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oct

Mourir pour revivre - Chapitre 34

   Ecrit par : admin   in Mourir pour revivre

Chapitre 34 écrit par Lybertys

Anéanti, agenouillé, la tête entre les mains, Daevlyn se coupait peu à peu du monde devenu bien trop hostile pour lui. Sa vue se brouillait par la multitude de larmes, il avait l’impression de disparaître au plus profond de lui même. Il ne voyait plus rien, plongé dans le noir, aucun son distinct ne parvenait à ses oreilles. Dans cet état de torpeur, il ne sentit même pas Raphaël se coller à lui et l’enlacer de ses bras avant de tomber à genoux tout comme il l’avait fait. Vidé de tout, de la moindre envie de vivre, il ne ressentait que la souffrance de son âme et de son cœur. C’était une douleur sourde, à la fois si pure et si sournoise, qu’elle annihilait tout sur son passage, dévastant son cœur sans le moindre remord. Sa vie n’était possible qu’avec Raphaël, sans cela , il était dès lors condamné à un état de non-vie, une mort partielle ou seul le corps subsistait. Plus il repensait aux derniers mots de Raphaël, plus il voulait quitter ce monde à jamais. Cela le poussait tout simplement à n’être plus.  “Parce que je n’en peux plus…”. Ainsi leur relation était trop lourde à supporter, il ne se sentait plus la force de l’aimer… D’ailleurs Raphaël l’avait il aimé un jour ?

Rien qu’à cette idée, il eut envie de hurler, de trouver par n’importe quel moyen une solution pour en finir. Raphaël semblait le supplier inlassablement, mais Daevlyn ne prêta pas attention à ce qu’il lui disait, si c’était des excuses, il n’en voulait pas. Jamais une seule excuse, une seule explication ne le convaincrait que Raphaël avait fait le bon choix. Il n’en pouvait plus de lui, c’était pourtant clair. Daevlyn fut prit d’un haut le cœur, protestation de son corps contre l’intensité de la souffrance de son âme.

Cependant, il parvint à retenir trois mots, trois mots qui sortirent de cette longue plainte, trois mots qu’il avait désespéré d’entendre un jour, trois simples mots auxquels il ne parvenait à croire dans le contexte présent : “Je t’aime Daevlyn”.  Non, ce n’était pas vrai, s’il l’aimait, jamais il ne lui aurait fait tout ce mal, jamais il lui aurait dit qu’il n’en pouvait plus. Il mentait pour lui faire plaisir, mais il ne faisait que raviver sa souffrance.

Anéantit, déchiré par sa peine, il ne parvenait pas à faire quoi que ce soit. Il n’était presque plus.

Semblant être au bord de l’hystérie, il s’accrocha au t-shirt de son amant que les larmes avait trempé, enfouissant son visage dans son dos. Daevlyn ne ressentait presque rien de tout ça, il ne l’écoutait plus, il en avait trop entendu. Ce fut un coup violent porté dans son dos qui le ramena dans un état de semi conscience, réalisant la détresse de l’adolescent.

Il savait parfaitement que jamais Raphaël ne l’aurait frappé par envie, seul un état tel de désespoir aurait pu le pousser à faire cela. Même s’il venait de se faire rejeter, il ne pouvait être insensible à la douleur de Raphaël. Son amour le poussa à se retourner.

Il regretta lorsqu’il vit l’état dévasté de son amant, et sentit son cœur se déchirer un peu plus. Il voulait le prendre dans ses bras, le serrer fort, prendre possession de ses lèvres et raviver la flamme de vie qui semblait s’éteindre dans le cœur de Raphaël. Mais, la rancœur de ce qu’il venait de vivre était trop forte. Ne supportant plus d’être dans le doute, plongeant son regard dans les yeux améthyste de Raphaël, Daevlyn déclara, tentant de garder son calme :

- Je ne te crois pas… regarde moi dans les yeux et redis moi ce que tu viens de me dire…

- Je suis désolée Daevlyn, répéta l’adolescent en regardant son amant dans les yeux comme il venait de lui demander.

