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Once in a lifetime - Chapitre 05

   Ecrit par : shinilys   in Once in a life time

 

Chapitre 05

par Lybertys 

Je me réveillai le lendemain matin assez tôt. Gwendal dormait encore à poing fermé, et je choisis de ne pas le réveiller, jugeant qu’il avait encore besoin de sommeil. Lentement, je m’extirpais du lit, enfilait rapidement des vêtements pour travailler aujourd’hui, et partais dans la cuisine rejoindre Julien qui devait déjà être en train de petit-déjeuner. En effet, celui-ci était préparait le repas, mettant sur la table de quoi nous nourrir tout les trois. Lorsqu’il m’entendit arriver, il se tourna vers moi, et m’adressa un grand sourire :
- Bien dormis ?
- Très bien, lui répondis-je en lui rendant son sourire.
- Ca me fait vraiment plaisir de te revoir ici Hayden, me dit-il en s’asseyant à table.
- Le plaisir est partagé, répondis-je. Alors, quoi de prévu pour ce matin ? Ajoutais-je en m’asseyant en face de lui.
- Après avoir ramassé les œufs des poules, j’aimerais que tu m’aide à réparer le poulailler, et puis nous irons traire les vaches. Après cela, je pense qu’il sera largement temps d’aller préparer le repas de midi. Au fait où est la belle au bois dormant ?
- Il a besoin de repos, il n’est pas habitué à mon train de vie, et la journée d’hier l’a épuisé.
- Je t’ai rarement vu papa-poule… dit-il avec un sourire vainqueur.

- Ta gueule Julien ! Répliquais-je faussement vexé.

Nous déjeunâmes en vitesse, avant de nous rendre avec un grand panier en osier dans le poulaiiller. Nous le posâmes au centre, sur la paille, et ramassâmes les œufs.

- Dis moi Julien, ta femme… lui-dis-je. Elle est partit pourquoi?

- Notre enfant est souffrant. Elle ne pouvait plus dormir, s’occupant de lui toutes les nuits, et avec le travail, mon aide était trop minime. Elle est partie chez sa mère pour l’aider un peu et pouvoir se reposer. Notre couple battait de l’aide.

- J’espère que tout cela va s’arranger… Dis-je sérieusement peiné pour mon ami.

Nous n’approfondîmes pas ce sujet, comprenant qu’il n’avait pas plus envie d’en parler que cela pour le moment. Après avoir rassemblé tous les œufs, nous passâmes un long moment à réparer le poulailler pour le protéger des renards. Puis, une fois cela terminé, nous nous rendîmes au milieu des vaches, dans le but de les traire. Je n’avais pas oublié les gestes et cela nous permis de reprendre tranquillement une discussion plus sérieuse. Désirant malgré moi en savoir plus à son sujet, je lui demandais :

- Dis moi Julien, ça va quand même s’arranger avec ta femme ?

- J’espère. Souffla-t-il. Je suis en train de chercher une personne à engager définitivement pour m’aider afin d’avoir plus de temps à lui accorder, bien qu’il sera plus difficile de joindre les deux bouts avec un salaire à verser tout les mois. Tu ne serais pas intéressé par l’offre ? Me demanda-t-il alors plein d’espoir.

- Je suis désolé, dis-je un peu mal à l’aise. Mais tu me connais… Je ne suis pas fait pour rester dans un lieu, j’ai besoin de…

- Besoin de liberté. Poursuivit-t-il en me coupant. Je sais. Ce serait quand même bien que tu t’arrêtes un jour. Certes tu es encore jeune, mais Hayden, est ce que ta liberté te rend vraiment heureux.

Il prit un temps avant d’ajouter.

- Je m’inquiète pour toi Hayden. Regarde ce qui t’es arrivé avec ces voleurs. Tu aurais pu y laisser ta peau. Tu as eu de la chance et j’ai bien peur que cela ne soit plus le cas un jour…

- Nous avons déjà eus cette discussion soupirais-je, lassé de ce genre de conversation.

Désirant volontairement changer de sujet, je demandais alors, cette question me brûlant les lèvres depuis un long moment :

- Dis-moi Julien, tu ne m’as jamais dis si ta femme savait pour nous deux, pour la relation que nous avons eus…

Nous avions été amant par le passé. C’était peut-être l’homme avec lequel j’étais resté le plus longtemps et avec lequel je m’étais réellement attaché. Mais le désir de liberté avait été plus fort et je l’avais finalement laissé.

Après un silence, Julien finit par répondre :

- Tu sais.. A l’époque où nous étions ensemble, je ne connaissais pas encore Marie. C’est quand tu es parti que je l’ai rencontré, un peu comme si le destin ou dieu voulait me faire oublier la douleur de t’avoir perdu… Pour répondre à ta question, Marie et moi n’avons aucun secret l’un pour l’autre. Elle sait et elle l’a bien prit. Elle dit qu’elle a confiance en moi et que le passé est le passé. Elle sait que je l’aime et même si au fond de moi je ne parviendrais jamais à t’effacer entièrement, jamais je ne la tromperais. J’aime ma femme…

- Cela t’honore, répondis-je avec un grand sourire. Donc ça veut dire que si jamais elle arrive, elle ne risque pas de me chasser à grands coups de rouleau à patisserie ? M’exclamais-je en riant, faussement soulagé.

- Tu n’as pas à t’en faire… A moins que tu ne tentes quoi que ce soit… Renchérit Julien en riant à son tour.

- Alors là, tu ne risque absolument rien… Je n’aime pas partager…

Sur ces mots, nous rîmes de bon cœur. Julien resterais toujours malgré notre passé, un homme que j’aimais profondément.

- Et ce jeune-là… Gwendal… Il n’est pas un peu trop jeune pour toi ? Me demanda alors mon ami. Tu les prends encore au berceau maintenant ?

- T’es con, Ju ! Soufflais-je en perdant mon sourire tout en lui envoyant un chiffon qui traînait près de moi à la figure.

- Rho allez, insista Julien. Ne m’dit pas qu’il n’est pas à ton goût !! Il a un beau visage, fin et délicat, des cheveux soyeux, poursuivit-il. Et je suis sûr qu’il est batti comme une statue de dieu grec.

- C’est vrai qu’il est mignon, répondis-je ne pouvant qu’être sincère, même si je ne l’ai jamais vu nu. Mais le seul truc qui pèche, c’est son côté bourgeois… Un peu trop aristo pour moi, si tu vois ce que je veux dire…

- Oh tu es dur, répondit Julien en riant. Je suis sur qu’il n’a jamais rien pu faire par lui même, et qu’il ne demande que cela, même si ça va prendre du temps. C’est vrai que vous n’avez pas du tout la même éducation.

- Sûrement, mais je ne l’envie pas, soupirais-je, soudain plonger malgré moi vers des souvenirs que j’aurais préférés oubliés.

Julien n’ajouta rien, comprenant sûrement mon silence. Il n’était jamais bon d’évoquer mon passé. Je finissais toujours par me replier sur moi-même, exactement comme en cet instant.

Je finis cependant par me détendre et il me tira de mes pensées par une remarque qui me fit rire. Il était l’heure de manger lorsque nous nous dirigeâmes vers sa maison. Alors que Julien allait s’affairer dans la cuisine, j’allais voir si Gwendal s’était enfin extirpé de son lit. Ce fut non sans surprise que je le trouvais assis sur le fauteuil plongé dans sa lecture.

- Hey, Gwendal ! Enfin réveillé ? M’exclamais-je.

Il ne m’adressa pas le moindre regard et posa son livre avant de se lever et de quitter la pièce. Je le regardais partir, intrigué, sans vraiment comprendre ce qui lui arrivait. Comprenant cependant son besoin de solitude, je ne cherchais pas à le suivre, désirant plutôt me rendre utile et d’aider mon ami à faire à manger.

