Mourir pour revivre - Chapitre 9

Chapitre 9 écrit par Shinigami

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Un bruit à la porte de la chambre de Raphaël, le tira de son sommeil. Il émergea tout doucement de son sommeil en s’étirant avec fainéantise et émit un grognement endormis afin de faire comprendre à l’opportun qu’il était réveillé. A sa grande surprise, la porte s’ouvrit sur Daevlyn, tout sourire, tentant un plateau garnis d’un copieux petit déjeuner.

Avant que Raphaël ne réalise réellement ce qu’il se passait, Daevlyn déclara :

- Bonjour Raphaël, je pensais que tu aurais peut être faim. Moi j’ai faim, et j’aimerai vraiment partager ce petit-déjeuner avec toi. Je ne me sens pas de le manger tout seul.

Sur ce, l’adolescent le vit prendre une chaise et poser le plateau sur le lit. Un éclair de crainte traversa aussitôt son regard améthyste mais celui-ci fut très vite remplacer par le soulagement lorsqu’il vit Daevlyn s’asseoir à une distance raisonnable. Il lui adressa un sourire timide et gêné alors que ses joues prenaient une belle teinte rosée.

Ils entamèrent leur petit déjeuner. Tandis que Daevlyn faisait la conversation, Raphaël se contentait de hocher la tête par moment. Il aimait entendre la voix rassurante et mélodieuse de l’adulte. Cette voix un peu grave et posée l’apaisait. Elle avait le pouvoir de le faire se sentir en sécurité.

Plongé dans ses pensées, il ne se rendit pas compte que Daevlyn s’était tu. Se sentant observé, il releva la tête pour voir son moniteur le fixer, semblant lui aussi en pleine réflexion. Soudain, quelque chose de brillant attira son regard… A la fois étonné et inquiet, il plongea son regard dans les yeux vert de son vis-à-vis, espérant que celui-ci comprenne le message.

Daevlyn lui lança un regard interrogateur. Alors que Raphaël allait lui faire signe, l’adulte sembla comprendre. Du revers de sa manche, il essuya la petite goutte d’eau salée qui coulait le long de sa joue.

Raphaël se sentait perdu face au comportement étrange de l’adulte qui était responsable de lui. A son tour, il lui lança un regard dans lequel on pouvait lire un grand nombre de sentiments confondus. La surprise, l’incompréhension, l’impuissance, la crainte, mais aussi la détresse.

Ce qui toucha le plus Daevlyn dans ce regard, ce fut la détresse qu’il pouvait y lire. Il avait déjà vu ces autres sentiments dans ces prunelles améthystes, mais jamais encore il n’y avait lu autant de détresse. Pendant ce temps, les pensées de Raphaël fusaient :

« Pourquoi est-ce qu’il pleure ? Est-ce ma faute ? Ais-je fais quelque chose de mal ? Je me sens tellement responsable de ses larmes… que signifient-elles ? J‘aimerai tellement l‘aider… mais que puis-je faire ?… »

Brusquement, Raphaël tendit le bras et attrapa son carnet de note et son crayon posés sur sa table de chevet. Puis, il commença à écrire de son écriture fine et délicate.

« Encore vos démons intérieurs ? »

Il tendit le calepin à Daevlyn qui esquissa un faible sourire face à la question de l’adolescent. Il inspira un grand coup avant de répondre.

Il lui parla longuement, répondant patiemment aux questions que Raphaël lui « posait ».

Raphaël quant à lui était aux anges, jamais encore il n’avait autant parlé avec qui que ce soit. Mais ce qui le touchait le plus, c’est que Daevlyn ne semblait pas méfiant vis-à-vis de lui, il lui parlait comme à une personne normale, comme s’il n’y avait aucune différence entre eux.

Après un long moment, lorsqu’ils eurent terminé leur petit déjeuner, même si Raphaël avait à peine manger plus que d’habitude, Daevlyn envoya l’adolescent prendre sa douche. Puis, il alla réveiller les autres.

Raphaël ne se rendit pas au réfectoire Le petit déjeuner qu’il avait prit dans sa chambre avec Daevlyn lui suffisait amplement. Il fit comme à son habitude, et alla attendre son moniteur dans le hall. C’est alors que ses paroles de la veille lui revinrent en mémoire.

