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Beyond the invisible - chapitre 09

   Ecrit par : admin   in Beyond the invisible

chapitre 09 par Lybertys

 

Je lui lançais alors un regard qui lui fit clairement comprendre que j’avais compris son geste et sa portée. Le sourire que je lui adressais alors lui fis monter le rouge aux joues, créant chaque fois chez moi ce petit pétillement au creux de mon ventre. Atrocement gêné, il détourna le regard et sorti de la carrière et amena sa monture près de l’arbre ou sa selle était posée. C’est à ce moment là clairement que je réalisais ce qu’il allait me faire faire, c’est-à-dire monter à cheval pour la première fois de ma vie. Orphée se mit à brouter tranquillement, tandis que Gabriel commençait à le préparer. Il m’envoya chercher le licol et la longe posés un peu plus loin, et lorsque je lui tendis, il le passa à Orphée.

Une fois prêt, je le suivis dans la carrière. J’avais beau abhorrait un air serein, je ne pouvais m’empêcher de ressentir une certaine crainte et appréhension. Gabriel s’arrêta un peu plus loin et me fis signe d’approcher. Timidement, je tendis la main vers le nasaux de l’animal et commençais à le caresser, comme pour tenter de me rassurer. Sur ce, Gabriel m’invita à monter, un sourire se dépeignant sur ses lèvres.

Avec patience, il m’expliqua comment faire, ne cachant pas son amusement, allant parfois jusqu’à ce foutre ouvertement de ma gueule. Lorsque je fus en selle, il régla mes étriers et m’expliqua brièvement les bases. Puis, il attrapa la longue et me fit faire quelques tours de piste afin de m’habituer de sensations ressenties et aux mouvements du cheval. Je n’aurais su décrire avec précision ce que cela faisait naître en moi. Je sentais les muscles de l’animal se mettre en marche sous moi, acceptant ma présence sur son dos alors qu’il pouvait si facilement se débarrasser de moi. Jamais je n’aurais pensé que cela faisait cet effet.
Après une courte période d’adaptation, il choisit de lâcher la longe et la noua au licol en corde, de façon à en faire deux rênes. Je le regardais œuvrer, ne sachant pas vraiment ce qu’il me préparait. Comptait-il sérieusement que je me débrouille tout seul ?

Les lèvres pincées, je me retenais de lui poser mille et une questions, sachant combien cela l’agaçait et ne voulant surtout pas paraître ridicule à ses yeux. Il tenta de me rassurer, m’expliquant calmement comment tourner à droite et à gauche, à avancer, s’arrêter et faire reculer le cheval. Je ne pouvais cependant empêcher la boule qui naissait au creux de mon ventre.

Cependant, après une légère anxiété, je finis par me détendre, décrispant mes épaules et prenant de plus en plus d’assurance, je commençais à faire faire à Orphée, les figures de manège que je l’avais vu faire de nombreuses fois au cours de ses reprises. Je trouvais impressionnante l’écoute et la sensibilité de cet animal. Cependant, au bout d’un moment, Orphée commença à n’en faire qu’à sa tête, me rappelant que je n’étais qu’un cavalier débutant. Perdant mon assurance, je demandais d’une voix mal assurée et légèrement tremblante :

- Gabriel… Je… Je fais quoi ? Il… Il veut pas aller à droite…

Cachant assez mal son amusement, il répondit :

- Raccourci tes rênes elles sont trop longues et déplace tes deux mains vers la droite, il ne comprend pas ce que tu attends de lui.

M’exécutant sur le champ, je corrigeais mon erreur et Orphée, calme et attentif, fit ce que je lui demandais à mon plus grand soulagement. Je continuais ainsi un moment, totalement concentré dans ma tache. Au bout d’un moment, Gabriel me dit qu’il était temps d’arrêter, et alors que je le faisais en suivant ses instructions, Orphée se mit à reculer. Surpris, j’écarquillais les yeux et tirais d’avantage, ne sachant plus vraiment quoi faire. Orphée ne fis qu’accélérer. En plein milieu d’un fou rire, Gabriel ne semblait pas prêt à venir m’aider et c’est vexé que je lui demandais :

- Tu ne crois pas que tu pourrais m’aider au lieu de rire ?
- Attend… Je reprends mon souffle, souffla-t-il entre deux éclats de rire. Pose… Pose tes mains…
Je m’exécutais et à peine eussè-je fait ce qu’il me disait, qu’Orphée stoppait net, en un arrêt précis et volontaire.

Gabriel s’approcha de moi et saisis les rênes, défaisant le nœud qu’il avait fait précédemment, et c’est ainsi qu’il me ramena jusqu’à l’écurie, marchant paisiblement devant moi, sans précipitation aucune, me laissant encore un peu sur le dos de sa monture. Cependant, curieux, Gabriel finit par me demander :
- Alors ? Comment tu as trouvé ?
- J’adore ! M’exclamais-je d’une voix enjouée avec enthousiasme. Je n’aurais jamais imaginé que l’on puisse ressentir autant de chose à cheval….
- C’est vrai, fit-il remarquer. Et plus l’on progresse, plus on ressent des choses différentes. Ce n’est pas évident à expliquer…
- Oui, j’imagine, renchéris-je. D’autant plus qu’Orphée est très bien dressé. Je suppose que cela y est pour beaucoup aussi.

- Disons que ce n’est pas pareil. On ressent aussi beaucoup de choses à monter un cheval moins bien dressé. C’est pas toujours facile, mais c’est aussi très intéressant de leur apprendre quelque chose de nouveau et les aider à se perfectionner dans un domaine ou une discipline dans laquelle ils possèdent déjà un potentiel par nature. On ne peut pas comparer. L’un comme l’autre apporte beaucoup de plaisir que ce soit dans la finesse du cheval et sa sensibilité autant que dans le but de lui apprendre et le mener dans cet état d’acceptation ou, lorsque cette phase est atteinte, comme aujourd’hui avec Orphée, on peut arriver à leur faire faire des choses incroyables.

- Comme aujourd’hui ? Tu veux dire qu’il n’est pas toujours aussi acceptant ? Demandais-je intrigué.
- Tu sais, commença-t-il. Le cheval n’est pas une machine. Il demande un travail quotidien et parfois, il arrive qu’en effet, il se refuse à se laisser céder à mon autorité. Rien n’est jamais acquis avec un cheval. Ce que tu lui apprends, il s’en souvient mais que ce tu fais mal aussi. C’est pour cela qu’il faut toujours être vigilant et attentif à ce que l’on fait, pour ne pas l’induire en erreur et lui apprendre n’importe quoi. Car même si l’on peut « formater » la mémoire du cheval et lui apprendre à chaque fois de nouvelles choses, cela représente un travail long et fastidieux.

Ne tenant plus face à tout ce qu’il me faisait ressentir à travers mon empathie, je déclarais d’une voix rêveuse ne cachant pas le charme qu’il exerçait sur moi :
- J’aime t’entendre parler d’équitation ou de tout ce qui a un rapport avec les chevaux. Tu y mets vraiment une telle passion, tes yeux pétillent de fierté et de bonheur, ça en est fascinant. Tu es animé par la passion et cela se ressent lorsque tu parles. Cela donne vraiment envie d’aller dans ta direction et d’en connaître toujours plus sur cet univers attrayant.
Ces mots lui firent montrer le rouge aux joues et ne supportant pas mon regard, il détourna les yeux et répondit simplement atrocement gêné :
- Euh… Merci, me répondit-il simplement, trop profondément toucher pour en dire plus.
La fin du trajet se fit en silence, et alors qu’on arrivait aux écuries, je sentais les regards se poser sur nous et les messes basses parvenir à nos oreilles. En plus de ce que voyait Gabriel, je pouvais ressentir ce que chacun pensait de nous, préférant les rejeter que de m’y attarder. Seul Philippe nous observait depuis la fenêtre de son bureau, un immense sourire étirant ses lèvres. Gabriel s’arrêta avant d’entrée dans les bâtiments, et m’invita à descendre de cheval, avant de ramener Orphée dans son box. Avec mon aide, nous dessellâmes Orphée et Gabriel lui offrit un pansage bien mérité et un morceau de pain pour le récompenser de son travail et de sa gentillesse. J’aimais la douceur et le respect qu’il mettait dans son ouvrage.
Une fois que tout fut terminé et que les soins à Orphée furent donnés, nous prîmes la direction du réfectoire, commençant tous deux à avoir particulièrement faim.
Alors que nous entrions dans la salle de cantine, j’entendis Dorian pleins de mauvaises intentions que j’avais préalablement senti avant qu’il ne se mette à s’exclamer dans notre dos :
- Alors ça y est ? Si Gabriel te laisse monter Orphée c’est qu’il a du se passer quelque chose non ? Tu as enfin réussit à le mettre dans ton lit ?
Sans laisser me laisser le temps de répondre, Gabriel déclara :
- Quoi, t’es jaloux ? C’est ça hein ? T’as besoin de rabaisser les autres pour te sentir supérieur car au fond de toi, tu sais bien que tu n’arriveras jamais à t’élever aussi haut que je l’ai fais. Toute ta vie tu ne resteras qu’un minable petit palefrenier, à médire sur les autres et leur réussite.
- Jaloux de quoi ? Cracha Dorian. De ton cheval ou de Juha ?
Je n’aimais pas du tout le ton que prenait la conversation et surtout les sujets qui y étaient abordé.
- Des deux, répondit Gabriel, sans se départir de son calme et de son assurance, employant ce même ton froid et impersonnel que je n’avais pas entendu depuis longtemps. Avec audace et égocentrisme, j’irais même jusqu’à dire que tu es jaloux de moi. Tu pus la jalousie à des kilomètres à la ronde. Tu crèves d’envie d’avoir Juha et de monter un cheval comme Orphée mais au fond de toi, tu sais parfaitement que jamais tu n’atteindras mon niveau. Cesses de te bercer d’illusions et redescend sur terre avant qu’il ne soit trop tard et que tu ne chutes de trop haut. L’atterrissage risque sinon d’être très douloureux pour toi et tu risques de ne pas t’en relever.
- Pff n’importe quoi ! S’exclama Dorian, hors de lui, ne parvenant pas à maîtriser l’élan de haine qui l’habitait, mais néanmoins bouillant de honte face à l’introspection intempestive de sa part. Je ne connais personne de plus arrogant et prétentieux que toi ! S’exclama-t-il furieux. Et puis Juha, je l’ai déjà eu…
N’en supportant pas plus, et voulant mettre un terme à tout cela au plus vite, je m’exclamais vivement avec vivacité :
- Oui et c’était une erreur ! C’est inutile de t’acharner Dorian, plus jamais je ne te cèderais.
Sur ces mots, je l’attrapais par le bras et l’entraînais à ma suite. Puis les bras chargés de notre plateau, nous prîmes place à notre table dans un silence monastique. Tous les regards se posaient sur nous, nous dévisageant avec indiscrétion et je sentais l’énervement de Gabriel monter en flèche. Il avait d’ailleurs de plus en plus de mal à le cacher.
Nous mangeâmes dans le silence le plus complet, jusqu’à ce qu’un garçon que j’avais déjà vu près de Gabriel s’approcha de nous. Gabriel choisis de feindre l’ignorance et plongeant la tête dans son assiette, mais c’était peine perdue.
Arrivé à notre table, il s’exclama de sa voix mielleuse qui sonnait faux :
- Bonjour Gabriel.
Je n’aimais pas particulièrement la façon qu’il avait d’insister lourdement sur son prénom. Il ne lui répondit rien, afin de lui faire clairement comprendre qu’il n’avait pas envie de lui parler. Seulement, n’y prêtant pas attention, celui-ci se tourna vers et déclara :
- Tiens, tu es de retour ? On commençait vraiment à se faire du souci à ne pas avoir de tes nouvelles depuis deux jours. Cela aurait-il un rapport avec la disparition de Gabriel, il y a deux jours aussi ? C’est étrange. Mais en tout cas, quel retour en force que voila ! Gabriel doit bien tenir à toi s’il te fait confiance au point de te faire monter Orphée… Personne n’a jamais eut droit à ce privilège tu sais… Pas même Marion…
Trop troublé par ce qu’il venait de me dire, je sus rien répondre et heureusement Gabriel déclara, laissant libre court à sa colère :
- Mais vous avez fini de me les briser avec ça, bordel ! C’est encore mon cheval jusqu’à preuve du contraire ! S’exclama-t-il à présent hors de lui. J’ai le droit de faire monter qui je veux dessus merde, alors arrêtez de tous vous offusquer parce que Juha a monté Orphée ! Vous êtes jaloux ou quoi ? Vous ne vous êtes jamais dis que peut être vous étiez trop nul pour pouvoir espérer le monter un jour ? Vraiment cette façon de toujours tout commenter et observer mes moindres faits et gestes avec mon cheval c’est n’importe quoi ! on n’est pas dans une série télévisée à ce que je sache, alors occupez-vous de votre cul !!
A présent, il ne dissimulait plus ma colère et tous les regards convergèrent vers nous. Cependant, il ne sembla pas y prêter attention et poursuivit :
- De toute façon, avec la mentalité que vous avez, vous ne ferez rien de votre vie.
Sur ses mots il se leva et quitta vivement la salle à manger, me laissant seul avec ce jeune homme. Alors que je me levais pour aller le rejoindre, celui-ci m’attrapa par le bras. En un instant, je fus submergé par les différents sentiments qui habitaient cet homme. Ils étaient tellement violents que je ne parvenais pas à les discerner, me soulevant le cœur, et me faisant perdre pied.
- Dis moi tu vas le consoler à ta manière ? me demanda-t-il d’une voix lourde de sous entendu.
N’ayant aucune envie de répondre à sa provocation et n’étant tout de façon pas en état, j’arrachais mon bras de son emprise et suivit les traces de Gabriel. Lorsque j’arrivais dans la chambre de Gabriel, j’entendis qu’il était dans la douche, et choisit de m’asseoir un peu afin de me ressaisir avant qu’il ne revienne. Jamais je n’aurais pensé qu’un contact avec cet homme me mettrait dans cet état. Peut être étais-je encore trop affaibli…
Gabriel revint quelques minutes plus tard, simplement vêtu d’un jean propre et d’une serviette sur les épaules, et sursauta de surprise en me voyant. Alors que je tentais de paraître normal et de cacher ma petite faiblesse, c’est inquiet que Gabriel me demanda :
- Juha ? Quelque chose ne va pas ? Tu es tout pâle.
- Ca va, me répondis-je avec un sourire qui se voulait rassurant. Tu es sur que tu veuilles que je dorme ici ce soir ? Les autres pourraient parler… dis-je en me remémorant les dernières paroles que j’avais pu entendre.
- Je m’en fiche, s’exclama-t-il. Ils ne savent rien, je n’ai rien à cacher et puis, ce n’est pas comme si nous étions en couple.
Si j’avais été heureux de son début de réplique, la suite en était toute autre. Il était vrai que notre relation était ambigu et pourtant, ce que je ressentais malgré moi pour lui, s’approchait plus du couple qu’autre chose. Mais après tout, qu’étais-je à ses yeux, alors que je ne savais même pas définir ce qu’il était pour moi. Notre relation était très forte, mais ne portait pour le moment pas de nom. Je choisis de ne rien répondre à cela et me laissant porter par mes désirs, je m’approchais de lui d’une manière qui ne laissait présager aucun doute sur mes intentions. Avec la même douceur dont je faisais toujours preuve avec lui, je déposais mes lèvres sur les siennes, tout en l’enlaçant tendrement. A son tour, il posa ses mains sur mes hanches, se laissant guider par moi, qui lui demandais déjà l’accès de ses lèvres pour permettre à ma langue de rejoindre sa jumelle. Plus le temps passait et plus nos baisers gagnaient en intensités, faisant, je le sentais, grandir en Gabriel un manque de plus en plus important dont il n’avait même pas conscience. Après un baiser fiévreux des plus ardent, je me reculais lentement avant de happer ses lèvres une dernière fois et de demander :
- Je peux emprunter ta douche s’il te plait ?
- Hm ? Oui, fais comme chez toi, répondit-il discrètement, encore sous le charme de nos échanges.
Avec son accord, j’allais rapidement prendre une douche, souhaitant plus que tout aller me coucher, épuisé par les récents évènements. Moins de dix minutes plus tard, je rejoignis Gabriel dans la chambre, le voyant blotti dans les couvertures. Simplement vêtu d’une serviette nouée autour des reins, je m’approchais de Gabriel et lui demandais :
- Gabriel ? Tu n’aurais pas des vêtements à me prêter ?
- Cherche dans mon armoire, sur la gauche, répondit-il à moitié endormis.
Quelques secondes plus tard, je me glissais dans le lit après avoir soulevé les couvertures afin d’y prendre place. Une fois installé, j’éteignis les lumières et ne bougeais plus. Un long silence s’en suivit et une question s’imposa à moi. Je ne me l’étais pas posé jusqu’à maintenant et pourtant, elle était bientôt de circonstances. Noël approchait et j’allais bientôt pouvoir vivre mon premier Noël depuis dix ans. Seulement, je n’avais personne à qui le passer. Je demandais alors hésitant, ne tenant plus :
- Gabriel… Tu vas aller retrouver ta famille pour les fêtes de Noël ?
A cette question, je le sentis se tendre brusquement touchant malgré moi un point sensible. Finalement, il répondit après un court silence :
- Non… Je ne fêterais pas Noël cette année… De toute façon, ajouta-t-il avec mélancolie, cette fête n’a aucune signification pour moi… Et toi ? Tu vas le passer avec ta famille ?
- Non, je… Je n’ai plus de contact avec eux depuis la prison…
J’ajoutais alors, hésitant et anxieux de sa réponse :
- Tu veux bien le passer avec moi ?
Il se tourna vers moi, apparemment surpris, puis un sourire étira ses lèvres. Il se pencha vers moi et m’embrassa sur la joue avant de répondre :
- Avec plaisir…
De nouveau le silence nous engloba, jusqu’à ce que Gabriel finisse par demander, semblant se retenir depuis un moment, cachant assez mal son hésitation :
- Juha ?
- Oui ? Répondis-je d’une petite voix, appréhendant malgré moi la suite.
Combien de temps tu y es resté ? En prison je veux dire…
Je pris une profonde respiration, m’attendant à une question de ce genre. Il avait le droit à une répondre et je finis par parler, la voix enrouée d’émotions :
- J’ai passé dix ans de ma vie là bas…J’y suis rentré à dix sept ans et j’en ai vingt-sept aujourd’hui…
A chaque fois que j’y repensais, je constatais avec amertume tout ce temps gâché par ma propre faute.
- Juha ? Demanda-t-il de nouveau. Pourquoi tu as fais de la prison ? Ajouta-t-il non sans hésitation et crainte de ma réaction.
Si j’avais pu répondre à sa première question, il m’étais impossible d’ouvrir la bouche pour celle-ci. Je n’y arrivais pas alors que plus que tout je voulais être honnête avec lui. Face à mon silence gêné, il poursuivis heureusement :
- C’est… C’est à cause de Killian, n’est pas ?
Me déliant la langue, je pris sur moi pour répondre au mieux à sa question tout en restant tout de même évasif :
- Oui… Enfin, ce n’est pas à cause de lui, mais cela à un rapport avec lui…
Il resta à mon plus grand soulagement silencieux. Je n’aimais pas la tournure que prenait la conversation. J’étais loin d’être prêt et je lui avais demandé du temps, bien plus que ce qu’il était en train de m’offrir. C’est alors que Gabriel repris la parole et me demanda :
- Il était ton… Ton amant ?
- Oui, répondis-je simplement, n’ayant rien à dire de plus.
- Alors c’est vrai ce qu’il disait ? Tu… Tu l’as vraiment tu… Tué ? Pardon, ajouta-t-il précipitamment en me voyant me crisper sous les draps. Je vais trop loin, excuses moi. Je n’aurais pas du te demander cela…
Détournant complètement la conversation, faisant comme si cet instant fort désagréable n’avait pas eus lieu, je lui demandais, surpris :
- Tu as dis que tu ne fêterais pas Noël cette année, pourquoi ? Tu le fêtais avant ? Avec qui ?
- Ben… Comme j’étais avec Marion les autres années, je le fêtais avec Philippe, mais à présent, je me vois mal débarquer là bas… Répondit-il mi amusé, mi mélancolique.
- Et avant que tu sois avec Marion, tu le fêtais avec quelqu’un non ?
Aussitôt Gabriel sembla partir loin d’ici, plongé dans ses souvenirs passés. Je lui laissais le temps, n’étant pas pressé, mais au bout d’un temps jugé trop long, je me risquais :
- Gabriel ?
- Hm ?
Puis, se souvenant de ma question, il répondit d’une voix tremblante d’émotions :
- Oui, je… Je le fêtais avec mon… mon meilleur ami…
- Et tu ne le vois plus ? Lui demandais-je intrigué.
- Je n’ai plus eut de nouvelles de lui depuis mes quatorze ans, soit bientôt onze ans.
- Bientôt ? C’est bientôt ton anniversaire ?
Il se tourna vers moi, un sourire dépeint sur le visage, et répondit :
- Le vingt-cinq…
- Décembre ? M’exclamais-je surpris.
- Oui, répondit-il simplement.
- Tu es la première personne que je rencontre qui soit née à cette date. Et tu vas avoir vingt-cinq ans ?
- Oui, répéta-t-il.
- Tu te rends compte ? Un quart de siècle ! Fis-je remarquer en éclatant de rire.
- Hey ! Je ne permettrais pas une telle réflexion d’un homme qui aura trente ans d’ici peu ! S’exclama-t-il à son tour, prenant un air faussement indigné, rentrant dans le jeu.
Après un court silence durant lequel Gabriel bâillait à s’en décrocher la mâchoire, il se tourna sur le côté et d’une voix éraillée, il murmura :
- Bonne nuit, Juha.
Lentement, je me penchais vers lui et avant qu’il ne réalise ce qu’il se passais, mes lèvres s’emparèrent des siennes en un doux effleurement aérien avant de murmurer tout bras contre ma bouche :
- Bonne nuit Gabriel.
C’est blotti tout contre moi qu’il finit par s’endormir. Je le rejoignis peu de temps après, me plongeant dans un rêve que je n’avais pas fait depuis des années, un rêve emprunt du passé qui chaque jour me faisait culpabiliser.

