanchement vigoureux qui lui arracha un gémissement de plaisir. Etonnamment, Ezekiel me laissa les commandes de notre plaisir, les mains posées sur mes hanches, se contentant de m’aider à garder le rythme cadencé de mes vas et vient.
Puis, l’orgasme déferla sur nous avec une violence jamais vue. Dans un ultime déhanchement, Ezekiel se libéra en moi, les ongles plantaient dans la chair de mes hanches, me marquant à jamais, alors que que je me libérais sur son ventre.
A bout de souffle, épuisé, je me laissais retomber sur lui, le visage enfoui dans son cou, inspirant à plein poumon son odeur si particulière. Avec surprise, les bras de mon amant se refermèrent autour de ma taille, m’enserrant dans une étreinte possessive, comme s’il ne voulait pas que je m’éloigne. J’eus du mal à comprendre le pourquoi d’un tel geste, mais je ne cherchais pas à m’y soustraire. Ma tête reposait maintenant sur son torse, encore envahi de ce sentiment de plénitude. Je caressais sa poitrine d’un geste distrait. Qu’allions-nous devenir ? Cette question n’avait pas sa place dans un pareil instant…

Inde, 2 décembre 1800

Le trajet fut terriblement long et avait pris du retard. L’ennui avait été entrecoupé de scènes qui me donnaient encore le rouge aux joues, et qui avaient manqué plus d’une fois de nous faire prendre. Ezekiel avait comme promis commencé mon entraînement. C’était un professeur plus qu’exigent et rarement satisfait, malgré tous les efforts que je fournissais, mais cela n’avait rien à voir avec ce qui c’était produit dans le passé, moment où je n’avais eu aucune envie d’apprendre. La nourriture avait été succincte et Ezekiel et moi étions presque en état de famine. Nous étions resté dans la calle du bateau, attendant que la nuit tombe. Nous décidâmes de partir chacun de notre côté chassé et de nous retrouver quelques heures avant l’aube avant. 
Guidée par la fin, cette nuit-là, une deuxième crise se déchaîna. À peine nourrit de ma première proie que le désir incontrôlable d’en vouloir plus l’emporta. Il fallait que je boive encore et encore. Pire ! J’étais possédé par cette cruelle envie de tuer, de sentir leur vie quitter leur corps petit à petit ou plus violemment. Je voulais sentir ce pouvoir que j’avais sur ces humains. Je les haïssais et au plus profond, les enviais de pouvoir être ce que je n’étais pas. Un à un, tous ceux que je rencontrais tombaient sous mes crocs pour une mort affreuse. Mais je ne gaspillais cette fois pas une goutte de sang, les laissant vidé de ce liquide précieux, vidés de toute vie. J’eus du mal à me souvenir du nombre de personne que j’assassinais sauvagement. J’étais réduit à l’état de bête, tel un chien abandonné et sauvage sacrifiant tout un troupeau de moutons. La haine qui m’habitait m’aveuglait et je n’avais aucun contrôle sur celle-ci. Ce fut uniquement lorsque je sentis le soleil prêt à poindre que je revins à moi. Je fus possédé par cette même envie de vomir, mais je me retins. Avec horreur, je réalisais que je n’avais pas le temps de rejoindre Ezekiel au lieu de rendez-vous. J’étais allé bien trop loin, et déjà les premiers rayons commençaient à poindre à l’horizon. J’avais honte, terriblement honte. Mon corps entier était douloureux, trop plein de ce liquide qui m’écoeurait dès à présent. Ce fut inextremis que
je trouvais un lieu où me cacher, me coupant volontairement de tout lien possible avec Ezekiel. Pour le moment, je n’aspirais qu’à dormir et oublier. Demain, j’affronterais la colère de mon créateur…
Replié sur moi-même dans le coin d’une cave miteuse, je tremblais nerveusement, incapable de me calmer. Éveillé, je m’écoeurais au sujet de ce que je venais de faire ; endormi je me retrouvais dans les horribles salles de tortures du conseil. Ce ne fut que peux d’heures avant la tombée de la nuit, vaincu par l’épuisement que je parvins à fermer l’œil. Je me réveillais en sursaut. Il devait faire nuit depuis quelques heures déjà. Ezekiel devait être à ma recherche. Sortant de mon trou, je tentais de défroisser un peu mes vêtements. Je devais avoir l’air minable. M’étirant, les muscles comme courbaturés, je sortais de mon trou à rat. Il fallait que je me rapproche du lieu de rendez vous, et je préférais attendre avant de renouer le contact avec lui. Le connaissant, il devait être hors de lui, et je préférais retarder la confrontation. Courant d’un pas léger, dénouant progressivement mes muscles, je fus surpris de la puissance qui m’habitait. La faim s’était tue, et rien que l’idée de tuer quelqu’un de plus me semblait impensable.
Une fois arrivé au lieu de rendez-vous fixé la veille, ne pouvant plus retarder cet instant, j’ouvrais à nouveau le contact avec Ezekiel. A peine l’eussè-je effleuré mentalement, qu’il était en face de moi. En un rien de temps, après m’avoir rapidement toisé et constatant que j’étais en un seul morceau, il me saisit par la gorge et me plaqua contre le vieux mur de pierre sans la moindre douceur. Ses mains me serraient trop fort, j’avais l’impression d’étouffer, mais je ne pouvais rien faire pour me dégager.
- Dans mon infinie clémence, je te laisse deux minutes pour m’expliquer ce que tu as fais !
Desserant brutalement son étreinte, je tombais pathétiquement sur le sol, ayant beaucoup de mal à me réceptionner sur mes pieds et à tenir droit. Massant ma gorge, je mis surement trop de temps à son goût pour réagir, car sa voix autoritaire claqua, ne cachant pas sa colère :
- Dépèche-toi Alakhiel ! Et ton excuse a intérêt d’être bonne, sinon tu vas regretter de ne pas être mort la nuit dernière.
Je sortis alors, l’excuse la plus minable qui me vint à l’esprit dans la précipitation, baissant le regard :
- Je… Je me suis… Je me suis perdu… Et… Et il était trop tard pour venir jusqu’ici.
Mon excuse n’eut aucun effet direct sur Ezekiel qui ajouta aussitôt :
- Bien essayé, mais ça n’explique pas pourquoi tu as coupé le contact ! Je te laisse une dernière chance !
Ce fut à mon tour de m’emporter. En quoi cela le regardait ! Pris d’un excès de zèle, sans vraiment réfléchir, je le défiais du regard et je déclarais avec insolence :
- Ce ne sont pas tes affaires !
Je sentis plus que je ne la vis venir une gifle si sèche qu’il m’écorcha violemment le visage, m’envoyant par terre sous la violence du choc.
- Ne refait plus jamais cela Alakhiel. Je laisse passer pour cette fois dans mon infinie clémence, mais ce ne sera pas la même chose pour la prochaine fois.
Il me tourna le dos et commença à s’éloigner. Massant ma joue douloureuse et bougeant tant bien que mal la mâchoire, je ne partais pas à sa suite et j’entendis alors sa voix gronder :
- Dépêche toi ! Nous devons quitter cette ville. Dorénavant, tu ne me quittes plus d’une semelle sans mon accord, que ça te plaise ou non !
Je le suivis sans broncher.  Au vu de la crise que je venais d’avoir sans être avec lui, il vallait peut être mieux que je ne sois plus seul pendant un moment. Loin de lui expliquer ma docilité, je partis à sa suite. Ezekiel se retourna brièvement et je cru lire de l’étonnement dans son regard. Et c’est ainsi que nous entamèrent notre voyage en Inde.
Plusieurs semaines se passèrent ainsi, mêlant entraînements et chasse. À aucun moment Ezekiel ne me laissait le quitter. Et dès que je m’écartais un peu trop, je le retrouvais sur mes talons. Nous étions sans cesse en fuite, allant toujours plus loin, et je commençais à en être terriblement lassé.  Mais je prenais mon mal en patience. Je mangeais peu, le strict minimum, ce qui avait parfois le don d’exaspérer mon créateur. Je me cachais bien de lui dire que je voulais plus, et que je le craignais. Je m’aidais de son regard tel un garde-fou. Jamais je ne voulais vivre à nouveau une de ces crises si tentantes qui me mettaient dans un état de semi conscience. Pourtant, je pouvais sentir gronder au fond de moi ce désir animal de prédateur. Je ne faisais que l’étouffer, mais j’avais peur d’être bien incapable de le faire disparaître. 
