Archive du 6 décembre 2012

6
déc

Silent scream - chapitre 13

   Ecrit par : admin   in Silent scream

Chapitre 13 par Shinigami

 

Inde, 2 décembre 1800

 

Le trajet pour arriver jusqu’à Calcutta fut le plus long de toute mon existence. Ayant essuyé une violente tempête en mer qui nous avait détourné de notre cap premier, nous perdîmes un temps fou avant d’arriver à bon port, épuisé par le manque de nourriture. Tuer quelques marins aurait été malvenus et nous nous serions vite fait prendre. C’est pratiquement affamé que nous mîmes finalement pieds à terre, à la tombée de la nuit suivante. Cependant, si le voyage avait été plus long que prévu, nous avions tout de même trouvé à nous occuper de façon la plus agréable qui soit. Alakhiel était décidément un amant hors paire lorsqu’il se décidait à abandonner toute sa pudeur typiquement humaine.

J’avais également entrepris de commencer l’entraînement de ma créature. Et malgré tout le mal qu’il se donnait, il ne parvenait pas à satisfaire mes exigences. C’était simple, soit il y arrivait, soit il mourait…

A la nuit tombée, nous nous séparâmes. Chacun de notre côté, nous avions besoin de souffler un peu et prendre l’air. Plusieurs disputes des plus violentes ayant déjà éclatées entre nous au fils des semaines passées en mer, je ressentais le besoin vital de m’éloigner de lui ne serait-ce que le temps d’une nuit de chasse. Cependant, nous convenîmes de nous retrouver quelques heures avant l’aube. Ayant déjà erré dans les rues sombres et insalubres de Calcutta avant mon escale à Bénarès, je me rendis directement dans les bas quartiers de la ville, où les dockers allaient se perdre l’instant d’une nuit dans les bordels de la ville afin de se noyer dans l’alcool et une nuit de luxure bien méritée.

Guidé par les cris d’ivrognes et les rires des prostituées, le tout mélangé aux relans de vin et de bière, j’arrivais j’arrivais rapidement à l’endroit souhaité. Très vite, je me fis aborder par une première catin et rebuté par l’odeur qui émanait d’elle, celle-ci sortant juste d’un instant de débauche, je lui adressais un sourire tout en déclinant son invitation. Plus j’avançais dans la rue et plus le nombre de femmes qui tentèrent leur chance avec moi augmentait. Finalement, quelques centaines de pas plus loins, je trouvais la fille idéale. Dans la fleur de l’âge, des longs cheveux d’un blond cendré remontés en un chignon négligé, deux mèches encadrant son viage au maquillage outrancier, et un visage agréable à regarder, elle était tout à fait le genre de victime qui me plaisait. Le sang d’une vierge aurait été bien plus doux et suave que celui de cette jeune prostituée, mais après de longues semaines de famines, je n’allais pas faire le difficile. Avec un peu de chance, peut être arriverais-je à trouver une pucelle où un jeune jouvenceau égaré à travers les dédalles des rues surpeuplées.

A ma vue, la jeune fille m’adressa un sourire enjoleur et prenant une pause aguicheuse qui m’offrait une vue de premier ordre sur sa poitrine plantureuse, elle demanda d’une voix caline :

- Tu cherches quelque chose, mon joli ?

- Et je crois bien que je viens de le trouver, répondis-je, charmeur, flirtant ouvertement avec elle.

- En voilà un qui sait ce qu’il veut, minauda-t-elle en se collant contre-moi, sa main venant tâter éhonteusement mon entrejambe. Dis-moi mon joli, qu’est-ce qui te ferait plaisir ?

- Que me proposes-tu ? Demandais-je, d’une voix rauque.

- Pour toi mon mignon, je peux faire une exception, souffla-t-elle, ses mains s’infiltrant dans mon pantalon pour malaxer mon sexe qui commençait à gonffler sous la chaleur de ses doigts.

- Ton prix sera le mien ! Déclarais-je en fondant sur ses lèvres, m’en emparant violemment. Mais pas ici… Allons un peu plus loin… Repris-je, une fois le baiser rompu.

- Serais-tu timide mon joli ? Mais soit, ajouta-t-elle en m’attirant à sa suite, me gardant possessivement collé contre elle.

Plongeant mon visage dans son cou, je léchais sa peau à l’odeur alléchante, alors que les battements de son coeur et les pulsions de sa jugulaire sous ma langue me rendaient fou. Finalement nous arrivâmes à l’angle d’une ruelle sombre et puant l’urine et interprétant mal l’impatience qui me gagnait, la catin gloussait en se tortillant contre moi.

- Tu es bien pressé mon joli, gloussa-t-elle. Aurais-tu faim ?

Reportant mon attention sur son visage, les canines sorties et les yeux luisant d’une lueur de désir, je déclarais :

- Je suis affamé…

Et avant qu’elle n’ait le temps de prononcer le moindre son, je me jetais à sa gorge, et plantant violemment mes canines dans la peau gracile de son cou, j’aspirais son sang par longues rasades salutaires, jusqu’à la dernière goutte. Puis, je laissais tomber son cadavre, reboutonnais mon pantalon, mon excitation assouvie par le sang, et enjambant le corps inanimé, je retournais dans la rue principale à la recherche d’une nouvelle proie, ma faim étant loin d’être assouvie. Je venais de goûter à mes premiers litres de sang frais depuis des mois, et je n’étais pas prêt de m’arrêter de si tôt.

Toute la nuit durant, je me nourris ainsi, attirant mes victimes jusqu’à moi avant de les vider de leur sang. Je croisais ainsi la route de deux femmes d’âge mûr, d’un jouvenceau qui attendait son maître venu trouver quelques réconforts entre les bras d’une fille de joie et la chance sembla me sourire, car au petit matin, une jeune vierge eut le malheur de croiser ma route. C’est avec un plaisir extrême que je m’abreuvais de son sang, m’enivrant de son goût suave et terriblement addictif. Une fois que l’on goûtait le sang d’une vierge, on pouvait définitivement ne plus s’en passer…

A l’heure convenue, j’arrivais à notre lieu de rendez-vous, celui-ci se trouvant un peu à l’écart de la ville. Je tiquais en voyant que Juha était visiblement en retard et, prenant sur moi, je patientais et lui donnais encore une heure pour arriver, sans quoi, il le regretterait amèrement. Durant cette heure qui me parut interminable, je ne pus m’empêcher de me ronger les sangs pour mon amant, craignant qu’il lui soit arrivé quelque chose. Puis, voyant qu’il n’arrivait toujours pas, l’inquiétude fit place à une fureur sans nom. Alors que les premiers rayons de soleil pointaient à l’horizon, j’allais trouver refuge dans l’abris qui nous cacherait des rayons mortels de l’astre solaire.

Durant toute la journée, incapable de trouver le sommeil, je fis les cent pas dans la caverne qui me servait d’abris, maudissant le soleil et ruminant ma fureur contre ma stupide créature. Le fait que cet imbécile ait coupé tout lien avec moi ne faisait qu’attiser ma rage. Il avait intérêt à avoir une bonne excuse…

Lorsqu’enfin le dernier rayon de soleil disparut à l’horizon, je bondis hors de ma tanière dans l’espoir de trouver une victime sur qui passer mes nerfs. Courant dans la forêt qui, déjà s’assombrissait, je tentais d’évaculer le trop plein de colère qui menaçait d’exploser à tout moment. Dans les minutes qui suivirent, j’arrivais au niveau des première bidonvilles qui ornaient la périphérie de la ville. Rallentissant ma course, je me faufilais entre les maisons délabrées, jouant avec les ombres pour dissimuler ma présence. Ce n’est que lorsque je fus dans les rues bondées du quartier commerçant que je me laissais aller à me montrer, les gens étant trop préoccupés pour faire attention à moi.

Pendant plusieurs heures qui me parurent interminables, j’arpentais les rues de la ville, laissant quelques cadavres derrière moi au gré de mes rencontres. J’avais bien évidement tenté de me lier avec Alakhiel, mais celui-ci restait totalement introuvable. D’humeur excécrable, je ne cherchais même pas à m’amuser au dépit de mes victimes, les tuants rapidement avec plus d’efficacité que n’importe quelle créature.

J’en étais à ma quatrième victime de la soirée lorsqu’enfin je perçu de nouveau la présence d’Alakhiel dans mon esprit. Relachant brusquement le presque cadavre que j’avais entre les bras, j’abandonnais aussitôt ma victime agonisante, la laissant se vider de son sang. De toute façon, elle n’en avait plus que pour quelques minutes à vivre. En moins de temps qu’il n’en faut pour le dire, j’étais arrivé à l’endroit où Alakhiel m’attendait, ivre de colère. D’un coup d’oeil rapide, j’avisais son état avant de le prendre à la gorge l’instant d’après pour le plaquer violemment contre le mur. Aveuglé par ma rage, je serrais sa gorge à lui en briser le cou. Si j’avais pu, je lui aurais arraché la tête à mains nues afin d’apaiser ma fureur…

- Dans mon infinie clémence, je te laisse deux minutes pour m’expliquer ce que tu as fait ! Déclarais-je d’une voix glaciale.

Sur ces mots, je le libérais de ma poigne de fer et il s’effondra sur le sol.

- Dépèche-toi Alakhiel ! Cinglais-je, usant de toute ma patience pour ne pas l’étriper, sans pour autant chercher à dissimuler ma colère. Et ton excuse a intérêt à être bonne, sinon, tu vas regretter de ne pas être mort la nuit dernière…

- Je… Je me suis… Je me suis perdu… Et… Et il était trop tard pour venir jusqu’ici… Déclara-t-il précipitament en baissant les yeux.

Je n’avais jamais entendu excuses plus pathétiques. En plus d’être un vampire désatreux,  il était un menteur pitoyable.

- Bien essayé, déclarais-je, lui montrant ainsi que je ne croyais pas une seconde à ce qu’il tentait de me faire avaler, mais ça n’explique pas pourquoi tu s coupé le contact ! Je te laisse une dernière chnce !

Relevant la tête, Alakhiel me défia du regard et s’exclama avec insolence :

- Ce ne sont pas tes affaires !

Fou de rage de m’être fait prendre pour un con et ne supportant pas l’air arrogant avec lequel il osait me dévisager, je le gifflais violemment. Le frapper eut un effet bénéfique sur moi car instantanément, je me sentis libéré d’un poids. Cependant, cela n’avait fait qu’atténuer légèrement ma colère :

- Ne refais jamais cela Alakhiel ! Je laisse passer pour cette fois dans mon infinie clémence, mais ce ne sera pas la même chose pour la prochaine fois… Le menaçais-je.

Sans un mot de plus, je tournais les talons, le laissant derrière moi sans lui adressser un seul regard. Cependant, sentant qu’il ne me suivais pas, je grondais sans même me retourner :

- Dépêche-toi ! Nous devons quitter cette ville. Dorénavant, tu ne me quittes plus d’une semelle sans mon accord, que ça te plaise ou non !

Puis, sans attendre de réponse, je me remis en marche. J’attendais un moment avant de me retourner et lorsque je le fis, je fus surpris de voir qu’Alakhiel me suivait docilement. Je m’étais attendu à un peu plus de résistance de sa part, mais le voir aussi docile calma un peu ma colère.

Plusieurs semaines passèrent ainsi, mêlant entraînement et chasse. A aucun moment je ne permettais à Alakhiel de s’éloigner de moi. Je le surveillais constament, n’ayant toujours pas digéré le lapin qu’il m’avait posé. Tous les deux jours, nous changions de ville, fuyant sans cesse les hypothétiques assassins que le conseil avait certainement envoyé à nos trousses. Alakhiel avait reprit sa manie à ne se nourir que du strict minimum. Cependant, exaspéré par ses psychoses, je le laissais faire, n’y prettant même plus attention. Après tout, il était suffisament grand pour se débrouiller et le materner sans cesse commençait à me peser. J’avais vraiment l’impression de m’occuper d’un nouveau-né.

Pour nous protéger des rayons de soleil de cette nouvelle journée, j’avais trouvé une vieille cave aménagée, qui avait du servir de refuges à d’autres vampires.

Ne laissant aucun répit à Alakhiel, je le forçais à reprendre son entrainement. Il faisait des progrès, mais étant encore très loin du but à atteindre. Et si le conseil devait nous tomber dessus, autant qu’il serve à quelque chose et qu’il puisse au moins se défendre seul. Fatigué de devoir sans cesse répéter la même chose, je me faisais plaisir à lui lancer quelques répliques cinglantes qui, je le voyais bien, avaient le don de l’agacer. Nous nous battions depuis trois petites heures et déjà Alakhiel transpirait comme un boeuf. D’un geste si rapide qu’il ne le vit pas venir, j’envoyais Alakhiel au sol pour la énième fois.

- Est-ce qu’on peut faire une pause ? Demanda-t-il, haletant en se redressant difficilement.

- Espèce de femmelette ! M’exclamais-je, énervé par cette simple demande. Tu crois vraiment que tes ennemis vont s’arrêter de vouloir te tuer juste parce que tu veux faire une pause ? Tu es déjà épuisé alors que je retiens mes coups pour ne pas te faire mal ! Tu es d’un pathé…

Avant que je n’ai le temps de finir ma phrase, Alakhiel fondit sur moi et m’envoya rencontrer le mur de l’autre côté de la salle. Le souffle coupé par la violence de l’impact, je m’effondrais sur le sol. Alakhiel était déjà au dessus de moi, ses deux mains enserrant ma gorge. Esquissant un mouvement pour me soustraire à son emprise, j’eu la satisfaction de voir Alakhiel resserrer sa poigne autour de ma gorge, m’empêchant tout mouvement.

Le sentant sur le point de craquer et me rendre ma liberté, un sourire vainqueur vint étirer le coin de ma lèvre. Satisfait de le voir aussi hésitant. Soudain, avant que je n’ai le temps de comprendre ce qui se passait, je vis Alakhiel se pencher vers moi usant de toute la sensualité dont il était capable. Dans ma poitrine, je sentis mon coeur s’emballer à cette vision. L’instant suivant, Alakhiel effleurait mes lèvres, tandis que son souffle saccadé venait caresser ma peau, m’arrachant un violent frisson de désir. Totalement conscient de l’effet qu’il me faisait, il m’ignora cependant et murmura à mon oreille :

- Et si nous passions à quelque chose pour laquelle nous sommes tous les deux doués…

A ces mots, je retins à grand peine un gémissement de désir, alors qu’il s’écartait légèrement de moi, laissant son visage à quelques centimètres du mien. Pour toute réponse, j’agrippais sa nuque et l’attirais brusquement à moi afin de lui voler un baiser. Glissant ma langue entre ses lèvres entrouvertes, j’approfondis le baiser avec ardeur, l’embrassant comme si ma vie en dépendait. Je le désirais d’une telle force que cela m’effrayait…

Tandis que nos langues se mêlaient avec passion, je glissais ma main sous sa chemise, caressant son dos, mes ongles se plantant dans sa chair, sous l’effet de l’impatience et du désir qui me vrillait les reins. Cela ne sembla pas le déranger et rompant notre échange, il mordilla ma lèvre inférieure, me faisant gémir de frustration.

Galvanisé par le plaisir qu’il faisait naître en moi, je me laissais aller à me déhancher sous lui sans la moindre once de pudeur, lui faisant ainsi part de mon désir et cherchant à attiser le sien. Libérant mes lèvres, s’attirant un gémissement de frustration de ma part, Alakhiel entreprit de déboutonner sa chemise alors que mes doigts partouraient fébrilement sa colonne vertébrale, zone que je savais d’expérience, sensible chez lui. Brûlant de sentir sa peau tout contre la mienne, j’arrachais à mon tour ma chemise avec un empressement certain, me retrouvant ainsi torse-nu et complêtement offert à son regard incandescent.

Les yeux rivés sur le torse puissant de mon amant, je laissais alors mes doigts retracer délicatement la cicatrice récente qui zébrait sa peau si parfaite de son torse jusqu’à son ventre. Et c’est avec une satisfaction évidente que je le sentis frissonner violemment sous mes attouchements. Fier de l’effet que je lui faisais, je m’emparais de ses lèvres avec une ardeur non feinte, privé de son goût depuis trop longtemps. Je voulais me noyer sous ses baisers, assouvrir ce désir de lui que je ressentais et m’enivrer de son odeur jusqu’à saturation. Je voulais être le centre de son monde, que plus rien n’existe pour lui apart moi…

Le contact de nos deux corps brûlant de désir nous arracha à tous deux un concert de gémissements. Nos intimités comprimées réclamaient plus. A chaque déhanchement, mon sexe se faisait plus douloureux, réclamant une attention toute particulière et bien plus pressante.

Finalement, ce fut Alakhiel qui rendit les armes le premier. Relachant mes lèvres rougies par nos baisers, il glissa dans mon cou, entament lentement mais sûrement sa descente vers le sud. Du bout de la langue, il lécha mon cou, m’arrachant un violent frisson de plaisir alors que tout mon corps s’arquait pour aller à sa rencontre. Cependant, il ne s’arrêta et continua sa course, ses lèvres explorant chaque parcelle de ma peau, s’attardant l’espace d’un instant sur la trace de cicatrice qui zébrait mon torse.

Bien trop tôt et à la fois bien trop lentement, il arriva enfin à mon pantalon et je ne pus réprimer un gémissement d’anticipation. L’instant suivant, je me retrouvais nu, entièrement exposé à son regard dans lequel brûlait une flamme de désir à l’état pur. Lorsque mon sexe se dressa librement, enfin libéré de sa prison de toile, je soupirais de soulagement. Tout sourire, volontairement provoquant, Alakhiel effleura plusieurs fois mon intimité, me faisant grogner de plaisir et de frustration mêlé. Il prenait un malin plaisir à me faire languir, ayant acquis énormément d’expérience dans le domaine du sexe et du plaisir.

L’instant suivant, mettant momentanément un terme à mon supplice, il s’empara de mon érection avec plus de vigeur et je me cambrais violemment sous l’effet du plaisir intense qui parcourait mon corps, un feu ardent coulant dans mes veines.

Bientôt, pour ma plus grande satisfaction, sa bouche vint rejoindre ses mains et sa langue s’enroula autour de mon érection, m’arrachant un cri de plaisir dans lequel je laissais s’échapper son nom. Cela sembla faire son effet car aussitôt, Alakhiel gagna en vigeur, s’activant avec savoir faire sur mon intimité douloureusement gonflée. Noyé dans le plaisir que me proccurait mon amant, je n’avais plus conscience de rien si ce n’est de sa bouce qui faisait des merveilles, me proccurant mille sensations de pur plaisir.

Je sentis vaguement Alakhiel glisser sa main libre sous mes fesses, les massant tendrement. Les yeux fermés sous l’effet du plaisir, tentant de me retenir au mieux, je ne pris conscience des intentions d’Alakhiel que lorsque je sentis ses doigts effleurer doucement mon orifice. Soudain, j’émis un grognement sourd de mise en garde, l’avertissant de ne pas aller plus loin, ignorant cette petite voix au fond de moi qui m’incitait à le laisser poursuivre son initiative. Si mon corps réclamait davantage, ma conscience elle, ne pouvait l’accepter. Jamais plus je ne me laisserai dominer comme Darius l’avait fait avec moi…

Semblant comprendre l’avertissement, Alakhiel retira ses doigts en même temps qu’il cessait ses mouvements de succion sur mon sexe tendu à l’extrême, me laissant dans un état de frustration la plus totale. Alors que sa bouche reprenait entièrement mon sexe en une caresse atrocement délicieuse, il inséra entièrement et sans préliminaires un doigt en moi.

Ecarquillant les yeux sous l’effet de la surprise et de la douleur combinées, tous les souvenirs que je tentais d’oublier me revenant subitement en mémoire, je me tendis sous l’intrusion. L’instant suivant, je repoussais si vivement mon amant qu’il fut projeter à quelques mètres de là où je me trouvais, encore sous le choc. Avant qu’Alakhiel n’ait le temps de retrouver ses esprits, dans un état second que je n’avais plus connu depuis le temps de Darius, je fondis sur lui et lui arrachait presque son pantalon. D’une poigne de fer, je le maintenais plaqué contre le sol, l’empêchant de bouger. Prit de panique, il gémit lamentablement :

- Ezekiel, qu’est-ce que… Qu’est-ce que tu fais… Non arrête ! S’il te plait !

Sourd à ses protestations, aveuglé par ma peur, je plantais violemment mes cros dans la peau diaphane de son cou et le pénétrais sans la moindre douceur, toute once d’humanité m’ayant désertée. Aveuglé par mes sentiments, je n’avais pas conscience de mes actes, ni de la douleur que semblait visiblement ressentir Alakhiel. Inconscient, je le pénétrais avec ardeur, sans la moindre trace de tendresse et de douceur, gémissant de plaisir que j’étais, sans le savoir, le seul à ressentir.

L’instant suivant, j’atteignais l’orgasme et me libérait dans l’intimité chaude et humide de mon amant en criant son prénom. Puis, je me retirais et m’étendais à ses côtés afin de reprendre mon souffle, l’esprit pas tout à fait clair. Tendant le bras, j’esquissais un mouvement pour attirer Alakhiel contre-moi, et tentais de l’embrasser. Cependant, Alakhiel ne m’en laissa pas le temps et me repoussa avec une violence que je ne lui connaissais pas. D’un bon, il fut à l’autre bout de la pièce, dans un coin, me fixant avec une haine non dissimulée qui me bouleversa. A l’affu, il guettait le moindre de mes gestes, comme s’il avait peur de moi.

Le comportement d’Alakhiel m’intrigua et ce ne fut qu’à cet instant que le voile qui obscurait ma conscience se dissipa. Subitement, tout me revint en mémoire, le geste déplacé d’Alakhiel et le viol que je venais de lui faire subir. Aussitôt, je fus pris de violentes nausées et réprimais tant bien que mal une pressante envie de vomir. Je me dégoûtais… Je venais de faire subir à mon amant la même chose pour laquelle j’avais tué Darius… Comment avais-je pu ne pas me rendre compte de ce que j’étais en train de faire ? Comment ais-je pu seulement reproduire cette scène qui hantait si souvent mes cauchemars sur l’homme que j’aimais ? Je me sentais si sale et terriblement honteux… Alakhiel parviendrait-il à me pardonner un jour ce que je venais, malgré moi, de lui faire subir ? J’en doutais fortement… Moi-même, j’avais tué mon créateur pour cela, et voilà que je commettais le même crime… Je me dégoûtais…

Lentement, je me redressais et avançais prudement vers Alakhiel, m’arrêtant aussitôt lorsque je le vis se coller plus qu’il n’était possible contre le mur :

- Alakhiel, soufflais-je, d’une voix emplie de honte et de remords

- Ne t’approche pas ! Siffla-t-il d’une voix glaciale.

J’aurai pu passer outre cette interdiction, cependant, je n’en fis rien. Je restais immobile sans savoir que dire ni que faire. Après un temps qui me parut interminable, je déclarais alors, la seule chose qui me venait à l’esprit :

- Je… Je suis désolé, Alakhiel.

Alakhiel ne répondit rien, mais son regard parlait pour lui. Je compris alors que rien de ce que je pouvais dire ou faire le ferait me pardonner. Et cela, je ne pouvais m’en prendre qu’à moi-même. J’étais l’unique responsable de ce qui était en train de se passer. Certes, j’avais prévenu Alakhiel de ne pas aller plus loin, sachant pertinament que je ne pourrais contrôler mes réactions, mais cela n’excusait pas tout… Que lui avait-il prit ? Pourquoi était-il passé outre mes mises en garde ? Je ne comprenais pas. Se pouvait-il qu’il me désire de cette manière ?

Je n’aurais su dire combien de temps je restais ainsi à l’observer, guettant une faille dans ses défenses qui me permettrait de l’approcher. Finalement, au bout de quelques temps, je dus me rendre à l’évidence. Il ne me laisserait plus l’approcher. A contrecoeur, je ramassais mes affaires et me détournais de lui, m’installant sur le lit de fortune que nous avions préparé quelques heures plus tôt. Cependant, je ne pris pas toute la place, m’installant sur le bord, l’invitant ainsi à venir me rejoindre s’il le souhaitait, bien qu’au fond de moi, je savais pertinament qu’il ne le ferait pas.

J’entendis Alakhiel esquisser un rire nerveux face à mon comportement. Je me tournais alors vers lui, de façon à l’observer. Nos regards se croisèrent et ne se quittèrent plus. Je tentais alors de lire en lui et c’est non sans surprise que je sentis Alakhiel n’opposer aucune résistance. Sondant ses sentiments, je prenais alors conscience de l’ampleur de son traumatisme. Désormais, je n’avais plus la moindre chance, aussi infime soit-elle, de me faire aimer de lui… Durant les siècles qui me restaient à vivre, je serais condamné à vivre un amour à sens unique et tout cela, c’était entièrement ma faute. Cette constatation me donnait presque envie de pleurer. Depuis quand étais-je devenu aussi pathétique ?

Soudain, je sentis Alakhiel me rejeter de son esprit avec une telle haine que cela me fit sursauter. Son regard ancré sur moi ne me lachait plus et pour la première fois de ma vie, après Darius, ce fut moi qui détourna les yeux. L’amour que je vouais à Alakhiel m’avait-il rendu si faible que je ne pouvait plus, désormais, surpporter ses regards accusateurs ?

Finalement, au bout d’un moment, ne supportant plus toute la haine et le mépris que m’adressais Alakhiel, je finis par le détourner de lui, à contrecoeur. Toute la journée durant, je ne parvins pas à trouver le sommeil, sentant dans mon dos le regard accusateur et assassin de ma créature. Lorsque la nuit arriva enfin, je l’entendis se relever prestement et s’habiller rapidement avant de m’abandonner, sans un regard en arrière.

Durant les jours qui suivirent je perdis toute notion du temps. Je n’avais aucune idée de l’endroit où avait pu se rendre Alakhiel. Etait-il toujours en ville ? Etait-il partit ? Tout ce que je souhaitais c’était qu’il continue de faire attention au conseil et à ses assassins. Il n’était pas de taille à lutter contre eux, mais il pourrait au moins se défendre un minimum. Depuis le départ de ma créature, jamais je ne m’étais sentis aussi seul… Moi qui me targuais d’être un solitaire et de n’avoir besoin de rien ni de personne, je me retrouvais à me languir de la présence de mon amant. Sans lui, la vie me paraissait fade et sans importance. Même le plaisir de chasser n’était plus là, et chaque soir, je devais me faire violence pour sortir me nourir un minimum, alors qu’au fond de moi, et pour la première fois depuis bien longtemps, je ne souhaitais qu’une seule chose, que la mort vienne me délivrer du mal être qui était le mien depuis le départ de ma créature.

Le bruit et les odeurs de la ville qui, quelques jours auparavant éveillaient encore en moi des émotions toutes plus diversifiées les unes que les autres, à présent n’avaient plus aucun atrait. Je ne voyais plus l’utilité de continuer à déambuler sans but comme une âme en peine. La fois précédente, j’avais eu Indra pour m’aider à remonter la pente, pour retrouver cette part d’humanité que j’avais délibérément enfoui au plus profond de moi-même. Mais maintenant que je n’étais plus cette bête sanguinaire que j’avais été, maintenant que des sentiments que je n’avais encore jamais connu étreignaient mon coeur, des sentiments qui me terrifiaient, qu’allais-je devenir ? Qui serait là pour m’aider à apprendre cet inconnu qui s’offrait à moi ? J’avais compté sur l’humanité d’Alakhiel pour m’aider à comprendre, mais à présent qu’il était partit, qui serait là pour moi ?

Alakhiel avait rompu la connexion mentale qui nous liait, le rendant ainsi totalement impossible à localiser. Et même si je savais où il se trouvait, il n’était pas certain que j’eu fais le premier pas pour aller le retrouver. J’étais peu être en tord, mais ramper à ses pieds comme un misérable pouilleux n’était pas dans mes habitudes et ce n’est pas demain la veille que je commençerais. J’étais peu être l’être le plus lamentable et le plus pathétique qu’avait jamais connu cette terre, mais il me restait tout de même quelque chose que beaucoup d’hommes et de femmes oubliaient à un moment ou un autre de leur vie, la dignité. Moi, malgré toutes les épreuves que la vie m’avait fait endurer, je pouvais me vanter d’avoir toujours gardé en moi cette étincelle que même Darius n’avait jamais réussit à éteindre. Certes il l’avait affaibli, mais jamais elle n’avait disparut.

Je ne sais ce qui m’incita ce soir là à parcourir les rues du quartier malfamé de la ville, là où les bordels florissaient et où la racaille se mélangeaient aux gentilshommes pour une nuit de débauche. Les rues grouillaient de prostituées, de toute race et de tout âge, allant de la vieille catin vulgaire imunisée à tout ce qu’elle pouvoir voir et entendre, à la jeune paysanne perdue qui débarquait dans un monde qui bientôt, n’aurait plus aucun secret pour elle, celui du sexe contre de l’argent.

Sans savoir ce qui me poussait à entrer, je pénétrais dans le hall luxurieux d’un bordel visiblement réputé. Inexpliquablement, quelque chose semblait m’attirer en ce lieu. Peut-être était-ce l’odeur du sang que m’emplissait les narines, où bien était-ce autre chose. Quoi qu’il en soit, le résultat fut le même. Au premier étage, je me dirigeais au fond du couloir, jusqu’à une pièce d’où provenait une musique qui aurait fait frémir d’horreur un saint homme et d’où l’odeur du sang semblait provenir.

Lentement, le coeur battant à tout rompre, anxieux à l’idée du spectacle qui allait s’offrir à moi, je poussais lentement la porte. Rien n’aurait pu me préparer à la vision d’horreur qui s’offrit alors à moi. Alors que mon regard parcourait la chambre, mon coeur s’emballa violemment dans ma poitrine lorsque je vis Alakhiel, étendu nu et offert sur un lit de luxe, savourant les caresses buccales d’un jeune éphèbe qui allait et venait avec un enthousiasme certain sur son sexe, tandis qu’un homme et une femme semblaient se battre pour recevoir ses faveurs. Dans un coin, un peu en retrait, une femme dont le visage me parut vaguement familier, se déshabillait lascivement au son de la musique qui m’avait intrigué un peu plus tôt.

L’espace d’un instant, je restais pétrifié d’horreur face à ce spectacle que m’offrait Alakhiel. Puis, rapidement, l’épouvante disparut de mon coeur pour laisser place à une fureur que je n’avais encore jamais ressentis. Mes poings se crispèrent d’une telle force que mes ongles que j’avais longs se plantèrent dans ma paume, perçant ma chair jusqu’au sang. Cependant, je ne ressentais pas la douleur. Embrasé par la rage, le regard fou, je me précipitais en un éclair sur chacune des personnes présentes dans la pièce et les égorgeaient avec violence. Je voulais voir leur sang se répandre sur le sol. Attrapant l’européenne à la gorge, les yeux injectés de sang, je me tournais alors vers ma créature et plongeant mon regard dans le sien empli d’horreur, je lui arrachais la tête avant de laisser son cadavre retomber lourdement sur le sol en un bruit sourd.

A présent, moins d’une minute après mon apparition dans la pièce, il ne restait que lui et moi.

- Rhabille-toi ! Déclarais-je sur un ton qui contenait mal toute la fureur qui m’habitait, en lui lançant ses vêtements.

Heureusement pour lui, Alakhiel ne tenta pas de protester à mon ordre. Dans l’état dans lequel je me trouvais, qui sait ce qui aurait bien pu lui arriver ? Sans doute l’aurais-je achevé comme je venais de le faire avec les quatre personnes dont les cadavres refroidissaient déjà sur le sol. C’est avec satisfaction que le je vis s’exécuter sans prononcer le moindre mot. Comprenait-il ce qu’il risquait à me contredire ?

- Suis-moi ! Claquais-je avec fureur, ne parvenant pas à décolérer, une fois qu’il fut habillé.

Heureusement pour nous, les catins et les ivrognes ne firent pas attention à nous, si bien que nous pûmes nous éclipser discrêtement sans être vus. Cependant, nous n’avions plus le choix, il nous fallait partir, quitter la ville à l’instant même. Un carnage comme celui que je venais de faire allait faire du bruit et les rumeurs arriveraient bien trop tôt aux oreilles du conseil. Peut-être leurs espions étaient-ils déjà embusqués dans les allées. Me fiant à mon odorat et mon instinct, je tentais de capter la présence de vampires dans les environs, et c’est avec un soulagement certain que j’appris que j’étais seul avec Alakhiel.

Je marchais devant, ouvrant la marche d’un pas rapide, tous les sens en alertes. Cependant, ma fureur était toujours là, la scène à laquelle je venais d’assister ne cessait de me hanter. Parviendrais-je un jour à l’oublier ? Cependant, cela amenait indubitablement une autre question. Depuis combien de temps Alakhiel agissait-il ainsi ? En avait-il été ainsi dès les premiers jours ? A cette simple pensée, à l’idées que d’autres personnes que moi aient pu jouir de la perfection de son corps, je sentis une haine incommensurable s’emparer de moi. Je voudrais pouvoir tous les tuer pour avoir ne serait-ce qu’oser poser les yeux sur lui…

Alors que j’empruntais une ruelle sombre, Alakhiel toujour sur mes talons, il s’exclama subitement sur un ton de défi qui m’hérissa les cheveux sur la nuque :

- Qu’est-ce qui t’as pris ! Je ne suis pas un gamin ! Je ne t’ai rien demandé ! J’ai le droit de mener ma vie comme je l’entends. Et toi ? Tu as peur d’être seul ?

Puis, sans attendre de réponse de ma part, il tourna les talons et prit la direction opposée. Qu’avait-il cru cet imbécile ? Qu’il pouvait me tenir tête et me tourner le dos sans en subir les conséquences ? Pauvre fou ! J’allais lui faire payer le prix fort pour cette leçon qu’il n’oublierait pas d’aussitôt. On ne se moquait pas de moi impudément ! Qu’il se le mette en tête ! Dans un geste si rapide qu’Alakhiel n’eut pas le temps de le voir arriver, je le projettais avec une violence qui aurait tué un humain sur le coup, contre le mur le plus proche. Sous la violence de l’impacte, Alakhiel s’effondra sur le sol. Je l’attrapais alors par les cheveux et le forçait à se redresser alors que mon poing qui me démangeait depuis tout à l’heure, rencontrait enfin sa joue.

Encaissant le coup, Alakhiel me tint tête. Se redressant aussitôt il m’attaqua sans réfléchir. Aveuglé par sa colère, il bondit sur moi. Si je n’étais pas autant énervé, j’aurais ris de sa pathétique tentative d’attaque. Vraiment, c’était pitoresque ! Il eut à peine le temps de me griffer la joue, m’effleurant du bout des ongles que je l’envoyais de nouveau rencontrer le mur, sa tête le heurtant brutalement. A moitié inconscient, il s’effondra sur le sol. En un bond empli d’une grace féline, je me tenais au dessus de lui. Là, laissant libre court à ma fureur, aveuglé par ma rage, je le griffais, criant ma colère, le rouant de coups. J’étais devenu une véritable furie. Les images de la scène dont j’avais été témoin un peu plus tôt ne faisaient qu’attiser ce sentiment de démence.

Puis, mon instinct prenant le dessus, il me fallait le marquer. Il me fallait le faire mien. Il était à moi et à personne d’autre. Les cros étincellant sous la lumière de la lune, je fondis sur son cou offert. Sans la moindre douceur, je plantais mes cros dans la chair tendre et délicate de son cou, lui déchirant la gorge. Aussitôt, son sang vint inonder ma bouche, attisant ma soif. A grande gorgées, j’aspirais son sang sans le moindre égard pour lui. Le liquide carmin s’échappait de mes lèvres, coulant dans mon cou et sur nos vêtements, mais je n’en avais cure. Tout ce qui m’importais, c’était la douceur suave de son sang. Enivré par son onctuosité, j’aspirais toujours plus fort, vidant ma créature de son fluide vital. Je ne repris conscience que lorsque je sentis son coeur ralentir de façon dangeureuse. Si je n’arrêtais pas tout de suite, j’allais le tuer… Ma soif de sang était loin d’être assouvie et mon instinct de prédateur me hurlait d’achever ma proie, de la vider de son sang jusqu’à la dernière goutte, mais de l’autre côté, mon coeur souffrait déjà à l’idée de perdre Alakhiel pour toujours. Sans que je ne m’en rende compte, il m’avait enchaîné à lui…

Luttant de toutes mes forces contre mon désir de sang, je me redressje sais vivement et d’un geste reflétant mon habitude, je m’entaillais la veine du poignet avant de le plaquer contre les lèvres de mon amant. Il fallait à tout prit stopper l’hérmoragie et seul mon sang pourrait le sauver. A la vitesse ou le sang s’échappait de sa blessure, il n’en avait plus que pour quelques minutes à vivre.

