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Beyond the invisible - chapitre 11 part 01

   Ecrit par : admin   in Beyond the invisible

Chapitre 11 par Lybertys

Shanenja aboya bruyamment lorsqu’il rencontra Cobalt, courant joyeusement vers lui. Cependant, je l’occultais de mon monde, toute mon attention étant prise par l’homme qui était en train de regarder Gabriel trahissant une familiarité déconcertante, comme s’il le connaissait parfaitement.

- Bonjour petit prince, ajouta le jeune homme avec un sourire.

C’est à ces derniers mots que Gabriel changea du tout au tout. Comme figé, il le regardait alors que celui-ci se contentait de l’admirer avec cette lueur dans le regard qui me déplaisait. Il connaissait Gabriel, et j’avais peur de comprendre de qui il s’agissait. Amusé par la réaction de Gabriel que je ne pouvais percevoir étant dos à moi, l’homme finit par dire à Gabriel :

- Et bien, tu ne dis plus bonjour ?

Alors que Gabriel portait toute son attention sur lui, un large sourire vint se dépeindre sur le visage de son vis-à-vis alors qu’il le regardait avec tendresse et amusement. Mon cœur s’emballa, créant une douleur plus sensible dans ma poitrine, j’avais compris… Si l’homme que j’avais aimé était mort, ce n’était pas le cas de l’ami d’enfance de Gabriel qui avait fini par le retrouver. Gabriel accourut vers lui pour se jeter dans ses bras tendus vers lui, en sanglotant bruyamment :

- Oh mon Dieu… C’est toi… C’est bien toi, sanglota-t-il sans parvenir à se contrôler. Tu m’as tellement manqué.

Le jeune homme se pencha vers l’oreille de Gabriel et lui murmura des paroles similaires. J’assistais impuissant à leur retrouvailles, coupant de ce que nous étions en train de vivre avec Gabriel. De plus, voir ainsi Gabriel dans les bras d’un autre était plus dur que je ne l’aurais cru. Ce Kay arrivait au mauvais moment, l’éloignant de moi plus qu’il n’était déjà le cas ; le pire étant que j’étais impuissant face à ma propre défaite. Je réalisais trop tard l’ampleur de mon geste et la portée de ce que je n’avais pas fait hier soir. J’aurais du le prendre dans mes bras, réagir…

Au lieu de cela, j’avais laissé Gabriel s’éloigner de moi comme je l’avais fait ces derniers jours, et il semblait que j’allais à mon tour en payer le prix. La main de Kay frottait le dos de Gabriel avec une familiarité déconcertante. Son regard croisa le mien un court instant, je ne pus que le fixer avec un air glacial.

Il lui murmura de nouveau quelque chose à l’oreille et Gabriel s’empressa de lui répondre entre deux sanglots.

Leur échange de murmures non audible dura un moment que je jugeais trop long, mais je n’avais pas mon mot à dire, surtout maintenant, après ce qui venait de se passer. Ce fut certainement le baiser dans les cheveux de Gabriel de la part de Kay qui me parut de trop et qui me fit craquer, déjà honteux de la réaction que je pourrais avoir lors de notre échange.

- Gabriel ? Tu ne nous présentes pas ? Demandais-je, sans parvenir à faire taire la pointe de reproche au milieu de laquelle ma jalousie transparaissait.

C’est à contrecœur que Gabriel sembla s’arracher à l’étreinte de Kay, et n’osant croiser mon regard, il entreprit de nous présenter bien que nous sachions tous deux parfaitement à qui j’avais affaire :

- Juha, je te présente Kay, mon ami d’enfance dont je t’ai déjà parlé… Kay, voici Juha, mon… Mon.. ?

- Son amant, répondis-je froidement à sa place sans parvenir à me contrôler.

La tension monta lourdement lorsque nous échangeâmes une poignée de main courtoise mais extrêmement froide. Mais cela ne m’empêcha pas de ressentir ce que j’avais trop peur de m’imaginer quelques instants auparavant. Kay débordait d’amour pour Gabriel. Un amour si pur qu’il me désarçonnait, m’envoyant en plein visage ce que Gabriel recherchait désespérément de ma part.

Même la jalousie qu’il éprouvait pour moi était masquée par ce sentiment. Les larmes faillirent me monter aux yeux, mais furent chassées par une colère froide envers ma personne, chose dans laquelle j’avais toujours excellé. Je ne pouvais pas rester, ou j’allais déraper pour de vrai, ou me mettre à pleurer bêtement pour montrer une fois de plus mon mauvais côté à Gabriel. J’étais déjà assez faible à ses yeux pour en rajouter.

- J’vous laisse, j’ai du travail. Ravi d’avoir fait ta connaissance, Kay…

- Moi de même, répondis-Kay, en saisissant la main que je lui tendais, alors que j’avais déjà redressé mes barrières mentales, loin de vouloir retenter l’expérience.

Leur tournant rapidement le dos, je pris le chemin de l’écurie, j’avais du travail en retard, et ce ne serait que dans l’activité physique que je ne penserais pas à tout cela. Cela n’empêcha pas à mes larmes de commencer à rouler sur mes joues, ayant l’impression de le perdre pour de bon en le laissant à cet homme qui l’aimait à ce point. Jamais je n’aurais cru qu’un tel sentiment soit possible.

J’avais retrouvé le même que Killian éprouvait pour moi. Je n’avais jamais cherché à sonder Gabriel à ce sujet, m’obligeant à dresser une barrière descente pour ne pas empiéter sur son âme, et c’était peut être pour cela que j’avais été sourd à sa détresse lorsqu’il m’avait déclaré ses sentiments. Trop concentré sur moi, je m’étais éloigné de lui à l’instant le plus important, oubliant que c’était une étape cruciale pour lui, et l’abandonnant au pire moment. Cela ne faisait que prouver une fois de plus ma faiblesse…

Entrant dans l’un des box qui méritait le plus d’être nettoyé après avoir pris le nécessaire pour le faire, j’entamais mon travail, ravalant mes larmes, me refusant à pleurer pour de bon. Royale for You était une jument assez calme, qui s’écarta pour me laisser la place. Refermant consciencieusement la porte derrière moi, je profitais du silence qui régnait dans l’écurie, les autres devant être devant être occupés ailleurs. Les mains tremblantes, je saisis la fourche et entamais mon travail.

Seulement, mon répits fut de courte durée, deux voix dont une que je ne connaissais que trop bien, me prévenait que Kay et Gabriel n’allaient pas tarder à arriver. Curieux malgré moi, continuant tout de même mon travail, je tendis l’oreille.

- Lorsque j’ai quitté l’orphelinat, le jour de mes dix-huit ans… Ou plutôt, devrais-je dire, quand ils m’ont mi à la porte, j’ai tenté désespérément de savoir où tu étais, mais… Tu semblais avoir… Disparu… Comme si tu n’avais jamais existé que dans mon imagination.

Gabriel fit une pause. J’étais en train d’assister aux retrouvailles de deux hommes qui s’étaient aimés par le passé. Assistant en retrait à cette scène, j’avais l’impression de perdre ma place. J’entendais la voix tremblante de Gabriel et la douleur qui émanait de lui. Mais j’y restais sourd. Depuis que j’avais touché la main de Kay, j’avais eu bien trop peur de sonder à mon tour Gabriel pour découvrir le même genre de sentiments. La voix brisée par l’émotion, Gabriel poursuivit :

-  Je t’ai cherché pendant des jours entiers… Où étais-tu ? Pourquoi ne m’as-tu pas attendu ? Après ça, j’en suis arrivé à te haïr pendant un temps. Je pensais que tu m’avais abandonné toi aussi, que ce que nous avions vécu ensemble tout au long de ses années n’était rien pour toi… Et… Du jour au lendemain, tu réapparais dans ma vie sans que je ne sache ni pourquoi ni comment… Poursuivit-il alors que sa voix se brisait en un sanglot incontrôlable.

Je ne les voyais pas, mais j’étais presque sur que Kay était en train de le prendre dans ses bras en ce moment. D’une voix douce, il commença à parler, me donnant cette désagréable impression d’être maintenant l’ombre noire du tableau :

- J’ai pensé t’attendre, Petit Prince… Je ne vivais que pour le jour où l’on se retrouverait enfin… Mais, plus le temps passait plus je me disais que si nous en étions arrivé là, c’était par ma faute, que tu avais suffisamment souffert à cause de moi… Je voulais que tu puisses avoir une vie normale pour un enfant de ton âge, que tu sois heureux…

- Comment peux-tu dire cela ? Demanda alors Gabriel indigné. Je n’ai jamais été aussi heureux que lorsque tu étais près de moi… Tu étais mon seul ami, Kay… Le seul à avoir prit soin de moi et à m’avoir apporté l’amour que tout le monde me refusait…

- Arrêtes de m’idéaliser, Gabriel ! S’exclama-t-il à son tour. Aurais-tu oublié ce qu’ils t’ont fait subir ? Trois jours… Trois putains de jour ils t’ont laissé enfermer dans cette cave…

Mon cœur se serra, sa douleur et sa souffrance passée, je ne la connaissais que trop bien. C’était celle-là même qui m’avait cruellement déstabilisé et bouleversé lors de notre première rencontre.

En les écoutant, j’en apprenais d’avantage sur le passé de Gabriel, passé qu’aucun homme n’aurait du vivre…

- Comment veux-tu que je l’oubli ? S’emporta Gabriel, blessé. J’en fais constamment des cauchemars… Tu ignores tout de cet enfer que j’ai vécu après ton départ, ajouta-t-il bien plus bas.

- Tu n’avais pas à subir les conséquences de mes actes, reprit Kay, lui aussi, plus calmement.

- J’étais tout aussi coupable que toi, répondit Gabriel.

- Pardonne-moi, souffla alors Kay.

J’avais l’impression d’être le spectateur d’un film qui n’acceptait pas ma présence en tant qu’acteur. J’avais même cessé totalement mon travail pour écouter. Après un silence, Kay ajouta sur un ton plus léger :

- A peine nous nous retrouvons que déjà nous nous crions dessus.

- Comme au bon vieux temps, répondit Gabriel.

Comment aurait réagit Gabriel si Kilian était encore vivant et m’avait retrouvé après toute ses années. Aurait-il sentit cette jalousie le ronger à chaque parole échangé ? Mais surtout, comment aurais-je réagis à sa place… Après un instant de silence, Gabriel repris la parole, me coupant dans mes réflexions :

- Mais ça ne répond pas à ma question.

- Je t’ai vu par hasard à la télévision…Finit par répondre Kay. Je ne savais pas que tu aimais les chevaux.

Ils étaient maintenant assez proches de mon box, mais s’arrêtèrent devant celui d’Orphée.

- Alors c’est lui le fameux Orphée ? Demanda Kay.

Rongeant mon mal en patience, je restais parfaitement immobile, comme si je ne voulais pas trahir ma présence. Après un temps qui me parut interminable, j’entendis Kay :

- Tout à l’heure, tu disais que ce n’étais pas à l’orphelinat qu’ils t’avaient nommé ainsi…

Kay ne termina pas sa phrase. Il en savait plus sur Gabriel et celui-ci se dévoilait à lui comme dans un livre ouvert, rien qui n’arrangeait ma jalousie et ma peine.

- Tu sais mieux que quiconque la manière dont ils m’appelaient là-bas, me hélant ou m’appelant d’une façon dont je n’oserais même pas appeler mon chien… Ca a empiré après que tu sois parti et pas seulement de la part des adultes… Lorsque je suis arrivé ici, naturellement, Philippe m’a demandé mon prénom. Evidement, je suis resté muet, n’en ayant jamais reçu ou si c’est le cas, ne l’ayant jamais entendu… Je te laisse imaginer l’humiliation que j’ai pu ressentir à ce moment… Mais Philippe est vraiment quelqu’un d’extraordinaire… Après m’avoir longuement détaillé, il a décrété qu’il m’appellerait Gabriel parce qu’il trouvait, je cite, “que je ressemblais à un ange avec mes longs cheveux blond platine et mes yeux bleus”…

Après une pause il poursuivit :

- Sans même me connaître, il m’a tout donné… Il m’a offert un nom, ainsi qu’un endroit ou vivre et un travail, le tout en moins d’une heure… Je ne le remercierais jamais assez pour tout ce qu’il a fait pour moi… Je lui dois ce que je suis…

- Tu as l’air de beaucoup tenir à lui, fit remarqué Kay. Et vue la façon dont il parle de toi, c’est réciproque…

- C’est vrai que je tiens à lui, c’est l’un des êtres le plus cher à mon cœur… D’une certaine manière, je vois en lui l’image paternelle que je n’ai jamais eu…

- Oui, je comprends, murmura Kay.

Un nouveau silence s’installa et un profond malaise me prit. Si je connaissais la douleur de Gabriel, si je la ressentais comme si elle était mienne, la partageant à son insu, je n’avais aucune idée précise de tout ce qui l’avait causée.

Pire encore, je m’étais coupé de lui ces derniers jours, me concentrant sur moi, et ignorant ce qu’il avait finit par me dévoiler hier soir en pleine détresse. J’avais eus tellement peur d’aimer quelqu’un à nouveau, et de le clamer haut et fort que j’étais resté sourd et aveugle, me cachant la vérité, et laissant Gabriel à ses tourments.

- Tu veux boire ou manger quelque chose ?

- Je veux bien un verre d’eau, s’il te plait, Gabriel, répondit-il en insistant sur son prénom.

C’est en sortant de l’écurie qu’il m’aperçut, réalisant alors que j’avais été témoin d’une scène qu’il n’aurait souhaité me faire voir. Nos regards se croisèrent un bref instant, avant que Gabriel baisse les yeux honteux. Je venais d’en apprendre sur lui plus qu’il n’avait jamais voulu me réveiller. Le regrettait-il ? Les yeux rivés sur le sol, il finit par poursuivre sa route, suivit de près par Kay qui me toisa d’un regard qui me déplaisait. Ils quittèrent l’écurie sans un bruit, me laissant seul. Déjà maintenant, je me sentais mis à l’écart, alors que je savais en être pour une grande partie responsable…

Mes jambes devinrent soudain très faibles. Sentant que je ne tiendrais plus très longtemps debout affaibli par ses derniers jours, je sortis du box avec les outils, et les laissaient devant, après avoir refermé la porte. Sans faire un pas de plus, je m’adossais contre le mur et m’assis sur la botte de paille. J’étais en train de le perdre… J’étais en train de perdre le seul homme qui comptait pour moi… Fermant les yeux et callant la tête contre le mur, je pris une profonde inspiration pour tenter de me calmer et surtout de ne pas me mettre à pleurer.

- Juha? Qu’est ce qui t’arrive ?

Je sursautais violemment, n’ayant pas du tout entendu Dorian m’approcher et encore moins s’arrêter à quelques mètres de moi. Ouvrant les yeux, je tombais nez à nez sur son visage emplie d’inquiétude réelle à mon égard, le même visage qu’il avait eut lors de notre première rencontre.

- Rien… répondis-je simplement las et fatigué.

S’agenouillant pour être à ma hauteur, il posa ses deux mains sur ses genoux pour se maintenir avant de me dire :

- Je ne t’ai pas vu ces derniers jours, tu étais malade ?

Troublé par ce soudain regain d’intérêt à mon égard, je lui demandais suspicieux :

- Depuis quand tu t’inquiètes pour moi Dorian ?

Baissant les yeux, Dorian répondit après un temps :

- Je tiens à m’excuser pour ce qui j’ai fait ces derniers mois Juha. Je n’ai jamais porté Gabriel dans mon cœur, et quand je t’ai vu aller vers lui, j’ai été… J’ai bêtement été…

- Jaloux ? Poursuivis-je à sa place, comprenant son sentiment plus que tout maintenant.

- Oui… Me confessa Dorian. Aujourd’hui je le regrette sincèrement. Nous aurions pu devenir de bons amis.

Ayant plus que toute peur de la solitude qui allait me peser un peu plus que d’habitude et surtout en ces circonstances, je répliquais :

- Il n’est peut être pas trop tard…

Dorian redressa le visage, m’offrant un sourire qui m’apaisa. J’y répondis faiblement, mais le cœur n’y était pas. Nous nous fixâmes un moment, je pouvais ressentir les sentiments de Dorian et ils attestaient la vérité de ses propos. Puis, semblant se rappeler que nous avions du travail, je me redressais alors que Dorian me demandait :

- Tu as beaucoup de box à faire, et je n’ai rien à faire pour le moment, que dis-tu d’un coup de main ?

- Ce n’est pas de refus, répondis-je en le remerciant.

C’est ainsi que nous abattîmes tous deux une quantité monstre de travail. Ayant retrouvé un peu de force à son contact, je concentrais mon énergie dans le travail, ne voulant penser à ce que m’avait dit Gabriel ce matin, à ce que j’avais appris et surtout à Kay qui était avec lui.

Nous trouvâmes largement de quoi nous occuper ensuite dans le manège couvert, devant remettre en état une partie du bois abimé et qui laissait passer le vent glacé. Le manque de nourriture de ces derniers jours se fit sentir, et je luttais contre la fatigue. Lorsque vers midi et demi passé Dorian me vit vaciller en descendant de l’échelle, Dorian déclara :

- Que dis-tu d’aller manger un bout avec moi, tu sembles en avoir vraiment besoin.

- Oui… Ca ne serait pas refus soufflais-je. Je vais voir si Shanenja va bien et je te rejoins.

- D’accord Juha ! Répondit Dorian. Je suis content de travailler de nouveau avec toi, avoua-t-il avant de me tourner le dos et d’aller au réfectoire.

Une fois dans la cour, Shanenja se jeta sur moi, me poussant déjà avec la force de sa vitalité. Lui offrant de nombreuses caresses et jouant un moment avec lui, je finis par le laisser et pris la direction du réfectoire. Après un détour pour aller me laver les mains, je me rendis dans le réfectoire déjà plein de monde. Je vis aussitôt Gabriel, qui m’invita à aller les rejoindre. Ayant peur de ma réaction face à Kay, mais ne voulant surtout pas le montrer, je me contentais de ne pas y répondre, et j’allais m’asseoir seul à une table. Dorian n’était pas encore là, mais il n’allait pas tarder à me rejoindre. S’il n’avait pas été là, j’aurais de toute façon préféré manger seul. Je préférais éviter de rendre leur repas désagréable, et les laisser à leurs retrouvailles où je n’avais plus ma place.

Dorian ne tarda pas à venir s’asseoir en face de moi avec un sourire. S’il vit ma jalousie, il ne fit aucun commentaire, n’observant que d’un bref regard Kay et Gabriel, comprenant peut être un peu mieux mon malaise. Ce fut certainement pour cela qu’il tenta de me faire rire par tous les moyens, et il y parvint je ne savais trop comment. J’étais à dix-mille lieux de penser pouvoir rire aujourd’hui. Rien de mauvais n’émanait de lui, et loin de mes problèmes, je prenais un bol d’air frais afin d’acquérir une certaine distance face à ces évènements.

Je ne pus pas manquer Gabriel qui sortait précipitamment du réfectoire et je savais que j’étais responsable.

- Il y a de l’eau dans le gaz ? Me demanda soudain Dorian.

Face à la mine fermée laissant transparaître uniquement un voile de tristesse sur mon regard, il n’attendit pas de réponse de ma part. Qu’étions-nous en train de faire ? Croyait-il vraiment que j’aurais pu être capable de m’asseoir à leur côté et de manger comme si de rien était. Après la dispute que nous avions eue ce matin, il était nécessaire que nous nous retrouvions uniquement tous les deux pour parler, mais cela était impossible pour le moment et je me demandais quand ce Kay partirait enfin. Dans d’autres circonstances, j’aurais adoré le rencontrer, mais maintenant j’avais trop honte de ma réaction. J’avais peur que Gabriel ne m’échappe, peur qu’il réalise que l’amour de Kay  était là et qu’il le compare au mien, me trouvant des épaules trop peu fortes pour l’accompagner tout au long de notre vie.

