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oct

Mourir pour revivre - Chapitre 37

   Ecrit par : admin   in Mourir pour revivre

Chapitre 37 écrit par Shinigami

Lorsque Raphaël entendit la voix de la directrice provenir de derrière la porte de la chambre de Daevlyn, il sentit son cœur faire un bon dans sa poitrine. Si jamais elle le découvrait ici, ça en était fini pour eux. Le plus discrètement possible, il se terra dans l’angle du lit opposé, pour plus de sécurité. Personne n’aurait pu se douter qu’il se trouvait allongé à moitié nu dans le lit de son moniteur, cependant, son cœur battit si fort que Raphaël avait l’impression que la directrice tyrannique pouvait l’entendre de la où elle se trouvait. Terrifié à cette idée, il se recroquevilla un peu plus dans l’angle et retient sa respiration afin de calmer les battements endiablés de son cœur.

Mille et une questions affluaient dans son esprit ? Pourquoi la directrice était-elle ici ? Que voulait-elle à Daevlyn ?

Calmant au mieux le stress qui risquait de trahir sa présence en ces lieux normalement interdits pour un adolescent, Raphaël se concentra sur la conversation des deux adultes. Apparemment, au ton employé par la directrice, cela se présentait mal pour Daevlyn…

Il entendait Daevlyn demander à la directrice :

- Maintenant ?

- Oui, tout de suite, répondit sèchement la directrice.

Le coeur de Raphaël se serra… Il pouvait dire adieu à la soirée tranquille qu’il avait espérée passer avec son moniteur. Pourquoi ne pouvaient-ils jamais avoir la paix ? Qu’avaient-ils fait pour mériter que le sort s’acharne sur eux à ce point ?

Raphaël ne comprenait pas cet acharnement qui les empêchait de vivre pleinement leur amour.

Daevlyn sembla réaliser sa tenue plus que décontractée car il déclara froidement, visiblement agacé par la situation :

- Attendez-moi dans votre bureau le temps que j’enfile un t-shirt.

A la vue des muscles de Daevlyn qui se contractèrent brusquement lorsque celle -ci répondit “Oui, mais pressez-vous”, Raphaël cru que l’adulte allait tuer la directrice sur place. Daevlyn referma presque violemment la porte au nez de la directrice, et se dirigea vers son placard duquel il sortit un jean propre. Raphaël le regardait tristement enfiler son jean. Bien que Daevlyn n’avait pas le choix, Raphaël lui en voulait un peu de ne pas lui avoir tenu tête, comme précédemment dans l’après midi. Daevlyn sembla s’apercevoir du trouble de l’adolescent car il se retourna et lui dit :

- Je fais au plus vite, reste là, et surtout fait toi discret.

La dernière phrase de l’adulte fit l’effet d’un coup de poing à Raphaël. Pourquoi avait-il ajouté une telle chose ? Bien sûr que Raphaël savait parfaitement qu’il devait se faire discret. Le prenait-il pour plus bête qu’il ne l’était ? Avait-il honte de lui ? En aucun cas l’adolescent n’avait envie qu’on le surprenne dans la chambre de son moniteur, et encore moins dans cette tenue. Il tenait bien trop à lui pour risquer quoi que se soit. Mais alors pourquoi cette phrase de Daevlyn ? N’avait-il pas confiance en lui ?

Daevlyn ne sembla pas s’apercevoir de la tristesse qu’éprouvait l’adolescent à cet instant. Il s’approcha du lit et déposa un furtif baiser sur les lèvres du jeune garçon avant de lui murmurer tendrement :

- Ne m’attends pas… Endors-toi… je fais au plus vite pour te rejoindre…

Le contraste entre la douceur dont faisait preuve l’adulte à ce moment précis et sa dernière phrase, perturbait l’adolescent au plus haut point. Encore sous le choc, Raphaël ne répondit rien. Ce ne fut que lorsque la porte se referma sur Daevlyn qu’il retrouva ses esprits. La mort dans l’âme, il songea à la soirée qui avait pourtant si bien commencée et aux dernières phrases de son moniteur. tout ceci mettait Raphaël mal à l’aise. Il n’arrivait pas à trouver une réponse satisfaisante à chacune de ses questions et cela le perturbait grandement. Son esprit vagabonda encore quelques minutes jusqu’à ce qu’il se focalise sur Daevlyn. Il devait être arrivé dans le bureau de la directrice à présent. Qu’était-elle en train de lui dire ? Et Daevlyn ? Parlaient-ils de lui ? La directrice avait-elle découvert quelque chose qu’elle n’aurait normalement dû jamais découvrir ? A cette pensée, Raphaël sentit les larmes inonder ses yeux améthyste. Il ne pouvait pas supporter une telle idée, il ne voulait pas être séparer de Daevlyn. Que deviendrait-il sans lui ? Raphaël avait seulement la réponse à la dernière question, il savait très bien ce qu’il deviendrait sans Daevlyn, il retomberait dans les ténèbres desquelles il commençait tout juste à remonter. Sans lui, il mourrait…

Sentant l’angoisse monter en lui, il tenta de se calmer et réfréner ses pensées négatives. Il se concentra sur Daevlyn, son amour pour lui et tous les merveilleux moments qu’ils avaient passés l’un auprès de l’autre. A ces pensées, son coeur se gonfla d’amour et de bonheur. Un amour si grand, si puissant que cela le terrifiait. Jamais il n’aurait cru pouvoir aimer et être aimer un jour. Depuis qu’ils ne doutaient plus de leurs sentiments respectifs, Raphaël avait l’impression de vivre un rêve, et que la directrice était la pour lui ouvrir les yeux sur la réalité. La réalité qui leur interdisait de s’aimer…

Des larmes de tristesse à laquelle se mêlait une sourde colère roulèrent le long de ses joues. Une colère contre son impuissance. Il était condamné à voir son couple se briser sans qu’il ne puisse rien faire, et cela le mettait hors de lui. Il voulait hurler, extérioriser cette douleur qui lui déchirait le coeur. Si elle les séparait, plus jamais il ne pourrait sentir les doigts délicats de Daevlyn glisser lentement sur sa peau, faisant naître en lui, mille sensations plus intenses les unes que les autres. Plus jamais leurs lèvres ne s’uniraient dans un baiser passionné rempli d’amour de tendresse et d’espoir. Que ferait-il sans les sourires remplis d’amour que lui adressait spécialement l’adulte ?

Une détresse sans nom l’envahit, et il enfouit sa tête dans l’oreiller de son amant afin d’étouffer les sanglots qui s’emparaient de lui. Raphaël en sut combien de temps il pleura, respirant à plein nez l’odeur qu’il aimait tant de son amant, imprégnée dans l’oreiller. Puis, épuisé par ses larmes, il finit par s’endormir.

Dans son sommeil, il sentit les lèvres chaudes de Daevlyn déposer un léger baiser sur sa joue, comme pour lui signaler qu’il était enfin de retour. Cependant, trop épuisé, Raphaël n’ouvrit pas les yeux et se contenta de gémir doucement, lui faisant comprendre qu’il appréciait le geste. Il aurait aimé l’interroger sur le déroulement de son affrontement avec la directrice mais ne s’en sentait pas le courage. Il ne voulait pas voir ses rêves se briser ce soir, il ovulait pouvoir passer tranquillement cette nuit dans les bras réconfortants de son amant afin de profiter pleinement de ses quelques heures de répit qui leur étaient imparties. Seulement, épuisé par les larmes qu’il avait versées précédemment, il se rendormit aussitôt. Quand il sentit le corps chaud de Daevlyn se glisser entre les draps et venir le rejoindre, il se lova contre lui, voulant sentir sa chaleur rassurante. Quand l’adulte entoura possessivement sa taille, il émit un soupir de satisfaction, heureux d’être enfin dans les bras de son amour.

Raphaël dormait paisiblement dans les bras de Daevlyn. Il était en sécurité et n’avait peur de rien. Il était bien. Il ouvrit les yeux et vit Daevlyn lui sourire tendrement. Il lui rendit son sourire et l’adulte l’attira au-dessus de lui; plongeant son regard émeraude dans ses améthystes encore brillantes de sommeil. Avec douceur, Daevlyn prit possession de ses lèvres pour un tendre et langoureux baiser matinal. Alors que Daevlyn s’emparait des hanches de son jeune amant et le faisait s’asseoir au-dessus de lui, la porte de la chambre s’ouvrit violemment sur la directrice. Son rire satisfait retentit alors dans la pièce tandis qu’elle s’approchait d’eux. Elle attrapa Raphaël par les cheveux et l’attira brutalement à elle, lui arrachant un cri de douleur et d’effroi. Alors qu’il relevait la tête, la directrice n’était plus, et à sa place, se trouvait une personne qu’il n’aurait jamais cru revoir…

Raphaël se réveilla en sursaut, le corps luisant de transpiration  et se redressa brusquement. Affolé, il regarda autour de lui. Les battements endiablés de son coeur, ralentir lorsqu’il se rendit compte qu’il n’y avait personne dans la pièce. Puis, il tourna la tête et son regard se posa sur Daevlyn. Instantanément, il retrouva une respiration calme et régulière, comme si la simple vision de l’adulte pouvait calmer les peurs de l’adolescent. Raphaël contempla longuement le visage endormis et détendu de son amant, profitant de cet instant de calme pour graver à jamais les traits si beaux de son moniteur dans sa mémoire.

