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Beyond the invisible - chapitre 01

   Ecrit par : shinilys   in Beyond the invisible

Chapitre 01

par Lybertys

Voilà maintenant dix ans que je fixe cette fenêtre. Entre les barreaux, je vois les étoiles scintiller au milieu de quelques nuages. Cet endroit reflète pour moi la liberté que je peux atteindre uniquement à l’aide de mon regard. Simple opposé de celui où mon corps se trouve à l’instant, j’aspire à y retourner depuis tant d’années.

C’est la dernière nuit que je passe ici. On m’a annoncé il y a quelques jours que je sortais plus tôt que prévu pour bonne conduite. Impossible de fermer l’œil, je suis comme prit d’un vertige. Dix ans que je suis enfermé ici, et je ne sais pas ce qui m’attend dehors. Je ressens vis-à-vis de cet endroit une sorte d’attache alors que j’y ai pourtant vécu les pires atrocités. Cependant, je m’étais fait peu à peu ma place, place que je n’aurais pas à l’extérieur. Certes j’étais encore jeune, vingt sept ans, la vie pouvait encore m’offrir beaucoup. Mais pour faire quoi ? Je n’avais aucun but précis, personne ne m’attendait dehors. Pendant dix ans, je n’avais eu aucune visite, aucun lien avec ce monde qui m’était maintenant totalement étranger.

Allongé juste au dessus de moi, mon voisin de cellule n’arrêtait pas de bouger, faisant grincer les vieux ressorts de celui-ci. Ce bruit, dès demain je ne l’entendrais plus, comme tous les autres si particuliers qui appartenaient seulement à cet endroit. Alors que ce grincement m’avait agacé pendant des années, ce soir j’éprouvais une certaine mélancolie à le quitter.

Une légère brise passa par l’interstice de la fenêtre, que j’avais entrouverte, et vint finir sa course sur une des mèches de mes cheveux. Je fermais les yeux pendant quelques secondes, profitant de sa caresse. Bientôt, je baignerais dans cet air extérieur, bientôt j’en ferais parti. Je redeviendrais un parmi tant d’autres, inconnu aux yeux de tous.

Je quittais un lieu où personne ne me regretterait, je n’avais pas vraiment d’importance bien que ma place avait été faite au fil des années. La nuit était maintenant bien entamée et le silence régnait dans la prison. Les gardes n’allaient pas tarder à faire leur ronde, nous réveillant tous avec le bruit affreux de la porte. Je ne trouvais toujours pas le moyen de m’endormir, et il m’était de toute façon impossible de fermer les yeux plus d’une minute. Une certaine forme de peur était en train de m’infiltrer, une peur au sujet de demain et des jours qui suivraient, une peur au sujet de l’avenir où je ne voyais pas ma place se tracer, et une peur de cette soudaine liberté qui allait m’être offerte. Les minutes dont je n’avais aucune conscience défilaient et cette peur commençait à s’infiltrer en moi et à se révéler à mon esprit.

Un bruit sourd raisonna, ce bruit qui aurait pu en faire cauchemarder plus d’un. La porte étant maintenant ouverte, on pouvait entendre le bruit caractéristique des pas des gardiens dans le couloir faisant leur tour de ronde. Eblouis par l’intensité de la lumière provenant de leurs lampes de poche, je dus fermer les yeux.

Cela faisait dix ans que je n’avais pas pu passer une vrai nuit, demain cela me serait de nouveau rendu possible. J’avais en fait énormément de mal à réaliser. Je ne cessais de me faire des réfections de ce genre et pourtant cela me semblait impossible d’être demain derrière ces murs. Pendant toutes ces années, j’avais aspiré à ce doux rêve de liberté, à pouvoir être libre de mes faits et gestes sans être surveillé, ne plus risquer de me faire violenter ou pire encore à chaque recoin un peu sombre et à l’abris des regards. Cette manière d’être sur le qui-vive était constante lorsque l’on vivait ici.

J’aurais dès demain, le monde à mes pieds et j’avais l’angoisse terrible de ne pas réussir à faire un seul pas à l‘extérieur de cet endroit qui était devenu mon domicile pendant les dix années de jeunesse de ma vie.

Le même bruit sourd résonna de nouveau , ils avaient fini leur tour de garde. L’agitation de chaque homme cessa bien vite, chacun retrouvant le sommeil auquel on l’avait arraché. C’était leur deuxième ronde, dans un peu moins de trois heures ce serait l’aube et surtout l’heure de se lever. Moi seul changerais de quotidien. Je ne suivrais pas les autres pour aller déjeuner, j’attendrais que l’on vienne me chercher.

