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oct

Mourir pour revivre - Chapitre 27

   Ecrit par : admin   in Mourir pour revivre

Chapitre 27 écrit par Shinigami

A peine Raphaël eut-il achevé de poser sa question, que déjà il regrettait de l’avoir posée. Comment Daevlyn allait-il réagir ? Allait-il rire de son ignorance ? Allait-il comprendre ce manque affectif qui le rendait si vulnérable ? Comprendrait-il sa demande, son besoin de se sentir aimer ? Comprendrait-il que depuis trop longtemps Raphaël rêve d’amour et d’idyllie parfaite et qu’il crève de ne recevoir que des coups… Comprendrait-il son envie de découvrir un autre monde, un monde ou la peur et la souffrance n’existent pas, un monde Amour et Bonheur sont rois… Il rêvait d’une vie où Daevlyn serait son univers, où ses bras seraient un havre de paix dans lequel il trouverait réconfort et sécurité…  Il se nourrirait de ses baisers et se réchaufferait à la chaleur de son corps… Raphaël se gifla mentalement, tout ceci n’existait que dans ses rêves…

Il revient à la réalité en sentant une main de Daevlyn prendre place sur sa nuque et reporta son attention sur le visage de l’adulte. Ce qu’il y vit lui réchauffa le cœur Daevlyn souriait… Il lui souriait… Pas un sourire conventionnel comme on en distribue à qui en veut, non, un sourire empli d’une tendresse et d’un amour incalculable. L’adulte l’attira à lui avec une délicatesse toute spéciale et lui déposa un léger baiser sur les lèvres en guise de réponse. A cet instant précis, le cœur de Raphaël débordait d’une joie sans limites.

Satisfait et heureux comme jamais; l’adolescent se recoucha tout contre la source de chaleur bienfaitrice qu’était le corps de Daevlyn et ce dernier mit à bas les derniers centimètres qui les séparaient encore en attirant Raphaël toujours plus près contre lui. Le jeune garçon posa la tête sur son bras et inspira longuement, s’imprégnant de l’odeur si particulière que dégageait son moniteur. Daevlyn lui caressa tendrement la joue et Raphaël fini par s’endormir sous l’afflux de bien être qui l’envahissait et bercé par la respiration calme et régulière de son vis-à-vis. Apaisé lui aussi, Daevlyn finit par s’endormir à son tour.

Lorsque Raphaël se réveilla le lendemain matin, c’était avec la sensation que quelque chose n’était pas comme d’habitude. Encore dans les limbes du sommeil, il se colla à la source de chaleur, enfouissant son visage dans le cou de Daevlyn. Cependant, un élément sembla faire tilt dans son esprit car il se redressa soudainement, parfaitement réveillé. Il fut d’abord surpris de trouver son moniteur endormis dans son lit, mais la scène de la veille lui revint en mémoire, et un sourire niais illumina son visage encore endormis. Allongé sur le côté gauche, il prit appuis sur son coude et observa attentivement les traits endormis de Daevlyn. La respiration régulière de l’adulte informa Raphaël qu’il dormait encore profondément. Un air apaisé détendait son visage si gracieux. Jamais encore Raphaël n’avait réellement prit le temps de dévisager minutieusement son moniteur. Seulement, depuis que celui-ci lui avait avoué son amour, l’adolescent posait sur lui un nouveau regard. Il se surprit à admirer les courbes de ses lèvres et la ligne droite de son nez. il observa longuement ses yeux en amandes et ses longs cils. Plongé dans la contemplation de Daevlyn, il ne vit pas tout de suite que l’adulte le regardait, un sourire tendre sur les lèvres. Lorsqu’il sentit le regard vert de Daevlyn posé sur lui, Raphaël baissa les yeux, et quand leur regard se croisèrent, il ne put s’empêcher de rougir violemment. Alors qu’il s’apprêtait à s’écarter, Daevlyn le retient en passant une main sur sa nuque et lentement, il l’attira à lui et lui vola un chaste baiser. Après quoi, Raphaël s’écarta, visiblement gêné. Daevlyn semblait avoir oublié qu’il n’avait jamais connu de réveils en douceur, et encore moins avec une personne dans son lit. Pas que cela le dérangeait, au contraire, seulement, il n’avait pas l’habitude. Face au trouble de l’adolescent, Daevlyn déclara en souriant :

- Bonjour !

