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mai

Silent scream - Chapitre 3

   Ecrit par : admin   in Silent scream

Chapitre 3 écrit par Shinigami

Quelque peu étourdit par la quantité de sang que je venais de perdre, je me reculais précipitamment de ma victime, réalisant seulement à la vue du sang qui maculait son torse et les draps blancs, l’ampleur de la conséquence de mon égoïsme. Etendu sous mes yeux, le corps de ma victime était parcouru de spasmes et de contractures de plus en plus violents, signe indéniable que la mort allait subvenir dans peu de temps. Les yeux révulsés et la bouche entrouverte en un cri de douleur muet, je pouvais sentir une peur sourde émaner de l’homme qui agonisait face à moi. Sans que je ne sache pourquoi, mon cœur se contracta douloureusement à cette vision. J’avais cette horrible sensation qui s’emparait de moi, cette impression que je n’avais pas ressentie depuis bien des décennies, et cela me donnait la nausée.

Pour la première fois depuis plus de cent cinquante ans, je me trouvais monstrueux. L’innocence et la pureté de ce jeune homme m’avait fait faire un saut dans le passé et je m’étais revu à sa place. L’odeur suave et électrisante du sang me ramenait irrémédiablement dans mes souvenirs, durant cette nuit de carnage où tout a commencé… Je m’en souvenais comme si cela s’était passé la veille. Seul le cadre était différent, mais je m’apercevais qu’en fin de compte, je n’étais pas si différent de lui… A cette idée, je fus pris d’une violente envie de vomir et me précipitais à la salle de bain attenante à la chambre, tandis que sur le lit, ma victime rendait son dernier souffle.

Lorsque je reviens, je posais immédiatement mon regard sur lui, hypnotisé par la mort que l’avait finalement emporté. La pâleur naturelle de sa peau additionnée à la pâleur de la mort lui donnait un teint cadavérique que je ne pouvais m’empêcher de trouver terriblement sensuel. D’un pas chancelant, je revins m’asseoir au chevet de ma victime et pris mon mal en patience. A présent, je devais attendre. De temps en temps, je me levais et faisais quelques pas dans la chambre, allant verrouiller la porte et tirer les rideaux, l’aurore n’allant pas tarder à se lever.

Après un brin de toilette, j’en fis de même pour ma victime avant de le revêtir. Lorsque le jour se leva, je m’installais dans le lit aux côtés du corps inerte de ma victime et après avoir vérifié que tout était en ordre, je m’endormis d’un sommeil profond duquel je ne sortirais qu’à la tombée de la nuit.

Comme je l’avais prédis, ce ne fut que quelques minutes après le couché du soleil que je me réveillais. Cependant, ce ne fus pas le réveil auquel je m’attendais. Je sentais que l’on s’agitait à mes côtés et je pouvais ressentir une peur croissante me comprimer les tempes. Aussitôt, j’ouvris automatiquement les yeux, comprenant que mon nouveau compagnon venait de s’éveiller au monde de la nuit.

Si passé un temps je l’avais trouvé incroyablement beau, à présent, sa métamorphose en créature de la nuit ne faisait que renforcer sa perfection et son teint d’une pâleur mortelle lui donnait un tout autre charme mystique mais tout aussi sensuel. Si j’avais été troublé plus que je ne l’aurais dû par cette vision que s’offrait à moi, je retrouvais bien vite mon assurance habituelle et d’une voix légèrement moqueuse, je déclarais :

- Alors, c’est que maintenant que tu te réveilles ? Je t’attends depuis un moment déjà…

Je le vis sursauter à l’entente de ma voix et se tournant vers moi, il s’exclama, visiblement furieux, sans prendre le temps de répondre à ma question :

- Où suis-je ? Qui êtes-vous ? Que m’avez-vous fait ?

- Commence déjà par te calmer, répondis-je d’un ton sec qui n’acceptait pas de réponse.

Cela parut avoir son effet car aussitôt, le silence se fit dans la chambre.

- T’es calmé ? Demandais-je plus en guise de confirmation que dans l’attente d’une réponse.

Mon vis à vis m’adressa un regard meurtrier et la nouvelle étincelle qui brillait dans ses yeux s’enflamma ardemment sous l’excès de colère et de haine qu’il semblait me vouer. Cependant, ne souhaitant pas entrer dans son petit jeu, je déclarais d’une voix calme et posée, synonyme de toute l’assurance qui m’habitait :

- Bonsoir Alakhiel…

- Comment m’avez-vous appelé ? Demanda-t-il, la crainte remplaçant instantanément la colère.

- Alakhiel, répondis-je patiemment.

Je savais que cela ne serait pas facile, mais pourtant, il fallait qu’il s’y habitue et fasse son deuil de son ancienne vie.

- Qui… Qui êtes-vous ? Demanda-t-il son sans appréhension. Qu’est-ce que je fais là ?

Surpris, je lui demandais, sans même répondre à ses questions :

- Tu ne te souviens de rien ?

Assis face à moi, il resta silencieux un instant avant de répondre, visiblement plongé dans ses souvenirs :

- Je… Non, c’est encore tout embrouillé…

- Ne t’inquiète pas, tes souvenirs reviendront, mais pour le moment, il est préférable que tu ne cherches pas à t’en souvenir. C’est encore trop tôt, tu n’es pas assez fort…

- Qu’est-ce qui est encore trop tôt ? De quoi parlez-vous ? Et puis, d’abord qui êtes-vous ? Vous n’avez pas répondu à ma question…

- Je m’appelle Ezekiel, répondis-je avec toujours cette patience que je ne me connaissais pas. Et je suis ton créateur…

- Mon quoi ? S’exclama-t-il.

