10
mai

Once in a life time - Chapitre 4

   Ecrit par : admin   in Once in a life time

Chapitre 4 écrit par Shinigami

C’est avec étonnement que je vis mon interlocuteur blêmir et s’étouffer à l’entente de ma supplication. Pourquoi réagissait-il ainsi ? Avais-je dis quelque chose de drôle ou qu’il ne fallait pas ? Sans chercher à cacher sa surprise, il s’exclama :

- Pardon ?!!

Face à cette question, je perdis toute mon assurance et avec hésitation, je reformulais ma demande, non sans craindre une seconde réaction de ce genre :

- Je… Est-ce que je peux venir avec vous ?

Ma question était-elle si invraisemblable que cela ? Sans savoir pourquoi, j’avais cette désagréable sensation d’être sur une balance qui vacillait de droite à gauche en attente de la réponse définitive. Son silence et son absence de réaction faisait naître le doute en moi et lentement, je voyais tout mon plan de fugue s’effondrer. Avec curiosité et scepticisme, il finit par demander, après un temps qui me parut interminable :

- Pourquoi ?

Ne m’attendant pas le moins du monde à cette question, je tentais de lui expliquer succinctement ma situation précaire, mais il ne sembla pas comprendre mes misérables tentatives d’explication. Après une longue inspiration afin de calmer les battements frénétiques de mon cœur, je déclarais d’une seule traite :

- Je ne peux pas rester ici, vous êtes ma seule solution.

Un sourire amusé étira ses lèvres il déclara avec amusement mais aussi sur un ton plus sérieux que je ne parvins pas à déterminer :

- Si tu as l’air si désespéré que cela alors… Je te préviens, ça ne sera pas la vie que tu mènes ici.

Je n’arrivais pas à croire qu’il ait cédé aussi facilement à ma requête, mais de ce fait, il me sauvait d’un enfer qui, jusqu’à maintenant, m’avait parut inévitable. Je lui en étais réellement reconnaissant et c’est du fond du cœur que je le remerciais :-

- Merci. Vraiment, merci beaucoup.

- Ne me remercie pas trop vite, déclara-t-il. Allez, amène toi, on s’en va avant qu’il ne fasse vraiment nuit.

Je ne compris pas le sens de sa première phrase, mais je ne m’en formalisais pas d’avantage et empoignant ma valise, prêt à partir, je déclarais :

- Oui, je vous suis.

Je devais avouer que malgré l’angoisse que je ressentais, je sentais l’excitation monter en moi. J’étais comme un enfant qui vivait sa première expérience en cachette de ses parents, qui apprenait la vie et qui pour la première fois, agissait de sa propre initiative sans que mes gestes soient surveillés ou dictés par quelconque règlement de bienséance. Alors que je m’apprêtais à lui emboiter le pas, il se retourna vivement vers moi, me faisant sursauter et déclara, mettant dès le départ, les choses au clair :

- Ne me vouvoie pas, ce n’est pas vraiment la peine. Appel-moi Hayden et toi ? Quel est ton nom ?

Pris au dépourvut par cette question, je bégayais une réponse plus ou moins audible :

- Je… Euh… Je m’appelle Gwendal.

- Très bien Gwen, fit-il en utilisant un diminutif, faisant preuve de familiarité avec moi, chose qui me choqua grandement. Allons-y, ajouta-t-il.

Je ne savais pas dans quoi j’étais en train de m’entrainer. Je n’avais jamais voyagé et de plus, je ne connaissais cet homme depuis quelques heures à peine. Cependant, au fond de moi, je sentais qu’il n’avait rien de méchant et que je pouvais lui faire confiance. C’était une seconde chance qui s’offrait à moi et je décidais de tenter l’expérience. De toute façon, cela ne pourrait pas être pire que chez moi…

Sans être vu, nous nous faufilâmes à l’extérieur de la propriété si chère au cœur de mes parents et qui m’avait vue grandir. Mon sac me pesait sur les bras mais je n’y prêtais guère d’attention. J’étais à la fois excité et je jubilais de satisfaction à imaginer la tête de mes géniteurs lorsqu’ils ne me verraient pas revenir. Mais pour le moment, je me faisais plus l’effet d’un voleur qui quittait discrètement le lieu de son méfait en emportant victorieusement son gain.

Croulant sous le poids de mon sac, je voyais la distance entre Hayden et moi augmenter à vue d’œil et semblant s’en apercevoir, il fit demi-tour et attrapa mon sac sans que je n’aie le temps de réagir. Je le remerciais et lui adressais un regard empli de reconnaissance et de gratitude.

- Ne t’inquiète pas, déclara-t-il alors, semblant déceler mon appréhension. Nous allons bientôt nous arrêter pour dormir.

- Vous… Tu, repris-je en me corrigeant, me souvenant de ces conditions, connais la région ?

- Un peu… Enfin pas énormément… Pourquoi ? Demanda-t-il.

Je le regardais un instant sans rien dire, sidéré par cette question des plus improbables avant de répondre sur le ton de l’évidence :

- Parce qu’il n’y a aucun hôtel dans cette direction.

Je le vis retenir avec difficulté un éclat de rire et lui adressais un regard sceptique, ne comprenant pas sa soudaine envie de rire bêtement. Etait-il plus niais qu’il ne paraissait à première vue ? Je n’avais pourtant rien dit qui puisse déclencher une telle hilarité.

- Un hôtel ?!!! S’esclaffa-t-il, comme sur le point de s’étouffer.

- Il faut bien que nous ayons un lit et un toit pour dormir, déclarais-je avec sérieux, ne supportant pas son petit air moqueur, comme s’il profitait de savoir quelque chose que j’ignorais pour me narguer.

- Oh ça oui tu les auras : un duvet pour lit et le ciel étoilé comme toit, répondit-il en retrouvant son sérieux.

Aussitôt, je sentis me sentis blêmir littéralement face à cette réponse des plus inattendues et je ne trouvais rien à répartir, encore sous le choc de cette nouvelle. Sans m’attendre, il reprit son chemin, empruntant un petit sentier qui s’enfonçait dans les bois. Puis, semblant réaliser quelque chose, il demanda :

- Dis-moi, qu’as-tu dans ton sac ? Tu as un duvet ?

Ne comprenant pas la raison d’une telle question et surtout ne m’y attendant pas, je répondis d’un simple hochement négatif de la tête qui aurait eut dont d’horripiler ma mère si elle m’aurait vu faire.

- De quoi manger ? Continua-t-il.

Je réitérais mon geste, de plus en plus surpris par ces questions inhabituelles.

- De l’argent ?

C’est alors que je réalisais que j’avais complètement oublié de prendre la chose la plus essentielle, de l’argent. Maudissant contre mon manque d’anticipation, je stoppais net en déclarant :

- Oh ! Je retourne tout de suite chercher tout cela !

Alors que j’esquissais un pas pour faire demi-tour, je le sentis me saisir fermement par le bras et déclarer calmement, de sa voix éternellement calme et posée :

- Je pense que c’est vraiment la dernière des choses à faire. Tu ne penses pas qu’ils sont en train de te chercher à l’heure actuelle, depuis le temps que tu es parti ? C’est trop tard maintenant, et ne t’inquiète pas, on peut très bien s’en sortir.

- Mais… Commençais-je complètement perdu, ne comprenant pas comment on pouvait survivre sans nourriture ou sans argent.

- Allez viens, ajouta-t-il d’une voix qui se voulait rassurante. Il faut qu’on trouve un coin pour dormir.

Nous reprîmes la route et je le suivi en pestant contre moi-même. Alors qu’il quittait le sentir, je lui demandais non sans appréhension :

- On va où là ? Vous êtes sûr que c’est une bonne idée ? Ajoutais-je de moins en moins rassuré.

Soudain, il se retourna vivement vers moi, me faisant sursauter et d’une voix presque agressive, il s’exclama :

- Ecoute, tu as voulu venir avec moi, sachant pertinemment que cela allait changer tes habitudes. Je sais ce que je fais, alors s’il te plait, fais moi confiance.

Sans me laisser le temps de répondre, il poursuivit sa route, me laissant derrière lui sans se soucier de moi le moins du monde. Le voyant s’éloigner et disparaître, happé par l’obscurité, je le rejoignais en trottinant. Nous ne tardâmes pas à arriver dans une petite clairière, protégée du vent. Au centre du petit espace vert, des pierres avaient été disposées de telle sorte à former un cercle dans lequel un feu avait apparemment déjà été allumé.

Hayden déposa  alors les sacs sur le sol et je m’arrêtais près de lui, regardant autour de moi avec méfiance et une once de crainte. Un oiseau s’envola dans mon dos et je sursautais de surprise, mon cœur s’emballant au moindre bruit bizarre ou inhabituel. En bientôt vingt-deux ans d’existence, je n’avais encore jamais été dans les bois en pleine nuit. Me coupant dans mon exploration du périmètre qui serait notre lieu de repos, Hayden déclara :

- Je vais chercher du bois, reste là.