- Bonjour ! répondit Raphaël un maigre sourire étirant ses lèvres, malgré qu’il se sentait affreusement gêné.

Il ne savait pas quoi faire. Est-ce que Daevlyn attendait un geste particulier de sa part ? Y avait-il une tradition ou une coutume particulière lorsque deux personnes se réveillent dans les bras l’une de l’autre le matin ? Tandis que les questions commençaient à affluer dans l’esprit pas encore tout à fait vivace de l’adolescent, Daevlyn se leva afin de préparer et Raphaël fit de même, remerciant mentalement l’adulte pour son initiative. Chacun de leur côté, ils firent ce qu’ils avaient à faire et Raphaël alla prendre sa douche avant d’aller nourrir Amaranth. Il eut la surprise d’arriver au réfectoire en même temps que son moniteur et remercia la providence. Depuis son retour de l’hôpital, se rendre au self était devenu pour lui la pire des corvées. Supporter toute la soirée les regards et les rires moqueurs ou dédaigneux des autres adolescents le faisait énormément souffrir. Même si l’adulte ne pouvait rien faire pour l’aider à surmonter ces moqueries, sa présence soulageait grandement le jeune garçon qui sentait comme un poids s’échapper de son cœur à chaque regards ou sourires encourageants que lui adressait l’adulte.

Alors qu’ils déjeunaient ensemble, Daevlyn déclara subitement :

- Raphaël, je dois me rendre quelque part aujourd’hui. Si tu souhaites rester ici à te reposer, je demanderais à Sébastien de veiller sur toi.

Aux derniers mots de Daevlyn, l’adolescent le regarda apeuré. Non, il ne voulait pas rester avec Sébastien. Pour rien au monde il ne resterait avec quelqu’un d’autre que Daevlyn. Il ne pouvait et surtout ne voulait pas être séparer de lui ne serait-ce qu’un seul instant. Daevlyn se sentit alors obligé d’ajouté :

- Raphaël, je vais quand même te dire où je dois aller. Je vais au cimetière, voir mon frère. Tu veux toujours venir  même en sachant cela ?

La première phrase de l’adulte fit mal à Raphaël. Bien sûr, il comprenait parfaitement que celui-ci ait besoin de se recueillir sur la tombe de son frère, mais étrangement, le cœur de Raphaël se serrait à l’idée qu’il puisse encore l’aimer, qu’il ne puisse vivre sans regarder sans cesse dans le passé.

Le moniteur sembla remarquer la bourde qu’il avait faite et le trouble de l’adolescent car il s’empressa d’ajouter :

- Je pense qu’il vaut mieux que tu restes là. Je suis désolé de t’avoir proposé cela, c’était égoïste de ma part.

Raphaël n’osait pas regarder Daevlyn. Il ne voulait pas qu’il lise dans son regard la douleur qu’il avait éprouvée à la mention de son frère. Les yeux rivés sur son bol de chocolat chaud, Raphaël hésitait. Pourquoi Daevlyn lui avait-il implicitement demandé de l’accompagner ? Pourquoi avait-il besoin de lui ?

Chassant ses pensées, il releva la tête et déclara avec un sourire qui se voulait enjoué :

- Non, je veux venir avec toi.

- Je ne veux pas que tu te forces, déclara Daevlyn en redressant la tête.

- Je viens avec toi, insista Raphaël avec plus de conviction.

Oui, il irait avec lui, qu’il le veuille ou non. Il se doutait que se rendre au cimetière où reposait son frère devait être une épreuve pour son moniteur et il ne l’abandonnerait pas. Il resterait à ses côtés, comme le faisait Daevlyn pour lui. A deux, ils pouvaient se soutenir mutuellement alors que tout seul, une fois qu’on est à terre, c’est dur de se relever. Même s’il ne savait pas quoi faire, ni choisir les mots qu’il fallait pour le réconforter, il espérait que sa présence lui suffirait.

Daevlyn lui souffla un simple “merci”, mais ce mot fit renaître le sourire de Raphaël. Daevlyn venait de lui avouer qu’il avait besoin de lui, tout comme lui avait besoin de Raphaël, et rien ne pouvait lui faire plus plaisir. Il avait enfin l’impression d’être utile à quelqu’un pour ce qu’il était réellement, et non pas comme un jouet que l’on dispose selon son humeur.