Kay partit le rejoindre après avoir rangé leur deux plateaux, j’en était pour ma part totalement incapable. Plongé dans mon mutisme, Dorian tenta de me faire réagir :

- Hé, Juha, qu’est ce qui se passe ?

Les larmes commençaient à me brûler les yeux et pourtant je le contenais. Je ne méritais pas de pleurer, j’étais loin d’en avoir le droit… Tout était en train de filer entre mes doigts comme un liquide insaisissable.

- Juha ! Déclara un peu plus fort Dorian.

Je sursautais presque, revenant à moi. Mal à l’aise face à mon état, Dorian déclara :

- Dépêche-toi de finir de manger.

Je jetais un coup d’œil sur son assiette, si la sienne était vide, la mienne ne l’était qu’à moitié.

- Nous avons encore pas mal de chose à faire. La carrière à gelée, tu m’aideras à casser un peu la glace et à enlever le plus gros de la neige afin que son état ne s’empire pas. Heureusement que nous avons un manège. Ensuite tu donneras du foin aux chevaux et tu iras graisser les selles pendant que j’irais acheter ce que Philippe m’a demandé.
J’acquiesçais simplement, n’ayant pas la tête à refuser des ordres qu’il n’avait pas à me donner. Je n’étais de toute façon pas en état de prendre des initiatives et ce long programme qui allait me prendre jusqu’à tard était finalement loin de me déranger. Cela m’occuperait l’esprit et m’éviterait de ressasser ce qui c’était passé ces derniers jours. Je sentis la main de Dorian poser sur mon épaule. Il était inquiet pour moi, même s’il ne le montrait pas. Sa jalousie vis-à-vis de Gabriel restait tel un vestige, mais était masqué par le remord de ses derniers agissements.

- A tout de suite dans la carrière, finit par dire Dorian.

Je répondis par un faible hochement de la tête et un sourire. Ayant perdu tout appétit, je mis tout de même du temps à venir à bout de la fin de mon assiette. Une fois celle-ci terminée, je me levais et après avoir enfilé mon manteau, je partis en direction de la carrière.

Mon cœur se serra vivement à la vue de Gabriel et de Kay marchant côte à côte en direction de la forêt. La force qui habitait normalement Gabriel et qui l’illuminait semblait s’être brutalement flétrie. Il était dans un état pire que le premier jour où je l’avais vu. Jamais je n’aurais dû me laisser aller à tenter de l’aider. Je n’avais finalement fait que l’enfoncer d’avantage, le rendant encore plus vulnérable et abimé qu’il ne l’était avant ma rencontre.

Etait-ce cela mon destin, blesser ceux qui devenait trop proche de moi. Mon don d’empathie prenait ce goût amer de malédiction, de barrage vers les autres. Finalement, trop en savoir sur leurs pensées les plus profondes m’éloignait d’eux. La mort de Killian avaient était la seule relation exclusive ou je m’étais laissé aller, et qui l’avait mené irrémédiablement vers la plus terrible des fins. Ne fallait-il pas que je m’éloigne de Gabriel et que je le laisse avec ce Kay qui saurait lui offrir bien plus que moi et surtout bien plus rapidement que j’en étais capable…

J’avais sondé son amour et j’avais était effrayé par cette pureté. Sans ma venue ici, un couple heureux aurait pu naître. Je n’étais plus qu’une ombre au tableau, un empêcheur de tourner en rond… Il fallait un homme plus sain d’esprit pour Gabriel, une épaule plus forte, quelqu’un capable d’aller de l’avant, et c’est en Kay qu’il pourrait trouver cela…Cependant, l’unique idée de renoncer à Gabriel, de retrouver ma vie solitaire et de me refuser notre amour m’était insurmontable. J’avais goûté à quelque chose de nouveau avec Gabriel, une chose si précieuse que c’était elle qui me poussait à poursuivre mon chemin chaque jour. J’étais très loin d’être prêt à l’abandonner.

Ce fut Shanenja me mordillant les doigts qui me sorti de mes sombres pensées. Je me rendis compte que j’étais là, immobile, planté au milieu de la cours à fixer la forêt où Kay et Gabriel avaient disparut depuis longtemps. Je m’abaissais vers cet animal plein de vie qui déjà attendait sur le dos des caresses sur son ventre. Je lui en fit sans hésiter, avant de me mettre en marche, suivant Shanenja qui s’était déjà élancé devant moi en courant. Ses gestes étaient beaucoup moins pataud, il grandissait à vue d’œil.

Shanenja resta avec Dorian et moi, s’amusant avec tout ce qui pouvait faire office de jouet, puis finissant par se coucher sous le petit abri en bois qui servait à regarder les reprises. Nous finîmes assez tard, la nuit commençait à tomber. La glace était profonde, et il nous fallut un temps interminable. Je ne sentais presque plus mes bras, et Dorian ne semblait pas dans un meilleur état que moi. Il me laissa ranger les outils pendant qu’il allait faire ses courses avant que tout ne ferme. Une fois cela fait, accompagné de Shanenja qui alla se coucher dans un tas de paille dans la sellerie, je distribuais le foin aux pensionnaires, profitant de mes muscles encore chauds, avant que les courbatures ne les saisissent, le froid n’aidant pas. Ce fut évidement à ce moment là que Kay et Gabriel entrèrent dans l’écurie. Gabriel passa devant moi sans un regard, comme je m’y attendais. Malgré moi, je fus obligé de suivre leur conversation.

- Tu as quelques par où dormir, demanda soudain Gabriel.

- Je prendrais une chambre d’hôtel près d’ici.

Je me tendis, à peu près sûr de la proposition de Gabriel qui suivrait cette réponse. Si une chose était sur, c’était que je n’avais aucune envie que nous nous retrouvions tous les trois dans ce petit appartement. Evidement, Gabriel ne perdit pas de temps pour s’exclamer :

- Ca va pas non ! Viens à la maison. Ce n’est pas grand mais ce sera sûrement mieux que l’hôtel. Et puis c’est hors de question que tu payes la peau du cul une chambre d’hôtel miteuse.

Kay croisa mon regard qui en disait long sur ce que je pensais de cette invitation et que je ne parvenais pas à cacher.

- Je ne voudrais pas causer de problème entre vous…

- Il n’y a aucun problème, répondit Gabriel, un peu trop hâtivement pour être crédible.

Le fait même qu’il ne me demande pas mon avis me mis hors de moi. Certes je n’aurais pas refusé et cet appartement était aussi bien à Gabriel qu’à moi. Mais justement, j’avais le droit d’être concerté. Surtout après ce qu’il se passait entre nous, le fait que Kay vienne chez nous ne ferait qu’envenimer la situation. Evitant mon regard, Gabriel reprit calmement après un temps :

- Je vais voir Philippe, j’ai deux trois choses à régler avec lui, je reviens vite…

- D’accord je t’attends.

Gabriel adressa un sourire de remerciement à Kay qui me hérissa les poils et nous quitta. Il ne m’en fallut pas plus pour me débarrasser des deux fourches qui restaient à donner et sans un mot pour Kay qui resta planté dans l’écurie, je me rendis dans la sellerie pour finir ce qui me restait à faire. Je pris rageusement tous les filets en cuir et les posais sur la table avant d’attraper une selle. Il fallait que je me calme, c’était de la jalousie qui était en train de ronger.

Après avoir pris le gros pot de graisse, je m’assis sur le banc et entamais mon travail. Shanenja ne tarda pas à venir se coucher à mes pieds, s’allongeant sans aucun gène sur ceux-ci. Même nerveux, je m’appliquais à réaliser ma tache. J’avais encore à faire toute les selles et à ce rythme là j’en avais pour toute la nuit. C’est à ce moment là que Gabriel entra dans l’écurie, s’approchant de moi, je l’avais sentit avant qu’il n’arrive. Je me contins, attendant qu’il parle de lui-même, peu près à coopérer.

- Je… Nous n’allons pas tarder à rentrer… Tu viens ?

Je ne pus me retenir de répondre sèchement, sans le moindre regard pour lui, contenant tout de même ma colère :

- Je suis occupé, tu ne vois pas ? J’ai du travail, alors rentre avec ton Kay, je rentrerais à pied avec Shanenja lorsque j’aurais terminé.

Je vis tout de même Gabriel serrer les poings avant de murmurer un « va te faire foutre » rageur. Me laissant seul, je jetais mon pinceau dans le pot, mes mains tremblaient de ce mélange de sentiments que je ne parvenais à dissocier. Je n’étais plus très loin des larmes, mais j’entendis une voix me souffler :

- Et si tu me racontais Juha ce qui est en train de se passer, même si je commence à comprendre.
Je redressais la tête pour croiser le regard de Dorian, certainement entré par l’autre porte. Il ne faisait aucun doute sur le fait qu’il ait assisté à notre court échange. Il tenait deux tasses de café brulants.

- Laisse-ça pour le moment. Tu mérites une pause. A deux on finira plus vite. Bois déjà ça.

Il me tendit une des deux tasses, puis poussant tout le matériel à graisser, il s’assit en face de moi.

- Je ne sais pas ce qui est en train de se passer entre vous deux, mais ça m’a tout l’air d’un beau paquet de nœuds. J’ai aussi l’impression que Kay n’y est finalement pas pour grand-chose, mais qu’il n’est qu’une couche de plus à vos problèmes…

Je bus une gorgée de café, profitant de sa chaleur se répandant en moi.

- Peut être que je ne suis pas fait pour les relations durables, soupirais-je amèrement.

- Tu es donné pour bien d’autres choses me fit Dorian avec un petit sourire pervers en coin.

Je ne pus m’empêcher de sourire légèrement face à son sous entendu douteux, sachant qu’il ne cherchait qu’à dédramatiser la situation. Inspirant légèrement, je décidais de me confier un peu à lui, ayant besoin de me soulager.

- Je ne peux pas lui donner ce qu’il attend de moi, et je ne sais même pas recevoir ce qu’il me donne …

Perplexe, Dorian me demanda :

- Tu peux m’expliquer un peu plus en détail ?

- Je… Tentais-je, lamentablement.

Mais une boule à la gorge monta en moi, et je fus incapable de lui expliquer.

- Juha ? S’inquiéta Dorian.

- Je suis complètement  perdu, lâchais-je, commençant à trembler.

J’étais dans un tel état, que même les larmes ne semblaient pas appropriées à la situation. Se rendant compte de ma détresse, Dorian se leva presque aussitôt, et venant à côté de moi, il me hissa pour me prendre simplement dans ses bras. Dans cette simple étreinte, un flot de réconfort sincère m’envahie. J’en avais réellement besoin, le serrant simplement en répondant à son étreinte. Pas de larmes, juste un moment dans ses bras pour profiter un instant de l’épaule qu’il m’offrait. J’avais l’impression de puiser mes forces en lui, de me sentir un peu mieux, alors que je n’y croyais plus.

Dorian ne s’éloigna de moi que lorsqu’il m’en sentait capable. Un bref regard fut échangé et il me sourit tendrement. M’asseyant de nouveau, je reposais mes mains sur le cuir pour poursuivre mon travail, honteux de m’être montrer ainsi face à lui. Une main ferme se posa sur mon épaule et Dorian déclara :

- On fera tout ça demain Juha, ça pourra bien attendre un jour de plus.

Sans me laissait le temps de répondre, il entreprit de tout ranger. Une fois cela fait, Dorian se tourna vers moi et me demanda :

- Si j’ai bien compris Gabriel habite chez toi maintenant ?

- Il habite avec moi, rectifiais-je en me levant. Jusqu’à ce matin nous étions ce qui se rapproche le plus d’un couple.

Dorian ne dit rien, semblant réaliser combien notre relation avait évoluée, bien plus qu’il ne le soupçonnait.

- Et il vient d’inviter Kay chez t… Chez vous se reprit-il.

Un silence pesant suivit ses quelques mots. Dorian soupira avant de demander plus clairement :

- Juha, qu’est-ce qui se passe réellement entre toi et Gabriel ?

Une colère monta subitement en moi. Elle n’était pas tournée contre Dorian, mais contre moi-même et vers le chemin que nous étions en train de prendre avec Gabriel.

- Il m’a simplement dit qu’il m’aimait hier et je n’ai rien su lui répondre. Il a très mal pris la chose et je ne lui reproche pas. Seulement il a du mal à comprendre que ce n’est pas si facile que cela pour moi. Déclarais-je sèchement. Je passe pour un monstre et c’est comme cela que je me vois. Je lui demande tant et je suis incapable de lui en donner ne serais-ce que la moitié. Et maintenant il y a ce Kay si parfait… Si tu savais comme il l’aime Dorian…

Baissant les yeux, un voile de tristesse me masqua la vue, et j’ajoutais plus bas :

- Ce n’est pas moi dont Gabriel a besoin, c’est de Kay… Mais bon Dieu que ça fait mal…

- Alors tu vas baisser les bras si j’ai bien compris ? S’exclama Dorian. Si tu abandonnes, alors tu donneras une valeur de vérité à ce que tu viens de dire. Tu es mieux que tu ne le penses Juha, ne te laisse pas souffler à la moindre difficulté. Prouve lui autrement que par des mots, prouve-lui que tu mérites son amour ! Crois-moi, je sais ce que cela fait d’aimer quelqu’un à sens unique. Mais Gabriel n’est pas dans ce cas n’est-ce pas !? Car si ce n’est pas le cas, va lui dire dès ce soir !

- Si je ne ressentais rien pour lui, crois-tu vraiment que nous en serions là ! Il me faut juste du temps, et pouvoir parler seul avec lui. J’ai voulu le faire toute la journée, comptant sur ce soir, mais Kay est chez nous…

- Alors rentre, et comporte toi en adulte. Ravale ta jalousie et patiente encore. Vous trouverez bien un moment pour vous expliquer, même si ce n’est pas ce soir.

J’acquiesçais simplement, la gorge serrée.

- Aller je te ramène chez toi, comme avant ! S’exclama-t-il avec un petit sourire plein de sous entendu.

Shanenja se redressa subitement, comprenant que nous allions rentrer. Alors que je partais à la suite de Dorian, celui-ci se tourna brusquement vers moi :

- Juha, si jamais ça se passait mal, si jamais tu as besoin de parler ou quoi que ce soit, sache que ma porte t’est toujours ouverte, et je parle sérieusement. J’ai merdé par le passé, mais c’était parce que…

Son regard se fit fuyant puis en reprenant la route à mes côtés pendant qu’une petite boule de  poil partait en éclaireuse, il ajouta plus bas :

- J’ai changé maintenant.

Une meurtrissure liée à ma propre personne m’apparut alors que sa main effleura la mienne. Un sentiment qu’il s’était efforcé d’enfouir à mon égard, un sentiment que j’ignorais ce soir là, ayant déjà mon lot de problèmes…

Nous montâmes en voiture et Dorian me ramena chez moi. Shanenja était assis à mes pieds, de mieux en mieux habitué à la voiture. Lorsque Dorian me déposa devant chez moi, je ne pus que le remercier et lui souhaiter une meilleure soirée que la mienne. Constatant que la pâtisserie à l’autre bout de la rue était encore ouverte, je décidais d’aller acheter un gâteau pour faire un pas en avant et tenter d’excuser mon attitude.

Lorsque je rentrais, Shanenja alla directement s’allonger, fatigué par sa journée mouvementée de chiot. J’allais dans la cuisine et en y découvrant Kay je compris que Gabriel devait être dans la salle de bain entendant l’eau couler.

- Tu as pu finir ton travail ? Me demanda poliment Kay.

- Oui… Me contentais-je de répondre.

Je posais le gâteau sur le plan de travail, avant d’aller me servir un verre d’eau et de m’asseoir à la table de la cuisine, pendant que Kay continuait assez mal à l’aise sa préparation du repas.

- Vos casseroles sont rangées où ? Me demanda-t-il alors que je me perdais dans l’observation de la nuit par la fenêtre.

Pour toute réponse, je me levais et lui tendis la casserole qui me semblait appropriée après l’avoir prise dans le placard. Restant à côté de lui, las de ce silence gêné, je me décidais à entamer la conversation.

- Nous… Nous avons mal commencé les présentations.

Kay s’arrêta et me lança un petit sourire. La jalousie de le voir ainsi aussi charmeur me vrillait les tempes pourtant je me forçais à lui rendre son sourire. Je lui tendis la main, et il fit de même. Ce fut après un bref échange que je lui proposais mon aide, qu’il accepta avec joie.

Alors que je mettais la table pour trois, il m’interrogea :

- Tu travailles ici depuis quelques mois, qu’est ce que tu faisais avant ?

- Rien de bien intéressant. J’ai voulu changer d’air et j’ai trouvé une place ici. Répondis-je évasif.

Je détestais ce regard posé sur moi. J’avais l’impression qu’il me jugeait. De plus il était indéniable qu’il ne m’appréciait de son côté pas plus que cela, je n’avais pas besoin de le toucher pour le savoir, je le sentais de là où j’étais.

Pourtant il poursuivit la conversation, me posant plusieurs questions de manière détournée sur moi et ma relation avec Gabriel, sans jamais me le demander franchement. Je dus faire appel à tout mon sang froid pour rester courtois et polis. A vrai dire, je n’avais qu’une seule envie, me retrouver seul à seul avec Gabriel pour parler sérieusement. Ce ne serait certainement pas possible ce soir.

Ce fut à ce moment là que Gabriel entra dans la cuisine. Je n’avais pas besoin de faire appel à mon don pour savoir qu’il était au plus mal. Ses yeux rouges et ses traits tirés parlaient pour lui. Non sans un certain effort, il finit par me demander :

- Tu… Tu es arrivé il y a longtemps ?

- Près d’une demi-heure, répondis-je ne pouvant m’empêcher de le dévisager longuement.

Honteux, Gabriel détourna le regard et pris place en bout de table entre Kay et moi. Tout comme moi, il n’avait pas particulièrement faim. Si je me forçais, il ne faisait que grignoter. Un silence monastique et désagréable régnait dans la pièce. Kay ne cessait de lancer des regards à Gabriel et croiser le mien avec froideur. Il était jaloux, tout comme je l’étais de lui, mais l’amour qu’il ressentait pour Gabriel m’oppressait et me donnait encore plus de raison de l’être. Lui aurait eut la réponse que je n’avais pu lui donner hier soir… Une petite voix ne cessait de dire dans ma tête : c’est avec Kay que Gabriel serait réellement heureux.

Plusieurs minutes s’écoulèrent ainsi dans un silence qui pesait sur chacun de nous. N’en pouvant plus, et voulant abréger l’angoisse qui pointait vivement chez Gabriel, je me forçais à prendre la parole :

- Sinon, tu fais quoi dans la vie ?

Kay me répondis d’un ton détaché, après un regard dans la direction de Gabriel :

- Je suis ostéopathe, et peintre amateur à mes heures perdues.

- Peintre ? Répéta Gabriel surpris. Aurais-tu une quelconque notion de ce que le mot « art » signifie ? Demanda-t-il en se moquant gentiment de lui. Car si mes souvenirs sont bons, on ne peut pas vraiment dire que tu étais un fervent admirateur des tableaux accrochés aux murs de l’église… Ajouta-t-il.

Un sourire narquois étira ses lèvres, qui disparut bien vite lorsque Kay rétorqua :

- Et qu’est devenu ton don pour le théâtre ?

Gabriel ouvris de grands yeux à cette question.

- Je… Je ne vois pas du tout de quoi tu parles… Tenta-t-il de nier.

En un rien de temps, je me sentais exclu de la conversation. Je n’avais plus ma place dans leur passé commun. Je n’écoutais plus. Je n’avais de toute façon  pas la tête à cela ce soir. Je regardais simplement Gabriel, heureux de retrouver des souvenirs avec un homme qu’il croyait avoir perdu. Mon cœur battait douloureusement en comprenant qu’il l’aimait encore plus que je ne l’aurais cru. Je me refusais à sonder ses sentiments à mon égard. Kay éclata soudain de rire, et n’en connaissant pas le sujet, je me contentais de sourire pour masquer mes tourment. Gabriel avait cette chance que je n’aurais jamais avec Killian. Une question de plus en plus vive commençait à naître en moi : devrais-je finir par m’effacer de sa vie et laisser ma place pour son bonheur ?