Lentement, il commença à aspirer mon sang, revenant doucement à la vie et c’est avec un soulagement que je n’osais m’avouer que je vis la blessure se refermer et le sang s’arrêter de couler. Lorsque je le jugeais suffisament remi pour que la blessure ne se rouvre pas, je repris mon poignet et d’un coup de langue, je cicatrisais la plaie. Puis, avisant Alakhiel toujours évanoui, ma colère étant momentanément retombée, je soupirais, maudissant ma propre lacheté et le prit dans mes bras afin de le porter à l’abris, les premières lueurs de l’aube n’allant pas tarder à faire leur apparition.

Je revenais d’une chasse fructueuse et comme chaque heure, j’allais voir si Alakhiel était réveillé. J’avais trouvé refuge dans un ancien abattoire et enfermé Alakhiel dans ce qui ressemblait fortement à une chambre froide où la viande était entassée après dépeçage. L’odeur qui y régnait était des plus nauséabondes, mais après une journée passée dans ce trou à rats, je n’y pretais plus attention. Lorsque j’ouvris la porte dont la seule poignée était à l’extérieur, ce qui empêchait toute fuite à ma créature, je sus instanément qu’Alakhiel était réveillé.

Pénétrant dans la salle, je déclarais alors, d’un ton glacial et suppérieur, afin qu’il apprenne enfin où était sa place :
- J’espère que tu as compris la leçon, misérable raclure. Si tu te voyais, tu es comme à ton habitude : pitoyable et pathétique.

Tentant de se redresser, Alakhiel demanda alors :

- Qu’est-ce que tu m’as fait ? Où est-ce que je suis ?

- Dans un lieu dont tu ne pourra pas t’échapper ! Répondis-je. Et ce n’est pas à toi de poser des questions, Alakhiel, crachais-je, toute ma fureur, contenue depuis la veille, revenant au galop.

Je m’approchais alors de lui afin de mettre les choses au clair et subitement, contre toute attente, il se redressa brusquement et se plaqua contre le mur derrière lui tout en me menaçant de ses cros en un geste agressif :

- Ne t’approche pas de moi ! Cria-t-il avec hargne.

Subitement, surpris par cet excès de fureur, je m’arrêtais et l’observais, tentant de comprendre ce qui lui arrivait. L’observant attentivement, je pus voir qu’il tremblait de tout son être, comme s’il luttait contre un démon intérieur. Surpris et déstabilisé, je demandais, retrouvant instantanément mon calme :

- Qu’est-ce qui t’arrives Alakhiel ? Pourquoi es-tu devenu comme ça ?…

Comme je m’y attendais, il ne répondit rien, se contentant de se plier en deux sous l’effet d’une douleur que je ne comprenais pas. Tremblant, il releva la tête vers moi et m’adressa un regard insolent que j’ignorais royalement. Soupirant, j’esquissais un geste dans sa direction avant de m’arrêter. Tournant les talons, je déclarais alors :

- Je te laisse le temps de réfléchir à ce que tu es devenu Alakhiel. N’essaye pas de fuir, c’est impossible.