L’aube n’allait pas tarder et nous étions dans une cave aménagée suffisamment grande et confortable. Ezekiel avait choisi ce moment pour un entraînement. Il ne semblait pas particulièrement satisfait de la manière dont je me battais, et ses petits commentaires cinglants avaient le donc de m’agacer. Pourtant, je donnais tout ce que j’avais, ne lésinant pas sur les efforts. Voilà plus de trois heures que nous nous battions, et si Ezekiel commençait tout juste à transpirer légèrement, j’étais en nage. Mes muscles étaient douloureux et je savais qu’une simple gorgée de sang me redonnerait des forces. Mais pour cela il faudrait que j’attende le lendemain. 
Je venais encore une fois de rencontrer le sol et je me levais avec difficultés.
- Est-ce qu’on peut faire une pause ? Demandais-je haletant.
- Espèce de femmelette ! Tu crois vraiment que tes ennemies vont s’arrêter de vouloir te tuer juste parce que tu veux faire une pause ? Tu es déjà épuisé alors que je retiens mes coups pour ne pas te faire mal ! Tu es d’un pathé…
Il n’eut pas le temps de finir sa phrase. La colère l’avait emporté. Jamais un compliment, toujours à me rabaisser. Rassemblant toutes mes forces, même celles dont j’ignorais l’existence, je fondis sur lui le faisant voler jusqu’à l’autre bout de la pièce où il atterrit misérablement sur le sol après avoir rebondit sur le mur. Voyant rouge, j’étais déjà au-dessus de lui, mes mains enserrant sa gorge, l’empêchant tout mouvement. Ezekiel esquissa un mouvement pour se soustraire à ma prise, mais je ne fis que serrer plus fort. Sentant cependant que je ne tiendrais pas indéfiniment ainsi et que cette victoire serait trop courte, je décidais d’utiliser une arme qu’il ne m’avait pas encore apprise : la manipulation.
Un éclair traversa mon regard. Il était ainsi sous moi, à ma merci, depuis notre trajet en bateau, nous n’avions rien fait. J’y avais pris goût bien plus que je ne l’aurais cru. Un petit sourire se dessinait sur son visage, ayant passé le stade de la surprise, comme s’il était satisfait.
Avec toute la sensualité dont je pouvais faire preuve, je m’abaissais au dessus de lui, effleurait à peine ses lèvres, laissant mon souffle encore saccadé effleuré sa peau, et glissais vers son oreille pour susurrer :
- Et si nous passions à quelque chose pour laquelle nous sommes tous les deux doués…
Mes joues s’empourprèrent légèrement, surpris par ma propre audace. Puis, je m’écartais légèrement de lui, laissant mon visage à quelques centimètres à peine du sien. Pour toute réponse, la main d’Ezekiel passa derrière ma nuque et m’attira vers lui. Nous ne perdîmes pas de temps, nos lèvres déjà entrouvertes, nos langues se mêlaient déjà avec passion. Ses mains glissaient déjà sous ma chemise, caressant mon dos, non sans douceur, mais le griffant presque. Enhardi, je cessais plusieurs fois notre échange pour quelques secondes, lui mordillant la lèvre inférieure. Son corps se déhanchait sous le mien, frottant nos deux bassins déjà gorgés de désir. La fatigue qui m’avait paru insurmontable quelques minutes auparavant me semblait déjà lointaine, investie d’une nouvelle force. Quittant ses lèvres un court instant, m’attirant un gémissement de frustration, alors que ses mains se promenant sur ma colonne m’incitaient à revenir, je déboutonnais sa chemise. Comprenant où je voulais en venir, voulant sentir sa peau brûlante contre la mienne, il déboutonna sa propre chemise avec un tel empressement qu’il l’arracha presque. Sa main passa alors sur la cicatrice qui passait du haut de mon torse sur mon ventre et je ne pus réprimer un frisson alors qu’une décharge électrique foudroyait ma colonne. Sans plus attendre, nous bouches se retrouvèrent et le contact de nos deux torses bouillants de désir nous fis tous deux pousser un gémissement de satisfaction. Nos intimités comprimées réclamaient plus. A chaque frottement, celle-ci devenait bien plus douloureuse. Trop empressé pour perdre du temps, je quittais ses lèvres pour glisser dans son cou, entamant ma descente vers le sud.
Léchant son cou tout en résistant à la pulsion d’y planter mes crocs, je le quittais à contrecœur et me retrouvais sur son torse et plus précisément sur sa cicatrice qui n’était maintenant plus qu’un souvenir. Passant sur chacune d’elle avec pour unique volonté : réveiller plus qu’il ne l’était déjà son désir, j’arrivais bientôt à son pantalon. Celui-ci n’offrit que peu de résistance. Avec le savoir faire que j’avais finit par acquérir, je le lui enlevais le jetant loin de nous dans la pièce. Ezekiel était maintenant complètement nu, son sexe fièrement dressé, prouvant son désir pour moi. Flatté, je l’effleurais plusieurs fois avec mes mains, souriant avec provocation à Ezekiel qui grognait de plaisir et de frustration mêlé, attendant bien plus de ma part. Saisissant avec plus de vigueur son érection, je vis son corps entier s’arquer sous moi.
N’arrivant pas à me maîtriser plus longtemps, comme trop pressé, ma bouche vint porter aide à mes caresses manuelle.
Ezekiel cria presque mon nom. Grisé d’être ainsi maître de son désir, je ne lésinais pas sur les efforts, cherchant à chaque fois ce qui lui apporterait encore plus. J’ignorais ma propre intimité douloureusement coincé dans mon pantalon, j’étais uniquement là pour apporter du plaisir à mon amant. Mais quelque chose de plus me vint à l’esprit. Une chose à laquelle je n’avais jamais songé réellement. Et cette petite chose à laquelle je venais de penser se mit à prendre rapidement de l’ampleur. Ma conscience me disait que c’était une mauvaise idée, et pourtant, je ne voyais pas en quoi cela pouvait l’être. J’avais gagné après tout. Je méritais bien cela. Je méritais bien de goûter à ce genre de plaisir moi aussi. Laissant Ezekiel envoûté par mes attentions, il ne protesta pas alors que je commençais à lui masser les fesses de ma main libre. Il n’eut pas non plus conscience du moment où j’humidifiais deux doigts. Il semblait trop perdu dans son plaisir pour s’en rendre compte. Il m’avait au moins initié à une chose à laquelle j’étais doué. Tentant ma chance, j’effleurais doucement son orifice, et presque aussitôt, je m’attirais un grognement sourd, presque animal de protestation. Me retirant vite, je ne cédais pas pour autant. Gardant mon idée en tête, je ralentis mon rythme jusqu’à arrêter presque. Le laissant dans un état de frustration pure, je tentais alors une chose que je n’aurais jamais dû. Je ne réalisais que trop tard que cela serait peut-être vécu pour lui comme une forme de trahison. Alors que ma bouche reprenait entièrement son sexe pour une caresse intense, j’insérais entièrement un doigt en lui. J’aurais sûrement du le prévenir, mais aurait-il seulement accepté la moindre discussion avec moi à ce sujet… J’eus alors la plus terrible leçon de ma vie. Ezekiel était un dominant et je resterais à jamais le dominé. Qu’avais-je cru ? Qu’avais-je espéré ?…
Sans vraiment comprendre ce qui m’arrivait, je me retrouvais projeté à quelques mettre de son corps. Mon torse heurta la pierre froide, et j’eus à peine le temps de retrouver ma respiration que je pouvais déjà le sentir fondre sur mon dos. Mon pantalon fut baissé jusqu’à mes chevilles, à moitié arraché. Je ne le vis pas venir. J’étais juste prisonnier et impuissant, plaqué sur le ventre par une créature qui voulait se venger de ce que j’avais seulement osé faire. Toute excitation était partie, ainsi que ma fierté alors que je tentais de gémir pitoyablement :
- Ezekiel, qu’est ce que…Qu’est ce que tu fais… Non arrête ! S’il te plait !