J’inspirais profondément, tentant de calmer le flot d’émotions paradoxales qui grouillait maintenant en moi : l’envie et la réticente, la peur et le désir d’avancer, l’angoisse et l’attente insoutenable, la frustration, le vertige grandissant… Ces trois heures furent les plus interminables pour moi, pire encore que ces dix années. Je crus ne jamais en venir à bout. J’attendais que le soleil éclaircisse le ciel et fasse disparaître la lune et les étoiles, sans trop vraiment l’attendre non plus.

J’eu le temps de penser au jours de mon arrivée dans ce lieu. Le monde dans lequel j’avais vécu avant, pendant pourtant dix sept ans me semblait flou et irréel. L’imagination s’était mêlée à mes souvenirs, brouillant ma mémoire. Je me demandais ce qui avait pu changer à l’extérieur. Même si je n’avais personne à retrouver ou du moins personne qui ne souhaiterait me voir, tout aurait prit dix ans de plus.

Seulement, je savais que je ne resterais pas dans cette ville. Je voulais quitter tout cela. Quitte à repartir de zéro, autant marcher sur des bases nouvelles elles aussi. J’avais gagné un peu d’argent, je pourrais tenir si jamais je ne trouvais pas de travail dès ma sortie. La possibilité de travailler en prison m’avait tout de même permis d’amasser un petit pécule que je pourrais récupérer dès aujourd’hui.

Le ciel commençait enfin à s’éclaircir, bien trop vite à mon goût. Ca y est, dans moins de deux ou trois heures, je n’aurais plus ma place ici. Le ciel prenait des touches de couleurs, comme pour tenter d’égayer ce jour qui me terrifiait. Le cœur battant, je me redressais un peu et me mettais en position assise. Ca y est, je pouvais entendre ce bruit sourd de la porte qui s’ouvrait, et les gardes nous demandant de nous dépêcher afin de nous lever. J’entendis quelques injures au dessus de moi, provenant de mon voisin de cellule qui n’avait jamais été matinal.

Il ne tarda pas à descendre, tout en prenant le soin de s’étirer. Lorsqu’il me vit assis sur mon lit, adossé contre le mur, il me sourit légèrement. C’était l’une des première fois où je le voyais me faire ce sourire. Il restait encore à cet homme une trentaine d’années en prison et vu son âge, il ne sortirait d’ici que mort ou dans un état proche de celle-ci. Dans son regard envieux, je pouvais lire une sorte d’adieu.

On entendit soudain la voix d’un garde nous demander de sortir. Il était temps. Tous ces hommes, je ne les reverrais plus jamais. De sa voix grave et légèrement cassée, mon compagnon de cellule me déclara alors tout simplement :

- Profite, profite de cette liberté et va toujours de l’avant ! Ne reviens jamais ici ! Malgré ce que tu as du commettre pour arriver ici, je suis sûr que tu es quelqu’un de bien. Passe une première bonne journée Juha, profite de celle-ci pour nous tous.

Sans que je n’ai le temps de répondre quoi que ce soit, il était déjà parti. Je ne pouvais m’empêcher de ressentir un petit pincement au cœur en voyant sa silhouette s’éloigner. J’avais eu beaucoup de chance de l’avoir comme compagnon de cellule et surtout comme ami. Jamais il ne m’avait posé de problème. C’était un homme d’un âge avancé de qui j’avais beaucoup appris. Je n’ais jamais su la raison de sa présence ici, mais je le savais habité d’une grande sagesse.

Alors que tous se rendaient au réfectoire, je vis celui que j’avais toujours détesté et qui avait le même ressentit à mon égard. Il avait prit soin de prendre le chemin passant devant ma cellule et s’arrêta un instant à l’entrée de celle-ci, me fixant de son éternel air mauvais :

- Tu va me manquer Juha, enfin surtout ton petit…

Il fut interrompu par un gardien se chargeant de vérifier que personne ne traînait, s’occupant personnellement des retardataires. Il me jeta un dernier regard que je ne pu soutenir. Mon cœur qui s’était emballé dès son arrivée, commençait enfin à retrouver son rythme normal. Jusqu’à la fin, il ne m’aura pas laisser la paix.