Sur ces mots, je sortais en claquant violemment la porte derrière moi. Durant les nuits qui suivirent, le réitérais la même question, le laissant patauger pour trouver la réponse. Je n’avais ni l’envie ni le coeur à l’aider et le voir ainsi ne faisait qu’attiser la colère sourde qui grondait en moi. Tout cela était de sa faute ! Parfois dans la journée, j’entendais l’écho sinistre de ses hurlements retenir dans les souterrains et j’en éprouvais une certaine jouissance. J’étais quasiment certain qu’il craquerait bientôt.
Une nuit, une semaine exactement après l’avoir ramené, j’allais le retrouver. En silence, j’ouvris la porte et entrais dans la pièce. Je restais un instant immobile et silencieux, me contentant de l’observer. J’éprouvais un mélange de malaise et de dégoût à la vue de cette loque qu’était devenu ma créature. Je tentais alors de lui parler, mais plongé dans une sorte de transe, il sembla ne pas m’entendre. Soudain, avec une force dont je ne me serait pas douté au vue de son état, il se précipita sur moi, les cros à découverts, les yeux injectés de sang dans lesquels brillait un éclair de folie. Qu’était-il donc devenu ?
Cependant, il n’était pas assez rapide et j’eu le temps de le voir venir. Repensant à l’idée qui venait de m’effleurer l’esprit, j’arrachais ma chemise avant qu’Alakhiel ne soit sur moi et la jetais sur ma droite. Aussitôt, Alakhiel changea de direction et saisit ma chemise en plein vol. Et comme une personne ayant développé une dépendance à l’opium, cette drogue qui faisait fureur depuis quelques temps, il se mit à lécher la tache de sang qui maculait ma chemise. A cette vision, je ne pus réprimer une grimace de dégoût.
Me reprenant aussitôt, je m’approchais de lui et doucement, je posais ma main dans ses cheveux, otant une mèche collée à son front par la sueur. A bout de forces, Alakhiel vascilla et je le rattrapais avant qu’il ne s’écrase sur le sol.
Avec une douceur qui me surpris, je lui enlevais les lambeaux de ma chemise des mains. L’air grave, je le contemplais, ne pouvant réprimer un élan de tristesse qui me compressait le coeur. Qu’avais-je donc fait ? Qu’était-il donc devenu ? Avais-je donc finalement fait de lui une bête sanguinaire ? J’avais déjà eu écho de vampires devenus fous, était-ce ce qui était arrivé à Alakhiel ?
L’espace d’un instant, je détournais le regard afin qu’il ne puisse pas voir la douleur qui déformait mes traits. Puis, me reprenant, je reportais mon attention sur lui et lui caressait tendrement la joue. Dans l’état d’épuisement dans lequel il se trouvait, je ne craignais rien de lui. Il aurait été incapable de me faire le moindre mal. Plongeant mon regard dans le sien, je dévoilais alors mes cros. Sous l’effet de la colère, j’avais déjà souhaité la mort de ma créature. Mais en cet instant, alors que je m’apprêtais à lui ôter la vie, je n’aurai jamais cru que cela serait tellement difficile. Cependant, je ne pouvais le laisser vivre ainsi… Il était bien trop dangeureux et incontrôlable.
Usant de toute la force de ma volonté, je raffermis mon étreinte autour de son corps épuisé et lui adressais un dernier regard empli de toute la tendresse que j’éprouvais pour lui. Je ne pouvais croire que l’Alakhiel que je connaissais avait disparut pour laisser place à ce monstre… C’était impensable… Pas lui… Cependant, je devais me rendre à l’évidence. L’Alakhiel que je connaissais, était mort en même temps qu’une partie de moi.
Prenant mon courage à deux mains, j’esquissais alors une lente descente vers son cou. Je préférais encore le tuer de moi-même plutôt que de le voir tomber entre les mains du conseil, ou pire… Alors que je n’étais plus qu’à quelques milimètres de sa jugulaire qui palpitait sous mon nez, je sentis une humidité étrange couler le long de ma joue. Alors que mes cros effleuraient sa peau laiteuse, je me stoppais immédiatement mon geste et me redressais. Incrédule, j’observais le sillon que la larme de ma créature avait creusé sur sa joue maculée de crasse. Du bout des doigts, d’un geste hésitant reflétant toute mon incompréhension, je retraçais le sillon qu’avait laissé l’unique larme qu’il avait versée, partant de son menton où elle allait se perdre, jusqu’à son oeil qui me fixait avec une lueur d’espoir.
- Alakhiel ?… Murmurais-je, ne sachant plus quoi penser, d’une voix tremblante d’émotion.
D’autres larmes suivirent alors le chemin emprunté par la première. La gorge sèche et la voix rauque, Alakhiel déclara douloureusement :
- Sauve moi, Ezekiel…
A ces mots, mon coeur s’emballa brusquement. Que signifiait cette supplication ? Souhaitait-il vraiment que je l’achève ? Le coeur lourd, luttant contre les larmes qui menaçaient de s’échapper de mes yeux, je me penchais alors vers lui, reprenant mon geste où je l’avais arrêté. Seulement, je me refusais à l’achever avant d’essayer de lui faire comprendre. Comprendre les sentiments que je nourrissais pour lui. Déviant de ma trajectoire première, je déposais alors mes lèvres sur les siennes en un chaste baiser à travers lequel je fis passer toute la tendresse que je ressentais pour lui.
Retenant de plus en plus difficilement mes larmes, je me redressais et ancrant mon regard au sien, je déclarais alors, d’une voix suppliante que je ne me connaissais pas, le coeur compressé par la douleur :
- Ne m’abandonne pas, Alakhiel…
Prenant une respiration profonde, je l’attirais contre moi, alors qu’il posait sa tête sur mon épaule. Troublé, je murmurais, tout en le bercant inconsciement :
- Je suis désolé, Alakhiel… Désolé pour ce que je t’ai fait…
Je n’aurais su dire combien de temps nous restâmes ainsi enlacés, jusqu’à ce que finalement, Alakhiel sombre dans l’inconscience. Je n’avais pas le coeur à le tuer… Mon amour pour lui était bien trop fort. Qui l’aurait cru ? Certainement pas moi… Délicatement, je le pris dans mes bras, et quittais cet endroit.
Je ne sais pas combien de temps je marchais dans la nuit, portant Alakhiel, le gardant serré tout contre moi. Quelques heures avant le lever du soleil, je trouvais une vieille batisse anglaise abandonnée au milieu de la jungle. Estimant qu’elle ferait un abris potable pour les prochaines heures à venir, j’y entrais et partis à la recherche d’une chambre. Là, je déposais délicatement Alakhiel sur le lit et après avoir découvert une malle pleine, je pris le temps de le laver et le changer, avant de m’occuper de moi. Puis approchant un fauteuil qui meublait le coin de la pièce, je m’installais à son chevet. Le temps passa, interminable, durant lequel je songeais aux évênements qui venaient de se produire. Jamais je n’aurais du me laisser guider par les sentiments que je vouais à Alakhiel… J’aurais du écouter ma conscience qui me dictait de l’achever sans tarder, et au lieu de cela, j’avais tout simplement signé notre arrêt de mort… Si nous venions à nous faire attraper par le conseil, il ne ferait aucun doute que je ne serais plus en mesure de lutter, surtout si, comme aujourd’hui, mes sentiments venaient prendre le dessus sur ma raison. Etais-je moi aussi, en train de devenir fou ?
En fin de compte, je dus sombrer dans le sommeil sans m’en rendre compte, car je me réveillais en sentant un regard insitant posé sur moi. Ouvrant prudement les yeux, je vis qu’Alakhiel était enfin réveillé.
- Tu te réveilles enfin ! Déclarais-je, alors, faisant involontairement sursauter mon amant.
Sans attendre de réponse, je m’entaillais le poignet, déclarant posément :
- Il faut que tu manges, Alakhiel et j’ai trouvé une solution, déclarais-je.
Tout compte fait, mes quelques heures de repos avaient été bénéfiques.
- Je… Je ne veux plus de sang, bafouilla Alakhiel, la voix rendue rauque par sa gorge sèche.
- Ne dis pas de bétise ! Tranchais-je, conscient que son corps criait l’inverse de ce qu’il osait éhonteusement affirmer.
Sans lui laisser le choix, je collais mon poignet contre ses lèvres, le forçant à aspirer le sang qui s’en échappait. C’est avec une satisfaction évidente que je vis Alakhiel rendre les armes et attraper mon poignet pour en aspirer le sang avec conviction, allant même jusqu’à gémir de plaisir. Après quelques gorgées de sang, suffisament pour appaiser sa faim, je retirais mon poignet et léchais la morsure afin d’accélérer la cicatrisation. Rageusement, Alakhiel grogna en claquant des dents, signe de son mécontentement.
- Cela suffit pour le moment, Alakhiel, déclarais-je patiemment. Dans ton état, il ne t’en faut pas plus.
Puis, me moquant de ses protestations, je pris place sur le lit à côté de lui et déclarais :
- Voici les nouvelles règles ! Premièrement, tu ne sors pas d’ici sans moi et crois-moi, même si je ne suis pas là, je le saurais. Deuxièmement, tu ne te nourris plus seul. Comme tu ne sais plus te maitriser, je te donnerais tes repas jusqu’à ce que je te juge capable de te débrouiller sans moi. Des protestations ? Ajoutais-je, un sourire gentillement moqueur étirant mes lèvres, amusé de voir son air effrayé.
L’instant suivant, Alakhiel baissait la tête, détournant le regard et demanda :
- Pourquoi ne m’as-tu pas tué ?
A cette question, je réprimais un sursaut de surprise. Cependant, je ne répondis rien, me contentant de lui sourire. Puis, sans un mot, je me levais et quittais la pièce. Moins d’une heure après, j’étais de retour dans la chambre. Malgré moi, j’étais inquiet pour ma créature et je n’osais le laisser seul trop longtemps. Qui sait ce qui pouvait se passer…
Lorsqu’Alakhiel ouvrit les yeux, la nuit était tombée depuis quelques heures déjà, et je venais de rentrer d’une chasse fructueuse. J’en avais profité pour écouter les rumeurs de la ville quant au carnage dont j’étais responsable, tentant de repérer l’hypothétique présence d’un ou plusieurs assassins du conseil. Fort heureusement, le propriétaire du bordel était resté discret sur le massacre, ne souhaitant pas alerter les clients et ainsi ternir sa réputation. Et d’après mes sources, aucun membre du conseil n’avait été repéré. Je pouvais faire confiance aux rumeurs nocturnes, les vampires étant les premiers informés de tout ce qui se passait.
Sans un mot, je portais mon poignet à mes lèvres et l’entaillais d’un coup de dents avant de le présenter à ma créature qui, cette fois-ci, ne rechigna pas à se nourrir. Comme la fois précédente, je lui repris mon poignet avant que sa soif ne soit entièrement comblée. Tout son être me criait de lui accorder quelques gorgées supplémentaires, mais je le lui refusais. A contrecoeur, je me levais du lit pour aller prendre place dans le secondque j’avais ammené un peu plus tôt.
Au fond de moi, je ressentais un besoin physique de le sentir tout contre moi, mais après ce qui s’était passé, je ne m’en sentais pas le droit et je ne pouvais m’en prendre qu’à moi-même… Cependant, mon attention fut attirée par de bruit discrêt de pas sur le sol suivit d’un bruit de chute. Pourtant, je ne bougeais pas. L’instant d’après, je sentis le matelas s’affaisser tandis qu’Alakhiel se glissait sous les couvertures et, sans un mot, vint se coller contre moi.
Surpris, je ne fis cependant aucun geste pour le rejeter. Au contraire. Je me tournais alors vers lui, m’installant plus confortablement, afin d’avoir mon visage au niveau du sien. Sans que je ne m’en rende compte, un sourire vint alors étirer mes lèvres tandis que je l’observais. Le silence nous entourait, mais en cet instant, nous n’avions pas besoin de mots. Délicatement, je passais mon bras autour de sa taille et l’attirais vers moi, comme pour me rassurer de sa présence. Puis, avec une tendresse qui ne cessait de m’étonner, je déposais délicatement mes lèvres sur les siennes en un baiser des plus chastes.
Du bout des doigts, je caressais la nuque de ma créature et bientôt, je me laissais griser par la saveur de ses lèvres et entrepris d’approfondir le baiser tout en me collant davantage à lui, en proie au désir. Aussitôt, Alakhiel me repoussa vivement, tombant à moitié du lit. Subitement, il se releva et retourna se recroqueviller dans le sien. De mon côté, je n’en menais pas bien large, déstabilisé par son comportement. Voyant Alakhiel se recroqueviller sur lui-même, j’eu subitement honte de moi. Je quittais alors mon lit et, priant pour ne pas me faire rejeter, j’allais rejoindre ma créature. Avec toute la douceur dont j’étais capable, je le pris dans mes bras et l’attirais tout contre moi. C’est avec soulagement que je constatais qu’Alakhiel se laissait faire, malgré une certaine méfiance à mon égard.
Cependant, voyant que je n’esquissais aucun geste déplacé, me contentant de le garder tout contre moi, il finit par se détendre, sa tête posée sur ma poitrine. Dans un murmure à peine audible, je déclarais alors avec sincérité :
- Je suis désolé Alakhiel… Je suis désolé que tu sois devenu ainsi à cause de moi…
Alakhiel ne répondit pas tout de suite, si bien que l’espace d’un instant, je me demandais s’il ne s’était pas déjà endormis. Je fus vite détrompé lorsque qu’il déclara à son tour, d’une voix emprunte de franchise :
- Ce… C’est à cause de moi Ezekiel. Je… J’ai peur…
A ces mots, je posais mes mains sur les épaules de ma créature, afin de l’inciter à me regarder. Ce qu’il fit avec hésitation.
- Tu as peur de moi ? Demandais-je, me sentant subitement blessé par une telle idée.
Comme pour me détromper, Alakhiel répliqua rapidement :
- Non… J’ai peur de moi… De ce que je suis devenu…
Je pouvais sentir toute la peur qu’il ressentait dans sa voix, et même si je n’osais pas le lui avouer, moi aussi j’avais peur. Pas de lui, mais pour lui… J’avais peur de ce qui pourrait arriver si j’échouais, si je ne parvenais pas à le sauver… Peur de devoir mettre fin à sa vie… Inconsciement, je raffermis ma prise autour de son corps et déclarais dans un souffle :
- Alakhiel… Je suis là… Tu peux compter sur moi…
Puis, après un temps de silence, rongé par la curiosité et la jalousie, je finis par demander, un peu gêné tout de même :
- Qu’est-ce qui t’a prit de coucher avec tes victimes ?
Comme je m’y attendais, Alakhiel ne répondit rien et s’écarta de moi. Alors que je m’attendais à le voir me tourner le dos, il plongea son regard dans le mien. Encouragé, j’ajoutais :
- Et cette folie meurtrière… Qu’est-ce qui t’a pris, Alakhiel ?
- Je… Je ne sais pas, répondit-il, visiblement mal à l’aise en baissant les yeux. Je… J’ai du me laisser séduire par le sang… J’avais déjà eu ce genre de… crises… Avant que nous partions en Inde… Et une fois que nous sommes arrivés… Je… Je t’ai caché mon état, Ezekiel…
- Pourquoi ? Pourquoi ne pas m’en avoir parlé au lieu d’en arriver à cet état ? Demandais-je, alors, profondément déçu et blessé, tentant de ne rien laisser transparaître de mes sentiments, mais aussi agacé par son manque de confiance en moi.
- Je… J’avais honte… Alors que j’ai toujours exécré à tuer comme cela… J’ai fini par le faire le plus bassement possible.
- Imbécile ! Claquais, définitivement agacé. Tu aurais pu m’en parler plus tôt, je t’aurai aidé ! Tu n’en sderais pas arrivé là !
- Les chose ne sont pas si faciles ! Contra Alakhiel en haussant le ton. Je pensais pouvoir gérer mes propres problèmes. Je suis déjà assez un fardeau pour toi…
- Tu n’es pas un fardeau ! M’exclamais-je sans vraiment m’en rendre compte.
Alakhiel se redressa alors et s’exclaffa d’un rire sans joie :
- Rien que maintenant je suis pire que cela ! Je suis devenu incontrôlable ! J’en suis à un tel point que j’ai besoin d’être surveillé et enfermé ! Comme si nous n’avions pas assez de problèmes ! Ezekiel, reprit-il plus calmement, si un humain était dans cette pièce, je serais fou…
Dans le but de lui faire comprendre mon irritation, je soupirais bryuament avant de répondre, las de cette discussion stérile :
- Ce n’est que temportaire, Alakhiel. Crois-moi, tu vas guérir… Si tu ne le peux pas, personne n’en est capable…
- J’espère, souffla-t-il à l’évidence peu convaincu.
L’attirant de nouveau contre moi, je l’embrassais sur le front, en un geste qui me surpris autant que lui.
- Dors Alakhiel, souffais-je, alors. Tu en as grand besoin…
L’instant d’après, j’eu la satisfaction de le voir s’endormir, blotti tout contre moi. Bientôt, je finis par l’imiter, sombrant moi aussi dans un sommeil profond et sans rêves. Depuis que j’avais commencé à veiller Alakhiel, je n’avais pas énormément dormi, mais le savoir là, paisiblement endormi entre mes bras me rassura et je me laissais gagner par un sommeil bienfaiteur.
Lorsque je me réveillais de nouveau, je reportais mon attention sur Alakhiel. Il semblait dormir profondément et j’en fus apaisé. Du bout des doigts, je replaçais une mèche rebelle derrière son oreille. L’espace d’un instant, je le regardais dormir avant de finalement consentir à me lever. Aujourd’hui, j’allais tenter quelque chose…
Sans un bruit, je quittais la chambre et après m’être rapidement rafraîchi, je sortais de la maison. La nuit était tombée depuis quelques heures à peine. Lorsque j’arrivais en ville, comme tous les soirs, je tentais d’en apprendre plus sur les rumeurs qui couraient et comme tous les soirs, aucune nouvelle inquiétante ne se profilait à l’horizon. Au fond de moi, je ne savais pas si je devais m’en réjouir ou m’en inquiéter… Dans tous les cas, je me fiais à mon instinct et restais sur mes gardes… J’étais persuadé que cette histoire était loin d’être terminée…
Après m’être convenablement nourris, je partis en quête d’une proie pour Alakhiel. La chance me sourit car sur le chemin du retour, je tombais sur une jeune femme vêtue pauvrement. Sans doute une pauvre fille rejetée par sa famille. Elle était couverte de boue et de l’herbe se mêlait à ses cheveux, mais elle ferait l’affaire. Sans même prendre le temps d’user de mon pouvoir hypnotique, je sautais à la gorge de la jeune femme qui hurla de terreur en me voyant. Posant une main puissante sur sa bouche, je la contraignais au silence avant de planter mes canines dans la peau fragile de son cou. Je lui prenais juste assez de sang pour l’affaiblir et lorsqu’elle fut inconsciente, je la pris dans mes bras et la portais jusqu’à notre refuge.
Lorsque j’arrivais, ma victime se réveillait. L’air complêtement hargard et déboussolé, c’est à peine si elle avait conscience de quoi que ce soit. Parfait, c’était mieux ainsi. L’instant suivant, je pénétrais dans la chambre avec la satisfaction de voir qu’Alakhiel était réveillé. Réveillé, mais l’air complêtement paniqué, terré de l’autre côté de la pièce. L’ignorant, je déposais la jeune femme sur son lit et m’éloignais de quelques mètres. Soudain, comme s’il ne se contrôlait plus, Alakhiel se précipita vers la jeune femme, tous cros dehors. Alors qu’il n’était plus qu’à quelques centimètres d’elle, je fermais les yeux et tentais de m’imiser dans son esprit. Cela sembla fonctionner car rouvrant les yeux, je vis Alakhiel se débattre comme un dément avec ce qui semblait être un mur invisible qui l’empêchait de se ruer sur sa victime.
Fou de rage, il réitéra son geste encore et encore, avec le même résultat. Ce ne fut qu’après de nombreuses tentatives toutes ponctuées d’échecs, épuisé, qu’il finit par abdiquer. J’esquissais alors un sourire de satisfaction. La seconde suivante, j’avais mes cros plantés dans son cou et aspirant son sang, je l’achevais en un rien de temps. Laissant retomber son cadavre, je reportais mon attention sur Alakhiel, l’observant avec attention. Je lui parlais, mais il semblait ne pas entendre ce que je lui disais. Avant même qu’il ne s’effondre, je le rattrapais et m’asseyais à même le sol tout en le gardant dans mes bras.
Là, comme chaque soir, je m’entaillais le poignet et le lui présentais. Cependant, trop faible, c’est à peine si Alakhiel en prit conscience. Patiemment, je portais mon poignet à ses lèvres afin de l’inciter à y boire le sang qui s’échappait de la plaie. Cette fois-ci, je lui permis de satisfaire davantage sa faim et lorsque je retirais mon poignet des lèvres de ma créature, il ne chercha pas à le retenir. Semblant retrouver tous ses esprits, Alakhiel s’écarta alors vivement de moi, m’arrachant un petit sourire amusé.
- Encore quelques exercices de ce genre et tu sera prêt à sortir, Alakhiel. Comme je te l’ai dit hier, tant que tu restes à côté de moi, il ne se passera rien.
- Justement, rétorqua-t-il, c’est uniquement parce que tu es là. Sans toi, je ne suis qu’un monstre…
- Laisse-toi du temps, Alakhiel, soupirais-je, fatigué de l’entendre sans cesse ressasser les mêmes arguments. La guérison peut être un long processus…
Alakhiel ne répondit rien à cela et j’en profitais pour me relever :
- Je pense que tu t’es assez nourri, si nous passions à ton entraînement.
S’il parut surpris, il n’en montra rien. Se levant, il me fit face et l’instant d’après, je reprenais l’entraînement de ma créature.
Les jours défilèrent ainsi. Alakhiel ne sortait pas et pour ma part, je m’absentais uniquement pour aller chasser et reccueillir discrêtement d’hypothétiques renseignements.
Chaque soir, nous répétions encore et encore le même exercice. Et chaque soir, Alakhiel faisait des progrès considérables, même si je me gardais bien de le lui dire. Je me contentais de lui demander toujours plus d’efforts, persuadé qu’il pouvait faire mieux que ce qu’il faisait déjà. Après son entraînement, notre rituel consistait à nous laver avant de nous coucher, dans le même lit. Alakhiel semblait accepter de plus en plus ma présence à ses côtés, et avait mis de côté sa réserve pour se laisser aller à mes chastes étreintes.
Je laissais tomber le corps sans vie de ma victime sur le plancher au pas de la porte. Pour la première fois, Alakhiel avait résisté. Satisfait et fier, je lui adressais un large sourire qu’il me rendit en vascillant légèrement. En guise de récompense, je lui laissais boire davantage de sang que je ne lui accordais habituellement. Ce soir-là, ce fut lui qui referma la plaie de mon poignet, d’un coup de langue délicat. Si ce geste anodin me fit frissonner, je n’en ressentis pas moi un élan de fierté à le voir ainsi se gérer lui-même.
- Sortons ! Tu es prêt Alakhiel et la nuit n’est que brièvement entamée, déclarais-je, alors.
Aussitôt, Alakhiel se mit à paniquer, perdant toute son assurance nouvellement retrouvée :
- Je… Non… Je ne suis pas prêt… Pas si tôt…
- Cesse de geindre ! Répliquais-je, agacé. C’est à moi de décider si tu es prêt ou pas. Si ce choix t’incombait, tu serais encore en train de pourrir dans ce trou dans cent ans.
Visiblement vexé, Alakhiel ne répondit rien. Alors qu’il restait immobile, je le poussais légèrement :
- Passe devant moi, ne t’inquiète pas, je suis là pour te surveiller.
Soudain, j’eu la surprise de voir Alakhiel se retourner pour me faire face. Intrigué, je fronçais les sourcils, ne comprenant pas ce qu’il voulait. Alors que j’allais répliquer quelque chose,  il se pencha vers moi et recouvrit aussitôt mes lèvres d’un baiser. Passé l’effet de surprise, j’entrepris de répondre à son baiser, laissant ma langue aller rejoindre la sienne en un baiser passionné. Finalement, ce fut Alakhiel qui, comme il l’avait débuté, mis fin à ce baiser, s’éloignant de moi, murmurant un simple “merci” avant de me tourner le dos sans plus d’explications.
Nous marchâmes un moment sans croiser personne. Ce n’est que lorsque nous arrivâmes en ville que je sentis Alakhiel devenir de plus en plus instable. Aussitôt, j’entrepris de le raisonner, le bloquant comme j’avais fait jusqu’à maintenant durant ses entraînements. L’effort qu’Alakhiel fournissait semblait vraiment important, car déjà, des gouttes de sueurs perlaient sur son front. Sentant qu’Alakhiel était sur le point de craquer, ayant visiblement surestimé ses capacités, je posais ma main sur son épaule en signe d’apaisement et déclarais :
- Rentrons Alakhiel, ça suffit pour aujourd’hui.
Sans attendre de réponse de sa part, je l’entrainais vivement à ma suite. Durant tout le temps que dura le trajet, il resta obstinément muet. Ce n’est que lorsque nous fûmes arrivés, alors que je refermais la porte derrière nous, qu’il murmura :
- Je n’y arriverai jamais…
- Ne dis pas de bétises ! Claquais-je, las et énervé.
A ces mots, Alakhiel se retourna pour me faire face :
- Non ! Ca ne marchera jamais ! Tu aurais mieux fait de m’abattre !
La colère qui s’insinuait lentement en moi se mit à bouillonner dans mes veines à l’entente de cette affirmation. Alors que j’allais répliquer, je m’arrêtais subitement avant d’avoir prononcé le moindre mot et quittais la maison en claquant la porte derrière moi, le laissant seul. J’aurai pu lui sortir mille répliques et insultes bien senties, mais à quoi bon. Furieux contre moi-même, mais aussi et surtout contre ma créature, je m’éloignais rapidement. J’avais besoin de prendre un peu d’air avant de craquer et de m’en prendre à Alakhiel. Certes, il l’aurait sans doute mérité, mais sans trop savoir pourquoi, je préférais l’éviter. Sans que je m’en rende compte, ruminant ma colère contre la créature, je m’enfonçais dans la forêt. J’avais juste besoin de m’évader. J’avais momentanément abandonné Alakhiel à sa solitude, mais je n’y prêtais aucune importance. Après tout, il était suffisament âgé pour prendre soin de lui. Ou pas…
Subitement, je fus envahi d’un mauvais présentiment… Peut être n’aurais-je pas dû laisser Alakhiel seul ce soir… Inquiet, je marquais un temps d’arrêt avant de finalement reprendre ma course. Après tout, qu’il aille au Diable ! Ce n’était plus mon problème. Je m’étais donné suffisament de mal pour lui, à prendre soin de lui comme on prend soin d’un nouveau-né. Et pour les remerciements que j’en avais…
Soudain, dans l’air, je perçus une odeur trop familière, ainsi qu’une autre que je ne connaissais pas, mais qui ne m’inspirait pas la moindre confiance. Subitement, je stoppais ma course. Mon instinct me hurlais de me méfier de cette odeur. Un vampire inconnu traînait dans les parages. Là, le nez dans le vent, j’humais l’air à la recherche de cette odeur qui m’avait interpelée. Elle était vraiment toute proche… Bientôt, le sentiment de colère qui m’étreignait se mua en une fureur incomparable mêlé à une peur vivace qui me compressa douloureusement la poitrine. Qu’est-ce qu’Alakhiel faisait-il donc dehors ? N’avait-il donc pas senti l’odeur de ce vampire ? De plus l’aube était presque là… Dans un cri de rage, je pris la direction d’où venait l’odeur de ma stupide créature. Que faisait-il aussi loin du manoir ?
Quelques minutes plus tard, je l’apperçu au loin, errant entre les arbres comme une âme en peine. Cet vision décupla ma fureur et l’instant d’après, j’étais à ses côtés, me retenant vivement de lui sauter à la gorge :
- Alakhiel ! Hurlais-je, enragé et essoufflé par ma course folle. Combien de fois je devrais te tirer de la mort ! Je me demande pourquoi je m’acharne ainsi. Je devrais te laisser griller ici !
Semblant se rendre compte de ma présence et ignorant mon éclat de voix, Alakhiel se tourna vers moi, affichant un sourire complêtement idiot. Comment pouvait-il seulement sourire ainsi après la frayeur que je venais d’avoir ? Etait-il à ce point inconscient et abruti ? Sans attendre, je lui assenais un coup puissant sur la tête et l’instant d’après, il sombrait dans l’inconsicence, alors que je rattrapais son corps inanimé.
Là, usant des dernières forces qui me restaient, l’aube étant sur le point de se lever, je me hâtais vers la grotte que j’avais repéré sur le chemin en venant. Lorsque je pénétrais dans la grotte, les premiers rayons de soleil faisaient leur apparition…
Délicatement, je déposais Alakhiel sur le sol de terre humide. L’instant d’après, je perdais connaissance à mon tour et m’effondrais sur le sol, inconscient, cette course ayant épuisé toutes mes resources.
Lorsque j’ouvris les yeux, Alakhiel n’avait pas bougé d’un iota, toujours inconscient. Je me relevais alors et, le soleil n’étant pas encore couché, j’allais m’adosser contre le mur, à quelques mètres de là. Je ne sus dire combien de temps je restais ainsi, immobile à fixer Alakhiel, passant par toutes sortes de sentiments tous plus contradictoires les uns que les autres.
Lorsqu’il se redressa, j’en fis de même et avant que je ne réalise entièrement mon geste, je me laissais tomber à genoux à ses côtés et l’attirais tout contre moi. J’entendis Alakhiel soupirer dans mon cou et, la fatigue aidant, dans un murmure qui trahissait la peur qui m’avait envahit un peu plus tôt :
- Je t’en supplie Alakhiel, quoi qu’il se passe, quoi que je fasse, quoi qu’il nous arrive, reste toujours à mes côtés… Ne t’éloigne plus.
Sans m’en rendre compte, je raffermis ma prise sur lui, enfouissant mon visage dans son cou, m’envirant de son odeur, savourant la chaleur de son corps tout contre le mien en une présence rassurante. Timidement, et pour toute réponse, Alakhiel finit par abdiquer et me rendit mon étreinte. Sans que je ne puisse les retenir, des larmes se mirent à rouler le long de mes joues.  Des larmes de soulagement, vestige de la peur viscérale qui m’avait habité quelques heures plus tôt. Visiblement, le conseil avait retrouvé notre trace. Nous n’étions désormais plus à l’abris ici.
Je n’aurais su dire combien de temps je restais ainsi à pleurer entre les bras de ma créature. Sans que je ne m’en rende compte, les rôles avaient été échangés et à présent, j’étais l’être à consoller et à rassurer. J’aurai du m’en sentir honteux, mais là, entre les bras de mon amant, je me sentais tout simplement bien, à ma place… Comme si les choses étaient ce qu’elles devaient être. Pour la première fois depuis bien trop longtemps, je ne ressentis aucune honte à afficher pleinement mes faiblesses et mes émotions.
Loin de me juger, Alakhiel se contentait de me garder tout contre lui en une étreinte rassurante et apaisante. Son odeur et sa chaleur agissait sur moi comme la présence d’une mère rassurait son nouveau-né. De sa main libre, l’autre étant fermement ancrée à mes reins, il caressait délicatement ma nuque, en un geste réconfortant. Le visage enfoui dans son cou, je me laissais aller à me libérer du poids de mes émotions. Puis, subitement, à bout de forces, épuisé par cette course au petit jour additionnée aux effets que l’aube avaient sur moi et la perte soudaine d’adrénaline, je sombrais sans m’en rendre compte dans une bienveillante inconscience.
Lorsque je repris conscience ce fut avec l’impression que tout n’était pas comme d’habitude. Jamais je ne m’étais sentis aussi faible. Ma tête me faisait souffrir et j’étais assailli d’une faim dévorante. Mais ce qui me troubla le plus, fut le fait que, contrairement à mon souvenir, je ne me trouvais pas sur le sol de pierre et de terre battue, mais sur quelque chose de chaud et vivant et je pouvais sentir comme un poids au creux de mes reins. A cette constatation, j’ouvrais brusquement les yeux. La première chose que je vis alors, fut la chemise d’Alakhiel.
Sentant un regard posé sur moi, je me redressais sur un coude et relevant la tête, je tombais aussitôt nez à nez avec Alakhiel qui me souriait. Aussitôt je compris. Le poids que je sentais au creux de mes reins n’était autre que ses bras croisés autour de ma taille. Visiblement, Alakhiel m’avait servit d’oreiller pendant mon sommeil improvisé.
Lorsque je croisais de nouveau son regard, il me souriait. D’une voix emplie d’une tendresse que je ne lui connaissais pas, il déclara alors, sans pour autant me libérer de son étreinte :
- Ne me refais jamais une peur pareille…
- Tu ne crois pas que tu es mal placé pour dire une telle chose ? Répliquais-je, cinglant en tentant de me redresser.
Cependant, à peine me redressais-je sur mes avant-bras que je fus assailli par un violent vertige qui manqua de me faire perdre mon équilibre déjà précaire.
- Ne bouge pas, murmura Alakhiel en raffermissant sa prise autour de ma taille.
Docilement, j’obtempérais sans la moindre résistance, encore trop faible. J’avais puisé dans mes réserves et il me faudrait un peu de temps pour récupérer mes forces. Alors que j’esquissais un mouvement pour me recoucher, je sentis la main d’Alakhiel se poser sur ma nuque dans un geste qui m’incitait à m’allonger. Sans la moindre protestation, je reposais ma tête sur la poitrine de ma créature et me laissais aller à soupirer de bien être. J’avais honte à le dire, mais là entre ses bras, je me sentais comme apaisé.
Cependant, le geste qui suivit me surprit au plus haut point. Alors que je reposais tout contre lui je sentis Alakhiel raffermir sa prise autour de ma taille en un geste d’une possessivité que je ne l’aurai jamais cru posséder. Et étrangement, ce simple geste me fit chaud au coeur… Et malgré toutes les questions qui m’assaillaient, je restais silencieux, soucieux de voir cet instant de plénitude perdurer le plus longtemps possible. Bientôt, sa main quitta ma nuque pour aller se perdre dans mes cheveux, en une tendre caresse qu’il réitéra encore et encore, m’arrachant un frisson de satisfaction.
Je n’aurai su dire combien de temps nous restâmes ainsi enlacés, les doigts d’Alakhiel jouant avec les petits cheveux sur ma nuque. Finalement, ce fut Alakhiel qui brisa le silence apaisant qui nous enveloppait, murmurant si doucement que sans mon ouïe surdéveloppée, je ne l’aurai pas entendu :
- Quoi qu’il se passe… Quoi qu’il arrive… Je resterai à tes côtés… Jusqu’à ce que tu te sois lassé de moi et même après… Je ne te quitterai plus, Ezekiel… Jamais…
De nouveau, je restais silencieux à cette déclaration. Touché plus que je ne l’aurai voulu, je ne savais tout simplement pas quoi dire… Jamais Alakhiel n’avait eut de paroles si tendres à mon égard et savoir que c’était avec moi qu’il voulait passer les prochaines décénnies de son existance me comblait de joie. Cependant, j’étais tout simplement incapable de le lui faire savoir. Ma main délicatement posée sur son torse se crispa et mes doigts se refermèrent sur sa chemise que je serrais avec une poigne de fer, craignant stupidement de le voir me repousse et s’éloigner de moi en riant de la farce qu’il venait de me faire.
Jamais encore quelqu’un avait émit le souhait de rester à mes côtés et moi-même, j’avais toujours vécu seul. La seule et unique personne qui avait partagé ma vie d’immortel en avait fait un cauchemar et avait finalement trouvé la mort en prenant ma vie. Alakhiel était la seule personne dont la présence m’était presque immédiatement devenue indispensable, en dépit des sentiments que je nourrissais à son égard.
Je dus garder le silence plus longtemps que je ne l’avais cru, car bientôt, Alakhiel reprit, d’une voix devenue subitement hésitante, comme s’il appréhendais ma réaction :
- Je… J’ai besoin de savoir quelque chose, Ezekiel… Me considères-tu vraiment comme… Comme ta chose ? Comme un jouet immature et insignifiant ?
Sans que je n’en prenne consicence, mon coeur s’accéléra dans ma poitrine. Cependant, réfrénant mes sentiments, je me contentais d’une réponse des plus brèves, ne voulant pas m’engager dans une conversation stérile :
- Non, déclarais-je simplement.
- Mais alors, commença Alakhiel, cachant mal sa surprise, pourquoi tu me traites comme si tu le pensais ?
Alors que j’ouvrais la bouche pour répondre, me redressant sur mes coudes, il posa son index sur mes lèvres, me forçant au silence. D’un regard empli d’une émotion que je ne parvins pas à identifier, il déclara gravement :
- Si tu me répond… Je veux que tu le fasse sincèrement…
Je restais un moment muet, le regard ancré dans celui de ma créature qui semblait me supplier silencieusement, ses yeux me hurlant un message que je ne parvins pas à déchiffrer.
- Tu devrais t’être habitué à force, déclarais-je après un court silence qui me parût interminable. Après tout tu es bien placé pour savoir que je ne pense pas toujours ce que je dis… Soufflais-je, tentant d’éluder subtilement la question piège qu’il venait de me poser.
Pourrais-je seulement lui avouer que si je le traîtais ainsi, c’est pour ne pas qu’il voit l’amour que j’éprouvais pour lui ? Quand étais-je devenu si dépendant de lui ? Face  ma réponse, Alakhiel garda le silence, et pour la première fois, je ne su comment l’interprêter. Etait-ce si difficile pour lui de croire en ma sincérité ?
Je ne su jamais ce qui me poussa à prononcer ces quelques mots, si au fond de moi je me savais responsable de l’état de ma créature, mais après un silence qui me parût incroyablement lourd, je murmurais :
- Je suis désolé…
Le silence s’installa de nouveau entre nous, jusqu’à ce que finalement, Alakhiel prenne la parole :
- Je voudrais tourner la page avec toi, Ezekiel, déclara-t-il avec une douceur que je ne lui connaissais pas. Je voudrais aller de l’avant, oublier ce qui s’est passé entre nous pour repartir à zéro… Qu’en dis-tu ?
- Nous pouvons essayer, répondis-je, tentant de dissimuler la surprise que j’avais ressentis à l’entente de ses paroles. Cela ne sera certainement pas facile tous les jours, mais nous pouvons essayer, soupirais-je en me laissant aller tout contre lui.
Pour toute réponse, Alakhiel raffermi son étreinte autour de ma taille. Je ne savais pas dans quoi je venais de m’engager, mais je venais de le faire. Et tant qu’Alakhiel serait à mes côtés, le reste n’avait plus la moindre importance.
Nous restâmes ainsi jusqu’à la tombée de la nuit. Le repos m’avait fait énormément de bien et mes forces étaient à nouveau intactes, seul la faim me rongeait. Aussitôt que le soleil fut couché, je quittais la grotte, intimant à Alakhiel de rester là, l’assurant que je le tuerais s’il osait ne serait-ce que songer à me désobéir.
Une fois rassuré sur ce point, j’entrepris alors d’aller explorer les alentours comptant sur  mon ouïe et mon odorat pour m’indiquer une quelconque présence malveillante. Je parvins à repérer l’assassin du conseil, celui-ci n’étant pas très discret pour quelqu’un de sa formation. Le vent portait son odeur venue de l’est mais celui-ci semblait s’être éloigné, ne nous cherchant pas dans la bonne direction. Si j’en jugeais par mon instinct, nous disposions de suffisament de temps pour quitter cette grotte et mettre le plus de distance possible entre lui et nous, mais pas assez pour nous cacher convenablement.
Sans attendre, je retournais alors chercher Alakhiel qui m’attendait à l’intérieur de la grotte. Là, je l’empoignais fermement par le bras et l’obligeais à me suivre, ignorant son cri d’indignation. Sans lacher le bras de ma créature, je courrais jusqu’à la ville. Malgré le temps qui pressait, je nous accordais cependant une pause le temps de nous nourrir. Si nous avions à affronter un ou des spadassins du conseil, autant mettre toutes les chances de notre côtés, et c’est pas en restant le ventre vide que nous pourrions nous en sortir.
Après avoir prit chacun la vie d’une victime, nous nous empressâmes de quitter la ville. Cependant, la chance nous avait visiblement abandonnée car à peine avions nous fait quelques kilomètres, qu’une silhouette sombre se dressa devant nous. Je n’eu aucune peine à reconnaître celui qui était sencé ramener nos tête à Shaolan.
- Tu croyais pouvoir m’échapper, Ezekiel ? S’exclama-t-il d’une voix puissante.
- Il me semble que nous n’ayons pas encore été présentés… Je te demanderais donc de ne point user d’une telle familiarité envers moi ! Rétorquais-je, avec un agacement prononcé.
- Ne cherche pas à faire le malin ! Poursuivit notre vis à vis. Rend-toi ! Et dit à ton avorton de faire pareil ! S’il tente quoi que ce soit, je t’arrache la tête avant d’en faire de même avec lui !
- Tu m’arraches la tête ? Répétais-je, amusé de la trop grande confiance en soi qu’il semblait éprouver. Ne serais-tu pas en train de prendre tes désirs pour la réalité ? Le provoquais-je en éclatant de rire, pas effrayé le moins du monde par ses menaces.
- Ta trop grande confiance en toi te perdra, Ezekiel ! Déclara gravement mon vis à vis.
- Il paraît ! Répliquais-je. Mais vois-tu, pour le moment, je suis toujours là !
- J’ai beaucoup entendu parler de toi, Ezekiel, reprit mon vis à vis. Tu es fort, très fort… Mais sâche que contre moi, cela ne suffira pas…
- Tu m’as l’air doué pour parlementer, répliquais-je, cinglant. Mais serais-tu aussi habile avec une épée qu’avec ta langue ? Le provoquais-je, ravi de le voir s’enrager.
Sans plus attendre, l’assassin se précipita sur nous. A l’instant où il se jetais sur moi, je repoussais Alakhiel d’un violent coup d’épaule qui le fit reculer de plusieurs mètres avant d’esquiver le coup de mon adversaire d’une habile roulade au sol. La seconde durant laquel l’assassin resta immobile, désorienté, me suffit. Sentant une colère sourde poindre en moi, je me jetais violemment sur mon adversaire qui esquiva au dernier moment. S’engagea alors un combat à mort. Très vite, je m’apperçu que mon ennemi ne m’avait pas mentit… Il était vraiment fort et je devais déployer toute ma puissance et ma ruse pour ne pas me faire massacrer.
Toute mon attention étant tournée vers mon ennemi, je ne vis pas Alakhiel s’approcher et cela fut ma première erreur. Mon adversaire lui, s’était parfaitement rendu compte de la présence de ma créature et au dernier moment, il se détourna de moi pour s’en prendre à lui. Il l’attrapa par le poignet, lui tordant le bras dans le dos et portant un poignard  sa gorge. Le visage déformé par un rictus de haine, il cracha littéralement :
- Rend-toi, Ezekiel ! Tu ne peux pas gagner…
De là où j’étais, je pouvais voir Alakhiel tenter de se dégager de la poigne de fer de son adversaire, mais c’était sans compter sur son manque d’expérience. Son regard étincellait d’une lueur de haine à l’état pur et pourtant, je crus cependant déceler une étincelle de peur, une supplication qu’il semblait m’adresser.  Cette vision suffit à m’enrager d’avantage. Comment cet enfoiré osait-il s’en prendre à Alakhiel ?
- Rend-toi ! Reprit mon adversaire.  Où je tue ton avorton !
Alakhiel avait cessé de se débattre.
- Libère le ! Grondais-je d’une voix menaçante.
- Qu’espères-tu, Ezekiel ? Demanda l’assassin en esquissant un sourire victorieux. Tu ne peux rien contre moi ! Alors rend-toi sans faire d’histoires !
Avant même qu’il ai terminé sa phrase, je me précipitais sur lui avec toute la haine et la rancoeur qui m’habitait. Alors que j’étais à quelques mètres de lui, je vis Alakhiel se libérer de sa poigne de son bourreau et celui-ci lancer son poignard dans ma direction. Tout ce déroula alors incroyablement vite. Je pris à peine conscience du hurlement que poussa Alakhiel alors qu’une douleur lascinante me déchirait la hanche. Coupé dans mon élan sous la puissance de la douleur qui se répercuta dans son mon corps, portant mes deux mains là ou le poignard avait percé mes chairs, je m’écroulais lamentablement sur le sol, le corps parcourut de spasmes de douleur.
J’avais l’impression que mon corps se consumait de l’intérieur. Jamais encore je n’avais ressentis de douleur aussi fulgurante. Noyé dans les limbes de la douleur, je n’avais plus conscience de ce qui se déroulait autour de moi, ni combien de temps je restais ainsi, incapable du moindre mouvement. J’entendais vaguement les échos d’un combat entre deux créatures enragées. Conscient du danger que courrait Alakhiel, j’essayais de me relever, sans succès. Tout ce que je parvins à faire, c’est me trainer lamentablement sur quelques mètres, avant de m’écrouler face contre terre, vidé de toutes forces. Ma vision s’était obscurcie et tout ce que j’entendais se résumait à une sorte de brouhaha indistinct.
Luttant contre l’engourdissement qui me gagnait, au bord de l’évanouissement, je tentais d’ouvrir les yeux, cherchant Alakhiel du regard. Mon regard se posa alors sur une silhouette qui me semblait être la sienne. Bien qu’il se défendait bravement, il était en mauvaise posture. Usant de toute la force de ma volonté, je réussi à me redresser. Le spectacle qui s’offrit alors à moi acheva d’incendier les dernières forces qui me restaient. La rage au coeur, je vis l’assassin du conseil prendre le dessus sur ma créature. Ce n’était plus qu’une question de seconde avant qu’il ne le tue. Ignorant la douleur qui se répandait dans mes veines comme le poison d’un serpent, je fonçais alors sur l’assassin. Arrachant le couteau toujours planté dans ma hanche, ignorant le sang qui coulait à flots, je me précipitais au secours d’Alakhiel. Avant qu’ils n’aient le temps de comprendre ce qui se passait, Alakhiel se retrouva libre, alors que la tête de notre adversaire, roulait sur le sol, les yeux écarquillés grotesquement sous l’effet de la surprise.
Puis, à bout de forces, la douleur se faisant si forte que j’avais l’impression que mon corps allait partir en fumée, comme ravagé par un incendit, je m’écroulais sur le sol. Jamais encore je ne m’étais sentis ainsi. Allais-je mourir ? Tout autour de moi n’était qu’un immense flou aux couleurs effrayantes.
Dans le brouillard épais qui m’enveloppait, j’entendais très faiblement la voix d’Alakhiel me parvenir sans arriver à en comprendre le moindre mot. Je sentais ma température corporelle chuter dangeureusement, mais à présent, cela n’avait plus d’importance. Sans que je n’en prenne réellement conscience, un sourire vint étirer le coin de mes lèvres. L’instant d’après, je sombrais dans le noir total.
Lorsque j’ouvris les yeux, une douleur lascinante me foudroya sur place, m’arrachant un gémissement de douleur. L’instant d’après, Alakhiel accourait à mes côtés.
- Ne bouge pas, murmura-t-il d’une voix douce en passant sa main fraîche sur mon front. Reste tranquille…
- Que… Qu’est-ce que…
- Chuut, souffla-t-il en laissant son doigt glisser jusqu’à mes lèvres pour m’inciter au silence. Ne parle pas… Tu es encore faible…
S’entaillant le poignet, il le porta à mes lèvres. La vision troublée par la fièvre et la douleur, c’est à peine si je pus avaler quelques gorgées de sang, tandis qu’Alakhiel m’encourageait d’une voix tendre, comme il le ferait avec un enfant récalcitrant.
- Comment tu te sens ? Demanda-t-il une fois que j’eu achevé de me nourir.
- J’ai… Mal… Articulais-je, difficilement, haletant sous l’effort que je devais fournir.
- Tu te souviens de quelque chose ?
Pour toute réponse, j’hochais négativement la tête et rien que ce mouvement me donna le vertige. Alakhiel sembla s’en rendre compte car sa main se posa sur ma joue en une douce caresse qui m’arracha un soupir de contentement, malgré la douleur qui persistait.
- Tu as été grièvement blessé en voulant me protéger, m’expliqua Alakhiel d’une voix inhabituellement enrouée. La lame était enduite d’eau bénite. C’est pour ça que la plaie est si longue à cicatriser et la douleur toujours présente… Pourquoi… Pourquoi tu as fait ça Ezekiel ? Ajouta-t-il après une courte pause. Pourquoi avoir risqué ta vie pour moi ?
A cette question, j’esquissais un pauvre sourire avant que la douleur ne se face ressentir avec une intensité toute nouvelle.
- N’as-tu donc pas compris ? Soufflais-je, une onde de douleur me faisant serrer les dents sur un gémissement que je parvins à étouffer.
- Quoi ? S’empressa de me demander Alakhiel, alors que je me sentais de nouveau sombrer dans les limbes du sommeil. Qu’aurais-je du comprendre, Ezekiel ?
A peine eut-il achevé sa phrase, que je sombrais dans les bras de Morphée.
Lorsque j’ouvris de nouveau les yeux, la douleur lascinante avait quelque peut refluée pour faire place à une douleur toujours présente mais beaucoup plus supportable, comme si mon corps s’habituait lentement à cette torture. Alors que je reprenais lentement conscience, je me rendis compte que je n’étais pas allongé sur le matelas trop dur de la veille, mais sur quelque chose de chaud et bien plus confortable. Doucement, afin de ne pas réveiller la douleur qui s’était momentanément calmée, je tentais de me redresser avant d’être interrompu dans mon élan par la voix ensommeillée d’Alakhiel :
- Reste allongé… Souffla-t-il en raffermissant la prise de ses bras autour de ma taille.
Docile, j’obéis sans faire d’histoires et me recouchais, un profond soupir s’échappant de mes lèvres alors que je reposais ma tête sur le torse chaud et accueillant de ma créature. Je n’aurai su dire combien de temps nous restâmes ainsi, silencieux, et à vrai dire c’était le cadet de mes soucis. Tout ce qui m’importait était d’être là, entre les bras de mon amant, alors que plus tôt, je pensais mourir avant d’avoir eu le droit de le toucher à nouveau.
- Tu as faim ? Demanda Alakhiel au bout d’un temps indéterminé.
Ce ne fut qu’à cet instant que je me rendis compte à quel point j’étais affamé. Un grondement sourd roula dans ma gorge, arrachant un sourire amusé à ma créature qui me présenta alors son cou. Hésitant, je demandais, tentant de maitriser ma faim qui se faisait de plus en plus oppressante :
- Mais… Et toi ?
- Je me suis nouris ce soir, répondit-il après un instant d’hésitation.
Scpetique, je me redressais et lui adressais un regard interrogateur. Semblant comprendre ma question muette, il déclara, visiblement mal à l’aise :
- Je… J’ai pas réussi à me contenir… Quand j’ai pu me maitriser, il… Il était déjà trop tard…
Je ne répondis rien à ceci, ayant entièrement conscience que sans son initiative, je serais propablement mort à l’heure qu’il était. Sans un mot, Alakhiel posa sa main sur ma nuque et d’une douce pression, il dirigea mes lèvres vers son cou. Cédant à la faim qui me tiraillait les entrailles, je léchais la peau d’albâtre de son cou, le faisant frissonner avant de finalement y planter mes crocs. Grondant de satisfaction, j’aspirais alors de longues gorgées de sang, sentant peu à peu mes forces revenirs.
Enivré par l’odeur d’Alakhiel et son sang qui coulait dans ma gorge, je me sentis réagir. Instinctivement, sans m’en rendre compte, mes hanches se mirent à onduler tandis que je me frottais éhonteusement contre le bas ventre de ma créature. Le sentant réagir sous moi, j’écartais les jambes, de façon à le chevaucher, prenant appuis de mes mains posées sur son torse. Lascivement, je me déhanchais de plus en plus vigoureusement en sentant mon désir s’éveiller en moi à chaque gorgée de sang que j’aspirais.
Sans que je n’en prenne conscience, des gémissements s’échappèrent alors de ma gorge alors que mon entre-jambe rencontrait celle d’Alakhiel qui, tendu comme un arc, n’esquissait pas le moindre mouvement. Une fois rassasié, je léchais du bout de la langue la plaie causée par mes crocs afin de la refermée. Puis, galvanisé par le plaisir qui grandissait en moi, je laissais ma langue parcourir le cou de mon amant, ne cherchant pas à retenir les gémissements et grongements qui s’échappaient de mes lèvres, privé trop longtemps de son corps.
Malgré l’étourdissement que j’éprouvais, j’abandonnais finalement son cou et me redressais non sans quelques difficultés, n’ayant pas recouvré toutes mes forces. Là, prenant appui sur le torse d’Alakhiel, j’entrepris alors de me déhancher avec plus de vigeur. Je sentais Alakhiel se contracter sous moi, mais bientôt, il finit par se détendre et, à son tour, il se laissa aller, ses mains allant se poser sur mes fesses tout en évitant soigneusement ma hanche blessée. Bientôt, je le sentis durcir sous moi et cette simple constatation me fit redoubler d’ardeur. Aidé par Alakhiel, j’accélérais le rythme de mes déhanchements, alors que de son côté, ses hanches se soulevaient pour venir à la rencontre des miennes. Haletant, je me laissais aller à lui faire part du plaisir qui était le mien, gémissant sans la moindre retenue.
Au bord de l’extase, je devais faire appel à tout mon self-control pour ne pas jouir à l’instant, souhaitant faire durer le plaisir le plus longtemps possible. Soudain, je sentis quelque chose de chaud contre mes fesses tandis qu’Alakhiel se cambrait violemment contre moi. Comprenant qu’il venait de jouir, se libérant dans son pantalon, je me mordis violemment la lèvre inférieure pour ne pas le rejoindre. Cependant, trop loin sur le chemin de non retour, je finis par jouir à mon tour. Le dos douloureusement cambré, je me frottais énergiquement contre le sexe encore gonflé de plaisir d’Alakhiel et sous l’effet du plaisir fulgurant qui me traversa tout entier, rejetant la tête en arrière sur un cri muet, je me libérais à mon tour dans mon pantalon.
Haletant et le corps douloureux, je me laissais retomber Alakhiel qui, referma ses bras autour de moi. Avant que ma respiration eut retrouvé un rythme régulier, je sombrais dans un profond sommeil.
Lorque je me réveillais pour la seconde fois, ce fut avec une impression qu’un froid glacial s’était emparé de moi. Tout mon corps criait de douleur au moindre mouvement. Cependant, faisant taire ses protestations, je me redressais difficilement afin d’observer autour de moi. J’étais allongé dans un lit et mes vêtements avaient été changés. Pourtant, je ne percevais pas le moindre indice qui m’indiquait la présence d’Alakhiel. Soupirant de lassitude, je me laissais retomber sur le matelas de qualité moyenne.
Ayant du temps à tuer devant moi, j’entrepris d’observer mon environnement et fus surpris de découvrir une chambre décorée avec un certain luxe. Les meubles étaient tout en bois finement ciselé et les cadres qui entouraient les tableaux accrochés aux murs, recouverts d’une fine feuille d’or. Nous étions visiblement dans une maison dont le propriétaire avec un goût prononcé pour l’architecture et la mode française.
Je n’aurai su dire combien de temps s’écoula avant que j’entende Alakhiel revenir. Lorsqu’il entra dans la chambre, il parut surpris de me voir réveillé. Puis, une fois la surprise passée, il m’adressa un sourire radieux.
- Pourquoi tu souris comme ça ?
- Je n’ai pas le droit de sourire ? Demanda Alakhiel sans répondre à ma question. Tu vas mieux, je suis soulagé… J’ai eu vraiment peur tu sais… Tu as déliré toute la nuit à cause de la fièvre…
- Ah bon ? Demandais-je, surpris, n’ayant aucun souvenir. Raconte-moi…
Alakhiel émit un soupir et alla s’installer dans le fauteuil qui se trouvait à mon chevet. Après un court silence, il déclara :
- Il n’y a rien de particulier à dire… Hier un peu après le levé du soleil, tu t’es réveillé, tu étais vraiment mal… Ta blessure ne cicatrisait pas à cause de l’eau bénite enduite sur la lame et tu avais déjà perdu énormément de sang… Tu semblais vraiment au plus mal, alors je t’ai donné un peu de sang pour te soulager, ajouta-t-il en s’empourprant.
- Pourquoi tu rougis comme ça ? Tu vas te consumer sur place à cet allure ! Fis-je remarquer.
- Et bien, je… Tu… Quand tu as bu mon sang, tu n’étais pas vraiment toi-même et… Tu… Tu as commencé à te frotter contre moi… D’où les vêtements propres… Après, tu t’es endormi, puis tu t’es réveillé à nouveau, tu étais tremblant de froid et brûlant de température. Tu n’as pas arrêté de délirer…
- Qu’est-ce que j’ai dis ? Demandais-je, paniquant l’espace d’un instant.
- Tu as surtout appelé mon prénom… Tu n’arrêtais pas de le dire, quand tu n’étais pas en train de crier… Je… Je crois que tu revoyais ta vie avec… Enfin, lorsque tu es devenu vampire… Je t’ai plusieurs fois entendu prononcer son nom… Tu as aussi appelé Indra… Qui est Indra ?
- Indra… Répétais-je pour moi-même, me laissant assaillir par mes souvenirs.
- Ezekiel ? M’appela alors ma créature. Qui est Indra ?
Retrouvant mes esprits, je reportais mon attention sur Alakhiel et l’observais longuement avant de finalement lui répondre :
- Indra, c’était un vieux fou que j’ai rencontré à Bénarès, il y a quinze ans… C’était un humain borgne et à moitié fou… C’est aussi lui qui m’a fait prendre conscience de ma part d’humanité… Il est le seul homme que j’ai réellement aimé, qui m’ait donné l’impression d’avoir un jour eu un père…  Il est le seul homme pour lequel j’ai pleuré…
Après cet aveux, je restais un moment silencieux et respectant ma douleur, Alakhiel en fit de même. Je n’aurai su dire combien de temps je restais ainsi silencieux, plongé dans mes souvenirs. Ce fut la main de ma créature sur ma joue qui me tira de ma torpeur. Sa main sur ma joue, son pouce caressait ma peau sous mon oeil, alors qu’il me regardait avec un mélange d’infinie tristesse et d’incrédulité. Ne comprenant pas ce qui lui arrivait, je lui adressais un regard interrogateur. Pour toute réponse, Alakhiel baissa les yeux, m’invitant à en faire de même. Ce n’est qu’en voyant sa main humide que je compris que je pleurais.
Subitement honteux de m’être laissé aller devant Alakhiel, je détournais vivement la tête et séchais mes larmes d’un brusque mouvement du poignet. Alors qu’Alakhiel esquissait un mouvement dans ma direction, je le repoussais violemment, un grondement menaçant s’échappant de ma gorge. Cependant, Alakhiel passa outre ma mise en garde et réitéra son geste. Détestant me faire prendre en pitié, je l’attrapais un peu trop vivement par le poignet et l’attirait à moi. Là, je plaquais sans douceur mes lèvres sur les siennes et lui mordillait la lèvre inférieure pour l’obliger à ouvrir la bouche. Ne pouvant s’échapper à mon étreinte, Alakhiel s’exécuta et aussitôt, je glissais ma langue entre ses lèvres.
Cependant, je n’eu pas le loisir d’approfondir ce baiser, car retrouvant ses esprits, il me repoussa vivement.
- Mais qu’est-ce que… Qu’est-ce qui te prend ?! S’exclama-t-il en s’éloignant rapidement.
- Ce qui me prend ? Répétais-je, une once de colère se faisant ressentir. Il me prend que je te veux Alakhiel. Ne crois-tu pas que j’ai été suffisament patient ? Ne crois-tu pas que j’ai droit à un peu plus de considération de ta part ?
- De considération ? Répéta Alakhiel, incrédule. Tu te fou de moi ? S’écria-t-il, furieux. Calme tes ardeurs Ezekiel ! Je ne suis pas à ta disposition, prêt à écarter les cuisses lorsque tu le désires ! S’exclama-t-il en quittant la pièce, claquant violemment la porte derrière lui.
- Sombre crétin ! M’exclamais-je alors, furieux contre ma créature et contre moi-même.
Aussitôt, mes souvenirs en rapport à Indra me revinrent subitement en mémoire, comme si, de là où il se trouvait, il s’amusait à me voir me torturer l’esprit. Cela lui ressemblait bien d’ailleurs… Je l’imaginais, un sourire mi moqueur mi amusé étirant ses lèvres alors que les souvenirs de notre dernière conversation m’assaillaient, s’insinuant sournoisement dans mon esprit. Je l’entendais me redire pour la énième fois d’avouer à Alakhiel la nature trop profonde des sentiments que je nourrissais pour lui. Je l’entendais se moquer de moi, de ma naïveté, selon lui pour certains aspects de la vie.
Penser ainsi à Indra raviva la douleur que j’avais ressentis lorsque je l’avais perdu. Et malgré le temps qui s’était écoulé depuis, la cicatrice que sa disparition m’avait causée était toujours présente, menaçant de se réouvrir à n’importe quel moment. Pourquoi fallait-il que ce soit maintenant ? Cependant, étrangement, malgré la douleur qui m’étraignait sauvagement le coeur, penser ainsi à mon ami disparut apaisa ma colère, ne me laissant plus qu’un sentiment de lassitude et d’un arrière-goût amer. Pourquoi la mort d’Indra m’avait-elle plus bouleversé que le meurtre de mes propres parents ?
Mon esprit n’était plus qu’un enchevêtrement de pensées confuses et incohérentes. Etais-je en train de devenir fou ? A mes souvenirs d’Indra se mêlaient à présent ceux de ma vie humaine auprès de mes parents. Pourquoi étais-je subitement en train de penser à eux ? Alors que je revoyais le visage de ma mère me sourire, ses traits commençèrent alors à se faire plus flou pour laisser place l’instant suivant au visage trop parfait d’Elizabeth… Lorsqu’elle ouvrit la bouche, le seul son qui en sortit fut un rire démoniaque qui n’avait rien d’humain et dont la voix m’était cruellement familière…
Une chose était certaine à présent, j’étais bel et bien devenu fou à lier… Hanté par tous ces visages de mon passé, je laissais libre court à ma colère et dans un hurlement de rage, je soulevais le lit et le lançais de l’autre côté de la pièce où, sous la violence de l’impact, il alla se briser contre le mur. Aveuglé par la rage qui me consumais, hurlant toute la souffrance, la colère et la rancoeur qui me rongeait le coeur depuis tant d’années, je n’avais plus conscience de mes actes. Les meubles volaient à travers la pièce, allant rejoindre le lit en lambeau.
Aveuglé par mes émotions, je n’entendis ni ne vis Alakhiel faire irruption dans la chambre et ne pris conscience de sa présence que lorsqu’il m’attrapa le bras d’une main tremblante mais ferme.
- Arrête ! Ezekiel, je t’en prie… Calme-toi… Tu me fais peur… Qu’est-ce qui t’arrives, Ezekiel ?
Dans un ultime accès de fureur, je donnais un violent coup de pied dans la chaise qui avait survécue et l’envoyais rejoindre l’ammoncellement de morceau de bois informe qui jonchait le sol de la chambre, avant de finalement me laisser tomber à genoux, épuisé. Cette crise venait de me vider de mes dernières forces et, à présent calmé, je sentais la douleur revenir au galop dans mes muscles.
Alakhiel s’agenouilla face à moi et avec la même tendresse qu’une mère aurait envers son enfant, il m’attira à lui tout en me murmurant des paroles réconfortantes que je ne fis pas l’effort de comprendre. Fermant les yeux, je me laissais aller à l’étreinte de ma créature, appuyant mon front contre son épaule. Ses mains vinrent se perdre dans mes cheveux qu’il caressa longuement.
- Qu’est-ce qui t’a prit, Ezekiel ? Demanda-t-il après un long moment de silence, une fois que je fus entièrement calmé.
- Il y a ces visages, soufflais-je sans pour autant me redresser. Tous ces visages et ces voix, dans ma tête… Je vais devenir fou, Alakhiel… Je vais devenir fou si elles ne se taisent pas…
- Quelles voix ? Demanda ma créature, visiblement surpris. Qu’est-ce qu’elles te disent ?
- Elles me font prendre conscience… De ce que je suis… De ce que je ressens… Comme si elles me jugeaient…
Alors que j’achevais ma phrase, Alakhiel me força à reculer et, prenant mon visage dans ses mains, il me força à redresser la tête, plongeant son regard dans le mien :
- J’ai toujours pensé que tu étais ton seul juge, Ezekiel… J’ai toujours pensé que le regard des autres ne t’atteignaient pas… Que tu passais outre ce que les gens pensaient… Me serais-je trompé ? Dis-moi, Ezekiel ?
Je ne répondis rien, me contentant de baisser les yeux. Cependant, loin d’être de mon avis, Alakhiel m’obligea à relever la tête pour la seconde fois et face à mon silence, il ajouta :
- Pourquoi cela te rend-t-il aussi fou ? Explique-moi ? Qui sont ces voix et ces visages dont tu parles ?
- Il y en a tellement… Toujours ils reviennent… Sans arrêt… Mes parents, Indra… Même elle ! Crachais-je avec dégoût. Ils me font culpabiliser… Ils me font prendre conscience de la noirceur de mon âme… De la bête que je suis…
- Nous ne sommes que tous les deux Ezekiel… Il n’y a rien que toi et moi ici… Tu peux parler tranquille… Je ne te jugerais pas, Ezekiel… S’il te plait… Raconte moi…
- Je suis désolé, Alakhiel… Craquais-je, à bout de nerf. Je suis tellement désolé… Pour ce que j’ai fais de toi… Pour ce que je t’ai fait endurer…
- Chut, souffla Alakhiel en posant son index sur mes lèvres, m’incitant au silence.
- Non ! M’écriais-je en le repoussant faiblement. Tu dois savoir… Tu as le droit de savoir…
- D’accord… Mais calme-toi… Souffla-t-il, toujours tendre, malgré mon tempérament instable. Ta blessure est encore trop fragile, tu risques de la réouvrir…
- Je suis désolé, répétais-je incapable de prononcer autre chose, comme si dans ses mots, je cherchais mon propre salut plutôt que son pardon. Pour toi… Pour ce que je t’ai forcé à lui faire… A elle…
- De qui tu parles, Ezekiel ? Qui est ce “elle” dont tu parles ? Murmura-t-il toujours de cette voix si douce, me caressant tendrement les cheveux.
- De cette femme… Celle qui me hante encore après toutes ces années… Celle qui t’arrache à moi… Elizabeth… Crachais-je, répugné à l’idée même de prononcer son nom. Je la hais pour ce qu’elle est… Je hais cet amour que tu lui portes… Je hais l’idée même que tu puisses encore penser à elle…
- Tu te tortures inutilement, Ezekiel, murmura Alakhiel après un instant de silence. Tu te tortures pour rien, parce que cela fait longtemps que je t’ai pardonné… Je suis passé à autre chose… Tu sais, de mon vivant, jamais elle n’a ne serait-ce qu’un instant posé les yeux sur moi… J’aurai pu lui courir après toute ma vie durant que je n’aurai jamais en retour d’un regard méprisant… Il y a bien longtemps que je n’ai plus de sentiments pour elle, Ezekiel…
A ces mots, je relevais brusquement la tête, plongeant un regard à la fois surpris et empli d’incompréhension dans le sien. Que devais-je penser ? Qu’étais-je autorisé à croire ? Avant de réellement prendre conscience de mon acte, je me penchais vers ma créature et happais ses lèvres l’entrainant dans un baiser sensuel et enflammé. Comprendrait-il le message que j’essayais de lui faire passer, incapable de le lui avouer de vive voix ?
Alors que j’entrouvrais les lèvres, je sentis les deux mains d’Alakhiel se poser sur mon torse et l’instant suivant, il me repoussait. Malgré la douceur de son geste, je sentis une vive douleur me compresser la poitrine au niveau du coeur. Avait-il comprit la nature des sentiments que je lui vouais ? Etait-ce sa façon à lui de me dire qu’il ne les acceptait pas et qu’il n’éprouvait rien pour moi ?
Terriblement meurtri, je baissais la tête mettant ma fierté de côté, incapable de surmonter son regard et le jugement que je pourrais lire dans ses yeux. Blessé au plus profond de moi-même, je m’apprêtais à me lever pour m’éloigner de lui lorsque je sentis sa main attraper mon poignet. Je restais un instant immobile, et voyant qu’il n’avait pas l’intention de me lacher, je me risquais à lui adresser un regard. Dans ses yeux, je pus lire toute l’incompréhension du monde. Je ne sais combien de temps nous restâmes ainsi, à nous fixer sans prononcer le moindre mot, comme si cela risquait d’avoir un impact sur la suite des évênements.
Finalement, après un temps qui me parut infiniment long et à la fois bien trop court, Alakhiel posa sa main libre sur ma joue, sans pour autant lacher mon poignet et, son regard ancré au mien, il demanda d’une voix tremblante :
- Pourquoi ?… Pourquoi ce baiser, Ezekiel ?
A cette question, je pris peur. Pouvais-je vraiment lui avouer mes sentiments ? Aurais-je le courage de continuer à le cotoyer en sachant qu’il ne ressentait rien pour moi ? Prit d’un terrible doute, je tentais de retirer ma main de la sienne. Mais Alakhiel semblait avoir deviner mes intentions car il rafermi sa prise autour de mon poignet, refusant de me laisser partir. Furieux, je lui adressais un regard assassin, lui promettant silencieusement mille morts s’il ne me lachait pas, mais soutenant mon regard, il résista.
- Dis-moi pourquoi, Ezekiel… Demanda-t-il à nouveau de cette voix emprunte de douceur qui me troublait profondément.
- Parce que je t’aime, Alakhiel ! M’exclamais-je alors, à la fois troublé et écoeuré par la douceur dont il faisait preuve à mon égard, sachant pertinement que lorsqu’il saurait, il ne réagirait plus qu’avec mépris envers moi.
Un silence de mort accueili mes paroles, alors qu’Alakhiel posait sur moi un regard empli de surprise et d’incrédulité. Ne supportant plus davantage de le voir ainsi, m’attendant à tout instant de le voir éclater de rire face à mon aveu, je retirais si vivement ma main de la sienne qu’il n’eut pas le temps de la rattraper et dans un geste si vif qu’il ne réagit que trop tard, je quittais la pièce, fuyant loin du regard de ma créature. Pour la première fois de ma vie, je fuyais la présence d’Alakhiel. Pour la première fois de ma vie, j’étais incapable de lui faire face et de soutenir son regard, d’assumer ce que j’étais et mon amour pour lui.
Courant sans même regarder où j’allais, c’est à peine si j’entendis les cris désespérés d’Alakhiel m’appelant par mon prénom. La seule chose qui m’importait à cet instant, c’était de fuir. Ignorant le sentiment de lâcheté qui m’envahissait un peu plus à chaque pas, je continuais de courir, souhaitant mettre le plus de distance possible entre lui et moi. Je ne m’arrêtais que lorsque je m’effondrais sur le sol, mes jambes encore trop faibles refusèrent d’aller plus loin. Allongé sur le sol humide, le visage maculé de terre et des feuilles mortes pleins les cheveux, je me sentais plus lamentable que jamais. Laissant alors libre court aux sentiments tous plus contradictoires qui m’étreignaient le coeur, je me mis à hurler, des sanglots incontrôlables venant se mêler à mes hurlements.
J’avais besoin d’évacuer toutes ces émotions, ses sentiments qui me tourmentaient. Misérablement, je me mis à maudire cette nuit durant laquelle mon destin m’avait fait croiser la route d’Alakhiel. Cette nuit où, durant un instant de faiblesse, je décidais d’épargner celui qui est aujourd’hui ma créature, au lieu de simplement le tuer comme j’avais tué des milliers de personnes avant lui.
Finalement, je dus m’endormir car lorsque je repris conscience, l’aube n’était plus très loin. Je n’avais aucune envie de retourner auprès de ma créature, sentant la honte me gagner en repensant à ce qui s’était passé un peu plus tôt. Cependant, je n’avais pas le choix. Le jour allait se lever d’un instant à l’autre et ne connaissant pas les environs, je n’avais d’autre choix que de retourner sur mes pas.
Lorsque je franchis le seuil de la porte, au bord de l’évanouissement, les effets de l’aube s’accumulant à mon manque de sang et mon état de santé encore instable, je fus accueillis par une gifle monumentale qui résona longuement à mes oreilles.
- Non mais ça va pas ! Rugit Alakhiel apparament furieux pour une raison quelconque. Non mais, tu imagines la trouille que j’ai eu en ne te voyant pas revenir ?! Refais-moi ce coup là encore une fois, Ezekiel, et je te tue !
Les mots de ma créature résonnaient à mes oreilles comme des sons inintelligible alors que je me sentais pris d’un violent vertige. Avant que je ne réalise ce qui se passait, je sombrais dans l’inconscience.
Je n’aurai su dire combien de temps s’écoula avant que je ne reprenne conscience, tiraillé par une faim dévorante. Alors que j’ouvrais les yeux, je tombais nez à nez avec Alakhiel qui, visiblement, avait l’air plus que furieux.
- Tu as de la chance d’être aussi mal en point ! Siffla-t-il, menaçant. Sans quoi, je t’aurai déjà étripé de mes propres mains ! Tu as intérêt à avoir une bonne… Une très bonne excuse pour cela !
- Arrête de me persifler dans les oreilles ! Grognais-je en me retournant sur le côté opposé, n’ayant aucune envie de lui faire face. Je suis pas d’humeur à écouter tes jérémiades.
- Mes jérémiades ? Répéta Alakhiel, outré. Tu étais à demi mort sur le pas de la porte Ezekiel ! Explosa-t-il, ivre de colère.
- Et alors ? M’exclamais-je en me retournant, ignorant le vertige qui m’assaillait. Ma vie ne te regarde pas ! Ne te crois pas posséder tous les droits sur moi, Alakhiel parce que je ne le tolèrerais pas ! Je suis le seul et unique maître de mon destin ! Et je vis ma vie comme il me plait !
- Et quel glorieux destin ! Ironisa Alakhiel en croisant les bras sur sa poitrine, signe de son mécontentement.
- Si tu es là uniquement pour me faire la morale, je te prierai de partir, soupirais-je, las, en me retournant de nouveau pour lui tourner de dos.
- Ecoute Ezekiel, je suis désolé… Soupira Alakhiel en se radoucissant. Je n’aurai pas du te parler comme ça… C’est la peur qui m’a fait dire des choses que je ne pense pas forcément…
Je ne répondis rien à celà, n’ayant pas envie d’entamer encore une fois une conversation stérile qui se terminerait immanquablement par une dispute de plus. J’étais fatigué de toujours faire en sorte que tout aille bien, qu’il ne remarque rien de ce que je ressentais vraiment au fond de moi. Certains jours, la vie, si je pouvais appeler ça comme ça, que je menais semblait ne plus avoir aucun goût. Plus rien n’avait autant d’attrait qu’auparavant.
- Tu peux te retourner s’il te plait ? Demanda-t-il alors. J’aime bien voir la personne à qui je parle… Ezekiel…
Je restais sourd à ses supplications dans l’espoir de le voir abandonner et partir. C’était, cependant, sans compter sur la détermination de ma créature qui, n’y parvenant pas ainsi, se leva et m’emjamba pour s’asseoir face à moi. Je fermais alors les yeux, dans l’espoir vain de le voir se dissuader. Mais la seule réaction qu’il eut fut de soupirer bruyament.
- T’es pire qu’un gamin quand tu fais ça, tu le sais ?
Pour toute réponse, je me recroquevillais sur moi-même et me tournais une fois de plus, tandis qu’Alakhiel émit un profond soupir de lassitude. A mon grand soulagement, il n’insista pas, préférant garder le silence. Alors que je fermais les yeux, je sentis le matelas s’affaisser derrière moi à l’instant où il s’allongeait tout contre moi, son corps épousant parfaitement les formes du mien.
- Cesse de m’ignorer, Ezekiel, souffla-t-il d’une voix emprunte d’une pointe de tristesse. Regarde-moi… S’il te plait…
Cependant, estimant m’être assez humilié devant lui ces derniers temps, je restais immobile et impassible, hermétique à ses suplications. Et c’est avec un soulagement non feint que je sentis Alakhiel rendre les armes. Pendant ce qui me sembla un temps incroyablement long et court à la fois, il resta parfaitement silencieux. Seul le bruit de nos deux respirations venaient troubler le silence de la nuit. Puis, comme si rester silencieux plus longtemps lui était impossible, Alakhiel reprit, dans un murmure si faible que je dus tendre l’oreille pour l’entendre :
- Est-ce que tu pensais réellement ce que tu m’as dit ?
Je restais un long moment silencieux avant de finalement répondre, sans pour autant lui faire face :
- Pourquoi l’aurais-je dit si je ne le pensais pas ? Déclarais-je simplement, d’une voix atone. Je ne suis pas du genre à parler pour dire des choses inutiles, et encore moins à étaler mes sentiments… Tu devrais t’en être rendu compte depuis le temps ! Ajoutais-je, avec une pointe de sarcasme.
- Je ne sais jamais à quoi m’attendre avec toi ! Répliqua-t-il aussitôt, comme vexé par ma remarque.
Je ne répondis rien, n’ayant ni la force, ni l’envie nécéssaire pour me plonger dans une vaine discussion qui ne servirait à rien d’autre qu’à élargir le gouffre qui nous séparait déjà. Soupirant de lassitude, je fermais les yeux, esapérant ainsi le voir renoncer à ses questions. Je crus y être parvenu lorsque je le sentis se coller à moi, son intimité frottant contre mes fesses d’une façon qui n’avait rien d’innocente. Aussitôt, je me tendis, attendant la suite non sans appréhension. Que croyait-il être en train de faire ? Lorsque mes craintes s’avérèrent justifiées, sa main venant se glisser sous ma chemise pour se faufiller dans mon pantalon tandis que sa langue léchait sensuellement mon cou, je me dégageait rapidement de l’étreinte de ma créature. Lui adressant un regard empli de haine, je crachais avec mépris, tentant de dissimuler au mieux la honte et la déception qui venait de s’emparer de moi :
- Je ne veux pas de ta pitié Alakhiel !
- De la pitié ? Répéta Alakhiel avec dégoût. Tu crois que je fais tout cela par pitié ?
- Pour quelle autre raison le ferais-tu ? Répliquais-je. N’est-ce pas toi qui m’a repoussé l’autre fois en prétendant que je t’utilisais ?
A ma grande satisfaction Alakhiel ne trouva rien à redire à cela. Profitant de son instant d’interdiction, je quittais la pièce l’abandonnant à ses réflexions. Cependant, encore trop affaibli, je ne pus aller bien loin. Titubant, je ne dus mon salut qu’à la présence d’un meuble taillé dans un bois massif contre lequel je pris appuis le temps de calmer la douleur qui m’étreignait. La respiration haletante sous l’effort que je déployais, je me dirigeais lentement vers la pièce la plus éloignée de celle où se trouvait Alakhiel. Là, je me laissais lamentablement tomber sur le lit avant de me recroqueviller en position foetale.
Durant un temps qui me parut à la fois bien trop court et à la fois interminable, je restais ainsi immobile, songeant à la façon dont ma vie avait si brusquement prit un chemin auquel je ne m’attendais pas. Revoyant ma propre déchéance, je me maudissais d’être tombé si bas. Plongé dans mes pensées, je n’entendis pas la porte s’ouvrir, pas plus que les pas d’Alakhiel qui s’approchait lentement du lit où je me trouvais. Si bien que je ne me rendis compte de sa présence dans mon dos que lorsqu’il prit la parole :
- Tu me fais un peu de place ?
A contrecoeur, j’accédais à sa requête et me déplaçais sur un côté du lit. Sans un mot, Alakhiel prit place derrière moi, enfouissant son visage dans mon cou. Réprimant un frisson de bien-être à ce contact, je restais complêtement immobile, pas disposé à faire le premier pas, ni même à lui rendre la tâche plus aisée. Alakhiel dut le comprendre, car s’éloignant légèrement de moi, il émit un soupir de lassitude. Puis, après un court instant d’hésitation, il déclara :
- Je suis désolé… Souffa-t-il.
- Pourquoi tu as fait ça ? Demandais-je, après plusieurs secondes de silence, finalement vaincu par la curiosité en l’envie de comprendre qui me rongeait.
- Je ne sais pas, avoua piteusement ma créature. Mais ce n’était pas par pitié ! S’empressa-t-il d’ajouter. Je ne saurais pas t’expliquer pourquoi mais je… C’est comme un besoin inpétueux, là, dans mes veines… Je ne sais pas… Je ne comprend pas… Je… Je t’ai mentis, Ezekiel… Quand je t’ai repoussé…
A ces mots, je me tendis imperceptiblement. Que voulait-il dire ? Qu’étais-je censé comprendre à cet aveu ? Et s’il le voulait autant que moi, pourquoi diable m’avait-il repoussé ? Parfaitement immobile, je ne fis aucun commentaire, faisant comprendre à Alakhiel que j’attendais la suite.
- Je… Je te veux autant que toi, Ezekiel, souffla-t-il. Mais je… Je ne veux pas de sexe afin d’assouvir une pulsion animale… Je veux que… Je veux que tu me fasse l’amour, Ezekiel… Je veux me sentir aimé…
Sous le coup de la surprise, ne m’attendant pas le moins du monde à une telle confession, j’oubliais ma rancoeur envers ma créature et me retournais pour lui faire face.
- Quoi ? Murmurais-je, craignant que mon esprit ne me joue des tours.
- Tu as très bien entendu, Ezekiel, souffla Alakhiel en esquissant un sourire tandis que de sa main, il caressa tendrement ma joue. Prouve-moi que tu m’aimes vraiment…
- Je… Je n’ai jamais fait ça, avouais-je à mon tour, réalisant alors que jamais j’avais toujours cédé aux plaisirs de la chair sous l’effet du désirs et de pulsions charnelles, mais jamais en ayant ressentit pour mon partenaire quelconque sentiments. Je n’ai jamais aimé personne, Alakhiel… Je ne sait rien de tout ça… Tu me demandes l’impossible…
- J’ai confiance en toi, Ezekiel, souffla ma créature en m’adressant un tendre sourire.
Sans me laisser le temps de répondre, il se pencha vers moi, lentement, sans rompre le lien visuel qui nous liait. Puis, avec une douceur telle qu’il n’avait encore jamais fait preuve jusqu’à maintenant, ses lèvres se posèrent sur les miennes en une caresse éthérée, aussi douce qu’un souffle de vent. A cet effleurement, un frisson de bien être traversa mon corps tout entier et lâchant un soupir de satisfaction, j’entrouvris les lèvres en une invitation explicite. Toujours avec cette retenue qui le qualifiait, Alakhiel glissa sa langue entre mes lèvres. Lorsque nos langue se rencontrèrent, je sentis un violent frisson me traverser l’échine. Prenant alors le contrôle du baiser, je l’entraînais dans un ballet affreusement sensuel qui lui arracha un soupir de contentement.
Electrisé par ce son si déléctable, je glissais alors mes mains dans son dos et l’attirait davantage tout contre moi, mettant à bas la faible distance qui nous séparait encore. Un faible gémissement s’échappa alors des lèvres de mon amant et je me sentis pris d’un violent frisson de désir à l’entente de ce son si érotique. Mettant fin au baiser, j’enfoui mon visage dans son cou et respirant à plein nez, je m’enivrai de son odeur si particulière que j’aimais tant. Du bout des crocs sans chercher à percer sa peau, je le mordillais délicatement avant de lécher sa peau malmenée le faisant se cambrer sous moi tandis que ses mains se faufillaient sous ma chemise.
Lorsque ses doigts effleurèrent ma peau je ne pus réprimer un énième frisson de plaisir. Tout mon être tremblait de désir alors qu’une chaleur ô combien agréable venait prendre naissance dans mes reins éveillant tout mon corps au plaisir grandissant.
Abandonnant le cou de ma créature, je me redressais alors et nous faisant rouler, je l’allongeais délicatement sur le matelas, prenant place au dessus de lui. Confiant, il me souriait. Incapable de lui rendre son sourire, je me contentais de l’observer un instant, avant de partir à la redécouverte de ce corps qui m’avait tant manqué. Fébrilement, j’entrepris d’ouvrir la chemise d’Alakhiel afin d’élargir mon champ d’action. Lorsque finalement je parvins à défaire le dernier bouton, j’ouvris grand sa chemise afin d’exposer la beauté de son torse puissant à mon regard. Face à tant de perfection, je restais un instant immobile, le souffle coupé. Il était magnifique, ainsi offert, me renvoyant une image des plus sensuelles.
Le coeur battant, je lui écartais les jambes afin de m’agenouiller entre ses cuisses. Puis, incapable de résister à l’appel de son corps, je me penchais vers lui, prenant soin d’effleurer son bas ventre avec le mien, alors que mes mains allaient s’ancrer sur ses hanches et que mes lèvres redessinaient les courbes et les vallées de son torse. Avec une passion que je ne me connaissais pas, j’entrepris de réapprendre les courbes de son corps. Tandis que je me déhanchais lentement tout contre son aine, lui arrachant des soupirs de bien être, je mordillais le bouton de chair de son sein gauche, alternant entre morsures délicates et coups de langue éffrontés.
Allanguis sous moi, les yeux fermés, Alakhiel semblait totalement abandonné, ses mains crispées dans les longues mèches de ma chevelure ébène. Intérieurement, je ne pus m’empêcher de le trouver incroyablement beau. Je voulais qu’il m’appartienne, qu’il soit mien pour l’éternité…
Je passais un temps incroyablement long à attiser son désir et son plaisir, léchant, mordillant, caressant la moindre parcelle de peau nue qui s’offrait à moi. La lenteur de mes déhanchements s’était muée en un rythme un peu plus soutenu lorsque j’avais sentis le sexe d’Alakhiel gonfler et durcir sous mes soins en même temps que mon intimité. Le souffle erratique, usant de toute la force de ma volontée pour ne pas retourner Alakhiel et le prendre immédiatement, je m’allongeais sur lui, tressaillant lorsque sa langue vint effleurer la peau de mon cou, le léchant avec délicatesse.
Soudain, sans que je ne puisse réaliser ce qui se passait, Alakhiel inversa nos positions d’un habile coup de rein et je me retrouvais à sa place, alors qu’agenouillé entre mes jambes honteusement écartées, il me souriait avec malice. Au souvenir de notre dernière union, je ne pus retenir l’accélération de mon rythme cardiaque alors qu’une peur sans nom s’insinuait dans mes veines. Semblant s’en rendre compte, Alakhiel se pencha vers moi et de son index, il effleura mes lèvres entrouvertes sur une protestation muette :
- Chuut… Souffla-t-il. Ne craint rien… Fais-moi confiance…
Rassuré par ce que je pouvais lire dans ses yeux, je finis par me détendre. Voyant cela, Alakhiel m’adressa un sourire empli de tendresse et se penchant davantage sur moi, il s’empara de mes lèvres pour un baiser des plus tendre, achevant de m’apaiser.
Puis, comme je l’avais fait pour lui un peu plus tôt, il laissa sa langue parcourir mon visage pour s’aventurer dans mon cou, alors que de ses doigts agiles, il bataillait pour déboutonner ma chemise avant d’exposer mon corps à son regard appréciateur. Sans que je ne sache pourquoi, le voir m’observer avec cette convoitise qui faisait briller son regard gonfla mon coeur d’un sentiment d’allégresse. Je ne saurais dire combien de temps il passa à me faire subir la plus exquise des tortures, alors que sa langue passait et repassait sur mon torse, s’arrêtant parfois sur mes boutons de chair durcis par le plaisir qui m’incendiait de l’intérieur.
Après un baiser des plus passionnés mais toujours emplis d’une tendresse encore inégalée, il m’adressa un regard malicieux qui m’enflamma plus que je ne l’était déjà. Sans détourner son regard du mien, il descendit au niveau de mon entrejambe. Là, il entrepris de me retirer mon pantalon, prenant un soin tout particulier à effleurer mon intimité douloureusement tendue à chaque mouvement, m’arrachant moult soupirs et gémissement plaintifs. Très vite, je me retrouvais entièrement nu et exposé à son regard inquisiteur. Fermant les yeux sous l’effet du plaisir qui me consumait de l’intérieur, j’entamais inconsciement un déhanchement lascif. Sentant les mains d’Alakhiel quitter mon corps, je poussais un feulement de protestation et ouvrit les yeux. A travers le voile de plaisir qui me brouillait la vue, je crus voir Alakhiel qui m’adressait un sourire malicieux.
L’instant d’après, je criais de plaisir lorsqu’il prit en main mon sexe brûlant. Crispant mes doigts dans ses cheveux, je tentais de lui faire comprendre d’aller plus loin. Cependant, il restait obstinément immobile, n’esquissant aucun geste, se contentant de garder mon érection dans sa main.
- Qu’est-ce que tu veux Ezekiel ? Murmura-t-il d’une voix terriblement excitante. Est-ce que c’est ça que tu veux ? Ajouta-t-il en léchant le bout de mon intimité, me faisant me cambrer violemment sous l’effet du plaisir. Tu veux ma langue et ma bouche là ? Reprit-il en réitérant son geste.
- Oh mon Dieu ! Oui ! M’exclamais-je vivement, assailli par une violente vague de plaisir que je n’avais pas sentie arriver.
Visiblement satisfait de ma réaction, Alakhiel accéda finalement à ma requête muette et sans la moindre trace de pudeur, il me prit en bouche, entourant mon érection douloureuse entre ses lèvres chaudes. Sous l’afflux de plaisir qui s’empara de moi à cet instant, je ne pus retenir un cri de plaisir à l’état pur. L’instant suivant, Alakhiel entamait un va et vient cadencé sur mon érection tout en m’empêchant le moindre mouvement, ses mains fermement ancrées sur mes hanches. Alternant entre des va et vient affreusement lents qui me mettaient au supplice et un rythme beaucoup plus cadencé, il me conduisit bientôt aux portes de la jouissance. Et alors que j’atteignais le stade ultime de la jouissance, il cessa subitement tout mouvement et libéra mon sexe tendu à l’extrême et affreusement douloureux, de sa prison humide, m’arrachant un sanglot de frustration.
L’instant d’après, je sentis son souffle sur mes lèvres entrouvertes. Cependant, encore assez lucide pour lui faire par de mon mécontentement, je détournais la tête au dernier moment, esquivant ainsi le baiser qu’il voulait me donner. Alakhiel n’ayant visiblement pas prévu cela, je sentis ses lèvres se poser sur ma joue avec une tendresse infinie et sans que je ne sache pourquoi, ce baiser loupé me fit bien plus d’effets qu’un baiser sur les lèvres. Sans m’en rendre compte, affreusement gêné, je sentis mes joues déjà rougies par le plaisir virer à l’écarlate alors qu’une bouffée de chaleur s’emparait de moi. Je priais intérieurement qu’Alakhiel n’ait rien remarqué à mon trouble, mais à entendre le rire discret qui s’échappa de sa gorge, je sus qu’il n’avait rien manqué du spectacle que je venais de lui offrir. Honteux de ma réaction infantine, je fermais les yeux.
- C’est mon baiser loupé qui te trouble à ce point ? Demanda-t-il.
Au son de sa voix, je su qu’il souriait encore en me posant la question. Terriblement dérouté par cette marque d’affection aussi innocente qu’inattendue, je ne répondis rien. Face à mon manque de réaction, il se redressa afin de pouvoir prendre mon visage entre ses mains. Là, m’obligeant à le regarder, il déclara sans se départir de la tendresse dont il faisait preuve depuis le début :
- Je n’aurais jamais cru te voir aussi intimidé par un simple baiser…
Puis, semblant comprendre que le sujet me mettait mal à l’aise, il m’embrassa du bout des lèvres, me volant un baiser furtif avant d’ajouter, son sourire malicieux faisant place à un air grave et sérieux :
- Maintenant, je veux que tu me prennes, souffla-t-il d’une voix rauque de désir. Je veux que tu me fasse tien… Mais, je veux que tu le fasse avec douceur… S’il te plait… Tout en douceur… Comme tu as fait jusqu’à maintenant…
Sans attendre de réponse de ma part, il inversa de nouveau nos positions et je me retrouvais sur lui. A mon tour, je lui volais un tendre baiser qui le fit sourire et au comble de l’excitation, j’entrepris de ré-éveiller son plaisir. Arrivant au niveau de son ventre, je laissais ma langue aller visiter son nombril dans une parfaite reproduction de l’acte sexuel qui le fit crier de plaisir, tandis que mes mains s’affairaient à lui oter son pantalon. L’instant d’après, il était nu et entièrement exposé à mon regard appréciateur.
Galvanisé par la vue de toute beauté qui s’offrait à moi, je ne pus retenir un gémissement d’anticipation à l’idée que ce corps si parfait soit bientôt mien. Brûlant de désir et au comble de la frustration, je portais alors trois doigts à mes lèvres, tandis que de ma main libre, j’imprimais un lent va et vient sur l’intimité de mon amant qui gémissait et se tortillait sous l’effet du plaisir.
Les yeux rivés sur Alakhiel, c’est avec surprise que je le vis se redresser, écartant les jambes pour les enrouler autour de ma taille alors qu’il passait un bras autour de mon cou pour se rapprocher de moi. Là, de sa main libre, il attrapa mon poignet et me força à retirer mes doigts de ma bouche, tout en m’adressant un sourire mutin. Puis, sans se départir de son sourire, il entrepris de lécher mes doigts un par un, avant de les prendre entre ses lèvres avec une sensualité qui m’arracha un gémissement de frustration face à cette vision des plus érotiques.
Après un temps qui me parut incroyablement long, il libéra mes doigts et le souffle erratique sous l’effet du plaisir qu’il ressentait, il gémit :
- Maitenant Ezekiel… S’il te plait…
Comme pour appuyer ses paroles, il esquissa un mouvement de va et vient dans ma main toujours enroulée autour de son érection. S’agenouillant sur mes cuisses, il prit ma main et la guida jusqu’à l’entrée de son intimité, m’intimant explicitement à le préparer. Accédant à sa requête informulée, tiraillé par un désir douloureux, je ne me fis pas prier, et avec une délicatesse que je ne me connaissais pas, j’entrepris de le préparer à ma venue iminante. Fébrilement, j’insinuais délicatement un premier doigt en lui, guettant le moindre signe de douleur. Cependant, ne détectant rien que du plaisir sur  son visage, j’accélérais la cadence et insérais toujours aussi précautioneusement un second doigt en lui. Si le premier entra sans douleur, il n’en fut pas de même pour le second et bientôt, les traits d’Alakhiel se crispèrent sous la douleur occasionnée.
Instantanément, je cessais tout mouvement, lui laissant un temps d’adaptation. Et au bout de quelques secondes, ce fut lui qui reprit le mouvement, s’empalant sur mes doigts. Délicatement, j’esquissais alors un mouvement de ciseaux dans le but de détendre ses chairs au maximum. Bientôt, il ne fut plus que cris et gémissements de plaisir, me suppliant de me dépêcher.
Troublé par tant d’abandon de sa part, je cédais cependant à ses supplications et insérais le troisième et dernier doigt en lui. Sous l’intrusion, Alakhiel ne put retenir un cri de douleur et comme précédement, je stoppais immédiatement tout mouvement. Le remerciant, je l’embrassais délicatement sur les lèvres et ce fut à son tour de m’adresser un regard surpris.
Je ne le relevais pas, sachant pertinament que je ne saurais expliquer mon geste. A la place, j’enfoui mon visage dans son cou et afin de l’aider à surmonter et oublier sa douleur, j’entrepris de l’embrasser un peu partout, mordillant doucement la peau délicate de son cou. Cela sembla faire son effet car bientôt, Alakhiel esquissa de lui-même un mouvement de va et vient, s’empalant sur mes doigts. L’instant d’après, ses cris de plaisir vinrent innonder la pièce. En sueur, le souffle court, il haletait mon prénom.
Le jugeant suffisament préparé, au comble de la frustration, je retirais mes doigts de son intimité, lui arrachant ainsi un sanglot de protestation. De mon côté, je devais user de toute ma volontée pour ne pas le prendre immédiatement lorsqu’Alakhiel prit mon érection entre ses doigts et me guida à l’entrée de son intimité. Etouffant un gémissement de plaisir, je le saisis par les hanches, l’aidant à se soulever et l’instant d’après, je me sentis happer entre les chairs brûlante et nous criâmes à l’unisson. Sous l’effet du plaisir qui m’incendiait les reins, je ne pus me retenir plus longtemps et le pénétrais entièrement.
Je sentis Alakhiel se cambrer et je n’aurais su dire si le cri qu’il poussa était du à la douleur ou au plaisir qu’il ressentit sous mon intrusion. Haletant, le front recouvert de sueur, il ancra son regard au mien et, un sourire à la fois tendre et amusé, il déclara :
- Tu me sembles bien pressé…
Pour toute réponse, j’émis un grognement sourd et esqissais un lent et langoureux déhanchement qui arracha un gémissement à mon amant. Durant un temps qui me parut interminable, je tentais de garder un rythme lent, mais bientôt, je finis par céder, à bout de patience. Entourant mes bras autour de la taille de mon amant, je l’allongeais délicatement sur le matelas et sous son sourire satisfait, je lachais les rênes de mon plaisir, accélérant la cadence de mes coups de rein.
Très vite, les gémissements d’Alakhiel se transformèrent en cris qui emplirent la chambre, résonnant comme la plus belle des mélodies à mes oreilles. Au bord de la jouissance, consumé par un plaisir que je n’avais encore jamais ressentis auparavant, c’est à peine si j’avais encore entièrement conscience de mes actes. La seule chose qui importait, était le plaisir fulgurant qui menaçait de nous faucher à tout instant. Avant que je ne réalise entièrement ce qui se passait, je plantais mes crocs dans le cou de ma créature, sentant à peine Alakhiel faire de même de son côté.
Electrisé par le plaisir intense qui me consumait de l’intérieur additionné au goût suave du sang d’Alakhiel qui coulait dans ma gorge, j’accélérais encore le rythme de mes pénétrations. Puis, dans un ultime coup de rein, je sentis Alakhiel se contracter sous moi et, dans un cri de pur plaisir, il se libéra entre nos deux corps étroitement enlacés. Je le suivis quelques secondes plus tard. Le sentant se contracter autour de moi, je finis par jouir à mon tour et dans un ultime coup de rein, je criais le prénom de mon amant en me libérant en lui.
Haletant, le corps recouvert d’une fine péliculle de sueur et parcourut de spasmes de plaisirs, je me laissais lourdement retomber sur Alakhiel qui, un sourire tendre étirant ses lèvres, m’accueillit entre ses bras.
Je ne saurais dire combien de temps nous restâmes ainsi enlacés, retrouvant lentement un rythme cardiaque normal. Aucun de nous deux ne brisa le silence qui nous enveloppait, encore sous le coup des violentes émotions qui s’étaient emparées de nous. La tête posée sur la poitrine d’Alakhiel, ma main caressant distraitement son sein droit, je finis par me laisser aller à fermer les yeux, gagné par une douce torpeur, bercé par la respiration de ma créature et la douceur de ses doigts qui caressaient ma chute de rein.
Alors que je me laissais aller à fermer les yeux, ivre de l’odeur de mon amant qui m’emplissait les narines, je sentis les mains d’Alakhiel se faire un peu plus entreprenantes. Lentement, ses caresses gagnèrent du terrain, s’excursant un peu plus longuement sur mes fesses. Réprimant mon instinct qui me criait de m’éloigner, je ne bougeais pas. Cependant, lorsque ses caresses se firent un peu trop insistantes et plus prononcer que je ne saurais l’accepter, semblant sentir mon mal aise, il déclara tendrement :
- Détend-toi ! Je ne vais rien te faire… Mais… L’amour c’est aussi ça, Ezekiel… L’amour c’est la confiance mutuelle qui lie deux personnes… Tant que tu sursautera de peur à chaque fois que je te toucherai là, comme ça, reprit-il en joignant le geste à la parole, me faisant sursauter, c’est que tu n’aura encore pas suffisament confiance en moi… Que quelque part au fond de toi, tu refuses de te donner entièrement et de te laisser dominer…
- Personne ne me dominera jamais ! Grondais-je alors en lui adressant un regard lourd de menaces.
- Parce que tu associes le mot “dominer” avec ce que t’as fait subir Da… Ton créateur, se reprit-il au dernier moment. Tu associes ce mot aux tortures et à la douleur qui l’accompagnaient quand il te prenait contre ta volonté… Tu dois ta réticence aux viols que tu as subis… Mais je t’assure que lorsque c’est fait avec amour… Avec tendresse, c’est complêtement différent… Tu a beau être un amant hors pair, crois-tu sincèrement que je crirais comme ça si je ne ressentais pas de plaisir ? Demanda-t-il en s’empourprant.
- Et puis, ajouta-t-il, malicieux. C’est pas parce que tu me prends que tu es forcément dominant…
- Qu’est-ce que tu sous entends par là ? Demandais-je d’un ton bourru.
- Que je te tien par le bout du nez ! Répondis Alakhiel en un éclat de rire.
Un sourire narquois étirant mes lèvres, je plantais mon regard dans le sien et répondis :
- Tu veux parier ?
Et sans lui laisser le temps de répondre quoi que ce soit, je m’emparais voracement de ses lèvres pour un baiser enflammé. Très vite, le feu du désir renaquit en nous, et comme Alakhiel l’avait fait pour moi un peu plus tôt, je lui offris une fellation qui, si j’en croyais les gémissements et cris de plaisir de ma créature, le mena plus haut que le septième ciel. Après quoi, satisfait de l’entendre me supplier, je le pris de nouveau, encore et encore. Nous fîmes l’amour toute la nuit et jamais je ne m’étais sentis aussi bien entre ses bras. C’était comme si quelque chose avait changé entre nous, comme si un lien invisible et cependant indestructible nous avait unis l’un à l’autre pour l’éternité. Jamais je n’aurai pu être plus proche de la vérité…