- Tu ne te souviens vraiment pas ? Hier soir, ajoutais-je face à son hochement de tête négatif, j’ai bu ton sang et j’ai fais de toi une créature de la nuit… Tu es un vampire à présent…

A ces mots, il se mit à rire de façon hystérique, ne croyant pas un mot de ce que je lui racontais. Vexé qu’il ne me prenne pas au sérieux, je m’exclamais peut être un peu trop vivement :

- Regarde-toi ! Regarde tes mains ! Et si cela ne suffit pas, regarde dans ce miroir…

Semblant prendre mon exclamation au sérieux il posa son regard sur ses mains et ses yeux s’agrandirent d’effroi. En effet, celles-ci, comme les miennes lors de ma transformation, s’étaient affinées et ses ongles étaient à présent aussi durs et longs que des griffes acérées.

- Qu’est-ce que vous m’avez fait ? S’écria-t-il furieusement.

- Je te l’ai dit, j’ai fais de toi un vampire… Alakhiel… Prince de la nuit…

Je le vis pâlir à cette appellation et après le moment de surprise et d’incompréhension passé, il se jeta sur moi et me saisissant à la gorge, il s’exclama, les yeux embrumés par les larmes de rage :

- Noon ! Vous mentez !

- Pour quelle raison le ferais-je ? Demandais-je, à présent énervé par son comportement.

Semblant réaliser que tout ceci allait au delà d’une simple farce, il me lâcha comme s’il venait de se brûler au contact de ma peau et se précipita vers la porte et alors qu’il esquissait un geste pour l’ouvrir, celle-ci lui résista. Au bord de l’hystérie, ma victime commença à tambouriner des poings contre la porte en s’écriant :

- Laissez-moi sortir !

- Mais je ne te retiens pas, fis-je remarquer avec calme. Tu es libre de sortir. De plus, ajoutais-je avec ironie et une pointe de sadisme, tu dois avoir faim… Ne le sens-tu pas ? Cet instinct de chasseur qui s’éveille en toi ? Ce désir insatiable qui s’embrase en toi au point de te faire vibrer… Ne frémis-tu pas à la simple idée d’une veine palpitante de vie roulant sous tes crocs, en sentant la vie de ta victime s’échapper de son corps inerte ?

Lentement, Alakhiel se retourna et me lançant un regard perçant, il murmura d’une voix qui cachait mal la peur qui l’habitait :

- Vous êtes complètement fou !

J’éclatais de rire face à cette accusation et le regard qu’il me lança alors n’en fut que plus dur et accusateur. Les yeux brillant d’une lueur de satisfaction, signe de la folie qui m’habitait, j’esquissais un sourire sadique et déclarais :

- Mais qui est le plus fou des deux ? Celui qui le sait ou bien celui qui accuse l’autre ?

Alakhiel resta muet, semblant ne pas s’attendre à une telle réponse de ma part puis reprenant le contrôle de lui-même, il s’exclama :

- Je refuse de devenir votre jouet ! Je ne deviendrais pas comme vous ! Vous êtes le mal en personne et je refuse de finir comme vous, fou à lier et monstrueux !

- Et bien il faudra t’y faire ! M’exclamais-je en retrouvant mon sérieux, lassé par ses lamentations infantiles.

- Jamais ! S’écria-t-il avant de courir à travers la pièce et de sauter par la fenêtre qui vola en éclat.

Un sourire satisfait naquit sur mes lèvres et lentement, je m’approchais de la fenêtre pour le voir se redresser et disparaître dans les ténèbres de cette nuit sans lune. S’il refusait de voir la vérité en face, bien vite, il se rendrait compte que celle-ci était belle et bien réelle. Sa naissance au monde de la nuit l’avait doté de facultés qu’un être humain ne possédait pas et bientôt, il serait forcé d’admettre que sa vie d’avant n’était plus.

Je restais un instant immobile, le regard perdu dans le vide, fixant sans vraiment le voir l’endroit où avait disparu Alakhiel jusqu’à ce que je fus tiré de ma contemplation par des coups frappés à la porte de la chambre. Reprenant mes esprits, je me retournais alors face à mon silence, ils commençaient à enfoncer la porte et après un dernier regard sur la pièce, je sautais à mon tour par la fenêtre.

J’atterris lestement sur le sol, et me redressant rapidement, je m’évanouissais dans la nuit noire avant que quelqu’un n’ait le temps de se rendre compte de ma présence. Je marchais ainsi dans les bois pendant un bon moment avant de finalement arriver dans la ville la plus proche. Un sourire démoniaque étira alors mes lèvres et remontant le col de ma veste devant mon visage, me donnant ainsi un air mystérieux, je commençais ma chasse nocturne, déambulant dans les ruelles sombres à la recherche d’une pauvre âme égarée. Il ne me fallut pas longtemps pour trouver ce que je recherchais. Usant de mon pouvoir, j’attirais ma proie dans l’angle d’une ruelle mal éclairée, et en moins de temps qu’il ne faut pour le dire, mes crocs étaient plantés dans sa gorge tandis que son sang coulait onctueusement sur mon menton, alors que j’achevais de prendre sa vie. Une fraction de seconde avant son trépas, je laissais tomber à terre le corps inerte de ma victime et sans un regard pour lui, je quittais les lieux, momentanément rassasié.

J’errais ainsi, sans réel but, outre celui de me nourrir, durant le reste de la nuit et ce ne fus qu’au petit matin que je partis à la recherche de mon nouveau compagnon. A vrai dire, je savais exactement où il était, étant lié à lui mentalement, et j’eus simplement à lire dans ses pensées pour le retrouver. Moins d’un petit quart d’heure plus tard, j’étais de nouveau à ses côtés. Il était là, assis sur un muret à la lisière de la forêt, les yeux rivés sur une petite maison. Arrivant silencieusement, je m’approchais de lui sans qu’il ne s’en aperçoive et dans un murmure, je déclarais :

- Il nous faut partir. Le soleil va bientôt se lever et tu n’as toujours pas mangé. Il faut te nourrir…

- Je ne bougerais pas d’ici, répondit calmement mon compagnon.