Son regard se posa alors sur les lèvres entrouvertes et si attirantes de Daevlyn. Hypnotisé, Raphaël se pencha légèrement pour afin d’en prendre possession, mais au dernier moment il retient son geste. Son cauchemar était encore trop présent… Mais ce n’était qu’un cauchemar, c’était impossible qu’”il” puisse revenir ainsi, puisqu’”il” était mort, Asiel l’avait tué… Et puis, Daevlyn était là, il le protégeait… Rassuré Raphaël mit bas aux derniers centimètres qui séparaient leurs lèvres et l’embrassa furtivement. Aussitôt, Daevlyn ouvrit les yeux, et leur regard se croisèrent. Préférant oublier son cauchemar, Raphaël lui adressa un sourire radieux auquel Daevlyn répondit en le prenant dans ses bras, et l’attira à lui. Face à cette scène si familière, Raphaël se tendit imperceptiblement avant de se laisser aller, profitant pleinement des caresses et des baisers papillons que Daevlyn lui déposait dans le cou.

Raphaël était envahit par une sensation de plénitude et de sérénité, les bras de Daevlyn avaient ce pouvoir sur lui. Cependant, lorsqu’il avisa l’heure, il s’arracha à difficilement et à contrecœur de l’étreinte si rassurante de l’adulte et quitta le lit. Il aurait aimé rester indéfiniment collé contre son amour, mais savait pertinemment qu’il ne pouvait pas. Daevlyn devait aller réveiller les autres adolescents et ils devaient se préparer pour la journée à venir. Agir comme si rien n’existait entre eux hormis une relation pensionnaire/moniteur. Leur statut d’amants et leur relation amoureuse était prohibée, et s’ils voulaient conserver le plaisir de se retrouver, ils ne devaient rien laisser paraître de suspect.

Voilà pourquoi, après un dernier sourire rempli d’amour à Daevlyn et après avoir vérifier que le couloir était vide, Raphaël quitta la chambre et regagna la sienne sur la pointe des pieds.

Il entra dans sa chambre et referma la porte derrière lui, puis se dirigea vers son armoire. Sans réellement faire attention à ce qu’il prit, il attrapa des affaires propres au hasard ainsi que son nécessaire de douche et se rendit à la salle de bain.

Lorsqu’il en sortit quelques minutes plus tard, il croisa Daevlyn dans les couloirs. A la vue de son moniteur, son coeur se gonfla d’amour. Le sourire que lui adressa Daevlyn lorsqu’il le vit lui réchauffa le coeur. Heureux, il lui rendit son sourire et ils se rendirent au réfectoire. Durant tout le temps que dura le trajet, Raphaël eut l’impression que Daevlyn lui cachait quelque chose. Cependant, il ne fit aucune remarque, attendant patiemment que son moniteur prenne la parole. Il aurait aimé que Daevlyn lui raconte de lui-même son entrevue de la veille avec la directrice, après tout, cela le concernait aussi un peu, et le manque d’initiative de l’adulte le blessa. Gardant ses réflexions pour lui, il lançât un regard intrigué et inquiet à Daevlyn face à l’angoisse qui se reflétait sur son visage. Daevlyn lui adressa un sourire qui se voulait rassurant, mais Raphaël n’était pas dupe, Daevlyn lui cachait quelque chose, et il finirait par savoir quoi.

Ils se séparèrent sur ce dernier regard afin de rejoindre leur table respective et Raphaël se força à manger un minimum, lorsque l’adulte le regardait depuis sa place.

Lorsque Raphaël eut mangé un minimum, il se hâta de quitter le réfectoire où l’ambiance était plus que pesante, et fit un saut aux cuisines avant de se diriger rapidement au box d’Amaranth. Il le salua et joua un instant avec le poulain avant de lui donner son biberon. Affamé, Amaranth se précipita dessus et le termina en moins de temps qu’il ne faut pour le dire. Bien qu’habitué, Raphaël ne pouvait s’empêcher de rire en constant la gloutonnerie du jeune animal. Son sourire s’accentua lorsqu’il vit Daevlyn s’arrêter près de la porte du box. Un silence pesant prit lentement mais sûrement place entre eux. Raphaël attendait que Daevlyn lui confie ce qu’il avait sur le coeur et l’adulte lui, semblait ne pas vouloir briser le silence.

Légèrement agacé par la non-réaction de son amant et en ayant marre d’attendre des explications qui ne viendraient jamais, Raphaël demanda peut être un peu trop brusquement :

- Quelque chose ne va pas Daevlyn ?

- Hein ? euh… non rien. Bredouilla l’adulte.

Raphaël lui lança un regard sceptique que Daevlyn ne capta pas et insista :

- Est-ce que ton état à un rapport avec ce que t’as dit la directrice hier soir ?

- Puisque je te dis qu’il n’y a rien, répliqua Daevlyn agacé.

Raphaël avait bien vu qu’il y avait quelque chose, pourquoi Daevlyn faisait comme si tout allait bien et refusait de lui dévoiler le fond du problème ? Que lui avait donc dit la directrice pour qu’il devienne aussi désagréable quand il tentait de faire la conversation ?

Vexé par le comportement de l’adulte, Raphaël ne se gêna pas pour le lui faire comprendre :

- Très bien, déclara-t-il méchamment avant de lui tourner le dos et reporter son attention sur le poulain. Tout le temps qu’il sentit la présence de son moniteur dans son dos, Raphaël fit mine de l’ignorer, jusqu’à ce que, agacé à son tour par le comportement de l’adolescent, Daevlyn finisse par quitter l’écurie.

Quand il entendit Daevlyn partir, Raphaël se retourna et le suivit du regard jusqu’à ce qu’il disparaisse à la sortie de l’établissement. Une larme roula le long de sa joue et il s’empressa de l’essuyer. Il ne voulait pas pleurer. Si Daevlyn refusait de lui parler, il en subirait les conséquences. Raphaël n’aimait pas que l’on le traite comme un gamin incapable de comprendre la gravité de la situation, et c’est exactement ce que semblait faire l’adulte. S’il le traitait comme un gamin, alors il aurait le comportement d’un gamin, et pas des plus agréables et faciles à vivre.

Après un long moment, il quitta le box du poulain après lui avoir fait un dernier câlin et se dirigea d’un pas rapide et énervé vers le hall de l’entrée. Cependant, quand il franchit le pas de la porte, il s’arrêta subitement face au spectacle qui se déroulait sous ses yeux. Une lueur de haine éclaira furtivement ses yeux améthyste lorsqu’il vit Daevlyn en pleine conversation avec Steven. Il semblait même tellement absorbé par lui qu’il ne remarqua même pas sa présence. Blessé, il ne répondit même pas au signe de tête d’hypocrite que lui adressait l’adolescent et fusilla discrètement Daevlyn du regard. Alors c’est ça que lui cachait Daevlyn ? Qu’ils allaient devoir passer leurs journées complètes avec lui ? Daevlyn ne sembla pars remarquer la rancœur qui prenait possession du coeur de l’adolescent. Avait-il déjà oublié les humiliations que lui avait fait subir Steven ? Avait-il déjà oublié qu’il l’avait poussé du haut de la falaise ? Lorsque Daevlyn présenta Steven à Raphaël, l’adolescent cru arriver au summum de sa colère et se retint à grand peine de lui cracher à la figure qu’il pouvait garder ses présentations pour lui. Comment pouvait-il faire preuve d’autant de stupidité ? Pensait-il réellement que Raphaël allait sympathiser avec ce garçon ? Pour qui le prenait-il ? A cette pensée, Raphaël failli retint difficilement un fou rire hystérique. Avec du recul, la scène devait paraître incroyablement grotesque.

Raphaël fusilla de nouveau son moniteur, lui faisant ainsi comprendre qu’il ne lui pardonnerait pas aussi facilement. Cette fois-ci, Daevlyn le remarqua et gêné par la situation délicate dans laquelle il se trouvait, il les emmena chercher les chevaux. Ne voulant pas supporter la vue de Daevlyn parlant avec le garçon qu’il considérait comme un ennemi, Raphaël partit en premier et marchant à vive allure, il alla prendre son licol, en laissant celui de Waterfalls et d’Atlantis, puis sans les attendre, il se dirigea vers le parc où il passa entre les fils électriques.