Voilà maintenant une heure que je marchais dans le froid, maudissant le mois de janvier. Cela faisait deux mois que je n’avais presque pas mis le nez dehors, restant au chevet de l’homme que j’aimais. Parcourant les rues, je sentais mon cœur se serre à l’idée que je ne pourrais plus les parcourir main dans la main avec Killian. Condamner à rester chez lui, à se déplacer du lit au fauteuil et du fauteuil au lit, n’étant même plus capable de se déplacer seul. J’avais beau lui offrir toute l’énergie que je possédais, absorbant sa souffrance mentale, j’étais maintenant aussi à bout que lui. Il n’avait que vingt-cinq ans et demain maintenant quatre ans nous idéalisions tous les deux notre avenir commun qui maintenant se résumait à la mort de l’un de nous.
Les larmes me brulèrent les yeux, sans pour autant couler le long de mes joues, les retenant une énième fois. J’avais mal pour ce qu’il venait de me dire. Ses mots cassants et blessants résonnaient dans ma tête. « Si tu ne m’aides pas, cela veut dire que ton amour pour moi n’est pas si fort que tu le prétends. Tu n’es qu’un sale égoïste ! ». J’avais ressentis sa haine pour moi, bien plus dur que les mots et il le savait. Il avait fait exprès de me saisir violemment par le poignet, me suppliant une fois de plus d’abréger ses souffrances. Comment pouvait-il me demander cela ? N’étais-ce pas lui l’égoïste ? Etais-ce de ma faute après tout, de vouloir encore gagner une seconde près de lui vivant. On dit que savoir donner la mort à la personne que l’on aimait était la plus belle preuve d’amour. C’était l’argument qu’il me donnait si souvent. S’était-il seulement mit une fois à ma place ? Il faisait parfaitement que j’absorbais sa douleur, aussi bien physique que mentale. J’étais prêt à la partager, pour gagner un peu de temps. Nombre de dois, je lui avais proposé ou même tenter de le faire à son insu et il m’avait plus d’une fois violemment repoussé, prétendant que je n’avais pas à subir cela. Il n’avait cessé de me dire que je ne faisais que rejeter l’inévitable et tourner le dos à la vérité de sa mort. Mais n’avais-je pas droit à un peu de répit, vivre encore un moment dans cette illusion qui soulageait mon cœur. Qu’allait être ma vie sans lui ? Jamais je ne l’avais envisagée et je ne voulais surtout pas le faire.
Je marchais encore droit devant moi, sans trop savoir ou aller, ne me sentant bien qu’auprès de Killian. Je m’en voulais de cette relation si passionnelle qui m’avait rendu si dépendant de lui. Depuis que j’avais treize ans, je passais les trois quart de mon temps avec lui, et la solitude qui m’attendait après sa mort me terrifiait. Le vide qu’il allait me laisser ne portait pas de nom. Kilian était et serait mon premier et mon dernier amour et pour moi, il en avait toujours était ainsi. Jamais je ne m’étais permis de penser autrement. Je lâchais un soupir, redressant la tête. Les larmes coulaient toutes seules et je les essuyais d’un revers de la manche. J’étais devant chez moi. Je n’avais pas du y mettre les pieds depuis deux ou trois semaines et mes parents devaient s’en moquer éperdument. Je les avais trop déçut et cela un nombre trop important de fois pour qu’ils daignent me porter une quelconque attention ; mais je m’en moquais, j’avais Killian.
D’ailleurs que faisais-je ici ? Ma place était aux côté de Kilian, pas chez moi. C’était lui qui avait besoin de moi. Je n’avais de toute façon aucune envie de revoir ma famille, surtout dans cet état. J’étais resté assez longtemps loin de celui que j’étais et je me devais de retourner le voir. Il me restait si peu de temps à vivre à ses côtés que j’étais bête de ne pas en profiter. C’est tout contre lui que je voulais être et non seul dehors à me morfondre. D’un pas peu sur, je repris le chemin du retour, appréhendant une nouvelle confrontation et languissant à la fois le moment ou je pourrais le revoir. J’espère qu’il pardonnerait notre dispute, tout comme je l’avais oublié. A la fois bien trop vite et bien trop lentement, je me retrouvais devant la porte de son petit studio. Je grelottais de froid, étant sorti simplement en pull léger. Rapidement je cherchais le double de la clef qu’il m’avait donné il y a deux ans, me proposant de venir chez lui autant que je le voulais. C’est à partir de cette période là que ma relation avec mes parents déjà bancale s’était dégradée de plus en plus.
Lentement je tournais la clef dans la porte, ne voulant surtout pas le réveiller s’il s’était endormi. J’ouvris la porte, posant les clés sur la petite table à l’entrée puis longeais le couloir avant d’arriver dans la pièce qui faisait office de chambre et de pièce de vie. Le spectacle qui s’offrit alors à mes yeux me glaça d’effroi. Seul mon cœur battait extrêmement vite. Kilian se tenait là, assis dans le canapé, une arme à feu dans la main droite, en larmes… Il sembla s’apercevoir de ma présence car il releva les yeux vers moi et s’exprima dans un sanglot me voyant parfaitement immobile :
- Ce que je te demande de me faire, je n’en suis même pas capable moi-même… Aide-moi, je t’en supplie…
Sa voix était tellement faible… Sans réfléchir une seconde de plus, je me jetais littéralement sur lui.
Une fois tout contre lui, je le serrais tout contre moi de plus en plus fort, comme s’il allait m’échapper à jamais. Nous pleurions de concert, sans trop même s’en apercevoir. Il avait failli partir, et je n’avais pas été là pour l’en empêcher. Dire que cette étreinte ne m’aurait pas été permise… Je sentais ses sentiments venir envahir mon cœur, mêlant douleur et culpabilité de mes laisser ainsi. Nous partagions tellement de choses… Lui seul avait jamais eu le droit de lire au plus profond de mon cœur, m’ouvrant à lui et me laissant à sa merci. Je le connaissais par cœur et n’avais même plus besoin de le toucher pour être lié à lui. Jamais je n’avais usé de mon don pour vérifier ses sentiments pour moi, sachant leur valeur réelle.
Au milieu de ses sanglots, alors qu’il était au creux de mes bras, je l’entendis gémir, telle une litanie incessante me déchirant le cœur à jamais :
- Je voulais au moins te dire au revoir, te voir une dernière fois… Je t’aime Juha… Si tu savais comme je t’aime… Tu sais… Je suis jaloux, jaloux des autres hommes qui seront dans ta vie et que tu aimeras, jaloux de ne plus appartenir à la tienne… Je m’en veux tellement et j’en veux de pouvoir encore vivre sans moi.
Je me retins alors difficilement de lui répondre ce que je pensais de ce qu’il venait de me dire. Comment pouvait-il penser cela, en sachant combien j’en souffrais. Ne voulant pas en entendre plus, je recouvrais ses lèvres d’un baiser plus désespéré que jamais. A chaque fois que je l’embrassais, j’avais cette cruelle impression que ce serait le dernier. Il répondit avec douceur à mon baiser, entrouvrant délicatement les lèvres. J’aimais leur gout plus que tout et ne passais pas un seul instant sans vouloir m’en repaître encore et encore. Leur saveur si particulière et unique me donnait des frissons de plaisir. La chaleur de ses baisers allait bientôt m’être enlevé. Lentement, bien que perdu dans notre échange passionnel, je pris l’arme qu’il avait dans les mains afin de lui ôter toute possibilité d’écouter sa vie de lui-même. Les seules fois ou nos lèvres ses séparaient quand l’être venait à manquer, nous murmurions nos sentiments réciproque, ne nous laçant pas de déclamer notre amour. Je pleurais, et ses larmes venaient se mêler aux miennes dans notre baiser qui avait ce goût amer d’adieu. Son corps tout contre moi, je mourais de peur à l’idée qu’un jour bien trop proche, il devienne raide et froid.
C’est à ce moment là que je sentis sa main attrapais la mienne, la faisant lentement glisser sous son t-shirt. Depuis combien de temps ne nous étions pas touché ainsi. Sa peau était toujours aussi douce et il était impossible de ne pas se rendre compte de son amaigrissement ; lui qui portait tellement d’importance à son apparence… Encore une fois, quittant mes lèvres, il me murmura à l’oreille combien il m’aimait, faisant remonter lentement ma main de ses abdominaux jusqu’à son torse imberbe, avant de s’arrêter à un endroit stratégique que je ne compris que trop tard. Alors qu’il bloquait ma main sur son cœur, siège de tous ses sentiments et sa souffrance, il continua de murmurer à mon oreille, comme un adieu :
- Je suis le plus heureux des hommes car je meure dans les bras de celui que j’aime. Merci Juha…
A peine eut-il finit sa phrase qu’il sembla relâcher tout ce qu’il m’avait dissimulé jusqu’à maintenant ; un flot de ressentis si fort qu’ils me rendirent comme presque fou. Comment avait-il pu me cacher tout cela ? la puissance de sa douleur et de son envie de mourir était si forte qu’elle compressait mon cœur jusqu’à presque l’arrêter. J’avais cette impression de suffoquer et de ne jamais pouvoir m’en sortir. Il venait de me mettre face à un gouffre béant qui m’attiraient dans sa chute et mon instinct de survie fini par prendre le dessus. Malgré moi, je m’arrachais plus que violemment à son étreinte alors que mon cœur me hurlait de ne surtout pas m’éloigner. Il fallait que tout cela cesse où j’allais y laisser ma peau. Je n’avais qu’une seule solution et celle-ci se trouvait dans ma main droite. Tout se passa tellement vite que ce fut dans la moindre réflexion que je pointais mon arme sur son cœur, source de tout les maux. La folie m’avait maintenant totalement atteint et il m’était impossible de différencier ses sentiments des miens. Il fallait que j’y mette fin et c’est un cri d’animal à l’agonie qui s’échappa des mes lèvres au moment où le coup parti, figeant à jamais le sourire de Kilian sur ses lèvres. J’avais visé en plein cœur et à peine eut-il expiré son dernier souffle que je fus libéré de ses ressentis, qui étaient mort en même temps que celui à qui je venais d’ôter la vie. Killian n’était plus qu’un corps inerte sur le sol, baigantn sans son propre sang. Si sa douleur n’était plus en moi, elle laissa alors place à la mienne qui me pris si brusquement à la gorge au moment ou je réalisais ce que je venais de faire : mettre fin à la vie de l’homme que j’aimais le plus au monde. Mes jambes cédèrent sous mon propre poids et je me retrouvais agenouillé à quelque mètre de lui, voulant hurler ma douleur mais ne laissant uniquement s’échapper que des larmes silencieuses, coulant sur mes joues. La porte d’entrée s’ouvrit derrière moi, une seule autre personne possédait la clef de ce studio, le frère de Killian. Immobile, je me sentais chuter à une allure vertigineuse vers ce qu’on appelait la fin de toute chose : le néant.

Mes yeux s’ouvrirent d’un coup, me ramenant dans le présent mais encore trop emprunt du passé, je m’exclamais en une litanie incessante dans un sanglot :
- Je l’ai tué… Je l’ai tué…
J’avais tellement mal que je ne pouvais dire que cela, comme pour réaliser et me faire souffrir un peu plus comme je le méritais. Je ne me retenais même pas de laisser ma peine s’échapper, la laissant envahir Gabriel. Celui-ci, profondément touché par mon état, me pris tout contre lui, et commença à me rassurer, d’une voix calme et rassurante, mais pourtant chargée d’incompréhension. Ce n’est que lorsque je fus à peu près calmé, qu’il osa me demander :
- Et si tu me racontais ? Tu ne crois pas que cela pourrait te soulager ?
Je ne parvins qu’à gémir :
- Je ne suis qu’un montre. J’ai tué Kilian… Je l’ai tué… J’aurais du passer ma vie à croupir en prison…
Je ne savais même plus ce que je racontais, ni à qui j’étais entrain de parler, trop meurtri. Je n’avais pas fait ce rêve depuis des années, et c’était le moment le plus douloureux de toute mon existance.
- Calme-toi… Je ne comprends rien à ce que tu dis… Explique-moi calmement, d’accord ? Me demandait-il en raffermissant son étreinte autour de moi.
Reconnaissant de la patience et de la douceur dont il faisait preuve pour moi, je me lançais, ayant de toute façon besoin d’en parler à quelqu’un, de confesser pour la première fois ce qu’il s’était réellement passé à Gabriel :
- J’ai connu Kilian à l’âge de treize ans. Très vite, nous nous sommes rendu compte que nos sentiments respectifs allaient bien au delà qu’une profonde amitié. Nous vivions une relation que l’on aurait pu qualifier de passionnelle. Tout allait pour le mieux, c’était vraiment merveilleux, jusqu’à ce qu’un jour, quatre ans plus tard, je…
Je fis une pause, soupirant longuement, afin de me donner du courage. J’arrivais à la partie la plus délicatement et c’est avec hésitation, la voix tremblante de sanglots contenues que je repris :
- J’ai appris qu’il était atteint d’une maladie incurable qui le tuait à petit feu dans une douleur insupportable. Plus la maladie évoluait, plus son corps et son mental étaient atteint de dégénérescence. Il n’en avait plus pour longtemps à vivre et Kilian le savait lui aussi. Je ne sais combien de fois il m’a supplié de le délivrer de cette souffrance, n’ayant pas le courage de le faire lui-même. Je passais tout mon temps à son chevet, me refusant à cette idée de li donner la mort. Mais toujours il me suppliait, me demandant de le faire avant qu’il ne m’oublie définitivement et que je ne garde de lui que des souvenirs d’un corps inerte et d’un esprit défaillant. Puis un jour j’ai cédé… Je l’ai tué… Je m’en veut tellement d’avoir été aussi lâche… C’est le frère de Kilian qui m’a dénoncé. Il n’a jamais accepté ce qui me liait à lui et ne comprenait pas l’envie que Kilian avait de vouloir mourir. Il aurait préféré le voir se battre contre la maladie et n’acceptait pas le fait qu’elle puisse être plus forte que lui… Si seulement j’avais su… Jamais je n’aurais appuyé sur la gâchette…
Je me tu, ne pouvant en dire plus. Blessé, je ne savais pas comment allait réagir Gabriel. Allait-il être dégoûté et me rejeter ? J’allais avoir ma réponse, car il commença à parler :
- Tu sais, je ne sais pas ce que tu as pu ressentir, mais je peux l’imaginer et je pense qu’au contraire, même si tu as perdu dix ans de ta vie en prison, tu peux être fier de toi. Peu de personnes auraient été capables d’offrir cette ultime preuve d’amour à la personne qu’elles aiment.
Après un court instant, il ajouta, s’engageant sur un terrain plus que glissant :
- Tu sais, à la place de Kilian, j’aurais fait la même chose…
- Non ! M’exclamais-je alors vivement Juha en me redressant et en lui faisant face. Plus jamais je ne veux revivre cela… Plus jamais je ne veux ressentir la douleur de perdre un être qui m’est cher… Comment peux-tu dire cela ? Comment peux-tu ignorer ma douleur ? T’es tu seulement demandé ce que j’ai pu ressentir ? Tu ignores tout de cette culpabilité qui me ronge depuis dix ans…
J’avais parlé avec mon cœur, peut être un peu trop virulemment, mais il avait touché directement un point bien trop sensible. Le voyant dans le désarroi le plus total, je déclarais alors doucement, me reprenant :
- Je suis désolé Gabriel, je n’aurais pas du m’emporter contre toi. Mais je… Je tiens à toi tu sais… Je ne veux pas qu’il t’arrive quelque chose…
Je sus que mes paroles avaient touché Gabriel, mais je ne l’avais pas dis pour lui faire plaisir, mais j’avais laisser mon cœur parler à ma place.
En effet je tenais à lui et bien plus qu’il ne voulait le croire. C’était d’ailleurs pour cette raison que je m’étais confessé à lui, et cela m’avais malgré tout fait beaucoup de bien. Gabriel lâcha un soupir de contentement tout en se laissant aller contre moi. J’aimais nos étreintes, j’aimais être tout contre lui, même si je continuais à ressentir sa douleur. J’espérais qu’un jour il finirait par lui aussi me parler. Gabriel finir par me répondre :
-  Moi aussi je tiens à toi Juha… Ne m’abandonne pas s’il te plait…
Si j’étais surpris par sa supplication, je n’en laissais rien paraître et bientôt nous plongions de nouveau dans le sommeil, tendrement enlacés.
Le lendemain, je me réveillais un peu avant Gabriel, dans la même position que la veille. Jamais je n’aurais imaginé, quelques temps auparavant, connaitre ce bonheur de nouveau. Lentement, je me redressais pour admirer le visage de Gabriel endormi, qui avait tout d’un ange. Il sembla s’en apercevoir, car il se tourna de  l’autre côté. Simplement, j’en avais décidé autrement, et sans aucune pudeur, je laissais ma main s’aventurer sous son t-shirt, remontant sur son ventre. Ceci eut l’effet escompté et aussitôt, il sursauta à présent totalement réveillé. Il ouvrit les yeux, pour se noyer dans les miens. Un sourire étira mes lèvres et d’une voix qui ne cherchait pas à cacher mon amusement, je chuchotais :
- Je ne te savais pas aussi fainéant le matin ! Serais-je en train de découvrir une autre facette de ta personnalité ?
- Mmf… Fatigué, grogna-t-il en se laissant lourdement tomber dans le matelas.
Accoudé au dessus de lui, je ne pouvais m’empêcher de le regarder avec un désir évident qui malheureusement le mettait mal à l’aise. Plus le temps passait et plus mon désir pour lui montait en flèche. Anéantissant la distance qui séparait encore nos lèvres, je me penchais au dessus de lui, et m’emparais de ses lèvres avec une passion non feinte. Très vite, ma langue vint quémander avec gourmandise l’accès à ses lèvres, comme en manque total de ses baisers. Avec sensualité, j’investissais sa bouche. Nos langues se mêlaient en un ballet farouche et emprunt de sensualité, se faisant de plus en plus gourmand et possessifs. Complètement abandonné à moi, il me laissait le guider, l’entraînant toujours plus loin dans notre baiser, le guidant avec savoir faire. Docile, il se laissait entraîner dans cette danse à la limite de l’érotisme, me laissant  maître de la situation. Je le sentais, il prenait de plus en plus de plaisir à ses baisers, y répondant sans se faire prier. J’aimais les baisers que nous échangions et la timidité qu’il ne pouvait me cacher dans ce genre d’échange.
Après un baiser des plus ardents, nous nous séparâmes à contrecœur, le souffle court et Gabriel se leva pour aller prendre sa douche. Soudain, il se tourna vers moi, semblant penser à quelque chose, il déclara :
- Je vais à un concert ce soir… Tu… Enfin… Tu veux venir avec moi ?
- Je… Oui, pourquoi pas… Mais je n’ai pas de billet…
- J’en ai… J’avais l’intention d’y emmener Marion car on était encore ensemble quand j’ai acheté les places, mais à vrai dire, je n’ai aucune envie d’y aller avec elle… En fait, moins je la vois, mieux je me porte…
- Oh… Bien, tu me diras combien je te dois, alors…
- Non… C’est cadeau, ajoutais-je en le voyant ouvrir la bouche pour protester.
- Mais… D’accord… Merci, Gabriel… répondis-je, touché par son invitation.
Lorsqu’il revint de sa douche, j’allais prendre la mienne. La journée passa très vite, et vers dix sept heures, Gabriel vint me chercher et nous allâmes prendre une douche afin de ne pas arriver là bas et sentir le cheval et la sueur. Gabriel me prêta des affaires propres. Une demi-heure plus tard, nous prenions la route. La circulation était plutôt bonne, nous arrivâmes en avance et du coup, je nous payais à chacun une pizza. Une fois celle-ci terminée, nous prîmes le chemin de la salle de concert, marchant côte à côte.
Alors que nous marchions tranquillement, nous croisâmes un homme, vêtu d’une soutane qui, je le sentis, troubla aussitôt Gabriel. Je ne le touchais pas, mais la douleur qui m’avait profondément affectée à notre premier contact était en train de ressurgir sans que je sache pourquoi. Je pris sur moi pour la renflouée, alors que cet homme aux cheveux grisonnant s’approcha de nous avant de s’exclamer avec haine :
- Je savais bien que c’était toi… C’est difficile d’oublier un visage comme le tien, morveux !
Il le détailla de la tête aux pieds, et le scruta avec dégoût et répugnance avant de reprendre :
- A ce que je vois, tu sembles avoir réussit dans ta vie… Me serais-je trompé ? Ou voles-tu toujours ce dont tu as besoin pour subvenir à ta misérable existence ?
Plus il déblatérait ses paroles, plus je sentais Gabriel aller de plus en plus mal. Je dévisageais Gabriel avec incompréhension, ne comprenant pas ce qui était en train de lui arriver. C’est alors que cet homme dont je ne ressentais rien de bon s’aperçut de ma présence à ses côté avant de poursuivre avec toujours ce mépris dans sa voix, comme s’il parlait à un chien :
- Je l’avais prédit… Tu es le fils du Malin, le mal et la perversion ont eut raison de toi… Le péché de la luxure coule dans tes veines…
Si je n’avais rien dit jusque là, c’était parce que j’étais sous le choc. Mais maintenant je ne pouvais en supporter d’avantage et je pris la parole, le coupant dans son réquisitoire, sachant que l’état de Gabriel en dépendait :
- Excusez-moi, mais vous vous trompez de personnes. Nous n’avons pas le temps de vous écouter déblatérer vos conneries, vieux fou…
Puis, le prenant par la main, je l’entrainais à ma suite, voulant l’éloigner au  plus vite pour nos propres santés. Docilement, il se laissa faire. Il était comme tétanisé et ne pas savoir pourquoi me rendait furieux contre moi-même.
Docilement, il se laissa faire. Il était comme tétanisé et ne pas savoir pourquoi, me rendait furieux contre moi-même. Voyant cela, le vieil homme s’exclama :
- De toute façon, vous êtes de la même espèce ! Un jour les animaux dans votre genre finiront sur le bûcher…
- Ouais, si tu veux, répondis-je en m’éloignant rapidement.
Quant à Gabriel, il semblait de plus en plus mal et son visage était d’une pâleur à faire peur. Il irradiait sa douleur, et je ne pouvais faire autrement que la recevoir en moi. Le pire était que je ne savais même pas quoi faire pour l’aider. Il s’arrêta soudain dans une petite ruelle et rendis le contenu de son estomac, ne faisant même pas attention aux larmes qui inondaient ses joues et aux sanglots qui secouaient ses épaules. A côté de lui, je lui massais le dos, cherchant à l’apaiser comme je le pouvais, tout en cherchant les mots qui pourraient lui remonter le moral :
- Ne fais pas attention à lui Gabriel. Ne laisse pas ses mots t’atteindre. Tu vaux beaucoup mieux que ce qu’il veut faire croire. Pauvre fou ! Cet homme est est un dément, il ne sait pas ce qu’il dit… Et puis, il ne t’a pas appelé par ton prénom, il ne savait même pas à qui il parlait…
Il marmonna entre deux sanglots quelques mots mais je ne les compris pas, si bien qu’il déclara :
- Si je… Je connais cet homme…
- Ah bon ? Demandais-je surpris. Qui était-ce ?

- Un cauchemar, répondit-il, sans s’appesantir sur la question.

Je compris qu’il ne voulait pas m’en dire plus, et je respectais son choix, sachant qu’un jour peut être il aurait le courage de m’en parler. Je continuais à masser son dos qui irradiait sa souffrance pendant encore quelques minutes jusqu’à ce que je finisse par dire :

- Allez viens, ne gâche pas ta soirée pour un type comme lui.

Obéissant, il se leva et me suivit en silence jusqu’à la salle de concert. C’est au moment seulement ou nous arrivâmes devant l’entrée que je commençais à réaliser ce que je venais d’accepter. Moi qui fuyais le monde afin d’éviter tout contact, je me préparais à vivre un bain de foule pour ce qui allait être mon premier concert.

L’entrée était blindée et il nous fallut attendre bien une quinzaine de minutes avant de finalement pouvoir entrer. Une fois dans la salle, je me laissais guider par Gabriel dans la fosse, juste devant la scène et ignorant les autres, nous patientâmes échangeant parfois quelques mots. Intérieurement, j’essayais de faire le vide moi, afin de ne pas céder à la pressions des ressentis de tout le monde. Pour le moment j’arrivais à n’avoir de contact avec personne. Je lui demandais quelques précisions sur le groupe que nous allions voir, tentant de me changer les idées. Près d’une demi-heure plus tard, le groupe monta sur scène et la salle fut envahie par le son des guitares électrique de la batterie. Aussitôt la foule entra en mouvement, nous entrainant de un mouvement de masse déferlant sur nous aux rythmes de la musique. Pendant la première minute, je parvins à retenir des barrages plutôt bancale, mais ne pouvant empêcher un contact avec toutes ces personnes, je fus bientôt assaillis par chacun de leur sentiments, m’offrant une migraine intenable.