- Tout seul ? Demandais-je d’une voix étouffée, soudain inquiet.

Se rendait-il compte de ce qu’il me demandait ? Et si un animal sauvage venait m’attaquer pendant qu’il était absent ?

- Tu vois quelqu’un d’autre ? Demanda-t-il d’une voix qui cachait mal son exaspération.

Non et c’est bien ce qui m’inquiète, pensais-je alors qu’il poursuivait :

- Je ne suis pas loin et j’en ai pas pour longtemps, tu peux garder les sacs.

Sans plus de cérémonie, il s’empara de deux cordes dont je ne compris pas l’usage et se détourna totalement de moi. N’appréciant pas du tout son attitude effrontée envers ma personne, je détournais mon attention de lui, bien décidé à ne plus me laisser toucher par ses sarcasmes et ses moqueries incessantes. Attendant le retour d’Hayden, j’allais m’asseoir près de mon sac et alors que je regardais autour de moi, tentant de me familiariser avec mon nouvel environnement, un hurlement lugubre s’éleva tout près de moi. Par réflexe, je levais les yeux et me tournais vers l’origine du bruit, mais l’obscurité étant trop prononcée, je ne pus distinguer l’auteur de ce bruit effrayant.

A mon plus grand malheur, celui-ci retenti une nouvelle fois et apeuré, je me recroquevillais contre mon sac. Soudain, une voix retentie dans mon dos, me faisant sursauter de terreur, alors que je reconnaissais Hayden :

- Dis-moi, tu crois croiser le grand méchant loup ?

Je lui adressais un regard meurtrier, lui faisant ainsi clairement comprendre que je n’appréciais pas du tout son humour et ses réflexions puériles.

Semblant comprendre que je n’appréciais pas du tout son humour, il cessa son petit jeu et déposa le bois avant de s’asseoir. C’est non sans inquiétude et avec interrogation que je le vis prendre sa tête entre ses mains, comme s’il souffrait. Ne savant pas comment réagir et me comporter vis-à-vis de lui et malgré le début de colère que j’avais pu ressentir à son égard, je lui demandais :

- Hayden ? Ca va ?

Je le vis prendre une profonde inspiration avant de se redresser et de m’adresser un petit sourire qui se voulait rassurant.

- Un petit coup de fatigue, répondit-il avec lassitude. Ca ira mieux demain…

Pour être honnête, je ne croyais pas un traître mot de ce qu’il prétendait. Il était pâle et semblait aller de plus en plus mal. Néanmoins inquiet pour lui, je m’approchais sans parvenir à masquer mon inquiétude. Intrigué, je posais main sur son front et à la chaleur anormale de celui-ci, j’en déduisais aisément qu’il était en train de tomber malade. Au contact de ma main, je le vis fermer les yeux comme s’il appréciait le contact et soupirer de lassitude et de bien être. Horrifié, je m’exclamais, complètement paniqué :

- Mais vous… Enfin tu es brûlant de fièvre. Il te faut un médecin.

- Ne dit pas n’importe quoi, râla-t-il. Et puis de toute façon, je le payerai avec quoi ? On m’a tout piqué ce matin…

- La blessure, c’était pour cela ? Demandais-je en pâlissant.

- Oui, répondit-il simplement, n’ayant visiblement aucune envie de s’appesantir sur le sujet.

Puis, voulant changer de sujet, il me demanda :

- Tu peux me passer mon sac, s’il te plait ?

Sans me faire prier, j’accédais à sa requête et lui tendis l’objet qu’il me demandait, avant de le fixer avec anxiété :

- Ca va, déclara-t-il avec agacement. Je ne suis pas mourant. Merci, ajouta-t-il en saisissant son sac.

Ouvrant ce dernier, il attrapa un petit sachet qui contenait ce qui semblait être des plantes séchées et réduites en poudre. Il en prit une petite poignée qu’il versa dans une tasse avant d’y ajouter de l’eau.

Je le regardais faire sceptique, et lorsqu’il porta sa tasse à ses lèvres, je ne pus retenir une grimace de dégoût. Une fois sa mixture de sorcière avalée, il rangea rapidement le tout avant t de se lever. Je le regardais faire, étonné et c’est seulement quand je le vis chercher dans le tas de bois que je compris qu’il s’apprêtait à allumer un feu.

Pendant bien quelques minutes, il s’activa à allumer les brindilles sèches qui finirent par s’enflammer, répandant autour de nous, une lumière diffuse, nos ombres se reflétant derrière nous.  A la lumière de la lampe de poche, il déploya une couverture qu’il posa sur le sol avant d’attraper son duvet et de l’ouvrir. Réitérant son geste, il étala son duvet au dessus de la couverture, après l’avoir ouvert, dans le but d’en faire un lit. Puis, prenant un gros pull, il le plia en quatre et le déposa à un des côtés du lit de fortune, en quelque chose qui semblait être un oreiller.

Assis devant le feu qui commençait à chauffer agréablement, je le regardais s’affairer, n’osant pas le déranger et me prendre encore quelques réflexions.  Pour le moment, j’avais plutôt l’impression de le déranger et d’être plus une source d’ennui qu’autre chose. S’asseyant en face de moi, il sorti la nourriture qu’il partagea équitablement avant de me tendre ma part. Nous mangeâmes en silence, chose qui même si j’en avais l’habitude, ne me rassurais guère car pleins de bruits bizarres naissaient dans la noirceur de la nuit, me faisant sursauter.  Si Hayden paraissait serein et apaisé, ce n’était certainement pas mon cas. Le moindre bruit suffisait à faire s’accélérer les battements frénétiques de mon cœur en un rythme endiablé. Malgré les coups d’œil que je lançais de droite à gauche au bruit le plus infime, je ne parvenais pas à en déceler l’origine de ce bruit et à en déterminer l’auteur.

Après le repas qui se termina dans le même silence monastique dans lequel il avait commencé, Hayden raviva le feu qui commençait à s’éteindre, en jetant des branches mortes dedans. Là dessus, il me proposa un thé que j’acceptais avec plaisir. Alors que l’eau chauffait sur les braises ardentes, je me retrouvais comme hypnotisé par les flammes rougeoyantes du feu qui crépitait dans le silence nocturne. Perdu dans mes pensées, je songeais à la soirée que je venais de vivre, à tous ce que j’avais volontairement perdu et laissé derrière moi ainsi qu’à tout ce qui m’attendait à présent. Demain, commencerait ma nouvelle vie… Je ne sais pas ce qui m’attendait et ce que me réservait l’avenir, mais une chose était certaine, c’est qu’à présent, je serais et resterais seul maître et arbitre de ma propre vie. Soudain, la voix d’Hayden retentie à mes oreilles, coupant court à mes réflexions :

- Tu as toujours vécu ici, Gwendal ? Tu as déjà voyagé, vu un peu le monde ?

- Non, répondis-je. Je suis né ici et je suis   toujours resté là.

- C’est un peu une grande première, déclara-t-il en souriant. Tu vas voir, c’est un peu dur au départ, mais on s’y fait très bien, même un peu trop.

- Depuis combien de temps tu vis comme ça ? Demandais-je, osant enfin poser la question qui piquait ma curiosité.

- J’erre sur les routes depuis presque dix ans.

Sous le choc de cet aveu, j’écarquillais les yeux de stupéfaction, ne croyant pas ce que je venais d’entendre.

- Dix ans !! M’exclamais-je. Mais vous, enfin tu as quel âge ? Si ce n’est pas trop indiscret… M’empressais-je d’ajouter.

- Vingt-cinq ans depuis peu. Et toi, un peu moins je pense ?

- Bientôt vingt et un, répondis-je en songeant qu’il me restait encore bien six mois avant mon prochain anniversaire.

Le silence retomba quelques secondes avant que je ne reprenne la parole :

- Et ta famille ? Ce n’est pas trop dur d’en être séparé ?

A cette question, je le vis se renfermer sur lui-même et je me doutais que je m’engageais sur un terrain glissant :

- Je… Commença-t-il avec hésitation.

Comprenant son malaise et le fait qu’il puisse ne pas avoir envie d’aborder le sujet,  je m’empressais de prendre la parole :

- Je suis désolé, je n’aurais pas du poser cette question…

Le silence retomba une nouvelle fois sur nous alors que je me replongeais dans la contemplation du feu. A vrai dire, je n’osais plus prendre la parole, de peur d’aborder de nouveau un sujet dérangeant ou mal venu. Hayden me fit passer ma tasse de thé fumante qui me réchauffa les mains avant de demander à son tour :

- Gwendal ?