- Qu’est ce qu’il fait ? Me demanda Julien, surpris de ne pas le voir avec moi.

- Il s’est levé du pied gauche. Quand je te disais que c’était un petit bourgeois capricieux. Dis-je amusé.

Une fois le repas prêt, Julien appela Gwendal en criant afin qu’il nous rejoigne. Celui ci resta silencieux tout le temps que dura le repas, se contentant d’écouter d’une oreille distraite notre conversation.

- Dis Gwendal, tu peux me passer le plat de patates, s’il te plait ? Lui demandais-je simplement.

Il me passa le plat sans un regard pour moi et continua son repas. S’en fut trop pour moi et je lui demandais alors, loin d’être patient :

- Mais qu’est ce que tu as depuis ce matin ? T’as tes règles ou quoi ?

Il m’adressa alors un regard offusqué avant de se lever brusquement et de quitter la table. Alors qu’il disparaissait vers l’étage des chambres, Julien me dit :

- Tu devrais alors voir ce qui ne va pas. Tu ne le suis pas ? Me demanda-t-il en se levant.

- A quoi bon, lachais-je, ça lui passera.

- Aller… Lève toi et suis moi, me dit-il presque autoritaire.

Soupirant, je le suivis. Arrivé devant la porte de notre chambre, Julian frappa avant de dire :

- Gwendal ? C’est Julien… Hayden voudrait te parler… Sort, s’il te plait…

Ce fut d’un air hautain et méprisable qui eu le don de m’agacer que Gwen répondit :

- Et bien tu lui feras savoir qu’il ne me sied guère d’accéder à sa requête…

Alors que Julien commençait une phrase pour tenter de le raisonner je fis preuve de bien moins de patience et l’interrompis, prenant la parole à sa place.
- Et si tu m’expliquais ce que tu me reproche au lieu de t’enfermer dans la chambre. T’as vraiment une réaction de gamin, c’est pas croyable…
- Tu sais ce qu’il te dit le gamin ?
Ce fut trop pour moi, j’attrapais Julien par le bras et l’incitais à me suivre. Il céda, ne voyant pas quoi faire de plus. Nous avions du travail et pas de temps pour ces enfantillages.
L’après-midi fut très physique. Il y avait toujours énormément à faire ici. La blessure à ma hanche commençait à sérieusement me tirer et j’avais beau eu reprendre mes plantes avant de repartir cet après-midi, je me sentais de plus en plus fébrile. Je fis cependant bien attention à ne pas en montrer les signes à mon ami. Ce fut avec soulagement que Julien me proposa d’arrêter, nous avions assez travaillé pour la journée. Ce fut une odeur de brûler qui nous heurta de plein fouet alors que nous passions le pas de la porte.

- Wow ! Qu’est-ce qui se passe ici ? S’interrogea aussitôt mon ami.
Comprenant vite d’où venait cette affreuse odeur, nous nous ruâmes dans la cuisine. Gwendal tentait pitoyablement d’aérer l’épaise fumée noire qui envahissait la cuisine.
- Gwendal ? Mais qu’est-ce que tu fous ? T’essaye de mettre le feu à la maison ou quoi ?
Remonté, Gwendal se tourna vers moi et s’exclama, énervé :

- J’ai tenté de préparer le repas figure-toi !

- Tu appelle ça un repas ? S’esclaffa Julien en riant tout en observant un plat plus que carboniser.
Alors que je souriais à la remarque de mon ami, Gwendal s’emporta :

- Pour la première fois de ma vie que je m’approche d’une cuisine, je pense m’être pas trop mal débrouillé figure-toi ! Lui cracha-t-il au visage. Mais puisque apparemment personne ne semble apprécier et prendre en compte ce que j’essaye de faire pour vous, nous n’avez qu’à vous démerder tout seul, je démissionne !

Sur ces mots, les yeux rouges, il quitta précipitamment la cuisine, nous laissant seuls. Je m’engageais aussitôt à sa suite. Il était déjà dehors, s’engageant sur un petit sentier.
- Gwendal, attend ! L’appelais-je.

Il ne m’écouta pas et continua son chemin. Peu enclin à commencer une course, surtout au vu de mon état actuel, ce fut à bout de souffle que je finis par le rattraper. Réprimant un vertige, je posais ma main sur son épaule mais il se dégagea vivement :

- Lâche-moi ! Ordonna-t-il. Retourne voir ton ami avec lequel tu t’entends si bien et laisse-moi tranquille.
Cependant, feignant de ne pas l’entendre, je demandai

- Ecoutes, je m’excuse pour ce que je t’ai dis tout à l’heure. C’est gentil de ta part d’avoir prit l’initiative de préparer le repas. Tu sais, j’ai du mal à comprendre comment quelqu’un ne peut pas savoir faire des choses aussi simple que faire à manger…
- Serait-tu en train d’insinuer que je suis manchot ? Demanda-t-il, toujours furieux. Je n’ai pas besoin de ta compassion, je veux juste que tu me foutes la paix.

Sur ces paroles, il repris son chemin. Mais d’un naturel têtu et ne voulant pas lâcher prise, je poursuivis :

- Mais tu vas t’arrêter ?
Enervé, il se retourna et cria :

- Quel mot dans « fiche-moi la paix » n’as-tu pas compris ?
- Je m’excuse ok ! M’exclamais-je, à mon tour énervé plus que je ne l’aurais cru. Qu’est ce que tu veux de plus ? Qu’est ce que tu as depuis ce matin ? Tu est carrément invivable. La moindre petite remarque on dirait que c’est la fin du monde !
- Tu veux vraiment savoir ce qu’il y a ? Cria-t-il, se mettant alors à pleurer. Il y en a que j’en ai mare de tes réflexions et de tes moqueries permanentes. Oui, on n’a pas eut la même éducation, oui ton enfance à certainement été plus compliquée que la mienne, mais ce n’est pas une raison pour me rabaisser et te moquer de moi à la première occasion ! As-tu seulement remarqué que le peu de fois où tu m’as adressé la parole en deux jours c’était pour te moquer de moi ou me reprocher telle ou telle chose ? As-tu seulement songé à ce que je pouvais ressentir à être constamment rabaissé de la sorte ? Je fais de mon mieux pour satisfaire à tes exigences, mais jamais tu ne me montre la moindre reconnaissance, comme si tout étais dû ! Tu n’est qu’un égoïste ! S’exclama-t-il.
Je restais silencieux, assimilant peu à peu ce qu’il venait de me dire. Nous n’avions définitivement pas la même manière d’appréhender les choses. Il avait en tout cas, une grosse tendance à l’exagération. Face à ma non-réaction, il en profita pour ajouter :

- Depuis que nous sommes arrivés, tu parles avec ton ami en m’ignorant totalement, comme si je n’existais pas ! Je ne te demande pas de m’inclure dans vos conversations, mais un minimum d’intérêt pour ma personne ce serait trop demandé ? Depuis que je t’ai demandé si je pouvais venir avec toi, c’est comme si tu avais toi-même scellé le boulet à tes chaînes ! Mais au risque de t’apprendre un scoop, c’est toi qui as accepté que je vienne avec toi ! Alors prends en les responsabilités ! Si vraiment c’était une charge pour toi de m’avoir avec toi, tu n’avais qu’à tout simplement me dire « non ». Je ne suis pas stupide non plus, j’aurais compris et me serais débrouillé autrement, mais voilà, tu as dis « oui » !! Alors assume !

- Tu ne crois pas que t’exagères un peu ? Demandais-je avec un calme qui contrastait avec sa colère, soudain las.

J’avais mal à la hanche, la tête me tournait et je n’aspirais qu’à une chose : rejoindre mon lit après une bonne douche…

Gwendal ne répondit rien, mais m’adressa un regard qui en disait long ce qu’il pensait de ma réflexion :

- Pourquoi attaches-tu tant d’importance qu regard des autres ? Lui demandais-je alors, le prenant par surprise.