La conversation animée qui se déroulait sous mes yeux entre ces deux hommes faisait pourtant bouillir la jalousie en moi, mais derrière se cachait une certaine forme de résignation.

Jamais je n’aurais pensé que l’éclat de rire de Gabriel me serait un jour à ce point insupportable. Combien de fois avions nous partagé un simple fou rire tous les deux ? Las, je finis par me lever et apportais le gâteau sur la table. Je servis Kay, puis Gabriel qui commença par refuser et céda au regard empli de reproche de Kay qui ne me passa pas inaperçu. J’en pris une part à mon tour, n’y touchant même pas, ce qui ne fut remarqué ni par l’un ni par l’autre.

Après quoi, Gabriel servit un café à Kay avant de passer au salon. Kay prit place à côté de moi dans le canapé alors que Gabriel déplaça le fauteuil pour se mettre en face de nous.

Leur conversation reprit de plus belle, Gabriel ne posant à aucun instant les yeux sur moi, enfermé dans sa bulle avec Kay. Il faut dire aussi que je ne faisais rien pour m’intégrer. Jugeant avoir suffisamment fait office de présence, ne supportant plus leurs éclats de rire et leur complicité, et encore moins leurs sentiments réciproques qui débordaient, je décidais d’aller me coucher.

Après une douche plus que succincte, j’allais dans la chambre, tentant de rester sourd à la suite de leur discussion. Je m’installais d’abord sur le milieu du lit, ne pouvant m’empêcher de respirer à plein poumons l’odeur si particulière de Gabriel, seule chose que j’aurais aujourd’hui. Puis épuisé de cette journée qui avait plus l’apparence d’un cauchemar, voulant fuir un court instant la réalité, j’allais me coller contre le mur inconsciemment, fuyant le vide laissé par Gabriel qui n’était cette nuit pas à côté de moi. Ce ne fut qu’après un temps qui me parut interminable que je finis par m’endormir, replié sur moi-même et indéniablement seul.

Je me réveillais assez tôt le matin et à la fatigue qui se lisait sur les traits de Gabriel encore endormis, je sus qu’il s’était couché peut de temps avant le lever du soleil. Ne désirant plus être dans ce lit, je choisis de me lever. Attrapant mes vêtements, j’allais dans la salle de bain. Après m’être rasé et débarbouillé, je m’habillais assez rapidement. Entrant dans la cuisine, Shanenja déboula dans mes jambes attendant son repas avec une envie non dissimulée. Après quelques caresses, j’accédais à sa demande. N’ayant pas faim, je me fis un simple café, et me décidais à ranger et à nettoyer notre repas de la veille.

Lorsque j’eus finis, Kay et Gabriel dormaient encore profondément. Avant de partir, je tentais de réveiller Gabriel, mais ce fut sans succès, me heurtant à quelques grognements avant qu’il ne me tourne carrément le dos. Peu enclin à insister, je choisis de partir seul. Il était encore tôt, mais une bonne promenade avec Shanenja avant d’aller travailler me ferait le plus grand bien. J’avais besoin de solitude.

Et je l’obtins toute la journée. Gabriel ne vint pas travailler, et Dorian était trop occupé pour avoir le temps de discuter avec moi. J’abattis de mon côté une quantité monstre de travail, m’octroyant quelques pauses pour jouer avec mon jeune chiot. En fin de journée, n’ayant plus grand chose à faire, je choisis de rentrer. Je fis cependant un détour par la forêt, profitant de cette fin de journée ensoleillée. Shanenja alla directement se coucher lorsque nous rentrâmes, épuisé de sa journée remplie. Kay et Gabriel n’étaient pas là. Évitant soigneusement de me poser trop de questions sur leur journée, j’allais me prendre un bain bien mérité.

Une fois finis, j’allais m’installer dans le canapé devant la télévision, réfléchissant à un moment ou je pourrais être seul à seul avec Gabriel pour parler sérieusement. J’ignorais mon mal-être, comme je l’avais fait toute la journée, et me concentrais sur ce téléfilm inintéressant. Ce ne fut qu’une fois l’heure du repas bien dépassée que je commençais à m’inquiéter et à me poser des questions. A quelle heure comptait-il rentrer ?

La moindre des choses aurait été de me laisser un mot ou de me passer un coup de téléphone. Mais peut être était-il trop occupé avec Kay pour y penser. La colère monta d’un cran. M’exclure pour une soirée de retrouvailles soit, mais il ne fallait pas que cela dure indéfiniment. Les minutes continuèrent à défiler, puis une heure et une deuxième. Je n’avais pas bougé de ma place, il faisait maintenant nuit et je n’avais allumé aucune lumière. J’avais même éteint la télévision n’en supportant plus les images et le son. Plus le temps passait, plus la colère mêlée d’inquiétude grandissait en moi. Lui était-il arrivé quelque chose ? Le doute ne me permettait pas de m’abandonner à la fureur. Un simple coup de téléphone aurait pourtant réduit mon état au calme.

L’angoisse était de plus en plus oppressante, m’imaginant mille et une possibilités d’ennui ou d’accident pour Gabriel. Une pression monstre que je ne parvenais pas à calmer.

C’est alors que j’entendis leur voix dans le couloir. Ils semblaient aller bien. Entrant dans l’appartement, j’allumais la lumière alors qu’ils pénétraient dans le salon. Me redressant et constatant qu’ils allaient parfaitement bien tout les deux, je ne pus m’empêcher de lui demander furieux :

- Tu étais où ?

Malheureusement, ce ton ne plut pas du tout à Gabriel, qui répondit avec colère et sarcasmes :

- Je suis allé m’envoyer en l’air ! Je n’existe pas à tes yeux alors je suis allé chercher un peu de réconfort ailleurs…

A peine eut-il terminé sa phrase que ma main s’abattit sur sa joue avec une telle violence qu’il chancelait sur le coup. Je n’avais pas pu me retenir. J’avais flanché sous la colère nourrie depuis des heures d’attente et d’angoisse. Je regrettais ce geste à l’instant même ou j’avais élevé ma main, mais je ne pouvais revenir en arrière. Le voir la main sur sa joue meurtrie et surtout son regard blessé et emplie de larmes par ma faute fut une des pires choses qui m’est été donné de vivre, surtout en repensant au passé de Gabriel. Sans me laisser le temps de réagir, de m’excuser lamentablement ou de faire quoi que ce soir, Kay s’interposa entre nous et d’une voix froide, il déclara :

- Ne relève plus jamais la main sur lui…

Gabriel posa sa main sur le bras de Kay, alors que je contemplais dès lors le fossé qui nous séparait et que j’avais moi-même creusé.

- Laisse, c’est rien ! T’es vraiment trop con, ajouta-t-il en se tournant vers moi, avec un regard qui me fit froid dans le dos. Et puis même si c’était le cas, je ne te dois rien ! Nous ne sommes pas mariés, ça ne te regarde pas ce que je fais de mon cul !

J’accusais le coup sans broncher, je l’avais bien mérité après tout. La jalousie me rongeait de l’intérieur plus que je ne me l’étais imaginé. Je n’étais pas uniquement jaloux de leurs sentiments partagés, j’étais jaloux qu’il me donne cette impression de souffrir moins que moi, et qu’il est retrouvé l’homme qu’il avait aimé par le passé. Et moi qui restais toujours accroché à mon amant décédé, laissant fuir Gabriel.

Je restais planté dans le salon alors que Kay me lançait un regard dédaigneux. Alors qu’il allait m’adresser la parole, je lui tournais le dos et allais m’enfermer dans la chambre, suivit de près par Shanenja qui se coucha au pied du lit. Broyant du noir, je restais debout, ne parvenant pas à me calmer. Qu’avais-je fait ? Qu’étions-nous en train de devenir ? Les réponses me prenaient à la gorge de manière douloureuse. Ce fut un couinement du jeune chiot qui me fit revenir sur terre. M’asseyant sur le sol à ses côtés, Shanenja vint s’allonger sur mes jambes, tandis que les premières larmes se mettaient à couler.

Malheureusement, les murs n’étaient pas assez épais pour me cacher la conversation de Gabriel et de Kay lorsque celui-ci sortit de la salle de bain.

- J’ai tellement honte Kay… Je… Même les coups de ceinture étaient moins humiliants que cette gifle qu’il m’a donnée…

J’étais au pied du mur, j’avais l’impression d’avoir fait quelque chose d’irréparable, les rapprochant encore un peu plus et m’excluant d’une possible vie à deux avec Gabriel. Me bouchant les oreilles, je fuis le reste de la conversation, priant pour qu’ils se taisent le plus vite possible. Mais je ne pouvais me couper à la détresse de Gabriel qui était si vive qu’une migraine ne tarda pas à s’y ajouter.

Ce ne fut qu’après un long moment que je compris que Gabriel s’était endormi et qu’il ne me rejoindrait pas. Ne pouvant me résoudre à sortir, j’allais m’étendre dans le lit, emprunt d’une douloureuse tristesse.

Je ne fermais l’œil que quelques heures cette nuit-là, la culpabilité et la douleur me tiraillant sans me laisser de répit.

Le lendemain matin, je me levais avec l’impression qu’un tank était passé sur mon corps. L’esprit dans le même état, il me fallut faire preuve d’énormément de courage pour oser sortir de la chambre, habillé de propre. Gabriel dormait sur le canapé avec Kay, et je détournais les yeux de cette vision qui se révélait surement être leur avenir. Surmontant la boule qui se formait dans ma gorge, j’allais dans la cuisine pour préparer à chacun un petit déjeuner. Kay ne tarda pas à me rejoindre, me renvoyant toujours ce regard maintenant presque haineux que je ne pus soutenir. Pas un mot ne fut échangé tandis que je nourrissais Shanenja. Lorsque le café fut prêt, ce fut au tour de Gabriel de nous rejoindre. Le silence était de plus en plus oppressants, sans compter les regards évités et ceux qu’ils ressentaient tous deux à mon égard : du mépris et de la rancœur.

Une fois le petit déjeuner terminé, nous nous préparâmes pour nous rendre au ranch. La journée et la semaine se déroulèrent ainsi, dans un silence monastique alors que notre relation se dégradait de jour en jour. Pas un instant je ne pus me retrouver seul avec Gabriel qui fuyait une confrontation. Pas un seul moment, je ne pus m’expliquer ou tout simplement m’excuser, me refermant chaque jour un peu plus.

Nous étions maintenant mercredi soir et Dorian était venu me prévenir que le directeur voulait s’entretenir avec moi. Intrigué, je choisis de finir ma tache avant d’aller à son bureau. Lorsque j’arrivais la porte était ouverte, et en tournant le dos, je pus voir la voiture de Kay partir en direction de notre studio.

- Te voilà Juha, dit Philippe dans mon dos, d’une voix qui me fit sursauter.

- Je… Oui…Répondis-je en lui faisant face. Vous vouliez me voir ?

- Viens dans mon bureau. J’ai quelques papiers à te faire signer et deux trois choses plus personnelles dont j’aimerais que nous parlions.

Docile, je le suivis, prenant place en face lui. Il commença par me faire signer quelques papiers concernant la prison et ma réinsertion dans la vie professionnelle. Mon contrat fut lui aussi remis à jour, me prenant définitivement comme palefrenier, satisfait de mon travail. Une fois que tout le côté administratif fut terminé, Philippe s’enfonça dans son fauteuil voulant maintenant abordé les choses « personnelles ». 

- Qu’est ce qu’il se passe entre vous deux en ce moment Juha ? Me demanda-t-il de façon très directe.

- Il n’y a pas besoin d’être devin pour voir que nous sommes en froid en ce moment, répliquais-je.

- C’est à cause de la présence de Kay ? Ajouta-t-il.

- Pas vraiment, tentais-je d’élucider, disons que sa présence n’améliore pas la situation, dis-je en détournant le regard.

- Juha, tu sais très bien que c’est son ami d’enfance, c’est normal que tu sois jaloux. Mais mets-toi sa place, il le croyait mort.

Alors que j’allais répondre, Philippe ajouta :

- Attention, ce n’est pas pour autant que je donne raison à Gabriel, je ne suis du côté ni de l’un, ni de l’autre. Mais je ne supporte pas de vous voir ainsi. Tu es quelqu’un de bien Juha, et c’est tout à fait normal que tu sois jaloux. Laisse-lui un peu de temps… Mais bon Dieu, réagissez avant qu’il ne soit trop tard, vous êtes en train de vous détruire.

Philippe soupira avant de se lever et de déclarer, marquant la fin de la conversation :

- Bon, rentrons Juha, je te ramène.

- Vous n’êtes pas obliger…

- J’y tiens, je t’ai fait rester plus tard.

C’est ainsi que nous montâmes dans la voiture et qu’il me ramena, me donnant encore quelques conseils, et me priant d’arranger la situation au plus vite lorsqu’il me déposa devant chez moi. N’ayant pas la moindre envie de retourner chez moi pour retrouver cette ambiance lourde qui régnait depuis une bonne semaine, ayant un seul but en tête, me retrouver seul à seul avec Gabriel ne serais-ce qu’une petite heure pour enfin pouvoir parler.

Shanenja venu avec nous alla comme à son habitude se lover avec un jouet sur sa petite couverture, tandis que j’allais dans le salon. La lumière était allumée, mais il n’y avait personne. C’est alors que j’entendis une discussion étouffée dans la salle de bain. Curieux, j’allais y jeter un œil et la vision qui s’offrit à moi me glaça d’effroi. Kay était agenouillé aux pieds de Gabriel, qui, le pantalon légèrement baissé, le laissait toucher sans rien faire. Le soupire de bien-être que Gabriel lâcha fut de trop, et d’une voix froide, je laissais échapper :

- On s’amuse bien à s’que j’vois !

Gabriel ouvrit les yeux, s’apercevant de ma présence dans l’encadrement de la porte. Je ne savais plus que penser, incapable de cacher ma fureur d’avoir vu de mes propres yeux ce que j’avais toujours craint. Etant incapable de soutenir cette vision, Gabriel le torse nu, le pantalon à moitié déboutonné comme offert à Kay, je fis demi-tour, me retenant pour ne pas casser la première chose qui me tombait sous la main. Gabriel se précipita à ma suite, m’attrapant par le bras alors que je traversais le salon. Me forçant à me retourner, il m’adressa un regard meurtrier. Sans comprendre sa colère, je restais figé, sans pouvoir faire un seul geste.

Rageusement, il s’exclama :

- Non mais tu m’fais quoi là ? Ta pseudo crise de jalousie tu peux te la foutre au cul, Juha !

Priant pour que je me sois trompé, mais ne voyant pas ce qui pourrait expliquer une telle pose, je scrutais attentivement son torse à la recherche d’une quelconque trace de suçon ou de trahison de sa part. Était-ce seulement la première fois ? Je ne trouvais rien, descendant mon regard plus bas. Lorsque mes yeux se posèrent sur son bas ventre, je sursautais violemment alors que je vis un tatouage assez récent en train de cicatriser.

Rassuré, ma colère ne me quitta pas pour autant. Ma réaction avait été absurde, mais j’avais cru voir se dérouler devant mes yeux ce que je craignais le plus. Est-ce que tout cela n’était finalement pas qu’une question de temps ? Comment cela aurait-il progressé si je n’étais pas arrivé ? La distance imposée entre nous me semblait éternelle. Depuis combien de temps ne nous étions pas pris dans les bras. Je n’étais même pas au courant de ce nouveau tatouage à la différence de Kay. Je n’en pouvais plus de ressentir son mépris à mon égard et sa jalousie faisant échos à la mienne. J’étouffais, et n’osais même plus toucher Gabriel par peur d’y découvrir un amour plus fort pour son ami d’enfance. Celui-ci enfonça le couteau dans la plaie, en colère mais satisfait :

- Je ne suis pas une pute, Juha. Je ne déclare pas mon amour à un homme pour aller voir ailleurs à la première dispute entre nous ! Si tu n’as pas confiance en moi, c’est qu’on n’a rien à faire ensemble.

Sur ces mots, il me tourna le dos et retourna dans la salle de bain. Ne pouvant en supporter d’avantage, je pris la direction de la sortie, claquant violemment la porte, en colère contre notre relation qui semblait ne plus pouvoir se raccrocher à quoi que ce soit. Alors que j’arrivais dehors, je fus saisi par le froid, étant sortit sans manteau. Je décidais de marcher, allant droit devant moi sans choisir ma direction. Les larmes ruisselaient de nouveau, sans pouvoir les retenir, je trébuchais et manquaient de tomber, mais cela n’arrêta pas ma course. Une voiture s’arrêta soudain à ma hauteur. La vitre se baissa et je vis Dorian les traits tirés pas l’inquiétude.

- Juha ? Mais qu’est ce que tu fais dehors à cette heure là ? Sans une veste en plus ?

- J’avais besoin de prendre l’air, répondis-je en essuyant mes larmes d’un geste bref.

Les traits tirés, je sentis soudain une grande fatigue et une grande lassitude concernant le chemin que prenait ma vie. Étais-je uniquement fait pour vivre seul ?

- Attends-moi ici, je vais me garer. Tu vas boire truc chaud chez moi, tu ne peux pas rester dehors avec si peu sur le dos.

Je restais là, sans bouger tandis qu’il avançait pour trouver une place pas très loin d’ici. Je savais très bien de quel mauvais œil Gabriel verrait ce que j’étais en train de faire, mais j’avais besoin de quelqu’un sur qui me reposer un peu ce soir. Gabriel avait toujours eu Kay avec lui, contrairement à moi qui n’avait personne. Je n’enviais cependant pas sa place non plus.

Dorian me rejoignis au pas de course. Une fois arrivé à ma hauteur, il me jeta son manteau sur le dos avant de m’attirer jusque chez lui. Posant ses affaires une fois chez lui, il m’invita à prendre place dans le salon, tandis qu’il allait faire chauffer l’eau pour un thé. De légères rougeurs vinrent tinter mes joues en repensant à ce que nous avions fait tous les deux ici, mais ce souvenir fut bien vite inondé par mon accablement et mon désespoir.

Il rangea quelques affaires dans la cuisine et revint avec une tasse de thé fumante. S’asseyant près de moi, il me dévisagea quelques secondes lorsqu’il croisa mon regard : mon mal-être se voyait-il à ce point sur mon visage ?

- Ca ne s’est toujours pas arrangé ? Me demanda-t-il le regard peiné.

Portant la tasse à mes lèvres, j’avalais avec difficulté une maigre gorgée de thé brûlante.

- Je suis fatigué Dorian… Fatigué de cette jalousie qui me rend un peu plus fou chaque jour. J’ai… J’ai l’impression de ne plus avoir ma place près de lui. On ne se parle plus, on ne s’approche plus à part pour nous disputer. On étouffe depuis plus d’une semaine et je ne peux plus voir en peinture ce Kay. Gabriel m’évite, et je ne peux jamais avoir un moment seul à seul avec lui. Kay est toujours à ses côtés.

Je fis une pause, avalant une deuxième gorgée semblable à la première avant de poursuivre :

- Le pire Dorian, c’est que si j’avais maintenant l’occasion de lui parler, je ne saurais même pas quoi lui dire… Au fur et à mesure du temps, les raisons qui le pousseraient à aller vers Kay au lieu d’aller vers moi se multiplient. Seulement, je ne peux pas me résigner à baisser les bras. Je… je tiens trop à lui…

Je finis par craquer littéralement, m’effondrant en larmes après avoir dit :

- Je sais pourtant que ce serait la meilleure des choses à faire pour lui, je n’ai fait que l’enfoncer avec moi.