Agacé par son attitude puérile, je soupirais de lassitude avant de reprendre, sur un ton qui dissimulait mal mes ressentis :

- Ecoute, je fais cela pour toi, mais si tu préfères te laisser mourir ici c’est ton problème.

- Et qui vous dis que ce n’est pas ce que je souhaite ?

A ces mots, je laissais s’échapper un rire sonore et moqueur qui eut pour effet d’énerver d’avantage mon vis à vis qui m’adressa un regard meurtrier. Pas intimidé le moins du monde, je demandais entre deux éclats de rire :

- Tu crois vraiment que tu serais prêt à l’abandonner ?

Semblant comprendre le sous-entendu, ses yeux s’agrandir d’horreur et d’une voix emplie de terreur, il s’exclama :

- Co… Comment savez-vous ?

- Je sais beaucoup plus de chose que tu ne le penses, répondis-je avec sérieux en m’approchant dangereusement de lui.

Tétanisé, il esquissa un pas en arrière et perdant toute son assurance, il murmura :

- Je… Vous ne lui ferez aucun mal…

- Je ferais ce qui est nécessaire pour que tu l’oublies ! M’exclamais-je menaçant, ne supportant pas de le voir ainsi faible et misérable à cause d’un amour qui ne lui serait jamais rendu.

Face à cette menace implicite, ses yeux s’écarquillèrent d’horreur et d’une toute petite voix, il s’exclama :

- Je vous en prie, ne la touchez pas… Je ferais ce que vous voudrez, mais épargnez sa vie…

A l’entente de ses mots, je restais un instant stupéfié par une telle supplication tout en fulminant intérieurement de rage. Comment un homme qui à présent faisait partie des créatures de la nuit pouvait-il ainsi s’agenouiller et se rabaisser pour le simple amour d’une femme. Sous l’effet de la rage et de la colère que je ressentais à cet instant, je retenais à grand peine une envie viscérale d’aller égorger cette catin qui le rendait si faible et assujetti pour me repaître de son sang et jouir de cette sensation d’extase qui s’emparait de moi lorsque je sentais ma victime rendre son dernier souffle. Cependant, je restais paralysé face à son visage larmoyant et pour la seconde fois de ma vie, je ne fus plus maître de moi-même. Aussi, je déclarais avec hargne :

- Soit !

Sur ce, je l’empoignais par le col et comme s’il ne pesait rien, je le soulevais au niveau de mon visage et lorsqu’il fut à seulement quelques centimètres de moi, je murmurais :

- Je ne veux plus jamais que tu reviennes à cet endroit. Oublie-là ! Ou je serais forcé de la tuer…

Sur ces menaces, je le lâchais sans ménagement et sans un regard en arrière, je pris le chemin de mon propre manoir. Je n’avais pas besoin de surveiller mon nouveau compagnon, je savais qu’il me suivrait. Il tenait bien trop à sa chère et tendre. Lorsque nous arrivâmes à mon repère, les premiers rayons de soleil pointaient déjà à l’horizon, inondant le ciel de couleurs chatoyantes. Alakhiel n’avait pas mangé, mais cela ne m’importait guère, il se rattraperait la nuit suivante. J’espérais que la faim qui le tiraillerait durant toute la durée de son sommeil le ferait réfléchir sur son comportement.

Une fois arrivés dans la chambre où se trouvait mon cercueil, je me tournais vers Alakhiel et lui adressais la parole :

- Tu dormiras avec moi cette nuit, et demain nous irons te trouver ton propre cercueil.

Avec hésitation, il prit place dans le cercueil dans lequel je dormais et lorsqu’il fut installé, je pris place à ses côtés avant de nous plonger dans le noir. Tout contre moi, je sentais Alakhiel s’agiter, mais n’y prêtant pas plus attention, je fermais les yeux. Cependant, lorsqu’au bout de quelques heures il semblait toujours éveillé, gesticulant dans tous les sens, m’empêchant de trouver le sommeil, je me tournais vers lui et m’exclamais avec agressivité :

- Quand tu auras finis ton cirque peut-être que je pourrais dormir ! C’est de ta faute si t’as faim, alors maintenant tu prends ton mal en patience et tu dors ! La prochaine fois que tu bouges je te fous dehors !

Semblant prendre mes menaces au sérieux, il ne répondit rien et satisfait, je fermais les yeux dans l’espoir d’enfin parvenir à dormir, mais c’était peine perdue. Alors que j’étais sur le point de m’endormir, Alakhiel recommença à bouger dans tous les sens, et à bout de patience, je me tournais vers lui et de mon bras, je le plaquais contre la paroi du cercueil tandis que d’un coup de dent rapide et efficace, je m’ouvrais la veine du poignet et lui la présentais. Après un instant d’hésitation, il finit par attraper mon poignet et avec avidité il s’abreuva du sang qui coulait à flot de mon poignet.

Lorsque je le jugeais suffisamment rassasié pour patienter jusqu’à la nuit, je retirais mon poignet et d’une voix sèche, je lui intimais :

- Maintenant dors !

Epuisé par le manque de sommeil et la perte de sang, je ne mis pas longtemps à trouver le repos auquel j’aspirais depuis déjà plusieurs heures. Alakhiel ne tarda pas à s’endormir à son tour. Je ne me réveillais qu’à la tombée de la nuit lorsque les derniers rayons de soleil eurent disparu à l’horizon et que le ciel commençait à revêtir son manteau de nuit. Lorsque j’ouvris les yeux, j’eus la surprise de trouver Alakhiel toujours endormi mais blotti contre moi, tenant mon bras contre lui, comme s’il craignait que je le laisse seul. Le moment d’étonnement passé, j’esquissais un geste pour le réveiller avant de retirer mon bras de son étreinte et de quitter mon cercueil.