- Oui ?

- Pourquoi as-tu voulu partir ?

Voilà la question que je redoutais un peu. Je pensais ma cause noble, mais qu’allait penser Hayden en apprenant ma motivation ? Allait-il rire et me renvoyer chez moi ? Avec hésitation, appréhendant sa réaction, je répondis :

- Je… J’ai appris ce matin que mes parents avaient pour projet de me marier à une fille que je n’avais jamais vu. Je… Je n’ai jamais vraiment trouvé ma place avec eux, mais me marier aurait été l’entrave de trop à ma liberté.

- Alors tu as bien fait de partir, me dit-il avec sérieux, me laissant perplexe quant à sa réaction. Peu ont le courage de e faire, ajouta-t-il.  Sache que tu peux rester avec moi tant que tu le souhaites. Demain nous irons chez un ami, en échange du gîte et du couvert, je travaille quelques jours chez lui. Là bas nous trouverons de quoi t’équiper un peu mieux. Enfin, si tu es d’accord.

A ces mots, je me sentis soulagé. Moi qui avais cru être un poids pour Hayden, voilà qu’il me donnait son accord pour rester avec lui.

- Oui, je veux bien, m’empressais-je de répondre avant qu’il ne change d’avis. Merci Hayden, ajoutais-je après un instant.

Nous finîmes notre thé avant de tout ranger et d’alimenter une dernière fois le feu. Une fois fait, nous allâmes dormir. Hayden me désigna la place près de lui et après une légère hésitation, je finis par céder et m’allonger. Je devais avouer que je n’étais guère enthousiaste à l’idée de dormir près d’Hayden, pas que cela me dérangeait outre mesure, mais pour tout dire, je n’avais jamais dormis en présence de quelqu’un. J’avais toujours eu mon propre lit et une chambre personnelle. Ce qui me tracassait le plus, c’était l’absence d’intimité que notre proximité engendrerait.

Lorsque je fus à peu près installé, Hayden vint se coller contre moi en nous recouvrant du duvet. Il soupira et me souhaita une bonne nuit avant de s’endormir quasi instantanément. Quant à moi, je me tournais sur le côté, tournant le dos à Hayden, je regardais le feu dont les flammes dansaient et s’élevaient dans la nuit. Je mis du temps à m’endormir, ne parvenant pas à trouver le sommeil. De plus, les bruits inquiétant de la nuit n’étaient pas des plus rassurant. A un moment, il me sembla distinguer l’ombre d’un animal et des yeux luire dans la pénombre, mais je ne parvins pas à l’identifier. Pas rassuré pour un sous, je me tournais vers Hayden et frigorifié, je me blotti contre lui pour un maximum de chaleur.

Lorsque j’ouvris les yeux, je papillonnais des paupières, aveuglé par l’afflux de lumière blanche. Après un temps pendant lequel je m’habituais à la clarté environnante, je regardais autour de moi, intrigué de ne voir personne. Après un court instant, alors que j’étais assis devant le feu pour chercher un maximum de chaleur, j’entendis des pas dans mon dos. Je sursautais de surprise et me retournais vivement pour rester bloquer de stupeur face au spectacle qui m’attendait. Hayden était là, face à moi, s’approchant dans une tenue indécente. A moitié nu, seule une serviette de bain nouée autour des hanches, il s’approchait du feu.  Aussitôt, je sentis le rouge me monter aux joues et atrocement gêné, je détournais le regard. Ne semblant pas s’apercevoir de mon malaise, il déclara :

- Alors ? Bien dormis ?

- Moui, répondis-je. J’ai connu mieux.

- Tu peux aller te laver si tu veux, déclara-t-il en me tournant le dos et en commençant à se dévêtir sans la moindre once de pudeur.

Voyant cela, je détournais les yeux et reportais mon attention sur le feu, tout en répondant :

- Je… Me laver où ? Demandais-je sceptique.

A présent torse nu,  il se tourna vers moi et répondit, comme si pour lui c’était tout à fait normal :

-A la rivière, tu vois une douche ici ? Je vais préparer le petit déjeuner en attendant.

A ces mots, il me tendit sa serviette et son savon et ajouta :

- Ne t’inquiète pas, ce soir on aura un vraie douche…

Je lui adressais un sourire un peu tendu et prit la direction de la rivière. Une fois seul, je me mis à pester contre moi-même, contre Hayden et son manque total de décence et son ignorance de la bienséance. Arrivé à la rivière, je regardais longuement autour de moi, m’assurant que j’étais bel et bien seul et une fois passablement rassuré, j’entrepris seulement de me dévêtir. Alors que j’entrais dans l’eau, je retins à grand peine un hurlement, sursautant de surprise avant de ressortir immédiatement de l’eau. Elle était glacée…

Avec difficultés, je rentrais dans l’eau jusqu’aux chevilles, ne parvenant pas à aller plus loin et plongeant à contrecœur les mains dans l’eau, j’entrepris de me laver succinctement le corps. Je crois que c’était la première fois de ma vie que je mis aussi peu de temps à me laver.

Lorsque je revins, lavé et habillé de propre, je restais figé de stupeur, n’osant croire ce que je voyais. Hayden était en train de vider mon sac, balançant derrière lui mes affaires qui formaient un tas sur le sol. Je restais un moment interdit, puis reprenant mes esprits, je m’exclamais en un cri horrifié face à cette violation de mon intimité :

- Mais… Hayden ??? Qu’est-ce que tu fais ?

A ma question, il se tourna vers moi et avec un petit sourire, cachant très mal son amusement, il répondit :

- Je trie ce qui est utile et ce qui ne l’est pas.

- Comment ça ? Demandais-je, n’étant pas certain de bien comprendre.

- Tu as vu tout ce que tu as prit ?? Je ne porte que ce dont tu as vraiment besoin, pour le reste, tu te débrouilles et tu le portes si tu le souhaites.

Je restais immobile, complètement figé, mais intérieurement, je bouillonnais de rage. De quel droit ce rustre se permettait-il de jeter ainsi mes affaires et de fouiner dans mon sac ? N’avait-il jamais appris la politesse et le respect ? Car pour être franc, ce n’était pas la politesse qui l’étouffait. Après avoir jeté négligemment les trois quart du contenu de mon sac à terre, il se tourna vers moi et déclara :

- Rassemble tes affaires et dépêches-toi. On mange et on y va si tu veux arriver ce soir avant la nuit.

Je retins à grand peine une réflexion cinglante, me contentant de le tuer du regard. Je n’appréciais pas du tout le petit air supérieur et hypocrite qu’il abordait à cet instant. A présent totalement énervé, je pestais mentalement contre Hayden, lui en voulant sérieusement, comme jamais je n’en avais voulu à quelqu’un.

La tête droite, ne souhaitant pas montrer à Hayden que son comportement et ses paroles me blessaient, je passais devant lui et attrapant rageusement mes affaires, j’entrepris de tout remettre dans mon sac.

S’il pensait que j’allais abandonner mes affaires aussi aisément, il se trompait lourdement. Un fois mon sac refait, j’allais manger ma part de petit déjeuner, snobant totalement Hayden. S’il pensait que j’allais lui pardonner, il se mettait le doigt dans l’œil…

Près d’un quart d’heure plus tard, nous étions de nouveau sur la route. Hayden marchait devant à une allure soutenue et tant bien que mal, je tentais de suivre le rythme qu’il imposait. Mais pour rien au monde je ne me serais rabaisser à lui demander son aide ou de ralentir. Se tournant finalement vers moi, il demanda :

- Alors, pas trop lourd ? Toujours envie d’en avoir autant ?

Je ne pris même pas la peine de le regarder et arrivé à sa hauteur, je le dépassais, préférant ignorer sa pique. Dans l’état d’énervement dans lequel je me trouvais, je préférais ne rien dire, gardant pour moi ce que je ressentais, mais le jour où j’arriverais à saturation, mieux valait pour lui qu’il ne se trouve pas en face.

Nous marchâmes ainsi en silence pendant près d’une bonne heure, jusqu’à ce qu’Hayden finisse par s’arrêter pour m’attendre. J’arrivais quelques minutes après, essoufflé et laissais tomber mon sac, comme l’avait fait Hayden avant de m’asseoir :

- C’est encore loin ? Demandais-je.

- Oh, soupira-t-il. A cette allure là, on risque d’arriver demain soir.

A ces mots, je me décomposais littéralement et visiblement amusé, il ajouta :

- Allez, donne-moi ton sac, on va t’alléger. Par contre, demain tu me feras le plaisir de trier tes affaires.

- Je… Merci, répondis-je simplement.