Mais c’était trop tard ? Au même moment où il mordit dans mon cou avec une violence inouïe, il me prit sans la moindre douceur, comme une bête, comme jamais il n’avait osé le faire. Je voulu hurler, mais aucun son ne sortie de ma bouche ouverte. Jamais je n’avais connu pareille douleur, même dans une salle de torture. C’était parce que ce n’était pas une douleur uniquement physique. Je lui avais donné ma confiance, j’avais fini par accepter de partager sa vie et de continuer la mienne à ses côtés. Je lui avais pardonné silencieusement pour Elisabeth. Rien ne justifiait le fait qu’il me fasse subir une telle chose. Aucune excuse valable pour passer l’éponge.
Ses coups de butoirs n’avaient pas de fin, et rien ne semblait pouvoir m’aider à me débarrasser de cette douleur. Les larmes voulaient monter, mais pour rien au monde, je ne voulais lui faire ce cadeau. Les ravalant, j’endurais en silence. Je me sentais bafoué, rabaissé plus bas que terre. Je n’étais plus rien.
Ses gémissements de plaisir faisaient monter en moi une haine sourde, une colère sans nom et bien trop profonde. Tel un tsunami, cette haine détruisit tous les barrages que je m’étais efforcé de construire après cette fameuse première nuit en Inde. Aller me perdre dans cette violence ferait sûrement taire cette souffrance.
Mais ce qui était le plus difficile à encaisser était la violence du sentiment de trahison que je ressentais en moi. Je réalisais uniquement maintenant, que si j’avais choisis de vivre à ses côtés ainsi, même dans la fuite, c’était qu’au fond de mon cœur, bien caché, vivait quelque chose qui battait pour lui et qui sans avoir le temps d’éclore, venait de se briser en milliers de petits morceaux. Cette force qu’Ezekiel avait réussie à faire naître moi, il venait juste de me la voler, la soufflant en quelques minutes seulement. 
Il se répandit en moi, me déversant son venin. Mais ce qui fut le plus dur à supporter fut de l’entendre crier mon nom. Il finit par se retirer, et s’étendis à côté de moi, essoufflé, les yeux dans le vague, emporté par l’orgasme qu’il venait d’avoir à mes dépends. Je me sentais sale comme jamais je ne l’avais été. Je n’osais pas bouger, et pourtant tout mon corps me criait de fuir. Mais nous étions en plein milieu de la journée et j’étais coincé ici avec lui. Je fus pris d’un tremblement de dégoût lorsqu’il approcha son bras pour m’attirer contre lui. Ce fut uniquement lorsqu’il voulut m’embrasser, comme si rien ne s’était passé que je le repoussais avec la même violence qu’il venait de dégager sur moi. D’un bon, je fus à l’autre bout de la pièce, dans un coin, le fixant avec une haine non dissimulée, surveillant et craignant le moindre de ses gestes. Je respirais rapidement, pris de violent tremblement que je ne parvenais pas à calmer. Nu comme un ver, je me sentais misérable. 
Ce ne fut qu’à ce moment-là qu’Ezekiel sembla quelque peu revenir à lui. Il semblait déboussolé, mais je n’en avais cure. Quelque que soit l’état second dans lequel il s’était trouvé, rien n’y changerait.
Il se redressa et avança lentement vers moi. Mais il s’arrêta aussitôt lorsqu’il me vit me coller plus qu’il n’était possible contre le mur.
- Alakhiel… Murmura-t-il la voix basse dans laquelle je pouvais discerner du remord.
- Ne t’approche pas ! Sifflais-je, d’une voix froide.
Ezekiel resta figé et après un temps, il me répondit alors :
- Je… je suis désolé, Alakhiel.
Je ne répondis pas. Mon regard parlait pour moi. Il pouvait même se jeter à mes pieds, me supplier de son regard, trouver une excuse pitoyable, rien n’enlèverait ce que je ressentais à l’instant même. J’étais piégé dans le coin de cette pièce avec lui jusqu’à la tombée de la nuit. Mais dès que celle-ci arriverait, il n’entendrait plus jamais parler de moi. Il pourrait me poursuivre, m’obliger à le suivre, je préférais trouver la mort que de partager le même espace que lui quelques secondes de plus. La haine illuminait mon regard si violemment, qu’elle contrastait avec le remord très net que je pouvais voir dans le sien.
Mais je me moquais de son regard. Une faim guidée par la folie commençait à m’envahir et je ne faisais rien pour l’arrêter. Je préférais avoir désespérément faim que simplement repenser à ce qu’il venait de me faire.
Comprenant qu’il n’y avait rien à faire, Ezekiel rassembla ses vêtements et s’installa dans le lit de fortune que nous avions préparé quelques heures auparavant. L’aurions-nous partagé si rien de cela ne serait produit ? Aurais-je passé la nuit dans ses bras possessifs et protecteurs ? Un frisson violent de dégout me parcourut. Cette vie là était terminé. Mon créateur s’installa dans le lit de manière à me laisser assez de place. Je ne pu retenir un rire nerveux. Croyait-il vraiment que j’allais le rejoindre ?
Il se tourna vers moi. Nos regards se croisèrent et ne se quittèrent plus. Je le sentis tenter de lire en moi et je le laissais volontairement entrer. Qu’il voit l’étendu de ce que je ressentais pour lui et surtout qu’il voit ce qu’il venait de me faire subir. Puis lorsque je jugeais qu’il allait trop loin, je le rejetais avec une violence guidée par la haine qui le fit sursauter. Je ne le quittais pas du regard, et pour la première fois, ce fut Ezekiel qui détourna le sien. J’avais gagné une bataille contre lui avant ce drame, et cette bataille venait de prendre fin.
Je restais toute la nuit à le fixer. Il avait fini par me tourner le dos. J’étais à l’affût de la tombée de la nuit. Je pourrais enfin me laisser aller à oublier tout cela. Adieu Ezekiel, adieu le conseil : ce n’était plus mon problème. Lorsque je sentis la nuit arriver, je me redressais vivement. Attrapant mes vêtements, sans un dernier regard vers Ezekiel, je partais à la recherche du premier malheureux qui serait en face de moi. 
Durant les jours qui suivirent, je perdis toute notion du temps, oubliant progressivement qui j’avais été. La seule chose qui comptait maintenant à mes yeux était de prendre mon pied et surtout de tuer. Comme si
tuer était la seule manière d’évacuer ma haine. Je me laissais embarquer par cette danse funèbre si envoûtante.
D’Ezekiel, je n’avais aucune nouvelle et ne cherchais pas à en avoir. Je m’étais coupé de lui mentalement et je doutais qu’il veuille ne serait-ce que me retrouver. Je m’en moquais. Son nom n’était plus qu’un mauvais souvenir. J’avais rayé tout cela de ma vie. Je continuais à m’en éloigner le plus possible. Je fréquentais les endroits les plus glauques et les plus sombres. Je gardais même des proies pour m’amuser pendant mes longues journées. Chaque jour, j’attendais la nuit. Je vivais uniquement pour cela. 
Je perdais peu à peu toute conscience du monde extérieur. Je vivais simplement pour ce que je ressentais physiquement. Je devenais comme piégé par ses ressentis oubliant ce que j’avais appelé une émotion. Je ne voulais plus de ceux-ci. Dès que je m’en approchais à nouveau d’un peu trop prêt, je n’avais que de mauvais souvenirs. La douleur physique n’était finalement rien face à la douleur mentale. Plus je buvais de sang, plus j’avais l’impression d’oublier. Je ne valais pas mieux qu’un alcoolique.
Je m’enfermais dans une vie de violence, de sexe, et d’oubli…
Il était une heure avancée de la nuit et je n’avais pas trouvé meilleur lieu qu’une maison de prostitution. Plusieurs cadavres jonchaient le sol, mais les autres ne semblaient même pas les voir, totalement hypnotisés par mon pouvoir. J’étais étendus sur un lit de soie, le corps offert. Un jeune homme m’offrait une fellation qui en aurait fait rougir d’envie plus d’un, tandis qu’une femme caressait lascivement mon corps. Un autre jeune homme, ayant déjà une trace de morsure dans le cou, ne devait ses quelques heures de vie supplémentaire que parce qu’il embrassait divinement bien.