Dorian ne résista pas et me pris dans ses bras, tandis que je posais ma tête sur son épaule pleurant silencieusement, le corps secoué de léger spasmes. D’une petite voix, il me demanda alors :

-Tu l’aimes… ?

Restant contre lui, manquant cruellement d’un peu de chaleur, je mis beaucoup de temps avant de répondre entre deux sanglots minable :

- Je ne sais pas…

Dorian soupira avant de répondre, d’une voix sérieuse :

- J’ai franchement du mal à croire que ce n’est pas le cas Juha. Tu as décidément beaucoup de mal à faire confiance aux autres et à te faire confiance. Mais une chose et sûre, si vous ne faites rien, vous allez droit dans le mur. Vous vous détruisez l’un l’autre.

Me repoussant afin de me regarder droit dans les yeux, il ajouta le plus sérieusement du monde :

- Promets-moi que tu va faire quelque chose dans les jours qui viennent !

Me tenant par les deux épaules, il me serra de nouveau contre lui une fois que j’eus acquiescé faiblement. Je restais ainsi, contre lui un long moment, et il respecta mon besoin de silence et de soutient. Ce ne fut que lorsque que je sentis capable de me retenir de pleurer que je m’écartais de lui. Il était temps que je rentre et Dorian le comprit. Les deux tasses de thé étaient trop froides pour être bues et ce fut après une dernière étreinte et des remerciements que je le laissais dans le but de rentrer chez moi.

Tout était éteint, les deux hommes semblant dormir. N’ayant plus qu’à faire de même, remettant au lendemain ma résolution de parler, je me rendis silencieusement dans la chambre. Refermant délicatement la porte derrière moi, je me mis en pyjama sans faire de bruit. Gabriel semblait dormir. Mon regard se posa sur lui. Combien de temps pourrais-je encore tenir avec cette distance ? Combien de temps devrais-je encore tenir avant de pouvoir le prendre dans mes bras tout contre moi, et inspirer son odeur tout en profitant de sa présence qui m’était devenue nécessaire ? Question bien plus cruelle qui me saisit alors : combien de temps aurais-je encore pour avoir le privilège de le regarder dormir ?

Emprunt d’une grande lassitude et d’une douleur profonde, je finis par aller m’allonger à côté de lui, résistant à l’envie plus forte que jamais de le prendre dans mes bras, tout contre moi : une simple étreinte qui me faisais cruellement défaut à chaque seconde de plus passée loin de lui.

Je mis un temps infini à seulement réussir à fermer les yeux, mais le sommeil se refusa à moi cette nuit là. Je sentais Gabriel remuer dans tout les sens, et lorsqu’il se leva alors que la nuit était loin d’être fini, je ne sus ce qui me retint de prononcer son nom. Depuis combien de temps n’osais-je même plus lui adresser la parole, à simplement lui effleurer la main ? J’avais cette cruelle impression de m’être coupé de lui, ne parvenant même plus à saisir de ce qu’il ressentait vraiment. Peut-être étais-ce pour me protéger, par peur et crainte de ce que je pourrais y découvrir. N’étais-ce finalement pas moi qui m’étais coupé de Killian ?

Une boule dans la gorge me saisit, la culpabilité de son assassinat me prenait en traitre à un moment de faiblesse. Si je perdais Gabriel, j’aurais définitivement tout perdu. Il m’avait beaucoup plus aidé que ce dont j’avais désiré faire pour lui. En fixant le lit vide à côté de moi, la simple idée que Gabriel n’occuperait plus cette place m’était insoutenable. Me redressant, je tirais légèrement le rideau pour regarder la nuit étoilée. Perdu dans ma contemplation, je ne cessais de réfléchir à la situation, tentant d’y trouver une issue. Il fallait à tout prix que je trouve l’occasion de lui parler dans la journée. Comme le disait Dorian et Philippe, nous ne pouvions continuer très longtemps comme cela. 

Gabriel n’était toujours pas rentré lorsque je sortais de la chambre, me décidant à me lever bien déterminé à entamer cette discussion. Allant me préparer un petit déjeuner sans oublier Shanenja, Kay ne tarda pas à me rejoindre, sans un mot, toujours avec ce regard méprisant et dédaigneux. Je ne savais même plus comment je pouvais supporter sa présence, et ce matin là je ne pus que l’ignorer, m’abstenant tout comme lui des salutations matinales de politesses.

Ce fut non sans un certain soulagement que j’entendis Gabriel rentrer, et celui ne tarda pas à arriver dans la cuisine. Il ne s’aperçut pas de ma présence, saluant simplement Kay avant de se préparer une tasse de chocolat chaud. Il semblait si faible moralement, que je me demandais comment il trouvait encore la volonté de tenir sur ces deux jambes. Frigorifié, je savais que cela était loin d’être uniquement du au temps extérieur. Mon envie de faire un premier geste me prit à la gorge, mais alors que j’allais me lever, Kay demanda :

- Où tu étais ?

- Je suis allé prendre l’air, répondit-il. Je… J’avais besoin de réfléchir… J’en peux plus, j’ai l’impression d’étouffer ici…

Se retournant après avoir mis sa tasse au micro-onde, il sursauta en s’apercevant enfin de ma présence. Fuyant automatiquement mon regard, je fis de même, définitivement coupé dans mon élan.

Lorsqu’il revint à table avec de quoi déjeuner, ses mains bleues ne l’aidèrent pas à faire ses tartines. Nous déjeunâmes en silence, mangeant plus par automatisme que par appétit. Finissant ensuite de nous préparer, nous sortîmes, Gabriel suivit de près par Shanenja, trop heureux qu’il lui prête un peu d’attention. Gabriel s’assit devant avec Shanenja à ses pieds, Kay conduisant, tandis que je montais à l’arrière.

Une fois arrivé, je sortis de la voiture, laissant Kay et Gabriel passer leur journée ensemble, et partant de mon côté. J’avais toute la journée pour trouver un moment à discuter seul à seul avec lui, mais je ne comptais pas le faire ce matin.

Je n’eus même pas besoin de rentrer dans l’écurie pour comprendre que quelque chose n’allait pas, et ce pressentiment s’accentua lorsque je vis tous les regards posés sur moi alors que j’allais chercher mon matériel dans la sellerie. Peur, moquerie, écœurement, dégout, dédain : c’était ce que tous ressentais pour moi. C’était tellement puissant que je dus sortir m’adosser quelques minutes contre le mur de la sellerie, pièce heureusement déserte.

Prenant sur moi, j’inspirais un bon coup, tentant de me dire que cela était plus du à la fatigue qu’autre chose, me rendant malgré moi plus sensible, comme je l’avais vécu dans ma jeunesse. Renforçant comme je le pouvais mes barrières mentales, je m’éloignais du mur et allait prendre ce dont j’avais besoin pour travailler.

Hésitant, je sortis de la sellerie pour me diriger dans le box le plus proche qui était heureusement un de ceux que j’avais à faire ce matin. Cela n’empêcha cependant pas de me faire envahir de nouveau par tous leur ressentis et il était indéniable qu’ils le vivaient par rapport à moi. J’avais beau réfléchir, je ne trouvais pas de raison à tous leurs regards et à leur haine mêlée de peur à mon égard. Fébrile, je saisis la fourche en tentant de les ignorer, me fermant comme une huitre, sans cesse tiraillé.

Jamais je ne mis autant de temps à remplir une simple brouette, et je remerciais l’habitant de ce box pour son calme. Posé, l’animal ne bronchait pas, les yeux à demi-clos, trop vieux pour se soucier des humains et de leurs problèmes. Je devais maintenant aller vider la brouette à l’extérieur, ce qui impliquait de repasser devant eux. Ce fut donc ce que je dus faire, à contrecœur et angoissé. Sortant du box, en prenant soin de bien refermer la porte derrière moi bien que le cheval ne semblait avoir aucune envie de sortir, je redressais la tête vers le couloir qui m’apparaissait interminable. Je sursautais presque en m’apercevant que tous ceux présents ici me fixaient avec un air malsain. Déglutissant, je fis un premier pas et à cet instant seulement que j’entendis un mot chuchoté brièvement : « prison ». Perdant pied, mes murailles s’effondrèrent, et leurs émotions me parurent soudain plus violentes et brutales.

Dévasté, je laissais la brouette avant de marcher d’un pas rapide vers la sortie la plus proche. La tête basse, je devais me faire violence pour ne pas me mettre à courir, et c’est pourtant ce que je fis une fois sorti de leur champ de vision. Me précipitant vers la vielle carrière, j’allais encore plus loin et du m’arrêter chancelant les premiers arbres de la forêt passée.

M’appuyant à un arbre, je ne pus retenir le haut le coeur qui me saisit et me penchant brusquement en avant je rendis le peu que j’avais avalé à mon petit déjeuner, le corps parcourut de violents spasmes de rejet : rejet éprouvé par les autres qui connaissaient maintenant mon passé. C’était une chose que deux personnes le sache ici, s’en était une autre qu’une découverte brutale par tout ceux qui venaient ici, les seules personnes qui faisait partit de mon monde, de ma nouvelle vie…

Alors que je me forçais à oublier mon passé et aller de l’avant, celui-ci revenait me heurter de plein fouet, ravivant ma culpabilité et ma plus grande honte. Qui aurait pu me faire cela, à part le seul qui m’en voulait de ne pas oublier Killian. Une colère irraisonnée coula brusquement dans mes veines, m’aveuglant et m’offrant de nouvelles forces.

Me redressant vivement, j’allais vers l’homme qui m’avait trahi. N’était-ce pas finalement une forme de punition méritée selon lui. Furieux, je pris le chemin de la carrière où je savais qu’il donnait un cours à l’heure actuelle. Les tremblements qui jusqu’alors me parcouraient violemment furent non plus guidés par ma peur, mais par ma colère contre Gabriel. Sans réfléchir une seule seconde et méditer sur la possible vérité de cette idée, j’arrivais bientôt près de lui. Il était en train de parler avec Kay, ce qui redoubla ma colère, m’empêchant de maîtriser cette jalousie. Tel un animal blessé livrant son dernier combat, je puisais dans mes dernières forces et m’exclamais une fois arrivé à sa hauteur :

- Tu étais le seul à savoir… Comment as tu pu me trahir ainsi, Gabriel ?

Gabriel resta sans réaction, et je n’eus pas besoin de m’approcher plus de lui pour comprendre mon erreur. Ce n’était pas lui, il venait d’apprendre la nouvelle en même temps que moi. Incapable de m’excuser, encore sous l’effet de la haine, je préférais m’éloigner d’eux sans un regard. Comment avais-je pu croire un seul instant que c’était lui. Maintenant c’était certain, je ne le méritais pas, je venais de briser la dernière chose qui nous liait encore, je venais de perdre Gabriel…

Cette révélation manqua de me faire chuter, mais je sentis une main se poser sur mon épaule. Me retournant violemment, je m’exclamais la défensive en rompant ce contact qui me vidait de mes dernière forces :

- Ne me touche pas !

Kay me regardait droit dans les yeux, l’air mauvais. Ce qui était le plus douloureux, c’est que j’abandonnais Gabriel à cet homme que je n’avais jamais appris à ne serait-ce qu’apprécier.

- Je savais que quelque chose n’était pas normal chez toi. Tu es différent des autres, et la prison l’explique ! Et ce que tu viens de faire subir à Gabriel, je ne peux pas le laisser passer !

Mon silence et mon absence de réponse, le rendis fou de colère et il ajouta :

- Tu crois que tu ne l’as pas assez fait souffrir pour en plus l’accuser d’une chose qu’il n’a pas faite ? Si tu connaissais un peu plus Gabriel tu n’ignorerais pas que trahir un secret c’est quelque chose qu’il est incapable de faire.

J’attendais qu’il finisse sans broncher, n’ayant tout de façon pas la force ni le courage de répliquer quoi ce soit, le laissant enfoncer le couteau dans la plaie comme je le méritais.

- Si tu n’as pas confiance en lui, comment peux-tu espérer garder son amour ? Tu ne le mérites pas !!

Nous allions y arriver, il allait enfin me dire ce qu’il avait sur le cœur depuis la première fois que nous avions échangé un regard :

- Ne joue pas au con Juha, parce que quand Gabriel décidera de te quitter, moi je serais là pour lui et n’oublie pas qu’on a beaucoup de choses en commun ! Déclama-t-il en insistant sur le « beaucoup » de manière volontaire. Je sais qu’il éprouve des sentiments à mon égard…

C’était maintenant clair, il sous-entendait qu’il pouvait avoir Gabriel quand il le voulait, et qu’il ne me laissait que par soi-disant clémence. Je n’aimais pas la manière dont il parlait de Gabriel, comme un simple objet qu’il consentait à me laisser en attendant que je le casse pour venir le réparer et me le reprendre. Je n’hésitais pas à lui en faire par, ce qui le fit craquer. Il éleva sa main sur moi : grossière erreur. L’attrapant au vol, changeant du tout au tout, je retrouvais le masque d’autorité et de puissance que j’avais acquis pendant ces dix dernières années et déclarais d’une voix glaciale :

- J’ai fait dix ans de prison Kay, ne crois pas que je ne sais pas me défendre. Il vaudrait mieux pour toi ne pas entamer de bagarre.

Kay me lança un dernier regard avant de me tourner le dos et de rejoindre son cher Gabriel. Savait-il seulement que j’étais en train de baisser les bras, et qu’il était maintenant bien plus proche de lui que je ne l’étais ? Je l’avais perdu, et Kay était bien plus proche de la vérité que ce qu’il ne pensait. Pourrais-je seulement supporter de voir Gabriel dans ses bras ? La réponse négative me serre douloureusement le cœur. Si Gabriel n’était plus avec moi, je n’avais plus rien qui me retenait ici. Je le savais depuis mon arrivée ici, je ne sortirais pas indemne de cette relation avec Gabriel. J’espérais l’avoir aider un peu à surmonter la souffrance passée, et ce serait avec Kay qu’il pourrait réellement se reconstruire. J’étais trop instable et nocif pour celui qui s’approchait trop près de moi. Cela avait coûté la vie de Killian et jamais je ne permettrais que cela arrive à Gabriel.

Redressant la tête, je n’avais pas remarqué que j’avais avancé. Près de la vielle carrière, je m’assis sur le tronc d’arbre posé sur le bord, sans me rendre compte de la présence de Dorian qui approchait de moi à grand pas.

Je ne m’aperçus de sa présence que lorsqu’il s’assit à côté de moi. Il gardait une certaine distance qu’il n’avait jamais instaurée entre nous. Ses sentiments étaient confus, et tout comme lui, je ne parvenais pas bien à les discerner. A vrai dire, je ne cherchais pas à le faire.

Ce fut seulement après un soupire qu’il se mit à parler :

- Je pense que tu es au courant de la nouvelle de ce matin à ton sujet…

Il fit une pause, cherchant apparemment ses mots avant de reprendre :

- J’aurais préféré l’apprendre de ta bouche que de celle des autres…

Je lui lançais un simple regard. J’étais fatigué, en deuil de cette vie qui n’avait finalement été que le mirage d’un possible bonheur. Mon visage cerné trahissait ma douleur, et Dorian semblait plus peiné que je ne l’aurais imaginé à mon égard.

- Est-ce que Gabriel était au courant ? Se risqua-t-il à me demander.

- Oui, il savait…

- Je… J’ai croisé Gabriel, il était avec Kay… Il pleurait. Est ce que je peux connaître la rai…

- C’est de ma faute, le coupais-je. Je l’ai accusé à tord.

Un silence s’instaura entre nous, mais ce n’était heureusement pas un silence lourd et pesant. Dorian respectait à sa façon mon besoin de solitude, bien qu’il reste à mes côtés. Il ne me jugeait pas comme tous les autres. Cela cachait bien évidemment une raison plus profonde, mais je m’en moquais pour le moment. A vrai dire, j’étais finalement légèrement soulagé qu’il soit une fois de plus à mes côtés lorsque j’en avais besoin. Dorian aussi me manquerait lorsque je partirais d’ici, mais pas autant que Gabriel. A cette pensée, ma poitrine se comprima si fort que j’eus du mal à respirer.

Dorian s’en apercevant m’appela par mon prénom avant de poser sa main sur moi, hésitant, ne sachant plus trop comment se comporter. Ce contact, je ne le supportais pas, m’écartant de lui le moins brusquement possible, je m’excusais et mon regard suffit à lui faire comprendre. Je n’avais pas besoin qu’il me touche pour savoir qu’il me craignait et ne savait plus trop comment faire avec moi. Je sortais de prison après tout… Évitant son regard peiné, je décidais de me confier un peu, voulant à tout pris alléger en surface le poids qui m’opprimait. Et Dorian m’y aida en me demandant :

- Ca va aller… Laisse-leur le temps de se faire à l’idée que tu sors de prison. Rassure-moi, tu ne vas pas partir d’ici parce qu’ils savent tous ? 

- Qui vous a mis au courant ? Demandais-je en évitant sa question.

- Je ne sais pas… Quand je suis arrivé ce matin, la nouvelle circulait déjà entre eux… Qu’est ce que tu vas faire Juha ? Insista Dorian.

- Je n’en peux plus…Je suis en train de le détruire. Je fais tous de travers… Je… Je crois que je l’ai définitivement perdu. Kay est mieux pour lui. Mais je ne pourrais supporter de les voir ensemble.

- Alors tu baisses tout simplement les bras ?

- Oui, répondis-je catégorique. Pour le bien de Gabriel, c’est ce que j’aurais du faire depuis le début. C’est fini de toute façon, ce n’est plus qu’une question de temps…

- Je ne te savais pas si lâche Juha ! Qui te dis qu’il sera plus heureux avec Kay ?!!

- Kay l’aime et ne traine pas un meurtre derrière lui, dis-je en me redressant. Leur relation sera plus saine !

- Le coup du sacrifice ne marchera pas avec moi Juha. Enfin tu l’aimes ça crève les yeux !

Perdu, je ne répondis pas tout de suite, je ne savais plus que penser. Qu’en savait-il ? Je tenais énormément à Gabriel, mais j’avais peur. Peur de tout perdre et surtout de le perdre. Peur d’accorder une confiance irraisonnée en quelqu’un, comme je l’avais fait avec Killian qui avait fini par me trahir en m’imposant de le tuer. Car finalement c’était sur cela que reposait pour moi une relation amoureuse : la confiance en l’autre. Je n’avais déjà pas confiance en moi…

- Je ne sais pas, dis-je dans un souffle.

Dorian n’en supporta pas plu. Se levant, il se planta devant moi et me dit, le ton légèrement plus haut qu’à son habitude :

- C’est sur que c’est tellement plus simple que de chercher la réponse au fond de toi ! Tu l’aimes, et il n’y a pas que moi qui le pense. Quand vas-tu te l’avouer ! Ça ne se commande pas Juha, crois-moi…

Un silence s’instaura une fois de plus entre nous, jusqu’à ce que Dorian me dise :

- Tu devrais aller manger un peu Juha, tu es pâle à faire peur. Allez viens…

Docile, je le suivis, bien que l’idée de retrouver tout le monde réunis dans cet espace clos ne m’enchantait guère.

Je marchais quelques pas derrière lui, remarquant qu’effectivement, il valait mieux que j’avale quelque chose si je ne voulais pas tomber dans les pommes. Le fait que Dorian m’accompagne me rassurait un peu, mais ce ne fut malheureusement pas le cas. Un collège l’appela à l’aide et il me dit de partir devant et qu’il me rejoindrait après. N’ayant pas d’autre choix que d’y aller, je me rendis donc au réfectoire. Celui-ci était plein, et autant dire que tous les regards furent rivés sur moi lorsque j’attrapais un plateau. Déglutissant, et me coupant d’eux, je commençais à me servir raisonnablement en nourriture, seulement ce que je me sentais capable d’avaler.

C’est alors que je me sentis poussé de manière brusque. Ce n’était autre que Marion qui trouvait que je n’allais pas assez vite.

