4
août

Silent scream - Chapitre 10

   Ecrit par : admin   in Silent scream

Chaptitre 10 par Lybertys

Boston, 27 aout 1800

Comme Shaolan l’avait prédit, le conseil était en ébullition. Nous avions eu quelques semaines de répit avant de voir débarquer en Ile de France un de leurs assassins. C’est pourquoi Ezekiel décida que nous devions quitter ce manoir, qui n’était plus un lieu protégé pour nous. Je sentais bien que cette idée de fuir lui déplaisait et que j’en étais en grande partie responsable, mais je n’avais rien demandé à Ezekiel, me contentant de me soumettre à son bon vouloir. S’il se refusait à m’abandonner et me gardait à ses côtés, je ne voyais pas en quoi j’aurais du avoir ne serait-ce qu’une once de culpabilité.

Par une nuit d’été, nous embarquâmes sur le premier navire en partance pour les Amériques. Tout comme mon créateur, je n’y était jamais allé. Le trois juillet, après une traversée de quinze jours, nous débarquions à New-York. Nous changions de ville toutes les semaines afin de brouiller leur piste, pareil à des bêtes traquées. Si je me sentais toujours aussi vide et que cette vie m’indifférait au plus au point, ce n’était pas le cas d’Ezekiel sur qui cette vie de vagabond commençait à peser.

Malgré cela, il continuait à me traîner, comme une charge, cachant au mieux son inquiétude et son exaspération vis à vis de mon attitude. Vivre en ma compagnie était semblable à vivre avec l’ombre de ce que j’avais été…

En cet instant, je le sentais m’observer alors que je lâchais sans ménagement une jeune fille que j’avais trouvé sur mon chemin, repus de son sang qui n’avait pour moi plus aucun goût. Il servait simplement à remplir mon corps à défaut de mon âme. Le sang barbouillait mon visage inexpressif, coulant dans mon cou, et je ne fis cependant aucun geste pour l’essuyer. Soupirant d’exaspération, Ezekiel déclara sur un ton de reproche :

- Il me sembla t’avoir appris à tuer, certes sans discernement, mais avec tout de même un minimum de prestance et de savoir faire !

Je ne répondis rien, me contentant de lui adresser cet éternel regard absent et creux, incapable de faire autrement et dénué de l’envie de faire un effort. Cependant, je n’eus pas le loisir de me détourner de lui, et sans avoir le temps d’en comprendre la raison, Ezekiel se jeta sur moi, me poussant violemment et sans le moindre ménagement sur le côté. Légèrement sonné par le choc, il ne me fallut pas longtemps pour me rendre compte qu’un autre vampire se dressait maintenant face à Ezekiel.

Un rictus mauvais étira les lèvres d’Ezekiel, une expression de haine que je n’avais jamais vu sur lui. Ce simple rictus se transforma brusquement en une animosité farouche sans que je n’en comprenne vraiment la raison, alors qu’il détaillait son adversaire qui semblait être un assassin du conseil. Les yeux injectés de sang, les crocs découverts, j’étais presque autant effrayé par lui que par son adversaire. Soudain, sans le moindre signe précurseur, Ezekiel sauta à la gorge de l’assassin, déclenchant un combat dont l’issue ne serait que la mort de l’un des deux. Son désir de le tuer était tellement fort qu’il m’irradiait de terreur, déchainant une telle fureur que le sang que je venais d’avaler semblait se glacer d’effroi dans tout mon être. Pour la première fois de ma vie, je ressentis une réelle peur vis à vis de celui avec qui j’avais partagé la plus longue partie de ma vie.

Durant tout le long de ce combat acharné, je ne pus détacher mon regard d’Ezekiel, immobile, spectateur de sa folie meurtrière. Jamais mon imagination à son propos n’aurait égalée ce qui se déroulait sous mes yeux. Le coeur au bord des lèvres, tout mon être me hurler de cesser de regarder. A près un temps insoutenable, Ezekiel finit par prendre l’avantage sur l’autre vampire et d’une gifle puissante qui arrachant la moitié du visage de l’assassin, il l’envoya au sol. Attrapant au même instant un objet pointu, celui-ci finit planté en plein cœur du vampire.

Alors que celui-ci rendait son dernier souffle de part cette mort plus que brutale, Ezekiel lui arracha ce qui semblait être un médaillon avant de se le passer autour du cou. Il me sembla alors qu’il murmurait d’une voix froide comme s’il ne venait pas d’accomplir ce meurtre avec une violence inouïe :

- Et un de moins…

Sans adresser le moindre intérêt pour le cadavre qui jonchait sur le sol, il reporta son attention sur moi. Incapable de faire autre chose que de le regarder avec surprise et incompréhension, je me gardais bien de lui poser la moindre question. J’avais cette cruelle impression de réaliser que je ne connaissais rien de lui et que ce qu’il me montrait n’était qu’un masque. Je venais d’avoir un véritable aperçu de la folie qui le rongeait, allant même jusqu’à me demander s’il parviendrait un jour à s’en défaire. Et pourtant, tout instable qu’il était, il continuait à me vouloir à ses côtés. Pourquoi m’avait-il choisi ? Qu’avais-je de si particulier à ses yeux pour qu’il fasse de moi sa seule et unique créature ? Pourquoi s’acharnait-il à me traîner avec lui ? De nombreuses question semblables déferlèrent dans mon esprit, incapable cependant de leur trouver une réponse.

Qu’est ce qui le liait ainsi à moi et le forçait à me protéger ? Jusqu’où serait-il prêt à aller en risquant sa vie et quelles étaient ses limites… Me sortant brusquement de mes pensées, il déclara soudain, sans cacher sa rancœur, furieux contre moi et ma faiblesse, sur un ton qui me faisait bien comprendre que je n’avais pas le choix :

- Demain nous commençons ton apprentissage !

Et sans me laisser le temps de répondre, il me tourna le dos et disparut dans les ténèbres de la nuit. Ne me risquant pas à le suivre, je restais là, immobile, tentant de digérer ce que je venais de voir. Il me fallut beaucoup de temps avant de me lever et encore sous le choc, mes jambes tremblantes me firent comprendre qu’il fallait que j’y aille progressivement, loin d’être remis.

Sans pouvoir résister, je m’approchais du cadavre qui gisait à quelques mètres de moi. A la vue de son corps mutilé et de son visage dont la moitié manquait, je ne pu retenir un haut le cœur, si bien que je me retrouvait plié en deux, en train de vomir tout le sang dont je m’étais nourri cette nuit. Sans trop m’en rendre compte, les larmes se mirent à couler, trop chamboulé et choqué pour pouvoir rester de marbre. Des spasmes pareils à des soubresauts secouaient mon corps, comme s’il avait du mal à accepter ce à quoi j’avais dû assister. Ezekiel n’assista heureusement pas à ce sursaut d’émotions. Renflouées au plus profond de moi, une peur et une profonde tristesse que je savais éphémères se déversaient en moi. Finirais-je un jour comme ce vampire ? Est-ce qu’Ezekiel craquerait et déchainerait sa folie sur moi, lassé de ma présence à ses côtés ? Contrairement à ce vampire, je savais que je ne ferais jamais le poids, perdant la vie à l’instant même ou mon créateur le déciderait….

Pourquoi avait-il besoin de moi ? Peut-être n’étais-je qu’un passe temps pour lui… Désirait-il que je reste vivant à ses côtés par simple esprit de possessivité. Je n’étais finalement que sa chose, un simple pantin qu’il utilisait à sa guise, et bien trop faible pour lui résister.

Essuyant le sang qui maculait ma bouche, je finis par me redresser. Sans un regard sur le cadavre, je me mis en route, errant à travers les rues désertes. Bien que peu à peu la faim commençait à me tirailler, je me savait incapable de la satisfaire cette nuit. Les visages et les corps sans vies de mes victimes venaient brusquement me hanter. Ezekiel faisait peu à peu de moi un monstre à son image…

Je me trainais plutôt que je ne marchais jusqu’au lieu ou nous dormions. L’aube allait se lever et Ezekiel semblait déjà être dans son cercueil. Regagnant le mien, je fermais aussitôt les yeux, priant pour que mon état redevienne comme avant cette nuit. Ne plus rien ressentir, se contenter d’être le jouet d’un fou, cela était finalement bien plus reposant…

Comme Ezekiel me l’avais annoncé, nous commençâmes mon apprentissage les nuits qui suivirent. Jamais nous abordâmes la nuit du meurtre et mon état était heureusement redevenu comme avant, semblable à une forme de protection, comme une carapace qui me protégeait de moi-même.

Des semaines durant, il m’appris à rejeter toute intrusion de sa part dans mon esprit. Loin d’être un professeur doux et attentionné, il avait du plusieurs fois s’énerver violemment, ne supportant pas mon échec et désirant à tout prix me faire comprendre l’intérêt d’un tel exercice. Par manque de motivation cependant, et ne comprenant pas comment lui résister réellement, l’épuisement et la résignation commençait à me gagner. Après un énième échec de ma par Ezekiel s’emporta violemment, énervé de me voir si peu impliqué dans ma tâche :

- Quand est-ce que tu te décideras à te secouer Alakhiel ! S’exclama-t-il furieux. Je veux bien faire un effort, être gentil et patient, mais ma patience a des limites et tu es en train de me pousser à bout !

Je n’eus aucune réaction, n’ayant de toute façon rien à répondre, me surprenant à ne pas craindre ses menaces. Pourtant Ezekiel ne semblait pas prêt à se contenter d’un simple avertissement. Fulminant de rage, il pénétra à nouveau mon esprit avec acharnement, me réservant quelque chose qui ne me laissait rien présager de bon. Alors qu’il survolait les pensées qu’il avait maintes et maintes fois explorées, je commençais à prendre réellement peur. Je le sentais remonter chronologiquement dans mes souvenirs. Je ne pouvais cependant rien faire pour l’arrêter, n’ayant toujours pas saisis comment faire pour l’en empêcher. C’est alors qu’il allait bien plus loin que je n’en l’aurait cru capable, s’attaquant aux souvenirs que j’avais cru inaccessibles, oubliés à jamais. Avec une force décuplée par la rage qui le consumait à mon égard, il fit remonter toutes les images que j’avais volontairement occultés de mon esprit. Vacillant sous le flot d’images toutes plus horribles les unes que les autres, il me fit revivre la mort d’Élisabeth. Je crus qu’il m’arrachait le cœur à pleine main, engendrant une douleur si vivre que je crus ne jamais pouvoir échapper à cette torture, faisant preuve d’une cruauté sans merci. S’attaquant sauvagement à moi, il ouvrit à nouveau des plaies béantes qui faisaient suffoquer mon âme. Mon visage se déforma sous la douleur, alors que je serais les poings de rage et d’impuissance, incapable de lui échapper, alors que je m’étais juré de ne plus jamais refaire face à cela.