- Je… Parce que… Cela ne te regarde pas…

Je ne pus m’empêcher de soupirer avant de reprendre :

- Ecoutes, si vraiment tu veux apprendre à faire des choses par toi-même, je suis prêt à t’aider, même si j’ai parfois des problèmes de patience, soufflais-je, touché plus que je ne l’aurais cru par sa détresse.

Il m’adressa un regard sceptique empli de méfiance, ne semblant pas me croire. Loin de chercher à me moquer de lui, je tentais de lui faire comprendre autrement :

- Alors ? Demandais-je en lui tendant la main. Marché conclu ?

Après un moment d’hésitation, il attrapa ma main et satisfait, je lui adressais un sourire de réconciliation.

Gwendal y répondit timidement, séchant du revers de sa main les dernières larmes qui perlaient encore au coin de ses yeux. Puis, sur cet accord, nous prîmes le chemin du retour.

Julien ne fit aucune réflexion lorsque nous entrâmes et je reconnaissais bien là les manières d’agir de mon ami. Il ne faisait jamais rien pour que nous nous sentions mal à l’aise dans ce genre de situation. Il avait préparé le repas et nous passâmes à table. Notre dîner se déroula dans un silence monastique.

Nous regardâmes ensuite la télévision, et Gwendal finit par attraper un livre et monter dans la chambre, nous laissant seuls. Ce ne fut que lorsqu’il fut partit que Julien ouvrit la bouche.

- Jamais, je ne dis bien jamais je ne t’ai vu prendre soin de quelqu’un comme ça Hayden. Lorsqu’on se disputait combien de fois j’ai espéré que tu me cours après. Mais jamais tu ne l’as fais…

- Tu me fais une crise de jalousie ? Lui dis-je amusé, ne voulant pas rendre cette conversation sérieuse.

- Non… je remarque juste. Ton style de vie est ce qui fait ta particularité et ton charme. Tu revendiques la liberté comme l’unique but dans ta vie et tu prônes l’indépendance. Alors, quand je t’ai vu arrivé avec ce jeune homme, je me suis dis que tu avais changé. Le Hayden que je connaissais n’aurait jamais pris la peine de partager son chemin avec quelqu’un. Quand je t’ai demandé par le passé de venir avec toi, tu as refusé…

- Parce que tu n’avais pas choisi ce style de vie Julien, le coupais-je. Parce que tu l’aurais fait pour moi et non par désir personnel. Notre histoire aurait connu une fin bien plus douloureuse. Déclarais-je en le coupant.

- Ca, j’ai fini par le comprendre Hayden. Mais… Je ne sais pas. Tu penses vraiment que tu vas continuer ta route avec lui ?

- Je ne sais pas Julien, soupirais-je. Tu sais bien que je ne me projette pas dans l’avenir. Et puis… Est-ce que tu crois vraiment qu’il se ferait à mon mode de vie…

Julien ne répondit rien, et ce fut silencieux que nous finîmes la soirée. Lorsque l’horloge indiquait une heure indécente, nous nous séparâmes et j’allais prendre une douche bien méritée. Épuisé, je refis mon pansement à la va-vite ne désirant qu’une chose : aller me coucher au plus vite. La plaie étant tout de même légèrement rouge et enflé l’ayant quelque peu maltraité avec l’effort que j’avais fournis, j’appliquais une bonne dose de désinfectant et de crème miracle qui traînait dans les tiroirs de Julien. Après m’être fait une décoction, ce fut tel un automate que je m’étendis dans le lit aux côté de Gwendal qui dormait déjà profondément.

Je me réveillais fiévreux le lendemain matin. Laissant Gwendal dormir un peu plus, et au vu de mon corps transpirant dû à la fièvre, je décidais de prendre une nouvelle douche. Refaisant mon pansement avec soin, la plaie ne me laissait rien présager de bon. Si l’état empirait demain, il faudrait que je trouve une solution pour payer un médecin. Fatigué, j’allais cependant réveiller Gwendal. Aujourd’hui, comme il le désirait, il allait se joindre à nous. Après avoir ouvert en grand les rideaux et la fenêtre, j’allais m’asseoir sur le rebord du lit. Ce fut à cet instant que Gwendal ouvrit les yeux, vite éblouis par l’afflux de lumière. M’apercevant, il poussa un soupir de lassitude et passa sa main sur son visage comme pour achever de se réveiller. On aurait dit un félin dérangé dans son sommeil. Alors que je le voyais rougir légèrement, un petit sourire de gêne étira ses lèvres :

- Bonjour, chuchotais-je en souriant également.

- Bonjour, répondit-il en un murmure.

- Bien dormis ? Demandais-je non sans me départir de mon sourire.

- Oui, mais pas encore assez, souffla-t-il en refermant les yeux et en étouffant un baîllement.

- Allez ! Debout ! M’exclamais-je en joignant le geste à la parole. Tu peux aller prendre ta douche, je l’ai déjà prise, mais ne traîne pas, aujourd’hui, on va avoir besoin de toi…

Sur ces mots, je quittais la pièce pour rejoindre Julien déjà en train de prendre son petit-déjeuner. Je me joignis à lui. Vingt minutes plus tard, Gwendal arriva vêtu de propre. Alors qu’il mangeait à son tour son petit-déjeuner, nous préparâmes le programme de la journée. Je devais faire cependant beaucoup plus d’effort pour me concentrer. N’y prêtant cependant pas attention, lorsque Gwendal eut finit son petit déjeuner, nous partîmes tous les trois en direction de l’écurie. Là, Julien lui montra comment harnacher le cheval de trait. Pendant ce temps, je m’affairais à nourrir et abreuver les chevaux qui occupaient les autres box. Si je restais inactif, j’allais tout simplement tourner de l’œil.

Alors que Gwendal achevait de boucler la sangle comme Julien lui avait demander de le faire, celui-ci lui demanda :

- Tu sais monter à cheval ?

- Je euh… Oui, bien sûr… Pourquoi cette question ? Demanda-t-il surpris.

- Très bien, répondit-il sans perdre la peine de lui répondre. Tu monteras Linoa pendant qu’Hayden et moi nous occuperons de la herse. Cela sera beaucoup plus simple pour nous si nous n’avons pas à guider la jument en plus de tenir la herse.

Alors que je m’apprêtais à rentrer dans le box pour l’aider à monter, je fus surpris de le voir sauter lestement sur le dos de l’animal. Satisfait de lui-même, il m’adressa un regard victorieux accompagné d’un petit sourire malicieux. Je ne pus que répondre à son sourire et notre petit groupe se mit en marche. Nous surplombant, Gwendal passa devant ouvrant la marche, guidé cependant par Julien qui lui indiquait la direction à prendre. Très vite, nous arrivâmes au champ à travailler et nous nous affairâmes aussitôt à attacher la herse derrière l’animal. Puis, sur l’ordre de Julien, Gwendal mit la jument en marche.

Jamais le travail ne m’avait paru aussi difficile et je n’étais pourtant pas avare en effort. Nous travaillâmes sous la chaleur étouffante du soleil d’avril pendant près de trois heures, jusqu’à ce que Julien finisse par sonner la fin de la demi-journée.
- Allez, déclara-t-il. On arrête là pour aujourd’hui, il commence à faire vraiment trop chaud. On reprendra demain. Allez, ajouta-t-il à l’attention de Gwendal, laisse lui se dégourdir les jambes, elle a bien travaillé.
Comprenant le sous entendu, Gwendal adressa un sourire de remerciement à mon ami et avant qu’il n’ait le temps de répondre, il lança la jument au galop à travers le champs. Je le regardais partir ainsi avec un sourire.
Sans l’attendre, nous reprîmes le chemin du retour.
- Est-ce que ça va Hayden, tu as l’air fatigué aujourd’hui…
- Ce n’est rien Julien. Ca ira mieux après avoir mangé, dis-je brièvement alors que j’étai saisis d’un vertige.