Ce simple contact la trahis. C’était elle qui était à la source de cette révélation. D’où elle tirait ses informations ? Je n’en avais pas la moindre idée. Elle me lança un regard narquois alors que je lui tournais le dos et finissais de me servir. Je réglerais mes comptes avec elle plus tard.

Choisissant la table la plus éloignée et la plus calme possible, j’allais m’installer seul, soupirant face à la lourdeur de la tension qui régnait dans cette pièce. Les regards furtifs et les messes basses commentant chacun de mes faits et gestes étaient déjà difficiles à supporter, mais ce n’était rien à côté de ce qu’ils ressentaient à mon égard.

Gabriel et Kay n’étaient pas encore là. Baissant les yeux et m’enfermant dans ma bulle pour être capable d’avaler ne serait-ce qu’une bouchée, je ne les vis pas arriver. Ce fut seulement au moment où tout le monde se tut que je redressais la tête, voyant Marion s’approcher de Gabriel, un sourire malsain dépeint sur le visage, Kay étant un peu plus loin.

- Alors Gabriel, ça t’excite les taulards ?

Gabriel sursauta violemment, tout autant surpris que moi par ses propos et sa question. Déjà blême, il devint livide. Satisfaite d’elle et de la réaction de Gabriel, elle se tourna vers l’assemblée et s’exclama :

- Faits une ovation au nouveau couple de l’année.

Un brouhaha inintelligible se fit entendre, tandis que je serrais les poings sous la colère. C’était une chose qu’elle s’en prenne à moi et à ma vie privée, s’en était une autre qu’elle s’en prenne à Gabriel. Lorsque le silence revint, Marion reporta son attention sur Gabriel et reprit :

- Quelle tragique histoire que celle du misérable petit orphelin entiché d’un assassin qui ne veut pas de lui… Et oui je sais tout de toi… Quel effet ça fait de se faire baiser et jeter par la suite ? Regarde dans quel état lamentable tu es… Mon pauvre garçon, tu es pitoyable, tu ne vaux vraiment rien… Tu ne t’es jamais demandé pourquoi ton père et ta mère n’ont jamais voulu de toi…

Ce fut plus que je ne pouvais en supporter. Les larmes de Gabriel inondaient ses joues, et Kay le regardait trop ahurie pour faire quoi que ce soit. Me levant, je me précipitais sur Gabriel qui vacillait. Je l’attrapais au dernier moment, juste avant qu’il ne tombe dans l’inconscience. M’assurant qu’il était bien tout contre moi protégé, ignorant pour l’instant le bien que cela faisait de l’avoir de nouveau dans mes bras, je fis face à Marion, la toisant de toute ma hauteur.

Malheureusement pour elle, elle était allé trop loin. J’aurais pu supporter bien plus à mon égard, mais la colère qu’elle avait déclenché chez moi en s’en prenant à Gabriel en faisait frémir plus d’un dans la salle.

 D’une voix glaciale, rentrant parfaitement dans la peau du personnage que tout le monde semblait s’imaginer : le dangereux criminel, je déclarais en la regardant droit dans les yeux :

- Que tu t’en prennes à moi c’est une chose Marion, mais Gabriel n’a rien à voir là dedans.

- Oh comme c’est touchant ! S’exclama-t-elle en se moquant ouvertement de moi. C’est pour ça qu’il t’a choisit ? Pour que tu le protège comme il savait que tu ne reculais même pas devant le meurtre ? Non mais regarde le, endormi dans tes bras, si beau… On pourrait croire à un ange. Mais toi ! Tu t’es regardé, tu ne fais que le salir rien qu’en l’ayant trainé dans ton lit.

- Dis-moi Marion, répliquais-je, tu aurais un problème avec l’homosexualité ?

- Non ! S’emporta-t-elle. Mais avec les meurtriers oui ! Qu’est-ce que tu croyais ? Nous le cacher éternellement ! Il est important que tout le monde sache, dit-elle en se tournant vers les autres. J’estime que nous devons être au courant du risque que nous courrons à te côtoyer.

- Tu t’imagines les risques que tu prends à me provoquer ainsi ?

- Je n’ai fait que dévoiler la vérité ! Se défendit-elle en faisant un pas en arrière.

- Et t’en prendre à Gabriel ! Il n’a rien à voir là dedans. Pourquoi est-ce que tu t’acharnes ainsi sur lui ? Par jalousie ? Tu n’as pas su le garder… C’est plausible !

- Mais je n’en ai rien à foutre de lui, au contraire, au moins je n’ai plus à le supporter. Un gamin pleurnicheur arrogant et bourré de défaut.

Marion avait vraiment beaucoup de chance que Gabriel soit dans mes bras. Il m’empêchait de déverser réellement ma colère sur elle physiquement.

- Dis-moi Juha, dit-elle en reprenant de l’assurance, est-ce qu’au moins tu as pris ton pied avec lui ? J’espère pour toi qu’il est plus doué avec les hommes… Remarque, se faire baiser, ça doit être plus facile pour lui. Honnêtement, de toi à moi, qu’est-ce que tu lui trouve pour avoir ne serait-ce que l’envie de te le faire ?

- Tu te rends compte à quel point tu es pathétique ! Attaquer aussi bassement, devant tout le monde. Gabriel vaut mille fois mieux que vous tous réunis dans cette salle. Dis-je en les toisant sévèrement. S’il n’était pas là, rien ne m’aurait poussé à rester parmi vous. Vous êtes tous à le jalouser alors que vous n’avez pas vécu ni fait la moitié de ce qu’il a enduré pour parvenir jusqu’ici. Vous devriez le respecter au lieu de le dénigrer. Et n’allez pas en plus lui rajouter mes problèmes sur le dos.

Prenant une courte pause, je toisais Marion de toute ma hauteur et mon mépris, sans cacher la rage qui faisait vibrer mon âme :

- Ta vie ne doit pas vraiment être passionnante si tu prends autant de temps à pourrir celle des autres. Notre vie privée n’est pas une pièce de théâtre ! Ne t’avise plus jamais de t’en prendre à Gabriel… La menaçais-je. Ou je te promets que tu le regretteras.

- Tu crois vraiment que tu me fais peur ! Je…

Marion fut soudain arrêtée, la main de son père atterrissant violemment sur sa joue. Depuis combien de temps était-il ici ? Je n’en avais pas la moindre idée. Kay vint se placer à côté de moi, fixant Gabriel anxieux.

- Disparais de ma vue ! Je ne veux plus te voir jusqu’à nouvel ordre. Tu me fais honte Marion. Tu n’es qu’une salle petite garce égoïste et cruelle.             

L’attrapant d’une poigne ferme par le bras, il l’entraîna hors d’ici loin de nous. C’est à ce moment là seulement que je réalisais mon état. Fébrile, je tremblais encore sous la colère, presque trop faible pour maintenir Gabriel. Kay sembla s’en apercevoir car il le prit de mes bras, pour le porter tout contre lui, m’arrachant à ce que je savais être notre dernière étreinte.

- Je vais l’emmener dans sa chambre, m’expliqua-t-il, sans me laisser vraiment le temps de réagir.

Je ne dis rien, je ne fis rien, simple spectateur de la fin de notre couple. Gabriel, emporté par celui qu’il lui fallait. Je m’étais déjà mille fois imaginé cette scène, mais la vivre réellement était autre chose. Marion avait malheureusement dit vrai : j’étais dangereux, dangereux pour quiconque s’approchait trop de moi.

Cette fois-ci, je me serais au moins arrêté à temps. Tournant les yeux vers la salle qui me fixait encore, muette, je jetais un dernier regard avant de sortir. J’avais pris ma décision, dès que tout serait fini avec Gabriel, je partirais d’ici. Je ne survivrais pas à le voir dans les bras d’un autre, incertain de savoir comment ma vie serait sans lui. A cette question, je préférais ne même pas penser à la réponse. Comprendrait-il seulement un jour mon choix ? N’en avait-il tout simplement pas assez ? Tiraillé entre deux hommes, je l’aidais à faire le meilleur choix possible…

- Juha ? M’interpella Philippe alors que je sortais du bâtiment. Je suis vraiment désolé pour ce qui vient de se passer. Je… Je te donne ton après-midi, repose-toi et nous parlerons de tout cela demain.

Je ne répondis même pas, lui offrant simplement un léger acquiescement de la tête. Me détournant de lui, j’allais droit devant moi. J’avais tellement mal au cœur que pleurer me semblait impossible. Me répéter sans cesse que c’était la bonne décision me faisait pourtant tenir encore debout.

Sans trop m’en rendre compte, je me retrouvais assis sur le banc de la vielle carrière, regardant un poulain et sa mère se dégourdir les pattes dans la neige.

Inspirant profondément, je me sentais vide. La colère me quittait peu à peu. Je repensais à la chaleur de Gabriel collé tout contre moi, inconscient et au bien que cela m’avait fait. C’était en lui que j’avais puisé mes forces et pour lui que j’avais tenu tête à Marion. Fermant les yeux un court instant, je me perdis dans les souvenirs heureux que nous avions pu partager, me remémorant nos étreintes, notre première fois… Le souvenir de notre première rencontre m’aurait presque fait sourire si mon cœur n’était pas aussi meurtri.

Perdu dans toutes ses pensées pendant je ne sais combien de temps, je ne m’aperçus de la présence de Gabriel que lorsqu’il s’assit près de moi. Il gardait une distance respectueuse, étant bien loin du temps où l’on aurait pu se qualifier d’intimes. Il n’avait même pas besoin de commencer à parler, je savais et sentais pourquoi il était ici. Mon cœur tonnait dans ma poitrine, et je tentais laborieusement de me dire qu’il faisait le bon choix.

- Il est beau notre couple, tiens… Souffla-t-il avec amertume et une pointe de faux amusement dans la voix après un cours silence gêné.

Ne pouvant me retenir, je lâchais dans un murmure qui m’était plutôt adressé mais que Gabriel pris pour lui :

- Comment en est-on arrivés là ?

Choqué par ma question, il se tourna face à moi en s’exclamant :

- C’est à moi que tu demande ça ?!

Je ne répondis rien, un silence pesant et angoissant nous enveloppa. Une question finit par me brûler les lèvres, au souvenir de ce qui avait tout déclenché. Jamais je ne l’avais sondé à ce sujet, désirant au moins le savoir avant de définitivement le quitter pour le laisser se reconstruire avec un homme plus sain que moi.

- Pensais-tu réellement ce que tu as dit ?

Gabriel savait pertinemment ce à quoi je faisais allusion. S’il avait connu mon secret, il aurait trouvé ma question ridicule. Je n’avais qu’à le sonder, ouvrir les barrières que je m’imposais depuis qu’il m’avait prononcé ces deux mots… Mais je me refusais de savoir ce qu’il ressentait véritablement pour moi. Lui demander était finalement plus simple.

Gabriel me répondit avec cynisme sans même me regarder :

- Non, j’adore me taper la honte !!

Le silence se fit alors que Gabriel cherchait ses mots pour me dire que notre relation était terminée. Je savais que nous devions passer par là, et c’était tout aussi périlleux pour l’un et l’autre. Je n’étais pas fait pour lui…Ce fus après une attente interminable qu’il consentit enfin à se lancer.

- Ecoute Juha, je n’ai plus envie de me battre avec toi pour que tu daigne m’adresser la parole et que tu acceptes de me faire confiance. Je suis fatigué de tout cela… On a essayé, ça n’a pas marché, mais je ne regrette rien… Je t’aime Juha, c’est indéniable, cependant, tu n’es pas prêt à oublier Kilian et à passer à autre chose, et moi je ne peux pas attendre toute ma vie un amour que je ne recevrais jamais…

Gabriel se tut un instant. Si seulement il savait qu’il était le seul à occuper mes pensées…

Avait-il seulement conscience de la douleur que je partageais avec lui pour cette séparation. Je me retins de lui dire. Je n’en avais pas le droit, et je devais me tenir à mes résolutions.

- Moi qui croyais que… Continua-t-il après un court silence. Que tu t’intéressais à moi pour ce que j’étais et pas comme substitut de ton défunt amant… J’aurais du m’en douter que je n’étais qu’un passe temps pour toi, que tu n’envisagerais jamais rien avec moi parce que tu l’aimes toujours lui…

Je ne le contredis pas. Mieux valait qu’il croit cela, ce serait certainement plus facile pour lui de tourner la page sans regretter un possible avenir avec moi.

- Et tu sais ce qu’est le pire dans tout ça ? Demanda-t-il avec une pointe d’ironie désespérée et d’amertume dans la voix. C’est que j’ai repoussé Kay pour toi… J’ai renoncé à l’amour qu’il m’offrait pour tenter de construire quelque chose avec toi… Mais encore une fois, j’ai été trop con… Tout ça pour dire que je pense qu’il est préférable que je retourne vivre chez Philippe et qu’on reste simplement des amis, rien de plus… Enfin… si tu veux toujours de mon amitié…

J’aurais pu lui hurler comme me l’intimait mon cœur que tout cela était faux. Que sa simple amitié ne me suffirait jamais, qu’il comptait pour moi plus que tout. J’aurais pu le prendre dans mes bras, démentir ses propos, lui demander de me laisser du temps. Mais n’aurais-je pas été égoïste ? Serais-je seulement un jour capable de dire à nouveau « Je t’aime » ? Je devais lui rendre sa liberté, et rester dans la prison que je m’étais forgée et dont je ne parvenais pas à sortir. J’aurais pu me battre, ne pas accepter avec autant de résignation cette séparation. Je ne sus grâce à quelle force je restais immobile et silencieux.

Gabriel finit par se lever, et commença à partir, tandis que je redoublais d’effort pour lutter contre mon envie de l’attraper par le bras et de le retenir… Mais le retenir pour quoi ? Pour le détruire d’avantage ?

Gabriel s’arrêta au bout de quelques pas, et sans pour autant se retourner, il déclara :

- Je passerais ce soir chercher quelques affaires pour la semaine…

Sans attendre de réponse, il reprit sa route, s’éloignant définitivement de moi. S’il avait tourné la tête à ce moment là, il aurait vu alors mon visage inondé de larmes…

 Je ne fis rien pour les retenir, j’en aurais été de toute façon incapable. Je restais là, le regard dans le vide, pleurant silencieusement, passif quant à ma douleur, aveugle du monde extérieur.

- Je me doutais que tu serais là… Me dit Dorian, en s’asseyant près de moi. J’ai vu Gabriel…

Je ne lui lançais même pas un regard, ni la moindre attention, murmurant plus pour moi que pour lui, formalisant à voix haute ce qui venait de nous arriver :

- C’est fini…

Les larmes redoublèrent, tandis que la main de Dorian se posa sur mon épaule. Un regard vers lui, sa compassion, ce silence, la douleur poignante me firent craquer pour de bon. La main de Dorian serra plus fort mon épaule, alors qu’il prononçait mon nom avec une voix emprunte de tristesse, avant de me demander :

- Tu lui as parlé ? Dis ce que tu avais sur le coeur ?

Je fis « non » de la tête, et Dorian répliqua aussitôt :

- Mais enfin ? Pourquoi ? Tu m’as dit hier que tu tenterais de lui parler ! Qu’est-ce qui te prend Juha ?

- Si j’avais parlé, cela aurait été trop dur pour Gabriel. Je préfère qu’il m’en veuille… C’est la meilleure solution. Je ne suis pas fait pour lui, ce qui s’est passé avec Marion en est la preuve.

Dorian ne répondit rien, me fixant en attendant que je poursuive :

- Je savais que ça devait arriver Dorian, mais je ne m’attendais pas à ce que ça fasse aussi mal…

Dorian ne résista plus. En un rien de temps, je me retrouvais dans ses bras. Ma tête se posa naturellement sur son épaule, tandis que je pleurais une fois de plus dans ses bras, sans savoir si je parviendrais un jour à m’arrêter.

Dorian me murmura quelques mots de réconfort, mais j’y restais sourd, ne tentant même pas de les entendre. Jamais je ne saurais le remercier assez pour tout ce qu’il faisait pour moi, et pour le soutient qu’il m’avait apporté pendant ces deux semaines. Lui rendant son étreinte, je le serrais contre moi, redressant légèrement la tête. Je croisais le regard du directeur qui passa de la colère à de la peine à mon égard. Il ne vint pas vers nous, poursuivant son chemin vers le parking avant de disparaître de ma vue.

Je ne sus combien de temps je restais dans les bras de Dorian avant de le quitter ayant besoin d’être seul. Dorian me proposa de me ramener chez moi, mais je lui expliquais que je préférais marcher. Il me fit promettre de l’appeler ce soir si jamais j’en avais besoin. C’est ainsi que je rentrais seul, quittant ce centre peut-être pour la dernière fois. Shanenja me suivit, docile et peu joueur, et sans un regard en arrière je rentrais chez moi… Sans Gabriel et avec ce rejet collectif quand à mon passé, je n’avais plus ma place ici.

Assis sur le canapé face à l’entrée depuis que j’étais arrivé ici, je n’avais pas fait un seul geste, me replongeant dans tout mes souvenirs : ceux avec Killian, mais surtout ceux avec Gabriel. Immobile, j’étais maintenant plongé dans le noir, sans trop en avoir conscience. Gabriel n’allait pas tarder à venir chercher ses affaires, et je savais pertinemment que ce serait véritablement la dernière fois que nous nous verrions. M’en voudrait-il d’être partit ainsi ? Certainement énormément, mais j’espérais qu’avec le temps il comprendrait. Je préférais une rupture nette et franche, que de le voir chaque jour un peu plus proche de Kay jusqu’à la concrétisation de leur couple et de leur union. Je préférais me l’imaginer simplement que de le voir de mes propres yeux. De même plus pour Gabriel, mieux valait qu’il m’oublie vite pour se reconstruire avec Kay, que je reste ainsi sous ses yeux.

La porte s’ouvrit, Shanenja se ruant vers Gabriel pour l’accueillir comme il se devait. Allumant la lumière de l’entrée, sans se douter que je le regardais, il s’agenouilla auprès de l’animal avant de le caresser longuement, me laissant imprimer en mon esprit les dernières images de lui que je pourrais emporter.

Après quoi, il se redressa et alluma la lumière. Il ne cacha pas sa surprise de me voir seul dans le salon, dans le noir. Ne supportant pas mon regard, il détourna les yeux en murmurant :

- Je… Je reste pas longtemps…

Sans un mot de plus, il se dirigea dans la chambre. Même vivre dans cet appartement sans lui me serait impossible. Peut-être partirais-je juste après lui, incapable de dormir, mieux valait que je commence à m’éloigner dès maintenant.

Une fois qu’il eut récupéré tout ce dont il avait besoin dans la chambre, il prit la direction de la salle de bain avec son sac. J’avais l’impression que cet instant n’allait jamais prendre fin. De plus, quelque chose tiraillait en moi, comme une envie de sonder Gabriel en profondeur pour vérifier la véracité de ses propos. Pourtant, je m’y refusais depuis qu’il m’avait dit m’aimer. Je m’étais coupé de lui, plus que je ne l’aurais cru, ne sachant plus comment m’y prendre. Seule la peur m’en empêchait… Saurais-je seulement m’en tenir à ce que j’avais décidé si ses sentiments correspondaient et que je me laissais envahir par eux ?

Gabriel arriva dans le salon, ravivant cette tentation à laquelle je résistais sans trop savoir comment. Plus il s’approchait de moi, et plus je sentais ma volonté s’effriter.

- Bon ben… Je… On se voit demain…

Gabriel resta un instant immobile, attendant une quelconque réponse ou réaction de ma part. Ce fut seulement au moment ou il me tourna le dos, prenant la direction de la sortie, lassé de mon comportement, que je ne pus tenir. Je ne pouvais pas partir sans savoir, et c’était maintenant ou jamais. Libérant mon don, celui-ci se déversa aussi vivement que l’eau s’échappant d’un barrage pour aller sonder Gabriel. Pas besoin de contact pour l’atteindre aussi intimement, j’avais été si proche de lui par le passé que nous étions liés.