Comme s’il n’en avait pas déjà assez fait, m’ayant fait subir la pire de toute les horreurs, il remontant à l’origine de toute cette souffrance intérieure que je ressentais, n’ayant que faire de mon être à l’agonie, ravivant la haine profonde que j’avais toujours éprouvé à son égard. Sans la moindre pitié, il m’envoya les images de cette nuit au court de la quelle il m’avait fait sien dans tous les sens du terme. Si je n’avais eut que de vagues souvenirs flous de cette nuit là, plus aucun doute ne m’était maintenant permis sur ce qu’il m’avait fait. Tressaillant sous la surprise, n’étant plus vraiment maître de mes réactions, mes joues prirent une belle teinte carmine face aux images de nos deux corps charnellement enlacés.

Soudain, quelque chose se déclencha en moi, ma santé mentale étant clairement menacée à être ainsi maltraitée… Grâce à un pur réflexe de survie dont j’ignorais l’existence, mu par le danger significatif que je courrais, je l’expulsais de mon esprit, alors que mes mains se posaient sur son torse. Avec une force insoupçonnée, je l’envoyais atterrir sur le sol quelques mètres plus loin. Je me sentais investit d’une puissance que je n’avais jamais connu, une puissance semblable à un instinct bestial. Debout, toujours immobile au même endroit, je sentais Ezekiel qui s’était redressé sur ses deux coudes, me regarder avec un mélange d’incrédulité et de fascination. Les yeux rivés sur le sol, je fulminais d’une rage sans nom, les poings serrés le long de mon corps.

Revenant peu à peu à moi, je redressais lentement la tête et reportait mon attention sur mon bourreau, habité par la haine. Loin d’être tout à fait moi-même, perdu et encore chamboulé par ce que je venais de vivre, je tressaillis violemment lorsque mon regard se posa sur son corps. Le coup que je lui avait porté avait déchiré sa chemine sur toute la longueur, découvrant sans pudeur la peau d’albâtre de son torse et de son ventre. Mes yeux chargés d’éclairs se calmèrent instantanément, me sentant investit d’une tout autre forme d’intensité. Un désir d’une puissance sans nom s’empara brusquement de moi face à la beauté du corps de mon créateur. Ne cherchant pas à comprendre pourquoi je ressentais une telle chose, je ne fis rien pour m’en empêcher ou pour le cacher. Peut-être n’étais-je plus vraiment moi-même, ne pouvant être envahi que d’une seule émotion à la fois. Rien ne pourrait battre ou faire taire l’envie de lui que j’éprouvais.

Semblant s’apercevoir de son état après un bref coup d’œil sur sa chemine, Ezekiel reporta toute son attention sur moi, un sourire carnassier étirant un coin de ses lèvres. Bougeant légèrement, il fit tomber le bout de tissus et les mèches de cheveux qui recouvraient encore son épaule, la dénudant de façon plus qu’aguicheuse. Au même moment, il écarta les cuisses de manières provocante et explicite, sans la moindre once de honte ou de pudeur.

Je ne pus que tressaillir violemment face à la vue de son corps alanguis. Mais loin de s’arrêter là, Ezekiel me nargua un peu plus, attisant plus qu’il n’était possible le brasier qui s’enflammait en moi, en passant sa langue sur sa lèvre supérieure en une provocation outrageuse.

Ne résistant plus et d’un bon d’une célérité dont je ne me serais jamais cru capable, je fondis sur lui, le retenant prisonnier de mon corps, mes ongles griffant avec rage la peau satinée de son ventre alors que mes lèvres dévoraient les siennes avec une avidité déconcertante. N’étant plus maître de mes actes, je laissais se déchaîner le désir qui m’oppressait. Mon bassin ondulait sur le sien avec une sensualité qui ne cachait rien de mon envie de lui, semblant attiser un appétit semblable chez mon amant. Alors qu’il pouvait sentir mon intimité gonflée pulser contre sa cuisse, je l’entendis pousser un soupire de satisfaction. D’un geste guidé par l’intensité du désir qui me consumait, je mordillais sauvagement sa lèvre inférieure, engourdis par leur saveur, tout en me déhanchant sur son intimité. Posant brusquement ses mains sur mes fesses, sans un geste possessif, il m’attira un peu plus à lui, faisant se frotter nos bassins, gémissant son plaisir sans la moindre pudeur. Les petits cris de plaisir qu’il se mit alors pousser, écartant encore plus ses cuisses, ne faisaient qu’augmenter de façon considérable le feu qui se déchaînait en moi, me rendant comme fou. Me retenant prisonnier de ses jambes, il ondulait éhonteusement sous moi, se cambrant violemment  afin d’amenuiser au maximum la distance qui séparait nos deux corps. Me durcissant plus que jamais contre lui, ivre de cette proximité charnelle, j’assistais à l’ardeur et l’avidité grandissante de mon amant. Une plainte de plaisir à l’état pur, entre le feulement et le gémissement vint caresser mes oreilles. Galvanisé par ce son des plus érotiques, je lâchais ses lèvres et laissais ma langue partir à l’aventure dans son cou, goûtant sa peau comme jamais je ne me l’étais permis avant aujourd’hui. Alanguis entre mes mains, Ezekiel se laissait totalement aller comme jamais il ne l’avait fait avec moi.

Découvrant son corps pour la première fois, j’avais l’impression que sa peau brûlait sous mes doigts qui couraient sur celle-ci avec ardeur et volupté. Effleurant la peau sensible de son ventre, je pouvais sentir ses muscles se contracter sous l’afflux de sensations, tandis que taquine, ma langue goûtait chaque parcelle de la peau de son cou, résistant à grand peine à l’envie d’y planter mes crocs. Donnant de la voix, Ezekiel ne se retenait par pour gémir de plaisir, m’encourageant à aller plus loin. Le rendant fébrile sous mes attouchements, je gagnais peu à peu en vigueur. Savait-il à quel point il se mettait ainsi à ma merci ? Était-ce par confiance en moi, ou tout simplement en lui-même ?

Les lèvres entrouvertes, je pouvais sentir son souffle erratiques, tandis qu’une de ses mains se perdaient dans ma chevelure et que l’autre s’accrochait à mes fesses. Je sentais qu’il s’abandonnait totalement à moi, me laissant pour la première fois les rênes de notre plaisir commun. Ne pouvant attendre davantage, et jugeant que c’était le moment propice à cela, je plantais alors mes canines dans son cou, déclenchant chez mon amant un cri de pur plaisir alors qu’il se cambrait brutalement. Aspirant son sang de manière semblable à la fois où il avait fait de moi un être de la nuit, je pressais mon bassin contre le sien, collant à mon plus grand plaisir, nos corps l’un contre l’autre.

Je ne bu que quelques gorgées de sang, enivré par son odeur et la chaleur ensorcelante qu’il dégageait. La saveur de sa peau en contact avec mes lèvres était sans pareille. Ce fut à contre cœur que je me détachais de son cou avant de plonger mon regard dans le sien, voilé par le désir. Du sang maculait mes lèvres et coulait sur mon menton et dans mon cou. Je n’avais pas refermé la plaie du cou d’Ezekiel, remettant ce geste à plus tard. Du sang s’en échappait toujours, grisant mon odorat.

Ne sachant plus me contenir, ni que faire à partir de maintenant et encore moins jusqu’où Ezekiel me laisserait aller, je déclarais d’une voix rendue rauque par le désir, sans le quitter des yeux :

- Ezekiel…

Gémissant ainsi son prénom, je ne pouvais m’empêcher de me frotter lascivement contre son intimité, guidé par l’intensité d’un désir qui me dépassait. Quelque chose sembla céder dans la volonté de mon amant. Son regard déjà voilé, n’était plus qu’un appel à la concupiscence. D’une voix plaintive et haletante, il m’implora alors :

- Enflamme-moi, Alakhiel… Touche moi… Caresse-moi…

Galvanisé par ses mots, semblables à un chant ensorcelé, je me jetais voracement sur ses lèvres, les happant avec une avidité non feinte, comme si ma vie en dépendait. Franchissant la barrière de ses lèvres, accédant à son invitation, j’entraînais sa langue dans un ballet rythmé par mon vouloir.

Momentanément repu, je mis fin au baiser, lui arrachant un gémissement de frustration, et replongeais en direction de son cou. Du bout de la langue, j’happais le sang qui maculait sa gorge et coulait jusqu’à son torse dénudé, le rouge carmin contrastant sensuellement avec la pâleur nacrée de sa peau. Me pourléchant les lèvres avec gourmandise, je consentis finalement à cicatriser sa plaie d’un coup de langue qui le fit gémir bruyamment. Puis, prenant plus d’assurance, les oreilles encore bercées par sa supplication, je me décidais à partir à la découverte du reste de son corps. Redessinant ses courbes gracieuses, je pris réellement conscience de sa beauté comme jamais il ne m’était arrivé de le ressentir au plus profond de mon être.

D’un geste maladroit, j’entrepris de déboutonner son pantalon, lui arrachant des cris de contentement à chaque fois que mes doigts effleuraient par mégarde son intimité douloureusement tendue. L’instant suivant, mon amant se retrouvait nu et totalement exposé à mon regard empli de désir et de convoitise. Dans la volonté de me pousser encore plus loin, un sourire aguicheur étira ses lèvres, plongeant son regard dans le mien, tout en laissant courir son index sur son torse. L’attrait que je ressentais déjà pour lui se transforma brusquement en un besoin si grand qu’il me semblait insatiable. Déglutissant avec difficulté, je suivais son doigt des yeux, hypnotisé par son manège.

Cependant, à bout de patience, ne tenant plus, je fondis sur lui avec vélocité, comme s’il était ma proie. Mes mains ancrées sur ses hanches, je m’emparais avidement de ses lèvres trop longtemps négligées pour un baiser qui laissait à démontrer toute ma frustration. Puis, mettant fin à cet échange qui nous laissa tous deux pantelants, je laissais de nouveau ma langue explorer son corps, reprenant ma course ou je l’avais arrêtée. Loin de vouloir me précipiter malgré le désir qui me rendait irraisonné, ma langue s’attarda sur ses boutons de chair durcis par le plaisir violent que je semblait éveiller chez mon vis à vis, lui arrachant une énième plainte de contentement.