Rapidement, il déchargea une grosse partie de mes affaires dans son sac puis nous nous mîmes de nouveau en route. Je commençais à me sentir de moins en moins bien et la chaleur étouffante ne m’aidait pas à aller mieux.  Je jetais un coup d’œil  rapide à Hayden et tout comme moi, il semblait ne pas aller bien mieux. Je doutais que sa blessure le faisait souffrir en plus de la chaleur.

Ce ne fut que vers midi que nous nous arrêtâmes, complètement abattu par la chaleur. J’allais m’asseoir à une distance raisonnable d’Hayden et intrigué de le voir fermer les yeux, je demandais :

- Hayden… On ne mange pas ?

A vrai dire, je commençais à avoir vraiment très faim. Jamais je n’avais pensé avoir aussi faim un jour. C’était comme si je n’avais pas mangé depuis plusieurs jours. Sans pour autant me regarder, il répondit :

- Il doit me rester un peu de viande séchée dans mon sac, mais tout le reste, on me l’a prit. On mangera ce soir.

- Hn… Répondis-je simplement en m’allongeant, songeant que jamais je ne pourrais tenir jusqu’à ce soir sans rien dans le ventre.

Alors que je m’allongeais, je sentis quelque chose se poser sur moi. Intrigué, je regardais ce que c’était avant de pousser un hurlement de terreur. Hayden se redressa brusquement et m’interrogea du regard, ne comprenant pas ce qui se passait. Face à son interrogation muette, je m’exclamais, complètement paniqué :

- Là… Là… Là, sur mon épaule… Une… Une bête bizarre.

Cependant, au lieu de venir me secourir, il resta immobile, ne réagissant pas à ma terreur, si bien que je poursuivis :

- Hayden, enlève ce truc, s’il te plait…

J’étais tétanisée, n’osant plus bouger, alors qu’Hayden semblait être sur le point d’éclater de rire. Pour ma part, je ne trouvais pas cela drôle et si j’avais été en mesure de bouger, j’aurais bien envoyé cette hideuse bestiole sur Hayden, juste histoire de rire à mon tour. De plus en plus pâle, je gémis plus que je ne demandais :

- Hayden, s’il te plait…

C’est finalement à moitié mort de rire qu’il consentit à me venir en aide.

- Ne bouge pas, déclara-t-il. Ton sauveur est là, ajouta-t-il en se moquant ouvertement de moi.

Il prit l’horrible monstre entre ses mais et le jeta un peu plus loin tout en riant encore. Personnellement, cela ne me faisait pas rire du tout et l’attitude puérile d’Hayden commençait réellement à m’énerver.

- Dis-moi, demanda-t-il, tu es déjà sortit de ton château ? Elle n’allait pas te manger. Au fait, cette bête bizarre s’appelle une sauterelle et elle est totalement inoffensive.

Sur ces mots, le sourire aux lèvres, il se laissa aller en arrière avant de s’endormir. Quant à moi, je restais éveillé, tandis que mon ventre criait famine. Je laissais Hayden se reposer un moment, mais bien vite, je commençais à m’ennuyer. Je patientais encore un temps qui me parut interminable, puis, lassé, j’allais réveiller Hayden. Avec hésitation, je me penchais au dessus de lui et alors que j’esquissais un mouvement pour le secouer, il ouvrit les yeux. Honteux de me faire prendre en flagrant délit, le rouge me monta aux joues. Visiblement surpris, Hayden ne fit cependant aucun commentaire, se contentant de demander :

- On repart ?

- Je… Oui, répondis-je, toujours gêné.

Nous reprîmes la route et marchâmes un long moment, coupant parfois à travers les bois, profitant de l’agréable fraîcheur qu’ils nous offraient. Finalement, nous arrivâmes avant la nuit.

- C’est ici, dit-il en pointant une vieille ferme du bout du doigt. On y est presque.

- C’est pas trop tôt, soufflais-je épuisé.

- Ne t’inquiète pas, répondit Hayden. Demain tu pourras te reposer.

Nous parcourûmes les dernières dizaines de mètres qui nous séparaient de l’ancienne maison. Arrivés devant la porte, Hayden frappa quelques coups avant de reculer de deux pas, attendant que l’on vienne nous ouvrir.

Apparemment, il ne semblait y avoir personne. Hayden posa son sac et s’assis sur les marches du perron. Trouvant l’idée plutôt bonne, je l’imitais en soupirant de lassitude.

- Ca va ? Me demanda-t-il.

- Oui, répondis-je. Je ne sens plus mes pieds, mes jambes et mon dos mais, appart cela, ça va.

A vrai dire, j’étais éreinté  et je découvrais l’existence de muscles qui m’étaient jusqu’à présent, totalement inconnus tellement mon corps entier était endolori et courbaturé.

- Met-toi devant moi, déclara-t-il subitement sans plus de cérémonie.

Surpris par son ordre, je lui adressais un coup d’œil sceptique, mais ne décelant rien d’anormal chez lui, je m’exécutais. Cependant, je ne pus retenir un tressaillement de surprise lorsque ses mains se posèrent sur mes épaules et entamèrent un lent et doux massage. Si au départ je grimaçais sous la douleur qui me vrillait les épaules au moindre effleurement, je finis bien vite par me détendre et me laisser aller à fermer les yeux, perdant toute notion du temps. Tout ce que je savais c’était que jamais je ne m’étais sentit aussi détendu. Je ne réagi même pas lorsqu’Hayden déclara :

- Il ne vaut mieux pas que tu prennes goût, parce que je ne vais pas te faire cela tous les soirs !

Je ne répondis rien, me contentant de soupirer de bien être. Soudain, une voix inconnue s’éleva à quelques mètres de nous, me faisant ouvrir les yeux :

- Salut Hayden, alors on vient chez moi en couple maintenant ?

Aussitôt, je sautais sur mes pieds et m’exclamais, indigné :

- Pardon ? En couple ? Je ne suis pas homosexuel !

Pas dérangé le moins du monde par ma réponse, il s’esclaffa en riant :

- Si ce n’est pas ton cas, c’est le cas d’Hayden. Méfie-toi !

Puis, se tournant vers Hayden, il s’exclama :

- Putain Hayden, ça fait plaisir de te revoir !

Très vite, Hayden se retrouva dans les bras de son ami qui mesurait à peu près la même taille que lui. Je les regardais faire avec suspicion, Hayden et son ami ayant, je trouvais, des gestes bien intimes pour de simples amis. Je connaissais à présent les préférences sexuelles d’Hayden et se pourrait-il qu’ils aient été amants ?

- Alors maintenant tu ne voyages plus seul ? Je croyais que tu y étais bien trop attaché à ta solitude.

- Les gens changent, répondit Hayden. Tout comme toi tu t’es marié avec une femme. D’ailleurs, elle n’est pas là ?

- Non, elle est partie avec le petit chez sa mère pour quelques jours.

- Des tensions ? Demanda Hayden, une pointe d’inquiétude dans la voix.

- Disons que nous avions chacun besoin d’air…

Un silence suivit cette déclaration, confirmant ce que nous pensions tous, avant que l’ami d’Hayden ne reprenne :

- Tu arrives à pic en tout cas, il y a beaucoup de boulot et en plus, tu me ramènes deux bras supplémentaires.

A ces mots, Hayden éclata de rire, se foutant ouvertement de moi. Je lui adressais un regard meurtrier alors que l’ami d’Hayden qui, soit dit au passage, ne m’avait toujours pas été présenté, nous regardait avec incompréhension :

- On verra cela, déclara Hayden en reprenant son souffle.

- Allez venez, déclara l’ami d’Hayden. On va faire un bon chocolat avec le lait que j’ai trais toute à l’heure.

Nous le suivîmes dans la maison et je posais négligemment mon sac dans l’entrée tout en regardant autour de moi. La décoration était simple et chaleureuse et bien que je n’étais pas habitué à quelque chose d’aussi modeste, cela n’en était pas moins accueillant. L’homme nous conduit à la cuisine et nous invita à prendre place à table, avant de se mettre aux fourneaux.

- Au fait, déclara-t-il en se tournant vers moi. Comment tu t’appelles ?

- Je… Gwendal, répondis-je intimidé qu’il m’adresse ainsi la parole comme si nous nous connaissions depuis toujours.

- Enchanté, moi c’est Julien.

Au moins un qui avait le sens des convenances… Je jetais un furtif regard meurtrier à Hayden qui ne le releva pas et après un temps, Julien reprit :

- Alors, depuis quand tu voyages avec lui ? Tu as vraiment du courage pour supporter son sale caractère. La solitude n’a vraiment rien arrangé en plus, je suppose.