Ils terminèrent de déjeuner en silence, puis avant de quitter le réfectoire, Daevlyn annonça à Raphaël qu’il allait s’entretenir un instant avec Sébastien afin de lui faire savoir qu’il l’emmenait avec lui. Ils convinrent de se retrouver devant l’entrée du bâtiment et Raphaël profita du temps libre qu’il avait devant lui pour aller passer un moment avec Amaranth. Le poulain lui avait beaucoup manqué pendant les jours précédents.

Après quelques minutes, Raphaël se dirigea vers l’entrée du bâtiment ou il devait rejoindre son moniteur. Croyant être en retard, il se mit à courir, et soupira de soulagement lorsqu’il s’aperçut que Daevlyn n’était pas encore là.

Tout le trajet se déroula dans un silence de mort. Au fur et à mesure que le paysage défilait sous ses yeux, Raphaël sentait l’angoisse de Daevlyn augmenter proportionnellement. Quand il sentit le stress de l’adulte arrivé à son apogée, il en déduit qu’ils ne devaient plus être très loin du cimetière. La tension dans la voiture était à couper au couteau, pourtant Raphaël ne fit aucun commentaire. Il savait à quel point c’était difficile d’affronter son passé.

Quelques instant plus tard, Daevlyn garait la voiture devant un mur d’enceinte en haut duquel dépassaient de grosses croix de pierre blanche.

Daevlyn soupira longuement puis, se tournant face à l’adolescent, il lui demanda :

- Je… Est ce que tu veux bien m’attendre là, j’ai besoin d’être seul pour…

- Je comprends. Je t’attends là. Je te promets, je serais là à ton retour, répondit Raphaël sur un ton apaisant.

Il regarda Daevlyn sortir de la voiture et le suivit du regard aussi longtemps qu’il le put. Raphaël était déçut. Bien sur ce n’était en rien la faute de Daevlyn, il ne pouvait pas le savoir, mais le jeune garçon aimait beaucoup ces havres de paix qu’étaient les cimetières. Il aimait se promener le long des allées, appréciant le silence reposant de ces lieux de recueillement, se laissant gagner par la mélancolie qui habitait son âme. Il appréciait les ténèbres et le froid humide des mausolées et l’esthétique des tombes anciennes. Il se sentait bien parmi les morts, leur présence rassurante apaisait les souffrances de son âme.

Les yeux toujours rivés sur les pierres tombales qu’il apercevait de là où il était, il songeait à Daevlyn. Comment allait-il ? Que faisait-il ? Tant de questions qui le hantaient et malgré le temps qui s’écoulait inlassablement Daevlyn ne revenait pas. Raphaël vit un couple sortir du cimetière et refermer le portail derrière eux. Machinalement, il les suivit du regard sans plus d’intérêt, puis reporta son attention sur le portail, guettant l’arrivée de Daevlyn. Les minutes s’écoulaient et bientôt une heure passa, toujours sans aucunes nouvelles de Daevlyn. Raphaël commençait réellement à s’inquiéter. Et s’il lui était arrivé quelque chose ? Et s’il allait mal ? Tant de questions sans réponses. Raphaël lui accordait encore une dizaine de minutes avant  de partir à sa recherche. Il ne supportait plus cette interminable attente.

C’est avec un bruyant soupir de soulagement qu’il aperçut la silhouette de Daevlyn revenir vers lui. Tout de suite, il eut la sensation que quelque chose en lui avait changé. Cette sensation se confirma lorsque Daevlyn se tourna vers lui après avoir prit place sur le siège chauffeur. Ne comprenant pas ce soudan changement d’humeur, Raphaël lui lança un regard mi-interrogatif, mi-inquiet. Daevlyn lui lança un regard empli d’assurance et d’une force nouvelle, l’attrapa son t-shirt et l’attira lentement à lui avant de l’embrasser passionnément. Raphaël répondit au baiser avec la même intensité. Enivrés par la passion de leur baiser et noyés dans leurs sentiments, Ni Daevlyn ni Raphaël ne prêta attention au couple qui les regardaient avec une haine et un dégoût non dissimulé. Enhardi par les sentiments qu’ils éprouvaient l’un pour l’autre, ils voguaient loin de cette réalité, oubliant tous ce qui n’étaient pas eux.