Une autre jeune femme, en face de moi, européenne, qui ressemblait cruellement à Elisabeth, dansait et se déshabillait avec savoir faire sur la musique qu’une autre femme plus vielle jouait dans un coin de la pièce. Ce fut à ce moment précis, en face de ce tableau de luxure, que l’unique vampire que je ne voulais plus jamais voir entra dans la pièce.
Ezekiel resta figé un court instant. Ses poings se serrèrent, et une colère que je ne lui avais jamais vu envahi son regard. Sans que j’ai le temps de réagir, il saisit une à une chacune de mes victimes et les égorgea avec violence, faisant gicler une mer de sang partout. 
Il termina cependant par trancher la gorge de l’Européenne en face de moi en me fixant d’un regard glacial. Elle tomba lourdement sur le sol.
Il ne restait plus que lui et moi dans la pièce, dans une pièce baignée de sang…
- Rhabille-toi, dit-il en me balançant mes vêtements étrangement propres.
Le ton sur lequel il me donna son ordre ne laissait aucune place pour le contrer. Ce fut en écoutant mon instinct de survis que je m’exécutais. 
- Suis-moi ! Claqua-t-il avec une fureur que je ne lui connaissais pas. 
Je l’écoutais sans broncher et ce ne fut qu’au moment où nous fûmes dehors que je réalisais ce que j’étais en train de faire. Croyait-il vraiment que tout allait revenir comme avant ? Que j’allais rester éternellement son jouet avec lequel il s’amusait. Croyait-il que j’allais lui pardonner ce qu’il m’avait fait une fois de plus. Non, ce moi docile n’était plus, il l’avait définitivement brisé. Ezekiel marchait devant, d’un pas désespérément rapide qu’il était difficile à suivre. Il était toujours aussi furieux, même pire que cela ! Certes, il m’inspirait la peur, aujourd’hui plus encore que jamais. Mais, avec défis, je déclarais alors que nous marchions dans une ruelle sombre :
- Qu’est ce qui t’as pris ! Je ne suis pas un gamin ! Je ne t’ai rien demandé ! J’ai le droit de mener ma vie comme je l’entends. Et quoi ! Tu as peur d’être seul ?
Puis, sans attendre sa réaction, je lui tournais le dos et prenait une nouvelle direction.  Qu’avais-je cru ? Qu’il était aussi facile que cela de tourner le dos à Ezekiel et de lui tenir tête. J’allais payer le prix fort pour cette leçon. Je ne le sentis pas arriver et j’étais déjà projeté avec une vitesse incroyable sur le mur à ma gauche. Je m’effondrais sur le sol. Mon créateur me redressa en me tirant par les cheveux contre le mur, et son poing rencontra ma joue. J’encaissais ce deuxième coup plus que douloureux, mais rassemblant mes forces, je me redressais aussitôt, ne lui laissant pas le temps de revenir sur moi, et bondis sans réfléchir sur lui. Je pus à peine griffer sa joue, qu’il m’envoya voler à nouveau contre le mur. Ce fut ma tête qui heurta trop fort le mur. Je m’étalais sur le sol à moitié inconscient. Je vis sa silhouette bondir au-dessus de moi, mais ma vision se troublait. Il me griffa, criant sa rage, me martelant de coups. Puis il fondit sur moi, mordant mon cou en le déchiquetant presque. Il but à une vitesse qui me donnait le vertige, m’ôtant littéralement la vie qui coulait en moi. J’eus beau tenter de me débattre, rien n’y faisait. Plus je tentais de bouger, plus les forces me quittaient. Ma respiration s’arrêta peu à peu.
J’entendais de moins en moins, jusqu’à totalement perdre l’ouie. Ma vision commença à s’obscurcir, jusqu’à ne plus rien voir. La seule sensation qui me restait était de sentir ma vie partir. Je partais peu à peu, et sans pouvoir rien y faire. Ezekiel m’avait pris ma vie d’humain, et il faisait de même avec ma vie de vampire. L’inconscience m’emporta avec la terrible idée que cela serait sûrement définitif…
Lorsque j’ouvris les yeux, il faisais désespérément noir et j’étais incapable de définir le lieu ou je me trouvais. Je repoussais l’hypothèse de la mort, car une faim inhumaine me déchirait les entrailles. Je n’avais que très peu de sang dans mon organisme et les coups que j’avais reçu n’avaient pas guéris. Une migraine me vrillait les tempes et lorsque je voulu lever ma main pour la passer sur mon visage, j’en fus bien incapable. Toute force m’avait quittée. Je ne valais plus rien. J’étais étendu à même le sol humide dont une odeur nauséabonde se dégageait et me donnait envie de vomir. Je sondais la pièce et il me semblait que j’étais seul. Alors que je voulus tourner la tête, j’en fus une douleur aiguë me fit presque crier. Elle provenait de l’endroit où ma tête avait dû heurter le mur. Une chose était sure, je n’étais plus dans cette sinistre ruelle. J’étais dans cette pièce sans lumière, et je n’avais pas la moindre idée de comment j’avais fini ici. Je fermais les yeux, tentant de maîtriser comme je le pouvais cette faim dévorante et ce fut une odeur de sang qui précéda l’arrivée d’un vampire qui n’était autre qu’Ezekiel.
J’ouvris les yeux alors qu’il rentrait dans la pièce et la simple lumière du chandelier qu’il tenait m’aveugla. Je ne sentais que le sang dont il était rempli. J’avais faim et je rêvais de planter mes crocs dans sa gorge. Mais cela, je savais que c’était impossible… j’étais complètement à sa merci et plié à son bon vouloir, rien que cela me donna un frisson de répulsion.
- J’espère que tu as compris la leçon, misérable raclure. Si tu te voyais, tu es comme à ton habitude : pitoyable et pathétique, claqua-t-il avec froideur et supériorité.
Ne voulant pas gaspiller mes forces à me battre verbalement avec lui, je tentais de me redresser lentement tout en lui demandant :
- Qu’est ce que tu m’as fait ? Ou est ce que je suis ?
- Dans un lieu dont tu ne pourras pas t’échapper ! Et ce n’est pas à toi de poser des questions Alakhiel ! Cracha-t-il avec colère.
Je n’arrivais même pas à me mettre en position assise. J’étais trop faible, j’avais besoin de sang, mais jamais je ne m’abaisserais à le lui demander. Je ne contrôlais cependant pas cette petite voix en moi qui criait famine. Pour la première fois, alors que je l’avais si souvent battue et maîtrisée, j’étais à la merci de cette faim infinie.
Ezekiel s’approcha de moi, et contre toute attente, je me redressais vivement, comme les dernières forces d’une survie, me plaquais contre le mur, les jambes tremblantes, et montrais mes crocs dans un geste agressif et visant à me protéger après un grognement sourd :
- Ne t’approche pas de moi ! Criais-je, sentant à défaut du sang, la haine couler dans mes veines.
Ezekiel s’arrêta interdit et me regarda de la tête au pied avant de me demander dans un ton neutre que je n’aurais su définir, beaucoup plus doux que quelques minutes auparavant :
- Qu’est ce qui t’arrive Ezekiel ? Pourquoi est-tu devenu comme ça ?…
Je ne pus pas répondre. Une crampe me saisit brusquement me forçant à m’accroupir et me tenir le ventre. J’avais faim. Tremblant, je redressais la tête vers lui et lui lançait un regard insolent.
Ezekiel soupira, esquissa un geste vers moi, puis s’arrêta au milieu avant de me tourner le dos et de dire :
- Je te laisse le temps de réfléchir à ce que tu es devenu Alakhiel. N’essaye pas de fuir, c’est impossible.
La porte claqua. Les tremblements que j’avais tenté de contrôler revinrent plus fort, plus violent, m’arrachant un sanglot du à la souffrance qu’ils m’infligeaient. J’avais faim, terriblement faim. J’étais arrivé à un état de faiblesse et de famine tel, que je ne l’avais jamais connu. Un rat puant eut la malencontreuse idée de passer à portée de ma main.
Ce fut le peu de sang qu’il m’apporta qui m’aida à trouver un peu de sommeil…
 Les nuits qui suivirent se passèrent ainsi. Ezekiel venait me demander si j’avais une réponse à sa question, me rabaissant un peu par la même occasion et jamais je n’ouvrais la bouche. Il partait comme il était venu, respirant la bonne santé. Je ne savais pas si le plus dur n’était finalement pas de sentir tout ce sang émanant de lui. La faim était de plus en plus terrible à supporter. Je me réveillais en hurlant dans les crampes qui saisissaient tout mon corps étaient insoutenable. Je passais par des moments de folie, ne revenant à moi que plus épuisé encore. Je voulais manger, je voulais tuer, je voulais libérer cette haine qui me consumait. 