- Je t’emmerde Julien, répondit Hayden sans me laisser le temps d’ouvrir la bouche pour répondre. Hier j’ai eu une mésaventure avec des voleurs qui se sont mis à trois contre moi. L’un d’eux était armé d’un couteau et s’en est servi au dernier moment. Ils m’ont pris tout ce que j’avais gagné en faisant les vendanges. Gwendal m’a trouvé en piteux états près d’une rivière et m’a ramener chez lui pour me soigner. Il m’a demandé par la suite de l’emmener avec moi… Et nous voilà ici.
- Bon dieu, dit Julien en riant. Tu ne sais pas dans quoi tu t’es engagé petit…

Petit… Petit… Je n’étais tout de même pas si petit que ça et il devait avoir quoi ? L’âge d’Hayden à peine moins peu être… Puis changeant totalement d’attitude, retrouvant tout son sérieux, il demanda à Hayden :

- Et ça va toi ?

- Un peu de fièvre, répondit l’interrogé. Mais un bon lit et un bon repas cette nuit et tout ira mieux.

- Tu sais que tu peux rester tant que tu veux ici, reprit Julien en nous servant une tasse de chocolat chaud.

- Tenez, buvez-moi ça, je vais préparer un bon repas qui va vous remettre sur pieds, puis vous irez vous coucher. Vous semblez tous les deux tomber de fatigue.

Affamé, je portais la tasse à mes lèvres et me régalais de la boisson chaude qu’elle contenait. Jamais encore je n’avais eu l’occasion de goûter un chocolat aussi bon. Julien parti, Hayden et moi échangeâmes quelques mots puis Julien revint avec deux assiettes de soupe. Nous mangeâmes avec appétit et lorsque nous eûmes terminé, Julien nous montra la chambre qu’Hayden et moi allions devoir partager. Pendant qu’Hayden se lavais, je déballais mes affaires et rangeais le tout dans la penderie. Quand il revint, je me précipitais à mon tour sous la douche, sous laquelle je restais bien une demi-heure, savourant le plaisir d’une vraie douche après une journée de sueur collée à la peau. Une fois propre, j’enfilais mon pyjama et alla me coucher. Je fermais les yeux en poussant un soupir de bien être. Le matelas n’était pas des plus confortables, mais contrairement à la nuit dernière, c’était limite du grand luxe.

- Tu es bien installé ? Ca va ? Demanda alors Hayden. Tu as passé une bonne soirée ?

- Hn, soufflais-je à moitié endormis, trop épuisé pour répondre autre chose.

- Bonne nuit, Gwendal, souffla Hayden.

- ‘nuit, soufflais-je à mon tour.

Epuisé, je m’endormis sans demander mon reste. Moi qui en général mettais du temps à trouver le sommeil lorsque je n’étais pas chez moi, je m’endormis comme une masse.

A un moment, j’eu la sensation que quelqu’un m’enlaçait, mais trop éreinté, je n’y prêtais pas attention.  Lorsque je me réveillais le lendemain matin, je fus ébloui par les rayons de soleil qui passaient à travers les volets entrouverts. Je m’étirais avec grâce avant de me lever. Cherchant dans mes affaires, j’attrapais des vêtements propres et allais m’enfermer dans la salle de bain. La douche que je pris acheva de me réveiller et une fois prêt, je descendis au ré de chaussé.

Sur la table, un bol et du lait étaient disposés, prêt à l’emploi. Apparemment, Hayden et Julien avaient déjà déjeuné. Je me hâtais de manger et quand j’eu terminé, je sortais à leur recherche. Je ne mis pas longtemps à les trouver, ils étaient au milieu des vaches, chacun en train d’en traire une.

Alors que j’approchais, la voix d’Hayden me parvint. Apparemment, il semblerait qu’ils étaient en plein milieu d’une conversation plutôt intime :

- Dis -moi Julien, tu ne m’as jamais dit si ta femme savait pour nous deux, pour la relation que nous avons eu…

Il y eut un silence puis Julien répondit :

- Tu sais… A l’époque ou nous étions ensemble, je ne connaissais pas encore Marie. C’est quand tu es parti que je l’ai rencontrée, un peu comme si le destin ou dieu voulait me faire oublier la douleur de t’avoir perdu… Pour répondre à ta question, Marie et moi n’avons aucun secret l’un pour l’autre. Elle sait et elle l’a bien prit. Elle dit qu’elle a confiance en moi et que le passé est le passé. Elle sait que je l’aime et que même si au fond de moi je ne parviendrais jamais à t’effacer entièrement, jamais je ne la tromperais. J’aime ma femme…

- Cela t’honore, répondit Hayden avec un grand sourire. Donc ça veut dire que si jamais elle arrive, elle ne risque pas de me chasser à grands coups de rouleau à pâtisserie ? S’exclama-t-il en riant.

- Tu n’as pas à t’en faire… A moins que tu ne tentes quoi que ce soit… Renchérit Julien en riant à son tour.

- Alors là, tu ne risques absolument rien… Je n’aime pas partager…

Sur ces mots, ils rirent de bon cœur et alors que je pensais pouvoir me montrer à eux, Julien reprit :

- Et ce jeune là… Gwendal… Il n’est pas un peu trop jeune pour toi ? Tu les prends encore au berceau maintenant ?

- T’es con, Ju ! Souffla Hayden en perdant son sourire en lui envoyant un objet non identifié à la figure.

- Rho allez, insista Julien. Ne m’dit pas qu’il n’est pas à ton goût !!

Pour ma part, je commençais à me sentir mal à l’aise. Je n’aimais pas que l’on parle de moi, de plus, ce genre de propos me révulsait. Me voyaient-ils ainsi ? Comme une vulgaire chose dont on pouvait disposer comme bon leur semblait ?

- Il a un beau visage fin et délicat, des cheveux soyeux, poursuivit-il, parlant de moi comme si je n’étais rien de plus qu’une simple marchandise dont on vantait les mérites. Et je suis sûr qu’il est battis comme une statue de dieu grec.

- C’est vrai qu’il est mignon, répondit Hayden, même si je ne l’ais jamais vu nu. Mais le seul truc qui pèche, c’est son côté bourgeois… Un peu trop aristo pour moi, si tu vois ce que je veux dire…

Je n’entendis pas la suite de cette conversation. Je quittais les lieux en courant, écœuré par ce que je venais d’entendre et le comportement hypocrite d’Hayden. Oui, j’étais un petit bourgeois de sang noble, un fils à papa bien élevé, mais je préférais être ce que j’étais plutôt qu’un rustre comme Hayden. Un goujat mal poli et sans aucune éducation ni savoir vivre. Oui, j’avais été un de ses enfants que l’on ne laisse jamais rien faire, jamais rien toucher. Oui, j’avais toujours eut des personnes à disposition pour répondre au moindre de mes désirs, mais Hayden s’était-il déjà demandé comment est-ce que j’avais vécu tout cela ?

Rageusement, je retournais dans la maison où, pour me calmer, j’attrapais un livre et m’installais dans le fauteuil du salon, les genoux sur l’accoudoir. Je ne sus combien de temps je restais à lire avant d’être tiré de ma lecture par les éclats de rire d’Hayden et Julien.

Cependant, je ne prêtais aucune guère plus d’attention à eux et repris ma lecture. Mais apparemment, Hayden semblait en avoir décidé autrement car presque immédiatement après, il entrait  bruyamment dans le salon et à ma vue, il s’exclama :

- Hey, Gwendal ! Enfin réveillé ?

Je ne lui adressais pas le moindre regard et posais mon livre avant de me lever et de quitter la pièce. Je sentis son regard intrigué et posé sur moi tout le temps qu’il me fallut pour disparaître de sa vue. Semblant comprendre que je n’avais aucune envie de le voir, il n’insista pas et j’en profitais pour sortir de la maison où l’air devenait oppressant et irrespirable. Je pris une direction au hasard et c’est non sans contentement que j’arrivais aux écuries. Un hennissement sur ma gauche attira mon attention et tournant la tête, j’aperçus un imposant cheval de labour qui m’observait depuis son box. Je m’en approchais et néanmoins impressionné par sa taille imposante, je le caressais longuement jusqu’à ce que la voix de Julien me signifie que le repas était prêt. A contrecœur, je quittais l’animal et allais manger. Je restais silencieux tout le temps que dura le repas, me contentant d’écouter d’une oreille distraite, les conversations auxquelles je n’étais pas convié à participer. A vrai dire, j’avais plus qu’impression d’être totalement inutile. Alors que je pensais être devenu plus que transparent, j’entendis Hayden me demander :

- Dis Gwendal, tu peux me passer le plat de patates, s’il te plait ?

Je lui passais le plat sans un regard pour lui et continuais mon repas alors qu’Hayden s’exclamais :

- Mais qu’est-ce que tu as depuis ce matin ? T’as tes règles ou quoi ?