 

A suivre…

6
déc

Beyond the invisible - chapitre 06

   Ecrit par : admin   in Beyond the invisible

Chapitre 6 par Shinigami

 

Allongé dans la neige, je sentais petit à petit le froid prendre possession de mon corps, m’empêchant de faire le moindre mouvement. Je ne pouvais plus bouger, et même respirer devenait de plus en plus difficile. Les yeux fermés, n’ayant pas la force de les ouvrir, je me sentais aspiré dans les ténèbres. J’avais froid, mon corps entier me faisait souffrir, comme si on me plantait des milliers d’aiguilles dans le corps. Cependant, je savais que je n’étais pas seul. Il y avait cette présence près de moi, une présence réconfortante et apaisante.

Une voix s’éleva alors, tremblante de peur et d’angoisse. Je connaissais cette voix, je l’avais déjà entendu, mais déformée par mon cerveau endormi par le froid, je ne parvenais pas à mettre un nom dessus. Ni même un visage d’ailleurs.

Chaque seconde qui passait semblait aussi longue qu’un jour entier. Et mes paupières se faisaient de plus en plus lourdes, le froid de plus en plus présent.

C’est alors que je sentis une douce chaleur envelopper ma main et se propager dans tout mon corps, me réchauffant lentement. Je connaissais la texture de cette peau, je l’avais déjà touché, mais comme la voix, je ne parvenais pas à l’identifier.

La chaleur quitta alors ma main et se déplaça pour se poser sur mon front gelé, mais pourtant luisant de transpiration. J’avais chaud, j’avais froid, je ne ressentais plus rien hormis la douceur de cette main posée sur mon front. Mon corps me refusait le moindre mouvement. Je voulais ouvrir les yeux, et prendre dans la mienne cette main qui m’apaisait de mes souffrances. Mais j’étais paralysé, engourdit par le froid qui continuait de baisser inlassablement, je devais me contenter d’être spectateur, de recevoir de cette personne, sans rien pouvoir lui donner en échange. Pas même un signe de vie qui diminuerait certainement la peur palpable que je pouvais sentir dans l’intonation de sa voix et l’hésitation de ses gestes.

De nouveau, sa main quitta mon front brûlant de transpiration pour reprendre la mienne. Il la sera très fort, comme si par ce geste, il tentait de me maintenir éveillé, comme s’il tentait de me sauver. Lentement, je me sentais quitter ce monde, inexorablement emporté par le froid qui prenait possession de moi, pour finalement se faire chaleur. La douleur physique que je ressentais disparaissait lentement, pour faire place à une sensation de bien être que je n’avais encore jamais ressenti auparavant. Comme si plus rien autour de moi n’existait.

Alors que je me laissais entraîner sur ses rivages lointains, j’entendis une voix dans ma tête qui hurlait mon prénom, une voix emplie de détresse. Cette même voix qui résonnait à mes oreilles tout à l’heure. Qui était donc cet homme qui m’appelait ? Etait-il sorcier pour pénétrer ainsi mon esprit ?

Et toujours cette voix qui hurlait, qui m’intimait de rester auprès de lui, m’ordonnant de me battre et de poursuivre ce combat intérieur contre moi-même, de repousser au loin la tentation de suivre la douce chaleur bienfaitrice qui m’attirait vers cet univers inconnu mais tellement attrayant. Je sentais les dernières volontés qui me restaient s’affaiblir sous l’action cumulée du froids, de la fatigue et de la douleur que je ressentais, autant physiquement que mentalement. L’hypothermie me gagnait et à présent, une seule pensée m’obsédait. J’allais mourir de froid si personne ne faisait rien… Mes dernières forces diminuaient inexorablement sans que je ne puisse l’en empêcher.

Juste avant que je ne sombre définitivement dans l’inconscience, le hurlement d’une sirène me vrilla les tympans, et sans pouvoir esquisser le moindre geste, je sombrais dans l’inconscience.

 

Je fus réveillé par le “bip” régulier qui sonnait à mes oreilles. Avec difficulté, j’ouvris les yeux pour les refermer aussitôt, aveuglé par l’afflux de lumière blanche produite par les allogènes qui éclairaient la pièce. La position allongée me faisant souffrir, je tentais de me redresser avec beaucoup de peine, mon corps endolori, me faisant souffrir au moindre de mes mouvements. Alors que je me redressais, ma tête se mit à tourner, et prit de vertiges, je me vis contraint de me rallonger. Je poussais un soupir d’exaspération et d’énervement pour la forme, et de nouveau gagné par la fatigue, je n’avais même plus la force de râler.

C’est alors que la porte de ma chambre s’ouvrit et je vit Philippe se précipiter sur moi avec empressement, si bien que je ne remarquais pas la seconde personne qui resta un peu en retrait dans la salle. Philippe m’attrapa la main et me demanda comment j’allais. L’inquiétude le faisait parler avec précipitation, si bien que je ne comprenais pas la moitié de ce qu’il me disait. J’avais l’impression d’être un demeuré, mais mon esprit embué de fatigue avait du mal à se connecter à la réalité, et mes neurones semblaient plus vouloir se reposer que tenter d’établir une connexion, ne serait-ce que partielle.