Cependant, lorsqu’il arriva près de Diamond Dust, il tenta de refouler ses ressentis au fond de lui, afin de ne pas influencer les réactions de l’animal, comme le lui avait appris Daevlyn. Il le salua et le caressa longuement avant de lui mettre le licol. Une fois fait, il l’emmena à l’entrée du parc et attendit que les deux autres viennent le rejoindre avant de quitter l’enclos. Il était énervé mais pas inconscient, Daevlyn lui avait bien expliqué les risques qu’il y avait à séparer un cheval du troupeau, et lui avait ordonné de ne jamais le faire seul.

Lorsqu’il arrivèrent à la barre d’attache, Raphaël alla chercher uniquement le matériel dont il avait besoin, laissant à Daevlyn et Steven le soin d’aller chercher la caisse de pansage. Au moment de seller Diamond Dust, Raphaël accumula les fautes d’inattention. Il oublia plusieurs détail et alla même jusqu’à lui mettre le filet à l’envers. Raphaël sentait la colère monter en lui. Il aurait dû se douter que cette journée allait être merdique… Et dire ce que ce n’était encore que le début de la journée. Que lui réservait donc la suite ?? Raphaël préférait ne pas y penser…

Alors qu’il bataillait avec le filet de sa monture, des larmes d’énervement et de frustration lui montèrent aux yeux.  Soudain Daevlyn sembla remarquer la détresse de l’adolescent car il le rejoignit et lui demanda :

- Raphaël ? Peux-tu me dire ce qui ne va pas.

A cette question, Raphaël cru s’étouffer. Il voulait qu’il lui dise ce qui n’allait pas ? Mais il était vraiment con ou il le faisait exprès ?? Raphaël lui lança un regard noir et ravalant ses larmes et tentant de masquer sa colère il déclara :

- Rien rien, tout va bien comme tu m’as dit tout à l’heure !

Semblant se rendre compte de l’ironie qui perçait à travers les paroles de l’adolescent, Daevlyn tenta de s’expliquer, mais il échoua lamentablement :

- Raphaël je… Je n’arrivais pas à t’annoncer que c’était Steven qui serait avec nous. Je… J’ai angoissé sur ta réaction, et je n’ai pas était capable de te le dire.

Daevlyn se foutait-il de sa gueule ? Depuis quand n’arrivait-il pas à lui dire des choses ? Pourquoi lui rejetait-il toutes les responsabilités sur le dos ? N’était-ce pas lui le plus adulte et le plus mature des deux ? De nouveau, l’adolescent le tua du regard et déclara d’une voix froide qu’il ne se connaissait pas lui-même.

- Et bien tu aurais dû !

Sur ces mots, il détacha Diamond Dust et alla rejoindre Steven dans la carrière, laissant derrière lui, Daevlyn totalement déstabilisé par sa réponse, mais surtout par la façon dont il avait prononcé ces quelques mots.

La leçon fut tout aussi pénible pour Daevlyn autant que pour Raphaël. Diamond Dust semblait avoir comprit qu’il pouvait manipuler l’adolescent à sa guise et en profitait pour faire n’importe quoi. Toujours dans son état d’esprit “parle à mon cul”, Raphaël refusait d’écouter les conseils que lui donnait Daevlyn. Après tout, pourquoi se souciait-il de lui ? Steven était bien meilleur cavalier que lui !! Raphaël regardait d’un mauvais oeil, Daevlyn donner des conseils et rigoler avec Steven. Il avait l’impression d’être passé à la trappe, comme un jouet trop vieux que l’on met au rebus lorsqu’il a trop servi. Si Daevlyn s’amusait de cette situation, ce n’était certainement pas le cas de Raphaël qui maudissait son moniteur et Steven par la même occasion. A cet instant, à ces yeux, ils ne valaient pas mieux l’un que l’autre. Surtout que Steven semblait avoir perçut la colère de l’adolescent car il lui adressait parfois des regards narquois comme pour lui dire qu’il n’était pas le centre du monde et qu’il était meilleur que lui. Ce comportement puéril horripilait l’adolescent qui n’avait qu’une envie, c’était de lui faire ravaler sa fierté mal placée.

Pour une fois, Raphaël accueilli avec joie l’heure du déjeuner. Jamais il n’aurait cru penser une telle chose, mais il commençait à languir le moment où il s’éloignerait un peu de Daevlyn et de son regard chargé de reproches. Sa présence lui était devenue lourde à supporter. La façon dont Daevlyn semblait le snober lui hérissait les poils des bras et il devait se faire violence pour ne pas lui dire ce qu’il pensait de son comportement. Assit seul à sa table, il ruminait sa rancœur et n’adressa pas un seul regard à l’adulte de toute la durée que dura le repas.

A la fin du repas, qui arriva beaucoup trop vite aux yeux de l’adolescent, ils repartirent tous trois vers les chevaux dans un silence de mort. Raphaël n’avait toujours pas daigner adresser la parole à l’adulte. Lorsqu’ils arrivèrent à la barre d’attache, le spectacle qui se déroulait sous les yeux de Raphaël lui brisa le coeur. Diamond Dust s’était prit le pied dans sa longe, et terrorisé, il tirait dessus afin d’essayer de se dégager, se blessant toujours plus. Mais ce qui fit le plus mal à Raphaël, ce fut le regard froid et rempli de reproches que lui adressa alors Daevlyn.

Le croyait-il responsable de ce qui arrivait ? Cette pensée brisa le coeur de Raphaël qui usa de toute sa volonté pour retenir les larmes qui perlaient aux coins de ses yeux. Il avait toujours fait très attention lorsqu’il attachait Diamond Dust et vérifiait toujours deux fois si le nœud était bien fait. Comment aurait-il pu ne pas s’apercevoir qu’il s’était trompé dans le nœud d’attache ?

Suspicieux, il jeta un furtif coup d’œil à l’autre adolescent, et lorsqu’il vit le sourire machiavélique qui ornait son visage, il comprit immédiatement ce qui s’était passé. C’est Steven qui avait défait le nœud de Diamond Dust. Cependant, comment le dire à Daevlyn ? Le croirait-il ? Raphaël en doutait fortement. La preuve arriva lorsque Daevlyn appela Steven pour qu’il tienne l’animal le temps qu’il aille chercher la pommade. A cet instant, Raphaël compris une chose, Daevlyn ne lui faisait plus confiance…

Une larme roula le long de sa joue, cependant, il l’essuya rapidement. Il ne voulait pas que Daevlyn le voit pleurer. Il assumerait entièrement la connerie de Steven, il ne se dégonflerait pas. Il vit Daevlyn passer devant lui sans un regard dans sa direction et cela le blessa profondément. Il préférait encore que Daevlyn le regard froidement plutôt que de subir son indifférence.

Visiblement, Steven n’attendait que ça pour passer à l’attaque, car aussitôt Daevlyn disparut à l’intérieur de l’écurie, il déclara :

-  Je n’ai jamais vu un mec comme toi !! Es-tu seulement un mec ? Tu pleures comme une fille !! Et puis c’est quoi cette histoire avec l’autre abruti ? Tu crois que je n’ai rien remarqué ? Tu es carrément jaloux quand il me parle ! Tu es vraiment pathétique mon pauvre Raphaël !! Je sais pas ce qui se passe entre vous, mais tout ceci me paraît bizarre !

Malgré les larmes qui lui inondaient les yeux, Raphaël lui lança un regard glacial qui fit rire l’adolescent qui poursuivit :

- Tu dois te demander pourquoi j’ai modifié le nœud de Diamond Dust pas vrai ? Et bien je vais te le dire ! Je n’ai pas supporté la fois où tu m’as bousculé ! Et puis, comme je m’ennuyais, quand j’ai vu que vous vous entendiez bien, j’ai décidé de m’amuser un peu ! Et je dois te dire que je suis on ne peut plus satisfait du résultat ! J’attends la suite avec impatience ! Qu’est ce que tu vas nous faire cette fois -ci ? Après la tentative de suicide au rasoir tu vas essayer quoi ? La corde où peut être la noyade ? Tu y étais presque arrivé la dernière fois, tu ne veux pas essayer de recommencer pour voir ?