Puis, perdant de leur intérêt, je les abandonnais et repris ma course en direction de l’aval, me rapprochant inexorablement de la source principale de son plaisir. Tout me laissait à penser que je n’étais pas dans un état normal, n’ayant jamais agit ainsi auparavant, surtout avec celui qui venait de me faire violemment souffrir et qui était à l’origine de la vie maudite que je menais. Pourtant, je ne pouvais faire autre chose que de laisser parler mon corps, le libérant des contraintes de la pensée, pour me consacrer uniquement au plaisir et à la volupté.

Ma langue redessina les vallons formés par les muscles puissants de ses abdominaux, tandis que lâchant ses hanches, ma main alla se poser à l’intérieur de sa cuisse, sur laquelle j’imprimais un lent mouvement de va et vient qui lui arracha un long soupire de frustration. Mais contre toute attente de sa part, ce soupir se transforma subitement en un cri de plaisir à l’état brut, lorsque sans la moindre hésitation, je pris son désir en bouche, l’enveloppant entre mes lèvres.

Jamais je n’avais ressentis ce besoin pressant de satisfaire l’autre, me contentant durant mes deux seules expériences à simplement recevoir de la part de l’autre. J’entamais un lent va et vient, en reportant mon attention sur lui, je ne le lâchais pas du regard imprimant en ma mémoire les traits de son visage à la fois détendu et crispé par le bien être que je lui procurais. Galvanisé, Ezekiel plongea ses mains dans mes cheveux me faisant frissonner. Malgré tout, il ne m’incita pas à faire quelque chose contre mon gré, me laissant le libre arbitre alors que je pouvais facilement imaginer l’intensité du désir qui lui vrillait les reins.

Exalté au possible par la douce torture que je lui infligeais Ezekiel ne s’empêchait pas de crier son plaisir :

- Alakhiel…

Jamais encore je ne le l’avais vu ainsi, ni ne m’étais sentis dans une telle position de domination de plaisir qui m’électrisait au plus haut point. L’entendre ainsi crier mon prénom et s’abandonner désespérément à moi était la plus belle de toutes les récompenses. L’expression qui ornait son visage tourmenté en aurait rendu fou plus d’un, m’empêchant de le quitter des yeux ou de cesser la course folle que nous entamions jusqu’à sa jouissance.

J’avais cette impression étrange d’être le premier à qui il s’abandonnait ainsi, me laissant prendre la situation en main. Cette confiance toute particulière me semblait étrange, mais je rejetais au loin les questions à ce sujet pour le moment, trop concentré sur son plaisir.

Après un certain temps de ce traitement, je cessais tout mouvement et libérais son intimité de ma prison humide pour la lécher sur toute la longueur, avant de m’attarder longuement sur l’extrémité, guidé par mon instinct. Ezekiel se cambra violemment sous l’effet du plaisir ressentis et, le sentant proche de la jouissance, je finis par le reprendre entièrement en bouche. J’imprimais alors un rapide mouvement de succion qui eut raison de ses dernières résistance et les doigts crispés dans mes cheveux, il se libéra dans un cri de jouissance à l’état pur qui me vrilla les reins de désir :

- Oui… Alakhieeell…

Jouissant dans ma bouche, je ne perdis rien de sa semence, l’accompagnant jusqu’au bout sans en ressentir la moindre gêne. Le corps luisant de sueur, mon amant se laissa retomber sur le marbre du mausolée ou nous avions élu domicile, le luxe d’un apparemment étant les cachettes recherchées en priorité par le conseil.

Le souffle erratique, Ezekiel se remettait lentement de l’orgasme foudroyant qui semblait avoir dévasté son corps, l’esprit embrumé par le plaisir qui avait déferlé sur lui. Grisé par les vestiges de sa jouissance, c’est à peine s’il prenait conscience de ma présence à ses côtés, et surtout de mon état. Posant mon regard sur lui avec insistance, je tentais de capter son attention, étant de mon côté loin d’être satisfait. Mon pantalon était maintenant de loin trop serré, et le désir qui me consumait, rendait mon état douloureux. Loin de sembler vouloir se préoccuper de moi, je décidais de prendre les choses en main, ne connaissant plus vraiment ses limites, tâtonnant pour savoir jusqu’où je pouvais aller.

Mes lèvres vinrent happer les siennes, l’entrainant dans un ballet fougueux, alors qu’il se laissait docilement guider, ne montrant pas un seul signe de protestation. Redescendant lentement le long de son corps, mes mains se glissèrent entre ses cuisses. Un grondement sourd semblable à celui d’un loup enragé naquit dans sa gorge et brusquement, Ezekiel mit fin au baiser, mordant brutalement ma lèvre inférieure alors que mon doigt titillait déjà son orifice de façon équivoque.

Si je ne le savait pas jusqu’à présent, je connaissais maintenant ses limites. Mais il m’en fit prendre conscience d’une manière que l’on pouvait qualifier de douce, pour qui le connaissait. D’un habile coup de rein, il inversa subitement nos positions, reprenant le contrôle de la situation, ce qui était loin de me déranger. Il m’avait, semble-t-il, déjà donné beaucoup…

Avec avidité, il s’empara de mes lèvres pour un baiser enflammé auquel je répondis avec ardeur, tandis qu’il léchait les quelques goûtes de sang échappées de sa morsure, dont la légère douleur n’était plus qu’un lointain souvenir. Puis, comme je l’avais fait avec lui un peu plus tôt, il entreprit d’explorer mon corps, découvrant comme pour la première fois les courbes de mon corps qu’il semblait apprécier. Cependant, sentant qu’il n’était pas nécessaire de s’y attarder, il descendit rapidement vers l’objet de ses convoitises. Mon corps entier m’était douloureux, désirant se libérer du désir que j’avais trop longtemps contenu pour satisfaire mon amant.

Arrivé au niveau de mon entre-jambe, je le vis observer avec gourmandise et d’un air presque lubrique la proéminence qui saillait sous mon pantalon, cruellement compressée dans ma prison de tissus. D’un geste habile qui démontrait son expérience, il déboutonna mon vêtement, prenant sadiquement soin de ne pas effleurer mon érection. Lentement il finit par faire glisser mon pantalon le long de mes jambes, m’arrachant un soupire de satisfaction et de bien être, que je ne cherchais pas à contenir, trop heureux d’être enfin libéré de tout entrave. Lui faisant totalement confiance, je me laissais aller, attendant son bon vouloir sans cependant cacher mon impatience. Je l’observais alors qu’il passait sa langue sur ses lèvres, effleurant mon sexe du bout des doigts en prenant place entre mes jambes.  Un cri de plaisir s’échappa de mes lèvre alors que je me cambrais violemment dans une demande muette de me satisfaire. Les yeux maintenant clos, je me laissais transporter par l’afflux de sensations et de plaisir qui déferlaient sur moi, rongé par la frustration de n’avoir plus.

D’humeur taquine qui le qualifiait bien, il ne céda pas à ma requête, se contentant de quelques coups de langue sur l’extrémité de mon sexe, me faisant déjà gémir de plaisir. Les yeux clos, la bouche entrouverte sur de petits gémissements plaintifs, la respiration saccadée, je me plongeais tout entier dans cette luxure à laquelle Ezekiel m’avait initié. Mettant à mon plus grand soulagement partiellement fin à mon supplice, il s’empara de mes lèves pour un baiser fiévreux. Après un échange qui nous laissa tous deux hagard, je le vis m’adresser un petit sourire carnassier qui ne laissait aucun doute sur ses intentions et sur ce qui allait suivre, avant de descendre avec une lenteur exagérée vers le point culminant de mon plaisir, prenant malicieusement soin de se frotter lascivement contre mon érection douloureusement tendue.

Un gémissement mourut dans ma gorge, laissant place à un cri d’extase pur lorsqu’il prit enfin mon intimité le plus loin possible entre ses lèvres. Avec sadisme, il entama alors un va et vient affreusement lent, teintant cette offrande de l’amertume de la torture, laissant sa langue s’enrouler sensuellement autour de mon sexe palpitant de vie. Les mains ancrées sur mes hanches, il m’empêchait de soulever mon bassin pour venir plus profondément dans sa gorge, gardant le contrôle total de mon plaisir.

Au bout d’un temps qui me semblait infini, à bout de patience, je le suppliais d’accélérer la cadence de ses mouvements de succion. Répondant positivement à ma requête, comprenant que je ne pouvais tenir ainsi une seconde de plus, il m’arracha un cri de plaisir langoureux tel un remerciement.

Prenant un plaisir pervers à me voir me languir de la jouissance qui approchait irrémédiablement, il accéléra et ralentis à sa guise ses va et vient, m’arrachant des gémissements entre le plaisir et la frustration. Cruellement, alors que j’étais au bord de l’orgasme, Ezekiel cessa tout mouvement, libérant mon sexe, m’arrachant un sanglot de frustration.

Prenant un peu de distance, Ezekiel semblait sourd à mes gémissements suppliants, m’observant avec convoitise. Les yeux voilés par l’assouvissement dont il me privait, je finis par véritablement les ouvrir, plongeant mes yeux dans les sien afin de comprendre son comportement. Me tortillant sous lui, j’essayais désespérément d’attendre la jouissance qui se refusait à moi et de me libérer du désir qui me vrillait douloureusement les reins.

Sans me quitter du regard, il porta trois doigts à ses lèvres et commença à les humidifier avec ferveur, semblant oublier ma véritable situation. L’esprit trop embrouillé pour me concentrer et trouver une issue, j’étais prisonnier de son bon vouloir.

Cependant, à cette vision, un hoquet de stupéfaction s’échappa de mes lèvres, accentuant le sourire qui ornait les siennes. Satisfait de lui, il poussa le vice jusqu’à gémir éhonteusement, frottant lascivement son intimité à nouveau enflée contre la mienne. Galvanisé par le contact érotique de nos deux sexes, Ezekiel sembla se laisser emporter par son propre plaisir, mimant l’acte sexuel, accélérant la cadence jusqu’à nous faire tous deux hurler de plaisir. Frustré au plus haut point par la privation qu’il m’imposait, me maintenant dans un entre deux insoutenable, mon corps luisant de sueur était parcourut de violents soubresauts. Ezekiel mit brusquement fin au plaisir qui nous consumait et l’esprit trop embrumé pour saisir ce qu’il faisait, je me contentais de pousser un râle rauque de mécontentement, ne cherchant pas à cacher ma frustration. Celle-ci mourut dans ma forge lorsqu’il reprit mon intimité en bouche, imprimant un va et vient soutenu sur celle-ci. Brusquement, envahi par la jouissance, comme inondé par une avalanche qui fondait sur moi, je me libérais dans un râle.