J’avais de plus en plus de mal à gérer toute cette subite agitation autour de moi. C’est alors que je sentis des ressentis particuliers que je ne connaissais que trop bien et que je trouvais pour une fois reposant. Ils provenaient de la main de Gabriel posée sur mon épaule.
Se penchant vers moi, il me cria à l’oreille, dans le but de se faire entendre :
- Ca va ?
- Oui… T’en fait pas, répondis-je.
Certes, je disais cela pour le rassurer, mais je ne voulais surtout pas gâcher sa soirée. Gabriel reporta son attention sur la scène, me jetant parfois de petit coup d’œil. Je tentais de me maîtriser au mieux, mais c’était de plus en plus dur. Je finis par craquer, ne tenant plus sur mes deux jambes, sur le point de défaillir avec ce mal de tête horrible qui me martelait le crâne et qui me soulevait le cœur. Gabriel me pris alors par la main et m’entraîna sans ménagement à sa suite. Il m’emmena dans les toilettes et une fois à l’écart de la foule, il me demanda :
- Que se passe-t-il ? Et ne me ment pas en disant que tout va bien, je vois à ta mine que ce n’est pas vrai.
Je n’allais certainement pas lui dire la vérité, car il m’aurait pris pour un fou. Je choisis d’en dire peu mais suffisamment.
- Je… Excuse-moi… Je… Je ne suis pas habitué à avoir autant de monde autour de moi…
- Oh… Oui, je comprends… Pardonne-moi, j’aurai dû y penser avant de t’entraîner là dedans… Je suis désolé.
- Ce n’est rien, ne t’en fait pas. Ca va déjà beaucoup mieux, mais je ne peux pas y retourner… Vas-y sans moi… Dis-je extrêmement gêné que ce don me bouffait encore la vie.
- Tu plaisantes j’espère ! S’exclama-t-il indigné. Si on rentre, c’est ensemble. Allez viens, partons d’ici…
- Merci… Je suis désolé de gâcher ta soirée…
- Ne t’excuse pas. De toute façon, je n’avais pas vraiment la tête à m’amuser… Je crois plutôt qu’une bonne nuit de sommeil sera le mieux…
Le chemin du retour s’effectua dans un silence monastique et c’est près d’une heure plus tard que Gabriel garait la voiture sur le petit parking en bas de chez moi. Nous entrâmes dans le studio et il jeta les clés sur la petite table à l’entrée avant d’aller se chercher un verre d’eau et une pomme. Il me demanda si je voulais quelque chose de spécial et recevant une réponse négative de ma part, il alla me rejoindre au salon. A vrai dire, pour aussi une bonne nuit de sommeil me ferait le plus grand bien, car je ne ressortais pas indemne de ce concert, affaibli plus que je ne l’aurais du. Il resta à mes côtés le temps de manger sa pomme, puis après s’être excusé, il alla s’allonger dans le lit pris d’un soudain coup de fatigue.
Je m’affairais quelque temps dans le petit appartement et vint le rejoindre un peu plus tard, décidant d’aller me coucher à mon tour. Je me glissais discrètement entre les couvertures, et Gabriel vint à mon plus grand bonheur se lover tout contre moi, semblant avoir besoin et envie de sentir ma chaleur contre lui. Comprenant tout à fait son désir de protection et afin de le rassurer, je l’enlaçais tendrement. Soupirant de bien-être, Gabriel se laissa aller à poser sa tête sur mon torse. Sa souffrance irradiait encore autour de lui, et je savais qu’il fallait qu’il parle. Seulement, n’étant pas du genre à le faire de lui-même, alors qu’il allait s’endormir, je me risquais à lui demander :
- Gabriel ?
- Hn ? Répondit-il à moitié endormi.
- Je peux te poser quelques questions ?
- Je… Hésita-t-il avant de finir par céder. D’accord… Je t’écoute.
- Cet homme, toute à l’heure, tu disais le connaître… Où l’as-tu connu ? Dans quelle circonstance ?
Il resta un moment silencieux, semblant peser le pour et le contre de tout m’avouer et il sembla finir par céder. Je pouvais ressentir sa peur, sa crainte et sa honte de me parler, mais il finit par commencer :
- Je… Je n’ai jamais connu la douceur et la chaleur d’une mère et j’ai compris le rôle que pouvait avoir un père lorsque j’ai rencontré Philippe. C’est lui qui m’a offert mon premier foyer…
Je ne pus cacher l’expression horrifiée qui s’affichais sur mon visage, et Gabriel sur que j’avais compris, confirmant mes pensées :
- Oui, j’ai passé toute ma vie à l’orphelinat. Je suis ce que l’on appel un pupille de la nation. J’ai été trouvé à l’âge de quelques jours sur le perron de l’église du père Colman, l’homme que nous avons croisé toute à l’heure… Je ne connais rien de mes origines et lorsque j’ai voulu faire des recherches, pour comprendre qui j’étais et d’où je venais, on m’a informé que c’était tout simplement impossible… Ma mère avait accouché sous X et n’a jamais dévoilé qui était mon père…
Il se tu un instant, la voix brisée par la multitude de sentiments qui s’imposaient à lui et qu’il me faisait malgré lui ressentir. Profitant de son silence, je déclarais tout en raffermissant ma prise autour de lui :
- Je suis désolé, Gabriel…
- Tu n’as pas à l’être… Cela ne changerait rien de toute façon… C’est… Poursuivit-il. C’est à l’âge de trois ans que j’ai fait la connaissance de Kay. Il est arrivé là suite à la mort de ses parents lors d’un accident d’avion. Je me suis immédiatement attaché à lui et de son côté, il m’a prit sous son aile. Il avait alors cinq ans et il prenait toujours ma défense contre les autres… Nous avons grandis ensemble, il était comme un frère pour moi, mon meilleur ami, le seul que j’ai jamais eu… Cependant, plus je grandissais et plus… Plus je me rendais compte que l’amour que j’avais pour Kay allait au delà de l’amour fraternel… C’était… C’était bien plus profond… L’année de mes quatorze ans, je… Kay et moi avions vo… Volé quelques cerises au paysan du coin et pour ne pas nous faire prendre, nous nous sommes séparés… Je me souviens de la peur que j’ai ressentie à ne pas le voir arriver… Finalement quand il est revenu, c’est là… C’est là qu’il m’a donné mon premier baiser… Le… Le père Colman nous a surprit… Je… Je ne me souviens pas vraiment de ce qui s’est passé ensuite… Je me rappelle juste des insultes et de l’humidité et des ténèbres d’une vieille cave… Je ne sais pas combien de temps j’y suis resté, seul, affamé et tremblant de froid et de peur, mais je…J’en garde à présent une trace indélébile…
Comprenant le sous entendu, je glissais ma main dans son dos, et alors qu’il se tendait, je lui demandais :
- Je peux la voir ?
Il me lança un regard apeuré, mais ne décelant aucune trace de moquerie ou autre, il se redressa et retirant son t-shirt, il me présentait son dos, me montrant la marque physique de sa douleur mentale. Touchant en plein cœur de sa souffrance, il frissonna lorsqu’il sentit mes doigts glisser le long de sa cicatrice qui zébrait son dos dans toute sa longueur, de son omoplate gauche jusqu’à sa fesse droite. Ce que je m’apprêtrais à lui faire, je l’avais déjà fait tellement de fois à Kilian pour le soulager un peur. Certes, je n’allais qu’atténuer un peur sa douleur, la diminuant sans pour autant la faire disparaitre, pour seulement un temps. Mais je voulais au moins lui offrir cela à son insu. Je passais et repassais dessus, inlassablement, comme si je tentais de l’effacer, aspirant en moi cette douleur avant de la rejeter comme je le pouvais. Gabriel finit par se détendre totalement, se laissant aller sous la douceur de mes caresses et de mon doigté qui se voulait habile et agréable. Nous restâmes un moment ainsi, moi lui caressant le dos, et Gabriel soupirant de bien être sous mes attouchements. Puis, dans un soupir à peine murmuré, sentant qu’il pouvait maintenant aller plus loin, je demandais :
- Que s’est-il passé ? Après je veux dire… Pour toi et Kay…
- Je… Je me suis réveillé à l’infirmerie. Kay était là, à mon chevet. Il est resté un moment puis est parti avant qu’on ne le trouve. Quand je suis sorti quelques jours plus tard, je… Kay était sur le point de partir… Depuis ce jour là, je… Je ne l’ai plus jamais revu…
Il se tu un instant, la voix brisée par les sanglots qu’il ne parvenait plus à contenir. Mon cœur se serrait douloureusement.
- Le plus dur dans tout cela, reprit-il malgré ses pleurs, c’est que… Je… Je n’ai jamais rien su de ses sentiments pour moi. Je ne sais pas pourquoi il m’a embrassé ce jour là… Ressentait-il réellement quelque chose pour moi? Je… Je n’en sais rien et cela me tue… Je suis hanté par ce souvenir… Je n’en peux plus Juha, je voudrais tellement que cela s’arrête… Sanglota-t-il. Il me manque… Il me manque tellement…
Inconsciemment, il se laissa aller dans mes bras. D’une voix douce, profondément touché par sa confiance je pris la parole :
- Je sais, Gabriel… Je sais. Mais tu n’es plus seul… Je suis là et je tien à toi… Plus que tu ne l’imagines… Songe maintenant que tu m’as moi… C’est difficile à le dire et encore plus à le faire, mais à présent, il faut que tu penses à Kay comme à une personne qui à fait partie de ta vie, que tu as aimée et que tu aimeras sûrement toujours et pour laquelle tu garderas toujours une place privilégiée dans ton cœur, mais il ne doit plus t’empêcher d’avancer et de refaire ta vie…
Je savais que ce que je venais de lui conseiller, je n’arrivais même pas à l’appliquer à moi-même, mais peut être serait il plus fort que moi…
- J’ai besoin de toi, Juha, sanglota-t-il en enfouissant son visage dans mon cou et en me serrant de toutes mes forces contre lui. Ne m’abandonne pas toi non plus… J’ai besoin de toi…
- Je suis là Gabriel, murmurais-je. Je ne pars pas, je ne t’abandonnerais jamais… Pleure… Pleure autant que tu veux, cela te soulagera…
Epuisé par ses larmes, aussi bien physiquement que mentalement, il finit par s’endormir entre mes bras. Distraitement, j’effleurais son dos du bout des doigts en une caresse apaisante, l’accompagnant dans des rêves plus cléments. Je finis par le rejoindre dans le sommeil peu de temps après, fatigué par la journée que nous venions de mener, me sentant bien aux côtés de cet homme.
La semaine qui suivie se déroula à une allure affolante. Noël et l’anniversaire de Gabriel approchaient à grand pas et j’étais avec Philippe aux caisses afin de régler mon premier cadeau. Il m’avait aidé à la choisir et je lui en étais grandement reconnaissant. Nous sortîmes tous deux du magasin et alors que je remerciais Philippe, une boutique attira mon attention, et plutôt un bijoux en vitrine. Je venais de trouver son cadeau d’anniversaire…
Le soir de Noël était enfin arrivé, à la fois bien trop rapidement et trop lentement. J’étais impatient à l’idée que Gabriel n’allait pas tarder à arriver. J’avais presque tout finis à temps et mon cœur s’emballa lorsque j’entendis sonner à la porte. A peine eussè-je ouvert à Gabriel que je l’attirais à lui pour un baiser passionné, étant de plus en plus souvent en manque de sa présence lorsque je n’étais pas à ses côtés. Après quoi nous prîmes un verre et parlâmes un moment de tout et de rien, lui demandant des nouvelles du rapace. Il m’expliqua qu’il avait vu le vétérinaire quelques jours plus tôt et qu’il lui avait fait les vaccins. Il lui avait demandé s’il correspondait au profil des dernières disparitions d’oiseaux, mais apparemment, aucun rapace de cette espèce ne manquait à l’appel. Il avait dont deux possibilité, soit il le donnait à un parc animalier, soit il le gardait ici. Il avait choisit la deuxième solution, car il s’était malgré lui énormément attaché à ce rapace en l’espace de deux semaines. J’aimais la lueur dans ses yeux lorsqu’il me parlait ainsi.
Vers vingt-deux heures, nous passâmes à table et Gabriel fus surpris d’apprendre que j’avais tout préparé moi-même. Même si j’avais eu du mal, j’étais parvenu à quelque chose d’acceptable. Le repas terminé, nous avons pris place dans le canapé, lui posant des questions sur ses projets pour cette année à venir. A son tour, il me demanda avec hésitation :
- Et toi ? Tu… Tu as quelque chose qui te tien particulièrement à cœur ?
Sa question me mit assez mal à l’aise, car je ne voyais pas de réponse. Après un court silence, je répondis non sans cacher ma gêne :
- Non… Rien de spécial…
- Et… Ta famille… Tu… Tu ne veux pas tenter de renouer avec eux ? Ils ne te manquent pas ?
- Je… Tu sais, je n’ai jamais eu de grosses affinités avec mes parents et nos relations se sont détériorées lorsque j’ai rencontré Kilian. Ils n’ont jamais accepté mon homosexualité et j’ai préféré couper les ponts avec eux. Kilian était tout pour moi… A l’époque, je me fichais totalement de ne plus avoir de parents, au contraire, j’étais libre d’être avec Kilian, nous pouvions nous aimer librement…
Je savais qu’au vu de son statut, Gabriel aurait du mal à me comprendre, mais c’était pourtant la réalité des choses. Jamais ils ne m’avaient rendu visite en prison, et c’était mieux ainsi. Nous avions tous deux un point de vue différent des choses, mais ce n’était pas pour autant que nous allions nous disputer. Gabriel avait envie d’aller plus avant dans le sujet, et je le laissais faire attentif à son point de vue :
- Tu sais, j’ai toujours eut du mal à comprendre comment des personnes peuvent être en froid avec des membres de leurs familles ou leurs propres parents. C’n’est pas contre toi hein, s’empressa-t-il d’ajouter en me voyant me tendre. C’est juste que vous avez de la chance d’avoir des parents, des personnes qui vous aimes autour de vous et c’est vous qui les rejetez. Mais en fait, personne ne sait réellement ce que c’est que de passer toute sa vie sans recevoir la moindre preuve d’affection et de se sentir protéger par des personnes que l’on aime et qui nous aiment en retour. Tu sais, je me suis toujours demandé ce que l’on pouvait ressentir à s’entendre fièrement appelé “mon fils” par son père ou simplement prononcer le mot “maman”.
Après ça, il resta silencieux, touché par ses propres paroles. Je pouvais tout à fait comprendre ce qu’il voulait dire, et c’est avec calme que je répliquais :
- Je comprends que ce soit dur pour toi Gabriel, mais tu sais, ce n’est pas parce que ce sont mes parents ou autre qu’il y a forcément une affinité et des liens affectifs qui se créés. Mes parents sont des gens très exigeants et ils n’ont pas acceptés que je sois différent de ce qu’ils attendaient de moi.
Il médita un instant sur mes paroles avant de répondre :
- Oui, je vois ce que tu veux dire. Kilian, ajouta-t-il un moment plus tard. Il était comment ?
Je fermais alors les yeux, cherchant à me faire une image mentale de mon ancien amant. Prenant une grande inspiration, je répondis, un doux sourire étirant mes lèvres à sa mémoire :
- Il était grand pour son âge et avait une carrure d’athlète. Il avait un visage sévère et était très mature, même si parfois il pouvait partir dans des délires débiles dont lui seul avait le secret. Il avait les cheveux aussi courts que tu les as longs et d’un noir d’ébène, comme son regard… Niveau caractère, il était posé et supportait très mal les autres. Il était calme, gentil, doux, drôle, sérieux, possessif, très jaloux et parfois, il savait être fier et particulièrement arrogant et prétentieux.
J’aurais pu parler de lui pendant des heures, mais je décidais de m’arrêter là. Son souvenir était toujours aussi douloureux et cette image que j’avais de lui ne restait pas éternellement, prenant l’amer couleur de son corps inerte étendu sur le sol.Peu de temps après, Gabriel me demanda :
- Quel âge avait-il ?
- Vingt ans… Il avait vingt ans… Il en aurait eu trente au mois d’avril. En parlant d’anniversaire, c’est le tien dans… Dix minutes, ajoutai-je après un rapide coup d’œil à l’horloge de la télévision, un immense sourire étirant mes lèvres.
Comprenant que je souhaitais changer de sujet, il entra heureusement dans mon jeu et demandais :
- Pourquoi tu souris bêtement comme ça ? Me demanda-t-il sceptique, n’étant pas dupe quand à mes intentions.
- Moi ? Mais pour rien ! M’exclamais-je prenant un air faussement indigné. Vingt-cinq ans… Ca y est… Tu es grand maintenant… Ajoutais-je un immense sourire étirant ses lèvres, en me retenant de ne pas rire de ma propre connerie.
- Haha ! Fit-il faussement vexé. Va donc me faire un thé au lieu de dire des conneries, déclarais-je en me levant. J’arrive.
Sur ce, il se levait et attrapant les clés de la voiture, il sortit de l’appartement. Après m’être demandé ce qu’il pouvait bien aller chercher, j’allais dans la cuisine afin de préparer un thé. Une fois l’eau sur le feu, j’allais éteindre les lumières et illuminer le sapin. Cela faisait dix ans que je n’avais pas eu de vrai Noël, et mon dernier avait été aux côtés d’un homme qui voulait mourir. Je secouais la tête, tentant de ne pas gâcher ce Noël avec de tels souvenirs, voulant en profiter jusqu’au bout avec Gabriel. Je retournais dans la cuisine et servit le thé une fois qu’il fut près. C’est à ce moment là que j’entendis Gabriel revenir, entrant peu de temps après dans la cuisine. Je lui tendis sa tasse te thé qu’il attrapa en m’adressant un sourire de remerciement. Nous restâmes silencieux jusqu’à ce qu’au clocher, résonnent les douze coups de minuit. Bondissant sur mes pieds, j’attrapais le bras de Gabriel et l’entraînait à ma suite en m’exclamant :
- Vient !
Sur ces mots, je me précipitais vers la pièce qui faisait office de salon et alors que je m’apprêtais à allumer la lumière, il m’arrêta :
- Non, n’allume pas !
Je lui lançais un regard intrigué, lui posant une question muette à laquelle il ne prit évidemment pas la peine de répondre :
- Assieds-toi par terre et ne bouge pas.
Sur ce, je lui obéis non sans une certaine appréhension tandis qu’il allait allumer la petite lampe située près du sapin. J’attendis patiemment, jusqu’à ce qu’il me dise :
- C’est bon, tu peux ouvrir les yeux… Désolé de ne pas avoir fait cela dans les formes… Enfin, je… Voilà…
C’est alors que je vis un chiot adorable posé à mes pieds. Pris sous l’émotion, je commençais à dire, ému :
- Gabriel, je… Je ne sais pas quoi dire. Il… Il est magnifique, ajoutais-je en le prenant délicatement dans mes bras et en le caressant avec tendresse. Merci… Merci infiniment…
- C’est vrai ? Il te plait ? Demanda-t-il anxieusement.
- Oui, il est adorable… Merci encore…
Le chiot se pelotonna dans mes bras, ne pouvant m’empêcher de le regarder attendris, observé consciencieusement par Gabriel. Assis à mes côtés, il me regarda jouer avec le jeune chien qui à mon plus grand plaisir, semblait déjà m’avoir adopté. Jamais je ne m’étais attendu à un tel cadeau, et celui-ci était le plus merveilleux de tous.
De plus c’était mon premier cadeau de la part de Gabriel et il avait une valeur particulière à mes yeux. Je ne pouvais que le regarder avec des yeux scintillants de joie, sentant à côté de moi Gabriel heureux d’avoir réussi à me faire plaisir. Ne résistant plus à l’avoir si près de moi, et voulant le remercier comme il se devait, je l’agrippais soudain vivement par le col de sa chemise, et l’attirais à moi en un geste brusque. Mes lèvres se soudèrent aux siennes en un fougueux baiser auquel il répondit aussitôt avec empressement. Gabriel prenait de plus en plus d’assurance, et la passion commençait à gagner du terrain, sans pour autant négliger la douceur.
Fiévreusement, ma langue demanda l’accès de la sienne et ce fut sans hésitation qu’il me céda le passage, entrouvrant les lèvres. Je caressais alors la sienne avec volupté en un ballet érotique, et avec ferveur, en un échange des plus ardents qui augmenta nos rythmes cardiaques et notre chaleur corporelle. Jamais encore je ne l’avais embrassé ainsi, laissant pour la première fois  aller à crier mon désir pour lui. Mes mains s’aventuraient sur sa nuque et dans les cheveux avant de redescendre avec empressement et s’infiltrer fébrilement et sans aucune honte sous sa chemise, le laissant dans un état second. Jamais encore je n’avais ressentis un désir aussi fort pour lui.
Ce ne fut que lorsque l’air vint à nous manquer que je consentis à lui rendre sa liberté. Au sourire que je lui adressais par la suite, il ne put que rougir par la suite. Son désir pour moi le trahissait et augmentait le mien. Je sentais ce petit quelque chose naître au fond de mon cœur, chose que je m’étais résigné à ne plus jamais ressentir.
- Merci, répétais-je en un souffle, peinant à briser l’intensité du moment. Moi aussi j’ai des cadeaux pour toi…
- Il ne fallait pas, répondit-il mal à l’aise, ne semblant plus savoir ou se mettre.
Voulant mettre les choses au clair, et éviter cette gêne inutile de sa part, je m’exclamais :
- Pourquoi il ne fallait pas ? Je te préviens tout de suite, tu vas avoir intérêt à t’habituer car tant que je serais là, tu y auras droit à chaque fois ! Gamin va !!
Sur ces mots j’éclatais de dire, prenant plaisir à le charrier à propos de son âge. Entrant dans mon jeu, il saisit le pull qu’il avait donné pour le chiot et me le balança au visage, prenant un air dramatique et outré.
- Non mais dit !! Tu vas voir ce qu’il te dit le gamin !!
Nous chahutâmes un moment, riant aux éclats comme rarement il m’arrivait de le faire. Il y avait à peine un mois, jamais je n’aurais imaginé avoir cette chance, ou parvenir à retrouver le sourire. Je me voyais juste vivre pour vivre car je n’avais pas le choix. Cette impression de se sentir bien pour la première fois depuis longtemps, s’en était presque effrayant.
Lorsque nous fûmes calmés, j’attrapais deux paquets dont l’un était plus imposant. Il s’en empara après un moment d’hésitation et commença par ouvrir le plus gros, celui que j’avais choisit avec Philippe. C’est avec émotion qu’il découvrit un tapis comme il avait pour sa selle de couleur noir avec dessus le nom d’Orphée brodé  en lettre blanche et avec cela un filet américain de présentation. J’espérais de tout cœur que le cadeau serait à son goût, ayant longuement hésité malgré les conseils de Philippe. Cependant, je sentais qu’il était profondément touché, et ses sentiments ne pouvaient me mentir. Certes cela était un très beau cadeau, mais je voulais quelque chose qui le touche vraiment. Fier de sa réaction, je le vis me jeter un coup d’œil, les yeux brillants de larmes d’émotions :
- Je… Je…
La voix tremblante de sanglots de bonheur mal contenus, il n’arrivait même pas à parler. Ce cadeau avait véritablement touché son but, et je ne pouvais m’empêcher de me sentir profondément heureux. Il remarqua enfin le petit bout de carton qui voletait, accroché au filet, sur lequel j’avais écrit un petit mot dans la volonté de lui donner du courage : « Pour être les plus beaux sur toutes les premières places du podium ». Il esquissa un sourire, amusé par mon petit commentaire et déclara d’une voix rauque :
- Juha je… Je ne sais vraiment quoi dire… C’est… C’est vraiment magnifique… Merci… Du fond du cœur, merci…
- Tu n’as pas à dire quoi que ce soit, répondis-je en souriant tendrement. Ton regard me suffit amplement… Allez ouvre le second ! Déclarais-je plus impatient que lui.
Fébrilement, il s’empara du deuxième paquet et avec délicatesse, il entreprit de le déballer à son tour. Celui là était un peu plus personnel, l’ayant choisit seul. C’était une gourmette en argent sur laquelle était gravée son prénom en lettre attachée et de chaque côté était  gravée la tête d’un cheval qui ressemblait je le trouvais à Orphée. La plaque d’argent était retenue de chaque côté à la chaîne, dont les maillons formaient une corde, par deux mors.
- Juha, répéta-t-il, incapable de dire quoi que ce soit d’autre.
C’est alors que contre toute attention, il posa le tout devant lui avait le plus grand soin et sous mon regard intrigué, il se leva et vint s’agenouiller face à moi. Ne sachant pas ce qu’il était en train de faire, je ne pus que le regarder avec incompréhension. Sans faillir, et semblant déterminé, il s’approcha de moi, et malgré une légère hésitation, il s’empara timidement de mes lèvres. Je ne pus cacher mon étonnement. C’était la première fois qu’il m’embrassait ainsi de sa propre initiative, et mon cœur se gonfla d’orgueil et de contentement dans ma poitrine.
Je finis par prendre le contrôle de ce baiser, y répondant avec avidité, souhaitant le remercier et l’encourager dans son initiative. Nos langues se mêlaient avec fougue en une danse terriblement sensuelle.
Le désir montait en flèche dans nos deux corps, me rendant à la fois fébrile et enfiévré. Gabriel se colla un peu plus contre moi, grisé par notre baiser. Assis sur mes genoux, il passa ses bras autour de mon cou, dans le but de m’attirer toujours plus prêt, ressentant ce même besoin de me sentir tout contre lui.
Une nouvelle forme de désir montait en lui, quelque chose de totalement nouveau qui l’effrayait malgré lui. Cet enchantement disparut lorsque le manque d’air fut trop important et c’est à ce moment seulement que Gabriel réalisa l’ampleur de son audace, détournant le regard, comme atrocement gêné. Alors qu’il commençait à trop penser, je glissais tendrement ma mais sur sa joue dans le but de le forcer à me regarder. Puis un sourire étirant mes lèvres, je déclarais :
- J’aime ta façon de me remercier…
Honteux, Gabriel ne put que rougir avant d’enfouir son visage dans mon cou, inspirant mon odeur à plein poumon. Je l’enlaçais, lui rendant son étreinte et savourant le simple plaisir de l’avoir tout contre moi.  Nous restâmes un moment ainsi enlacés, appréciant d’être ainsi, l’un tout contre l’autre, profitant de la paix qui m’avait été enlevée depuis longtemps. Je sentis Gabriel m’embrasser du bout des lèvres dans le cou avant de murmurer au creux de mon oreille :
- Merci… Merci pour tout Juha… Merci pour ce que tu représentes pour moi…
Sans me laisser le temps de répondre, il s’empara une nouvelle fois de mes lèvres pour un furtif baiser volé, goûtant aux joies de me surprendre. Il semblait aimer particulièrement être source de surprise continuelle pour moi. J’aurais souhaité rester le plus longtemps possible, simplement enlacés, collés l’un contre l’autre. Je connaissais la valeur du bonheur et avait parfaitement conscience de la courté de vie de celui-ci.
Gabriel finit par abandonner mes genoux et alla se servir un verre d’eau pendant que je m’occupais d’installer confortablement le chiot qui s’était endormi. Puis nous commençâmes à ranger, et lorsque le studio fut à peu près remis en état et la vaisselle faite, Gabriel alla prendre une douche rapide pendant que je m’amusais avec mon jeune chiot. Quelques minutes plus tard, tremblant de froid, Gabriel alla se glisser sous les couvertures, pendant qu’à mon tour, après avoir veillé à ce que le chiot soit installé pour la nuit, j’allais me laver.
Une fois propre et simplement vêtu d’un pantalon pour la nuit, je me rendis dans la pièce qui faisait office de chambre. Gabriel était emmitouflé dans les couvertures, mais je sentis son regard se poser sur moi, un peu plus longtemps que d’habitude.  Je tournais la tête vers lui, lui adressant un sourire qui illumina mon visage. Il me répondit timidement, sans pour autant détacher mon regard du sien. Ses yeux bleus avec ce petit quelque chose indescriptible, trahissant avec le temps le changement de notre relation et l’intensité qui en découlait. Après un moment à nous fixer, Gabriel détourna son regard, mal à l’aise, puis je vins le rejoindre sous les draps.
J’écartais mes bras en une invitation à venir y prendre et place et c’est ce qu’il fit, sans se faire prier. La tête callée au creux de mon épaule, il poussa un soupir de bien être tandis que je refermais mon bras autour de son épaule. Nous restâmes un moment silencieux, appréciant la sérénité qui nous entourait. Quoi de mieux pour parfaire cette soirée… C’est alors que Gabriel releva la tête vers moi, et prit la parole sans pour autant s’éloigner de moi :
- Merci Juha… Merci pour cette soirée…
- Je t’en prie, répondis-je simplement. Merci à toi d’avoir accepté de la passer avec moi… Tu sais, c’est le premier Noël que je passe en dix ans… Je suis heureux d’avoir pu le passer avec toi…
De nouveau le silence se fit, puis curieux de savoir, Gabriel me demanda :
- Comment tu vas l’appeler ton chien ?
Voilà une question à laquelle je cherchais une réponse depuis un petit moment déjà. Je ne répondit pas immédiatement, voulant être sur. Je finis tout de même par répondre :
- Mhh… Que penses-tu de Shanenja ?
- Oui, c’est joli, répondit-il avec enthousiasme.
Je lui adressais un sourire radieux et me penchais vers lui avec la ferme intention de l’embrasser. Alors que je me penchais vers lui, je ne pouvais cacher mon envie et mon désir de cet homme, les sentant plus fort à chaque instant. Cependant, un seul baiser me suffirait largement, et je saurais attendre le temps qu’il faudrait. Il resta un moment à soutenir mon regard, non sans rougir. Mais quelque chose semblait changer, même se décider en lui, comme s’il ne voulait plus fuir. Mettant ce que j’avais remarqué à exécution, il passa sa main sur ma nuque et m’attira à lui en une invitation explicite et avec avidité, il s’empara de mes lèvres.