Raphaël crut que son coeur allait cesser de battre pour ne plus jamais repartir. Il comprenait très bien que l’on puisse ne pas aimer une personne, mais il ne comprenait pas comment on pouvait être aussi méchant. Les paroles de Steven reflétaient la méchanceté à l’état pur. Ce garçon avait quelque chose de maléfique. Les dernières paroles de Steven touchèrent plus l’adolescent qu’il ne l’espérait. Si seulement il savait à quel point il était proche de la vérité… S’il savait… Pourtant, il ne savait pas et ne saurait jamais… Personne ne saura jamais…

Raphaël releva son visage inondé de larmes et le sourire satisfait qu’abordait l’adolescent termina de l’achever. Son regard croisa celui de l’adulte une micro seconde, mais il détourna les yeux et s’enfuit en courant en direction du box d’Amaranth. Il était le seul être sur terre à pouvoir lui apporter le réconfort dont il avait besoin, puisque Daevlyn ne semblait pas disposé à s’occuper de lui.

Les sanglots de Raphaël effrayèrent le poulain qui le regardait de loin. Puis, celui-ci sembla sentir la peine et la souffrance de Raphaël car il s’approcha de lui et lorsque l’adolescent noua ses bras autour de son encolure, enfouissant son visage dans sa maigre crinière duveteuse, il ne broncha pas.

Puis, lorsque le poulain commença à monter quelques signes d’impatience, il le lâcha et se roula en position fœtale, comme pour se protéger du monde extérieur. Pourquoi Daevlyn ne pouvait-il pas comprendre à quel point c’était difficile pour lui de partager son intimité avec un garçon, et de surcroît, un garçon qu’il n’aimait pas. Noyé dans ses sanglots, ils n’entendit pas Daevlyn entrer dans le box et sursauta lorsqu’il l’entendit murmurer tout près de lui :

- Excuses-moi Raphaël…

Avec difficulté, Raphaël releva un visage ravagé par les larmes et quand il reconnut Daevlyn, il ne résista pas et se jeta dans ses bras qui lui avaient tant manqué tout au long de cette matinée des plus éprouvantes. De toutes ses forces, il s’agrippait à lui, comme par peur de le voir s’enfuir.

- Pardonne-moi Daevlyn j’ai été odieux avec toi, déclara l’adolescent au milieu de ses sanglots.

Daevlyn ne répondit rien mais raffermi sa prise autour de la taille frêle et délicate de l’adolescent, lui soufflant à l’oreille des mots d’excuse et de réconfort. Très vite, leurs lèvres se cherchèrent, puis finir par s’unirent, se transmettant par ce baiser, un pardon mutuel et du courage pour la suite.  Perdu l’un dans l’autre, il ne virent pas les yeux impudiques et horrifiés de Steven posés sur eux.

Ce fut un coup de tête jaloux du poulain qui semblait dire “et moi alors !” qui les ramena à la réalité. Malgré les larmes qui inondaient le visage de l’adolescent, ils furent tous deux pris d’un fou rire à la vue du poulain. A contrecœur, ils se séparèrent, et quittèrent le box d’Amaranth, estimant avoir suffisamment fait patienter Steven. Daevlyn embrassa une dernière fois l’adolescent avant de quitter les écuries. Plongé dans leur bulle, heureux de se retrouver, aucun des deux ne calcula le regard empli de dégoût que leur lançait Steven.

Cette après midi, Daevlyn refusa de faire monter Raphaël. D’une, il le jugea bien trop secoué par les évènements, et de deux, s’il montait Diamond Dust après la leçon catastrophique de ce matin, il risquait de tomber et de se faire mal.

Lorsque la leçon se termina, ils pansèrent les chevaux, et après un dernier soin à Diamond Dust auquel Raphaël participa, ils les ramenèrent aux parcs.

Puis chacun alla prendre une douche bien méritée, avant de se rendre au réfectoire. Cependant, c’est à contrecœur que Raphaël se rendit à la cantine. En son coeur, il n’aspirait qu’à une chose, c’était se retrouver seul avec Daevlyn et s’excuser pour son comportement odieux envers lui. Il voulait lui dire les raisons qui l’avaient poussés à agir de cette manière, qu’il n’avait pas supporté que Daevlyn lui cache certains points. Cependant, forcé de passer par la case réfectoire, il usa de toute sa volonté pour s’alimenter un minimum, sentant le regard de l’adulte posé sur lui. Plus que tout, Raphaël voulait sentir le corps chaud et protecteur de son moniteur, il avait besoin de le sentir près de lui pour s’assurer que tout était bel et bien rentré dans l’ordre. Et ça, seule les lèvres de son amant pouvaient le lui confirmer. Il voulait profiter de ce simple contact que seule la nuit pouvait leur offrir. Sans réaliser le moins du monde, ils quittèrent réfectoire quasi simultanément, sous le regard à la fois satisfait et haineux de la directrice.

Côtes à côtes, ils arrivèrent dans les dortoirs. Mais alors que Daevlyn allait entrer dans sa chambre, il vit Raphaël ouvrir la porte de la sienne.

- Qu’est-ce que tu fais ?

Raphaël se mit à rougir sous la question de son moniteur. Comment lui expliquer que l’odeur de sa chemise le rassurait et qu’il était bien dedans ? Tentant d’apporter une réponse à l’adulte, il répondit :

- Je vais juste mettre ta chemise, je l’ai laissée dans ma chambre ce matin, je…

- Ok, dit Daevlyn en lui faisant un sourire empli de sous-entendu.

Raphaël sourit timidement à son amant avant de refermer la porte de sa chambre. Là, il se calla contre elle et repensa rapidement à la journée qui venait de se terminer. Puis, il se changea et alors qu’il allait quitter sa chambre, il croisa les doigts, en murmurant une supplication, souhaitant par-dessus tout, trouver le courage de parler à Daevlyn et surtout, que tout ceci se finisse bien.

Satisfait, il qui sortit de la pièce, traversa le couloir à pas de loups, et frappa discrètement quelques coups à la porte de la chambre de l’adulte. Alors qu’il allait entrer, il vit une ombre se profiler près de lui, et ne put retenir un cri de terreur, tandis que la directrice attaquait :

- Que faites-vous donc jeune homme ?

Raphaël était terrorisé, il ne savait plus que faire. Sans réfléchir aux conséquences, il fit la seule chose qui lui passa par la tête, il entra dans la chambre de Daevlyn et se jeta dans ses bras. Cependant, entraînés par le poids de l’adolescent, ils tombèrent sur le lit. Allongé sur Daevlyn, la tête enfouie dans son cou, Raphaël respirait son odeur, comme pour s’assurer qu’il n’était pas seul. C’est en entendant le rire jouissif de la directrice qu’il réalisa totalement le tableau qu’ils devaient lui offrir : lui portant seulement un boxer et la chemise de Daevlyn, dans les bras d’un adulte torse nu. Par crainte que Daevlyn ne le repousse, il s’agrippa à lui de toutes ses forces, et c’est avec une joie immense, en dépit des circonstances, qu’il sentit les bras puissants de son moniteur se refermer autour de sa taille. Raphaël n’avait plus conscience de ce qu’il se passait autour de lui, la seule chose qu’il voyait à présent, c’était qu’il vivait la dernière étreinte de Daevlyn, que plus jamais il ne pourrait sentir le corps et les lèvres tendres de son moniteur se poser sur les siennes. Par son action irréfléchie, il venait de ruiner leur relation, et surtout leur vie. Que deviendraient-il l’un sans l’autre ? C’était quelque chose d’inimaginable pour Raphaël, il ne pouvait se résoudre à penser à un avenir sans Daevlyn. Il n’y en avait tout simplement aucun…

Ce fut la voix de la directrice qui sortit l’adolescent  de sa détresse, pour le plonger dans une toute autre sorte de désespoir :

- Jeune homme veuillez regagner votre chambre au plus vite !!

Non, il ne pouvait pas, il ne voulait pas être séparer de Daevlyn. Inconsciemment, les larmes silencieuses se mirent à couler abondamment sur ses joues, pour aller se perdre dans le cou de l’adulte, et il raffermit son étreinte autour du cou de son moniteur. Cependant, Daevlyn lui murmura tendrement :

- S’il te plait Raphaël, fait ce qu’elle te dit. Ne t’inquiète pas tout va s’arranger.

A l’entente de la voix si douce et rassurante de son amant, il ne put qu’obéir. A contrecœur, il desserra sa prise sur son amant. La dernière parole de Daevlyn lui réchauffa le coeur. Bien sur il savait qu’il mentait, mais grâce à cette phrase, il avait à présent la certitude que Daevlyn ne l’abandonnerait pas, qu’il se battrait pour rester avec lui et avoir le droit de l’aimer.

Raphaël tremblait de tout son être et dû se faire violence pour calmer les tremblements de ses mains lorsqu’il se sépara de Daevlyn. Malgré ses paroles, l’adulte aussi semblait avoir du mal à le laisser partir. A quelques pas de là, la directrice posait un regard satisfait et empli de fierté malsaine sur la scène qui se déroulait sous ses yeux, dans lesquels brûlait tout de même un éclat de colère intense.