L’adulte mit fin au baiser lorsque le besoin en oxygène se fit ressentir. Lentement, ils s’écartèrent l’un de l’autre. Daevlyn abordait un sourire radieux et Raphaël le lui rendit timidement, se giflant mentalement pour avoir pensé que Daevlyn aurait à un moment ou à un autre avoir besoin de lui. Il était heureux de voir son moniteur aussi serein, jamais encore il ne l’avait vu ainsi et cela lui réchauffa le cœur. Daevlyn semblait avoir enfin exorcisé ses démons intérieurs et était en paix avec lui-même. L’adulte l’embrassa de nouveau furtivement, puis il démarra la voiture et il prirent le chemin du retour. Comme pour l’aller, le voyage se fit en silence, mais pas un silence pesant. Non, un silence dans lequel ils se sentaient bien. Un silence complice dans lequel ils se sentaient proche l’un de l’autre, un silence apaisant. De temps en temps, ils s’échangeaient un regard ou un sourire heureux, juste pour le plaisir.

Ils arrivèrent au ranch en début d’après-midi et il allèrent directement au réfectoire. Ils mangèrent tranquillement, puis ensuite, ils passèrent nourrir Amaranth. Daevlyn préférait attendre que Raphaël soit complètement rétablit avant de le faire remonter à cheval. Malgré qu’il allait mieux, l’adolescent abordait encore un visage fatigué et des cernes soulignaient son regard couleur pierre précieuse.

Alors qu’ils arrivaient au box du poulain, Sébastien interpella Daevlyn et le prit à part.

- J’ai une excellente nouvelle à t’annoncer Daevlyn ! s’exclama Sébastien enthousiaste.

- Ah oui ? demanda Daevlyn sceptique.

- Oui, j’ai trouvé un acheteur pour Amaranth ! Il vient le chercher demain dans la matinée…

Raphaël qui n’avait rien perdu de la conversation sentit son cœur s’arrêter de battre. On allait lui enlever Amaranth… Non, il ne pouvait pas accepter une telle chose… Il ne pouvait pas abandonner ce petit poulain… Il refusait tout simplement cette décision…

Alors que Daevlyn allait répondre, Raphaël le devança :

- Nooon !!!! je refuse de me séparer d’Amaranth !

Et avant que les deux hommes n’aient le temps de réagir, Raphaël s’enfuit en courant à l’extérieur. S’il entendit Daevlyn crier son nom, il ne se retourna pas, continuant à courir droit devant lui.

Pendant ce temps, Daevlyn se retourna vers Sébastien et lui lança un regard assassin signifiant “on en reparlera plus tard” et à son tour, il se précipita à l’extérieur. Il courut au parc des chevaux, enfila un licol à Waterfalls et lorsqu’il fut sortit du pré, il le monta à la façon des indiens et le lança au galop à la poursuite de Raphaël.

Raphaël quant à lui courait aussi vite qu’il pouvait, ignorant les branches qui lui fouettaient le visage. Il trébuchait sur les racines des arbres et était tombé plusieurs fois, mais toujours il se relevait. Il ne voulait pas voir Amaranth partir… Oui il était lâche… Oui il fuyait… Mais il ne pouvait faire autrement, il ne pouvait se résoudre à accepter une telle décision… C’était au-delà de ses forces. Daevlyn lui avait confié une mission, élever ce petit poulain, et il comptait bien la remplir jusqu’au bout ! Il lui avait donné sa parole et pour une fois, il entendait bien la tenir, quel qu’en soit le prix. Il voulait montrer à Daevlyn qu’il était capable de réussir quelque chose par ses propres moyens, et voilà qu’on voulait lui retirer toute opportunité. Alors pour montrer son désaccord, il avait fuit… Il n’avait pas eut le courage de faire face et d’essuyer un refus de la part de Sébastien. il avait été naïf de croire qu’il aurait laisser un gamin comme lui s’occuper d’un jeune poulain. Que pouvait-il bien faire, lui, un gamin inutile et minable…

Raphaël ne saurait dire combien de temps il courut ainsi. Ses poumons le faisaient souffrir et ses yeux étaient brillants de larmes. Pourquoi ne pouvait-il passer une journée sans pleurer ? Une journée sans souffrir… Ses genoux écorchés le lançaient affreusement, mais toujours il continuait, courant droit devant lui. Ses chutes avaient réouvert les plaies de son bras et son pansement était de nouveau imbibé de sang.