Et, sans me laisser le temps de me remettre, je sentis Ezekiel présenter un premier doigt tout contre mon orifice. Tout mon corps s’arqua violemment sous l’effet du plaisir incontrôlable, avide de bien plus que ce que nous avions fait jusqu’à maintenant. Sans la moindre once d’hésitation, il inséra délicatement ce premier doigt en moi, avec une lenteur exagérée comme s’il avait peur de me faire mal. Pourtant, je ne ressentis aucune douleur, bien trop excité et détendu entre ses bras pour m’en préoccuper. Rassuré de ne me voir ressentir aucune souffrance, Ezekiel entama un ample et régulier mouvement de va et bien, m’habituant progressivement à sa futur présence en moi. Prenant cependant un temps que je jugeais trop long, je poussais de petits cris de plaisir et d’impatience mêlés, lui indiquant qu’il pouvait aller plus loin. Sans attendre davantage, semblant aussi excité que moi si ce n’est plus quant à l’idée de me posséder pleinement, il s’exécuta et inséra un deuxième doigt en moi. Un soubresaut de douleur parcourut mon corps face à cette intrusion, et Ezekiel cessa tout mouvement. Contre toute attente, pour me détourner de la douleur, je sentis mon amant reprendre mon érection entre ses lèvres. Étouffant un gémissement de plaisir violent, envahi de milles sensations puissantes, je me détendis instantanément, relâchant mes muscles. Ezekiel en profita pour achever de me préparer et lorsque je m’empalais de moi-même sur ses doigts, possédé par une envie presque malsaine de lui appartenir entièrement, il lâcha mon sexe et retira ses doigts. Un grondement sourd s’échappa de mes lèvres, bien incapable de tenir très longtemps dans le moindre contact avec lui, le corps en feu. Un sourire dépeint sur le visage, Ezekiel remonta s’emparer de mes lèvres.

Après quoi, il m’aida à me retourner, de façon à ce que je lui présente mon dos, et ses mains posées sur mes cuisses, il m’aidait à prendre une position qui me serait la plus confortable. J’eus bien du mal à rester ainsi soumis, patientant qu’il daigne me faire sien, désespérant en sentant toujours cette éternelle frustration. Je ne pouvais nier que je ressentais une certaine crainte lors d’un tel moment, mais l’envie était bien trop forte, telle une nécessité posée en travers de la gorge.

Lorsqu’il consentit enfin à guider lentement son intimité vers moi, il m’apparaissait encore hésitant et bien trop lent. Ne tenant plus, ayant atteint les limites de ma patience, lassé d’attendre la suite des évènements, je le pris délicatement entre mes doigts avant de m’empaler sur lui, toute pudeur oubliée, nous arrachant à tous deux un pur cri de plaisir.

Répondant enfin à ma demande plus qu’explicite, il ancra ses mains sur mes hanches et entama un langoureux mouvement de va et vient, prenant tout de même garde à ne pas me blesser. Mais tout soupçon de douleur m’avait définitivement quitté, tout entier livré à lui. Galvanisé, je ne cherchais pas à retenir de petits cris extatiques lorsque je venais à sa rencontre avec force de conviction, trop heureux de sentir son intimité brulante et imposante entre mes chairs.

Lâchant finalement la bride de son plaisir, Ezekiel me fit davantage écarter les cuisses avant de me pénétrer entièrement. Le rythme effréné de nos ébats commencèrent à avoir raison de nous, sentant la jouissance plus que proche. Mais loin de vouloir se libérer tout de suite, Ezekiel ralenti la cadence, m’arrachant un hoquet de surprise et de mécontentement alors que je continuais à me déhancher sur son sexe profondément enfoncé en moi. Les nerfs mis à rude épreuve, je le sentis se pencher au dessus de moi, tout en me mordillant délicatement la nuque, grisant mon corps et mon être tout entier. S’emparant de mon intimité à l’aide de sa main, il imprima un mouvement calé sur le rythme de ses déhanchements.

Puis dans un ultime coup de rein délicieusement plus profond et plus puissant que les précédant, il se libéra en moi dans un cri d’extase alors que je venais dans sa main en hurlant son prénom à m’en briser la voix. Mes bras incapables de me soutenir une seconde de plus, je me laissais lourdement tomber sur le marbre froid, l’entrainant dans ma chute. La respiration laborieuse, Ezekiel resta allongé sur moi alors que son souffle me caressait sensuellement. Puis il roula sur le côté, m’enserrant dans ses bras pour me faire suivre le mouvement. Toujours en moi, le visage enfoui dans ma nuque, je pouvais le sentir se laisser aller au sommeil, aussi épuisé que je l’étais.

Mais alors que l’endorphine de la jouissance quittait peu à peu mon corps, je réalisais brutalement ce que je venais de faire. Ne me reconnaissant plus, la réalité me sauta brusquement à la gorge, me réveillant d’un sommeil qui me semblait avoir duré des décennies. Perdu, ne me comprenant plus moi-même, je m’écartais de lui, m’arrachant à son étreinte, ne supportant plus le contact de sa peau sur la mienne.

Lui tournant le dos, Ezekiel ne fit rien pour me retenir, alors qu’une angoisse terrible me prenait entièrement. Quelle était la nature de nos relations ? N’ayant plus aucun repère, j’étais à deux doigts de céder à la panique, me sentant honteusement sâle et écœuré de moi-même. Depuis combien de temps n’avais-je pas souffert de ce dégout au sujet de mon existence et pourquoi revenait-il à ce moment précis ? Ou était passé mon indifférence ? Pourquoi mon cœur s’étreignait-il douloureusement au point d’avoir l’impression d’en étouffer.

Dans une question qui me paraissait presque vitale, je me surpris à demander dans un murmure presque inaudible :

- Pourquoi est-ce que tu t’acharnes ainsi avec moi ? Je ne t’ai rien demandé…

Loin de saisir l’intensité de la détresse qui me saisissait, il répondit tranquillement, comme si c’était la chose la plus naturelle du monde :

- Ta vie m’appartient Alakhiel… Moi seul ai le pouvoir de vie ou de mort sur toi… Ne l’oublie pas !

Un rire nerveux et incontrôlable secoua mon corps avant que je ne réponde :

- J’aurais du m’attendre à une réponse de ce genre venant de ta part, murmurais-je déçu.

Je n’étais finalement que sa chose. Voilà la réponse à la raison de mon existence. Abattu plus que je ne l’aurais cru, mais cruellement résigné, je décidais de me laisser aller au sommeil, loin de ces tourments. Mais je sentis soudain Ezekiel tenter de lire dans mon esprit. Tel un réflexe tout récemment acquis, loin de vouloir qu’il saisisse véritablement mon état qu’il aurait sans ménagement jugé de pathétique, je le repoussais avant même qu’il ait franchis la première barrière.

C’est alors qu’il déclara d’un air satisfait :

- Tu vois ! Quand tu veux… Si j’avais su plus tôt qu’il te fallait une bonne partie de baise pour te faire réagir, je l’aurais fait plus tôt ! Ajouta-t-il cinglant, comme furieux de ne pas me voir réagir.

Réagissant violemment à cette réflexion, blessé plus que je ne l’aurais cru, je me retournais et lui fis face. Laissant place à ma colère comme unique forme de protection avant qu’il ne m’achève, je plantais mon regard orageux dans le sien et m’exclamais :

- Je ne suis pas ton jouet, Ezekiel !

- Tu es ce que je dis que tu es, Alakhiel, répliqua-t-il tranchant.

Une lueur sauvage traversa mon regard, et sans réfléchir, prenant un air dédaigneux, je crachais avec dégout, l’attaquant sur le seul point faible que je lui connaissais :

- Tu dis avoir tué Darius pour les viols que tu as subi, mais si tu te rétractais après l’avoir allumé comme tu l’as fait avec moi, pas étonnant qu’il ait craqué ! Il n’a fait que te rendre la monnaies de ta pièce…

Je ne pensais pas un traitre mot de ce que je venais de dire et pourtant c’était trop tard. Un éclair de douleur illumina son regard d’acier à l’entente de ses mots et à peine-eussè-je achevé ma phrase qu’il me sauta à la gorge tel un loup enragé, me chevauchant de façon à me garder prisonnier sous lui. Une main serrée sur ma gorge, l’autre glissant sauvagement mon torse dénudé, il me zébrait de longues plaies sanguinolentes, aveuglé par la rage qui le consumait. Luttant pour ma survie, je ne donnais pas cher de ma peau, finissant très certainement comme l’assassin qu’il avait tué sous mes yeux. Pour rien au monde je n’aurais laissé échappé un cri de douleur, en étant de toute façon bien incapable, tant il me serait la gorge à m’en étouffer.

Un simple humain y aurait déjà succombé. La peau de mon torse et de mon ventre n’était plus qu’un océan de douleur, souffrance méritée cependant vis à vis de celle que je pouvais lire dans son regard. Ne pouvant me détacher de son visage, je cessais brusquement de me débattre lorsque je vis pour la première fois de ma vie le puissant et innatteignable Ezekiel pleurer devant moi. Des larmes ruisselaient de ses yeux glissant le long de ses joues avant de s’échouer sur mon torse dont le sel cuisait mes plaies. Jamais je n’avais vu pareille souffrance se déchainer sous mes yeux. J’avais devant moi la véritable folie désespérée de mon amant. Comment pouvait-il encore être aussi fort après toute ces années ? Comment tenait-il encore debout ? Comment cette solitude n’avait-elle pas fini par avoir raison de lui ? Et quel était mon rôle dans tout cela ? Pourquoi de telles phrases prononcés par un moins que rien comme moi pouvaient-elles à ce point l’atteindre ?

Le fixant avec un air d’incrédulité, la peur m’ayant étonnamment quittée ou étant trop puissante pour la saisir, Ezekiel y restait sourd et continuait à s’acharner sur mon torse qui n’était plus que lambeau de peau sanguinolentes. La haine décuplait ses forces et alors qu’il desserrait légèrement sa prise sur ma gorge s’en véritablement s’en rendre compte, un gémissement de douleur s’en échappa. Retrouvant brusquement ses esprits, Ezekiel reporta son attention sur moi et écarquilla les yeux d’horreur face à la vision de mon corps meurtri qui s’imposait à lui, reflet de sa folie.

Réalisant subitement la portée de ses actes et la violence dont il avait fait preuve, il me libéra de son emprise et alla se réfugier en courant dans le coin le plus sombre du mausolée se recroquevillant sur lui même telle une bête blessée. Saisissant sa détresse et ne pouvant y rester sourd, je me redressais. Légèrement étourdis par la quantité de sang que je venais de perdre, je grimaçais à cause de la douleur de mes plaies qui entamaient déjà leur lente cicatrisation.