Lorsqu’il rejoignit enfin les autres, j’eu l’impression de pouvoir respirer de nouveau. Savoir que j’allais enfin pouvoir quitter cette ambiance pesait dans la balance pour le « pour » de sortir d’ici.

Le silence retomba dans la grande pièce, contenant les cellules, seul un léger brouhaha provenant du réfectoire se faisait légèrement entendre. Cela faisait bizarre de se retrouver seul dans cet endroit totalement désert. Cela me donnait une sorte d’aspect irréel à ce lieu. Je m’étirais rapidement avant de me lever. Puis je rassemblais rapidement mes quelques écrits et les livres que j’avais acquis au fil des ans passés ici.

Le plaisir et la possibilité de lire avait été une des seules choses qui m’avait été accordée. J’aimais énormément lire, et cela m’avait d’ailleurs été indispensable dans cet endroit. Je laissais volontairement un de mes préférés sur le lit élevé, bien en évidence pour l’homme que je ne reverrais plus jamais. Un livre comme moyen d’évasion : voilà le seul cadeau que je pouvais lui faire.

Je tirai ma couverture, refaisant mon lit plus par habitude que par nécessité. Une brise fraîche s’infiltra par la fenêtre terminant sa course dans ma nuque. Je frissonnais. L’hivers était en train d’approcher, cela se sentait. En y réfléchissant, je n’avais aucune idée de la date et du jour, je savais seulement que nous étions à la fin de l’automne, n’attachant finalement que peu d’importance à cela. Savoir que nous étions en automne n’était guère compliqué à deviner lorsque l’on regardait la couleur des feuilles des grands arbres à l’extérieur. Je fermais la fenêtre, ne voulant pas laisser se refroidir la pièce plus qu’elle ne l’était déjà. On ne venait toujours pas me chercher, et j’avouais commencer à être impatient. Certes le stress qui m’habitait était atrocement élevé, mais j’avais maintenant envie que tout cela arrive une bonne fois pour toutes et que je quitte cette situation d’entre deux.

Etant planté debout dans ma cellule et me trouvant ridicule, je m’assis sur le bord de mon lit, tentant d’attendre le plus patiemment possible.

Lorsque le gardien vint enfin me chercher, il me fit sursauter. Ne regardant pas la porte mais encore une fois la fenêtre, ce fut seulement sa voix qui m’indiqua sa présence :

- Allez Juha, bouge-toi !!

Je relevais la tête vers lui, et acquiesçais. Après m’être dépêché de saisir mes affaires, je partis à sa suite, marchant symboliquement vers mon avenir. Je maîtrisais avec grand mal les tremblements de mes mains. Les jambes légèrement flageolantes, je serrais les poings me récitant mentalement de me calmer. Avant ma sortie, on m’amena dans un bureau où je devais signer quelques papiers. L’homme assis en face de moi me demanda alors avec entrain :

- Alors ? heureux de sortir ? Une petite amie à retrouver enfin ?

Je souris intérieurement. Mon homosexualité, je l’avais caché aux yeux de tous pendant dix ans. Sachant le danger que cela aurait pu entraîner pour moi si les autres prisonniers l’avaient appris. Je répondis à sa question de manière détachée, n’ayant aucune envie d’approfondir la conversation avec lui.

- Je verrai bien…

Cela sembla fonctionner car il n’insista pas et me parla de tout autre chose. Il me tendit plusieurs feuilles en me disant :

- Voilà les offres d’emploi dans cette ville et aux alentours. Puis ensuite, voici vos papiers d’identité, ainsi que vos affaires personnelles…

Il continua à me parler d’un tas de choses utiles et inutiles. Je me contentais de l’écouter bien sagement, fixant le carton où était mis les affaires avec lesquelles j’étais arrivé dix ans auparavant.

Lorsqu’il me lâcha enfin, on m’indiqua un endroit où je pouvais me changer. Mettre les habits que j’avais porté à dix sept ans, me faisait un drôle d’effet. Mon corps était comme coincé dans une époque qui datait de dix ans.

C’était étrange comme j’avais l’impression d’avoir été coupé du temps. Pendant dix ans, j’avais été mis hors de celui-ci. Seulement, il ne m’avait pas attendu, et avait continué d’avancer sans moi. J’allais devoir le prendre au vol, comme lorsque l’on cours après un train en marche avec l’intention de monter dedans.