- Non… Avant…

Daevlyn commençait à ce sentir ridicule de demander une telle chose et l’apparente incompréhension de Raphaël commençait à l’aggaçer sans qu’il se le dise vraiment. C’est fou comme il avait l’impression que chaque seconde éloignée de lui était une perte de temps. Mais, à cet instant présent, au moment où il n’y croyait plus, Raphaël plongea ses yeux dans les siens et murmura :

- Je t’aime Daevlyn…

A ces simples mots, Daevlyn se sentait revivre. Un infime espoir venait de lui être insufflé. Il ne parvint à exprimer la joie qu’il ressentit en cet instant, ces mots qu’il avait désespéré ne jamais entendre, voilà maintenant qu’il les entendait de sa propre bouche confirmant sa déclaration de son regard.  Si Raphaël l’aimait, si cet amour était partagé, alors, pourquoi tout cela ? Un éclat de joie traversa ses yeux émeraude et se refléta dans celui de son amant. Comme ultime geste pouvant accompagner cette déclaration, Daevlyn caressa fébrilement, du bout des doigts les joues de l’adolescent. Ainsi, il se prouvait que tout cela n’avait pas était un rêve. Il s’approchait inconsciemment de plus en plus de Raphaël, amenuisant la distance qui séparait leurs lèvres irrémédiablement. Quand leurs bouches entrèrent en contact, Daevlyn sentit ce frisson si particulier qui enflamma immédiatement son corps d’un sentiment de vie. Par ce baiser, il se sentait revivre à nouveau.

Bien qu’il ai le même corps qu’Asiel, Daevlyn ne su expliquer pourquoi, mais ses lèvres avaient un tout autre goût, un goût qui lui avait désespérément manqué. Très vite, l’effleurement se fit contact et la douceur fit place à la passion, au désir de sentir l’autre plier au moindre de ses envies. Daevlyn sentait les mains de son amant se perdre dans sa chevelure indisciplinée, tandis qu’il mit à bas la distance qui séparait leur corps. Il ne voulait plus se séparer de lui, plus jamais. Il voulait être plus prêt, toujours plus prêt, se coller à se corps et ne jamais s’en séparer, ne former plus qu’une seule et même entité. Ils avaient tous deux besoin de contact, de sentir la peau de l’autre frissonner sous les caresses, leur souffle se mêler. C’était un baiser ardent, l’amour fit place à la passion du désir. Les lèvres se mordaient, les langues se défiaient en un corps à corps ou aucun des deux ne souhaitait laisser l’autre gagner, comme une constante envie de consumer l’autre entièrement.

Lentement, comme à contrecœur, ils se séparèrent lorsque la nature leur rappela leur condition humaine. Il se sourient timidement, comme deux adolescent vivant leur premier baiser. Malgré tout cela, Daevlyn n’avait pas oublié. Il se souvenait parfaitement des paroles de Raphaël qui l’avait plongé dans un état proche de la mort. En train de revivre de nouveau, encore fragile comme un nouveau-né, il savait qu’il pouvait replonger à tout instant. Il retrouva alors un air grave et demanda :

- Souhaites-tu réellement me quitter Raphaël ?

L’ombre remplaça le sourire sur le visage de l’adolescent, précipitant immédiatement Daevlyn au bord du précipice, une seule des deux réponses pouvait le faire chuter instantanément, un seul mot et il repartait d’où il venait. Le silence et les yeux dès lors fuyant de Raphaël, le mettait hors de lui même sous la douleur, pourtant il garda son calme.

- Regarde-moi en face et réponds-moi, ajouta Daevlyn en relevant délicatement le visage de son jeune amant.

- Non… je ne veux pas… mais… mais je n’ai pas le choix… je ne veux pas que tu continues à souffrir par ma faute, je tiens trop à toi Daevlyn… nous n’avons pas le choix…

Commençant à comprendre la logique de pensée de l’adolescent, Daevlyn se calma et tenta de le raisonner en lui exposant son point de vue. Il était soulagé que ce soit pour cette raison qu’il avait fait ce choix. Une chose était sur, il n’en aurait supporté aucune autre.

- Je ne veux passer ma vie nulle par ailleurs que dans tes bras Raphaël… tu m’as fait quitter le passé et ouvert les yeux sur l’avenir. Un avenir auquel tu appartiens. En acceptant l’amour que je te porte, j’ai accepté les joies, les déceptions et les problèmes que cela pourrait entraîner… Je te l’ai déjà dit et je te le redis, je t’aime Raphaël…

A ces mots, Daevlyn vola un baiser à l’adolescent, afin de lui prouver ses paroles. Il espéra de tout son cœur que celles-ci touchent l’adolescent comme il l’avait souhaité. Avait-il réussi à le raisonner ? L’attente de la réponse de Raphaël qui pourtant ne se fit pas longue, lui parut durer une éternité : un supplice qui ne semblait vouloir prendre fin.