- Tu m’as foutu une sacrée trouille, gamin ! Déclara Philippe. Ne me refais jamais une peur pareille compris ! Sinon c’est moi qui risque de crever d’une crise cardiaque avant l’heure !

- Hey ! Doucement s’teuplé ! J’ai le cerveau qui va exploser entre la lumière et tes hurlements ! J’aurais mieux fait de rester dans les vapes ! Murmurais-je, incapable de parler à haute voix.

C’est alors que je me rendis compte d’une présence dans le fond de la salle. Je tournais la tête en sa direction, et mon coeur failli louper un battement lorsque je reconnu Juha.

- Qu’est-ce qu’il fout ici lui ?

Inconsciemment, je dus exprimer tout haut ce que je pensais tout bas, car je sentis deux paires d’yeux se poser sur moi et me regarder fixement.

- Enfin Gabriel ! C’est grâce à lui que tu es ici. On peut même dire qu’il t’a sauvé la vie, déclara Philippe.

Abasourdi par la révélation que venait de me faire Philippe, j’en oubliais totalement la présence de Juha. Assommé par une telle nouvelle, je reportais lentement mon attention sur l’homme qui me faisait face et le regardais sans pouvoir prononcer le moindre mot.

Alors comme ça, c’était lui… La voix qui résonnait dans ma tête et m’appelait, me forçant à rester conscient, n’était autre que la sienne… Comment n’ais-je pas pu la reconnaître ? Et surtout, pourquoi s’est-il donné tant de mal pour moi ?

- Pardon ? Répondis-je, prenant confirmation de l’information que je venais de recevoir, pensant avoir été victime d’un mauvais tour de mon cerveau dérangé.

- Ne me fais pas répéter ce que tu as très bien entendu Gabriel ! Sévit Philippe.

Je ne répondit rien, me contentant de soupirer de façon exagérée, montrant bien ainsi mon mécontentement.

C’est alors qu’un détail surgit à mon esprit, et paniqué, je demandais d’une voix tremblante de peur :

- Et Orphée ? Philippe ! Comment va mon cheval ?

- Calme toi Gabriel, me répondit Philippe, Juha s’en ait très bien occupé. Il l’a ramené et la remis dans son box, après l’avoir dessellé et pansé. Rassure-toi. Orphée va très bien !

Je poussais un soupir de soulagement audible, ne relevant même pas lorsque Philippe m’apprit que Juha s’était lui-même occupé de ma monture.

Soudain, un mouvement dans le fond de la pièce attira notre attention, et à mon grand étonnement, je vis Juha, blanc comme un linge, tenter de reprendre constance, sans pour autant y parvenir. Son teinte livide, lui donnait un air maladif, si bien que je me demandais si ce n’était pas plutôt lui qui avait sa place dans le lit dans lequel je me trouvais.

D’une petite voix que je ne lui connaissais pas, il déclara :

- Je crois que je vais rentrer, je…

Il ne termina jamais sa phrase, mais j’en devinais aisément la fin…

Face à l’atmosphère étouffant qui régnait dans la pièce, Philippe déclara d’un ton enjoué, tentant d’apaiser les tensions :

- Oh, excuse moi, je n’avais pas vu ton état, j’étais tellement inquiet pour Gabriel. C’est vrai que tu sembles avoir besoin de repos. On est pas habitué au travail ici hein ? dit Philippe tentant de détendre l’atmosphère.

Repoussant la fatigue que je sentais poindre, je posais mon regard sur Juha pour ne plus le lâcher. J’avais l’impression qu’il me cachait quelque chose, mais je n’aurais su dire quoi. Son regard fuyant ne faisait que renforcer cette impression, et inconsciemment, je me fis la promesse de découvrir ce qu’il cachait avec tant de ferveur.

Son visage d’une pâleur maladive reflétait son manque de sommeil et la fatigue qu’il avait accumulée et on pouvait y déchiffrer toute la rancoeur et la déception qu’il éprouvait en cet instant. Semblant se rendre compte également de l’état comateux de Juha, Philippe se leva, m’informant qu’il ramenait Juha chez lui, et repassait ensuite une dernière fois à l’hôpital.

Alors qu’il s’apprêtait à quitter la pièce, Juha m’adressa un dernier regard que je soutins sans problème, sans parvenir pour autant à déchiffrer le message silencieux qu’il m’envoyait.

Même après qu’il ait quitté la pièce, je restais un long moment à fixer sans même la voir, la porte par laquelle il avait disparu de ma vue. Le regard dans le vide, je songeais sans cesse au dernier regard que m’avait adressé Juha.

Je n’étais moi-même pas certain, mais il me semblait y avoir décelé, l’espace d’un instant, un éclair de tristesse. Mais face à l’incertitude de ce qui m’avait semblé être une illusion, je décidais de n’y prêter aucune importance. Et puis, dans l’état dans lequel j’étais, je préférais largement me reposer que de me prendre la tête avec les problèmes des autres. J’en avais suffisamment moi-même pour jouer les Saints Bernard. Puis, éreinté, le corps endolori et la tête pleine de questions, je finis par m’endormir sans me sentir plonger.

Lorsque je me réveillais, la pièce était plongée dans l’obscurité, et alors que j’ouvrais lentement les yeux, afin de ne pas vivifier mon mal de tête déjà présent, j’entendis le bruit caractéristique d’une poignée de porte, et aussitôt après, celle-ci s’ouvrait, laissant entrer un halo de lumière blanche. Dans l’entrebâillement de la porte, je reconnu Philippe. Celui-ci semblait hésiter entre entrer et repartir, n’étant pas certain de mon état. Face à son doute, je déclarais d’une voix éraillée :

- Tu peux entrer… Je ne dors pas…

Obéissant à ma demande, Philippe entra dans la pièce et referma la porte derrière lui. Se laissant guider par les rayons de la lune, il tâtonna à la recherche de la lampe de chevet posée sur le petit meuble près de mon lit et prit place sur la chaise qu’il occupait tout à l’heure.
- Comment te sens-tu ? Me demanda Philippe d’une voix qui trahissait son inquiétude.
- Comme quelqu’un qui est tombé de cheval, répondis-je avec un rire qui sonnait faux.
Contre toute attente, Philippe posa délicatement sa main sur mon front, en un geste de réconfort, et d’une voix douce, il demanda :
- Que s’est-il passé, Gabriel ? Tu te souviens de quelque chose ?
Bien sûr que je me souvenais de ce qu’il s’était passé, mais pouvais-je réellement le raconter à Philippe ? J’étais pris au pied du mur, et pour la première fois depuis longtemps, je ne sus que faire. Alors, malgré ma réticence, je décidais de lui cacher la vérité… Puis, d’une voix mal assurée, je répondis :
- Oui, je… Je me souviens avoir été perturbé. Je n’étais pas assez concentré et avant que je ne comprenne ce qui se passait, je sentais ma tête cogner violemment contre quelque chose de dur, puis le trou noir…
J’omettais volontairement quelques détails, comme la raison de mon manque de concentration ou la voix de Juha dans ma tête qui m’ordonnait de me battre pour survivre. Cela ne me mettait certes pas très à l’aise, mais je ne me sentais pas le courage d’avouer mes faiblesses à Philippe.
S’il ne crut pas à mes paroles douteuses, il n’en laissa rien paraître et ne chercha pas à essayer de me faire parler, ce dont je le remerciais. Comme je m’y attendais un peu, Philippe engagea la conversation sur un terrain un peu plus glissant, et sans se départir de sa voix douce, dans laquelle je décelais pourtant une once de reproche, il déclara :
- Par contre, je ne comprend vraiment pas ton attitude envers Juha… Qu’est-ce qui te dérange tant que cela en lui ? Dis-toi que s’il n’avait pas été là, tu serais peut être mort de froid à l’heure qu’il est… Franchement Gabriel, je ne te comprend vraiment pas…
- Et il n’y a rien à comprendre, m’exclamais-je un peu trop vivement à mon goût. Je ne sais pas, c’est physique ! Sa seule présence m’insupporte ! Il a quelque chose de pas clair ce gars !
- Je conçois très bien que l’on puisse ne pas aimer une personne, cela m’arrive à moi aussi, mais même si c’est le cas, il a quand même droit à un minimum de respect ! Me répondit Philippe, un peu plus vivement toutefois. Je ne te demande pas de te mettre à genoux devant lui, Gabriel, souffla-t-il dans un soupir, mais un merci aurait été le bienvenue !
Je restais silencieux, faisant ainsi clairement comprendre que je ne désirais aucunement m’attarder sur le sujet, et après quelques minutes de silence un peu gêné, il faut l’avouer, Philippe reprit :
- J’ai appris pour toi et Marion… Que comptes-tu faire à présent ?
- Je… Je n’y ai pas encore réfléchis, répondis-je sincèrement. Mais je pense qu’il serait mieux d’arrêter là avant que cela ne soit trop tard…
Je devais avouer que j’étais extrêmement nerveux. Marion était la fille de Philippe, et je craignais qu’elle joua de son statut pour convaincre son père de me renvoyer, mais au regard compatissant et empli de tendresse que me lança Philippe, je compris qu’il n’en serait rien. A ma grande surprise, il déclara :
- Je comprend ce que tu ressens, et je respecte ton choix. J’avais bien remarqué que cela n’allait pas très bien entre vous depuis quelques temps, mais le comportement de Marion est inadmissible.
Sentant la fatigue me gagner, je n’écoutais qu’à moitié les paroles de Philippe qui, semblant se rendre compte finit par déclarer :
- Je vais te laisser te reposer, je repasserais te voir demain dans la journée.
- D’accord ! Murmurais-je en étouffant tant bien que mal un bâillement. Merci Philippe, ajoutais-je.
L’interpellé ne répondit rien, se contentant de m’adresser un sourire bienveillant avant d’éteindre la lumière et quitter la pièce. Ereinté, je ne mis que quelques minutes à trouver le sommeil.
Lorsque je me réveillais le lendemain, le soleil était déjà haut dans le ciel et se reflétait sur la colline enneigée que je pouvais apercevoir de la fenêtre de ma chambre. Tournant la tête vers le radio réveil, je constatais qu’il était plus de dix heures passées et avisait le plateau contenant mon petit déjeuner posé sur la chaise près de mon lit. Intrigué, je me demandais qui avait bien pu me laisser dormir ainsi, et songeait alors à Philippe. L’initiative venait certainement de lui, car en temps normal, tous les patients de l’hôpital étaient réveillés en même temps que les infirmières, c’est à dire tôt le matin.
Mentalement, je remerciais cet homme prévoyant et en accord avec mon estomac qui se manifesta bruyamment, j’entamais mon petit déjeuner. Celui-ci n’était guère fameux, remarque, il ne fallait pas s’attendre à du grand art en ce lieu, mais lorsque j’aperçus très vite, le petit sachet contenant un pain au chocolat. Intérieurement, je bénis cet homme que je considérais comme mon père et, de bonne humeur, un sourire étirant mes lèvres, je dévorais mon petit plaisir matinal.
Lorsque j’eus terminé, une infirmière vint prendre de mes nouvelles, et changea ma perfusion. Puis, rassurée par mon état de santé, elle quitta la pièce, me laissant à ma solitude. C’est alors que contre toute attente, la conversation que j’avais eu hier soir avec Philippe me revint en mémoire… D’accord, il est vrai que j’y avais été un peu fort avec Juha, mais d’un autre côté, lui non plus ne cachait pas ses ressentiments à mon égard. Comme je l’avais dit plus tôt à Philippe, je n’arrivais pas à cerner Juha. pour moi, il était quelqu’un à éviter si l’on ne voulait pas avoir de problèmes. D’ailleurs, qui était-il ? D’où venait-il ? Pourquoi ne savons nous rien sur lui ? Tant de questions auxquelles il me faudrait apporter des réponses, car je ne supportais pas rester ainsi dans l’inconnu et dans l’ignorance. Si certaines choses pouvaient encore passer, ce n’était pas le cas de celles-ci. Il ne faut pas prendre les gens pour des cons non plus.
C’est un peu cela qui était la cause de ma méchanceté envers Juha. J’avais l’impression qu’il me prenait pour un con et je ne pouvais le supporter. Quitte à aller lui faire des excuses pour mon comportement et le remercier de son geste, j’étais encore sceptique sur la question… Bon d’accord, Philippe avait raison lorsqu’il disait que tout le monde à droit au respect, mais en attendant, il me faut mettre ma fierté de côté et aller me ridiculiser face à l’autre bleu.
Finalement, je restais un long moment à me prendre la tête au sujet de ma némésis. puis, au bout d’une heure, ravalant ma fierté, je pris la décision d’aller le voir lorsque je sortirais d’ici. Je ne savais pas encore ce que je lui dirais, mais j’avais encore aujourd’hui et demain pour y réfléchir.
Je fus tiré de mes pensées par une des aides soignantes qui frappa doucement à la porte, avant de l’ouvrir timidement avec un petit sourire. Etonnamment, je n’eus pas envie de la remballer. Dans la vingtaine, elle avait quelque chose d’apaisant dans son sourire et la façon discrète qu’elle avait de se déplacer. Lorsqu’elle s’adressa à moi d’une petite voix douce, me demandant comment j’allais, je lui répondit avec toute la gentillesse dont j’étais capable. Nous plaisantâmes un instant, puis elle quitta la pièce, devant finir sa tournée avant de quitter son service.
Puis, sentant un mal de tête arriver, je fermais le volet électrique de la baie vitrée et fermais les yeux. Il n’y avait rien de tel que le noir total et le silence pour faire passer un mal de tête. De plus, mon corps encore courbaturé me faisait toujours un peu souffrir, si bien que je préférais dormir pour oublier momentanément la douleur et l’ennui qui s’emparait de moi. Je n’avais pas l’habitude de rester inactif aussi longtemps et cela me déplaisait grandement. Je n’aimais pas rester immobile, allongé dans un lit. Cela me donnait l’impression d’être inutile et de ne servir à rien. Je finis par m’endormir quelques minutes plus tard, bercé par le bruit étouffé des pas des infirmières qui résonnaient dans le couloir.
Je me réveillais bien plus tard, la pièce toujours plongée dans le noir, mais une petite lumière allumée à mon chevet. Les yeux encore embués de sommeil, je tournais la tête vers la source de lumière et papillonnais des yeux pour m’habituer à la lueur qui m’éblouissait. Semblant s’en rendre compte, mon visiteur tourna la lumière de façon à ce qu’elle ne m’arrive plus dans les yeux. Je murmurais un faible “merci” d’une voix toute éraillée. Contre toute attente, mon mal de tête ne s’était pas dissipé et avait, au contraire, gagné en intensité, si bien que, ne pouvais supporter la lumière, je tournais la tête de l’autre côté.
Une voix que je ne connaissais que trop bien résonna à mes oreilles tandis que Philippe déclarait :
- Je ne reste pas longtemps, je suis juste venu prendre de tes nouvelles. Les médecins ont dit que tu pouvais sortir demain ! Je viendrais te chercher demain dans l’après-midi. En attendant, je veux que tu te reposes, mon garçon. Cela ne peut te faire que du bien ! murmura Philippe en posant sa main sur mon épaule en un signe d’encouragement.
- Merci, Philippe, murmurais-je à mon tour en un soupir audible.
Philippe sortit de la pièce sans un mot, mais me lança une petit sourire d’encouragement qui me mit le baume au coeur.
Comme il l’avait promis, il vint me chercher en début d’après-midi. La route qui nous reconduisait au centre se fit en silence. Les yeux rivés sur la fenêtre, je regardais défiler devant moi, le paysage hivernal nappé d’un épais drap d’un blanc immaculé qui luisait de mille feux sous les rayons de soleil. Une fois arrivé, je sautais de la voiture sans attendre l’arrêt complet de celle-ci et me précipitais en courant vers le box d’Orphée, oubliant toutes les recommandations du médecins qui m’avait fait promettre, à force de menaces et de chantage, de rester tranquille quelques temps et de ne pas faire d’efforts physiques inutiles.
Lorsqu’il m’entendit arriver, Orphée sortit la tête de son box et avec un petit hennissement, il accueillit ma venue. Cela me fit chaud au coeur, et je me précipitais vers ma monture. A la hâte, j’ouvrais la porte du box et entrais. Après quelques caresses à mon meilleur ami, je commençais une inspection rigoureuse, à la recherche de la moindre blessure.
Après plus d’une bonne quinzaine de minutes passées à inspecter la moindre parcelle de pelage d’Orphée, j’en arrivais avec soulagement à la conclusion qu’il n’avait pas été blessé. Avec précaution, je lui pris quand même les pieds et examinais ceux-ci avec autant de minutie, vérifiant sa ferrure par la même occasion.
C’est avec un soulagement non feint que constatais qu’Orphée était sain. Je restais encore un moment avec lui jusqu’à ce que je sente la fatigue s’emparer de moi. Je quittais alors le box d’Orphée, après une dernière caresse et prenait la direction de l’écurie. Je passais devant le box de Tenbu Horin et décidais de m’arrêter un instant. J’appréciais énormément ce cheval et restais un peu de temps avec lui. Puis, lorsque mes yeux commencèrent à se fermer sur leur propre initiative, je décidais qu’il était grand temps que j’aille me reposer.
D’un pas chancelant, je me dirigeais jusqu’à ma chambre et une fois dans celle-ci, je trouvais le courage de fermer les volets électriques de la fenêtre. Sans prendre le temps de me déshabiller, je tombais sur le lit et m’endormais immédiatement sans le moindre effort.
Lorsque j’ouvris les yeux, je fus tout d’abord surpris de constater que la pièce était plongée dans le noir, et ce n’est que quelques secondes plus tard que je parviens à me resituer. Avec difficulté, due au courbatures qui me meurtrissaient le cou, je tournais la tête vers mon réveil et je constatais avec surprise que j’avais dormi pendant plus de quatre heures. Tel un félin, je m’étirais longuement en bâillant à m’en décrocher la mâchoire et prenant mon courage à deux mains, je me levais.
Je pris la direction de la salle de bain et jetant mes vêtements à même le sol, j’entrais dans la douche et réglais l’eau sur la température maximale que ma peau pouvait supporter. Peu de temps après, la salle de bain toute entière était inondée de vapeur d’eau, si bien que c’est à peine si je parvenais à voir à l’autre bout de la petite pièce. Cependant, pour rien au monde je n’aurais coupé l’eau. La chaleur de celle-ci me procurait un bien fou et petit à petit, je sentais la douleur de mes muscles de dissiper. 
Je restais encore un long moment sous la douche, le temps d’apprécier la bienfaisance de celle-ci et de me laver les cheveux. J’attrapais ensuite une serviette que je nouais autour de la taille et une deuxième dans laquelle j’essorais mes cheveux afin de les sécher au maximum. J’avais un sèche cheveux à disposition, mais je vouais une haine farouche à cet objet qui, d’une, faisait un bruit pas possible, de deux, vous brûlait le cuir chevelu et de trois, abîmait les cheveux.
Une fois les cheveux secs, je retournais dans ma chambre et alla choisir des vêtements propres. J’optais pour un jean noir et une chemise bordeau par dessus laquelle j’enfilais un pull noir à col roulé. Je venais de prendre une décision, et allais m’y tenir jusqu’au bout, même si à tout instant, ma détermination menaçait de s’envolée comme elle était venue. Je me maintiendrais à cette décision, même si elle me coûtait. Je savais parfaitement que Philippe avait raison, et ce que je m’apprêtais à faire, pour que l’homme qui m’a quasiment élevé n’ait pas un jour à regretter son geste…
J’enfilais mes rangers et mon long manteau noir, attrapais mes papiers et mon trousseau de clés et quittais la pièce. J’allais faire chauffer la voiture, et avant de partir, je passais voir Philippe que je soupçonnais être dans son bureau. Je frappais quelques coups et ouvrait la porte avant même d’attendre une réponse. Je remarquais immédiatement la présence de Marion. Elle se retourna en m’entendant entrer, mais sans un regard pour elle, je m’adressais à Philippe :
- Je prend la voiture, j’ai une course à faire… Je ne devrais pas en avoir pour bien longtemps.
- Très bien, déclara le vieil homme en m’adressant un sourire en coin et un clin d’oeil. A tout à l’heure mon garçon, sois prudent sur la route !
- Hn, répondis-je simplement avant de refermer la porte.
Au clin d’oeil que Philippe venait de m’adresser, je le soupçonnais de savoir la nature de la course que j’avais à accomplir. J’haussais les épaules et montais dans la voiture.
Je roulais une dizaine de minutes sous la neige qui tombait intensément avant d’arriver. Je n’étais pas certain de l’exactitude de l’endroit, mais lorsque j’aperçu sa silhouette un peu plus loin, je sus que je ne m’étais pas trompé. Cependant, un détail attira mon attention, et sans vraiment savoir le pourquoi de mon geste, j’arrêtais le contact et quittais précipitamment la voiture. Discrètement, je pris la direction part laquelle il avait disparu et le suivit.
Le spectacle qui m’attendait alors me mit hors de moi, et je dus faire appel à tout mon sang froid pour ne pas perdre le contrôle de mes actes. Juha était allongé au sol dans l’entrée de son appartement, et un homme prenait plaisir à le ruer de coups. Mais le pire dans tout cela, c’était que Juha semblait accepter le traitement reçu. Allongé au sol, les yeux fermés, il attendait les coups, replié sur lui-même. Une colère sourde m’envahit alors. Comment pouvait-on accepter de recevoir des coups de cette manière sans même se rebeller ? N’avait-il donc aucun honneur, aucune dignité ? Quel homme peut-il accepter de se faire rabaisser ainsi par un autre ?
Lorsqu’un gémissement de douleur s’échappa des lèvres de Juha, je ne pus contenir ma fureur et celle-ci explosa violemment. Je me jetais sur l’inconnu qui, déstabilisé, tomba à terre, et à mon tour, je lui décrochais un violent coup de poing dans la mâchoire.
Le moment de surprise passé, l’homme se redressa, et me jeta un regard dédaigneux qui ne me fit ni chaud ni froid. Puis, il reporta son attention sur Juha qui tentait de se redresser avec difficultés et lui cracha au visage :
- A peine sortit et tu as déjà trouvé une nouvelle victime… Tu me dégoûtes Juha ! Où est donc passé l’amour incommensurable que tu disais vouer à Killian ? Tu n’es qu’une enflure, sale petite pédale…
- Hey ! M’écriais-je alors, bien que je ne comprenais pas un traître mot de la conversation à sens unique à laquelle j’assistais malgré moi. c’est finit oui ? Tu n’es pas le bienvenue ici ! Alors tu vas être bien sage et tu vas repartir de là où tu es arrivé ! Et que je ne te reprennes pas dans les parages ou cette fois-ci tu ne t’en sortiras pas aussi bien !
Alors que l’inconnu allait pour protester, je le devançais et déclarais :
- Tu comprends le français ou il faut te faire un dessin ?
J’eus droit à un nouveau regard meurtrier, et jeta un “fais bien attention à toi Juha, tu ne seras pas accompagné indéfiniment !”, avant de quitter l’appartement en claquant violemment la porte d’entrée. Je restais un moment immobile, fixant Juha d’un regard impénétrable, puis, je m’approchais de lui et lui tendit la main pour l’aider à se relever.
Je le vis hésiter un instant avant de la saisir timidement. Je l’aidais à se relever avant d’aller prendre place dans le canapé qui meublait la petite pièce principale.
- Je ne savais pas que tu étais adepte du masochisme ! Déclarais-je, un sourire ironique étirant le coin de mes lèvres.
Cette remarque le fit sourire légèrement, et étrangement, je m’en félicitais intérieurement. Il vient s’asseoir dans le canapé à une distance raisonnable de moi, et devinant qu’il n’avait pas l’intention de parler, j’engageais les hostilités :
- Je suppose que tu n’as pas l’intention de me dire qui était cet homme je me trompe ?
Comme je m’y attendais, seul le silence me répondit, mais je ne me laissais pas abattre et poursuivit :
- Si j’ai bien compris, tu étais l’amant de ce Killian ? Que lui est-il arrivé ? Pourquoi a-t-il parlé de victime ?
De nouveau, seul le silence me répondit, seulement interrompu par les bruits du village. Face à tant d’éloquence de la part de mon vis à vis, je me levais et déclarais :
- Bon, ben puisque tu ne veux rien me dire, je n’ai plus rien à faire ici…
- Attend ! S’exclama Juha dans mon dos.
Surpris, je me retournais pour voir Juha, debout, une main tendue dans ma direction, comme pour me retenir. Je lui lançais un regard interloqué, et semblant gêné il bredouilla timidement :
- Je… Tu peux… Tu peux rester ici… Cette nuit… S’il te plait ?
Je ne cachais pas ma surprise face à la requête de Juha, et restais un moment silencieux, face à cette demande. Puis, m’étonnant moi-même, je demandais :
- Tu répondras à mes questions ?
- Ou… Oui, murmura-t-il en baissant les yeux.
- Bien, répondis-je en refermant la porte. Tu as un téléphone s’il te plait ?
Il me jeta un regard interrogateur, et sans savoir pourquoi, je me sentais obligé de me justifier :
- J’ai dis à Philippe que je ne rentrerais pas tard, je ne veux pas qu’il s’inquiète inutilement.
- Oh, je… Le téléphone est là, déclara-t-il en me le montrant du doigt.
- Merci, déclarais-je simplement.
Du coin de l’oeil, je vis Juha disparaître dans la pièce voisine, et je le rejoignais quelques minutes plus tard, après avoir brièvement expliqué la situation à Philippe. Accoudé à l’encadrement de la porte de la cuisine, j’observais Juha s’activer à faire chauffer de l’eau :
- Tu devrais soigné ça, déclarais-je alors en m’approchant et en touchant délicatement du doigt, la plaie sur sa tempe de laquelle s’échappait du sang qui maculait sa joue.
- Oh… Oui, j’y vais, répondit-il d’une petite voix hagarde.
Je reportais mon attention sur lui et constatais qu’il était encore plus pâle qu’un cachet d’aspirine. Je lui pris alors la main et le guida jusqu’au canapé où je le forçais à s’asseoir en lui arrachant un hoquet de surprise.
- Reste là, lui ordonnais-je d’une voix ferme avant d’aller chercher la trousse à pharmacie dans la salle de bain.
Je reviens quelques secondes plus tard, et m’assis en face de Juha. Délicatement, j’entrepris de nettoyer la plaie. Puis, brisant le silence, je demandais d’une voix étrangement douce :
- Alors, qui était-ce ? Apparemment, il avait l’air de bien te connaître !
- C’était le… le frère de Killian…
- C’était ? Demandais-je intrigué. Puis, face aux larmes qui inondaient à présent les joues de Juha, j’ajoutais, il est mort ?
J’eus droit à un hochement de tête silencieux en guise de réponse et à mon tour, je me tus, ne sachant trop comment me comporter face à la douleur qui émanait de Juha. Après plusieurs minutes de silence gêné, ce fut finalement Juha qui prit la parole et demanda, changeant radicalement de sujet :
- Pourquoi es-tu ici ?
Je sentis alors mes joues s’empourprer violemment face à la question qui m’était posée, et perdant toute constance, je murmurais en bredouillant :
- Je… J’étais venu m’excuser pour mon comportement… L’autre jour, à l’hôpital… Donc voilà, je… Je m’excuse…
- J’apprécie ton geste, répondit Juha. Et puisque le moment en est aux remerciements et au pardon, je voudrais te remercier pour ce que tu as fait tout à l’heure. Tu n’y étais pas obligé et pourtant, malgré nos différents, tu l’as fait quand même. De plus, tu as accepté de passer la nuit ici… Alors merci, merci pour tout…
Inconsciemment, je laissais aller mon regard sur le visage de Juha que je percevais de profil. Ses cheveux bruns qui lui arrivaient au niveau des épaules faisaient ressortir le noir intense de ses yeux. Ses traits fins, mais néanmoins masculins lui confiaient une certaine grâce. Je ne savais pas si j’avais volontairement évité de telles pensées ou non, mais ce n’est que maintenant que je me rendais compte de la réelle beauté de Juha… Son corps semblait être sculpté dans un bloc de marbre, telles les statues anciennes des dieux grecs, avec un corps à faire pâlir d’envie n’importe qui. Bien qu’un peu trop fin, ses muscles saillaient impeccablement sous son habit, juste ce qu’il fallait pour laisser deviner les formes de son corps.
Réalisant alors les pensées qui étaient les miennes, je me giflais mentalement et me reculais peut être un peu trop brusquement pour paraître naturel. Juha s’en rendit compte car il m’adressa un regard interrogateur que je ne pus supporter. Je détournais les yeux, trop honteux des pensées qui m’avaient effleuré l’esprit. Troublé par le regard que Juha posait sur moi, je me levais et déclarais d’une voix mal assurée :
- Je vais faire à manger, tu devrais te reposer pendant ce temps…
Et sans attendre de réponse de sa part, je pris la direction de la cuisine. Tout en cherchant les ustensiles dont j’avais besoin, je tentais désespérément de calmer les tremblements qui agitaient mes mains. Je sentais la nervosité grandir en moi, sans réellement savoir d’où elle provenait, ni ce qui pouvait m’angoisser ainsi de la sorte. Je m’impliquais consciencieusement dans la tache que je m’étais impartie, tachant d’oublier les pensées honteuses qui s’étaient imposées à moi. Pourquoi avais-je eu de telles pensées ? Pourquoi revenaient-elles me hanter après tout ce temps ? Qu’est-ce que cela signifiait-il ?
Moi qui pensais avoir définitivement tiré un trait sur mon passé, voila qu’il revenait au galop sans crier gare… Un passé honteux que j’étais difficilement parvenu à enfouir au plus profond de moi, à exorciser de mon présent pour ne finalement plus y penser que dans de mauvais rêves qui revenaient lorsque mon sommeil était agité…
Lorsque j’eus dressé la table pour deux et terminé de préparer un petit repas simple, j’allais chercher Juha au salon. En m’entendant arriver, il se redressa et posa sur moi son regard noir intense qui me mettait si mal à l’aise depuis que ces images s’étaient imposées à moi.
- Tu viens manger ? Le repas est prêt, déclarais-je simplement tentant de masquer mon trouble à Juha.
Cette simple phrase me fit un drôle d’effet. Vu de l’extérieur, nous semblions avoir tout l’air d’un jeune couple. Cette image me fit monter le rouge aux joues et je détournais le regard pour ne pas avoir à supporter une fois de plus celui de Juha posé sur moi. Son regard avait quelque chose que je ne parvenais à définir, un je ne sais quoi qui avait le don de me mettre mal à l’aise.
J’avais préparé un repas simple, le frigo étant vide, j’avais du me contenter de boîtes de conserve. Ce n’était certes pas fameux, mais nous nous en contenterions pour ce soir. De toute façon, je doutais que Juha ait l’envie et le courage d’aller remplir son frigo à cette heure-ci, et moi, j’avais tout bonnement horreur de faire cela. Et puis je veux bien être gentil un moment, mais fallait pas pousser le bouchon trop loin non plus.
Nous mangeâmes dans un silence religieux, seulement brisé par le bruit des couverts. J’avais trop de questions et de doute en tête pour me préoccuper du sort de Juha. Et puis, il était suffisamment adulte pour se débrouiller seul, sans avoir toujours auprès de lui quelqu’un pour le materner.
A la fin du repas, j’aidais Juha à débarrasser la table puis, alors qu’il faisait la vaisselle, j’allais m’affaler dans le canapé et allumais la télévision. Je zappais jusqu’à ce que je tombe sur une émission sur les peuples nomades. Intéressé, je posais la télécommande à côté de moi et me plongeais dans le récit du narrateur, émerveillé par les images de paysages qui s’offraient à moi par écran interposé. Plongé dans l’écoute du documentaire, je n’entendis pas Juha venir prendre place à mes côtés, et ne réalisais sa présence que lorsque je sentis le canapé s’affaisser sous son poids. Cependant, je ne lui jetais qu’un fugace coup d’oeil, avant de reporter mon attention sur l’écran.
Deux heures plus tard, lorsque je reportais mon attention sur Juha à la fin de l’émission, je constatais qu’il s’était endormi. La tête reposant sur son épaule, je me demandais bien comment il pouvait arriver à dormir dans une telle position. Ne craignant pas de le voir se réveiller, je laissais mon regard s’attarder sur la courbe de son visage et la douceur de ses traits. Une mèche de cheveux s’échappa de derrière son oreille, et sans réaliser mon geste, j’avançais lentement une main pour la replacer. Alors que je m’apprêtais à le faire, je suspendis mon geste, glacé d’horreur par ce mouvement qui avait était le mien.
Ce qui m’effrayais le plus, ce n’étais pas le geste en lui même, mais la facilité avec laquelle je m’apprêtais à le réaliser… Je compris alors que cette soirée allais être l’une des plus éprouvantes que je n’ai jamais eu à passer, et que finalement, accepter de passer la nuit ici en compagnie de Juha n’était peu être pas une si bonne idée. D’ailleurs, je ne savais toujours pas ce qui m’avait pousser à accepter une telle requête. J’étais venu ici dans l’intention de lui présenter mes excuses au plus vite et de repartir comme j’étais venu, et je me retrouvais coincé ici avec un ronfleur sur les bras.
Bien que fatigué, je ne parvenais pas à trouver le sommeil, si bien que j’attrapais la télécommande, baissais le son pour ne pas réveiller Juha, et recommençait mon manège de zapper les chaînes jusqu’à ce que je trouve un film qui me plaisait. Je tombais par hasard sur un film d’enquête policière et restait un moment à regarder les personnages évoluer sur le petit écran. Plus les minutes défilaient et plus je me sentais absorbé par cette histoire qui ressemblait étrangement à la mienne… Au fur et à mesure que le temps passait, je sentais les larmes me piquer les yeux et les essuyais du revers de la main en reniflant bruyamment. Cependant, je ne parviens pas à les contenir plus longtemps, et lorsque l’émotion fut trop forte, j’éclatais en sanglots. La fatigue additionnée à la douleur que je ressentais autant physiquement que moralement eut raison de moi. Mes sanglots retentissaient étrangement dans la pièce, brisant le silence de la nuit.
Noyé dans mes larmes, je ne vis pas Juha se réveiller et sursautais lorsqu’il me demanda d’une voix ensommeillée qui trahissait son inquiétude :
- Gabriel ? Que se passe-t-il ?
D’un geste hésitant, il posa sa main sur mon épaule pour la retirer vivement, comme s’il venait de recevoir une décharge électrique, ou comme s’il était dégoûté de toucher quelqu’un comme moi… Ce geste m’interpella, mais pour le moment, je n’avais pas la tête à m’interroger sur la raison de ce mouvement brusque. Tout ce que je souhaitais à cet instant, c’était disparaître à jamais de la surface de la terre… De nouveau, Juha posa sa main sur mon épaule, mais cette fois-ci, il ne la retira pas.
Je ne sais pas combien de temps nous restâmes ainsi, tout ce que je savais, c’était que la main de Juha qui allait et venait dans mon dos d’une façon étrangement réconfortante m’apaisa partiellement, si bien que je finis par me laisser aller. Je m’endormis que bien plus tard, les yeux rougis par les larmes et la fatigue.
Je me réveillais avec l’impression de mettre endormis au pied d’un radiateur, tellement j’avais chaud. En plus de cela, j’avais mal au cou, comme si ma tête était surélevée par rapport à l’alignement de mon dos. Intrigué, j’ouvris difficilement un oeil pour le refermer aussitôt, aveuglé par l’afflux de lumière blanche qui inondait la pièce. Un murmure régulier attira alors mon attention et m’intriguais de plus en plus. C’était comme si l’on parlais à voix basse à côté de moi, ou le murmure incessant d’une télévision. Etrange… je n’avais pas de télévision dans ma chambre…
Sans plus de cérémonie, j’ouvris alors les yeux, et tentait alors de me redresser. Lorsque je posais la main sur ce qui aurait dû être normalement mon matelas, je rencontrais à la place une peau lisse et soyeuse. Je la retirais alors précipitamment et alors que je posais le regard sur la pièce, le tout me reviens en mémoire. Je n’étais pas chez moi, mais chez Juha. Ce nom fit tilt dans ma tête et je reportais mon attention sur mon curieux matelas. Et là, je me figeais littéralement d’effrois.
Mon matelas n’était autre que Juha, et la raison de mon mal de cou était à présent plus que translucide. Au vue de nos positions respectives, mon oreiller n’avait été autre que le torse de Juha… Et le pire dans tout cela, c’est qu’il me regardait avec un sourire amusé étirant ses lèvres et une lueur espiègle qui illuminait ses pupilles noires. Pris de panique, je tentais de me relever. Cette tentative échoua lamentablement, et avisant nos jambes entrelacées, je sentis le rouge me monter brusquement aux joues.
Lorsque je vis Juha ouvrir la bouche, je redoutais qu’il me lance une réflexion acerbe, mais à ma plus grande surprise, sa voix était douce et calme :
- Ca va mieux ?
Je lui lançais un regard intrigué, ne comprenant pas où il voulait en venir et il déclara :
- Tu ne te souviens pas ? Cette nuit, tu t’es endormi dans mes bras après avoir pleuré…
A l’entente de ces mots, je cru mourir de honte. A tout moment, je m’attendais à voir Juha éclater de rire, mais il n’en fit rien, à mon plus grand étonnement. Au contraire, il sembla même prendre la situation à la rigolade, car, un sourire amusé étirant ses lèvres, il s’exclama :
- Tu comptes te lever un jour ?
Réalisant alors notre position, je m’empourprais pour la seconde fois consécutive, et me hâtais de me lever. Juha en fit de même et s’étira longuement dans un bâillement prononcé qu’il me transmis. Cela sembla l’amuser car il me sourit avant de prendre la parole :
- Tu veux manger quelque chose ?
J’hochais silencieusement la tête en signe d’acquiescement et lui emboîta le pas à la cuisine. Il fit chauffer de l’eau dans la bouilloire et  posa sur la table un reste de pain et trois pots de confiture à moitié vides. Sur l’invitation de Juha, je me sortis un bol et fouillais de le placard à la recherche de quelque chose à me mettre sous la dent, ayant horreur de la confiture. Par chance, je trouvais un fond de pot de Nutella. Satisfait, je pris place à table, en face de Juha et me préparais ma tartine de Nutella. Concentré dans ma tache méticuleuse de ne laisser aucun bout de brioche vierge de chocolat, je ne vis pas le sourire amusé de Juha qui me regardait faire avec un amusement non dissimuler.
Une fois fait, je léchais consciencieusement la petite cuillère avant de la reposer toute propre à côté de mon bol.
Je commençais à manger silencieusement, me remettant doucement de la surprise de ce matin, lorsque la voix de Juha retentie douce et mélodieuse, dans la pièce :
- Alors, cela fait longtemps que tu travailles avec les chevaux ?
Surpris de cette question, je relevais la tête de mon bol et posait sur l’homme qui me faisait face, un regard sceptique. Cependant, je dus bien me rendre à l’évidence qu’il n’y avait aucune moquerie ou quoi que ce soit d’autre dans le regard de Juha. Comprenant alors qu’il n’y avait que de la simple curiosité dans sa question, je décidais de jouer le jeu et répondis franchement :
- Je monte depuis que j’ai fait la connaissance de Philippe, soit un peu moins de sept ans. C’est grâce à lui que j’en suis là aujourd’hui, répondis-je un peu mélancolique, les questions de Juha faisant ressurgir mon passé du tréfonds de ma mémoire.
- En tout cas, je suis impressionné par ton savoir faire. Tu as l’air tellement à l’aise en leur compagnie…
Sa réflexion me fit sourire malgré moi. Sur ce point, il ne pouvait pas savoir à quel point il était dans le vrai. J’ai toujours senti que je n’avais pas ma place au milieu des hommes, que le seul endroit où j’avais l’impression d’être utile, c’était auprès des chevaux. Lorsque j’étais arrivé au centre, j’étais une loque humaine. C’est grâce aux chevaux et à l’aide précieuse de Philippe que je suis parvenu à remonter la pente. Sans leur soutien et leur affection, il y a bien longtemps que je ne serais plus de ce monde.
Me prenant à la conversation, je demandais à mon tour, bien décider à en finir avec les embrouilles quotidiennes. Si cela avait été marrant au départ, cela le devenait de moins en moins.
- Et toi ? Tu n’as pas l’air de t’y connaître beaucoup avec les chevaux, fis-je remarquer. Tu faisais quoi avant ? Pourquoi avoir décider de te lancer dans quelque chose dont tu ignores tout ?
- Je… Je travaillais dans une entreprise d’informatique, répondit-il avec une hésitation qui ne m’échappa pas. Quant à savoir pourquoi je me suis lancé dans le domaine du cheval, je… C’est un peu une sorte de défis que je me suis lancé, de… De repartir à zéro et recommencer une nouvelle vie…
Mettant de côtés mes interrogations, je souriais tout en déclarant :
- Si toi tu n’y connais rien en matière de cheval, moi c’est bien l’informatique et la technologie qui me font défaut ! C’est à peine si je sais comment fonctionne mon téléphone portable !!
Ma remarque le fit sourire, puis nous terminâmes notre petit déjeuner en silence. Puis, sur son invitation, j’allais prendre une douche rapide. Lorsque je sortis, j’eus la surprise de trouver des vêtements propres posés au pied du lit. Je les enfilais rapidement, et rejoignis Juha. Je pris place à ses côtés sur le canapé et déclarais :
- Merci pour les vêtements.
- Je t’en prie, me répondit-il en m’adressant un sourire resplendissant. bon, je vais me doucher, ajouta t-il.
Je ne répondis rien et attrapais la télécommande de la télévision tandis que Juha allait s’enfermer dans la salle de bain. Je tombais sur une émission pour les enfants qui diffusait un manga et amusé, je décidais de regarder un moment. Juha sortit de la douche quelques minutes plus tard, et posant distraitement mon regard sur lui, j’aperçus un détail qui me surprit. Sur son omoplate droite, un dessin à l’encre représentant un phénix y était incrusté. Pas que cela me choquait, je possédais également un tatouage, mais je n’aurais jamais pensé en découvrir un chez ma némésis. Certes, il ne fallait pas se fier aux apparences, mais cela m’étonnait tout de même.
Lorsqu’il fut prêt, nous quittâmes l’appartement et partîmes en voiture jusqu’au centre. Le trajet s’effectua dans le silence le plus total. Arrivé au centre, je garais la voiture dans la cours, et alors que j’allais descendre, Juha m’interpella :
- Gabriel !
Intrigué, je me retournais et lui lançait un regard interrogateur, et il poursuivit :
- Merci !
Je ne répondis rien,ne lui adressant qu’un hochement de tête, et quittais la voiture. A la fenêtre de son bureau, je vis Philippe me sourire. Je lui rendis son sourire et le saluais d’un signe de tête. Puis, après avoir fermé la voiture, j’allais le rejoindre pour lui rendre les clefs du véhicule, abandonnant Juha derrière moi.
Lorsque j’entrais dans le bureau, Philippe m’accueillit chaleureusement :
- Bonjour mon garçon ! s’exclama-t-il. Vu l’heure tardive, je n’espérais plus ta venue, ajouta t-il avec un sourire énigmatique étirant ses lèvres.
- Hn… Je suis désolé, répondis-je, ne sachant que dire d’autre. Il y a eu… un incident hier soir, ajoutais-je avec hésitation en faisant attention de bien choisir mes mots.
Alors que Philippe s’apprêtait à ouvrir la bouche pour répondre, je le devançais et lui posait la question qui me brûlait les lèvres depuis un moment déjà :
- Dis moi, Juha… Il faisait quoi avant d’arriver ici ?
- Pourquoi me poses-tu cette question ? Demanda-t-il visiblement intrigué.
- Je ne sais pas, avouais-je. Il y a quelques chose qui me paraît pas clair chez lui, mais je n’arrive pas à cerner ce que c’est… Lorsque je lui ai posé la question tout à l’heure,, il a semblé hésiter avant de répondre… Comme s’il ne savait pas quoi dire…
- Le passé n’a pas d’importance, ce qui compte c’est le moment présent, me répondit Philippe avec un sourire qui se voulait convainquant. Et en parlant de moment présent, n’as-tu pas un concours à préparer ?
- Oui, répondis-je distraitement, un peu déçu du manque de confiance dont Philippe faisait preuve à mon égard. Certes, je comprenais sa réaction suite à nos débuts quelques peu intempestifs, mais j’étais tout de même adulte et suffisamment mature pour me comporter comme tel, malgré quelques petits accrochages avec Juha.
Sans un mot de plus, je quittais le bureau et me rendis dans ma chambre, où je me changeais. J’avais l’intention de monter Orphée ce matin, et enfilais donc une chemise en coton, un vieux jean et mes chaussures en cuir, avant de me rendre à la sellerie.
Je pris mon filet et ma selle et me rendis au box de ma monture. J’attrapais au passage des brosses et un cure-pieds. Je traversais l’écurie, chargé comme un mulet, sans même répondre aux salutations que l’on m’adressait. A vrai dire, je ne les entendais même pas. J’étais encore plongé dans ma récente discussion avec Philippe. Plus cela allait, plus j’avais l’impression que l’on me cachait des choses, à agir dans mon dos sans même m’en informer. Et s’il y avait bien une chose que je détestais pas dessus tout, c’était les mensonges et être prit pour un con.
L’impression que j’avais et qui ne voulait pas me quitter, semblant se confirmer un peu plus à chaque instant qui passait, était que Juha et Philippe semblaient être liés par un secret connu d’eux seuls, comme s’il en découlait quelque chose de vital.
Ravalant la colère que je sentais commencer à poindre en moi, j’entrais dans le box d’Orphée et le caressais longuement en guise de bonjour. Alors que je commençais à le brosser, j’entendis la voix de Philippe retentir de la porte. Surpris, je me retournais brusquement et face à l’air sérieux et inquiet que reflétait son visage, je ne dis rien, lui laissant prendre l’initiative de la parole, ce qu’il ne tarda pas à faire :
- Tout va bien mon garçon ?
- Oui, répondis-je un peu trop prestement à son goût, ce qui suscita chez lui un levé de sourcil sceptique.
- Tu es certain ? Tu me parais fatigué en ce moment, tu te surmenages trop, peut être devrais-tu prendre quelques jours de repos…
- Non ! Ca va, je t’assures ! C’est inutile de t’inquiéter, je vais bien, le coupais-je précipitamment. C’est juste un peu de fatigue, cela va passer, tentais-je de me rattraper, en prenant un ton plus calme.
- Justement, reprit Philippe, je… Je pense que tu devrais annuler ta participation à ce concours…
- C’est hors de question, m’écriais-je à présent envahi d’une colère froide. Je ne m’arrêterais pas aussi prêt du but ! J’ai bossé comme un dingue pour en arriver là, ne me demande pas de faire demi-tour maintenant.
- Je ne te demande pas de tout arrêter Gabriel, ne déforme pas mes paroles. Je te conseil juste d’annuler ce concours ! Tu auras d’autres occasions, de faire tes preuves.
- N’insiste pas Philippe, tu sais très bien que c’est inutile avec moi. J’ai pris ma décision et je ne reviendrais pas dessus, répondis-je intransigeant, tout en sellant ma monture qui, sentant ma colère, s’impatientait de plus en plus.
Je savais que je devais me calmer, mais pour le moment, c’était totalement impossible. Je me forçais à penser à autre chose, ne voulant pas que Orphée se blesse par mon manque de concentration. Je lui mit son filet, et sans un regard de plus pour Philippe, je quittais l’écurie. Je passais devant Juha sans même le voir, pestant intérieurement contre Philippe et son attitude trop protectrice.
Je n’étais quand même pas en sucre, j’étais parfaitement capable de savoir où étaient mes limites et quand je lui assurais que je pouvais participer au concours, c’était que je m’en sentais capable.
Un peu calmé, j’entrais dans la carrière de compétition qui avait été construite un peu plus loin, derrière l’écurie principale et refermais derrière moi. Je menais ma monture au centre du carré de sable et mettais le pied à l’étrier après avoir vérifié le sanglage et que tout était correct. Une fois en selle, je demandais à ma monture d’avancer. Je baissais légèrement mes mains et d’un effleurement des mollets sur ses flancs, celle-ci obéit avec, semblait-il, une certaine impatience.
Je l’échauffais un long moment, souhaitant minimiser au maximum les risques de blessures et c’est seulement au bout d’une petite heure que je commençais le programme officiel de l’entraînement. Ce qui me toucha le plus, ce fut le plaisir et la bonne volonté avec lesquels Orphée exécuta les figures que je lui demandais. J’enchaînais les slides et les spincs à une allure incroyable. Moi-même je n’en revenais pas de l’énergie que ma monture déployait pour cet exercice. Elle aimait faire ce travail et cela se sentait. J’en ressentais moi-même une fierté et une joie sans nom.
Une heure plus tard, je décidais d’offrir à ma monture, un repos bien mérité. Je mis pied à terre et après multiples caresses amplement méritées, je prenais la sortie de la carrière. Alors que je détachais la corde qui fermait l’accès, j’eu la surprise de trouver Juha. Assit sur un banc, il m’observait en souriant.
- Quoi ? lui demandais-je.
- Rien, je regarde juste ce que tu fais, répondis Juha sans se départir de son petit sourire qui avait le don de me mettre mal à l’aise.
Je ne répondis rien, ne sachant que dire et prenais la direction de l’écurie. Juha m’emboîta le pas et c’est côte à côte que nous arrivâmes au box d’Orphée, pour la plus grande surprise des palefreniers et des moniteurs qui avaient plus d’une fois assistés à nos récurrentes prises de bec.
Alors que je dessellais Orphée et lui offrais un bon pansage, Juha, accoudé contre la porte brisa enfin le silence qui s’était installé entre nous :
- Alors comme ça, tu prépares un concours ? Demanda-t-il. Je… Je t’ai entendu en parler avec Philippe toute à l’heure, avoua-t-il, face au regard que je lui lançais.
- Hn… Oui, me forçais-je à répondre, bien que je n’en ai pas vraiment l’envie. Il est dans quinze jours.
- C’est un concours de quoi ? C’est ce que tu faisais toute à l’heure avec Orphée ?
- Oui, je lui faisais revoir les figures qui sont évaluées lors du concours…
- Tu as peur ?
- Un peu avouais-je. Je m’entraîne depuis longtemps et ce concours c’est vraiment la chance de ma vie. Le remporter c’est un peu prouver à tous que je suis capable autant qu’eux de faire quelque chose et de parvenir au bout de mes ambitions. Je ne suis pas particulièrement intéressé par le prix du concours pour l’argent à proprement dit, mais il est vrai que la somme promise me permettrait de me lancer dans mon projet. C’est pour cela qu’il me tient tant à coeur… Tu vas peut être trouver ça bête mais…
- Non, s’exclama alors Juha, je ne trouve pas ça bête, au contraire. Tu as de l’ambition c’est bien, cela prouve que tu sais ce que tu veux faire de ta vie, tu es acteur et non spectateur de ta vie comme beaucoup le sont.
- Hn, répondis-je simplement, méditant sur les paroles philosophiques de mon vis à vis.
- Quel est ton projet ?
- Hein ? Demandais-je, n’ayant pas écouté sa question.
- Tu parlais d’un projet toute à l’heure. C’est quoi ce projet ?
- Je voudrais faire un élevage de chevaux américains comme Orphée et les entraîner pour devenir des champions… J’aimerais avoir mon propre ranch, être mon propre patron et ne pas avoir à travailler pour les autres. Je ne dis pas que Philippe est un mauvais patron, au contraire, mais ce n’est pas pareil. Travailler pour soi c’est en quelque sorte un défis que l’on se lance… Et pis, c’est aussi une preuve que les rêves peuvent parfois devenir réalité… Et toi, demandais-je, après un instant de silence, tu as un rêve que tu aimerais réaliser ? Un projet d’avenir ?
- Moi ? Euh… Si tu as un but précis, moi contrairement à toi, à défaut biensûr, je me laisse porter par la vie pour le moment. Il me faut un peu de temps pour m’en re… pour aller de l’avant. 
Je notais la légère hésitation et la tristesse dans la voix de Juha. Une question me traversa l’esprit, mais j’hésitais à la lui poser, cependant, la tentation étant trop forte, je demandais non sans hésitation :
- C’est… C’est à cause de Killian ?
Face au silence de Juha et à la douleur qui émanait de lui, je me repris :
- Désolé, je ne voulais pas te blesser. Cela ne me regarde pas…
- Ce n’est rien, répondit Juha d’une petite voix tremblante. Oui… C’est lié à… à Killian…
- Cela va sûrement te paraître indiscret comme question, tu n’es pas obligé de répondre, mais il est mort depuis combien de temps Killian ?
- Cela va faire dix ans le mois prochain, répondit Juha après quelques secondes de silence.
- Il serait peut être temps de passer à autre chose, tu ne crois pas ?
- Je… Je sais, mais c’est toujours plus facile à dire qu’à faire… Il y a parfois des circonstances qui font que même si je souhaitais oublier, je ne peux pas…
Alors que j’allais répondre quelque chose, une voix m’appela de l’autre côté de l’écurie :
- Gabriel ?
- Je suis là, répondis-je sans pour autant sortir du box.
- Dis, tu as du temps libre devant toi ? Me demanda Dorian.
- Je peux arranger ça pourquoi ?
- Il faudrait que tu pares les pieds de Kadaj ! On part en promenade cet après midi et il manque un cheval…
- Hn… Je m’occupe de ça après avoir fini avec Orphée…
- Merci c’est super sympa ! s’exclama-t-il. Hey, mais vous vous êtes toujours pas entretués ? Ajouta-t-il avec un air cynique qui ne me plus pas du tout. J’aurais dû me douter qu’avec sa gueule d’ange et son cul de dieu, je ne le garderais pas longtemps…
- Ce n’est pas parce que tu collectionnes les conquêtes d’un soir et les culs des mecs qu’on est tous comme toi ! Heureusement qu’il reste encore quelques mecs bien qui ont encore une morale et savent l’utiliser et l’appliquer à bon escient.
Dorian ne répondit rien, mais se tourna vers Juha et demanda :
- Tu veux que je te ramène ce soir ?
- Oui, je veux bien, merci.
- Tu es bien arrivé ce matin ? Pas trop long la route ?
- Non, c’est… Gabriel m’a amené…
C’est alors qu’il sembla remarquer un détail car il s’approcha de Juha et l’observa longuement :
- Mais, vous vous êtes battus ? Demanda-t-il surpris.
- Non, ce… C’est rien, je… Je me suis prit l’angle d’un placard… Répondit Juha.
Je vis alors Dorian me lancer un regard sceptique et accusateur que je soutins sans sourciller. Je n’avais rien à me reprocher dans cette histoire, et ce n’est pas son air de paon blessé dans sa fierté qui me fera baisser les yeux devant lui.
Cependant, il n’insista pas plus et je l’en remerciais mentalement. Puis, après un dernier regard à Juha qui ne me plus pas, il tourna les talons et quitta les lieux. Ayant finit de prendre soin de ma monture, j’allais lui chercher quelques morceaux de pain que je lui donnais. Puis, j’attrapais un licol et allais chercher Kadaj au pré. J’eus la surprise de voir Juha me suivre, mais ne fit aucun commentaire.
Dix minutes plus tard, Kadaj était attaché et mangeait tranquillement dans son filet à foin tandis que j’enfilais mes chaps de maréchalerie. Je vis Juha prendre place à quelques pas de là. Assis sur une balle de paille, il observait les moindres de mes gestes. Cela me mettait mal à l’aise, mais au bout d’un moment, je finis par faire abstraction de sa présence et commençais à limer le pied de l’animal.
Au bout de quelques minutes, la voix de Juha retentie dans mon dos :
- Qu’est-ce que tu fais ?
- Je lui parre les pieds, afin de pouvoir le ferrer.
- Tu peux pas poser le fer tout de suite ?
- Non, il faut vérifier les aplombs avant…
- Et ça lui fait pas mal ?
- Non, pourquoi veux-tu que cela lui fasse mal ? Cela te fait mal toi quand tu te coupes les ongles ?
- Euh… non…
- Et bien pour lui c’est la même chose, répondis-je patiemment.
Le silence s’installa une nouvelle fois, mais comme précédemment, il ne dura pas :
- Cela fait longtemps que tu sais faire ça ?
- Plus ou moins… Trois ou quatre ans pas plus…
- Oh… Tu as besoin d’aide ?
Fatigué par ses questions incessantes et pire qu’un gosse, j’arrêtais ce que j’étais en train de faire pour me redresser et lui faire face :
- Tu as pas du boulot à terminer ?
- Euh…excuse moi de t’avoir dérangé…
Alors qu’il commençait à s’éloigner, je poussais un soupir d’exaspération et de lassitude et avant que je ne réalise entièrement ce que je faisais, je déclarais :
- Tu peux rester… mais tais-toi !
- Promis ! Répondit Juha en retournant s’asseoir sur la balle de paille.
Une heure et demi plus tard, j’avais enfin finis de ferrer Kadaj. Après de longues caresses pour le remercier de sa patience et de sa gentillesse, je le ramenais au pré, toujours suivit de Juha, avant d’aller manger. Dans le réfectoire, je croisais Marion, mais je ne lui adressais qu’un regard désintéressé. Par contre, au regard qu’elle posa sur moi, je compris immédiatement que quelque chose n’allait pas pour elle. Cependant, je décidais de ne pas y prêter attention, après tout, je n’avais plus rien à voir avec elle. Si bien que je continuais mon chemin et alla m’asseoir à ma table. Juha prit place en face de moi, et je commençais à manger silencieusement.
Dans l’après midi, Juha retourna à son travail et j’en profitais ainsi pour sortir Niladhëvan. Cela faisait quelques jours que je ne m’étais pas occupé d’elle et comme j’avais un moment de libre, j’en profitais. Je la fis travailler deux bonnes heures, et lorsque j’obtenais d’elle la réaction que j’attendais depuis le début, je cessais la séance. Je lui offris un bon pansage et la ramenais au pré.
Ayant encore deux bonnes heures avant la tombée de la nuit, je décidais de graisser ma selle et mon filet. J’entrais dans la sellerie, attrapa ce dont j’avais besoin, et allait m’installer sur la table dans la cours. Le soleil radieux avait fait fondre la neige qui le tapissait jusqu’à présent. Minutieusement, j’entrepris mon travail, me laissant bercer par les bruits de l’écurie. Le renâclement des chevaux, le bruit des gouttes d’eau qui tombaient du toit étaient les seuls troubles au silence reposant qui régnait sur le centre. Concentré dans ma tache, je n’entendis pas Juha arriver et sursauta lorsqu’une ombre prit place en face de moi. Je relevais brusquement les yeux et reconnut aussitôt le sourire moqueur de Juha. Je lui lançais un regard meurtrier pour la forme avant de reprendre mon travail.
- Il faut le faire souvent ?
Reposant mon pinceau sur la table en soupirant de lassitude, je demandais sans répondre à sa question :
- T’en as pas marre avec tes questions ?
Puis, après un nouveau soupir, je répondis :
- Environ une fois par mois.
Semblant satisfait de ma réponse, il n’ajouta rien d’autre à mon plus grand soulagement. Il resta là, jusqu’à ce que Dorian vienne le chercher :
- J’y vais, si tu veux que je te ramène c’est tout de suite ! déclara-t-il.
- J’arrive, répondit Juha.
Il m’adressa un sourire et après un rapide “à demain”, il partit en compagnie de Dorian.
Je terminais ce que je faisais, puis lorsqu’il commença à faire vraiment trop froid, j’allais nourrir Orphée avant de m’exiler dans ma chambre. Je pris une douche brûlante afin de me réchauffer et ne quitta ma chambre juste pour aller manger.
Ce soir là, je m’endormis de bonne heure, épuisé par la journée éprouvante émotionnellement que je venais de passer.
Dans mon sommeil, j’entendais vaguement un téléphone sonner. Je me retournais dans mon lit, entre l’éveil et le sommeil, lorsque je redressais brusquement… Ce n’était pas un rêve, mon téléphone sonnait bel et bien. L’esprit encore embrumé, j’allumais la lumière et regardais l’heure avant de tendre le bras et d’attraper le téléphone posé sur ma table de chevet. D’une voix encore pleine de sommeil, je déclarais sans plus de cérémonie :
- Qui que vous soyez, savez-vous qu’il est plus de trois heures du matin ?
Cependant, lorsque j’entendis à l’autre bout du fil, une voix que je reconnaîtrais parmi des milliers, m’appeler en sanglotant, je sentis mon sang se glacer d’effroi… D’une voix tremblante, je demandais :
- Juha ?
- Gabriel… Ne… Ne me laisse pas seul…
- Juha !? Répétais-je abasourdi. Qu’est-ce qui t’arrive ?
A vrai dire, j’étais d’autant plus déboussolé par son appel que par le fait qu’il décide de m’appeler moi plutôt qu’un autre. D’ailleurs, pourquoi m’appelait-il à une heure aussi tardive ? Que lui était-il arrivé ? C’est ce que je tentais de lui demander, mais noyé dans ses sanglots, il était incapable d’aligner trois mots cohérents. A présent totalement réveillé, je sautais hors de mon lit et m’exclamais, tentant de me faire entendre par Juha :
- J’arrive, ne bouge pas !!
A vrai dire, je ne savais pas pourquoi j’agissais de la sorte. Après tout, cela faisait même pas un mois que nous nous connaissions, une journée que nous parlions autrement que pour nous lancer des vannes à longueur de journée, et voila que depuis vingt-quatre heures, je me retrouvais impliqué dans une histoire dont j’ignorais toute la trame et qui me dépassait totalement…
Cinq minutes plus tard, montre en main, je roulais en direction du studio de Juha. Et moins de cinq autres minutes après, je me garais sur la petite place publique devant chez lui. Je déboulais dans l’appartement sans prendre le temps de frapper, m’attendant au pire, et le spectacle qui s’offrait à moi me serra le coeur, sans que je ne sache pourquoi. Juha était là, assis à même le sol, recroquevillé dans un coin de la pièce, adossé contre le mur, serrant contre lui, le combiné de téléphone qui sonnait toujours… Lorsqu’il m’entendit arriver, il releva vers moi un visage trempé de larmes.
Sans réfléchir une seule seconde à la conséquence future de mes actes, je me précipitais vers lui et le prenant dans mes bras, je le serrais contre moi en lui murmurant à l’oreille des paroles qui se voulaient rassurantes et réconfortantes, malgré ma voix tremblante d’émotions :
- Chut… Je suis là… Tout va bien…
Je ne sus combien de temps nous restâmes ainsi, mais lorsque je sentis un poids mort sur mon épaule, je compris que Juha s’était finalement endormi. Avec précaution, je me levais et le portais jusque dans son lit où je l’allongeais avant de rabattre les couvertures sur lui.
Une fois fais, j’allais à la cuisine et me préparais un thé à la menthe que j’allais boire, avachis dans le canapé où je finis par m’endormir à mon tour. Lorsque j’ouvris les yeux le lendemain matin, le ciel était nuageux et la neige virevoltait dans l’air froid du matin. Prit d’un frisson, je me roulais en chien de fusil et fermais les yeux, déprimé par le temps pourris de dehors. Finalement, je finis par me rendormir et lorsque je me réveillais de nouveau, je fus assailli par une forte odeur de café.
J’en déduit que Juha devait être levé. Je pris cependant le temps de m’étirer longuement, en bâillant aux corneilles. J’ouvris les yeux pour tomber nez à nez avec Juha qui me souriait mais qui semblait néanmoins assez nerveux et gêné.
- Tu… Tu as bien dormis ?
- Hn…répondis-je agacé par sa question.
- Je… Je m’excuse…
- Hn…
- Je comprend que tu m’en veuilles, mais je… Merci d’être venu…
- Hn… Ouais…
- Tu… Tu veux manger quelque chose ? Demanda-t-il visiblement mal à l’aise.
- Hn… Oui, s’il te plait.
Je vis alors Juha m’adresser un petit sourire d’excuse et repartir comme il était venu à la cuisine, pendant que je me laissais retomber dans le canapé. Il revient quelques minutes plus tard avec une tasse de thé fumante qu’il posa sur la petite table à côté de moi.
- Merci, déclarais-je simplement en me redressant.
Je déjeunais en silence, et restais encore un moment avant de rentrer au centre.
Une fois arrivé, je m’enfermais dans ma chambre et me laissais tomber sur le lit, dans le but de rattraper ma nuit de sommeil.