Une fois vêtis, je regardais rapidement ce que contenait le reste du carton : une vielle montre dont la pile était trop usée pour qu’elle fonctionne, un portefeuille avec mes papiers, et quelques pièces de monnaie, un bracelet en argent et enfin une enveloppe contenant de mémoire une lettre et une photo. Je ne l’ouvris pas, me contenant de la glisser dans ma veste que je n’avais pas mise depuis des années. Elle était devenu légèrement étroite au niveau de mes épaules qui s’étaient développées. J’étais loin cependant d’avoir pris du poids et à peine levé, je sentais que mon jean glissait un peu. Je récupérais ensuite toutes mes affaires, les mettant dans le vieux sac de toile où mes livres étaient déjà. Je me remerciais mentalement d’être venu avec une écharpe dix ans auparavant, sentant que le temps à l’extérieur n’était pas clément aujourd’hui. Je fini par prendre une grande inspiration avant de sortir de la pièce, prenant sur moi pour ne pas céder à la détresse qui m’habitait.

Je suivis un autre gardien, qui me guida silencieusement jusqu’à la sortie. A chaque pas effectué, j’avais l’impression de me diriger un peu plus vers un ailleurs inconnu. Le couloir qui menait jusqu’à la sortie n’était pourtant pas très long mais il me semblait interminable. Lorsque l’homme ouvrit la porte, une bourrasque de vent s’engouffra dans le couloir, faisant entrer quelques feuilles et surtout le froid qui régnait dehors. Je n’avais pas réalisé à quel point la température était basse. Le gardien, n’ayant pas envie de rester là, me mit tout simplement dehors, après un bref “bonne chance”. La porte claqua juste derrière moi, me laissant à peine réaliser que je venais de franchir le pas de celle-ci.

Ca y est… J’étais dehors… Alors, c’était juste cela… Rien de spécial, l’air que je respirais n’avait pas changé. Encore, au sommet des trois marches, je n’arrivais pas à me décider à les descendre. J’avais l’impression d’être au bord d’une falaise et faire un pas entraînait irrémédiablement une chute, un basculement vers un autre monde, le monde de l’extérieur.

Il me fallut un nombre incalculable de minutes avant de me décider à descendre ces simples marches. Une fois les pieds posés en bas des marches, je m’arrêtais à nouveau, comme pour m’imprégner du moment.

Libre, j’étais libre… C’était donc cela la liberté ? Etre à l’extérieur des quatre murs de ma cellule, pouvoir bouger où bon me semblait faire ce que je voulais de ma vie.

Je tournais la tête à droite puis à gauche,. Je ressentais cette désagréable impression d’être observé, vestige de mes dix années de prison passées ici. Je posais un instant le sac que je portais sur l’épaule. Il fallait que je me calme. Les battements de mon cœur étaient si important que j’avais l’impression à chaque instant que celui-ci allait sortir de ma poitrine. Mon rythme respiratoire lui faisait écho. J’allais même jusqu’à m’asseoir ayant l’impression que tout tournait autour de moi : cet afflux d’émotion et ce vide, cette absence de limite était terrifiante et me faisait perdre pied.

Je me pris ensuite la tête entre les mains un instant, tentant de faire le point et de revenir à un semblant de raison. Puis me ressaisissant peu à peu, je fini par attraper mon sac et en sortir les offres d’emploi. Mes critères simples, je voulais quelque chose avec le moins de contact possible avec autrui. J’avais mes raisons. Je voulais un travail que je puisse effectuer en solitaire sans devoir côtoyer par force les autres hommes. Cela était l’unique condition pour mon propre repos.

Plus je parcourais les annonces, plus je me disais que jamais je ne trouverais aucun emploi. Soudain, je la vis. Elle avait été mise en dernier. A mon grand étonnement, elle remplissait des points importants à mes yeux , en plus de ma condition, le lieu de travail se situait à l’extérieur de cette ville à une centaine de kilomètre. L’offre était simple :

Recherche palefrenier pour centre équestre.

Aucune compétence requise

Cette annonce était bien évidemment suivit du lieu et des coordonnés.

J’arrachais le bas de la page, de toutes les annonces ; elle était l’unique qui me convenait. Je sortis ensuite la carte de paiement qui m’avait été créée pour toucher l’argent que j’avais gagné en prison et la glissais dans mon portefeuille.

J’allais devoir, avant de me rendre là bas, ou même avant de leur téléphoner, me refaire une beauté et acheter de nouveaux vêtements. En effet, le froid commençait à réellement me saisir et ma veste était bien trop légère pour lutter contre celui-ci.