Quand ils se séparèrent, Raphaël murmura enfin :

- Je t’aime aussi Daevlyn… pardon de ne pas te l’avoir dit plutôt… mais tu le sais aussi bien que moi… nous vivons dans l’interdit… Je voudrais pouvoir t’aimer aux yeux du monde, je n’ai pas envie d’attendre la nuit ou que nous soyons seuls pour t’embrasser, je voudrais pouvoir être dans tes bras à n’importe quel moment du jour ou de la nuit ou que nous soyons seuls pour t’embrasser, je voudrais pouvoir être dans tes bras à n’importe quel moment du jour ou de la nuit…

- Arrêtes de penser… vie le moment présent… arrêtes de fuir pour une fois.  Je sais parfaitement que notre relation n’est pas des plus évidentes, mais si tu ne fais pas face un jour ou l’autre, tu passeras ta vie à te cacher pour éviter les problèmes. Et je refuse de renoncer à toi à cause de tes mauvais choix. Regardons ensemble vers l’avenir et tenons nous la main.. Ne prend surtout pas mal mes paroles Raphaël, je souhaite juste t’ouvrir les yeux sur la façon dont je vois les choses.

Daevlyn avait dit tout ce dont il était capable. Il ne pouvait plier la volonté de Raphaël, et ne le souhaitait surtout pas. Il attendait patiemment son choix, bouillonnant à l’intérieur de lui-même. Soudain, Raphaël releva la tête, et regarda Daevlyn dans les yeux, l’air plus déterminé que jamais, il déclara :

- Tu as raison Daevlyn… je ne suis qu’un lâche… apprend moi à faire face… tiens-moi la main et aide moi à avancer…

Touché par les paroles de l’adolescent, Daevlyn lui prit la main et l’attira brusquement à lui. Il le serra dans ses bras de toutes ses forces, arrachant un hoquet de surprise au jeune garçon qui pourtant ne fit aucun commentaire. Trop heureux des paroles de l’adolescent, Daevlyn murmura :

- Je te tiens la main Raphaël… ne la lâche pas… je suis là, avec toi… ne me lâche pas…

Jamais il ne s’était sentit aussi soulagé, il n’aurait su exprimer la paix qui envahi son cœur malgré l’instant d’agitation qui régnait. Serein, il n’ajouta rien, profitant de la présence de Raphaël dans ses bras. Ils restèrent un long moment ainsi enlacés. Ne ressentant aucun autre besoin, aucune autre envie que de sentir l’autre à leurs côtés. De longues minutes s’écoulèrent ainsi, où seul leur respiration brisait le silence et la plénitude de la nuit.

Ils finirent par se relever, puis remontèrent Waterfalls en prenant le chemin du retour au ranch. Une fois arrivés, ils offrirent un rapide pansage à Waterfalls afin de le remercier, puis, ayant plus envie de dormir qu’autre chose, ils ne s’attardèrent pas. Le cœur presque léger, ils rentrèrent en silence dans le dortoir et après un dernier baiser, ils se séparèrent sur le palier de leur chambre respective. Daevlyn entra dans sa chambre sans un regard en direction de son amant, sachant parfaitement qu’il ne résisterait pas à l’envie de l’y rejoindre.

Il avait aussi parfaitement conscience des envies qu’il aurait s’il se trouvait dans la même pièce que lui et il ne souhaitait pas les imposer ce soir là à Raphaël. Ils avaient vécus bien trop de choses, et cette fusion se devait de prendre fin à cet instant. Il enfila rapidement son pyjama avant de gagner son lit, rabattant sur lui les draps frais et enfouissant sa tête dans l’oreiller. Il ferma les yeux sentant le sommeil venir. Tous ces évènements l’avaient épuisé, et il avait plus que tout besoin de sommeil et de repos. La dernière pensée qu’il eut avant de rejoindre les limbes du sommeil fut qu’il aurait aimé être tout contre Raphaël, et s’endormir près de cette chaleur bienfaisante et au combien apaisante pour son cœur. C’est avec ce léger regret qu’il sombra définitivement dans le sommeil. Il lui sembla sentir une présence se glisser dans son lit durant son sommeil, mais trop profondément endormit, il n’eut pas de réaction particulière.

Lorsqu’il ouvrit les yeux, son cœur fut empli d’un sentiment de béatitude : Raphaël lové tout contre lui, la tête posé sur son torse, dormait paisiblement. Il contempla un long moment le visage endormi de son amour reflétant une beauté si pure, presque angélique. Il détailla chacun de ses traits fins, s’arrêtant sur la légère courbe de ses lèvres. Lentement il passa sa main sur le long de sa joue, pour descendre dans son cou et aller se perdre sous son haut de pyjama. Il ne se lassait pas de sentir cette peau frémir au passage délicat de ses doigts.

Les yeux de Raphaël papillonnèrent comme pour s’acclimater à la lumière environnante, avant de regarder autour de lui, semblant quelque peu perdu. Ce ne fut que lorsque ses yeux croisèrent ceux de Daevlyn et qu’ils s’y perdirent qu’il sembla réaliser pleinement où il se trouvait et surtout avec qui. Attendrit, Daevlyn lui sourit tendrement.