Pour la première fois, je le sentais se laisser totalement aller dans ses envies, comme si ce que j’avais ressenti jusqu’à maintenant le paralysant, à chaque fois,  s’amoindrissait jusqu’à disparaitre. Je sentais pourtant sa peur, mais sa volonté d’aller plus loin et de s’engager était plus forte. Nous allions peut être enfin pourvoir réellement approfondir notre relation ambiguë. Si je ne laissais rien paraitre, c’était pour moi aussi un cap très important. Si je couchais avec Gabriel, je savais que ce serait totalement différent que lorsque j’avais couché avec Dorian. En ce moment même, j’engageais une part extrêmement importante de moi-même alors que je n’y aurais jamais cru. Le pas que j’étais en train de faire était tout aussi important et périlleux que celui que s’apprêtait à faire Gabriel.

Celui-ci m’attira encore plus à lui, me faisant clairement comprendre qu’il savait dans quoi il s’engageait, bien qu’il n’avait certainement pas du s’y préparer, se laissant emporté par l’ambiance de l’instant. Tout comme Gabriel, jamais je n’aurais pensé  un seul instant que nous passerions le cap soir, et tendrement, je le fis rouler sous moi, prenant de ce fait, la position de dominant. Je ne savais pas vraiment pourquoi j’endossais ce rôle, pouvant endosser les deux, mais j’avais cette impression que cela ne pouvait être autrement. Recevoir Gabriel en moi m’aurait de toute façon était impossible, il souffrait trop et cela était bien trop dangereux. Cela m’avait emmené bien trop loin avec Killian…

Gabriel s’abandonnait totalement à moi, me laissant prendre ainsi la position du protecteur. A chacun de mes attouchements, je le sentais tressaillir, comme si sa perception du toucher s’était décuplée indéfiniment.

Déconnecté de la réalité, je me perdais dans ma contemplation du corps de Gabriel à demi-nu, juste sous moi, que je pouvais caresser à ma guise. La chaleur de son corps augmentait à une vitesse impressionnante  et je pouvais presque entendre les battements de son cœur battre à un rythme impressionnant. Mes mains parcouraient son corps, de son torse jusqu’à son ventre, mettant toute ma dextérité et mon savoir-faire à l’œuvre. Je n’avais pour le moment pas cette même peur de mal faire avec Gabriel, que j’avais pu ressentir avec Dorian. Ce que je vivais maintenant était mille fois plus fort. J’explorais son corps, sans la moindre pudeur, enregistrant sans ma mémoire les moindres tressaillements de sa peau.

A bout de souffle, mes lèvres se séparèrent des siennes, et prenant appuis sur mes coudes, je plantais mon regard brillant de désir dans le sien. Je voulais être sûr… Sûr qu’il ne regrette rien et qu’il soit totalement consentant alors que j’allais plus loin. Du genou, j’écartais ses cuisses, sans jamais le lâcher des yeux, me permettant ainsi de ne jamais me tromper sur ce qu’il ressentait. Non sans gêne mais sans hésitation pour autant, il céda à ma demande muette et ses joues s’empourprèrent violemment à la vue du sourire que je lui adressais alors. Je fis augmenter considérablement son désir lorsque j’ondulais langoureusement des hanches, frottant éhonteusement, mon intimité déjà gonflée de désir contre son bassin.  Le plaisir que je lui offrais à ce simple contact sembla l’électriser au plus haut point, et j’eus le plaisir de l’entendre haleter de plaisir sous mes déhanchements. Puis, ne tenant plus, je me redressais, m’agenouillant au dessus de lui, le surplombant de toute ma hauteur, je plongeais mon regard dans le sien. J’aimais me perdre dans ses prunelles bleues océan…

Avec une lenteur extrême, afin de ne surtout pas le brusquer, je me penchais vers lui et du bout des lèvres, j’effleurais les siennes en un contact aérien qui le frustra grandement. J’adorais jouer avec ses nerfs, surtout dans ce genre de situation. Je devais avouer que je voulais aussi voir combien de temps il pourrait tenir ainsi.

Sans cesser pour autant mon lent déhanchement qui me rendait tout aussi fou que lui, je retins ses poignets prisonniers, lui empêchant tout mouvement afin de lui créer un manque qu’il souhaiterait assouvir par la suite.

De ma main libre, je redessinais la sculpture de son torse, tandis que ma langue arpentait son cou avec avidité, laissant derrière elle des coulées de lave en fusion. J’avais l’impression d’éveiller Gabriel à un plaisir totalement nouveau. Certes, il n’était pas totalement vierge, ayant certainement couché avec des femmes, mais avec un homme, il ne l’avait jamais fait. Il m’offrait sa première fois, et je ne pouvais en être que profondément touché.

Alors que ma langue venait retracer les contours de ses lèvres, il la happa avec ardeur pour un baiser des plus passionnés. C’est alors qu’il chercha à se libérer de mon étreinte, souhaitant certainement être un peu moins passif. Je le laissais faire, le lâchant avec quelques difficultés. Il finit par ôter ses mains de leur entrave et après une très légère hésitation, il posa ses mains sur mes épaules, s’agrippant à moi comme à une bouée de sauvetage qui le maintiendrait à la réalité. Je ne pus que tressaillir au contact de ses mains sur ma peau et subitement, je cessais mon déhanchement, lui arrachant à cette occasion un cri de mécontentement. Je venais de prendre de plein fouet son excitation et son envie d’aller encore plus loin. Fier et ravi de mon petit effet et de ses ressentis pour moi, je me redressais et lui adressais un sourire ravi et satisfait, auquel il ne répondit pas, semblant noyé de plus en plus sous les vagues de plaisir qui affluaient sur lui. Les yeux dans le vague, la respiration haletante, Gabriel  semblait avoir de plus en plus de mal à se retenir. Il voulait plus même si cela l’effrayait. De mon côté, je ne me lassais pas de voir ce corps alanguis sous mes caresses. Cela me grisait au plus haut point.

Je finis par reprendre mon activité précédente, avec plus d’ardeur encore, répondant à sa demande implicite. Galvanisé par la douce torture que je lui faisais vivre en redessinant du bout de la langue un à un les sillons de mes abdominaux, il se laissa aller à émettre à mon plus grand bonheur, son premier gémissement de plaisir. De nouveau, satisfait de moi-même, je lui adressais un énième sourire, avant de souffler, d’une voix rauque emprunte de désir :

- Gabriel… Tu es tellement beau…

Il ne répondit rien à cela, la voix brisée par l’émotion. Ces simples paroles que j’avais prononcées provenant du fond de mon cœur, l’avaient touché bien plus que je ne l’aurait cru. En pourtant c’était vrai, Gabriel était un homme sublime… En guise de réponse, il s’empara avidement de mes lèvres pour un échange qui nous laissa tous deux pantelant. Gabriel prenait de plus en plus d’assurance, et semblait prendre de plus en plus de plaisir à être l’auteur de nos baisers, me surprenant à chaque fois.

Quittant son vendre, ma langue alla se perdre sur les boutons de chair durcis par la plaisir qui pointaient sur son torse tandis que mes doigts glissaient le long de ses côtes. J’aimais toucher sa peau d’une texture si douce, et sentir ses sens se mettre en éveil. L’intensité de notre échange s’amplifiait à chaque seconde. Soudain, Gabriel gémis sans trop s’en rendre compte :

- Hn… Juha…

Galvanisé par ce gémissement qu’il venait de pousser, j’accentuais mes caresses et reprit lentement un langoureux déhanchement qui réveilla considérablement son propre désir ainsi que le mien qui pulsait douloureusement sur sa cuisse.

Je continuais ainsi un temps puis avec une extrême lenteur, mes mains quittèrent son ventre pour aller se perdre sous l’élastique de son jogging qui faisait office de pantalon de pyjama, sentant qu’il était temps de passer à autre chose.  Gabriel se raidit, et le sentant, totalement à l’écoute de ses moindres réaction, je plongeais mes yeux embrumés de désir et de plaisir dans les sien, souhaitant le rassurer. Sans me départir de ma douceur habituelle, je lui susurrais :

- Détend-toi… Je ne ferais rien sans ton accord… Je veux juste… Je veux juste te donner du plaisir… M’en donnes-tu l’autorisation ?

J’avais murmuré tout cela sans honte aucune, sans chercher une seule fois à détourner les yeux. En faisant de  même, il hocha simplement la tête en guise d’acquiescement. Après un sourire, je repris ma course le long de son torse, jusqu’à ses hanches avant que nos langue se lient en un nouveau ballet sensuel et érotique. Lorsqu’il senti que je me débattais avec son pantalon, il souleva son bassin afin de m’aider et je le remerciais à ma façon. Avec une lenteur excessive, je fis glisser le pantalon le long de ses jambes et lorsqu’il fut totalement nu, offert à mon regard qui ne pouvait être qu’appréciateur,  mon désir augmentant de plus en plus, ses joues s’empourprèrent violemment. Ce petit côté timide lui donnait un charme fou, et il ne le dévoilait que dans ce genre de circonstance très intime. Je pouvais remarquer avec surprise une patte de loup tatouée sur l’aine de sa hanche, ne m’attendant pas à ce genre de pratique de sa part. J’aimais sa localisation… Au lieu de s’estomper, sa gêne ne fit qu’augmenter et n’en supportant pas plus, il cacha son visage derrière ses bras.

- Tu rougis ?  Lui demandais-je d’une voix qui cachait mal mon amusement. Pourquoi ?

Sans se découvrir pour autant le visage, il marmonna rapidement sa honte. Surpris, je m’exclamais :

- Honte ? Mais de quoi ? Parce que tu es toujours puceau ?

Il opina de la tête et ce fut avec tout le sérieux dont je pouvais faire preuve que je lui répondis :

- Tu n’as pas  à avoir honte. Au contraire… Tu sais, je trouve cela mignon. C’est que tu attendais pour être sûr de toi… Tu es certain que tu ne regretteras pas par la suite si tu t’offres à moi ? Demandais-je après un instant de réflexion.

A cette question, il se découvrit le visage et plongea son regard dans le mien, brûlant de désir pour lui. D’une voix assurée, il répondit sans aucune hésitation.

- Certain…

Un sourire illumina mon visage, ayant craint une réponse négative. Après un baiser ardent et fiévreux, j’ondulais le long de son corps, telle une anguille, et avant qu’il ne réalise entièrement ce qui se passait, je m’emparais de sa virilité, et d’un geste ample, j’entamais un langoureux va et vient qui lui arracha un cri de surprise et de plaisir mêlés.  Je gardais ce même rythme un long moment, puis après l’avoir ravi d’un autre baiser qui lui fit perdre la tête, sans préavis, je pris en bouche son intimité douloureusement gonflée de désir. Si j’avais eu une certaine appréhension pour le faire à Dorian, je ne ressentais aucun frein pour le faire avec Gabriel. J’étais prêt à tout pour lui, même si j’étais dans la crainte de mal faire.

De nouveau, il laissa s’échapper un cri de plaisir à l’était brut, tandis que je variais la cadence, alternant entre des va et vient amples et lents, et rapides et irréguliés. Je devais avouer que je me servais un peu de mon don pour savoir ce qui lui plaisait vraiment, à un degré moindre.

Je gardais ce rythme irrégulier pendant un temps, profitant d’avoir tout pouvoir sur lui, réduisant la cadence lorsque je sentais qu’il approchait point de non retour. Soudain, je cessais tout mouvement, et Gabriel poussa un cri de protestation qui me fit sourire. Pour l’apaiser un peu, je l’embrassais langoureusement avant de retourner à mon occupation première. Du bout de la langue, je titillais son intimité douloureuse et galvanisé par cet attouchement des plus érotique, il gémit mon prénom tout en plongeant ses mains dans mes cheveux, en une demande implicite d’approfondir mes caresses. Accédant à sa requête, j’accélérais la cadence de mes va et vient et lorsque je sentis qu’il atteignait le point de non retour, je ralentis considérablement mon action, lui arrachant un cri de frustration qui m’incita sadiquement à conserver ce rythme atrocement lent alors qu’à présent, il ne demandait plus que l’autorisation de se libérer enfin.

Puis, ayant envie de le prendre par surprise, je repris son sexe entièrement en bouche, lui arrachant cette fois-ci un sanglot de plaisir à l’état pur. Sous l’afflux toujours plus intense de plaisir que je lui offris, je le sentis se cambrer violemment et après un énième aller retour sur son intimité, il se libéra sans un cri plaisir brut.

Un sourire satisfait étira mes lèvres, satisfait de ce que je venais de lui prodiguer et de ce qu’il avait pu ressentir. Je finis par venir quémander l’ouverture de ses lèvres, chose à laquelle il accéda sans aucune hésitation, plus par automatisme que par réelle réponse, l’esprit apparemment embrumé par la vague de jouissance qui venait de déferler sur lui.

Le souffle erratique, il m’attira à lui, me forçant à m’allonger sur lui. Il enfouit sa tête dans mon cou, inspirant mon odeur et me donnant des frissons de bien être. Nous venions de passer une étape importante, et je ne pouvais en être que plus heureux. Cependant, mon érection était de plus en plus douloureuse, pulsant contre la cuisse de Gabriel, m’obligeant à aller encore plus loin. Alors que notre baiser se faisait de plus en plus ardent, je laissais ma main reprendre l’exploration de son corps pour aller se perdre entre ses cuisses et s’arrêter longuement et explicitement entre ses fesses. Contre toute attention, je le sentis se raidir et resserrer les jambes.

Il semblait avoir subitement peur de ce qui allait suivre. Je le sentais commencer à paniquer et je me sentais impuissant face à cette peur qui le saisissait.

Après une seconde d’hésitation, je laissais ma main poursuivre sa course avec plus de conviction, mais Gabriel se tendis de nouveau. Son cœur battait à une allure inquiétante et je ne savais plus vraiment quoi faire. Je le sentais là, en dessous de moi comme paralysé  d’effrois. Ne pouvant aller plus loin, je retirais précipitamment ma main et d’une voix qui ne cachait pas mon inquiétude je lui demandais :

- Gabriel ? Ca ne va pas ? Tu… Tu veux que j’arrête ?

Il ne répondit rien, étant à la fois honteux et apeuré. Sans trop réfléchir, je poursuivais, toujours d’une voix douce et apaisante :

- Tu peux le dire tu sais… Je… Je sais ce que cela fait quand on ne veut pas… Jamais je ne te forcerais… Je… Je reviens, excuse-moi…

Je n’avais pas vraiment réalisé que je venais d’en dire peut être un peu trop et j’espérais que Gabriel ne relèverait pas. Sur ces mots, je me relevais et après avoir déposé un rapide baiser à la commissure de ses lèvres, j’allais m’enfermer dans la salle de bain. Je fis ce que j’avais à faire, tentant de calmer cette érection maintenant douloureuse et inutile, essayant de faire le moins de bruit possible.

Je comprenais la réaction de Gabriel et j’étais tout à fait capable d’attendre le temps qu’il faudrait. Il avait déjà fait un énorme pas en avant, s’engageant plus loin que je ne l’aurais pensé avec moi. C’était pour moi aussi beaucoup, et attendre encore ne serait que bénéfique pour nous deux. Quelques minutes plus tard, je sortis de la salle de bain, puis m’approchais du lit, trouvant Gabriel roulé en boule sous les draps, apparemment en train de pleurer. Regrettait-il ce que nous venions de faire ? En était-il dégouté. Ce fut le cœur battant que je lui demandais, la voix tremblante d’inquiétude :

- Gabriel ? Quelque chose ne va pas ?

Il ne répondit rien. Me doutant qu’il souhaitait me cacher son état, je m’approchais du lit et m’assis sur le bord avant de soulever lentement de drap qui le recouvrait. Du mieux qu’il put, il tenta de dissimuler ses larmes qui inondaient ses yeux et maculaient ses joues. Il gardait les yeux obstinément clos. Il ne me fallut pas très

longtemps pour comprendre ce qu’il ressentait, sans même le toucher, étant lié à lui plus que je ne l’aurais du. Alors que du bout du pouce j’essuyais ses larmes, le faisant tressaillir, je lui murmurais d’une voie douce :

- Tu n’es qu’un imbécile. T’ai-je déjà reproché quoi que ce soit ? ajoutais-je avec sérieux. Je comprends parfaitement ta peur, j’étais comme toi la première fois. Et si tu veux mon avis, je préfère tout arrêter maintenant plutôt que de te voir le regretter par la suite… Je te l’ai dit et je te le redis, jamais je ne ferais quelque chose sans ton accord…

 Il ne répondit rien, apparemment honteux de son comportement de la peur qui l’avait saisi. Cependant, il se redressa et passant ses bras autour de mon cou, il m’attira à lui, en une étreinte désespérée. Entre deux sanglots, il murmura d’une voix éraillée :

- Je te demande pardon… Je…

- Chut, répondis-je, en lui massant lentement le dos. Ne dit rien…

Nous restâmes un long moment ainsi enlacés, puis je finis par m’allonger à ses côtés. Il posa sa tête au creux de mon épaule et je lui caressais tendrement le dos, suivant sa colonne de haut en bas, dans un geste dont je n’avais plus vraiment conscience. Après de longues minutes de silence, Gabriel le brisa en me posant la question que j’avais redoutée :

- Juha ?

- Hmhm… Soufflais-je.

- Qu’est-ce que tu sous entendais tout à l’heure quand tu as dit que jamais tu ne me forcerais parce que tu savais ce que cela faisait ?

Je ne pus répondre immédiatement à sa question. Je n’en avais jamais parlé à personne, et le dire à Gabriel était encore moins facile. Je finis par prendre une profonde inspiration avant de prendre la parole d’une voix rauque, plongeant toujours avec cette même difficulté dans mes souvenirs :

- Je… Lors de mon arrivée en prison il y avait ce gardien…. Il… Je t’ai dit cela parce que j’ai été violé… Une fois par un des gardiens et une… Une seconde fois par celui qui partageait ma cellule… Heureusement, après cela, ils… Ils m’ont changé de cellule…
C’était la première fois que je mettais des mots sur ces évènements, et cela avait était bien plus dur que je ne le pensais. Mine de rien, je me sentais sali, mais cela, je n’étais pas encore prêt à le partager avec lui. D’une voix emprunte d’émotion, Gabriel murmura :
- Je suis désolé, Juha…
- Désolé de quoi ? Demandais-je avec un petit rire qui sonnait faux. Tu n’as pas à être désolé, tu n’y es pour rien… Et puis, ajoutais-je, je l’ai mérité…
Gabriel sursauta à l’entendre de mes dernière paroles, et il se redressa vivement sur ses coudes, afin de pouvoir me faire face.
- Personne ne mérite ce genre de traitement Juha, personne ! Répéta-t-il pour donner plus de poids à ses convictions… Et puis pourquoi crois-tu que tu le mérites ?
- Parce que je… J’ai tué Kilian, je ne suis qu’un assassin…. Je mérite bien pire qu’un simple viol, déclarais-je, la voix enrouée par une pointe de colère et de dégout.
- Tu en as encore beaucoup des conneries comme celle là ? Demanda-t-il avec sarcasme et fermeté, passablement énervé par ce que je venais de dire. Non mais sérieusement, tu te rends compte ce que tu viens de dire ? Plus jamais je ne veux t’entendre dire des choses aussi horribles. Tu me le promets ?
- Je… Commençais-je avec hésitation.
- Dis-le, Juha ! S’exclama-t-il, voulant l’entendre dire.
- Je… Je te promets, murmurais-je finalement, sans vraiment croire à ce qu’il me faisait promettre.
Penser que je le méritais depuis le début, avait été ma manière de tenir jusque là et de surmonter ces viols. Ne plus y croire, c’était chuter bien trop profondément. Toutefois rassuré par ma promesse, il se recala tout contre moi, une mains posée sur mon torse, tandis que du bout des doigts j’effleurais inconsciemment son épaule, à la base de sa cicatrice. Nous restâmes un moment silencieux, appréciant simplement le fait d’être l’un prêt de l’autre. Petit à petit, je sentais Gabriel être tiré vers le sommeil. Avant qu’il ne s’endorme, je me décidais à lui demander ce qui me trottait dans la tête depuis quelques jours :
- Gabriel ?
- Mh…
- Tu voudrais venir habiter ici avec moi ? Demandais-je avec incertitude.
A présent réveillé, mais n’étant apparemment pas certain d’avoir bien saisis le sens de ma phrase, il me demanda, incrédule :
- Pardon ?
- Tu serais d’accord pour venir vivre ici, avec moi ? Répétais-je de plus en plus mal à l’aise.
Il resta un moment interdit face à cette demande assez inattendu, semblant peser le pour et le contre de ce cette proposition. Je ne m’attendais pas à avoir une réponse cette nuit, je voulais juste qu’il y réfléchisse tout comme moi je l’avais fait avant de lui proposer. C’est alors qu’un sourire radieux étira ses lèvres et qu’il déclara simplement :
- D’accord…
Surpris de sa réponse, ne m’attendant vraiment pas à celle-ci, je me redressais et plongeant mon regard dans le sein, je lui répondis avec la voix de quelqu’un qui ne croyait pas à ce qu’il entendait :
- C’est vrai ?
- Oui…
Les yeux pétillants et un large sourire étirant mes lèvres, je fondis sur lui et ravi ses lèvres avec empressement. Ardemment, ma langue vint quémander l’ouverture de ses lèvres, et il y répondit avec la même fougue. Aussitôt que nos langues se rencontrèrent, elles se mêlèrent en un ballet érotique qui nous laissa tout deux pantelants. Plus nous nous embrassions et plus Gabriel semblait y prendre du plaisir, ravissant son cœur de cette douce chaleur bienfaisante. Lorsque l’air vint à nous manquer, nous nous séparâmes à contrecœur, et il se blottis contre moi. C’est tendrement enlacés que nous finîmes par nous endormir pour de bon, heureux de cette soirée de réveillon riches en émotions.
Le lendemain matin, j’eus la désagréable impression de me faire mordiller les doigts. Sans trop comprendre ce qui m’arrivait, je la décalais légèrement, souhaitant profiter un peu de grasse matinée qui m’était offerte. Gabriel bougea lui aussi légèrement, se rapprochant un peu plus de moi, à la recherche du plus de chaleur possible. Alors que j’allais regagner le sommeil, cette impression de se faire mordiller la main reprit de plus belle suivit d’un couinement à peine inaudible. Il ne m’en fallut pas plus pour me rappeler de qui il provenait. Ce n’était autre que Shanenja, mon cadeau de noël. Comprenant qu’il avait besoin de sortir, je me levais sans un bruit, avisant l’heure  et trouvant inutile de réveiller Gabriel.
Une fois extirpé du lit, j’amenais le chiot à la cuisine, puis après avoir mit un café en route, je retournais chercher de quoi m’habiller. J’allais vite m’habiller, puis après avoir rapidement avalé mon café, je cherchais dans un de mes placards de quoi l’attacher. Je trouvais un bout de corde assez long qui conviendrait très bien pour le moment.