J’enfonçais un peu plus la tête dans mon écharpe, tentant au mieux de garder ma chaleur corporelle. Il fallait que je bouge, si je ne voulais pas frigorifier sur place. Je pris mon courage à deux mains. J’avais maintenant un but, et surtout toute la journée devant moi. Je me levais enfin et commençais à marcher, me trouvant ridicule de presque trembler à chaque pas.

Je marchais sans savoir trop où aller. La prison était à quelques kilomètres de la ville et j’allais devoir marcher. Cette idée de pouvoir se déplacer sans aucune limite était vraiment quelque chose de plus que vertigineux. Je me déplaçais le long de la nationale, sans trop savoir quand est ce que j’allais arriver. Je me sentais terriblement vide et surtout seul. Il n’y avait plus ce brouhaha récurant et les yeux des gardiens constamment posés sur nous. Il était trop tôt pour que des voitures ne circulent et j’étais donc totalement seul. De nombreuse fois je tournais la tête dans tous les sens, ayant la désagréable impression d’être épié. Pourtant je savais pertinemment que ce ne pouvait pas être le cas.

Je finis par arriver enfin dans cette ville où tout commençait à s’éveiller. J’avais dû avoir tellement changé en dix ans que j’étais presque sûr que jamais on ne me reconnaîtrait. Cela m’allait parfaitement. La ville avait presque tout autant changée que moi et je finis par entrer chez un coiffeur qui n’existait pas à l’époque où je côtoyais cette ville. Il m’était assez difficile de communiquer avec cette femme, j’avais l’impression que je n’allais jamais arriver à lui demander ce que je souhaitais. Savais-je seulement ce que je voulais… Je finis par lui laisser une totale liberté, lui confiant mes cheveux. Ils avaient atteints une bonne longueur et ma seule consigne était que je ne voulais pas les avoir cours. Elle me sourit et commença son travail. Je me laissais faire plus perdu qu’autre chose. Je me sentais en réalité terriblement mal à l’aise, ne parvenant pas à trouver les limites de ma place sociale. Tous repères étaient partis en fumée depuis que j’avais franchi la sortie de la prison et j’étais comme égaré.

La coiffeuse ne mit pas énormément de temps, rafraîchissant ma coupe et donnant à mes cheveux noir un aspect plus léger, donnant un aspect moins dur à mon visage cerné. Devoir me fixer pendant tout le temps de la coupe dans la glace était assez difficile. Même s’il y avait des miroirs en prison je n’avais jamais passé autant de temps à m’observer. Une fois la coupe terminée, je réglais avec le liquide que j’avais retiré, et me sortais de cet endroit. Je me dirigeais ensuite dans une boutique de vêtement où je trouvais quelques t-shirts et deux jeans. J’optais aussi pour un pull noir à col roulé qui m’allait plutôt bien. Ne plus me voir dans la tenu de prison me faisait vraiment un drôle d’effet. Je m’achetais aussi quelques sous-vêtements et des chaussettes. Il m’était impossible de me sentir à l’aise. Mes gestes étaient hésitant et toujours cette impression d’être observé. Je finis par me diriger dans une boutique de manteau, et en choisit un long noir qui était taillé pour moi selon le vendeur. Je suivis ses conseils, en profitant pour me rincer les yeux sur le bas de son dos tout à fait à mon goût. Je gardais ma vielle veste qui pourrait me servir si j’étais accepté comme palefrenier.

Une fois mes achats terminés, je fus pris d’une fatigue monstre. Côtoyer toutes ces personnes et affronter ce qui m’étais devenu l’inconnu, m’avait demandé beaucoup d’énergie et le stress n’avait rien arrangé. Il ne me restait plus rien à faire dans cette ville, et le monde commençait à y grouiller. Je décidais donc de partir à la recherche d’un petit restaurant avec pour but de trouver un hôtel par la suite.

En chemin, je passais devant une cabine téléphonique et je choisis d’appeler le centre équestre. Ainsi, je serais fixé. Je savais qu’il était plus qu’important pour moi de trouver un métier, ce seras la seule entrée possible pour atteindre ce monde.

Je pris le papier que j’avais mis dans ma poche quelques heures auparavant et composais le numéro d’une manière assez fébrile. On ne mit pas longtemps à me répondre, et j’entendis une voix autoritaire me répondre :

- Allô…

- Oui bonjour…

J’inspirais pour reprendre mon calme et ne pas me mettre à bafouiller.