«  C’est vrai qu’il y a la randonnée aujourd’hui… »

L’adolescent fut vite rejoint par le reste du groupe. Tous étaient simplement vêtus d’un short et d’un T-shirt, ainsi que d’un sac qui contenait  leur affaire de baignade.

Seul Raphaël ne dérobait pas à ses habitudes. Sans prêter attention aux regards moqueurs posés sur lui, il restait là à attendre, les yeux rivés sur le sol.

L’heure du départ arriva. Raphaël les laissa prendre un peu d’avance puis les suivit, quelques dizaines de mètres derrière. Il marchait à son rythme, observant la nature autour de lui. Jamais il ne s’était sentit aussi libre, sans personne pour le surveiller, ou lui taper dessus à longueur de journée.

Un hurlement strident provenant d’au dessus de lui, lui fit lever la tête. Les yeux perdu dans l’immensité azure, il observait la silhouette d’un oiseau qui virevoltait dans le ciel.

- C’est un aigle royal, déclara une voix qu’il ne connaissait que trop bien.

Raphaël se retourna et sourit timidement à Daevlyn avant de reporter son attention sur le rapace. Lorsque celui disparut de leur champ de vision, ils reprirent leur route. Daevlyn s’amusait de voir Raphaël s’extasier à la vue d’un écureuil, ou devant une fleur au couleurs vives qui attirait son attention.

Raphaël, lui, était au comble du bonheur. Jamais encore il n’avait eut l’occasion de se promener en pleine nature. Un rien l’émerveillait. Il faisait l’effet d’un enfant qui découvre le monde extérieur.

Ils marchèrent à leur rythme durant de longues heures encore. Daevlyn apprenait à Raphaël le nom des fleurs qu’il connaissait, et lui expliquait comment reconnaître et différencier les empruntes des animaux qu’ils voyaient au sol.

Lorsqu’ils arrivèrent au lieu du pique nique, le groupe était déjà là. Les moniteurs surveillaient les ados et tous mangeaient à l’ombre des arbres. Raphaël alla s’asseoir à l’écart du groupe, et Daevlyn lui apporta un sac contenant son repas de midi, qu’il déposa à ses pieds avant de reculer de quelques pas.

Raphaël le remercia d’un signe de la tête et commença à manger distraitement, alors que Daevlyn retournait voir Sébastien qui l‘appelait. L’adolescent mangea rapidement un bout de son sandwich en regardant les autres qui se baignaient dans la rivière.

Lassé des cris de ses aînés, Raphaël se leva et s’éloigna en longeant le cours de la rivière. Il marcha de longues minutes jusqu’à ce qu’il arrive devant une sorte de crique. A ses pieds, le chemin s’arrêtait brusquement, laissant place à une falaise abrupte au pied de laquelle,  une dizaine de mètres plus bas, l’eau avait creusé  une sorte de « baignoire ».

De l’autre côté, en face de lui, la forêt reprenait ses droits et d’immenses arbres surplombaient le vide. Les rires des adolescents retentissaient sur les parois de la falaise. Raphaël baissa les yeux et les vit, ils jouaient à s’éclabousser. Ce qu’il ne savait pas, c’est que trois d’entre eux se trouvaient derrière lui et lui préparaient une mauvaise blague. Malheureusement pour eux, Daevlyn les avaient suivit, et les observaient discrètement.

Soudain, un coup dans son dos lui fit perdre l‘équilibre. Emporté par son élan, Raphaël se sentit basculer dans le vide. Avant que Daevlyn ne comprenne les intentions des trois garçons, un long hurlement strident retentit. Le souffle de Raphaël se coupa sous la violence du choc. Étourdi par le choc, il resta de longues secondes sans bouger, une vive douleur lui vrillant les tempes. Le manque d’air se fit alors ressentir et Raphaël commença à paniquer, ce qui vida ses poumons du peu d‘air qui lui restait. Sa frayeur augmenta d’un cran  lorsqu’il s’aperçut que malgré ses efforts pour regagner la surface, celle-ci semblait s’éloigner de plus en plus.

Ses oreilles sifflaient, sa vision se brouillait et il avait l’impression d’avoir les poumons en feu.