Ezekiel revint une nuit. Je n’avais aucune conscience du temps qui passait, ni du nombre de fois où il était revenu me poser cette question à laquelle je ne voyais pas de réponse. Cette fois cependant, une odeur m’attira terriblement. Là, sur sa chemise, il y avait une goutte de sang encore fraîche. L’odeur était insoutenable. Je ne pouvais me focaliser que sur cela, aussi, je n’entendis même pas ce qu’il me disait. Avec le peu de force qui me restait, comme un dernier mouvement, un dernier espoir de satisfaire ma faim, je me jetais sur lui, crocs découverts, guidé par la haine et la folie. 
Ezekiel sembla s’apercevoir ce qui guida ma folie et comme pour le vérifier, il arracha d’un geste sa chemise et la jeta à sa droite. Déviant ma trajectoire, je la saisis en plein vol et cherchais comme un drogué en manque la tache de sang. Pitoyablement, je me mis à lécher la chemise. Mais ne faire que sentir le goût du sang sur ma langue ne fit que faire redoubler mes tremblements d’état de manque. 
Je n’avais presque pas conscience qu’Ezekiel approchait vers moi et je ne le réalisais que lorsqu’il passa sa main dans mes cheveux, ôtant une mèche collée sur mon front. Ayant définitivement gaspillé mes dernières forces je vacillais. Mais au lieu de tomber sur le sol froid et humide, ce fut la chaleur des bras d’Ezekiel qui me réceptionnèrent.
Avec douceur, il m’enleva la chemise des mains. Un air grave s’affichait sur son visage, un air gravement triste que je n’arrivais pas à interpréter. Sa main caressa mon visage, et ce ne fut que lorsqu’il sortit ses crocs, que je compris son attention. Il allait mettre fin à ma souffrance. C’était terminé, il n’y avait plus aucun espoir à ses yeux. Je redressais les yeux et croisais son regard pour ne plus le quitter.
Je me surpris à penser que j’étais au fond de moi, heureux de finir dans ses bras. Cet endroit m’avait ramolli, rongeant ma solitude, ma faim, mon désespoir. Pourquoi étais-je devenu ainsi ? Par faiblesse ? N’y avait-il aucune échappatoire ? Au regard décidé d’Ezekhiel, je compris que non. Son étreinte se raffermit autour de mon corps, comme s’il voulait me serrer dans ses bras une dernière fois. Ma gorge se serra douloureusement. Je me mis alors à me demander : qu’allait-il devenir sans moi ? Poursuivrait-il son chemin d’errance ? Ne serait-ce finalement pas une vie plus facile pour lui avec un poids mort comme moi ? Peut-être aurait-il dut mettre fin à ma vie humaine et ne jamais m’offrir cette vie de vampire. Des milliers de personnes aurait pu mourir de vieillesse au lieu de finir sous mes crocs. 
Plus jamais je ne connaîtrais son étreinte. Plus jamais je n’aurais droit à ces quelques instants de douceur et de tendresse qu’il m’offrait parfois et qui était devenu si cher à mes yeux. Un frisson de crainte me saisit en repensant au moment où il m’avait pris de force. J’espérais qu’il serait doux lorsqu’il planterait une dernière fois ses crocs dans ma gorge. 
Il entama avec une lenteur interminable son ascension vers mon cou. Ca y est ! C’était le moment, c’était fini. Alors qu’il n’était qu’à quelques centimètres, je pouvais sentir son souffle effleurait ma peau. Et c’est à ce moment-là qu’une émotion me saisit plus durement que tout le reste. C’était la dernière fois que j’allais le sentir ainsi contre moi. Ce n’était pas uniquement lui qui allait me perdre. J’allais aussi le perdre. Cette dernière pensée eut raison de mon dernier barrage. Une seule et unique larme coula le long de ma joue alors qu’Ezekiel était à deux millimètres de ma gorge, et cette goutte d’eau salé finit sa chute sur la joue de mon créateur. Je sentis ses crocs sur ma peau, mais rien de plus ne se produisit. Au lieu de les planter dans ma peau, il se redressa comme surpris. Son doigt passa sur ma joue, sur le sillon qu’avait laissé ma larme.
- Alakhiel ?… Murmura-t-il.
D’autres larmes suivirent alors la première à l’entente de mon prénom. Je ne pus alors m’empêcher de repondre, la gorge sèche et la voix rauque :
- Sauve moi Ezekiel…
Le regard d’Ezekiel se tinta de douleur. Doucement, avec précaution comme par peur de me faire mal, il se baissa à nouveau vers moi. La seule façon de m’aider était donc de me tuer…
Contre toute attente, Ezekiel ne dévia pas dans mon cou, mais ce fut mes lèvres qu’il recouvrit d’un baiser d’une tendresse dont il n’avait jamais fait preuve. C’était un simple et chaste baiser, qui ne dura pas longtemps mais qui me fit plus de bien que je ne l’aurais cru. Etait-ce un baiser d’adieu ? La douceur et la chaleur de ses lèvres me quitta trop vite. Et lorsqu’il se redressa, il me dit alors :
- Ne m’abandonne pas Alakhiel…
Puis prenant une respiration profonde, il m’attira contre lui, me redressant, laissant ma tête se poser sur son épaule.
- Je suis désolé Alakhiel… Désolé pour ce que je t’ai fait…
Bercé par son étreinte, attendrit et enrobé d’un sentiment que je n’avais jamais connu, je sombrais dans l’inconscience malgré moi…
Lorsque j’ouvris à nouveau les yeux, nous étions dans un endroit différent. J’étais dans un lit, seul. Je me redressais plus que difficilement, et vit avec surprise Ezekiel assis sur un fauteuil en face de moi en train de dormir. 
Fronçant les sourcils, mon attention se porta ensuite sur mon corps. Mes vêtements étaient différents et j’étais propre. Ezekiel avait du me laver et procéder au reste. Mais s’il avait pu enlever la crasse sur mon corps, il n’avait cependant pas réussi à ôter cette faim sourdre qui prenait à nouveau possession de mon esprit.
- Tu te réveilles enfin ! Déclara soudain Ezekiel en me faisant sursauter.
Reportant mon attention sur lui, je le vis s’entailler le poignet.
- Il faut que tu manges Ezekiel et j’ai trouvé une solution, dit-il avec malice et satisfaction.
- Je… Je ne veux plus de sang… Bafouillais-je la voix rauqua, alors que tout mon être criait le contraire.
- Ne dis pas de bêtise. Trancha-t-il.
Sans me laisser le choix, il fut en un éclair à côté de moi et me colla son poignet sur la bouche. Le goût du sang m’électrisa. Balançant au loin ma protestation, j’avalais presque immédiatement une première gorgée dont l’effet fut tellement bénéfique que je lâchais un gémissement de plaisir. Mes mains s’agrippèrent sur son avant bras, comme par peur qu’il ne s’écarte lorsque j’eu avaler cette deuxième gorgée de sang qui me brûlait presque. La troisième gorgée fut un délice pur, qui me redonna enfin quelques forces. Mais je n’eus pas le droit à plus. Ezekiel m’arracha son poignet et le lécha, cicatrisant ma morsure. Rageusement, je grognais en claquant des dents.
- Cela suffit pour le moment Alakhiel. Dans ton état, il ne t’en faut pas plus.
Puis, se moquant de mes protestations, il s’assit sur le lit à côté de moi, et déclara :
- Voici les nouvelles règles ! Premièrement, tu ne sors pas d’ici sans moi et crois-moi, même si je ne suis pas là, je le saurais. Deuxièmement, tu ne te nourris plus seul. Comme tu ne sais plus te maîtriser, je te donnerais tes repas jusqu’à ce que je te juge capable de te débrouiller sans moi. Des protestations ? Finit-il avec un sourire moqueur et supérieur.
Je baissais le regard, humilié d’être ainsi infantilisé. Je sentais déjà la chaleur du sang s’infiltrer en moi, bénéfique. Certes ce n’était pas assez, mais je n’allais pas me plaindre. Je posais alors une question qui me brûlais les lèvres : 
- Pourquoi tu ne m’as pas tué ? 