- Je souhaiterais savoir si vous cherchez toujours quelqu’un comme palefrenier dans votre centre. Si c’est encore le cas, je suis fortement intéressé.

- Très bien, je n’embauche jamais quelqu’un sans l’avoir vu. Veuillez être là en fin d’après-midi. Au revoir.

Je n’eu pas le temps de répondre que déjà l’homme avait raccroché. Je regardais l’heure affichée sur l’écran du téléphone : il était quatorze heure. J’avais intérêt à me dépêcher, mais avant je devais calmer ce ventre qui gargouillait de plus en plus.

Je m’arrêtais dans un petit restaurant et commandais des plats qui, je le savais, seraient différents de ceux de la prison, mais dont je n’aurais pas le temps de les savourer. En attendant que l’on me serve, je me rendis aux toilettes afin de me changer. Je devais faire un minimum bonne impression et pas rester dans ces vêtements vieux de dix ans.

J’enfilais le plus simple de ce que j’avais acheté et enfournais dans mon sac de toile tout le reste de mes achats. Je sortis, la veste noire au bras, pensant m’asseoir à ma table. La serveuse eut un instant d’hésitation lorsqu’elle vint me servir pensant s’être trompé de personne. Je mangeais aussi vite que je devais le faire en prison, n’ayant plus du tout l’habitude de manger normalement. J’étais même presque en train d’épier les autres au cas où ils viennent me voler de la nourriture.

Une fois mon repas fini, je demandais rapidement si je pouvais utiliser leur téléphone et appelais un taxi. Je n’avais jamais eu l’occasion de passer mon permis, et pour me rendre au centre équestre en fin d’après midi, je n’avais pas d’autres choix.

C’est ainsi que je me retrouvais, assis à l’arrière, la tête collée à la fenêtre de la voiture, admirant le paysage qui s’offrait à mes yeux. Plus on roulait et plus on s’éloignait de la ville et de ses habitants. Grâce au calme de cette route de campagne, je me sentais légèrement apaisé.

Le trajet dura une bonne heure et demi. Nous passâmes un petit village avant de prendre une petite route. La voiture ne pu aller jusqu’au bout, et le chauffeur me demanda de descendre. Je m’exécutais après l’avoir payé et marchais vers ce fameux centre. Les alentours avaient l’air très sympathiques. Nous n’étions pas très loin d’une petite ville et étions en même temps en pleine nature.

Je finis par arriver devant un grand bâtiment en pierre. Tout était assez calme. Seul le hennissement d’un des cheveux se fit entendre, confirmant que je me trouvais au bon endroit. Je me dirigeais vers la porte d’entrée du bâtiment où il était écris sur un panneaux de bois en toute lettre : « Accueil ». J’entrais après avoir frappé quelques coups. En face de moi, à un bureau collé contre le mur, se tenait un homme d’une quarantaine d’années en train de pester au milieu des papiers. Ayant entendu ma venue, il se tourna vers moi et me sourit rapidement avant de me demander :

- Bonjour, c’est à quel sujet ?

- Bonjour, j’ai appelé ce matin et je…

- Ah, c’est dont vous, le coupa l’homme. Vous vous appelez ?

- Juha Ahokainen

- Très bien Juha, suivez moi. Moi c’est Philippe.

Je le suivis jusqu’à une pièce qui semblait être une sorte de salon. Il m’invita à prendre place dans le fauteuil en face de lui, et commença à parler :

- Très bien. Les premières choses que je vais vous demander, c’est pourquoi êtes vous intéressé et qu’avez-vous fait avant ?

Voilà justement les deux questions auxquelles je ne voulais pas répondre. Lui dire d’où je venais dès le début réduisais à néant toutes mes chances. Et à la première que pouvais-je lui répondre ?

- Je…

- Vous … ?

Je n’avais pas le choix… Je devais lui dire. Taire tout cela était maintenant aussi dangereux que de lui dire.

- Je vais être franc avec vous. Je n’ai aucune compétence dans ce domaine. J’ai fais plusieurs boulots, mais pas dans le cadre que vous pourriez entendre. Voilà, je suis sorti ce matin de prison. J’ai besoin de ce travail. Même si je n’y connais pas grand chose en équitation, je pense pouvoir remplir ce poste. Je… Je suis quelqu’un qui apprend vite et je suis très débrouillard. Maintenant, je comprends que vous ne souhaitiez pas me prendre. Je comprendrais tout à fait vos raisons…

- Une semaine ! déclara-t-il soudain.