Au prit d’un ultime effort, il réussit à atteindre la surface. A la façon des sirènes, il émergea et prit une grande inspiration, remplissant ses poumons de cet air si précieux.

Malgré l’épuisement qui envahissait son corps, il regagna la rive à la nage. Cependant, il aurait préféré mourir à cet instant précis. Quand il sortit de l’eau, tous les adolescents le regardaient et se riaient de lui en le montrant du doigt.

Jamais Raphaël n’avait été autant humilié en public. Ses yeux le brûlait, et sans qu’il ne s’en rende compte, des larmes silencieuses s’échappèrent, roulant librement sur ses joues. Ne pouvant en supporter d’avantage,  il s’enfuit en courant, sans regarder ou il allait.

Daevlyn faisait face aux trois adolescents. Avant qu’il ne réalise son geste, il poussa Steven dans le vide, comme celui-ci venait de faire avec Raphaël et partit en courant à la recherche de ce dernier.

Raphaël courait. Il ne faisait pas attention aux branches qui lui griffaient le visage, ni au sang qui s’échappait de sa blessure à la tempe. La vue brouillée par les larmes, il trébuchait sur les racines des arbres, mais n’y faisait pas attention. Il voulait fuir… fuir ce monde ou la cruauté régnait.

Lorsque le souffle vient à lui manquer, il se vit obligé de s’arrêter. A contre cœur, il se laissa tomber au pied d’un arbre et il hurla. Il hurla sa tristesse, son désespoir, sa douleur et sa rancune. Un flot de sentiments plus assourdissant les uns que les autres l’envahissait. Un hurlement de bête blessée, non pas seulement dans son corps, mais aussi dans son âme. Il voulait exorciser sa douleur, le déchirement qu’il venait de ressentir dans son âme.

Des spasmes violents parcouraient son corps de violents frissons. Sa respiration était saccadée, l’air lui manquait… il étouffait…

- Respire doucement… là… voilà, comme ça… plus lentement… fait entrer l’air dans tes poumons…

Cette voix… Daevlyn… comment l’a-t-il retrouvé ? Tant de questions qui se bousculent dans l’esprit du jeune garçon.

De longues minutes plus tard, la respiration de Raphaël se calma. Conscient de ce qu’il venait de se passer, Raphaël se bouina contre l’arbre, souhait à cet instant précis, disparaître sous terre, loin du regard de Daevlyn.

Celui-ci sembla sentir la détresse et le mal être de l’adolescent car il le rassura, d’un ton doux et calme.

Le sang et les larmes brouillaient la vue du jeune garçon. Il distinguait à peine la silhouette de l’adulte assit en face de lui à quelques mètres de lui, mais suffisamment proche pour qu’il puisse entendre sa voix. Malgré la chaleur ambiante, le corps de Raphaël était parcourut de frissons et ses vêtements mouillés n’arrangeaient vraiment pas les choses.

Daevlyn attendit patiemment que Raphaël se calme. Puis, ils retournèrent au bord de la rivière. D’abord réticent, l’adolescent fini par céder et suivit Daevlyn. Lorsqu’ils arrivèrent, tous les regards se tournèrent vers eux dans un silence de mort. Daevlyn fit signe à Raphaël de s’asseoir sur un des rochers au soleil, tandis qu’il allait chercher la trousse de secours, avant de revenir vers lui.

Daevlyn posa devant l’adolescent une compresse imbibée de désinfectant. Raphaël fit mine de la repousser mais Daevlyn intervint. Toujours d’une voix douce, il lui dit :

- Il faut soigner ta blessure à la tempe Raphaël… Aller, s’il te plait…

Le jeune garçon prit alors la compresse et  l’appliqua sur sa blessure. Il frémit au contact du produit, alors qu’une violente brûlure se faisait ressentir.

Autour d’eux, personne n’osait briser le silence d’une quelconque façon. Tous regardaient la scène irréaliste qui se déroulait sous leurs yeux.

Ce fut Daevlyn qui brisa le silence :

- Il faut te changer Raphaël. Tu ne peux pas rester avec tes habits trempés.

A ses mots, Raphaël frémit. Pour rien au monde il ne se changerait, et encore moins alors que tous les regards étaient focalisés sur lui.