Après une longue course effrénée, il arriva dans une clairière. Il stoppa sa course et tomba à genoux dans l’herbe verte, son corps frêle secoué de violents sanglots. Il demeura ainsi de longues minutes, puis les minutes se transformèrent en heures. Epuisé physiquement et moralement, Raphaël fini par s’endormir. Il dormit d’un sommeil agité, peuplé de cauchemars dans lesquels il voyait Amaranth aux prises d’un propriétaire sauvage et brutal, ou bien il le voyait dans un camion, sur la route des abattoirs…

Ce dernier cauchemar le fit se réveiller en sursaut et il retient difficilement un cri d’horreur. Il était tellement plongé dans le souvenir de ce cauchemar, qu’il ne se rendit même pas compte que Daevlyn était assit à ses côtés et sursauta violemment lorsque celui-ci prit la parole :

- Un cauchemar ?

Raphaël sursauta et émit un hoquet de surprise et se retourna vivement vers son moniteur, assit tout près de lui, le dos calé contre un arbre. Voyant l’adolescent hocher la tête, Daevlyn poursuivit d’une voix douce mais néanmoins autoritaire :

- Ne met refait jamais une peur pareille Raphaël ! Je te cherche depuis des heures ! J’étais fou d’inquiétude en te voyant t’enfuir de cette manière…

- Je… je te demande pardon Daevlyn, répondit l’adolescent. Un air coupable d’un enfant prit en faute se reflétait sur son visage tandis qu’il se tortillait les mains, mal à l’aise.

- Viens là, souffla Daevlyn voyant parfaitement que Raphaël n’osait pas lui demander de le prendre dans ses bras.

L’adolescent ne se le fit pas dire deux fois et il alla prendre place entre les bras de son moniteur, la tête reposant sur le torse de son moniteur. Daevlyn quant à lui, lui caressait tendrement les cheveux, le serrant dans ses bras, lui montrant ainsi qu’il n’était pas seul et qu’il ne le serait plus jamais.

- Pourquoi t’es-tu enfuis ? demanda doucement le moniteur.

Raphaël inspira longuement afin de maîtriser les tremblements de sa voix puis répondit :

- Je ne veux pas que Sébastien vende Amaranth… Je ne veux pas être séparé de lui… et puis c’est à moi que tu as demandé de l’élever… je veux tenir la promesse que je t’ai faite… ne le laisse pas le vendre Daevlyn… S’il te plait… ne le laisse pas…

Raphaël recommençait à se laisser envahir de nouveau par ses sentiments et Daevlyn tenta de le calmer avant qu’il ne se mette à dire n’importe quoi :

- Chuuut… calme-toi Raphaël… j’irais parler avec Sébastien, je te le promets…

Sur ces mots, il embrassa Raphaël sur les cheveux tout et le berça longuement tout en  lui murmurant des paroles de réconfort.

C’est alors que Daevlyn sentit quelque chose qu’il n’avait pas remarqué jusqu’à maintenant. Quelque chose de chaud et poisseux collait à sa chemise au niveau de son ventre, là où était posé le bras du jeune garçon. Il baissa les yeux et s’aperçut avec horreur que sa chemise était tachée de sang. Evitant le plus possible des gestes trop brusques et précipités, il se redressa incitant Raphaël à en faire de même. Raphaël regarda avec un étonnement non feint son moniteur déchirer le bas de sa chemise, ne comprenant pas ce soudain comportement. Face à l’interrogation qu’il pouvait lire dans les yeux rougis de l’adolescent, Daevlyn déclara :

- Tes plaies ont dû se ré ouvrir… fait moi voir ton bras…

L’adolescent le lui tendit sans faire de commentaire et Daevlyn enleva le bandage souillé pour le remplacer par un neuf. Il n’avait rien pour désinfecter la plaie et espérait que cela pourrait attendre leur retour au centre. Daevlyn ne fit aucune réflexion à Raphaël, se contentant de le soigner comme il le pouvait.

Ressentant le besoin de protection et de tendresse qui émanait de l’adolescent, Daevlyn l’attira à lui et lui déposa un chaste baiser au coin des lèvres, laissant à Raphaël le choix d’aller plus loin ou non. Raphaël partit à la recherche des lèvres de son moniteur, et prit possession de sa bouche. Il voulait se rassurer en s’assurant que Daevlyn était bel et bien à ses côtés. Le baiser qu’ils échangèrent n’avait rien de passionnel, c’était un baiser empli de désespoir.