Je m’approchais de lui, la main tendue devant lui en un geste apaisant. Mais alors que j’esquissais un mouvement dans sa direction, un grondement sourd s’échappa de sa gorge, les canines à découvert, en une mise en garde qui m’incita à ne pas approcher davantage. Vaincu, je cédais docilement et allais m’habiller à la hâte, me moquant des plaies à peine refermées et du sang qui imbiba aussitôt ma chemise de lin blanc. Je quittais précipitamment le mausolée sans savoir où j’allais, en quête d’un refuge pour le jour qui allait poindre dans une petite heure.

Un jeune homme hurla sur mon passage, et malheureusement pour lui, la faim me tenaillait. Révulsé à l’idée de prendre sa vie, ayant perdu cette indifférence, ce fut à contre cœur que je me jetais sur lui et le vidais de son sang à la vitesse de l’éclair comme me l’avais appris mon créateur. Prenant grand soin de ne pas tacher ses vêtements, j’entrepris ensuite lui piquer sa veste et sa chemise, celle que j’avais sur le dos ne pouvant décemment plus me servir. La tête encore plein d’image de sa souffrance, je ne m’attardais pas longtemps dans ce lieu. Connaissant une rivière non loin de notre avant dernier refuge, je décidais d’aller là bas. Il ne me fallut que très peu de temps pour me nettoyer du sang. Ne restais plus que quelques cicatrices et pourtant je pouvais encore sentir ses ongles déchirer ma peau.  Accepterait-il seulement un jour de me revoir ? La seule chose que je pouvais faire maintenant était de l’éviter, redevenant son ombre.

J’avais de loin dépassé les limites imposées. Recroquevillé sur moi-même, je mis beaucoup de temps avant de m’endormir, me demandant quelle serait ma vie si Ezekiel ne me voulait plus à ses côtés.

Boston, 29 aout 1800

Je n’étais pas sortis me nourrir la nuit dernière et je comptais bien passer cette nuit là à faire de même. Le dégoût de ma propre vie teintée de solitude me laissait un goût amère. Toute trace d’agression de la part d’Ezekiel avait maintenant totalement disparut et pourtant, cela me réveillait durant mon sommeil. Me réveillant en suffoquant, une main sur la gorge j’avais l’impression de sentir encore ses ongles déchirant ma peau. Mais ce qui me hantait avec encore plus de vigueur, c’était les larmes et la souffrance que j’avais pu lire dans le regard de mon créateur.  Que faisait-il maintenant, rongeait-il encore sa rancune, renflouant en lui la folie qu’il avait libérée sur moi ?

L’humidité du caveau dans lequel je me trouvais laissait planer une odeur désagréable qui brouillait mes sens. Pourtant, il me sembla sentir une présence qui persistait à rester prêt de ce lieu. Intrigué, me demandant s’il s’agissait d’Ezekiel, je me levais, quittant difficilement la position assise dans laquelle j’étais resté depuis je ne savais combien d’heures. Étirant mes muscles endoloris, je me dirigeais lentement vers la sortie, éclairée par la nuit de pleine lune.

Sortant avec précaution, je sursautais en voyant une silhouette se tenir dans la pénombre à quelques dizaines de mètre de moi. Il ne me fallut pas bien longtemps pour comprendre qu’il s’agissait d’un vampire. Loin d’ignorer ses intentions et me traitant mentalement de tout les noms, je cherchais le plus court chemin pour fuir, me sachant perdant si nous nous combattions. Alors qu’il me fixait, je le sentis tenter de s’introduire dans mon esprit. Fort de mon expérience avec Ezekiel, je le rejetais sans ménagement, le défiant du regard. Je ne sentis rien venir. Son acolyte dont j’ignorais jusqu’à maintenant l’existence se tenait juste derrière moi et le temps d’un soupire, un choc violent s’abattit sur ma tête. M’effondrant de tout mon poids, je sombrais dans l’inconscience.

Boston, 1er Septembre 1800

Les mains liées, accroché contre le mur d’une salle ou je n’avais encore jamais été, je pouvais sentir ma chemise s’humidifier désagréablement au contact de la pierre dans mon dos. Mes yeux avaient beaucoup de mal à s’habituer à la luminosité qui régnait dans cette pièce, n’ayant connu depuis ma capture qu’un petite pièce  exiguë sombre faisant office de cellule de fortune. Le corps meurtri, j’avais l’impression d’avoir été battu, mais mes souvenirs depuis ma capture jusqu’à ce jour restaient assez vagues.

Les muscles de mes épaules commençaient à être douloureux, tout comme ces vielles chaînes rouillées qui entamaient ma peau sans ménagement. Il n’y avait rien d’autre dans cette pièce, à part un grand placard et quelques torches allumées fixées au mur. Si je ne voyais aucun vampire dans cette pièce, mon instinct me criaient qu’ils étaient tout proche. Manquant de sang, la faim commençaient à me tirailler sérieusement, mais elle étaient bien loin d’égaler l’état de privation que je m’étais imposé pendant des années.

Raffermissant comme je le pouvais mes barrières mentales, j’économisais au mieux mes forces, ne sachant pas ce qui m’attendait précisément. Ezekiel était-il au courant de mon enlèvement ? En rien je ne pouvais m’abaisser à l’appeler à l’aide.

Je ne pouvais m’en prendre qu’à moi, et devais y faire face seul, même si la peur me nouait l’estomac alors que la mort me tendait les bras. Soudain, la porte s’ouvrie, laissant passer une lueur plus vive qui m’aveugla. Deux vampires pénétrèrent dans la pièce. Ce n’était pas ceux qui m’avaient capturé et il me semblait ne jamais les avoir rencontré. L’un semblait plutôt chérif, mais son regard me laissait présager le pire quant à ses capacités.

L’autre me paraissait plus puissant, du genre que l’on ne pouvait étrangement qualifier de lourdaud. Ne désirant pas leur dévoiler la terreur qui commençait à me saisir, je ne quittais pas leur regard, restant de marbre. Alors que l’un d’eux ouvrait le grand placard, l’autre s’approcha de moi lentement. Une fois à quelques centimètres de mon corps, je l’entendis siffler entre ses dents :

- Tu va regretter de ne pas avoir tué Ezekiel comme tu t’y es engagé. Ta mort va être lente et douloureuse…

- Il va surtout regretter de ne pas avoir choisit la mort, répliqua l’autre d’un rire cinglant qui me fit froid dans le dos.

Puis, sans prévenir, ses mains étaient déjà sur ma chemise, l’ouvrant sans ménagement, déchirant ce qui gênait avant de la jeter sur le sol. S’écartant légèrement, l’autre vampire était déjà derrière lui. Leurs regards se posèrent sans la moindre pudeur sur la partie supérieure dévoilée de mon corps.

- Quel gachis ! Soupira le vampire imposant.

- Ezekiel est vraiment un idiot. Te laisser seul, c’était te vouer à la mort… Dit-il en approchant sensiblement son visage du mien.

- J’espère qu’il s’en mord les doigts ! Ajouta l’autre du même rire cinglant.

C’est alors que le plus chétif m’attrapa par le menton dans un étaux d’acier. Incapable de pouvoir défendre, être ainsi à leur mercie était déjà une torture conséquente. Ses ongles entamaient ma chair sans le moindre égard.

- Je ne te le dirais qu’une fois ! Appelle Ezekiel pour ton salut ! M’ordonna-t-il en me foudroyant du regard.

Le défiant avec la même intensité, je soufflais, non sans une peur semblable à de l’acide me rongeant l’estomac :

- Jamais.

Ma réponse leur arrachant un rire mauvais alors que le gros vampire ajoutait plus pour son acolyte que pour moi :

- La folie d’Ezekiel a déteint sur lui !

A peine eut-il finit sa phrase que le silence retomba brusquement dans la pièce. Lentement, ils vinrent se placer côte à côte, en face de moi, ne laissant pas plus d’un centimètre d’air entre nos corps. Si j’étais déjà glacé d’effroi, rien n’était comparable avec ce que je ressentais maintenant. Jamais je ne m’étais sentis aussi misérable et impuissant face à autrui. Cela n’avait rien à voir avec ce que m’avait fait subir Ezekiel. Cependant, alors que tout mon être me hurlait de l’appeller au secours, je restais de marbre.

Soudain, sans prévenir, les deux tortionnaires échangèrent un bref regard avant de fondre sur moi les crocs découverts. Lorsque la première canine entama sauvagement ma peau, je serrais les dents, retenant tant bien que mal un gémissement de douleur et de rage. Ce coup de canine fut suivit par d’autres, entaillant ma peau à divers endroits, buvant quelques gorgées de sang à certaines morsures. Sans le moindre répit, ils m’attaquèrent ainsi inlassablement, allant même jusqu’à m’arracher des lambeaux de peau, rendant mon corps ivre de douleur, incapable de faire quoi que ce soit pour me protéger. Je ne pouvais juste que serrer les dents, m’empéchant de leur laisser le plaisir d’entendre mes cris.

Mon patalon imbibé de mon propre sang fini par tomber sur le sol, déchiré sauvagement, m’exposant entièrement nu à leur regard.  Je ne sus combien de temps dura ce supplice, et pourtant pas un seul soupire, pas un seul gémissement de douleur ne sortis de mes lèvres désespéremment closes.

Semblant sentir que j’étais bientôt dans un état proche de l’inconscience, leurs dents se détachèrent de ma peau. Le visage barbouillé de mon propre sang, ils continuaient à dévorer ma peau de leur regards lubriques. S’essuyant d’un revers de la manche, le plus svelte dont les crocs avaient été plus acérés déclara d’un ton supérieur :

- Après cette petite mise en bouche… Nous te laissons imaginer la suite… Mais on peut rendre cela plus doux. Dis-nous ou se trouve Ezekiel !

- Je serais toi, renchérit le second, je choisirais cette dernière main que l’on te tend. Tu as très certainement du remarquer combien nous mettons de temps pour cicatriser lorsque nous manquons de sang…

Ajoutant le geste à la parole, il approcha son ongle asséré de mon torse avant de me griffer sur toute la longueur. Une crispation de douleur m’envahie, serrant plus durement les dents, mais cette douleur n’allait pas au delà des limites du supportable. Pour toute réponse, je me contentais de les défier du regard. Jamais je ne trahirais Ezekiel, jamais je ne leur dévoilerais sa cachette. Si l’un de nous deux devait survivre, c’était bien lui…

Ne cherchant pas plus de raisons, ni ce qui me motivait à le protéger ainsi, je me contentais de garder les lèvres closes. Ma beauté était semblable à une rose fanée, mon corps venant d’être mutilé sans pitié .