Daevlyn enleva son T-shirt, dévoilant ainsi un torse puissant et bien proportionné. Une peau bronzée sous laquelle se dessinait une musculature parfaite, juste ce qu’il fallait pour rendre harmonieux ce torse imberbe. Il le tendit à l’adolescent, mais celui-ci n’esquissa pas un geste pour le prendre, son regard fixant toujours le sol.

Daevlyn eut beau insister, il n’obtint aucune réaction de la part du jeune garçon. Il s’était renfermé sur lui -même et ne semblait pas vouloir sortir de sa bulle.

- Très bien, je respect ta volonté, mais reste au soleil afin de faire sécher tes vêtements. Je reviens.

Sur ces paroles, il s’éloigna en direction des moniteur, tuant Steven du regard.

Quelques minutes plus tard, il retourna auprès de Raphaël et lui dit toujours sur le même ton :

- Viens Raphaël, nous rentrons… Raphaël ?

L’interpellé leva vers lui un regard vide de toute expression, et lentement, il se leva du rocher sur lequel il était assit.

Le chemin qui les ramenait au centre ne leur aura jamais parut aussi long. Les heures se succédaient, interminables et éprouvantes, aussi bien pour l‘un que pour l’autre.

Au bout de trois heures de marche, Raphaël commença à tituber. Il marchait à la manière d’un automate, ne regardant pas ou il mettait les pieds. Il trébuchait tout les deux pas, se rattrapant au dernier moment. Sur ses joues, les larmes n’avaient pas cessées de couler depuis l’incident.

Après un énième trébuchage, Raphaël  n’eut pas le courage ni même la volonté de se rattraper et s’affala de tout son long sur le chemin caillouteux.

Daevlyn se précipita vers lui et déclara d’une voix encourageante :

- Nous sommes bientôt arrivé Raphaël encore un petit effort.

Raphaël était à bout de force. Cependant, la voix de Daevlyn lui donna le courage de se relever. Au prix d’un immense effort, il se releva avec difficulté. La terre maculait ses vêtements et son visage. La plaie sur sa tempe s’était ré ouverte et le sang  avait coaguler. En un mot, il était lamentable. Il se sentait lamentable…

Cependant, Daevlyn ne lui avait pas mentit. Après quelques minutes, il arrivèrent au ranch. L’adulte envoya directement l’adolescent prendre sa douche.

Raphaël passa prendre son matériel de douche sans s’attarder dans sa chambre et se rendit dans les douches. Il s’enferma dans la première cabine venue et tourna le robinet d’eau chaude, réglant la température au degré le plus haut, sans prendre le temps de se déshabiller.

Une fois calmé, il retira non sans difficulté ses vêtements trempés et les jeta hors de la cabine.

Machinalement, il lava ses cheveux, enlevant la terre séchée et fit de même avec son corps. Alors qu’il reposait son savon dans sa trousse de toilette, un objet attira son attention. Il avança la main vers lui et s’en empara.

Lentement, il le fit glisser sur son poignet, dont la veine offerte semblait l’appeler. Un mince filet rouge s’échappa de la coupure. Fermant les yeux, Raphaël rejeta la tête en arrière, la bouche entrouverte en un cri d’extase muet. Il réitéra plusieurs fois le même geste, enfonçant de plus en plus profondément la lame dans sa chair. Il ressentait la douleur et l’aimait… Cette douleur qui le faisait se sentir vivant… Cette douleur qui était signe que son sang s’échappait de son corps, emmenant avec lui, toute la souffrance qu’il contenait.

Lorsque la souffrance de Raphaël se fit moins forte, il reposa la lame dans sa trousse de toilette et nettoya de le bac de douche, qui s’était coloré de rouge.

Une fois fait, il enfila son pyjama, ramassa ses affaires trempées et regagna sa chambre. Il étendit négligemment ses vêtements et se laissa tomber sur son lit, épuisé physiquement et moralement. Il se glissa sous les couverture puis s’endormit, très vite happé dans un sommeil réparateur, si bien qu’il n’entendit pas Daevlyn entrer dans sa chambre et s’asseoir sur le rebord de son lit.

Il dormit d’un sommeil lourd et sans rêves.

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