Passant outre sa douleur actuelle, fuyant son amour pour Kay, évitant ses peurs profondes, je fis le tri à une vitesse que je n’avais jamais expérimentée. Et je parvins enfin à la dénicher, cet amour sincère et si pur. Il n’était pas caché, il était juste là sous mes yeux. Aveuglé par ma peur et ma douleur, je réalisais seulement maintenant l’ampleur du désastre qu’une séparation lui causait. Il m’aimait si profondément, que j’en fus déboussolé mais ravivé de nouvelles forces. Mes résolutions s’effondrèrent tel un château de carte. Impossible de le laisser, impossible de continuer à me taire, impossible de le laisser à un autre.

- Gabriel ! Dis-je alors qu’il venait juste de disparaître du salon.

Marchant vers lui, je me retrouvais debout devant lui, alors qu’il se retournait pour me faire face. Gabriel m’envoya simplement un regard interrogateur. J’avais l’impression d’entendre les battements frénétiques de son cœur, de sentir l’espoir et la peur qu’il ressentait. Me retirant de lui, ayant ce que je voulais, je chutais brusquement dans mon corps, déstabilisé. Si je m’étais écouté après une telle expérience qui avait ruiné toute mon énergie, je me serais effondré. Mais je ne pouvais pas, j’avais entre mes doigts une dernière chance de le récupérer, un dernier espoir, aussi faible qu’une flamme éprouvée par le vent.

Je mis apparemment trop longtemps avant de parler, ne sachant par ou commencer, car il soupira, horriblement déçu, me cachant au mieux son envie de pleurer.

- Ouais… Allez… Salut…

Son sac sur l’épaule, il esquissa un pas vers la porte. Il ne m’en fallut pas plus. Je l’attrapais par le poignet, l’empêchant de fuir.

- Gabriel… Je t’en prie…

Me cédant, Gabriel consenti à se tourner une dernière fois vers moi, m’offrant cette unique chance. Cherchant mes mots, Gabriel attendait patiemment que me lance enfin. Après une longue inspiration, je me décidais enfin à lui dévoiler ce que j’avais sur le cœur. Sans trop savoir ou j’allais, je repris d’une petite voix :

- Jusqu’à maintenant j’ai toujours fait passer Killian avant toi… Je… Je me suis enfermé dans ma douleur et la prison ne m’a certainement pas aidé à oublier et à dépasser ce cap…

- C’est l’impression que j’ai eu aussi, répliqua-t-il.

Ignorant son sarcasme, je poursuivis, laissant les mots traverser mes lèvres sans les retenir :

- Je sais que je suis bourré de défauts, que je t’ai ignoré au moment ou tu avais le plus besoin de moi… J’ai agis comme un égoïste et que toute la douleur que je ressens ne me pardonne pas de mes actes… A présent, je sais ce que ça fait de vivre loin de toi, et je peux désormais affirmer qu’il est certain que je ne peux plus vivre sans toi parce que je ne conçois pas la vie sans toi à mes côtés…

Des larmes coulèrent alors sur les joues de Gabriel. Ne cherchant pas à les interpréter, je fis une courte pause avant de reprendre ma confession :

- Plongé dans ma propre douleur, j’en ai ignoré la tienne, je n’ai pas su écouter ta détresse quand tu as avoué m’aimer… J’ai été trop orgueilleux pour avouer mes fautes tout de suite… Mais je compte bien faire un effort et aller de l’avant, mais pour cela, j’aurais besoin de ton aide car ne j’y arriverais pas tout seul, Gabriel…

Après une seconde durant laquelle il resta silencieux, certainement trop ému pour rajouter quoi que ce soit, j’ajoutais :

- J’espère sincèrement qu’un jour je n’aurais plus besoin de m’appuyer sur toi, et ce jour là seulement, je pourrais être honnête avec moi, mais surtout envers toi…

Voilà pourquoi je ne pouvais pas lui dire « Je t’aime »… Enhardi par une envie que je ne pus retenir, je m’approchais de lui, et m’emparais de ses lèvres pour un baiser violent. Pris d’une pulsion incontrôlable, comme un drogué cédant à sa dose, je forçais le barrage de ses lèvres alors qu’il restait immobile et stupéfié. Insinuant ma langue dans sa bouche, ce ne fut qu’au contact de ma langue contre la sienne que Gabriel répondit enfin au baiser à mon plus grand plaisir.

L’ardeur qu’il y mettait déchaîna un désir insoupçonné dans tout mon être. Nous étions restés tous deux bien trop longtemps loin de l’autre, pour être capable de nous retenir. Si l’empressement que Gabriel mettait dans ce baiser m’étonnait tout autant que cela me ravissait, je ne fis aucun commentaire.

Lorsque je mis fin au baiser, loin d’être rassasié, je déclarai d’une voix étrangement rauque :

- En attendant, je peux déjà te prouver d’une autre façon ce que je ne peux exprimer par des mots…

Sans pour autant lui dévoiler que je comptais m’offrir à lui, je déboutonnais sa chemise avec empressement avant de la laisser tomber sur le sol, incapable de réprimer mes envies. Ma bouche explorait déjà son cou, mordillant sa peau avant de la lécher longuement comme pour effacer la douleur causée par mes dents. Je n’aurais su décrire le plaisir que j’éprouvais à me délecter à nouveau de la saveur si particulière et légèrement sucrée de sa peau.

- Non… Juha… A… Arrête… Tenta-t-il vainement de me repousser, sachant tout comme moi qu’il ne résisterait pas longtemps.

Ne prenant pas attention à ses faibles protestations, je posais délicatement mes mains sur son torse dénudé, galvanisé par ce contact qui m’avait cruellement fait défaut, avide de faire frémir à nouveau sa peau sous mes attentions. Titillant ses tétons qui durcissaient au contact de mes doigts, Gabriel lâcha un soupir de contentement. Prenant cela comme une invitation à aller plus loin, je ne pus que descendre mes mains. Ma virilité commençait déjà à pulser contre sa cuisse, réclamant ce qui lui avait été interdit pendant ces deux semaines. Déboutonnant son jean, passant une main à l’intérieur, Gabriel sembla reprendre ses esprits, car il sursauta violemment en me repoussant. Baissant les yeux, comme honteux, il murmura :

- Je… Nous ne pouvons pas… Ce n’est pas raisonnable… Tout… Tout n’est pas encore pardonné…

- Arrête de réfléchir, Gabriel, murmurais-je d’une voix rauque qui ne cachait pas mon désir. Laisse-toi vivre… Tu n’as qu’une vie, profites-en…

Nous en avions besoin, tous les deux, et pas pour un simple besoin purement physique. J’avais besoin de sentir son corps contre le mien, tout comme c’était nécessaire pour lui. Sans lui laisser le temps de répondre, je l’embrassais de nouveau avec passion et avidité dans le but de le débrider. Réagissant à mon plus grand plaisir à mon injonction, il répondit vivement à mon baiser, glissant une main sur ma nuque et une autre dans mes cheveux afin d’approfondir notre échange.

Un frisson me parcourut l’échine, telle une décharge électrique. N’étant plus maître de moi-même, je mordis sa lèvre inférieure alors que mes mains se posaient sur ses fesses, l’attirant vivement à moi, ne supportant plus cette distance. Nos bassins se rencontrèrent alors que nos lèvres étaient toujours soudées. Soudain, Gabriel poussa un gémissement de douleur et de plaisir mêlés qui mourut dans ma bouche.

Ne lui laissant pas le temps de réfléchir aux raisons qui le pousseraient à refuser, j’investissais son corps, laissant ses résolutions fondre comme la neige au soleil. Il m’avait manqué, terriblement manqué. Aucun de mes gestes n’était dénué de tendresse ou de délicatesse, désirant seulement le retrouver, agissant comme je l’avais toujours fait avec lui dans ce genre de moment. J’avais trop besoin de lui, et je me demandais maintenant comment j’avais fait pour me résoudre à l’abandonner. Aurais-je seulement survécu à une journée sans le voir, en sachant qu’il ne serait plus jamais mien ? Comment avais-je supporté cet éloignement de deux semaines ? J’avais l’impression que cela avait duré une éternité, les secondes se comptant en années.

Gabriel semblait être dans le même état que moi, et il sursauta violemment lorsque je mordillais délicatement le lobe de son oreille, un bras passé avec possessivité autour de sa taille. A ce contact, Gabriel se cambra violemment, nous arrachant à tous deux un gémissement de plaisir lorsque nos virilités entrèrent en contact.

Galvanisé par mon désir plus qu’évident qui battait contre sa cuisse, Gabriel se mit à onduler du bassin, attisant son propre désir tout autant que le mien. A mon plus grand plaisir, il se désinhiba à son tour, me montrant le Gabriel que moi seul connaissait. Entreprenant de me toucher, il mit fin au baiser, explorant de ses lèvres mon visage avant de descendre jusqu’à mon cou, tandis que ses mains se frayaient un chemin sous sa chemise.

Un frisson bien plus violent que le précédent parcourut à nouveau mon échine à cet effleurement, et la seconde qui suivie, Gabriel se retrouvait vivement plaqué contre le mur de l’entrée, alors que je maintenais fermement ses mains au dessus de sa tête, le mettant à ma merci.

Un sourire amusé étira ses lèvres face à la réaction que je venais d’avoir et que je n’avais pu contrôler. Je ne cherchais d’ailleurs en rien à me retenir. Je dévorais son cou et son torse avec une avidité et une gourmandise non feintes. A chaque instant, je savourais sa le gout de sa peau, unique et exaltant. Soudain, un couinement d’impatience s’échappa de ses lèvres entrouvertes lorsque ma langue vint jouer avec ces tétons durcis par le plaisir en même temps que mon genou venait écarter ses cuisses, rapprochant ainsi plus qu’il n’était possible, nos bassins et nos virilités douloureusement tendues. Je n’avais dès lors plus le moindre doute sur l’envie de Gabriel et sur mon propre désir. Les joues et le corps en feu, Gabriel s’abandonnait totalement à moi, m’offrant cette fameuse confiance qui m’effrayait…

Ses mains étaient toujours retenues prisonnières par ma poigne de fer, et il ne pouvait me toucher et me caresser à sa guise, alors que je sentais cette envie lui bruler les doigts. Pleins de ressources, Gabriel pris appuis contre le mur avant de passer ses jambes autour de mes hanches, le pantalon ouvert. Esquissant un lent déhanchement tout en gémissant sans retenue aucune, Gabriel accroissait mon désir déjà plus que conséquent. Fier de l’effet considérable qu’il avait sur moi, il esquissa un sourire ravi, tandis que mes mains venaient se poser sur ses fesses. Les jambes fermement entourées sur ma taille, Gabriel ne pesais presque rien. Il passa un bras autour de mon cou pour m’attirer à lui et ravis mes lèvres d’un baiser enflammé. Se laisser vivre : Gabriel avait pris mon invective au pied de la lettre.

Nos langues se rencontraient ardemment, en manque l’un de l’autre, entraînant sa jumelle dans un ballait érotique et sensuel, toujours plus endiablé, toujours plus profond. Nos corps soudés l’un contre l’autre s’emboitaient à la perfection. Maintenant libre, les mains de Gabriel vinrent vagabonder sur mon corps laissant cours à la passion qui le consumait. Mes vêtements m’empêchaient de véritablement sentir le toucher direct de ses doigts sur ma peau, et cela semblait le troubler tout autant. Bientôt, je laissais sa langue abandonner la mienne, et Gabriel alla se perdre dans la peau de mon cou. Celui-ci prit un mail plaisir à titiller les zones érogènes qu’il y trouva. Le plaisir apporté m’obligeant à laissé échapper des gémissements qui semblait ravir les oreilles de mon amant. Totalement attentif, mon attention toute entière tendu vers ce qu’il me faisait, j’étais tout entier soumis à la moindre de ses caresses et de son bon vouloir.

J’acceptais cette douce torture qu’il fit durer encore un instant, puis lassé de ce petit jeu, il entreprit de passer à autre chose. Non sans difficulté, il déboutonna mon jean. Au contact aérien de ses doigts effleurant ma virilité, je ne pus m’empêcher de me cambrer afin d’approfondir ce contact jugé trop succin, tout en étouffant dans son cou un gémissement rauque incontrôlable. En position d’infériorité face à moi, je ne lui concédais pas moins qu’il était maître de mon plaisir.

Se démenant, il parvint à glisser sa main dans mon boxer et du bout des doigts, il effleura avec hésitation mon érection alors qu’ondulant du bassin, les dents plantées dans son cou, je me laissais complètement aller au plaisir qu’il me faisait ressentir. Les petits cris que je poussais aidèrent Gabriel à prendre confiance en lui et il raffermit sa prise sur ma virilité.

Lentement, il entama un lent va et vient ponctuer de baisers frénétiques déposés dans mon cou. Ivre de plaisir, je tentais d’atteindre le plus rapidement possible les sommets du plaisir en de vigoureux déhanchement, savourant à chaque instant ce que m’offrait mon amant. Cependant, Gabriel gardait obstinément le même rythme horriblement lent dans le but d’attisé au maximum mon désir, cessant parfois tout mouvement ce qui lui valait de ma part un grognement rauque de mécontentement. Jouant de ma patience et de ma capacité à tenir, il accéléra enfin la cadence de ses va et vient, cessant sa torture, m’arrachant un cri d’exaltation à l’état pur. Alors que j’étais sur le point de me libérer, me retenant au maximum, Gabriel finit par accélérer d’avantage. Un instant plus tard, je me libérais dans sa main en un cri de jouissance, irradié par ce plaisir irrationnel et dévastateur.

Il fallut un moment avant que je reprenne mes esprits, restant la tête posée sur son épaule et le visage enfoui dans son cou. La respiration saccadée, je pris le temps de me remettre de cet orgasme violent qui avait déferlé sur moi.

Lorsque ma respiration fut redevenue à peu près régulière, je plongeais mon regard dans le sien, un petit sourire satisfait encore dépeint sur ses lèvres. Avec une avidité sans cesse renouvelée, je m’emparais de ses lèvres tout en entamant un langoureux mouvement de bassin qui réveilla instantanément son désir, bien décidé à lui rendre la pareille. Ravis, j’entendis un gémissement étouffé naître dans sa gorge alors que je me frottais lascivement contre son intimité, lui rendant la monnaie de sa pièce de la manière la plus agréable possible.

Puis, je retirais mes mains de sous ses fesses, et les posais sur ses hanches nue, désirant une position plus convenable pour ce qui allait suivre. L’esprit embué, Gabriel se contenta de me libérer de ses jambes et repris appuis sur ses pieds. Ravi, je laissais glisser mes mains jusque sur ses fesses, m’insinuant sans pudeur mais sans brusquement aucune dans son boxer que je fis lentement glisser le long de ses cuisses en même temps que son jean et ses chaussettes, le voulant entièrement nu sous mes yeux.

Jamais je ne me lasserais de cette vue qui s’offrait maintenant à moi. Je le vis fermer les yeux, et il retint à grand peine un gémissement de plaisir lorsque mes doigts s’enroulèrent délicatement et avec savoir faire sur sa virilité tendue que je savais douloureuse.

M’agenouillant face à lui, je ne tardais pas à laisser ma langue s’enrouler autour de son érection alors que je le prenais en bouche. A mon tour avec une lenteur exagérée, j’entamai un doux va et vient le long de son intimité, lui arrachant un profond soupir de bien être que je désirais entendre encore et encore. Me concentrant sur ma tache, je sentis tout de même les doigts de mon amant se glisser dans mes cheveux. Après un instant de ce traitement, je cessais tout mouvement, lui arrachant un sanglot de protestation qui mourut dans ma bouche après que je me sois relevé afin de lui voler un baiser fiévreux, déjà en manque de ses lèvres.

Puis, libérant ses lèvres après avoir léché le sang séché de ma morsure, ma langue explora son corps comme pour la première fois, le faisant frissonner de plaisir. Il était indéniable que je prenais autant de plaisir que lui à agir ainsi. Le voir se languir ainsi valait tout les trésors du monde. Reprenant ma descente, je m’arrêtais sur son tout nouveau tatouage, prenant cette fois véritablement le temps de l’observer. Avec une extrême délicatesse, j’effleurais de mes doigts cette zone encore sensible, qui eu pour effet de lui déclencher un violent frisson.

Je l’étudiais longuement, l’impriment en ma mémoire comme une chose faisant maintenant partie de mon amant, avant de prendre de nouveau entièrement son sexe en bouche. Les yeux clos, Gabriel cria de plaisir, m’invitant à aller bien plus loin et à cesser de me faire languir. Ma langue experte s’enroulait en un mouvement irrégulier autour de son intimité, le guidant irrémédiablement aux portes de la jouissance. Je sentais Gabriel se noyer dans le plaisir qu’il ressentait, perdant peu à peu conscience de l’espace et du temps. Nous étions tous deux uniquement concentré sur le plaisir que je lui offrais.

Ce fut après une caresse plus poussée que je sentis Gabriel vaciller. Le comprenant proche de la libération, j’accélérais la cadence. Allant toujours plus loin, ce fut après une dernière caresse profonde et bien plus poussée que Gabriel se libéra dans un cri de jouissance qui tinta harmonieusement à mes oreilles. Ses jambes ne supportant plus son poids, il s’écroula sur le sol, le souffle erratique. Sautant sur l’occasion, je vins immédiatement lui voler un baiser passionné.

Agenouillé entre ses cuisses, je déposais des milliers de baisers papillons sur son visage, et son corps moite de sueur, le laissant lentement se remettre de ses émotions et qu’il stabilise sa respiration.

Levant la main, il la posa avec tendresse sur ma joue rugueuse et mal rasé, me forçant à relever la tête et planta son regard dans le mien. Dans ses pupilles, je pu y lire les mots qu’il n’avait pas la force de prononcer. Après une longue minute à nous fixer ainsi, il m’attira à moi et avec une extrême délicatesse, il prit possession de mes lèvres, dans un baiser débordant d’amour, un baiser emprunt d’une douceur qui m’avait fait défaut depuis des années.

Ce baiser n’avait rien à voir avec les précédents baisers enflammés que nous avions partagés. Non, celui-ci scellait enfin notre réconciliation et le pacte que nous venions d’échanger silencieusement. Nous nous promettions tous deux, que plus jamais une crise comme celle que nous venions de vivre n’arrive à nouveau. Jamais nous n’oublierons ces deux dernières semaines, les gardant en mémoire pour ne plus jamais en arriver là…

Dans ce baiser, je sentis Gabriel mettre tout son amour et son désir pour moi, alors que ses bras se refermaient sur moi, me laissant dans une étreinte qui faisait battre mon cœur.

Lorsque nos lèvres ses séparèrent, Gabriel glissa son visage dans mon cou, inspirant profondément avant de murmurer au creux de mon oreille dans un souffle :

- J’ai envie de toi… Mais pas ici… Pas comme ça…

Sa demande me surpris, jamais Gabriel ne s’était montré aussi direct et avenant. Plantant mon regard dans le sien, je cherchais ce qui pouvait être la cause d’un tel changement. Je ne pouvais pas dire que je n’appréciais pas Gabriel ainsi, plus débridé, au contraire, mais je n’étais pas habitué. Celui-ci se mit à rougir, sans détourner les yeux, me montrant à quel point il était déterminé. Il en avait autant envie que moi, mais s’offrait de manière différente. Etait-ce du au fait qu’il m’avait révélé m’aimer, ne voyant plus de limite entre nous deux. Mon regard s’illumina, heureux de connaître à nouveau ce sentiment, heureux de sentir Gabriel plus proche de moi comme jamais il ne l’avait été.

Un sourire vint se dépeindre sur mes lèvres et m’arrachant à son étreinte, je me levais pour accéder à sa requête. Debout face à lui, je ne pus m’empêcher de le contempler sa nudité, avant de lui tendre la main, jugeant l’avoir suffisamment admiré. Gabriel m’adressa un sourire et attrapa la main que je lui tendais avec cette confiance en cet instant ne m’effrayais pas.