Le teint livide du au manque de sang dans mon corps, celui-ci continuait à s’écouler de mes plaies qui commençaient à peine leur cicatrisation. Pour l’instant, la moindre brise de courant d’air était semblable à une vague de douleur qui m’irradiait de toute part et j’avais l’impression de sentir encore l’émaille de leurs canines déchirer ma peau avec un savoir faire cruel. Je commençais à sentir mes paupières s’alourdir, envahi d’une léthargie jusqu’alors inconnue.

- Alors ! Dit-il en me décrochant une gifle sèche, n’hésitant pas à me griffer au passage. On ne te laissera pas t’endormir tu peux me croire ! Ou est Ezekiel ? Ou est-ce que cette ordure se terre ?

Redressant la tête avec insolence, envahie par la puissance de la folie désespérée, je le regardais droit dans les yeux. Aucun mot ne fut nécessaire, ils comprirent tous deux que je ne parlerais pas de cette façon. D’un bref signe de la tête, le vampire le plus mesquin envoya l’autre chercher quelque chose dans le placard.

Il revient avec une petite bouteille en verre, contenant un liquide incolore qu’il tenait très précautionneusement, comme s’il avait peur que de le briser malencontreusement. De l’autre main, il tenait une dague en argent et un gant en cuir.

- Il ne devrait pas tarder, déclara l’un des deux vampires avec un sourire sadique.

Redressant la tête, je sursautais vivement en voyant une autre personne dont la taille fluette ne m’étais pas inconnue. Shaolan se tenait en face de moi, adossé au mur. Mes deux bourreau ne s’aperçurent de sa présence que lorsqu’il déclara de sa voix cristalline :

- Tu t’amuses bien ? Me demanda-t-il ne cachant pas sa pointe d’ironisme.

Ancrant mes yeux dans les siens, je me permettais pour la première fois de le défier du regard. Que risquais-je de plus au vue de ma situation.

- Je ne crois pas vous avoir dit d’arrêter, dit-il alors sèchement aux deux autres.

S’exécutant brusquement avec précipitation, les deux vampires se partagèrent les outils. L’un hérita du gant et de la fiole étrange, l’autre de la dague d’argent effilée comme un rasoir. Le vampire portant la dague s’abaissa et attrapa un morceau de mes vêtements posés sur le sol. Le passant sur mon torse dont la peau était encore extrêmement sensible, il me sembla alors qu’ils avaient soigneusement éviter tout un tracé de mon torse à mon bas ventre. Le reste était encore en cours de cicatrisation, ralentie par le manque de sang.

Jetant le morceau de chiffon au sol il améliora la prise qu’il avait sur la dague et l’approcha bien trop vite de mon torse. Passant la lame près de mon cou, la dague n’entailla ma chair que lorsqu’elle arriva au niveau du sternum. La douleur passée outre, craignant plus la fiole que tenait l’autre vampire et son regard jouissif, que cette lame qui entailla ma chair jusqu’à mes abdominaux. S’arrêtant avant d’entamer mon ventre, il laissa la place, ayant fini sa tache. A aucun instant mon regard ne quitta véritablement celui de Shaolan qui ne me laissait rien entrapercevoir de son visage inexpressif. Le vampire plus chétif enfila le gant avant d’ouvrir précautionneusement la fiole. L’approchant de ma poitrine, la peur me poussa à regarder ce qu’il faisait, lâchant le regard de Shaolan.

- J’espère que tu résistes autant à la douleur que tu ne résistes à la faim ! Déclara-t-il cinglant.

N’ayant que faire de ce qu’il me disait, j’étais maintenant uniquement concentré sur la fiole qui se renversait sur moi. Deux uniques gouttes s’en échappèrent, coulant le long de ma plaie. Un grondement sourd naquit dans ma gorge suivit d’un hurlement de douleur. Jamais je n’avais connu pareille souffrance. Le liquide semblable à de l’acide dévoraient ma peau sans ménagement, offrant une brulure digne des feux de l’enfer. J’avais la cruelle impression qu’il rongeait mon âme. Désarçonné par cette douleur insurmontable, je fus incapable de me contenir et alors que les cris résonnaient dans la pièce, j’hurlais dans mon esprit que l’on vienne m’aider. J’aurais préféré mille morts à cette souffrance.

Mes chaines m’entaillaient vivement la peau alors que je tentais de me débattre, le corps convulsé par mon calvaire, ayant l’impression de sentir chaque molécule de mon être se décomposer. Mon appel à l’aide n’était destiné qu’à une seule personne, alors que je m’étais juré de la laisser en dehors de ça. Alors que la douleur était extrêmement vive, elle ne cessait d’augmenter, abattant mes derniers semblants de force, je sombrais dans l’inconscience.

Mais loin de me laisser en paix, une deuxième plaie plus profonde me fut inffligée sur le ventre. Revenant à moi en hurlant, j’eus l’impression que jamais cette douleur ne me quitterait. Je me mis à supplier qu’on m’achève, sans entendre véritablement les paroles décousues que je prononçais. Je voulais que cela cesse, par tous les moyens. Rabaissé au statut primaire, au deçà de la bête, ma voix se brisait peu à peu, n’en sortant plus que des cris muets mais transpirant de douleur. Je ne sus combien de temps dura cette torture, combien de fois ils firent à nouveau couler ce liquide sur mes deux plaies.

J’eus à peine conscience qu’ils entaillaient la peau de ma joue, mais il me sembla alors entendre Shaolan leur dire :

- Arrêtez ! Vous aller le faire crever avant qu’il ait le temps de parler. Laissez-moi seul avec lui.

La vue troublée par les larmes de douleur, je vis à peine les deux silhouettes s’éloigner et la porte claquer, laissant le silence retomber brusquement dans la pièce, uniquement perturbé par ma respiration sifflante. Fermant les yeux, je profitais de cet instant de répit que je savais de courte durée. Shaolan était toujours dans cette pièce et je ne savais pas ce qu’il me réservait.

- Tu es la pire erreur d’Ezekiel. Guidé par ta beauté et sa cupidité, il t’a voulu pour lui entièrement.

Entrouvrant difficilement les paupières, incapable de redresser la tête, je le vis à quelques centimètres de moi. Approchant sa main de mon visage, je n’eus même pas la force d’esquisser un mouvement de recul. Les deux cicatrices qui zébraient ma peau me cuisaient encore sauvagement. Redressant ma tête à l’aide de son doigt dont l’ongle s’enfonçait dans ma chair, il me força à lui faire face.

- Tu es pitoyable. Tu aurais mieux fait de te tuer !

Envahi d’une haine profonde contre lui, j’articulais avec difficulté d’une voix basse en le défiant du regard, ayant beaucoup de difficultés à ne pas fermer les yeux :

- Me jalouses-tu à ce point pour arriver à de tels actes et trahir la confiance d’Ezekiel.

- Te jalouser ?! Toi ? Le moins que rien !

- Ton temps auprès d’Ezekiel est à présent révolu, ajoutais-je avec insolence. A présent j’ai pris ta place et tu ne le supporte pas. Tu veux m’éliminer depuis le début. Tu souhaites plus que tout ma mort ! Tu la désires et la jalousie te ronge !

Jamais je ne me serais cru capable de défier ainsi le plus ancien de notre race. Lui qui m’inspirait la crainte et le respect ne représentait pour moi plus qu’un profond dégout. J’étais bien plus qu’en position de faiblesse, mais la douleur avait fait sauter mes dernières restrictions. Je souffrais et ne voulais plus perdre de temps à rentrer dans son jeu. Même si j’étais devant lui plus bas que terre, jamais il ne ferait plier ma volonté. S’il n’y avait qu’une chose que j’avais à retenir de l’enseignement d’Ezekiel était sa fierté.

Shaolan éclata d’un rire nerveux et mauvais, avant de m’attraper par la gorge et de me plaquer contre le mur avec violence, prouvant sa force supérieure.

- Tu n’es pas en position de dire ce genre de chose !

Il effleura ma plaie, m’arrachant un cri de douleur enroué.

- Estime-toi heureux que je ne te tue par sur le champ !

Me repoussant en faisant taper ma tête contre le mur, me sonnant légèrement, mais pas assez pour me faire sombrer dans l’inconscience, ajoutant une douleur de plus à laquelle je devenais sourd.

- Qu’est ce que tu attends ? Dis-je dans un souffle, sachant qu’il ne faisait que me menacer.

- Toujours suicidaire à ce que je vois ? Ce n’est pas en mourant que tu te rachèteras de tes crimes.

Mon regard se voila soudain de tristesse, alors qu’il me renvoyait mentalement l’image de mes victimes, finissant par celle d’Elisabeth, ravivant cette cruelle envie de mourir. Me sentant envahi par une vague de souffrance plus profonde, je sentais ma volonté et mes dernières résistances fondre comme neige au soleil. Si je parvenais à résister à la torture physique, la torture mentale était tout autre chose. Et pourtant, une personne réussis à chasser toutes les autres. Le visage baigné de larmes d’Ezekiel surgit au milieu de mes pensées, et Shaolan ne pu rien maîtriser. Une vérité s’imposa alors à moi de façon catégorique : je ne pouvais pas le laisser.

Je ne restais pas là simplement parce qu’il le voulait, je restais ici parce que ma présence à ses côtés lui apportait quelque chose. Sans savoir pourquoi, une chose particulière m’empêchait de l’abandonner. Ezekiel était seul et seul il ne pourrait apaiser la folie qui le rongeait. Malgré moi, je réalisais que je tenais à lui plus que je ne l’aurais cru. Sans parvenir à nommer notre relation, sans réussir à expliquer le lien qui nous unissait, je déclarais froidement :

- Je ne peux pas mourir. Ezekiel a besoin de moi encore un peu…

Eclatant d’un rire franc, comme s’il venait d’entendre parler un aliéné :

- C’est la pire bêtise que tu n’es jamais sorti ! S’esclaffa-t-il. Ezekiel n’a jamais eu besoin de personne. Tu n’es qu’un passe temps pour lui, sa chose divertissante dont il finira par se lasser.

- Tu n’as jamais connu véritablement Ezekiel ! Dis-je en le foudroyant du regard.

Ses yeux prirent la teinte rouge de la rage et de la haine profonde qu’il me vouait. Je ne pus m’empêcher de tressaillir lorsqu’il commença à parler.

- Tu vas amèrement regretter ton insolence Alakhiel ! J’ai été bien trop bon pour toi ! Mon indulgence à des limites.

S’éloignant de moi, il se rua vers la porte et appela ses sous-fifres.

-Arrachez-lui ses canines ! Condamnez-le à une mort lente et douloureuse sans être capable de se nourrir seul. Relâchez le dehors une fois terminé. Nous n’avons plus rien à tirer de lui.