Alors que Raphaël quittait la pièce, il ne put s’empêcher de lancer un dernier regard à son amant, comme pour graver à jamais son visage si beau dans les recoins les plus cachés de sa mémoire. Il vit le petit sourire qui se voulait rassurant, se dessiner sur ses lèvres qu’il aimait tant et il l’en remercia silencieusement. Le coeur de Raphaël battait à vive allure. Jamais il n’était allé aussi vite. Les yeux noyés de larmes, c’est à l’instinct qu’il entra dans sa chambre.  Aveuglé par l’eau qui lui brouillait la vue, il referma la porte derrière lui. Ce fut à cet instant que ses jambes le lâchèrent, et il s’écroula contre la porte, le corps secoué de sanglots toujours plus violents les uns que les autres.

Raphaël était en train de rêver, ou plutôt de cauchemarder. Dans un instant, la nuit ferait place au jour, emmenant avec elle tous ces cauchemars, et il se réveillerait comme à son habitude, entre les bras de Daevlyn respirant son odeur à plein nez. Cependant, il avait beau ouvrir les yeux, le jour ne venait pas… La nuit était là, froide et interminable, comme le soir d’une veillée de décembre… Ils avaient déjà vécu des situations de crise, mais celle-ci était sans nul doute de loin la pire. Comment allaient-ils faire pour arranger la situation ? Allait-elle seulement s’arranger ? Raphaël était prêt à parier tout ce qu’il possédait de plus cher que la directrice n’allait pas les laisser s’en sortir aussi facilement… Non, cela cachait quelque chose… L’enjeu du problème était de taille, et Raphaël ne pouvait pas se permettre la moindre nouvelle fausse note. Étouffé par ses sanglots, Raphaël avait de plus en plus de mal à respirer. Son souffle se faisait saccadé et sa gorge le brûlait affreusement. Cependant, il n’arrivait pas à retenir les larmes qui s’échappaient de ses yeux, semblant ignorer toutes les vaines tentatives de l’adolescent pour les assécher. Ses yeux rougis par cette multitude de perles salées le piquait, et très vite, il s’endormit. Parfois quelques spasmes parcouraient son corps, le faisant tressaillir. Raphaël sombra dans un sommeil léger et peuplé de cauchemars plus horribles les uns que les autres. Toujours le même scénario, toujours les mêmes personnages principaux… Plusieurs fois dans la nuit, Raphaël se réveilla en sursaut, le corps luisant de transpiration et retenant à grand peine un hurlement de détresse. Après un énième cauchemar plus affreux que les précédents, Raphaël se refusa à se laisser aller de nouveau au sommeil. A la hâte, il enfila un jean et ouvrit la fenêtre de sa chambre. Là, il l’enjamba et sauta lestement sur le sol, sur lequel il se réceptionna avec la grâce et l’agilité d’un félin. Puis, à pas de loup, il se dirigea vers l’écurie.

Sans élever la voix plus que nécessaire, il appela doucement Amaranth pour le prévenir de sa venue afin de faire en sorte de ne pas l’effrayer. Il manquerait plus que la directrice sache qu’il sortait de sa chambre la nuit… Lentement, comme s’il n’était plus maître de son propre corps, il s’assit en tailleur dans un angle du box et le poulain vint se coucher près de lui, posant sa tête sur ses genoux. Machinalement, Raphaël lui caressa le chanfrein et commença à lui parler. Il avait besoin de se confier, et Amaranth était la seule oreille à qui il pouvait dire ce qu’il avait sur le coeur. Lui ne le jugerait pas comme les autres pourraient le faire. Et puis, il n’avait pas envie de parler aux autres. Il était dégoûté par le comportement des Hommes, et l’idée de leur adresser la parole le répugnait au plus haut point. Seul Daevlyn était l’exception qui confirmait la règle.

- Tout est de ma faute Amaranth…  A cause de mon comportement immature, j’ai tout gâcher… Je voulais pas que ça arrive… Je voulais seulement que Daevlyn se confie à moi, la voix de Raphaël se serra dans sa gorge. Qu’est ce que je dois faire Amaranth ? Je suis perdu… j’ai l’impression d’errer dans le noir sans que personne ne soit là pour me guider… Je me perds dans la brume de mon coeur, et la lune se joue de moi en me cachant ses pâles rayons… Si tu savais à quel point je regrette mes actes… A cause de moi je… Daevlyn…

L’adolescent fit une pause, tellement l’émotion intense qu’il ressentait à cet instant lui serrait le coeur. Il lui devenait impossible de parler correctement, sa voix se brisait sous l’émotion. Sans qu’il ne s’en aperçoive, les larmes silencieuses s’étaient remises à rouler sur ses joues pâles. Il inspira longuement plusieurs fois afin de se calmer et poursuivit :

- Daevlyn… il me manque déjà… Je ressens encore la subtile touché de ses doigts parcourant mon corps si hideux, enflammant ma peau à son contact, et ses lèvres qui s’emparent tendrement des miennes en un baiser rempli d’amour… Je vais devenir fou Amaranth… Il me manque déjà… Je ne pourrais pas vivre sans lui… Je l’aime… Je l’aime tellement… J’aurai tant souhaité le lui dire une dernière fois, sentir son corps contre le mien soudés en une ultime étreinte… Pourquoi la vie est-elle si cruelle ? Un destin comme celui qui nous attend est-il vraiment inévitable ? N’y a t’il vraiment rien à faire ? Est-ce que tout est déjà joué et perdu d’avance ?

Raphaël renifla bruyamment, et du revers de la main, il essuya les larmes qui lui brouillaient la vue. Ses yeux rougis par les larmes, le stress et la fatigue le brûlaient, et bientôt, il ne tarda pas à papillonner les yeux de fatigue. Pendant quelques secondes, il hésita à dormir auprès d’Amaranth, ne souhaitant pas passer le reste de la nuit seul, mais il refoula bien vite cette idée, refroidi à l’idée de se recevoir une nouvelle réflexion de la part de la mégère. A contrecœur, il se leva et déposa un rapide bisou sur le chanfrein de l’animal avant de quitter le box. Comme pour l’allée, bien qu’étant au milieu de la nuit, il vérifia que personne ne l’observait et regagna sa chambre le plus rapidement possible. Avec agilité, il sauta sur le mur et enjamba sa fenêtre, se laissant glisser silencieusement sur le sol, afin de ne pas attirer l’attention, au cas où l’établissement n’était pas totalement endormi. Alors qu’il pénétrait dans sa chambre, il se sentit envahi par une sensation d’étouffement. La tension qui régnait dans la pièce lui compressait l poitrine, l’empêchant de respirer. Guidé par les rayons de la lune qui éclairaient la pièce, il se dirigea vers la porte et alors qu’il allait l’entrebâiller pour faire courant d’air, il entendit des pas provenant du couloir. Apeuré, il s’immobilisa, à l’affût du moindre bruit, et lorsqu’il entendit des voix étouffées provenant de la chambre voisine, son coeur fit un bon dans sa poitrine lorsqu’il reconnut la voix de Daevlyn. Aussitôt, la panique l’envahit. Qu’arrivait-il à Daevlyn ? Avec qui parlait-il ? Ne résistant pas à la tentation, il entrouvrit la porte, faisant attention à ne pas se faire remarquer. Ce qu’il y vit le blessa profondément en même temps qu’une haine sans nom s’emparait de lui. Daevlyn pleurait à chaudes larmes dans les bras de Sébastien, et celui-ci lui frottait le dos comme on le fait avec les nourrissons lorsque l’on souhaite les calmer d’un chagrin quelconque. Comment avait-il pût lui faire cela ? Pourquoi avoir fait appel à lui ?

Raphaël tenta de réfréner la colère sans bornes qui s’emparait de lui et referma la porte avec toute la discrétion dont il était capable. Une fois la porte fermée, il se précipita sur son lit et enfouis son visage dans son oreiller, afin d’étouffer un cri de rage. Comment avait-il pu le trahir ainsi ? Asiel ne lui avait-il pas ordonné de ne plus jamais s’approcher de Daevlyn ? Était-il suicidaire pour jouer ainsi avec sa vie ? Un cri de frustration resta coincé dans sa gorge et, de colère, il frappa le matelas de ses poings, tentant tant bien que mal d’évacuer la rancœur qui s’accumulait en son coeur.