Après avoir tiré les rideaux, j’ouvrais la fenêtre de la chambre et allais m’asseoir un instant sur la rambarde du balcon qui donnait sur le jardin. Les yeux rivés au ciel, j’observais la lune et les étoiles à défaut de pouvoir contempler le soleil. Perdu dans mes songes, c’est à peine si je sentis la présence d’Alakhiel à mes côtés. D’une voix étrangement douce qui contrastait avec sa méchanceté habituelle, il me demanda :

- Vous allez bien ?

Je me tournais vers lui mais ne répondis rien, me contentant de le fixer de mon regard perçant. Si j’avais le pouvoir de lire dans ses pensées et de prendre le contrôle de son esprit, lui en était encore incapable, cependant, j’eus l’impression qu’à cet instant, il pouvait lire en moi comme dans un livre ouvert. Déconcerté par cette constatation, je me détournais de lui, sentant son emprise sur moi augmenter considérablement et avant qu’il n’ait le temps de dire quoi que ce soit, je déclarais, d’un ton un peu trop sec et cassant :

- Il est temps de t’apprendre à chasser…

Sur ces mots, nous nous mîmes en route et je conduisais Alakhiel dans la taverne la plus réputée de la ville pour la classe sociale de personne qui s’y rendait. A défaut de chasser dans le grand monde, je l’emmenais dans mon deuxième terrain de chasse préféré, là où nous pourrions trouver des morceaux de choix. Sans chercher à dissimuler notre présence, je traversais la salle bondée pour aller nous asseoir à une table située dans le fond de la pièce, là où la lumière tamisée nous assurerait un maximum de discrétion. Une fois que nous fûmes installés confortablement sur la banquette de velours noir, je commençais à regarder plus en détail les personnes parmi lesquelles nous nous trouvions. A plusieurs reprises, des femmes de bonnes compagnies cherchèrent à se joindre à nous, mais je les rejetais sans ménagement, sous le regard étonné d’Alakhiel. Aussi, je me fis un devoir de lui expliquer, un sourire sadique dépeint sur le visage :

- Des chasseurs de notre rang se doivent de chasser des proies de qualité. Et quel plaisir y a-t-il à chasser des proies qui se jettent directement sous nos crocs… Non, le mieux, c’est d’attendre qu’une belle jeune fille pure et innocente s’égare en ce lieu…

Alakhiel m’adressa un regard outré et empli d’effroi alors que j’éclatais de rire, amusé par les réactions exagérées de mon jeune compagnon. Cependant, nous n’eûmes pas à attendre bien longtemps avant que je ne repère la proie idéale. Il s’agissait d’une jeune fille, dans la fleur de l’âge. Emmitouflée dans une longue cape de tissus de qualité, il émanait d’elle une suave odeur de tristesse qui électrisa mes sens. Lorsqu’elle quitta la taverne, la mort dans l’âme, je me levais et partis à sa suite, suivis de près par Alakhiel. D’humeur joueuse, je décidais de suivre un moment ma future victime à travers les ruelles sombres et mal éclairées, lieu parfait pour assouvir ma faim et apprendre les joies de la chasse à mon compagnon. Alors que ma proie tournait au détour d’une ruelle, je me tournais vers Alakhiel et déclarais, une lueur de malice au fond des yeux :

- Observe !

Sans plus de cérémonies, j’abandonnais Alakhiel derrière moi et repris mon jeu. La jeune fille s’était rendu compte de notre présence et je pouvais entendre son battement cardiaque accélérer considérablement alors que la peur grandissait en elle. Jouissant de ce pouvoir, je continuais un instant de l’observer avant de finalement me montrer à elle. A ma vue et semblant comprendre que sa vie était à présent entre mes mains, elle laissa s’échapper un sanglot de terreur et s’agenouilla à mes pieds, me suppliant :

- Je vous en prie, sanglota-t-elle. Ne me tuez pas…

- Et pourquoi t’épargnerais-je ? Demandais-je avec un calme qui contrastait avec l’intensité qui régnait autour de nous. Tu empestes la tristesse et le mal être à des kilomètres, je peux te soulager… Ne t’inquiète pas, ajoutais-je en la relevant. Tu ne sentiras rien…

Et avant qu’elle n’ait le temps de réagir, je plantais mes crocs dans sa veine chaude et palpitante de vie, me repaissant de ce liquide carmin au goût légèrement métallique, si précieux à mes yeux. Avant l’instant fatidique, j’appelais Alakhiel et l’invitais à venir me rejoindre avant de lui jeter le corps inerte mais toujours vivant de la jeune fille dans ses bras, lui intimant l’ordre de l’achever. Je le vis hésiter un instant, puis c’est avec satisfaction que je le vis finalement plonger vers le cou ensanglanté de ma victime. Cependant, contre toute attente, il rejeta le corps inerte de la jeune fille et s’exclama :

- Je ne peux pas… Vous me demandez de la tuer…

- Je te demande d’assumer ce que tu es ! M’exclamais-je furieux face à tant de lâcheté de sa part. Abandonne ton humanité Alakhiel, m’exclamais-je, elle ne t’est plus d’aucune utilité.

Alakhiel m’adressa un regard apeuré avant de finalement s’enfuir en courant. De rage, je m’emparais du corps de la jeune fille et finis par l’achever. Puis, je partis à la recherche d’Alakhiel. Il ne me fallut pas longtemps pour le trouver, assis sur un banc dans le parc. M’approchant de lui, ma colère n’ayant toujours pas diminuée, je l’attrapais par le col et le soulevais de terre comme s’il ne pesait rien.

- Cesse immédiatement ces simagrées ! Tu es un vampire Alakhiel, comporte-toi comme tel ! M’exclamais-je hors de moi. C’est cette fille qui te rend si faible… Peut être devrais-je la tuer, pour qu’enfin tu te la sorte de la tête ! Elle te rend faible et misérable, tu ne vaux strictement rien Alakhiel, tu es pathétique.