- Bonjour la marmotte !

- Bonjour, murmura Raphaël en lui rendant son sourire.

Par dessus tout Daevlyn aimait ces simples instants de tendresse qu’ils échangeaient régulièrement. Dans les bras de l’autre, il avait l’impression d’être prêt à surmonter l’adversité du monde. Daevlyn l’embrassa furtivement et lui demanda :

- Bien dormis ?

Raphaël se mit à rougir au sous-entendu évoqué par l’adulte puis hocha la tête en guise d’acquiescement. Amusé par sa réaction, Daevlyn se mit à rire puis l’embrassa de nouveau avant de se lever. Raphaël s’étira longuement, en baillant aux corneilles sous le regard amusé de l’adulte puis se leva à son tour.

Après un furtif baiser volé à Daevlyn, Raphaël sortit de la chambre de son moniteur et retourna dans la sienne. A la simple idée que tout cela n’aurait pu ne plus avoir lieu d’exister, Daevlyn fut prit d’un vertige.

Il alla tout de même prendre sa douche, profitant des bienfaits que lui apportait l’eau chaude sur son corps, avant de se dépêcher de rejoindre Raphaël qu’il avait entendu sortir de sa chambre. Il devait certainement l’attendre à l’entrée du réfectoire afin qu’ils prennent comme à l’accoutumé leur petit déjeuner ensemble. Le même sentiment de bien être l’envahie lorsqu’il aperçut sa silhouette et lorsqu’il marcha à ses côtés pour prendre place à table.

Daevlyn prit place à la même table que Raphaël, sous les regards désapprobateurs des autres moniteurs. Avant que tous ne quittent le réfectoire, un des moniteurs prit la parole :

- Tous les moniteurs et les ados sont priés de se regrouper dans le hall d’entrée à 8 heures 30.

Daevlyn et Raphaël se regardèrent intrigués puis terminèrent de manger en silence, chacun réfléchissant de leurs côtés aux raisons d’une telle convocation. Daevlyn tenta au mieux de ne pas laisser apparaître son trouble. Il connaissait parfaitement la raison d’une telle réunion, le départ de Sébastien et l’arrivé de son remplaçant. Malgré ce qu’il leur avait fait subir, il se surprit à regretter son départ.

A l’heure prévue, ils se rendirent dans le hall. Daevlyn et Raphaël prirent place au fond de la salle alors que Mickael, l’un des moniteurs déclara :

- Bien, je vais faire court. Je vous présente la nouvelle directrice et remplaçante de Sébastien, Ambre Martinez.

Une femme vint alors prendre place aux côtés de Mickael.

Daevlyn s’attendait à tout sauf à une femme. La première chose qui le frappa chez elle, était la froideur et l’air hautain et supérieur qu’elle dégageait. De son visage froid n’émanait aucun sentiment. Ses traits durs et ses cheveux ramenés en un chignon sur sa nuque, ne lui donnaient qu’un air plus sévère et austère. Malgré sa grande taille, elle portait des chaussures à talons hauts, ce qui faisait qu’elle arrivait presque à la taille de Daevlyn du haut de son mètre 87.

Madame Martinez prit alors la parole d’une voix froide et hautaine :

- Comme vous venez de l’apprendre, je suis la nouvelle directrice de cet établissement. J’ai eu vent de quelques récents événements survenu il y a peu de temps et je tiens à vous informer que ce genre de comportement est inadmissible. Je tacherai de faire en sorte que tout rentre dans l’ordre dans les plus brefs délais.

Daevlyn avait toujours détesté ce type de personne, celles qui croyaient tout savoir et tout maîtriser mieux que tout le monde. Une chose était sûre, il allait avoir du mal à garder son calme face à elle.

La main de Raphaël se glissa lentement dans la sienne et il la serra, lui montrant ainsi qu’il était là et que lui aussi avait entendu les paroles de la femme. Il savait très bien qu’elle parlait implicitement deux, et il tenta de caceré l’angoisse et  l’énervement qui s’emparait de lui. Il ne manquait vraiment plus que cela. Ne pouvaient-ils donc pas vivre en paix, ayant déjà suffisamment surmonté de problèmes ?

A la fin du discours de celle-ci, Daevlyn et Raphaël quittèrent le hall sans demander leurs restes et prirent la direction des cuisines afin d’aller préparer le biberon d’Amaranth.

Lorsqu’ils arrivèrent dans le box du poulain, l’animal se précipita vers Raphaël et lui donna des petits coups de tête amicaux. Daevlyn était touché de voir la relation qui commençait à sérieusement s’établir entre eux et surtout le poulain qui était en pleine santé.