Ezekiel me toisa, sourit, mais ne répondit rien. J’aurais sûrement préféré une réplique cinglante de sa part. Ezekiel se leva et quitta alors la pièce, sans un mot, me laissant seul. Je n’aimais plus être seul. Pas maintenant, pas dans mon état. Quand il était là, présent à mes cotés, je me sentais apaisé, parce que je savais qu’il pouvait m’arrêter. Mais seul, je me retrouvais face à mes angoisses. 
Cependant, épuisé comme je l’étais, engourdi par la petite dose de sang qu’Ezekiel m’avait accordée, je m’endormis profondément, dans un sommeil sans rêve…
Lorsque j’ouvris à nouveau les yeux, Ezekiel était assis à côté de moi sur le lit. Me frottant les yeux, je le vis porter son poignet à ses lèvres, m’offrant une nouvelle fois quelques gorgées. Comme la première fois, il me fit cesser bien trop tôt et il du lire dans mon regard le gouffre infini de ma faim insatiable.  Il ne fit aucun commentaire, se leva, et alla s’installer dans un autre lit. Surpris de cet éloignement qui était pourtant naturel au vu de ce qui c’était passé entre nous. 
Et pourtant, ayant plus que besoin d’une présence physique à mes côtés, je me levais dicrètement pour aller le rejoindre. Loin d’avoir récupérer toutes mes forces, je vacillais avant d’atteindre le lit. J’avais l’impression d’être malade, et cette impression était assez proche de la réalité. Sans un mot, sans même lui demander, je me glissais sous les couvertures et allais me coller contre lui. 
Ezekiel parut surpris, mais il fut loin de me rejeter. Au contraire, il se tourna et se mit plus confortablement afin d’avoir son visage en face du mien. Un sourire que je n’aurais su décrire étira ses lèvres alors qu’il m’observait. Puis, sans dire quoi que ce soit, son bras passa autour de mon corps, et il m’attira plus près de lui, déposant ses lèvres sur les miennes. Leur goût était toujours aussi particulier, me grisant au plus profond de moi. Me laissant envahir par sa tendresse, qui avait ce goût unique de rareté.
Mais trop vite, alors que sa main caressait ma nuque, son baiser gagna en passion. Cette passion m’effraya malgré moi, sentant une bosse contre ma hanche alors qu’il collait encore plus à moi. Je ne voulais pas de cela. C’était encore trop frais. Si l’envie de lui était toujours présente, elle était passée en second plan, remplacée par la peur et la crainte qu’il m’inspirait. Il était allé trop loin avec moi. Il avait brisé la confiance mutuelle que ce genre de relation impliquait.
Effrayé en repensant à ce qu’il m’avait fait, je le repoussais et tombais à moitié du lit. Quittant celui-ci, j’allais me réfugier dans le mien, recroquevillé, ne sachant plus quoi faire. Je ne pouvais pas lui demander simplement un peu de chaleur, c’était égoïste de ma part et la tendresse ne faisait pas partit d’une des qualités d’Ezekiel. Je ne pouvais pas non plus trop lui en demander…
Je n’osais pas me tourner vers lui pour simplement voir ce qu’il faisait. Certainement m’avait-il trouvé pitoyable, et s’était endormi aussitôt, oubliant mes états d’âmes. Mais il me donna soudain tort. Je sentis le lit s’affaisser dans mon dos, et soudain hissé dans l’étreinte d’Ezekiel. Il m’attrapa dans ses bras comme si j’étais une chose précieuse et fragile, si bien que je ne savais pas comment l’interpréter. Je me laissais faire, tout en restant tout de même sur mes gardes. Que me voulait-il ? Revenait-il à la charge maintenant que j’avais réveillé malgré moi son appétit ?
Mais rien ne se produisit et peu à peu, je me laissais aller dans cette étreinte. Ce ne fut que lorsque je fus complètement détendu, qu’il m’étendit à nouveau dans mon lit et vint se coller tout contre moi. Ma tête était posée sur sa poitrine, et je me callais ma respiration sur la sienne, me laissant bercer. C’est alors que je l’entendis me dire dans un murmure à peine audible, mais empli d’une sincérité que je lui avais rarement connue :
- Je suis désolé Alakhiel… Je suis désolé que tu sois devenu ainsi à cause de moi…
Je mis beaucoup de temps avant de répondre avec sincérité à mon tour.
- Ce… C’est à cause de moi Ezekiel. Je… j’ai peur… Dis-je la voix tremblante.
Je sentis les deux mains de mon créateur se poser sur mes épaules afin de m’inciter à me reculer et de le regarder en face.
- Tu as peur de moi ? Me demanda-t-il comme s’il était inquiet.
Il devait pourtant le savoir : bien sur qu’il inspirait la crainte. Mais cela n’avait rien à voir avec ce que je voulais dire à l’instant présent. C’est pourquoi déglutissant, je répliquais :
- Non… J’ai peur de moi… De ce que je suis devenu… Dis-je alors que les larmes me montaient aux yeux, comme dans un instant de réelle lucidité.
C’est alors qu’Ezekiel me repris à nouveau tout contre lui, me serrant encore plus fort.
- Alakiel… Murmura-t-il… Je suis là… Tu peux compter sur moi…
Je ne répondis rien. Je n’avais rien à répondre. Quelque part, Ezekiel avait toujours été là pour moi. Il était même allé me chercher dans le repère de ses ennemis au péril de sa vie. Je me laissais aller, en me sentant étrangement en sécurité et c’est alors que j’entendis mon créateur me demander non sans une certaine gêne :
- Qu’est ce qui t’a pris de coucher avec tes victimes ?
J’aurais pu rétorqué qu’il ne valait pas mieux. Mais je me reculais simplement et le regardais dans les yeux. Il ajouta alors :
- Et cette folie meurtrière… Qu’est ce qui t’a pris Alakhiel ?
J’inspirait profondément. Que pouvais-je lui répondre si ce n’est la vérité.
- Je… Je ne sais pas, répondis-je hésitant et mal à l’aise.
Baissant le regard, je finis par ajouter après un long silence :
- Je… J’ai du me laisser séduire par le sang… J’avais déjà eu ce genre de.. Crises… Avant que nous partions en Inde… Et une fois que nous sommes arrivés… Je… Je t’ai caché mon état Ezekiel…
- Pourquoi ? Pourquoi ne pas m’en avoir parlé au lieu d’en arriver à cet état ! S’empressa-t-il de me demander en se redressant, légèrement agacé.
Je déglutis. J’étais épuisé. Le peu de sang qui coulait dans mon organisme ne me suffisait pas et j’avais beaucoup de mal à rester avec les yeux ouverts et avoir une réelle concentration. Rassemblant mes forces et jouant toujours la carte de la sincérité avec lui, je dis dans un souffle :
- Je… j’avais honte… Alors que j’ai toujours excécré à tuer comme cela… J’ai fini par le faire le plus bassement possible.
- Imbécile, claqua Ezekiel. Tu aurais pu m’en parler plus tôt, je t’aurais aidé ! Tu n’en serais pas arrivé là !
Vexé, je me renfrognais. Croyait-il qu’il était aussi évident d’aller se confier à lui.
- Les choses ne sont pas si facile ! Je pensais pouvoir gérer mes propres problèmes, rétorquais en haussant un peu le ton tout comme lui. Je suis déjà assez un fardeau pour toi…
- Tu n’es pas un fardeau !
Ce fut à mon tour de me redresser et je répondis alors en m’esclaffant :
- Rien que maintenant je suis pire cela ! Je suis devenu incontrôlable ! J’en suis à un tel point que j’ai besoin d’être surveillé et enfermé ! Comme si nous n’avions pas assez de problème ! Ezekiel, dis-je en reprenant mon souffle. Si un humain était dans cette pièce, je serais fou…
Ezekiel soupira avant de répondre, las :
- Ce n’est que temporaire Alakhiel. Crois-moi, tu vas guérir… Si tu ne le peux pas, personne n’en est capable…
- J’espère… Dis-je peu convaincu.
Ezekiel m’attira alors contre lui et je me laissais à nouveau aller dans cette étreinte. Il déposa un baiser sur mon front. Depuis quand était-il devenu aussi doux ? Qu’est ce qui motivait une telle attitude ?