A ces mots, un éclaire de rage traversa ses prunelles et d’un geste vif, sa main atterrie sur ma joue. De surprise, je le lâchais et il recula précipitamment de quelques pas tandis que je portais ma main à ma joue. Une fine coupure zébrait ma joue et une goutte de sang s’en échappait. Un sourire démoniaque étira mes lèvres tandis que la coupure cicatrisait instantanément. Léchant la goutte de sang qui perlait sur mon doigt, je m’approchais d’Alakhiel et d’un geste si vif qu’il n’eut pas le temps de l’intercepter, je le saisis par le cou et le soulevais à bout de bras. La voix tremblante de colère mal contenue, je déclarais :

- Ne recommence jamais ça !

Et sans plus de cérémonies, je le jetais plus loin avant d’ajouter :

- Si tu ne veux pas te nourrir soit, mais ne compte pas sur moi pour t’aider comme je l’ai fait la dernière fois. Nous verrons bien combien de temps tu tiendras le ventre vide, mais à mon avis, tu changeras vite d’avis lorsque tu commenceras à ressentir la faim. Maintenant vient, il nous reste une course à faire.

Paris, 16 avril 1752

Ce soir là, comme tous les soirs précédents, j’emmenais Alakhiel avec moi, dans l’espoir qu’il daigne enfin chasser sa première proie. Depuis trois nuits il n’avait toujours pas mangé et malgré l’indifférence dont je faisais preuve face à lui, intérieurement, j’étais inquiet. Je lui avais pourtant enseigné comment vider une proie de son sang avec rapidité et efficacité, espérant qu’il adopte au moins cette méthode barbare à défaut de savourer le sang chaud de sa victime, mais rien ne semblait vouloir pallier à son entêtement. Cependant, je sentais malgré tout qu’il ne tarderait pas à chasser sa première proie. La faim commençait à le tirailler et il ne résisterait pas bien longtemps à ses assauts.

Et il ne tarda pas à me donner raison… Alors que nous longions les quais de la Seine, mes narines furent chatouillées par la délicate odeur de sang. Je me tournais alors vers Alakhiel et à le voir ainsi renifler l’air, j’en déduis qu’il avait lui aussi senti l’odeur. La suivant, j’arrivais bientôt sous un pont sous lequel un homme dans la force de l’âge, gisait, assis contre le mur, le corps ensanglanté. Je m’approchais furtivement de lui de façon à ne pas éveiller ses soupçons, et alors que j’esquissais un nouveau pas vers lui, je jetais un coup d’œil à Alakhiel. Je le vis esquisser un pas hésitant vers l’homme à demi conscient avant de finalement reprendre sa marche et s’agenouiller près de lui.

Du bout des doigts, il essuya le sang qui maculait la peau de son cou et les porta à sa bouche. Galvanisé par le goût suave du liquide carmin aux reflets de rubis, il se jeta sur la veine qui palpitait dans le cou de la victime et y planta ses crocs. C’est avec satisfaction que je le vis se repaître avec avidité, buvant ce liquide vitale. Un sourire orgueilleux se dessina alors sur mes lèvres et d’une voix douce, je déclarais :

- Cela suffit Alakhiel… Il faut t’arrêter maintenant, ne bois jamais de sang mort. Il faut t’arrêter juste avant que le cœur ne cesse de battre…

Ces mots semblèrent le ramener à la réalité car, obéissant à mon ordre, il relâcha le cadavre qu’il avait attiré à lui pour mieux le vider de son sang. Cependant, semblant réaliser la portée de ses actes, il se releva précipitamment avant de s’enfuir à travers les ténèbres de la nuit. Eclatant de rire, je criais à son attention :

- On ne renie pas sa vraie nature Alakhiel… Tu es fait pour tuer…

Sans me presser, je partais à sa recherche et ne fus pas étonné de le retrouver sur le banc du parc où il avait prit l’habitude de se rendre lors de nos petits différents. Lentement, je vins prendre place à ses côtés, et sans réellement prendre conscience de mon geste, je posais ma main sur sa cuisse en un geste qui se voulait apaisant. Ceci sembla être l’élément déclencheur car à mon contact, Alakhiel se mit à pleurer, ne cherchant pas à dissimuler ses sanglots, et posa sa tête sur mon épaule. Surpris par cette démonstration de sentiments des plus déconcertantes, je restais un instant immobile, ne sachant pas comment réagir, ni que faire. Jamais je n’avais été soumis à ce genre de situation auparavant et je ne savais absolument pas quelle attitude adopter ni quel comportement adopter lors de situations de ce genre.

Alakhiel sembla comprendre mon hésitation car face à mon manque de réaction il retira sa tête en s’excusant. Pour la première fois depuis longtemps, les larmes qui maculaient ses joues firent remonter à ma mémoire des souvenirs de ma vie d’antan. Je ne savais d’où lui venait cette faculté de laisser ainsi libre court à sa douleur, moi-même n’ayant plus eu l’occasion de le faire depuis le soir de ma transformation…

Du bout du pouce, j’essuyais les larmes qui perlaient aux coins de ses yeux et délicatement, mes lèvres prirent possession des siennes pour un baiser des plus tendres dont la lune fut le seul témoin. Pour la seconde fois de ma vie d’immortel, je goûtais à la texture délicate et voluptueuse de ses lèvres rosies par la fraîcheur de la nuit. A mon plus grand étonnement, ce fut Alakhiel qui approfondit notre échange, sa langue timide et hésitante, venant quémander l’accès à mes lèvres afin d’aller rejoindre sa jumelle pour l’entraîner dans un ballet des plus sensuels. La douceur et la délicatesse de sa langue qui caressait langoureusement la mienne me fit prendre conscience que jamais je n’avais ressentie une telle tendresse. Cette douceur avait un goût inconnu mais était loin d’être désagréable.