Les semaines qui suivirent passèrent à une allure folle. Si bien que je me retrouvais la veille du concours avant même d’avoir réalisé. Et je stressais à mort. Debout à côté d’Orphée, je nattais sa crinière à la façon des étalons américains afin de ne pas avoir à passer trop de temps à lui la démêler demain matin. Les préparatifs du concours chamboulaient déjà toute l’organisation de l’écurie et tout le monde était à cran. Il régnait une atmosphère lourde et pesante, chargée de l’inquiétude et de l’angoisse de chacun.
Seul Philippe semblait ne pas être touché par cette agitation collective qui régnait au centre. Abordant constamment son air sûr de lui, nous réglions ensemble les derniers détails pour demain. Le départ était prévu à neuf heures trente d’ici et nous devions arriver tôt le matin afin de charger les chevaux dans le van et préparer tout le matériel nécessaire.
Une fois les derniers détails réglés, Philippe repartit, ayant une réunion dans la sellerie avec les moniteurs et palefreniers qui resteraient là durant notre absence.
Lorsque j’eus terminé de préparer Orphée pour la nuit, lui glissant une couverture sur le dos, j’eus la surprise de trouver Juha qui m’observait, accoudé contre la porte du box. Il m’adressa un sourire auquel je répondis et il demanda de sa voix douce et calme :
- Tu veux venir boire un verre à la maison, histoire de te changer les idées avant demain ?
- Hn… Ouais, pourquoi pas, répondis-je, remerciant mentalement Juha pour sa proposition.
Car il est vrai que si j’étais resté là, seul ce soir, j’aurais certainement passé la nuit à me torturer l’esprit. Reconnaissant envers Juha, je quittais le box d’Orphée après une dernière caresse et suivit Juha, faisant une halte dans la sellerie afin de préparer mon matériel pour demain et être sûr de ne rien oublier, puis je pris la direction du bureau de Philippe afin d’aller chercher les clefs de la voiture.
Nous montâmes dans la voiture et je pris la direction du studio de Juha. Le trajet se fit dans un silence monastique, seulement interrompu par les chants brutaux qui s’échappaient des enceintes.
un petit quart d’heure plus tard, nous étions installé dans le canapé, une tasse de chocolat chaud à la main. Aucun de nous ne semblait vouloir prononcer la première phrase. Depuis deux semaines, Juha et moi étions en meilleurs termes. Certes, ce n’était pas encore tout à fait ça, mais cela commençait à aller déjà mieux. Nous arrivions à avoir des conversations sérieuses, même s’il refusait encore et toujours de me révéler la raison de ses peurs irraisonnées qui le poussaient à m’appeler la nuit.
A vrai dire, j’étais plus dans l’angoisse de demain que réellement concentré sur le moment présent. Finalement, ce fus Juha qui brisa le silence en demandant :
- Tu veux manger quelque chose ?
- Non, cela ira merci. Là tu vois, j’ai plus envie de me vider l’estomac que de le remplir.
Juha émit un petit rire amusé et ajouta :
- Je m’en doute bien, mais il faut que tu manges si tu ne veux pas t’écrouler demain… Un plat de pâtes ça te dit ?
- Hn… répondis-je à contrecoeur.
Cependant, je me levais avec lui et le suivit dans la cuisine où je mis la table pendant qu’il mettait de l’eau à chauffer.
Dix minutes plus tard, nous étions assis à table l’un en face de l’autre, à parler du concours et de l’organisation de demain. Juha faisait partit des personnes qui restaient là demain et j’en profitais pour lui demander un petit service :
- Je, hésitais-je, ne sachant pas vraiment par où commencer. J’aimerais te demander un service en fait…
- Je t’écoute, répondit Juha.
- Je mettrais Niladhëvan dans un box avant de partir demain et j’aimerais que tu t’occupes d’elle pendant mon absence… Enfin, seulement si tu es d’accord… Si tu veux pas je te force pas hein ! Tu fais comme tu veux…
- C’est d’accord… Je m’occuperais d’elle, répondit mon vis à vis.
Je lui adressais un sourire soulagé chargé de remerciements que je lui murmurais tout bas :
- Merci…
Seul un sourire radieux me répondit, et sans savoir pourquoi, je me sentis rougir. Je détournais les yeux et reportais mon attention sur mon assiette. Le repas se termina en silence et à la fin de celui-ci, nous retournâmes au salon, une tasse de thé dans la main. Assis côte à côte, aucun de nous n’osait briser le silence qui régnait dans la pièce. Je fus finalement sortis de mes pensées par la voix de Juha dans laquelle je décelais un certain amusement :
- Alors ? Stressé ?
- Plus que tu ne l’imagines, répondis-je, terrifié malgré moi à l’idée de n’arriver à rien.
- Pourquoi ? Il n’y a pas de raisons…
- Et si je me plantais demain ? L’interrompis-je.
- Et si tu arrêtais de dire des conneries… Je ne m’y connais pas beaucoup dans ce milieu, mais j’ai vu depuis que je suis arrivé combien tu as travaillé, et il n’y a aucune raison que tu te plantes.
- Mais tu comprends pas ! Il y aura vraiment des craks demain ! J’aurais l’air de quoi moi, pauvre petit clampin tout droit sortit d’ma campagne…La seule chance que j’ai c’est d’assurer un max demain, et vu comme s’est parti, je suis plutôt mal barré…
- C’est bon, déstresse ! Et puis, même si tu te plantais, tu auras d’autres occasions… Franchement, pourquoi tiens-tu absolument à ce que tu te plantes demain ? Prend confiance en toi, Gabriel… Tu a les capacités pour y arriver et je sais que tu y arriveras… Si toi tu n’as pas confiance en toi, moi si…
Je ne répondis rien, mais ancrais mon regard au sien. Plus je l’observais, plus je trouvais son regard envoûtant et hypnotisant. Puis, avant que je ne réalise vraiment ce qui se passait, je sentis deux lèvres se poser délicatement sur les miennes. Tétanisé, je restais un moment immobile, et ne retrouvais mes esprits que lorsque la langue de Juha vient quémander l’entrée de mes lèvres. Retrouvant l’utilité de mes mouvements, je le repoussais brusquement.
- Quelque chose ne va pas ? Demanda alors Juha surpris.
- Ah parce qu’en plus t’as pas compris ! Tu viens de m’embrasser, bien sûr que ça va pas ! m’exclamais-je hors de moi.
- Tu avais l’air d’en avoir tout autant envie que moi.
- Est ce que j’ai l’air d’aimer embrasser les hommes ! Tu pourrais au moins t’excuser !
- M’excuser ? Je ne vois pas pourquoi… C’était à ce point désagréable ? Est ce que ça t’a dégoûté ? Est ce que je te dégoûte ?
- Je…
- Tu ?
- Rah ! Laisse tomber, m’exclamais-je avant d’aller m’enfermer dans la salle de bain en claquant violemment la porte.
J’avais parfaitement conscience que ma réaction était démesurée par rapport à l’acte lui-même, mais en réalité, j’étais plus en colère contre moi que contre Juha. En colère parce que non seulement j’avais aimé le contact de ses lèvres sur les miennes, mais j’avais aussi eu envie qu’il poursuive. Que nos langues fassent connaissance…
En quelques secondes, mon esprit s’était retrouvé assailli de souvenirs remontés du plus profond de ma mémoire, là où je pensais les avoir enfoui pour toujours… Des souvenirs dont j’aurais préféré oublier même jusqu’à leur existence, et dont je gardais encore la trace dans le dos… Des images s’imposaient à moi, réveillant de vieux fantômes que j’aurais préféré ne jamais me souvenir…
Apeuré, je me laissais tomber contre la porte de la salle de bain et prenant ma tête entre mes mains, je fermais les yeux, tentant de repousser ces images qui revenaient me hanter. Sur mes lèvres, je sentais encore la chaleur de celles de Juha, je sentais encore leur douceur et leur goût sucré… J’avais aimé cette esquisse de baiser, et je me haïssais pour cela…  Pourtant, pour rien au monde Juha ne devait savoir… Personne ne devait jamais savoir… Je commençais à croire que finalement, tout ce qu’on m’avait dit durant toutes ces années n’était peut être pas si fausses que cela, que c’était peut être ma nature et que le monstre en moi finirait par refaire surface un jour…
Une voix inquiète de l’autre côté de la porte me sortit brusquement de mes pensées :
- Gabriel… Sort de la salle de bain… S’il te plait…
- Laisse moi ! Je ne veux pas te voir ! Répondis-je d’une voix tremblante.
C’est alors que je me rendis compte que je pleurais. Mes joues étaient inondées de larmes que je n’avais pas eu conscience de laisser s’échapper.
- Je m’excuse Gabriel, je ne savais pas que cela te mettrait dans un tel état, reprit Juha dont la voix cachait de moins en moins son inquiétude. Je m’excuse, répéta-t-il, mais je t’en supplie, sort de cette pièce…
Après un moment de réflexion, je finis par consentir à lui obéir. Lentement, je me relevais et ouvrais la porte. Je sortis sans même lui adresser ne serait-ce qu’un coup d’oeil. J’allais dans le coin qui faisait office de chambre et ouvris le placard afin d’en sortir une couverture. Puis, je retournais sur le canapé et m’y allonger, remontant la couverture sur ma tête, ignorant totalement les minables tentatives d’excuses de Juha :
- Je suis sincèrement désolé Gabriel… Je… Je ne pensais pas que tu le prendrais aussi mal… Je te promet que c’était la seule et unique fois… Je ne tenterais plus rien, je t’en donne ma parole… Je suis désolé… Gabriel… Dis quelque chose…
- Pourquoi ? Demandais-je en me retournant, plongeant mon regard dans le sien.
- Pourquoi quoi ?
- Pourquoi tu m’as embrassé ?
- Je sais pas, je…
- Tu ?
- Ca m’est venu comme ça… Je sais pas pourquoi… Peut être que j’en avais envie…
- Et ça te prend comme ça ? Tu embrasses beaucoup de monde sans leur demander leur avis ? Répondis-je avec une point de cynisme que je ne cherchais pas à dissimuler.
Et avant qu’il n’ait le temps de répondre, je me retournais de nouveau, lui tournant le dos.
- Je…
- Bonne nuit, le coupais-je, n’ayant aucune envie d’entendre une seconde de plus ses désastreuses tentatives d’explications.
Dans mon dos, je sentis Juha rester immobile un moment. Je sentais son regard posé sur ma nuque, me brûlant la peau comme si l’on y avait apposé de l’acide. Puis, au bout d’un temps qui me parut interminable, il consentit enfin à s’éloigner. Je l’entendis s’affairer encore un moment dans l’appartement jusqu’à ce qu’il finisse par aller se coucher à son tour.