Après ce qui leur parut durer une éternité, Daevlyn murmura afin de ne pas briser le silence de la forêt :

- On ferait bien d’y aller avant qu’ils ne s’inquiètent…

Raphaël n’esquissa pas un geste pour se lever, ce qui fit sourire Daevlyn. L’adulte lui déposa un baiser sur le front, le serrant plus fortement contre lui.

Quand enfin l’adolescent consentit à se lever le jour était en train de décliner à l’horizon.

Daevlyn alla chercher Waterfalls qu’il avait attaché à une des branches à quelques mètres de là et monta lestement sur son dos avant de rejoindre Raphaël. Là, il lui tendit la main, invitant l’adolescent à venir prendre place derrière lui. Pour le coup, Raphaël sentit ses joues s’empourprer violemment et c’est non sans une certaine gêne qu’il attrapa la main que lui tendait l’adulte. Avec souplesse, il grimpa à son tour sur le dos de l’animal et timidement, il passa ses bras autour de la taille de Daevlyn afin de garder l’équilibre. Tranquillement, il prirent la direction du ranch. Raphaël tentait désespérément de se concentrer sur les mouvements du cheval sous lui, afin de faire abstraction de la chaleur qui naissait lentement dans ses reins au contact du corps de Daevlyn si près de lui. A chaque pas de l’animal, son bassin se collait toujours plus près de celui de l’adulte sans qu’il ne puisse l’empêcher. La première fois, il avait sentit Daevlyn se tendre de son être à ce contact et il ne sut comment interpréter cette soudaine attitude. La tête posée contre le dos de Daevlyn, il remercia mentalement la providence d’être hors de porter du regard de son moniteur.

Après un long moment, ils arrivèrent devant un immense pré. En entendant Daevlyn parler, Raphaël ouvrit les yeux qu’il n’avait pas eut conscience de fermer.

- Tu es prêt ? Accroche-toi bien… déclara Daevlyn avec un sourire radieux étirant ses lèvres.

Raphaël n’eut pas le temps de répondre à son moniteur que déjà Waterfalls partait dans un galop endiablé, volant à dessus du sol. Ne s’attendant pas à ce brusque départ, Raphaël s’agrippa de toutes ses forces à Daevlyn qui lui dit :

- Détends-toi ! Laisse toi aller ! Sens les mouvements du cheval sous toi… suis le rythme…

Raphaël suivit les conseils de son moniteur et desserra sa prise sur sa chemise. Petit à petit, il trouva le rythme de l’animal et de son bassin, il le suivit afin de rester en parfaite harmonie avec les mouvements de sa monture. A chaque appuis, le corps de Raphaël allait rejoindre celui de Daevlyn. Au fur et à mesure de leur cavalcade, Raphaël sentait la température de son corps augmenter rapidement. Cependant, il chassa cette idée troublante, il se laissa guider par les sensations que lui apportait ce galop. Les yeux pétillants de joie malgré les larmes du à la vitesse, les cheveux volants dans son dos, Raphaël se sentait libre comme l’air. Il avait l’impression de voler. Jamais encore il n’avait ressentit une telle liberté. Les mouvements puissants et énergiques de Waterfalls lui donnaient l’impression de ne faire plus qu’un avec lui. Il avait l’impression d’être cette créature mythique appelée Centaure. Cette merveilleuse créature mi-homme mi-cheval…

Quand le galop prit fin, Raphaël abordait un sourire resplendissant. Encore grisé par l’expérience qu’il venait de vivre, il déposa un léger baiser sur la nuque de Daevlyn et lui murmura un “merci” à l’oreille avant de resserrer son étreinte autour de sa taille.

Après s’être arrêté au bord de la rivière afin de faire boire Waterfalls, il repartirent au pas jusqu’au centre. Lorsqu’ils arrivèrent, la nuit était définitivement tombée. Ils offrirent un pansage bien mérité à Waterfalls avant de le ramener au pré. Après quoi, Raphaël suivit son moniteur jusque dans sa chambre ou il alla désinfecter son bras puis ils se rendirent au réfectoire. Ils mangèrent tous deux en silence, profitant du calme qui régnait dans la salle vide.

Alors qu’ils se dirigeaient vers leur chambre, ils furent interpellés par Sébastien qui semblait être de très mauvaise humeur.