Les deux hommes restèrent un moment avec Amaranth, puis vers le milieu de la matinée, ils allèrent chercher Diamond Dust et Waterfalls au parc. Ils les ramenèrent et après les avoir pansés et harnachés, Daevlyn fit monter Raphaël en carrière afin de reprendre doucement les leçons qu’ils avaient un peu délaissées depuis quelques temps. Daevlyn se calma peu à peu tentant  d’oublier les ennuis à venir et de profiter de l’instant présent. A l’heure du repas, ils prirent place à la même table, située au fond du réfectoire à l’abris des oreilles indiscrètes. Cet instant calme était plus que bénéfique pour eux deux. Se couper du monde et vivre dans leur bulle, accomplissant leurs taches quotidiennes. Plus que tout, Daevlyn aspirait à la paix.

A la fin de leur repas, alors qu’ils allaient retourner auprès des chevaux, ils furent interpellés par la nouvelle directrice qui s’exclama de sa voix froide et haut perchée :

- Dites donc vous ! Daevlyn, d’après les dires de vos collègues, les moniteurs ne mangent pas avec les pensionnaires ! J’espère que je n’aurai pas à vous refaire la remarque !

Le sang de Daevlyn se mit immédiatement à bouillonner. Il pressentait déjà, qu’il allait avoir du mal à garde son calme face à elle. Pourtant, très calmement, il tenta de lui répondre, préférant ne pas se la mettre à dos immédiatement :

- Cela vous dérange-t-il ? J’ai toujours pensé que ceux qui s’occupaient personnellement d’un pensionnaire savaient ce qui était le mieux pour eux… Sébastien l’avait…

- Je ne suis pas Sébastien ! le coupa la directrice. Et les choses vont changer, croyez-moi !

Daevlyn serra son point pour maîtriser sa colère. Son regard était plus qu’insupportable. Constatant qu’aucune discussion ne serait jamais possible avec elle, et ne supportant pas de rester en face d’elle une minute de plus, il l’assassina du regard, avant de prendre Raphaël par le bras et de l’entraîner à sa suite.

Une rage folle avait pris naissance au creux de son ventre. L’idée même qu’elle devienne un obstacle à leur bonheur le mettait dans une colère froide. Seul la présence de Raphaël semblait l’aider à garde son calme. Une fois à l’abris, cachés par les écuries, Raphaël glissa sa main dans celle de son amant et ils s’essayèrent dans l’herbe à quelques pas des chevaux. Raphaël prit place entre les jambes de son moniteur, le dos calé contre son torse, et d’une petite voix, il demanda :

- Et maintenant, on fait quoi ?

- Et bien, tu as le choix, soit on continue la leçon de ce matin, soit on part faire une ballade…

- Non je… je parlais de nous… avec “elle”…

- Rien, on va continuer à faire comme on a toujours fait…

C’était après tout la seule chose qui leur restait à faire. Après tout ce qu’ils avaient surmonté, ce ne serait sûrement pas elle qui mettrait fin à leur relation. Daevlyn était encore énervé et éprouver une certaine difficulté à se calmer.

Voilà maintenant des années qu’il vivait ici, et ce n’était pas elle qui allait tout chambouler, une chose était sûre, il ne se laisserait pas faire, et jamais, il n’arriverait rien à Raphaël. Même si cela devait lui coûter, il protègerait Raphaël de la méchanceté qui émanait de cette femme. Raphaël ne répondit rien, mais rejeta sa tête

en arrière, de façon à voir son moniteur et quémanda un baiser. Daevlyn se détendit et lui sourit tendrement, avant d’accéder à la requête de son jeune amant. La colère ne servait après tout à rien et il se laissa aller sous la langue devenue experte de son amant. Après leur baiser, ils s’observèrent longuement, faisant passer l’un à l’autre ce qu’ils ne pouvaient transmettre par des mots.

Malgré ce moment parfait, Daevlyn ne pu s’empêcher de penser à l’avenir et surtout à cette femme : simple ombre sur le tableau.

Ils durent malheureusement se séparer, bien trop vite à leur goût, ne souhaitant pas risquer inutilement de se faire surprendre en position délicate par un quelconque membre de l’établissement, et encore moins par la directrice. Ils reprirent leur activité équestre là où ils l’avaient arrêtée, et Daevlyn fit faire à Raphaël quelques exercices à pieds avec Diamond Dust, puis, à la fin de la séance, il le dessella et fit monter Raphaël à cru, afin de lui faire travailler son assiette.

La fin de l’après-midi arriva très vite, trop vite aux yeux des garçons qui profitaient pleinement de leur temps libre, vivant à l’écart des soucis, ignorant le monde autour d’eux. A regrets, ils ramenèrent les chevaux au pré après leur avoir offert un pansage bien mérité, puis ils allèrent prendre leur repas. Obligés de se séparer, Raphaël déposa un furtif baiser sur les lèvres de son amant, après avoir vérifié que personne n’était dans les parages, puis ils entrèrent dans la salle de cantine. Avant de se quitter, il se lancèrent un dernier regard qui, pour leur plus grand malheur, ne passa pas inaperçu aux yeux d’une certaine personne.