Soudain, je réalisais entièrement mes actes et dans un sursaut d’effroi, je me reculais précipitamment, mettant fin au baiser par la même occasion. Pour être honnête, je venais d’être assailli par une peur indescriptible. Pour la première fois depuis des décennies, j’avais ressenti la crainte, effrayé par des sensations et des sentiments inconnus qui s’étaient imposés à moi brusquement. C’était tellement doux, mais à la fois si terrifiant…

Sans un mot, je me détournais de lui et pris la direction du manoir. Le chemin du retour s’effectua dans un silence monastique et c’est toujours troublé que je regagnais la chambre dans laquelle étaient entreposés nos cercueils, alors que les premiers rayons du soleil commençaient à illuminer le ciel. Après de brèves paroles à Alakhiel, je refermais mon cercueil et fermais les yeux dans l’espoir de chasser et d’oublier cette sensation gênante et angoissante qui me hantait depuis toute à l’heure. Au fond de moi, j’avais l’intime conviction que quelque chose s’était passé entre nous, mais je ne parvenais pas à définir quoi et cela me perturbait au plus haut point.  J’avais cette impression de ne plus être maître de moi-même et cela me désorientait totalement.

Alors que je tentais de comprendre ce qui m’arrivait, ne parvenant pas à trouver le sommeil, l’esprit trop encombré de questions sans réponses, je fus surpris de voir mon cercueil s’ouvrir. Mon étonnement augmenta d’un cran lorsque je vis Alakhiel penché au dessus de moi, me fixant de son regard de braise. Comprenant ce qu’il voulait, n’ayant pas besoin de mots pour lire dans ses pensées, je soupirais de lassitude avant de finalement me décaler et rouler sur le côté en une invitation explicite à venir me rejoindre. Alakhiel ne se fit pas prier et vint instantanément me rejoindre, fermant le cercueil avant de se blottir contre moi. C’est enlacé l’un tout contre l’autre que nous parvinment finalement à trouver le sommeil.

Paris, 1er décembre 1759

Les mois défilèrent, puis les années durant lesquelles nous menâmes paisiblement notre vie de vampire, vivant ignorés de tous, tuant nos proies lors de soirées mondaines auxquelles j’aimais à me rendre dans l’ombre. Nous menions une vie plutôt calme et régie par nos fréquentes disputes. Cependant, cette relative sérénité ne semblait pas faite pour durer éternellement…

Depuis un moment déjà, je faisais les cent pas dans la chambre, la traversant de long en large faisant régulièrement des détours par le balcon dans l’espoir de le voir arriver. Mais plus les minutes défilaient, plus j’attendais en vain. Furieux, j’attrapais un vase que je jetais violemment sur le sol, répandant des morceaux de porcelaine dans toute la pièce alors que dehors, l’aube approchait irrémédiablement. N’y tenant plus, je finis par lire les pensées d’Alakhiel dans le but de découvrir l’endroit où il se trouvait. Ma fureur augmenta considérablement lorsque je compris qu’il m’avait menti.

Fulminant de rage, j’attrapais prestement la cape et sautais précipitamment du balcon, atterrissant lestement sur mes pieds, accroupi sur le sol. Me relevant à la hâte, je partis en courant à travers bois, me fondant dans les ténèbres mourantes de la nuit. Il ne me fallut pas longtemps pour rejoindre mon compagnon et avant qu’il n’ait le temps de se rendre compte de ma présence, je l’attrapais par l’épaule et le forçais à se retourner afin qu’il soit face à moi. Instinctivement, ma main s’abattit sur sa joue avec une violence rare, le faisant chanceler sous le coup porté et d’une voix dangereusement basse, je déclarais :

- Il me semble que nous nous étions mis d’accord sur ce point, non ? Tu as rompu notre accord, alors assume tes actes et regarde la mourir…

- Nooon ! S’exclama Alakhiel en se plaçant entre moi et la maison où elle vivait.

Perdant le contrôle de moi-même, me sentant redevenir ce monstre sanguinaire que j’étais, je poussais brutalement Alakhiel sur le côté de façon à me libérer le passage et avec une rapidité inhumaine qu’Alakhiel ne parvenait pas à égaler, j’entrais dans la maison et attrapais la jeune femme par le cou, prêt à la mordre. Alors que je m’apprêtais à planter mes crocs dans la veine qui palpitait au niveau de son cou, un sourire sadique et victorieux étirant mes lèvres entrouvertes, Alakhiel se jeta de toutes ces forces sur moi, dans le but de me faire lâcher prise.

Cependant, il était bien plus faible que moi et d’un revers de la main, je l’expulsais de nouveau. En le voyant tomber, la jeune femme poussa un cri d’horreur et d’une voix emplie de surprise, elle s’exclama :

- A… Adriel ? Est-ce vous ? Je vous en prie… Dites-moi ce qui se passe…

- E… Elisabeth, murmura Alakhiel d’une voix brisée et emprunte de tristesse.

- Comme tu l’aimes ta belle jouvencelle, clamais-je en riant, avant de reprendre plus enragé que jamais. Tu risques ta peau pour cette catin, m’exclamais-je, furieux, mais avec quoi est-ce que tu réfléchis ?

La jeune fille émit un cri de surprise face à mon excès de rage et reportant mon attention sur elle, je déclarais calmement, un sourire diabolique étirant mes lèvres :

- Ici s’arrête ta vie ma chère… Quel dommage, de mourir si jeune par le simple fait qu’il soit amoureux de toi… Tout cela est de ta faute vois-tu !

- Qu’est-ce que… Qu’est-ce que tout cela signifie ? Demanda la dénommée Elisabeth en pâlissant soudainement, se tournant vers Alakhiel toujours étendu sur le sol, trop faible pour pouvoir faire quoi que ce soit. Adriel… Expliquez-moi ce qui se passe, je vous en prie… Que signifie tout cela ?