Je lui adressais un regard offusqué avant de me lever brusquement et de quitter la table. Je ne parvenais pas à pardonner à Hayden ce qu’il avait dit tout à l’heure. Plus je le voyais, et plus il me répugnait et m’inspirait du dégoût. J’avais conscience que cette attitude était des plus puériles, mais elle égalait celle d’Hayden. Assis sur le lit, je restais un moment immobile jusqu’à ce que quelques coups frappés à la porte, me tirent de mes réflexions :

- Gwendal ? C’est Julien… Hayden voudrait te parler… Sort, s’il te plait…

Pas disposé le moins du monde à lui répondre, je m’exclamais, prenant exprès un air hautain et méprisable :

- Et bien tu lui feras savoir qu’il ne me sied guère d’accéder à sa requête…

Alors que Julien commençait une phrase pour tenter de me raisonner, j’entendis Hayden l’interrompre et prendre la parole à sa place :

- Et si tu m’expliquais ce que tu me reproches au lieu de t’enfermer dans la chambre. T’as vraiment une réaction de gamin, c’est pas croyable…

- Tu sais ce qu’il te dit le gamin ?

Je n’entendis plus rien hormis les pas résonner dans les escaliers, me laissant seul. Je me laissais tomber sur le lit et les larmes s’échappèrent de mes yeux clos. Tout compte fait, je me demandais si je n’avais pas fait une erreur en demandant à Hayden de m’emmener avec lui… Pourquoi était-il si odieux avec moi ? Epuisé, je finis par m’endormir. Lorsque je me réveillais,  l’après-midi était déjà bien entamé et le soleil commençait à décliner.

Calmé, je quittais la chambre et avisant l’heure plus tardive que ce que je n’avais pu estimer et ne sachant pas à quelle heure rentreraient Julien et Hayden, je commençais à chercher de quoi préparer un repas. Découvrant une salade sur la table, je la lavais et ouvrais le frigo à la recherche de quelque chose à manger. Je sortis la charcuterie et le fromage avant de mettre la table. Une fois fait, je lavais les légumes qui traînaient dans un panier près de l’évier et les fit cuire.

Pendant ce temps, j’allais au salon reprendre la lecture que j’avais interrompue toute à l’heure. Je ne sais combien de temps s’écoula ainsi, mais je fus tiré de ma lecture par une horrible odeur de brûlé. M’imaginant le pire, je sautais sur mes pieds et partais à la recherche de l’origine de cette odeur. Je n’avais pourtant rien fait brûler… C’est alors que je me souviens des légumes que j’avais fait cuire. Horrifié, je me précipitais à la cuisine et en entrant, je fus entouré par une épaisse fumée qui s’échappait de la gazinière. Tant bien que mal, je coupais l’arrivée de gaz et ouvris les fenêtres. Accablé, je jetais un regard sur le premier repas que je faisais de ma vie et qui était encore loin d’être concluant.

Alors que je m’asseyais sur la chaise, découragé, la porte d’entrée s’ouvrit sur Julien et Hayden. Aussitôt, la voix de Julien me parut aux oreilles :

- Wow ! Qu’est-ce qui se passe ici ?

Ils entrèrent en trombe dans la cuisine et Hayden s’exclama :

- Gwendal ? Mais qu’est-ce que tu fous ? T’essaye de mettre le feu à la maison ou quoi ?

Remonté, je me levais et me tournant vers lui je m’exclamais, énervé :

- J’ai tenté de préparer le repas figure-toi !

- Tu appelles ça un repas ? S’esclaffa Julien en riant, faisant sourire Hayden.

- Pour la première fois de ma vie que je m’approche d’une cuisine je pense m’être pas trop mal débrouillé figure-toi ! Lui crachais-je au visage. Mais puis qu’apparemment personne ne semble apprécier et prendre en compte ce que j’essaye de faire pour vous, vous n’avez cas vous démerder tout seul, je démissionne !

Sur ses mots, les yeux brûlés par la fumée et les larmes que je tentais de refouler, je quittais précipitamment la cuisine, laissant les deux amis seuls à seuls. Inconsciemment, mes pas me guidèrent à l’extérieur. Alors que je m’engageais sur un petit chantier, j’entendis Hayden m’appeler :

- Gwendal, attend !

Je n’écoutais pas et continuais mon chemin et c’est à bout de souffle qu’il finit par me rattraper. Il posa sa main sur mon épaule, mais je me dégageais vivement :

- Lâche-moi ! Ordonnais-je. Retourne voir ton ami avec lequel tu t’entends si bien et laisse-moi tranquille.

Cependant, il feignit de ne pas m’entendre et demanda :

- Ecoutes, je m’excuse pour ce que je t’ais dit toute à l’heure. C’est gentil de ta part d’avoir prit l’initiative de préparer le repas. Tu sais, j’ai du mal à comprendre comment quelqu’un peu ne pas savoir faire des choses aussi simple que faire à manger…

- Serais-tu en train d’insinuer que je suis manchot ? Demandais-je avec toujours cette colère en moi. Je n’ai pas besoin de ta compassion, je veux juste que tu me foutes la paix !

Sur ce, je repris mon chemin, mais à mon plus grand désespoir, Hayden ne semblait pas vouloir lâcher prise :

- Mais tu vas t’arrêter ?

Enervé, je me retournais et criais :

- Quel mot dans “fiche-moi la paix” n’as-tu pas compris ?

- Je m’excuse ok ! S’exclama à son tour Hayden. Qu’est-ce que tu veux de plus ? Qu’est-ce que tu as depuis ce matin ? Tu es carrément invivable ! La moindre petite remarque on dirait que c’est la fin du monde !

- Tu veux vraiment savoir ce qu’il y a ? Criais-je, sans plus parvenir à retenir mes larmes. Il y a que j’en ai marre de tes réflexions et de tes moqueries permanentes. Oui on n’a pas eut la même éducation, oui ton enfance à certainement été plus compliquée que la mienne mais ce n’est pas une raison pour me rabaisser et te moquer de moi à la première occasion ! As-tu seulement remarqué que le peu de fois ou tu m’as adressé la parole en deux jours c’était pour te moquer de moi ou me reprocher telle ou telle chose ? As-tu seulement songé à ce que je pouvais ressentir à être constamment rabaissé de la sorte ? Je fais de mon mieux pour satisfaire à tes exigences, mais jamais tu ne me montre la moindre reconnaissance, comme si tout t’étais dû ! Tu n’es qu’un égoïste ! M’exclamais-je.

Hayden resta silencieux, semblant réfléchir à ce qu’il se prenait en pleine figure et face à son manque de réaction, j’en profitais pour ajouter :

- Depuis deux que nous sommes arrivés, tu parles avec ton ami en m’ignorant totalement, comme si je n’existais pas ! Je ne te demande pas de m’inclure dans vos conversations, mais un minimum d’intérêt pour ma personne ce serait trop demandé ? Depuis que je t’ai demandé si je pouvais venir avec toi, c’est comme si tu avais toi-même sceller le boulet à tes chaînes ! Mais au risque de t’apprendre un scoop, c’est toi qui as accepté que je vienne avec toi ! Alors prend en les responsabilités ! Si vraiment c’était une charge pour toi de m’avoir avec toi, tu n’avais cas tout simplement me dire “non”. Je ne suis pas stupide non plus, j’aurais compris et me serais débrouillé autrement, mais voilà, tu as dit “oui” !! Alors assume !

- Tu crois pas que t’exagères un peu ? Demanda Hayden dont le calme contrastait avec ma colère.

Je ne répondis rien mais lui adressais un regard qui en disait amplement sur ce que je pensais de sa réflexion.

- Pourquoi attaches-tu tant d’importance au regard des autres ? Me demanda Hayden, me prenant par surprise.

Ne m’attendant pas du tout à cette question, je répondis :

- Je…Parce que… Cela ne te regarde pas…

Hayden soupira longuement avant de reprendre :

- Ecoutes, si vraiment tu veux apprendre à faire des choses par toi-même, je suis prêt à t’aider, même si j’ai parfois des problèmes de patience.

A travers mes larmes, je lui adressais un regard sceptique empli de méfiance, ne croyant pas un traitre mot de ce qu’il venait de dire. Cependant, ne décelant aucune trace de moquerie dans son regard, j’étais bien forcé d’admettre qu’il ne semblait pas vouloir se moquer de moi une énième fois.

- Alors ? Demanda-t-il en me tendant la main. Marché conclu ?

Après un moment d’hésitation, j’attrapais la main qu’il me tendait et satisfait, il m’adressa un sourire de réconciliation.

Je répondis timidement à son sourire, séchant du revers de la main les dernières larmes qui perlaient encore au coin de mes yeux. Pour, sur cet accord, nous prîmes le chemin du retour. A mon grand soulagement, Julien ne fit aucune réflexion lorsque nous entrâmes dans la pièce et je vis avec bonheur qu’il avait préparé un repas plus mangeable que celui que j’avais tenté de faire plus tôt.