Daevlyn supporta avec beaucoup de difficulté la présence de ses collègues, trouvant maintenant leur compagnie déplaisante. Il n’était pas en compagnie de celui qu’il aimait, et trouvait tout cela bien trop maussade. De plus la directrice ne cessait de plonger son regard dans le sien, un regard qui lui déplaisait au plus au point, un regard de défit et de menaces. Cependant, cela ne l’empêcha pas de poser plusieurs fois son regard sur Raphaël, et constata avec joie que celui-ci mangeait convenablement. Cependant, il termina son repas avant son moniteur, et Daevlyn le vit s’éclipser. Daevlyn dû supporter encore un long moment la monopolisation de la parole de la directrice et crut que cela n’allait jamais prendre fin.

Malgré toutes les remarques plus qu’explicites qu’elle fit à son égard, il ne répondit à aucune provocation, préférant garder le silence. Ce n’était pas acte de lâcheté, mais il souhaitait au plus vitre rejoindre la tranquillité de sa chambre et une confrontation ne ferait que reculer cet instant.

Lorsque le repas fut enfin terminé, il alla immédiatement rejoindre sa chambre, craignant d’être interpellé par cette femme. Devoir la supporter une minute de plus était de l’ordre de l’impossible, et il avait atteint ses limites et n’avait qu’une envie profiter du calme et de la solitude qu’allait lui offrir sa chambre. Lorsqu’il entra enfin dans sa chambre, il eut la bonne surprise de voir Raphaël l’attendre dans le lit. Toute sa colère, sa rancœur et son agacement s’envolèrent. Le voyant confortablement installé dans son lit, Daevlyn eut un petit sourire amusé.

Il referma la porte derrière lui et rejoignit son amant sur le lit. La soirée se déroula entre câlins et baisers. Allongés dans les bras l’un de l’autre, ils partageaient ce moment de liberté qui leur était imparti. Ils finirent par s’endormir, enlacés, bercés par la respiration calme et régulière de leur vis-à-vis.

Daevlyn  ouvrit les yeux très tôt le matin. Lorsqu’il ouvrit les yeux, il fut ébloui par un rayon de soleil passant à travers les rideaux.

Raphaël n’avait pas bougé depuis la nuit dernière et il était toujours lové tout contre lui. Daevlyn lui déposa un baiser sur le front, souhaitant le réveiller en douceur avant qu’il ne doive rejoindre son lit. Comme à son habitude, Raphaël feint de ne pas se réveiller, semblant attendre plus qu’un simple baiser sur le front. Daevlyn ne chercha pas à le faire attendre, et lui offrit un doux baiser délicat sur ses lèvres qu’il ne se lassait d’effleurer. Ce ne fut qu’après quelques baisers et caresses échangées que Raphaël consentît à regagner sa chambre.

Une fois seul, Daevlyn s’étira et alla prendre une douche pour tenter de se réveiller. Après la soirée qu’il avait dû passer, il savait que la journée allait être longue et éprouvante.

Rien qu’à l’idée qu’il allait devoir supporter cette femme encore un temps indéfini, lui donnait envie de regagner son lit.

Une fois lavé et habillé, il alla réveiller tous les adolescents, en prenant soin de finir par la chambre de Raphaël qui l’attendait assis sur le lit. Côte à côté ils se rendirent au réfectoire, et après quelques mots échangés, ils se séparèrent pour se rendre à leur table respective.

A peine assis à table, la directrice commença déjà à l’attaquer :

- On ne dit pas bonjour ?

- Bonjour… répondit-il sans conviction avant de porter son attention sur la tartine qu’il allait se préparer.

- Ca va bien merci. Rajouta-t-elle avant de détourner totalement son attention de Daevlyn.

L’adulte préféra garder son calme et ne fit aucun commentaire. Il porta plutôt son attention sur Raphaël, qui comme la veille mangeait convenablement. Cette fois-ci, il ne se gêna pas pour se lever et quitter la table lorsqu’il eut finit, mais une voix sèche le retint.

- Daevlyn ?

Daevlyn se tourna et fit face à la directrice qui s’était levée elle aussi pour être à la même hauteur.