- Comment ?

- Vous avez une semaine pour faire vos preuves, expliqua le patron.

J’étais totalement abasourdi. Je ne savais pas trop quoi lui dire, et restait ébahi devant lui. Cela sembla l’amuser car il demanda :

- Cela ne vous convient pas ?

- Je… Si, merci beaucoup, je… Sincèrement merci.

Nous restâmes un moment à parler de toutes les conditions et les taches que j’aurais à accomplir. Il commencerait par me montrer dès demain matin à la première heure ce que je devrais effectuer. Je commencerais par me charger des boxes dès demain. Il me proposa de me louer une chambre le temps que je trouve de quoi me loger. Il précisa aussi que le fait que je sois tout juste sorti de prison ne regardait personne et que c’était uniquement mon problème.

Après avoir bu un verre avec lui et parlé du reste du travail que j’aurais à fournir, il me proposa de manger un petit quelque chose mais je déclinais l’offre, n’ayant qu’une envie à cet instant : me coucher. Je n’avais pas dormi la nuit dernière et la journée m’avait épuisé. Il ne s’en vexa pas outre mesure et me conduisit jusqu’à ma chambre provisoire avant de me laisser seul.

Une petite salle de bain individuelle se trouvait dans chaque chambre et j’allais donc pouvoir profiter de prendre une douche comme je n’avais pu en prendre depuis dix ans. Plus de crainte à avoir à ce moment là. Je serais seul et en paix. Plus de terreur liée à ce moment de la journée et à ce que j’y avais vécu.

Après m’être rapidement dévêtis, je rentrais en frissonnant dans la cabine de douche. Je ne mis pas longtemps à faire couler l’eau chaude sur mon corps qui pour une fois n’était pas tiède ou presque froide. Je ne restais pourtant pas très longtemps, ne réussissant pas à me détendre vraiment. Ce fait d’être toujours sur le qui-vive n’allait pas me quitter avant un moment, je le sentais.

Je me dirigeais après tel un zombi jusqu’à mon lit et après avoir tiré les draps, je me glissais en boxer sous les draps ayant la flemme de faire quoi que ce soit de plus. Après un rapide tour d’horizon des lieux, je fermais les eux et m’endormi.

Je pensais pouvoir passer une meilleur nuit, une nuit de réel repos et je passais la pire de ma vie. Je n’arrêtais pas de me réveiller en sursautant, mettant à chaque fois un temps à me rappeler où j’étais et que le bruit sourd de la porte de la prison qui s’ouvre n’était que le fruit de mon imagination.

Très tôt le matin, le patron vint frapper à ma porte, me demandant si j’étais prêt. Je répondit que « oui » avant de me lever et m’habiller en vitesse, de passer rapidement dans la salle de bain et de sortir le rejoindre à l’extérieur. En une petite demi heure, il me fournit les outils, une tasse de café et montrait comment faire un box.

Je me retrouvais donc une heure plus tard, avec un cheval attaché à l’aide d’une chose que l’on appelais « licol », et moi en train d’ôter les crottins et la paille souillée avant de la remplacer par un peu de fraîche. Le travail ne me faisait pas peur, et malgré mon gabarit pas énormément musclé, je m’en sortais parfaitement, mettant du cœur à l’ouvrage. Je n’avais pas peur du cheval à moins d’un mètre de moi, très calme. Je faisais mon travail et n’avais pas le temps de le faire. J’eu tout de même le temps d’admirer cette monture. Je ne m’y connaissais pas, mais cela ne m’empêchait pas de le trouver superbe. Une robe noir et de sublime taches blanches. Il semblait particulièrement calme et son contact avait quelque chose de reposant. A ses côtés j’avais l’impression d’être libre de pouvoir me laisser aller à abaisser mes barrières.

J’étais en train de finir la dernière brouette de paille lorsqu’une voix très en colère provenant de la porte du box me fit sursauter.

- Je peux savoir ce que tu fais ici ?! Sors d’ici tout de suite !

La voix provenait d’un très beau jeune homme. Ses cheveux blonds étaient ramenés en queue de cheval et ses yeux d’un bleu océan me lançaient des éclairs. N’aimant pas me faire traiter de la sorte, je répondit tout aussi sèchement, mais avec bien plus de politesse.

- Excusez moi, mais je fais mon travail, je viens d’être engagé ici et on m’a dit de faire les box, chose que je suis en train de faire…

Agacé, il me coupa :

- Ne restez pas à côté de mon cheval. Sortez de ce box.