Puis s’adressant à moi, il ajouta :

- Mourir de faim, quelle ironie du sort…

Me tournant le dos, il ouvrit la porte avant de sursauter violement. Face à lui se tenait Ezekiel, du sang qui ne semblait pas lui appartenir le recouvrait. Dans ses bras il tenait le vampire chétif qu’il laissa tomber lourdement sur le sol, laissé pour mort. Redressant la tête sans se préoccuper plus avant du cadavre, un sourire narquois orna ses lèvres alors qu’il regardait Shaolan droit dans les yeux.

La haine déformait ses traits tandis que le soulagement que je savais de courte durée détendait les miens. Lançant un simple grognement sourd, il le contourna, reportant toute son attention sur moi. Ses yeux s’écarquillèrent d’effroi lorsqu’il vit l’état de mon corps. Pourtant, un sourire étrange ornait mon visage, heureux de le savoir là, bien que mal à l’aise par rapport à mon état. La rage revint bien vite s’emparer de lui et annihila la distance qui nous séparait en quelques enjambées. Je vis Shaolan fuir par la porte après un dernier regard haineux lancé à mon intention, mais je ne m’en préoccupais pas d’avantage. Arrivé à ma hauteur, Ezekiel passa lentement ses doigts fins sur la plaie qui ornait mon torse, m’arrachant un frisson de douleur.

D’un geste vif et brusque, guidé par sa colère, il brisa les chaines qui me retenaient, ne lui offrant aucune résistance. Etant bien incapable de tenir sur mes deux jambes, je m’effondrais misérablement. Bien plus vif que moi, et dans un geste emplie de douceur qui contrastait avec la rage qui l’habitait, il m’accueillit dans ses bras avant de s’accroupir et de m’installer sur le sol.

Me tenant telle une mère portant son enfant, il me dit dans un souffle avant de porter un poignet à ses lèvres :

- Nourris-toi un peu, que tu sois capable de tenir seul sur ses jambes pour sortir d’ici.

Loin de me faire prier, j’acceptais les quelques gorgées de sang qu’il m’offrit de son poignet déjà entaillé. Je me séparais de celui-ci avec difficulté, ne désirant pas attiser plus que nécessaire la faim qui me rongeait. Léchant son poignet pour ne pas perdre une goute de sang, je commençais lentement à en sentir les effets, sachant pertinemment qu’il m’en faudrait bien plus pour être totalement sur pied. Mais ce n’était pas un luxe que nous pouvions nous offrir. Ezekiel avait besoin de garder ses forces. Je pouvais sentir son regard se poser sur mon corps mutilé et exposé. Etait-ce de la peine que je pouvais lire dans ses yeux ? Je n’eus pas le temps de me poser d’avantage de question à ce sujet, car il me murmura :

- Sombre crétin, pourquoi ne leur as-tu pas dit ou j’étais au lieu de souffrir ainsi…

Alors qu’il n’attendait pas forcément de réponse, je remuais lentement mes lèvres avant d’articuler péniblement :

- Peut-être parce que je ne suis qu’une chose qui t’appartient et qui ne peut pas te trahir.

- Contrairement à toi, je sais me défendre Alakhiel, dit-il cachant assez mal le fait que ma réponse l’avait destabilisée.

Sans prévenir, Ezekiel s’abaissa et m’embrassa tendrement sur le front tout en dégageant une mèche de cheveux collé par le sang et la sueur sur mon visage.

- Comme c’est attendrissant, déclara une voix moqueuse.

Shaolan était de nouveau ici, et ma vue encore trouble ne me permettait de voir très nettement les deux autres vampires qui se tenaient à ses côtés. Encore à moitié dans les bras d’Ezekiel, celui-ci me déposa délicatement adossé contre le mur comme s’il avait peur de me blesser, alors que je pouvais déjà entendre un grognement non contenu de colère. Tout se passa très vite. En un instant, Ezekiel et un des deux autres vampires fondirent l’un sur l’autre, se déplaçant de manière si rapide que l’on pouvait à peine les voir. Rien dans la manière sauvage dont se battait Ezekiel ne laissait transparaître la fatigue des autres combats qu’il avait du mener par ma faute. Un combat de la même violence dont il avait fait preuve avec l’assassin se déroula sous mes yeux. La rage qui se déchainait dans ses actes  portèrent rapidement leur fruit et Ezekiel envoya valser le vampire de l’autre côté de la pièce, s’effondrant à gros fracas sur le placard.

Ezekiel n’eut pas une seconde de répit, l’autre se jetant déjà sur lui. Avec la même vigueur, Ezekiel se battit avec lui dans un combat à mort. Ne parvenant pas à les quitter des yeux, craignant malgré moi pour la vie d’Ezekiel, je pus cependant voir en face de moi Shaolan assister au spectacle avec un sourire malsain. Désirait-il véritablement la mort de mon créateur ? Soudain dans un bruit abominable, Ezekiel craqua la nuque de son adversaire, manquant de peu de lui arracher la tête. Laissant tombé sur le sol le corps inerte de sa victime, il se tourna vers Shaolan et lui fit face, le dominant presque de toute sa fureur.

- Félicitation, tu n’as pas perdu la main ! S’exclama alors Shaolan en applaudissant.

Mais je n’entendis pas ce qu’Ezekiel lui répondit. Un mouvement attira brusquement mon attention. Le vampire que Ezekiel avait sonné contre le placard se tenait debout, versant le reste du liquide sur la dague qui avait servie à ma torture. Alors qu’il levait son bras dans les airs afin de lancer la dague, je me redressais vainement, sachant parfaitement que je ne pouvais l’intercepter. Tout alla extrêmement vite. Alors que la dague quittait sa main, je hurlais le nom d’Ezekiel qui, se retournant vivement, s’aperçut trop tard de la situation. Ne pouvant s’en échapper totalement, le couteau destiné à son cœur se planta dans son épaule. Un hurlement de douleur qui me souleva le cœur sorti de sa gorge alors qu’il ôtait la dague de son épaule la jetant loin de lui. Alors qu’elle atterrissait près de moi, je le vis tomber à genoux, le corps convulsé par la souffrance, les dents serrées pour ne pas lâcher un nouveau cri. Je ne connaissais que trop bien la douleur qu’il endurait. Alors que mon visage se voilait de larmes sans chercher à en connaître les raisons, ce fut de ma gorge qu’un grognement de fureur sortit.

Investi de nouvelle force, j’étais déjà debout alors que l’autre vampire se préparait à sauter sur Ezekiel. N’écoutant que mon instinct, je saisis la dague d’un mouvement souple avant de me ruer sur le vampire qui était déjà en route vers mon créateur. Pour la première fois, investi de la rage de tuer et par l’appétit de la mort, je sautais sur ma proie avant qu’elle n’ait atteint le seul être que je protégeais. Sans le moindre soupçon d’hésitation, je laissais la dague transpercer son cœur, la vie le quittant instantanément.

Les jambes fébriles, ne désirant pas appesantir mon regard sur le crime que je venais de commettre, je me ruais sur Ezekiel dont le sang coulait abondamment de son épaule. Ignorant la présence de Shaolan, je déchirais un pan de la chemise d’Ezekiel avant de bander son épaule, tentant tant bien que mal de lui faire un garrot. Si Ezekiel ne laissait échapper aucun gémissement de douleur, son visage crispé trahissait ce qu’il endurait.

Une fois son panssement de fortune terminé, je l’enlaçai possessivement avant d’ancrer mes yeux dans ceux de Shaolan sous un air de défit. La rage meurtrière qui m’habitait était loin de m’avoir quitté. Ezekiel me serrait la main terriblement fort, mais j’étais sourd à la douleur qu’il occasionnait.

- Ne t’avise plus de le toucher une seconde fois, sinon je n’hésiterais pas à te tuer. Souffla Ezekiel à son intention, les dents encore serrées pour tenir le choc. Je ne t’appartiens pas, ajouta-til, je n’ai jamais appartenu à personne et ce n’est pas aujourd’hui que cela va commencer !

- Ne joue pas à ce petit jeu avec moi Ezekiel, tu sais combien mon absence de protection te ferait défaut, répliqua Shaolan menaçant, loin de ses sarcasmes.

- Je saurais m’en sortir sans toi ! Déclara Ezekiel dans un claquement de langue.

S’appuyant lourdement sur moi, Ezekiel se mit debout. Faisant un pas, je dus lui apporter le soutient de mon épaule, le corps encore tendu par la douleur qu’il endurait. En un clignement de paupière, Shaolan était devant la porte, nous bloquant la sortie.

- Laisse-nous passer ! S’exclama Ezekiel sur un ton qui ne laissait rien présager de bon.

- Réfléchie bien à ce que tu fais Ezekiel ! Dit sérieusement Shaolan. Si jamais tu choisis de franchir cette porte, ne me demande plus jamais le moindre service ou entorse au règlement du conseil. Leur priorité au sujet de ta mort deviendra ma priorité.

Soupirant, pas impressionné le moins du monde, Ezekiel fit un pas en avant. Shaolan s’écarta, ne cherchant pas à nous retenir alors que ses poings se serraient d’une colère non feinte.

Mettant son orgueil démesuré de côté, Ezekiel ne se gêna pas pour prendre appuis sur moi. Nous mettant en marche dans le long couloir, je me laissais guider par son esprit. Encore envahi de l’adrénaline et surtout, craignant pour la santé de mon créateur, je ne sentais étrangement pas la fatigue.

- Tu cours à ta perde Ezekiel, nous cria Shaolan derrière nous.

L’ignorant avec superbe, nous continuâmes notre marche silencieuse, à la recherche d’un abris pour se reposer. Nous ne valions pas mieux l’un que l’autre et la chaleur qui se dégageait d’Ezekiel comme s’il était fiévreux me laissait ce goût amer de l’angoisse.

Côte à côte, nous marchions hésitant, priant pour ne croiser personne sur notre route. Jamais je n’avais vu Ezekiel aussi affaibli et je me demandais ou il puisait ses forces pour avancer, ne sachant moi-même comment je parvenais à mettre un pied devant l’autre. A chaque pas que nous faisions, je réalisais peu à peu ce qu’il venait se produire. Nous savions tous deux que je venais de lui sauver la vie…

Seuls, nous ne pouvions maintenant compter que l’un sur l’autre alors que les menaces de Shaolan résonnaient encore à mes oreilles. Liés plus fort que nous ne l’avions jamais été, nous commencions tous deux une nouvelle relation dont je ne connaissais pas encore la teneur…

Boston, 2 septembre 1800

Je n’avais pas énormément dormi cette nuit là, et Ezekiel avait eu le sommeil agité. Nous nous trouvions dans la cave d’une maison en ruine, laissée à l’abandon. Elle s’était miraculeusement dressée sur notre route hier, et nous n’avions pas hésité à la choisir pour refuge. Je ne connaissais pas l’identité du liquide qui avait servit à me torturer, mais la plaie occasionnée à l’épaule d’Ezekiel n’était pas belle à voir. Ses vertus de vampire semblaient être incapable de le guérir, tout comme les plaies plus superficielles sur mon torse qui continuaient de me cuir durement. Nous avions pris quelques vêtements d’un des cadavres des vampires que Ezekiel avait du tuer pour me vêtir succinctement.