- Tous les deux !! Dans mon bureau immédiatement !!!!

Docilement, les deux coupables le suivirent dans un silence de mort. A peine furent-il entrés que Sébastien se mit à crier sur Raphaël :

- Mais qu’est-ce que tu as dans la tête non de dieu !!! Ca te prends souvent de t’enfuir comme tu viens de le faire ?  Tu n’es qu’un petit emmerdeur ! Je vais t’apprendre à bien te tenir !

Sur ces mots, il leva la main sur Raphaël, dans le but de lui administrer une gifle monumentale. L’adolescent lui lança un regard apeuré, et ferma les yeux en attendant le coup. Cependant, celui-ci n’arriva jamais.  Surpris, Raphaël ouvrit timidement les yeux et ce qu’il vit le laissa sans voix. Daevlyn tenait le poignet de Sébastien dans sa main, l’ayant arrêté à seulement une vingtaine de centimètres de sa joue. Il leva ses yeux sur son moniteur et sa surprise augmenta d’un cran au même titre que sa peur. Les yeux verts de Daevlyn lançaient des éclaires.  Jamais il n’avait encore vu un tel éclat meurtrier dans les yeux de son moniteur. D’une voix aussi glaciale que la calotte polaire, il déclara :

- Ne relève jamais la main sur Raphaël !

Il accentua volontairement sur le mot “jamais” afin de faire comprendre à Sébastien ce que cela impliquerait s’il tentait une nouvelle fois de le frapper.

Furieux, Sébastien retira violemment son poignet de l’étreinte douloureuse qu’exerçait Daevlyn sur celui-ci et lui lança un regard assassin, lui faisant parfaitement comprendre qu’il n’acceptait pas ce genre de comportement et qu’il y remédierait d’une façon ou d’une autre. Puis se tournant vers Raphaël, il lui dit, cachant mal la haine qu’il éprouvait :

- Ecoutes moi bien sale morveux ! Je n’ai jamais eut autant de problèmes depuis que tu es arrivé ! J’ai été patient jusqu’à maintenant, mais là je suis à bout ! A partir de maintenant, le moindre faux pas que tu feras te vaudra un retour direct de la d’où tu viens ! Est-ce clair ?

Les yeux remplis d’effroi et brillants de larmes, Raphaël hocha vivement la tête en guise d’acquiescement.

- Bien ! Maintenant sors ! Je dois parler en priver à Daevlyn !

Raphaël regarda son moniteur qui le rassura d’un regard en approuvant les paroles de Sébastien, puis, à contrecœur, il sortit du bureau. Il referma la porte derrière lui et se laissa glisser le long du mur. N’ayant plus la force ni l’envie de se montrer fort, il laissa échapper ses sanglots. Comment Sébastien avait-il pu lui dire toutes ces horreurs ? Pourquoi n’essayait-il pas de comprendre sa réaction au lieu de lui crier après ? Depuis le premier jour Sébastien ne lui inspirait pas confiance, sans qu’il ne sache réellement pourquoi. A présent, ses craintes s’étaient confirmées. Sébastien était un être fourbe et méchant. A cet instant, Raphaël craignait qu’il ne s’en prenne à Daevlyn afin de lui faire payer ses actes. Daevlyn qui avait osé braver son supérieur afin de le protéger… Si jamais il arrivait quelque chose à Daevlyn, jamais il ne pourrait se le pardonner… Il préférait encore subir les coups de Sébastien plutôt que de devoir s’éloigner de Daevlyn… Il avait peur… Pour se rassurer, il revit mentalement le dernier sourire que lui avait adressé l’adulte, un sourire qui lui demandait de lui faire confiance… bien sur qu’il avait confiance en Daevlyn… c’est en Sébastien qu’il n’avait pas confiance… Il éprouvait même une profonde aversion pour cet homme.

Soudain, des éclats de voix retentirent et malgré l’isolation sonore,  il entendit un mot qui capta toute son attention :

- … Amaranth…

Ils parlaient d’Amaranth… Que disaient-ils de lui ? Qu’est-ce -que Daevlyn était en train de raconter à Sébastien ? Etait-il en train de négocier pour le garder ?