Je tentais de le refouler, mais celui-ci fut beaucoup trop fort. J’avais chaud, envie de vomir et des étoiles commençaient à danser devant mes yeux. Sans vraiment réalisé ce qui se passait, je m’effondrais lourdement sur le sol, tombant à moitié dans l’inconscience, ayant pour dernière sensation, une douleur sourde à la hanche.

J’entendis vaguement Gwendal crier mon nom. Mes oreilles bourdonnaient. Ma tête fut posée sur quelque chose de plus confortable que la dureté du sol, et de l’eau me fut apportée. Je luttais durement pour ne pas m’assoupir.

- Ca va ? Demanda Hayden, dont la voix était percée par l’inquiétude.
- Je… Mal au ventre, gémis-je lamentablement.

- Au ventre ? Répéta-t-il surpris avant de comprendre. Tu veux dire à ta blessure.
Je me contentais de hocher la tête en guise d’affirmation, étant incapable de prononcer un mot de plus.

C’est alors que je me sentis hisser vers le haut. Julien me releva et m’aida à marcher, prenant la situation en main. Gwendal s’en fut au galop sur la jument. Mes pas furent périlleux, chacun m’arrachant un gémissement de douleur et me demandant un effort monstre.
- Idiot, souffla Julien. Pourquoi tu ne m’as rien dit…
Je ne répondis rien, me concentrant uniquement sur mes pas. J’eus l’impression que nous n’allâmes jamais arriver. On me plaçait dans la voiture, à l’arrière, et je perdis alors véritablement conscience de là où j’étais. Le regard inquiet que Julien posait sur moi à travers le miroir du rétroviseur se transforma soudain en deux yeux que j’avais cru ne jamais revoir…

Ne comprenant plus vraiment ce qui se passait, j’eus l’impression de voir ma mère me fixer inlassablement, en un regard empli de reproche. Ce regard ne me quittait pas. Il se rapprochait de moi. Ce regard qu’elle avait si souvent posé sur moi…

 

- Qu’est ce que tu faisais ! Pourquoi tu n’étais pas là ! J’avais besoin de toi ! Hurla ma mère au moment même où je passais la porte.

Elle était furieuse et je ne connaissais que trop bien cet état. Mais je n’étais pas d’humeur ce soir-là.

- Je suis sûr que tu es encore allé traîner. Tu n’es bon qu’à cela ! Même pas capable de prendre soin de ta pauvre mère ! Ajouta-t-elle tout en s’asseyant sur le canapé.

- J’étais au collège maman, comme tous les jours.

Dans un état qui était devenu habituel, elle se redressa, et cracha haineuse :

- Menteur !

Elle s’approcha de moi. Je la dépassais presque maintenant, et elle m’inspirait toujours cette crainte. A demi voilé, je me demandais depuis combien de temps son regard n’avait pas été clair. Arrivée à ma hauteur, je reculais, sans trop savoir pourquoi, me retrouvant plaqué au mur.

- Tu étais simplement en train de traîner dans la rue ! C’est tout ce que tu sais faire. Tu n’est qu’un bon à rien de profiteur. Depuis le début, tu ne m’attire que des ennuis.

Habituellement, je ne répondais rien. Je laissais passer sa colère. C’était ainsi que j’avais obtenu d’elle qu’elle ne lève plus la main sur moi. Mais ma corpulence était maintenant proche de la sienne. Je savais que j’avais assez de force pour me rebiffer. Mais je n’étais jamais allé jusque là. C’était ma mère après tout. Elle m’empoigna par le col de mon tee-shirt et me cracha :

- Tu n’es qu’un bon à rien ! Tu n’es qu’un poids pour moi et tu vas me laisser seule. Comme ton père ! Tu ne vaux pas mieux que lui.

Sa baffe partie toute seul et sans réfléchir, alors que ma joue me brûlait déjà, mon poing partit tout seul, s’écrasant sur son visage. Sous la violence du choc, elle partit en arrière et s’étala de tout son long. Jamais je n’avais levé ma main sur ma mère et la culpabilité me saisit aussitôt. Je me ruais aussitôt sur elle. Un filé de sang coulait de son nez alors quelle semblait être sonnée.

Affolé, je pris sa tête sur mes genoux, et caressant doucement ses longs cheveux, je gémis lamentablement :

-Pardon maman… Je suis désolé… Je ne recommencerais pas… Pardonne-moi…

Ma mère ne répondit rien, me fixant simplement de son regard accusateur qui m’avait si souvent effrayé et culpabilisé, avant de sombrer doucement dans un sommeil qui m’inquiéta. Je la portais non sans aucun mal jusqu’à son lit et pris soin d’elle jusque tard dans la nuit avant de courageusement commencer les devoirs que je n’avais pas encore eu le temps de faire. Comme souvent, je m’endormis sur mon cahier pour me réveiller en sursaut le lendemain…

 

Lorsque j’ouvris à nouveau les yeux, je fus éblouis par la blancheur de l’endroit. Une douleur sourde irradiait ma hanche, mais cette douleur semblait étrangement extérieure à mon corps.
Cependant la fièvre semblait être tombée, mais il me fallut quelques temps avant de réaliser que j’étais seul dans une chambre d’hôpital. Encore une dette que j’allais devoir à Julien. Ils ne tardèrent pas à arriver et je pus lire du soulagement dans leur regards.
- Comment vas-tu ? Demanda Julien en s’approchant de mon chevet alors que je pouvais remarque Gwendal resté en arrière. Tu nous as foutu une sacrée trouille tu sais !
- Désolé, m’excusais-je mal à l’aise en riant faiblement.
J’étais en réalité épuisé, et j’aspirais déjà à retourner dans les bras de Morphée. Ca va déjà mieux, tentais-je de feindre. Merci pour ton aide, murmurais-je.
Ils restèrent une petite heure en ma compagnie et avec tous ces cachets auxquels je n’étais pas habitués, j’avais beaucoup de mal à resté éveillé avec des pensées claires. Je détestais ce genre de remèdes chimiques. Ils me rappelaient de trop près ma mère, surtout au vu de l’état dans lequel j’étais plongé. Pour moi ce n’était pas mieux que des drogues. Mais il fallait l’admettre, des drogues qui me sauvaient la vie cette fois. Le médecin finit par leur demander de partir. J’avais besoin de repos. A peine eurent-ils passé la porte que je m’endormis dans un sommeil chimique : un sommeil vide de tout rêves ou souvenirs.
Le lendemain, je fus réveillé par l’infirmière qui vient changer ma perfusion, m’apporter mes cachets et refaire mon pansement. À peine fut-elle partit que je me décidais à me lever. Mais alors que je me redressais, un violent vertige me saisit. Il me fallut dix bonnes minutes pour parvenir à rester stable. J’aurais pu rester couché, mais je n’avais pas le choix. Une nuit dans cet hôpital était déjà hors de prix et je ne pouvais pas plus m’endetter auprès de Julien.
Une fois revenu à moi, je fis des gestes précautionneux. Avec une lenteur qui m’agaçait, je finis par réussir à m’habiller et c’est à ce moment-là qu’on frappe à ma porte. Pensant qu’il s’agissait de Julien et Gwendal venu me chercher, je leur disais d’entrée. Quelle ne fut pas ma surprise de voir deux policiers entrer dans la chambre.
Méfiant, je répondis à leur question par une autre question :
- Qu’est ce que vous me voulez ?
- Vous avez été aperçut ici avec ce jeune homme selon la déposition d’une infirmière. Ce jeune homme est activement recherché depuis plusieurs jours. Déclara l’un des deux officiers qui perdait patience. Au vu de la famille Montaudry, je vous conseille d’être coopératif.