 

A suivre…

6
déc

Once in a lifetime - chapitre 08

   Ecrit par : admin   in Once in a life time

Chapire 08 par Shinigami

 

 

Lorsque je repris connaissance, j’étais adossé contre un arbre et ma tête était sur le point d’exploser. Jamais de ma vie je ne m’étais senti aussi mal. J’avais incroyablement chaud, comme si mon sang bouillonait dans mes veines et ma gorge semblait en feu. Le simple fait de déglutir était pour moi une véritable torture. Ouvrant les yeux, je fus prit d’un violent vertige et je dus me prendre la tête entre mes mains afin de ne pas perdre le peu d’équilibre qui me restait.
Plongé dans mes pensées, je n’entendis pas Hayden me rejoindre et s’agenouiller en face de moi, si bien que je sursautais lorsqu’il demanda :

- Gwendal, est-ce que ça va ?
Effrayé de le voir aussi près de moi aussi soudainement, j’esquissais un mouvement de recul.
- Ne t’approche pas ! Soufflais-je, ma gorge douloureuse ne me permettant pas de parler normalement.

- Arrête de faire l’enfant, Gwen… Soupira Hayden.
Puis, sans me laisser le choix, il posa la serviette qu’il tenait dans la main sur mon front. Sous la fraîcheur qui s’en dégageait, je soupirais de bien être.
- Pourquoi tu ne m’as pas dit que tu te sentais aussi mal ? Demanda mon vis à vis.
- Parce que… Parce que tu n’en as rien à faire de moi, murmurais-je sans réellement prendre conscience de ce que je disais.
J’entendis nettememnt Hayden soupirer, cependant, il ne répondit rien.
- Ne bouge pas d’ici, déclara-t-il en se redressant. Je reviens…
Il est malin lui ! Comme si je pouvais aller quelque part dans l’état dans lequel j’étais. Tout ce dont j’avais envie en cette instant, c’était de mourir. Et accéssoirement, d’un bon bain glacé avec un énorme iceberg flottant dans l’eau… Je ne saurais dire combien de temps je restais là, assis sous mon arbre, luttant contre l’évanouissement à attendre Hayden. Mon esprit vagabonda et je brusquement, je me rappelais la discussion houleuse que nous avions avant que je ne m’évanouisse, manquant de vomir en me souvenant de la nuit que je venais de passer. Losqu’il revint enfin, j’avais l’impression qu’une éternité s’était écoulée.
- Je me suis permis de prendre de l’argent dans ton sac pour payer le médecin, m’expliqua-t-il. Tu te sens de te lever, je vais t’aider.
Alors qu’il tendais une main vers moi, je la repoussais mollement, toute énergie m’ayant désertée :

- Ne me touche pas, tu es répugnant, tu me dégoûtes… Souffais-je, la tête lourde.
Ignorant mes vaines protestations, Hayden m’attrapa par le poignet et me hissa sur mes jambes sans la moindre difficulté. Sans me laisser le choix, il passa mon bras autour de son cou et me soutenant fermement, il commença à marcher. Dans un geste qui relevait plus de l’automatisme que de ma propre volonté, je lui emboitais péniblement le pas, à moitié dans les vappes. Je ne saurais dire combien de temps nous marchâmes, mais cela me parût une éternité. Mon corps tout entier n’était plus que courbatures et douleurs et la seule chose à laquelle j’aspirais, c’était dormir. C’est à peine si j’arrivais à garder les yeux ouverts… Alors que je trébuchais une fois de plus, manquant de tomber, Hayden s’arrêta subitement et m’ordonna de grimper sur son dos. C’est avec énormément de difficultés que j’obéis, passant mollement mes bras autour de son cou. Bientôt, écoeuré par les ballançements de ses pas, je posais ma tête contre sa nuque à la recherche d’un peu de fraîcheur.
Je dus m’endormir car lorsque j’ouvris de nouveau les yeux, j’étais avachi sur une chaise, un air frais terriblement agréable me soufflant au visage. L’instant d’après, un homme vêtu d’une chemise blanche vint me chercher. Docilement, je lui suivit tant bien que mal jusqu’à son cabinet. Après m’avoir demandé mes symptômes, il me demanda mon nom et prénom. J’eu tout de même assez conscience de ce qui se passait pour ne pas lui donner mes véritables noms, donnant le premiers qui me venaient à l’esprit. S’il parut sceptique, l’homme n’en laissa rien paraître et m’invita à me dévêtir. Un peu réticent, je finis par céder à sa demande et à moitié nu, j’allais m’installer sur le banc d’oscultation. Durant les cinq minutes qui suivirent, il me fit passer tout un tas de test et d’examen qui, si je n’avais pas été aussi mal, m’auraient sûrement fait rire.
Puis, il me donna un verre d’eau et plusieurs cachets à avaler avant de déclarer :
- Vous pouvez vous rhabiller… Bien, je vais aller chercher votre ami, asseyez-vous !
Sur ce, il sorti de la pièce pour en revenir l’instant d’après, suivit par Hayden.
- Votre ami a une angine, déclara le médecin lorsqu’Hayden eut prit place en face de lui. Ce n’est rien de grave si cela est traité à temps. Je lui ai donné une ordonnance précise et lui ait déjà donné un anti-fièvre et quelques médicaments.
- Merci beaucoup, répondit Hayden.
- Il dit s’appeler Julien. Je veux bien garder cette version et ne rien ébruiter. Mais cela nécessite une petite contrepartie, en plus de prix de la consultation…
L’esprit encore un peu embrumé par la fièvre, je ne compris pas toute la conversation, observant distraitement Hayden payer le médecin.
- Très bien, déclara le docteur en rangeant l’argent dans son tiroir. Je ne vous ai jamais vu, vous pouvez sortir. Un repas chaud ce soir, les médicaments suivant les prescriptions et Julien sera sur pied dans deux jours comme si rien ne lui était arrivé !
Sur ce, nous quittâmes le cabinet et Hayden m’aida à marcher. La fièvre semblait être tombée, mais cela n’empêchait pas le sol de trembler à chaque pas que je faisais et mes jambes semblaient être devenues du côton. Arrivé à l’entrée de la ville, il m’aida à m’asseoir à l’ombre d’un arbre et, m’ordonnant de l’attendre là, l’ordonnance en main, il partit chercher mes médicaments. Il n’était pas parti depuis quelques minutes que je sombrais dans un demi-sommeil, assomé par la chaleur, la maladie et les médicaments. Après ce qui sembla être un petit quart d’heure, Hayden refit son apparition et se plantant devant moi, il m’ordonna :
- Lève-toi.
Refusant de saisir la main qu’il me tendait, je me redressais non sans difficultés.
- On ne retourne pas chez Max, m’empressais-je de demander, en m’appuyant contre l’arbre le temps de retrouver mon équilibre.
- Non, répondit-il. Je n’abuserais pas de son hospitalité. Il y a une grange abandonnée pas loin. J’y ai laissé nos affaires. Nous passerons quelques jours là bas, tu pourra te rétablir.
Soulagé, j’entrepris alors de le suivre d’un mal mal assuré, le sol tanguant violemment. Me voyant faire, Hayden déclara :
- Laisse-moi te porter, il vaut mieux que tu économises tes forces pour guérir.
Je lui fus profondément reconnaissant de cette proposition, ne me sentant pas la force de marcher encore et en un rien de temps, je fus de nouveau sur son dos.
- C’est horrible, murmurais-je alors. Je n’ai jamais été malade…
- Il faut une première fois à tout, déclara Hayden en se mettant en marche.
Hayden marchant d’un pas énergique, nous fûmes rapidement à la grande. Me déposant délicatement au sol, il entreprit de sortir mon duvet de mon sac et me prépara un lit avant de m’inviter à m’allonger. Je ne me le fis pas dire deux fois et à peine fus-je couché que je sombrais dans un profond sommeil. Je ne saurais dire combien de temps je dormis, mais lorsque je me réveillais, tout engourdi, le soleil avait disparut derrière les arbres. J’étirais longuement mon corps douloureusement courbaturé, constatant avec satisfaction que ma fièvre avait baissée. Puis, je me levais et allais rejoindre Hayden que j’entendais brasser à l’extérieur. Cependant, même si je me sentais beaucoup mieux, le simple fait de marcher jusqu’à Hayden me fatigua énormément. Les jambes tremblantes, je m’assis près de lui.
- Qu’est-ce que tu prépares ? Demandais-je, curieux.
- Une soupe, pour que tu prennes tes médicaments sans avoir l’estomac vide, répondit-il.
- Je n’aime pas la soupe, répondis-je boudeur, en esquissant un grimace dépit.
- Et bien tu te forcera ! Répliqua Hayden avec fermeté. Je n’ai pas fait deux heures de marche et une bonne heure de cuisine pour que monsieur le malade fasse la fine bouche.
Je ne répondis rien à ceci et Hayden poursuivit en riant :
- Tu es presque agréable quand tu es malade.
- Ah ah ! Marmonnais-je, vexé de sa précédente remarque.
Attrapant une gamelle propre, Hayden la rempli de soupe fumante avant de me la tendre :
- Voilà, c’est prêt, déclara-t-il.
A contrecoeur, je m’emparais de l’assiette et Hayden me tendis une cuillère avant de s’éclipser. Il revint avec mes médicaments qu’il me donna. Je mangeais silencieusement, et aucun mot ne fut échangé durant le repas. Lorsque j’eu terminé mon assiette et pris mes cachets, je me relevais. La fièvre semblait avoir monté de nouveau, et tout mon corps était brûlant. Une fois debout, de déclarais d’une petite voix :
- Je… Je retourne me coucher. Bonne nuit.
- Bonne nuit Gwen, répondit-il. Si tu as besoin de quelque chose n’hésite pas.
- Merci… Murmurais-je faiblement avant de regagner mon lit.
A peine avais-je fermé les yeux que de nouveau, je sombrais dans un profond sommeil sans rêves.
Le lendemain fut semblable à la veille, si ce n’est que je me sentais déjà mieux. La nuit avait été plus que bénéfique et la fièvre était tombée. Et même si j’avais toujours énormément mal à la gorge, je me sentais bien plus en forme que je ne l’avais été ces deux derniers jours. Alors que le soleil déclinait à l’horizon, annonçant une fin de journée des plus douces, j’allais m’asseoir près d’Hayden qui lisait tranquillement. Depuis un moment déjà j’avais réfléchit au comportement d’Hayden et malgré moi, je ne pouvais m’empêcher de trouver sa façon d’agir obscène. Comment pouvait-il ainsi coucher avec autant de personnes différentes ? N’avait-il aucune estime de lui-même ?
Ferment son livre, Hayden s’approcha de moi.
- Comment te sens-tu ? Demanda-t-il.
Je ne répondis rien et face à mon absence de réponse, il posa sa main sur mon front. Sursautant à ce contact, je le repoussais vivement :
- Combien de fois est-ce que je t’ai dis de ne pas me toucher, déclarais-je.
- J’ai la réponse à ma question, répliqua-t-il, agacé. Oh et puis merde à la fin. Je me demande pourquoi je m’entête avec toi. Tu as une attitude d’enfant gâté. Tu es vraiment insupportable quand tu es comme ça, s’emporta-t-il.
- Si je suis insupportable, tu n’as qu’à partir ! M’exclamais-je. Je me débrouillerais tout seul.
- J’aimerais bien voir ça ! Railla-t-il en se moquant ouvertement de moi.
Vexé, je répondis brusquement :
- Je me débrouillerais mieux que toi en tout cas !
Hayden cessa subitement de rire et demanda, froidement !
- Qu’est-ce que tu sous-entends par là ?
- Jamais je ne m’abaisserais à coucher avec quelqu’un pour avoir un toi ! Criais-je, furieux.
- Ca n’a strictement rien à voir ! S’exclama Hayden avec verve. Je n’ai pas couché avec lui pour avoir un toi mais parce que je voulais me faire plaisir, chose que tu sembles toujours t’interdir ! Répliqua-t-il avec colère.
- Le fait est là ! M’exclamais-je, ignorant sa dernière remarque. Tu as couché avec celui qui t’héberge, ce n’est pas mieux que ce que faisait ta mère pour de l’argent…
A peine eussais-je terminé ma phrase que déjà je regrettais de l’avoir prononcée. Les mots étaient sortis de ma bouche avant que je ne prenne conscience de ce que je disais et je me sentis subitement envahi de honte. Le regard que me lança Hayden acheva de me faire regretter mes paroles. Je l’avais blessé… Ca n’avait pas été mon intention, mais je l’avais fait quand même. Brusquement, il se leva et frappa violemment contre les vieilles planches en bois de la grange qui cédèrent sous le choc, me faisant sursauter. Puis, il reporta son attention sur moi. Craignant qu’il ne me fasse subir le même sort qu’aux planches de bois, j’eu un mouvement de recul, apeuré. Cependant, il se contenta de me demander, d’une voix glaciale :
- Tu as enquêté à ce point sur moi ? Je ne sais pas comment tu as su ! Et toutes ces questions que tu me posais innocement ! Je ne te croyais pas comme ça Gwendal !
Sans un mot de plus, il me tourna le dos et s’éloigna d’un pas vif, me laissant complêtement abassourdi derrière lui. Qu’est-ce qu’il allait s’imaginer ? Jamais je n’avais mené la moindre enquête contre lui ! Quant aux questions que je lui posais, n’était-il pas normal que deux personnes se posent des questions pour apprendre à ce connaître ? Si nous devions faire un bout de chemin ensemble, n’était-il pas normal que nous apprenions à nous connaître ? N’avais-je pas le droit de me renseigner ? Jamais je n’avais chercher à en apprendre plus sur lui contre son gré… J’avais bêtement répétés les mots de mon père…
Je ne sais combien de temps je restais là, immobile à l’entrée de la grange. Plus le temps passait et plus je craignais qu’Hayden ne me prenne au mot et ne revienne pas. Car malgré ce que lui avait affirmé, je n’étais pas sûr de savoir me débrouiller seul aussi bien que lui le faisait… Lorsque le temps tourna à la pluie et qu’une averse s’abattie sur la forêt, je m’attendais à voir Hayden débouller en courant. Cependant, lorsque l’averse se fut calmée, il n’y avait toujours aucune trace de lui aux alentours. Et subitement, je fus prit d’un doute horrible. Et s’il lui était arrivé quelque chose ? S’il avait été attaqué par des brigands ? Un ours ? S’il était mort ?
Alors que je m’imaginais mille et un scénario catastrophe je le vis sortir des bois et venir dans ma direction en un seul morceau et trempé. Je lui adressais alors un regard empli de soulagement et de remords qu’il ignora complêtement. Sans un mot pour moi, il alla s’installer à l’extérieur de la grange, la où l’herbe avait été protégée de la pluie. Après un instant d’hésitation, je finis par m’approcher de lui, mais il n’y fit pas attention.
- J’ai cru que tu ne reviendrais pas, déclarais-je d’une voix basse, hésitant, ne sachant comment me comporter avec lui.
Comme je m’y attendais un peu, Hayden n’eut pas la moindre réaction. C’est alors que mon regard se posa sur sa main. Elle était en sang…
- Ta main… Soufflais-je. Il faudrait que tu la soignes…
Hayden sembla se rendre compte seulement maintenant que sa main était blessée. Doucement, il entreprit de faire bouger ses doigts. Puis, visiblement satisfait, il la reposa sur son ventre. Sans un mot, je m’éclipsais à l’intérieur. Là, je fouillais dans le sac d’Hayden à la recherche de quelque chose pour le soigner. Avisant la trousse à pharmacie, je m’en emparais, satisfait, avant de retourner auprès d’Hayden.
- Laisse-moi voir ta main, s’il te plait, déclarais-je en m’agenouillant près de lui.
Semblant se rendre compte seulement maintenant de ma présence, Hayden sursauta avant de reporter son attention sur moi.
- Je croyais que mes mains te dégoûtaient ! Déclara-t-il, acerbe.
- Je peux le supporter le temps de soigner ta main, répondis-je simplement, ne souhaitant pas le voir attraper une infection par ma faute.
Face à l’absence de réaction de mon aîné, je décidais de m’y prendre autrement. Mal à l’aise, je pris mon courage à deux mains et me lançais à l’eau :
- Je m’excuse pour ce que je t’ai dit, murmurais-je. Je n’aurai pas dû… Je suis désolé.
Hayden ne répondit rien. Je réprimais un soupir avant d’insister :
- Hayden, laisse-moi voir ta mail, s’il te plait.
Soupirant, il finit cependant par céder et me la tendit. A la vue du sang coagulé, je du prendre sur moi pour ne pas rendre le contenu de mon estomac. Respirant profondément, j’ouvris la trousse à pharmacie et entrepris soigneusement de panser ses plaies plus ou moins superficielles avec les moyens dont je disposais.
- Comment tu as su pour ma mère ? Demanda Hayden dans un souffle après un temps.
Stoppant mes soins, je reportais mon attention sur lui avant de répondre, mal à l’aise :
- Mon père… Il a enquêter sur toi. Il… Il me l’a dit quand je suis revenu chez moi de force… Je n’aurai pas du te dire ça ! Ajoutais-je. Je ne le pensais pas !
- C’est bon, soupira-t-il. Je m’excuse pour ce que je t’ai dis dans la grotte l’autre soir. On est quitte comme ça, ajouta-t-il en esquissant une ébauche de sourire.
A mon tour, je tentais de lui rendre son sourire, mais je me sentais vraiment trop mal vis à vis de lui pour être entièrement sincère. Le silence s’imposa à nouveau, me laissant le temps de terminer ses soins. Je bandais entièrement la main d’Hayden, laissant seulement ses doigts libres. Alors que je rangeais la trousse à pharmacie, Hayden me remercia. Sans un mot, je retournais la ranger dans son sac. Puis, trouvant une pomme et mon estomac commençant à crier famine, je la saisie et croquais un morceau avant d’aller rejoindre Hayden. En silence, je m’installais à ses côtés, lui tendant la pomme que j’avais prise pour lui. Aussitôt, il déclara :
- Pourquoi est-ce que tu as été aussi désagréable avec Max ? Me demanda-t-il.
- Je ne sais pas, répondis-je honnêtement. Je ne l’aime pas, il ne m’inspire pas confiance.
- Pourquoi ça ? Demanda Hayden, étonné. Il n’y a pas plus gentil et honnête que Max.
- Non mais tu n’as pas vu le regard qu’il posait sur toi ! M’exclamais-je, choqué à ce souvenir, me rappelant parfaitement le regard purement lubrique qu’il avait eu pour Hayden. C’était… Abject ! Pervers ! Répugnant !
A mon plus grand étonnement, je vis Hayden sourire face à mon animosité.
- C’est bon, je crois que j’ai compris, Gwen ! C’était tout simplement du désir, rien de plus…
Je lui adressais un regard sceptique, écoeuré par toute cette histoire. Après une courte pause, Hayden entrepris de m’expliquer :
- Max est parti de rien. Son bar était un bâtiment délabré qu’il a acheté pour une bouchée de pain. En réalité, il y a mis toutes ses économies. Il l’a retapé seul, et il venait tout juste d’ouvrir lorsque je suis arrivé. Il adore raconter son histoire maintenant. Il m’a embauché et j’ai travaillé deux mois pour lui le temps qu’il trouve un remplaçant. Pour ce qui est de ce qui semble t’écoeurer au plus haut point, nous éprouvions une attirance mutuelle et nous avons simplement pris du bon temps ensemble…
- Et bien tu aurais pu le faire discrêtement ! M’exclamais-je à ce souvenir horrible. J’ai passé une nuit atroce !
- Je tenterais d’être plus discrêt la prochaine fois ! Répondit Hayden avec amusement.
- La prochaine fois ? Répétais-je, horrifié. Tu t’envois vraiment en l’air avec n’importe qui ? M’exclamais-je, choqué pour de bon.
- Ca ne te regarde pas ! Décréta-t-il d’un ton un peu sec qui me fit sursauter. Quoi ? Tu es jaloux ? Ajouta-t-il en riant.
- Je ne suis certainement pas jaloux de ça ! M’offusquais-je.
D’ailleurs, je n’arrivais pas à comprendre quel plaisir il pouvait trouver à ce genre de… de batifolage ! Tout cela me dépassait complêtement ! L’acte physique n’était il pas censé être partagé avec la personne que notre coeur avait choisi ? 
J’avais énormément de mal à comprendre qu’il puisse être libertin à ce point. Je savais qu’il avait aimé Julien, donc qu’il le fasse avec lui me choquait moins, mais qu’il le fasse avec Max pour qui il ne semblait éprouver aucun sentiment affectif… Non, décidément, je ne comprenais pas ! Et je lui fis par de mes réflexions, un peu gêné tout de même d’aborder un sujet aussi intime avec lui :
- Je pensais que… Je pensais que tu le faisais avec ceux que tu aimais… Comme avec Julien.
- Tu sais Gwen, commença gravement Hayden, je n’ai jamais aimé quelqu’un au point de tout abandonner pour lui. Je ne sais même pas vraiment ce qu’on ressent. Je te l’ai pourtant dis. Je vis libre et je profite de tous les plaisirs qu’offre cette liberté.
- Mais… Insistais-je, malgré le rouge qui commençait à me monter aux joues. C’est pourtant un acte extrêmement intime. Comment peux-tu le faire avec quelqu’un que tu connais à peine. Ca doit être affreux !
- Si c’était affreux, crois-moi, j’aurais cessé depuis longtemps ! S’exclama-t-il en riant.
Je n’arrivais pas à croire que je parlais de… “ça” ! Et avec personne d’autre qu’Hayden qui plus est ! La personne la plus désinihibée qu’il m’était donné de rencontrer. Pour ma part, je rêvais de rencontrer un jour la personne qui ferait battre mon coeur, la personne que j’aimerai plus que tout au monde. Cette personne avec qui je partagerais tout, mes peines, mes joies, mes rêves et mes espoirs…
- Tu sais, Gwendal, reprit Hayden, m’interrompant dans mes pensées, ce que tu sembles idéaliser, je ne l’ai jamais connu. Cela est peut-être du à mma mère, mais… J’ai vraiment du mal à croire à l’existence d’une telle chose.
- Tu ne l’a peut-être jamais chercher, déclarais-je avec un petit sourire.
- Peut-être, murmura-t-il.
Le silence nous enveloppa de nouveau, chacun méditant sur les paroles de l’autre. Hayden attaqua la pomme que je lui avais apportée et j’en fis de même, terminant la mienne. Une question me venant à l’esprit, je demandais alors :
- Tu es resté en contact avec ta mère ? Tu sais ce qu’elle devient ?
A cette question, Hayden manqua de s’étouffer et je réalisais seulement que peut-être, je venais de dire une bétise. Ancrant son regard au mien d’un air grave qui me confirma dans mes doutes, Hayden déclara alors :
- Je n’ai pas la moindre envie de parler de ça, Gwendal ! S’il te plait, arrête de me questionner sur mon passé.
Alors que je m’apprêtais à m’excuser au vue de sa réaction, il ajouta aussitôt :
- Je te propose la chose suivante : tu arrêtes de m’interroger et en échange, je veux bien tenter de t’apprendre le français. Mais je ne te promets rien. Cela fait très longtemps que je ne l’ai pas parlé.
- Je… Tu n’es pas obligé, soufflais-je, embarrassé.
Pour toute réponse, Hayden me tendit sa main :
- Je ne te le proposerais pas deux fois, Gwen. Alors ?
Après un instant d’hésitation, je finis par saisir la main qu’il me tendait.
- C’est d’accord ! Déclarais-je, saisissant sa main.
Sans que je ne comprenne pourquoi, Hayden posa subitement sa main sur mon front.
- Gwendal, tu devrais te reposer et dormir un peu, déclara-t-il. Nous sommes là pour ça. Tu es brûlant de fièvre.
Plongé dans notre discussion, je n’avais pas senti ma température augmenter, mais ramené à la réalité par Hayden, je devais me rendre à l’évidence, je n’allais pas très bien. Sans attendre de réponse de ma part, il se leva et me tendis la main pour m’aider à faire de même. Alors que je me levais, je fus brusquement pris d’un vertige et Hayden dut me retenir. Avec précaution et une douceur que je n’aurai jamais cru chez lui, il m’accompagna jusqu’à mon lit de fortune sur lequel je m’étendis sans la moindre protestation. L’instant d’après, il s’éclipsait pour revenir avec mes cachets et une serviette humide.
- Dors, souffla-t-il après avoir passé une main dans mes cheveux en un geste tendre qui m’étonna.
Cette nuit là, je dormis très mal, rongé par la fièvre. Claquant des dents, je tentais d’appeler Hayden, mais rien d’autre qu’un murmure ne s’échappa de ma gorge en feu.
- Gwendal ? Ca va ? Demanda Hayden en se précipitant à mon chevet.
- Non, murmurais-je. J’ai soif et je suis gelé.
- Tu es pourtant brûlant, déclara Hayden en posant sa main sur mon front. Bouge pas, je t’apporte à boire.
Je le remerciais mentalement. Au vue des courbatures qui contractaient mes muscles, j’aurai été incapable de sortir de mon duvet. En un rien de temps, il fut de nouveau à mes côtés, remplissant un gobelet d’eau fraîche. Avec l’eau, il me donna à nouveau un cachet contre la fièvre.
- J’ai mal à la gorge, gémis-je tentant de boire malgré ma gorge enflammée.
- Là… Souffla Hayden en me caressant tendrement la joue. Ca va passer…
Soudain, je serrais ma main sur sa chemise et l’attirais brusquement à moi, tentant de lui faire comprendre ce que je voulais, incapable de le dire. Manquant de tomber sur moi, Hayden s’allongea alors près de moi. En un rien de temps, je fus tout contre lui, tentant de lui voler un peu de sa chaleur corporelle. Doucement, sa main passa dans mes cheveux collés par la sueur et d’une voix apaisante, il me murmura de me calmer.
- Tu restes là, soufflais-je, sans réellement prendre conscience de mes actes, la fièvre me faisant délirer. Ne m’abandonne pas… Ne pars pas. Reste ici… S’il te plait…
- Je ne bouge pas Gwendal, me rassura-t-il, je suis là…
Cependant, je ne desserais pas les poings, toujours fermement agrippé à sa chemise, craignant de le voir partir comme il avait failli le faire un peu plus tôt. Lorsque je sombrais de nouveau dans un sommeil profond, abattu par la fièvre, Hayden était toujours à mes côtés, tenant sa promesse…
Nous restâmes une journée et une nuit de plus avant de reprendre la route, attendant que je sois parfaitement rétabli. Nos rapports s’étaient grandement améliorés lorsque nous reprîmes la route. Comme je l’avais promis à Hayden, je ne lui posais plus aucune question sur son passé. En revanche, je compenssais la frustration en lui posant des questions sur son mode de vie, ayant toujours beaucoup de mal avec son côté libertin. Et comme convenu, il commença à m’apprendre le français, non sans un certain dégoût. J’avais toujours voulu apprendre à parler français et ma motivation était telle que je retenais avec une facilité déconcertante tout ce qu’il m’apprenait.
Après plusieurs jours de marche, nous finîmes par arriver dans un lieu qu’Hayden semblait bien connaître. Alors qu’il accélérait subitement le pas, je demandais :
- Où est-ce qu’on va ? Tu sembles bien pressé tout d’un coup.

- Ce soir, nous dormons dans un lit bien confortable, déclara Hayden avec un sourire.
A ces mots, je sentis ma bonne humeur s’envoller et l’idée d’un bon lit ne me faisait plus autant envie que ça. Face à mon silence, compenant les sombres pensées qui étaient les miennes, Hayden éclata de rire :
- Ne t’inquiète pas ! C’est une femme et âgée qui plus est !
Honteux d’avoir été aussi transparent dans mes pensées, je m’empourprais violemment.
- Comment elle s’appelle ? Demandais-je alors. Comment tu l’as connue ?
- Elle s’appelle Linda, répondit-il. C’est une femme femme très gentille, tu verras, tu l’aimeras beaucoup et je pense qu’elle t’apprécieras. Elle a fait beaucoup pour moi. Chaque année, à cet époque, je viens la voir et on célèbre son anniversaire. Son mari est mort et elle n’a pas eu d’enfants. Elle a rarement du monde qui vient la voir… Alors ça te convient ?
- Je… Oui ! Déclarais-je en liu rendant son sourire. On y est bientôt ?
- Encore une petite demi-heure, m’apprit-il avant de se remettre en route, tandis que je lui emboîtais le pas.
- Tu as rencontré beaucoup de monde, repris-je après un court instant. Il est rare que l’on passe plus de quelques jours sans que tu ne connaisses quelqu’un, fis-je remarquer.
- C’est vrai, approuva-t-il. Cela dépend des régions. Je suis resté pas mal de temps dans celle-ci. L’hivers est rude, mais l’été est une saison très agréable ici.
- Tu as de la chance, soufflais-je envieux malgré moi. Je n’ai jamais rencontré personne hormis les amis de mon père.
C’était ce qu’il y avait de plus vrai. Hayden avait été le premier étranger à qui j’ai parlé. Avant cela, je n’avais jamais eu de véritable ami, personne à qui parler. A vrai dire, c’était la première fois en presque vingt-deux ans, que je pouvais parler aussi librement avec quelqu’un. Nous avions abordés en quelques jours plus de sujet de conversation que je n’en avais eu de toute ma vie avec mes parents. Malgré son côté libertin auquel je ne parvenais pas à m’habituer, Hayden était une personne vraiment intéressante qui avait vécu et avait des choses à raconter et à apprendre.
- Mais maintenant, reprit Hayden, m’interrompant dans mes réflexions, tu t’offres aussi cette chance ! Qui sait, peut être que tu rencontrera une jolie fille et que tu me laissera continuer seul, ajouta-t-il en riant.
- Je… Je… Je veux pas rencontrer de filles ! Bafouillais-je, embarrassé, n’ayant encore jamais songé à cette idée.
- Ou un beau mec comme moi ! Ajouta-t-il, se moquant ouvertement de moi.
Instantanément, je m’empourprais, vexé par ses remarques un peu blessantes.
- Je ne veux pas rencontrer quelqu’un comme ça ! Répliquais-je, vexé.
- C’est ce que tu crois, dit-il, amusé.
Je ne répondis rien, de façon à lui faire comprendre que la conversation ne m’intéressait plus du tout. Semblant le comprendre, il n’insista pas davantage. Le silence s’abatti alors entre nous, jusqu’à ce que finalement, je déclare, changeant de sujet :
- Vivement qu’on arrive, je ne sens plus mes pieds.
- Il faudra qu’on t’achète de nouvelles chaussures, déclara-t-il en avisant les miennes.
Il nous fallut même moins d’une demi-heure pour arriver devant ce qui semblait être la maison de cette fameuse Linda, un peu à l’écart de la ville. Nous passâmes un petit portail en fer forgé avant d’arriver jusqu’à la porte d’entrée. Là, Hayden frappa plusieurs coups à la porte qui s’ouvrit presque aussitôt. Une jeune femme, les lèvres pincées, demanda aussitôt :
- Je peux savoir ce que vous voulez ? Demanda-t-elle très désagréablement.
Il ne m’en fallut pas plus pour la détester !
- Heu… Hésita Hayden face au ton employée par la mégère. Bonjour, est-ce que Linda est ici ?
- Cette vieille bique ? S’exclama la jeune femme. Elle nous a quitté depuis 6 mois.
- Pardon ? Demanda Hayden d’une voix tremblante. Où est-elle ?
La femme le regarda comme s’il était le dernier des imbéciles et, face à la mine perdue d’Hayden, je ne pus m’empêcher d’avoir mal pour lui face à cette terrible nouvelle.
- Au cimetière, comme toutes les personnes qui décèdent ! Répliqua la mégère sans la moindre considération pour lui. Autre chose ? Vous êtes sur une propriété privée ici, alors si vous ne voulez rien de plus, je vous prie de partir.
Et avant qu’Hayden ait le temps de répondre quoi que ce soit, la femme claqua la porte, mais Hayden ne bougea pas. Face à la mine complêtement perdue qu’il affichait, ne voulant pas rester ici, je pris sa main dans ma mienne, et l’attirant à ma suite, je déclarais doucement :
- Viens Hayden, suis moi.
Docilement, il me laissa le mener à l’extérieur de la propriété et avisant un banc, je le conduisis jusque là afin qu’il s’assied.
- Je suis désolé que tu l’ai appris de cette manière, commençais-je en m’asseyant près de lui, sachant mieux que n’importe qui combien une telle nouvelle pouvait être douloureuse.
Hayden ne répondit rien, laissant tomber son sac à ses pieds. Ne sachant comment me comporter vis à vis de lui, mais ne pouvant ignorer la douleur qu’il ressentais, je tentais de le rassurer, ma main passant timidement dans son dos. C’était peu, contrairement à ce qu’il ressentait, mais je ne pouvais rien faire d’autre qu’être là pour lui, le reste, il devrait le faire seul… Après un long silence, respectant son mutisme, je finis par proposer :
- Et si nous prenions une chambre d’hôtel ce soir. Je pense que nous en avons besoin… Surtout après ce que tu…
- Je n’en ai pas besoin ! Répliqua-t-il, me coupant la parole.
- Moi si ! Déclarais-je alors. Une vraie douche, un vrai lit, cela nous fera le plus grand bien.
- Si c’est pour toi, alors d’accord, céda-t-il, soudainement las.
- Bon et bien allons-y, décrétais-je en me redressant. Il commence à se faire tard.
Hayden me suivit sans un mot. Pour la première fois, je passais devant, ouvrant le chemin. Nous fîmes le chemin inverse pour revenir dans la petite ville. Arrivés devant un hôtel modeste, le seul dans cet endroit, dont le rez-de chaussée était un bar, je donnais de l’argent à Hayden afin de le laisser aller payer la chambre et allait l’attendre dans un coin. Nous avions convenu qu’il était plus prudent que l’on voit mon visage le moins possible. Hayden avait prit une chambre avec deux lits. Nous allâmes y déposer nos affaires et nous offrir une douche amplement méritée. Puis, la faim commençant à se faire ressentir, je proposais à Hayden d’aller manger un petit quelque chose au bar qui servait aussi des plats simples. L’ambiance était plutôt animée et nous choisîmes une table un peu à l’écart de la foule. Je commandais une salade et lorsque le serveur demanda à Hayden ce qu’il voulait, il répondit :
- Un verre de votre alcool le plus fort, et soyez généreux.
- Ce sera tout ? Demanda le serveur.
- Oui, merci, répondit simplement Hayden.
- Bien, déclara le serveur en reprenant les cartes avant de s’éclipser.
Ce ne fut que lorsqu’il se fut éloigné que je demandais, un peu inquiet pour lui :
- Tu es sûr que c’est une bonne idée ?
- T’occupes pas, Gwen ! Marmonna-t-il, renfrogné.
- C’est juste que ce n’est pas vraiment la meilleure méthode pour faire son deuil… Insistais-je.
- Parce qu’il existe une bonne méthode ? Répondit-il, acerbe.
- Oh et puis, fait bien comme tu veux ! M’exclamais-je, fatigué d’être le seul à faire des efforts. Saoule-toi ! Mais ne me demande pas de te tenir la main quand tu ne te sentira pas bien.
- Je ne t’ai jamais demandé de t’occuper de moi, répliqua-t-il vivement. Personne ne l’a jamais fait jusque là ! Pas même ma mère.
Avant que je n’ai le temps de répondre quoi que ce soit, il ajouta brusquement :
- Désolé Gwendal, je crois que j’ai besoin d’être seul.
Sans me laisser le temps de répondre quoi que ce soit, il se leva et alla s’installer au comptoire. Blessé, d’être ainsi ignoré alors que mon seul souhait était de l’aider, je mangeais ma salade, ignorant les protestations de mon estomac noué. Puis, reportant mon attention sur Hayden, je le vis se faire aborder par un homme. Je me levais alors et sans même prévenir Hayden de mon départ, je remontais dans la chambre. De toute façon, il avait bien mieux à faire que de rester avec moi… Triste et horriblement déçu, me rendant compte qu’il préférait la présence d’étrangers à la mienne, je me mis en pyjama et allais me laver les dents. Puis une fois mes cheveux déméllés, je me laissais tomber sur mon lit. J’allumais la télévision mais n’y voyant rien d’intéressant, je l’éteignis sans plus attendre. Finalement, j’essayais de dormir, mais c’était sans compter sur le sommeil qui me fuyait désespérément.
Je me demandais ce que faisait Hayden… Allait-il bientôt rentrer ou passerait-il la nuit avec cet homme que je l’avais vu draguer ?
Je ne saurais dire combien de temps je restais ainsi, allongé, immobile dans le noir le plus complet. Même lorsque j’entendis la porte de la chambre s’ouvrir et Hayden rentrer le plus discrêtement possible, je ne fis aucun mouvement. Je n’avais toujours pas digérer la façon dont il m’avait lachement abandonné un peu plus tôt… Soudain, j’entendis un violent bruit de chute alors qu’Hayden s’exclamais, furieux :
- Merde ! Fait chier !
Me redressant brusquement, j’appelais :
- Hayden… C’est… C’est toi ?
- Oui, répondit-il simplement.
Il se redressa et marcha jusqu’à son lit, situé à l’autre bout de la pièce. J’allumais alors la lumière et reportant mon attention sur lui, je demandais :
- Qu’est-ce qui se passe ?
- Rien, je me suis juste tordu la cheville, désolé de t’avoir réveillé.
- Je ne dormais pas, répondis-je alors. Je n’y arrive pas.
Hayden massa sa cheville et je me levais pour aller m’asseoir à côté de lui. Soupirant, Hayden déclara :
- Je suis désolé de t’avoir laché comme ça tout à l’heure. C’était pas cool… Mais j’avais besoin de… Enfin…
- Tu sais, déclarais-je, ignorant sa dernière phrase. Je comprend ce que tu ressens. J’ai perdu ma grand-mère…
- Linda n’était pas ma grand-mère ! Répliqua-t-il peut-être un peu trop vivement.
- Elle ne l’était peut-être pas, cédais-je, mais il me semble que dans ton coeur, c’était tout comme… Autrement, tu ne serais pas aussi affecté.
Hayden ne répondit rien, semblant réfléchir à ce que je venais de lui dire. Le voyant se renfermer sur lui-même, mais souhaitant l’aider tout de même, je posais distraitement ma main sur sa cuisse, dans un geste qui se voulait apaisant.
- Elle était âgée, souffla-t-il, se confiant enfin à moi. Cela devait arriver à un moment ou à un autre.
Je ne répondis rien, le laissant poursuivre à sa guise :
- C’était ta grand-mère paternelle ? Me demanda-t-il alors.
- Maternelle, répondis-je en esquissant un petit sourire douloureux à son souvenir. Elle est partie il y a 6 ans…
- Tu étais proche d’elle ?
- Plus qu’avec mes parents, soufflais-je au souvenir de cette femme qui avait était plus un mère pour moi que ma propre génitrice, m’ayant donné autant d’amour qu’elle le pouvait, me faisant me sentir aimé pour la première fois. Elle était différente, ajoutais-je, plongé dans mes souvenirs. D’ailleurs, ma famille ne l’appréciait pas beaucoup pour son franc parlé.
- J’aurai bien aimé la rencontrer, déclara Hayden, et ces quelques mots me firent chaud au coeur. Je suis sûr que tu as hérité de certains traits de son caractère, ajouta-t-il, se moquant gentiment de moi.
Je ne répondis rien, me contentant de lui rendre son sourire. Hayden s’étira alors en soupirant profondément.
- Il faudra qu’on trouve un travail, reprit-il en changeant de sujet. On ne peut continuer de vivre sur nos économies. Qu’est-ce que tu sais faire ?
- Je… C’est-à-dire… Commençais-je, mal à l’aise.
- Oh, j’ai une idée ! S’exclama-t-il. Tu compteras les billets que je gagnerais, ajouta-t-il en ce moquant de moi. Ca tu es capable de le faire.
Si sa remarque me blessa, je n’en montrais rien, me contentant de protester vivement :
- Il est hors de question que je ne participe pas !
- Nous vivons sur ton argent, Gwen, tu participes largement.
- Ce n’est pas mon argent, protestais-je, c’est le nôtre. Il est pour nous deux.
- Alors laisse-moi travailler pour nous deux, répliqua-t-il avec un sourire. Tu n’as pas la condition physique pour les genres de travaux que l’on trouve dans notre condition de vagabonds…
- Mais je veux aider, protestais-je faiblement. Même si je ne sais pas faire grand chose…