Le couloir replongeant dans un silence lourd et pesant. A chaque seconde qui passait, Raphaël angoissait un peu plus. Il avait beau tendre l’oreille, aucun son ne sortait du bureau. Les minutes passèrent et de nouveau, des bribes de phrases lui parvinrent, il reconnut la voix de Daevlyn qui disait :

- … frère… mort… Raphaël…

Peu après, c’est Sébastien qui s’écriait :

- … penser…. Asiel…

Asiel… Pourquoi parlaient-ils d’Asiel ? Daevlyn lui avait-il révélé qu’il souffrait de dédoublement de personnalité ? Non… cela ne pouvait pas être vrai… Jamais Daevlyn n’aurait pu faire une telle chose… Raphaël sentait la colère l’envahir prodigieusement. Son désarroi faisait place à une haine sans limites… Une haine envers Daevlyn, mais surtout envers Sébastien… Tout ce qui arrivait était de sa faute… En lui, il sentait qu’Asiel commençait à se manifester… Non, il ne devait pas le laisser sortir… bien qu’à cet instant, il en mourrait d’envie… Il inspira longuement, tentant de réfréner cet élan destructeur et meurtrier qui l’envahissait peu à peu, signe qu’Asiel gagnait sur lui. Après s’être un peu calmé, il se leva d’un bon et ouvrit brusquement la porte du bureau…

Ce qu’il y vit alors le figea sur place, glaçant son sang dans ses veines et les paroles que murmura Sébastien le paralysa d’effroi :

- Il est mort, il ne reviendra plus !!! Je suis là moi et bien vivant et je t’aime. Laisse moi te…

Il n’entendit jamais la fin de la phrase… Il s’enfuit en courant, voulant chasser de sa tête l’image de Daevlyn et Sébastien intimement enlacés… Pourquoi ? Pourquoi son cœur se serrait si soudainement ? Pourquoi avait-il aussi mal ? Pourquoi Daevlyn lui avait-il dit qu’il l’aimait et toutes ces belles paroles si c’était pour tomber dans les bras du premier venu ? Qu’est-ce que Sébastien avait de plus que lui ? Il avait pourtant eut l’impression que Daevlyn tenait à lui.. Avait-il joué de lui ? Etait-ce un jeu pour Daevlyn ? Non… Il ne pouvait croire une telle chose… C’était impossible… Daevlyn ne pouvait pas être comme ça… Mais cette scène… Il n’avait pas rêvé… Il avait bien vu Sébastien s’apprêter à embrasser Daevlyn…

Une pensée lui vient alors à l’esprit… Est-ce que par hasard, Daevlyn en avait eut marre de l’attendre ? Il avait peut être envie de passer aux choses sérieuses… Les baiser et les quelques caresses sages qu’ils échangeaient ne lui suffisaient peut être plus… Cela remettait un tas de chose en question… Quels étaient les sentiments que Raphaël éprouvaient pour son moniteur ? Quelles étaient ces étranges sensations qui s’emparaient de lui lorsque Daevlyn l’embrassait ou le touchait ? Pourquoi est-ce que cela ne le répugnait pas comme lorsque… ? Pourquoi recherchait-il lui-même la douceur des mains de Daevlyn sur sa peau ? Cela signifiait-il qu’il était prêt à affronter son passé et franchir le cap avec Daevlyn ? Avait-il seulement envie de le faire avec Daevlyn… la réponse à cette question était tellement évidente qu’il ne prit même pas la peine d’y répondre…

Perdu dans ses pensées, il ne se rendit pas compte que ses pas l’avaient portés jusqu’au box d’Amaranth. Cependant, il ne fit pas demi-tour, souhaitant passer le plus de temps possible avec lui avant de le quitter pour toujours…

Le poulain sembla sentir la détresse qui l’habitait  car il vient à sa rencontre en hennissant doucement. Raphaël entra dans le box du poulain et après l’avoir refermé, il se laissa tomber à genoux, le corps secoué de sanglots.

Il pleura toutes les larmes de son corps, même quand il eut l’impression d’être vidé de toute l’eau qu’il contenait, les larmes elles ne se tarissaient pas.

Sourd à ce qui se passait à l’extérieur, il n’entendit pas Daevlyn entrer dans le box en l’appelant.

Cet article a été publié le Mercredi 17 octobre 2012 à 18:49 et est classé dans Mourir pour revivre. Vous pouvez suivre les commentaires sur cet article en vous abonnant au flux RSS 2.0 des commentaires. Vous pouvez faire un commentaire, ou un trackback depuis votre propre site.

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