Je semblais être en véritable mauvaise posture. Aucun moyen de leur échapper et je n’étais surtout pas en état de me lancer dans une course-poursuite. Il ne fallait pas être idiot pour comprendre qu’ils allaient bientôt m’accuser de l’avoir enlevé.

- Je réitère ma question Monsieur Darcy, connaissez vous Monsieur Gwendal de Montaudry ? S’impatienta le policier.

- Je ne vois pas de qui vous voulez parler, tentais-je de feindre.

Mais au même moment, ce fut Julien et Gwendal qui pénétrèrent dans la chambre, palissant en me voyant en si mauvaise compagnie. Les policiers se retournèrent et remarquant aussitôt Gwendal, l’un d’eux me fit à nouveau face avec un sourire vainqueur avant de dire :

- Je crois bien que si…

Puis, m’ignorant avec superbe, ils me tournèrent le dos et reportèrent toute leur attention vers Gwendal.

- Vous voilà enfin jeune homme. Vous n’avez pas été difficile à trouver. Déclara froidement l’un d’eux.

Je vis Julien nous lancer à tous un regard d’incompréhension, tandis que Gwendal faisait plus que pâle figure.

- Voilà, ce que je vous propose, ajouta l’homme en uniforme devant le silence de Gwendal. Vous nous suivez bien gentiment pour rentrer chez vous, et nous oublierons tout sur l’implication des deux hommes ici présents.

Je pus lire de la peur dans le regard de Gwendal. Je voulais lui dire qu’il devait faire son choix indépendamment de nous, mais je savais que cela été vain. Il allait devoir rentrer chez lui. Si seulement j’avais accepté de me rendre chez le médecin plus vite… Malgré moi, l’idée de ne plus le voir, alors que je le connaissais à peine, m’affectait plus que je ne l’aurais cru.

- Je vous suis, soupira Gwendal, résigné, sans hésiter une seconde.

Notre duo prenait donc fin. Ma route allait continuer seul et je ne le verrais plus jamais.

- Bien, vous avez pris la bonne décision. Veuillez nous suivre, dit l’autre policier avant de prendre la direction de la sortie.

Ce fut douloureux de voir Gwendal m’envoyer un dernier regard effrayé. Il venait de goûter à la liberté, à peine quelques jours, et on venait de la lui reprendre. N’aurais-je pas du rejeter sa demande de me suivre et de partir avec moi ? Cela lui aurait évité de connaître mon style de vie et de croire à un autre futur que son père avait dessiné pour lui. La porte se ferma derrière lui, nous laissant seul avec Julien. Il s’approcha alors vers moi et me demanda, l’air sérieux :

- Dis moi, Hayden, où est-ce que vous vous êtes rencontré ? Ne me dis pas que c’était une grande battisse, semblable à un château, pas très loin de chez moi ?

- Je… Je ne sais pas vraiment, répondis-je déjà vaseux à cause de mon état.

- Ne me dit pas qu’il s’agissait de Gwendal, le fils unique de Monsieur De Montaudry ? Dit-il en écarquillant encore plus les yeux.

- Je… Euh… Si…

- Mon dieu ! C’est le fils du comte ! Et il était chez moi ! Et on l’a traité comme… Tu as eu de la chance que la police n’aille pas plus loin ! Tu te rends compte de ce que tu risquais. Son père a vraiment les bras longs. Pourquoi je ne l’ai pas réalisé ! J’aurais dû m’en apercevoir ! Paniqua-t-il en marchant en rond dans la pièce.

- Et, calme toi, dis-je en passant mes mains sur mes tempes. Tu me donnes le tournis. Qu’il soit le fils d’un comte ou de je ne sais qui, qu’est ce que ça change. C’est Gwendal un point c’est tout, celui que tu as rencontré en toute simplicité il y a quelques jours.

- Tu es vraiment différent, ria nerveusement Julien.

Nous nous tûmes ensuite quelques instants. Nous étions seuls, et je retournais à ma vie quotidienne.

- On a assez traîné ici, finis-je par dire, brisant le silence.

- Je préfère avoir l’avis du médecin pour savoir si tu es en état, répondit Julien.

- Je le suis, claquais-je sèchement.

- Ne dis pas de bêtise, si tu voyais ta tête.

- Je ne peux pas me permettre de rester plus longtemps Julien. Il va déjà me falloir du temps pour te rembourser cette nuit, je ne veux pas m’endetter encore plus avec toi. Si cela ne te dérange pas, je préfère me reposer chez toi que dans cet endroit, répondis-je, jouant la carte de la sincérité.

- Ne dis pas de bêtise Hayden, tu me devras rien.

- Je ne veux pas de ça Julien. Je ne suis pas le genre à profiter des autres. Je ne veux pas te devoir quelque chose.

S’énervant un peu, Julian trancha, apparemment déçu :

- Tu sais Hayden, ton mode de vie, ta liberté… J’en vois les limites aujourd’hui… Tu refuses même un geste de la part de ton ami car tu as peur de me devoir quelque chose. Qu’est ce que tu crois, que je vais t’attacher et t’empêcher de partir tant que tu ne m’auras pas rendu chaque centime.

- Je n’ai jamais dis ça, répondis-je en soupirant, blessé plus que je ne l’aurais voulu par ses paroles.

- Bon, je vais voir avec le médecin s’il est possible que tu sortes aujourd’hui, répondit-il après un court silence, coupant net cette discussion.

Le médecin ne me laissa pas partir de gaîté de cœur et fit promettre à Julien de me laisser une semaine de repos, où je devrais rester allongé la plupart du temps avant de reprendre doucement les taches physiques.

Le trajet fut lourd, aucun mot ne fut échangé, et l’effort que m’avait demandé de marcher jusqu’à la voiture refusant la chaise roulante me rendait déjà somnolent. Aussi, ce ne fut pas à contre cœur que j’allais m’étendre dans mon lit, transpirant rien qu’après la montée des marches de la maison, refusant l’aide de mon ami.

Aussi, ce ne fut pas à contrecœur que j’allais m’étendre dans mon lit, transpirant rien qu’après la montée des marches de la maison, refusant l’aide de mon ami. Lorsque j’ouvris les yeux et au vue de la luminosité moindre qui filtrait par ma fenêtre, je compris que nous devions être en début de soirée. Je m’étirais lentement, veillant bien à ne pas bouger plus qu’il le fallait ma hanche. Me redressant avec précaution, mes yeux se posèrent sur le sac vide de Gwendal. Il n’avait pas eu le temps de récupérer ses affaires et il ne viendrait certainement jamais les chercher. Après tout, son père lui en achèterait d’autres. Soupirant malgré moi à l’idée qu’il n’était plus là, et à l’entente du bruit en bas dans la cuisine, je décidais d’aller rejoindre mon ami. Mon estomac se crispa lorsque je sentis la bonne odeur des plats de mon ami. Alors que je descendais, Julien m’arrêta en plein milieu des escaliers :

- Je n’ai pas encore fini de faire à manger, va prendre une douche, et je repasserais te faire ton pansement, le médecin m’a expliqué comment faire. Puis tu retournes au lit, je t’apporterais ton repas. Et ne discute pas, ajouta-t-il en voyant mon expression. Ordre du médecin !

N’étant pas de taille à l’affronter, je m’exécutais, remontant les marches en bougonnant. Une fois ma douche prise, j’attendis patiemment Hayden dans la chambre, assis sur le lit. J’examinais ma plaie découverte. Si elle était toujours légèrement rouge, l’inflammation était partie. Celui-ci ne tarda pas à arriver avec un petit plateau garnis dont l’odeur ne fit qu’accroître mon appétit. Déposant le plateau sur la table, il vint s’installer près de moi avec un sachet de médicaments donné par l’hôpital.