Nous manquions tous les deux cruellement de sang et nous attentions allongés sur cette terre battue que la nuit tombe enfin. Ezekiel ne serait pas en état d’aller chasser, mais je comptais bien ramener assez de sang pour le nourrir. J’espérais de tout cœur que ce liquide carmin améliorerait son état. Les sourcils froncés, il semblait être en proie à un rêve loin d’être plaisant. Me redressant sur mes coudes, je le regardais inquiet. Encore inconscient, plongé dans son sommeil, je me retenais de le réveiller sachant qu’il souffrait moins le peu de temps ou il pouvait dormir.

Intrigué au sujet de la teneur de ses songes et de son passé qui continuait à le torturer, je me risquais à faire ce que je n’aurais jamais osé en d’autres circonstances. Guidé par les nombreuses questions que je me posais à son sujet, je tâtais la première barrière de son esprit. Celle-ci me céda si facilement que j’en fus moi-même étonné. Etait-il aussi faible ? Encouragé par ma première réussite, je détournais ainsi un à un tous les obstacles. Ignorant ce que je ne cherchais pas, je me concentrais uniquement sur la source de sa douleur.

Allongé sur le ventre, la tête tournée vers moi, Ezekiel ne semblait se douter de rien. Brusquement, je fus comme happé dans son cauchemar, simple spectateur de ses songes.

Ezekiel se tenait face au mur, les mains attachées par des chaines. Son corps étaient couvert de plaies et d’hématomes, alors qu’il gémissait de douleur. Sur sa nuque, je pouvais voir une brûlure semblable à celle que j’avais connue sur mon torse. Tournant la tête vers moi sans me voir, ne faisant pas partit de son rêve, mon cœur manqua d’étouffer face à la vision qui s’imposa à moi. Ivre de douleur, le regard d’Ezekiel était dévasté. Les larmes ruisselaient sur ses joues, alors que tout son corps nu et mutilé tremblait d’épuisement et de souffrance.

Dieu seul savait ce qu’il avait du endurer pour être dans un tel état. Un rire rauque attira mon attention, un vampire qui ne devait être autre que Darius s’approchait de lui, le corps nu et le sexe dressé ne laissant que peu d’hésitation quant à ce qui allait suivre. Les yeux injectés de folie Darius avançait vers lui l’air décidé. Un dernier regard sur l’expression effrayée et soumise de mon créateur fut de trop. Me sortant de son esprit vivement, je revins à moi haletant. La poitrine douloureusement comprimée, je laissais mon regard se poser automatiquement sur sa  nuque dégagée. Jamais je ne l’avais remarqué, mais il y avait là une ancienne cicatrice atténuée par le temps. Ne tenant plus et réalisant qu’il était actuellement en train de revivre certainement l’un de ses pires souvenirs passé avec Darius, je le secouais légèrement mais avec fermeté. Ezekiel se réveilla en sursaut, écarquillant les yeux d’effrois.

Sans réfléchir, n’écoutant que mon instinct, je l’attrapais au creux de mes bras, l’attirant à moi pour une étreinte de fortune. Prenant garde à ne pas le serrer trop fort, je retenais à grand peine des larmes de douleur en songeant à ce qu’il avait du vivre. Ezekiel ne refusa pas mon étreinte, de la même façon qu’il ne pris pas la peine de véritablement y répondre, enfouissant tout de même sa tête au creux de mon cou. Nous restâmes un long moment ainsi, Ezekiel se laissant peu à peu aller, chacun de ses muscles retrouvant une certaine forme de détente, quittant lentement sa torpeur avec mon aide. Mes mains caressaient lentement son dos et son visage sans trop en avoir conscience.

- Je… Je ne savais pas… Pardon… Soufflais-je alors la voix brisée d’émotions et de remords.

Je tenais à m’excuser au sujet de ce que je lui avait dit. Jamais je n’aurais pu imaginer une seule seconde l’enfer qu’il avait vécu. Je venais d’assister à une scène dont même Shaolan devait ignorer l’existence…

S’écartant brusquement de moi, Ezekiel lâcha alors avant de s’appuyer contre le mur, le regard encore voilé par la peur :

- Je ne veux pas de ta pitié !

- Si j’avais vraiment pitié de toi, je t’aurais achevé au lieu de me lamenter sur ton sort. Répliquais-je, désabusé par ses propos.

Le silence tomba entre nous, Ezekiel me fixant d’un regard que je n’aurais su définir comme s’il cherchait des réponses. Ne sachant que faire, soudain gêné, je détournais le regard. C’est alors qu’il me demanda

- Pourquoi m’as-tu sauvé Alakhiel ?

Redressant la tête, j’ancrais mon regard dans le sien. Je ne connaissais pas de réponse précise. Prenant un certain temps pour répondre, je finis par dire la voix basse :

- Tu as risqué ta vie pour me sauver. Et… Peut-être que je suis un peu fou moi-aussi, ajoutais-je en souriant.

Me reprenant, je déclarais bien plus sérieux, sans pour autant tout lui dévoiler :

- J’ai peut être pris conscience que tu étais le seul à avoir jamais songé à moi et à m’avoir porté de l’intérêt… Malgré tout ce que tu…

- Ce n’étais pas une raison pour mettre ta vie en danger, me coupa-t-il d’un ton bourru.

Je me surpris à sourire face à sa réponse. Ezekiel était ainsi et je devais m’y faire. Nous avions encore de nombreuses années à partager ensemble. Son visage se crispa de douleur alors qu’il tentait de s’installer plus confortablement. Me levant lestement, je m’abaissais vers lui avant de déposer un chaste baiser sur son front, ne cherchant pas à comprendre d’où venait ce brusque sursaut de geste affectueux, me laissant vivre tout simplement.

- Repose-toi, je vais chasser. Je reviens vite.

Il n’était pas nécessaire de préciser à Ezekiel qu’il serait pour la première fois incapable de chasser avec moi cette nuit là.

- Sois prudent ! M’ordonna Ezekiel.

Ne me formalisant pas d’avantage du ton qu’il avait employé, certainement du au fait qu’il n’appréciait pas de devoir être ainsi dépendant de moi, je passais par la trappe de la cave afin de sortir. Pour la première fois de ma vie de vampire, je ressentais l’envie étrange de chasser. Peut-être était-ce à cause du fait que je doive ramener du sang frais à Ezekiel. Laissant la faim m’envahir, j’humais l’air en quête des proies qui passerait cette nuit sous mes crocs. Habilement, je laissais mes pieds nus fouler l’herbe encore mouillée de la pluie de la journée. Là tout près de moi, je pouvais sentir Ezekiel me suivre par la pensée, gardant un œil sur moi, anxieux qu’il m’arrive quoi que ce soit. Lui laissant un petite place et l’acceptant ainsi à mes côtés, je m’enfonçais dans les ténèbres de la nuit, laissant l’instinct guider mon chemin.

A suivre…

Cet article a été publié le Mardi 4 août 2009 à 20:25 et est classé dans Silent scream. Vous pouvez suivre les commentaires sur cet article en vous abonnant au flux RSS 2.0 des commentaires. Vous pouvez faire un commentaire, ou un trackback depuis votre propre site.

9 commentaires opour le moment

Mashiro
 1 

super chapitre! j’ai beaucoup aimé! je suis contente que les choses entre eux évoluent

5 août 2009 à 11:25
 2 

*souffle de soulagement mais aussi de peine* je savais qu’il avait souffert mais à ce point ça donne envie de vomir … Darius méritait ce qui lui ait arrivé .. il le méritait plus que n’importe qui …

Merci pour ce chapitre les filles … Ah oui .. j’adore la nouvelle déco, mine de rien elle fait paraitre l’histoire moins sombre et c’est pas pour me déplaire

Chu !!

6 août 2009 à 6:53
Dadoune
 3 

Olala les pauvres ils auront bien souffert dans ce long et passionnant chapitre!!

7 août 2009 à 16:45
Véra
 4 

Magnifique chapitre et long en plus!!
=D
j’aime bien la relation qui s’installe et qui progresse entre eux!!
Peut-être qu’Alahkiel va finalement s’avouer à lui-même que c’est l’amour qui les lie..??!
Et j’adore comment c’est écrit! (comme pour tes autres fictions d’ailleurs!) Elles sont très prenantes!
Encore merci, bon courage pour la suite!
bisouxxx

9 août 2009 à 17:16
elodiedalton
 5 

superbe chapitre! on dirait que sa évolu entre alakhiel et ezekiel, et dans le bon sens cette fois je me demande ce qu’il va advenir d’eux deux!

bonne continuation bisous

10 août 2009 à 19:58
Lyra
 6 

Wahou !
Quelle scène !
J’ai adoré et c’est la première fois que je viens sur ce blog, vous m’avez donné envie de tout lire, merci beaucoup pour ces émotions.

Lyra.

2 avril 2010 à 13:10
Ayase
 7 

Coucou ! J’aime un peu trop cette fic’ mais ce qui est dommage c’est que les chapitres tardent a arriver =x.Je me suis vite attachée au personnages mais je reste, disant frustrée de ne pas savoir la suite. Mais bon, j’espère vous encourager a nous écrire d’aussi belles histoires. Car comme je l’ai citée dans un autre commentaire, vous avez beaucoup de talent ! Voila i’m looking forward the next chapters ^^.Bisous.
AyaSe’.

3 avril 2010 à 3:13
 8 

salut les filles j’ aimerais savoir si il y’ aura une suite j’ adore cette histore et ca fait 3 ans que j vous lit donc un an que j attend la suite.S ‘ il vous plait faites en une suite mon imagination est loin d’ égaler la votre.
merci

10 septembre 2010 à 20:08
Allexielly'nn
 9 

C’est la deuxième fois que je lis cette histoire (après plus d’1an) et encore une fois j’en suis tomber amoureuse! XD Vos histoires sont vraiment magnifiques les filles bien que je dois avouer avoir eu un véritable coup de cœur pour celle-ci!

J’espère de tout cœur que vous ne comptez pas l’abandonner! XD

Merci pour votre travail et VIVEMENT UNE SUITE! bisous bisous

28 janvier 2011 à 19:34

Laisser une réponse

Vous devez être identifié pour écrire un commentaire.