D’un geste vif, mais emprunt de tendresse, je l’aidais à se relever, l’attirant contre moi, entourant sa taille d’un bras possessif, ne désirant pour rien au monde le laisser fuir. Un léger sourire dépeint sur les lèvres, Gabriel soutint mon regard. Il s’avança lentement vers moi afin de ravir mes lèvres, à mon plus grand plaisir. Ne pouvant cependant pas supporter sa progression volontairement hésitante, je comblais l’espace qui nous séparait encore avec un empressement non dissimulé.

Bientôt, ma main alla se perdre sur ses fesses, très vite rejointe par sa jumelle. Sans jamais rompre le contact de nos lèvres soudées, je le guidais à travers le salon. Au passage, il fallut bien évidemment que je trébuche sur un objet non identifié, qui faillit nous faire chuter tous les deux. Cramponnés l’un à l’autre, Gabriel esquissa un sourire amusé, tandis que je reprenais ses lèvres en otage. Jamais je ne me lasserais de leur gout, jamais je ne voulais les laisser à quelqu’un d’autre.

Une fois arrivés dans la chambre, je laissais à peine le temps à Gabriel de fermer la porte sur notre passage, la poussant simplement du pied. Sans faire attention, je buttais contre le pied du lit. Chutant sur le matelas, je m’agrippais à lui, l’entrainant dans ma chute.  Gabriel se retrouva allongé sur moi, le visage enfoui dans mon cou. Je ne pu retenir un sourire, amusé par cette chute, mais je fus bien vite emporté par la bouche de Gabriel se déposant sur ma peau. Il était indéniable qu’il gagnait en savoir faire…

Il finit par se redresser, s’agenouillant sur mon bas ventre. Me chevauchant sans la moindre honte, il ondula du bassin, provoquant chez moi une réaction qu’il fut obligé de sentir. Comme si rien n’avait été fait jusqu’à maintenant, mon excitation revenait au point de départ, avide de toujours plus. Les deux mains posées à plat sur mon torse, Gabriel ferma les yeux, mordant sa lèvre inférieure en retenant un gémissement la tête légèrement penché sur le côté. Cette vue me rendait encore plus fou.

Le souffle erratique, il reporta son attention sur moi, me fixant d’un regard à moitié voilé par le plaisir qu’il partageait avec moi. Mes mains posées sur ses hanches, je le guidais au mieux dans son déhanchement, ne le quittant pour  rien au monde du regard. Je n’arrivais cependant pas à cacher ma surprise de le voir ainsi, poussant toujours les limites qu’il s’était inconsciemment fixé. C’était parfait pour ce que je prévoyais pour la suite. Rien que l’idée que je sois sien faisait battre mon cœur encore plus vite, vibrant à cette simple pensée.

Comprenant mon étonnement, Gabriel esquissa un petit sourire en coin, et dans un geste narquois, il pressa plus vivement son intimité contre la mienne, déjà douloureuse, m’arrachant un cri de plaisir à l’état pur.

Dans un état second, je le sentis tout de même se pencher vers moi. Il entreprit de gouter la peau de mon cou, alors que ses doigts se faufilaient habilement sous mon t-shirt. Comment avions nous pu nous passer de cela pendant deux semaines ? Je me rendais compte à chaque instant à quel point Gabriel était devenu vital pour moi, sa présence, son odeur, son corps, son être tout entier… Oh comme il m’avait manqué…

Lentement, il remonta mon vêtement, découvrant la peau de mon ventre sans se gêner pour la regarder et la caresser. Je me laissais faire, trop heureux de lui laisser prendre des initiatives. Attiré par mon corps, Gabriel finit par y poser ses lèvres. A ce contact, mon ventre se contracta alors qu’un gémissement rauque s’échappa de ma gorge. Avec une lenteur exagérée, il redessina la courbe de mes muscles, remontant vers mes tétons durcis par le plaisir qu’il me procurait. Je pouvais sentir mon corps entier bouillir de désir, me vrillant les reins, me coupant du monde extérieur, pour ne vivre qu’avec mon amant.

D’humeur taquine, celui-ci se contenta d’en effleurer un du bout de la langue avant de faire le même avec le second, me laissant en plus la caresse de son souffle chaud irradiant l’entièreté de mon corps. Gabriel réitéra son action plusieurs fois et je ne pus retenir un grondement sourd d’impatience, lui faisant comprendre qu’il était temps de passer à autre chose.

Un sourire satisfait étira ses lèvres alors qu’il se redressait pour dévorer avec avidité mes lèvres, baiser auquel je souhaitais répondre avec la même envie.  Mais alors que j’entrouvrais la bouche, Gabriel s’écarta de moi, m’adressant un regard menaçant et cessant tout mouvement du bassin. Ne comprenant pas ce qu’il voulait, je rongeais mon frein, alors qu’il se penchait vers moi. Mordillant le lobe de mon oreille, il me souffla de manière suave :

- Tu es bien pressé, honey… N’était-ce pas toi qui me disais que nous avions tout notre temps ?

A ces mots, il me lécha l’oreille, me faisant frissonner avant de se redresser. Je ne pu m’empêcher de lui adresser un regard meurtrier, faussement agacé par sa réplique, alors qu’il avait tout fait pour me mettre dans cet état. Son sourire s’accentua, et après m’avoir volé un énième baiser, il commença à jouer avec mon téton droit de manière plus franche, le mordillant délicatement avant de le suçoter longuement. Je me cambrais alors violemment sous l’afflux de plaisir et ne tenant plus, j’inversais nos positions d’un habile cou de rien. Son petit jeu avait assez duré et j’allais lui rendre la monnaie de sa pièce.

A présent totalement à merci, je ne surplombais de toute ma hauteur, le contemplant tout en réfléchissant à ce que j’allais pouvoir lui faire. Une lueur victorieuse illuminait mon regard, tandis que Gabriel acceptait sans broncher le changement de situation.

Comme il l’avait fait précédemment, j’entamais un lent et langoureux déhanchement qui lui arracha un gémissement muet, sa voix se bloquant dans sa gorge. Puis, sans cesser d’attiser son désir, je retirais mon t-shirt, le laissant tomber au pied du lit d’une manière sensuelle.

Gabriel ne sembla pas se gêner pour me contempler comme je l’avais fait. Mais bien vite en manque de nos baisers, il m’attira pas la ceinture qui ne maintenait plus vraiment mon jean, et dans un mouvement brusque, il m’attira à lui avant de ravir mes lèvres avec toute la passion qui grandissait en lui. Amusé, je me retins de lui donner la même réplique. Pas le moins du monde décontenancé par sa son excès de désir, je répondis avec fougue à son baiser alors qu’il tentait, avec une certaine maladresse due à la hâte de retirer mon jean et mon boxer, dans un désir d’égalité.

Une fois cela fait, j’entendis Gabriel soupirer de contentement lorsque je collais mon corps tout contre le sien, sentant sa peau brûlante, m’électriser un peu plus. Il laissa ses mains caresser ma peau luisante de sueur. Soudées, nos lèvres s’emboitaient parfaitement, ne désirant pour rien au monde se séparer. Avide l’un de l’autre, nous nous faisions mutuellement savoir à quel point nous nous étions manqué et l’importance de notre frustration. Dévorant ses lèvres avec avidité, j’entrainais sa langue dans une chorégraphie complexe et tumultueuse, à laquelle il répondit sans se faire prier, me montrant un désir de plus en plus pressent.

Après ce baiser qui nous laissa tout deux pantelant, j’imprimais un rapide déhanchement sur son intimité durcie, lui arrachant un cri de pur plaisir charnel. Glissant dans son cou dont des frissons parcouraient la peau, je décidais qu’il était plus que temps de passer à autre chose. Hésitant tout de même, et appréhendant sa réaction, je finis par me lancer, murmurant à son oreille :

- Gabriel… S’il te plait… Prend-moi…

Ce n’était qu’un murmure à peine soufflé, telle une supplique, agrémenté d’un langoureux déhanchement. Gabriel réagit aussitôt, se redressant sur un coudre, l’autre main posée sur ma poitrine, me repoussant à une distance raisonnable. Il semblait peu certain d’avoir compris le sens de ma supplication et il me demanda d’une voix tremblante de surprise et d’appréhension mêlés :

- Qu… Quoi ?

Je déposais ensuite mes lèvres sur les siennes, l’aidant à prendre sa décision, mais Gabriel me repoussa une seconde fois :

- Je… Non… Juha, je peux pas… Je ne sais pas… Ne me demande pas de…

Alors qu’il était en train de se perdre dans des explications impossibles, ses yeux s’humidifièrent de larmes, retrouvant alors le Gabriel sensible et pétri de timidité. Posant mon index sur ses lèvres, je lui intimais de se taire silencieusement. Je ne pouvais décemment pas le laisser ainsi.

- Qui aurait cru que derrière ses poses sensuelles se cacherait le plus grand timide que cette terre ait jamais vue ? Soufflais-je avec un sourire tendre. Je comprends ta peur pour l’avoir déjà ressentie, Gabriel, repris-je en retrouvant mon sérieux. Tu en es capable, je le sais et si cela te rassure, je te guiderais…

Honteux, Gabriel n’osait me regarder. Prenant son visage en coupe, je le forçais à me faire face, avant de m’emparer violemment de ses lèvres. Ce n’étais pas un de mes caprices, je voulais réellement que Gabriel me fasse sien. Si je ne pouvais encore lui ouvrir mon cœur totalement, je voulais qu’il sache combien il comptait pour moi. Dans mon baiser, je mis toute la passion et le désir dont j’étais capable. L’invitant à aller plus loin, le tentant, je fis preuve de savoir faire et d’érotisme, ma langue entrainant la sienne dans un ballet endiablé. Cela eu l’effet escompté, augmentant considérablement son désir jusque là entre-parenthèse.

Un gémissement de plaisir naquit bientôt dans sa gorge pour aller mourir dans ma bouche. Prenant cela comme une réponse muette, trop heureux, j’accentuais mes déhanchements, parachevant son désir pour moi. Mes lèvres se collèrent aux siennes et un cri de volupté s’échappa alors de ses lèvres entrouvertes, berçant mes oreilles avec douceur. Les mains posées sur son torse, j’ondulais sur son imitée, gémissant érotiquement son prénom, cherchant à le pousser au bout de ses limites pour ne pas laisser place à l’hésitation. J’obtins l’effet escompté. Alors que j’haletais son nom entre deux gémissements, Gabriel sembla perdre la tête et d’un mouvement brusque, il inversa nos positions.

Un sourire carnassier étira mes lèvres, le désirant à l’instant même tel que je n’avais jamais désiré un autre homme. J’oubliais Killian, ne désirant pour rien au monde comparer. Il n’y avait que Gabriel dans ce monde là, un monde qui n’était pas fait pour plus de deux personnes. Juste Gabriel et moi…

Avidement, Gabriel s’empara de mes lèvres pour un baiser ardent comme rarement encore il en avait été l’auteur. Alors que nos langues se caressaient avec sensualité, je sentis ses doigts s’immiscer entre nos lèvres.

Aussitôt, comprenant ce qu’il voulait, je délaissais sa langue, pour me concentrer sur ma nouvelle tache avec un plaisir que je ne cherchais pas à lui dissimuler.

Pendant un long moment, j’humidifiais abondamment ses doigts, Gabriel mêlant parfois sa salive à la mienne lorsqu’il était trop en manque de nos baisers. Un instant plus tard, je consentis à les libérer, et après un énième baiser, désirant lui laisser tout le temps dont il avait besoin pour se lancer, Gabriel laissa ses doigts courir lentement sur mon corps luisant de transpiration. Je ne pus retenir un gémissement rauque lorsque sa main arriva au niveau de mon intimité, luttant contre un désir terrible d’être possédé à l’instant. J’écartais mes cuisses, en une invitation plus qu’explicite. Gabriel sembla rougir, mais il ne me laissa pas le temps de voir ses joues, car il s’empara de mes lèvres, certainement pour se donner du courage.

Avec une lenteur un peu trop exagérée qui trahissait son anxiété de mal s’y prendre, il insinua un premier doit en moi avec délicatesse. Avec inquiétude, il fixa mon visage, comme prêt à tout arrêter au premier signe de douleur. Savait-il seulement la torture qu’il me faisait vivre ? Un sourire amusé étira mes lèvres et passant un bras autour de son cou, je l’attirais à moi et murmurais à son oreille :

- Je ne suis pas en sucre, tu sais…

- Te moques pas, gémit-il honteux. J’ai tellement peur de te faire mal…

- Je ne moque pas Gabriel, soufflais-je avant de l’embrasser tendrement afin de le rassurer. Continue comme tu fais, c’est parfait…

Gabriel esquissa un sourire timide et repris à ma plus grande joie, un lent va et vient, entreprenant de me préparer avec un peu plus de conviction. Je n’hésitais pas à le guider à l’aide de soupirs et de gémissements. Ce début de préparation était fait avec tellement de douceur et de tendresse que je ne ressentis aucune douleur. L’excitation était de toute façon trop forte et j’étais parfaitement détendu dans ses bras. Étrangement, c’était une forme de confiance que je commençais déjà à lui offrir…

Après un temps, rassuré de ne pas me faire mal, Gabriel me pénétra d’un deuxième doigt, l’insérant en moi avec la même délicatesse. Si celui-ci fut au départ gênant, il n’était pas douloureux. Sans se départir de sa douceur, il entama un lent mouvement de va et vient, alors que je m’emparais de nouveau de ses lèvres. Une fois le baiser rompu, Gabriel se redressa, observant avec attention mon visage. Gémissant sans retenu, m’empalant de moi-même sur ses doigts, je lui donnais une réponse plus qu’explicite.

Une lueur de désir à l’état pur éclaira ses prunelles alors qu’il inséra un dernier doigt en moi. Celui-ci fut légèrement douloureux, mais je fis tout pour m’habituer à cette intrusion. Gabriel cessa tout mouvement, déposant des dizaines de baiser papillons sur mon visage, souhaitant me faire oublier… Un sourire de remerciement naquit sur mes lèvres, entièrement satisfait de Gabriel et de ses attentions.

Gabriel me vola un baiser, comme dépendant de ma bouche, tout comme je l’étais avec ses lèvres. La douleur finit par n’être plus qu’un vague souvenir, mais Gabriel continua de longues minutes à me préparer. Je n’avais pas besoin de me servir de mon don pour comprendre qu’il avait du mal à se retenir, ressentant la même envie pressante. M’empalant toujours plus profondément sur ses doigts, mon corps entier réclamait bien plus. Lorsque je ne pus plus tenir une minute de plus, je murmurais entre deux gémissements, l’esprit dans le vague, perdu dans mon désir, enivré par mon plaisir :

- Gabriel… Maintenant… Prend-moi… S’il te plait…

Tétanisé par ma demande empressée, Gabriel stoppa net tout mouvement avant de plonger son regard dans le mien. Je ne pouvais rien faire pour lui cacher mon désir puissant et enflammé. M’apercevant de son hésitation, je me redressais sur mes coudes, et le fixant dans les yeux, je déclarais le plus sérieusement du monde :

- Je te veux Gabriel… Viens…

Sans lui laisser le temps de répondre, je l’embrassais avais voracité, tandis qu’il prenait place avec hésitation entre mes cuisses. De fine gouttes de sueur perlaient sur ses tempes, collant ses cheveux à son front. A aucun instant je ne quittais ses yeux, le suppliant de venir enfin…

Ce ne fut heureusement qu’après un dernier instant d’hésitation qu’il finit par s’insinuer extrêmement lentement en moi. Un soupire de satisfaction traversa mes lèvres alors que Gabriel découvrait l’inconnu.

Toujours trop précautionneux, Gabriel ne se laissait malheureusement pas totalement aller. Tout deux satisfait de manière incomplète, je pris les choses en main, ne pouvant plus attendre pour le sentir entièrement en moi, lui livrant mon corps… Je lui arrachais un cri de surprise et de plaisir mêlés lorsque je m’empalais brusquement sur son érection, d’un habile coup de rein. Un cri de pur plaisir enfin assouvi s’échappa de mes lèvres, faisant écho au sien. Sans attendre, en voulant toujours plus, j’entamais un rapide va et vient, ignorant la douleur qui, je le sentais, passerait très vite…

Gabriel me laissa faire un instant, trop envahi par ce nouveau plaisir, le regard perdu sur mon corps. M’enveloppant dans cette luxure, je me laissais totalement aller à notre plaisir, me mouvant sur lui, dans un état second. Mais mon amant finit par reprendre le contrôle de notre union, et je le laissais faire sans la moindre résistance. Les mains posées sur mes hanches, il nous imposa un tout autre rythme, bien plus langoureux, qui je le savais était destiné à attiser notre plaisir.

Ivre, je laissais cours à mes gémissements, qui finirent par avoir raison de Gabriel qui accéléra sa cadence, me pénétrant toujours plus profondément. Je n’avais connu pareille intensité qu’avec une seule personne, mais c’était à Gabriel uniquement que je m’offrais cette nuit-là, comme toutes celles qui suivraient. Je n’appartenais qu’à lui et à son amour…

Les yeux rivés sur mon visage ravagé par le plaisir, Gabriel ajouta encore à mon plaisir en prenant mon sexe en main, calquant sur celui-ci le même rythme régulier de ses déhanchements. Je ne pus qu’ouvrir la bouche en un cri muet de plaisir, et passant mes bras autour de son cou, je l’attirais à moi pour un baiser ardent, le remerciant ainsi silencieusement.

Puis, sentant que j’arrivais au point de non-retour, Gabriel accéléra astucieusement la cadence, menant la danse à la perfection. Dans un ultime coup de rein, bien plus amble et plus profond que les précédents, Gabriel m’envoya dans les bras d’un orgasme foudroyant, d’une intensité sans pareille. Je me libérais entre nos deux corps enlacés, criant son prénom. Gabriel ne tarda pas à me rejoindre alors que je cambrais mon corps tout entier, effleurant la chute de ses reins. Il se libéra en moi dans un cri de jouissance qui me combla plus qu’il n’était possible.

Le corps luisant de sueur et parsemé de tremblements, mon amant se laissa retomber entre mes bras, enfouissant son visage dans mon cou. Sa respiration était encore saccadée et de mon côté, je me remettais lentement de mon orgasme, mes doigts effleurant lentement le creux de ses reins en un apaisant mouvement qui le fit frissonner.

- Je ne te savais pas si sensible à cet endroit, soufflais-je en esquissant un sourire.

- Je t’aime, souffla-t-il sans relever ma remarque précédente.

Au lieu de me faire peur, de me paralyser, un sourire tendre se dessina sur mes lèvres alors qu’il se redressait pour me voir. Je ne pouvais encore lui donner de réponse orale, mais alors qu’il répondait à mon sourire, je m’emparais de ses lèvres pour un baiser des plus doux, lui montrant que j’étais loin d’y être indifférent, acceptant ces quelques mots et ses sentiments. Gabriel finit par se retirer de moi, et se blotti amoureusement entre mes bras. Je l’embrassais sur la tempe tandis que du bout des doigts, je décollais les mèches de cheveux collées sur son front.

La tête callée au creux de mon épaule, mon amant effleura délicatement du bout des doigts la peau de mon torse, engourdi par la fatigue.

Il finit par s’endormir alors que je veillais encore quelques instant, ne me laçant pas de passer lentement mon bras dans son dos, enivré par son souffle chaud dans mon cou. J’avais du mal à croire que tout cela était réel, et pourtant… Emporté à mon tour, bercé par sa respiration calme et régulière, j’allais le rejoindre dans les bras de Morphée…

Je me réveillais seul dans le lit le lendemain matin. Ouvrant les yeux, le cœur battant, j’eus peur d’avoir simplement vécu un rêve cette nuit là, même si mon corps légèrement courbaturé semblait me prouver le contraire. Tendant l’oreille, je n’aurais su décrire le soulagement que je ressentis lorsque j’entendis du bruit dans la cuisine. Un sourire se dessina alors sur mes lèvres au souvenir de cette nuit partagée… Certes, une discussion allait être nécessaire, mais un espoir nouveau prenait naissance en moi.