- Allonge toi… Me demanda-t-il avec douceur.

Lentement, je m’exécutais, remontant mon t-shirt et baissant légèrement le bas de mon pantalon et de mon boxer pour qu’il est une entière mobilité. Avec un soin tout particulier, il s’appliqua à me désinfecter et à me refaire mon pansement. Ses doigts effleurant ma peau me firent frémir malgré moi. Julien avait été un amant hors pair et sûrement le meilleur. Mais tout cela était loin derrière nous. Il était marié maintenant, et pour rien au monde je n’aurais voulu détruire la famille qu’il avait réussie à fonder. Mon visage s’obscurcit à la pensée que jamais je n’avais connu une véritable famille et jamais je n’en connaîtrais.

Julien m’invita à me redresser et m’apporta ensuite un grand verre d’eau et les cachets que je rechignais à avaler.

Il resta près de moi durant tout le repas. Nous qui étions si jovials et si bavards, nous étions ce soir parfaitement silencieux. Etait-ce à cause de notre échange plus tôt dans la journée ? Ou alors, à cause du départ d’un être que nous connaissions finalement si peu ? Cela devait être un peu des deux. Ce fut en me souhaitant une bonne nuit, qu’il quitta ma chambre, me laissant à ma solitude. Alors que je m’installais dans mon lit, je regardais la place vide que Gwendal avait si peu de fois occupée. Il ne s’était rien passé entre nous, et le seul contact physique avait été la nuit que nous avions passé dehors, alors qu’il s’était collé contre moi. Alors pourquoi ressentais-je cette impression de manque et de solitude que je n’avais jusqu’alors jamais connu vis à vis de personne ?

Ce fut avec cette sensation étrange, que je sombrais encore minablement dans le sommeil. Cette semaine s’annonçait particulièrement pénible. Rester inactif n’était habituellement pas dans mes cordes.

Cela faisait six jours que Julien me confinait dans ma chambre. J’allais beaucoup mieux même si je restais très fatigué. Je passais le plus clair de mon temps à dormir, mais aujourd’hui, ce rythme commençait à sérieusement me peser. J’étais devant la grande armoire où Gwendal avait rangé ses affaires, et je les laissais tomber une à une dans son sac. Je me demandais ce qu’il faisait maintenant. Est-ce qu’il pensait encore à Julien et moi ? Etait-il finalement heureux d’avoir retrouver son confort et sa vie ?
Poussant rageusement le sac dans un coin de la pièce, je grimaçais de douleur face au geste qui avait tiré les points de ma hanche. Ne supportant plus de rester dans cette chambre, je choisis de descendre dans le salon. Nous étions en fin d’après-midi, et Julien ne devait pas tarder à revenir. J’avais encore le temps de descendre jusque dans le salon sans qu’il m’empêche de quitter ma chambre.
Descendant avec soin, j’avais l’impression d’être courbaturé. Ce fut à mon plus grand désaroi, tout essoufflé que j’arrivais dans le canapé. Cela ne pouvait définitivement plus durer. Il fallait que je me remette vite ou j’allais exploser. N’ayant rien à faire, j’allumais la télévision, espérant que cela me changerait les idées.
Mais j’avais espéré trop vite. La première image que je vis, fut le visage souriant de Gwendal. Jamais je ne l’avais vu ainsi. Au titre de cette édition spécial : « Le mariage du Gwendal De Montaudry ». Il était donc à ce point important… La mariée était jolie. Il allait avoir une vie douce avec elle, mais une vie emplie de tout ce que j’exécrais pour la mienne.

Gwendal affichait un visage dans lequel il était difficile de décrire ses émotions. Il affichait un sourire radieux, sourire que je n’avais jamais vu son visage lorsqu’il était avec moi. Cependant, en le regardant de plus près, ses yeux ne souriaient pas. Etait-il véritablement heureux ?

- Qu’est ce que tu fais ici ? Me reprocha aussitôt Julien me faisant sursauter.

- Écoute Julien, arrête d’être autoritaire avec moi comme ça. Je n’ai pas cinq ans, et je sais prendre soin de moi. Claquais-je, plus qu’agacé.

- Ne le prend pas si mal. Je m’inquiète juste pour toi… Dit-il apparemment blessé.

- Je ne suis pas en sucre, et tu sais bien que j’ai connu pire, dis-je maintenant las.

- Non, je ne sais pas justement. Je ne connais rien de ton passé. Répliqua-t-il amère avant de disparaître vers la cuisine.

Je poussais un soupir de soulagement, heureux qu’il n’insiste pas à ce sujet. Mon passé n’avait rien de glorieux et je ne voulais surtout pas en parler… C’était la publicité, l’émission allait bientôt reprendre.

Julien ne tarda pas à revenir avec deux bières et déclara avec un sourire quelque peu forcé :

- Et si on fêtait ton rétablissement !

J’attrapais la bière et changeais de sujet :

- Regarde… Dis-je en montrant d’un bref mouvement de tête la télévision et en montant le son.

Les détails du mariage étaient expliqués. Le mariage aurait lieu demain et les journalistes étaient vraiment intrigués de la rapidité de ce choix. Sûrement était-il déjà prévu depuis longtemps mais seulement dévoilé au grand public maintenant. L’émission ne tarda pas à être clotûrée, laissant au générique la photo des deux futurs mariés.

- Jamais je n’aurais imaginé Gwendal marié, surtout à une fille comme ça. Il semble si jeune, commenta alors mon ami.

- J’espère simplement qu’il est heureux ainsi…

- Tu ne peux pas faire grand chose de toute façon. Et Gwendal ne se serait jamais fait à la vie que tu mènes.

- Cela a sûrement du être un jeu pour lui, soupirais-je.

J’étais finalement plus touché que je ne voulais l’admettre. Je n’avais jamais pu vraiment dire au revoir à Gwendal, et je n’avais pas la moindre idée comment il allait maintenant. Ces fausses images télévisuelles ne traduisaient pas la réalité. Mais la question qui me taraudait le plus était de savoir si Gwendal avait choisit de partir avec les policiers aussi facilement uniquement pour ne pas me cause d’ennuie, ou avec un grand plaisir, enfin libérer de la compagnie rustre de mon ami et moi.

La soirée fut simple, et j’insistais auprès de Julien pour obtenir de l’aider un peu demain, lui promettant de m’arrêter dès que je me sentirais trop fatigué. Me cédant, nous nous séparâmes en fin de soirée, ayant prévu de nous lever tôt le lendemain.

À vrai dire, je préférais m’occuper demain plutôt que de penser au mariage d’un homme que j’avais à peine connu.

Le réveil du lendemain fut plus difficile que je ne l’avais cru. J’avais pris de mauvaises habitudes. M’étirant, je pris aussitôt une forte dose de ces médicaments chimiques. Moi qui les avait toujours fui… Puis j’allais rejoindre mon ami déjà présent dans la cuisine, s’attelant à faire le petit déjeuner.

Ayant promis à Julien de ne pas en faire trop, je fis tout de même du mieux que je pus, prenant fréquemment de courtes pauses. Me retrouver à l’air libre me fit cependant le plus grand bien. Un petit vent frais permettait de rendre la chaleur de l’été tout à fait supportable. Ce fut cependant avec soulagement que nous décidâmes d’aller prendre le repas de midi. Nous marchions tranquillement, échangeant des paroles légères, retrouvant enfin la bonne humeur que nous avions perdu depuis mon accident et ce fut à ce moment que Julien s’arrêta brusquement, fixant sa maison. Ne comprenant pas, je suivis son regard et eut la même réaction que lui.