- Dors Alakhiel, tu en as grand besoin… Murmura-t-il.
Il ne m’en fallut pas plus. Perdant le fil de mes pensées, je m’endormis en quelques secondes, au creux de ses bras.
Lorsque j’ouvris à nouveau les yeux, Ezekiel n’était plus à mes côtés, et je pouvais sentir en moi cette faim déchirante. Je pris mon mal en patience, sachant que lorsqu’il reviendrait, j’aurais sûrement droit à une gorgée supplémentaire de sang. Je me recroquevillais dans le lit, trouvant mon état de plus en plus misérable. Je n’arrivais toujours pas à comprendre pourquoi Ezekiel s’embêtait tellement avec moi. Je ne voyais aucune raison rationnelle et l’hypothèse du jouet, de la chose qui lui appartenait, commençait à perdre de sa force. Personne ne perdait autant de temps avec un jouet aussi abîmé. Et sa tendresse de la veille me laissait perplexe. Etait-il uniquement ainsi avec moi pour m’aider à aller mieux. Si jamais je devenais normal, qu’en serait-il ? Que deviendraient alors nos rapports ?
Je fus brusquement interrompus dans mes pensées, lorsque je sentis une odeur de sang. Mon premier réflexe fut de m’éjecter loin du lit et aller me coller dans un coin de la pièce le plus éloigné de cette odeur. Malheureusement, je savais que lorsque cette proie se rapprocherait, il me serait impossible de résister, malgré toute ma force de volonté. L’odeur du sang devenait de plus en plus insoutenable, faisant trembler mes muscles que je tentais de contraindre. Mais lorsque que cette proie fut à l’entrée de la porte, tout semblant de raison disparut de mon esprit et je me jetais vers elle à crocs découvert.
Cependant, Ezekiel en avait décidé autrement. Il se tenait là, à quelques mètres de la proie qui s’était immobilisée d’horreur et alors que j’étais à moins de quelques centimètres d’elle, j’eus l’impression d’heurter mentalement quelque chose. Le choc fut si violent, que je m’effondrais sur le sol. Mais l’odeur du sang de cette pauvre malheureuse réussit à me faire me relever, et sans réfléchir, je me jetais une nouvelle fois sur elle, me heurtant à la barrière qu’Ezekiel m’avait imposée. Ce ne fut qu’après de très nombreux essais, épuisé, que je finis pas rendre les armes, me redressant tant bien que mal, les jambes tremblantes, me tentant à peine debout.
Ezekiel sourit, satisfait de lui. Puis, d’un mouvement à peine perceptible, il fut à côté de sa proie et la vida de son sang en un clin d’œil, révélant une odeur vive qui déchaîna en moi une fin sans pareille. Ezekiel reporta son attention vers moi, laissant tomber cette proie vidée de son sang et perdant tout mon intérêt. Il commença à me parler, mais je n’entendais pas ce qu’il me disait. Mes oreilles bourdonnaient. J’étais toujours en sous-alimentation et le combat physique et mental que je venais de mener avec Ezekiel m’avait repris le peu de force que j’avais acquis avec le sang qu’Ezekiel avait consentit à me donner. Alors que mes jambes lâchaient, Ezekiel me rattrapa et s’assit à même le sol en me gardant dans ses bras.
Je ne sentis plutôt que je ne vis son poignet entaillé. Il fut obligé de le porter à mes lèvres, n’ayant même pas la force de le tirer vers moi. Lorsque le sang encore frais effleura ma langue, je n’aurais su dire l’explosion de saveur qui se déchaîna en moi. Je bus cependant doucement, savourant par petite gorgée, ne voulant pas gâcher le peu qu’il m’accorderait. Même s’il ne me permit pas d’étancher ma soif, j’eus l’impression qu’il m’autorisa à beaucoup plus que les fois précédentes. Je ne cherchais pas à retenir son poignet, résigné à me soumettre à sa méthode.
Mes idées revinrent à peu près claires et gênées de ma position, je m’écartais un peu brusquement de lui, lui arrachant un petit rire amusé. C’est à ce moment-là qu’il repris la parole :
- Encore quelques exercices de ce genre et tu seras prêt à sortir Alakhiel. Comme je te l’ai dit hier, tant que tu restes à côté de moi, il ne se passera rien.
- Justement, rétorquais-je, c’est uniquement parce que tu es là. Sans toi, je ne suis qu’un monstre…
- Laisse-toi du temps Alakhiel. La guérison peut être un long processus… Soupira Ezekiel.
Je restais sceptique, mais n’en fit pas part à mon créateur. Celui-ci se redressa puis déclara :
- Je pense que tu t’es assez nourri, si nous passion à ton entraînement.
Cachant ma surprise, je me levais, lui faisant face. Ezekiel avait raison, cela m’aiderait sûrement à penser à autre chose.
Les jours défilèrent ainsi. Je ne sortais pas. Ezekiel ne s’absentait que pour aller chercher des proies. Il en ramenait toujours une et nous répétions encore et encore cet exercice. J’arrivais de mieux en mieux à résister, mais je ne devais cela qu’au fait qu’Ezekiel était présent pour me contraindre. Après cet exercice, il m’offrait un peu de sang et nous commencions l’entraînement. J’avais l’impression de m’en sortir de mieux en mieux, mais je n’avais toujours pas eu un seul compliment de la part d’Ezekiel qui se contentait de m’en demander encore et toujours plus. Nous allions ensuite prendre un bain mérité, avant de nous coucher dans le même lit. Là, je retrouvais l’étreinte de mon créateur qui sagement, et à ma plus grande surprise, ne tentais jamais rien. 
Ezekiel laissa tomber sa proie morte sur le palier de la porte. Pour la première fois, j’avais résisté. Certes, cela ne s’était pas fait sans douleur. Ezekiel affichait un sourire satisfait de son élève, et je lui rendis, à moitié vacillant de part l’effort que je venais de fournir. Se battre contre ses bas instincts était épuisant. Je commençais enfin à reprendre un peu confiance en moi. 
Je savourais ensuite, le sang qu’il m’offrait. Jamais je n’avais pris autant de temps pour boire, jamais je n’avais apprécié le sang à ce point, dégustant méticuleusement chaque goutte. 
Lorsque j’eus fini, je passais de moi-même un coup de langue sur le poignet d’Ezekiel. Les bonnes choses avaient une fin et c’était la première fois que je m’arrêtais de moi-même. Ce fut à ce moment qu’Ezekiel déclara : 
- Sortons ! Tu es prêt Alakhiel et la nuit n’est que brièvement entamée. 
Aussitôt, je paniquais, perdant toute cette belle assurance : 
- Je… Non… Je ne suis pas prêt… Pas si tôt. 
- Cesse de geindre. C’est à moi de décider si tu es prêt ou pas. Si ce choix t’incombait, tu serais encore un train de pourrir dans ce trou dans cent ans. 
Peu convaincu, je ne répliquais rien, vexé. Alors que je restais immobile, Ezekiel me poussa légèrement en disant :
- Passe devant moi, ne t’inquiète pas, je suis là pour te surveiller. 
Ne réalisant pas vraiment ce que je faisais, je me retournais face à lui. Intrigué, Ezekiel fronça les sourcils et alors qu’il voulut me sortir une réplique acerbe, je recouvris aussitôt ses lèvres d’un baiser. Je ne savais pas vraiment ce qui me prenait. Mais j’avais l’impression qu’en l’embrassant, je prendrais un peu de sa force. Passé l’effet de surprise, Ezekiel ne tarda pas à laisser sa langue rejoindre la mienne et nous échangeâmes un baiser passionné qui nous laissa tout les deux pantelants. Forcés de nous séparer lorsque l’air vint à manquer, j’admirais mon créateur, les yeux légèrement dans le vague et murmurais un simple « merci » avant de lui tourner le dos. Déglutissant, je me décidais à faire ce qu’il attendait de moi : sortir pour faire face à mes démons.
La première chose qui me frappa une fois que je fus dehors été la forte odeur de sang. L’endroit ne grouillait pas d’humains, mais je pouvais précisément localiser chacun d’eux. Tentant de me raisonner, remerciant le repas que m’avait offert Ezekiel, je ralentissais de façon à ce qu’il soit tout proche de moi. 