Aussitôt, j’attrapais Alakhiel par le cou et en un clin d’oeil, il fut entre mes bras, lamentable et vulnérable comme il avait pu l’être durant sa vie de mortel. Et d’une voix qui cachait mal le sentiment de délectation qui me faisait vibrer de satisfaction, je déclarais sans me départir de mon sourire :

- Oui Alakhiel, explique-lui ! Dis lui comment elle va mourir !

- Je vous en prie, gémit lamentablement Alakhiel. Epargnez-là… Je… Je ferais ce que vous voudrez…

- Tu m’as déjà servi ce refrain la dernière fois, m’exclamais-je furieusement.

Puis, me tournant vers Elisabeth, je la saisis par les cheveux et d’un geste vif, son visage fut à seulement quelques centimètres du mien. Une lueur bestiale étincela dans mon regard de braise tandis que d’une voix redevenue calme, je déclarais, caressant tendrement les cheveux soyeux de la jeune fille, humant son odeur à plein nez :

- Ton cœur bat si vite… Aurais-tu peur ? Peur de mourir ? Je peux entendre les battements frénétiques de ton cœur qui s’emballe dans ta poitrine, murmurais-je en posant ma main sur son cœur. Je peux sentir ton sang palpiter dans tes veines qui ressortent sous ta peau pâle en une sensuelle invitation à venir y goûter… Me laisseras-tu boire ton sang, ma chère ? Je frémis à l’idée de sentir l’exquise volupté de ton sang se répandre dans ma gorge, tiède et savoureux comme le plus doux des arômes, de te sentir t’amollir dans mes bras alors que je te vide de ton sang avec une lenteur extrême qui te mènera de vie à trépas en une longue et interminable attente. Puis, ton corps finira par se raidir totalement alors que j’aspirerais hors de toi la dernière goutte de ton sang, comblant mon désir insatiable et à ce moment là seulement, tu rendras ton dernier souffle. A jamais belle, froide comme une pierre tombale, tu erreras dans la mort…

Effrayée, Elisabeth laissa s’échapper un hoquet de sanglot, alors que son regard se détournait du mien. Puis, d’une voix suppliante, elle s’exclama :

- Libérez-moi, je vous en prie… Laissez-moi m’en aller…

Je frissonnais de pure exaltation, prenant plaisir à lui torturer l’esprit tandis que je ressentais une peur vivace émaner d’elle. Je jouissais du pouvoir que j’avais sur elle, de cette admiration inconsciente que me vouaient Alakhiel et sa belle.

Un sourire cruel naquit sur mes lèvres et à la vue de l’étincelle meurtrière qui luisait dans mes yeux, Alakhiel se jeta une nouvelle fois sur moi pour tenter de protéger sa dulcinée. Mais comme la première fois, ce fut peine perdue. Le saisissant par le cou, je le portais à bout de bras tandis que ses mains attrapant mes poignets, il tentait désespérément de me faire lâcher prise. A cet instant, une idée me traversa l’esprit et un rictus démoniaque dépeint sur le visage, je déclarais :

- Et si… Au lieu de la tuer, je lui offrais le don obscur ?

Alakhiel ne répondit rien mais je le sentis se débattre alors que j’amplifiais la pression de mes doigts autour de son cou, en une menace non feinte. De colère, je resserrais lentement ma prise autour du cou d’Alakhiel, en le ramenant vers moi. Lorsque mon visage ne fut qu’à quelques centimètres du sien, je déclarais :

- J’ai laissé passer trop de choses ces dernières années, Alakhiel, j’ai été beaucoup trop indulgent avec toi. Sais-tu pourquoi je t’ai choisi ? Parce que tu as cette haine et cette rage en toi, mais trop attachée à ta vie humaine, tu te refuses à laisser ta vraie nature prendre le dessus. Tu es lâche et misérable, Alakhiel, tu ne vaux absolument rien. J’aurais mieux fait de te laisser mourir après t’avoir vidé de ton sang au lieu de faire de toi un enfant de la nuit.

- Vous êtes un monstre, souffla Alakhiel. Je ne suis pas comme vous…

- Oh si tu l’es, murmurais-je. Toi et moi nous sommes pareil… Nous sommes nés pour tuer, Alakhiel…

- Arrêtez ça tout de suite ! S’écria Alakhiel.

- Alors prends-là, Alakhiel ! M’écriais-je. Tue-la et débarrasse-toi de cette humanité qui te ronge. Pour toi la souffrance est atroce, tu la ressens parce que tu es un vampire, Alakhiel, cesse de renier ta vraie nature… Tu résistes au seul remède qui t’apporterait la paix…

- Je ne peux pas, s’exclama à son tour mon compagnon.

- Songe gamin, que tout ce qui t’attend, c’est de la regarder vieillir au fil des années, annihilant toute possibilité d’être un jour un vampire saint d’esprit, noble et puissant. Tu t’adonnes à tes remords et ta culpabilité que tu chéries tant et tombe dans la décadence…

- Taisez-vous, me supplia alors Alakhiel, cessant de se débattre pour porter ses mains à ses oreilles, dans l’espoir d’échapper à la vérité que je lui dévoilais en pleine face.

Sans tenir compte de ses supplications, je poursuivais mon réquisitoire passionné :

- Tu es un vampire de la pire espèce… Amoureux de tes remords et de ta culpabilité, tu te complains dans ton malheur et ta souffrance alors que tu as la possibilité de tout faire cesser…

Lâchant Alakhiel, je me retournais vers la jeune fille pétrifiée de terreur et d’un violent coup de coude, je la bousculais dans les bras de mon compagnon :

- Tu as le choix, déclarais-je. Tu as la possibilité de la tuer rapidement sans la faire souffrir ou de prendre ton temps, mais fait le ! Tue-la ! Si tu ne le fais pas, c’est moi qui m’en chargerais et ce ne sera pas de la manière la plus douce. Si c’est moi qui la tue, elle agonisera lentement dans d’atroces souffrances… A toi de prendre ta décision, Alakhiel !