- Nous en reparlerons demain, déclara Hayden en bâillant. Pour l’instant, que dis-tu d’une bonne nuit de sommeil. Ce serait bête de ne pas profiter de cet hôtel.
- Ca va aller ? Demandais-je, alors, inquiet.
- De quoi ? Ma cheville ? M’interrogea-t-il, surpris.
- Non… Hésitais-je. Linda…
- Nous irons voir sa tombe demain avant de reprendre la route, dit-il, la voix plus grave.
J’acquiescais avant de regagner mon lit. Finalement, parler un peu avec Hayden m’avait fait du bien car quelques minutes après m’être allongé, je sombrais dans un profond sommeil.
Le lendemain, il avait été facile de trouver le cimetière après avoir demandé notre route. Hayden avait rêvé d’elle cette nuit. Je l’avais entendu l’appeler, mais je n’avais pas oser le réveiller… Lorsque nous arrivâmes à sa tombe, je m’arrêtais un peu en retrait, laissant toute son intimité à Hayden, ne me sentant pas le droit de l’accompagner. De loin, je le vis ouvrir son sac et sortir le cadeau qu’il avait fait pour elle. Il me l’avait montrer et j’avais été impressionné par son habileté. Il avec sculpté une petite maison en bois très réaliste. Lentement, il déposa le cadeau sur la tombe, comme je l’avais tant fait auparavant pour ma grand-mère bien aimée.
Je ne savais pas grand chose de cette femme, Linda, hormis qu’Hayden avait beaucoup tenu à elle.
Après un temps, Hayden revint vers moi. Esquissant un sourire qui sonnait faux, il déclara à voix basse :
- Reprenons la route.
J’acquiesçais silencieusement, lui emboitant le pas. Nous quittâmes le village sans un regard en arrière, reprenant notre route, le coeur lourd. Nous marchâmes pendant plusieurs heures en silence et ce ne fut que lorsque le soleil fut à son zénith et que la température se fit trop chaude, qu’Hayden sonna l’heure de la pause. Nous nous installâmes au bord d’une rivière appréciant la fraîcheur qu’elle nous accordait. Brisant finalement le silence, je demandais doucement :
- Hayden ? Où allons-nous aller maintenant ?
- Où le vent nous mène, répondit-il en souriant. Qu’en dis-tu ?
J’opinais de la tête, lui rendant son sourire. Après une seconde de silence, il poursuivit :
- Même si, je me doute que tu as déjà du visiter tout ses endroits…
- Moi ? Demandais-je surpris.
- Qui d’autre ? Répondit Hayden en riant.
- Et bien… Commençais-je, hésitant à lui dire que je n’étais jamais sortis de che-moi. Pas vraiment…
- Comment ça ? Demanda Hayden, plus que surpris. Tu n’as jamais voyagé ?
Pour toute réponse, je secouais négativement la tête, avant de lui expliquer :
- Mon père n’a jamais jugé utile de voyager… Pour lui, ce n’était qu’une perte de temps et d’argent…
- Mais, qu’as-tu fais durant toutes tes vacances scolaires ? S’exclama-t-il, éffaré.
- Je n’avais pas de vacances, répondis-je, esquissant un petit sourire sans joie. Je n’allais pas à l’école. Père n’a jamais voulu…
- Mais tu as bien appris à lire et à écrire… Commença-t-il, visiblement perdu.
- J’avais un précepteur…
- Oh… Alors tu n’as jamais rien fait dans ta vie ?
- Si, soufflais-je en lui adressant un petit sourire. J’ai étudié…
- Quelle joie ! Grimaça Hayden face à ma réponse.
- Tu n’aimes pas étudier ? Demandais-je, surpris.
- Disons que… Je n’ai jamais été un grand fan de l’enseignement public… Je suis allé à l’école, mais dès qu’il m’a été possible de ne plus y aller, je n’y suis pas retourné…
- J’aime étudier, répondis-je. C’est ma manière à moi de voyager…
- Je n’arrive pas à y croire, souffla Hayden après un temps, comme s’il essayait de ce faire à cette idée. S’il y a bien une chose pour laquelle j’appréciais ma mère, c’est qu’elle se souciait tellement peu de moi que même si je partais pendant 15 jours, c’est à peine si elle s’en rendait compte…
- C’est de là que tu tiens ta liberté ? Demandais-je.
- Oui, répondit Hayden en laissant son regard se poser sur la rivière. Elle m’a au moins offert ça…
Je ne répondis rien et le silence s’installa de nouveau entre nous. Soudain, je sursautais en entendant Hayden se lever et déclarer avec enthousiasme :
- Et bien, je te propose qu’à partir d’aujourd’hui nous fassions tout ce qu’une personne normalement constitué se doit vivre au moins une fois dans sa vie et que tu n’as jamais eu l’occasion de découvrir !
- Hein ? M’exclamais-je, surpris, ne comprenant pas où il voulait en venir !
- A commencer, par se baigner tout nu dans une rivière !
Sur ses mots, avant que je n’ai le temps de réaliser entièrement ce qu’il faisait, Hayden se dévêtit et une fois entièrement nu, plongea dans la rivière. 
- Allez vient ! S’exclama-t-il en refaisant surface. Qu’est-ce que tu attends ?
- Je ne suis pas sûr que…
Je me tu subitement en voyant Hayden sortir de l’eau. Terriblement gêné, je détournais le regard. Sans prêter attention à ma gêne, il m’attrapa par le poignet en souriant et déclara :
- Il est grand temps que tu apprennes à t’amuser ! Allez vient !
Sans attendre de réponse, il me mit debout et entreprit de m’entraîner à sa suite, malgré mes protestations.
- Quoi ? S’exclama-t-il ? Tu ne sais pas nager ?
- Bien sûr que si ! M’offiusquais-je.
- Bon alors, où est le problème ?
Et sans me laisser le temps de répliquer quoi que ce soit, il me poussa vivement. Je ne pu retenir un cri de surprise avant d’attérir dans l’eau tout habillé. Je manquais de boire la tasse et après m’être débattu un moment, je retrouvais mon équilibre et me redressais frigorifé. Repoussant mes cheveux de mon visage, je lançais à Hayden un regard stupéfait alors qu’il éclatait de rire face à ma mine déconfite :
- Mais tu es fou ! Elle est…  Elle est glacée !
- Petite nature ! Sourit Hayden en me rejoignant. Alors, que penses-tu d’être enfin un garçon presque comme les autres ?
- Je ne me sens pas différent, répondis-je, ne comprenant pas le sens de sa question.
- Ah ! Et maintenant ? Demanda-t-il en commençant à m’éclabousser.
- Tu veux jouer ? Demandais-je en me protégeant au mieux. Alors jouons !
Sur ces mots, je sautais sur Hayden qui, prit au dépourvu, coula comme une pierre. A mon tour, j’éclatais de rire et il n’en fallut pas plus pour que s’engage une bataille d’eau des plus animées. Lancé dans la bataille, j’en oubliais la nudité d’Hayden et la fraicheur de l’eau. Après une longue bataille qui ne fit aucun vainqueur, Hayden s’approcha de moi l’air soucieux et déclara :
- Tu as les lèvres violettes Gwen, déclara-t-il. Tu ferais mieux de sortir de l’eau avant d’attraper froid…
Sans me laisser le temps de répondre il m’attrapa par le poignet et me guida hors de l’eau. Là, il fouilla son sac à la recherche d’une serviette qu’il me posa sur la tête avant de me frotter vigoureusement les cheveux, ignorant mes protestations. Lassé d’être secoué, j’attrapais alors ses poignets, l’obligeant à arrêter ce qu’il était en train de faire. Surpris, il ancra son regard au mien. Je ne saurais dire combien de temps nous restâmes ainsi à nous fixer. Dans le regard d’Hayden je pus discerner plusieurs émotions que je n’arrivais cependant pas à interprêter. C’était comme s’il me voyait pour la première fois.
Au bout d’un moment, gêné par l’intensité du regard qu’il posait sur moi, je détournais les yeux. Cela sembla ramener Hayden à la réalité car, se libérant de mes mains qui le tenaient toujours, il reprit sa serviette avant de déclarer simplement :
- Tu ferais bien de ne pas garder tes vêtements trempés, tu claques des dents ! Change-toi avant de tomber à nouveau malade !
Puis sans un mot de plus, il se détourna brusquement de moi et s’éloigna rapidement, comme si ma simple présence le répugnait. Blessé d’être traîté de la sorte, je marchais jusqu’à mon sac et choisis des affaires propres. Puis, j’entrepris de partir à la recherche d’un endroit tranquille pour me changer.
- Ne t’éloignes pas trop ! Déclara simplement Hayden.
Soupirant, j’allais me cacher derrière un arbre qui, je l’espérais, me cacherait suffisament. Non sans difficultés, j’entrepris de retirer mes vêtements qui me collaient à la peau. Lorsque je fus entièrement nu, j’attrapais ma serviette et me séchais rapidement avant d’enfiler mes vêtements secs. Une fois décent, j’allais rejoindre Hayden qui s’était lui aussi rhabillé. Lorsqu’il me vit, il m’adressa un sourire auquel je répondis. Le dépassant j’allais alors m’asseoir au bord de la rivière. Jamais encore je ne m’étais senti aussi libre et moi-même que lorsque Hayden m’avait forcé à le suivre dans la rivière. Jamais je ne m’étais laissé aller de la sorte et bien que cela me troublait, j’avais eu, l’espace d’un instant, l’impression d’être quelqu’un d’autre. Quelqu’un sur qui le poids des responsabilités et de la culpabilité n’avait aucun emprise… Pour la première fois, j’avais eu l’impression de vivre, tout simplement.
Plongé dans mes pensées, regardant distraitement l’eau s’écouler paisiblement, je n’entendis ni ne vis Hayden venir s’asseoir à mes côtés. Cependant, apaisé par le calme de l’endroit, je ne sursautais pas lorsqu’il prit la parole :
- Ca va ?
- Mmhmm, répondis-je distraitement.
- A quoi tu penses ? Demanda-t-il d’une voix dans laquelle je perçu une pointe d’amusement.
- Oh… Pardon, je rêvais… Je ne pensais à rien de particulier, répondis-je en me tournant vers lui, lui adressant un petit sourire.
Pour toute réponse, Hayden me rendit mon sourire. De nouveau un silence apaisant nous enveloppa durant de longues minutes avant que je ne reprenne la parole.
- Hayden ? Soufflais-je.
- Oui ?
- Merci, murmurais-je en me tournant vers lui, plongeant mon regard dans le sien.
Comme précédement, Hayden ne répondit rien, me rendant seulement mon sourire, son regard ancré au mien. Et comme précédement, il me contempla avec une intensité telle, qu’elle me mit mal à l’aise. Comme la première fois, je fus le premier à détourner les yeux, sentant le rouge me monter aux joues. J’entendis Hayden esquisser un petit rire amusé avant que le silence ne revienne nous envelopper. Nous restâmes encore de longues minutes, immobiles, contemplant l’eau qui scintillait sous les rayons du soleil.
- Et si nous repartions ? Déclara Hayden après un temps.
- D’accord, répondis-je en me levant, bientôt imité par Hayden.
Après avoir rangé nos affaires nous nous remîmes en marche.
Durant les 15 jours qui suivirent, nous marchâmes sans nous arrêter, dormant à l’extérieur. Et chaque soir, lorsque nous nous arrêtions, j’étais plus qu’épuisé. Nous avancions à bon pas et je n’avais pas encore tout à fait prit le rythme. Hayden m’avait acheté une paire de basket et même si elles me faisaient moins mal que mes anciennes chaussures, ce n’était pas encore tout à fait ça. Alors que je traînais la patte, lessivé, Hayden se tourna vers moi et s’arrêtant pour m’attendre, il demanda :
- Est-ce que tu te sens de marcher encore une petite demi-heure ? Il y a une petite ville pas loin où nous pourrons trouver un hôtel. Tu l’as bien mérité ! Ajouta-t-il en m’adressant un petit sourire.
Sourire auquel je répondis avant de répondre :
- Au point où j’en suis, je ne suis plus à ça près…
- Demain tu pourra dormir si tu veux, déclara-t-il en reprenant la route alors que j’arrivais à son niveau. Je pensais que nous pourrions nous poser un moment pour trouver un travail, qu’en dis-tu ? Cela permettrais que tu te reposes un peu…
- C’est vrai ? Demandais-je, plein d’espoir.
- Oui, c’est vrai, sourit Hayden. Tu as été très courageux ces deux dernières semaines… Je ne t’ai presque pas entendu te plaindre…
- Hey ! Pourquoi on dirait que ça t’étonne ? M’offusquais-je.
- Disons que tu es quelqu’un d’assez caractériel et que tu m’avais habitué à une autre facette de ta personnalité, répondit-il simplement.
- Mais je peux être tout à fait charmant quand je veux, marmonnais-je.
- Je vois ça, répondit-il en m’adressant un sourire énigmatique.
Le reste du trajet se déroula dans la bonne humeur, si bien que nous arrivâmes avant que je ne m’en rende compte. Comme à chaque fois, Hayden alla réserver une chambre d’hôtel et lorsqu’il revint, il affichait une mine contrite.
- Qu’est-ce qui se passe ? Demandais-je, craignant le pire.
- Ils n’ont plus de chambre double disponible, j’ai du prendre une chambre avec un lit simple…
- Oh, tu sais, soupirais-je, je suis tellement épuisé que rien de ce que tu dira ne pourra affecter mon enthousiasme de dormir dans un vrai lit… Et c’est pas comme si c’était la première fois que nous partagions le même lit, ajoutais-je en attrapant mon sac.
Hayden m’adressa un regard soulagé et parti à ma suite, m’indiquant l’étage et le numéro de la chambre. Lorsque j’entrais, je découvrais une chambre modeste mais agréable. Aussitôt, je réservais mon côté du lit, sans demander son avis à Hayden et retirais mes chaussures. m’asseyant sur le lit, je soupirais de bien être au contact moelleux du matelas sous mes fesses endolories avant de commencer à vider mon sac à la recherche d’affaires propres. Ayant trouvé ce que je cherchais, je partais m’enfermer sous la douche.
Lorsque j’en ressorti, près d’une demi-heure plus tard, Hayden était allongé de son côté du lit. Tournant la tête vers moi, il déclara en souriant :
- Tu n’as pas utilisé toute l’eau chaude j’espère !
- J’aurais du ? Demandais-je innocement en me séchant les cheveux avec ma serviette.
- Essaye, et la prochaine fois, je me douche avec toi !
- Je te garderais de l’eau chaude ! M’empressais-je de répondre, sentant le rouge me monter aux joues à cette réflexions.
Connaissant Hayden, je savais qu’il en était parfaitement capable. Cet homme n’avait honte de rien et je le savais capable de relever n’importe quel défis. Autant de pas tenter le diable…
La semaine qui suivit, Hayden nous trouva un petit boulot dans le village voisin, qui consistait à vendre des légumes dans un petit marché. Après quelques erreurs, je m’étais finalement adapté et je m’en sortais plutôt bien. En réalité, heureusement qu’Hayden était avec moi, il m’avait plusieurs fois sorti des ennuis. Il faut dire, les vieilles dames ont du caractère !
Cela faisait maintenant quinze jours que l’on travaillait sur ce petit marché. Nous avions abandonné l’hôtel au bout de deux jours, sous les conseils d’Hayden qui craignait qu’au bout d’un temps, mon visage ne soit finalement reconnu. Nous l’avions échappé belle une fois, lorsqu’un matin, une femme d’une trentaine d’années avait faillit me reconnaître, prétextant avoir vu mon visage dans un avis de recherche télévisé. Après cet incident, Hayden avait insisté pour que je coupe et teigne mes cheveux, chose que j’avais catégoriquement refusée ! C’était tout bonnement hors de question. Par contre, je n’avais pas pu échappé aux lentilles de contact marrons pour dissimuler mes yeux vairons trop particuliers. Je détestais ces yeux qui faisaient que les gens me dévisageaient avec un peu trop d’insistance, me faisant me sentir mal à l’aise. Quand personne ne me traitait de sorcière, comme la vieille bique de l’autre jour…
Du coup, nous étions installés dans une vieille grange. C’est l’homme qui nous employait, un sexagénaire aussi sec que grand, qui nous avait permis de nous installer là le temps que l’on travaillerait pour lui. Du coup, cela nous permettait tout de même d’avoir un minimum de confort. Le soir, nous dormions en général à l’extérieur lorsque le temps nous le permettait. Je contemplais alors les étoiles, ne me lassant pas de les observer. Hayden m’avait surpris une fois et m’avait indiqué le nom de certaines d’entre elles. J’avais été impressionné par son savoir et depuis, chaque soir, allongés côtes à côtes, il m’apprenait le nom d’une nouvelle constellation, m’apprenant également à me repérer et retrouver mon chemin grâce aux étoiles.
A l’abris des regards indiscrêts, Hayden m’attendant patiemment à l’extérieur, j’achevais de me préparer. Ce soir, il y avait une fête au village et nous y avions été conviés. Du coup, après le travail, nous étions revenus à la grange histoire de faire un brin de toilette et de nous changer avant de nous y rendre.
Après avoir tant bien que mal attaché mes cheveux en demi-queue, n’ayant pas de mirroir pour vérifier l’état de ma coiffure, j’allais rejoindre Hayden. Lorsque je sortis, il eut un temps d’arrêt, me dévisageant avec surprise, comme s’il me voyait pour la première fois.
- Quoi ? Demandais-je, mal à l’aise sous son regard inquisiteur.
- Tu es beau ! Répondit-il simplement en me souriant tendrement.
Ne m’attendant pas le moins du monde à un tel compliment et encore moins venant de sa part, je ne pus m’empêcher de rougir, touché malgré moi par la sincérité exprimée par son regard et le son de sa voix.
- Je.. Euh… Merci, soufflais-je, gêné.
- Nous y allons ? Demanda-t-il alors, me tendant son bras, ignorant ma gêne.
Me prenant au jeu, j’attrapais son bras, marchant tout contre lui. Le trajet se fit en silence, les échos de la fête et les cris des enfants nous parvenant de loin dans la nuit qui tombait. Il nous fallut moins de cinq minutes pour arriver sur la petite place centrale du village. Un immense feu brûlait déjà, les enfants dansant autour en riant, au son d’une musique bien trop bruyante à mon goût.
Le début de la soirée se passa lentement et je commençais à m’ennuyer ferme. Un peu plus loin, Hayden discutait et riait avec des personnes dont il avait fait la connaissance un peu après notre arrivée et ne semblait que très peu se soucier de moi. Alors que je m’apprêtais à aller le retrouver pour l’informer de mon départ, un homme à la démarche houleuse et au rire gras, s’approcha de moi en titubant. S’asseyant à mes côtés, il demanda, me soufflant son haleine fortement imprégnée au visage, manquant de me faire vomir. Je risquais le coma éthylique rien qu’avec les vapeurs de son haleine…
- Salut ! Déclara-t-il en s’approchant un peu trop intimement de moi.
Ne souhaitant en aucun cas l’encourager, je me détournais de lui sans lui prêter la moindre attention. Seulement, au lieu de partir, il insita :
- Moi c’est Thomas ! Mais tu peux m’appeler Tom… Et tu es ?
- Pas intéressé ! Répliquais-je, cinglant, sans m’appercevoir qu’Hayden se trouvait dans mon dos.
- Allez mon mignon ! Minauda le pervers. Sois pas si farouche… Je suis certain que tu es beaucoup plus docile avec ton ami… Susurra-t-il, sa main se posant sur ma cuisse.
Le dégoût que je ressentis alors l’emporta sur mon indignation face à l’insulte qu’il venait de me faire. Alors que j’allais répliquer et repousser sa main, Hayden apparut brusquement devant moi, et attrapant mon prétendant indésiré par le col, il l’éloigna prestement de moi, déclarant d’une voix sourde et menaçante :
- Il t’a dit “non”, il me semble ! Alors tu n’insistes pas et tu dégages !
Tandis que le gros lourd allait répliquer quelque chose, Hayden le devança :
- Dégage je t’ai dis ! A moins que tu ne tiennes vraiment à m’énerver…
Avisant le regard hostile de mon garde du corps, le dénomé Thomas me toisa une dernière fois, comme pour me jauger, avant de finalement partir sans demander son reste. Se tournant alors vers moi, Hayden demanda, une trace d’inquiétude dépeinte sur le visage :
- Est-ce que ça va ? Il ne t’a pas touché ?
- Ca va ! Merci ! Le rassurais-je, touché par sa sollicitude. Dis, Hayden… Repris-je, un instant plus tard, hésitant.
- Tu veux danser avec moi ? Me coupa-t-il vivement, comme pour ne pas changer d’avis entre temps.
Ne m’attendant pas à une telle demande, je restais muet de surprise l’espace d’un instant. Puis, me reprenant, je lui adressais un sourire radieux, et lui tendis la main. Un sourire vint illuminer le regard de mon aîné et, à cet instant, le visage à moitié éclairé par les flammes, je ne pus m’empêcher de le trouver beau. Attrapant ma main, il m’aida à descendre de la table sur laquelle j’étais assis, et avec une courbette éléguante, il déposa ses lèvres sur la paume de ma main, me faisant rougir. Fier de son effet, il me sourit avant de me guider sur ce qui faisait office de piste de danse. Comme pour accueillir notre arrivée, la musique changea subitement, et un slow s’éleva dans les airs.
 Avec une certaine timidité, je plaçais ma main dans celle puissante d’Hayden, prenant sur moi pour ne pas rougir lorsqu’il passa son autre main au creux de mes hanches. Ancrant son regard au mien, il me sourit avec tendresse avant d’esquisser une premier pas. Gêné, je détournais les yeux, avant de me laisser entraîner par la danse.
- Tu es bien ? Murmura-t-il, après un temps indéterminé.
- Oui, soufflais-je en le regardant dans les yeux. Je suis bien…
Je reportais alors mon attention autour de moi, gêné de ma propre audace, observant les couples d’amoureux qui dansaient, tendrement enlacés. A mon plus grand embarras, je me surpris à les envier… Absorbé par mon observation, je ne vis pas Hayden approcher son visage du mien. Alors que je tournais la tête dans sa direction, je sentis subitement une douce chaleur humide se poser sur mes lèvres.
Surpris, j’esquissais un geste pour me reculer, ouvrant la bouche pour protester lorsque je sentis quelque chose se faufiler entre mes lèvres entrouvertes. Je réalisais alors entièrement ce qui se passait… Hayden me donnais mon premier baiser…
Jamais je n’aurai pu imaginer que cela puisse ressembler à ça. C’était doux, tiède et incroyablement tendre. Lorsque sa langue vint rencontrer la mienne et l’instant de surprise passé, je me laissais aller à fermer les yeux, galvanisé par la douceur dont il faisait preuve.
Bientôt, encouragé par sa tendresse et son autre main qui vint doucement se poser au creux de mes reins, j’abandonnais un peu de ma retenue. Timidement, ma langue se mit à répondre aux caresses délicates et sensuelles de mon aîné. Je me sentis alors envahi de sensations que je n’avais encore jamais éprouvées auparavant, ignorant même que de telles émotions puissent exister.
Ce ne fut que lorsque l’air vint à nous manquer qu’Hayden concentit à rompre notre échange. Le sentant s’éloigner de moi, je rouvris les yeux que je n’avais pas eu conscience de fermer et plongeais mon regard dans le sien, surpris de voir qu’il me souriait tendrement. Réalisant alors pleinement ce qui venait de se passer, je ne pus m’empêcher de rougir violemment. A cette vision, le sourire d’Hayden s’élargit et terriblement gêné, je détournais le regard. S’il fut amusé de mon comportement, il ne fit cependant aucun commentaire. Doucement, du bout des doigts, il m’effleura la joue avant de remettre une mèche de cheveux derrière mon oreille.
Prenant mon courage à deux mains, je lui fis de nouveau face avant de demander dans un souffle :
- Je… Je voudrais rentrer…
Pour toute réponse, Hayden me prit par la main et en silence, nous quittâmes la place où se déroulait la fête. Alors que le bruit de la musique s’éloignait, aucun de nous ne prononça le moindre mot et je finis par m’interrroger sur la raison qui avait poussée Hayden à m’embrasser. Pourquoi était-il aussi doux envers moi, me protégeant comme il l’avait fait, alors que quelques temps auparavant, il m’aurait tout simplement ignoré ? Pourquoi agissait-il ainsi avec moi ? Avant que je ne réalise entièrement ce que je m’apprêtais à faire, je demandais, brisant le silence apaisant de la nuit :
- Pourquoi est-ce que tu m’as embrassé ?
- Je… Commença-t-il, visiblement prit au dépourvu par ma question. J’en avais envie… Pourquoi ? Reprit-il après un court instant. Tu n’as pas aimé ?
A ces mots, je m’empourprais violemment, ne m’attendant pas à cette question :
- Je… Si, je… Euh…
- Tu veux réessayer ? Proposa-t-il, coulant sur moi un regard amusé dans lequel brillait une lueur que je ne parvint pas à identifier.
- Non ! Répondis-je, peut être un peu trop précipitamment, faisant rire mon vis à vis.
- Ne t’inquiète pas ! S’exclama Hayden entre deux éclats de rire. Je ne le referais pas si tu n’en a pas envie. Je suis désolé de t’avoir volé ce baiser, reprit-il en retrouvant son sérieux. Je sais que je n’aurai peut être pas du, mais…
- Mais ? Répétais-je, l’encourageant à poursuivre.
- Je me suis laissé emporté, je crois… Je ne te cacherais pas que je te trouve très beau, Gwendal ! Je n’ai pas résisté à l’envie de goûter tes lèvres…
Troublé par ces révélations, je m’empourprais violemment, le coeur battant à tout rompre dans ma poitrine. Pourquoi s’emballait-il ainsi ? N’osant pas le regarder, gardant délibérément les yeux rivés au sol, je déclarais dans un souffle :
- C’était…. C’était agréable…
- C’est le but recherché lorsque tu embrasses quelqu’un, sourit Hayden.
Je sentis son regard se poser sur moi, mais je ne relevais pas la tête, bien trop gêné.
- C’était ton premier baiser, n’est-ce pas ? Déclara Hayden en une phrase qui sonnait plus comme une affirmation que comme une interrogation.
- Oui, murmurais-je écarlate. C’était le premier…
- Alors tu m’en vois ravi ! Déclara-t-il, tout simplement. Et si tu as aimé, alors c’est encore mieux…
Au clin d’oeil entendu qu’il me lança, je ne pus m’empêcher de rougir davantage. Semblant deviner mon malaise, il mit un terme à la conversation et c’est en silence que nous arrivâmes à la grange. Une fois à l’intérieur, Hayden alluma la petite lampe à huile que notre employeur nous avait prêtée, illuminant la couchette de fortune que nous nous étions fait dans la paille, d’une faible lueur. Me débarassant de ma veste, j’attrapais mes affaires de toilette et mon pyjama avant d’aller me cacher derrière le parvent improvisé installé là pour notre intimité.
Une fois prêt, j’allais me coucher, m’allongeant sur le lit de fortune que nous utilisions de temps en temps. Avec le duvet d’Hayden, nous avions fait un matelas sur la paille et le mien nous servait de couverture.
Comme je m’y attendais un peu, Hayden ne prit pas la peine d’aller jusqu’au parvent, se changeant devant moi sans la moindre once de pudeur. A peine eut-il commencé à retirer son t-shirt que je me tournais de l’autre côté, lui tournant le dos. Il ne fallut pas longtemps à Hayden pour venir me rejoindre.
Là, contre toute attente, il vint se coller tout contre moi, me prenant dans ses bras, son corps puissant épousant les formes du mien. Etrangement, je ne cherchais pas à me défaire de son étreinte, profitant de la chaleur de son corps contre le mien, un étrange sentiment de sécurité s’emparant de moi. De bien être, je poussais un soupir de contentement et Hayden raffermit son étreinte autour de moi, collant davantage nos deux corps.
Je ne saurais dire combien de temps nous restâmes ainsi enlacés sans rien dire. Bientôt, je sentis le sommeil m’envahir et fermais les yeux lorsque je sentis quelque chose de dur dans mon dos.
- Hayden, soufflais-je en me tortillant, tu as quelque chose dans la poche qui me gêne…
- Arrête de bouger ! Gronda Hayden d’une voix étrangement rauque que je ne lui connaissais pas et qui me surpris.
- Mais… Protestais-je.
- Ca n’est pas dans ma poche ! S’exclama-t-il d’une voix sourde. Maintenant arrête de bouger !
Lorsque je compris ce qui se passait, je cessais aussitôt de me déhancher, mortifié, les joues brûlantes de gêne. Jamais encore je n’avais vécu pareille situation et je ne savais pas comment me comporter vis à vis de lui. D’où lui venait cette réaction ? Etait-ce moi qui l’avait provoquée ? Je ne savais que penser, ni que croire. Cette réaction… Etait-ce parce qu’il me désirait, comme il avait désiré Max et Julien ?
- Hayden… Appelais-je doucement.
- Dors, Gwen, soupira-t-il en se collant plus fermement contre moi. Ca va passer…
Le coeur battant, je me laissais cependant aller à fermer les yeux, tentant d’ignorer ma gêne. Finalement, je finis par m’endormir, bercé par la respiration calme et régulière d’Hayden, son souffle caressant délicatement ma nuque.
Le lendemain matin, je me réveillais en sursaut au son de la voix d’Hayden qui me secouait vivement :
- Gwen ! Réveille-toi ! Dépêche-toi, nous devons partir !
C’est le ton empressé de sa voix qui acheva de me réveiller. Lorsque j’ouvris les yeux, je pus voir Hayden penché au dessus de moi.
- Hmm… Marmonnais-je en étouffant un bâillement.
- Allez lève-toi, Gwen, nous devons partir…
- Partir ? Répétais-je, surpris, la voix enrouée par le sommeil.
- William vient de repartir… Selon lui, Margaret t’aurai reconnu… Elle a appeler la police…
- Oh non, soufflais-je, effrayé à l’idée de devoir retourner chez mon père. Je… Je ne veux pas y retourner Hayden…
- Je sais, déclara-t-il en me souriant. Allez, habille-toi, on s’en va ! J’ai déjà rassemblé toutes nos affaires…
D’un bon, je me redressais et attrapant les affaires qu’Hayden me tendait, je courais me changer. Cinq minutes plus tard, j’étais prêt. Hayden avait plié les duvets pendant que je me changeais et il ne restait plus aucune trace de notre passage. L’instant suivant, nous étions en route, coupant à travers la forêt. Au bout de cinq minutes de silence, je me tournais vers Hayden et gêné, je lui dis :
- Je… Je suis désolé, Hayden…
- Désolé ? Répéta-t-il, surprit. Mais de quoi ?
- Je… C’est à cause de moi que nous sommes obligés de partir précipitament… Et je… Je n’ai même pas eu le temps de dire au revoir à William.
William était notre employeur et accéssoirement, la seule et unique personne que j’appréciais vraiment dans cette ville.
- Ne t’en fait pas pour ça, Gwen, tenta de me rassurer Hayden en posa une main sur mon épaule. Si ça peut te rassurer, je commençais à me languir de reprendre la route… Quant à William, ne t’inquiète pas, tu le reverra…
- Je l’espère… Murmurrais-je, avant de m’enfermer à nouveau dans le silence.
C’est ainsi que nous reprîmes la route, le coeur lourd, mais intérieurement heureux de retourner sur les routes. Au fond de moi, je ne savais si j’aurai l’occasion de revoir William un jour et de le remercier pour sa gentillesse à mon égard, mais dans mon coeur, je sentais poindre une lueur que je n’avais encore jamais connue : l’espoir. Rassuré, un sourire venant étirer légèrement mes lèvres, j’emboitais le pas à Hayden, souhaitant mettre le plus de distance possible entre moi et cette ville qui avait faillit me voler ma nouvelle liberté.

 

A suivre…