Nous passâmes à table et le repas se déroula dans un silence monastique. Lorsque nous eûmes terminé de mangé, nous nous posâmes un moment devant la télévision, mais n’y trouvant rien d’intéressant, j’attrapais mon livre et montais dans la chambre que je partageais avec Hayden, les laissant seuls. Dans la chambre, je posais le livre sur le lit avant d’attraper mon pyjama et de prendre la direction de la salle de bain.

Je restais un long moment sous l’eau, la chaleur excessive de celle-ci aidant à me décrisper les muscles des épaules. Lorsque je fus propre, je m’installais confortablement dans le lit, et me callant le dos avant l’oreiller d’Hayden, je repris mon livre là où je l’avais arrêté. Je lus ainsi un long moment, et ce ne fus que lorsque je me rendis compte que je relisais la même ligne depuis plusieurs fois déjà que je consentis à poser mon livre. Etouffant un bâillement, j’éteignis la lumière et rendis l’oreiller à Hayden avant de m’enfouir sous les couvertures, les nuits à la campagne étant plutôt fraiches. Je ne mis pas longtemps à m’endormir tant et si bien que je ne m’aperçus pas quand Hayden vint se coucher.

Je me réveillais le lendemain matin avec la désagréable impression d’être observé. A contrecœur, je finis par ouvrir les yeux et éblouis par l’afflux de lumière, je distinguais faiblement le visage d’Hayden qui m’observait. Je poussais un soupir de lassitude et passais ma main sur mon visage dans le but d’achever de me réveiller. Le regard fixe d’Hayden posé sur moi me troublait malgré moi et je ne pus m’empêcher de rougir, un petit sourire de gêne étirant mes lèvres.

- Bonjour, chuchota Hayden en souriant également.

- Bonjour, répondis-je en un murmure.

- Bien dormis ? Demanda-t-il non sans se départir de son sourire.

- Oui, mais pas encore assez, soufflais-je en refermant les yeux et en étouffant un bâillement.

- Allez ! Debout ! S’exclama Hayden en joignant le geste à la parole. Tu peux aller prendre ta douche, je l’ai déjà prise, mais ne traîne pas, aujourd’hui, on va avoir besoin de toi…

Sur ces mots, il quitta la pièce et c’est seulement à ce moment là que je me rendis compte qu’en effet, il était déjà habillé. Paresseusement, je me levais après avoir attrapé des affaires propres, j’allais prendre ma douche.

Vingt minutes plus tard, mon propre record battu, j’étais fin prêt et assis devant mon petit déjeuner, pendant qu’Hayden et Julien préparaient le programme de la journée.

Je ne fis aucun commentaire, mais au son de la voix d’Hayden, je m’aperçus bien vite qu’il ne semblait pas dans son état normal. Il avait l’air fatigué, plus qu’hier…  Cependant, il ne sembla pas y prêter attention ou l’ignora complètement et lorsque j’eus terminé mon petit déjeuner, nous partîmes tous les trois en direction de l’écurie. Là, Julien me montra comment harnacher le cheval de trait que j’avais vu hier, m’expliquant ou placer le collier afin qu’il ne blesse pas l’animal et comment attacher le tout. Au fur et à mesure qu’il m’expliquait, j’enregistrais mentalement ses indications, de façon à m’en souvenir et à être capable de le faire moi-même si l’occasion se présentait. Pendant ce temps, Hayden s’affairait à nourrir  et abreuver les chevaux qui occupaient les autres box.

Alors que j’achevais de boucler la sangle comme Julien m’avait demandé de le faire, il me demanda :

- Tu sais monter à cheval ?

Surpris par cette question des plus déplacées, je répondis :

- Je euh… Oui, bien sûr… Pourquoi cette question ?

- Très bien, répondit-il sans prendre la peine de me répondre. Tu monteras Linoa pendant qu’Hayden et moi nous occuperons de la herse. Cela sera beaucoup plus simple pour nous si nous n’avons pas à guider la jument en plus de tenir la herse.

- Euh… D’ac… D’accord, répondis-je simplement, déboussolé par cette réponse.

Sur ce, néanmoins ravi de monter à cheval même si je n’étais jusqu’à présent jamais monté sur un cheval de labour, je sautais lestement sur le dos de l’animal qui serait ma monture pour les prochaines heures à venir. Puis reportant mon attention sur Hayden qui venait d’entrer dans le box, je le surpris en train de me regarder avec surprise, les mains croisées, comme s’il s’attendait à devoir me faire la courte échelle pour m’aider à monter. Satisfait de moi-même et remerciant mon habileté féline que j’avais acquise tout au long de ma jeunesse, je lui adressais un regard victorieux accompagné d’un petit sourire malicieux.

Hayden répondit à mon sourire et notre petit groupe se mit en marche. Surplombant Hayden et Julien, je passais devant, ouvrant la marche, guidé cependant par Julien qui m’indiquait la direction à prendre. Très vite, nous arrivâmes au champ à travailler et Hayden et Julien s’affairèrent à attacher la herse derrière l’animal. Puis, sur l’ordre de Julien, je mis la jument en marche.

Nous travaillâmes ainsi sous la chaleur étouffante du soleil d’avril pendant près de trois heures, jusqu’à ce que Julien finisse par sonner la fin de la demi-journée.

- Allez, déclara-t-il. On arrête là pour aujourd’hui, il commence à faire vraiment trop chaud. On reprendra demain. Allez, ajouta-t-il à mon attention après un court silence, fait lui se dégourdir les jambes, elle a bien travaillé.

Comprenant le sous entendu, j’adressais à Julien un sourire de remerciement et avant qu’il n’ait le temps de répondre, je lançais la jument au galop à travers le champ. Dans mon dos, je sentais le regard de Julien et Hayden posés sur moi, mais je n’y prêtais pas attention.

Après un petit tour, je fis repasser la jument au pas et lentement, je pris la direction du retour, rattrapant au passage Julien et Hayden qui avaient déjà prit le chemin du retour. Arrivé à leur hauteur, je remarquais immédiatement que quelque chose n’allait pas. Hayden commençait à vaciller dangereusement et avant que je n’aie le temps de l’appeler par son prénom, il s’effondra sur le sol.

Effrayé, je sautais de cheval et me précipitais vers Hayden en criant son prénom. Avec délicatesse, je le prenais par les épaules et le retournais de façon à voir son visage, posant sa tête sur mes genoux pendant que Julien s’emparait de la gourde pour le faire boire.

- Ca va ? Demandais-je sans parvenir à masquer mon inquiétude.

- Je… Mal au ventre, gémit Hayden.

- Au ventre ? Répétais-je surpris avant de comprendre. Tu veux dire à ta blessure ?

Hayden se contenta d’hocher la tête en guise d’affirmation et je lançais un regard désespéré à Julien, ne sachant pas du tout quoi faire, n’ayant encore jamais été confronté à ce genre de situation. Prenant la situation en main, il releva Hayden et l’aida à marcher, tout en me demandant d’aller ramener la jument au plus vite et d’aller chercher les clés de sa voiture. Après m’avoir expliqué où elles se trouvaient, je repartis au galop en direction des écuries et allais chercher les clés dans l’entrée. Une fois fait, je retournais à l’écurie pour enlever l’harnachement de la jument, en attendant de voir Julien arriver.

Moins de dix minutes plus tard, ils étaient enfin de retour et je me précipitais à leur rencontre. Sans attendre, Julien m’arracha pratiquement les clés que je lui tendais et après avoir ouvert la voiture, il aida Hayden à prendre place à l’arrière pendant que je montais devant. A présent, Hayden était brûlant et délirait sous l’effet de la fièvre, marmonnant des paroles incompréhensibles et sans aucun sens.

Sur la route qui menait à l’hôpital, des paroles d’Hayden attirèrent mon attention :

- Pardon maman… Je suis désolé… Je recommencerais pas… Pardonne-moi…

Je fus vraiment surpris par ses paroles, mais je n’en laissais rien paraître. Hayden devait vraiment avoir beaucoup de fièvre s’il commençait à parler ainsi de son passé, lui qui n’aimait pas y faire allusion en temps normal.

Cependant, je n’eu pas le temps d’approfondir mes réflexions car nous arrivâmes sur le parking de l’hôpital. Après avoir aidé Hayden à sortir de la voiture, nous prîmes la direction de l’entrée des urgences où nous fûmes rapidement pris en charge. Alors que le médecin venait chercher Hayden, Julien se tourna vers moi et déclara :

- Va avec lui, je reste le temps de m’occuper des papiers d’administration et je vous rejoins.