Plus qu’énervé, je décidais de l’ignorer, ne voulant pas me disputer avec lui, ou avec quiconque, ayant pour habitude de toujours fuir ce genre de situation. Je sortis donc avec la brouette. Comme il se tenait devant la porte, nos épaules se heurtèrent. Il n’avait apparemment aucune envie d’être sympathique avec moi. Il se rua dans le box de son cheval, comme si je lui avait fais quelque chose de très grave.

C’est à ce moment là…

Je ressentis une douleur si vive au niveau du cœur que je faillis tressaillir. Une profonde tristesse, l’impression de me trouver enfermé dans son cœur et de hurler pour pouvoir en sortir sans que personne ne l’entende m’envahi. Même être dans une simple prison était doux à côté de ce que je ressentais à l’instant. Je dus un instant lâcher la brouette, une douleur vive au niveau des tempes me saisissant. Jamais je n’avais ressenti une telle tristesse, une telle souffrance, et j’avais l’impression que tout le poids du monde m’écrasait.

Il me fallut un temps pour comprendre. Un temps pour saisir ce qui était en train de m’arriver. Cette douleur n’était pas la mienne. Je levais les yeux vers cet homme qui me regardait bizarrement depuis quelques seconde. C’était lui. Il m’irradiait d’une telle souffrance que j’avais le cœur au bord des lèvres. Je ne devais pas rester là. Je ne devais pas rester près de lui. Je ne pourrais pas me reprendre tant que je restais à cette distance. Cette tristesse, cette mélancolie… Comment cet homme pouvait-il ressentir tout cela sans être à deux doigts du suicide ? D’apparence, au regard de n’importe qui, il semblait tellement heureux et insouciant. Ou était cette terrible souffrance qu’il m’avait transmis et qui m’accablait. Cela recommençait… Je marchais le plus loin possible, finissant par m’adosser contre un mur pour me remettre. Pourquoi ? Pourquoi maintenant et pourquoi lui ? N’avais-je pas assez de problème pour être l’éponge de ceux des autres. En quelques secondes, après un simple contact, mes sentiments, mes ressentis s’étaient synchronisés avec les siens, les calquant parfaitement. Le pire était qu’il ne semblait même pas s’apercevoir de souffrir ainsi. Je mettais un temps infini avant de retrouver ceux qui m’appartenaient et faire la distinction entre mes sentiments et les siens. Des gouttes de sueurs perlaient sur mon front et pourtant j’étais frigorifié.

Je glissais le long du mur afin de m’asseoir, ne tenant même plus sur mes jambes. Une migraine terrible était en train de prendre possession de moi. Je n’arrivais pas à m’en sortir et n’en voyais pas la fin. J’étais en train de me perdre en moi-même et j’étouffais. Cette impression d’être dévasté de l’intérieur, voilà longtemps que je ne l’avais pas ressenti…

Cet article a été publié le Samedi 23 avril 2011 à 18:23 et est classé dans Beyond the invisible. Vous pouvez suivre les commentaires sur cet article en vous abonnant au flux RSS 2.0 des commentaires. Vous pouvez faire un commentaire, ou un trackback depuis votre propre site.

3 commentaires opour le moment

cat
 1 

hello,
très beau 1er chapitre.
le personnage de joshua ressemble à une éponge.
pourquoi a t il été emprisonné ?
qui est le blondinnet.
trop de question.
j’espere que tu vas vite publié la suite, pour y répondre

10 mai 2011 à 23:12
Mokomoko_cherry
 2 

Huum un premier chapitre intéressant! :) D’habitude, je n’aime pas trop les récits à la première personne mais je crois que je vais faire une exception ^^.
Juha est bien mystérieux. Un empathe ex-tolard… ça promet n_n
Sur ce, je m’en vais lire la suite!

24 mai 2011 à 0:32
 3 

Salut,
Alors déjà, j’aime beaucoup ta façon d’écrire, c’est fluide :D !
Après, je trouve ça légerement paveuteux, si je puis dire… (en pavé quoi), mais bon, même moi j’en fait, tout le monde est obligé d’en faire, donc finalement, je ne dit rien vu que c’est le début.
Par la suite, je trouve le héros Juha interressant, j’avoue que j’ai envie de savoir se qu’il va se passer… Sinon, bonne continuation, confrère écrivain x) !

13 juin 2012 à 21:13

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