Je portais le chiot dans mes bras jusqu’à la sortie, et une fois dehors, je remarquais que celui-ci s’était pelotonné dans ma veste.  Après quelques caresses, je le posais sur le sol fraichement déneigé, et attachais avec précaution le bout de corde avant de le lâcher.

Shanenja ne perdit pas de temps  et de manière assez pataude, il commença à marcher à la découverte de son nouveau territoire. Lentement, je suivis son rythme, attendant patiemment qu’il fasse ses besoins. Je n’avais jamais eu de chien et je me rappelais en avoir rêvé petit. Je restais un moment ainsi dehors, puis lorsqu’il eut finit par faire ses besoins, je me décidais à remonter, frigorifié par ce temps. Une fois à l’appartement, je cherchais de quoi nourrir le chiot. Demain il faudrait que je demande à Gabriel de m’amener en voiture faire des courses pour Shanenja. Après lui avoir déposé un bol d’eau et de nourriture, je me dévêtis rapidement et après avoir remis mon bas de pyjama, je fonçais me remettre sous la couette afin de finir ma nuit.

Je me glissais dans le lit peut être un peu trop brusquement, car Gabriel se réveilla et dans un demi-sommeil il me demanda :

- T’étais où ?

- Dehors, mon cadeau avait besoin de sortir, répondis-je sur un ton d’amusement.

Gabriel m’attira à lui, comme si ma présence lui avait cruellement manquée, et une fois au creux de ses bras, il me murmura :

- Tu es glacé…

Il déposa alors un simple baiser sur la commissure de mes lèvres avant d’enfouir son visage dans mon cou, poussant un profond soupir de bien-être. Frustré par ce simple geste, je murmurais à mon tour :

- Tu crois vraiment qu’un simple baiser sur le coin des lèvres va me réchauffer ?

Gabriel se redressa, me dominant de sa hauteur, un sourire dessiné sur ses lèvres.

- Alors qu’est ce que monsieur désire ?

- Je ne sais pas… dis-je innocent.

Avec une lenteur exagérer, Gabriel entama son ascension vers mes lèvres, une lueur de malice illuminant son regard.

Pour me frustrer, il s’arrêta à peine quelques centimètres et d’humeur taquine, il déclara :

- Dommage que tu ne saches pas…

N’en supportant pas d’avantage, je passais mes deux bras autour de lui, et l’attirais à moi pour un baiser des plus désiré. Avidement, je pris possession de ses lèvres, le laissant venir quémander l’ouverture de ma bouche. J’y accédais avec un plaisir non feint, échangeant ensuite un baiser des plus passionnés. Gabriel se colla tout contre moi, pendant que mes mains l’attiraient toujours plus près dans une volonté de me fondre en lui. Après cet échange qui nous laissa tous deux fébriles, Gabriel vint poser sa tête sur mon torse, se laissant aller à fermer les yeux alors que ma main caressait son épaule avec douceur.

En très peu de temps je sombrais avec Gabriel dans les limbes du sommeil. 

Lorsque j’ouvris de nouveau les yeux, j’étais seul dans le lit, et je pouvais entendre l’eau de la douche couler dans la salle de bain. Après m’être étiré, je me décidais à me lever à mon tour. A peine eussè-je posé les pieds sur le sol que Shanenja se rua sur moi. Amusé je la soulevais, profitant de son poids plume qui ne durerait pas.

J’allais me poser dans le canapé, allumant la télévision. Gabriel ne tarda pas à venir me rejoindre et s’occupa du chiot le temps que j’aille prendre ma douche.

Lorsque je revins, j’allais m’asseoir à côté de Gabriel qui m’attira de lui-même contre lui afin de me voler un baiser. J’avais l’impression de vivre sur un petit nuage… Je déposais ensuite ma tête sur son épaule, profitant du bonheur qui m’était pour une fois accordé. Nous passâmes une journée paisible, ne sortant que pour Shanenja.

Les jours suivant défilèrent assez vite. Le lendemain nous étions allés acheter le nécessaire pour Shanenja et nous étions allés travaillés au centre, et aujourd’hui, nous étions en train de déménager les quelques meubles de Gabriel et ses affaires dans mon appartement qui devenait maintenant le notre. 

Lorsque que je revins, je m’assis en face d’eux sur un coussin, après leur avoir servis de quoi boire.

- Alors ? De qui est venue cette idée de cohabitation ? Demanda soudain Philippe avec un sourire.

Gabriel me lança aussitôt un regard qui ne passa pas inaperçu à Philippe et je répondis légèrement gêné :

- C’est… C’est moi qui lui ait proposé.

- Et Gabriel a accepté… Ajouta-t-il avec un sourire à son attention. 

Après un temps il poursuivit :

- En tout cas je ne peux que vous souhaiter bonne chance. Gabriel, je suis sincèrement heureux de te voir comme ça. Autant te dire que je ne t’ai jamais vu aussi épanoui.

Puis retournant son attention vers moi, il me dit avec sérieux :

- Sincèrement merci Juha… Je suis content pour vous deux.

Je fus profondément touché par ce que nous disait Philippe et je ne pus que regarder Gabriel en lui offrant un petit sourire timide. Il me rendit le même sourire, encore plus gêné que moi, sous le regard bien veillant de Philippe. Mais il ne semblait pas en avoir fini, car sans aucune gêne, il demanda :

- Et où en est votre relation à tout les deux ?

Ce fut heureusement Gabriel qui pris la parole et qui répondit :

- Disons que nous sommes des amis… De très bons amis… Intime… Mais ça s’arrête là, ajouta-t-il.

- Oh… Je vois… Dis Philippe, comprenant le sous-entendu. De très bons amis intimes.

Il nous regarda tout deux, avec un regard lourd de sens et un petit sourire en coin, avant de reprendre la parole :

- Tu sais Gabriel, plus le temps passe et plus je pense que d’être sorti avec Marion était la plus grosse erreur de ta vie. C’est ma fille, certes, mais elle n’était pas faite pour toi, tout comme tu n’étais pas fait pour elle. Tu es bien plus heureux avec Juha actuellement, c’est indéniable. Je trouve que… Je trouve que tu te laisses enfin aller à être toi-même.

- Je… Commença à dire Gabriel, profondément touché, peut être un peu trop.

Je le vis, à deux doigts de pleurer, peut être un peu trop sensible ces derniers temps. Sans trop réfléchir, je me levais et vins m’asseoir près de lui, posant ma main sur la sienne. Gabriel me regarda en le lançant un sourire qui voulait dire « merci ». Puis il tourna la tête vers Philippe et la voix nouée d’émotion, il lui déclara :

- Je… Merci Philippe.

- Gabriel… Sache que je te considère comme mon propre fils, le fils que je n’ai jamais eus. Alors il est normal que je me fasse du souci pour toi. Tu es en tout cas entre de bonnes mains. De plus, ajouta-t-il, tu t’ouvres de plus en plus aux autres. Tu te laisses aller à t’ouvrir aux autres et rien ne peut me rendre plus heureux.

Le silence dura quelques temps et Philippe ajouta pour détendre l’atmosphère :

- En tout cas, je ne sais pas ce qu’il t’a fait, mais tu as maintenant une sensibilité à fleur de peau.

Gabriel rougit de plus belle, alors que Philippe se levait en riant. Il s’excusa un instant, avant de nous laisser seul pour aller aux toilettes. Sans attendre plus longtemps, j’attirais Gabriel à moi dans le but de lui voler un baiser. Avidement, je m’emparais de ses lèvres en l’enlaçant pour le sentir encore plus près. Gabriel répondit avec fièvre à ce baiser. Depuis le soir du réveillon de Noël, nous n’avions échangé que ce genre de chose, mais chacun de nos baisers étaient plus envieux d’une nouvelle expérience. Ses mains finirent par s’agripper à moi, alors que notre baiser gagnait en intensité. Nos langues se mêlaient maintenant, nous faisant perdre toute notion du temps, et ce fut un toussotement de Philipe qui nous fit nous séparer un peu vivement. Gabriel vira au rouge cramoisi et je devais avouer que je n’étais pas très à l’aise non plus. Philippe vint s’asseoir à nos côtés avec un petit sourire, Shanenja dans ses bras.

- Au fait, commença-t-il, en changeant totalement de sujet, je voulais vous demander si vous aviez quelque chose de prévu pour le réveillon du jour de l’an. Marion n’est pas là, alors j’ai pensé vous inviter tous les deux…

- Avec plaisir, répondis-je.

- Oui, avec plaisir, répéta Gabriel avec le sourire.

C’est alors que quelqu’un sonna à la porte. Surpris, je me levais, alors que Philippe me demandait :

- Tu attends quelqu’un ?

Je fis non de la tête avant de dire avec un sourire qui cachait mal mon appréhension :

- Je reviens.

Je me dirigeais vers la porte, me demandant vraiment qui pouvait venir à l’appartement. A peine eus-je ouvert la porte que je n’eus pas le temps de vraiment réagir, le frère de Kilian se jeta sur moi avec un objet tranchant à la main. Je m’écartais un peu trop tard, sentant une douleur vive au dessous de l’épaule, sur le bras. Je laissais échapper un cri de douleur et de surprise alors qu’il commençait à dire à deux doigts de se jeter sur moi :

- Je vais te crever pour de bon cette fois-ci.

Alors qu’il brandissait à nouveau son couteau sur moi, paralysé par les émotions qu’il me faisait ressentir à cause de mon don, il fut très violemment plaqué contre le mur par Gabriel qui déjà lui ôtait son arme des mains. Le cœur battant, je tournais la tête vers Philippe au téléphone avec la police. Tout se passait tellement vite. Ma tête me lançait, j’avais l’impression qu’elle allait imploser sous la pression de haine qu’il ressentait pour moi, et son envie meurtrière. Alors que mes oreilles commençaient à bourdonner, je pouvais entendre le frère de Killian s’adresser à Gabriel.

- Il est en train de faire la même chose avec toi. Il te  manipule. Il déménage avec toi, il te baise, il t’embobine et bientôt, il te tirera une balle dans la tête…

Les larmes commençaient à ruisseler sur mes joues, je plaquais mes deux mains sur mes oreilles, ne pouvant en entendre plus. Je me laissais glisser contre le mur alors que je voyais Gabriel hésiter entre venir me prendre dans ses bras et maintenir le frère de Killian. Après un dernier regard apeuré, je fermais les yeux, la pression étant trop forte. C’est alors que je me sentis soulevé et amené ailleurs. Je n’eus pas besoin d’ouvrir les yeux pour comprendre qu’il s’agissait de Philippe. Il respirait la bonté et le père protecteur.
Je pus entendre quelques mots, comprenant que Philippe demandais à Gabriel de surveiller le frère de Killian pendant qu’il s’occupait de moi. Il me porta sans difficulté dans la salle de bain, sentant intuitivement qu’il fallait à tout pris m’éloigner de cet homme. Je pouvais sentir son inquiétude et son incompréhension face à mon état. Tremblant, pâle, en larme, j’ouvris les yeux alors que je sentais peu à peu la haine du frère de Killian s’estomper. Philippe me posa sur la chaise de la salle de bain, et ferma la porte comme pour me couper de la scène d’horreur qui se déroulait dans mon salon. Alors que Philippe se penchait vers moi pour attraper mon bras et voir son état, je réagis un peu trop brusquement en reculant, dans la crainte d’un contact humain, trop apeuré pour aire la part des choses. De sa voix calme et posée, il tenta de me ramener à la raison.
- Calme-toi Juha. Je veux juste soigner ta plaie, et surtout voir son état.
Passablement rassuré, et tentant de me ressaisir, je lui tendis mon bras, le laissant l’observer et me préparant mentalement à résister à ce contact. Avec douceur et fermeté, Philippe leva ma manche du t-shirt, déjà imbibée de sang. Je remarquais qu’il en avait aussi sur ses vêtements. Après avoir observé ma plaie, Philippe se leva en disant :
- Ce n’est rien de grave. Heureusement la coupure n’est pas profonde.
Il chercha dans mes affaires de quoi me soigner puis revint à mes côtés et désinfecta avec soin ma plaie. Je ne ressentais pas vraiment la douleur, trop concentré sur la migraine qui commençait à me marteler les tempes. Avec soin et patience, Philippe s’occupa de mon bras, finissant par le bander. C’est alors que Gabriel entra dans la salle de bain, me jetant directement un regard inquiet avec de dire à Philippe :
- Les flics sont là, je te laisse t’en…
- Oh oui, dit Philippe, je m’en occupe.
Philippe se redressa et nous laissa seul. Gabriel eut à peine le temps de s’approcher de moi que mes larmes reprirent de plus belle sans que je sache pourquoi. Sans réfléchir plus longtemps, il parcourut les dernies pas qui nous séparaient et me pris dans ses bras, m’attirant à lui. C’est ainsi que nous finîmes par nous retrouver tous les deux assis sur e sol, moi au creux de ses bras et Gabriel me réconfortant du mieux qu’il pouvait, me serrant très fort contre lui. J’entendais sa voir, caressais mes oreilles, s’estompant de plus en plus, oubliant ce qui nous entourait, oublient où j’étais, oubliant ce que je faisais ainsi, dans cet état aux creux de ses bras, littéralement épuisé. Pour la première fois depuis une éternité, je me sentais protégé et serein dans les bras de quelqu’un.
Lorsque j’ouvris de nouveaux les yeux, j’étais allongé sur mon canapé, la tête posé sur les cuisses de Gabriel. Celui-ci regardait la télévision, sans trop y prêté attention, et passait plusieurs fois sa main sans mes cheveux en une douce caresse. Je le regardais en souriant légèrement, jusqu’à ce qu’il finisse par s’apercevoir de mon éveil. Il répondit à mon sourire et s’abaissa pour déposer un chaste baiser sur mon front. Après un temps passé ainsi, je me décidais à me redresser, m’asseyant à ses côtés. Je portais simplement un bas de pyjama et il m’avais mis une couverture. Je choisis de m’emmitoufler dedans, collant ma tête sur son épaule afin de regarder la télévision avec lui. Seulement, plus le temps avançait, plus je sentais cette boule étrange se former dans mon estomac. Ce ne fut que lorsque la pression fut trop forte que je craquais :
- Je suis désolé pour tout ça Gabriel. A peine tu emménages ici que…
Je fus couper par sa main sur mes lèvres, et sa voix qui ne laissais entendre aucune discussion possible quand à ce qu’il allait me dire.
- Mieux vaut que tu te taises et que tu continues de te reposer si c’est pour dire de telles âneries. C’est fini Juha, il ne t’embêtera plus, ajouta-t-il après un temps.
Alors que les larmes me montaient aux yeux, je déclarais la voix enrouée :
- Je… Pour ce qu’il t’a dit… Ne… ne t’inquiète pas Gabriel. A la différence du frère de Killian, tu connais les circonstances et pourquoi je l’ai tué. Je… Jamais… Jamais je ne te ferais du mal Gabriel….
Gabriel se tourna ver moi, alors que ma voix se noua dans ma gorge et que je ne pouvais dire un mot de plus. D’une voix posée, il me répondit :
- Je le sais parfaitement Juha. Même si je ne sais pas tout, je te fais confiance.
Lentement, il m’attira à lui dans une étreinte nécessaire, alors qu’une larme roulait sur ma joue. J’avais eu si peur de perdre le peu de bonheur que j’avais enfin pu reconstruire avec une autre personne, si peur de le perdre comme la dernière fois. Une chose était sûre je n’y aurais jamais survécu.
Je finis par murmurer à son oreille, la voix brisée d’émotion :
- Merci Gabriel… Merci d’être là… Merci pour tout ce que tu as fais.
Ignorant la douleur lancinante que je pouvais ressentir au bras, je répondis à son étreinte, le serrant de nouveau contre moi, respirant son odeur à plein poumon. Nous restâmes un long moment ainsi, un moment pendant lequel je tentais de me ressourcer. La haine était vraiment un des ressentis les plus dur à surmonter et celle qu’il avait ressentis à mon était la pire de toute en ce qu’elle voulait ma mort et mon annihilation totale. Je n’imaginais même pas ce que j’aurais ressentis s’il m’avait touché. ..
Nous finîmes par nous écarter et Gabriel me conseilla d’aller prendre une bonne douche chaude pendant qu’il allait préparer un petit quelque chose à manger.
- Je n’ai pas vraiment faim, lui répondis-je.
- Et bien, tu te forceras un peu. Tu es tout pâle et fébrile et je pense sérieusement que te nourrir te fera le plus grand bien.
Je ne répondis rien, me rendant simplement à la sale de bain avec un pantalon propre. Ce fut finalement chancelant que j’arrivais jusqu’à la baignoire. Une migraine affreuse s’était maintenant très clairement installée et tout ce qu’il me fallait était du silence, du calme et du repos. Une fois dévêtis, je pris une douche assez rapide, prenant soin de na pas mouiller le bandage que m’avait fait Philippe. Lorsque je fus propre, je sortis de la douche, m’habillais assez rapidement, du mieux que je pus, et allait rejoindre Gabriel dans la cuisine.
- Ca va un peu mieux ? me demanda-t-il inquiet. Ne reste pas là, je t’amène ton assiette dans le salon.
Amusé par son attitude papa-poule, depuis mon éveil, je ne répondis rien et allait m’asseoir. Gabriel ne tarda pas à revenir avec deux bonnes assiettes. Il m’en tendit une et me dit avant de s’asseoir :
- J’ai sorti Shanenja tout à l’heure, je l’ai nourrir, il ne va pas tarder à nous rejoindre. J’irai le sortir une dernière fois.
- Merci…
Je me forçais à manger au moins la moitié de mon assiette que je finis par déposer sur la table basse. Gabriel ne fit aucun commentaire et se leva une fois qu’il eut finit son assiette afin d’aller promener mon chiot qui revenait le ventre plein de son repas fraîchement terminé.
Alors que j’entendis la porte d’entrée se fermer, ne tenant plus, j’allais me glisser sous les couvertures dans le lit. Je laissais mes yeux se fermer sans trop les contrôler et m’assoupis sans même m’en rendre compte. Je m’éveillais seulement un court instant lorsque je sentis Gabriel venir se glisser dans les couvertures. J’ouvris les yeux et nous échangeâmes un sourire avant qu’il ne vienne recouvrir mes lèvres d’un baiser simple qui fit gonfler mon cœur de bien être. Après quoi, nous nous blottîmes l’un contre l’autre, et après un simple « bonne nuit », je ne tardais pas à me rendormir, rassurer de l’avoir encore une nuit à mes côtés.
Les jours suivant avaient défilés assez vite et nous nous retrouvions propres et bien habillés pour aller dîner chez Philippe pour le réveillon du jour de l’an. La conversation que nous étions en train d’avoir était en train de s’engager sur un terrain glissant et pourtant nous continuions.
- Ce que je veux dire, s’exclama Gabriel, c’est que tu pourrais profiter de cette nouvelle année qui va commencer pour aller voir ta famille. Si tu as peur d’y aller seul, je t’accompagnerais, ce n’est vraiment pas le souci.
Agacé, je répondis :
- Tu ne comprends rien Gabriel. Tu te place uniquement de ton point de vu pour analyser la chose. Ca te parait si simple…
- C’est vraiment idiot Juha. Tu as une famille, tu as de la chance : Et qu’est ce que tu fais ? Tu gâches cette chance.
- Ne juge pas sans savoir. Ce n’est pas parce que tu n’en a pas eu, que j’ai eu moi une famille merveilleuse.
- Alors comment veux-tu que je comprenne si tu ne me dit rien ? Je ne connais presque rien de toi, sauf que tu as passé dix ans en prison parce que tu as tué Killian. Gabriel se tut immédiatement, mais trop tard, réalisant qu’il avait peut être été un peu trop loin. Gardant mon calme, mais sur un ton tout de même un peu élevé, je lui répondis après un temps :
- Peut être que je ne te dis rien parce qu’il n’y a rien à savoir. Dix ans de ma putain de vie ont était gâché en prison, mais celle que j’avais avant n’était que très banale. Pourquoi je ne tiens pas à voir mes parents ? Tu veux vraiment le savoir ? Alors que je venais de leur annoncé mon homosexualité en leur présentant Killian, il l’on face à nous deux très bien pris. Nous avons passé une merveilleuse soirée.
Je marquais un temps, sentant que je m’énervais plus que nécessaire et que cette colère n’était pas tourné contre Gabriel. Prenant une profonde inspiration, je repris :
- Quand j’y repense, quels hypocrites ! Toujours est-t-il que lorsque nous sommes allés nous coucher, j’avais oublié un truc dans le salon. Et c’est là que je les ai vus : ma mère pleurant dans les bras de mon père en se demandant ce qu’elle avait fait pour mériter cela. Il ne vaut mieux pas que je te raconte le reste, parce que cela n’en vaut vraiment pas la peine. Il avait placé la barre très haute pour moi alors que se sont-il dit lorsque leur unique fils qui plus est homosexuel est devenu un meurtrier ?! Non je n’irai par les voir, c’est vraiment au dessus de mes forces.
Je me tu, alors que nous continuions de rouler, tournant la tête vers le côté de ma fenêtre, observant le paysage s’assombrir à l’arrivée de la nuit. Un petit moment après, je sentis la main de Gabriel se poser sur ma cuisse, m’indiquant immédiatement le remord et la peine qu’il ressentait à mon égard.
- Je suis désolé Juha…
Il ôta sa main de ma cuisse après un regard que je lui lançais et se gara sur le parking du ranch. Nous sortîmes tous les deux en silence. Gabriel semblant de plus en plus gêné. Alors qu’il marchait un peu devant moi, je l’attrapai par le bras, le forçant à se retourner. A mon tour, je lui dis tout bas :
- Je suis désolé de m’être emporté ainsi…
Sans plus attendre, je l’attirais un peu plus à moi, afin que ses lèvres me soit accessibles. En un court instant, nous parcourûmes tous les deux la distances qui nous séparait avant que ses lèvres jumelles ne rejoignent les miennes. Gabriel se laissa totalement aller dans mes bras, et nous échangeâmes un baiser qui nous laissa tous deux pantelants. Nous nous rendîmes jusqu’à chez Philippe, côte à côte, oubliant la ressente dispute au fil des secondes.
A peine avions nous sonné à sa porte, que Philippe nous ouvrait avec un grand sourire.
- Bonsoir, comment allez-vous depuis tout à l’heure ?
- Très bien, dit Gabriel en lui tendant une bouteille de champagne que nous avions acheté la veille.
- Merci, répondis Philippe. Débarrassez-vous de vos affaires, faîtes comme chez vous. Je vais la mettre au frais.
Après avoir enlevé nos manteaux, je suivis Gabriel jusqu’au salon où nous primes place. Philippe ne tarda pas à nous rejoindre avec un petit apéritif. Nous parlâmes un peu du travail, des chevaux et d’Orphée, ainsi que la jument que Gabriel avait récemment acheté. Après une petite heure, nous passâmes à table pour déguster le festin que Philippe nous avait préparé. Nous parlâmes de tout et de rien, et ce ne fut qu’au moment du dessert que Philippe aborda un sujet important avec Gabriel.
- Et tu n’as jamais envisagé de rencontrer quelqu’un ? Je veux dire à nouveau ? demanda Gabriel hésitant.
- Oh tu sais, le ranch me prend beaucoup trop de temps. Je ne sors presque pas d’ici, sauf pour quelques courses et j’habite sur mon lieu de travail. Mais je pense bientôt trouver un successeur. D’ailleurs j’ai déjà ma petite idée, ajouta-t-il en lançant un petit sourire à Gabriel.
- Qui ça ? demanda l’intéressé, à dix mille lieux d’avoir saisi le sous entendu.
Philippe le regarda alors avec plus d’insistance, lui faisant clairement comprendre qu’il s’agissait de lui.
- Qui ça ? répéta-t-il. Moi ?
Philippe acquiesça avec un grand sourire, et Gabriel maintenant extrêmement gêné, poursuivit :
- Merci… Vraiment… je… je suis touché que tu penses à moi, mais tu devrais choisir quelqu’un d’autre. Je n’ai pas assez d’expérience et je suis loin d’être capable d’abattre ton travail, je…
Ne tenant plus, je lâchais, le coupant dans son monologue :
- Quand est ce que tu vas te faire un peu confiance Gabriel. Si Philippe t’a choisit, je pense qu’il le fait en connaissance de cause et qu’il sait que tu en es capable.
- Juha a raison ajouta Philippe. Ne t’inquiète pas, je ne vais pas partir du jour au lendemain. Mais si tu acceptes, je veux bien te former et te céder de plus en plus de tâches importantes. Si je t’ai choisi, c’est parce que je te fais entièrement confiance.
Les joues de Gabriel s’empourprèrent, et la voix nouée par l’émotion, il ne put simplement que remercier Philippe. Après un temps, celui-ci nous invita à aller boire un verre dans le salon. Il n’était pas loin de minuit et il ne nous restait plus qu’à patienter jusqu’au moment fatidique ou nous nous souhaiterions « bonne année ». Gabriel assis prêt de moi, me regarda avant de se rapprocher alors que je levais mon bras pour le passer derrière son cou. Philipe nous regarda attendris, mais ne fit pas le moindre commentaire. La suite de la soirée se passa dans la même ambiance légère et détendu comme ‘j’avais rarement eut l’occasion d’en connaître même avant la prison. Gabriel se plaignait de ne pas avoir eut de famille, mais Philippe semblait être le meilleur père qu’il n’ait jamais eut, veillant su lui avec amour. Lorsque les douze coups de minuit sonnèrent, Gabriel se tourna directement vers moi, en s’écartant un peu. Avec un sourire, il murmura avant de me voler un baiser des plus passionné sans se soucier du regard de Philippe posé sur nous.
- Bonne année Juha.
Avidement sa langue vint à la recherche de la mienne, à peine eussè-je entrouvert les lèvres. Une envie puissante était en train de naître aux creux de ses reins et dans un tout autre lieu, sans personne autour, les choses auraient pu très rapidement dévier. Notre baiser gagna en intensité lorsque nos langues se rencontrèrent enfin, et ce fut à contrecœur que je m’écartais de lui après un temps, sentant que nous avancions sur un terrain glissant et me rappelant de la présence de Philippe. Jamais je n’avais vu et sentir Gabriel se laisser autant aller que cela. Le souffle court, nos lèvres se séparèrent et alors qu’il me regardait droit dans les yeux, je murmurais à mon tour :
- Bonne année Gabriel.
Nous finîmes par nous tourner vers Philippe qui avec un sourire radieux, déclara à notre attention :
- Bonne années à vous deux…
Nous lui répondîmes en cœur la même chose, puis nous passâmes encore quelques temps avec lui, avant de se décider à rentrer. Nous avions Shanenja chez nous. On trouvait qu’il n’était pas vraiment en forme et un peu de clame lui ferait certainement le plus grand bien, ce fut pourquoi nous l’avions laissais là-bas.
Avant de partir, Philippe me demanda :
- Au fait, comment va ton bras ?
- Beaucoup mieux, merci.
- Bien, s’exclama-t-il avant d’ajouter après un temps. Je vous souhaite une excellente fin de soirée et merci d’être venu. Soyez prudent sur la route.
Après m’avoir serré la main, Gabriel et lui s’enlacèrent, dans une étreinte paternelle. Il souffla quelques mots de remerciement à Philippe qui gardait toujours ce même sourire bienveillant. Gabriel n’avait pas idée de l’amour que lui portait Philippe.
Après un dernier au revoir, nous marchâmes jusqu’à la voiture avant de monter silencieusement dedans. Une fois qu’il eut démarré le moteur et que nous fûmes en route, je lui dis :
- Vraiment, nous avons passé une très bonne soirée.
- Oui…
Je me penchais alors vers lui et déposais un baiser sur le coin de sa joue, avant de lui murmurer :
- Je suis content d’avoir passé ces premières heures de l’année avec toi.
Je vis Gabriel sourire, avant de répondre « moi aussi ». Nous terminâmes le voyage en silence jusqu’à arriver devant chez nous. Rien que penser que nous habitons ensemble me faisait voler sur un petit nuage. Arrivé à l’appartement, Shanenja se jeta sur nous et fonça dans mes bras alors que je m’accroupissais pour être à sa hauteur.
- On l’a sortit tôt ce soir, je vais lui faire faire une toute petite ballade, je n’en ai pas pour longtemps, dis-je en me redressant pour attraper sa laisse que je fixais par la suite à son collier.
- A tout de suite, me répondit-til.
Alors que je sortais de nouveau dehors, je me rendais compte que je venais de prendre la sortie de Shanenja plutôt comme un prétexte pour ne pas me retrouver tout de suite seul à seul avec Gabriel que réellement pour le chiot. J’avais chaque soir un peu plus envie de Gabriel. Désireux de son corps et d’aller bien plus loin, j’avais beaucoup de difficultés à rester de marbre surtout lorsqu’il m’embrassait de lui-même comme il l’avait fait la dernière fois.