- J’espère que nous aurons la joie, comme nous sommes dimanche de partager la randonnée avec vous. J’ai entendu la rumeur selon laquelle vous en étiez dispensé, j’espère que  ce n’est qu’une rumeur…

A cet instant précis, Daevlyn su qu’elle n’allait jamais les laisser en paix, et qu’elle serait sur leurs dos 24h/24h. Tous les avantages que lui avait offert Sébastien s’envolaient en fumée. Il espéra malgré tout qu’elle ne l’oblige pas à reprendre un autre élève, mais elle ne sembla faire aucun commentaire là dessus. Semblant satisfaite d’elle-même elle rajouta :

- A tout de suite, Daevlyn.  Ne soyez pas en retard avec votre unique adolescent.

Daevlyn se lui tourna le dos et poussa un soupire, ne préférant une fois de plus, ne pas répondre à sa provocation. Il jeta un coup d’œil vers la table de l’adolescent et vit qu’il était déjà partit. Sachant parfaitement où il devait se trouver, il prit la direction du box d’Amaranth. Il espéra de tout cœur qu’il ne prenne pas trop mal la nouvelle.

Lorsqu’il entra dans l’écurie, il entendit le rire de Raphaël qui semblait s’amuser avec le poulain, un rire qui lui réchauffait le cœur instantanément. Il avait fait tellement de progrès… Daevlyn espéra que les actions de la directrice ne feraient pas faire marche arrière à Raphaël.

Lorsque Raphaël prit conscience de la présence Daevlyn, il se retourna, lui offrant son plus beau sourire. Mais devant l’expression anxieuse de son amant, ce sourire cessa immédiatement, laissant place à l’inquiétude.

- Qu’est ce qu’il se passe ? demanda immédiatement Raphaël.

- Nous sommes dimanche…

- Et ?

- Nous devons aller à la randonnée avec les autres et avec la directrice…

Toute la joie qui émanait de Raphaël, retomba immédiatement.

- Je… Tu te sens d’affronter les autres… Je ne pourrais pas rester tout le temps à tes côtés, elle ne me le permettra pas. Tu vas devoir affronter les autres seul…

Daevlyn sentait la colère et la rancœur envahir son cœur devant son impuissance. Raphaël dû le sentir, car il sortit du box d’Amaranth et vint enlacer son amant, se blottissant dans les bras de son moniteur. Daevlyn le serra fort, tentant de lui transmettre un peu de force pour ce que Raphaël allait devoir affronter cet après midi. C’était bien la seule chose qu’il pouvait faire, et après tout sa colère ne servait à rien si ce n’est à empirer l’inquiétude de Raphaël . Après un long et langoureux baiser échangé, se communiquant tous deux le maximum de réconfort pour ce qui allait suivre, ils se séparèrent pour se préparer rapidement pour cette fameuse journée de groupe.

Ils se retrouvèrent tous dans le hall, et la directrice donna les directives. Daevlyn fermerait la marche et ils iraient tous à pied au lac pour se baigner. Elle précisa que tous ceux qui aurait oublier leur maillot de bain seraient punis, car la plupart des activités de groupe obligatoire se dérouleraient dans l’eau. Daevlyn sentit immédiatement le regard apeuré et angoissé de Raphaël l’appeler à l’aide. Daevlyn tenta de lui faire un sourire rassurant, lui disant qu’il serait là et qu’il l’aiderait. Mais comment… il n’en n’avait aucune idée.

Raphaël marcha juste devant Daevlyn, mais il n’échangèrent aucun geste ni aucune parole, tous deux bien trop préoccupés. Le trajet jusqu’au lac, normalement assez long, lui parut cette fois beaucoup trop court. Il avait beau chercher, mais il ne trouvait aucune idée qui permettrait de justifier la non-présence de Raphaël à ces jeux aquatiques. Et si jamais il venait à s’échapper, ce serait pire que tout.

Lorsqu’il arrivèrent à midi au lac, Daevlyn n’avait toujours pas trouver de solution. Il mangea avec les autres, tout en gardant un œil sur Raphaël qui mangeait à l’écart des autres, adossé à un arbre. Cette fois-ci, ce fut Daevlyn qui perdit l’appétit et toucha à peine à son pique nique.

Lorsque tout le monde eut terminé, la directrice se leva et ordonna à tous les adolescents de prendre une heure pour digérer avant d’aller se baigner. Tous devaient alors bien évidemment être en maillot de bain et se tenir prêt dans une heure. Daevlyn remarqua immédiatement le regard qu’elle posa sur Raphaël, semblant le mettre en garde. Celui-ci sembla se replier un peu plus sur lui même. Daevlyn savait très bien dans quel état il devait être, et se sentait presque aussi mal que lui.

Alors qu’il pensait pouvoir aller rejoindre Raphaël pendant l’heure d’attente, la directrice retint tous les éducateurs pour leur donner les directives des jeux qu’elle avait préparé. Elle parvint à occuper toute l’heure, de choses plus inintéressantes les unes que les autres.