Je me contentais d’hocher la tête, un peu dépassé par les évènements. Déboussolé, je me rendis dans la chambre où ils avaient emmené Hayden et alors que je m’apprêtais à entrer, je fus  violemment éconduit par une infirmière des plus hautaines :

- Vous ne pouvez pas rester là, Monsieur. Je vous prie d’aller attendre dans la salle d’attente comme tout le monde.

- Je… Ecoutez, répondis-je avec lassitude. Mon… mon ami vient d’être admis en urgence, je voudrais juste savoir comment il va…

- S’il vient d’être admis alors on s’occupe de lui. Je ne peux rien vous dire d’autre pour le moment. Allez attendre dans la salle prévue à cet effet, le médecin viendra vous chercher.

Agacé d’être traité ainsi, j’allais faire demi-tour lorsque j’entendis Julien m’appeler :

- Gwendal !!

Je me retournais et fis face à Julien qui me demanda :

- Comment va Hayden ?

- Je ne sais pas répondis-je en lançant un regard meurtrier à l’infirmière. Cette personne ne veut rien me dire à son sujet…

- Vous êtes… Commença l’infirmière en pâlissant subitement. Vous êtes Gwendal de Montaudry ?

- Euh… Oui, répondis-je hésitant, ne comprenant pas son soudain changement de comportement.

- Vous pouvez venir avec moi, reprit l’infirmière avec un air étrange que je ne parviens cependant pas à déterminer.

Suivis de Julien qui, lui aussi me regardait bizarrement, j’entrais dans la chambre d’Hayden, dont le médecin à son chevet achevait de perfuser. Avec hésitation je m’approchais lentement d’Hayden et lui prit la main pour lui faire part de ma présence. Cependant, endormis, il ne releva pas ma présence et me tournant vers le médecin, je demandais :

- Comment va-t-il ?

- Vous êtes de la famille ? Demanda le médecin.

- Je… Hésitais-je. Oui, repris-je sous le regard insistant de Julien.

- Bien, il fait de la fièvre due à l’infection d’une plaie mal soignée. Rassurez-vous, il est hors de danger, cependant, j’aimerais le garder cette nuit en observation. Vous pourrez revenir le voir demain et on avisera à ce moment là.

- Merci docteur, répondit Julien visiblement aussi soulagé que moi.

Après un dernier regard à Hayden, Julien et moi allâmes nous restaurer à la cafétéria de l’hôpital et lorsque nous retournâmes voir Hayden vers le milieu de l’après-midi, c’est avec soulagement que nous constatâmes qu’il était enfin réveillé.

- Comment vas-tu ? Demanda Julien en s’approchant de son chevet alors que je restais en arrière. Tu nous à foutu une sacrée trouille tu sais !

- Désolé, s’excusa Hayden en riant faiblement, encore épuisé par son excès de fièvre. Ca va déjà mieux. Merci pour ton aide, murmura-t-il.

Nous restâmes près d’une heure en compagnie d’Hayden, jusqu’à ce que le médecin vienne nous dire qu’il était tant que nous partions, qu’Hayden avait besoin de repos pour retrouver la forme. Après lui avoir dit que nous revenions le voir demain dans la journée, Julien et moi prîmes le chemin du retour. Celui-ci se déroula dans un silence mortuaire.

Lorsque nous arrivâmes, Julien prépara un repas rapide pendant que je dressais la table et alors que nous mangions, cédant à la curiosité, je commençais, non sans hésitation :

- Tu… Enfin… Tout à l’heure Hayden parlait de sa mère… Il disait qu’il s’excusait…

- Hayden n’aime pas parler de son passer, mais la fièvre l’a fait délirer et il ne savait plus ce qu’il disait…

- Pourquoi n’aime-t-il pas parler de son passé ? Demandais-je ma curiosité à présent piquée à vif.

- Ce que je vais te dire dois rester entre nous. Surtout, tu n’en parles jamais à Hayden…

J’hochais la tête en guise d’acquiescement et satisfait, Julien reprit :

- Je sais juste qu’Hayden n’a pas eut une enfance des plus heureuses. Il n’a jamais connu son père et sa mère fréquentait des personnes pas très recommandables… Il à du apprendre à se débrouiller par lui-même très jeune…

- Mais pourquoi s’excusait-il auprès d’elle ? Demandais-je, dans l’incompréhension la plus totale.

- Je ne sais pas, répondit Julien. Tout ce que je sais c’est que sa mère est décédée l’année de ses seize ans… Mais évite de lui en parler si tu ne veux pas t’en faire un ennemi. Hayden déteste vraiment aborder ce sujet… Même lorsque nous étions ensemble, il ne m’a jamais rien dévoilé sur lui. Ce que je sais, je l’ai appris par le biais de conversations et de détails dont il me faisait part sans réellement s’appesantir d’avantage sur la question…

Aussitôt, je me remémorais les paroles d’Hayden. Seize ans, c’était l’année où il avait commencé à vivre sur la route… Cela avait-il finalement un rapport avec la disparition de sa mère ? Taisant mes interrogations, je terminais mon repas en silence non sans songer à tout ce mystère qui planait autour d’Hayden. Lorsque la soirée fut un peu plus annoncée, je pris congé de Julien et allais me coucher. Je ne saurais dire pourquoi, mais le manque de la présence d’Hayden me troublait plus que je ne l’aurais cru. A tout instant, je m’attendais à le voir entrer dans la chambre et venir prendre place à mes côtés, réchauffant les draps et me tenant chaud par sa simple présence à côté de moi. Finalement, sur cette pensée, je finis par m’endormir.

Cet article a été publié le Dimanche 10 mai 2009 à 11:35 et est classé dans Once in a life time. Vous pouvez suivre les commentaires sur cet article en vous abonnant au flux RSS 2.0 des commentaires. Vous pouvez faire un commentaire, ou un trackback depuis votre propre site.

8 commentaires opour le moment

Dadoune
 1 

“qu’il ne me sied guère d’accéder à sa requête…” Ca me fait penser a pirates des caraïbes :D J’adore ce film ^^ Ce qui me fait penser que ca fait longtemps j’ai pas regardé le 2 et le 3 lol

10 mai 2009 à 11:47
mai-lynn
 2 

waaaaa jsuis le premier com et j’ai droit a un merci spécial !!!!! gatée ce soir lol Gwendal il est trroooooooop mignon !!!!!!!!! J’ai beaucoup aimé, et je te promet que je suis indulgente là Shini ^^ Bisous les filles

10 mai 2009 à 11:48
elodiedalton
 3 

oulalalal je suis completement pommé ^^’ pas au niveau de l’histoire pas de souci a se niveau! la ou je suis pommé c’est pour le “décor” ; sur les chapitres précedents on avait l’impression que c’était un temps qu’on aurait pu situer vers la renaissance (ptetre meme un peu avant) et d’un coup on se retrouve avec plein d’élément moderne (frigo , télé , voiture … ) malgré tout il labourre avec un cheval tout sa me perturbe un peu (voir beaucoup) est ce que vous pourriez éclairez ma lanterne?? sur ce bonne continuation bsx

10 mai 2009 à 11:48
Shinigami et Lybertys
 4 

^^ tout d’abord merci pour ton commentaire.
Pour répondre à ta question, la famille de Gwen est très à cheval sur les traditions, et c’est vrai que cela fait penser à un temps correspondant plus à la renaissance, mais en fait cette histoire se passe plus vers la fin du 20ème siècle.
Enfin pour les chevaux de labour, il reviennent de plus en plus à la mode (il y en a de plus en plus) et Julien est quelqu’un de très simple. Il ne veut pas de toutes ces machines…
C’est peut être aussi pour cela que Julien et Hayden s’entendent aussi bien :p.
Excuse-nous en tout cas pour le manque de précision de notre part.
Bisous et merci de ta fidélité ^^
Shinilys

10 mai 2009 à 11:49
lydie
 5 

Trop bien ce chapitre, même si on en apprend pas beaucoup plus et que finalement la relation entre Gwen et Hayden n’avance pas vite, mais la crise de nerf de Gwen est vraiment trop marrante!!!! :D

10 mai 2009 à 11:49
Dadoune
 6 

Je suis précé de lire la suite :-)

10 mai 2009 à 11:49
Ayase
 7 

J’espère qu’on aura la suite bientôt. J’aime particulièrement cette fic’.Vous avez un talent qui ne cesse de m’impressionner. Vos fics sont de loin les meilleures que j’eusse lu (putin silent scream roxx lol). Beau travail et vivement la suite .
AyaSe’.

3 avril 2010 à 3:02
fanny
 8 

coucou je vient de decouvrir cette histoire et jadore mais jai vu que le dernier chapitre remonter en 2009 et jaurais voulu savoir si vous allier la continuer merci davance je vous laisse mon mail crty amandine @ hotmail. fr ( il faut enlever les espaces )

24 mars 2011 à 10:39

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