Je rentrais au bout d’un quart d’heure, lorsque le froid fut trop saisissant. Shanenja ne se fit pas prier et gentiment, je le pris dans mon pull, l’enroulant dans ma veste pour le chemin du retour. Arrivé à l’appartement je le déposais sur le petit lit de fortune que je lui avais préparé dans le couloir. Shanenja s’y pelotonna et j’allais rejoindre Gabriel assis sur le canapé en train de regarder la télévision certainement pour m’attendre. Je me débarrassais de ma veste et de mon pull avant de traverser le salon, grelottant légèrement dans le but d’attraper des vêtements faisant office de pyjama. J’enlevais rapidement mon t-shirt, sentant le regard de Gabriel posé sur moi, puis le remplaçais par mon t-shirt à manches longues pour la nuit. J’en fis de même pour le pantalon, toujours dos à Gabriel, sentant toujours son regard posé sur moi. Amusé par son attitude, je tournais la tête vers lui. Celui-ci tourna vivement la tête, ne parvenant pas à me cacher le rouge qui lui montait aux joues. Je marchais jusqu’à lui, me mettant debout entre lui et la télévision :

- Alors comme ça, tu te rinces l’œil quand j’ai le dos tourné ? Et en plus tu en rougis… Déclarais-je avec un sourire moqueur.

- Moi au moins je ne m’exhibe pas, répliqua Gabriel, comme vexé.

- C’est d’ailleurs vraiment dommage…

Gabriel se redressa et une fois à ma hauteur, il me dit d’un ton bien plus bas.

- Je crois qu’il vaut mieux trouver un moyen de te faire taire.

- Ah oui ? Dis-je innocemment.

M’attrapant par le t-shirt au niveau du torse, il m’attira à lui pour un baiser des plus intenses. S’il avait déjà prit l’initiative, cette fois-ci, c’était la première fois qu’il y mettait autant de vigueur et d’avidité sans retenue aucune. Gabriel se laissait aller à faire preuve d’autant de sensualité et d’érotisme rien qu’à sa manière de faire danser sa langue.

Fébrile, grisé par ce baiser, j’y répondis avec la même intensité, emporté par sa propre envie. Je mis du temps pour revenir à moi, réalisant que mes mains avaient glissées sur le bas de son dos sans trop en être conscient, emporté par l’envie et le désir de Gabriel. Je m’écartais aussitôt de lui, bredouillant :

- Je suis désolé Gabriel, mais si on va plus loin, je ne saurais plus me retenir…

- Je ne te demande pas de te retenir, fit-il avec un sourire qui en disait long sur ses intentions.

Sous l’effet de la surprise, je restais muet, totalement étonné de ce qu’il venait de me dire. Je me mis à bégayer sous son regard amusé :

- Je… Enfin… Tu es sûr ?

- Je suis prêt, Juha, me dit-il avec sérieux.

Constatant que j’étais quelque peu abasourdi par ce qu’il venait de me dire, il m’attira à lui pour une seconde fois. Cependant, ce fut moi qui pris possession de ses lèvres. J’avais encore du mal à réaliser ce qu’il venait de me dire et pourtant, nos deux désirs mêlés ne faisaient que monter en puissance, s’emparant de nos êtres.

Collé contre moi, je pouvais sentir le rythme cardiaque de Gabriel s’accélérer de secondes en secondes. Il glissa ses mains sous mon t-shirt alors que nos langues venaient à peine de se rencontrer à nouveau. Surpris par cette rapidité, je n’en laissais cependant rien paraître, me contentant de passer mes bras autour de lui, laissant une main sur sa nuque et une autre glisser le long de son dos. Je n’aurais jamais pensé que nous commencerions l’année ainsi et cela était loin de me déplaire. Passer le cap avec Gabriel était pour lui comme pour moi, un pas énorme à franchir. C’était loin d’être le même acte que j’avais assouvi avec Dorian. Cette nuit avec Gabriel engageait bien plus de choses. Je m’autorisais ce que je m’étais interdit à la mort de Kilian et j’avais cette cruelle impression de franchir un interdit.

C’est alors que perdu dans notre baiser, je sentis la main de Gabriel descendre de mon torse jusqu’à mon bas ventre avec un empressement qu’il ne savait cacher. J’attrapais alors sa main et quittant ses lèvres, je me glissais dans son cou, lui murmurant :

- Ne va pas trop vite, Gabriel. Nous avons tout notre temps…

Aussitôt, je sentis Gabriel se raidir avant de s’écarter légèrement, rouge et affreusement gêné. Sans lui laisser le temps de s’éloigner d’avantage de moi, je le saisis de nouveau par le poignet et m’approchais de lui afin d’amenuiser cette nouvelle distance qui nous séparait. De ma main libre, je le forçais à redresser la tête afin de me regarder droit dans les yeux avant de lui dire :

- Je suis loin de t’avoir dit de tout arrêter…

Posant sa main que je tenais sur mon torse, j’ajoutais :

- Je disais juste qu’il ne sert à rien de se précipiter…

Sans un mot de plus, je déposais mes lèvres sur les siennes lui volant un très doux baiser qui le fit frissonner de part sa lenteur et sa sensualité. Gabriel se détendit, se laissant aller peu à peu, retrouvant très vite son désir d’aller bien plus loin. Calculant rapidement nos positions respectives dans le salon, je finis par faire reculer Gabriel qui, à mon écoute, s’exécuta avec lenteur. Lestement, je le fis s’asseoir sur le canapé après lui avoir volé un dernier baiser. Cependant, au lieu de le rejoindre, je restais debout face à lui, inaccessible. Le désir brûlait dans ses yeux alors que j’étais hors de sa portée. Avec la même sensualité que j’exerçais avec lui, je passais éhonteusement mes mains sur mon corps, le surprenant par mon manque de pudeur.

Attrapant avec savoir faire chaque côté de mon t-shirt, je l’enlevais très doucement, découvrant petit à petit, sans précipitation aucune, chaque parcelle de peau du haut de mon corps. Gabriel ne pouvais s’empêcher de me regarder, non sans rougir. Une fois enlevé, je le laissais tombé sur le sol ; ce bout de tissus ayant maintenant perdu tout intérêt pour nous deux. Plongeant mon regard de braise au plus profond du sien, d’une démarche féline maintenant tors nu, je m’approchais de lui. Arrivé à sa hauteur, je m’abaissais lentement au dessus de lui, posant un genou entre ses jambes légèrement écartées afin de prendre un appui. Mes lèvres s’abaissèrent jusqu’aux siennes, s’arrêtant à a peine un centimètre des siennes, ne lui laissant comme contact, que celui de mon souffle sur son visage.

Un sourire illuminait mon regard brillant. Gabriel, juste au dessous de moi, semblait se languir dans l’attente la plus totale, que je daigne enfin faire quelque chose. Pourtant, je restais là, immobile, savourant ce moment d’attente ou tout pouvait basculer en un seul instant. Mon genoux placé tout contre son intimité, je pouvais sentir son excitation commencer à sérieusement augmenter.

M’approchant encore un peu de ses lèvres, je les effleurais à peine avant de dévier dans son cou, le grisant au contact de mes lèvres et de ma langue sur sa peau. S’il s’était retenu jusqu’à maintenant, je sentis ses deux mains se poser sur les épaules crispant les doigts sous l’afflux de sensations que je lui faisais ressentir. Mes mains se glissèrent avec savoir faire sous son t-shirt, savourant la texture de sa peau et la chaleur qui s’en dégageait. Je murmurais une fois de plus combien il était beau, alors que ses mains commençaient à glisser le long de ma colonne vertébrale.

Un premier gémissement muet s’échappa de mes lèvres, du aux frissons qu’il m’avait fait ressentir. Alors que ma bouche glissait le long de son épaule, revenant sur son cou, mes mains remontaient déjà son t-shirt, ressentant une forte envie de pouvoir dévoiler sa peau à mon regard. Gabriel vibra sous mes attentions, semblant déjà tomber dans un état second. Ses mains continuaient à partir à la découverte de mon dos.

S’il avait commencé à me toucher avec hésitation, ce n’était maintenant plus le cas. De seconde en seconde, il gagnait en assurance, mais elle trahissait toujours une certaine timidité de sa part. Alors que son t-shirt ne cachait plus son ventre, je choisis d’entamer une descente sans effleurer ses lèvres, le laissant encore dans l’attente d’un baiser. Ma bouche se déposa sur la peau nue de ses abdominaux, alors qu’une de mes mains commençait une ascension vers ses tétons de chair durcies, zone que je savais maintenant érogène.

Gabriel laissa s’échapper à son tour son premier gémissement alors que je jouais de ma langue avec son nombril, miment l’acte ultime. Ses ongles se plantèrent dans la peau de mes épaules. De ma main libre, je remontais son t-shirt afin de le découvrir encore plus qu’il ne l’était déjà. Ma bouche suivit le trajet de ma première main, goûtant chaque parcelle de peau découverte. Lorsque j’arrivais sur ses tétons durcis par l’excitation, avec ma langue, Gabriel gémit une fois de plus, crispant ses mains. Souhaitant soudain le surprendre, je libérais une main qui choisit de prendre le chemin inverse, volant au dessus de lui, elle se posa à l’intérieur de sa cuisse, pour finir sa course sur son intimité déjà durcie, l’effleurant à peine. Tout le corps de Gabriel s’arqua sous l’effet que je réussis à produire sur lui. Un cri à peine audible traversa ses lèvres alors que je redressais les yeux pour regarder son expression. Une mèche de cheveux blonds défaite de sa queue de cheval, retombait légèrement sur son visage, bougeant légèrement au rythme de sa respiration. Ses yeux bleus mi clos et ses lèvres rosies étaient une véritable invitation à la luxure. Maintenant un peu écarté de lui, j’en profitais pour lui ôter définitivement son t-shirt, ne supportant pas que ce morceau de tissus entrave mes actes et ma vision.

Alors que mes mains se posaient à nouveau sur son torse, je vis ses abdominaux se contracter. Gabriel ne contrôlait apparemment plus grand-chose. Je plongeais alors mes yeux verts dans les siens. Je ne savais pas s’il pouvait lire en eux combien j’étais heureux, et tout ce que je ressentais à ce moment précis. C’est alors que Gabriel me regarda différemment ;  une foule de ressentis semblaient s’imposer à lui. Les yeux plongés dans les miens, il commença à dire :

- Juha… Juha, je t’…

Ce ne fut pas lui qui s’arrêta dans sa phrase, même s’il avait parut hésitant. Je pensais savoir ce qu’il allait me dire. Mais peut être n’étais-je pas encore prêt à l’entendre, peut être n’aurais-je su lui donner de réponse, peut être que cela me faisait peur.

Mes lèvres s’emparèrent des siennes, le faisant taire et lui offrant ce baiser qu’il voulait depuis le début. Peut être aussi, avais-je sentis son hésitation et je ne souhaitais l’entendre que lorsqu’il en serait sûr. Mon baiser était en train de le mener bien plus loin, mettant de plus en plus d’avidité et de passion dans celui-ci. Nos langues menaient un ballet des plus érotiques, grisant entièrement mon être. Lorsque nos lèvres se séparèrent, fiévreux, j’entamais un tout autre chemin. Mes mains partirent en éclaireuses, massant déjà son bas ventre. Attentif à la moindre de ses réactions, je le sentais fondre sous mes attentions. Ma langue avait maintenant atteint ses boutons de chair durcie, provoquant un léger gémissement chez Gabriel. Ses mains me caressaient inconsciemment les épaules.

Je continuais après un temps mon chemin, prolongeant mon passage sur ses abdominaux pendant que mes mains s’attaquaient à le défaire de son pantalon. Gabriel leva légèrement le bassin, afin de m’aider lorsque je voulu le débarrasser définitivement de ce morceau de tissu. Celui-ci alla rejoindre les autres alors que je reportais mon attention sur Gabriel. D’une main, maintenant agenouillé sur le sol entre ses jambes, j’effleurais à peine son intimité, provoquant chez lui un sanglot de frustration.

Amusé et fier de l’avoir ainsi à ma merci, dans l’attente de mes attentions, je fis lentement glisser son boxer, lui faisant suivre la même course que le précédent vêtement. Je me redressais un peu afin d’admirer le corps de Gabriel alanguis sous mes caresses. Il était sublime… Ses joues s’empourprèrent, et il détourna le regard, encore atrocement gêné du mien désireux. Avec délicatesse, je lui offris une caresse bien plus poussée sur son intimité à l’aide de ma main, ne me lassant pas d’entendre un nouveau gémissement de sa part. Après un temps passé à lui prodiguer plusieurs caresses du même genre, j’abaissais enfin ma bouche pour lui procurer une caresse des plus intime qui le mènerait irrémédiablement jusqu’aux portes de la jouissance.

Du bout de la langue, je touchais à peine l’extrémité de son sexe, ajoutant à cela une caresse bien plus poussée de ma main. Le corps entier de Gabriel s’arqua alors qu’un cri de plaisir s’échappa de ses lèvres entrouvertes. Alors qu’une de ses mains se perdait dans ma chevelure, l’autre se crispait toujours sur mon épaule. Quant à ma main libre, celle-ci massait sensuellement son bas ventre, afin d’augmenter les sensations ressenties. Ma langue s’enroulait maintenant sur son intimité, avec plus de vigueur, grisant son être entier. Je pouvais vivre chacun de ses ressentis, comme si s’était les miens.

Au fur et à mesure, j’augmentais l’intensité de mes caresses, arrivant jusqu’à prendre en bouche l’entièreté de son intimité, faisant des va et vient irréguliers en commençant progressivement. Prenant moi-même de plus en plus d’assurance, je lui offris une fellation qu’il ne serait pas prêt d’oublier. Plusieurs fois je retirais totalement ma bouche, lui arrachant des sanglots de frustration pour mieux revenir enrouler ma langue, avidement sur son intimité.

Progressivement, je l’emmenais sur le chemin de non retour. Sa main posée sur ma tête m’intimait d’aller plus vite, et j’accédais à sa requête muette alors qu’il murmurait mon prénom sous l’extase que je lui faisais vivre à l’aide de ma bouche et de mes deux mains.

Lorsque tout son corps de contracta, signe d’une jouissance très proche, j’accélérais la succion, l’accompagnant au mieux jusqu’à la fin. Il finit par se libérer dans ma bouche dans un gémissement rauque, submergé par la vague de plaisir intense déferlant sur lui. Haletant, il redressa la tête vers moi tandis que je remontais jusqu’à ses lèvres t murmura encore dans un état second :

- Juha… Je… C’est… Ce que tu…

Sa voix mourut dans sa gorge, semblant incapable de dire un mot de plus.

- J’espère que ça t’as plus, demandais-je avec un petit sourire avant de regagner ses lèvres qui m’avaient cruellement manquées.

Nos langues se mêlèrent pour un baiser des plus langoureux, nos mains caressant lentement le corps de l’autre, le temps que Gabriel se remette. Après un temps, ayant maintenant besoin de m’occuper de mon cas, mon intimité douloureusement durcie me le rappelant, je me redressais, allant jusqu’à me mettre debout sous le regard empli d’incompréhension de Gabriel. En lui tendant la main, je lui dis tout bas :

- Pour ta première fois, nous serons bien mieux sur le lit…

Gabriel m’offrit un petit sourire timide en rougissant avant d’acquiescer et de saisir la main que je lui tendais. M’emparant de ses lèvres, je le guidais en même temps jusqu’au lit où je nous fis basculer tous les deux. Me plaçant sur le côté, légèrement au dessus de lui, je m’abaissais jusqu’à son cou avant de remonter jusqu’à son oreille, et de lui murmurer, le cœur battant :

- Je suis vraiment heureux d’être ton premier homme, Gabriel.

Gabriel sembla sourire, même si je ne voyais pas son visage, je le sentais. Il passa ses deux bras autour de moi, et me sera fort comme jamais. Très vite, je lui rendis son étreinte. Nous restâmes un temps ainsi, avant que ma main ne prenne un tout autre chemin, et descende bien plus bas, de l’autre côté de son intimité qui déjà, de nouveau, s’éveillait.

Lentement, ma main s’aventura sur ses fesses en une douce caresse. Je m’emparais alors des lèvres de Gabriel pour tenter grâce à mon baiser, de lui faire oublier sa crainte. Grâce à mon don, je pouvais à peu près savoir ce qu’il fallait faire et aussi quand le faire. Quittant un instant ses lèvres, je portais deux doigts à ma bouche, les humidifiant afin de facilité ma préparation pour que Gabriel souffre le moins possible et le moins longtemps.

Mimant le geste de succion en le regardant droit dans les yeux, je vis ses joues s’empourprer une fois de plus, augmentant plus qu’il était possible mon excitation. Après un temps, jugeant les avoir suffisamment humidifiés, je retrouvais ses lèvres pendant que ma main se glissait entre ses fesses avec souplesse et délicatesse à la recherche de son orifice.

Gabriel se tendit légèrement mais ce ne fut rien de comparable à la dernière fois. Quittant ses lèvres, je lui susurrais en le regardant droit dans les yeux :

- Ne t’inquiète pas, je vais y aller tout en douceur…

- Je… Je te fais confiance, finit-il par me répondre. Et je veux aller jusqu’au bout…

Alors qu’il m’attirait à lui, pour un énième baiser j’insérais avec une lenteur extrême mon premier doigt en lui. Grâce à ma patience et à la douceur de ma préparation jusqu’ici, je sentis que Gabriel n’eut presque pas mal. Une simple grimace de douleur déforma quelques secondes ses traits, mais disparue bien vite lorsque je cessais tout mouvement une fois entièrement en lui. Après un temps ou j’embrassais avec langueur ses lèvres, mêlant ma langue à la sienne, faisant augmenter la passion et l’avidité progressivement, je commençais à mouvoir mon doigt en lui en un lent et désireux va et vient.

Peu à peu, Gabriel ne ressentis plus un seul soupçon de douleur, s’habituant aux nouvelles sensations que je lui faisais découvrir, entamant de lui-même quelques va et vient sur mon doigt en remuant légèrement le bassin. Il était même en train de prendre du plaisir. Sentant qu’il était tant, étant patient mais ayant tout de même mes limites, je décidais de passer à la suite. J’avais envie de lui et cette envie faisait brûler l’étincelle dans mon regard. Le deuxième doigt fut légèrement plus douloureux, mais cette douleur s’envola plus vite que la première fois. Plusieurs fois je quittais ses lèvres pour admirer sa beauté. Gabriel me regardait les yeux mi clos laissant parfois s’échapper quelques gémissements. Après un temps un peu plus court que le précédent, Gabriel fut dans le même état et j’insérais un troisième et dernier doigt en lui. Si le deuxième doigt avait été peu douloureux, ce n’était pas le cas du troisième qui paralysa presque Gabriel. Aussitôt, je cessais tout mouvement, et me refusant de céder à la panique, j’inondais son visage de baisers plus doux les uns que les autres.

A mon plus grand soulagement, je parvins à lui faire oublier la douleur avant qu’elle ne disparaisse complètement. Les gémissements reprirent de plus belle et il ne tarda pas à se mettre à onduler du bassin. Je finis par retirer mes doigts, sentant qu’il était plus que temps de passer à la suite. Ondulant volontairement du bassin, frottant mon intimité à la sienne tout aussi éveillée que la mienne, je me repaissais de ses lèvres voulant être sûr qu’il se lance de plein gré.