Dans les méandres de son esprit les plus reculés, il sentait qu’Asiel commençait à s’énerver lui aussi, faisant ainsi comprendre à l’adolescent que lui aussi n’appréciait guère la situation. Au fur et à mesure que la rage gagnait sur Raphaël, Asiel, lui, gagnait en contrôle sur le corps du jeune garçon. Si Raphaël refusait quoi que ce soit, c’était que cette fois ci, Asiel se mêle de l’histoire. Il s’était promis à lui-même qu’il règlerait ses ennuis sans l’aide d’Asiel, et il tiendrait parole. Il prouverait à Daevlyn qu’il était digne de lui et de la confiance qu’il avait placé en lui. Usant de toutes les maigres forces qu’il lui restait, Raphaël s’assit dans son lit, remontant ses genoux contre son torse et inspira longuement et profondément, faisant rentrer l’air dans ses poumons, tentant tant bien que mal de retrouver une respiration plus ou moins régulière. Petit à petit, il reprit le dessus sur Asiel, qui lui fit nettement comprendre son mécontentement.

Jamais Raphaël n’avait eu aussi froid. Son corps était parcourut de violents frissons qu’il ne parvenait pas à maîtriser, malgré la chaleur moite qui régnait dans la chambre. Il lui manquait une chose importante qu’il avait prit l’habitude d’avoir à ses côtés à longueur de journée, et même la nuit. Cette chose s’était le corps de Daevlyn. Car Raphaël n’avait pas froid physiquement, il avait froid à l’intérieur. Il avait froid dans son coeur et dans son âme. Raphaël sentait le froid impénétrable des ténèbres lui envahir leur coeur et prendre possession du peu d’humanité qu’il lui restait. D’un coup, il voyait tout le travail qu’avait accompli Daevlyn pour l’aider à sortir de sa vie indigne s’envoler en fumée. Toujours les mêmes questions lui revenaient à l’esprit, inlassablement… Qu’allait-il advenir d’eux ? De quoi était fait le futur ? Pouvait-on le modifier ? Pourquoi ne pouvait-on pas revenir en arrière ? Avancer ou reculer le temps ne serait-ce que d’une infime seconde ? Si Dieu existait réellement, pourquoi permettait-il à ses “enfants” de souffrir à ce point ? N’avait-il donc aucune clémence pour les péchés qu’ils avaient tous deux commis par le passé ? Était-ce là leur châtiment ? Le châtiment pour avoir commis le crime de s’aimer ?

Un peu avant les premières lueurs de l’aube qui annonçaient une nouvelle journée, épuisé et des questions plein la tête, Raphaël fini par sombrer dans un sommeil lourd et sans rêves. Un sommeil réparateur comme il en avait grand besoin depuis quelques jours. Lorsqu’il se réveilla, le soleil n’était pas encore levé, pourtant il avait l’impression d’avoir dormit plusieurs heures. Alors qu’il s’apprêtait à se lever et se préparer à cette nouvelle journée, l’incident de la veille au soir lui revient en mémoire et cela lui fit l’effet d’un coup de poing. Démoralisé, il se laissa retomber dans son lit, n’ayant plus envie de rien. Alors qu’il fermait les yeux pour tenter de se rendormir, il entendit des voix étouffées provenant du couloir. Intrigué, il retint sa respiration, tentant d’écouter ce qui se disait. Agacé de ne percevoir que des moitié de mots, il se leva et écouta à travers la porte. Jamais Raphaël n’avait agit de cette manière avant, trouvant impoli d’écouter les conversations des autres, cependant, si c’était Daevlyn qui parlait avec Sébastien, il voulait savoir ce qu’il se disait. C’était son droit après tout, surtout si l’on parlait de lui en prime. Pourtant, les interlocuteurs parlaient trop doucement, et il ne parvient pas à mettre un nom sur les voix qu’il entendait. Lorsqu’il entendit son prénom, il ne résista pas et ouvrit violemment la porte, tombant nez à nez avec Daevlyn et Sébastien, parlant avec la directrice. Honteux, il allait refermer la porte quand la directrice déclara de sa voix si tranchante :

- Restez là jeune homme !

Raphaël sentait le regard de Daevlyn posé sur lui avec insistance, cependant, de son côté, il n’arrivait pas à le regarder. Comme s’il craignait que cela n’aggrave encore plus la situation. Cependant, ne résistant pas à la tentation, il releva la tête et plongea son regard encore rougis d’avoir trop pleurer dans les émeraudes de son amant. A cet instant, leur regard se croisèrent pour ne plus se lâcher. Le monde autour d’eux venait de disparaître, et plus rien n’avait d’importance hormis l’amour qu’il pouvait lire dans les yeux de son moniteur. A ce moment précis, la seule chose qu’il voulait, c’était se blottir dans les bras de l’adulte et y rester à jamais. C’est avec beaucoup de difficultés qu’il résista à la tentation, se contentant de le contempler de loin. Noyé dans le regard de l’autre, ils ne remarquèrent pas le regard amusé que leur lançait Sébastien et ce fut la directrice qui les sortit de leur bulle :

- Dites le nous si on vous dérange !! Déclara-t-elle d’un air dégoûté. Tous les trois dans mon bureau… maintenant !!

Sans dire un mot, ils suivirent la directrice, Sébastien en tête. Discrètement, Raphaël le désigna d’un signe de tête avant d’adresser un regard accusateur à Daevlyn. Celui-ci lui lança un regard désolé tout en s’approchant de lui. Alors que leur corps n’étaient séparés que de quelques centimètres, Daevlyn lui murmura à l’oreille :

- Je suis désolé mon Ange, je n’avais pas le choix… fais-moi confiance s’il te plait…

- Je… je te fais confiance Daevlyn, souffla Raphaël.

Intérieurement, l’adolescent maudissait la barrière invisible et infranchissable qui séparait encore leur corps. Il aurait tellement aimé se jeter dans les bras de Daevlyn et capturer ses lèvres si attrayantes… Mais il avait conscience que s’ils voulaient s’en sortir sans trop de dommages, ils n’avaient pas droit à la moindre erreur, car la directrice les attendaient au tournant et qu’elle ne leur laisserait pas la moindre chance. A regrets, ils se contentèrent de marcher côtes à côtes, si proche l’un de l’autre que leurs doigts s’effleuraient de temps en temps, provoquant chez l’un comme chez l’autre, de petits tressaillements digne d’une collégienne vivant son premier amour. L’un à côté de l’autre, ils avaient l’impression de revivre, que la partie de leur coeur qui avait été arrachée retrouvait sa place d’origine.

Bien trop vite à leur goût, ils arrivèrent dans le bureau de la directrice. A peine la porte fut elle refermée derrière eux, que déjà elle déclarait :

- Bien, je crois que j’ai droit à quelques explications non ?

Face au mutisme des deux coupables, la directrice commença à perdre patience et ajouta :

- Vous n’avez rien à dire pour votre défense ? Hier dans l’après-midi un des adolescent vous surprend entrain de vous embrasser et hier soir c’est moi qui tombe nez à nez avec ce gamin à moitié nu s’apprêtant à entrer dans la chambre de son moniteur…  dis-moi, Raphaël c’est bien ça ? Pour quelle raison te trouvais-tu devant la porte de la chambre d’un adulte en pleine nuit ?

Apeuré par le regard froid et méchant que lui adressait la directrice, Raphaël ne répondit rien, se contentant de la fixer, paralysé d’effroi. Plus qu’agacée par le comportement de l’adolescent, la directrice s’avança vers lui dans le but de le réveiller un peu, mais la seule chose qu’elle réussit à faire, c’est d’effrayer un peu plus l’adolescent qui recula jusque dans l’angle de la pièce. D’un coup, Raphaël avait l’impression d’avoir fait un bon dans le passé. Ce n’était plus la directrice qu’il avait en face de lui, mais l’homme qui lui avait fait subir les pires sévices, son propre père.

Adossé au mur, Raphaël était prit au piège, il ne pouvait plus s’échapper, plus rien n’existait autour de lui si ce n’est la directrice et les fantômes de son passé. Même Daevlyn avait momentanément été ausculté de son esprit. C’est alors que la directrice franchit la limite que Raphaël jugeait plus que personnelle, et effrayer, il se mit à hurler, tentant de se cacher derrière ses bras. Surprise la directrice s’arrêta un instant, puis retrouvant un visage impassible, elle allait secouer l’adolescent quand une voix contentant mal la rage qu’elle contenait s’éleva dans son dos :

- Ne le touchez pas !! Reculez immédiatement !!

Aussitôt la directrice stoppa toute tentative d’approche auprès du jeune garçon et se retourna vivement, tuant du regard l’homme qui osait défier son autorité. Un sourire sadique étira peu à peu ses lèvres et s’avançant vers Daevlyn, elle lui demanda :

- Si on parlait un peu de votre cas ! J’ai lu votre dossier dans sa totalité, et il m’a parut on ne peu plus intéressant. J’ai compris votre petit jeu, et sachez que je ferais tout ce qui est en mon pouvoir pour vous faire arrêter !!