Là, sur le perrons de sa maison, assis sur les marches, se tenait Gwendal, un sourire timide étirant ses lèvres. Souriant à mon tour, ayant du mal à réaliser qu’il était là et ne comprenant pas pourquoi, je m’approchais de lui, suivit de Julien. Nous apercevant il se releva aussitôt. Il n’avait aucun bagage, et étais débraillé dans un costume bien trop beau et luxueux pour être traité ainsi. Arrivé à sa hauteur, je restais muet, ne sachant pas vraiment quoi dire. Gwendal semblait être encore plus mal à l’aise et ce fut Julien qui brisa aussitôt cet étrange silence.

- Et bien ! Tu ne devais pas te marier aujourd’hui ? Qu’est ce que tu fais ici ?

- Je… Commença alors à dire Gwendal hésitant.

Il semblait perdu. Ce n’est qu’à ce moment-là que je remarquais ce qui se cachait derrière son sourire. Il avait une mine affreuse. Ses yeux étaient rouges et il semblait manquer de sommeil.

- Est-ce que tu peux nous laisser seul. Demandais-je alors peut être un peu trop gravement à Julien.

Celui-ci sembla pourtant comprendre et n’opposa aucune résistance. Il contourna Gwendal et referma la porte de sa maison derrière lui. Ce ne fut qu’une fois qu’il fut parti, que j’ouvris la bouche.

- Si nous allions nous installer vers le ruisseau, je pense que nous avons beaucoup à nous dire et ce sera plus frais et plus agréable la bas.

Gwendal me suivit sans la moindre résistance. Le trajet n’étais pas très long, mais j’appréciais de m’asseoir sur le tronc d’arbre une fois arrivé. Si Gwendal avait la moindre idée de tout ce que nous avions fait avec Julien près de ce ruisseau, j’aurais pu être sûr qu’il n’aurait jamais voulu ne serait-ce qu’approcher cet endroit.

- Assied-toi… Lui proposais-je en lui montrant la place libre.

Hésitant, Gwendal s’installa à côté de moi, tout en gardant une distance respectable. Le silence s’instaura aussitôt et comprenant que Gwendal n’entamerait pas la conversation, je me décidais à ouvrir la bouche.

- Je comprends le choix que tu as fait Gwendal. Mais est-ce que c’est vraiment ce que tu désires ? Tu n’as pas fait ça sur un coup de tête ? Tu comprends ce que tu laisses derrière toi ?

- Je comprendrais si tu ne voulais pas que je te suive, répliqua aussitôt Gwendal, mésinterprétant mes paroles. Quel idiot, je m’impose à toi, sans savoir si cela te dérange.

- Ce n’est pas véritablement pas choix que je me suis lancé dans ce style de vie. Au fond, j’ai toujours été un peu ainsi, même si j’ai commencé à errer à partir de mes 16 ans. Je n’ai jamais eu tout ce que tu as eu Gwendal. À vrai dire, j’ai commencé la vie avec moins que rien. Cette liberté est quelque part pour moi la seule chose que je possède maintenant, et parfois j’ai même l’impression que c’est elle qui me possède.

Gwendal continuait de m’écouter silencieusement avant que je finisse par dire :

- Mais si tu veux vraiment venir avec moi, si tu es certain de ton choix, et que tu sais ce qui t’attends, c’est à dire 0 confort mais une vie vécu à 100% alors je serais heureux de te le faire découvrir.

Le silence revint à nouveau lorsque je cessais de parler, mais je lui laissais patiemment le temps de trouver sa réponse. Il finit par répondre, après un temps :

- Je… Je ne suis pas parti sur un coup de tête. Je suis parti parce que je ne veux pas de cette vie que mon père a décidé pour moi… Dit-il d’une voix faible. Je veux être libre de faire ce que je veux faire de ma vie et je serais vraiment heureux de faire ce voyage avec toi… Si tu acceptes, bien sûr.

- Alors nous voilà compagnons de voyage ! M’exclamais-je avec un sourire. Pour le meilleur et pour le pire, ajoutais-je amusé en lui tentant la main.

Sans la moindre hésitation, répondant à mon sourire, il serra ma main, liant ainsi nos chemins.

Nos mains se lachèrent, et nous nous mîmes tous deux à fixer le ruisseau. Je savais qu’en l’acceptant à mes côtés, cela amenait nécessairement la fuite. Son père ne le laisserait pas partir ainsi. Mais je ne voulais pas ajouter ce genre de réflexion à Gwendal maintenant. Il pouvait au moins prendre cette après-midi pour se reposer. Il finit par me demander :

- Comment tu vas ?

- Avec le repos forcé que m’a imposé Julien, beaucoup mieux. Ce n’est pas encore ça, mais encore quelques jours et je serais parfaitement remis sur pied !

Ce fut à mon tour de poser une question qui me brûlait les lèvres :

- Comment tu as fait pour retrouver ton chemin jusqu’à chez Julien ?

- Je… je suis venu à cheval jusqu’au village tout proche très tôt ce matin. Puis j’ai laissé mon cheval à un gîte en leur donnant le numéro de mon père pour qu’ils les appellent et puisse le récupérer. Je leur ai fait promettre d’appeler dans deux jours. Un petit billet et ils ont été facile à convaincre.

- J’ai pensé à prendre de l’argent cette fois ! Ajouta-t-il fier de lui.

- Et si nous retournions voir Julien, il doit être en train de nous attendre pour manger.

Gwendal acquiesça, et nous prîmes tous deux la direction de la maison, à nouveau réunis.

La journée se passa tranquillement. Nous aidâmes Julien du mieux que nous pûmes et Gwendal trouva rapidement sa place parmi nous. Julien ne cachait pas sa joie de revoir Gwendal, lui posant de nombreuses questions. Le repas du soir fut gargantuesque et après avoir chacun pris une bonne douche pour enlever la sueur, nous nous installâmes dans le salon, parlant de tout et de rien. Gwendal fut le premier à aller se coucher, et ce fut au moment ou j’entendis la porte de notre chambre se fermait que j’entamais un sujet bien particulier avec mon ami.

- Julien, cela me gêne de te demander cela, mais est-ce que tu peux attendre un peu plus longtemps pour que je te rembourse ? Tu te doutes bien qu’avec toutes les histoires de Gwendal, nous ne pouvons malheureusement plus rester ici… Je reviendrais ! Et j’espère que cela ne te dérange pas pour la quantité de travail qu’il reste à faire… Tu sais ça m’embête de…

- Ne dis pas de bêtise. Comment crois-tu que je fais sans toi ? Et tu ne me dois rien. Mais cela ne t’empêche pas de revenir me voir.

- Merci… Dis-je avec sincérité, ne sachant pas ce que je pouvais faire pour lui pour véritablement lui rendre la pareille.

J’avais l’impression d’être un simple profiteur.

- Ca va aller dans ton état pour reprendre la route ? Me demanda-t-il inquiet.

- J’ai connu pire ! Dis-je avec un sourire. Ne t’inquiète pas, grâce à toi, je suis presque remis sur pied. Ajoutais-je avec un peu plus de sérieux.

- Tu vas me manquer Hayden… J’aurais bien aimé que tu restes plus longtemps…

Sans trop réfléchir, je l’attirais à moi dans une simple étreinte. J’avais ressentis un puissant besoin de le sentir contre moi et il ne refusa pas ce contact. Nous restâmes ainsi un long moment, profitant juste de la chaleur que l’autre avait à nous apporter. Nous finîmes par aller nous coucher chacun de notre côté, après quelques dernières paroles échangées.

Lorsque j’entrais dans la chambre, il me sembla entendre un reniflement. Intrigué, je m’approchais du lit, et m’assis près du corps recroquevillé de Gwendal.

- Gwendal ? Appelais-je tout bas.