C’est alors qu’un humain arriva au détour d’une ruelle et marcha vers nous. Tout mon être me criait de lui sauter dessus. Je sentis la force mentale d’Ezekiel m’envahir, protégeant cet humain en m’enfermant dans une sorte de prison. L’odeur de son sang paraissait si esquisse. J’avais presque l’impression de voir la totalité de son sang circuler dans ses veines. Des gouttes de sueurs perlaient déjà sur mon front alors que je combattais ma propre folie. C’était trop dur. Plus il se rapprochait et plus c’était un véritable supplice. Mais alors qu’il arrivait à ma hauteur, je sentis une femme arrivée derrière moi.  S’en était trop. Je ne pouvais pas tenir ainsi. 
Il y avait trop de monde, trop de gens qui grouillaient dans tous les sens même très éloignés, même endormis paisiblement. Impossible de tenir plus longtemps, je rassemblais déjà mes forces, cherchant la faille dans la protection d’Ezekiel. J’avais suffisamment mangé pour arriver à le contrer. Je ne pourrais pas le vaincre, mais m’échapper était une possibilité. C’est alors que je sentis la main d’Ezekiel sur mon épaule ce qui me fit un court instant revenir à moi. 
- Rentrons Alakiel, ça suffit pour aujourd’hui. 
Il me traîna presque et je réalisais que nous n’avions à peine fait que quelques mètres dehors. Il n’était donc pas capable de me retenir. Le test d’aujourd’hui était un échec. Ce ne fut qu’une fois à l’intérieur, qu’un élan de défaitisme s’abattit sur moi. Alors qu’il fermait la porte derrière nous, je déclarais tandis qu’il était dos à moi : 
- Je n’y arriverais jamais.
- Ne dis pas de bêtises ! Claqua-t-il soudain, las et énervé. 
Je me retournais vers lui, lui faisant face. 
- Non ! Ca ne marchera jamais ! Tu aurais mieux fait de m’abattre ! 
Je vis la colère monter en Ezekiel, une colère sourde et je me mis à craindre ce qui allait m’arriver. Mais c’était pourtant vrai. Je n’étais plus capable d’aller dehors sans avoir l’envie incontrôlable de sauter à la gorge du premier venu. Ce test en était la preuve et si Ezekiel m’avait fait rentrer c’est que même son pouvoir de contrôle sur moi n’y pouvait rien. 
Ezekiel allait parler, mais il s’arrêta en plein milieu de son élan. Il me tourna brusquement le dos et claqua la porte en sortant, me laissant seul. C’était encore pire qu’une de ses insultes. Cela voulait dire que lui aussi baissait les bras. 
J’en avais assez. Assez d’être confiné dans cette pièce. J’avais besoin de sortir. Ce n’était pas la faim qui me guidait mais la colère face à mon état. Si j’avais été capable de me retenir de tuer avec un sang-froid aussi incroyable pendant mes premières années, comment cela se faisait-il que je ne le pouvais plus aujourd’hui. Qu’est ce qui faisait de moi un tel moins que rien. Je commençais à tourner en rond dans la pièce, me sentant de plus en plus claustrophobe. J’avais besoin de voir la lune, de sentir ses rayons sur ma peau. J’avais besoin des caresses du vent et de l’air libre. Je ne pouvais plus rester ici. Cela faisait trop longtemps. Cet enfermement me donnait l’impression d’être de plus en plus faible.
Sans vraiment réaliser ce que je faisais, comme hypnotisé, je poussais la porte que je n’avais jamais osé toucher depuis l’interdiction de mon créateur et sortais. Ce que je faisais était complètement fou. Mais peu m’importait. Si je restais une seconde de plus dans ce lieu, c’était la fin.
Une fois dehors, je retins ma respiration. Par chance, aucun humain n’était proche. Mais je ne voulais pas jouer plus longtemps avec ma bonne fortune. Je savais qu’il y avait une forêt pas très loin d’ici. Il était rare que les humains s’y promènent la nuit. Sans perdre plus de temps, je courus. Je courus si vite, que les humains que je croisais sur ma route ne sentirent qu’un souffle faire voler leurs cheveux et leurs vêtements. J’ignorais tout ce qui n’était pas ma course et mon but. Je voulais seulement, m’éloigner de cette ville et de toutes les tentations qu’elle représentait. Je voulais me sentir libre, loin de cette cage devenue si étroite. Je courrais sans jamais m’arrêter. La forêt était plus loin que je ne l’aurais crue et ce fut ne fut que lorsque j’arrivais essoufflé par ma course que je réalisais avec horreur que je n’aurais jamais le temps de rentrer. L’aube était presque là. Je n’avais qu’une petite heure pour trouver un abris. Mais cette nécessité vitale fut vite balayée, réalisant ce que je venais de faire. Je n’avais tué personne. J’étais sorti, j’avais croisé beaucoup d’humain, mais jamais je n’avais été possédé par l’envie de sang. Je ne comprenais plus rien. J’étais capable de ne plus tuer. Alors d’où venaient ses crises ? Comment être sur de les maîtriser. Je m’enfonçais dans la forêt épaisse, mais je pouvais déjà sentir l’aube proche. Ma découverte ne servirait sûrement à rien. J’allais pitoyablement mourir dès les premiers rayons du soleil. Mais je n’avais tué personne ! Un sourire se dessina sur mon visage, ayant l’impression d’avoir battu quelque chose en moi. Cette soif de liberté avait été bien plus forte que cette soif de sang bestiale.
- Alakhiel ! Combien de fois je devrais te tirer de la mort ! Je me demande pourquoi je m’acharne ainsi. Je devrais te laisser griller ici. Hurla Ezekiel, semblant être essoufflé.
Je me retournais, ne pouvant détacher ce sourire vainqueur. Je voulais lui dire. Lui expliquer que j’étais capable de ne tuer personne, qu’il fallait encore du temps, mais que maintenant j’y croyais. Mais je n’en eus pas le temps. D’abord tremblante, sa main se leva dans les airs. Ses yeux… Etait-il en train de pleurer ? Je n’eus pas le temps d’en avoir le cœur net. En un instant, le coup arriva et je fus plongé dans l’inconscience.
Lorsque je reviens à moi, la première chose que je ressentis fut une vive douleur au crâne. J’étais donc encore en vie. La seconde chose qui m’inquiéta était de savoir où j’étais. L’air sentait la terre et l’humidité. Il faisait sombre, mais il y avait une lumière aveuglante non loin de là. Je réalisais peu à peu que j’étais dans une sorte de grotte, dont l’ouverture était petite, mais l’intérieur assez haut de plafond. Je me redressais, me massant le dos endolori par les pierres sur lesquelles j’avais été couché. C’est alors que je sursautais violement. Ezekiel était assis là, à quelques mètres de moi. Il me fixait, l’air fatigué, mais la colère que je pouvais lire dans ses yeux ne me disais rien de bon.
Et pourtant, contre toute attente, il s’approcha doucement de moi. Il me tira contre lui, un peu brusquement, mais ce geste n’avait rien de violent. Une fois dans ses bras, il resserra doucement son étreinte. Passé la crainte, je me finis après un long moment par me laisser aller. Je poussais un soupire de soulagement. Et c’est alors qu’il murmura quelque chose, au milieu de cette étreinte de douceur que je ne sus interpréter : 
- Je t’en supplie Alakiel, quoi qu’il se passe, quoi que je fasse, quoi qu’il nous arrive, reste toujours à mes côtés… Ne t’éloigne plus. 
Dans son élan de possessivité, il me serra si fort, qu’un simple humain aurait été mort étouffé. Je ne pu m’empêcher de verser quelques larmes. Jamais quelqu’un n’avait tenu à ce point à moi. Timidement, et pour toute réponse, je laissais mes bras, jusque là restés le long de mon corps, passer autour de lui, l’étreignant à mon tour.  C’était ici qu’était ma place, peut importe la raison qui le poussait à me garder indéfiniment avec lui.

A suivre…

Cet article a été publié le Lundi 3 décembre 2012 à 23:31 et est classé dans Silent scream. Vous pouvez suivre les commentaires sur cet article en vous abonnant au flux RSS 2.0 des commentaires. Vous pouvez faire un commentaire, ou un trackback depuis votre propre site.

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