Après quelques minutes, je décidais de me lever pour aller le rejoindre, craignant malgré moi sa réaction. Tentant de ne pas y penser d’avantage, j’attrapais mon boxer et mon jean négligemment jeté sur le sol la veille avant de les mettre, n’ayant rien d’autre sous la main à me mettre. Une douche serait de toute façon nécessaire.

Je retrouvais Gabriel dans la cuisine, mais je ne m’attendais certainement pas à le voir ainsi, nu, avec une simple serviette autour de la taille, dos à moi, en train de faire la vaisselle. D’ici, je pouvais voir sa fine cicatrice, mais rien n’aurait pu enlever à mes yeux la beauté de son corps. Elle faisait partie de lui, simple pointe de l’iceberg, cachant bien plus de souffrance qu’on ne pouvait se l’imaginer. Aurais-je un jour le courage de lui dire comment je pouvais le comprendre ?

M’approchant légèrement de lui, un désir à nouveau  insatiable s’empara de moi, et d’une voix rauque, je déclarais avec une pointe d’amusement :

- Quelle agréable vision divine qui s’offre à moi au réveil. J’espère avoir droit plus souvent à des visions de rêves comme celle là…

Sursautant, Gabriel marmonna ensuite en râlant :

- Oui, dans tes rêves.

Loin d’être arrêté, je réduisis la distance entre nos deux corps avant de l’enlacer jalousement par la taille une fois arrivé à sa hauteur. Mes lèvres se déposèrent presque instinctivement sur sa nuque en un frôlement à peine prononcé. Loin d’être satisfait, je l’attirais d’avantage à moi, collant volontairement mon intimité contre ses fesses pour lui montrer l’effet que la vue de son corps aussi peu vêtu produisait chez moi.

Prenant plaisir à le voir perdre ses moyens, déjà fébrile à mon contact, je déposais une nouvelle fois mes lèvres dans son cou avant de les laisser dériver jusqu’à son oreille au creux de laquelle je murmurais après l’avoir léchée avec sensualité :

- Tu disais ?

Pour toute réponse, Gabriel pencha légèrement la tête en arrière afin de m’offrir son cou, laissant à ma langue un plus grand champ d’action. Cédant avec plaisir à sa demande muette, je m’empressais de le combler. Dans un soupire qui ressemblait plus à un gémissement, Gabriel finit par souffler :

- Tu es insatiable, mon amour…

- Comment l’être, répondis-je ayant du mal à cacher mon trouble au sujet du dernier mot qu’il avait employé. Tu es tellement désirable… Surtout quand tu te promènes nu dans l’appartement, ajoutais-je avec une pointe de moquerie, afin de dissimuler au mieux le sentiment étrange qu’il faisait naître en moi à m’appeler ainsi.

S’arrachant à mon étreinte, il se retourna vivement, les joues rouges cramoisies. Il s’exclama, protestant :

- Je ne suis pas nu !!

D’un air mi amusé mi sceptique, je me reculais et d’un air appréciateur qui ne fis qu’accentuer sa gène, je le détaillais de la tête aux pieds sans la moindre pudeur avant de déclarer :

- C’est tout comme… Répondis-je, un sourire intentionnellement vicieux étirant mes lèvres.

Sur ces mots, je m’approchais à nouveau de lui et l’embrassais avec passion, tandis que sans la moindre résistance, mes mains se posèrent sur ses fesses. Le soulevant, je le fis s’asseoir sur le plan de travail. Gabriel s’empressa de m’emprisonner entre ses jambes, les mains posées sur mes hanches alors que les miennes caressaient lentement ses cuisses avec une envie non dissimulée.

- Bonjour, murmurais-je entre deux baisers déposés à la base de son cou.

- Bonjour, souffla-t-il à son tour, semblant avoir beaucoup de difficulté à retenir un gémissement de satisfaction.

Je ne pouvais m’empêcher de repenser au terme qu’il avait employé et au plaisir que j’en avais ressentis. Si bien qu’au bout d’un moment, je finis par craquer :

- Et si… Tu me redisais… Ce que tu as dit tout à l’heure, soufflais-je tout en embrassant son cou, le faisant frissonner de plaisir alors que ma langue explorait cette zone que je savais particulièrement sensible.

- Ce que j’ai dit tout à l’heure ? Répéta-t-il, semblant surpris par ma demande et ne voyant pas là où je voulais en venir.

- Oui, ce que tu as dit, repris-je en lui faisant face, le fixant avec insistance, déterminé. Rappel-toi…

Après quelques secondes de réflexion, il répondit :

- J’ai dit que tu étais insatiable…

- Non, le coupais-je sans méchanceté, d’une voix douce. Après…

- J’ai dit que je n’étais pas nu, murmura-t-il en rougissant légèrement.

- Avant, le corrigeais-je avec une pointe d’amusement dans la voix, prenant plaisir à le voir chercher, ayant du mal à ne pas se laisser déconcentrer par mes doigts qui se faufilaient sans la moindre honte sous sa serviette pour effleurer l’intérieur de ses cuisses.

L’esprit embrouillé, loin d’être aidé par mes attouchements, Gabriel finit par déclarer d’une petite voix penaude :

- Je… Je suis désolé… Hummm… Je ne vois pas, gémit-il après une caresse plus poussée prodigué de ma part par sadisme.

- Tu vas devoir te faire pardonner alors… Soufflais-je avant de laisser ma langue suivre la courbe de sa clavicule gauche, savourant comme à chaque fois le goût suave de sa peau, lui arrachant un couinement de plaisir.

- Pourquoi ? Haleta-t-il. Qu’est ce que j’ai dit ?

- Tu m’a appelé « mon amour », murmurais-je à son oreille, comprenant qu’il ne trouverait pas de lui-même.

Je sentis Gabriel frémir sous mon corps. Savait-il seulement l’effet qu’il me faisait, ainsi dénudé, à ma merci, et empli de tous ces sentiments à mon égard. Après ces dix années jamais je n’aurais imaginé connaître à nouveau ce bonheur. Je ne l’avais pas encore pleinement atteint, privant malgré moi Gabriel d’un sentiment semblable.

- Oh… Répondit-il, me cachant assez mal son malaise. Et… Ça ne te plait pas ? Ajouta-t-il, appréhendant à tort ma réponse.

- J’ai jamais dis ça, susurrais-je avant de dévorer ses lèvres avec avidité, l’entrainant dans un baiser fougueux.

Dans un mouvement brusque, ne pouvant contenir mon désir plus longtemps, je glissais mes mains sous ses fesses et le décollais de son siège de fortune. Je sentis Gabriel raffermir la prise de ses jambes autour de mon bassin, frottant son intimité contre la mienne. Avait-il seulement conscience de la douce torture qu’il m’infligeait ?

Gémissant sous ce contact brûlant, aveuglé par mon désir et la passion qui me consumait, je le posais brutalement sur la table, ne pouvant décemment pas le porter plus loin. Le forçant à s’allonger, je me couchais sur lui pour atteindre sa bouche, saisis par le manque.  Dans un geste maladroit de par ma précipitation, je dénouais sa serviette qui faisait rempart à sa nudité. Lorsqu’il fut nu, je me redressais et posais sur lui un regard brillant de désir et de fierté. Il n’y avait pas de mot pour décrire sa beauté et ce qu’il représentait pour moi…

Je finis par fondre sur lui pour m’emparer à nouveau de ses lèvres pendant que mes mains dansaient sur son corps en ébullition. En un contact aérien, mes doigts frôlèrent sa peau sensible, lui arrachant des gémissements de plaisir à l’état pur. Sans la moindre honte, il s’abandonnait au plaisir que je lui offrais…

Mu par mes envies, ma langue redessinait maintenant les traits ses abdominaux, tandis que plus entreprenante, ma main remontait lentement l’intérieure de sa cuisse, le faisait se tordre de plaisir sous moi. Sa peau était d’une douceur sans pareille, et son corps ainsi exposé : une véritable invitation à la luxure. Mon bassin collé au sien trahissait mon désir qui augmentait à chaque minute, semblant attiser le sien de façon plus que certaine.

Une sonnerie de téléphone sembla parvenir à mes oreilles, mais je n’y prêtais guère attention, bien trop occupé avec Gabriel.

- Tu… Tu devrais aller répondre… Me murmura alors mon amant.

- … Rappellerons… Soufflais-je en m’emparant de ses lèvres afin de le faire taire.

- Non… Reprit-il en mettant fin au baiser. C’est… C’est peut être important.

J’émis un gémissement de frustration, et soupirant pour la forme, je lui volais un baiser avant de l’abandonner à contrecœur. Quittant la cuisine, je décrochais le téléphone d’un geste rageur, offrant un « allo » peu aimable.

- Bonjour, je désirerais parler à Hugo s’il vous plait.

Ne pouvant me retenir de lâcher un soupire, comprenant qu’il s’agissait d’un faux numéro, je finis par répondre qu’il n’y avait aucun  Hugo ici. Mon interlocuteur n’insista heureusement pas, et raccrocha après s’être excusé. Dès que j’eus reposé le combinais, je retournais directement dans la cuisine. Gabriel était toujours assis sur la table de la cuisine, et je ne pus faire autrement qu’arriver en face de lui, la mine renfrognée. Gabriel me demanda, inquiet :

- C’était qui ?

Lui lançant un regard assassin, je répondis :

-Un faux numéro…

Face à ma mine frustrée et rageuse, Gabriel finit par éclater de rire. Me prenant à son petit jeu, je le stoppais d’une voix glaciale en déclarant, le visage à seulement quelques centimètres du sien :

- « C’était peut être important », hein ?

Un peu effrayé par mon comportement et ma voix froide, Gabriel m’appela :

- Euh… Juha ?

Un sourire en coin étira mes lèvres. Je lui demandais alors en le plaquant de nouveau contre la table avec une violence emprunte de douceur :

- Qu’y-a-t-il ? Tu as peu ? Demandais-je amusé et surpris par l’effet que j’avais produit. Tu as peur ou tu me désires ? Tu trembles tellement…

Ma voix susurrée à son oreille sembla attiser son désir.

Ma voix susurrée à son oreille sembla attiser son désir. Pour toute réponse, Gabriel m’emprisonna de ses jambes avant d’onduler éhonteusement contre mon inimité tendue sous mon jean. M’attrapant par les cheveux dans un geste doué de douceur, il m’attira contre lui :

- Cela répond à ta question ?

A ces mots, il m’embrassa franchement, dévorant mes lèvres tandis que sa langue franchissait sans difficulté le barrage de mes dents. Après ce baiser qui nous laissa tout deux à bout de souffle, ne pouvant plus me contenir bien longtemps, j’humidifiais rapidement mes doigts. A bout de patience et avec empressement mais non sans douceur, j’entrepris de le préparer. Un gémissement de plaisir s’échappa de sa gorge alors que mon premier doigt entrait en lui.

Ne négligent pas son érection déjà conséquente, mon autre main s’activa sur celle-ci, lui arrachant des gémissements non contenus. Ne sachant plus vraiment par quelle force de volonté je parvenais à me contenir, un second doigt ne tarda par à rejoindre le premier. Celui-ci ne fut presque pas douloureux, mais Gabriel gémis de douleur lorsque j’entamais un mouvement de ciseau avec mes doigts. Mais cela ne fut bientôt qu’un lointain souvenir, et Gabriel finit par ne ressentir plus que du plaisir. Galvanisé, Gabriel finit par entamer un langoureux déhanchement, s’empalant de lui même sur mes doigts. Retenant de justesse un cri de surprise, je craquais, déclarant d’une voix rauque :

- Gabriel…. Je n’en peux plus… Je te veux…

A mon plus grand soulagement, Gabriel répondit à ma supplication, un sanglot de plaisir se brisant dans sa gorge : 

- Viens… Juha, viens… Maintenant….

Répondant au quart de tour à son injonction, je déboutonnais mon jean et le baissais en même temps que mon boxer libérant mon intimité de son étau. Me présentant à l’entrée de son intimité, un violent frisson de désir me parcourut alors que mon sexe effleurait son orifice. Lui volant un baiser, je me penchais à son oreille et d’une voix pleine de remord sachant pertinemment qu’il n’était pas suffisamment préparé, je murmurais :

- Pardonne-moi…

Sans tenir une seconde de plus, je m’enfonçais vivement en lui, le pénétrant entièrement cédant enfin à ma pulsion. Comme je l’avais craint, Gabriel se cambra violemment, un cri de douleur lui arrachant la gorge. Je connaissais que trop bien ce qu’il devait ressentir. Des larmes coulèrent silencieusement le long de ses joues tandis que ses ongles étaient plantés dans mes épaules. Oubliant le plaisir vif que je ressentais de mon côté, je le laissais s’habituer à ma présence. Mes lèvres parsemaient son visage de baisers papillons, en un pardon qui avait pour but de le détourner de sa souffrance.

Puis, ne pouvant rester ainsi, dans un lent mouvement, je commençais à me mouvoir en lui, tout en lui murmurant des mots doux et apaisant. Me servant de mon empathie, je mettais totalement de côté mes propres ressentis, l’accompagnant au mieux. Soudain, la douleur fit place à un plaisir insoupçonné lorsque, d’un mouvement plus puissant et plus profond, je semblais toucher quelque chose en lui qui lui vrilla les reins. Chutant dans mon corps, je fus saisi à mon tour par mon propre plaisir. Je ne perdis pas une seconde avant de réitérer mon action, accélérant la cadence de mes va et vient.

Alors que je gémissais de plaisir, Gabriel était emporté par un plaisir puissant. Plantant violemment ses ongles dans mes épaules, il m’emprisonna entre ses jambes. Laissant libre court à notre passion et l’amour qui le consumait, Gabriel cria sans la moindre retenu. Il criait à s’en briser la voix, comme jamais je ne l’avais entendu, me dévoilant une expression dépeinte sur le visage qu’il n’offrait qu’à moi. Je ne me lassais pas d’admirer les traits tirés et déformés par le plaisir que ressentais mon amant ; cet homme que j’étais le seul à connaître ainsi…

Gabriel étant bien trop proche de la jouissance à mon goût, je cessais subitement tout mouvement et avec une lenteur infinie, emprunte de sadisme, je me retirais de lui. Frustré au plus haut point, Gabriel entrouvris les yeux qu’il avait fermés depuis le début de son plaisir. J’étais dans le même état que lui, nous désirions tous deux cette libération, et pourtant, je voulais plus ! Quasiment couché sur lui, je le fixais de mon regard perçant et pétillant de désir et d’autres sentiments qui ne portaient pas encore de noms définis. Un sourire narquois étira mes lèvres, n’ayant pas oublié notre conversation matinale.

Sous moi, il se tortillait désespérément en sanglotant de frustration tandis qu’il tentait par tous les moyens d’accéder à la jouissance que je lui refusais sans savoir pourquoi je le faisais. Entre deux sanglots, il déclara, la voix brisée :

- Juha… S’il te plait… Ne… Ne me laisse pas ainsi…

Me penchant vers lui, je murmurais à son oreille, un large sourire étirant mes lèvres :

- Dis le mot magique… Je ne te laisserais pas venir avant de l’avoir entendu… Tu sais que tu as une voix magnifique quand tu es sur le point de jouir ? Et la vue me plait tout autant…

Ponctuant mes mots d’une caresse intime des plus poussée qui lui arracha un cri de plaisir, j’happais ses lèvres entrouverte pour un baiser endiablé. Je n’étais pas prêt à lui céder.

- Allez… Dis le moi… Susurrais-je après l’avoir libérer de ses lèvres, désirant l’encourager.

- Je… Je t’en prie… Sanglota-t-il après qu’un nouveau cri de plaisir lui ait arraché la gorge. Viens… Viens…

- Tss… Tsss… Pas avant que tu n’aies dis ce que je veux entendre, répondis-je la voix rauque du au désir et à la frustration que je m’infligeais aussi.

Un nouveau hoquet de sanglot déchira sa gorge alors que son corps était prit de violents tremblements, réclamant lui aussi d’être comblé. 

- Allez, dis-le… Insistais-je avant de laisser ma langue lécher ses larmes qui maculaient ses joues, m’offrant un étrange goût salé.

L’esprit apparemment trop embrumé, Gabriel se mit à gémir quelques mots :

- Je… Juha… Je t’…

- Oui… Allez mon ange… Dis-le… Dis-je en l’encourageant, la voix brisée par le plaisir.

- Je t’… Aime Juha… J’ai envie… Amour… S’il te…

Il n’eut pas le temps de finir sa phrase qu’un cri de pur extase s’échappa de ses lèvres entrouvertes alors que d’un ample mouvement de bassin, je le pénétrais de nouveau entièrement. Il venait de me combler, bien plus encore que je ne l’avais espérer. Non, ce moment ne pouvait pas être plus parfait.

En lui, je restais immobile l’espace d’un instant avant de reprendre un déhanchement encore plus déchaîné qu’avant l’interruption. Submergé par le plaisir, il ne fallut pas bien longtemps avant que je ne craque. Envahi, dévasté par une jouissance fulgurante, je me répandis en Gabriel dans un ultime coup de rien plus profond et plus puissant que les précédents, gémissant son nom. Mon amant me suivit de près, criant mon prénom qui tinta à mes oreilles avec douceur pour parfaire cet instant…

Haletant, le corps recouvert d’une fine pellicule de sueur, Gabriel ouvrit les bras pour m’accueillir. Dans le même état que lui, épuisé mais comblé, je me laissais aller contre lui, enfouissant mon visage dans son cou, inspirant son odeur à plein poumon, celle que j’avais failli ne plus jamais connaître pour la laisser à un autre…

Je pouvais sentir ses doigts jouer avec les petits cheveux de ma nuque, tandis que je l’embrassais du bout des lèvres dans le cou. Dans un souffle, je murmurais au creux de son oreille, le faisant frissonner :

- J’aime quand tu m’appelles avec des petits mots doux comme tu l’as fait tout à l’heure…

- Ouais ben n’y prend pas trop goût non plus, marmonna-t-il vexé, ne faisant pas preuve d’humour.

- … Ce petit côté fleur bleue, ça me donne envie de te faire l’amour encore et encore… Poursuivis-je sans tenir compte de sa remarque.

Je sentis Gabriel troublé et honteux mais tentant de me le cacher, il posa ses mains sur mes épaules et faisant mine de me repoussé il marmonna :

- T’es lourd…

Sans tenir compte de sa remarque, une fois de plus, je repris, une pointe d’amusement dans la voix :

- On est pas bien là, toi et moi ?

Exaspéré face à mon comportement, il déclara d’une voix blasée sans parvenir néanmoins à me cacher son amusement :

- Tu es d’un romantisme… Je pense qu’il y a quand même mieux qu’une table de cuisine pour ce genre… D’activités, non ?

Me redressant sur mes coudes, je plantais mon regard dans le sien, un sourire vicieux étirant mes lèvres, n’ayant pas dit mon dernier mot, je déclarais :

- Oh mais on peut arranger ça tu sais… Il nous reste la salle de bain, la voiture, le…

- Stop ! S’exclama-t-il.

Me repoussant avec plus de conviction cette fois-ci, il reprit :

- Je vais prendre ma douche…

Face à mon regard lubrique en rapport à cette phrase, Gabriel crut bon d’ajouter :

- Seul !!

Sans me laisser le temps de répondre, il m’embrassa furtivement avant de s’éclipser.

 A suivre…

Cet article a été publié le Jeudi 28 février 2013 à 22:14 et est classé dans Beyond the invisible. Vous pouvez suivre les commentaires sur cet article en vous abonnant au flux RSS 2.0 des commentaires. Vous pouvez faire un commentaire, ou un trackback depuis votre propre site.

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