Alakhiel resta silencieux, tandis que je parvenais à bout de patience :

- Ma patience a des limites ! M’exclamais-je, de plus en plus énervé.

Jamais encore je n’aurais cru un jour entrer dans une telle fureur. La rage qui m’habitait décuplait ma cruauté et un sentiment que je ne parvenais pas à déterminer me poussait à éliminer au plus vite cette catin qu’Alakhiel se refusait d’achever. Souhaitant mettre fin à ce conflit au plus vite, ne supportant plus de voir Alakhiel si faible, je saisis violemment Elisabeth par les cheveux et l’attirais à moi sans aucun ménagement. Elle laissa s’échapper un cri de surprise qui se transforma en hurlement de terreur alors que découvrant mes canines acérées, je plongeais lentement vers son cou, la maintenant fermement contre moi.

Alors qu’enfin j’allais assouvir ce désir insatiable qui me tiraillait les entrailles, les battements de son cœur tambourinant sourdement à mes oreilles, je fus violemment projeté au sol. Je me relevais avec agilité pour voir Alakhiel mordre profondément la gorge de sa bien-aimée, aspirant le sang qui s’échappait de la plaie causées par ses canines. Au même instant, le soleil se levait et les premiers rayons de soleil vinrent illuminer l’intérieur de la pièce. Par réflexe, je me déplaçais vers l’endroit le plus sombre de la maison, entraînant brutalement Alakhiel avec moi. Puis, avisant une trappe dans le planché, je la soulevais comme si elle ne pesait rien et jetais Alakhiel à l’intérieur, avant de m’y engouffrer à mon tour et refermer la porte, nous plongeant dans l’obscurité.

- J’espère que tu es fier de toi ? Regarde ! Par ta faute ! Nous sommes condamnés à rester ici jusqu’au couché du soleil, m’exclamais-je furieux.

- Notre place est en enfer, se contenta de murmurer Alakhiel.

Je ne relevais pas cette remarque, sachant pertinemment que dans l’état dans lequel il se trouvait, il serait bien incapable de comprendre ce que je lui disais. Aussi, je me trouvais le coin le plus sombre et le moins humide possible et m’allongeais sur le sol dur et froid, cherchant à trouver le sommeil pour les prochaines heures à venir, attendant que le jour décline.

Durant les jours qui suivirent, Alakhiel semblait comme éteint. S’il n’était pas déjà mort, je lui aurais trouvé un teint inquiétant tant il semblait livide. L’aura qui l’entourait habituellement, faisant resplendir sa grandeur et sa noblesse semblait ternie. Si avant il ne se nourrissait pas beaucoup, à présent, il ne chassait plus, ne quittant même plus le manoir lorsque le soleil s’était couché, se contentant de quelques rats qu’il attrapait au détour d’un couloir.

Paris, 16 décembre 1759

Une heure avant l’aube, j’étais de retour au manoir après une nuit de chasse fructueuse. Comme j’avais pris l’habitude de le faire depuis quinze jours, je ramenais à Alakhiel un jeune homme afin qu’il puisse se nourrir. Alors que j’entrais dans la chambre, celui-ci se réveilla, mais encore trop inconscient, il resta allongé sur le sol, là où je l’avais laissé choir.

Lentement, mais sûrement, je me rendis au balcon ou mon compagnon avait pour habitude d’attendre patiemment l’apparition de l’aube tandis que j’allais chasser pour nous deux en attendant qu’il guérisse et qu’il aille mieux.

Cependant, quelle ne fut pas ma surprise en découvrant le balcon désert… Inquiet, je fis le tour du propriétaire à la recherche de mon compagnon, mais après avoir visité toutes les pièces sans aucune trace de celui-ci, je dus me résoudre à l’idée qu’il était partit. Revenant dans la chambre, je trouvais le jeune homme à présent totalement éveillé, regardant les cercueils avec appréhension. A ma vue, il émit un hurlement de terreur mais de rage, je me jetais sur lui et plantais mes crocs dans son cou, alors qu’en moi, une petite voix résonnait, répétant inlassablement… “Il est parti… Il est parti…”

Cet article a été publié le Jeudi 7 mai 2009 à 14:33 et est classé dans Silent scream. Vous pouvez suivre les commentaires sur cet article en vous abonnant au flux RSS 2.0 des commentaires. Vous pouvez faire un commentaire, ou un trackback depuis votre propre site.

7 commentaires opour le moment

ambre
 1 

waow!!!quel revirement!!!!j ai hate de lire la suite et surtout de voir comment il va reagir a la disparition de son protege!!!!je me demande comment tout ca va finir…lol a bientot

10 mai 2009 à 11:32
Dadoune
 2 

Il ets parti ou?? Je suis pressé de lire la suite!!

10 mai 2009 à 11:32
Aline
 3 

waouuuuuuhhh !! Géniale !! Merci ! bonne continuation

10 mai 2009 à 11:33
elodiedalton
 4 

maiiis il va le retrouver (il a intéret ) chapitre court comparé aux autres mais néanmoins fort intéressant !! bonne continuation les miss bisou

10 mai 2009 à 11:33
 5 

J’aurais jamais cru qu’il oserait le défier …. Mais apparemment il a décidé de fuir …

27 mai 2009 à 6:53
lutraah
 6 

je pense que c’est nécessaire qu’il aille faire sa route ailleurs. Avec son créateur, ce n’est p-e pas possible d’accepter sa “nouvelle nature”.
Vraiment agréable, le texte passe tout seul… ça me fait oublier ma douleur, c’est coool!
<3
je vous aime, vous êtes excellentes !!

12 juin 2009 à 16:20
samantha
 7 

trop bien j’ai adorer ce chapitre

21 janvier 2010 à 14:04

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