Ne comprenant pas où elle voulait en venir, Daevlyn lui adressa un regard sceptique :

- Pardon ?

- Ne faites pas l’innocent s’il vous plait ! Vous êtes mal placé pour jouer aux devinettes avec moi. J’ai compris la raison du comportement de cet enfant, et je suis prête à parier que vous en êtes l’un des principaux responsables.

A l’entente de ses paroles, Daevlyn ne sut pas comment réagir. Il hésitait entre se foutre ouvertement de sa gueule ou lui montrer subtilement qu’elle faisait fausse route. Il inspira longuement, afin de calmer la colère qui s’emparait de lui et déclara :

- En gros, vous m’accusez d’abuser de Raphaël ?

- Quelle perspicacité !

- Je n’ai jamais entendu choses aussi absurde de toute mon existence ! déclara Daevlyn à présent plus qu’agacé par les sous-entendus infondés qu’émettait la directrice à son sujet.

- Au vu de votre passé plus que douteux, j’ai le droit de me poser la question !

- Qu’est ce que vous insinuez par-là ? demanda l’adulte d’une voix devenue subitement aussi glaciale que son regard.

- Et bien , il me semble avoir compris que vous entreteniez une relation plus que douteuse avec feu votre frère jumeau, je me trompe ? De là, il serait tout à fait compréhensible que bouleverser par cette perte soudaine, vous cherchiez à reproduire ce que vous avez vécu par le passé…

A l’entente de ses mots, Daevlyn tressailli violemment, mais ne répondit rien. Dans son coin, Raphaël observait la scène, silencieux. Comment avait-elle put savoir une telle chose ? Daevlyn ne lui avait-il pas dit qu’il était le seul à être au courant de ce détail de sa vie ? Il ne comprenait plus rien… Et pourquoi ce regard apeuré de Daevlyn ? La directrice était-elle censée ignorer de détail ? C’est alors que Sébastien entra en scène. Alors qu’il allait prendre la parole, Raphaël se mit à appréhender les révélations qu’allait faire l’ancien directeur. Que pouvait-il bien avoir à révéler ? Savait-il des choses sur eux lui aussi ?

- Avec tout le respect que je vous dois, j’ai le devoir de vous informer que vous faites erreur. Jamais le passer de Daevlyn n’a influencé ses actes présents,  et jamais il n’a touché à un seul des pensionnaires de cet établissement. Vous les accusez de choses dont on peut avoir des explications on ne peut plus rationnelles sans avoir à sombrer dans l’exagération et les scénarios catastrophes. Ne vous est-il jamais arrivé la nuit de faire des cauchemars et de rechercher la présence rassurante d’un adulte à vos côtés ? Quant à l’adolescent qui vous à rapporter les avoir vu s’embrasser, si vous auriez lu convenablement les remarques que j’ai laissées, vous auriez vite remarqué que Steven est le genre d’adolescent qui aime se faire remarquer, et qui de plus, n’a guère d’affinité avec Raphaël ici présent. Si vous n’avez pas d’autres preuves aussi futiles et infondées que celles-ci, je vous serai gré de ne plus chercher des histoires là où il n’y en a pas.

Ne semblant pas apprécier le faite d’être remise en cause, la directrice se tourna vers Daevlyn et reparti à l’attaque :

- Vous conviendrez pourtant que j’ai assisté à certaines scènes plus que compromettantes qui pourraient mettre votre carrière en danger jeune homme !

- J’ai peur de ne pas vous suivre, déclara froidement Daevlyn, alors que Raphaël sursautait d’étonnement.

Que voulait-elle dire ? Qu’avait-elle découvert ?

La directrice soupira bruyamment avant de déclarer :

- Votre fausse innocence à le don de m’exaspérer, jeune homme ! Je soupçonne votre complicité avec ce jeune pensionnaire de cacher quelque chose de plus, comment dire… intime ! Et vous aurez beau me sortir toutes les excuses possibles et inimaginables, je ferais en sorte de découvrir ce qui se passe derrière mon dos dans cet établissement.

C’est à ce moment que Sébastien intervient pour la seconde fois depuis le début de la confrontation :

- Écoutez, je ne suis pas avocat et vous n’êtes pas juge non plus. Je veux bien admettre que vous puissiez vous poser des questions au sujet de Daevlyn et Raphaël, mais en aucun cas vous n’avez le droit de vous acharner sur eux de cette façon. Leur histoire ne regarde qu’eux du moment qu’elles ne gênent en rien le bon fonctionnement de l’établissement.

Apparemment, la directrice n’attendait que ça pour s’attaquer à Sébastien. Abordant un sourire vainqueur, elle se tourna vers lui et s’exclama :

- Quoi de plus normal pour l’ancien éducateur de l’accusé de prendre sa défense ?

A ces mots, Raphaël sursauta et reporta toute son attention sur Sébastien. Ainsi il avait été le moniteur de Daevlyn ? Raphaël se surpris à ressentir un élan de jalousie intense à l’égard de cet homme qui avait partagé de nombreux moments avec son amant.  Était-ce pour cela que Daevlyn avait fait appel à lui ? Mais pourtant, Sébastien avait été sur le point de le violer… Lui en voulait-il aussi peu ?Lui avait-il déjà pardonné ? Existait-il entre eux des liens dont il était exclus ? A cette pensée, son coeur se serra violemment. Accepter que Daevlyn puisse avoir des sentiments aussi puissants qui le lient à un autre homme que lui l’attristait au plus haut point. Il avait parfaitement conscience que cette jalousie était futile et mal placée, mais s’était plus fort que lui, il n’arrivait pas à en faire abstraction. Seule la présence de la directrice l’empêchait de se précipiter dans les bras de Daevlyn et de le serrer dans ses bras afin qu’il ne puisse plus s’échapper. Il voulait que Daevlyn lui appartienne à lui et à lui seul, que personne ne puisse l’approcher ou le toucher hormis lui. Il se sentait ridicule de penser une telle chose, que jamais Daevlyn ne serait entièrement à lui, même si à cet instant il possédait déjà une partie de son coeur. C’est la voix grave et imposante de Sébastien qui le sortit de ses pensées :

- C’est justement en état d’ancien moniteur que j’affirme ne prendre aucun risque à défendre Daevlyn. Je le connais depuis de nombreuses années, et je peux vous assurer que jamais je n’ai vu un homme aussi droit. Jamais son passé n’a été source de problèmes, et encore moins cause d’abus envers les adolescents accueillis par le centre. Jamais Daevlyn ne s’est impliqué plus que nécessaire dans la vie des pensionnaires.

Bien sûr, il enjolivait un peu la vérité, mais s’il ne le faisait pas, jamais la directrice ne les laisserait en paix. Elle était plutôt du genre à chercher la petite bête même si elle n’y était pas. Raphaël l’en remercia mentalement, bien qu’en lui, une question subsistait… Pourquoi Sébastien prenait-il subitement leur défense ? Avait-il de nouveau fait pression sur Daevlyn en acceptant de l’aider à le sortir des ennuis dans lesquels il se trouvait ?

- Avant que cette entrevue ne prenne fin, j’aimerais rajouter une dernière chose, poursuivit Sébastien, sous le regard étonné de Daevlyn et Raphaël. Vous n’imaginez même pas à quel point le travail qu’a accompli Daevlyn avec cet adolescent est extraordinaire, cela en est presque surnaturel. De toute ma carrière, je n’ai jamais vu un tel exploit. Quand Raphaël est arrivé au centre, je me suis posé la question pour savoir si je devais le renvoyer ou pas. Il ne parlait pas, n’acceptait aucun contact physique et hurlait de terreur au moindre frôlement par inadvertance. Un véritable petit homme sauvage. Vous allez me dire que tout cela relève du scénario de film typique, mais c’est tout ce qu’il y a de plus vrai. Voyez, même encore aujourd’hui, Daevlyn est le seul à avoir le “privilège” si je puis dire, d’avoir la totale confiance de Raphaël. A force de patience, il à sût l’apprivoiser et gagner sa confiance, après bien des épreuves, j’en conçois, mais le résultat est là. Il y a une alchimie incroyable entre eux. Cependant, Raphaël est encore loin d’être “guéri”, comme vous avez pu le constater à chacune de vos tentatives d’approche. Si vous les séparez maintenant, Raphaël ressombrera et Daevlyn le suivra… Vous vous aventurez sur un terrain dangereux, et si vous ne tenez pas à avoir la mort de deux être innocents sur la conscience, je vous prie de réfléchir à vos actes.