Il ne me répondit pas, mais à voir son corps frémir, je sus qu’il m’avait entendu. Posant délicatement une main sur son épaule, je tentais à nouveau :

- Qu’est ce qui ne va pas Gwendal ? Tu sais que tu peux m’en parler…

Gwendal se tourna vers moi, le visage en larme, et bredouilla aussitôt :

- Je… j’ai peur Hayden. Je viens de réaliser que j’ai tout abandonné, mais pour quoi ? J’ai simplement peur…. Je suis terrifié !

- Viens là, dis-je, ouvrant mes deux bras et l’invitant à pleurer sur mon épaule.

Gwendal hésitait. Il n’osait apparemment pas faire ce geste. Après tout, mes penchants sexuels devaient l’inquiéter. Il était vrai que nous étions dans un lit, mais je n’étais pas le genre d’homme à lui sauter dessus. Il n’avait vraiment rien à craindre de moi.

- Viens, insistais-je, sans pour autant le forcer physiquement.

Gwendal hésitant encore quelques instants avant de finir timidement vers moi. Il ne m’en fallut pas plus pour l’aider à annihiler cette distance qui nous séparait en l’enserrant de mes deux bras. Son corps était tout tremblant et ce ne fut que lorsque sa tête fut enfouie tout contre mon torse qu’il se laissa aller à nouveau à pleurer. Ne sachant pas trop comment me comporter avec lui, je passais lentement ma main dans ses cheveux et dans son dos, afin de l’apaiser. Je ne connaissais pas sa peur en tant que telle. Jamais je n’avais eu à quitter quelque chose pour partir vers l’inconnu car quelque part ma vie avait toujours été dans cet inconnu même.

Je ne sus combien de temps nous restâmes ainsi et ce ne fut que lorsque ses sanglots prirent fin qu’il consentit à m’en dire un peu plus.

- Quand je suis rentré, l’accueil était plus que glacial… Souffla-t-il. Mon père m’a reproché toute la semaine d’être partit sans rien dire. Il m’a dit que…

Il prit une pause, s’écartant un peu de moi. Comme pour l’encourager à poursuivre, j’essuyais avec tendresse les traces de larmes qui maculaient encore ses joues. Frémissant étrangement à mon contact, il ne reprit la parole que lorsque j’eus terminé.

- Mon père m’a dit qu’il comptait sur moi, et que je l’avais profondément déçu. Ma mère ne m’a pas une seule fois adressé la parole… Mais… Mais ce qui a été le plus dur, c’était de me rendre compte que mon père ne me voyait finalement que comme un moyen d’assurer sa position sociale.

Il prit une profonde inspiration avant de poursuivre, tremblant à nouveau :

- Je ne voulais pas de cette vie. Je ne voulais pas vivre ce que mon père avait planifié pour moi… Et… Je ne sais pas si celle que je choisis est meilleure. J’ai peur de faire une grosse erreur, et je sais que mon père ne me le pardonnera jamais. Je ne peux plus revenir en arrière.

Sa voix s’arrêta. Un long silence suivit sa déclaration, et sentant qu’il ne dirait pas un mot de plus, je pris la parole à mon tour :

- Tu trouveras ta voie Gwendal. Laisse-toi juste le temps de prendre du recul. Toi seul parviendra à juger de ton choix, mais tu ne peux plus revenir en arrière. Alors fait avec et regarde plutôt vers l’avant. Ne regrette pas. Profite de ce que la vie va maintenant pouvoir t’offrir. Je ne te promets rien… Je ne sais pas si ce mode de vie te conviendra. Mais je suis là… Et je t’apporterais tout ce que je pourrais dans une moindre mesure. Et surtout, si tu as des doutes, n’hésite pas à m’en parler…

Gwendal ne répondit rien, me souriant simplement en guise de remerciement. Puis, fatigué tout autant l’un que l’autre, nous nous installâmes pour dormir, prenant un repos bien mérité.

Le lendemain matin, comme à notre habitude, je me réveillais bien avant lui. Mais cette fois, je ne me levais pas tout de suite. Me redressant légèrement, je m’appuyais sur un coude, et observais avec plus de précision l’homme qui allait partager un bout de chemin avec moi.

Son visage était aussi fin que son corps et il était particulièrement clair qu’il n’avait pas au premier abord, le physique pour mon train de vie. J’allais devoir m’adapter tout autant que lui. Cependant, les courbes graciles de son corps que je ne pouvais voir qu’à travers ses vêtements laissaient tout de même imaginé qu’il était finement musclé. Sa peau semblait particulièrement douce, et ses lèvres… Ce fut au moment où mes yeux se posèrent sur ses lèvres qu’une envie me pris. Une envie que je refrénais aussitôt en me levant et en commençant à m’activer sur ce qui devait être fait.

J’allais prendre une bonne douche, et pris soin de refaire mon pansement. Puis je commençais à empaqueter tout le nécessaire de soin avant de faire mon sac à moitié défait. Je pris le linge propre que nous avions lavé la veille avec Julien et une fois prêt, je m’occupais des affaires de mon compagnon de route.

Comme la première fois, je pris soin de faire un tri. Je n’aurais pas la force de porter plus que nécessaire. Sa nouvelle vie commençait maintenant et il devait laisser des choses derrières lui. Il pourrait de toute façon les laisser chez Julien, qui les garderait consciencieusement. Ce fut au moment ou je fermais mon sac, que Gwendal se redressant, se massant les yeux comme pour essayer de voir plus clair.

- Qu’est ce que tu fais ? Finit-il par me demander la voix endormie.

- Je prépare nos affaires, dis-je avec un sourire. Bien dormi ?

- Je… Oui… Nos affaires ? Nous partons ? Demanda-t-il intrigué.

- Je pense que ton père ne tardera pas à venir chercher ici… Alors oui, nous reprenons la route.

- Mais… Et ta hanche ! Tu n’es pas encore remis ?! S’exclama-t-il, inquiet.

- Ca ira si je me ménage, dis-je avec un sourire qui se voulait rassurant. J’ai pris tes affaires importantes, que j’ai mis dans un sac que m’a prêté Julien, qui sera plus facile à transporter pour toi. Il te prête aussi un duvet. Je te laisse le soin de rajouter ce que tu veux vraiment amener avec toi. Le reste restera en sécurité ici. Je vais rejoindre Julien, nous t’attendons pour le déjeuner.

Sur ses paroles, je partis rejoindre mon ami. Un petit-déjeuner gargantuesque nous attendions, ainsi que deux sacs que je devinais remplis de nourriture pour le voyage. Julien était toujours aussi prévenant et sûrement un peu trop généreux.

Après deux petites heures, nous venions de passer le portail de Julien. Nos sacs étaient remplis, Gwendal ayant effectué un sérieux tri. Les au revoirs avaient été rapides. L’un comme l’autre, nous détestions nous attarder dans ces genres de moments. Se retournant une dernière fois, nous lui fîmes un signe de la main. Je n’avais pas la moindre idée de quand nous reviendrions le voir. Il valait de toute façon mieux que l’affaire de la disparition de Gwendal se calme. Devant nous, la route qui s’étendait à perte de vue dans la campagne et ce petit vent si particulier qui me donnait le sourire à chaque fois que je reprenais mon chemin.

- Où allons-nous ? Me demanda alors Gwendal, sans cacher son appréhension.

- Droit devant ! Là où nous le désirons, déclamais-je amusé.

- D’accord, répondit Gwendal avant d’entamer la marche.

Et ce fut ainsi que, pour la première fois de toute ma vie, j’entamais ce chemin accompagné par la personne la plus improbable, sans savoir ce que cela allait entraîner…

 

Cet article a été publié le Samedi 23 avril 2011 à 18:38 et est classé dans Once in a life time. Vous pouvez suivre les commentaires sur cet article en vous abonnant au flux RSS 2.0 des commentaires. Vous pouvez faire un commentaire, ou un trackback depuis votre propre site.

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