Une heure plus tard, tous les adolescents n’attendaient qu’une chose, plonger enfin dans l’eau, tous sauf un qui n’échappa bien évidemment pas à la directrice. Celle-ci fonça immédiatement sur Raphaël. Daevlyn la suivit, restant tout de même un peu à l’écart pour ne pas que son attitude paraisse déplacée. Cependant, il pouvait ainsi assister à tout la conversation.

- Je peux savoir ce que vous fabriquez jeune homme ?

Raphaël ne lui répondit bien évidemment pas, se contentant de baisser le regard.

- Dépêchez vous de vous mettre en maillot et d’aller rejoindre les autres. Vous avez déjà assez de privilèges comme cela.

Raphaël se colla un peu plus contre l’arbre, semblant vouloir disparaître sur le champ.

- Je vous conseille de le faire immédiatement. Dit-elle froidement en haussant le ton, sinon…

Daevlyn ne tenu pas une minute de plus et intervint, coupant la directrice :

- Sinon quoi ?

Daevlyn toisa de toute sa hauteur cette femme qui maintenant le répugnait. Jamais il n’avait éprouvé autant de haine pour un être humain. Si la directrice fut déstabilisée par l’interruption de Daevlyn et par le regard haineux qu’il lui lançait, elle n’en laissa rien paraître, et elle répliqua d’une voix crachant du venin :

- Sinon, vous devrez reprendre un autre adolescent. Le privilège d’être seul avec un éducateur ne lui sera plus possible. A lui de choisir, soit il va rejoindre les autres, soit dès demain, vous pouvez compter un nouvel adolescent dans votre groupe.

Daevlyn resta sans voix et vit aussitôt le regard empli de larme de Raphaël plonger dans le sien, l’implorant silencieusement de le sortir de là.

Daevlyn garda son sang froid, mais ne put se retenir de lui dire :

- Excusez moi, avec tout le respect que je vous dois, mais avez vous déjà auparavant eut des enfants dont vous deviez vous occupé ?

- Non, mais j’ai déjà dirigé bon nombre d’éducateurs et d’établissements et je sais ce qui est bon pour ces adolescents. De la discipline !!

- Avez-vous seulement conscience de ce que vous demandez à cet enfant ?

- Oui, d’aller s’amuser avec les autres, d’être un enfant normal. Bon jeune homme, ta décision, je te laisse la prendre, si je ne te vois pas dans les cinq minutes dans l’eau avec les autres, tu sais à quoi t’en tenir ! Je vous laisse tous les deux réfléchir à son comportement plus que ridicule.

La directrice s’en alla sur ses mots, juste à temps. Daevlyn n’aurait pas tenu une minute de plus et lui aurait bien envoyé son poing dans la figure. Lorsque celle-ci fut assez éloigné, Daevlyn s’agenouilla à la hauteur de Raphaël. Celui-ci plongea son regard empli de larmes et de détresse dans le sien avant de gémir :

- Je.. pardon.

Daevlyn s’approcha un peu plus de lui, et l’attira dans ses bras. Raphaël n’émit aucune résistance et une fois dans l’étreinte protectrice de son amant, il se laissa aller à évacuer toute sa détresse qu’il semblait avoir contenue depuis le départ de la randonnée. Daevlyn se contenant de lui murmurer des mots de réconfort, passant plusieurs fois sa main dans ses cheveux tentant vainement de le calmer.

Une bonne vingtaine de minutes plus tard, Raphaël commença à se calmer. Lorsque ses pleurs cessèrent, il commença à parler dans regarder son moniteur dans les yeux, restant la tête collée contre son torse.

- Je… Je suis désolé Daevlyn… Par ma faute nous… Je..

Semblant se perdre dans ses explications et surtout faire fausse route, Daevlyn lui dit d’une voix rassurante :

- Rien n’est de ta faute. Ce qu’elle t’a demandé, jamais tu n’aurais dû le faire. Je préfère devoir supporter un autre adolescent toute la journée, que de  te voir vivre ce cauchemar. Je t’aime Raphaël…

Un long silence suivit ces quelques mots. Seule les cris des adolescents et de la directrice perturbait le calme de la nature. L’un contre l’autre, Raphaël et Daevlyn se coupaient du monde un instant, profitant du corps de l’autre proche du sien, profitant de l’amour mutuel qu’il se portait, source de leurs peines mais aussi de leurs forces.

Cet article a été publié le Mercredi 17 octobre 2012 à 19:09 et est classé dans Mourir pour revivre. Vous pouvez suivre les commentaires sur cet article en vous abonnant au flux RSS 2.0 des commentaires. Vous pouvez faire un commentaire, ou un trackback depuis votre propre site.

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