Un grand silence suivit cet aveux. Raphaël n’arrivait toujours pas à enregistrer toutes ces informations. Cela faisait beaucoup de révélation en peu de temps, et il avait du mal à tout assimiler. Cependant, il était incroyablement ému par les paroles de Sébastien. Daevlyn lui avait-il raconté tout ça ou avait-il seulement lu en eux comme dans un livre ouvert ? Raphaël se fichait complètement de la réponse, tout ce qui l’importait c’est que malgré ses ressentis pour cet homme, il venait de tirer l’épingle du pied, et cela n’avait pas de prix à ces yeux.

Sur ce, Sébastien fit signe à Daevlyn et Raphaël de sortir du bureau. Cependant, alors qu’il faisait un pas en direction de la porte, la directrice sembla remarquer un détail qu’elle n’avait pas vu avant car elle demanda :

- Jeune homme…

Ne sachant pas à qui elle s’adressait précisément, Daevlyn et Raphaël se retournèrent de concert, et lorsque l’adolescent vit le regard de la directrice posé sur lui, il comprit immédiatement de quelque chose n’allait pas. Intérieurement, il commença à paniquer, se demandant ce qu’elle allait pouvoir bien lui reprocher.

- Ces cicatrices sur vos jambes… d’où viennent-elles ? demanda t’elle sans quitter du regard les jambes dénudées de Raphaël.

L’adolescent baissa les yeux et s’aperçut avec horreur qu’il était toujours simplement vêtu avec la chemise de Daevlyn et que ses jambes non couvertes étaient exposées aux regard de tous. Lorsqu’il releva les yeux, ce fut pour voir les yeux de la directrice et de Sébastien rivés sur la partie inférieure de son corps, scrutant minutieusement chaque parcelle de peau découverte.

Comment avait-il pu ne pas se rendre compte qu’il était si peu couvert ? Jamais encore un tel oublis ne lui était arrivé… Pourquoi cela devait-il arriver maintenant ? Il lança un regard apeuré à Daevlyn, tandis que ses yeux s’embuaient de larmes qui roulèrent silencieusement le long de ses joues. Aucun son ne sortit de sa gorge, il se contentait de baisser les yeux, humilié d’être ainsi exposé aux regards impudique des deux adultes. Dans sa semi-conscience, il sentit que quelqu’un lui prenait les épaules, l’attirant ainsi contre lui, comme pour le protéger de l’impudeur des adultes. Reconnaissant l’odeur et les gestes si délicats de Daevlyn il ne broncha pas, se laissant aller à cette douce étreinte qui lui avait tant manqué. Cependant, les yeux de la directrice et de Sébastien ne quittaient pas leur cible, comme hypnotisés par l’horreur qui s’offrait à eux. La pression était telle pour l’adolescent, que brusquement il s’arracha à l’étreinte de Daevlyn :

- Arrêtez !!!!! Hurla-t-il en baissant les yeux, tentant désespérément de masquer ses jambes nues. Son corps était parcourut de violent frissons, signe évident d’un combat intérieur.

Les deux adultes assistaient à la scène, ne comprenant pas la soudaine réaction de l’adolescent. Avant qu’ils n’aient le temps de réagir, les spasmes s’arrêtèrent et lorsque l’adolescent releva la tête, Daevlyn comprit instantanément ce qu’il venait de se passer. Raphaël n’était plus… A la place, Asiel fixait l’assistance de son regard onyx emplie d’une rage et d’une haine non contenue.

Asiel adressa un sourire on ne peut plus explicite à Daevlyn qui murmura à l’adresse du jeune garçon :

- Asiel… Comment ?

- Raphaël refusait de me laisser le contrôle, j’ai dû faire forcing pour pouvoir sortir !

Puis, il reporta son attention sur la directrice qui à présent, le regardait avec une lueur d’étonnement dans les yeux, apparemment totalement dépassée par les évènements. Avant qu’elle n’ait le temps de dire quoi que se soit, Asiel la défiait du regard, prenant méchamment la parole :

- Alors comme ça le spectacle vous plait ? Mais cela ne vous suffit peut être pas, s’exclama-t-il.

Et avant que Daevlyn ne comprenne les intentions de l’adolescent, Asiel arracha violemment les boutons de sa chemise, exposant ainsi son torse et son ventre mutilé aux regards de la femme et de l’homme qui lui faisaient face. Face à leur regard dégoûtés, il sentit un profond élan de haine s’emparer de lui, et se retournant, dévoilant son dos, il ajouta :

- Vous en voulez encore? Cela ne vous suffit pas ?

Puis il leur refit face et jetant la chemise au sol, il dévoila ses avants bras charcutés :

- Voila, vous êtes satisfaites ? Vous savez à présent ce que vous vouliez savoir  !! Ça vous amuse de fouiner dans la vie des gens ? Cela vous importe aussi peu de savoir ce que l’on peut ressentir en se sentant mis à nu à la façon dont vous le faites avec les gens ? Vous n’avez donc aucune pudeur, aucune honteux à faire chier les gens pour des conneries ? Vous savez, la paranoïa ça se soigne à l’heure qu’il est, il suffit d’aller voir un psy !! Hurla Asiel.

Il prit à peine le temps de reprendre sa respiration avant d’ajouter, se dirigeant dangereusement vers la directrice :

- Vous aller faire quoi maintenant hein ? Appeler les services sociaux ? Signaler qu’un des adolescent du centre est complètement dérangé ? s’exclama-t-il, avant d’ajouter dans un murmure si bas que seul Daevlyn qui se trouvait près de lui entendit, mais ça ma vieille, tu n’en auras jamais l’occasion…

D’une démarche féline et terriblement  sensuelle, il s’approchait lentement de la directrice, donnant ainsi l’effet d’un félin traquant sa future proie. Comprenant les intentions d’Asiel, Daevlyn s’interposa au moment ou le coup partit, et sous la violent du choc, se retrouva à terre, sous le regard apeuré de l’adolescent qui le fixait avec incompréhension.

Daevlyn se releva et prit Asiel dans ses bras, lui caressant tendrement les cheveux, lui murmurant des paroles de réconfort tandis que l’adolescent laissait éclater sa rage et sa frustration par des sanglots bruyants :

- Pardon Daevlyn, je voulais pas te frapper…

- Calmes toi Asiel… Je sais, je sais que tu ne voulais pas me frapper… Mais ce que tu t’apprêtais à faire t’aurait apporté de grave ennuis… Je n’ai fais que te protéger de toi-même. Ton impulsivité est quelque chose qu’il te faut apprendre à maîtriser.

Le silence accueilli les paroles de Daevlyn qui serrait toujours l’adolescent dans ses bras, faisant fit du regard interrogateur des deux adultes posés sur eux. Cependant, la directrice sembla retrouver ses esprits car elle demanda :

- Et bien, quelle revirement de situation ! Vous vous êtes bien moqué de moi apparemment.

Ne comprenant pas où voulait en venir la directrice, Daevlyn lui lança un regard interrogateur, sans cesser de réconforter l’adolescent :

- Pardon ?

- Ce jeune homme, vous m’aviez affirmé qu’il ne parlait pas, et pourtant, après cette démonstration de puissance, je ne peux que constater le contraire. Et puis pourquoi l’appeler Asiel ? M’auriez vous également mentit sur l’identité de ce garçon ?

Asiel sentit Daevlyn inspirer longuement avant de déclarer le plus posément possible :

- Non, je ne vous ai pas mentit sur l’identité de cet adolescent. Le garçon apeuré au regard améthyste que vous aviez face à vous toute à l’heure s’appelle bel et bien Raphaël. L’adolescent que je tiens dans mes bras à cet instant, s’appelle Asiel, et si vous avez faire suffisamment attention, vous auriez constaté que son regard est noir comme l’onyx.

- Vous vous me faire croire que…

- Cet adolescent souffre de déboublement de personnalité, oui, la coupa Daevlyn.

Puis avant que la directrice ne puisse dire quoi que se soit, il ajouta :

- Vous avez sûrement lu le dossier de Raphaël, vous pourrez donc facilement comprendre qu’au vue de ce qu’il à vécu par le passé, il se soit créé une double personnalité capable de le protéger. Asiel est cette personne. Il à beau être impulsif, il n’est en rien méchant. Il n’agit que pour ce en quoi il a été créé, c’est-à-dire, protéger Raphaël. A présent, nous allons nous retirer, nous avons suffisamment abuser de votre temps.

A ces mots, Daevlyn entraîna Asiel à sa suite. Il ramassa la chemise déchirée et la lui posa sur les épaules afin de cacher au mieux les cicatrices qui zébraient son corps, et le tenant par les épaules, ils sortirent du bureau.

Cet article a été publié le Mercredi 17 octobre 2012 à 19:14 et est classé dans Mourir pour revivre. Vous pouvez suivre les commentaires sur cet article en vous abonnant au flux RSS 2.0 des commentaires. Vous pouvez faire un commentaire, ou un trackback depuis votre propre site.

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