Il irradiait de confiance pour moi et de cet autre sentiment que je ne savais pas encore recevoir. Il était sérieusement prêt et décidé. Cependant, alors que je me décalais légèrement tout en ôtant mon pantalon et mon boxer, dévoilant mon intimité douloureusement gonflée, je sentis le doute s’insinuer en moi. Alors que j’étais maintenant dans la parfaite position pour nous emmener tous les deux au point de non retour, accomplissant l’acte ultime, alors que Gabriel était totalement consentant, je doutais. Ne pouvant aller plus loin, je m’écartais soudain de Gabriel m’allongeant sur le dos à ses côtés, murmurant :

- Je… Désolé Gabriel… Je…

Aussitôt, celui-ci surmonta son étonnement et se mettant sur le côté, il me demanda, intrigué et inquiet :

- Qu’est-ce qui ne va pas Juha ?

Détournant le regard, trop mal à l’aise pour le regarder dans les yeux, je bredouillais la voix nouée d’émotions :

- Je… J’ai peur de mal faire… J’ai… J’ai peur de te faire mal.

Gabriel me tourna la tête me forçant à le regarder et dit avec tout son sérieux :

- Je t’ai déjà dit que je voulais aller jusqu’au bout. J’ai confiance en toi, Juha et je veux plus que tout m’unir à toi.

Puis, sans me laisser le temps de vraiment réaliser ce qui se passait, il se mit au dessus de moi, me chevauchant lestement. S’aidant d’une main, il s’empala sur mon sexe, ne s’arrêtant que lorsque je fus entièrement en lui. L’afflux de plaisir me fit pousser un cri muet qui contrasta avec celui de Gabriel. Alors qu’il me regardait droit dans les yeux, je sentais qu’il était en train de se faire violence pour ne pas se retirer immédiatement. Sa douleur m’irradiait, et je ne savais plus quoi faire.

C’est en le voyant paralysé au dessus de moi, totalement perdu que je finis par me ressaisir. Reprenant mes esprits, je laissais glisser mes yeux sur son corps offert à moi. Puis jugeant que cette position le gênait, je repris le dessus, nous faisant tous les deux rouler habillement. Me retrouvant toujours en lui et le dominant maintenant de ma hauteur, je m’emparais de ses lèvres alors qu’il murmurait mon nom. Je laissais glisser une de mes mains sur son intimité.  Autant dire que je devais me faire violence pour ne pas entamer des déhanchements brutaux, ne tentant plus dans cette cavité chaude et humide.

Progressivement, Gabriel se décontracta, et je pus commencer à me mouvoir en lui. Je faisais passer mon propre plaisir après le sien, appréhendant de mal faire à chaque instant. Totalement focalisé sur ses ressentis, j’en oubliais les miens, ignorant le sang qui bouillonnait dans mes veines. Alors que je me déhanchais très lentement, ma main suivait le rythme sur son intimité. Ce ne fut que lorsque Gabriel fut totalement détendu et qu’il commença à prendre sérieusement du plaisir que je me laissais enfin aller à mes ressentis, laissant s’échapper un gémissement rauque alors que je m’enfonçais bien plus profondément en lui.

Celui-ci fit écho dans la gorge de Gabriel qui suivit mes mouvements de bassin, s’agrippant à moi comme à une bouée de sauvetage. Entamant une danse vieille comme le monde, j’écartais légèrement mon visage du sien, quittant ses lèvres, et plongeait mon regard dans le sien pour ne plus le quitter. Gabriel tombait peu à peu dans un état second, la lèvre inférieure pincée entre ses dents. Alors que je soutenais un rythme cadencé, j’arrêtais soudain tout mouvement, provoquant chez Gabriel un sanglot de frustration à l’état pur. Alors que je m’abaissais pour prendre possession de ses lèvres, il tourna la tête sur le côté, comme pour me punir d’avoir cesser tout mouvement. Amusé par sa réaction, j’en profitais pour déposer mes lèvres dans son cou offert à moi. Un violent frisson parcourut l’échine de mon vis-à-vis tandis que mes caresses manuelles reprirent de plus belle sur son intimité.

Alors qu’il tournait la tête vers moi, laissant s’échapper un petit gémissement, je m’emparais de ses lèvres en reprenant de nouveau un déhanchement langoureux montant vite en intensité, nous menant droit jusqu’à la jouissance.  Nos déhanchements de plus en plus profonds, nous unissant à jamais, me firent à mon tour perdre la tête. Gabriel, cramponné à moi comme jamais, semblait être très proche de l’extase. Après un ultime et habile coup de rein qui fit presque hurler Gabriel, je me libérais en lui dans un gémissement rauque tandis qu’il faisait de même dans ma main. Lentement, je retombais sur lui, haletant, et le corps parsemé de fines perles de sueur, tandis qu’il m’enlaçait en me serrant le plus fort possible. J’avais du mal à réaliser que nous l’avions enfin fait. Gabriel ne bougeait pas, se contentant de répondre à mon étreinte.

Je n’avais pas envie de me retirer tout de suite de lui, comme si le fait de rester ainsi me donnait l’illusion que ce moment intense pouvait durer encore un peu. Cela faisait tellement longtemps que je n’avais pas ressentis une telle sérénité. Jamais ne m’étais sentis aussi bien, ou du moins, cela remontait à si longtemps que je ne me rappelais plus ce qu’on pouvait ressentir dans ses moments là. Gabriel respirait mon odeur à plein poumon, tandis que je déposais encore une fois, mes lèvres dans son cou, le faisant frissonner. Ses mains massaient mon dos en effleurant à peine avec une douceur dont je ne l’aurais pas pensé capable.

Après un temps infini, je finis par le retirer totalement de lui, le quittant avec un baiser enfiévré. Une fois allongé à ses côtés, il ne lui en fallut pas plus pour venir se coller à moi, comme s’il était totalement dépendant de ma présence à ses côtés. C’est alors qu’il me murmura :

- Juha… Je…

- Tu quoi ? Demandais-je amusé.

- Je suis heureux d’avoir vécu cet instant avec toi… déclara-t-il en enfouissant encore plus qu’il n’était possible, son visage dans mon cou.

Un frisson étrange m’envahi instantanément, se mêlant subtilement à une chaleur qui m’enivra. Dans un murmure à peine audible, je lui répondis la même chose, le remerciant en même temps. Je tirais lentement la couverture sur nos deux corps, avant de sombrer avec lui dans un profond sommeil.

Ce début d’année passa à une vitesse affolante. Nous avions du travail à revendre et ne rentrions à l’appartement que très tard le soir alors que nous l’avions quitté à l’aube. L’ambiance était agréable et calme entre nous, mais une fois arrivé chez nous, nous ne faisions que nous laver, manger et dormir.

Pourtant depuis quelques jours, je me sentais de plus en plus mélancolique et je savais que cela n’était pas lié à la fatigue. La date qui me foutait en l’air chaque année approchait bien trop vite. Le soir approchait à grand pas, et je sentais au fond de moi que je ne pourrais affronter la journée suivante. Gabriel était en train de monter sa nouvelle jument et je décidais d’en profiter pour aller voir Philippe afin de lui parler en privé. Je frappais plusieurs coups à la porte de son bureau sachant qu’il s’y trouverait.

- Entrez, dit-il.

Je m’exécutais, et ce fut avec un grand sourire qu’il m’accueillit.

- Tiens Juha, comment vas-tu, je ne t’ai pas encore vu aujourd’hui ?

- Bonsoir Philippe, dis en prenant place en face de lui.

- Tu m’as l’air fatigué depuis quelques jours… Tu tiens le rythme ?

- Non, cela n’a rien à voir, m’empressais-je de répondre. C’est…

Je finis par prendre mon courage à deux mains et déclarais :

- Je sais que vous n’aimez pas mélanger les problèmes personnels et le travail, mais après demain c’est… C’est la date de décès d’une personne qui était très importante pour moi et je… Enfin, dans ces moments là, je ne vaux pas grand-chose et il vaudrait mieux que je prenne quelques jours de congé. Si cela ne vous dérange pas… Ajoutais-je hésitant.

- C’est Killian, c’est cela ? Me demanda-t-il compatissant et inquiet.

Je ne répondis pas, me contentant de baisser les yeux, jusqu’à ce que j’entende :

- Et bien, à dans trois jour Juha. Il y a beaucoup de travail en ce moment, je compte sur toi pour être entièrement disponible par la suite.

Je redressais la tête et acquiesçais avec un sourire empli de reconnaissance. Après quoi, je finis par sortir en lui souhaitant une bonne soirée, rejoignant Gabriel en train de desceller sa jument.

Nous ne tardâmes pas à rentrer et Gabriel alla se doucher pendant que je lui préparais à manger. Je n’avais pas vraiment faim ce soir. Gabriel vint me rejoindre et exprima son étonnement sur le fait qu’il n’y ait qu’une assiette de servie.

- Je viens de grignoter, je n’ai pas très faim, répondis-je simplement. Je vais me laver.

Gabriel me regarda d’un air suspicieux, et attrapa son assiette pour aller la manger devant la télévision. Après ma douche, j’allais directement me coucher, n’étant pas d’humeur à la compagnie ce soir là. Gabriel ne fit aucun commentaire, se contentant d’aller me rejoindre bien plus tard, se collant à moi.

Le lendemain, je fus réveiller par Gabriel qui me secouais légèrement par l’épaule, comme s’il était pressé. J’ouvris lentement les yeux et celui-ci déclara :

- Debout fainéant, tu te réveilles enfin. Dépêche toi on part dans dix minutes.

Gabriel était habillé et près à partir, ce qui prouvait qu’il n’en était pas à sa première tentative pour me réveiller.

Passant ma main sur mon visage, je déclarais, la voix vaseuse :

- J’ai vu avec Philippe, j’ai oublié de te dire. Je suis un peu malade, je ne travaille pas aujourd’hui.

Gabriel s’écarta de moi légèrement de moi sans un mot, semblant avoir du mal à digérer ce que je venais de lui dire. Je savais que mon mensonge était gros. Il devait déjà avoir du mal à avaler le fait que je ne lui en aie pas parlé hier soir, sans ajouter le fait que je sois aussi distant depuis quelques temps. Même cette nuit, j’avais finis par m’éloigner de lui. Mais ce n’était pas ma faute, je ne me sentais pas bien, et contre cela, je n’avais comme solution que de me replier sur moi-même.

L’effet de surprise passé, Gabriel s’exclama assez sèchement :

- T’aurais pu me le dire avant ! Je vais arriver en retard maintenant. Merci de m’avoir prévenu.

Sans un mot de plus, il me tourna le dos. Le plus étrange, fut que je n’eus même pas le courage de me lever et de le rattraper pour nous séparer dans de meilleurs termes. Je me sentais comme cloué sur mon propre lit. J’entendis la porte claquer brusquement.

Je ne bougeais pas de la journée, ne me levant que lorsque c’était nécessaire. Plusieurs fois, je me mettais à pleurer sans raison, tremblant légèrement. Je n’aimais vraiment pas être dans cet état, je me trouvais plus que pathétique. Le pire, qui contrastait avec les dix autres années, c’était que je me sentais coupable de me sentir ainsi vis-à-vis de Gabriel, coupable de me mourir d’amour pour un autre…

La journée me parut atrocement longue, revivant indéfiniment la même chose à chaque fois que je fermais les yeux : les derniers instants de Killian.  Gabriel avait emmené Shanenja avec lui, afin qu’il s’amuse avec le chien de Philippe. J’étais donc totalement seul et cela me convenait. Je ne voulais pas que Gabriel me trouve ainsi à son arrivée, toujours dans le lit. Je finis par me lever, mais à peine eussè-je mis un pied par terre que je fus saisis par une violente envie de vomir. J’eus à peine le temps de courir jusqu’aux toilettes, pour rendre le peu que contenait mon estomac. C’est évidemment à ce moment là que j’entendis Gabriel me demander inquiet :

- Juha ? 

J’étais tellement dans un état minable que je ne l’avais même pas sentit arriver. Pourtant maintenant, je sentais une colère mêlée d’inquiétude m’envahir. Je n’osais pas me retourner. Fébrile, ma main posée sur le mur, m’aidais à me maintenir, alors que j’étais accroupi. Je le sentis s’approcher de moi, et poser sa main sur mon épaule. Malgré moi, je ne supportai pas ce contact. Je me redressais assez brusquement en me tournant vers lui et repoussant sa main non sans une certaine violence. Profitant de son état d’hébètement, je me glissais hors de sa porté pour aller directement à la salle de bain. Je voulais être seul. Je ne supportais pas de le voir alors qu’avec contradiction, je ne voulais pas qu’il me laisse seul. Je devais avouer que j’avais aussi terriblement honte qu’il me voit dans cet état.

Gabriel ne l’entendait pas de cette oreille, car il ne tarda pas à débarquer dans la salle de bain et à quelques mètre de moi, il déclara froidement :

- Je pense qu’à ce stade, on est quand même intime et assez proche pour ne pas se cacher ce genre de chose… Je peux tout entendre et tout comprendre, j’ai le droit de savoir, tout autant que tu en a parlé à Philippe. Pourquoi tu ne m’en as pas parlé ? Tu ne crois qu’en même pas qu’en vivant avec toi je n’allais pas me poser de question ? Ca veut dire quoi de me cacher cela ? Comment est-ce que je peux être là pour toi, si tu ne m’en parles pas ?

- Tu comprends rien, t’es vraiment trop con ! Soupira Gabriel en me tournant le dos et en quittant la pièce avant de fermer la porte.

Me retrouvant seul dans la salle de bain, je choisis de prendre un bain pour réfléchir. Je comprenais la réaction de Gabriel, mais je ne parvenais pas à réagir autrement, me trouvant lâche.

Je finis par me plonger dans l’eau chaude, fixant le plafond une fois allongé, tentant de trouver une solution. Mais je n’en voyais aucune et je ne savais pas comment affronter Gabriel. Il m’en voulait et il avait raison de m’en vouloir… Je finis tout de même par en sortir, m’habillant en vitesse avec un pantalon et un t-shirt propre pour dormir, qui avait finit de sécher sur l’étendage. Une fois hors de la salle de bain, j’allais directement jusqu’à la cuisine afin de lui préparer un repas. Je savais que je ne faisais que reculer notre confrontation, mais je ne pouvais faire autrement. Gabriel ne vint me rejoindre qu’après un long moment, une fois que le repas fut prêt. Je posais son unique assiette sur la table, n’ayant vraiment pas faim. Cependant, je m’assis tout de même en face de lui.

- Tu ne manges pas ? me demanda-t-il, blasé.

- Je n’ai vraiment pas faim, répondis-je.

- Je ne vais pas te forcer, tu es libre de mener ta vie comme tu l’entends. Tu n’as vraiment pas besoin de moi.

Je ne répondit rien à sa pique, me contentant de me lever pour aller me servir un verre d’eau. Gabriel mangea en silence, sans me porter la moindre attention, jusqu’à ce qu’il me demande :

- Killian est enterré loin d’ici ?

- Pourquoi cette question, demandais-je intrigué et peu sur d’avoir la bonne réaction.

- J’ai pris deux jours de congé, demain je peux te déposer si tu souhaites te receuillir…

- Tu … Tu n’es vraiment pas obligé, dis-je touché malgré tout par son geste.

Gabriel se leva simplement avec son assiette et déclara d’une voix monocorde, tout en la posant dans l’évier :

- Je vais me laver…

Je ne répondis rien, me contentant de baisser les yeux. Ce fut seulement lorsque Gabriel fut dans la salle de bain que je me levais pour nourrir mon Shanenja. Je l’avait vu en train de dormir sur son coussin tout à l’heure et quelque chose me disait qu’il avait du passer sa journée à s’amuser avec Cobalt.

Précautionneusement, je lui préparais son repas, et lui apportais sa gamelle. Il se réveilla presque instantanément, au moment où j’arrivais près de lui, ayant certainement sentis l’odeur de son repas et la mienne. Après lui avoir offert une caresse, je déposais sa gamelle sur le sol et lui souhaitais bonne nuit. J’allais directement me coucher, n’ayant plus de force et ne trouvant qu’un semblant de repos dans le sommeil. Il était toutefois indéniable que je fuyais Gabriel…

Une fois étendu dans le lit, je rabattis la couverture sur moi, et fermais les yeux, sans pour autant trouver le sommeil. Peu de temps après, Gabriel sorti de la salle de bain et alla s’installer sur le canapé, après avoir allumé la télévision. Ce n’est que bien plus tard, qu’il me rejoignis. J’avais beau avoir les yeux fermés, il savait que  j’étais réveillé. Dans l’obscurité, j’entendis après un temps sa voix s’élever :

- Pourquoi crois-tu être capable de supporter ta douleur tout seul… Ne puis-je pas t’aider ? Tu me crois trop faible pour le faire ? Ou alors tu culpabilise sur le fait que ce soit Killian qui te met dans cet état ?

 Agacé par sa dernière phrase qui approchait trop prêt de la vérité, je répondis assez sèchement :

- De toute façon tu ne sais pas ce que cela fait !

- Non, je ne sais pas et alors ! S’exclama-t-il avant de me tourner le dos.

Sans lui répondre tout de suite, j’allais me coller tout contre lui, ne supportant pas cette distance que j’avais créé entre lui et moi. Celui-ci ne me repoussa pas, alors que je l’enlaçais de mes deux bras. Une fois ma bouche prêt de son oreille, je murmurais :

- Pardon…

 Les larmes commencèrent à mes monter aux yeux, sans que je puisse les retenir. Que Gabriel m’en veuille et s’éloigne de moi, c’était finalement pire que tout. Je le serrais encore un peu plus, pleurant silencieusement. Je le serrais encore un peu plus, pleurant silencieusement.

- Pourquoi tu ne me fais pas confiance Juha ? Après tout je suis adulte et apte à comprendre…

Touché par sa détresse et ses paroles, je décidais de me confier à lui :

- Je… Commençais-je, la voix enrouée par les larmes. Je suis désolé… A cette période de l’année depuis plus de dix ans maintenant, je réagis toujours comme cela. Je m’isole, je m’éloigne… Et je tombe dans un état lamentable. A chaque fois, en prison, je finis à l’infirmerie. Je sais que ça peut paraître idiot… Après plus de dix ans, ne pas avoir fait son deuil, c’est… Mais comment oublier le fait qu’il n’est plus là par ma faute… C’est aussi dur pour moi de t’infliger cela. Je… Je ne sais pas comment réagir, ni quelle doit être la bonne manière de se conduire face à ça. Je m’excuse Gabriel, mais je t’en supplie, retourne toi et prends moi dans tes bras…

Ma voix se noua dans un sanglot bruyant que je ne pu retenir cette fois-ci, et heureusement, Gabriel céda à ma requête. Après s’être retourné, ses deux bras m’enlacèrent et m’attirèrent tout contre son torse.  Cette fois-ci, plus aucune retenue ne fut possible, je pleurais comme rarement il m’arrivait de le faire, et Gabriel m’offrait ses bras sans concession aucune. Lentement sa main passait dans mon dos, me rassurant, me montrant qu’il était là. Pourtant, je ne parvenais pas à me défaire de cette culpabilité qui me rongeait depuis trop longtemps.

Gabriel me chuchotait des mots réconfortant, tandis que je me collais un peu plus contre lui. J’aimais sentir sa présence, son odeur, et sentir ce qu’il ressentait pour moi. Ainsi, au creux de ses bras, je sentais mon cœur s’emballer et revivre. Il finit par me murmurer, lorsque je me calmer enfin un peu :

- Tu sais Juha, tu n’as pas à craindre de me parler de tes problèmes, ou de quoi que ce soit d’autre. Je suis là pour cela non ?

Après un court silence, il ajouta, non sans hésitation :

- Dans un… Enfin dans… Un couple, il faut savoir parler de ce genre de chose…

Je ne restais pas indifférent à sa dernière phrase. Le mot qu’il venait d’employer, c’était la première fois… Je finis par m’écarter un peu de lui, et lui sourit avec les yeux rouges, en répétant légèrement amusé :

- Un couple ?

Gabriel se mit instantanément à rougir et commença à bégayer quelques mots incompréhensibles, totalement gêné. Ne souhaitant pas le laisser dans un tel état après ce genre de paroles, je m’approchais lentement de ses lèvres afin de quémander un baiser.

Gabriel ne perdit pas de temps à accéder à ma requête, et nous échangeâmes un très long baiser qui nous apportait tous les deux beaucoup. Je finis par quitter ses lèvres pantelant, me disant que cela faisait bien trop longtemps que nous n’avions pas partagé ce genre de chose. Ses mains étaient descendues bien trop vite sur le bas de mon dos… Seulement, nous savions tous deux que nous n’étions pas en état d’aller plus loin ; c’est pourquoi je m’écartais et déclarais, profondément touché, plus que je ne l’aurais cru :

- C’est la première fois que tu qualifie ainsi notre relation… C’est comme cela que tu nous vois ? Comme un couple ? Tu ne peux pas imaginer à quel point ça me touche et me fait plaisir…

- A ce stade de notre relation, nous sommes peut être plus que de simples amis intimes…

- J’espère bien… Répondis-je. Dans ce cas, apparaissons comme tel devant les autres, afin d’aller encore plus loin…

Je déposais ma tête contre son torse, inspirant profondément, avant de me laisser aller à fermer les yeux. Gabriel ne répondit rien, passant lentement sa main dans mon dos jusqu’à ce qu’il me rejoignit dans un sommeil profond. Je ne dormis pas beaucoup cette nuit là. Plusieurs fois je me réveillais, finissant par me lever très tôt le matin, ne voulant plus revivre le même cauchemar une fois de plus. Je m’installais sur le sol, au pied du canapé et allumais la télévision, sachant que dans moins de deux minutes une petite boule noir allait venir me réclamer un câlin. Et cela ne manqua pas. Shanenja me sauta presque dessus et s’assit lourdement sur mes jambes, sans gêne aucune. Ma main se posa sur son pelage duveteux, le caressant distraitement.

Gabriel se réveilla deux bonnes heures plus tard, me retrouvant endormi sur le sol, avec Shanenja étendu sur moi. Ce fut le bruit de son rire qui me réveilla, et je du faire face à une mine moqueuse.

- On dort mieux sur le sol ?

Me redressant un peu, je fis une moue boudeuse, tandis que Shanenja se levait pour lui offrir un bonjour digne de ce nom. Gabriel finit par me tendre la main afin de m’aider à me relever. Une fois à sa hauteur, il me prit par surprise et me vola un vif baiser, avant de s’emparer avidement de mes lèvres, m’offrant un bonjour tel que je les aimais. Nous finîmes par nous séparer et j’allais rapidement m’habiller afin de sortir Shanenja, pendant que Gabriel préparait le petit déjeuner. Je savais où nous allions aujourd’hui et je savais que Gabriel avait prit deux jours de congé pour m’aider à surmonter tout cela.

Je tenais debout sur mes deux jambes, redressant la tête, souhaitant pour la première fois faire face pour ne pas infliger cet image du moi misérable à Gabriel.

Après une courte ballade, je retrouvais mon café déposé sur la table et Gabriel qui m’y attendait. Je pris place en face de lui, sans trop savoir comment réagir. Nous ne décrochâmes pas un mot du repas, jusqu’à ce qu’il me demande :

- Tu souhaites toujours y aller ? C’est ce que tu veux vraiment ?

- Je… Je n’ai jamais eus l’occasion de m’y rendre. Je n’ai jamais pu aller sur sa tombe… Si tu veux bien m’y emmener… Répondis-je avec hésitation.

- J’espère que ce n’est pas une question ! J’irais juste nourrir et voir mon oiseau et nous irons cet après-midi. J’ai deux trois choses à voir au ranch avant…

- Je t’attendrais là, si ça ne te dérange pas. Je suis désolé, mais je…

- Tu préfères ne pas voir trop de monde, oui je sais. Je commence à te connaître. Me coupa-t-il avec un sourire.

Après un temps où je méditais sur ses paroles, je finis par dire :

- Encore une fois : merci Gabriel…

Après avoir fini notre petit déjeuner, Gabriel s’habilla et se rendit au ranch, non sans m’avoir volé un baiser.

Je profitais de la matinée qui m’était offerte pour sortir faire quelques courses avec Shanenja. A vrai dire, je me refuser à rester seul et retomber dans le même état dans lequel Gabriel m’avais trouvé hier soir. L’inactivité était ce qui me faisait plonger. Je commençais ma ballade en m’enfonçant dans la nature, quittant la petite ville. Une fois sur qu’il ne risquait rien, je lâchais Shanenja qui s’élança dans le champ de neige à toute vitesse. Quelques fois je le rappelais, m’occupant de son dressage comme j’en avais le temps. A mon plus grand bonheur, celui-ci écoutait de mieux en mieux.

Plus que tout je voulais oublier ce que j’avais fait ce jour là, des années auparavant, jours que j’aurais préféré ne plus vivre chaque nuit de cauchemar, jour qui m’avait fait perdre l’être que j’aimais…

Après un temps indéfini, je finis par rentré après avoir jouer un bon moment dans la neige, même si Shanenja  sentait que le cœur n’y était pas. J’allais faire quelques courses, puis rentrais pour me réchauffer. Une fois à l’entrée de l’appartement, j’enroulais Shanenja dans une serviette qui lui était destiné, afin de le sécher. Après m’être occupé de son cas, j’allais prendre une bonne douche chaude et commençait à préparer un repas pour Gabriel. Je savais que je ne pourrais rien avalé aujourd’hui, me rappelant que mon café était très mal passé. 

Gabriel ne tarda pas à rentrer et il me retrouva assis sur le canapé avec Shanenja à mes pieds.
- Tu as faim ? Lui demandais-je en tournant la tête vers lui. Il y de quoi manger dans la cuisine, je t’ai préparé à repas.
- Tu ne manges pas ? Ca fait pas mal de repas que tu sautes… Me dit-il d’un air réprobateur.

Cependant, il n’insista pas et alla dans la cuisine sans un mot de plus, pour revenir avec son assiette et manger à côté de moi. Une fois qu’il eut finit, nous nous préparâmes tous deux à partir, pendant que je lui donnais le nom de ma ville natale, là où tout s’était produit et où je pensais ne jamais remettre les pieds. Pourtant, tout comme Gabriel, je savais qu’il était nécessaire d’allait me recueillir au moins une fois sur sa tombe : une épreuve difficile à passer pour lui comme pour moi. Nous laissâmes Shanenja à l’appartement et nous nous retrouvâmes rapidement sur la route, n’ayant pas de temps à perdre au vu du trajet qui nous attendait.
Celui-ci ce fut en silence, et bien que Gabriel soit assez mal à l’aise face à mon état, j’avais de plus en plus de mal à le camoufler. Même s’il faisait assez froid, je finis par entrouvrir ma fenêtre, trouvant l’air de plus en plus irrespirable. J’avais cette boule dans la gorge qui se serrait au fur et à mesure, et je ne savais toujours pas comment j’allais réagir face à son nom gravé dans le marbre. Je trouvais le chemin à la fois terriblement long et bien trop court. Je finis par serrer mes poings, tentant vainement de cacher ma peur et ma nervosité. Je tournais la tête vers la fenêtre, après un bref coup d’œil jeté à Gabriel. Le paysage défilait devant mes yeux, mais je ne regardais pas vraiment.  Je sentis alors la main de Gabriel se poser sur ma cuisse, me faisant ressentir sa volonté de réconfort et son inquiétude pour moi. Il savait que mes réactions pouvaient à tout moment le blesser, et il craignait que je m’éloigne encore un peu plus de lui. Mais je ne parvenais pas à prendre le dessus sur moi-même pour tenter de le rassurer. Je n’en étais pas capable, du moins, pas aujourd’hui… Le seul geste que je pu faire fut de recouvrir ma main de la mienne. Je tournais la tête vers lui alors qu’il m’offrait un bref sourire. Aucun son ne sortit de nos lèvres, n’ayant rien à dire dans un tel instant.
Ma poitrine se serra douloureusement lorsque je vis le panneau qui indiquait ma ville à une dizaine de kilomètre. Les larmes me montèrent aux yeux, mais je les ravalais grâce à la puissance de mon orgueil. Mon regard se posa sur mes genoux une fois que nous pénétrâmes dans la ville. Je n’avais aucune envie de voir une personne que j’avais connue dix ans auparavant. J’imaginais encore moins revoir tous les lieux où j’avais vécu, et ceux où Killian et moi avions passé pas mal de temps. Je me contentais d’indiquer la route à Gabriel de mémoire qui me dit bien vite qu’il avait vu l’indication du cimetière. Mais je sus lorsque nous passâmes devant chez moi… Est-ce que mes parents habitaient toujours la ville ? Est-ce que cette maison était toujours la leur ? Sans trop réfléchir, je redressais vivement la tête, et mes yeux se posèrent sur la bonne maison, sous le regard plein d’interrogation de Gabriel. Je ne dis rien, me contentant de la fixer : elle était déserte et inhabitée. Depuis combien de temps étaient-ils partis ?
La voiture s’arrêta soudain, alors que mon regard n’avait pas décroché d’un pouce mon ancien lieu d’habitation.

- Juha ? Tu veux aller voir ? Tu regarde cet endroit avec tellement d’insistance. C’était là où il habitait ?
- Non, je ne veux pas aller voir. C’était là que… C’était là que nous habitions avec mes parents avant que je… Ils sont partis apparemment…
Le silence se fit quelques instants, jusqu’à ce que je lui dise, détachant mes yeux de ce lieu pour les plongé dans ceux de Gabriel :
- On continu ?

Gabriel s’approcha alors de moi et déposa simplement un baiser sur mes lèvres, les effleurant à peine, en un simple geste empli de tendresse, comme si c’était le seul moyen qu’il avait pour me montrait qu’il était là. Je savais qu’il se sentait totalement impuissant face à tout cela, mais je ne voyais pas vraiment quoi faire de mon côté. Certes, j’étais bien trop concentré sur mes propres problèmes aujourd’hui, mais il m’était impossible de faire autrement. Jamais je n’aurais pensé qu’après tout ce temps, j’appréhendais d’aller me recueillir sur sa tombe, de retrouver cette ville et cette vie passée que j’avais définitivement quitté. J’avais souvent rêvé pendant mes dix années de prison de ce moment là, mais je n’aurais jamais pensé qu’il arrive si tôt. Cela pouvait d’ailleurs paraître paradoxal…

Nous finîmes par reprendre la route, mon cœur battait de plus en plus vite et je me sentais de moins en moins bien. Un poids énorme m’oppressait : le poids de la culpabilité. Je n’avais pas jeté de dernier regard à mon ancienne maison. A vrai dire je l’avais oublié, j’étais maintenant trop concentré sur Killian qui comptait à mes  yeux bien plus que ma famille. Gabriel ne disait pas un mot, et je ne le comprenais que trop bien.

Lorsque nous arrivâmes sur le parking placé devant le cimetière, j’eus beaucoup de mal à contenir les tremblements qui saisissaient mes mains. Je sentais le regard de Gabriel posé sur moi et pourtant, je n’osais pas redresser la tête pour le regarder en face. Ce ne fut qu’après un temps bien trop long que Gabriel finit par dire :

- Tu veux que je vienne avec toi ? Ou tu préfères que je t’attende ici ?

- Je… Je vais y aller seul. Dis-je sans grande conviction.

Après un dernier regard qu’il n’arriva pas à déchiffrer, je sortis lentement de la voiture. Mon estomac se tordait dans tous les sens et ma poitrine était tellement comprimée qu’il m’était difficile de respirer. D’un pas peu sur et chancelant, je marchais jusqu’à l’entrée sur cimetière. Seulement arrivé devant les grilles, mes jambes refusèrent d’aller plus loin. Etait-ce du au fait que je commencais à apercevoir les tombes ? Ou alors était-ce à cause d’un problème bien plus profond… ? Voir sa tombe, c’était comme accepter sa mort, se receuillir sur celle-ci c’était aussi lui dire au revoir… Puisqu’un  adieu n’était pas possible, j’arrivais encore moins à me résoudre à lui dire cela.

J’étais là, devant le cimetière, je n’avais que quelques pas à faire, mais je n’arrivais pas à m’y contraindre. Les yeux dans le vague, le corps immobile, je ressemblais d’avantage à tous ceux qui étaient enterré ici qu’à ceux qui parcouraient encore cette terre sur leurs deux pieds. Pourtant il fallait que je m’éveille, je ne pouvais pas faire cela à Gabriel. Mais même le savoir ne m’aider pas à à le faire. Je ne voulais pas qu’il s’éloigne de moi, mais c’était moi qui était en train de le faire. Même si mon cœur s’emballait à chaque fois que je l’apercevais, que chacun de ses baisers m’irradiaient d’un bonheur que je n’avais pas connu depuis des années, et que sa présence m’était plus que bénéfique, je ne pouvais pas encore répondre à ses attentes.

Tout se rapportait toujours au même problème, centré sur une seule personne qui n’était plus là… La mort de Killian, mes années de prison et ce que j’y avais vécu m’avaient appris une chose : quoi qu’il arrive, nous sommes toujours seuls. Même si la vie avec Gabriel me faisait miroiter une vie à deux possible, j’avais du mal à y croire… Cette foi m’avait quittée le jour où j’avais ôté la vie de ma moitié…

Perdu dans des pensées que je ne cessais de ressasser, je ne sentis pas Gabriel approcher, et ne m’aperçus de sa présence que lorsqu’il posa sa main sur mon épaule. Je pouvais ressentir toujours ce même sentiment bénéfique à mon égard, mais aussi son inquiétude à mon sujet et sa peur au sujet de notre relation qui se fissurait. Juste derrière moi, d’une voix posée, comme s’il était en train de lire en moi, il déclara :

- Tu n’es plus seul Juha… Je suis là, et je ne te laisserai plus affronter cela tout seul.

Sans me laisser le temps de réagir et de réaliser ses paroles, il me saisit par la main et m’attira avec lui dans le cimetière, déterminé. Pris par surprise, je le suivais, sans rien dire, ni même protester. Arrivé devant le petit bâtiment du gardien, il me laissa seul et alla demander la localisation de la tombe de Kilian, avant de revenir me voir. Il saisit de nouveau ma main et m’amena rapidement devant le lieu qui m’effrayait. Nous parcourûmes les allées peut être un peu trop rapidement pour moi, mais il le fallait afin que je ne puisse faire marche arrière.

Je ne regardais aucune tombe, par peur d’y voir graver le nom de mon amant défunt. Gabriel s’arrêta soudain, et je fus contraint de faire de même. Il regarda la tombe qui ne devait être autre que celle de Killian tout en me lâchant maintenant la main. Ce n’était plus à lui de faire quoi que ce soit, il m’avait aidé jusqu’au bout et je lui en étais plus que reconnaissant. Il suffisait maintenant que je me tourne, et ce fut les yeux brillants de larmes que je m’exécutais enfin. La vue troublée, mon cœur se souleva lorsque je pu lire son nom et sa date de naissance et de mort. C’était une des tombes les plus fleuries, et je réalisais que je n’avais rien apporté. Une photo était déposée sur le côté de sa tombe. C’était une photo que j’avais prise de lui, certainement restée dans ses affaires. Je m’en rappelais comme si c’était hier, c’était quelques jours avant que nous apprenions qu’il était condamné. S’il m’avait parut plus âgé que moi pendant notre relation, ce n’était maintenant plus le cas. Il était comme resté figé dans le temps, ne faisant plus partit du mien. Alors que je continuais à avancer tant bien que mal, il s’était arrêté et je n’avais rien pu faire pour qu’il me suive…

 

Cela faisait quelques jours que je trouvais Killian plutôt distant. Je n’avais de cesse que de lui téléphoner afin de pouvoir le voir, mais il me disait qu’il était occupé et aurait du temps plus tard. Je savais qu’il me cachait quelque chose et j’avais du mal à supporter la distance qu’il nous imposait. Ce soir là, je m’étais violemment disputé avec mes parents et j’étais sortit, me dirigeant inconsciemment jusqu’à chez lui. J’avais besoin de sa présence et ses jours de séparation m’avait rendu irritable avec tout le monde. Je me retrouvais donc devant sa porte, et hésitais à frapper. Je pouvais entendre quelques bruits dans l’appartement, signe indéniable qu’il était ici. Après avoir pris une grande inspiration, je frappais quelques coups brefs. Killian ne tarda pas à venir m’ouvrir. Il avait une petite mine, mais tenta de le cacher dès qu’il me vit. Son regard sévère se posa sur moi et il déclara :

- Je t’avais dis que j’avais du boulot…

- Jamais le boulot t’as empêché de me voir, dis-je avec un petit sourire, ne souhaitant surtout pas une dispute.

Il se contenta de soupirer, s’écartant pour me laisser passer. Il n’avait même pas esquissé un geste tendre vers moi, et encore moins chercher à m’embrasser. Ravalant ma rancœur, je rentrais dans son appartement que je connaissais parfaitement et allais m’asseoir sur le canapé comme si j’étais chez moi. Remarquant la télévision allumée, je déclarais sur un ton moqueur :

- C’est comme cela que tu travailles ?

- Tu veux manger quelque chose ? me dit-il, sans relever ma moquerie.

- Mmm… Oui, répondis-je en me levant. Attends je vais t’aider.

- Non c’est bon, reste tranquille.

Je n’aimais pas du tout sa manière d’être. Docile, je m’assis sur le canapé, regardant simplement la télévision, blessé de ses rejets répétitifs. Il revint un bon quart d’heure plus tard avec deux assiettes bien remplie et s’assit à une distance qu’il n’avait jamais imposée entre nous. Je ne fis aucun commentaire, me contentant de manger. Une fois nos deux assiettes terminée, j’allais faire la vaisselle et revenais dans le salon pour le trouver endormi.

Lentement, je m’approchais de lui, m’asseyant à ses côtés, puis callant ma tête tout contre son épaule. Si je ne pouvais l’approcher lorsqu’il était éveillé, je pouvais au moins le faire maintenant. Il me manquait bien trop. Dans un semi sommeil, il passa son bras autour de mon cou, me faisant poser ma tête sur son torse. Je pouvais entendre les battements de son cœur et les mouvements de sa respiration me berçaient. Maintenant collé tout contre lui, je pouvais chercher des réponses à son attitude.

Je sentais qu’il me cachait quelque chose et par respect je ne cherchais pas à aller plus loin. Il parvenait à me résister, mais je savais que je pouvais savoir si je le voulais vraiment. C’était d’ailleurs le seul qui avait quelques résistances vis-à-vis de mon don. Nous restâmes un moment ainsi, jusqu’à ce que Killian se réveille et me propose d’aller dormir. Il me passa un des pyjamas que j’avais laissé ici, et alla se coucher simplement en boxer, se mettant sous les draps. Je ne mis pas longtemps à aller le rejoindre, me collant directement contre lui. Progressivement mes lèvres allèrent se déposer dans son cou et ma main parcourut son torse qui avait toujours la même douceur. Je n’avais pas envie de dormir tout de suite, et je tentais de lui faire comprendre. Seulement après à peine deux minutes, il attrapa ma main et déclara simplement :

- Pas ce soir Juha…

Aussitôt, je me redressais, me callant sur mon coude afin de pouvoir voir sa tête. Jamais il n’avait refuser ce genre de chose. Avec sérieux, et ne supportant plus les cachoteries, je déclarais à mon tour :

- Qu’est ce qui se passe Killian ? Tu es distant depuis plusieurs jours, tu agis comme si je n’existais plus, tu m’évites, et tu refuses presque tout contact… Nous ne nous sommes même pas embrassé depuis que je suis là.

- Qu’est ce que tu racontes Juha, je suis juste fatigué… J’ai…

- Tu as trouvé quelqu’un d’autre c’est ça ? Tu peux me le dire tu sais, au moins ça m’évitera d’être dans l’incertitude !

- N’importe quoi Juha, c’est la pire connerie que j’ai pu entendre !

- Alors dis-moi ce qui ne va pas où…

Je fus coupé par ses deux bras qui m’enlacèrent dans le but de m’embrasser, mais je ne me laissais pas faire. Je repoussais son étreinte et les yeux brillants de larmes, je poursuivis :

- Ne m’oblige pas à utiliser ce que tu sais pour savoir. Je veux l’entendre de ta propre bouche, ce sera moins douloureux. Mais je t’en pris… Dis-moi ce qui ne va pas, ne me laisse pas comme cela !

Ses yeux se baissèrent, fuyant mon regard. Il semblait soudain si triste. D’une voix grave et tremblante qui me laissait présager le pire, il me dit d’un seul coup :

- Je suis malade… Il ne me reste plus beaucoup de temps à vivre… Juha, je suis condamné…

 

Pourquoi fallait-il que je me souvienne de cela maintenant… Les  larmes continuaient de mouiller mes yeux en regardant cette tombe qui me paraissait si froide. Y faire face était finalement plus dur que tout. Ce n’étais qu’une pierre, son corps était enterré en dessous, mais j’étais en train de faire face à une bien plus cruel réalité : il n’était plus. Mes jambes lâchèrent, ne parvenant plus à supporter mon poids, et je me retrouvais à genoux devant sa tombe, ne parvenant à pleurer comme j’en aurais eut réellement besoin. Je restais là, face à sa tombe, sans bouger, me rappelant des derniers mois que j’avais vécu avec lui, de notre dernière fois, de notre dernier baiser, de ses dernières paroles…

Après un temps dont je n’aurais sur juger la durée, je sentis Gabriel, resté en retrait jusqu’à maintenant, se rapprocher de moi.

- Juha ? Il est assez tard, le cimetière va bientôt fermé… Nous partons dans peu de temps.

Je pris encore quelques minutes pour regarder une dernière fois sa tombe et lui dire au revoir. Gabriel se tenait juste à côté de moi, et je ne savais comment j’aurais pu faire s’il ne m’avait pas soutenu jusqu’ici. Je lui devais tant… Lorsque je sentis qu’il était temps, je me redressais, soutenu par Gabriel qui m’enlaça presque aussitôt. Il ne m’en fallut pas plus pour éclater en sanglot dans son cou. Sa main passait tendrement sur mon dos, dans la volonté de m’apaiser. Jamais je n’aurais pu affronter la tombe de Killian sans lui… Dans un état second, il me guida jusqu’à la voiture et une fois que je fus assis, il ferma ma porte et vint prendre place à mes côtés. Je ne pus que lui souffler un merci, et il m’offrit un simple baiser avec un sourire. Le trajet du retour se fit en silence, je me laissais aller à fermer les yeux, épuisé mentalement et désirant me couper du monde. Mes larmes s’étaient taries et je sentais cette fatigue m’envahir. Nous arrivâmes assez tard à la maison, Gabriel me demanda si je voulais manger quelque chose et devant ma réponse négative, il n’insista pas. Après une légère douche j’allais directement me coucher, laissant Gabriel s’occuper de Shanenja. Celui-ci me rejoignit après un temps, venant se coucher tout près de moi, comme en manque de mon contact. Je sentais qu’il me savait réveiller, pourtant, je gardais les yeux désespérément clos.

Sa main glissa sur mon torse en une caresse que je ne lui avais jamais connu. Il se colla  encore plus près, comme s’il avait peur de me perdre. Je pouvais sentir sa détresse, mais j’étais comme figé, incapable d’offrir quelque chose à l’autre. Sa bouche dévia lentement vers mon oreille, et son souffle dans mon cou m’irradia de frisson. Soudain, dans un murmure à peine perceptible, je pus entendre :

- Je t’aime Juha…

Mon cœur se serra et mes yeuxs’ouvrèrent, tournant la tête vers Gabriel sans pouvoir continuer à faire semblant de dormir. Le pire était de percevoir ses ressentis et de voir ses yeux posés sur moi dans l’attendre d’une réponse. Mais je n’arrivais pas à lui dire quoi que ce soit, pas même à esquisser un geste vers lui. La seule chose que je pu faire, fut de détourner les yeux. Gabriel n’en supporta pas plus et il s’éloigna de moi, me tournant tout simplement le dos. Pourquoi me le disait-il ce soir là ? Pourquoi maintenant ? Comment pouvait-il me demander de lui dire ces trois mots le jour la mort de Killian. J’en était tout simplement incapable, emprisonné, incapable de faire mon deuil.

Je passai une nuit atroce, ne cessant de revoir cette scène mêlée à celles avec Killian. Je m’en voulais de faire mal à Gabriel et encore plus de m’éloigner de lui ainsi. Que devait-il penser de moi… Ce n’est que très tôt le matin que je parvins à trouver le sommeil, supportant difficilement de ne pas l’avoir tout contre moi.

Le lendemain matin je me réveillais avec difficulté, Gabriel n’était plus dans le lit. Je pouvais entendre qu’il était en train de prendre sa douche. Difficilement, un mal de tête me martelant les tempes, je me dis qu’il était temps de se lever et d’aller travailler, même si j’avais demandé trois jours à Philippe. Cela ne servait à rien de me morfondre, surtout si cela m’éloignais encore plus de Gabriel. J’allais dans la cuisine et préparais un petit déjeuner pour nous deux. Gabriel ne tarda pas à me rejoindre, propre et habillé, et s’assit en face de moi sans un mot. Il m’en voulait énormément, et au moment où je lui passais le pot de confiture, il déclara froidement :

- Tu n’as toujours rien à dire à propos de ce que je t’ai dis hier soir ?

Je me contentais de baisser les yeux, sans trop savoir quoi faire. Je perdais mes moyens et je n’aimais vraiment pas cela.

- Je crois que la moindre des choses, c’est de répondre quelque chose, poursuivit-il agacé. Je ne demande pas grand-chose, juste une demande positive ou négative. Ou alors, tu aurais pu me demander du temps… Mais rester comme cela, sans aucune réaction, comment peux-tu me faire cela Juha ?

Je répondis alors, sans trop réfléchir, mais trahissant ma crainte :

- Tu as dis m’aimer uniquement par peur de me perdre…

- Parce qu’avoir peur de te perdre n’est pas justement une preuve d’amour ? Me répondit-il, toujours sur le même ton.

- Pourquoi juste après le cimetière ? Pourquoi ce jour-là ? lui demandais-je, la voix tremblante.

- Cela fait longtemps que je veux te le dire Juha, et tu as même empêché plus d’une tentative, consciemment ou inconsciemment. Oui j’ai peur de te perdre, parce que tu es en train de t’éloigner de moi.

- Juste pour ces deux jours Gabriel… Excuse-moi de ne pouvoir répondre à tes attentes les jours de la mort de Killian ! Répliquais-je énervé à mon tour, comme pris en faute.

- Ah parce qu’il a des jours opportun pour dire que je t’aime ! Je ne suis pas un putain de jouet. Tu ne peux pas m’utiliser à ta guise. Moi je suis là, je reste comme un con à te regarder t’éloigner de moi… Parce que tu l’aimes toujours n’est ce pas ? Choisis Juha… Je ne peux pas rester comme cela, à attendre que tu daignes enfin faire ton deuil… Je suis humain bordel, et là tout ce que je vois, c’est l’amour que je te porte et que tu bafoues. Tu joues de me sentiments pour toi… Si tu ne réagis pas Juha, tu me perdras, car je n’ai pas l’intention de t’attendre indéfiniment…

Sans un mot de plus, il se leva, attrapa sa veste et quitta l’appartement en claquant la porte. Shanenja choisit ce moment là pour débouler dans mes jambes. Il devait avoir finit de manger. Je posais ma main sur sa tête, sans avoir le cœur de faire plus. Les paroles de Gabriel transpiraient de vérité, et je retenais avec difficulté des larmes.

Tout ce bonheur était en train de s’effondrer, encore une fois à cause de moi. J’avais ôté la vie à mon premier amant, et je ne pouvais répondre aux attentes de l’autre. Je n’étais qu’un idiot. Après une douche, je m’habillais rapidement puis sorti de l’appartement avec Shanenja. Une bonne marche avant d’aller travailler me ferait beaucoup de bien.

Sur le chemin, je lâchais Shanenja qui s’élança dans les champs, me suivant à distance. Le vent frappait violemment mes joues et glaçait les quelques larmes qui échappaient à ma retenue. Je mis plus de temps que d’habitude à arriver au centre. Une fois que je l’aperçus, je vis la voiture de Gabriel garrée grossièrement sur le parking, mais une silhouette semblait toujours rester à l’intérieur. Gabriel sortit de la voiture, lorsque j’étais à quelques mètres. Il me jeta un bref coup d’œil, me laissant remarquer ses yeux rougis.

Mais une autre personne attira alors mon attention.  Un homme, un peu plus âgé que Gabriel, provenant du bureau de Philippe, regardais Gabriel avec insistance. Je n’aimais pas du tout son regard. Qui cela pouvait-il bien être ? Arrivé à quelques mètres de nous, il appela Gabriel par son prénom. Celui-ci se retourna, me tournant le dos, chose qui ne me laissait rien présager de bon…

 A suivre…

Cet article a été publié le Dimanche 10 février 2013 à 21:36 et est classé dans Beyond the invisible. Vous pouvez suivre les commentaires sur cet article en vous abonnant au flux RSS 2.0 des commentaires. Vous pouvez faire un commentaire, ou un trackback depuis votre propre site.

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